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THESE
Pour obtenir le grade de
Sujet
Détermination du sexe chez le palmier dattier :
Approches histo-cytologiques et moléculaires
Le travail présenté ici a été réalisé en alternance entre l’IRD de Montpellier et le Centre d’étude
et de Recherche de Djibouti dans le cadre d’une thèse en alternance à l’Université de Montpellier
II dans l’école doctorale SIBAGHE à raison de 7 mois par an de présence en France. Elle est le
fruit d’une collaboration entre l’équipe « Biologie du Développement des Palmiers » de l’IRD et
l’Institut des Sciences de la vie du CERD.
Les travaux de la thèse ont été réalisés au laboratoire GeneTrop de l’IRD de Montpellier, au sein
de la Plateforme d’Histologie et d’Imagerie Cellulaire (PHIV) du CIRAD de Montpellier, au
laboratoire de microscopie électronique de l’UMR BGPI du CIRAD et au laboratoire de
biotechnologies végétales du ISV /CERD
Ce travail a été rendu possible grâce au soutien financier du Département Soutien et Formation
via les projets CORUS et JEAI Djibpalm ainsi du CERD et sans qui rien n’aurait été possible.
Je suis reconnaissant et exprime toute ma gratitude envers Mr Charlies Scutt, Chercheur CNRS
de Lyon, pour accepter de juger ce travail et d’en être rapporteur et de l’intérêt qu’il porte à
notre travail de thèse.
Je remercie infiniment à Mr Fred Stauffer, pour avoir accepté de participer à ce jury malgré
ses multiples charges et la distance qui nous sépare. Je lui suis très reconnaissant pour l’intérêt
qu’il porte à notre travail.
Je suis reconnaissant et exprime mes vifs remerciements à Mlle Hélène Adam, Chercheur dans
l’équipe palmier, pour sa contribution fructueuse en réalisant une partie déterminante de nos
travaux, l’hybridation in situ. J’ai été particulièrement honoré de l’intérêt qu’elle a porté, durant
toutes ces années, à notre sujet de recherche. Ses critiques constructives et ses suggestions
ont grandement contribué à l’aboutissement de ce travail.
Je suis reconnaissant et exprime mes vifs remerciement à Mme Françoise Monéger (ENS Lyon),
Mr Serge Hamon (Dir. UMR DIAPC) et Mr Jean-luc Verdeil (CIRAD) et Mr Alain Rival (CIRAD)
pour l’intérêt qu’ils ont porté à notre sujet de recherche lors des comités de thèse. Leurs
critiques constructives et leurs suggestions ont grandement contribué à l’aboutissement de ce
travail. Je remercie particulièrement Jean-luc pour m’avoir accueilli à la plateforme PHIV
(CIRAD)n pour acquérir les techniques d’immunodétection. Qu’il en soit vivement remercié.
Mes vifs remerciements et toute ma reconnaissance à Marc Lartaud (PHIV CIRAD) et Daniel
Gargani (UMR BGPI du CIRAD) pour leur précis appui technique durant les travaux de la thèse.
Je ne saurais oublier d’adresser mes vifs remerciements à mes collègues particulièrement Sabira
Abdoulkader, Adwa Abdou et Omar Osman pour leur soutien, leur encouragement et leur
convivialité. Je leur dois beaucoup et j’ai eu la chance de les avoir à mes côtés.
Ce travail a été réalisé avec l’aide précieuse d’une équipe de terrain efficace pour la recherche
et la dissection des palmiers que je tiens à remercier à Houssein Awaleh, Hassan ali, Idriss A.,
Abdoulkarim, Gawad, Nasser M., Mohamoud. W. du CERD.
Mes remerciements s’adressent au Commandant Mohamed Kayad, à Kassem Haissama,
Mohamed Ali et Faysal Abdoulgalil pour leur permission à échantillonner dans leurs palmeraies
et à Mathieu Gonin pour sa participation à l’acquisition des résultats de l’étude de la méthylation.
Soyez assurés de ma reconnaissance.
J’adresse mes vifs remerciements et exprime toute ma gratitude à Mr Alain Borgel, Directeur
du centre IRD de la Réunion, un homme engagé pour la vocation Sud de l’IRD, de m’avoir fait
découvrir l’IRD pour la première fois et de tout l’intérêt qu’il porte à ce travail ainsi qu’au projet
de développement du palmier à Djibouti.
Mes remerciements tous les membres de l’équipe « Palmiers », Nathalie Chabrillange, Jean-
Christophe Pintaud, Stéfan Jouannic,Thierry Beule, Pascal Ilbert, Tim Tranbarger, Estelle
Jaligot Sylvie Doulbeau, Frédérique Richaud, Isabelle Herault, Virginie Champion, pour la
bonne entente et leur collaboration durant toutes ces années passées à l’IRD.
Mes remerciements s’adressent également aux collègues et amis du Centro Studi e Ricerche per
le Palme – Sanremo (Italie), Messieurs Robert Castellana et Claudio Littardi pour leur soutien et
l’intérêt qu’ils ont porté à ce travail.
Dans ce même registre, je remercie infiniment Monsieur Yves Duval, Directeur du centre de
l’IRD de Montpellier pour l’intérêt qu’il a porté au programme Palmier dattier de Djibouti et le
soutien qu’il n’a cessé d’apporter à notre projet de thèse.
Je ne saurais finir sans adresser mes remerciements aux collègues et amis du réseau Réseau «
AUF-Dattier » : Pr. Nadia Bouguedoura et Djamila Chabane de l’USTHB d’Alger, Michel Ferry
(Dir. Station Phoenix d’Elche), Djibril Sané (Maître de conférence UCAD), Mohamed Ould
Kneyta, Salwa Zehdi, Feu Mokhtar Triffi, Emira Cherif, et pour leur soutien et l’intérêt qu’ils
ont porté à ce travail. Dans l’espoir que ces résultats contribueront à l’avancement de leur
programme de recherche sur le palmier dattier.
Mots clés : Palmier dattier - fleur - détermination du sexe - arrêt des divisions – méthylation
d’ADN
Abstract
The date palm (Phoenix dactylifera L.) is a dioecious tropical fruit crop plant which has vital
dietary, socio-economic and ecological importance in arid regions of the world. Despite the
interest of developing molecular tools to discriminate male and female plants for the benefit
of biodiversity preservation and genetic improvement programs, no sex-specific markers have
been identified and validated to date. To study and understand the sex determination of date
palm, we undertook to characterise the cellular and molecular processes underlying sex organ
differentiation in this plant.
A histological study of date palm reproductive development showed that the immature flower
is bisexual in appearance until the initiation of the androecium and gynoecium. The first sign
of sexual dimorphism is observed at this stage, namely a wider gynoecium in female flowers
resulting from greater mitotic activity in the functional gynoecium of female flowers
compared to the pistillode of male ones. The sterile sex organs (pistillode and staminodes)
were observed to cease their development by progressive loss of cell proliferation and
ultimately displayed incomplete differentiation.
Cell division patterns and the nuclear integrity of reproductive organs were investigated
respectively by RNA in situ hybridization to a histone H4 gene probe and by DNA coloration
combined with scanning electron microscopy. The results obtained revealed an absence of cell
cycle activity and nuclear degradation in the residual sex organs. In addition, a study of DNA
methylation, by immunodetection of methylated cytosines revealed that compared to the
fertile reproductive organs, staminodes and pistillodes displayed relatively high levels of
global DNA methylation. These results are consistent with the observed reversibility of sterile
organ developmental arrest observed in planta or in vitro in response to hormonal induction.
Overall, these data demonstrate that the floral unisexuality of date palm is characterized by
cell cycle arrest, higher DNA methylation in sterile sexual organs and an absence of cell
degeneration rather than a cell death process. This study has improved our understanding of
the mechanisms that govern the differentiation of sex organs and forms a useful starting point
for research on the identification of molecular markers of sex determination in date palm.
Kewords: Date palm - flower - sex determination - cell cycle - DNA methylation
Introduction générale
Contrairement au règne animal dont les espèces présentent majoritairement des organes
sexuels séparés, la plupart des plantes à fleurs sont hermaphrodites et produisent à la fois des
organes sexuels mâles et femelles (étamines et carpelles) au sein de la même fleur.
Cependant, certaines espèces végétales (10%) montrent une séparation physique entre les
organes reproducteurs mâles et femelles, soit dans des fleurs séparées sur la même plante
(espèces monoïques), soit sur des plantes distinctes (espèces dioïques) (Ainsworth, 2000).
L’intérêt principal de cette séparation des sexes est de promouvoir l’allogamie, favorisant
ainsi le brassage génétique et l’hétérosis, ce qui constitue un avantage adaptatif.
Dans ce contexte, deux intérêts d’ordre fondamental et agronomique justifient notre choix
d’étudier la détermination du sexe chez le palmier dattier (Phoenix dactylifera L.).
En premier lieu, le palmier dattier pourrait apporter des informations originales sur l’étude de
la détermination du sexe. Il appartient à un genre composé uniquement d’espèces dioïques, ce
qui suggère l’existence d’un ancêtre commun dioïque. De plus, dans l’arbre phylogénétique
des palmiers, les Phoenix s’ancrent dans des taxons hermaphrodites, ce qui suggère que dans
ce genre la dioécie aurait évolué à partir de l’hermaphrodisme (Weiblen et al., 2000). De plus,
cette dioécie aurait été acquise par les espèces très anciennement, car des fossiles de fleurs
mâles de Phœnix présentant un dimorphisme floral très prononcé ont été identifiés dans des
sédiments du Miocène moyen, soit il y a 50 millions d’années. Cela suggère une
spécialisation importante des caractères sexuels primaires et secondaires de la famille des
Arécacées en général et du genre Phœnix en particulier.
La seconde motivation est d’ordre agronomique. Le palmier dattier est une espèce pérenne
cultivée depuis la haute antiquité qui joue un rôle capital sur le plan socio-economique. Vu
que le palmier dattier est la seule espèce à pouvoir offrir à la fois production des fruits et la
protection contre les sécheresses dans des contrées les plus arides, tout en résistant aux
variations climatiques, l’Etat djiboutien a initié un projet d’envergure de développement de la
phoeniciculture. Ce projet comprend la sauvegarde et l’extension de la culture du palmier
dattier dans tout le pays. Il s’inscrit dans le cadre de l’initiative nationale de sécurité
alimentaire et de lutte contre la pauvreté rurale. Pour la réussite de ce projet, l’Etat djiboutien
a doté l’Institut des Sciences de la Vie (ISV) du Centre d’étude et de recherche de Djibouti
d’un laboratoire de biotechnologies végétales. Les principales missions de ce laboratoire sont
la sélection et la multiplication des palmiers dattiers présentant des caractéristiques
d’adaptation aux conditions édapho-climatiques du pays (sécheresse, contraintes hydriques,
salinité des eaux et des sols), la caractérisation, la conservation et la valorisation de la
diversité génétique, et l’amélioration du germplasm phoenicicole djiboutien. Une amélioration
de nos connaissances sur la biologie de cette espèce, de ses caractéristiques botaniques et de
son cycle phénologique s’avère indispensable. Cependant, l’un des freins à la mise en place
de programmes de sélection de palmiers dattiers résistants aux stress biotiques et abiotiques
est la durée du cycle de reproduction de la plante. En effet, le palmier dattier est une espèce
dioïque et les inflorescences mâles et femelles sont portées par des individus distincts. Une
période de 5 à 8 ans est nécessaire pour obtenir la première floraison et connaitre le sexe des
plants. Etant donné qu’une descendance est composée autant d’individus mâles que femelles,
et que seuls les pieds femelles produisent des fruits, une identification précoce du sexe chez le
palmier dattier s’avère indispensable pour éliminer les plants mâles excédentaires et ouvrir
ainsi de nouvelles perspectives pour les programmes d’amélioration génétique de cette
espèce.
INDEX DES SIGLES ET ABREVIATIONS
ANNEXE 1 : Différentes conditions hormonales pour les essais de culture in vitro des fleurs mâles
de palmier dattier.
ANNEXE 2 : Article Daher et al., 2010
SOMMAIRE
A. ETAT DES NOYAUX DES CELLULES DES ORGANES FERTILES ET STERILES ..................................................................... 112
B. INTEGRITE DES ORGANITES INTRACELLULAIRES DES CELLULES DES ORGANES FERTILES ET STERILES .... 114
II. L’ARRET DES DIVISIONS CELLULAIRES DANS LES ORGANES SEXUELS STERILES ..... 119
A. ARRET DES DIVISIONS DANS LES PRIMORDIA DES STAMINODES DE LA FLEUR FEMELLE .......................... 119
B. ARRET DES DIVISIONS DANS LES PRIMORDIA DES PISTILLODES DE LA FLEUR MALE ................................ 120
I. Le palmier dattier
A. La présentation de la plante
Le palmier dattier (Phoenix dactylifera L.) est une plante pérenne de la famille des Arecaceae
(figure 1). Cultivé depuis plus de 4000 ans, le palmier demeure une ressource vitale dans les
zones arides et semi-arides du globe. Il fut propagé en dehors de son aire de culture non
seulement pour ses fruits mais aussi pour ses intérêts culturels et ornementaux.
La première description du palmier dattier est le fruit du travail du botaniste suédois Linné
qui, en 1753, attribue le nom botanique de Phoenix dactylifera (Munier, 1973). Son nom de
genre Phoenix dérive de phoinix, nom donné à cette plante par les grecs de l’antiquité qui le
considéraient comme l’arbre des phéniciens (un peuple à la peau de couleur rouge foncé, de
tradition phoenicicole et originaire du pays de Pount ou corne de l’Afrique). Une autre origine
du nom de Phoenix fait allusion à un oiseau mythique égyptien, le phénix, qui renaît de ses
cendres après l’incendie, comme se régénère le palmier après le passage d’un feu
(Ouennoughi et al., 2005). Son nom d’espèce dactylifera comprend les mots latins dactilus
signifiant doigt par référence à la forme des fruits semblables à des doigts et fera signifiant
« je porte ». Cette appellation fait référence aux phéniciens, porteurs de dattes, qui auraient
participé à la diffusion de la culture du palmier dattier au sein de la Mésopotamie.
Le palmier dattier est le nom commun en français de cette plante. Il est aussi appelé nakhil en
arabe, timir en afar et en somali (en référence au nom du fruit).
B. L’origine
L’origine géographique précise du palmier dattier parait très controversée. Elle fait l’objet de
plusieurs hypothèses. Selon Munier (1973), le palmier dattier résulterait de l’hybridation de
plusieurs types de Phœnix et sa domestication aurait eu lieu dans la région orientale du
Sahara. Cependant, des travaux de Zohary et Hopf (1988) ont rapporté l’existence d’un
ancêtre sauvage du palmier dattier, qui serait localisé dans la région méridionale chaude et
sèche du Proche Orient, au Nord Est du Sahara et au Nord du désert d’Arabie. Des travaux
plus récents ont montré que le palmier dattier proviendrait de la domestication d’une
population sauvage de la même espèce (Pintaud et al., 2010). Sur la base d’études
1
archéobotaniques, la domestication du palmier dattier remonterait vers 6000 ans avant J.C.
dans la région du Golf Persique comme témoignent des fossiles de graines trouvées dans la
région de Dalma aux Emirats (Newton et al, 2008). Cette domestication serait associée à la
naissance des premières civilisations agricoles du croisant fertile, entre la Mésopotamie et
l’Egypte, vers 4000 ans avant JC. Depuis ce lieu d’origine, la culture du palmier dattier s’est
étendue vers l’Est et vers l’Afrique orientale (XVe siècle) et du nord (XIe siècle). Dès le XXe
siècle, le palmier dattier est introduit en Amérique et en Australie. Sa propagation s’est
effectuée en suivant plusieurs voies : par les navigateurs arabes, par la colonisation et par les
anciennes transactions commerciales où les dattes étaient utilisés comme monnaie d’échange
(Ouennoughi et al., 2005).
2
Figure 1 : Un palmier dattier en fructification
3
C. Systématique
1. Le genre Phoenix
4
2. Les espèces de Phœnix
Le genre Phoenix comprend 12 espèces botaniques reparties depuis l’Asie du Sud (Indonésie,
Philippines) jusqu’aux îles Canaries en passant par la Chine, l’Inde, le Moyen-Orient et
l’Afrique (Dransfield et al., 2008 ; Moore 1973). Kaci-Aissa Benchaba (1988) a proposé de
ramener le nombre d’espèce à 12 compte tenu des fortes similitudes constatées entre plusieurs
espèces d’appellations différentes, comme P. canariensis et P. atlantica. La confusion sur le
nombre exact d’espèces réside non seulement dans la difficulté de distinguer les espèces entre
elles, mais également dans le fait que tous les Phœnix possédant 36 chromosomes peuvent
s’hybrider très facilement entre eux (Kaci-Aissa Benchaba, 1988 ; Munier, 1973). Ainsi, il a
été rapporté l’existence de nombreux hybrides naturels ou effectués intentionnellement : c’est
le cas de Phoenix dactylifera L. x Phoenix reclinata Jacq. (Sénégal) ; Phoenix dactylifera L. x
Phoenix canariensis B. Chab. (Algérie, Maroc).
5
D. Botanique
Le palmier dattier est une monocotylédone arborescente considérée comme une herbe géante
pour ses caractéristiques morphologiques. On distingue quatre parties : le stipe, les racines, les
feuilles et l’appareil reproducteur (figure 2).
1. Le stipe
Le stipe du palmier dattier est un axe orthotrope monopodial et cylindrique issu du méristème
apical de l’embryon zygotique, dont l’activité végétative est indéfinie durant toute la vie de la
plante (figure 2). Ce seul bourgeon terminal (apex ou phyllophore) assure la croissance de
plante. La hauteur du stipe augmente avec l’âge et peut atteindre plus de 30 m. Le stipe est
constitué d’un parenchyme amylifère dans lequel les faisceaux vasculaires sont distribués de
façon dense dans la région corticale lignifiée et plus lâche dans la région centrale
(Bouguedoura, 1991). Ces faisceaux sont entourés d’un tissu fibreux assurant souplesse et
résistance au tronc. Le diamètre du tronc est établi grâce à la présence dans la zone apicale
d’un méristème épaississeur primaire qui est responsable non seulement de son élargissement
mais aussi de l’épaississement des feuilles et de l’allongement des entrenœuds (Bouguedoura,
1991). Le méristème épaississeur fonctionne durant les premières années de la vie du jeune
arbre puis cesse de proliférer. Le stipe a atteint alors son diamètre définitif tout en
s’allongeant vers le haut. Du fait de cette absence d’épaississement en largeur avec le temps,
les palmiers ne forment pas de véritables troncs contenant du bois mais des tiges géantes. Le
diamètre moyen du stipe adulte est d’environ 60 cm, mais il peut présenter des zones de
rétrécissements, conséquences d’une perturbation de la croissance suite à une période de
sécheresse ou de froid (Munier, 1973).
Le stipe du palmier dattier demeure droit et élancé, avec une couronne de feuilles à son
sommet. Il présente également des ramifications axillaires d’ordre I situées principalement à
sa base et très rarement en hauteur. Les ramifications de base sont appelés rejets et celles en
hauteur gourmands. Les gourmands ont un développement limité et une floraison très
difficile, alors que les rejets présentent une croissance indéfinie et peuvent fleurir et produire à
leur tour de nouvelles ramifications basales. Ainsi, la morphologie du palmier dattier peut être
représentée par le modèle architectural de TOMLINSON (figure 3).
6
2. Les feuilles
3. Les racines
Le système racinaire du palmier dattier est de type fasciculé - disposé en faisceaux de racines
très peu ou pas ramifiées – (figure 6). On distingue trois types de racines selon leur
profondeur et leur fonction :
- Les racines respiratoires: localisées au pied de l’arbre, elles comprennent les racines
aériennes adventives (0 à 150 cm au dessus du sol) et les racines de la couche superficielle du
sol (0 à -20cm). Munies de nombreuses structures aérifères, ces racines jouent un rôle
7
Figure 3: Modèle architectural de TOMLINSON
A B C
Figure 4 : Différents types de feuilles produites par le palmier dattier au cours de son cycle de
développement. a : feuille juvénile, b : feuille semi juvénile, c : feuille adulte ou palme
(d’après Bouguedoura, 1991)
E. Le cycle de développement
Le développement du palmier dattier se caractérise par trois phases distinctes (figure 7):
- une phase juvénile : durant ses 2 premières années, la plante porte des feuilles
juvéniles sans produire des bourgeons axillaires
- une phase végétative : de la 3ème année jusqu’ à l’apparition de la première floraison.
Chez un plant issu de semis, la première floraison peut survenir entre la 5ème et la 8ème
année de plantation alors que, chez un vitroplant, elle est beaucoup précoce et se
produit dès la 4ème année, après émission d’une dizaine de palmes actives. Les
palmiers portent des feuilles adultes à l’extérieur et des feuilles juvéniles au niveau de
l’apex. Les feuilles adultes portent à leur aisselle une production très hétérogène de
bourgeons axillaires de type stérile (figure 8a) et de type végétatif (figure 8b) à
l’origine des rejets et des gourmands.
- une phase reproductive qui s’étend de la première floraison jusqu’à la fin de la vie de
la plante. La majorité des palmes photosynthétiques portent des bourgeons axillaires
inflorescentiels. Quelques rares bourgeons végétatifs fonctionnels (rejets ou
gourmands) peuvent être produits.
L’ensemble des bourgeons axillaires dérivent d’un bourgeon indéterminé, structure originelle.
Ce bourgeon indéterminé issu d’un méristème d’ordre II présente un haut potentiel
morphogénétique. La présence de ces différents types de bourgeons dépend de l’âge la plante
9
Figure 6 : Différents types de racines rencontrées chez le palmier dattier (d’après Peyron,
2000)
Figure 7: Schéma illustrant les différentes phases du cycle développement du palmier dattier
(d’après Bouguedoura, 1991). R : réjet ; G : gourmand ; I : inflorescence ; BI : bourgeon
inflorescentiel ;
10
et des conditions d’environnement. Le ratio bourgeons végétatifs / bourgeons inflorescentiels
décroit avec le vieillissement du palmier (Ferry, 2003; Jahiel,1996,).
F. L’appareil reproducteur
Le palmier dattier commence à fleurir après une longue phase juvénile, entre 5 et 8 ans après
la germination des graines dans des conditions de culture favorables. La floraison est
généralement annuelle et dure durant toute la vie de la plante. Les organes reproducteurs ou
inflorescences naissent du développement des bourgeons axillaires situés à l’aisselle des
palmes adultes. les inflorescences mâle et femelle de palmier dattier (figure 9), dont la
longueur peut atteindre plus de 1m, sont composées d’un axe, la hampe ou (d’un point de vue
botanique) le rachis, sur lequel sont insérés de nombreux épillets (rachillae) portant des fleurs
sessiles (sans pédoncules). L’ensemble est enveloppé dans une grande bractée ligneuse ou
spathe qui s’ouvre à maturité, permettant l’épanouissement de l’inflorescence.
Le palmier dattier est une espèce dioïque car les inflorescences mâles et femelles sont portées
par des individus différents. Avant l’ouverture, la forme des spathes permet de reconnaitre le
sexe des inflorescences. Les spathes mâles (figure 9b) demeurent plus courtes et plus renflées
que les spathes femelles (figure 9a). Les fleurs mesurent environ 50 mm et se distinguent, à
maturité, par leur forme et leur couleur. Les fleurs mâles ont une forme légèrement allongées
et de couleur blanche ivoire persistante. A maturité, elles attirent de nombreux insectes,
particulièrement les abeilles. Les fleurs femelles, inodores, se caractérisent par leur forme
globulaire et leur couleur entre l’ivoire et le vert clair, laquelle s’estompe après l’ouverture
des spathes.
L’agencement des pièces florales est conforme à l’organisation trimérique des
Monocotylédones (figure 10):
- Fleur mâle : trois sépales, trois pétales, 2 verticilles de 3 étamines et 3 pseudo-carpelles ou
pistillodes
- Fleur femelle : trois sépales, trois pétales, 2 verticilles de 3 staminodes et 3 trois carpelles.
11
Figure 8: bourgeons axillaires d’une palme adulte. A : bourgeon stérile, B : bourgeon
végétatif
A B
12
G. La pollinisation
La pollinisation est effectuée soit naturellement par le vent ou les insectes1 dans les jardins
oasiens familiaux et dans les palmeraies spontanées, soit artificiellement par les exploitants
qui placent quelques épillets de fleurs mâles (1 à 12) au sein des épillets femelles (figure 11)
(Enaimi et Jafer, 1980). Dans les plantations industrielles, la pollinisation est mécanisée
(poudre de pollen diluée avec du talc ou de la cendre de bois tamisé afin d’améliorer la
nouaison (Monciero, 1954, 1961 ; Ben-Abdalla, 1990).
A l’ouverture des spathes, le pollen des fleurs mâles est mature et peut se conserver pendant
plusieurs années, à condition que l’on garde dans un endroit sec, frais et à l’abri de la lumière
afin de préserver la qualité de son pouvoir germinatif.
Des études de pollinisation ont montré l’absence d’incompatibilité pollen / carpelle chez le
palmier dattier (Ben-Abdalla, 1990 ; Leroy, 1958). Cependant, tous les pollens n’ont pas la
même capacité de fécondation. Le pourcentage de nouaison dépend de la qualité du pollen, du
cultivar et des conditions de température et d’humidité régnant lors de la pollinisation. La
nouaison est maximale (90 à 100%) lorsque la pollinisation est effectuée dès l’ouverture de la
spathe femelle. Elle décroit ensuite car la réceptivité des fleurs femelles est limitée à une
semaine au maximum (Leroy, 1958).
La fructification
La fleur femelle fécondée évolue en fruit, les dattes (figure 12). Au cours de cette évolution
vers la maturité, le jeune fruit passe par des stades distincts dont les caractéristiques sont
sommairement résumées dans le tableau 2.
1
Le palmier dattier a toujours été cité comme plante présentant une pollinisation entièrement anémogame.
Cependant, nous avons constaté que de nombreuses abeilles viennent envahir les inflorescences mâles dès
l’éclatement jusqu’à l’épuisement du pollen en deux jours. Il n’existe pas de caractère évident d’anatomie
florale caractéristique de l’entomogamie, contrairement à beaucoup d’espèces de palmier (Uhl, 1977).
L‘importance de cette entomogamie putative reste à évaluer chez le dattier.
13
pistillodes
Figure 11 : Pollinisation des fleurs femelles dans une palmeraie de Djibouti. A : pollinisation
manuelle ; B : épillets mâles placés au sein de l’inflorescence femelle.
14
Tableau 2 : Caractéristiques de chaque stade de développement de la datte
15
Selon les cultivars et les conditions climatiques, la durée de fructification est de 120 à 200
jours (Munier, 1973). Durant cette période, l’obtention des dattes matures exige une quantité
importante de chaleur (ou indice thermique2) et une hygrométrie basse.
La datte ou fruit mature est une drupe avec un mésocarpe charnu et fibreux entourant la graine
(figure 13). Elle sera d’autant plus appréciée et recherchée que le rapport de la chair sur la
graine est élevée et que sa maturation se produit plus tôt : ces critères d’intérêt agronomique
sont fortement tributaires de la métaxénie3 ainsi que des conditions climatiques de
fructification (Nixon, 1934).
Il est possible de rencontrer des dattes sans graine (dattes parthénocarpiques) qui résultent de
la transformation de la fleur non fécondée. Les dattes parthénocarpiques (trois carpelles
développées) sont très fragiles et ne présentent aucune valeur commerciale, du fait qu’elles
atteignent difficilement le stade Tamar. Les phoeniciculteurs ne leur accordent donc que peu
d’intérêt.
Des analyses physico-chimiques effectuées sur la datte mature montrent que la pulpe ou chair
se compose (Estanove, 1990) :
- d’eau : 5 à 40 %
- de sucres réducteurs (glucose et fructose) ou non réducteurs (saccharose) : 50 à 95%
- et autres constituants (protéines, lipides, vitamines, fibres, et sels minéraux) : 2 à 35 %
Selon la teneur en eau et les proportions sucres réducteurs/sucres non réducteurs, on distingue
quatre classes de dattes de qualité différentes (figure 14). Ces variations de qualité de dattes
sont à mettre en relation aux différentes variétés ainsi que leurs provenances ou origines
géographiques.
Le palmier dattier est cultivé sur une vaste zone s’étendant du 44° parallèle Nord (SanRemo,
Italie) jusqu’à 33° Sud (Petrabore, Australie). L’aire de prédilection du palmier dattier se situe
principalement entre le 24° et le 35° Nord. Sur un patrimoine phoenicicole couvrant 1 264
611 ha, environ 98 % (soit 1 257 649 ha) correspondent aux zones arides et semi-arides
d’Asie (67 %) et d’Afrique (31 %) (figure 15). Ces régions sont composées essentiellement de
2
Indice de chaleur correspond à la somme des températures journalières moyennes pendant la période de fructification.
Elle est variable selon le cultivar et les régions du monde (Munier, 1973).
3
La métaxénie correspond à l’effet direct du pollen sur le développement de la datte (forme, grosseur
(pulpe/noyau), couleur) ainsi que sur la précocité ou le retard de sa maturation.
16
Figure 14 : Classification des dattes selon leur teneur en eau et en sucres (d’après Estanove,
1990). Plus la datte est grosse et plus elle contient de saccharose, meilleure est sa qualité. S :
saccharose, G : glucose, F : fructose.
17
pays arabo-musulmans (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats, Iran, Iraq, Kuwait, Oman,
Pakistan, Yémen, Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Tunisie) lesquels se partagent la majeure
partie de la production mondiale des dattes (estimé à 7 millions de tonnes en 2008). Les pays
du Moyen-Orient et d’Asie mineure totalisent 67 % de la production totale suivi des pays
d’Afrique du Nord avec 36 %, c’est une production à caractère traditionnelle et culturelle
(Figure 15 ; Faostat, 2008).
Le palmier dattier est cultivé à moindre degré dans d’autres régions désertiques d’Afrique
notamment au Sahel, région sub-saharienne allant de Sénégal à Djibouti. La limite
méridionale de l’aire de culture en Afrique serait située vers la Namibie et l’Afrique du Sud.
Dans toutes ces régions intertropicales, la culture du palmier dattier est présente sous forme de
peuplements oasiens caractérisés par une faible productivité.
Le palmier dattier se rencontre :
- En Amérique principalement aux Etats-Unis (Californie, Arizona, Texas) et au
Mexique, au chili et au Perou
- En Australie (au Queensland, Northern Territory)
Dans ces régions, la création récente de grandes plantations de dattier est
exclusivement à vocation commerciale.
- En Europe, particulièrement en Espagne (Elche) et Italie (Bordighera, SanRemo).
Dans ces régions, la culture du palmier dattier est marginale (hormis en Israël où
existent des plantations industrielles). Les dattes ne murissent pas ou partiellement à
cause des conditions climatiques inférieures au seuil de coefficient thermique
nécessaire pour la maturation. Ainsi le dattier est plutôt cultivé comme plante
ornementale et est associée à des pratiques religieuses ou traditionnelles
I. La consommation
L’essentiel de la production mondiale est consommé par les pays producteurs, qui constituent
ainsi le principal marché de la datte. Les niveaux de consommation varient très largement
d’un pays à un autre. Ce sont les pays du Moyen-Orient qui enregistrent la plus forte
consommation, suivi par l’Afrique du Nord et quelques pays sahéliens.
Les dattes sont préférentiellement consommées à l’état naturel dans 90% des cas et le reste
(10%) est consommé après transformation en sirop, farines, gâteaux, etc.… (Chetto et al.,
2005). Le pic de consommation se situe aux moments festifs notamment le Ramadan, les fêtes
religieuses, les festivités et lors de la récolte des dattes (Chetto et al., 2005).
18
Figure 14 : Répartition géographique du palmier dattier (d’après Branton et Blake, 1989)
19
J. Les multiples intérêts socio-économiques et culturels
1. Intérêt agro-écologique
Le palmier dattier s’est adapté aux conditions extrêmes des régions chaudes et arides du
globe. Selon le vieil adage arabe, « le palmier vit le pied dans l’eau et la tête au feu du
soleil ». Avec un maximum d’activité végétative se situant autour de 38°C, il ne produit des
fruits que lorsqu’il reçoit suffisamment d’eau. Le palmier s’accommode de sols très pauvres
mais à condition qu’ils soient suffisamment drainants pour limiter la toxicité des sels comme
les chlorure de sodium ou de magnésium. A noter que le palmier dattier peut tolérer jusqu’à
15 g/l de chlorures de sodium, au-delà il dépérit et ne produit plus.
Force est de constater que cette espèce, par sa faible exigence en ressources hydriques, et en
terre fertile, pousse là où d’autres espèces ne peuvent se développer. De plus, il crée en
dessous de lui un microclimat autorisant le développement des cultures sous-jacentes. Dans
les oasis où la disponibilité en eau et terres arables est satisfaisante, on peut observer une
stratification des cultures en trois étages : en hauteur les palmiers dattier puis les arbres
fruitiers et enfin les cultures basses (céréales et maraîchage). Ainsi, le palmier constitue
l’ossature de l’écosystème oasien de régions arides.
2. Intérêt socio-économique
Le palmier dattier produit annuellement des dattes, fruits mielleux qui constituent l’aliment
vital pour les populations du désert. Sa haute valeur énergétique (300 Kcal, 5 fois l’orange et
4 fois le raisin), sa richesse en fibre, en minéraux et en vitamines (A, B) font de la datte un
aliment d’un grand intérêt nutritif. Sur le plan pharmaceutique, les dattes pourraient être
utilisées comme calmants contre les insomnies et les ballonnements. Des suspensions de
pollen de palmier dattier sont traditionnellement utilisées contre l’infertilité masculine dans
l’ancienne Egypte dans les contrées du Golfe persique (Belmanpour et al, 2006).
Le palmier dattier fournit aux oasiens en complément de cheptel, une gamme très large de
produits vitaux. En effet, toutes les parties de la plante sont valorisées (tableau 3.).
20
Tableau 3 : Différentes utilisations des fruits et sous-produits du palmier dattier
3. Intérêt culturel
Le palmier dattier a bénéficié auprès de générations successives d’hommes, de beaucoup
d'admiration, d'estime et de louanges. En terre d’Islam, le palmier dattier jouit d’une
considération singulière. Il est l’ami sincère de l’homme, son allié et son compagnon de tout
le temps lors que tous les autres végétaux s’éclipsent devant l’immense agressivité de
l’environnement. Le palmier demeure un don du ciel, un arbre béni. Ses fruits sont la denrée
la plus convoitée par les jeûneurs pour son caractère sacré et pour sa valeur nutritionnelle.
Dans la Bible, le palmier dattier est riche de bénédictions divines. C’est ainsi qu’on rapporte
que l'enfant chrétien portant dans sa septième année un collier de sept noyaux de dattes
enfilées sur un fil rouge ne sera jamais victime d'injustice tout au long de sa vie. Enfin, le
palmier dattier est sans conteste l'un des supports les plus importants du symbolisme. Il est
l'image naturelle de la solidité et de la force et de la victoire. Il constitue un signe de
reconnaissance social et un facteur déterminant de l’identité oasienne.
4. Intérêt économique
Les dattes constituent la principale production de rente des palmeraies. Elles font l’objet d’un
marché international important par son volume et par les revenus en devises qu’elles
permettent d’obtenir pour les pays exportateurs (Grenier et al, 1998). Bien que la production
dattière représente 1% du PNB pour les principaux producteurs, la datte occupe une place
importante dans les productions fruitières des régions arides et arides. La production de datte
détient le cinquième rang après les olives, les agrumes, les rosacées, les raisins au Maroc
21
(Harrak et al, 2001). En Tunisie, elle constitue la troisième exportation agricole (Greiner,
1998). Le marché de la datte reconnait un regain d’intérêt avec les produits de transformation.
Ainsi de nouveaux produits à haute valeur ajoutée sont développés, parmi lesquels on
distingue le milk-shake, les glaces, les biscuits aux dattes, les confitures et surtout le nakhoil,
un bioethanol à base de dattes. Ce sont autant d’initiatives qui pourraient entraîner une
extension de la culture du palmier dattier. Du fait de ses intérêts socio-économiques multiples
et de sa bonne adaptation aux conditions sahéliennes, plusieurs pays dont le Mali, le Niger, le
Sénégal et Djibouti ont placé le développement de la phoeniciculture comme priorité
nationale, pour lutter contre la pauvreté et améliorer les conditions de vie des populations les
plus vulnérables.
K. Les limites
Le développement de la phoeniciculture est menacé par différents facteurs abiotiques tels que
la désertification, l’ensablement et la salinisation ou les sécheresses récurrentes. Il est
également freiné par l’apparition de différents ravageurs (cochenille blanche, pourriture de
l’inflorescence, pyrale des dattes, maladie de la feuille cassante et enfin le Bayoud) (Ben
Abdallah, 1990). La propagation inquiétante de certains ravageurs comme le charançon rouge
(Rhyncophorus ferrugineus) est facilitée par le commerce mondial des palmiers d’ornement et
le non-respect des périodes de mise en quarantaine (Rochat et al, 2006).
22
- du risque de transmission de maladies
- de la nécessite d’un savoir-faire pour le sevrage et la transplantation des rejets (Al-Khayri et
al, 2001).
Par culture in vitro
Pour contourner les faiblesses des techniques traditionnelles de reproduction (faible nombre
de rejets, transfert de maladies,..) et pour mieux répondre à la demande croissante en plants
pour le renouvellement et l’extension des palmeraies, le recours aux méthodes de
multiplication végétative in vitro demeure la seule alternative permettant la multiplication en
masse et la diffusion rapide des cultivars aux phœniciculteurs. Depuis 1970, de nombreux
travaux de recherche ont été entrepris qui ont permis de proposer différentes stratégies de
clonage in vitro par organogenèse (Rhiss et al. 1979 ; Drira et al, 1985 ; Ferry, 2001) et par
embryogenèse somatique (Fki et al, 2003 ; Sané et al, 2006). De nombreuses variétés de
palmiers dattiers à haute valeur marchande ont été ainsi multipliées aussi bien par
embryogenèse somatique que par organogenèse.
Aux cours des dernières années, plusieurs auteurs ont décrit des améliorations des procédés
d’embryogenèse somatique par passage en milieu liquide agité. Ainsi, des cultures de tissus
embryogènes en milieu liquide ont déjà été obtenues à partir de jeunes feuilles de rejets ou à
partir d’inflorescences immatures sur quelques variétés commercialisées dans le Maghreb
comme Medjoul, Kadrawy (Daguin et Letouzé, 1998), et Deglet Nour (Fki et al., 2003). Des
cultivars adaptés à l’environnement sahélien de l’Afrique occidentale comme Amsekhsi ont
été également régénérés à partir de suspensions cellulaires embryogènes issues des jeunes
feuilles immatures (Sané et al., 2006). Ce procédé d’embryogenèse somatique par culture des
cellules en milieu liquide permet l’obtention d’embryons individuels et synchrones avec une
capacité de production de masse et une durée de culture in vitro plus courte (Aberlenc-
Bertossi et al., 1999). Ainsi, cette technique optimisée demeure une méthode de choix pour la
propagation à grande échelle des cultivars d’intérêt.
2. La reproduction sexuée
La multiplication par semis de graines est la méthode traditionnelle la plus anciennement
pratiquée par les phoeniciculteurs. Elle a permis la création de nombreuses palmeraies et
l’extension des cultures en dehors de son aire d’origine. C’est la méthode la plus simple et la
moins coûteuse d’où son recours actuel pour la création d’oasis dans plusieurs pays sahéliens
(Ferry et al, 1998). En revanche, ce mode n’est pas approprié pour la phoeniculture
commerciale à cause de la nature dioïque et du haut degré d’hétérozygotie de l’espèce. La
23
descendance issue de semis est composée de 50% d’individus femelles et de 50% d’individus
mâles. Bien que cette reproduction sexuée soit source de diversité génétique, les caractères
agronomiques (qualité et quantité des dattes, période floraison, récolte, etc) des plants
femelles issus de semis s’avère différentes voire inférieurs à ceux du pied-mère.
24
II. La floraison
La floraison est un processus très complexe permettant à la plante de passer de l’état végétatif
à l’état reproducteur. L’aptitude à la floraison est dépendante du génotype et de
l’environnement. La date de floraison conditionne l'adaptation des plantes à leur
environnement et demeure un critère important des programmes de sélection variétale du fait
de son influence sur le rendement.
25
Figure 16 : Voies majeures de l’induction florale chez Arabidopsis thaliana (Jack, 2004).
26
A. La morphogenèse de l’inflorescence
Les différentes voies de signalisation de l’induction florale vont mener, via les gènes
intégrateurs, à l’activation de gènes d’identité inflorescentielle et florale (LEAFY, APETALA1
(AP1), et CAULIFLOWER (CAL)). Ces derniers activent les gènes impliqués dans la
morphogénèse florale tout en réprimant le gène TERMINAL FLOWER 1 (TFL1) qui assure le
maintien de l’activité végétative du méristème (Blasquez et al., 2006).
2. Morphogenèse florale
Les fleurs sont constituées de quatre types d’organes, répartis sur quatre zones concentriques:
de l’extérieur vers l’intérieur, on distingue les sépales, les pétales, les étamines et les
carpelles. L’identité de ces organes est déterminée par la combinaison des actions de plusieurs
gènes homéotiques suivant le modèle de commutation génétique ABCDE établi chez
Arabidopsis thaliana (Coen et Meyerowitz, 1991 ; Ferrario et al., 2004). Les gènes de classe
A comprennent APETALA1 et APETALA2, la classe B les gènes APETALA3 et PISTILLATA,
la classe C le gène AGAMOUS, la classe D les gènes AGL11 ou SEEDSTICK (STK) et la
classe E les gènes SEPALLATA1, 2 et 3. L’identité des sépales est spécifiée par l’activité des
gènes A, celle des pétales par les gènes A+B+E, celle des étamines par les gènes B+C+E,
celle des carpelles dont ovules inclus par C+D+E (figure 17). La majorité des gènes MADS
codent pour des facteurs de transcription ou protéines à domaine MADS contenant en position
N-terminal une séquence conservée de 56 acides aminés.
Chez le palmier à huile, espèce appartenant à la famille des Palmiers, quatre gènes MADS
box qui seraient impliqués dans la mise en place des organes floraux dans le cadre du modèle
ABC ont été caractérisés. Il s’agit des EgDEF1 et EgGLO2 qui auraient une fonction de type
B ; EgAG2 de type C et D et EgS1 de type E. Globalement le modèle ABC d’Arabidopsis
thaliana semble être conservé chez le palmier à huile, notamment par rapport à la distinction
moléculaire des sépales et des pétales (Adam et al., 2007), ce qui n’est pas le cas chez
certaines monocots (Kanno et al., 2003).
27
III. Détermination du sexe
A. Apparition de la dioécie
Avec environ 183 genres différents, les plantes à fleurs forment la plus grande partie des
végétaux sur la terre (Govaerts et Dransfield, 2005 ; Dransfield et al., 2008). Ces plantes
présentent une très grande diversité dans leurs systèmes de reproduction (tableau 4).
Tableau 4 : Différents systèmes de reproductions chez les plantes à fleurs
- Chez certaines espèces, les individus portent des fleurs unisexuées et des fleurs
hermaphrodites. C’est le cas des espèces andromonoïques et les espèces gynomonoïques qui
portent respectivement, des fleurs mâles ou des fleurs femelles, aussi bien que des fleurs
hermaphrodites (Ainsworth, 2000).
La dioécie est présente chez de nombreuses espèces appartenant à différentes familles, ce qui
suggère qu’elle soit apparue à plusieurs reprises et de façon indépendante au cours de
28
l'évolution des plantes à fleurs. Trois modèles pour expliquer l'origine de la dioécie à partir de
l’état hermaphrodite ont été proposés avec comme étape intermédiaire la monœcie, la distylie
ou la gynodioécie (Ainsworth, 2000). Les scénari à la base des deux premières voies sont peu
documentés. Le passage de la monœcie vers la dioécie a pu se réaliser via des mutations
altérant le ratio mâle/femelle. Dans le cas de la voie de la distylie, la dioécie résulterait d’une
stratégie évitant l’autofécondation ou auto-incompatibilité (Tcherkez, 2002).
La troisième hypothèse est la plus largement partagée ou admise par les biologistes dans
le contexte de l’évolution du sexe des plantes. Elle consiste en la transition de
l’hermaphrodisme (forme reproductrice ancestrale vers la dioécie (forme de sexualité
spécialisée) avec comme étape intermédiaire la gynodioïcie (Dellaporta et Calderon-Urrea.,
1993 ; Ainsworth, 2000). Deux mutations indépendantes seraient à l’origine de cette
transition. Une première mutation d’origine mitochondriale causerait la perte de la fonction
mâle pour une partie des individus et conduirait à l’apparition d’une population gynodioïque.
La dioécie serait achevée par l’apparition d’une seconde mutation chez les individus
hermaphrodites de la population gynodioïque qui conduirait à l’obtention des individus mâles
(Dellaporta et Calderon-Urrea., 1993 ; Laprade et al, 2010)
Certaines espèces dioïques produisent des bourgeons floraux qui sont dépourvues de vestiges
d'organes du sexe opposé (androcée ou gynécée), comme c’est le cas chez l’épinard et le
palmier Nypa fruticans (Sherry et al., 1993; Uhl, 1972). Cependant, chez un grand nombre
d’espèces dioïques, le bourgeon floral est initialement « bisexuel » avec l'initiation des
primordiums des organes sexuels mâle et femelle.Par conséquent, l'unisexualité des fleurs de
ces espèces dioïques résulte de l’arrêt du développement de l'androcée (organe reproducteur
mâle) ou du gynécée (organe reproducteur femelle) (Dellaporta and Calderon-Urrea, 1993).
Cet arrêt du développement peut se produire très précocement par l'avortement d'organes
sexuels stériles de sexe opposé. C'est le cas du compagnon blanc (Silene latifolia) ou du maïs
(Zea mays) pour lesquels il a été observé l'arrêt prématuré du développement des pistillodes
des fleurs mâles (Cheng et al., 1983; Farbos et al., 1997). Chez d’autres espèces, le
dimorphisme sexuel peut s’exprimer très tardivement, comme chez la vigne (Vitis vinifera)
où le carpelle des fleurs mâles (pistillode) deviendrait stérile par avortement du sac
embryonnaire de l'ovule mature (Caporali et al., 2003). De même, les fleurs femelles de
29
Rhapis subtilis (palmier nain natif d'Asie) sont devenues unisexuées après altération de la
maturation du pollen dans les anthères (Giddey et al., 2008).
Chez les espèces dioïques étudiées, il existe un déterminisme sexuel basé sur la présence des
chromosomes sexuels a été décrit (Yanan et al, 2004). Deux principaux types de
chromosomes sexuels ont été observés chez ces plantes.
En revanche, chez d’autres espèces dioïques, comme l’oseille (Rumex acetosa) et le houblon
(Humulus japonicus), le sexe est déterminé par le rapport entre le chromosome X et les
autosomes (Yanan et al, 2004). Pour l’oseille et le houblon, les femelles sont XX et les mâles
XY1Y2. Contrairement au S. latifolia, le chromosome Y de ces espèces n’est pas requis pour
le développement des étamines et l’inhibition du développement du gynécée (Yanan et al,
2004).
Des marqueurs spécifiques du sexe ont été identifiés chez un certain nombre d’espèces
dioïques cultivés pour lesquelles l’identification précoce des individus femelles est
recherchée. Ainsi, dix marqueurs AFLP spécifiques du génome mâle ont été mis en évidence
chez l’igname (Terauchi and Kaul, 1999). Des marqueurs de sexe de type RAPD et
microsatellite (GATA)4 ont été rapportés chez la papaye (Sondur et al., 1996 ; Parasnis et al,
1999 ; Ming et al, 2007 ).
30
Chez le compagnon blanc, Délichère et al. (1999) ont caractérisé le gène SlY1 localisé sur le
chromosome Y. Ce dernier, qui s’exprime préférentiellement dans les fleurs mâles, code une
protéine à domaine « WD-repeat » et présente de fortes similitudes de séquence avec un autre
gène (appelé SlX1) localisé sur le chromosome X. Ce dernier présente un niveau d’expression
comparable dans les deux types de bourgeons floraux. En ce qui concerne le processus même
de différenciation chez S. latifolia, les études de Zluvova et al. (2006) ont montré que le stade
de divergence morphologique des fleurs mâle et femelle est précédé par un arrêt de
l’expression des gènes apparentés à SHOOTMERISTEMLESS et CUC1/CUC2 d’Arabidopsis.
Une étude récente a montré que la détermination du sexe du melon est contrôlée par l’action
de deux gènes, CmACS-7 (Cucumis 1-aminocyclopropane-1-carboxylic acid synthase),
codant une enzyme de la voie de biosynthèse de l’éthylène qui conduit au développement de
fleurs femelles par répression du développement des étamines (Boualem et al., 2008) et
CmWIP1, un gène qui codant un facteur de transcription en doigt de zinc impliqué dans
l'avortement du carpelle de la fleur mâle (Martin et al., 2009).
Chez la vigne, un locus du sexe a été identifié par une approche QTL. Ce locus joue un rôle
important dans le développement des inflorescences et colocaliserait dans le génome avec un
gène codant une enzyme ACS similaire à celle du concombre (Marguerit et al., 2009).
Chez les plantes monoïques, le maïs est l’une des espèces végétales chez qui les mécanismes
moléculaires de la détermination de sexe ont été partiellement élucidées. Ainsi, un groupe de
gènes appelés « TASSELSEED » ont été identifiés et impliqués dans la masculinisation des
fleurs (Chuck, 2010). Les gènes TASSELSEED 1 et 2 (codant une lipoxygenase et une alcool
déshydrogenase à chaines courtes respectivement) sont requis très précocement dans un
processus de mort cellulaire du pistil des fleurs mâles (Calderon-Urrea and Dellaporta, 1999 ;
Delong et al., 1993). Deux autres gènes, identifiés via les mutants tasselseed 6 et 4, codent
respectivement un facteur de transcription de type APETALA2 et un microARN regulateur
associé similaire à miR172 d’Arabidopsis. Ces derniers semblent jouer un rôle non seulement
dans la détermination du sexe, mais aussi dans la régulation de la ramification
inflorescentielle.
31
D. Rôle des régulateurs de croissance dans l’expression du sexe
Chez un grand nombre d’espèces, l’expression du sexe peut être affectée par des facteurs tels
que les régulateurs de croissance (Dellaporta et Calderon-Urrea, 1993). Le rôle des hormones
dans la différenciation du sexe a été déterminé par l’étude de l’effet de l’application et par la
caractérisation des gènes impliqués dans la biosynthèse de ces hormones.
L’éthylène
L’éthylène est une molécule produite par tous les tissus végétaux (Kende et Zeevaart 1997).
Elle joue un rôle régulateur dans les processus de développement de la plante comme la
formation, la maturation et l’abscission des fruits (Yang et Hoffman 1984). L’application
exogène d’ethrel, molécule libératrice d’éthylène, sur des plants de concombre, a entraîné une
augmentation du nombre des fleurs femelles et une inhibition des organes mâles dans les
fleurs hermaphrodites des lignés monoïques (Perl-treves, 1999). Inversement, les inhibiteurs
la biosynthèse de l’éthylène, comme l’aminoethoxyvinyl glycine (AVG) ou l’acide amino-
oxyacétique (AOA), provoquent la masculinisation des plants. Chez le melon, le gène de
l’andromonoecie, lequel est requis pour le développement des fleurs femelles, code pour une
enzyme, l’acide 1-aminocyclopropane-1-carboxylique synthase (ACS) qui catalyse la
première étape de la biosynthèse de l’éthylène (Boualem et al., 2008).
Les gibbérellines
Plusieurs études menées pour élucider les effets de l’acide gibbérellique sur le développement
des fleurs ont montré des effets contradictoires selon les espèces. L’application exogène de
gibbérelline (sous forme de GA3) induit la masculinisation des fleurs femelles du concombre
(Krishnamoorthy et Talukdar, 1976). De même, elle favoriserait l’initiation des boutons
floraux mâles et la réduction des boutons floraux femelles chez le houblon (Perl-Treves,
1999). Inversement, chez le maïs, les gènes mutants dwarf d1-d8 impliqués dans la
suppression des organes mâles des fleurs femelles affectent la biosynthèse de la GA, et les
mutants présentent un niveau faible de GA (Neuffer et al., 1997 ; Chuck, 2010).
Bien que les auxines et les cytokines jouent un rôle important et bien démontré dans la
régulation des processus de divisions cellulaires, de différentiation tissulaire et d’élongation
32
cellulaire (Nemhauser et al., 1998), très peu de données existent quant à leur rôle éventuel
dans la régulation de l’expression du sexe chez les plantes. Cependant, les auxines et les
cytokines seraient impliquées dans le développement floral en favorisant le développement du
carpelle chez la vigne et le cannabis (Delaporta et Calderon-Urrea, 1993).
En somme, cette variation des effets des hormones révèlent que les mécanismes à la base de la
détermination du sexe seraient différents entre les espèces. Il est à noter que, chez le S.
latifolia, l’application d’hormone n’a pas eu d’effet sur la sexualité des fleurs.
1. L’apoptose
L’avortement des primordia du gynécée des fleurs mâles du maïs résulte d’un processus
de dégénérescence cellulaire initié au niveau des régions sous épidermiques. Les cellules de
ce territoire avorté , observés par microscopie électronique à transmission, sont dépourvues de
tout organite intracellulaire (Cheng et al., 1983). Ce processus d’apoptose chez le maïs
requiert l’action du gène TASSELSEED 2 (Calderon-Urrea et al., 1999). La stérilité des
organes mâles des fleurs femelles du kiwi et du riz serait due à une dégénérescence des
cellules tapétales de l’anthère par apoptose, conduisant à la formation de pollens collapsés
(Ku et al., 2000 ; Coimbra et al., 2004). Sur le plan cytologique, le processus d’apoptose se
traduit par de profonds changements structuraux comme la rétraction du cytoplasme, la
rupture vacuolaire et la fragmentation de l’ADN. Woltering et al. (2002) suggèrent l’existence
de médiateurs biochimiques telles que des protéines caspase-like dans ce processus de mort
cellulaire sans toutefois qu’une activité de caspase n’aient été mise en évidence chez les
33
plantes. Les altérations ultrastructurales sont létales et empêchent la réversibilité du
phénomène.
Le développement des organes floraux implique une augmentation des divisions et une
différentiation cellulaire. Lors de l’activité mitotique, les cellules passent par différentes
phases, G1-S-G2-M, qui s’accompagnent de modifications de l’expression de certains gènes
spécifiques du cycle cellulaire. Le gène de l’histone H4 est exprimé spécifiquement au cours
de la phase S. Les cyclines D et B sont des régulateurs des transitions G1-S et G2-M
respectivement. Ces diverses molécules sont utilisées comme des marqueurs du cycle
cellulaire. Ainsi, chez le maïs, il a été récemment montré une absence d’expression du gène
codant pour une cycline B et une accumulation des transcrits de WEE1 (un inhibiteur de la
mitose) dans les primordia des organes mâles des fleurs femelles. Les fleurs unisexuées
femelles du maïs résultent donc d’un arrêt du cycle cellulaire (Kim et al., 2007).
4. La méthylation
34
Le développement de la plante dépend fortement des mécanismes épigénétiques qui agissent
sur la conformation de la chromatine, ainsi régulant l’expression des gènes. L’acétylation des
histones confère à la chromatine une conformation active permettant la transcription des
gènes (Fransz et al., 2002). Inversement, la méthylation d’ADN peut jouer un rôle répressif
sur l’expression des gènes. La méthylation correspond à l’ajout d’un groupement méthyle
(CH3) à la place d’un atome d’hydrogène de l’une des quatre bases azotées (thymine, adénine,
guanine et cytosine). La présence des groupements méthyle (CH3) dans un site spécifique de
l’ADN entraîne une modification de la structure de la chromatine. Ces sites méthylés sont
reconnus par des protéines chromosomales (MeCP2, par exemple) possédant une forte affinité
pour les nucléotides méthylés (CH3-CpG) (Meehan et al., 1992). Ces protéines contrôlent la
condensation de la chromatine et le déplacement des histones H1 du nucléosome (Kass et al.,
1997). Cette modification structurale s’achève par une conformation répressive stable de la
chromatine. Cette dernière empêche l’interaction entre la machinerie de transcription (ARN
polymérase, protéines activatrices, promoteur) et l’ADN (Kass et al., 1997).
35
Cubas et al. (1999) ont montré que la perte de symétrie florale chez Linaria vulgaris était
associée à une hyperméthylation du gène LCYC, orthologue de CYCLOIDEA d’Arabidopsis
majus. Les gènes du développement floral de Silene latifolia sont également très sensibles à la
méthylation de l’ADN. L’application de 5-azacytidine (5-azaC) durant la germination précoce
des plants mâles a induit une réversion de sexe chez 21% de ces plants qui produisent alors
des fleurs mâles normales et des fleurs bisexuelles fertiles alors qu’aucun changement de
phénotype n’est observable chez les plantes femelles (Janousek et al., 1996). De plus, ces
plants androhermaphrodites présentent un génome hypométhylé comparativement aux plants
non traités à la 5-azaC. Ces résultats démontrent que la suppression des organes femelles
(pistillodes) des fleurs mâles est fortement associée à une hyper-méthylation de l’ADN.
36
Figure 18 : Systèmes de reproduction chez les palmiers (d’après Julie Sannier et Sophie
Nadot). Les flèches orange indiquent les événements indépendants d’apparition de la dioécie
dans la famille. La flèche bleue indique que le genre Phoenix, entièrement dioïque, s’ancre
dans des taxons hermaphrodites.
37
IV. Etat de l’art sur la détermination du sexe chez le palmier dattier
A. La phénologie
La floraison du palmier dattier intervient quand l’individu a atteint sa phase reproductive entre
3 et 8 ans (Bouguedoura, 1991). Dans les zones de culture traditionnelle, le palmier dattier
fleurit une fois par an et pendant une période limitée à quelques mois. Des facteurs abiotiques
tels que la température, l’hygrométrie, l’évapotranspiration et la pluviométrie ont été cités
comme déterminantes pour la floraison du palmier dattier (Jahiel et al,. 1996). La floraison du
palmier dattier ne se déclenche qu’après une période fraîche ou lorsque la température
journalière descend en dessous du zéro de floraison (seuil variant selon la localité 22°C pour
Djibouti et 17°C pour Elche en Espagne) (Munier, 1973).
Les conditions climatiques (températures et pluies) qui autorisent un abaissement de la
température en dessous du seuil de floraison peuvent être réunies une à plusieurs fois par an
selon les régions. Ainsi, au Niger, au Mali, et en Colombie, des palmiers dattiers présentant
deux cycles annuels de floraison et de fructification ont été rapportés (Jahiel, 1996). Munier
(1973) a attribué la première floraison de septembre à une baisse des températures dues à la
saison des pluies et à la seconde à une baisse des températures pendant les saisons fraiches
d’hiver (janvier-février). Cette double floraison est également observée chez un peuplement
de dattier en Italie, au Sud de l’Europe. Ces régions (Sahel, Italie) situés à la limite de l’aire
de culture du palmier dattier constituent des zones marginales. Elles présentent des conditions
38
de température et de précipitation qui peuvent influer sur le début de l’émergence des
premières spathes ainsi que sur la durée de la floraison. En Italie, les palmiers dattier
fleurissent en 160 jours tandis que dans le Sahel (Djibouti) la floraison est plus courte et dure
60 à 120 jours (Daher et al, 2010).
Selon les conditions climatiques, la durée de la fructification des dattes peut varier de 4 à 7
mois environ et nécessite une somme importante de chaleur et une baisse de l’hygrométrie
pour que les fruits atteignent une pleine maturité (Munier, 1973). Dans certaines zones du
Sahel, comme le Sénégal, le Niger et le Mali, les saisons de pluies interviennent pendant la
période critique de maturation des dattes, ce qui entraîne la perte totale de la récolte (Sané et
al. 2006). Le développement de la culture du palmier dattier dans ces zones nécessite donc la
sélection de cultivars précoces ou tardifs. Cette sélection s’effectuera selon la date de
fructification qui dépend de l’initiation de la floraison et qui constitue un élément déterminant
de la phénologie de l’espèce.
B. Le développement floral
De Mason et al. (1982) ont rapporté la première description du développent floral du palmier
dattier. Ils ont pu identifier l’existence d’un stade « bisexuel » précoce du bourgeon floral et
ont montré que l’androcée correspond à deux verticilles de trois étamines. Bouguedoura
(1991) a décrit les différents types de bourgeons rencontrés chez un jeune palmier en
croissance. Elle a montré que le « bourgeon axillaire indéterminé » est la structure originelle
qui évoluera en inflorescence dès que l’individu atteint l’âge reproductif. La morphogénèse
florale a été sommairement décrite en 5 stades de développement. Plus récemment, Masmoudi
et al. (2008) ont distingué huit stades de différentiation de l’inflorescence femelle sur la base
d’une description morphologique et d’une étude histologique. Cependant, aucune étude
comparée des développements des inflorescences mâles et femelles n’a été rapportée.
D. La détermination du sexe
Chez le palmier dattier, une descendance issue de graines est composée de 50% de mâles et
50% de femelles, ce qui suggère que le déterminisme sexuel est de nature génétique. De plus,
Siljak-Yakovlev (1996) sur la base d’études cytologiques réalisées à l’aide de la technique de
coloration à la chromomycine A3, suggère l'existence de chromosomes sexuels qui seraient
marqués différentiellement. Des chromocentres homomorphes sont observés chez les
individus femelles alors que chez les mâles ce sont des chromocentres hétéromorphes qui sont
observés. Cependant, aucun chromosome sexuel Y ou X n’a été clairement identifié chez le
palmier dattier. Les mécanismes ou facteurs génétiques du déterminisme sexuel demeurent
également inconnus pour cette espèce.
Les taux d’acide gibbérelline contenus dans les feuilles et les inflorescences sont constatés
significativement supérieurs chez l’individu femelle par rapport au mâle (Leshem and Ophir,
1977). Une recherche de marqueurs du sexe par RAPD (Random Amplified Polymorphic
DNA) n’a pas permis d’identifier de séquences spécifiques du sexe (Zaher et al., 2006). A ce
40
jour, aucun marqueur spécifique du sexe n’a été isolé et les processus à l’origine de
l’unisexualité des fleurs demeurent inconnus.
V. Objectif de la thèse
Nous avons entrepris une description histologique et moléculaire des inflorescences mâles et
femelles de palmier dattier afin de décrire et de caractériser en détail les différents
événements cellulaires et moléculaires à la base de l’unisexualité florale chez le palmier
dattier. Le projet de recherche a permis de traiter plusieurs questions scientifiques liées au
développement reproducteur:
Les travaux présentés dans ce mémoire tentent d’apporter des premières réponses à ces
questions. Ils comportent quatre parties :
4. L’étude du blocage des organes sexuels stériles et l’unisexualisation des fleurs. Nous
nous focaliserons sur les processus associés à l’arrêt du développement des organes
sexuels stériles, leur intégrité cellulaire ainsi que leur niveau de méthylation globale de
leur ADN nucléaire.
Après une discussion générale à la fin de chaque chapitre, nous terminerons par une
conclusion générale et nous présenterons les perspectives ouvertes par ce travail d’étude
associés à la détermination du sexe chez le palmier dattier.
41
Matériels et méthodes
I. Etude phénologique
Des observations phénologiques ont été réalisées sur 149 individus pendant la saison de
floraison 2009/2010. Ces individus inventoriés phénologiquement sont des arbres adultes et
sexuellement matures qui sont localisés dans des palmeraies aux conditions pédoclimatiques
similaires. La date d’apparition de chaque inflorescence ainsi que le nombre d’individus en
floraison sont notés. La fréquence et la cinétique de l’émergence des inflorescences ont été
suivies à l’échelle individuelle durant la période de floraison.
Les fleurs utilisées dans cette étude ont été récoltées à partir de palmiers dattiers (Phoenix
dactylifera L.) sélectionnés dans les palmeraies d’Ambouli (Djibouti) et de Bordighera (Italie)
durant les saisons de floraison de 2008, 2009 et 2010. Plus de 34 individus de palmiers issus
des graines ont été sélectionnés pour leur taille (supérieures à 4 m), leur âge (avoisinants la
vingtaine d’année) et leur phase reproductive bien établie. Pour pouvoir obtenir les
inflorescences les plus jeunes possibles, une dissection de la couronne orientée vers l’intérieur
est opérée pour chaque arbre. L’ensemble des bourgeons axillaires rencontrés à l’aisselle des
palmes détachées du tronc ont été prélevées dans l’ordre. Les inflorescences dépourvues de
bractée ont été fixées pour les études histo-cytologiques.
43
IV. Histologie classique
Les fleurs à différents stades de développement prélevées pour l’étude ultrastructurale ont été
fixés dans du glutaraldehyde à 4% dans un tampon cacodylate de sodium 0,1M pH 7,2
pendant 5 heures à 4°C. Ensuite, trois rinçages ont été réalisés dans le même tampon. La post-
fixation a eu lieu dans le tétroxyde d'osmium dilué à 1% dans du tampon cacodylate pendant
1h à 4°C. Suite à cette post-fixation, trois rinçages dans le tampon cacodylate ont été réalisés.
Les échantillons ont ensuite été déshydratés dans des solutions d’acétone en série de gradient
acétone /eau (50, 70, 90 100%). Les échantillons ont ensuite été imprégnés dans de la résine
époxy TAAB 812 avec un gradient dans l’acétone : 25, 50, 75% puis 100% résine selon la
méthode décrite par Glauert (1975). L’inclusion dans la résine à 100% à lieu pendant 1 nuit à
56° C. Des coupes fines de 60 nm d'épaisseur ont été réalisées et déposées sur des grilles de
cuivre 50 mesh revêtues d’un film de collodion carboné. Elles ont été contrastées à l'acétate
d'uranyle à 5% (dans l'eau) puis dans une solution aqueuse de citrate de plomb. Enfin, les
44
observations ont été réalisées au Microscope Electronique à Transmission (MET) Jeol
100CXII à 80 KV (CIRAD, Baillarguet).
Des fleurs mâles et femelles de différents stades de développement ont été fixées selon le
protocole d’histologie classique décrit précédemment. Les échantillons ont été déshydratés
par des bains successifs d’éthanol 30° et 70°, d’une durée de 2 heures chacun. Après
dissection sous la loupe binoculaire des sépales et pétales, les échantillons ont été déshydratés
dans un bain d’éthanol pur (30 min) suivi de 2 min dans un bain de hexamethyldisilazine
(HMDS). Les échantillons sont ensuite ombrés à l’or palladium (fine couche de 10nm) et
examinés à l’aide d’un microscope électronique à balayage Hitachi S4000 au Centre de
Ressources en Imagerie Cellulaire à Montpellier.
45
Puis l'incubation avec l'anticorps secondaire spécifique antisouris couplé au marqueur
fluorescent Alexa 488 (Molecular Probe ; Alexa 488 goat antimousse PGAMOTTGY 488) et
dilué au 1/400 est réalisée pendant 1h à 37°C. Les coupes sont ensuite lavées 4 fois (10 min
pour chaque lavage) dans du TNB froid toujours à l’obscurité pour éviter l’affaiblissement du
signal fluorescent par la lumière. Les échantillons ont été colorés au DAPI dilué à 1/200 et
puis montés entre lame et lamelle dans une solution de montage antifading constituée de
Mowiol (12 g de glycérol, 4,8 g de Mowiol, 24 ml de Tris 0,2 M à pH 8,5 pour un volume
final de 45 ml).
Les préparations (coupes marquées et montées entre lame et lamelle) ont été observées en
microscopie confocale (Axioplan 2 imaging Zeiss LSM 510 Meta) du CRBM15 de
Montpellier.
Les observations à différents grossissements ont nécessité l’utilisation de trois objectifs (x 40,
x 63) à immersion d’eau, combinés à des filtres adéquats. Les longueurs d’onde d’excitation
des deux fluorochromes utilisés, à savoir l’Alexa 488, le DAPI sont respectivement de 488 et
359 nm. L’autofluorescence des tissus des fleurs de palmier dattier est observée en dehors du
spectre de référence de l’Alexa 488, cela explique le choix de ce fluorochrome.
Un logiciel LSM d’analyse d’images et permettant déterminer les pixels contenant l’émission
de deux fluorochromes à la fois est utilisé pour les observations photoniques ainsi que pour la
reconstitution d’une série d’images.
Pour les expériences, pour chaque stade et chaque sexe, nous avions utilisés 5 fleurs
différentes provenant de différents individus. La méthylation d’ADN est évalué à raison d’une
trentaine de cellules par primordia et par sexe. Trois répétitions ont été réalisées pour
s’assurer de la reproductivité des résultats.
46
VIII. Hybridation in situ
47
Chapitre 1 : Le développement reproducteur du palmier dattier
Le palmier dattier se caractérise par sa croissante lente et par sa longévité (plus de 100 ans).
Le sexe de la plante n’est identifiable qu’à partir de sa première floraison qui se produit en
moyenne entre 3 et 8 ans d’âge. Pendant la floraison, les bourgeons axillaires situés à
l’aisselle des palmes adultes évoluent en organes reproducteurs ou inflorescences
(Bouguedoura, 1991). Au Sahel, la baisse des températures, l’arrivée des saisons des pluies
estivales et la hausse du niveau des nappes phréatiques ont été cités comme déterminantes
pour l’induction florale chez le palmier dattier (Jahiel et al., 1996). Dans les zones de culture
traditionnelle comme le Maghreb, il a été proposé que la floraison du palmier dattier serait
liée à la diminution de l’activité végétative pendant la période hivernale (Saaidi, 1979).
Même si le palmier dattier revêt une importance agro-économique considérables pour les pays
du Sud, les connaissances disponibles sur le mécanisme de régulation de sa floraison restent
très limitées. Aucune donnée n’est rapportée sur les différents facteurs endogènes et exogènes
influençant l’induction florale pour les zones de culture traditionnelle ainsi que pour les zones
de culture marginales comme Djibouti, Soudan, Mali, etc. De plus, peu de données existent
sur la cinétique de développement des inflorescences à l’aisselle des palmes ainsi que le
nombre d’inflorescences émis par an. Chez le palmier à huile, le développement
inflorescentiel dure plus de 2 ans, mais au moment où ce projet de thèse a démarré, aucune
étude similaire n’avait été réalisée chez le palmier dattier. Dans ce contexte, l’objectif de ce
chapitre est d’apporter, en étudiant les caractéristiques du cycle de floraison à Djibouti, des
réponses aux questions sus mentionnés sur le mode d’induction florale ainsi que sur la
cinétique de production inflorescentielle.
48
I. Floraison du palmier dattier
Pour déterminer les caractéristiques du cycle de floraison des palmiers dattiers à Djibouti,
nous avons effectué :
L’ensemble des données acquises lors des observations phénologiques a permis d’apporter
des éléments de réponses à ces questions :
- Quels sont les facteurs climatiques susceptibles d’influencer l’induction florale
chez le palmier dattier ?
- Quelles sont les étapes-clé de la cinétique de la production des inflorescences ?
- Quelle est la durée du développement d’une inflorescence ?
A. L’induction de la floraison
Nous avons cherché à comprendre les facteurs qui influencent l’induction florale chez le
palmier dattier.
49
Les facteurs exogènes
La superposition de la courbe de l’évolution de la température et celle du cycle floral des
palmiers dattiers suggèrent que la date de début de floraison pourrait dépendre des conditions
climatiques pendant les mois les plus frais de l’année au cours desquels les températures sont
les plus basses (figure 21). Sachant que le début de cycle de floraison correspond à la
première émergence
Mer Rouge
50
Figure 20 : Palmier dattier en cours de floraison. A : Les inflorescences en début d’émergence. B :
Les inflorescences après ouverture de la spathe.
1ère emergence
d’une inflorescence
Induction florale
51
visible d’une inflorescence, pour repérer le début de l’induction florale il faut prendre en
compte le temps d’élongation de cette inflorescence que Jahiel (1996) a estimé à 50 jours.
Soit une induction florale qui aurait lieu vers mi-octobre. Cette date coïncide avec la baisse
des températures. De plus, aucune pluviométrie n’est enregistrée durant le mois d’octobre.
Ces résultats confortent l’hypothèse d’une relation entre l’induction de la floraison et la
diminution de la température chez le palmier dattier. Dans les conditions environnementales
de Djibouti, la baisse des températures constitue le principal facteur exogène qui serait
associé à l’induction de la floraison.
Le suivi de l’émergence des inflorescences des 149 palmiers issu de graines a permis de
déterminer la durée de la période de floraison ainsi que la fréquence et la date d’émission des
inflorescences.
La figure 22 montre l’évolution de l’émergence des inflorescences pendant la période de
floraison. On observe que la floraison débute mi-décembre par la première apparition de
spathe et s’achève à la fin du mois d’avril ; elle s’étale donc sur une durée de 4 à 5 mois
environ. Cette floraison est courte et se produit sur une seule période annuelle.
De plus, le pattern de floraison de ces palmiers présente un profil bimodal avec deux pics
d’émission inflorescentielle bien distincts (figure 22 ; figure 23). La première série d’émission
se produit vers mi-janvier et la seconde vers la fin février. Les palmiers dattiers présentent
quatre comportements différents durant la période de floraison (figure 22) :
- les floraisons précoces
- les floraisons tardives
- les doubles émissions florales
- les floraisons intermédiaires
Les palmiers précoces représentent 39 % de la population et fleurissent entre la fin décembre
et la fin du mois janvier de l’année suivante alors que les inflorescences des palmiers à
floraison tardive (37 %) émergent entre la fin février et la fin du mois de mars (Tableau 4).
Les palmiers qui présentent un seul pic d’émission floral précoce ou tardif sont majoritaires
(76 %) (Tableau 3). Les palmiers qui présentent une double émission florale représentent
environ 14 % de la population. Le dernier groupe à floraison intermédiaire comprend une
dizaine de palmiers (10 %) qui fleurissent pendant la période de ralentissement de la
production florale globale, entre la fin du mois janvier et la fin du mois février.
52
Figure 22 : Période de floraison des palmiers dattier à Djibouti.
Figure 23 : Palmier dattier à double émission florale. Les fruits issus de la première émission florale
sont en stade khalal alors que les fleurs de la seconde émission florale sont à l’anthèse.
53
Tableau 5: Types de floraison des individus de palmier dattier à Djibouti
54
Ces différents comportements n’ont pas pu être reliés à un environnement donné mais
dépendraient plutôt du génotype des individus.
Il est intéressant de noter que les mâles montrent une floraison plus précoce d’une à deux
semaines et une aptitude plus élevée pour la double émission florale, soit 17 % contre 11 %
chez les individus femelles (tableau 5). En revanche, presque la moitié des palmiers femelles
(46 %) ont une floraison précoce.
En conclusion, les résultats de nos observations montrent que l’induction florale du
palmier dattier peut varier en fonction des génotypes (précocité, tardivité ou double)
ainsi que du sexe.
La dissection complète de la couronne foliaire opérée sur une trentaine d’individus mâles et
femelles nous a permis d’observer précisément la production axillaire d’un palmier pendant la
période de floraison. Les dissections ont eu lieu à différents moments durant la floraison afin
d’identifier un maximum de stades de la morphogenèse inflorescentielle. Lors de la
dissection, tous les bourgeons axillaires ont été prélevés de la palme la plus externe vers la
palme la plus interne (figure 24).
Nos résultats montrent qu’un palmier dattier adulte produit quatre types de bourgeons
axillaires (figure 24):
- des bourgeons indéterminés à l’aisselle des palmes non chlorophyllienne (figure 24c).
Ils ont une forme triangulaire et une structure tendre et très fragile. Leur longueur est
généralement inférieure à 0,5 cm et leur diamètre varie de 0,5 à 1 cm. Leur
morphologie conforte l’idée que le bourgeon indéterminé serait la structure originelle.
- des bourgeons inflorescentiels à l’aisselle des palmes chlorophylliennes avec des
folioles non ouvertes (figure 24d). Ils ont une forme trapézoïdale et une structure
compacte (figure 24d). Leurs dimensions varient de 2 à 3 cm en hauteur et de 1 à 2
cm en largeur. Leur nombre varie de 10 à 30 selon l’individu et les conditions
environnementales.
- des bourgeons inflorescentiels avortés à l’aisselle des palmes adultes
chlorophylliennes et étalées (figure 24 e,f)
55
- des inflorescences à l’aisselle des palmes adultes chlorophylliennes avec des palmes
étalées (figure 24g)
La nature du bourgeon axillaire semble donc dépendre de l’état de développement de la
palme. Le passage du bourgeon de l’état indifférencié à l’état inflorescentiel correspondrait à
l’ouverture et à l’étalement de la palme.
L’ensemble des 36 dissections montrent que les palmiers dattiers mâles et femelles étudiés
émettent en moyenne 9 et 12 inflorescences respectivement (figure 25 a,b). Nous avons
constaté que le nombre d’inflorescences émises peut varier en fonction du sexe, des
conditions d’environnement (disponibilité en eau, terre arable) et des pratiques culturales
(élagage des palmes). Par exemple, les individus femelles (DF7, DF14) ou mâles (DM5,
DM8) se distinguant par leur nombre d’inflorescence élevé sont issus des palmeraies bien
irriguées et correctement entretenues. De plus, ils n’ont subi aucun élagage des palmes et
portent une couronne foliaire importante.
- les inflorescences peuvent émerger l’une après l’autre de la palme la plus âgée vers la
palme la plus jeune (figure 26a).
- les inflorescences émergent l’une après l’autre de la palme la plus jeune vers la palme
la plus âgée (figure 26b).
- les premières inflorescences émergent simultanément à l’aisselle des palmes les plus
jeunes et les plus âgées et les inflorescences tardives sont portées par les palmes
intermédiaires (figure 26c).
- Les inflorescences émergent simultanément à l’aisselle de toutes les palmes actives
(figure 26d).
56
Figure 25 : La production d’inflorescences des palmiers dattiers adultes pendant l’année 2008 /2009.
Production inflorescentielle des mâles (a) et des femelles (b). Nombre moyen d’inflorescences produit
est de 9 pour les mâles et de 12 pour les femelles. On observe une grande variabilité génotypique dans
la production inflorescentielle. Il n’y a pas de différence significative entre la production
inflorescentielle des mâles et celle des femelles
Figure 26: Cinétique de production inflorescentielle. L’émergence des inflorescences peut s’effectuer
selon un gradient bien défini (a et b) ou de façon très hétérogène (c-d).
57
Pattern de développement des inflorescences
L’analyse de cette distribution ainsi que les observations réalisées lors des dissections nous
permettent de répondre à ces questions et de proposer l’hypothèse d’une évolution en deux
temps (figure 27):
- Le bourgeon indéterminé évolue en bourgeon inflorescentiel. C’est une phase longue
qui peut durer plusieurs années. Pendant cette phase, le bourgeon indéterminé croit en
épaisseur et en taille et devient bourgeon inflorescentiel. La taille des bourgeons
inflorescentielles varie en fonction de l’état du développement des palmes axillantes.
Les palmes les plus internes peu étalées portent des bourgeons inflorescentielles peu
développés avec un court pédoncule. Ainsi l’évolution d’un bourgeon indéterminé
vers un bourgeon inflorescentiel ne dépendrait que des facteurs endogènes de type
nutritionnel (photosynthèse de la palme).
- Le bourgeon indéterminé évolue en jeune inflorescence. Cette transition semble être très
rapide, de l’ordre de quelques jours où le bourgeon inflorescentiel connait un changement
morphologique profond. Cette seconde phase correspond à l’acquisition de caractères liés
à la reproduction sexuée. Cette transition dépend des facteurs d’induction de la floraison
58
d’ordre environnementale. Les dissections réalisées en dehors de la période de floraison,
en saison chaude, ont montré que les palmiers dattiers ne portaient des bourgeons
inflorescentielles et/ou des bourgeons d’inflorescences avortées.
Conclusion
L’ensemble de nos observations phénologiques suggèrent que, dans les conditions
d’environnement sahélien, la variabilité de la date de floraison du palmier dattier peut
être associée à une baisse hivernale des températures ainsi qu’à un effet génotypique.
Le développement des inflorescences montre une cinétique en deux temps : une longue
phase d’initiation du bourgeon inflorescentiel et une phase rapide de différentiation de
l’inflorescence. Il conviendrait d’investiguer par des études complémentaires les facteurs
endogènes ou exogènes dans la régulation de la phase d’induction florale.
59
Vestiges des
inflorescences
de l’année dernière
Figure 27 : Schéma de production axillaire d’un palmier adulte mature. Les différentes
feuilles portent des bourgeons axillaires différents selon l’état de la palme axillante. Les
palmes les plus externes et complètement ouvertes portent les vestiges des inflorescences de
l’an passé. Les palmes internes proche de la lancée et aux folioles non ouvertes portent des
inflorescences bourgeons inflorescentiels. Entre ces deux types de palmes, on trouve des
palmes aux folioles ouvertes qui portent les inflorescences de l’année. Des bourgeons
inflorescenciels avortés sont observables très souvent entre deux cycles de floraison
consécutifs.
60
II. Discussion
61
Depuis plusieurs décennies, le Sahel connait une baisse progressive des pluviométries et des
sécheresses accrues. De plus, face à la variabilité des conditions climatiques et pour s’assurer
des rendements suffisants, les paysans doivent choisir des variétés adaptés. Dans le cas du
palmier dattier, la précocité de floraison est recherchée non seulement pour des raisons
économiques mais aussi pour éviter l’arrivée des pluies estivales qui compromettent la
maturation des dattes, et donc la récolte. Des gènes impliqués dans l’adaptation aux
différentes conditions climatiques ont été rapportés chez certaines espèces. Chez le riz, il a été
montré que la mutation du gène PHYTOCHROME B (PhyB) conduit à un phénotype de
floraison précoce (Takano et al., 2005). Le gène PHYTOCHROME C d’Arabidopsis thaliana
jouerait un rôle important dans les variations de floraison des populations naturelles
(Balasubramanian et al. 2006). Par ailleurs, une étude récente a rapporté l’identification chez
le mil d’un gène PHYC, codant la protéine PHYTOCHROME C, qui serait associé à
phénotype floraison précoce et qui jouerait un rôle dans l’adaptation du mil aux différents
climats (Saïdou et al, 2009). Dans un tel contexte, il serait intéressant de rechercher les
facteurs génétiques contrôlant la floraison chez le palmier dattier, ce qui permettra de
sélectionner les variétés les plus précoces.
D’autre part, une étude fonctionnelle des gènes MADS box de palmier à huile a montré la
présence des transcrits du gène EgSQUA1 (Elaeis guineensis SQUAMOSA 1) spécifiquement
dans les méristèmes inflorescenciels et floraux et pas dans l’apex végétatif (Adam et al.,
2007). Dans cette optique, il serait intéressant d’utiliser les connaissances acquises sur le
palmier à huile, pour pouvoir déterminer l’identité précise des différents types de bourgeons
axillaires rencontrés chez le palmier dattier.
Enfin, cette étude a permis de décrire pour la première fois les conditions associées à la
cinétique de développement florale de différents cultivars de palmier dattier à Djibouti. Les
connaissances acquises vis-à-vis du volume de production inflorescentielle, ainsi que la date
et la durée de l’émission des inflorescences, sont essentielles pour la maîtrise de la production
et la gestion des dattes dans les palmeraies. Les études décrites ici seront complétées par des
travaux sur la caractérisation génétique et morphologique des cultivars qui est envisagé dans
le cadre d’un stage de Master. L’ensemble de ces données contribuera à la préservation du
patrimoine phœnicicole local. De plus, les données phénologiques acquises dans les
conditions environnementales de Djibouti s’intègrent dans un projet d’établissement d’un
modèle global de la phénologie du palmier dattier. Ce dernier a pour objet de récolter des
62
données phénologiques de différents sites qui, après standardisation, serviront de base à la
constitution du modèle phénologique global. Cette démarche permettra à terme de déterminer
l’importance respective de la part génétique et environnementale dans la régulation du cycle
reproducteur du dattier et dans l’induction florale en particulier.
63
Chapitre 2 : Etude du développement floral
64
I. La morphogénèse de l’inflorescence
La floraison du palmier dattier est de type pléonanthique car les inflorescences naissent du
développement des bourgeons axillaires alors que la plante poursuit sa croissance
monopodiale grâce à son seul bourgeon végétatif apical. L’organe reproducteur du palmier
dattier est une inflorescence composée, sur le plan structural, d’un axe principal ou rachis qui
se ramifie en un certain nombre d’axes d’ordre secondaire ou « épillets » qui portent les fleurs
solitaires (figure 28). L’ensemble est enveloppé dans une grande bractée ligneuse ou spathe.
A l’anthèse, les inflorescences ainsi que les fleurs montrent un fort dimorphisme
morphologique (figure 28b-g).
Dans le chapitre précédent, nous avons établi que le bourgeon indéterminé devient bourgeon
inflorescentiel avant d’évoluer en inflorescence mature au cours de l’induction florale. Dans
ce chapitre, nous avons mené une caractérisation histologique des bourgeons inflorescentiels
et des inflorescences afin de rechercher les modifications structurales associées à la transition
florale et de caractériser les différents stades de développement de l’inflorescence.
Le terme « bourgeon inflorescentiel » est utilisé ici pour décrire la structure engagée dans la
voie du développement floral, avant que la ramification ne soit constatée. Ils sont de structure
compacte et de couleur blanc cassé. Ils ont une forme trapézoïdale (figure 29a). Des coupes
histologiques réalisées montrent que ces bourgeons inflorescentiels sont organisés en une
zone apicale méristématique et une région basale parenchymateuse (figure 29b). Cette
dernière zone contient des cellules vacuolisées riches en amidon et de nombreux éléments
vasculaires. A ce stade, aucune différence morphologique n’est observée entre les bourgeons
inflorescentiels mâle et femelle.
65
Figure 28 : L’appareil reproducteur du palmier dattier. a : structure de l’inflorescence. b :
l’inflorescence mâle à l’ouverture de la spathe ; c : fleurs matures densément distribuées sur
l’axe de l’épillet ; d : coupe longitudinale d’une fleur mâle mature ; e : inflorescence femelle à
l’anthèse; f : épillet femelle ; g : fleur femelle mature ; les axes 1 et 2 correspondent au rachis
et aux épillets respectivement. Abréviations : b: bractée; C:carpelle; F :fleur ; FF: fleur
femelle; FM: fleur mâle; FR: épillet femelle; MR: épillet mâle; P:prophyll; Pe:pétale;
Pi:pistillode S:sépale; St:étamines. Barres : 500 µm (c, f) and 250 µm (d, g).
66
Figure 30 : Jeune inflorescence. a: la plus jeune inflorescence obtenue lors des dissections. On
observe l’élongation du pédoncule et la formation de la spathe ; b : coupe longitudinale d’une jeune
inflorescence femelle. Abréviations: A: apex; Pa: Parenchyme; Pe : pédoncule de l’inflorescence; Pr:
prophyll ou bractée; Ra: rachillae ou épillets. Barres : 300 µm (e); 5 mm (b).
67
C. La structure de la jeune inflorescence après la mise en place des axes de
croissance secondaires
D. Le dimorphisme inflorescentiel
Conclusion
Les premiers signes du dimorphisme inflorescentiel que nous avons établi précédemment
correspondraient à des caractères sexuels secondaires, potentiellement associés à la future
mobilisation énergétique nécessaire à la production des fruits. Cependant, étant donné que la
dioïcie n’est pas dû à la structure inflorescentielle, sensu stricto, nous nous sommes focalisés
sur les caractères sexuels primaires directement liés au sexe, c’est-à-dire au niveau de la fleur.
A quel stade de développement de l’inflorescence, le sexe de la fleur est–il mis en place ?
Nous avons recherché des éléments de réponse à cette question dans l’étude de la
morphogénèse florale du palmier dattier. Pour ce faire, une étude histologique des fleurs a été
réalisée afin de déterminer les stades clés de développement floral ainsi que les principales
différences structurales entre les fleurs males et femelles.
La dissection d’une trentaine de palmiers dattiers a été nécessaire pour disposer du matériel
inflorescentiel représentant la totalité des stades requis pour établir une cinétique de
développement floral (figure 32).
69
Une étude histologique et des observations en microscopie électronique à balayage (MEB) ont
été réalisées sur les bourgeons floraux portés par les différentes inflorescences de tailles
différentes et échantillonnés lors des dissections (figure 32). Cet étude nous a permis
d’identifier 9 stades principaux de développement floral allant du bourgeon floral jusqu’à
l’émergence d’une fleur mature unisexuée (figure 33; tableau 7). Les différents stades sont
référencés par rapport à la taille de leurs inflorescences puisqu’il est pratiquement impossible
de donner un âge aux inflorescences avant leur émergence (inaccessibilité à cause de la haute
protection de la couronne foliaire).
Les bourgeons floraux mâles et femelles sont initiés à partir d’une zone latérale
méristématique du rachilla et à l’aisselle d’une courte bractée (figure 31c,d). L’apparition du
bourgeon floral est définie afin de correspondre le stade initial (I) de la morphogenèse florale
(figure 33a,e; tableau 7). Les bourgeons floraux sont constitués de cellules intensément
colorées au NB, indicateur d’une forte activité de division cellulaire. Ils se développement de
façon longitudinale et radiale par des divisions anticlines et périclines respectivement.
L’initiation des primordiums des organes floraux (sépales, pétales, étamines et carpelles)
s’effectue de manière acropète et aboutit à l’établissement des quatre verticilles
successivement opposés. L’émergence des primordiums des sépales, des pétales, des étamines
et des carpelles se produit successivement. Chaque organe floral se caractérise par une
structure histologique bien déterminée. Nous désignons un stade évolutif pour la mise en
place d’un nouvel organe floral. Ainsi, les stades II, III, IV et V correspondent à l’ontogénèse
des sépales, pétales, étamines et carpelles respectivement (stade III : figure 33b,f; stade IV:
figure 33c,g ; stade V : figure 33d,h ; tableau 7).
Le développement des bourgeons floraux mâles et femelles est similaire jusqu’à l’émergence
du dernier verticille (carpelle ou gynécée) au stade V (figure 33d,h ). Le bourgeon floral est
alors d’apparence bisexuelle à ce stade.
A partir du stade VI (figure 33i,m) puis au VII (figure 33j,n), les fleurs mâles et femelles ont
des morphologies différentes. Les organes sexuels fertiles (carpelle pour les fleurs femelles et
étamines pour les fleurs mâles) s’accroissent en taille et se développent.
Aux stades VIII (figure 33k,o) et IX (figure 33l,p), alors que les organes sexuels fertiles
atteignent leur phase de maturité avec des structures reproductrices matures (ovule pour les
carpelles et sac polliniques pour les étamines), les organes sexuels stériles (staminodes des
70
fleurs femelles et pistillodes des fleurs mâles) apparaissent rudimentaires et montrent un
développement incomplet (figure 33l,p; tableau 7).
Conclusion
Le développement floral chez le palmier dattier qui comprend 9 stades clés peut être
subdivisé en deux phases distinctes :
- La première phase (du stade I au stade V) correspond à la mise en place des organes
floraux sexuels et stériles. Durant cette phase, les bourgeons floraux mâles et femelles
sont morphologiquement indistinguables (stade V). Le bourgeon floral est d’apparence
bisexuelle
- La seconde phase (du stade VI au stade IX) se caractérise par la différentiation des
organes reproducteurs. Les organes sexuels mâles et femelles suivent des voies
morphogénétiques différentes qui accentuent le dimorphisme sexuel.
71
Tableau 6 : Accumulation d’amidon dans les organes reproducteurs du palmier dattier. Ce
tableau correspond à un récapitulatif de la présence (+) ou absence (0) de réserves amylacées
dans les structures reproductives mâle et femelle. Les organes reproducteurs (fertiles et non
fertiles) sont dépourvus d’amidon jusqu’au stade VI où les carpelles de la fleur femelle
montrent la présence de quelques grains d’amidon. Cependant, les rachillae montrent une
accumulation d’amidon dès le stade d’initiation du bourgeon floral. Le pattern d’accumulation
est différent entre les inflorescences mâles et femelles. Les femelles montrent une plus forte
accumulation que les mâles. Le nombre de signe + indique une idée d’abondance
I II III IV V VI
Femelle épillets + ++ ++ +++ +++ +++
Organes non sexuels (sépales et pétales) 0 0 0 0 0 +
Organes sexuels (Carpelles, staminodes) 0 0 0 0 0 + (carpelles)
Mâle épillets 0 + + ++ ++ ++
Organes non sexuels (sépales et pétales) 0 0 0 0 0 +
Organes sexuels (Etamines et pistillodes) 0 0 0 0 0 0
72
Figure 32 : Cinétique de développement inflorescentiel femelle (A) et mâle (B
73
Figure 33: Stades de développement floral chez le palmier dattier. Coupes histologiques des fleurs femelles (a-d, i-l) et des fleurs mâles (e-h, m-
p). Stade I (a, e) , Stade III (b, f), Stade IV (c, g), Stade V (d, h), Stade V I (i, m) , Stade VII (j, n), Stade VIII (k, o), Stade IX (l, p). Pour la
description de chaque stade ainsi la taille inflorescentielle correspondante, voir le tableau 7. Abréviations: b: bractée; C:carpelle; fm: méristème;
O: ovule; Ov: méristème ovulaire ; P:pétale; Pi: pistillodes; St: étamines ; st: staminodes; S:sépales. Barres : 100µm (a, e) and 200µm (b-d,f-p).
74
Tableau 7 : Principaux événements morphologiques observées au cours de la formation des
fleurs unisexuées chez le palmier dattier.
75
B. La mise en place du dimorphisme sexuel des fleurs
Afin de déterminer les premières différences visibles entre le développement des fleurs mâles
et femelles, des mesures morphométriques du verticille 4 des bourgeons floraux aux stades IV
et V d’initiation des organes sexuels ont été réalisées (figure 34a, b). Ces mesures
comprennent la largeur et la hauteur du verticille 4 ou gynécée.
Au stade IV
Alors que les sépales et les pétales continuent de s’allonger, les bourgeons floraux mâles et
femelles produisent chacun six primordia d’androcée entourant un méristème central. Nous
avons constaté que les largeurs et les hauteurs du méristème central sont comparables entre
les bourgeons mâles et femelles (P= 0,5, pour les largeurs ; P=0,54, pour les hauteurs ; figure
34c).
Au stade V
Pour ce faire, nous avons réalisé des mesures de la taille et du nombre total des cellules par
primordium sur des coupes histologiques médianes des bourgeons floraux mâle et femelle.
Nos résultats montrent que les tailles des cellules des gynécées mâle et femelle ne sont pas
significativement différents à ce stade V (P = 0,59 ; figure 36a). Cependant, nos résultats
montrent une différence du nombre total de cellules par primordium de gynécée entre les
bourgeons de sexe opposé. L’élargissement du gynécée serait dû à un nombre de cellules plus
important dans le bourgeon femelle par rapport au mâle (P = 0,0001; figure 36b).
En conclusion
Ces résultats montrent que les premiers signes de dimorphisme sexuel entre les
bourgeons mâle et femelle sont observables au stade V. Ils résulteraient d’une différence
d’activité mitotique du bourgeon floral au niveau du verticille 4, qui est plus large dans
le bourgeon femelle, ce qui constituerait le premier signe du processus de différenciation
sexuelle de la fleur chez le palmier dattier.
77
Figure 34 : Analyse biométrique des boutons floraux après l’initiation de tous les primordiums des
organes floraux. a : coupe longitudinale d’une fleur femelle au stade bisexuel (V). b: coupe
longitudinale d’une fleur mâle au stade bisexuel (V). c : Histogramme de la moyenne de largeur et de
la hauteur du gynécée des fleurs mâle et femelle. Abréviations: carpelle; Pe: pétales; St: étamines;
Hw4: Hauteur du verticille 4; Ww4: Largeur du verticille 4. Barre : 100 µm (a-b).
78
Figure 35 : Analyse biométrique des boutons floraux après l’initiation de tous les primordia
des organes floraux au stade V (bisexuel). a-b : Organes sexuels des fleurs femelle (a) et mâle
(d) en microscopie électronique à balayage (MEB). A ce stade, chaque fleur montre
l’émergence de trois primordia des carpelles de forme triangulaire au verticille interne entouré
de six primordiums d’étamines. c : Histogramme de moyenne de la largeur et de la hauteur
du gynécée des fleurs mâle et femelle. Au stade bisexuel V, les tailles sont significativement
différentes entre les gynécées femelle et mâle (c ; p= 0,0016). Abréviations: carpelle; Pe:
pétales; St: étamines.
Figure 36: histogramme d’aire moyenne des cellules des primordiums du gynécée des fleurs
femelle et mâle (a) ainsi que leur nombre moyen de cellules (b) au stade V. Les résultats
montrent que les tailles des cellules ne sont pas significativement différentes (p= 0,59).
L’élargissement du gynécée des fleurs femelles par rapport à celui des fleurs mâles résulte
d’un nombre de cellules significativement plus important (p: 0,0001).
79
C. La différenciation des organes reproducteurs mâle et femelle
Afin de préciser les bases cellulaires caractérisant l’unisexualisation des fleurs, l’évolution
des bourgeons d’apparence bisexuelle vers des fleurs unisexuées a ensuite été étudiée en
comparant le développement des organes floraux fertiles (carpelles et étamines) avec les
organes floraux stériles (pistillodes et staminodes).
Une étude histologique comparative entre le développement de l’androcée fertile des fleurs
mâles et l’androcée stérile des fleurs femelles a été réalisée pour les stades de différentiation
sexuelle (VI à IX) (figure 37).
80
Figure 37: Développement de l’androcée chez les fleurs mâle et femelle. a-f : Développement de
l’androcée fertile des fleurs mâles. a: primordiums d’étamines au stade VI. b: différentiation précoce
des étamines en anthère and filament au stade VII. c: étamines bilobés au stade VIII. c1: Des divisions
méiotiques visibles dans les locules des anthères. d: étamines matures au stade IX avec des sacs
polliniques développés. e-h : Développement de l’androcée stérile des fleurs femelles. Légère
croissance des primordiums des staminodes au stade VI. Aucune élongation des staminodes n’est
observable comparativement aux étamines de même stade (a). f : au stade VII, les cellules des
staminodes deviennent vacuolisés. Cela correspond aux premiers signes de différentiation. g-h : la
vacuolisation cellulaire augmente considérablement durant les stades VIII et IX. De plus, certaines
d’entre elles se différentient en faisceaux provasculaires (PV). Abréviations: A: anthère; F: filament; L:
locule des anthères; Pe: petale; Pi: pistillodes; PV: faisceaux provasculaires; Sa: sac pollinique.
Barres : 30 µm (e-h), 90 µm (a-b) and 200 µm (c-d).
81
Description de l’androcée stérile
Contrairement aux étamines des fleurs mâles, les staminodes des fleurs femelles montrent un
arrêt de développement. Des investigations histologiques ont été réalisées pour caractériser en
détail les événements cellulaires associés à cet arrêt.
Au stade VI, les ébauches des staminodes se sont très légèrement allongées par rapport au
stade V « bisexuel » sans toutefois égaler la taille des étamines au même stade de
développement (figure 37a). Les cellules des staminodes se distinguent par de gros noyaux
visibles par la coloration au NBB et des cytoplasmes denses (figure 37e). Ces cellules
demeurent à ce stade dans un état indifférencié.
Au stade VII, aucune élongation ni élargissement des ébauches des staminodes n’est observée
(figure 37f). Cela indique que le développement des staminodes est bloqué.
Durant les stades VII à IX, les staminodes présentent une différenciation cellulaire qui se
traduit par une augmentation de la vacuolisation et par une diminution de la densité de
coloration au NBB des cytoplasmes (figure 37g,h). Les cellules montrent des vacuoles larges
et des noyaux excentrés. On note la différenciation de certaines cellules en faisceaux
provasculaires (figure 37g,h).
En conclusion, l’arrêt de développement des staminodes des fleurs femelles serait associé
à une perte progressivement des caractéristiques méristématiques des cellules suivi de
leur différentiation précoce. Cette dernière constituerait un élément essentiel de la
formation d’une fleur femelle unisexuée.
82
2. Développement du gynécée des fleurs femelle et mâle
Le développement du gynécée a été comparé entre les fleurs mâle et femelle afin de
déterminer les principaux changements histo-cytologiques qui se produisent durant
l’établissement du dimorphisme sexuel.
Dès le stade VI, les primordia du gynécée fertile des fleurs femelle subissent un accroissement
de leur épaisseur ainsi que de leur taille (figure 38a). Leurs cellules apicales sous
épidermiques se caractérisent par de gros noyaux centraux et des cytoplasmes très denses liés
à l’accumulation de composés protéiques. Cet élargissement des ébauches du gynécée
entraîne la formation d’une petite dépression entre les trois carpelles visualisés MEB.
Au stade VII, l’élongation des ébauches carpellaires se poursuit et le méristème ovulaire est
initié du côté intérieur du carpelle (figure 38b). Les cellules du carpelle se différencient en
accroissant leur vacuolisation. En revanche, les cellules du méristème ovulaire présentent un
noyau volumineux, un cytoplasme dense ainsi qu’un rapport nucléo-cytoplasmique
relativement élevé. A fort grossissement, une augmentation de la taille des nucléoles est
observée. Ainsi, les cellules du méristème ovulaire montrent les caractéristiques d’un
métabolisme actif. A la fin du stade VII, le nucelle ovulaire est formée (figure 38c). Il est
composé principalement de cellules hautement méristématiques. Il est à noter que l’ovule
immature présente un axe de symétrie proximal/distal.
Au stade VIII, une croissance substantielle des carpelles des fleurs femelles est observée
(figure 38d). Le style et l’ovule sont clairement distinguables. Les téguments internes ainsi
que les tissus sporogène sont initiés au sein du nucelle. L’ovule est placé en position
anatrope. Durant sa différentiation, l’ovule a acquis un nouvel axe de symétrie de type
abaxial/adaxial.
Au stade IX, les carpelles se sont élargis et allongés considérablement (figure 38f). Ils ont
atteint leur taille et leur forme définitives. La mise en place des stigmates différenciés, d’un
placenta hautement vascularisé et de téguments ovulaires sont observables. Du côté du
micropyle ovulaire, le sac embryonnaire provenant des cellules de macrospore s’individualise
(figure 38e). A l’anthèse, le gynécée fertile des fleurs femelles est fonctionnel. Il est composé
de trois carpelles uniovulaires.
83
Description du gynécée stérile
Comparativement au gynécée fertile des fleurs femelles, les pistillodes des fleurs mâles
présentent un développement moins important.
Dès le stade VI, les primordiums des pistillodes s’accroissent légèrement en taille. Leurs
cellules présentent une diminution des caractéristiques méristématiques. Elles apparaissent
beaucoup moins denses que celles du gynécée fertile (figure 38f).
Au stade VII, les pistillodes s’épaississent et se différencient (figure 38g). Les méristèmes
ovulaires s’individualisent du coté basal et renferment des cellules actives.
Au stade VIII, le style et les stigmates sont initiés dans la partie distale des pistillodes (figure
38h). Le nucelle ovulaire est formé. Il est constitué des cellules vacuolisées avec de gros
noyaux centraux, des caractéristiques des cellules quiescentes (figure 38j).
Au-delà du stade VIII, un arrêt du développement des pistillodes est constaté (figure 38i). Il
se traduit au niveau de l’ovule par l’absence des téguments et du sac embryonnaire. Aucune
différentiation de la chalaze n’est observée. Ainsi au stade IX, le développement des
pistillodes apparait incomplet ou juvénile comparativement au gynécée fertile des fleurs
femelles. A ce stade, l’axe de symétrie de l’ovule est de type proximal/distal (figure 38j).
Conclusion
Cette étude comparative de la différentiation du gynécée des fleurs femelle et mâle a montré
un développement similaire entre les fleurs mâle et femelle aux stades VI et VII. Ensuite, les
carpelles fertiles et les pistillodes se distinguent progressivement. L’arrêt de développement
des pistillodes des fleurs mâles résultent d’une diminution des caractéristiques
méristématiques suivi d’une différenciation partielle de l’ovule et du style au stade VII.
Cet arrêt de développement des pistillodes serait le caractère le plus marquant associé
l’unisexualisation des fleurs mâles chez le palmier dattier.
84
Figure 38: Développement du gynécée chez les fleurs femelle et mâle.
a-e: différentiation sexuelle et maturation du gynécée fertile des fleurs femelles. a:
Elargissement précoce des primordia de carpelle au stade VI. b: élongation des primordiums
des carpelles durant le stade VII. c: l’initiation de l’ovule s’accompagnant de la mise en place
d’un axe de symétrie proximale/distale au stade VII. d: au stade VIII, élongation des
primordia de carpelles et initiation des téguments externes de l’ovule, laquelle est observable
en position anatrope. Acquisition d’un nouvel axe de symétrie de type abaxial/adaxial. e :
détail de l’ovule au stade IX. Les téguments internes sont formés. La macrospore demeure au
stade prémeiotique.
f-j: développent du gynécée stérile des fleurs mâles. f: au stade VI, les primordia des
pistillodes se sont légèrement allongés. g: au stade VII, initiation du bourgeon ovulaire. h: au
stade VIII, initiation du nucelle ovulaire. i : au stade IX, pistillodes développés. A ce stade, la
mise en place d’un axe de symétrie proximal/distal caractérise les pistillodes. j: Détail du
tégument interne de l’ovule des pistillodes. Abréviations: C: carpelle; et: tégument externe; it:
tégument interne; mi: micropyle; mo: méristème ovulaire; ma: macrospore; N: nucelle ; O:
ovule; pe: pétale; Pi: pistillode; S: sépale; Std: staminodes; Stm: étamines; sty: style. Barres:
50 µm (b, g, e, j), 100 µm (a, c-d, f, h-i).
85
IV. Discussion
Développement de l’inflorescence
Les inflorescences de palmier dattier sont très grandes plus d’un mètre, de structure
monopodiale avec une ramification d’ordre 1. Leur ontogénèse implique le développement
du bourgeon inflorescentiel en inflorescence. Cette transition développementale est très rapide
et semble durer quelques semaines seulement. Les processus moléculaires régulant la mise en
place des inflorescences et des rachillae restent inconnus. Cependant, plusieurs gènes
susceptibles d’intervenir dans la régulation du développement inflorescentiel ont été
caractérisés chez les palmiers, notamment des orthologues putatifs des gènes
SHOOTMERISTEMLESS et CUC1/CUC2/CUC3 d’Arabidopsis (Jouannic et al., 2007).
Durant les premiers stades de développement, les inflorescences mâles et femelles du palmier
dattier se distinguent par le nombre de ramifications de l’axe inflorescentiel, par la densité des
méristèmes floraux ainsi que par l’accumulation de réserve en polysaccharidiques. Ce dernier
caractère pourrait être associé à leur future fonction de production des fruits. Le phénomène
de dimorphisme morphologique entre inflorescences mâle et femelle est visible chez de
nombreuses espèces dioïques. Par exemple, chez la papaye, le pied mâle produit de longues
inflorescences portant de nombreuses fleurs comparativement au pied femelle qui se distingue
par de très courtes inflorescences portant un nombre réduit de fleurs femelles (Ming et al.,
2007). Chez le palmier à huile, l’inflorescence femelle porte moins de ramifications et de
bractées florales que l’inflorescence mâle (Adam et al., 2005). Les inflorescences mâle et
femelle du palmier Phytelephas equatorialis diffèrent par le nombre de rachillae produits
(quatre branches pour l’inflorescence mâle et une seule pour l'inflorescence femelle) ainsi que
par le nombre de fleurs par rachilla (Uhl et Dransfield, 1984).
Les différences de structure inflorescentielle entre les deux sexes d’une plante constituent des
caractères sexuels secondaires, du fait qu’ils ne soient pas directement liées au développement
du gynécée et de l’androcée (Lloyd et Webb, 1977; Dellaporta et Calderon-Urrea, 1993). Très
peu de gènes impliqués dans le contrôle des caractères sexuels secondaires ont été rapportés
chez les espèces dioïques. Toutefois, chez le maïs, les gènes TASSELSEED 4 et
TASSELSEED 6 seraient impliqués dans la ramification principale de l’inflorescence (Juarez
et Banks, 1998). Plus récemment, des QTL contrôlant les caractères morphologiques
86
inflorescentiels (taille et nombre) ont été identifiés et localisés à proximité du locus du sexe de
la vigne (Marguerit et al., 2009).
L’acquisition ancienne de la dioécie chez les Phoenix, comme l’attestent des fossiles de
fleurs, trouvés dans des sédiments datant d’il y a environ 50 millions d'années (Dransfield et
al, 2008) confortent la thèse selon laquelle les espèces auraient eu le temps nécessaire de
pouvoir accumuler plus des caractères sexuels secondaires. Cependant, les liens entre le
développement de caractères sexuels secondaires et les gènes de la détermination du sexe
chez les espèces dioïques en général et chez le palmier dattier en particulier restent à être
élucidées.
Les premières différences morphologiques visibles liées au sexe sont observables dès le 5ème
stade avec les gynécées des fleurs femelles sont significativement plus larges que ceux des
fleurs mâles. Bien que leurs tailles soient comparables, cet élargissement résulterait d’une
différence d’activité mitotique, plus importante au niveau des organes sexuels fertiles. Un
dimorphisme sexuel similaire est observé chez les fleurs de S. latifolia. Au stade d’initiation
du verticille correspondant aux étamines, le gynécée des bourgeons femelles montre une
augmentation importante de son diamètre qui est 5 fois plus large que celui des bourgeons
mâles, ce qui suggère un arrêt de la prolifération du territoire correspondant au gynécée de la
fleur mâle (Grant et al., 1994 ; Farbos et al., 1997). De plus, une étude réalisé chez cette
espèce a révélée une expression différentielle des gènes STM (SHOOTMERISTEMLESS) et
CUC (CUC SHAPED COTYLEDON 1 et 2) entre les bourgeons mâles et femelles avant toute
différentiation des organes floraux (Zluvova et al., 2006). Le territoire du gynécée des
bourgeons mâles du S. latifolia se caractérise par une expression spécifique des gènes SlCUC
et une absence d’accumulations des transcrits des gènes SlSTM 1 et 2 (Zluvova et al., 2006).
De plus, un certain nombre de mutations qui affectent la taille du méristème floral ont été
identifiées. Par exemple, les mutations du gène CLAVATA 3 chez Arabidopsis et du gène
FLORAL ORGAN NUMBER 1 du riz se traduisent par une prolifération et un élargissement
du méristème floral, et une augmentation du nombre d'organes floraux (Suzaki et al, 2004;
Kazama et al., 2009). Les gènes AGAMOUS et SUPERMAN sont requis pour la régulation
de prolifération cellulaire des verticilles 3 et 4 de la fleur d’Arabidopsis (Jenik et irlandais,
2000; Meyerowitz, 1997). Plus récemment, le gène INHIBITOR OF MERISTEM ACTIVITY
87
(IMA), qui agit comme répresseur des gènes de l’identité méristématique (WUS, STM, KN1)
et qui participe par conséquent dans le processus de la terminaison du méristème floral, a été
décrite chez la tomate (Sicard et al., 2008)
La mise en place des fleurs unisexuées chez le palmier dattier montre clairement une
cinétique de développement différente entre les organes sexuels stériles mâles (androcée ou
staminodes) et femelle (gynécée ou pistillodes). Les staminodes présentent un arrêt
d’élongation et une différentiation cellulaire précoce dès le stade VI. En revanche, les
pistillodes présentent une croissance partielle suivie d’un blocage du développement
carpellaire plus tardif, au stade VII. Cette différence dans le moment de l’arrêt du
développement des organes sexuels stériles selon le sexe est observable et très variable selon
les espèces dioïques présentant un bourgeon floral bisexuel. Chez le palmier à l'huile, les
staminodes et les pistillodes forment des structures rudimentaires alors que, chez S. latifolia
et C. sativus les staminodes avortent plus tardivement, après la différenciation des étamines en
anthères et en filaments (Farbos et al, 1997 ; Bai et al, 2004 ; Adam et al, 2005). Chez la
vigne (Vitis vinifera), les pistillodes montrent un développement similaire du gynécée fertile
mais deviennent stériles par dégénérescence du sac embryonnaire (Caporali et al., 2003).
Dans un continuum qui repartit les espèces selon le moment d’arrêt de leurs organes sexuels
stériles (figure 39), le palmier dattier entre dans le groupe 3 composé de S. latifolia, C.
sativus., Raphis, A. officinalis et E. guineensis , malgré quelques différences mineures dans la
différenciation des organes résiduels.
Ces variations dans l’arrêt des organes sexuels résiduels suggèrent que, pour chaque espèce, le
dimorphisme sexuel résulte de modifications à des niveaux différents de la voie de régulation
de la mise en place des organes reproducteurs (Irish et Nelson, 1989).
88
Figure 39 : La répartition des espèces selon le moment de l’arrêt des organes sexuels stériles
constitue un continuum (modifié d’après Dellaporta et Calderon-Urrea, 1993).
89
Chapitre 3 : Les variations de la morphogénèse florale
En l’absence de mutants floraux identifiés et caractérisés chez le palmier dattier, les variants
floraux constituent un matériel intéressant pour l’étude de la régulation du développement
reproducteur. L’inventaire des variants de la morphogénèse florale nous a permis de constater
l’existence de deux types d’anomalies florales in planta : des fleurs mâles « bisexuelles »
observées sur des individus mâles et des fleurs femelles portant des pseudo-carpelles
surnuméraires observés chez des individus femelles.
Les fleurs mâles « bisexuelles » montrent une variation naturelle atypique de la morphogenèse
florale. Elles ont été observées uniquement sur des individus mâles dans diverses régions du
monde, notamment en Irak et en Californie (DeMasson et al., 1980 ; Kgazal et al., 1990). Ce
phénotype floral variant se caractérise par le développement des pistillodes des fleurs mâles
en fruits parthénocarpiques. L’apparition in planta de ce phénotype d'apparence bisexuelle a
suscité diverses affirmations. Certains indiquèrent l’existence de « changement de sexe » chez
le palmier dattier d’une année sur l’autre alors que d’autres parlèrent de palmiers dattiers
monoïques avec la coexistence des inflorescences mâles et des inflorescences femelles chez le
même individu (Monciero, 1954 ; Munier, 1973). L’absence de données d’ordre
histologiques, génétiques et biochimiques n’a pas permis d’expliquer l’origine et les
mécanismes responsable de ce dysfonctionnement floral.
Le second phénotype variant concerne des fleurs femelles anormales sont observées à une
fréquence plus ou moins élevée sur des individus femelles issus de plants régénérés in vitro.
Ce phénotype variant s’apparente à une variation somaclonale (Cohen et al., 2004). Il a été
observé dans plusieurs plantations de palmiers issus de vitroplants en Arabie saoudite, aux
Emirats et en Israël.
90
décrire les événements morphologiques associés à l’apparition des phénotypes variants
variation et de mieux comprendre la plasticité du développement floral.
Les individus mâles de palmier dattier peuvent porter soit uniquement des inflorescences
mâles normales ou des inflorescences « bisexuelles » soit les deux à la fois (figure 40 et 41).
Les inflorescences mâles portant des fleurs « bisexuelles » présentent la même morphologie
générale que les inflorescences mâles normales qui portent uniquement des fleurs unisexuées.
La forme de l’inflorescence à fleurs «bisexuelles » est conique du fait de la ramification
acropétale des épillets floraux sur l’axe des rachis (figure 41a,b). Les fleurs « bisexuelles »
sont densément reparties sur l’épillet (figure 41c). Cependant, certaines différences
distinguent une inflorescence « variante » d’une inflorescence normale :
- Au niveau de l’appareil reproducteur, la répartition florale montre dans certains cas la
présence d’un gradient de développement. Les fleurs « bisexuelles » sont rencontrées à
la base alors que des fleurs mâles normales occupent le sommet de l’inflorescence (Figure
41a,c). Les fleurs mâles bisexuelles sont persistantes sur l’axe alors que les fleurs mâles
normales sont caduques. A noter que lors du développement des carpelles, les fleurs ne
sont plus caduques. Les conditions endogènes sont probablement différentes le long de
l’axe de l’épillet pour pouvoir expliquer l’apparition de ces deux phénotypes sur un même
axe. Cette variation florale peut être transmisse par la propagation végétative. Ainsi, nous
avons observé des rejets issus d’arbre mâle « hermaphrodite » qui avaient reproduit le
même phénotype floral variant que leur pied mère. Au cours de leur première floraison,
les jeunes rejets produisent une inflorescence hybride qui présente à la fois des épillets
mâles normales et des épillets portant des fleurs mâles « bisexuelles ». Lorsque le rejet
devient plus âgé, il ne produit plus d’inflorescence hybride mais uniquement des
inflorescences avec des fleurs variantes.
91
-
Figure 40 : Arbre mâle produisant des inflorescences à fleurs unisexuées et des inflorescences à
fleurs « bisexuelles ».
92
- Au niveau de la fleur, l’architecture d’une fleur mâle « bisexuelle » mature présente le
développement des organes des deux sexes. Pendant les stades précoces de la
morphogenèse, le bourgeon mâle est semblable à celui d’une fleur mâle normale à
l’échelle macroscopique (figure 42a,b). Les étamines s’accroissent et s’allongent alors que
les pistillodes demeurent rudimentaires. Dans les prémices de l’anthèse, les pistillodes
connaissent une forte croissance (figure 42c). Plus tard, ils évoluent en fruits
parthénocarpiques similaires aux fruits issus de pieds femelles non pollinisées (figure
42d,e). En effet, nous avons un développement floral normal puis lors de l’anthèse le
signal du déblocage du développement des pistillodes intervient et la fleur mâle évolue en
fruit parthénocarpique. Les facteurs inducteurs de ce développement anormal sont
inconnus.
- La parthénocarpie à trois carpelles est majoritaire mais d’autres phénotypes variants avec
4 carpelles peuvent être observés (figure 43). Ces pseudocarpelles surnuméraires
peuvent s’accompagner d’un changement d’ordre de symétrie de 3 à 4 ou plus (figure
43).
93
Figure 42: Cinétique de développement des fleurs mâles « bisexuelles». Les pistillodes demeurent
rudimentaires (a, b) jusqu’à l’approche de l’anthèse où ils s’accroissent fortement (c). Après l’anthèse
les étamines persistent et les fleurs prennent l’apparence de fleurs bisexuelles ou hermaphrodites
(d,e).
Figure 43 : Changement d’ordre de symétrie dans une fleur fleur mâle « bisexuelle ».
94
Figure 44 : Caractéristiques morphologiques et histologiques des fleurs mâles « hermaphrodites »
(a-c) en comparaison avec celles des fleurs normales mâles (d-f) et femelles (g-i)
95
En somme, les fleurs mâles « bisexuelles » présentent une double stérilité (carpelles
dépourvus d’ovule mature et des sacs polliniques portant des grains de pollen
anormaux). Le développement carpellaire des pistillodes conduit à une parthénocarpie
plutôt qu’à un à hermaphrodisme fonctionnel. Cependant, les facteurs génétiques,
hormonaux ou environnementaux à l’origine de l’apparition des variants
« hermaphrodites » restent à identifier.
Nous avons suivi la floraison des individus femelles issus de vitroplants de palmier dattier
pendant les saisons florales de 2008-2009 et 2009-2010 dans les différentes palmeraies de
Djibouti.
Nous avons observé la présence de fruits mais surtout de nombreux pseudofruits anormaux
chez ces individus femelles (figure 46). L’anomalie constatée probablement de perturbations
induites au stade floral. Ce phénotype variant se caractérise par la formation de structures
carpellaires supplémentaires ou surnuméraires. L’apparition de ces carpelles surnuméraires
pourrait avoir deux origines possibles :
- Un changement de l’identité du verticille 3 (staminodes). Les staminodes rudimentaires
se développent en pseudocarpelles en forme de languette pour la plupart des cas (figure
46). Cela semble correspondre à une modification homéotique des organes mâles.
- Un changement d’ordre de symétrie supérieur à 3 pour le gynécée.
Ces phénotypes caractérisés par des fruits anormaux sont qualifiés de « variations
somaclonales » puisqu’elles sont portées par les plants régénérés in vitro. Nous avons
constatée que, pour la saison de floraison 2009-2010, cette variation somaclonale affectait
100% des vitroplants du CERD, 91 % des individus de Damerjog et 47 % de ceux d’Ali-Sabieh.
Cette variation entraine une perte importante de la production de dattes.
En conclusion, la modification des organes mâles des fleurs femelles anormales se
caractérise par une transformation homéotique des staminodes et/ou s’accompagnent
d’un changement de symétrie du gynécée.
96
Figure 45 : Coupes histologiques des organes mâles des fleurs bisexuelles prelevées in vitro
et in planta (a : anthères non déhiscentes, b : pollen anormal) et (c : anthères normales, d :
pollen normal).
97
Figure 46: Fruits anormales produites par des individus femelles régénérés in vitro. On
observe la transformation des staminodes en pseudocarpelles comparables carpelles ou des
pseudocarpelles en forme de languettes et la perte de symétrie 3 par le verticille 4. Barre : 1
cm
98
II. Variation florale in vitro
L’évolution de la morphogenèse des fleurs mâles in vitro a été observée. Après 8 semaines
de mise en culture dans les différentes conditions hormonale, nous avons comparé l’effet
des 2,4-D, de l’ANA et de la 5-azaC sur le développement in vitro des pistillodes et des
étamines.
99
Figure 47 : Culture in vitro des fleurs mâle et femelle. a : jeunes boutons floraux mise en
culture sur milieux enrichis en 2,4-D et en charbon actif. b : jeunes boutons floraux mis en
culture sur milieux enrichi en ANA et en 5-azaC.
100
Incidence du stade de développement
Nous avons étudié l’effet du stade de développement sur la réactivité des fleurs mâles dans
les différentes conditions.
Nos résultats ont montré que le développement des structures carpellaires est observé dans
20%, 16%, 7% et 0% pour les fleurs mâles portés des rachillae de taille 8, 9cm, 12 cm et
25cm respectivement en conditions de 2,4-D (figure 48). En condition d’ANA et de 5 azaC,
respectivement 7,5% et 6 % des fleurs portées par les épillets de 9 cm montrent une
croissance des pistillodes (figure 48). Ainsi la réactivité des fleurs mâles diminue avec
l’augmentation de la taille des rachillae, donc de stade de développement des fleurs.
Globalement, les rachillae mâles de taille comprise entre 8 et 12 cm sont compatibles avec
une réversion vers des fleurs d’apparence « bisexuelle » alors qu’au-delà, les rachillae plus
jeunes (taille < 7 cm) ou plus âgées (taille> 25 cm) n’ont révélés aucune aptitude
morphogénétique quelque soit la nature hormonale. Ainsi, les stades appropriés pour le
développement carpellaire des fleurs mâles sont les stades V et VI.
Le développement in vitro des pistillodes des fleurs mâles se traduit par une hypertrophie
des structures carpellaires qui étaient initialement à l’état vestigial (figure 49a-c).
Une étude histologique réalisée sur les fleurs mâles « bisexuelles » montre que les
pseudocarpelles des pistillodes sont constitués d’un tissu parenchymateux (figure 50a).
L’ovaire présente un développement incomplet (figure 50b). Malgré le stade de
différentiation avancé des pistillodes, l’ovule demeure immature. Les téguments et le sac
embryonnaire ne se sont pas encore développés.
101
Figure 48 : Effet de la composition hormonale des milieux de culture sur l’évolution des
fleurs mâles et femelles en fleurs hermaphrodites en fonction de la taille des épillets.
Composition des milieux de culture (annexe 1).
Figure 49: Fleurs mâles cultivées en présence de 2,4-D (a), d’ANA (b) et de 5-azaC (c) et présentant
un développement carpellaire. Abréviation : C : carpelle, E : étamines, P :pétale. Barre : 500µm
102
Les observations histologiques des anthères de la fleur mâle « bisexuelle » montre que les
sacs polliniques contiennent de nombreux grains de pollens malformés entourés d’une
couche tépale épaisse, ce qui pourrait expliquer l’absence de déhiscence des sacs polliniques
constatée chez ces fleurs mâles (figure 50c-d).
103
Figure 50 : Fertilité des organes mâles et femelles des fleurs mâles bisexuelles obtenues in vitro. a :
pistillodes ; b : ovule du pistillode ; c : étamines ; d : sac pollinique avec des pollens déformés,
collapsés. Barres : 30 µm (d) ; 100 µm (b) et 500µm (a, c).
104
Figure 51: Diverses perturbations du développement floral obtenu en condition in vitro. a :
épaississement de la base des étamines ; b : épaississement des bases des étamines et
développement carpellaire ; c : carpelles soudés en 2 ; d : carpelles soudés en 3 ; e-d : forte activité
rhizogène des boutons floraux sur milieu de culture contenant du 2,4-D.
105
B. Culture in vitro des fleurs femelles
Afin d’étudier l’effet des facteurs hormonaux sur le développement in vitro des staminodes
des fleurs femelles, nous avons testé différentes combinaisons hormonales notamment les
conditions auxine/cytokine décrites par Masmoudi et al. (2008) qui ont permis l’induction de
l’hermaphrodisme à partir de fleurs femelles.
Les jeunes fleurs femelles traitées aux différentes conditions hormonales ont montré une
faible réactivité. Les staminodes n’ont montré aucune modification morphologique. Elles
sont restées rudimentaires. La taille et la forme générale du carpelle sont similaires pour les
fleurs femelles traitées aux hormones (2,4-D, ANA et 5-azaC ; IBA, BAP) et les fleurs femelles
témoins. Aucune croissance morphologique n’a été observée chez les différents organes
floraux qui périssent par brunissement au bout des 8 semaines de mise en culture.
Conclusion
Le développement carpellaire in vitro des pistillodes des fleurs mâles dépend de la nature
et de la taille des fleurs et du type d’hormone utilisée. Les régulateurs de croissance de
nature auxinique (2,4-D, ANA) ou chimique (5-azaC) ont permis le développement des
pistillodes dans une « fenêtre physiologique » qui serait comprise entre le stade bisexuel
(V) et le stade où le sexe de la fleur mâle est parfaitement distinguable (VII). Cependant,
l’induction hormonale ne permet pas d’obtenir un développement complet et la fertilité
de l’organe sexuel stérile. Il résulte une structure florale non fonctionnelle. Ainsi, les
résultats obtenus montrent que les hormones de nature auxinique jouent un rôle
important dans les processus de développement floral conduisant à la distinction entre
organes sexuels stériles et fertiles.
106
III. Discussion
La diversité des phénotypes floraux variants obtenus in planta et in vitro montrent que la
morphogenèse florale du palmier dattier est relativement plastique.
107
une transformation homéotique de l’androcée stérile des fleurs femelles en carpelles
surnuméraires. Adam et al. (2007) ont montré que cette transformation homéotique du
verticille 3 de la fleur « mantled » du palmier à huile est associée à une dérégulation de
l’expression de plusieurs gènes MADS box (EgDEF1 et EgGLO2, gènes de fonction de type B
;EgAGL2-1 de type E et EgAG2 de type C et D). Une diminution de l’accumulation des
transcrits de ces gènes est observée dans les fleurs mantled. De plus, cette variation
somaclonale, de nature épigénétique est associée à une hypométhylation globale de l’ADN
génomique (Jaligot et al., 2000). Après comparaison avec le phénotype « mantled », Cohen
et al. (2004) suggèrent l’hypothèse d’un mécanisme de dérégulation de la méthylation du
génome associé à l’apparition des variants femelles du palmier dattier.
Notre investigation de la plasticité florale in vitro a montré que les organes sexuels stériles
peuvent acquérir de nouvelles capacités morphogénétiques sous l’effet des régulateurs de
croissance. L’utilisation des hormones auxiniques (2,4-D, ANA) ou d’un agent chimique ayant
une action hypométhylante sur l’ADN, le 5-azaC, ont induit le développement des pistillodes.
Cependant, la différenciation incomplète des gamétophytes femelles des pistillodes montre
que les hormones utilisées n’ont permis d’assurer la maturation de l’ovule.
En revanche, Masmoudi et al. (2008) ont rapporté l’obtention in vitro de fleurs
hermaphrodites à partir de fleurs femelles de palmier dattier. En effet, des étamines
matures ont pu être régénérées à partir des staminodes des fleurs femelles en utilisant une
balance hormonale comprenant de l’IBA et de la BAP. Le développement des étamines est
optimal lorsque les bourgeons floraux sont prélevés aux stades d’initiation des verticilles
sexuels (staminodes et carpelles).
L’ensemble des expériences de développement floral suggère fortement que le déblocage
du développement des organes sexuels stériles (staminodes des fleurs femelles ou
pistillodes des fleurs mâles) reste réversible. Ces organes stériles peuvent être réactivés sous
l’action de facteurs appropriés. De plus, cette réversibilité conforte l’idée que le bourgeon
floral du palmier dattier est potentiellement bisexuel jusqu’à un stade tarif.
108
De plus, la plasticité florale du palmier dattier observé in vitro conforte l’hypothèse selon
laquelle les auxines et les cytokines joueraient un rôle important dans la régulation du
développement des organes sexuels. Les applications hormonales exogènes modifient la
balance hormonale endogène, ce qui affecte la détermination du sexe. Ces observations
sont en accord avec les travaux de Lebel-Hardenack et al (1997) qui concluent que les gènes
associés à l’expression du sexe de la fleur chez le maïs sont impliqués dans les métabolismes
des hormones. C’est en effet le cas pour de nombreuses espèces végétales (Ainsworth,
2000). Cependant, mis à part quelques exceptions comme le maïs et le melon (Acosta et al.,
2009 ; Boualem et al., 2008) les mécanismes d’action de ces hormones sur le programme de
détermination du sexe ne sont pas encore élucidés.
109
Chapitre 4 : Caractérisation des processus cellulaires associés à la base de
l’unisexualité
Nous avons établis dans les chapitres précédents que le sexe du palmier dattier peut être
distingué dès la mise en place du verticille femelle au stade « bisexuel » V. Les premiers
signes du dimorphisme sexuel résulteraient d’une activité mitotique plus importante dans les
cellules du gynécée fertile par rapport à son équivalent non fonctionnel mâle.
Cette différence d’activité mitotique dans les primordia du gynécée se manifeste sous forme
d’un ralentissement de la prolifération cellulaire, ce qui conduit à l’arrêt du développement
des staminodes et des pistillodes. Les événements cellulaires et moléculaires associés au
blocage du développement de ces organes stériles demeurent inconnus.
Sur la base de nos résultats précédents et des données de la bibliographie et pour tenter
d’expliquer les causes du blocage de développement, nous avons étudiés l’hypothèse d’une
dégénérescence cellulaire ou d’un arrêt des divisions cellulaires dans les primordia des
organes sexuels stériles. D’après les données disponibles chez les espèces dioïques, la
dégénérescence nucléaire est rapportée comme étant le processus associé à l’unisexualisation
des fleurs mâles chez le maïs (Calderon-Urrea et Dellaporta 1999). Différentes études ont
montré que les cellules des bourgeons floraux ou végétatifs peuvent être bloquées en phase
G1 ou G2 et que la prolifération cellulaire est contrôlée par des molécules hautement
conservés incluant les histones et les cyclines (Cockcroft et al., 2000 ; Matsunaga et al.,
2006). Certains gènes codant des histones sont spécifiquement exprimés au cours de la phase
S. Ainsi, ils peuvent être utilisés comme marqueurs du cycle cellulaire, notamment dans la
transition G1-S (Krizek, 1999). Chez le palmier dattier, nous étudié l’intégrité cellulaire ainsi
que les activités de divisions par l’expression du gène histone H4 dans les primordia des
organes sexuels stériles aux stades de blocage dans un premier temps.
D’autre part, il existe plusieurs processus associés à l’unisexualisation florale chez les espèces
dioïques. Parmi, les processus épigénétiques sont rapportés comme impliqués dans l’arrêt des
organes stériles mâles des fleurs femelles chez S. latifolia (Janousek et al., 2006). De plus, nos
résultats précédents sur le développement carpellaire in vitro des pistillodes des fleurs mâles
ont montré que le blocage du développement des organes stériles peut être reversé sous
110
induction hormonales (2,4D) ou grâce à un agent chimique hypométhylant (5-azaC). Ces
résultats suggèrent que par des agents hypométhylants, la répression du blocage des organes
résiduels pourrait être levée. Dans cette optique, nous avons recherché à évaluer l’état de la
méthylation de l’ADN globale dans les cellules des primordia des pièces résiduelles stériles
du palmier dattier par immunolocalisation.
Sur le plan expérimental, étant donné que les bourgeons floraux de palmier dattier
contiennent à la fois des organes fertiles et des organes stériles, les méthodes d’analyse
excluent tout dosage qui nécessiteraient un broyage de la fleur et donc le mélange des deux
types d’organes. De plus, nous n’avons pas pu réaliser des dissections étant donné la petite
taille des organes stériles (< à 1mm). Par conséquent, nous avons focalisé nos investigations
sur les analyses histo-cytologiques rendant possible la comparaison de l’état des cellules des
organes fertiles et stériles sur une même coupe histologique.
111
I. Absence de dégénérescence cellulaire dans les organes sexuels stériles
L’objectif de cette étude est de déterminer si l’arrêt du développement des organes stériles
serait dû à une dégénérescence cellulaire et nucléaire.
Une analyse de l’intégrité cellulaire a été réalisée par l’observation de l’état des structures
nucléaires et des organites, et l’étude de l’état de la chromatine au sein des noyaux des
cellules des organes sexuels. Pour cela, nous avons réalisé des colorations de l’ADN au DAPI
et des observations ultra-structurales des cellules des organes stériles par microscopie
électronique à transmission (MET).
- le stade bisexuel V pour lequel les primordia des organes fertiles et stériles sont initiés.
C’est aussi le stade où les premiers signes de dimorphisme sont visibles entre les deux
sexes
- les stades VI et VII correspondant au blocage du développement des staminodes et des
pistillodes respectivement
Nous avons examiné l'intégrité nucléaire des cellules des pistillodes des fleurs mâles et celles
des staminodes des fleurs femelles sur des coupes histologiques colorées au DAPI à trois
stades différents de développement (V, VI et VII). Le DAPI est un intercalant fluorescent de
l’ADN qui se fixe de façon covalente sur les bases A et T. Il permet ainsi d’observer la
présence d’ADN dans les cellules.
Nos résultats ont montré la présence de noyaux intacts dans les cellules des staminodes
(figure 52a-c) et des pistillodes (figure 52d-f) au stade V (figure 52a,d), VI (figure 52b,e) et
VII (figure 52c,f). Les cellules des staminodes et des pistillodes ne montrent aucune
dégradation des contenus nucléaires après coloration au DAPI aux stades de blocage VI et VII
respectivement. Les noyaux sont similaires à ceux observés les cellules des organes fertiles.
112
Figure 52 : Coloration de l’ADN au DAPI sur des coupes longitudinales des fleurs de palmier dattier
à trois stades de développement. Le DAPI s’observe par un signal fluorescent bleu. Les noyaux des
cellules des staminodes (a, b, c) et des pistillodes (d, e, f) montrent la présence d’ADN ou de noyaux
entiers au stade bisexuel V (a, d), au stade VI (b, e) et au stade VII (c, f). Abréviations: C, carpelle; O,
ovule; Pi, pistillode; Std, staminodes; St : étamines. Barre =100 µm.
Figure 53 : Observation des noyaux colorés au DAPI sur des coupes longitudinales des organes
floraux du palmier dattier au stade VII. Les noyaux apparaissant en bleu montrent la conservation de
leur intégrité dans les cellules des organes fertiles, carpelle (a) et étamines (c), ou stériles, staminodes
(b) et pistillodes (d). Des chromocentres sont visibles principalement en périphérie des noyaux.
113
De plus, nos observations à fort grossissement ont révélé que dans les organes fertiles (figure
53a, b) et stériles (figure 53c, d) de la même fleur au stade VII, les cellules se caractérisent par
de gros noyaux larges et majoritairement sphériques pour la majorité. De nombreux foyers
chromatiniens ou chromocentres marqués au DAPI sont observables dans tous les noyaux. Ils
correspondent à l'hétérochromatine condensée. Leur nombre ainsi que leur intensité de
coloration ne sont pas différents entre les cellules des organes stériles et fertiles. Néanmoins,
une certaine localisation plus périphérique des chromocentres des cellules des organes stériles
est observable sans toutefois être significativement différente. Cette localisation périphérique
des chromocentres semble correspondre à une indication de différenciation cellulaire, cela
conforte la thèse de différenciation cellulaire précoce observée lors de l’arrêt des organes
stériles (voir chapitre 2).
Une fois établi que les noyaux des cellules des organes bloqués présentaient une intégrité
normale, nous avons poursuivi les investigations par l’étude de l’état des organites
intracellulaires pour confirmer l’intégrité ses structures nucléaires. Pour ce faire, nous avons
procédé à des observations au microscope électronique à transmission (MET) des fleurs mâles
et femelles aux premiers stades de blocage de développement des organes sexuels stériles (VI
et VII).
Les figures 54 et 55 montrent l’état ultrastructural des cellules des fleurs femelles (figure 54)
et mâles (figure 55) aux stades VI et VII.
Nos observations montrent que, globalement, la forme et l'aspect des cellules sont similaires
entre les organes sexuels fertiles (54a-b ; 55a-b) et stériles (54c-d ; 55c-d) quel que soit le
stade de développement et le sexe. Les cellules des organes considérés sont larges et
possèdent de gros noyaux sphériques en position centrale. Les organites (mitochondries,
réticulum endoplasmique, appareil de Golgi, plastes, vacuoles, noyaux etc...) sont
parfaitement visibles et intègres sans aucune malformation visible (figure 56). Aucune
différence spécifique du sexe n'est observable entre les cellules des organes des fleurs mâles
(figure 55) et femelles (figure 54).
114
Figure 54: Ultrastructure des cellules de la fleur femelle au stade VI (F1, a, c ) et au stade VII
(F2,b,d). Les coupes longitudinales F1 et F2 correspondent aux coupes semi-fines. Les
cellules fertiles (a,b) et stériles (c,d) montrent une parfaite intégrité de leurs organites
intracellulaires. Aucune structure particulière de la chromatine des cellules stériles pouvant
être relié au blocage n’est observée (c,d). Des corps protéiques (CP) très denses aux électrons
associés au nucléoles sont observables principalement dans les noyaux des cellules fertiles
(a,b). Échelles : 50µm (F1) ; 100µm(F2) ; X3600(d) ; X4800 (c).
115
Figure 55: Ultrastructure des cellules de la fleur mâle au stade VI (M1, e,g) et au stade VII
(M2,f,h). Les coupes longitudinales M1 et M2 correspondent aux coupes semi-fines. Les
cellules fertiles (e,f) et stériles (g,h) montrent une parfaite intégrité de leurs organites
intracellulaires. Aucune structure particulière de la chromatine des cellules stériles pouvant
être relié au blocage n’est observée (g,h). Des corps protéiques (CP) très denses aux électrons
associés au nucléoles et des vacuoles nucléolaires (VN) sont observables principalement dans
les noyaux des cellules fertiles (e,f). échelle : 50µm (M1) ; 100µm(M2) ; X4800 (g) ;
X7200(e,h) ; X10000(f).
116
A
C
Figure 56 : Organites intracellulaires des cellules des organes sexuels stériles. A : détail
ultrastructurale d’une cellule. B : Détail d’un appareil de Golgi. C : Détail des ribosomes et de
la lamelle moyenne. On observe la présence des organites présentant des morphologies
normales. Abréviations : V : vacuole ; R : ribosomes ; RE : réticulum endoplasmique ; M :
mitochondrie ; AG : appareil de golgi ; P : amyloplastes. Échelle : A (X29000) ; B(48000) ;
C (X29000).
117
La structure de la chromatine nucléaire, peu condensée, est très similaire qu’il s’agisse des
noyaux des cellules des organes sexuels stériles (figure 54c,d et 55c,d) ou fertiles (figure
54a,b et 55a,b). Il est à noter que les noyaux des cellules des organes stériles (figure 54c,d et
55c,d) ne présentent aucune condensation particulière de la chromatine pouvant être associé à
un blocage du développement.
Le nucléole présente une organisation particulière dans les cellules des organes fertiles
(figures 54a,b et 55a,b). Il apparaît comme une structure composée d'un centre fibrillaire
surmonté d'une couche périphérique granulaire. Des structures très denses (ou corps
nucléolaires) associées au nucléole sont observables. Ces structures sont également localisées
à proximité immédiate de l'enveloppe nucléaire. Elles émergent à partir de la couche
granulaire du nucléole. Cela suggère que ces SnRNP sont originaires du nucléole. Ces
structures pourraient correspondre à des ribonucléoprotéines nucléaire (SnRNP : Small
nuclear Ribonucleoproteins). La présence de SnRNP est plus importante dans les cellules des
organes sexuels fertiles des fleurs mâles et femelles mais elle est également observée dans les
organes stériles. De plus, les noyaux des organes sexuels fertiles des fleurs mâles présentent
des vacuoles nucléolaires (figure 55 a,b). Ces vacuoles renferment ou non des composés
granulaires. Ces composés granulaires semblent être des SnRNP.
La vacuolisation cellulaire augmente entre le stade VI (figure 54a,c et 55a,c) et le stade VII
(figure 54b,d et 55b,d). De plus, les cellules des organes sexuels stériles, staminodes (figure
54c,d) ou pistillodes (figure 55c,d) présentent plus de vacuoles que leurs organes sexuels
fertiles de la même fleur, carpelles (figure 54a,b) ou étamines (figure 55a,b). La présence de
cette vacuolisation est associée à une élongation et une différenciation précoces des cellules
des organes stériles.
Conclusions
Les cellules des staminodes et des pistillodes par comparaison avec les cellules fertiles ne
montrent aucune dégradation des contenus nucléaires après coloration au DAPI et
observations au MET. Ces résultats révèlent que l’intégrité nucléaire des cellules des organes
sexuels stériles est conservée. Les observations suggèrent un fonctionnement cellulaire
normal. Toutes les cellules sont transcriptionnellement actives. De plus, la présence
abondante des SnRNP ainsi que des vacuoles nucléolaires suggèrent l'existence d'une intense
118
activité de transcription chez les organes fertiles que dans les cellules des organes stériles. De
l’ensemble de ces résultats, nous déduisons que l’arrêt du développement des organes sexuels
stériles aux stades VI et VII ne serait donc pas dû à un processus de dégénérescence cellulaire.
L’aspect ultrastructural des cellules des organes stériles suggèrent une légère réduction de leur
activité de transcription.
II. L’arrêt des divisions cellulaires dans les organes sexuels stériles
Nous avons observé qu’il n’y a pas de dégénérescence cellulaire dans les organes stériles. Un
arrêt des divisions cellulaires pourrait-il être responsable du blocage de leur blocage de
développement ?
Ainsi, pour étudier l'activité mitotique des cellules dans les différents tissus floraux, des
travaux d’hybridation in situ ont été réalisés pour trois stades différents de développement
floral (stades V, VI et VII) afin de détecter les transcrits d’un gène codant une histone H4.
Comme précédemment mentionné, l’intérêt de travailler sur des coupes longitudinales des
fleurs de palmier dattier est que chaque coupe comporte les deux organes sexuels fertiles et
stériles. La présence et l’absence du signal correspondant au marqueur de division peuvent
ainsi être observées sur une même coupe.
A. Arrêt des divisions dans les primordia des staminodes de la fleur femelle
Au stade bisexuel (V), l’accumulation des transcrits du gène H4 a été détecté dans les
primordia des staminodes et des carpelles de la fleur femelle (figure 57a). Aux stades
correspondant à la différentiation sexuelle (VI, VII), les transcrits du gène H4 ne sont détectés
que dans les cellules du carpelle fertile en croissance et plus tard dans les cellules des
primordia de l’ovule (figure 57b,c). Cependant, aucun signal significatif correspondant aux
transcrits de gène H4 n’a été détecté dans les primordia de staminodes des fleurs femelles au
stade VI et VII (figure 57b,c).
119
B. Arrêt des divisions dans les primordia des pistillodes de la fleur mâle
Dans la fleur mâle, les transcrits d’histone H4 sont détectables dans tous les primordia des
organes sexuels au stade « bisexuel » V (figure 57d). Ils sont également observables dans
cellules sporogènes des anthères au stade VI (figure 57e) et dans le méristème ovulaire de
pistillodes au stade VII (figure 57f). La présence de divisions cellulaires dans les pistillodes
au stade VII est vraisemblablement limitée à l’initiation des ovules. Aucun signal
correspondant aux transcrits du gène H4 n’a été détecté dans les cellules de pistillodes au
stade VI au moment où les étamines de la fleur mâle sont en cours de différenciation pour
générer les anthères et le filament. De plus, les pistillodes sont dépourvues d’activité de
division pour les stades de développement tardifs VIII et IX.
Conclusion
Les travaux d’hybridation in situ permettant de visualiser l’expression du gène codant une
histone H4 ont montré l’absence d’accumulation de ces transcrits dans les cellules des
staminodes et des pistillodes aux stades correspondant au blocage VI et VII respectivement.
Nos résultats suggèrent que le blocage du développement des staminodes et des pistillodes,
donc l’unisexualité des organes floraux qui en découle, est dû à un arrêt des divisions
cellulaires.
120
Figure 57 : Analyse par hybridation in situ de l’expression du gène H4 dans des coupes
longitudinales des fleurs de palmier dattier à trois stades de développement (V, VI et VII). Les
cellules qui montrent une accumulation des transcrits d’histone H4 sont colorées en pourpre.
Chez la fleur femelle, les transcrits d’histone H4 sont observés dans tous les primordia
d’organes au stade bisexuel V (a) et dans les ovules carpellaires aux stades VI et VII (b, c)
alors que aucune accumulation de transcrits d’histone H4 n’est visible dans les staminodes
aux stades VI et VII (b, c). Chez la fleur mâle, l’expression du gène histone H4 est
uniquement détectable dans les primordia de tous les organes (d), dans les étamines (e, f) et
dans l’ovule (f). Aucun signal de H4 n’est visible dans les pistillodes au stade VI (e).
Abréviations: C, carpelle; O, ovule; Pe, pétale; Pi, pistillode; Std : staminodes; St, stamens ou
étamines; S, sépale. Barre : 200 µm.
121
III. Rôle de la méthylation dans l’unisexualité florale
D’après les résultats précédents, nous avons établi l’absence de dégradation cellulaires et
d’altération des organites intracellulaires dans les cellules des organes sexuels stériles.
L’intégrité conservée des cellules semblent écarter l’hypothèse d’un processus de
dégénérescence cellulaire à la base du blocage d’élongation des organes stériles des fleurs du
palmier dattier. De plus, nos travaux d’hybridation in situ avec le marqueur de division H4 ont
montré que ce blocage de développement est associé à un arrêt de divisions des cellules des
organes stériles. Nous avons poursuivi la recherche des causes de blocage en nous focalisant
sur la méthylation d’ADN. Pourquoi cette hypothèse ? En effet, la méthylation est un élément
clé des mécanismes de répression de la transcription des gènes. De plus, il a été montré
l’existence d’une corrélation entre la méthylation globale d’ADN et le blocage des organes
sexuels stériles chez le S. latifolia.
Les patterns de méthylation de l’ADN des organes stériles et fertiles de fleurs de palmier ont
été analysés en utilisant un anticorps monoclonal dirigé contre la 5 méthylcytidine et visualisé
au moyen d’un fluorochrome, l’Alexa 488.
Nous avons réalisés des contrôles afin de nous assurer de l’absence de fixation aspécifique
des anticorps utilisés. De plus, pour contrôler l’accessibilité et la fixation des anticorps à
l’ADN ou de la présence de la fluorescence 5 methylcytidine dans les noyaux, une
colocalisation du signal de l’Alexa 488 avec celui des marqueurs spécifiques du noyau
122
(DAPI) a été réalisée par analyse d’image, et déconvolution spectrale, grâce au logiciel LSM
Image Browser. Cette analyse d’image permet de visualiser les deux fluorochromes (Alexa
488 et DAPI) sur les mêmes noyaux des coupes de fleurs.
Nos observations montrent que le signal fluorescent est présent dans la plupart des noyaux des
cellules des organes fertiles ou stériles des fleurs mâles et femelles (Figure 58). Cependant, le
pattern de marquage est différent entre les organes fertiles et stériles de la fleur (figure 58). En
effet, les noyaux des cellules des organes fertiles présentent un signal de méthylation de
l’ADN plus faible que les noyaux des cellules des organes stériles (figure 58). Pour la fleur
femelle (figure 58a-c ; figure 59A-B), les primordia des staminodes sont plus méthylés que les
primordia des carpelles. De même, les noyaux des pistillodes de la fleur mâle montrent un
marquage fluorescent plus important que celui observé dans les étamines (figure 58d-f ; figure
59C-D). Il est important à noter que la différence de pattern de méthylation de l’ADN est
observable dès le stade IV, avant l’émergence des premiers dimorphismes sexuels de la fleur
(figure 58a, d ; figure 58 A, C).
Les différences de méthylation de l’ADN des noyaux des cellules des organes sexuels de la
fleur de palmier dattier ont été confirmées par une analyse statistique (figure 59). D’après le
Test-T au seuil de 5%, la moyenne de l’intensité de la fluorescence des noyaux est
significativement plus important dans les primordia des organes stériles par rapport aux
organes fertiles pour les stades IV (figure 59 A, C) et V (figure 59B, D).
123
Figure 58: Pattern de méthylation de l’ADN des méristèmes floraux du palmier dattier à différents
stades de développement. Le signal bleu indique la présence des noyaux et le signal vert correspond
à la méthylation de l’ADN. a-c: organes floraux femelles au stade IV (a), V (b) et VI (c). d-f:
bourgeons floraux mâles au stade IV (d), V (e) et VI (f). Barre: 20µm (b,e), 50µm (a,c,d,f).
124
Figure 59: Quantification du marquage de méthylation des résidus de cytosine de l’DN génomique au
niveau des primordia des organes sexuels fertiles (carpelles et étamines) et stériles (staminodes et
pistillodes) des fleurs femelles (A-B) et mâles (C-D) à deux stades de développement IV (A-C) et V (B-
D). Pour chaque stade et pour chaque sexe, cinq fleurs différentes sont utilisés pour cette étude.Pour
l’évaluation de la méthylation, une trentaine de noyaux pour chaque primordium de chaque organe
et chaque stade ont été analysés. Les valeurs présentées correspondent à la moyenne de la
fluorescence des noyaux des primordia des organes fertiles et stériles. D’après le Test-T au seuil de
5%, les noyaux sont significativement plus méthylés dans les primordia des organes stériles
(pistillodes ou staminodes) que fertiles (étamines ou carpelles) pour les stades IV (p=0,033 pour les
fleurs femelles ; p=0,046 pour les fleurs mâles) et V (p=0,037 pour les fleurs femelles ; p=0,040 pour
les fleurs mâles).
125
Conclusion
Nos résultats révèlent que l’arrêt du développement des organes sexuels stériles est associé à
une augmentation du signal de méthylation globale de l’ADN au niveau des résidus de
cytosine. Cette hyperméthylation globale constatée précocement dans les pièces résiduelles
stériles pourrait expliquer la diminution de l’activité mitotique observée dans les primordia
des gynécées des fleurs mâles au stade V.
IV. Synthèse
L’ensemble des ces résultats nous permet de proposer l’hypothèse d’une unisexualité florale
chez le palmier dattier qui serait dépendant de la combinaison de trois processus (figure 60) :
un processus d’hyperméthylation globale d’ADN qui interviendrait avant l’émergence du
dimorphisme sexuel, suivi d’un arrêt de l’activité mitotique des cellules des organes sexuels
stériles. Les cellules des organes sexuels stériles ne présentent aucune dégradation nucléaire
durant les stades avancés de développent de la fleur. Les principaux résultats de cette étude de
l’unisexualité des fleurs du palmier dattier ont été valorisés par une publication (Annexe 2).
126
Figure 60 : Schéma de synthèse sur les processus associés à l’unisexualité des fleurs du
palmier dattier
127
V. Discussion
Les observations ultra-structurales des organes sexuels stériles au stade post-bisexuel (VI) ont
montré l’existence d’une conservation de l’intégrité cellulaire et nucléaire. L’absence de
dégénérescence cellulaires dans les organes stériles des fleurs de palmier dattier est différent
du mécanisme d’apoptose caractérisant l’avortement des pistillodes des fleurs mâles du maïs
(Calderon –Urrrea and Dellaporta, 1999). D’autres études du développement floral conduite
chez le concombre ont révélé que l’arrêt du développement des staminodes des fleurs femelles
serait associé à une dégradation partielle de l'ADN observée par effet TUNEL et une
condensation de la chromatine observé au MET (Hao et al., 2003). En revanche, les cellules
des organes sexuels stériles des fleurs de palmier dattier se singularisent au niveau nucléaire
par l’absence de condensation particulière de la chromatine. Donc, les processus régulant
l’unisexualité chez le concombre, le maïs et le palmier dattier sont différents.
128
Le blocage du développement des organes sexuels stériles est associé à un arrêt des
divisions cellulaires
129
bisexuel (IV) jusqu’ au stade post-bisexuel (VI). La baisse d’activité mitotique dans les
primordia du gynécée des fleurs mâles de palmier dattier observée au stade V pourrait résulter
de leur hyperméthylation globale constatée plus précocement (stade IV). Ces observations
sont à rapprocher des travaux de Janousek et al.(1996) dans lesquels il a été montré que la
suppression des organes femelles (pistillodes) des fleurs mâles serait fortement corrélé à une
hyperméthylation de l’ADN.
L’hypothèse d’un mécanisme de blocage associé à une méthylation étant privilégié pour
expliquer l’arrêt de développement des organes sexuels stériles chez le palmier dattier, il
serait intéressant de poursuivre les investigations et de rechercher les gènes qui se sont
montrés sensibles aux variations de méthylation génomique globale chez Arabidopsis, par
exemple AGAMOUS ou SUPERMAN (Jacobsen et Meyerowitz, 1997 ; Finnegan et al.,1996).
130
Conclusions générales et perspectives
Afin de promouvoir l’hétérosis via l’allogamie et obtenir une meilleure utilisation de leurs
ressources, les plantes à fleurs ont développé différents mécanismes de détermination du sexe.
L’étude et la compréhension des processus à la base de l’unisexualité des fleurs permet à
terme de développer des marqueurs du sexe pouvant être exploités dans les programmes
d’amélioration génétique des espèces d’intérêt agronomique (e.g. vigne, palmier huile et
palmier dattier) afin de mieux maîtriser la gestion de la production. Dans ce contexte, les
travaux présentés dans ce mémoire contribuent à la compréhension des mécanismes régulant
la floraison chez le palmier dattier, avec un accent particulier sur l’initiation du
développement inflorescentiel et les processus associés à la différenciation sexuelle des
organes floraux.
Dans un premier temps, nos résultats ont permis de proposer l’hypothèse d’un développement
reproducteur du palmier dattier en deux temps : une longue phase d’initiation du bourgeon
inflorescentiel dépendante des facteurs endogènes de nature génétique, hormonale, et
trophiques, et une phase de développement de l’inflorescence qui est principalement
contrôlée par des facteurs exogènes (baisse de température). Les différents comportements
vis-à-vis de la floraison (précoce ou tardive) observés entre les génotypes dans les mêmes
conditions climatiques résulteraient d’une différence d’aptitude à répondre aux signaux
exogènes par le déclenchement du développement inflorescentiel. Dans cette perspective, les
connaissances acquises sur les gènes PHYC impliqués dans la précocité de floraison chez
l’espèce modèle Arabidopsis thaliana (Balasubramanian et al., 2006) et chez certaines plantes
tropicales comme le mil (Saïdou et al., 20009) pourrait être exploités pour la recherche des
131
gènes de précocité de floraison chez le palmier dattier. En effet, la date de l’induction florale
est un facteur déterminant pour la production des dattes au Sahel, non seulement pour son
avantage économique mais pour ne pas perdre la récolte à cause du chevauchement de la
maturation des dattes et la saison des pluies. D’autre part, la caractérisation de la compétence
à l’induction florale pourra être poursuivie en comparant par exemple l’identité moléculaire
des bourgeons indéterminés et celle des bourgeons inflorescentiels par la recherche
d’orthologues de gènes potentiellement associés au processus d’engagement dans la floraison
chez d’autres espèces (e.g. EgSQUA1 de palmier à huile) (Adam et al, 2007). Une meilleure
compréhension des mécanismes génétiques responsables de l’initiation florale permettrait de
disposer à terme de variétés plus adaptées aux évolutions des conditions pédoclimatiques et
contribuerait à la compréhension de la phénologie globale du palmier dattier.
L’unisexualité des fleurs du palmier dattier résulte d’une différence d’activité mitotique
florale entre les organes fertiles et stériles depuis le stade bisexuel. Le premier dimorphisme
sexuel de la fleur serait dû à une activité de division plus importante dans le gynécée femelle
que son homologue de la fleur male. Une meilleure compréhension des mécanismes régulant
la prolifération cellulaire du méristème floral permettrait d’identifier les gènes à la base de
l’unisexualité florale. Une piste intéressante à investiguer sera le rôle des hormones,
notamment les auxines, dans l’unisexualisation des fleurs de palmier dattier. En effet, le rôle
des auxines dans les activités de division cellulaire sont bien connues (Vanneste et al., 2005).
La présence d’un gradient de répartition des fleurs mâles normales et des fleurs mâles
« bisexuelles » le long de l’axe d’inflorescence mâle variante in planta d’une part et la
possibilité d’obtenir un développement in vitro des organes stériles sous l’effet des auxines et
des cytokines d’autre part, sont compatibles avec l’hypothèse selon laquelle ces hormones
seraient impliquées dans la différentiation de la fleur chez le palmier dattier. Chez les espèces
modèles comme Arabidopsis, il a été montré que les auxines sont nécessaires à la formation
de la fleur (Cheng et al., 2007). Les phénotypes des mutants des gènes ETTIN (qui code pour
un ARF ou auxin response factor) et YUCCA (impliqué dans la biosynthèse des auxines)
montrent une perturbation importante de la forme et du nombre d’organes par verticille, ce qui
suggère que les gènes ETTIN et YUCCA joueraient un rôle important dans la prolifération
cellulaire du méristème floral ainsi que dans la mise en place de la symétrie florale (Cheng et
132
al., 2006, Cheng et al., 2007). Lebel-Hardenack and Grant (1997) ont également rapporté que
la transition du bourgeon bisexuel vers une fleur unisexuée est influencé par les hormones. De
plus, l’acide jasmonique (JA) et l’éthylène ont été décrits comme des acteurs principaux de la
détermination du sexe chez le maïs et le melon respectivement (Acosta et al., 2009 ; Boualem
et al., 2008). Ainsi, il sera intéressant d’étudier le rôle des hormones dans la régulation de
l’unisexualisation florale chez le palmier dattier. Trois pistes d’investigation pourraient être
considérées : (1) le dosage global des hormones endogènes (auxines, cytokinines et
gibbérellines) dans des inflorescences à différents stades clés de développement pourront être
envisagés dans un premier temps ; (2) la recherche dans les fleurs mâles et femelles de
l’expression des gènes impliqués dans les étapes-clé des voies de biosynthèse des auxines et
des cytokines ; (3) une étude des transporteurs d’auxine (PIN) par immunodétection dans les
primordia des organes sexuels mâles et femelles aux stades-clé de la différenciation florale.
L’arrêt du développement des organes stériles de la fleur du palmier dattier est associé à une
différenciation cellulaire partielle. Les staminodes demeurent rudimentaires alors que les
pistillodes présentent un développement ovulaire incomplet. Les phénotypes des pistillodes
des fleurs mâles du palmier dattier sont à rapprocher de ceux des fleurs d’Arabidopsis
thaliana lorsque certains gènes MADS box impliqués dans l’identité ovulaire sont mutés.
C’est le cas des gènes AGAMOUS (AG), des gènes SEEDSTICK (STK), SHATTERPROOF 1,
2 (SHP1, 2), et des gènes INNER NO OUTER (INO) et AINTEGUMENTA (ANT) qui
s’expriment dans l’ovule de la fleur d’Arabidopsis (Colombo et al., 2008). L’absence d’un
ovule mature dans les organes stériles des fleurs du palmier dattier pourrait s’expliquer par
une dérégulation des gènes gouvernant l’identité ovulaire dans ce type d’organe. A ce titre, la
recherche et l’identification chez le palmier dattier de gènes homologues aux gènes de
l’identité ovulaire d’Arabidopsis serait une étape importante vers la compréhension de la
régulation moléculaire de la différenciation des organes sexuels. De plus, l’étude de la
détermination du sexe chez le maïs a montré l’implication de plusieurs gènes identifiés à
travers un phénotype mutant tasselseed , tels que TASSELSEED 1 et TASSELSEED 2, codant
une lipoxygenase de la voie de biosynthèse de l’acide jasmonique et une alcool
deshydrogénase respectivement (Acosta et al., 2009). Par ailleurs, le gène TASSELSEED 4
code un microARN (miR172) impliqué dans le contrôle de la détermination du sexe du maïs
et le devenir du méristème inflorescentiel par la régulation de l’expression du gène
133
TASSELSEED 6/INDETERMINATE SPIKELET 1, un homologue d’APETALA 2 (AP2)(chuck
et al., 2007). Etant donné qu’un draft du génome de palmier dattier est désormais disponible,
il offre la possibilité de rechercher des orthologues des gènes TASSELSEED 1, 2 et puis
d’étudier leur éventuelle implication dans la différenciation des organes sexuels du palmier
dattier.
L’ensemble des résultats présentés ici, ainsi que les données disponibles dans la littérature,
soulignent le fait que les processus cellulaires gouvernant l’unisexualisation des fleurs soient
différents d’une espèce à une autre. L’unisexualité florale peut être mise en place à travers
différents processus, tels que : l’apoptose (maïs, (Dellaporta et al., 1999) ; la dégradation
partielle de l’ADN (concombre, Hao et al., 2003) ; l’arrêt des divisions cellulaires (silène
(Masunaga et al. 2004), palmier dattier (présent travaux)) ; l’action d’une hormone (melon) ;
ou bien d’autres. Ainsi, la détermination du sexe des plantes est un processus très complexe et
chaque espèce constitue un modèle en soi pour les mécanismes d’unisexualisation florale.
Les processus cellulaires à la base de l’unisexualité des fleurs du palmier dattier sont
désormais mieux connus, et donc la recherche des gènes exprimés différentiellement entre les
fleurs mâles et femelles aux stades-clé de la différenciation sexuelle s’en trouvera facilitée. Il
conviendrait de se focaliser sur les gènes impliqués dans le contrôle du cycle cellulaire et
dans la biosynthèse des hormones.
134
La comparaison des processus cellulaires à la base de l’unisexualité des fleurs des autres
palmiers de la famille des Arecaceae pourra être également envisagée, en s’appuyant sur les
données déjà obtenues sur le palmier dattier comme point de référence. Une telle approche
évo-devo, permettrait de comprendre si des voies communes de régulation ont été sollicitées
au cours de l’évolution pour l’établissement de la monoécie ou la dioécie au sein de cette
famille.
135
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ANNEXE 1
Différentes conditions hormonales pour les essais de réversion in vitro de sexe de la fleur.
0 mg/l de 2,4-D
M 0CA
+ 3g/l charbon actif
1 mg/l IBA
M IBA- BAP Masmoudi et al, 2008
+ 1 mg/l BAP
IBA 1 mg/l
BAP 1 mg/l
M0 Sans hormone
146