Moliere II 5 Texte 2 LL
Moliere II 5 Texte 2 LL
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NB : quand Monsieur Diafoirus invite son fils à présenter ses compliments à Argan, la première réplique de
Thomas Diafoirus est présentée ainsi : « Thomas Diafoirus est un grand benêt, nouvellement sorti des
Écoles, qui fait toutes choses de mauvaise grâce et à contretemps. »
PROBLÉMATIQUE
Comment la satire des médecins se développe-t-elle dans cette tirade ? Un éloge paradoxal.
(bien mettre en évidence les ridicules du fils et du père, tous deux médecins stupides)
MOUVEMENTS DU TEXTE :
Ils suivent, après une captatio benevolentiae étonnante, la chronologie de la vie de Thomas Diafoirus :
1) captatio benevolentiae et petite enfance : l. 1 à 7
2) les débuts de sa formation : l. 7 à 12
3) une intelligence prometteuse... : l. 12 à 23
Monsieur, ce n’est pas parce que je suis son père, mais je puis dire que j’ai sujet d’être content de
lui, et que tous ceux qui le voient en parlent comme d’un garçon qui n’a point de méchanceté.
Monsieur Diafoirus s'adresse à Argan, et manifestement à lui seul, comme le montre l'adresse qui ouvre la
tirade.
VALORISATION DU FILS
Le jeu d'opposition manifeste un apparent souci d'objectivité, (négation de la prop de cause + conj de coord à
valeur d'opposition) tout en rappelant la filiation : implicite : si le père est bon médecin, le fils a de grandes
chances de l'être aussi.
D'abord satisfaction du père, valorisation du fils : apparente modestie dans la formulation contournée : je
puis dire que j’ai sujet d’être content de lui
puis élargissement : et que tous ceux qui le voient
second terme de l'éloge : en parlent comme d’un garçon qui n’a point de méchanceté
noter que le premier compliment se limite à une affirmation sans explication aucune : content pourquoi ?
noter que le second compliment repose sur une observation visuelle : ceux qui le voient : l'ont-ils vu agir,
l'ont-ils entendu parler ?
Formulation du second compliment sous forme négative : un garçon qui n’a point de méchanceté : il
porte sur un aspect du caractère de Thomas Diafoirus, pas sur ses compétences professionnelles.
Ses qualités semblent reposer sur ce qu'il n'a pas, sur ce qu'il n'est pas, et non sur ce qu'il a ou ce qu'il est
HYPOTHÈSE : ironie ? : absence de méchanceté = bêtise ? Père aveuglé ; fils idiot ?
Il n’a jamais eu l’imagination bien vive, ni ce feu d’esprit qu’on remarque dans quelques-uns ;
HYPOTHÈSE immédiatement confirmée : deux qualités sous forme négative, signes en réalité d'une
intelligence limitée :
négation (partielle) de la capacité d' imagination, renforcée par le recours à l'adverbe intensif bien
coordination : négation : absence d'intelligence : ni ce feu d’esprit qu’on remarque dans quelques-uns :
métaphore de la vivacité (sous forme négative) dans feu d’esprit ; personnage en rien extraordinaire : qu’on
remarque dans quelques-uns
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Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle :
MOLIÈRE, Le Malade Imaginaire, 1673
PARCOURS ASSOCIÉ : Spectacle et comédie
ŒUVRE INTÉGRALE LECTURE LINÉAIRE Acte II scène 5 : Monsieur Diafoirus, Thomas
Diafoirus, Argan, Angélique, Cléante, Toinette
mais c’est par là que j’ai toujours bien auguré de sa judiciaire, qualité requise pour l’exercice de
notre art.
Paradoxe : père visionnaire (j’ai toujours bien auguré), capable de discerner l'intelligence de son fils, sa
capacité de réflexion, de jugement (sa judiciaire) dans l'absence même d'intelligence : c’est par là que j’ai
toujours bien auguré : manifestement , le père est aussi aveugle que le fils est stupide
qualité requise pour l’exercice de notre art. : ironie de la valorisation : les notions de qualité et de
compétence professionnelle (l’exercice de notre art) seraient proportionnelles à la bêtise et du fils, et du
père...
Lorsqu’il était petit, il n’a jamais été ce qu’on appelle mièvre et éveillé.
Souvenir de la petite enfance sous le signe du manque d'intelligence : négation des adjectifs valorisants +
effet d’insistance « jamais »
On le voyait toujours doux, paisible, et taciturne, ne disant jamais mot, et ne jouant jamais à tous
ces petits jeux que l’on nomme enfantins.
Jeu d'opposition avec ce qui précède : « jamais / toujours » + énumération de qualités qui s'opposent à
celles de la phrase précédente : à l'énergie et à la curiosité s'opposent le calme (doux, paisible, et
taciturne), l'incapacité à parler (ne disant jamais mot), l'incapacité à jouer (et ne jouant jamais à tous
ces petits jeux que l’on nomme enfantins.) : répétition de jamais, jeu rythmique : les éléments de
l'énumération sont de plus en plus développés : moins il manifeste d'éveil ou d'énergie, plus les groupes
s'allongent ; jeux sonores : nasales voyelles et consonnes + allitération en [ʒ] (= j) et [z] : douceur, monotonie
On eut toutes les peines du monde à lui apprendre à lire, et il avait neuf ans, qu’il ne connaissait
pas encore ses lettres
un apprentissage (de ce que l'on appelle aujourd'hui l'un des fondamentaux (apprendre à lire)) extrêmement
laborieux : intensif et pluriel associés à la notion de difficulté (On eut toutes les peines du monde) ;
passivité de l'enfant perceptible à sa position de COS (à lui apprendre à lire) ; analphabétisme à un âge
inhabituel (et il avait neuf ans, qu’il ne connaissait pas encore ses lettres) : petit effet de suspense
comique assez cruel : la précision de l'âge laisse imaginer que c'est le moment où l'enfant va (enfin) savoir
lire, mais la proposition sub circ temporelle use une nouvelle fois d'une forme négative : négation de la
connaissance (qu’il ne connaissait pas encore ses lettres) et renforcement de l'infantilisation, avec
l'emploi du mots lettres (et non plus lire)
« Bon, disais-je en moi-même, les arbres tardifs sont ceux qui portent les meilleurs fruits ; on grave
sur le marbre bien plus malaisément que sur le sable ; mais les choses y sont conservées bien
plus longtemps, et cette lenteur à comprendre, cette pesanteur d’imagination, est la marque d’un
bon jugement à venir. »
ironie du contenu des pensées du père, au style direct :
une métaphore végétale : valorisation du retard de maturité avec le superlatif relatif de supériorité ( les
arbres tardifs sont ceux qui portent les meilleurs fruits) : affirmation en forme de vérité générale,
sagesse populaire, ancrée dans la nature
une comparaison minérale : opposition (marbre / sable) : solidité vs fluidité, labilité ; opposition, conj de
coord à valeur d'opposition (mais) construction parallèle avec intensif et comparatif (bien plus
malaisément / bien plus longtemps), affirmation en forme de vérité générale, sagesse qui repose sur
l'expérience des artisans/artistes : marbre, matériau noble idée de pérennité (on grave ; conservées)
et cette lenteur à comprendre, cette pesanteur d’imagination, est la marque d’un bon jugement à
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Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle :
MOLIÈRE, Le Malade Imaginaire, 1673
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venir. » : conclusion encore une fois paradoxale : deux défauts formulés explicitement (pour reformuler la
métaphore et la comparaison qui précèdent) synonymes de stupidité ; écho sonore ( cette lenteur / cette
pesanteur ) en opposition avec (un bon jugement) ; retournement paradoxale avec (la marque) : la
marque est une trace de ce qui précède, pas de ce qui est (à venir)
Lorsque je l’envoyai au collège, il trouva de la peine ; mais il se raidissait contre les difficultés, et
ses régents se louaient toujours à moi de son assiduité, et de son travail.
Période d'apprentissage scolaire (collège / ses régents = ses professeurs)
Rappel des difficultés d'apprentissage (il trouva de la peine / difficultés) + qualités liées à la volonté
d'apprendre, à l'effort (et donc non liées à la seule intelligence) (il se raidissait contre / son assiduité /
son travail)
Enfin, à force de battre le fer, il en est venu glorieusement à avoir ses licences ;
(Enfin) image de la difficulté à comprendre aisément : adverbe temporelle qui dit un résultat après une
longue durée
(à force de battre le fer) expression qui a le même effet (terme d'escrime qui signifie un long entraînement
- difficulté + longue durée + image d'un esprit qui manque de souplesse dans la métaphore figée du fer
(il en est venu […] à avoir ses licences) image de la durée et de l'accomplissement laborieux qui joue en
contraste ironiquement avec l'adverbe ( glorieusement )
et je puis dire sans vanité que depuis deux ans qu’il est sur les bancs, il n’y a point de candidat qui
ait fait plus de bruit que lui dans toutes les disputes de notre École.
Fausse modestie du père, dans l'expression atténuée (et je puis dire sans vanité) à l'évocation de ce qui
différencie son fils des autres étudiants, dans la comparative (il n’y a point de candidat qui ait fait plus de
bruit que lui dans toutes les disputes ( = dans tous les débats) de notre École) : noter que la dispute
(disputatio en latin) est un exercice universitaire qui consiste à opposer deux thèses adverses. Le globalisant
met en lumière le fait que la renommée du fils tient au fait qu'il est capable de soutenir n'importe quelle
thèse, quelle qu'elle soit (toutes les disputes), sans véritable conviction, donc. Il ne réfléchit pas
véritablement, il applique des procédés.
Il s’y est rendu redoutable, et il ne s’y passe point d’acte où il n’aille argumenter à outrance pour la
proposition contraire.
Cette affirmation confirme l'hypothèse précédente : il ne s'agit pas de réfléchir sur le fond mais de l'emporter
comme dans un combat (redoutable), par le recours à une forme d'excès (argumenter à outrance) , en
prenant systématiquement (il ne s’y passe point d’acte ) le contre-pied de l'idée proposée (argumenter à
outrance pour la proposition contraire.) Thomas Diafoirus brille peu par sa propre intelligence.
Il est ferme dans la dispute, fort comme un Turc sur ses principes, ne démord jamais de son
opinion, et poursuit un raisonnement jusque dans les derniers recoins de la logique.
Les qualités intellectuelles du fils semblent valorisées ( ferme / fort / ne démord jamais / poursuit +
lexique du débat dispute / principes / opinion / raisonnement ), mais travaillées par une critique sous-
jacente, qui le montre comme un être plus physique qu'intellectuel : comparaison qui dit la force physique
(fort comme un Turc) ; animalité dans la métaphore figée (ne démord jamais) et, dans la métaphore,
comme un être s'appuyant davantage sur l’obscurité que sur la clarté des idées (jusque dans les derniers
recoins de la logique)
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Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle :
MOLIÈRE, Le Malade Imaginaire, 1673
PARCOURS ASSOCIÉ : Spectacle et comédie
ŒUVRE INTÉGRALE LECTURE LINÉAIRE Acte II scène 5 : Monsieur Diafoirus, Thomas
Diafoirus, Argan, Angélique, Cléante, Toinette
Mais sur toute chose ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache
aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les
raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle, touchant la circulation du
sang, et autres opinions de même farine.
Qualité principale du fils : sa ressemblance avec son père (donc son incapacité à penser par lui-même) (et en
quoi il suit mon exemple) : noter la formulation hyperbolique (sur toute chose ce qui me plaît en lui)
lancée par le connecteur d'opposition (Mais) qui annonce le point culminant de l'éloge
Ressemblance qui repose sur la revendication :
de l'absence d'intelligence grâce à l’adverbe (c’est qu’il s’attache aveuglément)
du conservatisme en matière de médecine :
seule la médecine de l'Antiquité compte (c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions
de nos anciens = savants de l'antiquité gréco-romaine)
les théories modernes sont à rejeter : négation (discordanciel jamais placé au début : effet
d'insistance) des deux verbes et de leurs COD, qui exposent pourtant une démarche scientifique rationnelle,
disqualifiée par l'adjectif prétendues (jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les
expériences des prétendues découvertes de notre siècle)
découvertes de notre siècle, touchant la circulation du sang, et autres opinions de même farine.
Refus des avancées médicales : dévalorisation de la théorie de la circulation sanguine dans l'expression
généralement dévalorisante et méprisante (et autres opinions de même farine)
Pour mémoire :
Le médecin anglais William Harvey démontre, en 1628, la théorie de la circulation du sang Une série
d'expériences simples, ne nécessitant pas d'autre appareillage que des garrots placés en des endroits
judicieusement choisis du corps, lui permet de démontrer avec certitude comment ce système fonctionne
réellement. Cette théorie s'oppose à celle du médecin grec de l'Antiquité Galien (131-201), théorie du flux et
du reflux - admise jusqu'au XVIIIème siècle - selon laquelle le sang veineux avait son origine dans le foie et
le sang artériel dans le cœur.
Thomas Diafoirus, dans la réplique suivante, emploie le terme « circulateurs » pour désigner les médecins
d'accord avec la théorie de circulation sanguine de William Harvey. Il s'agit de la transcription du mot latin
circulator : charlatan.
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