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http://www.archive.org/details/laprisedecordreOOdens
SOCIÉTÉ
DES

ANCIENS TEXTES FRANÇAIS

LA

PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE


Cet exemplaire a été tiré pour la bibliothèque

de

M. le Marquis J. DE LABORDE

Le Puy, imprimerie de R. Marchessou, boulevard Carnot, 23.


LA

PRISE DE CORDRES
ET DE SEBILLE
CHANSON DE GESTE DU XII e
SIÈCLE
PUBLIEE

D APRES LE MANUSCRIT UNIQUE DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE

PAR

OVIDE DENSUSIANU

PARIS
LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT ET O
RUE JACOB, 56

M DCCC XCVI
m 1 7 1936
8705
Publication proposée à la Société le 25 mars 1896.

Approuvée par le Conseil le 17 juin 1896 sur le rapport d'une

commission composée de MM. Longnon, Meyer et Paris.

Commissaire responsable :

M. G. Paris.

Tiré à vingt-cinq exemplaires sur ce papier


Monsieur GASTON PARIS
HOMMAGE D'AFFECTION ET DE RECONNAISSANCE
INTRODUCTION

CHAPITRE PREMIER
Les luttes des Français contre les Sarrasins en Espagne et
leur influence sur formation du cycle de Guillaume
t
la

d'Orange. — Élément historique de notre poème.

vec la prise du Fraxinet en 975, les Sarra-


sins perdaient la dernière place qui leur
était restée au midi de la France. On
pouvait voir dans cette victoire l'épilogue du terri-

ble drame qui, pendant plus de deux siècles, s'était

déroulé entre la Loire et les Pyrénées et où les

Français et les Sarrasins avaient tour à tour été


vainqueurs et vaincus. Si après cette date nous
voyons encore des bandes de pirates ou d'aventu-
riers ravager les côtes ou les environs de Nar-
bonne, l'époque des véritables invasions était ce-

pendant finie. Plus d'une localité gardait les traces


du vandalisme du passé, et le souvenir des incur-
sions, qui restait toujours vivant dans les mémoires,
a

,P8
II INTRODUCTION

devait être soutenu et alimenté bien longtemps


par la poésie épique. Cette poésie cependant ne
pouvait que perdre de sa vigueur et de son origi-
nalité, en se rapprochant d'autant plus de la fiction

qu'elle s'éloignait du lieu et du temps où s'étaient


passés les faits qu'elle avait pris pour sujets.
De tous ces événements, qui, pendant plusieurs
générations, agitèrent le midi de la France, les

chansons de geste qui composent le cycle de Guil-


laume d'Orange ne nous ont conservé que quel-
ques traits extrêmement vagues et flottants, des
réminiscences à peine reconnaissables au milieu
du fatras des lieux communs épiques et des inven-
tions fabuleuses et romanesques des trouvères.
Quelques traditions sur les combats livrés autour
de Narbonne et sur la défaite de l'Orbieu s'il est —
vrai que le poème d'Aliscans repose sur ce dernier
fait, ce qui reste toujours soumis à la critique —
voilà tout ce que nous ont légué, comme héritage
poétique, les grands événements qui remplissent
une si longue période de l'histoire du moyen âge
français. C'est vraiment peu de chose, et il faut
convenir qu'avec des données si pauvres et des
éléments si restreints on ne serait jamais arrivé à
composer un cycle épique indépendant, comme
celui de Guillaume d'Orange. Les poèmes qui
racontaient les nombreux sièges de Narbonne et
la bataille d'Aliscans (auxquels on pourrait ajouter

aussi le Charroi de Nîmes et la Prise d'Orange


qui ne reposent sur aucun fait historique, mais qui,
de même que le Couronnement de Louis, comptent
INTRODUCTION III

parmi les branches les plus anciennes de notre


pu
cycle) auraient très bien être rattachés au cycle
de Charlemagne. Si la geste de Guillaume s'est
constituée et si elle est arrivée à l'état où nous la

connaissons aujourd'hui, il faut chercher l'ori-

gine de ce fait dans d'autres circonstances que


celles qui se rapportent directement aux invasions
des Sarrasins dans le midi de la France.
A partir de la fin du jvin e siècle, les Français
passèrent plus d'une fois les Pyrénées pour com-
battre les Sarrasins d'Espagne, soit de leur propre
initiative, soit parce que les chefs des petits États
chrétiens, enserrés de tous côtés par les popula-
tionsmusulmanes, les appelaient à leur secours.
Ces nombreuses expéditions, qui devaient avoir un
grand retentissement en France, offraient aux
poètes plus d'une occasion d'exercer leur talent.
Une bonne partie des chansons qui entrent dans
la composition de la geste de Guillaume reposent
sur ces faits, et c'est là que les remanieurs des xn e et
xm e
siècles ont puisé plusieurs des traits qu'ils ont
employés au cours de leur travail cyclique. Nous
tâcherons d'examiner, dans ce qui suit, jusqu'à
quel point ces expéditions en Espagne ont con-
tribué à la formation du cycle de Guillaume et

quelles sont les traces, plus ou moins visibles,


qu'elles ont laissées dans la poésie épique.

Un des événements les plus importants des der-


IV INTRODUCTION

nières annéesdu règne de Charlemagne est la prise


de Barcelone '. Après le désastre de Roncevaux et
la défaite de l'Orbieu, cette victoire contre les infi-

dèles devait produire une impression des plus pro-


fondes sur l'esprit des Français, on a le droit de et

s'étonner quand on constate que nous n'avons con-


servé aucun poème français célébrant cette victoire,
à laquelle avait pourtant contribué le héros même
2
de notre cycle . C'était cependant le moment où
l'imagination populaire ne se refusait pas à mettre
en oeuvre les événements qu'elle voyait se passer au-
tour d'elle etmême les faits les plus insignifiants aux
yeux d'un historien. C'était, comme on l'a dit, la

i. Pour les sources historiques, assez bien connues d'ailleurs,


nous renvoyons aux Jalirbuclier des frœnkischen Reiches nnter
Karl dem Grossen, v. S. Abel, fortgesetzt v. B. Simson, Leipzig,
i883, t. II, p. 257. Simson place la prise de Barcelone en 801,
pp. 237-258, n. 6. Il considère cette date comme un fait assuré.
Nous la croyons assez vraisemblable, mais pas d'une certitude
absolue. Pour la chronique de Moissac, Pertz, SS., I, p. 307,
qui place les deux ans plus tard, nous admettons l'explica-
faits

tion de Simson, /. c; mais le passage des Annales d'Einhard


reste toujours obscur, et l'explication proposée par P. Marca,
Marca hisp., pp. 284-285, et acceptée par D. Vaissete, Hist. du
Languedoc, t. II, p. 33 1, Lembke, Geschichte von Spanien, Hamb.
i83i, t. I, p. 377, n. 3, Henkel, Ueber den hist. Werth der Ge-
dichte des Erm. Nigellus, Progr. Eilenbourg, 1876, p. 7, et Simson,
/. c, p. 258, n. 4, et pp. 263-264, n. 2, n'est pas bien satisfaisante.
2. En dehors d'Ermoldus Nigellus, dont nous nous occuperons
plus loin, la Vita Hludowici est la seule source qui fasse men-
tion de Guillaume. Pertz imprime SS., II, p. 612 « : Erat enim ibi
Willelmus prirnus, signifer Hadhemarus. » Nous lisons plutôt
avec Simson « Willelmus, primus signifer, Hadhemarus. » Simson
:

Jhbb. Ludw. d. Fr., 1874, I, p. 33 1, n. 1, et Jhbb. K. d. G., II,

pp. 261, n. 4, 263, n. 1.


INTRODUCTION Y

période de fermentation épique, période un peu


vague et confuse, mais pleine de vie et de force, où
les faits prenaient les proportions de légendes.
S'il nous est impossible de prouver directement
l'existence d'un poème français ayant pour sujet la
prise de Barcelone, n'y a-t-il pas du moins certains
faits qui nous permettent d'admettre l'existence
d'une telle chanson, où notre Guillaume eût été le

héros principal ?

Plusieurs passages de Foucon de Candie font


allusion à la prise de Barcelone et attribuent ce fait
d'armes à Guillaume et à ses frères. Lorsque Thi-
baud propose à Anfelise de prendre en mariage
Mauduis de Rames, celle-ci lui dit :

Quant en avra Guillaume fait fuir


Et Barjelone et Orenge guerpir,
Lor porons faire les noces par loisir '.

Le poète dit des fils d'Aymeri :

Pristrent par force Orenge et Portpaillart


2
Et Barcelone et la tour de Baudart .

Plus loin Thibaud dit en s'adressant à Louis :

.XL. ans a, jou l'ai fait embriever,


Que ceste guerre commencha a lever,

i. Ms. de Boulogne 192, fol. 233 v°, 1" col. Le ms. B. N. fr. 778
a Bartelouse pour Barjelone, fol. 193 v% i
re
col. Cette forme, qui
reparaît encore aux fol. 172 r°, 2 e col., 182 r°, 2 e col. et 194 r°,
10
i col. et dans d'autres chansons, s'explique par une influence
vague de Tortolouse (Tortose), qui, à son tour, s'explique par
l'influence de Toulouse. Voy. ci-dessous.
2. Ms. B. N. 778. fol. 202 i°. 2 e col.
VI INTRODUCTION

K'il me tolirent le port a Balesgués


Et Bargelune et Porpaillart sor mer '.

Dans les Enfances Vivien, la prise de cette ville

est attribuée à Vivien. Le poète dit :

Ce fu li enfes qui tant ot de bonté,


Qui puis conquist l'Archant dessuz la mer
2
Et Bargelone, la tour de Balesguez .

On serait tenté de n'attribuer aucune importance


à ces passages, dont on pourra grossir le nombre
quand d'autres textes, aujourd'hui inédits, auront
été publiés, et de les considérer comme des inven-
tions de poètes, dénuées de toute valeur historique
et de toute importance documentaire. Mais d'autres
faits nous obligent de voir dans les vers cités plus
haut des réminiscences d'un poème aujourd'hui
perdu sur la prise de Barcelone.
Dans les Storie Nerbonesi, il y a tout un chapitre
qui raconte la prise de Barcelone par les Français.

Un jour que Guillaume se trouve à Perpignan,


dont il vient de s'emparer, avec ses neveux et
autres barons de France 3
, il adresse la parole à
ses compagnons d'armes et les exhorte à continuer

i. Ms. Boul., fol. 274 r°, r° col.


2. VV. 891-893. Éd.Wahlund Le passage se
et Feilitzen, ms. D 1
.

retrouve aussi dans les mss. C C C D*. Il manque dans B. Le ms.


a 3

A donne Bradeluques au lieu de Bargelone. Cette version des En-


fances se rapproche de celle des Storie Nerbonesi. Voy. ci-dessous.
3. « Beltramo, e Viviano, Guiscardo, Guiciardo, Guidone, Na-
merighetto, e con Aleasso di Guascognia, e Vitale di Provenza,
Anselmo d'Oringa, Trasmondo da Parigi, Ottonello da Madona. »

Isola, Storie Nerb., Florence, 1887, t. II, p. 3ç.


INTRODUCTION VII

les conquêtes qu'ils ont si heureusement commen-


cées par la prise de Tortose, de Valence, d'An-
grara et de Perpignan, et à marcher contre Barce-
lone '. Des cris d'approbation s'élèvent de tous
côtés, et un messager, appelé Galeotto, est envoyé
à Bernard et aux autres frères de Guillaume, a
Hugues de Florinville et à « Buoso d'Avernia »,
pour demander leur secours. Guillaume et les au-
tres Narbonnais, dont l'armée ne comptait pas
moins de 40,000 hommes, décident de partir de
Perpignan avant l'arrivée du secours. De tous côtés
on se prépare pour le départ, et l'armée des Fran-
çais ne tarde pas à se mettre en route pour se
diriger vers Barcelone. A leur arrivée devant les
murs de la cité, les Sarrasins sont saisis de frayeur.
Le gouverneur de la ville, nommé Lamireche, ap-
pelle son général et lui ordonne de faire armer
ses hommes. Le lendemain matin, l'armée des
Sarrasins, divisée en deux « échelles », l'une de
10,000 hommes, l'autre de i5,ooo, sort de la ville,
et la bataille s'ouvre par un combat entre Gui et
Tauron, le général des Sarrasins. « Aleasso » de
Gascogne vient à la rencontre de ce dernier; un
combat s'engage entre eux deux, et le Sarrasin tue
d'un coup d'épée le chevalier français. Guichard,
qui a vu mort de son compagnon, veut le venger,
la

court après Tauron et l'assomme d'un seul coup.

Ce trait ressemble beaucoup au récit d'Ermoldus Nigellus


1.

où Guillaume joue le même rôle qu'ici, avec la seule différence


que le poète latin nous montre Guillaume adressant la parole à
Louis au milieu de l'assemblée de Toulouse. Voy. plus loin.
VIII INTRODUCTION

Lamireche qui, jusqu'alors, était resté dans la ville,

sort de Barcelone avec de nouvelles troupes, et le


combat s'engage avec plus d'ardeur de part et

d'autre. Les Sarrasins commencent cependant à


fléchir, et beaucoup de leurs hommes tombent sous

les coups des Français. Lamireche se voit obligé


de quitter le champ de bataille et de se retirer vers
la ville ; il s'abstient d'attaquer les chrétiens du-
rant plusieurs jours. Pendant que ces événements
se passaient devant Barcelone, les parents de Guil-
laume, auprès desquels Galeotto avait accompli son
message, rassemblaient de tous côtés des troupes
pour passer les Pyrénées et venir au secours des
Narbonnais. Bernard de Brubant et Hernaut de
Gironde avaient réussi à rassembler un corps d'ar-
mée de 12,000 chevaliers, sous la conduite de
Guielin et de Vivien « délia Giera Grifagnia
I
». A
i. Ce nom, qu'Andréa da Barberino donne à Vivien, montre
bien que le compilateur italien puisait à une source française ou,
du moins, à un poème français italianisé. Dans le premier cas,
c'est Andréa qui a mal compris les mots du poème français « a la

chiere grifaigne », en les prenant pour un nom propre; dans le


second, c'est le remanieur italien du poème français qui avait
commis la méprise avant lui, et notre compilateur n'a fait que le
suivre. Il est à remarquer, en outre, qu'Andréa mentionne, parmi
les guerriers qui prennent part au combat avant l'arrivée du se-

cours, le nom de Vivien « de l'Argiento » (c'est-à-dire de VAr-


chant). Comment expliquer la présence de ces deux Vivien ? Nous
ne voyons d'autre explication que de supposer qu'Andréa, qui
dans cette partie de son travail donne une place des plus impor-
tantes à Vivien, puisqu'il veut le faire roi d'Aragon, a introduit ce
nom au début de son récit de sa propre initiative. Lorsque plus
loin il trouva dans le texte sur lequel il travaillait lenom de
Vivien, il s'épargna la peine de l'omettre, ce qui prouve que notre
INTRODUCTION IX

cette armée devaient s'ajouter les 5,ooo hommes


conduits par « Buoso d'Avernia » et les 4,000 che-
valiers de Hugues de Florinville. Toutes ces
troupes se réunirent à Florinville, où d'autres ,

guerriers vinrent renforcer les rangs de l'armée.


Partis de Florinville, les Français passèrent par
Avignon et arrivèrent à Orange, où ils restèrent
une journée avant de se diriger vers Barcelone.

Passés en Espagne, ils s'arrêtèrent à Angrara et à

Perpignan, que les Français avaient nouvellement


conquis. Après quelques jours, ils arrivèrent enfin
devant Barcelone, où les Narbonnais les attendaient
avec impatience. Lorsque Lamireche vit que de
nouveaux renforts étaient venus au secours des
chrétiens, il fut grandement effrayé '. Le troisième
jour après l'arrivée des Français, Guillaume, qui ne
voyait plus aucun mouvement parmi les Sarrasins,

envoya à Lamireche un messager pour lui pro-

compilateur suivait très souvent et assez fidèlement la lettre de


son modèle. S'il avait devant les yeux un poème français, ce qui
nous semble assez vraisemblable, ne serait-on pas tenté de croire
même qu'il a fait des mots « a la chiere grifaigne » un nom pro-
pre, dans l'intention de dissimuler l'inconséquence dont il s'était
rendu coupable?
1. Il hommes « Io ône mandato per soccorso, e nes-
dit à ses :

suno viene; per tanto io dubito forte di non perdere. » On peut


rapprocher les vers suivants d'Ermoldus, où Zado, voyant que
le secours de Cordoue tarde à venir,
Cordoba voce vocat, inlacrimatque diu :

« O Mauri celeres, quo nunc fiducia cessit ? »

vv. 436-437.

Mais il faut considérer cette ressemblance entre le récit d'Andréa


et celui d'Ermoldus comme purement fortuite.
X INTRODUCTION

poser l'alternative ou de rendre la cité ou de faire


une sortie et de combattre. Le Sarrasin choisit
ce dernier parti. Il divisa son armée en trois
« échelles », dont Tune était commandée par
l'amiral de Numidie, l'autre par « Sirione di Per-
sia » et la troisième par lui-même. Les Sarrasins
sortirent de la ville le lendemain matin et le com-
bat s'engagea entre les deux armées. Au milieu
de la mêlée on vit Guichard combattre contre
Gui tuait de son épée le païen
l'amiral; plus loin,
Malasetta, tandis que Vivien faisait des prodiges
de valeur. Les chrétiens y perdent leur vaillant
guerrier « Vitale di Provenza, » et sous les coups
de l'amiral on voit tomber « Anselmo d'Oringa ».

Guichard ne tarde pas à venger leur mort, et, ve-


nant vers l'amiral, il l'abat d'un terrible coup
d'épée. « Ansirione di Persia » s'approche de
« Trasmondo di Parigi, » et, lorsque celui-ci est
frappé à mort par
!
le Sarrasin, « Guiscardo »

court après l'infidèle et le tue de son épée. Après


de grandes pertes, Lamireche se retire vers la cité,

où il entre avec ses guerriers. Pendant trois jours


aucun combat ne se livre. Le troisième jour, Guil-
laume commence à attaquer les murs de la ville,
mais, malgré les efforts de ses hommes qui, montés

i. Andréa da Barberino fait figurer dans son récit deux person-


nages, dont l'un s'appelle « Guicciardo » et l'autre « Guiscardo ».

En on n'a que la forme Guichard pour rendre les deux


français
noms, dont le premier se présente en italien sous une forme fran-
cisée. Nous avons été obligé de conserver la forme italienne Guis-

cardo, en ne traduisant que Guicciardo par le français Guichard.


INTRODUCTION XI

sur des échelles, jetaient une pluie de dards contre


les Sarrasins, la ville résistait aux attaques et les

ennemis se défendaient vigoureusement. Guillaume


recourut alors à un « engin » qui consistait en une
espèce de tour mobile construite en bois et dont la

hauteur surpassait celle des murs de la cité. On


l'approcha de la muraille et on y fit monter près
de 3oo hommes qui commencèrent à attaquer les
Sarrasins. D'un autre côté, on s'efforçait de faire

céder les murailles à l'aide d'instruments d'assaut.


Lorsque, un pan de mur s'étant écroulé, une pre-
mière brèche apparut, les Sarrasins, saisis d'effroi,
s'enfuirent et laissèrent les Français entrer dans la >

ville. Vivien et Bertram y entrèrent les premiers.


Les Sarrasins qui ne voulurent pas se baptiser
furent passés au fil de l'épée. Lamireche réussit à
s'échapper, déguisé en habits de chrétien, et s'en
alla annoncer à Thibaud le grand désastre \
Tel est le récit des Storie Nerbonesi. On se
demande quelle valeur il convient de lui attribuer.
Nous avons vu plus haut qu'Andréa da Barberino
puisait à un poème français ou franco-italien. Il

i. Ed. Isola, t. II, pp. 3g-58. Nous avons suivi le ms. Magliab.
Palch. I, 16, que M. Isola a pris comme base de son texte. Le
ms. Magliab. Palch. IV, 35, donne un récit bien différent de
celui-ci etmoins développé. Cf. Isola, pp. 107-110. On y trouve,
en outre, un trait qui se rapproche beaucoup du récit de la Vita
Hludowici (voy. ci-dessous). Au secours des assiégés on voit venir
Agustan avec 12,000 Sarrasins, contre lesquels Guillaume envoie
Vivien, Guielin et Guichard avec 3, 000 chevaliers pour leur

couper le chemin vers Barcelone. Les Sarrasins sont repoussés et


mis dans l'impossibilité de s'approcher de la ville.
1

XII INTRODUCTION

n'y a pas de raison pour douter de ce fait. Si on


compare le du compilateur italien avec les
récit
allusions des chansons que nous avons citées plus
haut, on peut, sans courir trop de risque, arriver
à cette conclusion que la prise de Barcelone en 80
ou 8o3 avait été célébrée dans une chanson de
geste qui n'est pas parvenue jusqu'à nous sous sa
forme française. La chanson primitive devait faire
l
de Guillaume le héros principal de cet exploit ;

plus tard, lorsque le personnage de Vivien fut


introduit dans l'épopée de Guillaume, on donna au
neveu de ce dernier une place presque aussi impor-
tante, dans le récit, qu'au héros primitif du poème.
C'est la version qui nous a été conservée dans les
Storie Nerbonesi. Le dernier changement que
l'ancienne chanson dut subir pour satisfaire les

goûts capricieux des remanieurs fut caractérisé


par le fait que le rôle de Vivien fut considérable-
ment exagéré et finit par supplanter celui de Guil-
laume. Telle est la version qui nous est donnée
dans les Enfances Vivien.
Sur ce que devait être la chanson originale, les
Car mina in honorent Hludoivici d'Ermoldus Nigel-
2
lus pourraient nous fournir peut-être certaines
indications précieuses, quelque vagues qu'elles
soient. On a souvent et longuement disserté sur
cette composition du poète aquitain; le dernier mot
cependant n'a pas été dit, et la question mérite

1. Voy. ci-dessous.
2. Éd. Dûmmler, Poetae lat. aevi Karolini II. MGH.
INTRODUCTION XIII

d'être reprise et soumise à un nouvel examen. Il

va sans dire que nous ne nous occuperons que du


premier livre, le seul qui touche à notre étude,
où nous est racontée, sous une forme un peu redon-
dante mais qui ne manque pas d'entrain et de viva-
cité, la prise de Barcelone.
Le poète nous dit lui-même que ce qu'il écrit
repose sur des faits qu'il a entendu raconter autour
de lui \ Il en résulterait donc qu'en 826, époque

1. Caesaris armigeri conor describere gesta,


Quae récitât merito mundus amore pio.
vv. 3-6.

Le passage suivant nous découvre mieux encore ce que le poète


a voulu dire dans les vers précédents :

Culmina terrarum, vel quot castella peragrans


Subdidit imperiis, arma ferente Dco,
Sunt mihi nota minus ; vel si modo nota fuissent,
Non poterat stolidus cuncta notare stilus.
Sed quae fama recens stupidas pervenit ad aures,
Incipiam canere ; caetera linquo catis.
vv. 61-66.

Ermoldus nous dit donc clairement que s'il raconte la prise de


Barcelone, c'est parce que la tradition lui fournissait les données
nécessaires pour son récit poétique. Ce fait est très significatif
et il nous permet peut-être d'entrevoir le motif pour lequel
notre poète ne nous a pas raconté la prise de Tortose en 811.
C'étaient sans doute les traditions qui lui manquaient. S'il

avait connu cette expédition de Louis en 809 par quelque tra-


dition, comme c'était le cas pour la conquête de Barcelone,
notre poète ne se serait pas refusé à l'insérer dans son œuvre
et, comme le remarque avec raison Henkel, Ueber d. hist. Werth,
etc., p. 4, il pu en tirer un bon parti pour célébrer les
aurait
exploits de Louis.
Dans le mot récitât du v. 5 cité plus haut, il ne faut pas cher-
cher une preuve de l'existence, à cette époque, d'une chanson
XIV INTRODUCTION

Ermoldus composait son poème, l'évé-


à laquelle

nement qui s'était passé un quart de siècle avant


formait le sujet de quelque tradition. On se
demande de quelle manière il faut interpréter cette
assertion de notre poète et jusqu'à quel point elle
est digne de notre confiance. Une comparaison
attentive du poème avec le texte des chroniques
nous permettra de résoudre cette question, assez
délicate d'ailleurs et plus subtile qu'on ne serait
tenté de le croire à première vue.
Cette comparaison faite, on voit immédiatement
que le récit d'Ermoldus s'écarte sensiblement de
celui des chroniqueurs. Dans plusieurs cas la

raison des différences qu'on y constate est facile à


saisir; dans d'autres il est difficile d'en trouver
l'explication et nous sommes obligés de nous con-
tenter de simples conjectures.
Une première différence caractéristique du récit
d'Ermoldus Nigellus, c'est le rôle extrêmement
exagéré qu'y joue le roi Louis. Notre poète lui

attribue une part des plus actives dans le siège


de Barcelone, en le faisant intervenir dès le

commencement même de l'action ', tandis que

sur la prise de Barcelone. Recitare signifie ici simplement


raconter. On lit cependant aux vv. 193-194 du livre II :

Qualia per mundum confregit gesta celidri !

Christicolis cessit munera quanta quidem !

Haec canit orbis ovans late, vulgoque résultant;


Plus populo résonant, quam canat arte melos.

Nous verrons plus loin quelle valeur il faut assigner à ce


passage.
1. VV. 287, 385, 469, 498, 5o2, 5i5, 532, 536.
INTRODUCTION XV

les chroniques nous représentent les choses d'une


tout autre manière \ Si Ermoldus a puisé à des
traditions, comme il le dit, rien ne nous empêche
de supposer que celles-ci présentaient déjà ce chan-
gement, qui s'imposait de lui-même. L'armée partie
de France étant sous la conduite de Louis, il est
bien difficile de s'imaginer que la tradition popu-
laire ait laissé au roi un rôle aussi effacé que celui
qu'il a dans les chroniques, d'un simple comparse
2
n'apparaissant sur la scène qu'à la fin du drame .

Ermoldus a très probablement exagéré ce trait, en


donnant à Louis un rôle encore plus actif que dans
la tradition; mais si on considère le but en vue
duquel notre poète composait ses vers élégiaques,

i. D'après la Vita Hludowici SS., II, p. 612, et la chronique de


Moissac SS., I, p. 307, Louis était resté avec un corps d'armée à
Roussillon, après avoir envoyé avant les deux autres corps qui
étaient conduits par Rotstagnus et par Guillaume et qui devaient
assiéger Barcelone et empêcher l'approche des troupes venues au
secours des Sarrasins. Ce n'est que lorsque la ville fut près de se
rendre que les Français envoyèrent au roi pour lui annoncer cette
nouvelle et le faire venir à Barcelone, « ut nomini ejus adscribe-
retur Victoria », Chron. moiss., I. c. La Vita Hludowici nous dit,
p. 6o3, que le siège continua encore six semaines après l'arrivée
de Louis; mais, comme le dit M. Simson « Dies ist vielleicht
:

nur zu seinem Ruhme erfunden. » Jahrbb. d.fv. R. u. Karl d. G.,


II,p. 263, n. 2.

2. La Vita Hludowici semble nous une version intermé-


offrir

diaire entre l'histoire et le poème d'Ermoldus. Comme nous l'avons


dit dans la note précédente, elle fait continuer le siège par Louis
encore six semaines après son arrivée. Si on admet l'existence
d'une tradition, on pourrait croire que les y étaient présentés
faits

d'une manière semblable ; mais il serait trop hardi de voir dans

le récit de l'Astronome un écho de cette tradition.


XVI INTRODUCTION

on se convainc immédiatement que les choses


devaient être présentées ainsi
!
. En admettant
même que la tradition fût conforme à l'histoire, ce

qui nous semble bien peu vraisemblable, Ermol-


dus a pu très bien se permettre de modifier les

faits et de les plier à ses intentions de poète disgra-


cié qui implorait la pitié du roi.

Un autre trait, le plus frappant et non le moins


intéressant, qui distingue le poème d'Ermoldus,
c'est la place importante qu'occupe Guillaume de
Toulouse, le personnage autour duquel se sont
groupés tous les autres Guillaume qui ont donné

i. Dans le poème français sur la prise de Barcelone que nous


supposons avoir existé, les faits devaient se passer sans doute de la
même manière que chez le poète latin. Il n'était pas dans l'esprit
de l'épopée primitive de laisser dans l'ombre le roi des Français.
Si, dans le récit d'Andréa da Barberino, Louis n'est pas mentionné
et ne prend aucune part au siège, il faut y voir une version
altérée de la chanson originale. Une preuve indirecte à l'appui
de l'hypothèse que Louis devait figurer dans l'ancien poème de
la Prise de Barcelone semble nous être fournie par les chansons
du cycle de Guillaume où Louis accompagne les Français dans
leurs nombreuses guerres contre les Sarrasins. Les fréquentes
expéditions de Louis en Espagne pour secourir la famille d'Aymeri
de Narbonne, engagée dans des conquêtes au-delà des Pyrénées,
sont sans doute un trait que les trouvères ont puisé dans le

poème qui ne nous est pas parvenu. Ce trait devint à la fin un


véritable lieu commun, et les poètes l'introduisirent même dans
des chansons qui avaient pour thème une lutte contre les Sarra-
sins au midi de la France (Aliscans, La mort Aymeri de Nar-
bonc). A côté de ce changement, le trait en question devait encore
subir une autre modification. Dans la Prise de Barcelone, sous sa
forme primitive, Louis, qui, de concert avec Guillaume, se déci-
dait à marcher contre Barcelone, partait sans doute pour l'Espa-
gne en même temps que l'armée des Français. Plus tard, lorsque
INTRODUCTION XVII

naissance au héros du cycle narbonnais. Lorsque


Louis demande à ses hommes de quel côté le

moment est venu de diriger ses armes, c'est Guil-

laume qui conseille au roi de marcher contre les

Sarrasins, gens, dit-il

Quae mihi nota nimis, et sibi notus ego *,

et c'est à lui que Louis s'adresse en le remerciant


pour cette heureuse idée :

Gratia nostra tibi, Garoli sit gratia patris;


2
Dux bone, pro meritis semper habebis honos .

Après l'arrivée à Barcelone, le premier qui plante


sa tente devant les murs de la ville est le « princeps
Vilhelm », v. 2y3 ;
parmi les Sarrasins qui tombent
sur le champ de bataille, le poète mentionne en
premier lieu Habirudar qui est tué par Guillaume,

l'autorité royale avait perdu de son éclat et qu'une famille


féodale signifiait, aux yeux du poète, plus que le roi lui-même,
les conquêtes contre les Sarrasins furent représentées comme
entreprises par la famille de Guillaume, et Louis n'apparut
que pour secourir ses vassaux. Primitivement, Louis venait au
secours des Narbonnais de sa propre initiative c'est ainsi que ;

nous le voyons dans la Mort Aymeri (éd. Couraye du Parc,


vv. 2169 et suiv.). Plus tard encore, ce n'est qu'à la suite des
menaces de ses vassaux qu'il consent à rassembler ses troupes et
à porter secours à Guillaume et aux autres. Dans Aliscans,
Foucon de Candie et les Enfances Vivien, c'est Guillaume qui
intimide le roi par les injures qu'il lui adresse; dans le Siège de
Barbastre, c'est Guibert qui joue le rôle de Guillaume.
1. V. 148.
2. VV. 1 5g- 160. Il y a lieu de croire que le même rôle était
attribué à Guillaume dans l'ancien poème français. Cf. le récit
des Nerbonesi ci-dessus.
XVIII INTRODUCTION

v. 372; lorsqu'un Sarrasin prononce des paroles


injurieuses à l'adresse des Français, c'est Guil-
laume qui 402; après que Zado est
lui réplique, v.

pris, c'est à Guillaume que Louis s'adresse pour


forcer le Sarrasin à ouvrir les portes de la cité,
v. 475, et c'est Guillaume qui frappe le malheureux
captif lorsqu'il essaie de tromper les Français,
v. 489.
On s'est demandé de quelle manière il fallait ex-
pliquer ce rôle attribué à Guillaume. Jusqu'à un
certain point, il est justifié par l'histoire. La Vita
Hludoipici, qui, comme nous l'avons dit, est la seule
source historique qui atteste la participation de
Guillaume de Toulouse au siège de Barcelone, en
lui donnant le titre de primus signifer, nous dit
que Guillaume resta tout d'abord loin de Barce-
lone avec un corps d'armée, et qu'après avoir re-
poussé dans les Asturies les Sarrasins qui étaient
venus au secours des assiégés, il vint à Barcelone
pour se joindre au corps d'armée commandé par
Rotstagnus et qui avait commencé le siège \ Il n'y
a donc pas à douter que Guillaume n'ait pris une
part des plus actives à la conquête de Barcelone.
Mais entre ce que nous dit l'Astronome et ce que
nous lisons chez Ermoldus, il y a une grande dif-
férence. Si l'histoire nous représente Guillaume
comme un des personnages les plus importants de
cet exploit, il ne fut pas le seul à se distinguer,

1. SS., II, p. 612. Toutes ces circonstances manquent chez Er-


moldus.
INTRODUCTION XIX

car à côté de lui nous voyons figurer Adhémar et

Rotstagnus, qui, sans doute, avaient aussi donné


des preuves de courage et de talent. Guillaume,
d'après l'histoire, n'est donc pas le héros principal
de cet événement. Tout autrement nous sont pré-
sentées les choses dans le poème latin, où nous
voyons notre personnage transformé en héros
épique
l
. Ici, Guillaume nous est représenté tel que
2
nous le connaissons par les chansons françaises .

Gomment expliquer ce fait ? Ermoldus avait exa-


géré le rôle de Louis parce que son intérêt lui de-
mandait de le flatter. Envers Guillaume la flatterie

aurait été un non-sens, puisqu'il étaitmort depuis


déjà bien longtemps 3
. La raison doit donc en être
cherchée ailleurs.*

i. M. Gautier dit, en parlant du poème d'Ermoldus, que Guil-


laume y tient « légitimement la première place ». Ép. fr. } t. IV,
2° éd., p. 80. Au point de vue historique le mot « légitimement »

n'est pas justifié.


2. Les paroles que Guillaume prononce aux vv. 145-146 an-
noncent déjà le Guillaume épique.

Le passage le plus remarquable à ce point de vue est celui où


Guillaume s'emporte contre Zado, qui faisait semblant de rendre
aux chrétiens
la ville :

Hoc vero agnoscens Vilhclmus concitus illum


Percussit pugno, non simulanter agcns;
Dentibus infrendens versât sub pectore curas,
Miratur Maurum, sed magis ingenium :

« Credito, ni quoque régis amorque timorque vetaret,

Haec tibi, Zado, dies ultima sorte foret. »

Qu'on se rappelle les nombreux endroits des poèmes français où


nous est décrite la colère de Guillaume.
3. Il est à remarquer qu'Ermoldus ne parle nulle part de Guil-

laume comme s'il était mort. Le fait est assez caractéristique. La


INTRODUCTION

Un fait qu'on ne peut pas contester, quelque


sceptique qu'on puisse être dans des études de ce
genre, c'est que Guillaume avait vivement frappé
l'imagination populaire. Depuis la bataille de l'Or-
bieu il apparaissait sous les traits d'un véritable
héros. Ses exploits avaient fait de lui un des
hommes les plus grands du temps. Après sa mort,
le souvenir de ses actions était encore bien vivant
dans les mémoires, et toutes les fois qu'on se rap-
pelait les luttes auxquelles il avait participé, on
voyait en lui le personnage principal, le protago-
niste de l'action. Si l'histoire en avait donné le

motif, la tradition était allée plus loin, en trans-


formant, comme toujours, les données que la réa-
lité lui Pendant le temps qui s'était
avait fournies.
écoulé depuis sa mort jusqu'au moment où Er-
moldus composait son poème, le Guillaume histo-
rique s'était peu à peu transformé, et la manière
dont on se le représentait alors annonçait déjà le

Guillaume épique. Chez le poète aquitain nous


assistons à cette métamorphose même, métamor-
phose moins lente peut-être qu'on ne le croit d'or-
dinaire. Si Ermoldus avait eu devant lui des docu-
ments historiques lorsqu'il décrivait la prise de
Barcelone, il n'y aurait trouvé nulle part notre

mort de Bigo cependant et celle de Bera sont mentionnées aux


vv. 483 du liv. II et 553-556 du liv. III. On peut expliquer ce

fait si on admet que le poète a puisé à des traditions. C'est

l'habitude des traditions populaires, comme celle de l'épopée, de


ne pas faire allusion à la mort du héros lorsqu'on raconte ses

exploits : on veut se le représenter toujours vivant.


INTRODUCTION XXI

Guillaume traité en héros principal. A côté de lui


il aurait trouvé d'autres personnages, soit cet Adhé-
mar et ce Rotstagnus de la Vita Hludowici, soit
quelques autres guerriers sur lesquels les docu-
ments sont restés muets, et rien ne l'aurait empêché
de choisir l'un ou l'autre pour satisfaire aux exi-

gences de la poésie épique et pour mettre en scène


un héros digne de figurer à côté de Louis. Mais,
heureusement pour nous, Ermoldus Nigellus a
prêté l'oreille aux traditions qui couraient de son
temps, et son premier livre est un témoignage pré-
cieux pour l'étude de cette époque, époque trop
enthousiaste et trop poétique pour laisser dans
l'ombre la figure d'un homme comme Guillaume de
Toulouse, dont la valeur extraordinaire avait rendu
de si grands services à la France chrétienne l
.

i. Ces lignes étaient écrites avant l'apparition de l'article de


M. Jeanroy, Etudes sur le cycle de Guillaume au court ne\ (Ro-
mania, XXV, pp. 353 et ss.), où l'auteur, sans traiter la question
d'une manière aussi développée que nous, exprime les mêmes
idées sur la présence de Guillaume dans le poème d'Ermoldus.
D'après M. Ph. Aug. Bekker, qui ne croit pas que Guillaume ait

pris une part très active au siège de Barcelone, Ermoldus aurait


procédé d'une manière tout à fait arbitraire en donnant à Guil-
laume un rôle aussi important {Die altfran\osische Willielmsage,
Halle, 1896, pp. 1 3- 14). Il dit : « Von seiner wirklichen Thâtig-
keit bei der Belagerung tïnden wir keine Spur »; et plus loin :

« Ueberall hâtte Ermoldus, wenn es ihm beliebt hâtte, z. B. den

Grafen Rotstagnus von Gerunda statt des Grafen Wilhelmus


von Tolosa einsetzen kônnen, ohne dass die Darstellung an in-
nerer Wahrscheinlichkeit Einbusse erlitten hâtte. Die zufâllig
getroffene Wahl lâsst sich einigermassen erklâren. Wilhelm hatte
am Zuge einen bedeutenden Anteil genommen, und sein Ruhm
war nicht vergessen ;... der Dichter konnte unbefangen mit ihm
XXII INTRODUCTION

Un autre point sur lequel Ermoldus s'éloigne


des chroniques, c'est au sujet des personnages qui
prirent part au siège de Barcelone. Ni Adhémar ni
Rotstagnus, qui nous sont donnés par la VitaHlu-
dowici, ne se retrouvent chez Ermoldus '. Il intro-
duit en revanche d'autres personnages qui ne sont
pas mentionnés par les documents historiques.
C'est une nouvelle preuve à l'appui de l'hypothèse
que notre poète ne consultait pas les documents
lorsqu'il écrivait son premier livre.

Voici les noms de ces personnages, qui, dans la


2
réalité, selon nous , ne prirent point part à l'expé-
dition d'Espagne :

Heripreth, Lihuthard, Bigoque sive Bero,


3
Santio, Libulfus, Hilthibreth, atque Hisimbard .

Il faut cependant faire une exception pour Bera,


qui, d'après le témoignage de l'Astronome 4 , fut laissé
par Louis à Barcelone après son retour en France :

il est bien probable qu'il avait assisté au siège 5


.

schalten, etc. » J'avoue que j'ai peine à saisir la suite logique de


ce raisonnement. Si Guillaume avait pris une part active « am
Zuge », pourquoi se serait-il montré moins actif « bei der Belage-
rung »? si « sein Ruhm war nicht vergessen », pourquoi parler
d'une « zufâllig getroffene Wahl »?
i. Voy. plus haut.
2. Cf. Simson, Jahrbb. d. fr. R. u. K. d. G., II, p. 261, n. 4.
VV. 274-275. Liutthardus apparaît encore au
3. v. 372 ; Bigo
aux w. 179, 543,6o5;Bero au v. 32 1; Santio aux vv. 127-129;
Hiltibreth au v. 362.
4.SS., II, p. 61 3.
5. Peut-être faut-il supposer que Bera se trouvait dans le corps
d'armée avec lequel Louis était resté à Roussillon et que, par
INTRODUCTION XXIII

Il est difficile d'expliquer le silence qu'Er-


moldus garde sur Adhémar et sur Rotstagnus.
Toutefois une conjecture peut se présenter à l'es-
l

prit Guillaume étant devenu dans la tradition le


.

héros principal de cet événement, il avait éclipsé


ceux qui étaient allés avec lui au-delà des Pyrénées,
et l'éclat de son nom avait fini par plonger dans
l'oubli le souvenir de ses anciens compagnons
d'armes. En suivant la tradition, Ermoldus ne pou-
2
vait qu'accepter ce que celle-ci lui offrait .

conséquent, pu prendre une part active au siège. Les


il n'avait
preuves nous manquent pour appuyer l'une ou l'autre de ces
hypothèses. Ermoldus ne nous dit pas que Louis laissa Bera
dans la nouvelle ville conquise, avec la dignité de comte. Il de-
vait le supposer, puisqu'il savait sans doute que Bera
cependant
avait étécomte de Barcelone jusqu'en 820, lorsqu'il fut accusé de
trahison et exilé à Rouen. Cf. Simson, Jahrbb. Ladw. d. Fr.,
t. I, pp. 1 54-1 56.
1. M. Bekker, /. c, p. i3, se contente de constater le fait sans
en donner une explication.
2. Il est très probable qu'Adhémar
et Rotstagnus étaient morts

à l'époque où Autrement il n'aurait pas man-


Ermoldus écrivait.

qué de mentionner leurs noms, pour s'assurer leur bienveillance


et pour les engager ainsi indirectement à intervenir auprès du

roi en faveur de sa cause. Les documents ne nous disent pas si ces

deux personnages vivaient encore en 826. Dans les expéditions


contre Tortose en 809 et 810, nous voyons figurer un Adhémar,
Vita Hlud., ce. 14 et i5, SS., II, pp. 61 3-614. C'est sans doute le
même personnage que Dans un document du 2 avril 812,
le notre.
on voit mentionné encore un Adhémar, Th. Sickel, Acta région
et imp. Karol., Vienne, 1867, H> K. 241. Est-ce le même? Simson
semble en douter, Jahrbb. K. d. G., II, p. 261, n. 4. Sur
l'identification de notre Adhémar avec le moine auquel l'Astro-
nome devait plusieurs informations relatives au règne de Louis
en Aquitaine, SS., II, p. 607, identification faite par Dorr, De bellis

Francorum cum Arabibns gestis, progr.de Kônigsbcrg, pp. 5 102, et


XXIV INTRODUCTION

La question est aussi délicate et non moins em-


barrassante lorsqu'il s'agit d'expliquer la présence
des autres personnages. Ici, comme plus haut,
nous sommes obligés de recourir à des hypothèses
et de produire celles qui nous paraissent être les
plus vraisemblables. Parmi les personnages cités, la

Vita Hludoivici nous dit que Heripreth, Liuthard


et Isembard avaient suivi Louis à la prise de Tor-
tose en 8 1 1 \ Nous avons vu plus haut que ce
fait d'armes n'a pas été chanté par Ermoldus,
probablement parce qu'il n'avait pas laissé de
traces dans La présence
la tradition. de ces
trois personnages chez Ermoldus d'un côté et

chez l'Astronome de l'autre doit avoir sa raison


d'être.

Une explication, que nous présentons d'ailleurs


avec toutes les réserves, pourrait être la suivante.

Dans la tradition sur la prise de Barcelone à


laquelle le poète aquitain avait puisé, on avait
introduit des personnages qui avaient pris part
à la conquête de Tortose. Ce fait ne doit pas
nous étonner, car toute tradition nous offre, en
dernière analyse, plus d'un exemple de pareilles

avant lui par Giesebrecht, voyez W. Wattenbach, Deutschlands


Geschichtsquellen im Mittelaîter, Berlin, 1877, 4" éd., t. I, p. 170,
n. 2, et Simson, Jahrbb. Ladw. d. Fr., II, p. 287, n. 2 et Jahrbb.
Karls, II, pp. 21 1, n. 2 et 261, n. 4. Quant à Rotstagnus, tout ren-
seignement nous manque.
1. Hludowicus rex... habens secum Heribertum, Liutardum,
«

Isembardum. » SS., II, p, 61 5. Isembard prit part aussi aux expé-


ditions infructueuses contre Tortose en 809 et 810, à côté d'Adhé-
mar, Bera et Borel, pp. 613-614.
INTRODUCTION XXV

confusions '. La place que Bigo occupe dans le

poème s'explique, à coup sûr, par le rôle important


que celui-ci avait joué, jusqu'en 816, date de sa
mort, à la cour de Louis, dont il était le beau-
2
frère et un des meilleurs amis En rappelant au .

roi le nom de son parent, Ermoldus voulait s'assu-

rer sa bienveillance et gagner sa faveur. Pour


Sancio, appelé aussi Lupus, nous avons peine à
reconnaître le personnage historique auquel fait
allusion Ermoldus. Il est bien difficile de l'iden-

i. Sidocuments étaient plus riches en indications pour


les

cette époque, on pourrait admettre, comme précédemment, une


hypothèse beaucoup plus vraisemblable. Sil nous était possible
de prouver que Heribert, Liuthard et Isembard vivaient encore
en 826 et jouissaient d'une certaine influence à la cour de Louis,
leur présence dans le poème d'Ermoldus s'expliquerait par l'in-
tention de celui-ci de s'assurer leur intervention auprès du roi.
Malheureusement, les documents faisant défaut, rien ne nous
permet de confirmer cette hypothèse. Heribert n'est plus men-
tionné après l'an 812, Vita Hlud., c. xvn, SS., II, p. 61 5, et il est

môme douteux, comme


remarque Simson, Jahrbb. Karls, II,
le

pp. 261-262, n. 4, qu'il s'agisse du même personnage. Il est aussi


douteux que cet Heribert soit le frère de Bernard, comte de
Barcelone, et fils de Guillaume de Toulouse, comme le croient
Dom Bouquet, Historiens, VI, pp. 18,94, Henkel, /. c. p. 12 et
Foss, Ludwig der Fromme vor seiner Thronbesteigung, Diss. de
Berlin, i858,p. 20, n. 98. Cf. Simson,/. c. et Jahrbb. Ludw., II,

p. 3o5. Sur Liuthard nous ne savons rien autre chose sinon qu'il
avait été nommé comte de Fezensacen 801, V.Hludowici, c. xm,
55., II, p. 612. Le nom d'Isembard, peut-être un autre (cf.

Simson, Jahrbb. Karls, II, p. 262 n.), est attesté dans un docu-
ment sans date que Sickel place entre 814-825, Acta, II, L. 227.
Cf. aussi I", 332.

2. Simson, Jahrbb. Ludw., I, pp. 11, n. 8; 23, 76. Cf. Bekker,


/. c, p. i3.
XXVI INTRODUCTION

tifier Lupus qui apparaît en 769 comme


avec le

duc des Gascons, ou avec le Lupus Centullus


en 819 \ Leibulfus, qui vivait encore du
attesté
temps de notre poète, eut l'honneur d'être men-
tionné peut-être parce qu'il avait une certaine
2
influence sur le roi . Quant à Hilthibreth, on ne
trouve aucune trace d'un personnage de ce nom
dans les documents de l'époque.
Telles sont les différences les plus remarquables
qui distinguent le récit d'Ermoldus Nigellus 3
.

1. Simson, Jahrbb. Karls, II, p. 262 note.


2. D'après Simson, ibid., le nom de Leibulfus n'apparaîtrait
que dans le document de Charlemagne du 2 avril 812 (Sickel, /. c,
K. 241). Il nous est attesté cependant, avec le titre de cornes,
dans plusieurs autres documents : 28 avril 814 (Sickel, /. c, L. 8)
20 mars 822 (L. 177); 3 janvier 825 (L. 212). Dans un document
du 21 octobre 837 (L. 355), on nous dit qu'il était déjà mort :

« Quondam Leibulfus cornes. » (Dom Bouquet, Historiens, VI,


p. 616.) Or, il n'est pas douteux qu'il s'agisse toujours du même
Leibulfus.
3. On pourrait relever encore quelques autres faits, de moindre
importance, mais qui ne font que venir à l'appui de la thèse

qu'Ermoldus travaillait sans consulter les chroniques. La des-


cription du conseil où Louis décide d'attaquer Barcelone, selon
la proposition de Guillaume, vv. 68-104, ne semble reposer sur
rien d'historique. La relation de la chronique de Moissac, d'après
laquelle « misit Karolus... Ludovicum... adobsidendam... Barchi-
nonam » SS., I, p. 307, s'accorde mieux avec les faits historiques.

Cf. Simson, Jahrbb. Karls, II, p. 260, n. 3, et Henkel, /. c, p. 6. Si

l'auteur de la Vita Hhidowici se rencontre ici avec Ermoldus, il

faut y voir un simple hasard « Visum est régi et consiliariis eius


:

ut ad Barcinonam oppugnandam ire deberent. » SS., II, p. 612.


L'un et l'autre, d'ailleurs, s'efforçaient d'exagérer le rôle de Louis.
Les circonstances dans lesquelles Zado fut pris semblent aussi
être imaginées par le poète, vv. 444-460. Le Sarrasin, voyant que
le secours de Cordoue tardait à venir (voy. cependant ce que dit
INTRODUCTION XXVII

Il qu'Ermoldus Nigellus
résulte de cette enquête
ne se piquait pas de consulter les documents
lorsqu'il composait son poème. Le premier livre
des Carmina in honorent Hludoivici est donc moins
une source historique sur la prise de Barcelone
qu'un témoignage des plus précieux pour l'histoire
l
littéraire de cette époque Le fonds essentiel du .

récit repose sur une tradition qui courait du temps

du poète, dont l'imagination était assez bien douée


pour être capable de compléter et d'amplifier les

données d'un récit populaire. D'après cette tradi-


tion, on savait que Louis
Espagne était allé en
pour conquérir Barcelone, que Guillaume de Tou-

la Vita Hludowici ci-*dessus), se hasarde à sortir de la ville, pour


aller lui-même à Cordoue, mais le hennissement de son cheval le

trahit, et les Français s'emparent de lui. C'est sans doute une


invention de poète. Le récit ne s'accorde que vaguement avec la

chronique de Moissac, qui nous que Zado tomba entre


dit aussi

les mains des Français pendant le siège, mais ne nous donne

pas les circonstances qui se trouvent chez Ermoldus. Les Annales


d'Einhard, en outre, placent ce fait après la prise de la ville.

La Vita Hludowici raconte les choses d'une tout autre manière,


cf. Simson, Jahrbb. Karls, II, p. 264, n. 2. Sur la durée du siège,
Ermoldus s'éloigne de toutes les chroniques, cf. Simson, /. c.,pp.
263-264, n. 2. Si, à la fin de son livre, il nous dit que les portes

de Barcelone s'ouvrirent devant les Français un samedi, v. 52g,


c'est un détail purement fantaisiste. Il y a lieu de croire que les
noms des Sarrasins, w. 353, 372-074, ont été aussi inventés par
notre poète; les chroniques n'en font pas la moindre mention.
Cf. Bekker, /. c.

1. M. L. Gautier dit fort bien que « les développements poé-


tiques d'Ermoldus sont une sorte de transition classique et peu
populaire, mais réelle et digne d'attention, entre l'histoire pro-
prement dite et la poésie épique. Ce double intérêt ne nous paraît
point contestable ». Ep.fr., t. IV, 2 éd., p. 81.
XXVIII INTRODUCTION

louse avait pris une part des plus actives à cette


expédition, et qu'après un long siège la ville, dont
le gouverneur Zado était tombé entre les mains
des Français, s'était rendue au fils de Charle-
magne. Avec ces quelques traits, que le poète
pouvait développer et exagérera son plaisir, il était
bien facile de composer un poème de plus de
six cents vers. Par conséquent, lorsque notre poète
nous dit expressément qu'il n'a fait que mettre en
œuvre ce qu'il avait trouvé dans la tradition, il

mérite toute notre confiance \ Nous sommes loin


cependant de croire qu'à l'époque d'Ermoldus il
y
avait déjà un poème populaire en langue vulgaire
sur la prise de Barcelone, poème où Guillaume
2
aurait joué le rôle de héros principal Il nous est .

aussi difficile d'admettre l'existence à ce moment


d'autres poèmes sur Guillaume 3
. En supposant

Nous ne saurions nous ranger à l'avis de Henkel, lorsqu'il


i.

dit « Es ist wohl nichts als Schmeichelei, indem er sagenwill,


:

dass Ludwigs Thaten noch lebendig in aller Munde seien », /. c,


p. 5.
2. Les vers 193-194 du livre II, cités plus haut, où Ermoldus
dit que les exploits de Louis formaient le sujet de chansons, ne
doivent pas être pris à la lettre.

3. M. Bekker, /. c, p. 14, révoque en doute l'existence de toute

épopée française à cette époque. Nous faisons cette restriction


simplement pour le cycle de Guillaume d'Orange. Les endroits
du poème qu'indique M. Bekker et où l'on trouve quelques traits

qui rappellent les chansons de geste semblent prouver qu'il y


avait déjà une épopée française. Il est bien difficile d'expliquer
cette ressemblance simplement « durch die Aehnlichkeit der
Zeiten, Sitten, Gebrâuche, durch die Verwandschaft der Auffas-
sung und des Darstellungsvermôgens, » /. c, p. i5.
INTRODUCTION XXIX

même pour fondement historique la


qu''Aliscans ait
bataille de l'Orbieu, ce qui nous semble assez
problématique \ nous avons de la peine à nous
imaginer qu'au commencement du ix e siècle une
chanson française existât déjà sur ce sujet. A
l'époque d'Ermoldus Nigellus on peut admettre,
sans trop forcer les faits, que, en ce qui concerne la

vie et les exploits de Guillaume, l'histoire s'était

transformée en tradition et que l'épopée ne devait


pas tarder à suivre cette dernière. D'une tradition
sur la prise de Barcelone, où Guillaume occupait la

place d'honneur à côté de Louis, il n'y avait qu'un


pas à faire pour arriver à un poème, dont la perte
ne doit point étonner lorsqu'on songe que tant
de chansons de geste ont eu le même sort
2
.

i. Récemment M. Rolin s'est efforcé, comme ses prédécesseurs,


de rattacher ce poème à la défaite de 793 {Aliscans, Leipzig,
1894, pp. xxxii etsuiv.); mais les conclusions auxquelles l'auteur
arrive sont loin d'être décisives. Cf. Ph. Bekker, Zeitschrift
fur rom. PhiL, XIX, p. 114, et Die altfran^ôsische Wilhelmsage,
pp. 47 et suiv.
2. D'après M. L. Gautier, la seule trace que la prise de Bar-
celone aurait laissée dans le cycle de Guillaume serait la pré-
sence de Guillaume dans les chansons qui racontent les nom-
breuses expéditions des Français en Espagne. Il dit à cepropos :

« La prise de Barcelone en 801 (ou 8o3), qui fut due en grande


partie a la prudence et au courage de Guillaume, n'a pas laisse
de trace directe dans notre épopée. Mais il faut indirectement
rapporter à ce mémorable événement tous les sièges et toutes les

prises des villes espagnoles par Guillaume ou par les siens, qui
abondent dans sa geste. De là, ce petit poème, la Prise de Cordres,
qu'on a pu aussi intituler la Conquête de l'Espagne. De là, cer-
taines parties du Siège de Barbastre, de ce poème qui a d'ail-
leurs, en son ensemble, une origine plus moderne et normande.
XXX INTRODUCTION

II

Plus de deux cent cinquante ans après la prise

de Barcelone, une nouvelle conquête, qu'un poète


s'est amusé à attribuer aux héros du cycle de Guil-
laume, fut entreprise par les Français en Espagne.
En 1064 ou io65 (la date est bien incertaine), une
armée, composée en grande partie de Normands,
passa en Espagne, très probablement à la suite
d'une invitation de Sancho Ramirez, et, après un
siège de quarante jours, la riche cité de Barbastre,
une des places les plus importantes de l'Aragon,
tomba entre ses mains ', Cette expédition forme

De là, le début et surtout la fin des Enfances Vivien, où l'on


raconte la prise de Luiserne. » Ep. fr., 2e éd., t. IV, p. 85.
M. Gautier aurait pu y ajouter aussi les poèmes de Guibert
d'Andrenas et de Foucon de Candie (première partie). Dans ce
que dit M. L. Gautier il y a une part de vérité, mais il faut
remarquer que si, par exemple, dans les Enfances Vivien ou
Foucon de Candie, on voit Guillaume figurer, c'est parce qu'il
était devenu depuis déjà bien longtemps le héros du cycle et

que, toutes les fois qu'il s'agissait d'une guerre contre les Sarra-
sins, ilne pouvait plus manquer.
1. La relation la plus développée se trouve chez l'historien
cordouan du xi 8 siècle, Ibn-Haiyân. Une traduction du passage
qui nous intéresse a été donnée par P. de Gayangos, The His-
toryofthe mohammedan dynasties in Spain, Londres, 1840-1843,
t. pp. 265 et suiv., d'après les mss. d'Al-Makkarî, et par
II,

R. Dozy, Recherches sur l'histoire et la littérature de VEspagne,


2° éd., Lcyde, 1860, t. II, pp. 35y et ss., d'après les manuscrits de

Gotha et de P. de Gayangos. Moins développés et très souvent en


contradiction avec Ibn-Haiyân sont la chronique normande :

d'Aimé du iMont-Cassin, publiée dernièrement par l'abbé O.Delarc,


INTRODUCTION XXXI

le sujet de la chanson de geste du Siège de Bar-

Ystoire deNormant, Rouen, 1892, pp. r - 3 Historiae franc,


li 1 1 ;

fragm., Cliron. S. Maxentii et Gesta com. Barcimon. (Rec. des


historiens des Gaules, t. XI, pp. 162, 220, 290-291) Hugonis Flo- ;

riac. mod. reg. Franc, actus (Pertz,f>5., IX, p. 389) ; Cliron. Rivi-
pullense, chez J. Villanueva, Viage literario a las iglesias de
Espaha, Madrid, 1806, t. V, p. 245 ; Xecrol. exbrev. eccl. Roten-
sis (Esp. sagrada, XLVI, p. 341). Nous ne croyons pas que le

passage du Cliron. Turon. \Rec. des liist., XII, pp. 461-462) se


rapporte à la prise de Barbastre. Dozy, qui ne connaissait pas
toutes ces sources, disait, /. c, t. II, pp. 355-356, que les chroni-
ques latines ne font aucune mention de cet événement, ce qui
est inexact. De même F. Hirsch, Amatus v. Monte-Cassino u.
seine Gesch. der Xormannen (Forsch. f. deutschen Gescli.,
Gôttingen, VIII, p. 232), et d'autres à leur suite. — D'après Ibn-
Haiyân, l'armée chrétienne n'aurait été composée que de Nor-
mands, qu'il appelle .Alordomani (Dozy, /. c, t. II, p. 356).
Ilne nous dit pas quel était le nom de celui qui les conduisait, il
l'appelle simplement « le commandant de la cavalerie de Rome »

ou « le roi des Roum » (Dozy, /. c, pp. 36o, 369). La chronique


d'Aimé mentionne, en dehors des « fortissime Normant », aussi
une « grant chevalerie de Françoiz et de Borguegnons et d'autre
gent ». Ils étaient commandés par l'aventurier Robert Crespin
(chap. v). L'auteur du fragment de l'histoire des Français dit :

« Dux Aquitaniae Guillelmus, et quidam alii optimates Gallia-


rum, quisque de suo exciti loco, copiosum in Hispaniam conduxe-
runt exercitum », /. c. La chronique de Saint-Maixent s'exprime
ainsi : « Gosfredus Dux (se. Aquitaniae) abiens in Hispa-
niam cum multis Normannis », /. c. Hugues de Fleury dit sim-
plement : « Quidam proceres Franciae », l. c. Les deux chroni-
ques écrites en Espagne ne nous disent pas, avec leur sécheresse
habituelle, qu'à la prise de Barbastre participèrent aussi des
Français. Il résulte de toutes ces sources que l'armée entrée
en Espagne ne composait pas seulement de Normands,
se
comme le croyait Dozy, mais aussi de guerriers venus d'autres
pays de la France. Les premiers cependant étaient sans doute en
plus grand nombre. Les Normands étaienteonduits par R. Crespin
et les Aquitains par Guillaume VIII (appelé aussi Geoffroi et
XXXII INTRODUCTION

bastre, chanson qui nous a été conservée dans cinq

Gui, Historiens, XI, 118, 286; XII, 402), duc d'Aquitaine et comte
de Poitiers. Faut-il supposer qu'ils allèrent en Espagne de leur
propre initiative ou à la suite d'une invitation de Sancho Ramirez,
alors roi d'Aragon ? La dernière hypothèse nous semble la plus
vraisemblable, quoique aucune des sources citées ne dise rien
là-dessus. Les raisons qui nous font admettre que les choses
ont dû se passer ainsi sont les suivantes. On lit dans les Gesta
com. Barcinon. : « Ermengaudus qui dictus fuit de Barbastre, eo
quia in obsidione Barbastrensis plurimum laboravit », /. c.
castri...

Dans un acte de donation de Sancha, la femme d'Ermengaud III,


comte d'Urgel, acte daté du 12 avril io65, on lit a Ermengau- :

dus cornes Urgellensis transacto tempore quadragesimae fuit in

Spania interfectus a Sarracenis. Postea inde a suis fuit levatus,


et ad civitatem Barbastri, quam ipse tenebat, portatus. » (Villa-

nueva, Viage, IX, pp. 127, 269.) Il résulte donc de ces deux textes
qu'Ermengaud III avait pris une part très active au siège de Bar-
bastre et qu'après la conquête cette ville entra en sa possession.
On sait, d'autre part, qu'Ermengaud et Raymond Bérenger avaient
conclu en io58 une alliance défensive contre les Sarrasins, alliance

qu'ils renouvelèrent en 1064. Cf. P. Marca, Marcahisp., 1 1 1 1, 11 25.

De tous ces faits on peut arrivera la supposition que Sancho Ra-


mirez, ayant décidé de prendre Barbastre, après qu'il se fût assuré
le concours d'Ermengaud et de Raymond Bérenger, fit un appel
aux guerriers de France, qui ne tardèrent pas à passer les Pyrénées
et à offrir leur service. A la même époque, en 1066, nous voyons
Alphonse VI de Castille appeler des Français contre quelques
bandes de Sarrasins venus d'Afrique et qui dévastaient son
royaume (Hugonis Floviac. mod. franc, reg. actus, 5S., IX,
p. 390). Il ne faut donc pas considérer la prise de Barbastre
comme une conquête purement française. — Dans la Historia de
los condes de Urgel, écrite dans la première moitié du xvii siècle
par Diego Monfar y Sors et publiée dans le t. IX de la Coleccion
de documentos ineditos de Varchivio... de Aragon, Barcelone, i853,
on lit que lecomte d'Urgel aurait décidé de marcher contre Bar-
bastre à la suite d'un conseil de Sancho Ramirez (p. 378). L'au-
teur donne, en outre, les noms de plusieurs guerriers qui prirent
part à cette conquête, qui, d'après lui, aurait eu lieu en io65
INTRODUCTION XXXIII

manuscrits et où le rôle principal est attribué à

(p. 329). Nous ne savons pas où l'auteur a pris ces indications.


Çurita, qui place aussi cet événement en io65, attribue la prise
de Barbastre au roi d'Aragon, Annales de la corona de Aragon,
Saragosse, 1669, t. I, p. 24; Indices remtm ab Aragoniae regibus
gestarum, Saragosse, 1578, p. 3o. — En ce qui concerne la date,
Ibn-Haiyân place la prise de Barbastre en 1064, au mois d'août
(Dozy, /. c, La chronique d'Aimé du Mont-Cassin ne
II, p. 358).
donne aucune date précise. Hugues de Fleury admet l'an io65, et
la chronique de Saint-Maixent l'an 1062. Les deux chroniques lati-

nes écrites en Espagne donnent l'an io65. Le fragment de l'his-

toire des Français dit, après avoir raconté des événements qui
se passèrent entre 1060-1070, que la prise de Barbastre eut lieu
« his temporibus » . Il nous est donc impossible d'établir avec une
certitude absolue la date de la prise de cette ville. Il faut recon-
naître qu'Ibn-Haiyân mérite beaucoup de confiance, puisqu'il était
contemporain de cet événement, et, d'après son récit, on peut voir
qu'il était très bien informé. Mais ce n'est pas une raison pour
admettre sans quelques réserves la date donnée par lui, comme
l'a fait Dozy, /. c., II, pp. 356, 35g, et, après lui, L. Gautier, Ép.
e
fr., IV, 2 éd., p. 91,0. Nyrop, Storia delV epopeafr. (trad.Gorra),
p. 1 58, et Langlois, Le Couronnement Louis, p. lxviii. Schâfer
admet la date io65, Gesch. v. Spanien, II, pp. 336, 33g ; de même
M. l'abbé Delarc, /. c. Introd., p. i3, n. 2. Nous inclinons aussi à
préférer cette date. Dans le traité d'alliance d'Ermengaud et de
Raymond, daté du mois d'août 1064, on ne dit nulle part qu'Er-
mengaud eût déjà participé à une guerre contre les Sarrasins.
D'après ce texte on voit plutôt qu'il prévoyait une semblable
guerre. D'autre part, dans l'acte de donation de Sancha, on voit
que Barbastre était déjà entre les mains d'Ermengaud après le
carême de io65. Faut-il supposer que le siège avait été commencé
vers la fin de l'année 1064 et que la ville se rendit vers le com-
mencement de l'année suivante ? C'est assez possible. Villanueva
apporte encore une preuve à l'appui de la date io65, acceptée
aussi par lui, Viage, t. VI, p. 209. Dans le testament d'un certain
Pierre Bernard, daté du 7 octobre 1064, on lit : « Ego Petrus
Bernardi volo pergere cum domno Guillelmo pontifice, cum ceteris
fidelium turmis, in Ispania pro amore Dei : et ideo facio hune
XXXIV INTRODUCTION

Bovon de Commarchis et à ses deux fils, Girard


et Guielin '. Elle nous représente un remaniement
du xm siècle d'une chanson plus ancienne 2
e
.

Le Siège de Barbastre, de même que la Prise de


Cordres et de Sebille, dont nous nous occuperons
plus loin, est une des chansons les plus instruc-
tives du cycle. Elle repose sur les événements his-
toriques que nous avons mentionnés plus haut. La
Prise de Cordres ne contient rien d'historique.

testamentum », /. c, p. 199. Villanueva croit qu'il s'agit ici de


l'expédition contre Barbastre. C'est assez douteux.
Voy. L. Gautier, Ep.fr., t. IV, 2 e éd., p. 25. Une classification
1.

des manuscrits a été donnée par M. A. Gundlach, Z)tfs Handschrif-


ten Verhàltniss des Siège de Barbastre, Diss. Marbourg, 1882.
Cette classification est à refaire. Nous ne pouvons admettre que
le ms. Bibl. Nat. 1448 soit une « Mischhandschrift » des deux
familles y(Mss. Londres, Br. Mus. Roy., 20, D XI ; B. Nat. 24369)
et jf
(Mss. Londres, Br. Mus. Harl. i32i, Roy. 20, B XIX). —
Une analyse du poème a été donnée par P. Paris dans son
article sur Adenet le Roi, Hist. XX, pp. 706-707. On sait que
litt.,

ce dernier nous a laissé de cette chanson un remaniement resté


inachevé, et que M. Scheler a publié, d'après le seul manuscrit qui
nous parvenu (Ars. ij5),Beuves de Commarc/zz^Bruxelles, 874.
soit 1

2. M. G. Paris fait remonter cette chanson, écrite sans doute en

assonances, au xn° siècle, La littérature française au moyen dge,


2 Sous sa forme primitive nous croyons plutôt qu'elle
éd., p. 71.

fut composée dans les dernières années du xi e siècle, quelque


temps après la prise de Barbastre, et que depuis lors elle a dû
subir plus d'un remaniement. Quant au remaniement d'Adenet
le Roi, M. Paris croit qu'il repose sur un texte en assonances;

nous sommes plutôt porté à admettre que le ms. qu'Adenet avait


devant lui était déjà rimé, mais que plusieurs assonances y sub-
sistaient encore. C'est ce qui nous semble résulter d'un vers, où
il dit de la chanson qu'il avait pour modèle :

Pour ce qu'est mal rimee, la rime amenderai.


Ed. Scheler, v. 21.
INTRODUCTION XXXV

L'une et l'autre cependant se ressemblent par la

manière dont les faits nous sont racontés. L'action


est une pure fiction. Cela nous permet de voir
comment les poètes travaillaient à leurs composi-
tions épiques et de suivre de près leurs procédés.
Nous pouvons nous représenter de la manière
suivante l'origine et la composition de notre poème.
Lorsque les guerriers qui étaient partis en
Espagne revinrent en France, après la prise de
Barbastre, un poète, auquel on avait raconté la
nouvelle conquête, se mit à composer une chanson
sur ce thème, où il ne s'agissait sans doute ni de
Bovon de Commarchis ni de ses deux fils, Girard
et Guielin . Cette chanson eut peut-être une cer-

taine popularité -dans le milieu où elle fut com-

i. Dans Aymeri de Narbonne, la conquête de Barbastre est


attribuée à Charlemagne :

Prise ot Barbastre et Nobles ot sessie


Et ot conquise la cité de Lerie.

Ed. Demaison, vv. io5-io6.

On peut en rapprocher aussi un passage de la chronique de Tur-


pin (chap. m, éd. Ciampi, Nous n'attribuons pas beaucoup
p. 7).
d'importance à ces vers, qui nous semblent un pur remplissage.
Nous avons peine à croire que la première rédaction du Siège
de Barbastre plaçât les faits sous le règne de Charlemagne. Il
nous est également difficile de penser que Bertrand de Bar-sur-
Aube ait connu une telle rédaction de notre poème. Nous n'avons
trouvé nulle part ailleurs dans le cycle une allusion à ce fait, et
il nous semble que M. Demaison est allé trop loin lorsqu'il croit

que ces vers « indiquent toute une série d'événements qui consti-
tuaient sans doute la matière d'anciens récits épiques ». L. c.

Introd., p. ccn. Il faut, en outre, remarquer que le nom de Lerie


peut avoir été amené par la rime.
XXXVI INTRODUCTION

e
posée, et lorsque plus tard, au xn siècle, les ten-
dances cycliques commencèrent à s'accentuer de
plus en plus, un poète remanieur la rattacha à la
geste de Guillaume, en mettant la conquête de la
ville espagnole au compte de Bovon et des autres
Narbonnais \ Au xm e
siècle enfin, lorsque les
assonances cédèrent la place aux rimes, d'autres
changements furent introduits dans l'ancien poème,
auquel on ajouta quelques menues scènes roma-
nesques et quelques descriptions de combats entre
2
les Français et les Sarrasins . Arrivée à cet état, et

i. Le fragment de La Haie et le Pèlerinage de Chavlemagne ne


font aucune mention de Bovon de Commarchis. Il faut admettre
que ce personnage ne fut introduit dans le cycle qu'au xn 8 siècle.
Voy. notre article, Aymeri de Narbonne dans la chanson du Pèle-
rinage de Charlemagne (Romania, t. XXV, p. 495).
2. Nous sommes loin de voir dans notre poème un produit de

la poésie populaire, comme on l'a fait, avec plus ou moins de

raison, pour d'autres chansons du cycle de Guillaume. On pour-


rait apporter cependant à l'appui d'une telle hypothèse un fait

qu'on a souvent invoqué pour rendre plus vraisemblables des


conclusions assez séduisantes, à première vue, mais peu fondées
dans la plupart des cas. Nous avons vu plus haut que le frag-

ment de l'histoire des Français et la chronique de Saint-Maixent


attribuent à Guillaume VIII, duc d'Aquitaine, un rôle assez impor-
tant dans la prise de Barbastre. Rien de plus simple alors que
d'admettre une chanson du xi e siècle, qui aurait fait de ce Guil-
laume le héros de cet exploit, et qui aurait été rattachée plus
tard à notre cycle par un trouvère qui augmenta de cette
manière le nombre des Guillaume dont la fusion avait donné
naissance au Guillaume épique. Cette hypothèse nous semble
peu probable, quoiqu'elle ne s'écarte pas de la méthode qu'on
a suivie d'ordinaire pour expliquer la formation de notre cycle,
méthode justifiée jusqu'à un certain point, mais dont on a trop
souvent abusé (voy. Gautier, Ép. fr., 2* éd., t. IV, pp. 91 et
INTRODUCTION XXXVII

telle que nous la connaissons, la chanson du Siège


de Barbastre est devenue une fiction pâle et froide,
où la réalité historique n'est plus guère recon-
naissable. Le seul trait qui ait subsisté est le nom
de la ville conquise. Tout le reste repose sur un
enchaînement de faits imaginés par le poète, qui,
sans se donner beaucoup de peine, n'avait qu'à met-
tre en œuvre les nombreux lieux communs que ses
prédécesseurs lui avaient légués. On
y trouve les
mêmes incidents et les mêmes formules que dans
les autres chansons du cycle. Au milieu du récit
des combats livrés devant la ville parNarbon- les

nais au secours desquels étaient venus Aymeri, ses


fils et le roi Louis, le poète s'arrête assez souvent
pour nous divertir par quelques descriptions, qui
ne manquent pas, en général, de charme, ou par
quelques autres détails qui coupent le récit et

ralentissent la marche de Faction \ La géographie

suiv.). Si les choses s'étaient passées ainsi, il faudrait que le


héros principal de notre chanson fût Guillaume et non Bovon
de Commarchis. Nous sommes en outre peu disposé à admettre
une origine méridionale pour ce poème. Cette origine nous
semblerait aussi contestable que l'origine normande soutenue
par Dozy dans sa fameuse théorie qu'on a vivement réfutée
(voy. les discussions là-dessus dans Cr. Nyrop, /. c, pp. 157-159)
et que M. Cloëtta, à notre étonnement, a essayé de renouveler
sous un autre aspect dans son article, Die der Syyiagon-Episode
des Mon. Guil. II \u Grunde liegenden hist. Ereignisse (Abhli.
He.rrn Prof. Dr. A. Tobler dargebracht, Halle, 1895, pp. 264 et
suiv.). Cf. G. Paris, Romania, t. XXIV, p. 457.
I. Ainsi la description de la « mahomerie », ms. B. N. fr. 1448,
fol. 116 r° 2 e col.; de la « nef» qui conduit Malatrie de Cordres
à Barbastre, fol. 120 r° 2* col.; de son « tref », fol. 121 r°
XXXVIII INTRODUCTION

est aussi fantastique que l'histoire. D'après le

poète, Barbastre serait traversée par la rivière de


Sore non par le Vero, comme dans la réalité.
'
et

Si le poète nous donne la description de la ville,


les détails y sont purement imaginaires. Clarion la

décrit ainsi à Louis :

« Veez lai, » dist Clarions, « outre cel bos ramé:


« Il n'a si bone tor en la crestiënté :

« A chevilles de fer sont li quarrel fermé,


« .X. estaches de hait et tôt a plom soldé.
« N'en avri[i]ez .j. sol dec'a .j. mois pasé,
« Par nul engin que sachent tuit cil de vo rené.
« Si cort d'une part Sore dont parfont sont li gué,
« D'autre part cort la mer au mur et au fossé 2
. »

Dans plusieurs autres endroits le poète donne


des renseignements sur la situation géographique

2° col.; de ses beautés, de ses riches habits et du harnachement


de son mulet, fol. 121 v° i col. ; du cheval de Gerart, fol. 122 r°r#

1" col. du « tref » d'Aymeri de Narbonne, fol. 1 36 v° 2 e col.; du


;

lit de Clarune, la fille de Broadas, fol. 141 r° 2 e col.; du « tref»


de Louis, fol. 144 v° i
ra
col. ; —les aventures de Girart et de ses
quatre compagnons, fol. 122 r° 2 6 col., 126 v° re col.;le rendez-
vous de Guibert, Guielin et Girart avec Blanchandine, Aufanie
re
et Almarinde, fol. i5o r° i col.; les songes de Clarune, fol. 141
r° 2 e
col., de Girart, fol. 142 v° 2 8 col. et dAlmarinde, fol. 149
r° 2 col.
re
1. Fol. 121 v° r° col., 125 v° i col., 126 r° 2 e col., 128 r°
re re
1" col., v° 2 e
col., 129 r° i col., 144 v° i col., 147 v° 2
e
col.,
re
148 r° 2* col., v° i
re col., i5o r° i col., i5i v° 2 e col., 1 55 r°

2# col., 162 v° i
r"
col., Au fol. i52 r° 2 col., elle s'appelle
Sorence. Au fol. 157 V 2 e col., le poète nous dit qu'il y aurait
encore la rivière « d'Arente ».

2. Ms. B. Nat. fr. 1448, fol. 141 v°, 142 r°.


INTRODUCTION XXXIX

de Barbastre, qui ne sont pas moins fantastiques


que les précédents '.

On ne demande pas à l'épopée d'être aussi exacte


et précise que l'histoire, mais on s'attendrait
peut-être à ce qu'elle reproduisît avec plus de
fidélité les faits historiques auxquels elle se rap-
porte. Au
du souvenir de ces faits, l'épopée
lieu

française ne nous en a gardé, très souvent, que


l'ombre. La main d'un seul ou de plusieurs
hommes a effacé tout ce qu'un poète primitif ou
l'imagination populaire n'avait changé qu'à moitié.

Les mss. 1448 et 24369, les seuls que nous


ayons pu consulter, présentent une particularité qui
se rattache intimement au poème que nous pu-
blions et qui mérite de nous arrêter un instant.
Après la prise de Barbastre le poète nous raconte
que les Français sont allés prendre Cordres et

Léride. Les deux villes sont conquises sans beau-


coup de peine, et Louis retourne avec les héros
narbonnais à Barbastre, où l'on baptise l'amustant,
Fabur, Libanor et les trois « pucelles » Blanchan-
dine, Aufanie et Almarinde. Barbastre est donnée
à Clarion, et Libanor reçoit Morinde et Léride.
Louis retourne alors à Cordres où il fait couronner
Girard. Après cette cérémonie, le roi se dirige

1. Près de la ville se trouveraient, d'après lui, « lou breul » et

« lou pui » de Pinel, fol. 127 r° i


ro
col., v° 1" col., 148 r° i
re
col.,
et v°; la forêt de « Nimaie », fol. 162 v° i
re
col., et le bois de « Si-
naie », fol. 1 53 v° 1" col., 154 r° i
re
col.
XL INTRODUCTION

vers les Pyrénées pour rentrer en France et, che-


min faisant, il s'arrête devant Saragosse et Pam-
pelune, qui, ne pouvant résister à nombreuse la

armée des Français, tombent entre leurs mains \


L'amiral qui s'était enfui de Barbastre vient à
Sebille, où il annonce au roi Judas que les Français
ont pris Barbastre,Cordres et plusieurs autres villes.
Judas rassemble ses troupes et part avec l'amiral
contre Girard. Ils arrivent à demeie jornee » de
«

Cordres, où ils s'arrêtent quelque temps. L'amiral


demande à Judas une troupe de Sarrasins avec les-

quels il vient à Cordres, où il rencontre Girard qui


était sorti de la ville avec cent chevaliers pour aller
à Narbonne. Le combat s'engage entre les Fran-
çais et les infidèles. L'amiral est tué par Girard, et
un Sarrasin, le seul qui s'échappe, vient annoncer à
Judas la Le roi païen vient avec
triste nouvelle.

son armée à Cordres, qui tombe aux mains des


Sarrasins. De Cordres, ils se dirigent vers Bar-
bastre, dont ils se rendent maîtres.
Le récit s'arrête là et la continuation manque
dans le manuscrit
2
. Comme nous le verrons plus

i. Le ms. 24869 s'arrête ici (voy. V Appendice I, v. 357). Il ajoute

encore quelques vers pour raconter le retour des Narbonnais en


France et rattacher le Siège de Barbastre au poème suivant de
Guibert d'Andrenas.
2. Nous publions dans 'Appendice I 1'
le passage du ms. 1448
qui contient ce récit. Gomme nous l'avons remarqué plus haut,
et comme l'avaient remarqué avant nous MM. P. Paris, Hist.
litt., XXII, p. 548, et Gundlach, /. c, p. 3, le ms. 24369 ne donne
pas le récit de la reprise de Cordres et de Barbastre (vv. 357-793
de YApp. I). D'après la classification des manuscrits de M. Gund-
INTRODUCTION XLI

loin, le poète devait raconter dans la suite la reprise


de Barbastre par Girard et les fils d'Aymeri, venus
à son secours.
Ces additions peuvent, croyons-nous, être expli-

quées de la manière suivante.


Un remanieur du Siège de Barbasse, poème
qui, à l'origine, ne racontait sans doute que la prise

de cette ville, ajouta dans la première moitié du


xm e
siècle quelques vers à la fin, où il racontait la
prise de Cordres, Léride, Morinde ', Saragosse et
Pampelune, et il jugea bon de mettre la conquête
2
de ces villes à l'actif des Narbonnais Sous cette .

forme le poème devait finir avec le retour de Louis


en France (v. 35y de Y Appendice I). D'autre part, un

lach et d'après les extraits donnés par M. Ward, Catalogue of


Romances in the Brit. Mus., i883, t. I, pp. 65o, 658, 662, les trois
manuscrits de Londres, que nous n'avons pu avoir sous les yeux,
ressemblent beaucoup au ms. 24369, et il faut supposer que le
s'y retrouve pas. Le remaniement en prose
passage en question ne
des mss. B. N. fr. 796 et 1497 ne nous raconte que la prise de
Barbastre. De même la chronique contenue dans le ms. B. N. fr.
5oo3 fol. 126 v°, chronique qui a fait de nombreux emprunts aux
chansons de geste par l'intermédiaire de la rédaction en prose.
Bertrand de Bar-sur-Aube ne semble pas avoir connu une version
de notre poème où la prise de Cordres et des autres villes fût
mentionnée. Il ne fait, en outre, aucune allusion à la reprise de
Barbastre par les Sarrasins, [Aymeri de Sarbonne, vv. 4587-4588 .

1. En ce qui concerne Morinde, il nous a été impossible d'iden-


tifier ce nom avec quelque ville de l'Espagne.
2. Il n'y a rien d'historique dans tout le récit de ces conquêtes.
Le poète ne savait pas sans doute que Saragosse et Léride avaient
été prises en 11 18, 1149. La prise de Cordres ( 1 236) et de Pam-
pelune (1284) remonte à une époque où le poète avait déjà donné
le récit épique de la conquête de ces villes. Voy. ci-dessous.
XLII INTRODUCTION

c
poète qui vivait vers la lin du xn siècle s'amusa
à composer le poème que nous publions, en le

faisant entrer dans le cycle de Guillaume d'Orange.


Le rédacteur du manuscrit cyclique 1448 se trouva
fort embarrassé pour concilier ce dernier poème

avec ce que le remanieur précédent avait ajouté.


On imagina alors de raconter que les Sarrasins
avaient repris Cordres et Barbastre. Dans la suite

du poème, qui manque, on racontait, comme nous


l'avons remarqué plus haut, la reprise par les
Français de la ville de Barbastre, en laissant au
poème que nous publions le soin de nous raconter
la reprise de Cordres '.

1. Ces additions, faites par les deux remanieurs, ressemblent


singulièrement, en ce qui concerne Barbastre, aux faits histo-
riques. Prise par les chrétiens en 1064 ou io65, l'historien arabe
Ibn-Haiyân, /. c, raconte qu'elle tomba de nouveau entre les
mains des Sarrasins l'année suivante, lorsque Al-Muktadir reçut
du secours de son allié Al-Mutadhed et vint assiéger la garnison
qu'on y avait laissée et qui était trop peu nombreuse pour qu'elle
pût se défendre contre l'armée musulmane. La reprise de Barbas-
tre par les Sarrasins nous est racontée aussi par Aimé du Mont-

Cassin (chapitre vu), mais l'historien italien ne donne pas la date


de cet événement. Il faut supposer que la plupart des Français
qui avaient participé au siège de l'année précédente étaient déjà
rentrés en France. Ibn-Haiyân nous dit que « le roi des Roum »
y avait laissé, après la conquête, quinze cents cavaliers et deux
mille piétons (Dozy, Nous ne croyons pas que cette
/. c, II, p. 364).
garnison fût composée exclusivement de Français. Nous avons
établi plus haut que Barbastre avait été prise par des troupes
espagnoles renforcées par des Français. La garnison devait se
composer aussi d'Espagnols et de Français, ceux-ci en très petit
nombre. Dozy admettait aussi la participation des Espagnols,
mais le raisonnement d'où il tirait cette conclusion reposait sur
INTRODUCTION XLIII

Un autre exemple d'un tel procédé, qui s'impo-


sait toutes les fois que les remanieurs voulaient
concilier les données souvent contradictoires ou
incohérentes des chansons, nous est fourni par le

une méprise. L'historien arabe dirait, d'après lui, que, lorsque les
Sarrasins reprirent la ville, ils massacrèrent près de mille cavaliers
et « cinq mille » piétons. Or, plus haut, il déclarait que cette gar-
nison se composait seulement de deux mille piétons. « D'où l'on
peut conclure », dit Dozy, «que la garnison normande de Barbas-
tre avait été renforcée par des Espagnols. » L. c, II, p. 368. Ibn-
Haiyân nous dit, en réalité, que les Sarrasins tuèrent « cinq
cents » piétons et non « cinq milie », comme traduisait Dozy.
C'est du moins le chiffre que donne la traduction de P. de Gayan-
gos, /. c.j II, p. 270. — La ville de Barbastre resta aux mains des
Sarrasins jusqu'à la fin du xi e siècle, où elle fut reconquise par
Pierre d'Aragon. C'es't par erreur que dans Hermanni Laudun.
er
mon. mirac. la reprise de cette ville est attribuée à Alphonse I ,

fils de Sancho Ramirez [Rec. des hist., XII, p. 267). On place


généralement cet événement en 1100 (Schâfer, Gesch. von Spa-
nien, t. II, p. 342). Cette date est fausse. Dans un document des
Archives de Roda publié par Villanueva, Viage, t. XV, pp. 362-

363, et daté de 1099, document où Pierre d'Aragon délimite les


confins de l'évêché de Barbastre, on lit « Praefatus episcopus :

(sc.Poncius) perrexit Romam et impetravit a Domno papa Urbano


ut Barbastrum esset sedes episcopatus sui. » Le pape Urbain II
doit avoir ratifié cette demande, puisque dans un document
de 1100 l'évêque Ponce prend le titre d'évêque de Barbastre
(« in sede Barbastro »), ibid., p. 197. Il résulte donc que cette
ville étaitrentrée au pouvoir des chrétiens déjà en 1099, quand
Pierre d'Aragon s'occupait de fixer les limites de l'évêché de Bar-
bastre, où l'on voulait transporter le siège qui jusqu'alors se trou-
vait à Roda. Ce n'est qu'en 1101 que ce changement fut réalisé,
et en même temps que le siège épiscopal fut transporté à Bar-
bastre on y consacra l'église de Sainte-Marie. C'est ce qui résulte
du document, daté du deuxième dimanche après Pâques de 1 101,
où le roi Pierre dit « Anno igitur ab Incarnatione Domini .MCI.
:

quia Deus tradidit in manus nostras Barbastrum, secundum...


XLIV INTRODUCTION

manuscrit de Boulogne-sur-Mer (n° 192). Dans ce


manuscrit, le poème de Foncon de Candie se trouve
après celui & Aliscans. Or, comme on le sait, le

premier, comme le dernier, n'est qu'une continua-


tion d'un poème antérieur, et commence par nous
raconter le retour de Guillaume à Orange, après
le désastre d'Aliscans. Ce n'est que dans la seconde
partie, où nous est racontée la revanche des Fran-
çais, que les deux récits s'éloignent l'un de
l'autre. Lorsque les deux poèmes durent prendre

place dans un même manuscrit, un remanieur, sou-


cieux de l'exactitude et voulant introduire un cer-
tain ordre et une suite logique dans le récit des

deux chansons, imagina de faire disparaître ce


désaccord de la manière suivante : il résuma au
début deFoucon de Candie ce qui s'était passé dans
Aliscans et continua en imaginant que Desramé,
vaincu en Aliscans, était arrivé, après de nom-
breuses aventures qui durèrent près de trente-deux
ans, dans la terre de Thibaud, auquel il raconta la

grande défaite qu'il avait essuyée. Thibaud ramassa


alors une puissante armée, et partit avec Desramé

decrctum et privilegium pontificum Romanorum, Domni videlicet


papae Urbani II, nec non Domini Paschalis papae II, sedem
episcopalem apud ipsum Barbastrum constituimus et regalibus
apicibus nostris confirmamus. » Villanueva, /. c, p. 364. Nous
croyons donc que Barbastre fut reprise en 1098 ou 1099. Villa-
nueva, quoiqu'il donne ces documents, place le fait en 1 101, /. c,
p. 141. La même date nous est donnée par Çurita, Annales, I,

p. 33. — Si l'épopée se rencontre ici avec l'histoire, c'est un pur


hasard. Les poètes ne se piquaient pas de lire les chroniques
lorsqu'ils composaient ou remaniaient.
INTRODUCTION XLV

pour exercer sa vengeance dans la terre de Guil-


laume :

Li rois Tiebaut ne s'i est arestez :

Par son règne a tos ses homes mandez,


Tant [que il furent] . cc m.home armé.
En mer se misent, barges i ot asez;
Nagent et siglent, li vens les a mené,
En Alis[c]ans est li rois arrivé '.

Un messager vient annoncer à Guillaume que


les Sarrasins sont entrés en France. Guillaume
part avec dix mille « fervestis » et, accompagné de
Guichard, Gui et Girard, se dirige vers Aliscans.
Ils y arrivent, et les Sarrasins, qui étaient vingt
fois plus nombreux, les attaquent de tous côtés et

leur tuent tous les hommes. Le frère de Vivien


et les deux neveux de Guillaume sont faits prison-
niers etmis dans un navire pour être menés en
Espagne. Guillaume s'enfuit vers Orange « dolans
et abosmés », et

En Aliscans laist tant de sez privez


Que li damages n'ert jamais restorez
2
De la perte c'a faite .

Tous ces faits sont racontés avec une rapidité


peu habituelle aux anciens poètes épiques, ce qui
nous prouve une fois de plus qu'ici, comme dans le

i. Fol. 207 r° 1" col.

2. Fol. 207 v° i** col.


XLVI INTRODUCTION

Siège de Barbasire, ces additions ne sont qu'un


simple raccord.

III

L'an ii 33 vit de nouvelles troupes de Français


passer en Espagne et lutter à côté des Espagnols
contre les Sarrasins. Mais cette fois, au lieu d'un
succès, une défaite, aussi terrible que celle de
Roncevaux ou celle de l'Orbieu, leur était ré-

servée.
C'était le moment où les croisades avaient en-
flammé l'esprit des chrétiens et excité plus que
jamais la haine contre les Sarrasins. Beaucoup de
guerriers français se disaient que, au lieu d'aller
en Asie, ils n'avaient qu'à passer les Pyrénées pour
trouver des ennemis à combattre. En 1 1 33, Al-
phonse VI, surnommé le Batailleur, après avoir
pris Mequinenza, vint avec son armée, composée
d'Espagnols et de nombreux guerriers français,
assiéger Fraga. La ville opposa une résistance
opiniâtre pendant plusieurs mois. Le 6 août
1 1 1
34,
le combat décisif se livra dans la plaine qui s'étend
entre l'Èbre et la rivière de Sègre, et la victoire se
décida pour Sarrasins. Les chrétiens y perdi-
les

rent la plupart de leurs hommes, parmi lesquels


Aymeri II de Narbonne K

1. Les deux sources les plus importantes qui racontent ce fait

sont Orderic Vital, Hist eccî. (éd. Le Prévost, Soc. deVHist. de


INTRODUCTION XLVII

On a souvent discuté la question de savoir si cet


événement a laissé des traces dans le cycle de Guil-
laume. Nous examinerons de nouveau cette ques-
tion, qui touche à l'origine épique d'Aymeri de

F/\), t. V, pp. 20-2 3, et la Citron. Adefonsi Imperatoris (Esp. sa-


grada, XXI, p, 342). Sur d'autres chroniques, qui contredisent
très souvent les données de celles-ci, cf. Schâfer, Gescli. v. Spa-
nien, III, p. 19 note. Dans la relation d'Orderic Vital, il y a à la
fin un passage qui nous semble assez intéressant pour nos étu-
des, et auquel on n'a pas accordé assez d'attention jusqu'à pré-
sent. Quoiqu'il soit un peu long, nous nous permettons de le
citer en entier. Après avoir raconté la mort d'Aymeri et les
grandes pertes des chrétiens, Orderic décrit de la manière sui-

vante les prouesses du roi Alphonse « innumeris milibus


:

paganorum ambitus, difficilem exitum undique circumspexit.


Attamen ense feroci cum .lx. militibus, qui residui cum illo
laborabant, per tenuiorem hostium craten sibi callem aperuit,
et cum summa cum .x. commilitonibus evasit, prae-
difficultate
sulemque praedictum cum quinquaginta pugnatoribus peremp-
tum reliquit. Tali eventu gentiles elati sunt, et christiani vehe-
menter contristati sunt. Rex, cum magno moerore ad amicos ut
remeavit, Caesaraugustanis et Francis occurrit aliisque fidelibus,
qui ad bellum properabant, sed, infortunio tristi audito, vehemen-
ter fracti lugebant. Videntes vero regem, confortare se conati sunt,
seseque ad imperium ejus sponte obtulerunt. Ille autem, ira fervens
et dolore pallens, unam saltem a Domino, antequam moreretur,
de paganis ultionem cum ingenti desiderio praestolabatur. Obvias
itaque christianorum phalanges per devios anfractus admaritima
perduxit, ibique multitudinem Sarracenorum opimam captivis et
spoliis christianorum onerantem naves invenit, subitoque super
eos, qui nilhujusmodi tune suspicabantur, irruit, et, de illis nimia
caede peracta, irae furenti aliquantulum satisfecit. Ibi navis capi-
tibus christianorum onusta erat, quae rex Buchar patri suo régi
Africae pro testimonio victoriae suae mittebat. Captivos quoque
circiter septingentos et insignes manubias vanae laudis amator
destinabat. » Ed. Le Prévost, t. V, pp. 22-23. A la lecture de ces
lignes on est singulièrement frappé de la ressemblance qu'elles
XLVIII INTRODUCTION

Narbonne, question des plus importantes pour


l'histoire de l'épopée française, et où il reste encore
plus d'un point obscur à éclaircir.

offrent avec le récit La manière dont Alphonse, ac-


d'Aliscans.
compagné de dix guerriers, champ de bataille, après
part du
avoir perdu ses hommes, nous rappelle le beau début du poème
français. Il n'y a pas de doute que les choses se soient passées
ainsi, puisque la chronique d'Alphonse nous dit aussi : « Fugit
rex et cum eo decem milites. » Mais la suite que donne Orderic
Vital ne se retrouve pas dans cette dernière chronique. La ven-
geance du roi d'Aragon trouve son pendant dans la deuxième
partie d'Aliscans. En changeant les noms et le lieu de l'action,
on pourrait voir dans le récit de notre historien un résumé de la
dernière partie du poème français. Alphonse, comme Guillaume,
reçoit un secours de ses amis, avec lequel il retourne pour
attaquer de nouveau les Sarrasins. Il délivre, comme Rainouart,
des chrétiens qui avaient été faits prisonniers et mis dans des
navires pour être envoyés à un roi sarrasin. Tout ce récit porte un
cachet épique, et nous sommes disposé à y voir une addition
d'Orderic Vital. La chronique d'Alphonse nous dit clairement
que le roi mourut quelques jours après son retour, et ne laisse
pas entendre qu'il eût pris une revanche sur les Sarrasins. Il

reste à expliquer la ressemblance du récit d'Orderic avec le poème


d'Aliscans. Nous proposons, à titre de simple hypothèse, l'expli-

cation suivante. On sait qu'Orderic Vital nous lui-même qu'il


dit

avait entendu une ocantilena » relative à Guillaume. Si cette chan-


son était Aliscans, comme nous inclinons à le croire, il est très
possible que l'historien normand ait emprunté à ce poème quel-
ques traits qu'il a introduits dans le récit de la bataille de Fraga.
Comme il était sur le malheureux d'Al-
point de raconter le sort

phonse, le début d'Aliscans lui vint à l'esprit. Il voulut donner


une suite à la terrible défaite que le roi avait essuyée, et il ima-
gina d'appliquer à ce dernier ce que le poème français racontait
sur Guillaume. Si Orderic Vital a connu Aliscans, il ne Fa sûre-
ment pas connu dans la rédaction qui nous est parvenue. Le per-
sonnage de Rainouart, qui, à notre avis, fut introduit dans le cycle
dans la deuxième moitié du xn* siècle, n'y figurait pas encore :

c'était Guillaume qui délivrait les chrétiens captifs.


INTRODUCTION XLIX

On connaît la théorie de Fauriel qui, avec plus


d'esprit que de critique, s'était efforcé de démon-
trer que sous le nom de l'Aymeri des chansons
épiques se cachaient les deux personnages histo-
riques du même nom qui furent vicomtes de Nar-
bonne au xi
e
et au xn e
siècles, et dont le dernier
l
mourut à la bataille de Fraga . Cette opinion fut
2
partagée par plusieurs autres savants , mais elle

fut vivement contestée par M. G. Paris dans un


remarquable article, publié dans le tome IX de la
Romania 3
. Au système de M. G. Paris se sont
4
rattachés plus tard MM. Gautier , Nyrop 5
et

Demaison Nous examinerons, l'un après l'autre,


6
.

les arguments que M. G. Paris a invoqués pour

prouver que le personnage d'Aymeri de Narbonne


e
avait été introduit dans l'épopée avant le xu siècle.

Le premier et le plus fort argument de M. G.


Paris , c'est le témoignage du Pèlerinage de
Charlemagne, où le nom d'Aymeri est mentionné
deux fois (vv. 739, 765). Or, ce poème fut sans
doute composé, comme l'a montré M. Paris, vers
1050-1075. donc qu'Aymeri ait été déjà
Il faut
connu dans l'épopée pour que son nom y figure.

1. Histoire de la poésie provençale, Paris, 1846, t. II, pp. 410-41 1.

2. Voy. là-dessus L. Demaison, Aymeri de Narbonne, t. I,

pp. cx-cxn.
3. La chanson du Pèlerinage de Charlemagne, pp. 40-43.
9
4. Ép.fr., 2 éd., t. IV, pp. 91, 234, 237-238.
5. L. c, p. 1 32.
6. L. c, pp. cxn et M. Demaison avait d'ailleurs exprimé
ss.

ses doutes sur la théorie de Fauriel dans sa thèse présentée à


l'Ecole des chartes en 1876.

d
L INTRODUCTION

Cette conclusion de M. Paris n'aurait rien de con-


testable si les faits sur lesquels elle s'appuie ne
nous semblaient pas douteux. Nous avons essayé
de montrer ailleurs que les deux vers du Pèlerinage
sont des interpolations postérieures à la date de la
composition du poème \ D'après nous, le nom
d'Aymeri y a été ajouté par un remanieur du xn e
ou du xm e siècle, après que la parenté épique
d'Aymeri et de ses nombreux fils eut été établie
par un poète. L'argument le plus décisif pour
prouver l'existence d'Aymeri dans l'épopée fran-
e 2
çaise au xi siècle nous semble donc écarté .

M. Paris apporte encore les arguments suivants :

i. Romania, t. XXV, pp. 481 et ss. Dans une note additionnelle


à notre article, M. Paris exprime ses doutes sur les conclusions
auxquelles nous sommes arrivé après l'examen des différentes
versions du Pèlerinage. Ce n'est pas ici le lieu de revenir sur une
question que des recherches ultérieures arriveront peut-être à
résoudre définitivement. Nous sommes convaincu, quant à nous,
que l'auteur du Pèlerinage ne connaissait pas encore le person-
nage épique d'Aymeri.
2. M. Gautier invoque encore, en dehors du Pèlerinage, le témoi-

gnage de la chronique de Waulsort, qui fait mention d'Aymeri de


Narbonne et de son mariage avec Ermengard, Ep. fr. t. IV, 2 e éd.,
p. 238. M. Gautier dit que cette chronique fut écrite de 1129
à 1 148. Ce n'est pas tout à fait exact. La chronique comprend deux
parties, dont la première a été, en effet, écrite de 11 29 à 1148,
mais dont la seconde est l'œuvre d'un continuateur du xm° siècle,

qui s'est permis en même temps de modifier le texte de son pré-


décesseur. Or, c'est à cet auteur du xm° siècle qu'il faut attribuer
le passage concernant Aymeri de Narbonne (voy. Demaison,

/. c, t. I, p. ccxxx). Le témoignage de cette chronique est donc


aussi peu concluant que celui du Pèlerinage pour prouver
l'ancienneté de l'Aymeri épique.
INTRODUCTION LI

«Le Couronnement de Louis... mentionne expressé-


ment Aimeri de Narbonne, v. 2 (lisez 212), comme 1 1

père de Guillaume, et il est difficile d'admettre que


cette belle chanson pour avoir
soit assez récente
transformé en personnage épique un vicomte de
Narbonne mort en 1 1 34 (p. 41). » Aymeri est men-
tionné non seulement au v. 212 l

, mais aussi aux


vv. 570, 819, 1472, 1542, 2525 et 2594. Mais par-
tout, comme dans le Pèlerinage de Charlemagne,
son nom est rappelé simplement pour nous dire
qu'il était le père de Guillaume et du nombreux
« lignage » des Narbonnais. Rien de plus facile,
pour un remanieur du xm e siècle, que d'ajouter
mieux montrer que le Guillaume
ces vers, afin de
du Couronnement est le même que le Guillaume
des autres chansons
2
. Au xm e
siècle, lorsqu'on
fit tous les efforts possibles pour rattacher entre
elles les différentes branches de la geste, ces vers
s'imposaient d'eux-mêmes, et nous voyons alors
partout des chevilles de ce genre, que les re-
manieurs répétaient avec insistance. Si le Cou-
ronnement nous avait été conservé dans sa pre-
mière rédaction, tel qu'il fut composé vers n3o,
on ne trouverait nulle part des vers comme ceux
que nous avons signalés plus haut. Si Aymeri de
Narbonne avait été connu comme « personnage
épique », ainsi que le dit M. Paris, à l'époque de

1. De l'éd. Jonckbloet et v. 210 de l'éd. Langlois. M. Paris écri-


vait ces lignes avant l'apparition de l'édition critique de M. Lan-
glois, que nous suivons.
2. Cf. Bekker, Altfr. Wilhelmsage, pp. 60-61.
LU INTRODUCTION

la composition an Pèlerinage ou du Couronnement,


on aurait sans doute mentionné, en dehors du nom
du héros, aussi l'exploit qu'il avait à son actif et qui
l'avait rendu célèbre \ Or ce n'est pas le cas. Après
une enquête minutieuse que nous avons faite sur
les chansons les plus anciennes du cycle, où nous

croyions rencontrer quelque chose de plus signifi-


catif que lesdeux poèmes cités, nous
vers des
n'avons pas trouvé un seul endroit où Aymeri soit
mentionné en même temps que les faits auxquels
il aurait dû sa célébrité. Toutes les fois qu'on parle
de lui, c'est exclusivement pour rappeler sa parenté
avec Guillaume et les autres Narbonnais. Dans la
première partie d'Aliscans, Aymeri est mentionné
2
aux vv. 19 14, 1926 toujours en qualité de père
,

de Guillaume. Le v. 2142 est, à ce point de vue,


très instructif. Le manuscrit de l'Arsenal dit, en
parlant d'Ernaud :

Frère ertGuillame a la ciere hardie;

mais le manuscrit de Berne ne se contente pas de


cette indication; il ajoute :

Que Aimeris engenra en sa vie 3


.

1. Lorsque les chansons de geste parlent de Roland, elles ne


rappellent pas seulement son nom, mais aussi le fait qui l'avait
immortalisé, le désastre de Roncevaux. Pourquoi n'en serait-il pas
demême pour Aymeri On ne peut pas comprendre comment le
?

nom d'un héros aurait pu survivre sans le souvenir de ses actions.


2. Ed. Guessard.
3. Éd. de M. Rolin, Var., p. 39.
,

INTRODUCTION LUI

On un exemple concret de ce qui s'est passé


a ici

toutes les fois que ce nom a été introduit dans les


chansons \
Dans la deuxième partie d'Aliscans, Aymeri
prend part à l'action, mais le rôle qu'on lui attribue

pour qu'on y voie autre chose


est trop artificiel
que l'œuvre d'un remanieur de la fin du xn e ou du
commencement du xm e siècle, qui a sensiblement
altéré la rédaction primitive. Montage I de
Dans le

Guillaume, la Bataille Loquifer et le Montage


Rainouart
2
, Aymeri n'est pas mentionné même
comme père de Guillaume, ce qui est assez remar-
quable. Le Charroi de Nîmes fait mention de notre
personnage aux vv. 1196, 1206, 1324 et 332 3 1 ,

toujours dans les mêmes conditions que plus haut.


De même, dans la Prise d'Orange, vv. 1 074, 1 28 1

1. D'autres exemples d'interpolations pareilles se trouvent dans


la Mort Aymeri de Narbonne, v. 366o, éd. Couraye du Parc (les
mss. CD ajoutent Fil Aymeri a la barbe chanue); les Enfances
:

Vivien, vv. 286, éd. Wahlund et de Feilitzen (B ajoute Fiex :

Aimeri de Nerbonne sor mer), 2104 (A ajoute Et lou lignage :

dans Aimerit lou conte), 2283 (B ajoute; Cuens Aimeris H viex


et li barbés), 2945 (le v. du ms. B : Conseilliés moi, baron,
fait il, je vos en pri est remplacé dans A par les deux suivants :

Baron, dist il, por Deu qui ne mentit Molt mal


me moine ceste
geste Aimeri), 3184 (A B
De la grant geste Aymeri le
ajoutent :

vaillant). Cf. aussi Romania, t. XXV, pp. 493 et ss. On peut dire
que d'autant que la rédaction d'un poème est d'une date moins
ancienne, d'autant ces exemples sont plus fréquents.
2. Nous nous rapportons au ms. de l'Arsenal 6525, le plus
ancien du cycle.
3. Éd. Jonckbloet. Une édition critique de ce poème aussi
bien que de la Prise d'Orange est annoncée par mon ami,
M. Schlâger,
LIV INTRODUCTION

1 366 '. Il résulte de ces observations que si le nom


d'Aymeri figuredans les chansonsles plus anciennes
du on ne peut y voir que des additions dues
cycle,
à des remanieurs du xn e et du xm e siècles. Avant
cette époque, on ne trouve nulle part mentionné
l'exploit qui aurait fait d'un personnage historique
un héros d'épopée, le seul fait qui aurait pu fournir
des preuves à l'appui de la thèse de M. Paris. De
quelques vers, où l'on ne fait que rappeler le lien

de parenté entre Aymeri et les autres Narbonnais


(parenté qui est due au travail cyclique des xn e et
xm e siècles), on n'est pas autorisé à conclure à
l'existence d'un tel personnage dans l'épopée fran-
e
çaise
>
avant le xn siècle.

« La tradition », dit M. Paris (p. 41), « qui fait

prendre Narbonne par Aimeri, père de Guillaume


et de ses six frères, est d'ailleurs tellement répan-
e
due au xii siècle qu'il est bien invraisemblable
qu'elle ne remonte pas au moins au xi e siècle. » Ce
que dit M . Paris peut s'appliquer, dans une certaine

1 M. Demaison, /. c, t. I, p. cxx, invoque encore le témoi-


.

gnage de Girart de Roussillon chanson étrangère à notre cycle.


,

Le nom d'Aymeri y figure dans un seul endroit (§ 319, p. 157


de la trad. de Le passage du g 320, p. 159, est
M. P. Meyer.
assez douteux; de même
193, p. 106, où nous ne croyons
le §

pas avec MM. Meyer et Demaison qu'il faille corriger Anseïs


de Narbonne en Aymeri de N.). M. Demaison y voit aussi une
simple interpolation due au remanieur de la fin du xn a siècle,
mais il ajoute « Dans cette hypothèse même, l'allusion est d'une
:

époque déjà assez reculée pour mériter d'être prise en sérieuse


considération. » L. c, p. cxxi. En tout cas, cela ne prouve pas l'an-
cienneté du personnage d'Aymeri dans l'épopée, comme le veut
M. Demaison.
INTRODUCTION LV

mesure, au xm e
siècle, mais non au xn e . A notre
e
connaissance, du xn siècle qui attribue
le seul texte
à Aymeri la prise de Narbonne, c'est la Mort
Aymeri, vv. 67, 588, poème composé vers 1170-
1 180, et il se peut très bien que ce passage, assez

suspect, ait été refait quand notre poème prit place


dans les manuscrits cycliques après Aymeri de
Narbonne 1
. Nous reviendrons plus loin sur cette
question, et nous verrons que l'attribution de la
prise deNarbonne à Aymeri est une invention qui
remonte au commencement du xm siècle, et qu'il e

ne faut pas y voir l'œuvre de l'épopée populaire.


M. Paris se demande encore « Comment un :

baron de Septimanie, qui passa sa vie à guerroyer


dans le nord de l'Espagne, serait-il arrivé à deve-
nir chez nos jongleurs, normands ou français, assez
populaire pour être introduit de son vivant dans la

tradition épique? » Cet argument n'est que spé-


cieux. Il repose sur un fait qui n'est pas démontré,
à savoir la popularité de l'Aymeri épique du
vivant même d'Aymeri II. D'autre part, il ne
faut pas juger les faits de cette époque sous l'im-
pression d'un état de choses qui n'était pas celui
d'alors. Quoique assez différents l'un de l'autre,
le midi et le nord de la France étaient liés au
e
xn siècle par des relations suivies, et les rapports
des deux pays étaient devenus encore plus fré-
quents, par suite de l'annexion du duché d'Aqui-
taine à la couronne en 11 37. Un seigneur du

r. Voy. ci-dessous.
LVI INTRODUCTION

midi pouvait donc se faire facilement connaître


dans le nord et attirer l'attention d'un poète. Il

pouvait aussi bien être introduit dans le cycle


par un jongleur, qui, voulant faciliter le travail

cyclique vers lequel la poésie épique s'achemi-


nait en ce moment, trouvait là une bonne occa-
sion de faire œuvre originale et d'enrichir la

geste de Guillaume d'un nouveau personnage.


Gomme nous sommes loin de voir dans l'introduc-
tion d'Aymeri dans l'épopée le résultat d'un travail
poétique populaire (question sur laquelle nous
reviendrons plus loin), nous ne trouvons pas très
surprenant qu'un poète ait saisi l'occasion qu'un
événement lui présentait, et ait fait une place dans
le cycle de Guillaume à cet Aymeri II qui était
allé en Espagne avec plusieurs Français et avait
trouvé la mort en combattant l'ennemi commun
de la chrétienté. Lorsque, sous l'influence des
croisades, un esprit de solidarité se fut établi entre
les différents Etats chrétiens, une victoire ou une
défaite des armées chrétiennes devait attirer l'at-
tention de chacun de ces États, et les Français du
nord comme ceux du midi ne pouvaient que s'in-

téresser au sort de leurs compatriotes, même si

l'action s'était passée en dehors de leurs frontières.


Ge qui restait à expliquer à M. G. Paris, après
avoir essayé de démontrer l'ancienneté du person-
nage épique d'Aymeri, c'était la coïncidence de
noms, assez frappante, entre l'histoire et l'épopée.
M. Paris en a donné une explication des plus
habiles, mais qui nous semble plus ingénieuse que
INTRODUCTION LVII

convaincante. D'après lui, c'est l'épopée qui a influé


sur l'histoire et non l'histoire sur l'épopée. «Il est
fort vraisemblable», dit M. Paris (pp. 42-43), « que
si Bernard, vicomte de Narbonne, donna à l'un de
ses fils le nom d'Aimeri, c'est parce que le nom
e
d'Aimeri de Narbonne était, vers la fin du xi siècle,

très célébré par les poèmes. Son fils en fit autant;


son petit-fils, Pierre de Lara (fils de sa fille Ermes-
sent et successeur d'Ermenjart), suivit leur exem-
ple, et nous trouvons jusqu'à neuf Aimeri parmi
e
les vicomtes de Narbonne jusqu'à la fin du xiv
siècle. »Tout le raisonnement de M. Paris sup-
pose un fait pour lequel les preuves nous manquent
toujours, c'est-à-dire la grande célébrité de l'Aymeri
e
épique au xi siècle. Cette célébrité ne peut s'expli-
quer que par l'existence à époque de poèmes cette
épiques chantant les exploits de ce héros. Or, nous
avons vu plus haut que rien ne nous permet d'ad-
mettre l'existence de chansons consacrées à Aymeri
à une date aussi reculée que le xi siècle. Nous ne
e

trouvons dans aucun texte la moindre allusion ace


fait, et nous nous demandons comment le nom d'un

personnage qui, pour la première fois, apparaît


comme héros principal d'un poème seulement à la
fin du xn e
siècle (la Mort Aymeri) pouvait être
« très célébré » un siècle avant. Si, à côté d'une
épopée sur Guillaume, il y avait aussi, au xi e
siècle,
une épopée dont le centre était Aymeri, on trou-
'

verait quelque part des témoignages aussi pré-


cieux que ceux de la Vita Guillelmi et d'Orderic
Vital sur Guillaume. Il ne faut pas, en outre,
LVIÏI INTRODUCTION

oublier que le manuscrit le plus ancien du cycle,


celui de l'Arsenal, ne contient que des poèmes
relatifs à Guillaume, ce qui sans doute n'aurait pas
été le cas si Aymé ri avait été un personnage épique
aussi ancien que ce dernier. —
Pour appuyer son
argumentation, M. G. Paris invoque la fréquence
du nom de Guillaume dans les différentes maisons
qui possédèrent Orange, fait qui ne saurait s'expli-
quer que par l'influence du Guillaume épique.
Cette explication ne pourra s'appliquer à Aymeri,
tant que l'histoire littéraire n'aura pas établi
l'existence de l'Aymeri épique avant les deux
e e
Aymeri historiques du xi et du xn siècles *.
La coïncidence de l'histoire et de l'épopée ne
se borne pas au nom d'Aymeri ; elle s'étend
à celui d'Ermengard. Dans la poésie comme dans
l'histoire, la femme de l'Aymeri épique et d'Ay-
meri II Ermengard. Aymeri II eut,
s'appelle
en outre, une fille du même nom. Pour M. Paris,
qui révoque en doute l'existence d'Ermengard

i. M. Demaison, /. c, 1. 1, p. ccxix, apporte encore deux autres


exemples d'une coïncidence semblable. « Il y eut pareillement, »
dit-il, « au xiii et au xiv siècles, plusieurs personnages nommés
6 e

Arnaud de Gironde, comme l'un des héros de la geste d'Aymeri ;


on les voit mentionnés en des actes de 1242, 1288, 1294, i343.
Le nomde Girart de Roussillon a été également assez commun
au moyen âge en diverses parties de la France, par suite de la
popularité du Girart épique. Un seigneur de Vauche, en Forez,
du xiii siècle, et l'on rencontre encore au
s'appelait ainsi à la fin
xv siècle un écuyer de Bourgogne portant ce nom. » Mais ici,
e

comme pour Guillaume, l'existence de l'Arnaud de Gironde et du


Girard de Roussillon épiques est attestée avant les personnages
historiques du même nom.
INTRODUCTION LIX

comme femme d'Aymeri, il ne resterait à expliquer


que la dernière de ces coïncidences. « C'est au
même goût pour l'épopée héroïque, mêlé sans
doute de prétentions généalogiques, » dit M. Paris,
« qu'on doit attribuer le nom d'Ermenjart donné

par Aymeri II à sa Pour nous, le nom


fille. '
»

de la fille d'Aymeri II s'explique par un fait aussi


fréquent au moyen âge qu'aujourd'hui. La femme
d'Aymeri, dont on ne peut plus contester l'exis-

tence, comme montré M. Demaison 2 , s'appe-


l'a

lant Ermengard, a donné le même nom à sa fille,


de même qu'Aymeri I er adonné son nom au fils qui
lui succéda dans la vicomte de Narbonne. Quant

au nom de la femme d'Aymeri II et de l'Aymeri


de l'épopée, M. Demaison dit : « Il n'y a là évi-
demment qu'un simple effet du hasard, une coïn-
cidence purement accidentelle ; et cette coïnci-
dence, en somme, n'a rien de bien surprenant,
quand on considère combien le nom d'Ermengarde
a été fréquent au moyen âge -\ » M. Demaison dit
cependant quelques pages avant « Cette coïnci- :

dence est assez remarquable pour ne pouvoir être


attribuée entièrement au hasard 4
. » Ce n'est pas
par des contradictions de ce genre que l'on éclaircit
les faits. Nous verrons plus loin qu'ici, comme
pour Aymeri, l'épopée repose sur l'histoire.
Revenant au personnage d'Aymeri et à son type

i. Cf. Demaison, /. c, t. I, p. cxxx.


2. L. c, t. I, pp. cxiv-cxv.
3. L. c, t. I, p. cxxx.
4. L. c, t. I, p. cxv.
LX INTRODUCTION

historique, M. Paris formule la conclusion sui-


e
vante : « Rien n'empêche, d'ailleurs, qu'au ix siècle,

époque à laquelle nous connaissons fort imparfai-


tement la suite des vicomtes de Narbonne, un
d'eux se soit appelé Aymeri et ait transmis ce nom
dans sa famille; rien n'empêche qu'il ait été le

véritable héros de la poésie épique et qu'elle en


ait fait plus tard le père des guerriers les plus
f
célèbres dans le Midi . » Cette conclusion est

i. M. Demaison est allé plus loin que M. Paris et a cru pou-


voir identifier notre Aymeri avec un certain « Haimricum
comitem » qui apparaît dans les Annales d'Einhard. A l'an-
née 8 10, cette chronique nous raconte les faits suivants :

« Imperator Aquasgrani veniens mense octobrio... pacem cum


Niciforo imperatore et cum Abulaz, rege Hispaniae, fecit. Nam
Niciforo Venetiam reddidit, et Haimricum comitem, olim a
Sarracenis captum, Abulaz rémittente, recepit. » Pertz, 55., I,
p. 198. Après avoir cité ce passage, M. Demaison conclut «Cet :

Haimricus, comme on voit, a été longtemps prisonnier des


Sarrasins or, notre conquérant légendaire de Narbonne tombe
;

aussi en leur pouvoir dans la chanson de la Mort Aymeri et

dans Guibert (TAndrenas. Tous deux ont lutté également contre


les infidèles, et leur identification offre un certain caractère de
vraisemblance. » L. c, t. I, trompé
p. cxxv. M. Demaison s'est

lorsqu'il a traduit Haimricum par Aymeri. Il faut voir dans le


premier nom la forme latine de Henri et non celle à' Aymeri. Le
passage des annales d'Einhard se retrouve aussi dans la chro-
nique de Réginon, les Annales Laurissenses et les Annales Berti-
niani. Dans ses éditions des trois premières chroniques, éditions
qui sont supérieures à celles de Pertz (voy. F. Lot, Bibl. de VÉcole
des chartes, 1891, p. 141 ; 1896, pp. 98 et suiv.), M. Kurze im-
prime Heinricum comitem, » Reginonis Chronicon, Hanovre,
«

1890, p. 70, « Haimricum comitem,» Annales Laurissenses maiores


et Einhardi, Hanovre, 1895, p. i33 (SS. rerum germanicarum in
usum scholarum). Il n'y a pas de doute qu'il s'agit d'un certain
comte Henri et non d'Aymeri. Les Annales Bertiniani, dont
INTRODUCTION LXI

loin de nous satisfaire, et l'origine d'Aymeri dans


l'épopée reste aussi obscure qu'auparavant. Un
point d'interrogation se pose toujours dans cette
question, et les faits qu'on a apportés n'ont pas
résolu l'énigme.
On se demande alors s'il n'y a pas une autre
voie à suivre pour trouver l'origine de l'Aymeri
épique et les circonstances qui ont déterminé son
introduction dans le cycle. Il y a, croyons-nous,
une part de vérité dans la théorie de Fauriel, mais
la manière dont il expliquait les faits était erronée.
Dans ce qui suit, nous tâcherons de montrer que
l'Aymeri des chansons de geste a bien pour type
historique le vicomte de Narbonne mort en 1 1
34,
et que l'origine de son introduction dans l'épopée
doit être recherchée dans la bataille de Fraga.

On ne s'est pas encore demandé s'il y a quelque


relation entre le poème de la Mort Aymeri de
Narbonne et ce dernier événement. Avant d'abor-
der cette question, essayons de fixer de plus près la

date de ce poème, que P. Paris l


et lemarquis de
2
La Grange faisaient remonter à la fin du xm e ou au
commencement du xiv e siècle, et que M. Courave

l'auteur de la première partie n'a fait que copier les Annales


Laurissenses et Einhardi, donnent aussi /fazmncz^m (Muratori, SS.
rerum it., II
1

, p. 5o8; dans l'édition de G. Waitz, Hanovre i883,


cette partie a été omise), où il faut voir toujours la forme latine
de Henri et non d'Aymeri.
1. Hist. littéraire, t. XXII, p. 5oi.
2. Hugues Capet, 1864 (Anciens poètes de la France, VIII),
pp. xliii et ss.
LXII INTRODUCTION

du Parc, après l'étude de la versification et de la


langue, place plutôt à la fin du xn e siècle, vers 1
1
70-
1 1 80 '
. Cette date nous semble assurée par quelques
autres faits que nous allons rapporter ici.

Dans Foucon de Candie, lorsqu'Anfelise de-


mande à Bovon de Commarchis son nom et des
renseignements sur sa famille, ce dernier lui dit :

2
Mes pères fu, ce diënt , Aimeris.
.VII. frère fumes, n'en i a que .nj. vis :

Jou et Guillaume et Bernart li marcis 3


.

De même, dans deux autres endroits, Guibourc


dit à Guillaume :

1. La Mort Aymeri de Narbonne (éd. de la Soc), pp. xxn, xxvi.


Le fait le plus probant à l'appui de cette date est l'emploi de la
négation giens, qui cesse d'être usitée vers la fin du xn a siècle,
comme l'a montré M. G. Paris (Mém. de la Soc. de ling., I, pp. 189
et ss.).

2. les deux "mots ce diënt. L'auteur semble nous dire


Notez
par que la parenté de Bovon et des autres Narbonnais avec

Aymeri est un fait nouvellement inventé par les poètes. Le vers


suivant est aussi caractéristique :

Hermengart fil et Aimeri, je croi.

Ms. de Boul., fol. 262 V i>« col.

Ce passage se retrouve dans les mss. 774, 778, 225 18 de la Bi-


bliothèque Nationale et les mss. fr. XIX et XX de Saint-Marc de

Venise. Le manuscrit de Stockholm fr. XLIV présente ici une


lacune. Ce sont les seuls mss. que nous ayons pu collationner
jusqu'à présent pour l'édition de ce poème que nous préparons.
Il se retrouve probablement aussi dans les manuscrits de Lon-
dres et de Cheltenham, qui, d'après les extraits qu'on en a publiés,
se rapprochent beaucoup du ms. 778. Nous ne croyons donc
pas que le passage en question soit une interpolation postérieure.
3. Ms. de Boulogne, fol. 23o r° 1" col.
INTRODUCTION LXIII

Molt fu prodom tes pères Aimeris ',

et plus loin Guichard dit à Girard de Commarchis :

2
Sire, ja fu vostre ave Aimeris .

L'auteur de Foucon de Candie connaissait donc


la Mort Aymeri de Narbonne. Or, comme le pre-
mier de ces poèmes fut composé entre 1 180-1 190 3 ,
le dernier doit lui être antérieur de dix ou quinze
ans. Il est bien probable qu'Herbert le Duc con-
naissait une autre rédaction de la Mort Aymeri,
car il laisse entendre qu'en dehors d'Aymeri
étaient morts aussi Aïmer le chétif, Garin, Ernaud
et Guibert, tandis que la chanson en question ne
nous raconte que la mort des deux premiers, de
Bovon lui-même et de Bernard de Brusbant
(vv. 3625 et ss., 547-548, 591-593, 1 384-1387,
3685, 3751). Herbert le Duc ne dit pas expressé-
ment qu'Ermengard était morte, comme c'est le
cas dans la Mort Aymeri (vv. 41 33 et ss.), mais il
semble le sous-entendre.
Aux vv. 2713-2723 de la Mort Aymeri, lorsque
Salatré est tué par Guibert, le poète nous dit :

Adont saillirent li Tur et li Persant,


Li Amoraive et li Popeliquant,
Et Bedoïn et Açopart saillant

,e
1. Ms. de Boulogne, fol. 122 v° i col.
2. Ms. de Boulogne, fol. 246 r° 2 e
col.
3. M. G. Paris admet la date de 1 170-1 180, Litt. fr.au moyen
e
dge, 2 édit., p. 70. Nous la croyons un peu trop reculée. Nous
nous occuperons de cette question dans l'édition du poème que
nous préparons.
LXIV INTRODUCTION

Qui lor seignor alerent regretant :

« Hé! riche ber, nobiles conbatanz,

« Larjes donerre et mieudre conqueranz

« Qui onques fu en cest siècle vivant !

« Morz est l'orgoilz Corsolt a l'amirant


« Qui li soloit afiner toz ses chans
« Et les batailles, ja ne fuissent si grant !

« Morz, car nos pren! que vas tu delaiant? »

Le nom de Popeliquant, que l'éditeur traduit par


2
« peuple sarrazin » et qui se rencontre aussi dans
4
Aliscans 3
et Foucon de Candie , était très souvent
employé au nord de la France, entre 1160-1180,
pour désigner les Cathares qui, à cette époque,
avaient fait des progrès sensibles dans les régions
du nord et avaient réussi à se créer des adeptes dans
plusieurs villes 5
. Puisque notre poète emploie ce
nom pour désigner les Sarrasins, il faut supposer
qu'il était contemporain de ces faits 6 .

La plainte que les Sarrasins font autour de Sala-

1. M. Couraye du Parc imprime Amaraive, Acopart, orgoil. Les


corrections s'imposent.
2. P. 238.

3. Et .c m . Turs et tant Popelicant.

Éd. Jonckbloet, v. 2101.

4. Le rois Tibaut et si Popelican.


Ms. Boul. fol. 265 v° 2» col.

Esclers et Amoraves et les Popeliquans


re
Ms. Bibl. N. 778, fol. 25g v° i col.

5. Cf. C. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des Cathares


ou Albigeois, Paris, 1848-1849, pp. 86-94. Pour les Popelicans
I,

cf. aussi Pertz, SS., XXIII, pp. 83g, 878 XXVI, pp. 245, 258. ;

6. Peut-être ne faut-il pas attribuer trop d'importance à ces


vers (27 14-271 5), car ils manquent dans les mss. AB.
INTRODUCTION LXV

tré,mort sous les coups de Guibert, ressemble


vaguement aux vers suivants de Foucon de Candie,
où les infidèles regrettent la mort de leur compa-
gnon Corssuble, dont ils vantent les mérites et les
exploits :

Corssuble d'Alyon, tant mar i fustes, ber!


Touz les jourz de nos vies pourons vo mort plouref *

Qui nous donra mes, sire, ne argent ne or cler?


Vers les hoirs Aymeri qui nous pourra tensser?
Sire, onques ne vousistes homme déshériter.
Biau sire, en nostre terre comment pourrons râler?
Doulereuses nouveles nous couverra conter.
Que famé Clarise o lo vis cler '?
dira vostre
El nous dira premier vous devions garder,
Et si nous fera touz occire et desmembrer,
Et nos fieux forjurer et touz déshériter.
Ce sera a bon droit, ne l'en doit nus blasmer,
Quar ja mes ne poura tel eschange trouver 2 .

Ces vers, qui ne manquent pas de charme et qui


sont des meilleurs et des plus touchants qu'Her-
bert le Duc ait écrits, semblent une réminiscence
des vers de la Mort Aymeri cités plus haut, et ne
font que confirmer l'antériorité de cette dernière
chanson et la date admise par M. Couraye du Parc.
Examinons maintenant la chanson en elle-même
et les éléments qui la composent. Le but principal

î. 11 est à remarquer que dans la Mort Aymeri, la femme de


Corsolt s'appelle aussi Clarissant. Nous ne nous rappelons pas
avoir rencontré ce trait dans d'autres chansons de notre cycle.
L'auteur de Foucon a dû l'emprunter à la Mort Aymeri,
rt
2. Ms. Bibl. Nat. fr. 778, fol. 242 v° i col.

c
LXVI INTRODUCTION

du poète était sans doute de raconter la mort


d'Aymeri; mais comme ce sujet lui semblait trop
restreint pour remplir le cadre d'un long poème,
il y a introduit, assez maladroitement, plusieurs
incidents d'un intérêt secondaire et qui ne font que
surcharger le récit. Au début du poème, on nous
raconte les luttes de Louis avec Hugues Capet,
récit où il faut sans doute voir un souvenir des
rivalités des derniers Carolingiens et des Capé-
tiens
T
, et tout à coup nous sommes transportés à
Narbonne où l'on nous représente Aymeri malade,
entouré des siens. Ces traits ont été combinés
par le poète pour justifier l'invasion des Sarrasins
en France et le siège de Narbonne, dont le récit lui

offrait l'occasion d'élargir le cadre de son poème.


Un Sarrasin, que Corssuble avait envoyé comme
espion à Narbonne, ayant entendu dire que le roi

Louis était attaqué par Hugues Capet et qu'Aymeri


était près de mourir, se hâte d'aller en Babiloine
pour annoncer à l'amiral ces nouvelles qui ne pou-
vaient que le réjouir. Corssuble rassemble une
nombreuse armée et vient assiéger Narbonne. Le
siège de Narbonne, où le poète a introduit le sin-
gulier épisode des « quatorze mille meschines »,
nous est raconté en plus de 2,000 vers, et la fin du
poème, la partie qui nous intéresse directement,
est consacrée au récit de la mort d'Aymeri. Ici

l'auteur, cherchant l'extraordinaire et le nouveau,


fait mourir Aymeri dans un combat avec les Sagit-

1. Ce n'est pas l'avis de M. Couraye du Parc, /. C, p. vi.


INTRODUCTION LXVII

taires, êtres monstrueux qu'il a très probablement


empruntés au roman de Troie qui eut un grand
succès au xu c siècle '. Quelques faits cependant
nous font croire que le poète travaillait dans cette
partie sur une chanson plus ancienne où Aymeri
mourait dans un combat avec les Sarrasins. Aux
vv. 3355-3356 le poète dit des Sagittaires :

Ce ne sont pas paien ne Sarrazin,


Mes Saietaire a qui ja Dex n'ait \

Plus loin cependant, lorsqu'il décrit le combat des


Français avec les Sagittaires, il dit des premiers :

Les Saietaires vont ensemble ferir....

A ceste pointe font .m. païens chair \

Plus caractéristique encore est la laisse sui-


vante, où le poète nous raconte comment Aymeri
reçoit le coup mortel (vv. 3592-3604 :

En la grant presse des glotons maleïz


S'est enbatuz li frans quens Aymeris.
L'espee tret dont li branz fu forbiz,
Lo destrier point, en la presse s'est mis;
.VII. en a morz li jentils quens hardiz :

Qui il consuit ne puet eschaper vis,


Tant que li uns l'esgarda et choisi,
Mestre fu d'ax et li plus seignori :

1. Cf.Couraye du Parc, /. c, pp. xiv, xv.


2. M. Couraye du Parc imprime partout Sajetaire. De même
sajete plus loin.
3. VV. 3534-3557.
LXVIII INTRODUCTION

C'est Bugladans, li cuverz maleïz ;

Onques a trere une foiz ne failli.

Cil entesa au preu conte Aymeri,


Une saiete descocha, sel feri
Soz la mamele, que lo aubère ronpi.

Au v. 2532, au lieu de li Saietaire, le ms. C


donne li Sarrasins ; au v. 3654 au neu de :

Si que d'ax ont fête grant lapidée,

des mss. AB, les mss. CD donnent :

Si com li faux qui vole a recelée


Fièrent entr'ax par molt grant aïree.
Des Sarrazins ont fait grant lapidée :

Q[ui] il consivent tote a vie finee \


Mil en trébuchent a une randonee
En la grant eve qui fu parfonde et lee.

De même au v. 3707, au lieu de // ouvert mes-


creant des mss. C D, les mss. A Boni li Sarrasin
Persant. Il serait bien difficile d'expliquer ces
incohérences si l'on n'admettait pas que l'auteur
yeux une chanson plus ancienne
avait devant les
où Aymeri mourait en combattant les Sarrasins 2 .

1. M. Couraye du Parc imprime a la vie.

2, D'après les songes d'Aymeri, que le poète raconte au com-


mencement, c'étaient toujours les Sarrasins qui devaient causer
la mort d'Aymeri :

« De vers Espaigne venoit un[s] feu[s] ardant


« Qui mon païs aloit tôt esprenant ;

« .1. rais de feu me venoit avolant,


INTRODUCTION LXIX

Notre poète, voulant donner une certaine appa-


rence d'originalité à son œuvre, a remplacé ces
derniers par les Sagittaires '
; mais, trop peu habile,
il n'a pas réussi à masquer toujours son modèle,
et plus d'une fois il lui est arrivé de laisser subsis-
ter quelques traits de l'original. Que notre poète
ait mis à profit une chanson antérieure, ce fait

nous semble résulter aussi d'autres circonstances.


En lisant le poème, on remarque, sans trop de
peine, l'inégalité des différentes parties qui le com-
posent. Après le début, d'un style concis et noble,
où le poète semble avoir puisé à une tradition
populaire, le siège de Narbonne nous est raconté

sous une forme plate et diffuse, les phrases de-


viennent paresseuses et banales et l'action est

entravée par des incidents aussi compliqués que


fastidieux. Ici aussi, peut-être, l'auteur a recouru

« Parmi lo cors me feroit en lançant,


« Si m'ardoit tôt et la char et lo sanc ;

« Et de ma boche issoit .j. oisels blans,

« Corne aloe est et fez en tel senblant ;

u Encontremont s'en aloit ravissant ;

« Un grant estoire trovoit de colons blans,


« Envers lo ciel l'en menoient volant. »

vv. 3 12-329.

Cf. aussi l'interprétation des songes que donne le Juif Saolin,


vv. 394-412. Le poète ne s'est pas donné la peine de concilier ces
incohérences.
1. Le changement était d'autant plus facile à faire que le nom
des Sagittaires, qui forme toujours le premier hémistiche du
vers, offrait le même nombre de syllabes que celui des Sarrasins,
et que, par conséquent,le poète pouvait garder les vers de son
modèle, lorsqu'il remplaçait un mot par l'autre
LXX INTRODUCTION

à une tradition, mais il a donné libre cours à son


imagination et la part de l'invention est plus grande
que celle de l'imitation. Dans la dernière partie, la

mort d'Aymeri nous est décrite dans un style qui,


quoique moins concis et moins sobre que celui du
début du poème, n'a pas tout à fait perdu l'allure
noble et sévère de l'ancienne épopée. Les inven-
tions du poète, parmi lesquelles il faut mettre les
amours de Blanchefleur et de Geoffroi de Saint-
Denis et le combat avec la « guivre », s'adaptent
aussi mal que possible à l'ensemble du récit, et
laissent voir ce que notre auteur devait à son
modèle.
Si l'existence d'une ancienne chanson faisant
mourir Aymeri dans une lutte contre les Sarrasins
nous semble assurée, on se demande quel devait
être le lieu de l'action. D'après l'auteur de la Mort
Aymeriy le héros narbonnais trouve la mort au
siège de la ville d'Esclabarie. Ce nom est assez fan-

tastique et il faut sans doute y voir une invention


du poète. Comme les Sarrasins ont été remplacés
par les Sagittaires, il ya lieu de croire que le nom
d'Esclabarie a été arbitrairement choisi par l'auteur
pour remplacer le nom d'une autre ville qui figu-
rait dans le récit original de son modèle. Cette
ville était-elle en France ou en Espagne? Chez
notre poète, Esclabarie est placée en Espagne,
quoique dans plusieurs endroits du récit elle nous
soit représentée comme n'étant pas bien éloignée
de Narbonne. Aux vv. 2420-2422 le poète nous
dit :
INTRODUCTION LXXI

. I III. eves rades i corent et afilent


Qui en mer chieent es porz soz Aumarie :

N'ot si fort leu en France la garnie.

Lorsqu'Aymeri persuade Auquaire, le Sarrasin


converti, de rester en France, celui-ci lui répond :

« N'ai soig de France, ne ja n'i quier entrer;


« Devers Espaigne me lessiez converser :

« Que molt me heent Sarrazin et Escler

« Por ce que sui a vostre loi tornez;

« La cité gaste, se vos plest, me donez


i Que hier veïsmes el sauvaje régné;
« Esclabarie, ainsi l'oï nomer.

« Or la tient quite li forz rois Codroez \ »

Dans le poème qu'a suivi l'auteur de la Mort


Aymeri, il faut supposer que la ville devant laquelle
Aymeri était blessé par les Sarrasins se trouvait
aussi en Espagne.
L'examen attentif de la Mort Aymeri nous a
donc permis d'arriver à la conclusion qu'avant 1 170
il existait une chanson où Aymeri mourait en
Espagne au siège d'une ville au pouvoir des Sarra-
sins et que, malgré les altérations sensibles et les

inventions auxquelles l'auteur de notre poème


s'est livré, les traits les plus importants du récit
original que ce dernier a suivi, traits extrêmement
précieux pour nous et assez difficiles à démêler,
nous ont été conservés. Or, il n'y a qu'un seul

iiWi3o22-3o35
LXXII INTRODUCTION

Aymeri qui mort en Espagne. C'est Aymeri II,


soit

qui, comme nous l'avons vu plus haut, était allé


en Espagne avec plusieurs croisés français et était
tombé au siège de Fraga. Rien ne nous empêche
d'admettre que le malheureux sort d'Aymeri et de
ses compagnons d'armes avait vivement impres-
sionné les Français, et qu'un poète, doué d'assez
de talent, composa vers u 35-1140 une chanson
sur ce thème, chanson qui devait subir plus tard
de nombreux remaniements, dont le dernier nous
est conservé dans le poème que nous avons ana-
lysé plus haut.
Si les choses se sont passées ainsi, il reste à résou-
dre une question des plus importantes pour l'histoire
du cycle de Guillaume. Gomment faut-il expliquer
l'introduction d'Aymeri dans le cycle et la popula-
rité que ce personnage gagna auprès des jongleurs?
Il n'y a pas d'œuvre plus personnelle, dans
l'histoire de l'épopée, que celle qui établit des
rapports de parenté entre plusieurs héros dont le

seul point de contact est d'avoir combattu les

mêmes ennemis. Nous savons que ce travail


cyclique apparaît dans les derniers moments de
l'évolution épique, lorsque la force de production
est près de se tarir et lorsqu'un seul homme peut
introduire un certain ordre et une certaine unité
dans l'ensemble des faits transmis par la poésie
du passé. Dans l'épopée, comme partout ailleurs,
la réflexion et l'esprit de système succèdent à l'ins-

piration libre et désintéressée.


Si dans la Mort Aymeri nous trouvons déjà
INTRODUCTION LXXIII

établie la parenté épique d'Aymeri avec Guillaume


et ses six frères, il ne faut pas nous en étonner.
Le premier poète qui composa, vers 140, la chan- 1

son où il racontait la mort du héros narbonnais


pouvait très bien imaginer et présenter son héros
comme père des différents personnages qui avaient
été célébrés avant lui. On pourrait même dire que
le motif qui détermina notre poète à composer la

Mort Aymeri, c'était l'absence d'un tel héros dans


l'épopée narbonnaise. Guillaume et ses six frères
étant, pour ainsi dire, des orphelins épiques, l'idée

de leur donner un père devait se présenter d'elle-


même à l'esprit du poète. Il fit alors d'Aymeri le chef
de la grande famille, et puisque Aymeri II avait eu
une Ermengard pour femme, il introduisit aussi ce
nom dans l'épopée. Le poète qui lui succéda vers
11 70-1 180 ne pouvait qu'imiter son prédécesseur
et suivre la voie que ce dernier lui avait frayée.

Ce fait semble ressortir d'un passage de la Mort


Aymeri, où le poète, après avoir résumé les deux
« gestes de France », où il fait entrer le Pèlerinage
de Charlemagne et la Chanson de Roland, dit
ensuite :

La tierce fu dant Aymeri lo riche.


La soe jeste fu la plus seignorie,
Il ot .vij. filz, bons chevaliers nobiles :

Crestiënté essaucierent et tindrent.


Li bons rois Otes, li sire d'Yspolice,
Icil fu oncle as chevaliers nobiles '.

1. VV. 3o8o-3o85. M. Couraye du Parc imprime Yspolite. Il faut


corriger Yspolice*
I.XXIV INTRODUCTION

On voit ici la préoccupation du jongleur de faire


valoir son système cyclique. Lorsqu'il fait d'Oton
l'oncle des fils d'Aymeri, les tendances cycliques
I
du poète sont plus visibles encore .

Dans un autre endroit, l'auteur recommande avec


beaucoup d'insistance son héros, recommandation
dont un nouveau venu dans l'épopée avait sans
doute besoin :

Ce fu li hom de la crestiènté
Qui toz jorz pot plus barnaje mener,
Et qui plus pot chevalerie amer,
Petit prometre et largement doner,
Que Aymeris de Nerbone li ber :

Car ne fina en trestot son aé


De guerre fere, de cenbiax afermer,
De terres prendre, de chastiax conquester 2
.

Aymeri a été introduit dans le cycle par l'au-


Si
teur du poème primitif de la Mort Aymeri, le

i. Il est à remarquer que les autres chansons du cycle n'ont


pas admis cette parenté avec Oton. Ce personnage se retrouve
aussi dans Aymeri de Narbonne,vv. 1547, 2462-2463,4198, mais
Bertrand de Bar-sur-Aube, si soucieux pourtant de résumer la

parenté épique des héros narbonnais, ne le fait pas entrer dans


la famille d'Aymeri.
2. VV. 3394-3401. M. Couraye du Parc, qui cite aussi ce passage,
dit que « l'auteur se plaît à rappeler la gloire passée, et pour
ainsi dire à résumer la carrière du héros dont il va raconter la

fin. » L. c, p. 11. S'il en était ainsi, le poète aurait rappelé


quelques faits concrets, quelques-uns des exploits qui avaient
donné la gloire à son héros. Le passage se comprend bien mieux
si on le prend comme une recommandation de poète pour un

personnage épique jusqu'alors inconnu.


INTRODUCTION LXXV

nouveau personnage devait trouver un bon accueil


parmi les jongleurs, parce qu'il répondait aux efforts
cycliques du temps. C'était une pièce de remplis-
sage, et on devait être reconnaissant à celui qui
l'avait inventée. A la popularité d'Aymeri contribua

sans doute, dans une large mesure, aussi la chanson


de Foncon de Candie. Nous avons vu plus haut
qu'Herbert le Duc avait connu la Mort Aymeri et
par conséquent aussi la parenté épique que ce
poème avait introduite dans l'épopée. C'était le
seul poème sur Aymeri qu'il connût. Il en tira bon
parti. On trouve à chaque pas dans son œuvre le

mot Aymeriois, pour désigner les descendants


d'Aymeri, et des vers comme :

... l'orgueilleus lignage qu'engendra Aymeris.

On sait que le succès de Foucon de Candie fut


immense en France comme en Italie, et il faut
reconnaître que la popularité de ce poème ne fit

que répandre davantage le nom d'Aymeri parmi


les jongleurs.

Une fois le nouveau héros introduit dans la

geste, on devait lui attribuer quelque exploit et


raconter son passé. Cette tâche était réservée au
poète champenois Bertrand de Bar-sur-Aube. Le
nom du héros môme indiquait assez l'exploit qu'on
pouvait lui attribuer. On mit sur son compte
la prise de Narbonne occupée par les Sarrasins,
et on composa la chanson $ Aymeri de Narbonne,
où l'on racontait en outre, pour remplir une
I.XXVI INTRODUCTION

lacune, le mariage du héros avec Ermengard de


Pavie.
Un fait qu'on ne peut pas contester, c'est qu'il

existait une tradition ou peut-être même une chan-


son ancienne qui attribuait la prise de Narbonne à
Charlemagne \ La Chanson de Roland, la chro-
nique de Hugues de Fleury et le Carolinns de Gilles
2
de Paris y font allusion Bertrand de Bar-sur- .

Aube n'avait qu'à mettre en œuvre cette tradition,


en donnant le rôle principal dans le siège de cette
ville àAymeri de Narbonne. Au xn siècle, on ne e

trouve nulle part un texte qui atteste qu'à cette


époque et avant le jongleur champenois le nom
d'Aymeri ait été associé à cet exploit 3
, ce qui nous

i . Cf. Demaison, /. c, \, pp. xcm, cxliii et ss.

2. Demaison, /. c, pp. cxliv (note), ccxxn (note).


Cf.
3.Nous ne croyons pas que l'auteur de la Mort Aymeri ait
connu une tradition qui attribuait à Aymeri la conquête de Nar-
bonne. En parlant de la ville d'Esclabarie le poète dit à propos
de la prise de Narbonne :

Charles li rois a la barbe florie

L'arst et fondi quant ot Nerbone prise,


Que puis ce jor n'i ot herberjerie.
vv. 2413-241 5.

Et plus loin, Auquaire dit, toujours à propos de cette même


ville d'Esclabarie :

« El fu mon père l'amiral Salatre';


» Mes Charlemaine[s] li fist lo chief coper
Quant il conquist Nerbone la cité. »
vv. 3o32-3o34.

On donc que l'auteur du poème connaissait l'ancienne


voit
tradition sur la conquête de Narbonne par Charlemagne, mais
INTRODUCTION LXXVII

force à admettre, sans hésitation, que le premier


qui attribua la prise de Narbonne à Aymeri fut
Bertrand de Bar-sur-Aube. M. Demaison, qui a
confondu ce que Bertrand de Bar-sur-Aube a com-
biné ensemble, admet l'existence d'une chanson
ancienne où Aymeri jouait le même rôle
l
. De même'
2
M. G. Paris . C'est, croyons-nous, aller trop loin.

Les trois textes que nous avons cités plus haut ne


parlent que de Charlemagne et ne font aucune
mention d'Aymeri. S'ils ont pour base des tradi-
tions épiques, celles-ci ne connaissaient pas, sans
doute, déjà au xn e siècle, un Aymeri conquérant de
Narbonne.
Après Bertrand de Bar-sur-Aube. dont le poème
eut un grand succès, vinrent d'autres jongleurs
qui poussèrent plus loin les inventions épiques et
composèrent des chansons où ils faisaient d'Aymeri
le héros de tous les combats livrés sous les murs
de Narbonne 3
.

il ne fait aucune mention d'Aymeri. Si aux vv. 67, 588, il est fait
allusion à la prise de Narbonne par Aymeri, il faut y voir sans
doute des interpolations postérieures, dues à des remanieurs qui
connaissaient le poème d'Aymeri de Narbonne.
1. L. c, pp. xcin et ss.

2. La littérature française au moyen dge, 2" éd., pp. 65, 71.

M. Couraye du Parc se représente d'une manière tout à fait


3.

contraire à celle que nous avons exposée plus haut l'évolution


poétique du personnage d'Aymeri. D'après lui, la Mort Aymeri

aurait étécomposée pour donner un dénouement aux nombreuses


chansons qui célébraient ce personnage et pour mettre fin à la
vie d'un héros que l'épopée avait rendu célèbre depuis déjà bien
longtemps (Introd., pp. 1-11). M. C. du Parc admet donc comme
dernier point de révolution ce qui en est pour nous le point de
LXXVIII INTRODUCTION

Telle est la façon dont nous nous représentons


l'introduction d'Aymeri dans le cycle de Guil-
!
laume . Elle nous semble aussi naturelle en elle-
même que justifiée par les faits que nous avons
mis en évidence. Rien ne nous autorise à voir
dans tout ce travail poétique le résultat d'une
épopée populaire sur ce personnage. S'il était
possible de prouver l'existence de quelques chan-
sons de geste sur Aymeri aussi anciennes que
celles sur Guillaume, on serait en droit de s'expli-
quer d'une tout autre manière cette partie de
l'histoire de notre cycle. A défaut de ces preuves,
nous ne voyons d'autre chemin à suivre que celui
que nous avons parcouru plus haut.
En résumant les faits que nous avons développés
dans les pages précédentes, on peut dire que la

mort d'Aymeri II de Narbonne à Fraga a donné


la vie à F Aymeri épique.

départ. Cf. aussi Bekkcr, Altfr. Wilhelmsage, p. 62. Notre ma-


nière d'expliquer l'histoire poétique d'Aymeri de Narbonne trouve
un pendant dans l'évolution épique du personnage de Vivien.
L'histoire poétique de ce dernier héros nous montre un déve-
loppement historique analogue à celui que nous avons tracé
pour Aymeri la mort du jeune héros en Aliscans a donné
:

naissance au Covenant Vivien et aux Enfances, que les jongleurs


ont composés pour nous raconter ses exploits antérieurs.

1 . M. Bekker, /. c, pp. 60 et ss., sans étudier la question de plus


près, conteste aussi la haute ancienneté d'Aymeri dans l'épopée.
INTRODUCTION LXXIX

IV

Après la défaite de Fraga, un sort meilleur s'an-


nonça pour les armées chrétiennes. En 1148, le
roi Raymon Bérenger se rendit maître de la ville

de Tortose, conquête à laquelle Guillaume VI de


Montpellier et plusieurs guerriers du midi, qui
avaient prêté secours, Tannée précédente, à Al-
phonse VII pour s'emparer d'Almérie, prirent
une part des plus actives \
Dans les chansons on trouve de nombreuses
allusions à la prise de Tortose. Dans le Moniage I
on dit de Guillaume :

... tint Orenge et Nimes la chité


2
Et Tourteleuse et Pourpaillart sor mer .

1. Caffari, Ann. genuenses I (Muratori, Rerum it. ss., VI, pp. 262,
288-290); Ann. Toled. (Esp. sagr., XXIII, p. 38g) ; Ann. S.Vict.
Massil. (Pertz, 55., XXIII, p. 3); Chron. Nemaus. {Rec. des hist.,
XII, p. 367); Gesta com. Barcinon. (ib., p. 3j~);Sigeb. contin. Prac-
monstr. (Pcrtz, S5., VI, p. 455); Roberti de Monte Chron. (ib.,

p. 498); Ann. Barcinon. (Pertz, SS., XIX, p. 5oi); Chron. Ulia-


nense (Marca, Marca hisp., p. 7G0), Ce
que dans la première n'est
de ces chroniques qu'il est fait mention de Guillaume de
Montpellier. Voy. sur ce personnage Hist. du Languedoc, III,
pp. 732 et ss., IV, p. 182.

2. VV. 4-5. C. Hofmann, Ueber ein Fragment des Guillaume


d' Orenge (Abhh. der philos. -philol. Classe d. k. bayer. Akadcmic
der Wissenschaften), Mûnchen, i852, p. 573.
La forme Tortolouse s'explique par une confusion avec Tou-
LXXX INTRODUCTION

Dans Aliscans, Guillaume fait don à Rainouart


de Tortosc et Portpaillart :

Li quens li aTorserose dounee


Et Porpaillart ki siet sor mer salée '.

Dans Foncon de Candie, après que Thibaud a


énuméré les différentes conquêtes que les fils
d'A} meri ont faites sur
T
les Sarrasins, il dit :

Et Tortelouse, ce fis jou comperer

Les Enfances Vivien attribuent cette conquête à


Vivien, qui prit Barcelone, Balesgués,

Et Tortolose et Porpaillart sor mer :!


.

louse. Il est à remarquer que dans les manuscrits de la Bibl. de


Florence Magliab. Palch. I, 16 et de la Bibl. Riccardi 2481 des
Storie Nerbonesi, le récit de la prise de Tortose (voy. ci-dessous)
offre tantôt Tortosa, tantôt Tolosa (Isola, /. c, pp. 5 et ss.).

1. VV. 83 17-83 18, éd. Guessard. Torserose est une faute. Il

faut corriger Tortelose avec les mss. autres que A.


ro
2. Ms. de Boulogne, 274 r° i col.fol.

3. V. 218. Éd. Wahlund et de Feilitzen. Le vers manque dans le

ms. B.
L'auteur du Charroi de Nimes mentionne Tortose comme
n'étant pas encore en la possession de Guillaume. Dans le pas-
sage bien connu où Guillaume demande à Louis un fief, Bertrand
lui dit :

Demandez li Espaigne le régné


Et Tortolouse et Portpaillart sor mer.
vv. 451-452, éd. Jonckbloet.

Cf. aussi v. 483.


INTRODUCTION LXXXI

Les Storie Nevbonesi contiennent un chapitre


où nous est racontée la prise de Tortose par la
famille d'Aymeri.
Vivien se trouvait un jour au palais d'Orange
avec Guillaume, Gui, Guichard, Gautier, Bérenger
et les fils de Guibert : adressant la parole à Guil-
laume, il lui rappelle la promesse que celui-ci lui

a faite jadis de le secourir contre les Sarrasins et


de passer avec lui en Espagne pour conquérir le

riche royaume d'Aragon et la terre d'Aliscans \


Guillaume lui répond en lui promettant de nouveau
qu'il sera parmi les premiers qui partiront avec
lui. Après que les autres Narbonnais ont assuré
le jeune héros de leur concours, Vivien envoie
à Bertrand pour l'inviter à venir à Orange avec
les troupes dont il dispose et à se joindre aux
autres. Deux mois s'étaient à peine écoulés qu'une
nombreuse armée, composée de 60,000 chevaliers,
sans compter les fantassins, se rassemblait sous
les murs d'Orange. Le jour de l'Assomption, les

Français quittent Orange pour se diriger vers Tor-


tose. Lorsqu'ils arrivent devant la ville espagnole,
le gouverneur sarrasin, appelé Galibar, ordonne
aux 10,000 Sarrasins que Thibaud lui a laissés
avant son départ pour Candie de prendre les armes
et de sortir pour combattre. Les Français sont
assaillis par les Sarrasins, mais comme les forces

de ces derniers commençaient à fléchir, 10,000 au-


tres Sarrasins sortent de la ville, conduits par

I. «Il reame di Ragona colle terre d'Aliscante. »

f
LXXXII INTRODUCTION

Aristant, pour leur prêter secours. Dans la mêlée,


Aristant est tué par Guichard, et les ennemis,
vovant leur général mort, s'enfuient vers la cité.

Après huit jours, pendant lesquels les Sarrasins


n'osent plus attaquer les Français, Vivien envoie
un messager à Galibar pour lui dire de rendre la
ville. Celui-ci refuse de donner une réponse avant

trois jours. Galibar sort alors de la ville avec ses


hommes, les derniers qui puissent encore porter
les armes, et la bataille s'engage de nouveau entre
les Sarrasins et les Français. Pendant que le

combat est soutenu avec courage de part et d'autre,


Guichard réussit à s'approcher de la porte de la
ville avec quelques autres guerriers, et, la trou-
vant sans gardes, y plante la bannière française.
il

Lorsque Galibar, ne pouvant plus continuer la


lutte, veut se retirer vers la ville, il trouve la porte
occupée par les Français. Il réussit à s'enfuir. Les
Français entrent alors dans la ville et les Sarra-
sins qui refusent le baptême sont passés au fil de
11 f r I

epee .

Rien de plus factice et de plus plat que ce récit


d'Andréa da Barberino. Si le compilateur italien
a puisé à une chanson française, celle-ci devait
être de la dernière époque de l'évolution épique.
L'existence dans la vieille littérature d'une chanson

i. Isola, /. c, Iï, pp. 3-io. D'après le ms. Magliab. Palch. I, 16.

Le ms. Magliab. Palch. IV, 35, offre un récit plus long, mais aussi
fastidieux. Guillaume y occupe une place plus importante que
dans l'autre version. Lems. Riccardi 2481 place les faits sous le

règne de Louis en 85o, ibid., p. 2 (note).


INTRODUCTION LXXXIII

sur la prise de Tortose nous semble assez vraisem-


blable. On sait que les exploits de Guillaume VI
de Montpellier, qui participa à la prise de Tortose,
avaient été célébrés dans un poème, que Fauriel,
conformément à son système sur l'origine proven-
çale de l'épopée française, croyait avoir été composé
au midi \ et dont il ne nous est resté qu'une men-
2
tion chez l'historien méridional Gariel On peut .

imaginer qu'un jongleur du nord, connaissant les

événements auxquels Guillaume de Montpellier


avait participé, eut l'idée de composer une chanson
où il attribuait la prise de Tortose au Guillaume
de notre cycle 3
. Si chez Andréa da Barberino Guil-

i. L. c, II, p. p8o.
2. « Un... vieux poème, » dit-il, « que je ne tiens pas fort

asseuré, fait batre ce jeune prince en duel avec un officier


more, qui bravoit en Goliath nostre armée : et le représente
sans main, et sans teste à ses pieds, après de grands efforts de
valeur et de courage. » P. Gariel, Idée de la ville de Montpelier,
Montpellier, i6G5, pp. 1 19-120. Gariel connaissait les chansons
françaises du cycle de Guillaume {ibid., pp. 233 et suiv.), et il n'y
a pas de raison de supposer que ce poème sur Guillaume VI
fût provençal.
3. Ce serait un autre exemple de la fusion de plusieurs
Guillaume dans le Guillaume épique. M. Gautier, Ép. /;•., IV,
2" éd., p. 38, n'admet pas que Guillaume VI ait eu quelque
influence sur notre cycle; il passe aussi sous silence la prise de
Tortose, dont les traces dans le cycle sont assez visibles. Tout
autre est l'opinion de M. Bekker, L c, pp. 129-130, qui, sans
parler des allusions que les chansons font à la prise de Tortose,
admet que l'auteur du Moniage a emprunte plusieurs traits de
la vie du seigneur du midi pour les attribuer au Guillaume épique.

— M. Jeanroy {Revue critique, XLI, 1896, pp. 349, 35o) croit


que les allusions à la prise de Tortose seraient un écho des
LXXXIV INTRODUCTION

laume joue un rôle très effacé, il n'en était pas


sans doute ainsi dans le poème primitif. Les témoi-
gnages du Montage I et d'Aliscans semblent par-
ler en faveur de cette dernière hypothèse.

Avant d'aborder l'étude de l'élément historique


dans le poème que nous publions, il nous reste à
examiner quelques autres chansons dont le récit
se rapporte aussi à quelque expédition des Fran-
çais en Espagne.
La première partie du poème de Foucon de
Candie nous raconte la prise de la ville de Candie
en Espagne. P. Paris voyait dans Candie une
forme altérée du nom de Cadix '
; de même Tarbé,
l'éditeur si maladroit du poème 2
. Cette identifica-
tion peu vraisemblable.
nous semble trop forcée et

Nous serions plutôt tenté d'identifier Candie avec la


ville de Gandia, dans la province de Valence, qui
fut conquise par Jayme en 1 253 3
. Quoique d'ha-

campagnes dirigées contre cette ville de 8oo,à8ii. Nous ne


sommes pas du même avis. Voy. p. xm (note).
i. Manuscrits de la Bibliothèque du Roi, t. VI, p. 140, et Histoire

littéraire, XXII, p. 545.


2. Le roman de Foulque de Candie, Reims, 1860, p. 179.
3. A côté de Gandia on trouve aussi la forme Candia. Ainsi
dans un acte de donation de Jayme de 1248 (Repartimientos de
los reinos de Mallorca, Valencia y Cerdeha, dans la Coleccion de
documentos ineditos... de la corona de Aragon, Barcelone, 1 856,
t. XI, pp. 348-349). De même, dans un document de 1249 [ibid.,
INTRODUCTION LXXXV

bitude les jongleurs ne se piquent pas de connaître


la topographie des localités où ils placent l'action,
Herbert le Duc semble cependant avoir eu quelques
notions sur la ville de Gandia. Il décrit Candie de
la manière suivante :

Candie siet sor mer en un rivage,


En une roche dont la terre est sauvage.
.XXX. chastel donent treusage. i

De Sarrazins i ot de maint lignage ;

.LX m i font par an estage,


.

Tuit gentil home et de grant héritage.


Buene est la vile, rendant sunt li passage;
Cil quis maintient a chascun jor d'oittrage

.C. mars d'argent qu'il tient en son saaige,


Estre la rente '
qu'il done au seignorage.
Li mur sunt haut, bien fondé en estage;
Devers les plains la clôt une eve ombrage
2
Grant et parfonde ; li pont i sunt passage.
Ja des molins n'avront par ost domage.
Lez les montaignes sunt bel liherberjage,
Les forez granz dont li fust sunt ombrage *.

Cette description ressemble beaucoup à la situa-


4
tion géographique de la ville de Gandia .

pp. 415-416). Sur les origines assez obscures de cette ville, on


peut consulter P. Beuther, Coronica gen. de toda Espana, prim.
parte, Valence, 1 563, fol. 64 r°, et G. Escolano, Hist. de la

insigne y coronada ciudad y reyno de Valencia, Valence,


16 10- 161 1, II, col. 174 et suiv.

1. Le ms. porte rentre.


2. Ms. parfont.
3. fr. 255i8, fol. 68 V-69 r°.
Ms. B. N.
No hay en toda Espana tierra que pueda medirse ombro a
4. «
ombro con esta, pues en sola una légua que corre desde Gandia
IXXXYl INTRODUCTION

Si l'identification que nous proposons nous


semble assez vraisemblable, il est beaucoup plus
difficile de trouver le personnage historique qui se

cache sous le nom de Foucon, le héros principal


du roman d'Herbert le Duc. Quoi qu'il en soit, ce

personnage ne fut introduit dans le cycle qu'à la

fin du xn e
siècle, et, grâce à la popularité du poème
d'Herbert, les jongleurs postérieurs le reçurent
dans la grande famille épique d'Aymeri de Nar-
bonne. Il figure dans la généalogie des héros nar-
x
bonnais donnée par Bertrand de Bar-sur-Aube et
2
par Auberi de Trois-Fontaines Son introduction .

dans le cycle nous montre une fois de plus combien


il était facile pour un poète de rattacher à une
famille épique des personnages inconnus jus-

qu'alors à l'épopée, et comment les auteurs posté-

a Oliva, y otra de traves, se sacan de esquilmoen cada un afio,


frutos en valor de mas de docientos mil ducados de renta Y
de una cahizada de tierra.... recibe el duefio en cada un aiio

docientos y cinquenta ducados. — En tiempo de Moros, el caudillo

de toda esta comarca ténia su asiento en un fuerte castillo, fun-

dado sobre un monte, a quarto de légua de Gandia y aunque ;

a la falda deste castillo y monte solo vemos un estanque de


agua, de la quai y de otros muchos ojos de agua, que por
toda la tierra, que esta a la raiz de aquel monte, mana, se viene
a formar un rio, que se entra en el mar por el Grao de Gandia ;

y le llaman unos Rio Negro, por el color de sus aguas, y


el

espesura de ovas, que no hay quien se atreva a entrar en el. »


G. Escolano, /. c, II, col. 171-172. Cf. Bernardini Gomesii Miedis,
De viia et rébus gestis Jacobi I Régis Aragonum lib. XX, Va-
lence, i582, pp. 252-254; C. Fischer, Description de Valence,
Paris, Leipzig, 1804, p. 229.
1. Aymeri de Nar bonne, vv. 4663-4672.
2. Pertz, SS., XXIII, p. 716.
INTRODUCTION T. XXXVII

rieurs s'empressaient d'accepter l'œuvre person-


nelle d'un seul jongleur. C'est dans des conditions
semblables, comme nous l'avons vu plus haut, que

le personnage d'Aymeri de Narbonne fut introduit

dans la geste de Guillaume.

Herbert le Duc avait choisi l'Espagne pour en


faire le théâtre des exploits de son héros; l'au-

teur des Enfances Vivien procéda de môme, lors-

qu'il voulut nous faire connaître les prouesses du


jeune neveu de Guillaume mort en Aliscans. Cette
fois, c'est autour de la ville de Luiserne (qu'il faut
sans doute Lucena d'aujour-
identifier avec la

d'hui)
l
que se passe l'action Comme l'a montré 2
.

M. Nordfelt f, le poème est postérieur à la compo-


sition & Aymeri de Narbonne, qui remonte au
premier quart du xm e
siècle 4
. Or, la ville de
Lucena fut prise en 1236 5
. On peut donc sup-
poser qu'un poète qui vivait vers 1240 et qui

1. Voy. l'édition de MM. Wahlund et de Feilitzen, p. 293.


2. Seul le manuscrit de Boulogne donne Maldrane au lieu de
Luiserne. Mais, comme l'observe M. Nordfelt, le manuscrit sur
lequel celui-ci a été remanié contenait aussi Luiserne (Introd.,
p. xi).
3. Introd., pp. xxxiv-xxxv.
4. Éd. Demaison, I, p. xcn; Cf. G. Paris, Littér. franc, au
moyen dge, 2" éd., p. 2 5o.
5. Dans la chronique de Turpin (chap. m, éd. Ciampi, p. g),

Lucena figure parmi les nombreuses villes que Charlemagne au-


raitconquises lors de son expédition en 778.— Il est à remarquer
qu'Auberi de T rois-Fontaines, qui reproduit le passage de Turpin,
transcrit Lucena par Lu^erna (Pertz, SS., XXIII, p. 716), ce qui
vient à l'appui de l'identification proposée par M. Wahlund.
LXXXVI1I INTRODUCTION

avait entendu dire, peut-être par l'intermédiaire de


quelque pèlerin venu d'Espagne ', que Lucena
avait été conquise, se mit à l'œuvre et composa la
chanson en question, où il attribua la prise de
cette ville au jeune héros dont on n'avait pas encore
2
raconté les « enfances . »

Le poème de Gnibert d'Andrenas, où il s'agit de


la prise d'Andrenas en Espagne par le fils d'Aymeri
de Narbonne, nous offre des difficultés plus sé-
rieuses. Il nous est bien difficile de découvrir quelle

est la ville qui se cache sous ce curieux nom. Pour


nous rendre compte de la manière dont ce poème
fut composé et de son origine, essayons de fixer

l'époque à laquelle il doit remonter.


Bertrand de Bar-sur-Aube ne semble pas l'avoir
connu. Il ne renvoie qu'au Siège de Narbonne,
3
où notre personnage joue aussi un rôle principal :

i . Voy. ci-dessous.
M. L. Gautier dit « Les Enfances Vivien ne renferment
2. :

aucun élément directement historique. Le récit de la prise de


Luiserne par les chrétiens se rapporte sans doute aux souvenirs
de nombreuses expéditions que les Français firent en Espagne
sous Charlemagne et Louis le Pieux. » Ep.fr., t. IV, 2 e éd., p. 41 3.

Cf. Nordfelt, Introd.,p. xxxix. Nous ne croyons pas que le poète


ait choisi Luiserne par un simple hasard. Voy. cependant plus loin.
Dans les Storie Nerbonesi, qui ne parlent nulle part de Luiserne,
Vivien s'empare de plusieurs autres villes d'Espagne, comme
« Galizia » et le château de « Monteargiento », Valence, Angrara,
Perpignan, Saragosse et Galatevitto (Isola, /. c, l, pp. 461-465,
470-496; pp. 11-84, 96-105). Aucune chanson du cycle ne fait
II,

allusion à des conquêtes pareilles. Ce sont sans doute de pures


inventions du compilateur italien.
3. L. Gautier, Ép. fr.. t. IV, 2 e éd., pp. 325 et suivantes.
INTRODUCTION LXXXIX

Li siemes fiz Hermenjart au cuer fin

Et Aymeri le conte palazin,


Si apelerent le menor Guibelin,
Molt ot franc cuer et corage enterin,
S'orent en lui paien félon voisin,
Maint en ocist a son branc acerin.
Mes a un jor le pristrent Sarrazin,

En croiz le mistrent li cuvert barbarin,


Molt grant martire fesoient del meschin,
Qant le rescout son père et son cousin.
Puis li dona Aymeris en la fin
Tôt son païs et son paies marbrin ;

Si fu oirs de Nerbone '.

Bertrand de Bar-sur-Aube ne mentionne donc


pas la prise d'Andrenas ni le mariage de Guibert
avec la belle Agaiete, qui forment le sujet du poème
dont nous nous occupons. Aux trois derniers vers,
le jongleur champenois dit que Guibert reçut de
son père l'héritage de Narbonne. Dans Guibert
d'Andrenas, c'est le filleul d'Aymeri qui devient
l'héritier de cette ville. Faut-il supposer que notre
poète avait connu une autre rédaction de Guibert
d'Andrenas, où Narbonne était donnée à Guibert
2
et non à Aymeri, le filleul d'Aymeri ? Nous ne
le croyons pas. Comme nous le verrons plus loin,
il a dûune rédaction plus ancienne de
exister
Guibert d'Andernas, mais celle-ci racontait aussi
la prise d'Andernas et le mariage de Guibert avec
Agaiete. Si Bertrand avait connu cette rédaction,

1. VV. 4603-4615, éd. Demaison.


2. Dans la Mort Aymeri le filleul d'Aymeri s'appelle Aymeriet
(v. 4 i65).
XC INTRODUCTION

il aurait sans doute rappelé ces derniers faits.

D'autre part, dans cette ancienne rédaction, comme


dans celle qui nous a été conservée, c'était le refus

d'Aymeri de donner Narbonne à son fils qui déci-


dait ce dernier à aller conquérir la ville espagnole.
Ilnous semble donc plus naturel d'admettre que
Bertrand de Bar-sur-Aube connaissait une version
du Siège de Narbonne où Guibert recevait Nar-
bonne de son père. Un remanieur de ce dernier
poème qui connaissait Gnibert d' Andrenas, trou-
vant choquante la manière dont Aymeri disposait
de l'héritage de Narbonne, modifia ce trait, en
faisant de Guibert l'héritier de Narbonne.
L'ancienne rédaction de Guibert d 'Andrenas doit
avoir été composée vers 1 1 85. Elle était connue à
l'auteur de la Prise de Cordres et de Sebille, qui
l
rédigeait son poème vers la fin du xn e
siècle . La
deuxième rédaction de Guibert d' Andrenas, celle

qui nous a été conservée, est de beaucoup plus


récente. D'après le style et l'allure du récit, elle est
2
de la même époque que les Enfances Vivien .

i. Mort Aymeri, qui, comme nous l'avons


Voy. ci-dessous. La
vu, composée vers 1170-1180, fait allusion à Guibert dAyi-
fut

drenas; mais, comme le remarque avec raison M. Couraye du


Parc, les vers qui s'y rapportent (4161-4167) doivent être consi-
dérés comme une interpolation postérieure.
2. L'auteur de cette rédaction de Guibert d'Andrenas semble
avoir connu le Siège de Narbonne, poème qui ne remonte pas
plus haut que le premier quart du xni 6 siècle. Le poète fait allusion
au récit de ce dernier poème dans les vers suivants :

N'a que Guibert remés en cest païs,


Que en la crois mistrent li Sarrazin.
Ms. B. N. 24360, fol. i58r» i« col.
INTRODUCTION XCI

Une fois connue la date à laquelle notre chanson


remonte, on pourra se rendre compte de la manière
dont composée. Le personnage de Guibert
elle fut

ou Guibelin était connu depuis bien longtemps par


les poèmes, et il figure déjà dans le fragment de^

La Haie. A quelle époque il fut introduit dans


l'épopée, quel était le personnage historique dont
la poésie avait gardé le souvenir, et d'où lui était
venue Tépithète à\Andrenas, il nous serait bien

difficile de le dire \ Un jongleur du xn e siècle


voulut remplir une lacune laissée par ses prédé-
cesseurs, et, puisque le nom même lui indiquait

ce qu'il lui restait à faire, il imagina de placer


la ville d'Andrenas en Espagne et de composer
une chanson où le fils d'Aymeri enlevait cette

ville au roi Judas et prenait en mariage la belle


2
Agaiete .

i. Sur l'identification qu'avait essayée C. Hofmann (Sit^ungsbb.


der kônigl. Akad., Mûnchen, 1871, I, pp. 341-342), voy. Demai-
son, /. c, II, p. 267.
2. En dehors de Guibert d'Andrenas il a dû exister une chanson
plus ancienne qui célébrait les exploits de ce fils d'Aymeri. Dans

la Mort Aymeri on fait de nombreuses allusions à une expédi-


tion de Guibert contre le roi Judas aux ports d'Ossau (voy.
Couraye du Parc, /. c, pp. vm-ix). Nous sommes convaincu,
quant à nous, que l'introduction de Guibert dans l'épopée doit
avoir son origine dans quelque expédition du ix° ou du x° siècle
faite par les Français en Espagne, expédition où un personnage
de ce nom prit une part active et se distingua par son courage. —
Un autre personnage
que l'épopée nous représente dans des
guerres continuelles contre les Sarrasins en Espagne est celui
d'Aimer. Dans le poème de Guibert d'Andrenas, lorsque Aymeri
envoie à ses fils des messagers pour les engager à prendre part
XCII INTRODUCTION

Après avoir passé en revue toutes les chansons


du cycle qui, avec la Prise de Cordres et de Sebille,
que nous étudierons plus loin, ont pour objet les
expéditions des Français en Espagne, il nous reste
à dire quelques mots du Fragment de La Haie.

à la conquête de la ville d'Andrenas, Guibert, qui avait été


chargé par Aymeri d'aller chercher Aimer, dit à son père :

« Ou le porrai trouver?
« Je ne sai tant ne venir ne aler
« Que a nul homme em puisse oïr parler
« Qui m'en seùst nouveles aconter,
« Si parfont est dedens Espaigne entrez. »

Ms. B. Nat. fr, 24369, fol. 160 r°. 2 8 col.

Et plus loin, lorsque le poète nous raconte l'arrivée des Français


en Espagne, il fait rencontrer par ces derniers Aimer le chétif,
qui venait d'achever une guerre contre un roi sarrasin :

Tel aventure lor a Diex fet douner


Qu'a .xvj. lieues par delà Balesguer
Trouva Guibers le chetif Aymer,
Qui repairoit d'une terre preer.
Desconfit out un roy félon Escler :

Trois mil paiens y out fet deviër.

Ibid.

Dans la Mort Aymeri on fait aussi de nombreuses allusions


aux exploits d'Aimer en Espagne, et le poète nous dit que ce fils
d'Aymeri avait été tué à Porpaillart (voy. Couraye du Parc, Jntrod.,
p. ix). Andréa da Barberino fait mourir ce personnage dans un
combat devant Orange (Storie Nerbonesi, II, p. 128); mais c'est en
dehors de toute tradition. Malgré ces témoignages, nous ne
croyons pas que l'introduction d'Aimer dans l'épopée soit due à
une expédition des Français en Espagne. Une autre tradition, qui
semble être plus ancienne et qui nous est conservée dans Aliscans
et Aymeri de Narbonne (voy. Demaison, /. c, I, pp. ccxi et ss.), fait
guerroyer ce héros en Italie il combat les Sarrasins à Venise.
:

Peut-être arrivera-t-on un jour à identifier ce fils d'Aymeri de


Narbonne avec quelque personnage historique qui s'était distingué
contre les Sarrasins en Italie.
INTRODUCTION* XCIII

M. G. Paris, en rapprochant du récit de ce texte


les vv. 4565-4671 à'Aymeri de Narbonne, est arrivé
à la conclusion que le poème français dont le frag-
ment de La Haie nous a conservé une imitation
latine devait avoir pour titre La Prise de Girone \
Nous croyons aussi que le passage dîAymeri de
Narbonne et le fragment du manuscrit de La Haie
se rapportent à des faits qui formaient le sujet d'un
poème français aujourd'hui perdu; mais le titre

donné par M. G. Paris à ce poème nous semble


peu en accord avec le récit des deux textes.
Dans Aymeri de Narbonne il ne s'agit pas, à
proprement dire, de la prise de Girone par Ernaud
le roux, mais du siège de cette ville, qui se trouvait

déjà en sa possession, et que Borel et ses douze fils


voulaient reprendre. Après que le poète nous a
rappelé comment Ernaud s'était vanté de ne
jamais manger de tourte, il continue ainsi :

Puis fu tele eure, ainz lonc terme passé,


Qu'il en menjast volentiers et de gré,
S'ele fust d'orge ou de plus aspre blé,
Et croûte et mie en manjast par verte,
Qu'il n'en donast a dru ne a privé,
Qant asegié l'orent en sa cité
Li .xij. fil Borrel le desfaé.

Nous devons remarquer que le Siège de Barbas-


tre nous offre aussi une allusion à cet événement,

r. Histoire poétique de Charlemagne, pp. 84-86. Cf. Demaison,


/. C.j I, p. ccix.
.

XCIY INTRODUCTION

allusion qui se rapproche beaucoup de la version


donnée par Aymeri de Narbonne. Le messager
envoyé par Bovon de Commarchis pour prier les
Narbonnais de venir au secours des Français à
Barbastre dit à Ernaud de Gironde :

Puis fustes tez .ij. mois el paies de Gyronde,


Quant vous y orent li fils Bourrel tout
assis .xj.,

Ne menjastes de pain ne de blé ne de torte '


;

Pour .j. quartier de pain donnissiez tout le monde.


De vin ne de claré ne beustes vous goûte,
Fors l'aiguë des fossez qui estoit noire toute :

Aus pans de lor bliaus le couloient li conte.


La dedens n'avoit femme noire blonde ne rousse.
La vous secourut il a tout .x. milliers d'ommes,
2
Si les geta du siège, quar vous fesoient honte .

La ressemblance entre ces vers et ceux à' Aymeri


de Narbonne est trop frappante pour que Bertrand
n'ait pas emprunté les traits en question au Siège
de Barbastre. Le jongleur champenois a connu ce
dernier poème, comme il résulte de ce qu'il dit aux
vv. 4587-4588; nous ne croyons donc pas que les

vers du Siège de Barbastre soient postérieurs à


la composition de la chanson de Bertrand et aient

été introduits par un remanieur qui connaissait le

passage cité & Aymeri de Narbonne 3


.

Dans le fragment de La Haie, quoiqu'il soit

1 Le ms. porte daumosne. La leçon de torte est empruntée au


ms. 1448, fol. 134 r° 1" col.

2. Ms. B. N. 24069, fol. 1 36 r° 2 e col.


3. M. Bekker, /. c.,p. 53, conteste toute valeur documentaire aux
vers cités d'Aymeri de Narbonne. Ils seraient un témoignage trop
INTRODUCTION XCV

bien difficile de suivre cette élucubration si obscure


e
et si prétentieuse d'un lettre du x on peut siècle,

cependant voir que l'action se passe devant une


ville qui se trouve au pouvoir des Français et que

les Sarrasins sont venus assiéger. Nous croyons


donc que la chanson sur laquelle repose la version
latine du manuscrit de La Haie, et à laquelle font
allusion les vers àî Aymeri de Narbonne et du Siège
de Barbastre y aurait droit au titre de : Le Siège de
Girone.
A côté de cette chanson, dont le point de départ
historique nous échappe, il a dû en exister une autre
qui racontait emparé de
comment Ernaud s'était

la ville de Girone. Dans un passage du Départe-

ment des enfants Aymeri le poète raconte briève- '

ment ce fait et nous dit qu'Ernaud, envoyé par


son père pour conquérir Girone, qui était au pou-
voir d'un certain Savari et que les Sarrasins avaient
assiégée, réussit à chasser les ennemis et reçut
2
de Savari sa fille Béatrice en mariage . Faut-il

récent pour qu'on puisse croire qu'ils se rattachent au fragment


de La Haie. M. Bekker aurait hésité peut-être à exprimer cette
idée s'il avait connu
du Siège de Bavbastre.
les vers

i. Nous distinguons, comme


M. Gautier, ce poème du Siège de
Xarbonne, quoique M. Suchier, dans l'édition de ces deux chan-
sons qu'il est en train d'imprimer, les réunisse sous le titre des
Xarbonnais.
2. Nous reproduisons dans Y Appendice II le passage du ms. 1448
qui donne le récit de ces faits. Le ms. B. N. 2436g, qui pré-

sente une rédaction tout à fait différente de ce poème, ne con-


tient pas le passage en question. Pour les manuscrits du British

Muséum, Harley. 32 et Roy. 20 B XIX, les renseignements nous


1 1

manquent.
XCVI INTRODUCTION

voir dans ce passage une allusion à cet ancien


poème sur la Prise de Girone que nous supposons
avoir existé? Il est aussi difficile de le prouver
que de le contester. En tout cas, si le poème a
existé, il devait être l'écho du fait historique de la
prise de Girone en y85 \

VI

Il nous reste à examiner l'élément historique de


la chanson que nous publions plus loin. La Prise
de Cordres et de Sebille repose-t-elle sur quelque
chose de réel, ou faut-il la considérer comme une
simple invention de jongleur? Voilà la question
que nous devons résoudre maintenant.
Si la fin de notre poème manque, il n'en est pas
moins hors de doute, comme nous verrons plus
loin, qu'il devait finir par le récit de la prise de
Sebille. Le poète donc ne s'était proposé de nous
raconter que la conquête de ces deux villes espa-

gnoles. Or, si nous consultons l'histoire, nous


voyons que la prise de Séville a suivi celle de Cor-
2
doue, exactement comme dans notre poème .

i . Cette date est donnée par la chronique de Moissac. Le Chron.


Rivipullense place le fait un an plus tard. Il fait assister, en
outre, Charlemagne en personne au siège de cette ville où il com-
bat contre le roi Mahomet (Dom Bouquet, Historiens, t. V, p. 71,

y a lieu de révoquer en doute le


TL.p.) Il récit de cette chronique.
Cf. Simson, Jahrbb. Kavh des Grossen, I, pp. 5io-5ii.
2. Cordoue fut conquise en 1236, Séville douze ans plus tard,
en 1248. Pour la prise de Cordoue voyez : Chronica del rey don
INTRODUCTION XCVII

Cette ressemblance entre l'histoire et la poésie


pourrait nous faire croire que l'auteur de la Prise
de Cordres et de Sebille a composé son poème peu
de temps après la conquête des deux villes, c'est-à-

dire vers le milieu du xm e siècle. Dans son récit

sur la prise de Cordoue, Auberi de Trois-Fon-


taines nous dit clairement que des pèlerins venus

Fernando, Médina del Campo 1 567, chap. xxi-xxvi, fol. xn-xv;


Alfonso X, Chron. de Espaha, Zamora, Ô41, fol. 408-410; Rode-
rici Toletani De rébus Hispaniae libri IX, chap. xvi (A. Schott,
Hispania illustrata, t. II, Francfort, i6o3, pp. 146-147); Lucae
Tudensis Chronicon mundi (Hisp. ill., t. IV, pp. 1 i5-i 16); Chronica
Alberici Trium Fontium (Pertz, SS., XXIII, pp. 939-940). Moins
développée est la relation des Annal. Toled. II, III (Esp. sagrada,
XXIII, pp. 408, 41 3); Annal. Compostel. (ib., p. 324); Chron.
Silense (ib., II, p. g5); Chron. Cerratense (ib., p. 21 3); Ryccardi
de S. Germano Chron. (Pertz, SS., XIX, p. 3y3). La chronique de
Ferdinand place, par une double erreur, la prise de Cordoue une
fois en 1 235, une autre fois en 1225. Toutes les autres chroni-
ques sont d'accord sur la date de 1 236. D'après Al-Makkari,
Cordoue serait tombée entre les mains de Ferdinand le 29 mai
1239 (P. de Gayangos, /. c, II, p. 335). Il une simple
faut voir là
erreur de l'historien arabe. — Les chroniques qui font mention
de la conquête de Séville sont les suivantes : Alfonso X, Chron.,
fol. 415-424; Chron. Ferd., chap. xlii-lxix, fol. xxii-xxxii. Cf.

aussi Annal. Toled. II (Esp. sagrada, XXIII, p. 409); Ann. Com-


postel. (ib., p. 324) ; Chron. de Cardeha (ib., p. 3y3) ; Chron. Cer-
ratense (ib., II, p. 2 1
3) ; Ann. Sancti Victoris Massil. (Pertz, SS.,
XXIII, p. 5). Toutes ces chroniques, excepté le Chron. Cerratense
et les Ann. Compostel., qui placent en 1249, s'accordent les faits

à donner la date de 1248. L'historien arabe Ibnu-i'-Abbâr admet


l'an 1247 (21 juin). Cf. P. de Gayangos, /. c. D'après Al-Makkari,
le siège n'aurait duré qu'un an (P. de Gayangos, /. c., Cf. aussi
l'appendice, p. lxxx). Les Ann. S. Pantaleonis Coloniensis (Pertz,
SS., XXII, p. 546) le font durer près de neuf ans, « per novem
annos obsessam ». Auberi de Trois-Fontaines place le commen-
cement du siège en 1 238 (Pertz, SS., XXIII, p. 944).

ér
XCVIII INTRODUCTION

d'Espagne racontaient cet événement au nord de


la France ' On serait donc tenté d'admettre qu'un

poète contemporain de ces événements, ayant


entendu le récit des pèlerins, se mit à composer
une chanson sur ce sujet, où il attribuait la con-
quête de ces villes à l'ancienne famille épique d'Ay-
meri de Narbonne. D'autres circonstances cepen-
dant nous obligent de considérer la ressemblance
entre l'histoire et l'épopée comme purement for-
tuite, et de voir dans la chanson que nous publions
une simple fiction poétique, l'amusement d'un jon-
gleur qui ne se demandait pas si les deux villes

i . « Et de istis cotidie meliora melioribus a pcregrinis nuncian-


tur (Pertz, SS., XXIII, p. 940). » Si les faits que nous examine-
rons plus loin nous amènent à la conclusion que la Prise de Cor-

dres et de Sebille ne repose pas sur quelque récit des pèlerins, il

ne faut cependant pas contester l'influence que les relations de


ces derniers ont eue sur la composition de plusieurs chansons de
geste. Nous avons vu plus haut que les Enfances Vivien sont pro-
bablement l'œuvre d'un poète qui avait su, par l'intermédiaire
des pèlerins, que la ville de Lucena, en Espagne, avait été
conquise parles chrétiens. Dans son cours au Collège de France
( 1895-1896), M. G. Paris a donné plusieurs autres exemples de
l'influence que les récits des pèlerins ont exercée sur la composi-
tion des chansons du cycle de Guillaume d'Orange. Sur le rôle que
les pèlerins paraissent avoir joué dans la formation de l'épopée
carolingienne, voy. C. Jullian, Romania, t. XXV, pp. 166-7. Il

faudrait étudier la question de plus près et rassembler les nom-


breux passages des poèmes épiques où les jongleurs se réfèrent
au témoignage des pèlerins. On verrait alors que si les poètes du
Nord sont arrivés à connaitre des faits qui s'étaient passés au
Midi de la France ou en Espagne, c'est surtout grâce aux pèlerins.
Plus d'un point obscur de l'histoire de notre cycle pourrait s'ex-
pliquer ainsi, sans recourir à la problématique existence d'une
épopée méridionale.
INTRODUCTION XCIX

espagnoles étaient vraiment rentrées en la posses-


sion des chrétiens.
Un premier fait qui parle contre l'existence d'un
élément historique dans le poème dont nous nous
occupons, c'est que les Français n'ont participé en
aucune manière à la prise deCordoue et de Sévillé,
comme c'est le cas pour d'autres conquêtes faites

sur les Sarrasins d'Espagne \ Si la prise de Bar-

i. Parmi les chevaliers qui prirent part à la conquête de Cor-


doue, la chronique de Ferdinand ne mentionne que des Espa-
gnols (chap. xxn). Dans le même chapitre le chroniqueur dit :

« Avia venido mucha gente de toda la frontera... en socorso de


los christianos de las otras tierras de Castilla y de Léon y de
;

Estremadura vino mucha gente. » De même au siège de Séville,


la chronique d'Alphonse dit clairement : « Alli se vino llegando

gran gentio de conçejos quel venien de parte de Léon e Castiella


e de Loria e de Caçeres e de Medellin e de otros muchos
logares, » fol. 416. Auberi de Trois-Fontaines donne cependant à
entendre que des Français avaient pris part au siège de Cor-
doue. Il désigne par tiostri les ennemis des Sarrasins : « Nostros
introduxit; a nostris militibus; equi nostrorum; custodibus nos-
tris (Pertz, SS., XXIIL, p. g3g). » Or, comme le remarque Scheffer-
Boichorst (ibid., p. 63 r, note 4), Auberi emploie nostri dans
d'autres passages pour désigner les Français (pp. 89497, 89516,
27,90440-90441, 9059, 90813, 18, 19, 21, 29, 35, 91017, 22, 91 136,
43, 92320, 94632, 39, 94936). Mais nous croyons qu'Auberi a
entendu ici les chrétiens en général, et que le mot nostri pou-
employé en parlant aussi des Espagnols. Dans
vait être très bien

un passage de Roberti Canonici S. Mariant chron., on trouve ce


mot avec ce sens « De orientalibus partibus Saracenorum exer-
:

citus infinitus in Hispanias transfretat et cum rege Toletano


habita congressione confligit et superat, factaque innumerabili
strage nostrorum partem Hispaniae occupât (Pertz, SS., XXVI,
p. 257). » La Cordoue ou de
participation des Français à la prise de
Séville nous semble donc peu probable. Il est vrai que Ferdinand
avait pris en mariage la fille de Philippe, roi de France, et on pour-
C INTRODUCTION

celone avait déterminé un poète à chanter ce fait


d'armes, c'est parce que la conquête de la ville

espagnole était une victoire des guerriers français.


De même, si la prise de Barbastre, le désastre de
Fraga et la conquête de Tortose ont eu un écho
dans l'épopée française, c'est parce que l'armée des
chrétiens qui combattait les Sarrasins comptait
de nombreux chevaliers français '. Si les Sarra-
sins étaient l'ennemi commun de la chrétienté, et

si, comme nous l'avons dit plus haut, une victoire


remportée sur eux ou une défaite essuyée par les

armées chrétiennes devait attirer l'attention de


toutes les nations chrétiennes, il ne s'ensuit pas
que les poètes français se missent à l'œuvre pour
célébrer un exploit auquel les Français n'avaient
pas participé. Les jongleurs pouvaient se permettre
la liberté d'imaginer des conquêtes que l'histoire
n'avait pas encore enregistrées, mais ils se gar-
daient d'attribuer aux Français des victoires aux-
quelles ces derniers n'avaient contribué en aucune
mesure.

rait peut-être supposer que ce dernier lui envoya un secours ;

mais les chroniques n'auraient pas gardé le silence si les choses


s'étaient passées ainsi. Lorsqu'à la prise de Valence (1239) l'ar-
chevêque deNarbonne vint avec plus de six cents hommes prêter
secours à Jayme, les chroniques ne manquent pas de nous l'ap-
prendre (Chronica del gloriosissimo... Rey En Jacme, Valence,
1557, fol. 73 V»; cf. P. Beuther, Coronica gen. de toda Espana,
libro seg., fol. c v°).

Nous ne pouvons pas savoir si des Français 'ont participé à


1.

la prise deLucena. Si on arrivait à prouver le contraire, nous

douterions fort que les Enfances Vivien contiennent quelque


chose d'historique. Voy. plus haut.
INTRODUCTION CI

Des raisons plus fortes encore nous forcent de


contester tout fondement historique à notre poème.
Dans la chronique de Turpin (chap. ni, éd.
Ciampi) on parle aussi de la prise de Séville et de
Cordoue, que l'auteur attribue à Charlemagne. De
même, la Chanson de Roland contient quelques
vers où le poète fait assiéger et prendre Cordoue
par Charlemagne. Lorsque Marsile s'adresse à ses
conseillers en les priant d'aller trouver Charle-
magne pour l'assurer de ses prétendues intentions
pacifiques, il dit entre autres :

Seignur barun, a Carlemagne irez;


Il est al siège a Cordres la citet.

Et plus loin, le poète nous raconte la joie de Char-


lemagne d'avoir conquis la ville espagnole :

Li empereres se fait e balz e liez,


Cordres ad prise e les murs peceiez,
Od ses cadables les turs en abatied.
Mult grant eschec en unt si chevalier
D'or e d'argent e de guarnemenz chiers.
En la citet nen ad remés paien
Ne seit ocis u devient chresti[i]ens \

Nous verrons plus loin que l'auteur de la Prise


de Cordres et de Sebille a sans doute été influencé
par Chanson de Roland dans la composition de
la

son poème, ce qui laisse supposer que l'idée de

i. Ed. Mûller, vv. 70-71, 96-102. L'éditeur, contre le ms.,


donne à tort païens au v. 101 et avec raison chrestiens au v. 102.
Cil INTRODUCTION

la conquête imaginaire de Cordoue a été empruntée


par lui à l'ancienne chanson de geste. Il ne faut
pas, en outre, oublier que les noms de Cordoue et

de Séville étaient bien connus des jongleurs, et

qu'on les trouve très souvent cités dans la « géogra-


phie épique » de l'Espagne '.

En dernier lieu enfin, l'étude de la langue et de


la versificationnous montrera que notre poème a
certainement été composé avant le deuxième quart
du xm e siècle, ce qui interdit absolument d'ad-
mettre que notre chanson repose sur les événe-
ments de 1236 et 1248.
Toutes ces considérations nous amènent donc à
la conclusion que la Prise de Cordres et de Sebille

ne contient rien d'historique.

Revenons maintenant sur nos traces et résu-


mons, en quelques lignes, l'ensemble des faits
que nous avons examinés au cours de cette longue
enquête.
Les expéditions des Français en Espagne ont
donné naissance à une épopée beaucoup plus riche
que les combats contre les Sarrasins livrés au

1. Nous avons vu plus haut que l'un des remanieurs du Siège


de Barbastre a jugé bon d'ajouter à l'ancienne chanson le récit

de la prise de Léride, Saragosse, Pampelune et Morinde, noms


qui étaient aussi connus que celui de Cordoue ou de Séville.
Seule la ville de Gandia, que nous avons identifiée avec la Candie

du poème d'Herbert le Duc, ne semble pas avoir été très connue


des Français; mais nous croyons que l'auteur de ce poème avait
entendu quelque voyageur parler de la riche ville du royaume de
Valence.
INTRODUCTION CIII

Midi de la France. Exception faite pour le poème


qui racontait la prise de Barcelone, poème aujour-
d'hui perdu, et peut-être aussi pour celui sur lequel
repose la version latine du fragment de La Haie,
toutes les chansons du cycle de Guillaume qui ont.
pour sujet les conquêtes des Français en Espagne
apparaissent non plus comme des produits poé-
tiques d'origine populaire, mais comme de simples
compositions individuelles destinées à l'amusement
du public et à la satisfaction des tendances cycliques
des jongleurs. L'effervescence épique qui avait pro-
duit la Chanson de Roland s'était éteinte, et le sens
profond et noble de l'épopée primitive avait com-
plètement disparu. Tous les poèmes dont nous
nous sommes, occupés ne sont plus que des créa-
tions pâles et factices qui semblent la projection
lointaine et vacillante d'une lumière près de s'étein-
dre. Au xii
e
et au xm e
siècle, la poésie épique n'est
plus un essor libre et naturel de l'esprit, mais un
une occupation recher-
travail intéressé et réfléchi,
chée et voulue, en un mot un eeffrt. Les jon-
gleurs se mettent à l'œuvre avec l'idée préconçue
d'introduire une certaine unité dans la matière
épique que le passé leur a léguée, et lorsqu'ils
se hasardent à composer, l'esprit de système et la

tendance à remplir quelques lacunes ou à rendre


moins visibles quelques incohérences ou contra-
dictions lesdominent toujours. Pour grouper les
chansons de geste dont Guillaume était le héros
principal, et pour les présenter comme un en-
semble de faits suivis et systématiques, ils devaient
CIV INTRODUCTION

introduire quelques traits nouveaux ou compléter


les anciennes traditions. La France ne leur offrait

plus le spectacle de combats contre les Sarrasins :

ils étaient forcés alors de tourner leurs regards


vers l'Espagne. Un héros qu'on pût présenter
comme le père de cette puissante famille épique
qui entourait Guillaume et qui avait combattu
contre les ennemis de la chrétienté n'avait pas
été trouvé par les anciens poètes. Un jongleur
e
du xn siècle imagina de remplir cette lacune, et,
profitant de la circonstance qu'un Aymeri de Nar-
bonne était mort au siège d'une ville espagnole
occupée par les Sarrasins, il introduisit dans l'épo-
pée le personnage qu'on attendait, personnage qui
était assuré de trouver un bon accueil auprès des
jongleurs. D'autre part, pour quelques héros de
cette famille, la tradition n'avait transmis que des
données incomplètes et des détails insuffisants ;

pour d'autres, les exploits primitifs qui les avaient


rendus célèbres étaient tombés dans l'oubli. On
se mit alors à composer des poèmes où Ton racon-
tait les conquêtes de ces héros au-delà des Pyré-
nées. Lorsque, enfin, un jongleur voulut intro-
duire dans le cycle un nouveau personnage, comme
celui de Foucon de Candie, c'est toujours en
Espagne qu'il plaça le théâtre de l'action.

Au point de vue historique, les poètes n'atten-


daient pas toujours qu'une ville fût conquise par
les chrétiens pour composer leurs récits. Lorsque,
par hasard, ils entendaient raconter une nouvelle
conquête en Espagne, ils ne cherchaient pas à con-
INTRODUCTION' CV

naître les circonstances au milieu desquelles les


événements s'étaient passés. Le fait seul que des
Français avaient pris part à une victoire au-delà
des Pyrénées suffisait pour qu'ils se missent à l'œu-
vre et composassent leurs poèmes, en attribuant le

fait d'armes à la légendaire famille d'Aymeri de


Narbonne. L'épopée s'éloignait ainsi, fatalement,
des faits concrets et de la réalité, qui seuls auraient
pu donner encore, avant son agonie, quelque
lui

force et quelque vigueur.


CHAPITRE II

Manuscrit, versification, dialecte, date, style et valeur


littéraire de notre poème.

Fait rare pour les chansons du cycle de Guil-


laume d'Orange, la Prise de Cordres et de Sebille
nous a été conservée dans un seul manuscrit, et
encore y est-elle incomplète. C'est le ms. 1448
(anc. y535) du fonds français de la Bibliothèque

Nationale, manuscrit qui, d'après les caractères


paléographiques, doit remonter au troisième ou au
l
dernier quart du xni c siècle (1270- 1280) . Notre
poème y remplit les fol. 164 r° i
re
col. — 182 r°

r e
col., et nous présente partout la même écri-
ture, excepté trois vers à la fin qui ont été écrits
par une autre main et où les lettres sont plus ser-
2
rées et les habitudes orthographiques différentes .

1. Une sommaire d'ailleurs, de ce manuscrit


description, assez
a été donnée par M. Demaison, Aym. de Navb., I, pp. xxxv-xxxvi.
D'après lui, le manuscrit remonterait au milieu du xin° siècle,
mais cette date, acceptée aussi par M. Nordfelt (Enfances Vivien,
p. xvi), nous semble trop reculée, vu les particularités de la
langue et de l'écriture. M. Rohde assigne au manuscrit une date
encore plus récente que celle que nous lui attribuons (Roma-
nische Forschungen, t. VI, p. 59). Il le fait remonter auxiv° siècle
pour le motif que le copiste y emploie plus d'une fois lors pour
lor. Mais ce n'est pas une raison décisive. On trouve lors pour
lor dans des manuscrits de la fin du xm" siècle.
2. D'après M. Rohde (/. c, p. 60) et d'après notre propre
INTRODUCTION CVII

Les marges des feuillets 169, 172, iy3, 174, 175,


176, 177, 178, 181 ont été rognées dans leur partie
supérieure par la main maladroite d'un relieur,

de sorte que les premières lettres ont été enlevées


sur le verso des feuillets.
Nous avons dit que la fin de notre chanson
manque et, en ; effet, le dernier copiste s'est arrêté
au fol. 182, où il n'a écrit que les trois vers men-
tionnés, en laissant blanc tout le reste du feuillet.

L'état du manuscrit nous permet cependant de


constater que le poème ne devait s'étendre plus
loin que sur un feuillet encore. Entre le feuillet
182 et le feuillet 83, où commencent les Enfances
1

Vivien, le copiste avait laissé encore un feuillet


blanc où il devait continuer notre poème, et qui
fut coupé après l'exécution du manuscrit. Le scribe
savait sans doute qu'un seul feuillet lui suffirait

pour achever sa tache. Or, comme chaque feuillet


du manuscrit contient 164 vers, il résulte de là que
la Prise de Cordres et de Sebille devait contenir

encore environ 325 vers, où le poète nous racon-


tait sans doute comment les Français entraient
dans Sebille, forçaient le roi Judas à recevoir le

baptême et donnaient la ville conquise à Guibert,


le vainqueur de Butor.

On se demande maintenant quel peut être la rai-


son pour laquelle le copiste ne nous a pas donné
la fin du poème. Nous ne voyons pas d'autre

examen, le ms. 1448 est l'œuvre de trois copistes. C'est au copiste


que M. Rohde désigne par A que ces trois vers doivent être attri-
bués. Tout le reste de notre poème est écrit par le copiste B.
CVIII INTRODUCTION

explication que la suivante. Les copistes du ms.


travaillaient sans doute sous la direction d'un
remanieur cyclique des chansons de la geste de
Guillaume, qui devait leur fournir les raccords et
les vers de transition entre les différents poèmes.
Ce fait est assez visible si on examine de près l'état
du manuscrit. Ce n'est pas seulement la Plaise de
Cordres et de Sebille qui a été laissée inachevée :

le même fait s'observe pour la Prise d'Orange, fol.


2
109 r° \ et le Siège de Barbas tre, fol. i63 r° . D'au-

1. Celle-ci finit avec les vers :

Dist li : « Conpains, jantis estes et bers.

« Ceaus qui ci sont voirai si demoner,


« Faire en poés toute vos volantes. »

2 m ' col.

Après le fol. 109, le copiste avait encore laissé deux feuillets blancs
qui ont été coupés plus tard.
2. Ici aussi deux feuillets laissés par le copiste ont été coupés
après l'exécution du manuscrit. On peut s'assurer que le Siège
de Barbastre ne devait plus s'étendre que sur ces deux feuillets,

par les circonstances suivantes. Les feuillets 1 58, 1 5g, 160 sont
d'un format plus petit que les feuillets 161, 162. D'autre part,
le fol. 1 63 est de la même grandeur que les trois premiers, ce qui
montre bien qu'il est la moitié d'une feuille de parchemin pliée
en deux et dont la première partie correspond au fol. 160. Or, les
feuillets correspondant aux feuillets 58 et 159 manquent, ce 1

qui prouve qu'il n'y a que deux feuillets qui aient été enlevés.
On se rendra mieux compte de cette disposition par la figure
suivante :

ici 1G2
158 lo9 160 K>3
INTRODUCTION CIX

tre part, le copiste a laissé un blanc entre le Charroi


de Nimes et la Prise d'Orange, laquelle ne com-
re
mence qu'au fol. ioo r° i col., quoique le Charroi
finisse sur le verso du feuillet précédent, à la col. 2,

où le copiste n'a écrit que 8 vers. Entre Girard de


me
Vienne et Aymeri de Narbonne (fol. 40 v° 2 col.

— 41 r° i
re
col.), on observe la môme disposition,
avec cette différence que les vers de transition
entre les deux poèmes ont ici été donnés et que la
rubrique & Aymeri de Narbonne a été mise au bas
du fol. 40 v°, le poème lui-même ne commençant
qu'au feuillet suivant. Pour les autres chansons
contenues dans notre manuscrit, ce fait assez sin-
gulier ne reparaît pas. Les Enfances Guillaume
suivent immédiatement Aymeri de Narbonne
re
(fol. 68 v° i col:), sans que le scribe ait laissé un

blanc entre les deux poèmes de même pour le ;

Couronnement de Louis (ici très abrégé et réuni en


un seul poème avec le Charroi de Nimes), qui suit
re
les Enfances Guillaume au fol. 89 r° i col. Les
Enfances Vivien et le Covenant Vivien, Aliscans, la

Bataille Loquifer et le Moniage Rainouart (fol. 204


me me re
r° 2 col., 2i5 v° 2 col., 216 r° i col., 272 r°
re re
i col., 297 v° i col.) se suivent également sans
interruption.
De cette disposition du manuscrit on peut tirer,
sans hésitation, les conclusions suivantes. Les
copistes du ms. 1448 avaient devant eux un
manuscrit qui contenait Aymeri de Narbonne, les
Enfances Guillaume, Couronnement de Louis le

(déjà sans doute abrégé et fondu avec le Charroi


CX INTRODUCTION

de Nîmes), les Enfances et le Covenant Vivien,


Aîiscans, la Bataille Loquifer et le Moniage Rai-
nouart. Pour ces chansons, le manuscrit leur offrait
déjà les vers de liaison si nécessaires pour intro-
duire une une certaine unité entre les
suite et
différentes branches du cycle. Ils pouvaient donc
les copier telles quelles. Mais en dehors de ce

manuscrit, les scribes avaient sous la main d'au-


tres manuscrits qui contenaient Girard de Vienne,
la Prise d'Orange, le Siège de Barbastre et la Prise
de Cordres et de Sebille. Ils devaient les inter-
caler dans le manuscrit qu'ils étaient chargés
d'exécuter; mais comme les raccords entre ces
poèmes et ceux qu'ils trouvaient dans le premier
manuscrit leur manquaient, ils laissèrent à la fin
de Girard de Vienne et des autres chansons de
la même catégorie un espace où ils devaient intro-
duire les vers qu'un remanieur leur fournirait.
Ce dernier ne leur a fourni, pour une raison que
nous ne saurions dire, que les vers de transition
entre Girard de Vienne et Aymeri de Narbonne.
Pour la Prise d'Orange, le Siège de Barbastre et le
poème que nous publions, en dehors des vers de
liaison qu'ils attendaient du remanieur, les copistes
AB avaient réservé aussi pour les copier plus tard
quelques vers qui faisaient encore partie du corps
même des chansons. Pourquoi ne sont-ils plus
revenus achever leur tâche? Il nous est impos-
sible de le dire.

Essayons de fixer maintenant, par l'étude de la


INTRODUCTION CXI

graphie, la région à laquelle appartenait le copiste


de notre poème.
A latin libre accentué, qui a passé à e dans le

français du centre, est très souvent rendu par et

dans notre manuscrit ijreire 147, 534, 241, 549,


65o, 739, 755, 819, 903, 982, 1101, 1 366, 1672,
1932, 2062, 2181, 2433, 2402, 2627, 2643, 2669,
2673; malfeis 689; mandeit 2942; neis 464, 398,

599, 710, 1 181, 1646, 2276, 2439 ;om 162 5 remets ;

75, 674; repaleit 2420. On trouve à cotéfvere 848,


994, 18 19, 21 38; malfé 8o3, 2460, malfés 702;
nés 448; oés 1626, 1709. Le développement d'un/
après a nous est attesté par de nombreux exemples :

ai 808, ait 1 1 5, 232, 706, 970, 1 io3, 1 137, i32o,


i8o3, 2120, 2275, etc. 406; armait 1181; ; apelait
avrait 2309; barnaige 23, i25o; chaienais 1104,
chaiene 3i chaius 353 conmençait 59, 18, 146
1 ; ; 1
;

dairs 2743, dairt 397; dirait 602; getait 2009;


Guairin 534; guaiviv 2128 ; guairis 2817; gnairit
372; itrait 507 ;
jai 2437; laissait 721; livrait
193 1 ; osait 1 538 ; parlait 1 2 19, 221 1, 2587 passait
;

2775 pvaievie 2206; vanterait 2747; tvanchait


;

2853 vainquevait 2309. Cet a/ est rendu par e dans


;

avvet îjyfevet 2040 \ Comme cas de graphie in-


verse doivent être considérés a 2143; vancva 2470;
vancu 2477; vanqucra 2143, 2430; vavs 711, 718,
1923. Le copiste est d'ailleurs peu conséquent. A

1. Lai 101 (note), 5o6, 191 8 (note), 2006, qui se rencontre aussi
dans le français du centre, est le développement régulier du latin
Mac.
CXII INTRODUCTION

côté de ai on trouve aussi des formes avec a, comme


dans le français du centre : a (très souvent) ; amat
1124 avra 2D77; dars 368, dart 2343, 2353, 2383;
;

Garin 1822, Guarin 1167, 2440, Guarin[s\ 2669;


guarir 2 1 36, guarisse 2764, guarist 663 ; osa 720 ;

vainquera 2677. E provenant de a latin ou germa-


nique passe à a devant une labiale : chamin i35o,
1 356 ; chaville 1146; chavox 608, 17 19; eschavie
868. Le même changement s'observe lorsque e se
trouve devant une autre voyelle : aiïsses 1 555 ; aiïst

1739, 2930; plaiist 839 (voy. plus loin). Au lieu de


a on trouve e dans es 223, 1763, 2562, 2588. A a
été remplacé par o dans 0/ 221, 3 16, 755, oit 1349,

2270; soi 869 (comp. aussi o/e 1407 (note) à côté


de ai[v]e 772, 2093). Comme cas de graphie inverse
on rencontre alait 2 1 3 ; amenait 2 1 08 ; couvai 1 793 ;

otrai 2836 (note); veraies 988. Dans


256o; sai
abolestrier 2200 a est remplacé par 0, si ce n'est
pas une simple faute du copiste \ Ai provenant de
a latin /dans grignor 33, 36, 191 1,
-\-j s'est réduit à

grignor[s] 2855 gringnors 2904. An est rendu très


;

souvent par en : anfent 2676; atargent 1399; az^7z£


337, 1 366, 2159, 2298, 2568, 2570, 2642; chacent
14 5 1 ; chantent 1088; conmenda 775, conmendé
808, conmendisse 758; craventent 28o5; devent i3 ?

34,49, I22 I 7 I > ^i? J 83, etc.; endui j^o, endous


>

252 enfens 443, 2559; enfent 356, 2547; enromen-


;

1. Dans eschaurguaitier 2 33 1 il semble qu'on ait <zm pour d,

mais cette qu'un compromis graphique entre eschau-


forme n'est
guaitier [aichauguaitiev 1 353) de eschalguaitier et la forme plus
ancienne escharguaitier.
INTRODUCTION CXIII

ciés1296; eus 2839; entrent 1099; henas 25 men- 1 ;

the 632, 2299, 2486; mengier 85, 10 1, 286, 806,


menj uè'nt 943; mentias 2684. La forme Ingleterre
29 est assez curieuse. E ouvert du latin n'est—
pas diphtongue dans crèvent 7; Dé (très fréquent
dans les assonances en e); [i]és 220 leues 23y; sos- ;

tenent 1 148 ; tenent 1654. Au v. 206 /er£ pourrait

être séparé en i ert, mais nous croyons plutôt que


le copiste a oublié d'écrire un î. £ initial est passé
à a (ai) dans aichauguaitier 1 3 53 ; aimaier 1 53,
amaier 1267, 1596; availleroient ii5i, avilleront
1 i5o. La conjonction e£ s'est réduite à a 39, 2394,
2460, par suite de son emploi comme particule
atone. Le même changement de e en a s'observe à
l'intérieur d'un mot devant une r : sarpent 2809;
sarré 178 (voy. ci-dessous). Au lieu de e on trouve
ai dans aist 2548. le, iei se sont réduits à i dans le

mot savant sicle 1164, 21 13, sicles 288 et dans


tigne 288; vigne 245, 3 18, 2942, vingne 1 332 \
Au lieu de i provenant de è lat. +7 le copiste écrit
ei dans demeie 2787. — £* fermé du latin placé
devant ni, n est rendu par e, oi> ai : chaiene 3 1 1
;

mo/;ze 127, 355, 686, 798, moinent 145, 256, 659;


plain 76, 1490, plaine 405, 1344, plains 2232, 2509,
2798,jp/a//j[s] 2754;ifa/?zi- 12. Dans<2wo/e;ze/z/2i75,

demoienent 25, la diphtongue 0/ semble avoir déve-


loppé un e parasite (comp. ansoies 62b croiera ;

161 1). Au lieu de du français du centre cor-


ei

respondant à e fermé du latin + jl gn, Ij notre f

1. Antir 28y3 est le développement régulier d'intêgrum.


k
CXIV INTRODUCTION

manuscrit nous offre ai : ansaigne 1837, ansaignes


1 83 1 ; apar aille
apar aillent 2327, aparaillié
2 5o2,

1276, 1792, 1795, 2641, aparailliés 208, 23go apa- 9

railliet 2i5; availleroient 1 5 consail 291, 633, 1 1 ;

636, 207 1
, 2 1 1 8, 2278, 2284, 2288 ; consaillié 2266,
consaillier 2389, consailliés 83, 2888, coma illes
1484; ensaigne 326; mervail 654, 742; mervaille
755, 1 363, 1995, mervailles i5n, 2914, mervaillos
1 543, mervaillose 1990, mervaillox 1494, 1778,
2875 ; saigne 21, saignié 2696, saigniés 2090; so/a^
(=* solails) 187; vaillier 1926, vailliet 2915. On
trouve d'autre part quelques exemples de la réduc-
tion d'e/ atone à / : ansignie[e] 1 1 39, ansignier 2704 ;

avilleront ii5o; signier 2072. Dans consols 2296;


50/0^ 9, on trouve 0/ au lieu de a/. Dans 7//e

2720 Te initial est rendu par 1. Zs initial est passé


à a dans alondresles 1485, alundrelle 264 (voy.
plus haut). Le même changement s'observe à
l'intérieur du mot lorsque e se trouve en hiatus
ou est suivi d'une r : crae\ 2040 ; réparés 445 ;

/rai/978; vaer 2463; varés 2554, 2752, varrés


825, 191 1, varroies 2476 (comp. aussi saresbaldis-
sent 2744 note). Dans frarine 2742 (note) pour
frais?iine, il faut supposer que » s'est changée en r
par dissimilation après la chute de Vs (voy. plus
loin); e (ai) est ensuite passé à a devant r, comme
dans les exemples cités. Plus douteux sont vairai
i5o3, vairas 1 368, paires 660, 922, 2677, où ai
peut représenter Va (voy. plus haut) ou Ye. La pre-
mière hypothèse nous semble cependant plus vrai-
semblable. Le passage de e à a a lieu même devant
INTRODUCTION GXV

/ ou h : Bal\ebu 147 1; dahait 2148. E est écrit

par ai dans raine 329, i320 (voy. plus haut). On


pourrait citer aussi regraite 2927, dont l'étymo-
logie est obscure. Au lieu de en le copiste écrit très
souvent an. Il est inutile de citer tous les exemples'
où cette graphie apparaît. Nous ne signalerons que
quelques-unes des formes les plus fréquentes et les
plus frappantes : an 3o3, 328, 332, 336, 344, 348,
368, etc.; anconbrés 412, anconbrier 229, 1 3 14,

1392; ancontre 282, 333, ancontrent 2022, ancon-


trés 704; ancor 740, 808; ancui 602, 816, i3y2,
1683, 2476, 2479, anqui 1789, 2281 androit 928; ;

anfent 2676; ans 2354; ansanble 829; ansnment


2297, 25o3 \antor io5i, 2342; antre 400, 827, 837,
2220, 2223, antre 2438, antrer 408,819, 826, 940,
941, 2443; antresai 2409; bonemant 2001 dans ;

1061, 2814; demanbrer 761, 931, 1941, 1902, 2041,


2069; estant 2810; janre 22 58; jantis 92 3, 2612;
manbré 4D0, manbrer 443, manbrés 56o; manton
482, io65; pandant 1 253, pandent 1244., pan drai
241 pandut 2699 \pansa 642, panse 226, 249, 448,
5,
pansé 783; randerai 2413, randés 2214, randra
639, randut raws 474, ?\3/2/ 2945, 2948
349, ;

remanbre 1064; sanble 136; sa/ze 948, 2440; s<3«-


1

pres 988, 1093, 2159; sa/zs 2909; santier 333, 1

1384; tancié i324, tancier i382, 2607, tançons 479.


— Pour l'o ouvert du latin on trouve en général o,
mais les formes avec «e, ew se rencontrent aussi.
A côté de fors 179, 23o, 365, 392 etc., on trouve
/«ers 1700, feurs 891, 897, 2o52 (comp. defenrs
171 1). De même ///oc 1450, illoqnes 2611, r7/enc
— .

CXVJ INTRODUCTION

2022; sorSjb, 1267, suer 924. Dans vés 961, 1623,


2443, velt 814, 1080, 2240, eu s'est réduit àe. Ui,
provenant de o + î, dans videra 27Q
s'est réduit à f 1

— L'o fermé du latin est rendu par 0, o«, plus rare-


ment par eu : corageus 3 (note), 694 (note) ;
jpra/
2841 (note) preut 1968, 2277, 2440. Tandis que
;

le copiste écrit indifféremment lo, lou; o, ou; por,


pour ; tôt, tout, on ne trouve que do, lor, nos, vos.
Le manuscrit nous offre une seule fois molt écrit
en toutes 2034; partout ailleurs il a été
lettres

abrégé. Nous avons résolu l'abréviation par molt.


De même, nous avons écrit por toutes les fois que
le mot était abrégé dans le manuscrit. Devant une
nasale le copiste écrit dans quelques cas u au lieu
de o anbrunchié 194; alundrelle 264; dunt 54;
:

nuncier 2322. On est passé à en 2733 (comp. aussi


56 1, 2o33, 2874). Au lieu de oi on trouve o dans
besogne 317; glore 1374; roognié[s] 1872. Inver-
sement le copiste écrit oi au lieu de dans toiaille
914. L'o du germanique sporen persiste dans espo-
r[o]nant 2jbb. — Uu long du latin est passé à o
devant une nasale dans chascons 1275, i3y8, 1461
(ms. chasg — s); con 296, c'ons 2209 (ms.^ s). Ce
changement de u en o est assuré par des graphies
inverses comme dunt que nous avons signalées
plus haut. Au lieu de u le copiste écrit ui dans
euimes 2101. Inversement, on trouve u pour ui
dans brus 335, brut 365; lu 2429; trestut 2523, tut
2536.
En ce qui concerne les consonnes nous signale-
rons les particularités suivantes :
INTRODUCTION GXVII

Au lieu de ch le copiste écrit c dans cief 1812;


fresce 201g. Vaques 1660 est une forme à moitié
méridionale. Le phénomène inverse s'observe dans
chachant 1444. Le c, ce provenant de c latin + h
e ou de t + * est écrit par 5, 55, dans jastise 640 *

ro/*s/;ze[s]1660; saus 2239, 2447;^/ 2247, 2399;


ser vises 997, servisse 473, 1820, 2246; s*g7e 632,

914, 2069. C initial devant 7' est passé à g- dans


grapaus 690. A la fin d'un mot, c est tombé
dans fran $20, jon 1060; on 2066. G initial —
est passé à c dans confanon 171, confanons 1188;

confano[ni]ers 1376, confanonniers 201. Le même


changement s'observe à l'intérieur du mot dans
Sarracoce 261, sarracoçois 2823, 2823. Au lieu
du groupe g-/*, graphique ou réel, on trouve
simplement « dans c/we 903, 910; dine[s\ 2089;
rené 21 14; sainier 427, 432. —L placée devant
une consonne est très souvent conservée, mais on
trouve à côté aussi des exemples de la vocalisation :

açalt 1 786, asal\ 1 52 5, mais asant 1 563 bals 2540,


;

hait i56i, i85i, 2328, 2668, mais baus 2706, bau\


i345. On trouve plusieurs exemples de la chute d7
devant une s dans la flexion : as (art. et pron.) 91,
97, 255, 1254, 1439, 1459, 1 58 1 etc.;ceas 2248,
2599; chevas 180, 344, 348, 353, etc.; loias 1 57 5 ;

poignas 1 5ig; vasas 1200 (comp. cependant aus


122, 255, 389, 788, 12 15, 1283, i56o, etc.; çaus
208, ceaus 1694; poignals 1567; vasal[s] 1791).
Dans faulcon 1923 ; fanldesteul 1007, il faut voir
la contamination des deux formes -au-al (comp.

nultre 336, résulté de la contamination de oltre


CXVIII INTRODUCTION

avec outre). La chute d7, sans trace de vocalisation,


s'observe dans Bafumes 770, 1572; hiames 83, 1 1

1600, ianœ 166, 194, 354; pcitonniere ii25.Dans


le groupe Ir on ne trouve pas l'intercalation d'un

à dans voira 2287, voirai 790, volrés 779, volroie


3o5 mais voldrai 788, voldroit 811. L mouillée
;

est écrite par / ou // : balit 107 mellor i5, 2436, 1 ;

mellors 544, 56 2446; milieu 323. L finale est


1,

tombée dans os/e 684, 691 et dans le pronom per-


sonnel il toutes les fois qu'il se trouve devant un
mot commençant par/ 82, 137, 1 53, 216, etc., ou
même par s ioo3 ouf 2488. Il faut regarder comme
un cas de graphie inverse il = i 2325 (note). —
M est changée en n devant les labiales : anconbrés
190, 412, anconbrier i3o, 229, anconbriers 244;
anplie 912, 1027; anploie\ 1 37 1 ; assanbler 453;
chanberiers 88, chanbellan 1806, chanberlans 791;
chanbre 1029 conbatre ihZ<\ ; conplies 998 ; deman-
;

brer 761 ; enblés 958 ; ensanble 788, 790; manbrer


443, manbrés 56o; resanble 598; sanble 194, sa/z-
£/er£s 299; sabres 434. Aux vv. 592,709,728, 1781,

1943, 261 5, le manuscrit donne co/z en toutes let-

tres. Dans les cas d'abréviation nous avons toujours


écrit co;z. De même, nous avons écrit partout con-
mencier , conmander, conment, conpaignon (ms.
gmencier etc.). — L'intercalation d'un d dans le

groupe nr ne se rencontre pas dans janre 22 58;


tanrement (comp. prenre 1770, où le d éty-
2 191

mologique est tombé par suite d'un phénomène


d'analogie), —R est tombée dans abolestrier 2200;
aichauguatier 1 353 aier 206,
; 2 5o, aieres 387, 1 200,
INTRODUCTION CXIX

aiers 1 16, 293, 235 1 ; chatremierô'jS ; daieres 1 1 23,


daiers 1 36, 197,213, 11 16; maberins i2o3, mabre
696, 828, 1472 ) pofie 649, poufie 765. ^47/^5 2643
et //ad/s 2871 sont peut-être des fautes du copiste.

Le changement d'r en / s'observe dans alondresles


1485, alun dr elle 264; chanbellan 1806 ; contralie
5 14, contralient 1641 ;
palefrois 1347, palefroit
1847 ; Sw//e 1970. Dans jptf/er 1758, 1764; repaleit
2420, IV s'est assimilée a /. Le copiste aurait dû
écnrepaller, repalleit. Comme exemples de l'inter-

calation d'une r on peut citer alondresles 1480,


alundrelle 264; celestre 273, 872, celestres 268;
Cordres (voy. la table des noms propres) ; esciëntre
903; honestre[s] 272 vostres 1473 (note). La méta- ;

thèse d'une .r se rencontre dans Aavreignas 3o;


prevee 901. Peut-être faut-il citer ici aussi grade-
ront 1888, si ce n'est pas une faute du copiste. Au
lieu d'une seule r le copiste écrit rr dansyèrr/e72s
990. — S est tombée dans abomé 701 ; aimaier
i53, amaier 1267, 1396; <2;z/;e 202; batetire 472;
boidie 1010; croître 317; deconfortent 2198,
deferma 1070 démesuré 573; deverie 1011; efo/-
;

rf/e 663 ea/z*


1 388 frailles 2 89 gi^aille 716;
; 1
;
1
;

inellement 117, iio5, 11 18, 1433, 1446, 1464 etc.;


f'/razl 307; manade 2498, 2 5o8; mèimes 1007,
2443 pamissons 480; rame 329, mze 307, 35 1,
;

rené* 389, 653 frite 701. Ilnellement 1274, [i]lnel-


1 ;

lement 1899, sont des cas de graphie inverse (voy.


plus haut pour /). Deux exemples de la chute de
il

Ys finale nous sont offerts par for 2926 san 109, ; 1

2943. Une s a été intercalée dans alondresles 1485;


CXX INTRODUCTION

chaspe 1236; croste 1849; pisman\ 124; susperbes


1262, 1270; torst 446; trestis 710; poste 1
149,
postes 1473. 5 est rendue par c dans ce 2626;
copent 1436. L's double 5 est écrite très souvent par
une seule s : cisaillent 1495, i5i8, 1544, i6o3,
asailliés 1 586, asalt 1699, asali 1 525, 1 543, 1729,
1778, asaut 1 563 ; asés 1324; asist 539; dest?~osé
1 726 ; disises 854 esaucier 27
; 1 5 ;
/ose 1 522 g?~oses
;

1895; /a/se 2i5o; mesage 2402,


2946, laisierent
7westfg*e[>] 2394, mesagier 2346, 2387; pasage 253,

paser 3 3 /tos/e 2242 s[e]wse;/£ 784 tr élise 2729


1 ; ; ; ;

tresaillis 2368. Dans aça// 1786 55 est rendu par c.

S dowce placée entre deux voyelles et provenant de


5, x latin, 5, ^ germanique, c -\- e y
t -\- i latin, est

écrite très souvent par ss et une fois par x : arais-


sonés 2282 ; assisse 33, 2057, assisses 2741, assis-
se[s]2732; apisson 1597; baisse 482, 1021, 281 5,
2914, baissent 2526; baissier i5o, baissiés 2549,
2 55i; baptissiés 2369, batissiés 2 20 5; camoissié
2692; depisser 777, deviss[t]és 2648; faissant 1972;
fissent 66, 16S4.; foisson 1048; gnisse 617, 946,
12 14, 1367, 1623, 1946,
2734; laissant 145 1, 2804;
maixon i58o; w/sse 1021; 055a 671, ossoies 563;
plaissir 543, 554; poissons 1040, 1225, jpo/sso/zfs]
i587;jposse 1727; raisson 843, 847, 856, 1071,
1077, 1 588, 2120, 2 388, 25 1 3 refussast 1892; ;

saissit 1 386, 1873, 2i3o, 2146; traissist 1 358, 1878 ;

tràisson 853, 1082. Le changement de 5 en/, dont


on trouve des traces dans le lorrain d'aujour-
d'hui (voy. ci-dessous), semble être attesté par 7e
281, 787. —T final est très souvent écrit par le
INTRODUCTION' CXXI

copiste : ait (très fréquent); anchaitcet 2878; an-


piolet 1 820 aparailliel
; 2 1 5 ; avret 1 7 ; brisiet 2828
but 1224; co?'w/ 1927; creùt 1473; deloiet 1870
ecw/ 1 388 ; enchaucet 83 e/z£ 883 escorciet 2912
1 ; 1 ;

esa// 322, 325, 368, 28^.8 \espiet j\.3S;fandut 1863


2 862;/oz7 3iG, 1079, 1269,2397 \fut (très fréquent)
garnit g&ô; issut 65 laissiet 1979, 2273, 2374 1 1 ;

2480, 2 544 mandeit 2942; meiffrf 717 monet 2719


; ;

ncvot 223, 2023; noielet 438; o'/ï 325 pandut 1


;

2699; perdut 52i, 2562, 2bqb piet 1790, 1814, ;

1844, 1869; jpori/ 52 5 ;/?;*££ 400; prient 1822, 1968,


2277, 2440; proiet i825; prout 606, 61 3, 764,
265o randut 349; ravoit 365; recerchiet 1846;
;

redoutet 672, 1983; remut 1062; repaleit 2420;


saissit i386, 1873, 2i3o, 2146 ; secorrut 384; /em//
25 16; tranchiet 377, 2857; vailliet 291 5. Ce / ne
se prononçait plus, et il a été omis dans plusieurs
exemples dont nous ne citerons que les suivants :

a/ 808; apelle 849; cochié 149; envoie 45; esjpzV


170; espouse i3 ;
/o/ 930, 950, 951, 1608 etc. /z/ ;

493 lacié 171 ;zez'o 1837 pie 1787 /?re 2892


; ; ; ; ;

prou 5oi raw/ 359 (comp. aussi les cas de la


;

chute de t après une consonne : anpoin 336; auber


325 ; can io53 ; ces 21 58; cor 448, 454, 1 181, 2276,
2439; don 1648; forés 2021; ter 2738; on 384;
joarz* 1476. La' chute de (s)t se remarque aussi dans

e 21 35). Le fait que le copiste introduit un t là où


il n'est pas justifié par l'étvmologie prouve aussi
que ce son ne s'entendait plus dans la prononcia-
tion. Ainsi on trouve cuidevet 756 (note) ;fut 2920
(note). — V apparaît à côté de g, gu à l'intérieur
CXXII INTRODUCTION

du mot dans aieve 1 258, 1 533, aive 35 i, 354,


i2Qi, eve 1006, i33o, mais aiguë 196, 253, 408 etc. ;

siuvant 1 1 23, mais siugant 11 16. A l'initiale on a


ivivres 702, 726, 743. — FTqui nous est donné par
le manuscrit dans wideroie 1171 à sans doute la

valeur de vu. Dans Wiviien (voy. la table des noms


propres) il remplace le v simple.
Comme particularités intéressantes au point de
vue de la grammaire, nous remarquerons que le
re
copiste emploie laîinale -iens à la i personne plu-
riel de l'imparfait du futur et de l'imparfait du sub-
jonctif : eiïssiens i33c); j~alr iens
25oo; ferriens 989,
990 fussiens 985 poriens 283 P^ur le verbe jpoo/r,
; ;
.

on rencontre à l'imparfait du subjonctif les formes


poisse 984, po'ist 192, 56i, 1738, 2467, 2874. On
trouve quelques exemples de l'imparfait en -eve :

ameve[n]t 2oS6;cuideve 756, 1 555, cuidevet 1887.


Sur laissont 1 523
trovont 1847, 4 U ^ n'appartien-
et

nent pas au copiste, mais sans doute à l'auteur de


notre poème, voy. ci-dessous \

1. Ces lignes étaient en partie que nous eussions


écrites avant
pris connaissance de l'article de M. Rohde que nous citons plus
haut et qui a été publié dans les Romanische Forschungen, t. VI,
pp. 57-88. L'auteur y étudie de plus près la langue du copiste de
notre poème. Nous n'avons relevé en général que les faits les

plus caractéristiques et ceux qui nous permettent de fixer la

région à laquelle notre copiste appartenait. Pour d'autres détails


nous renvoyons à l'article de M. Rohde, qui n'est cependant pas
exempt de quelques erreurs. Pourquoi M. Rohde (p. y3) prend-il
les formes armait ; conmençait 5g
1 181 getait 2009 laissait 721 ; ; ;

livrait io,3i ; parlait 121g, 221 1, 2587; tranchait 2853, pour des
imparfaits? Le mot adors donné par le manuscrit au v. 601 est
identifié par M. Rohde avec ators (p. 83) ; mais c'est une faute du
INTRODUCTION CXXIII

Les faits que nous venons d'examiner plus haut


nous permettront de fixer la région à laquelle
appartenait le copiste de notre poème.
L'emploi de et pour e, la réduction de iee à te, le

changement de a en ai, la confusion entre ai et oi,


l'emploi de et pour i (demeie), le passage de et à oi
devant une / mouillée, le changement d'<? en a, l'em-
ploi si rare de en, la réduction de oi à o, la chute de
/ dans il, la non intercalation d'un d dans les grou-
pes Ir, nr, la chute d'une r, la substitution de c à s,

la conservation graphique du t final, l'emploi de la

finale -iens, les formes poisse, po'ist : tous ces faits

nous montrent bien que le copiste appartenait à


l'est; mais ces particularités se retrouvent aussi
bien en Champagne qu'en Bourgogne, Lorraine et

Franche-Comté \ Des formes comme avilleront,

copiste au lieu de ados. Dans duv. 2855 serait, d'après M. Rohde,


[ibid.) le mot tens, tandis que c'est dens. Au v. 1 148 M. Rohde
croit {ibid.) qu'un t est tombé dans fais, ce qui est une erreur.
Au v. y3o M. Rohde lit apeîlet (ibid.), tandis que le manuscrit
porte abellet qui doit être corrigé en apelloit, comme le contexte
le demande. Dans le c de caigne 6G6, M. Rohde voit une graphie
propre à l'est au lieu de s (p. 84), ce qui n'est pas exact (voy.
notre Glossaire). Ci ddj n'est pas si, comme le veut M. Rohde
(ibid.). Co 68 est la forme contractée de que lo et non de se lo.

L'explication que M. Rohde donne (p. 85) pour frarine 2742


(note) est peu vraisemblable (voy. ci-dessus). Dans baldré 716,
il n'y a pas intercalation d'une r, comme M. Rohde l'admet (p. 87).

Pourquoi M. Rohde a-t-il résolu (p. 88) les abréviations g'pir,

g'rier du manuscrit par gerpir, gerrieri Comme dans plusieurs


autres textes il faut écrire guerpir, guerrier.
1. Cf. F. Apfelstedt, Lothringischer Psalter, Heilbronn, 1881
{Alt/r.Bibi., IV); E. Gôrlich, Der burgundische Dialekt im XIII
u. XIV Jahrhundert, Heilbronn. 1889 {Fran^. Studien, VIF).
CXXIV INTRODUCTION

grapaus, je = se, le maintien des imparfaits en


-eve àune époque relativement assez récente, nous
obligent cependant de considérer notre copiste
comme appartenant à la Lorraine \
A côté de formes propres à son dialecte le scribe
de notre manuscrit a introduit, comme nous
l'avons vu plus haut, des formes qui appartiennent
au français du centre. Nous n'avons pas essayé
d'uniformiser son orthographe; nous avons cru
plus utile de garder les particularités, assez intéres-
santes d'ailleurs, que nous offre notre manuscrit.
Si nous nous sommes permis d'introduire çà et là
quelques légères modifications, c'est pour rendre
le texte plus intelligible.
Examinons maintenant la versification du poème.

Des soixante-dix-huit laisses qui composent la

Prise de Cordres et de Sebille, il y en a deux à la

fin (dont la dernière est restée inachevée) qui


présentent des vers de douze syllabes. Tout le
2
reste est écrit en vers de dix syllabes , comme la

plupart des chansons de la geste de Guillaume. Ce

i. c, pp. xxxm, xliii (note), xliv; Suchier,


Cf. Apfelstedt, /.

Grundriss der rom. PhiloL, I, p. 6i3. —


M. Rohde, /. c, p. 5g,
admet le nord de la Bourgogne ou la Lorraine comme patrie de
notre copiste.
2. Aux vv. 228, 63i, 1908, 2066, 2487, 2817 le manuscrit nous
donne des vers de douze syllabes, mais il est peu vraisemblable
qu'ils remontent à l'original. Nous avons cru devoir les corriger.
— Il est à remarquer que le mot proie 1681, 1693 ne compte que

pour une syllabe, particularité que nous n'avons pas trouvée


ailleurs.
INTRODUCTION CXXV

mélange de décasyllabes et d'alexandrins est un


des traits les plus frappants du poème que nous pu-
blions, mais il n'est pas sans exemple dans l'histoire

de la poésie française. L'emploi de deux ou même


plusieurs formes métriques dans le corps d'un
même poème se retrouve aussi dans le Bestiaire
de Philippe de Thaon, la Geste des Normands de
Wace, le traité de la Petite Philosophie, Foucon de
Candie, Y Entrée de Spagne, Aiol, le Partonopeus
et quelques autres compositions du moyen âge \
Il s'agit d'expliquer cette dualité de forme et d'en
trouver la raison.

Trois hypothèses peuvent se présenter à l'esprit,

mais il s'agit de savoir laquelle peut être admise et

considérée comme la plus vraisemblable.


On pourrait supposer que le poème a été écrit
originairement en vers de douze syllabes et qu'un
remanieur est venu changer les vers, en y intro-
duisant des décasyllabes et en laissant subsister
les alexandrins de la rédaction primitive dans les
deux laisses de la fin. Cette hypothèse nous semble
peu vraisemblable. Comme nous le verrons plus
loin, la Prise de Cordres et de Sebille a été com-
posée pour former un tout avec Guibert d'An-
drenas. Or, ce poème, dans la rédaction qui nous
a été conservée, est écrit d'un bout à l'autre en
vers de dix syllabes. Une autre rédaction, plus

i. Cf. A. Tobler, Vom franc. Versbau, (2" éd.) Leipzig, 1894,


pp. 10 et suivantes; W. Fœrster, Aiol und Mirabel, Heilbronn,
1876-1882, p. xxxiii ; E. Stengel, Rom. Verslehre [Grundriss der
rom. Phil., t. II, pp. 73 et suivantes).
CXXVI INTRODUCTION

ancienne, de Guibert d'Andrenas, que l'auteur de


notre poème a connue, était aussi, très probable-
ment, écrite en décasyllabes. Il nous semble donc
peu vraisemblable que l'auteur de la Prise de Cor-
dres et de Sebille ait adopté une formule métrique
différente de celle de la chanson qu'il avait devant
les yeux et qu'il voulait continuer. D'autre part,
nous ne voyons pas pour quel motif un remanieur
se serait donné la peine de transformer les alexan-
drins en décasyllabes. Nous ne trouvons aucun
exemple d'un procédé semblable dans l'histoire de
l'épopée française.
Une deuxième hypothèse serait d'admettre que
l'auteur lui-même a changé d'idée au cours de son
travail et qu'il s'est décidé à écrire la fin de son
poème en alexandrins. Mais si c'était le cas, le poète

ne se serait pas épargné la peine de prévenir ses


auditeurs ou ses lecteurs par quelques mots, et de
leur faire connaître son intention. Lorsque Philippe
de Thaon, Wace et Herbert le Duc introduisent
dans leurs œuvres des vers d'une autre mesure, ils
ne se privent pas de nous le dire et de nous annon-
cer ce changement. Or, rien de pareil dans la Prise
de C ordres et de Sebille.
Une dernière hypothèse et la plus admissible,
c'est de supposer que notre chanson a été primiti-
vement écrite en vers de dix syllabes et que les

alexandrins qu'on y trouve ont été introduits par


un remanieur postérieur. Les remanieurs sont tou-
jours moins sincères que les auteurs dont ils modi-
fient les œuvres, et ils se gardent de nous faire con-
INTRODUCTION CXXVII

naître leur procédé. Si on compare les vingt-six


alexandrins de notre chanson avec l'ensemble des
laisses écrites en décasyllabes, on remarque, sans
trop de peine, une certaine différence dans la

forme et l'allure du récit, différence qui serait plus


reconnaissable encore si la fin du poème nous avait

été conservée. Le style de la partie écrite en vers


de dix syllabes est plus sobre, plus concis que celui
des deux dernières laisses, où la langue devient
plus dégagée, plus libre et d'un caractère plus mo-
derne. Dans la première partie, on voit un poète qui
a encore gardé quelques-unes des qualités de l'an-
cienne épopée ; dans les deux laisses de la fin, on
découvre un homme à tendances plus modernes,
qui insiste plus longtemps sur les détails et aime à
raconter les choses sous une forme plus développée.
Si donc les derniers vers de notre poème doivent
être attribués à un remanieur, il nous reste à ex-
pliquer son intervention et la raison pour laquelle
il bon d'employer des vers d'une autre nature
a jugé
à la fin du poème. Nous ne voyons d'autre expli-
cation que la suivante. Dans le manuscrit qui con-
tenait la Prise de Cordres et de Sebille, et que le
remanieur avait sous les yeux, plusieurs feuillets
étaient tombés à la fin. Comme le poème devait être
complété, le remanieur qui se chargea de combler
cette lacune voulut s'accommoder au goût de son
temps, en introduisant les vers de douze syllabes,
plus à la mode à son époque ". Il aima mieux sacri-

i. Cf. Fœrster, Aiol und Mirabel, p. xxxvi, qui explique de la


CXXVIII INTRODUCTION

lier l'unité du poème que de ne pas satisfaire son


l
caprice personnel .

La Prise de Cordres et de Sebille est écrite en


laisses assonancées avec le petit vers de six syl-
labes à la fin. En dehors du vers 1972, tous les

vers de six syllabes sont féminins. Le petit vers


manque aux laisses XI et XL. La première de ces
laisses formait peut-être primitivement une seule
laisse avec la suivante. Une fusion de ces deux
laissesnous semble cependant trop téméraire. Si
aux laisses IV, XV (vv. 189, 593), nous avons
réuni deux laisses du manuscrit, c'était parce que
le sens et les assonances justifiaient cette division.
Comme dans la plupart des chansons de geste,
la césure dans notre poème tombe toujours après
laquatrième syllabe; ce n'est qu'aux vv. 236, 237,
332, 398, 848, 2898, qu'elle a lieu après la sixième
2
syllabe . Auxvv. 421, 751, 1781, 2636, on aurait,

d'après le manuscrit, quelques cas de césure lyrique,


mais ce sont des fautes du copiste. —A la fin des
mots Ye s'élide toujours devant un mot commen-
çant par une voyelle. Un cas d'hiatus se trouve
au v. 1925 3
(voy. ci-dessous). Au v. 25 il faut

restituer grant, omis par le copiste.

Passons maintenant à l'étude des assonances.

même manière l'emploi des décasyllabes et des alexandrins dans

le poème qu'il publie.

Peut-être faut-il lui attribuer aussi les alexandrins isolés


1.

que nous avons mentionnés plus haut, s'il ne sont pas dus plutôt
au copiste.
2. Cf. Tobler, /. c, p. 94; Fœrster, /. c, p. xxxm.
3. Cf. Tobler,/. c, p. 60.
INTRODUCTION CXXIX

L'assonance masculine en a forme les laisses

XXX, XXXVII, LXVII, en tout 66 vers. Dans la

première et la dernière de ces laisses a assone avec


l

la diphtongue ai : palais i 144, 1


1
7 1 ; mais 1 145,
1 i5o, 2618; ais 1 14.6; fais (defactus) 1
147; fais (de'
fascem) 1 148, 11 5(5; abaist 1
149 ; Beauvais 1 1 5 1
;

jamais 1122; balais 11 53; sai 11 57; ait 1164.


Andernai 2624 peut être aussi bien Andernas.
La laisse XXXVII nous présente a assonant avec
al-au : hait 1 55g ;
fcnestraus i56o; balt i56i;
fait 1 562 ; asaut 1 563 ; chau\ 1564; valt 1 565 ;

chaïfaut 1 566 ;
poignals 1 567 ; caaf 1 568 ; saut
1 569 ; Hernal\ 1
574; loias i5y5. Il faut néan-
moins supposer que 17 s'était vocalisée partout,
et que si elle apparaît dans des mots comme hait,

c'est plutôt une tradition graphique qu'un fait

phonétique.
L'assonance a-ai, qu'on rencontre dans la Vie
de saint Léger, le Pèlerinage de Charlemagne et

quelquefois aussi dans la Chanson de Roland,


mais qui ne se retrouve plus dans un poème aussi
ancien que Couronnement de Louis, pourrait
le

nous faire croire que notre chanson remonte plus


haut que le xn e siècle. Mais d'autres textes, d'une
date beaucoup plus récente que le Roland et le Cou-
ronnement de Louis, nous donnent encore des
exemples de cette assonance, et nous verrons plus
loin que dans le texte même que nous publions

1. Nous ne prenons pas en considération des mots comme


chaienais Ô4, où ai n*est qu'une graphie pour a (voy. ci-dessus).
i

i
CXXX INTRODUCTION

les assonances attestent la réduction de la diph-


tongue ai à c. Le même état de choses se ren-
contre dans Jourdain de Blaie et Elie de Saint-
Gilles ,
poèmes à peu près contemporains du
nôtre.
Une assonance pure en ai nous est donnée par
la laisse LX (18 v.). Comme
remarqué plus on l'a

d'une fois, avant que la diphtongue ai devînt è,


il y a eu sans doute un moment où elle avait
une prononciation intermédiaire et ne pouvait
assoner qu'avec elle-même. Notre poème repré-
senterait donc aussi cette autre étape de l'évolution
du son ai à è. Nous verrons plus loin comment
on peut concilier ce fait avec ce que nous avons
observé précédemment.
L'assonance an-en est représentée par les laisses

XXVIII, XXXIV, LVII, LXIII, LXV, LXIX,


LXXIII, comprenant 25o vers. Les sons an et en
sont absolument confondus. La première de ces
laisses (34 v.) présente 1 1 assonances en en ; la deu-
xième (70 v.) 20; la troisième (18 v.) 9; la qua-
trième (33 v.) 11; la cinquième (36 v.) i3; la
sixième (3ov.)8;la septième (29 V.) 19. Le mot
Galériens qui assone ici quatre fois (w. 1401, 1418,
1424, 1465) se retrouve aussi parmi les assonances
en ié{\oy. ci-dessous). Il nous reste à relever les
formes gaaing et sain\ admises dans cette asso-
nance aux vers 1442 et 2497. Ce sont de véritables
archaïsmes qui n'offraient rien d'extraordinaire au
e
xi mais qui devaient surprendre
siècle, les con-
temporains de notre poète.
INTRODUCTION CXXXI

L'assonance en é comprend les laisses VIII,


XIV, XVIII, XIX, XXI, XXV, XXXI, XXXVI,
XLI, XLIIL L, LVI, LXII, en tout 604 vers.
Comme dans plusieurs autres textes, le sub-
stantif Dex assone dans les laisses de cette caté-
gorie (vv. 421, 433, 564, 677, 1199, l
7 20 > l
ll°i
1781, 1782, 2461). La finale t\ de la deuxième
personne pluriel du futur est attestée par les asso-

nances revarés 445; or es 809; ver es 1759, varrés


191 1; mescrerés 1937; donrés 2284, 2288; après
2468. La présence dans cette assonance des mots
mangier 721 et timoner 21 56 semblerait attester le
mélange de ié avec é\ mais deux assonances sur
604 sont bien peu de chose (voir plus loin à ié).
L'assonance en è forme une seule laisse, XXXV,
contenant 48 vers. y trouve les formes lait On
1497; plait 1498; forfais i5o5, dont la première
assone, en même temps, à la laisse LX avec des
formes en ai (v. 2417).
L'assonance en i comprend 1 32 vers en 5 laisses,
XIII, XLVI, XLIX, LXXV, LXXVIII. Elle ne
nous offre d'intéressant que le mot mie 1994, dont
la présence dans une laisse en i masculin est très

surprenante l
. Il faut relever encore le mot pis
2869. Gomme on le sait, la triphtongue iei pro-
venant de ê -f- / s'est réduite à i dans toute la

région du centre et du nord qui s'étend de Ber-


nay et Orléans jusqu'à Reims et Joinville, et va au
sud jusqu'à Nevers et Autun. Dans le sud de la

1. On la reirouve cependant dans Raoul de Cambrai, v. 7946.


CXXXII INTRODUCTION

Normandie, le Maine, l'Anjou, le Poitou, la Tou-


raine et l'est, cette triphtongue s'est réduite à ei,

ie ou e \
L'assonance en ié, la plus fréquente, nous est
représentée par les laisses II, III, IV, XXXIII,
XLII, LV, LVIII, LXVIII, LXX, LXXVI, en tout
646 vers. Vait 96 (note) est sûrement une faute :

il faut corriger Jîert. Aux vv. 1789, 1816, nous


avons restitué ancro[i]er, De même
ancro[i]és.
2
tir[i]et 2329, tir[i]é 2718 . Nous n'avons pu corri-
ger arouté 1854 et entendes 2345 ; ce sont des cas
tout à fait exceptionnels comme ceux que nous
avons relevés pour é. On peut noter encore les

assonances des vv. 232, 1296, i3i3, 1785, 1799,


1884, où nous voyons apparaître le mot Galé-
riens, qui, comme nous l'avons remarqué ci-

dessus, assone aussi dans des laisses en an-en. Il y


a à signaler en outre les formes de la troisième
personne singulier du parfait en ié, formes que la

tradition poétique a conservées jusqu'au xm e


siècle

et qui sont représentées dans notre texte par res-


pondié 224, 2366 antendiet 2333 descendié 2338;
; ;

pandié 2894; roupie 2896; respandié 2909.


L'assonance en d comprend les laisses I, X, XV,
XXII, XXVII, XXXVIII, XLVII, LUI, en tout
265 vers. Dans la laisse I o n'assone pas avec o
nasal; dans toutes les autres laisses nous ne trou-
vons pas de distinction entre o suivi ou non de

1. Voy. la carte xn de M. Suchier, dans le Grundriss der rom.


Phil., t. I.

2. Au v. 2377 le ms. a dur que nous avons rendu par durier.


1
INTRODUCTION CXXXÏII

nasale. Comme
nous l'avons remarqué plus haut,
nous avons réuni dans la laisse XV deux laisses
du manuscrit (voy. la note du v. bg3). Cette divi-
sion en deux laisses n'existait pas sans doute dans
la rédaction originale. Un remanieur est venu divi-

ser la laisse primitive et former une laisse isolée

(vv. 582-593) où nasal n'assone plus qu'avec lui-


même. y assone avec Va entravé, comme
L'o' libre

dans presque tous les poèmes du moyen âge. Il


faut noter ox =
illos 26. Sur no 221 5, voy. ci-
dessous p. cxxxvi.
L'assonance en ô, composant les laisses XI,
LXXVII, en tout 36 vers, n'offre rien d'intéres-
sant.
L'assonance oi (= e, ï lat.) nous est offerte par
les laisses XII, XXXIX, LIX, LXXIV, en tout 49
vers. Il est probable que la vraie forme est ei 9 car
on ne trouve aucun mélange de oi provenant d'o
ou de au. Nous remarquerons les 2 e8 personnes
pluriel du futur en ois représentées par randrois
53o; perderois 53 1; raverois 2398; Iai?~ois 2832.
Dans beaucoup de textes, comme dans le nôtre,
ces formes de futur, où oi (ei) est étymologique, se
trouvent à côté des futurs en e\ y
formés par ana-
logie.

L'assonance en u compte 85 vers, contenus dans


les laisses VII, LXI, LXIV. On ne trouve qu'un seul
exemple d'u suivi de nasale {brun ibii). Comme
on le sait, ce son n'a été nasalisé qu'au xvi siècle, e

et pendant tout le moyen âge la distinction entre u


suivi ou non de nasale n'existait pas. On y trouve
CXXXIV INTRODUCTION

aussi la diphtongue ui, que le copiste écrit souvent


par un simple u (voy. ci-dessous).
L'étude des assonances féminines donne lieu
aux observations suivantes :

L'assonance a-e ne nous est offerte que par les

17 vers de la laisse XLV. Nous signalerons les


formes repairent 982 contraire 1988.
1977', faire 1 ;

On va voir qu'ai féminin, dans les mêmes condi-


tions, assone aussi avec è.

L'assonance an-e nous est donnée par la laisse

XVII (12 v.). Il n'y a pas d'exemple de en-e.


L'assonance en e-e forme les laisses V, XXIII,
XXXII, en tout 1 1 3 vers. On y trouve les mots aiguë
253, aieve 1258; faire 276; traire 283; aire 3o6;
retraire 869; afaire 881, 1246, 1263; guaires
1245. Armes 1264 est sans doute pour elmes.
L'assonance i-e comprend 43 1 vers, contenus
dans les laisses IX, XVI, XX, XXIV, XXVI, XL,
XLIV, XLVIII, LI, LIV, LXVI, LXXI. Comme
particularité intéressante nous signalerons la forme
çainte (c'est-à-dire cinte) au v. 2082.
L'assonance ié-e, qui se trouve aux laisses XXIX,
LXXII, en tout 47 vers, nous montre bien que la
triphtongue iee n'était pas réduite à ie. Le copiste
écrit ie, mais il faut rétablir iee. On sait que la

contraction d'iee en ie s'est produite dans l'est, le

nord-est et nord jusqu'en Normandie.


le

Les assonances 6-e et b-e, dont la première forme la


laisse VI (38 v.) et la seconde la laisse LU (16 v.), ne

nous offrent rien de particulièrement intéressant,


si ce n'est que la première admet Yo nasal.
INTRODUCTION CXXXV

Nous avons vu plus haut que l'auteur de la

Prise de Cordres et de Sebille fait assoner ai avec


e dans des mots comme plait et faire. D'autre part,
dans une laisse, ai n'assone qu'avec lui-même, ce
qui nous montre, comme nous l'avons dit, un état
intermédiaire entre ai assonant avec a et ai asso-
nant avec e. On
donc en droit de conclure qu'à
est

l'époque et dans la région où notre poète écrivait,


l'évolution de la diphtongue ai à e était en train de
se produire. Si nous voyons l'auteur conserver
des assonances en a-ai y
il faut les considérer
comme des archaïsmes ou comme des emprunts
littéraires faits à des textes plus anciens \ Plus
d'un monument de l'ancienne littérature française
nous montre- ce mélange contradictoire et incohé-
rent de faits d'un caractère plus ancien et d'autres
d'un cachet plus moderne. Notre chanson est du
nombre.
Examinons maintenant ce que la versification
peut nous apprendre sur la grammaire de notre
auteur.
Aux vv. 354, i33o, i83y on trouve l'article li

employé au nominatif féminin [li aive, li eve, li

ansaigne).
La mesure des vers montre que des substantifs
comme sire, frère n'avaient pas d's analogique au
nominatif et au vocatif singulier. Ainsi aux vv.442,
1255, 1611, 2460 la mesure demande que Ve de

i. Cf. sur cette question Langlois. Le Couronnement de Louis,


p. cli et Fôrster, Aio!< p. xi.
CXXXVI INTRODUCTION

sire soit élidé. De même pour freire au v. moi.


La même chose s'observe pour les mots nostre et
rostre vv. 1 1, 759, 780. Nous avons toujours réta-
bli les formes sans s, alors même
que le manus-
crit donnait cette s. Pour des mots de la même
famille, comme père, nous avons procédé
traître,

de la même manière. —
Le v. 8 nous offre quel-
1 1 1

ques difficultés. Le manuscrit donne et G. au cor :

neis. Si on une syllabe de


écrit Gnillelmes, le vers a

trop. Nous sommes porté à voir ici une faute du


copiste, qui a remplacé inconsciemment un ou
deux mots de l'original par la formule si fréquente
au cor neis. Nous avons cependant conservé ce
vers tel quel, ne pouvant pas proposer une correc-
tion assurée. Nous aurions pu rétablir : et Gnil-
lelmes li ber, mais nous doutons fort que ce fût la
leçon de l'original.
Aux 2720 on trouve dans notre texte
vv. 221 5,
le pronom possessif féminin no au lieu de nostre,

mais c'est une double erreur, que nous corrigeons


ici. Il faut lire au v. 2720720s gens (le ms. anos gent),
et au v. 22 1 5 nos, comme porte le manuscrit (ce qui,

à tort, n'a pas été indiqué) : nos est ici le pronom


personnel. On sait que no est propre au picard.
Le t de la troisième personne singulier terminée
en -et était tombé à l'époque où notre poème fut
écrit (vv. 98, 168, 738, 1293, i539, 1845, 2061,
2466, 2467). Il semblerait cependant que dans trois
endroits il faille rétablir le t pour éviter l'hiatus.
Ainsi aux vv. 1378, 1730, 1761, le manuscrit donne
conmence a huchier. conmence a crier. Mais ces vers
INTRODUCTION CXXXVII

se laissent facilement corriger à l'aide d'autres vers


où le manuscrit nous donne la bonne leçon. Au
vers 1 3j8 on doit corriger [lor] commence a huchier
(cf. 1293) et aux vv. 1730, 76 crier doit être 1 1
,

remplacé par [es]criè'r (cf. i53c), i345). Au v. -3o,


où le manuscrit donne la forme fautive abellet, il

faut écrire apelloit.


Pour la première personne pluriel du verbe estre
on trouve tantôt sons 949, i36i, 1621, 1933, tantôt
sonmes i833. Au v. 1916 on peut admettre sons
aussi bien que sonmes. Le v. 2658, où nous rencon-
trons le mot otroiomeSy ne nous permet pas d'af-
firmer qu'en dehors de sonmes l'auteur du poème
employait aussi pour les autres verbes la forme
-ornes : on peut, à la rigueur, remplacer oiroiomes
par otroions) il y a, comme nous l'avons vu, un
autre exemple (v. 1972) du petit vers hexasylla-
bique masculin.

Essayons de fixer maintenant, à l'aide des faits

que la versification nous a permis de constater,


quelle est la région du domaine français à laquelle
appartenait l'auteur de la Prise de Cordres et de
Se bille.
M. Rohde, dans l'article que nous avons déjà
cité, admet que l'auteur était natif de la partie

orientale de la Champagne, mais qu'il s'est efforcé


d'écrire dans le dialecte de l'Ile -de- France. A
l'appui de son opinion il cite les formes ermes pour
armes 1254. cinte pour ceinte 2082, efra'i pour
esfreé 1993, antir 2873, enfin laissont 1 523 et
CXXXVIII INTRODUCTION

trovont 1847, qui nous renvoient à l'est. Ces exem-


ples ne sont pas tous probants nous avons vu :

que armes est sans doute une faute du copiste pour


elmes; antir et esfre'i n'ont rien de dialectal. Mais
cinte et surtout laissont , trovont sont décisifs :

cindre ne se rencontre que dans des textes lor-


es 2
rains ', et les 3 personnes des parfaits de la
re
i conjugaison en -ont sont propres au lorrain-
wallon. D'ailleurs, l'art, fém. nom. li se rencontre
en Bourgogne, Lorraine et Champagne ; la forme
ous = illos appartient à la même région, et la
confusion de an avec en est, comme on sait, habi-
tuelle à Thibaud de Champagne 3 Nous sommes .

donc très porté à adopter, à peu de chose près,


l'opinion de M. Rohde. Une seule considération
semble s'y opposer : C'est la confusion, dans quatre
4
assonances (sur i25o) de ié avec é . Il est vrai

que cette confusion a été très souvent introduite


par les copistes, mais cela ne paraît pas être le cas
ici, ou du moins la correction des vers en question
serait assez difficile. Mais il faut constater que l'on

trouve des exemples analogues, bien que, comme

1. Voy. Apfelsted, Psaut. lorr., p. xxxm.


2. M. Rohde prend à tort ces formes du parfait pour des formes
du présent.
3. Voy. P. Meyer, Mém. de la Soc. de linguistique, t. I,

pp. 264 et ss.


4. Quant à l'absence de réduction de -iee à -ie, elle ne prouve
rien contre l'origine champenoise du poème. On
que Chré- sait
tien de Troyes ne la connaît pas, et dans Aymeri de Narbonne on
ne la rencontre que trois fois (vv. 128, 1101, 1736), sur plus de
3oo vers rimant en -ie.
INTRODUCTION CXXXIX

ici, exceptionnels, dans des textes dont la prove-


nance lorraine n'est pas douteuse On peut donc x
.

l'admettre aussi pour la Champagne. On ne s'éton-


nera pas d'ailleurs de voir se produire un poème
« narbonnais » dans la région où Bertrand de Bar-
'

sur-Aube a composé Girard de Vienne, Aymeri


de Narbonne, et peut-être le Siège de Narbonne ou,
pour prendre la désignation indiquée par M. Su-
2
chier, les Narbonnais .

Tâchons maintenant de fixer la date de notre


poème.
Nous avons dit plus haut que la Prise de Cor-
dres et de Sebille a été composée par un jon-
gleur qui voulait donner une suite à Gnibert d'An-
drenas. Et, en effet, on n'a qu'à comparer les deux
poèmes pour se convaincre de ce fait. Après la

prise de la ville d'Andrenas, l'auteur de ce dernier


poème nous raconte comment Baudus fut baptisé

i. Par exemple, dans le Psautier rimé publié par Fr. Michel :

deîivrei enfovcei XVII, 21 ; chanteiç saumoieç XXXII, 2. Notons


d'ailleurs que la forme durier (v. 2377; cf. ci-dessus, p. cxxxn,
n. 2) est propre à l'est : voy. Meyer-Lùbke, Gramm., t. I, § 261.
2. M. Rohde semble même regarder comme admissible l'hypo-
thèse qui attribuerait notre poème à Bertrand de Bar-sur-Aube.
Elle est à écarter sans discussion, le style de notre poème étant
très différent de celui des poèmes de Bertrand, et l'emploi des
assonances au lieu des rimes suffisant à l'en distinguer. Un fait

notable est la présence dans notre poème de mots qui semblent


de provenance méridionale, comme audouvs, balai, clardor et
peut-être caigne (voy. au Glossaire). Cela s'explique sans doute
par quelque circonstance particulière de la vie de fauteur.
CXL INTRODUCTION

et Guibert prit en mariage Gaieté « la bêle o le vis

cler » :

Premiers y ont Baudu crestiënné


Et sa moillier au gent cors honoré
Et tous yceus qui voudrent croire en Dé.
Quens Aymeris a fête grant bonté :

Au roy Baudu a rendu s'erité,


Et si fet mètre par tout crestiënté.
La terre tint de Guibert l'alosé,
Cui Aymeris a Andernas donné.
.VIII. jours tous plains furent en la cité;
Ainz qu'en partissent ont Guibert couronné,
Si espousa Gaieté au cors molle.

Quant elle fu baptiziee et levée,

Grans noces font en la sale pavée.


De joie fu la vile encourtinee,
Et li baron ont grant joie menée.

.VIII. jours pleniers est la feste durée


Et au nueviesme est la cours dessevree,
Le roy Guibert lessent en la contrée.

Quens Aymeris a la barbe mellee


Et si baron et sa gent honorée
x
D'Andernas partent sans nulle demouree .

Le début de la Prise de Cordres et de Sebille


nous fait assister à la fête même du mariage de
Guibert avec Agaiete, que l'auteur de Guibert
d'Andrenas appelle aussi Gaieté, Gaieté et Auga-
lete. Mais tandis que ce dernier poème nous dit que

i. Ms. B. N. 24369 fol. 170 v° a-b.


INTRODUCTION" CXLI

le mariage s'est célébré à Andrenas, l'auteur de la

Prise de Cordres et de Sebille nous transporte à


Salerie, nom aussi obscur que le précédent. Dans
un passage de Guibert d'Andrenas on nous dit que
les Narbonnais qui étaient venus de France pour

se diriger vers la ville qui devait entrer dans la pos-


session du fils d'Aymeri passèrent « les ports de
Salorie »
l
. C'est évidemment le même nom. Il ya
donc lieu de supposer que le jongleur qui a com-
posé la Prise de Cordres et de Sebille connaissait
une rédaction de Guibert d'Andrenas plus ancienne
que celle qui nous a été conservée, et que dans cette
rédaction les Français, après la prise d'Andrenas,
s'arrêtaient à Salorie ou Salerie avant de retour-
2
ner dans leur pays . L'auteur de notre poème prit
ce fait comme point de départ de son récit et
commença par raconter les noces de Guibert et

d'Agaiete, la fille du roi Judas. Cette circonstance


et le fait que dans notre chanson Guibert joue un
rôle des plus importants nous montrent suffisam-
ment que la Prise de Cordres et de Sebille a été
composée par un poète qui voulait donner une
continuation à Guibert d'Andrenas, et que son
intention était de souder les deux chansons ensem-

i. Ms. B. N. 24869 fol. i63 r° a.


2. Voy. plus haut, pp. lxxxix-xc. L'existence d'une telle rédac-

tion semble assurée aussi par que dans Guibert d'Andre-


le fait

nas le roi sarrasin Judas meurt au siège de la ville, tandis que


dans la Prise de Cordres et de Sebille nous le voyons reparaître,
ce qui montre que l'auteur de cette dernière chanson avait devant
lui une version de Guibert où Judas s'échappait d'Andrenas.
CXLII INTRODUCTION

ble et de les présenter comme un seul et unique


poème sous le titre de Gnibert d'Andrenas \ Ce
procédé est assez intéressant pour l'histoire de
notre cycle. nous montre une manière de tra-
Il

vailler des anciens jongleurs dont les chansons


qu'on a publiées jusqu'à présent ne nous avaient
pas fourni d'exemple.
La priorité de Guibert d'Andrenas, dans une
rédaction autre que celle qui nous est parvenue,
à l'égard de la Prise de Cordres est donc prouvée.
Des allusions aux faits qui se sont passés à la prise

d'Andrenas, allusions que nous trouvons dans la

chanson que nous publions, ne font que corro-


borer ce fait déjà bien évident. Lorsque Judas

Nous avons vu plus haut (pp. xli-xlii) que le remanieur


I.

cyclique du ms. 1448 avait essayé de relier le Siège de Bar-


bastre avec la Prise de Cordres et de Sebille. Il ne connaissait
pas sans doute le poème de Guibert d'Andrenas, qui manque
dans ce ms., et il croyait que la Prise de Cordres et de Sebille
devait faire suite ati Siège de Barbastre. C'est ainsi qu'en nous
racontant comment Judas est parti de Sebille pour venir atta-
quer Cordres et Barbastre, le remanieur le fait mener avec lui

sa fille Agaiete, chose assez bizarre d'ailleurs et dont il s'est

gardé de nous donner la raison :

Judas en a sa fille avoques lui menée :

Agaie avoit a non, gente iert et acesmee ;

Il n'out si belle feme dec'an la mer betee,


Et puis la prist Guibers a moillier espousee.
Appendice 1, vv. 466-469.

M. Rohde(/. c, p. 60) admet que le Siège de Barbastre a


été composé par le même auteur que la Prise de Cordres et de
Sebille; mais un examen attentif nous montre que le premier de
ces poèmes est écrit dans un esprit bien différent de celui de la
chanson que nous publions.
INTRODUCTION CXLIII

reproche à Baudus d'avoir reçu le baptême, ce der-


nier lui répond :

« Soz Andernai me laissastes l'autr'ier,


« Tout esgaré, con lou veneor chien
« Que li venere ait ens el bos laissiet.

« La vi ocirre trestos mes eritiers :

« N'en eschapa fors moi et ma moillier.


« Contre François ne poi ge pas durier,
« Adons me fis lever et baptisier '. »

Aimer le chétif dit à son père :

« Enten en fustes folement porpansés,


« Gant fors de l'ost issistes a celer,
« Vos n'i menastes ne conpaignon ne per :

« Soz Andernai deiïs estre tués;


« Se n[en i] fussent les grans vertus de Dé,
<( Et dans Baldus, li rois de Balegués,
« Honie fust sainte crestiëntés \ »

Nous avons montré précédemment que l'an-


cienne version de chanson de Guibert d'An-
la

drenas a dû être composée vers n85 3 La Prise .

de Cordres doit donc être postérieure à cette


date.
Les particularités de langue que nous avons
signalées plus haut et qui nous montrent un état
de choses relativement assez archaïque rendent

i. VV. 2372-2378. Cf. vv. 184-185.


2. W. 417-423. Cf. vv. 619, 2171, 2271, 2624.
3. Voy. p. xc.
CXL1V INTRODUCTION

vraisemblable l'hypothèse que notre poème a été


composé vers 1190-1195 \
On pourrait invoquer contre cette conclusion
l'objection que Bertrand de Bar-sur-Aube, qui con-
naissait assez bien les chansons du cycle de Guil-
laume composées avant lui, ne mentionne nulle
part la Prise de Cordres et de Sebille. Une telle
objection ne saurait être prise au sérieux. Nous
avons vu plus haut que le poème de Guibert d'An-
e
drenas, quoique composé au xn siècle, avait éga-

lement échappé à Bertrand de Bar-sur-Aube. La


Prise de Cordres et de Sebille, n'ayant pas eu une
grande popularité, pouvait parfaitement rester
inconnue au jongleur champenois.

Tel qu'il se présente à nous, le poème de la. Prise


de Cordres et de Sebille peut être mis à côté des
meilleures chansons de la geste de Guillaume.
L'auteur qui l'a un homme assez bien
composé était

doué et un poète qui ne manquait pas de talent.


On doit regretter que ce poème soit arrivé jusqu'à
nous sous une forme incomplète, et qu'il ne nous
ait été conservé que dans un seul manuscrit où

plus d'un passage a été mutilé et rendu inintelli-


gible par la main d'un copiste aussi distrait que
peu soigneux.

1. M. Gautier croit que notre poème ne remonte guère plus haut


que 1200 (Ep. fr.,t. IV, 2 e éd., p. 21). M. Rohde [Le, p. 59-60) se
prononce pour 1200-12 10 et croit que notre poème est un peu
plus ancien que le Siège de Barbastre, qu'il attribue à tort, comme
on vient de le voir, au même auteur (cf. p. cxlii, note).
INTRODUCTION CXLV

Le style est vif, concis et vigoureux. L'auteur


s'abstient d'introduire dans son œuvre ces locu-
tions banales et insipides, ces expressions plates et
oiseuses, ces chevilles et ces formules de remplis-
sage qui ne sont pas rares dans les compositions de
quelques autres poètes de son temps. Lorsqu'il
veut nous décrire un objet il trouve souvent une
expression aussi brève qu'heureuse. Ainsi, pour
nous représenter la force du cheval de Butor, il dit :

Qu'où dos li sist ausin pot segurs estre


Conme s'il fust ens es tors de Palerne '.

Les personnages épiques qu'il a mis en scène


étaient depuis longtemps connus dans l'épopée et

leur physionomie était déjà fixée et cristallisée par


la tradition, de telle manière que notre auteur ne
pouvait pas ajouter beaucoup à ce que plusieurs
générations de poètes avaient accompli. Mais il a
introduit dans son œuvre un personnage nouveau,
personnage qu'il a nettement dessiné, quoique avec
des traits souvent employés par ses prédécesseurs.
C'est le personnage de Nubie. La manière dont le

poète nous décrit la ruse et la passion de cette


femme, sa méchanceté et sa perfidie envers les
Sarrasins, son dévouement envers les Français,
pourrait faire honneur à un poète ou à un roman-
cier moderne.
L'action, dans notre poème, se déroule tranquil-
ment et sans emphase. Le poète a évité les épisodes

i. vv. 262-263.
CXLVI INTRODUCTION

inutiles, et s'est gardé de charger son récit de ces


impedimenta que d'autres trouvères du temps ont
répétés et délayés a satiété. Si nous trouvons ça
et là quelques répétitions, elles sont loin d'être
aussi monotones et fatigantes que dans d'autres
compositions du même genre. Le sentiment des
proportions ne manquait pas à notre auteur. Les
personnages ne se perdent pas, avant de marcher
au combat, dans des tirades théologiques où ils

résument l'ancien et le nouveau Testament, en com-


mençant par Adam et Eve, et en finissant par le

Jugement dernier. Lorsque Guibert se prépare à


attaquer Butor, le poète lui fait adresser à Dieu
une prière de trois vers dans un ton naïf et exempt
de tout dogmatisme :

« Deus, se li plaist, mes père, m'en guarisse


« Si voirement con il est rois et sire,
« Li miens père de gloire '! »

Le sentiment religieux ne sert pas au poète de


prétexte pour faire parade d'érudition théologique.
Il est simple et naturel. Alimenté et complété en

même temps par le sentiment de l'amour, il est


l'aiguillon qui pousse le guerrier français au com-
bat, lui donne de la force et du courage. Avant
d'attaquer Butor, Guibert se tourne vers sa belle
fiancée, Agaiete, et lui adresse quelques paroles
inspirées à la fois par l'amour et la religion :

i. VV. 2764-2766.
INTRODUCTION CXLVII

« Belle, » dist il, « ne vos esmaiés mie.


« Ancui verres la quex lois est plus riche,

« Celle de Deu ou de la paienime '. »

Dans ces trois vers on voit exprimés les deux


sentiments les plus puissants qui, à côté de l'amour
pour la patrie, ont agité les Français du moyen âge,
sentiments qui circulent dans toute l'épopée fran-
çaise du xi
e
du xii,
e
et du xm c
siècle et qui lui don-
nent ce charme et cette noblesse devant lesquels
plus d'un côté faible et plus d'un défaut disparais-
sent et se font oublier.
Telles sont les qualités du poème que nous pu-
blions. Ces qualités s'expliquent en partie, à ce que
nous croyons, par le fait que l'auteur de la Prise
de Cordres et de Sebille s'était familiarisé avec les
anciennes créations de l'épopée. Dans un passage
de son poème nous semble trouver un souvenir
il

du Pèlerinage de Charlemagne. Lorsque le poète


nous raconte la joie que mènent les Français à la
vue des immenses richesses que Nubie met à leur
disposition, il traduit de la manière suivante les
réflexions qu'inspire à Guillaume et à Bertrand le

trésor étalé devant eux :

Et dist Guillelmes : « Or poés oïr gas :

« Ne cuidai pas c'au sicle tant en ait. »

« Deus,»dist Bertranz,« sainz Andreus de Pautras!


« Se ge tenoie Guielin et Guichart,

i. VV. 2725-2727.
CXLVI1I INTRODUCTION

« Bovon lou prout et Guarin lou gaillart


« Et Aymeri et mon père Bernart
i Et Vivi[i]en a la hardie char,
« Voir se tenoie lou lignage gaillart,

« Ne vuideroie mais de[s] mois cel palais,


« Ans lou tenroie quite \ »

Dans le Pèlerinage de Charlemagne, lorsque les

Français voient la merveilleuse charrue en or du


roi de Constantinople Hugues, le poète attribue à
Guillaume urne réflexion qui se rapproche quelque
peu de celle de Bertrand citée plus haut :

Dist Guillelmes d'Orenge : « E, sainz Pieres, aiiie!

« Car la tenisse en France, et Bertrans si i fusset!


« A pis et a martels sereit aconseiie M »

Quelque vague que soit cette ressemblance, il ne


nous semble pas moins certain que l'auteur de la
Prise de Cordres et de Sebille avait lu ou entendu
le Pèlerinage de Charlemagne et qu'il lui a emprunté

ce trait qu'il a modifié d'après les circonstances.


Dans un autre endroit nous voyons notre auteur
imiter un passage du Covenant Vivien, une des plus
belles chansons de la geste de Guillaume. Dans le
Covenant, Guillaume combat son neveu Vivien
qu'il ne pouvait pas reconnaître notre poète nous :

fait assister à un combat semblable entre Bertrand

et Vivien, qui, couverts de leur armure, se pren-


nent pour des ennemis et se donnent des coups

i. VV. i i63-i 172.


2.VV. 326-328, 3
e
éd. Koschwitz (1895).
INTRODUCTION CXLIX

terribles jusqu'à ce que le duc Naimes intervienne


et les sépare (vv. i 889-19 ioj '
Ces deux traits suffisent à montrer que nous
avons affaire à un poète qui continuait dans son
œuvre l'ancienne tradition épique et qui aimait à
tourner quelquefois ses regards vers le passé, pour
s'assimiler un peu de la force et de la vigueur des
vieux poèmes. C'est ainsi qu'il faut expliquer aussi,
en partie, les archaïsmes que nous avons relevés
lorsque nous nous sommes occupé de la langue de
notre trouvère.
Une dernière chose dont notre poète devait se
soucier avant de finir, c'était de rassurer ses audi-
teurs ou ses lecteurs sur l'authenticité de sa narra-
tion. Vers la fin du poème il interrompt pour un
moment son récit et cherche à montrer que les

sources auxquelles il a puisé sont véridiques et


dignes de foi :

Guiberz li proz, qui Espaigne conquist,


Par sa proesce et par son cuer hardi
Fut rois d'Espaigne, si con la letre dit;

A Saint Denise est trovés li escris :

De la verte ne doit on pas mantir;


2
Par mi lo voir nos en covient issir .

Cette habitude de faire valoir l'authenticité histo-


rique d'une chanson, habitude que nous trouvons
chez la plupart des jongleurs, pouvait faire un

1. La Chanson de Roland nous semble aussi avoir exercé une


certaine influence sur la langue et le style de notre poète.
2. VV. 2841-2846.
CL INTRODUCTION

certain effet sur les auditeurs ou les lecteurs du


xn e
siècle, mais nous savons aujourd'hui quelle
confiance on peut accorder à de semblables témoi-
gnages. Si les jongleurs s'étaient souciés de consul-
ter quelquefois les sources qu'ils aimaient à rappe-
ler avec tant d'insistance, les nombreuses créations
épiques du xn e ou du xm e
siècle ne seraient pas
devenues si ternes, si uniformes et si peu vivantes.

Avant de finir, je dois exprimer mes meilleurs


remerciements à la Société des Anciens Textes
français, et spécialement à mon maître commis-
et

saire responsable, M. Gaston Paris, qui m'a beau-


coup aidé dans mon travail, et à qui je dois plu-
sieurs modifications dans la partie de l'Introduc-
tion où je m'occupe de la date et du dialecte de
mon poème \

i. Je dois direque sur certains points, relatifs surtout à l'ori-

gine et à l'évolution du cycle narbonnais (et aussi à la date assi-


gnée au présent poème), les très savants et ingénieux raisonne-
ments de M. Densusianu ne m'ont pas toujours convaincu ; mais
après lui avoir communiqué mes objections, dont il a tenu
compte dans la mesure qui lui a convenu, j'ai cru devoir lui
laisser toute liberté d'exprimer sa pensée. Je tiens seulement à
déclarer ici que la « du commissaire chargé de
responsabilité »

suivre l'impression de ce volume ne s'étend pas à tout ce que


renferme l'Introduction. Il est d'ailleurs fort possible que M. Den-
susianu, là même où j'hésite à le suivre, soit dans le bon chemin.
— G. P.

*$&
LA PRISE DE CORDRES

ET DE SEBILLE
LA PRISE DE CORDRES

ET DE SEBILLE

r m'escoutés, li grant et li menor, /. 164 a


Bone chanson de la geste Francor.
C'est d'Aymeri, lou hardi corajous,
Et de Butor, .j. paien malartous,
Qui prist bataille a dant Guibert lou prout.
En Salerie furent li poigneor,
Au matinet, que crèvent les audours ;

Toutes les guaites descendirent des tors;


Li soloz luist, qui giete grant clardor,
10 Dont furent pris li palais et les tors.
Chante la messe nostre arcevesques proz,
Torpins de Rains, honques n'oï mellor;
Agaie espouse devent Saint Salvador;

3 coragcus — 9 gietent
2 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Lou jor la prist dan[s] Guibelin[s] li proz;


i5 .1. anel d'or li mist o doi mellor,
Escrit i sont li nom
Nostre Seignor :

Qui l'ait o doi ja mar avret paor


Qu'il soit vencus ne noies a nul jor,
Tant fut l'anel[s] dignes et preciox.
20 Desos .j. paille qui fut fais de color
Torpins les saigne et beneïst andous,
Puis les conmende a Deu lou gloriox,
Qui lor dont force et barnaige et vigor.
Tost fut chantée la grant messe maior.
25 François demoienent [grant] joie et grant baidor;/. 164
De la grant joie que il voient antr'ox
Tubent ces guaites, chantent cil jugleor,
Lai[s] de Bretaigne chantent cil vielor,
Et d'Ingleterre i out des harp[e]ors,
3o Li Auvreignas dient .j. son d'amors.
Grans sont les noces o vergier sos la tor.
Agaie prenent cil duc et cil contor,
Si l'ont assisse a la table grignor :

Par devent lui chantent li jugleor.


35 Deus a quel deul départirent cel jor!
!

Mien esciant, honques ne vi grignor.


A ces paroles es vos .j. licheor,
.1. Sarrazin cui Dex doint deshonor,

Qu'i out tramis Judas a l'aumaçors,


40 Pour conter sa mençonge.

II

Ens que Guiberz fut levés do mangier


Des riches noces que il font o vergier,
A ces paroles es vos .j. pautonnier,

27 guames, juglcors— 38 que — 41 guibert


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 3

.1. Sarrazin, Dex confonde son chief,


45 Que Taumaçors i avoit envoie
Por nos François traïr et espi[rer ;

Et li glos fut malduis et vezi[i]ez,


Por lou barnage ne fut pas esmaiez.
Devent la table vint ester sus ses pies ;

5o Sus .j. baston s'est li glos apuiés;


Bien reconut Guibert et sa moillier,
C'anbedui orent les corones o chief.
Mipart la presse des barons escuiers,
Dunt il i out plus de .ccc. et mielz;
55 Portent pimant et claré et vin vies
En grans hanas et en copes d'or mier,
Grues et gentes, venissons et daintiés.
Li Sarrazins ne fut pas esmaiez,
A sa vois clere conmencait a huchier :

60 « Barons, » dist il, « pas ne me conoissiés.

« Je suis de France do chastel de Peviers,

« Do Gastinois, do balois et do miez;


« Droit a Sébile m'en alai por marchié;

« En mon chemin fui pris et espri]és,


65 « Tout droit a Cordres me menèrent paien,
« Enqui me fissent Damedeu renoier
« Et Mahomet aorer et proier. f. 164 c
« Co celeroie ? voirement fui trichiés;
« Mais bien croi Deu, lo verai [roi] do ciel.
70 « Par foit, Guiberz, je suis tes mesagiers,
« Mais ge ne sai se li miens pros [i] iert.
« Je meu de Cordres ersoir a l'anuitier ;

« Li rois Judas en est aies dès ier,


« Li aumacors et tuit si chevalier :

;5 « N'i a remeis Sarrazin ne paien ;

53 Mist part — 56 ce vers et le suivant sont intervertis


dans le ms. Cf. vv. 1 2 3-4 — 27 G. et g. et clares et vins vies.

Cf. v. 123
4 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« De garnement sont tuit plain li celier.


Se tu ne vas la terre chalangier
«
« Et lou pais au père ta moillier,

« Ja Deu ne place, lou glorios do ciel,

80 « Ja mais por armes tu montes en destrier.

— Ne ge si face, » Guiberz li respondié.


I li a dit « Amis, aies mangier,
:

« Et en après me serai consailliés. »

Et dist li glos « J'ai molt mal en mon chief


:
;

85 « Ne vos poist mies, ne puis mie or mengier,

« Mais .j. petit me voil aler colchier. »


Et dist Guiberz « De grés et volantiers.
: »

II en apelle .ij. de ses chanberiers :

A son ostel l'en a mené Reniers,


90 En .j. blanc lit ont lou glouton colchié,
Puis s'an repairent as noces o vergier,
Pour lou déduire et por esbanoier.
Et li glos fut malduis et vezi[i]ez,
Lieve do lit ou il estoit colchiés :

95 II ne dormist por tout l'or desos ciel.

Par mi les portes li glos fuiant se fiert,


Jusc'a l'angarde est venus as paiens,
Con il les voit si conmence a huchier :

« Barons, » dist il, « trop vos poés targier.


100 « François vos ai trais et espi[i]és :

« Il sont tuit ivre lau siënt au mengier

« Des riches noces que il font o vergier.


« Car il nen ont ne lance nen espiet,
« Ne n'ont tant d'armes dont se puissent aidier. »

io5 Paien l'entendent, joiant an sont et lié,


Es chevas montent sans plus de l'atargier,
Vers Salerie prenent a chevalchier.
Li rois Judas monta sor .j. destrier.

81 guibert —
83 ferai — 87 guibert — 90 en ont glouton —
95 desol — 96 san vait — 101 lai ou — io3 nés e. —
104 se] ge
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 5

Se Deus n'en panse, li gloriox do ciel, f. 164 d


1 10 François sont mort, ocis et destranchié,
Se Deus n'i fait miracles.

III

De premerains les vit .j. escuierfs]


Qui repairoit d'abuvrer son destrier,
Qu'i lou voloit aler faire saignier ;

1 1 5 Trait la coroie, s'ait lou col alaissié,


Garda aiers, vit l'orguel des paiens;
Inellement vint poignant o vergier,
A conmençait a huchier
sa vois clere :

« Seignor François, trop i poés mangier.

1 20 « Veez quel force i vient ci par darriers » !

François regardent, voient venir paiens,


Les tables boutent devent aus a lor pies,
Grues et gentes, venissons et daintiés ;

Respent pismanz et clarés et vins vies


125 En grans henas et en copes d'or mier.
Cuens Aymeris s'an est levés prumiers,
Agaie en moine, s'ait lou paille escorcié ;

Et Sarrazin les vont ferir daiers :

Copent lor testes, et poinz et bras et pies.


i3o Oés, seignor, con mortel anconbrier :

.C. en ont mors, ocis et destranchiés;


Pris fut Guillelmes et dan[s] Bertranz ses niés,
Guiberz li rois et Hernalz li prisiés.
Paien s'an tornent, molt ont bien esploitié :

1 35 Sus les chamois lievent les chevaliers,


Daiers les dos lor ont les pies Ii[i]és,

n5 alaissier — 1 23 ce vers et le suivant sont intervertis dans


le ms. —
124 pismant — 127 celle p. e. Cf. v. 2912 — 128 la —
1 33 Guibert lo roi
C) LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

I[l] les conmendent a .xxx. pautonniers,


Ques vont bâtant de fus et de leviers.
Et dist Hernalz « Or suis bien avilliés,
:

140 « Cant vaselage ne me puet ci aidier. »

Et dist Guillelmes : « Jel vos dis bien dès ier,

« Mar conmençames les noces o vergier ;

« Bien est chaiis nostre faiz antrepiés. »


Nés Agaiete monta sor .j. terrier,
145 Vit son seignor c'an moinent pris paien,
A sa vois clere conmençait a huchier :

« A! Guiberz freire, gentis frans chevaliers,


« Tos estes mors cant mes père vos tient.
« Deus con ai pou antre vos bras cochié
! !

1 5o « Porai vos mais acoler ne baissier? »


Laissier se volt jus del mont desrochier, f. i65 a
Cant la retint dans Aymeris li viez.
I li a dit : « Belle, ne t'aimaier.
« C'est bien costume que soit pris chevaliers ;

1 55 « Mais par l'apostre c'on an Rome requiert,


<( Mar les baillierent, par les anges do ciel.

« Fil a putain, licheor pautonnier !

« Miolz s'oseroient trestouz les dois mangier


« Qu'i les osassent adeser ne touchier.
160 « Ancor puis ge bien par nuit chevalchier,
« Porter mes armes et corre mon destrier.
« Se Deus guairist trestous mes entiers,
« Jes cuit requerre la ou il seront mielx,
« Se pechiés ne m'enconbre. »

IV

1 65 Dans Aymeris s'est forment aïr[i]és.

147 guibert — 148 pères — 157 licheors — 1 58 trestuit


162 trestout — 164 ne] me
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 7

Il vest Paubert, puis a Piame lacié,

Çainte a Pespee a son flanc senestrier,


Monte en la selle do bon corant destrier;
Ot a son col .j. escut de cartier
170 Et en ses poins .j. roit tranchant espié,
Devent au fer .j. confanon lacié.
Nerbonois s'arment a cheval et a pïet ;

Gerarz de Blaives, Guielins et Gautiers,


Bueves li pros et Guairins li prisiés.
175 Par nom apelent chascon son escuier :

« Fil a putain, baille ça mon destrier. »

Qui lors veïst François descordillier,


Con il s'an issent et sarré et rangié
Fors par la porte, qui ainz ainz qui mielz mielz,
180 Aubers frémir et ces chevas fronchier!
.III m furent devent el prumier chief,
.

Estre la force qui lor vint do vergier.


Baldus enchaucet devent el prumier chief:
Ités convers ne fut mais cresti[i]ens :

1 85 Buer soit de Pore que il fut baptisiés!


Trestoute jor les ait si enchauciés.
Desi a Tore que solaz dut colchier
Ne fut il ore ne jostast chevaliers.
Tant i ot mors Sarrazins et paiens
190 Li chans en est anconbrés et jonchiés;
Dex ne fist home qui tant soit vezi[i]és f. i65 b
Ques poïst mètre n'an chartre nen an briés.
Es Aymeri armé sor son destrier,
Anbrunch[i]é Piame, bien sanble chevalier;
195 Lou destrier broche des espérons d'or mier :

Selonc une aiguë les a tant aprochiés,


Ses vait ferir en la coe daiers,
.II. en a mors, puis rabatoit lou tiers,

169 Et —
171 lacier
• —
179 miolx miolx — 180 Aubert — 182
Estes —
189 grande initiale dans le ms.
8 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Et puis rebroche lou bon corant destrier,


200 Sor son escut vait ferir Aucibier,
Cosins Butor et ses confanonniers;
Tant con tint Tante l'abat mort do destrier,
Et trait l'espee, si li cope lou chief.
A vois escrie « Licheor pautonnier,
:

2o5 « Si m'aïst Dex, trop lait vos en fuies.


« Tornés aier, que vostre pros [i] iert.
« Après moi vienent tel .ccc. chevalier,
« De çaus de France, des bien aparailliés,
« Ses poés prandre, bien avrés esploitié :

210 « Dedens vos terres en serois miolz prisié. »


Li rois Butor[s] d'Aufrique li guerriers
Fist la riergarde armés sor .j. destrier.
Li glos alait en traversant daiers,
Que de la joste se voloit aiesier.
2 1 5 Vit Aimer molt bien aparailliet,
I li demande « Qui : es tu, chevaliers ? »

Dist Aymer[s] « Ja por toi n'iert noies.


:

« Par nom m'apelent Aymer lo guerrier,

« Fil Aymeri de Nerbone lou viel. »

220 Dist li paiens : « Je sai bien qui tu [i]és.

« Dedens nos terres t'oi molt oï prisier,


« Molt te redoutent Sarrazin et paien.
« Mais tu m'es mort mon nevot Aucibier.
— Voir Aymer[s] respondié;
dites, sire, »
225 « Je li copai a m'espee lou chief.
« Que fais, paiens ? panse de l'esploitier,
« Ans de vengence ne fus mais si aissiés.
— No ferai, sire, » dist Butor[s], « par mon chief;
« Je suis tos sols en cest grant anconbrier,
23o « N'ai de regart fors moi et mon destrier;

204 licheors — 207 tex, chcualiers — 209 esploities — 210 pri-


sics — 211 lou — 217 par — 218 g. — 221 toi molt oir p.
li

228 No f. d. b. biaus sire p.
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE Q

« .1. riches rois lou me tramist l'autr'ier, f. i65 c


« Celui de Perse, s'ait nom Galeri[i]ens. »
Dist Aymers : « Molt beaus li destriers.
est
— Voir dites, sire, il n'a mellor sos ciel
235 « Por bien foïr ne pour tost enchaucier,
« Ne por .j. ost veoir nen acointier;
« Pour .xxx. leues core tôt .j. santier
« N'ai ge regart que je soie bailliés.
« Je voi ta gent qui molt m'ont aprochié ;

240 « Done me trives, garde ne me targier.


« Que li sejors ne m'avroit pas mestier. »
Dist Aymerfs] : « Je te ferai targier.
« Je vos afi des grans vertus do ciel
« Ne m'i savra croistre cil anconbriers
24D « Que nus m'i vigne secore ne aidier. »
Et dist Butor[s] : « Se vos ce faissi[i]ez,
« Je [bien] diroie qu'il n'a tel chevalier
« En nulle terre en France ne sos ciel.
u Ber, car t'en torne, panse de l'esploitier,
25o « Pren me les trives, puis si repaire aier :

« Près suis de la bataille. »

Endous les os furent selonc .j. tertre,


Selonc la rive au pasage d'une aiguë.
Paien vont outre, d'autre part la traversent],
255 .X m furent as haubers et aus helmes.
.

Li autre en moinent et Bertran et Guillelme,


Guibert lou roi et Hernalt lou susperbe;
Et Butor[s] sist el destrier de Castelle,
Que li tramist Galeri[i]en[s] de Perse :

255 hiames — 257 h. de sousperuue. Cf. vv. 1240, 1262, 1270


10 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

260 Nou randist pas pour l'onor de Valtermes,


Qui li randist Sarracoce et Tutelle;
Qu'où dos li sist ausin pot segurs estre
Conme s'il fust eus es tors de Palerne;
Et fut plus noirs que pane d'alundrelle,
265 Et vait plus tost par roches et par tertres
C'autre cheval ne fait la plaigne belle.
Voit l'Aymers, ou dos li vosist estre.
Dist AymersBiaus gloriox celestres,
: «

« Si voirement con tu venis en terre,


270 « Et tu fus nés de la virge pucelle,
« Me dones hui cel bon destrier conquerre! »

Lou destrier broche con chevaliers honestre[s]


Par mi .j. tertre, si li lasche la resne, f. i65 d
Vint a ses homes, par devent ous s'arreste.
275 « Seignor, » dist il, « pour Deu lo roi celestre,

« Me sofrés hui une bataille a faire.

« Ci a .j. roi qu'est molt de fiere geste,


« Butor[s] a nom, si faitement s'apelle :

« Joste demande et trues me vient querre,


280 « Qu'il n'ait regart por home de ma terre ;

« Que de la selle,
se jo puis abatre
« Au branc d'acier tenir ancontre terre,
« De lui poriens de Guibert gent plait traire,
« Et de Bertran et do conte Guillelme.
285 « S'ansin no fais, dont suis ge mors en terre,
« Que ge ne doi mengier en escuëlle,
« Boivre a hanap ne parler a pucelle :

« Tos jors me tigne li sicles por fumelle. »

Aymeris l'ot a la chenue teste :

290 « Oïl, » dist il, « chaitis cuvers susperbes,


« Venistes vos icel consail conquerre?
« Si m'aïst Dex, ans ne fus de ma geste.
« Tornés aiers, coarsde pute terre.

263 el — 280 par — 281 se] je


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE I I

« Se vos eschape li paiens de Palerne,


295 « Moines serés dedens une chapelle,
« Vos n'avrés mais c'on sol jornal de terre,
« Dont vos vivres de racines et d'erbes,
« Grant demi Diet avrés rese la teste,
« Bien sanblerés bricon a haute feste,
3oo « Vos ne savrés ne matines ne vespres,
« Ens en ton poing porteras ta lanterne,
« En ton gieron avras ton escuélle. »

Ot l'Aymer[s], tos li cuers l'an saltelle.


Dist Aymer[s] Ci a maies novelles.
: «
3o5 « Si m'aïst Dex, miolz volroie mors estre
«Que s'an alast li paiens de put aire. »
Lou destrier broche, si li lâche la rené,
Au Sarrazin restorne.

VI

Voit Aymer[s] que ses père l'angoisse,


3io Lou destrier broche, tranche lou copie.
si li

Conme leupart cui sa chaiene est route,


Après Butor fièrement esperone,
Si lou consuit au paser d'une conbe.
Con il lou voit fièrement Taraissone :

3 1 5 « Torne, paiens, cuvers, car esperone! f. 166 a


« Trives foi pris par foit de tos mes homes,
« Que ne [me] seit croître celle besogne
« Que nus me vigne ne aidier ne secorre. »

Aymer[s] broche et li Sarrazins torne,


320 Bruiant li vint tout ansin con li foldre ;

Mais Aïmer[s], qui mie n'an redoute,


Fiert lou paien en Tescut sor la bocle,

298 auras —
3oi porteres — 3oq pères — 3 1 1 que s.— 3 17 cf.
v. 244 —
321 redoutent
12 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Ens o milieu o luist li escharboncles,


De For d'Arabe i out .inj. xx onces . :

325 L'escut li perce et de l'auber les doubles,


Sa bone ensaigne lés lou costé li boute,
Que il l'ancline tout anvers sor la crope :

Mien an paralast outre,


escient, ja
Cant li paiens tira sa raine double :

33o Vit Aymer de tant ruiste persone,


Ne l'atandist por trestot l'or de Rome ;

Guenchist lou chief do cheval, si s'an torne ;

Mais Aïmers li revint a l'ancontre,


Vient au paien, au branc d'acier li joste,
335 Si l'anclina tout anvers sor la crope,
Molt bienl'anpoinft], si Tan porta tout oultre;
Puis passe avent, si lou prent par la gole:
« Cuvers paiens, livrés estes a honte,
« Se ne me rens dant Hernalt de Gironde,

340 « Lou cuen Bertran et Guillelme son oncle,


« Et roi Guibert qui barnages abonde. »
Et Aymer[s] lou randi a ses homes.
Oés, seignor, con grant deul et quel honte :

Pris fut Butor[s], mais li chevas s'an torne.


345 Voit l'Aymer[s], si grant deul il n'ot honques;
Il jure Deu et saint Pierre de Romme
Qu'il n'en guerpirait mie.

VII

Voit Aïmers que li chevas s'an fuit.

Ilout Butor a ses homes randut ;

35o Lou destrier broche des espérons agus.


Desi c'a l'aive n'i out rené tenu,

35 1 tenus
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE l3

Voiant François s'estoit o gué férus.


En une fosse est ses chevas chaius ;

Grant fut li aive, reclost sus l'iame agu,


355 Aval Fan moine li ravois et li brus,
Dist Aymeris « Mon enfent ai perdu, f. 166 b
:

« Cist est ci mors, que ja mais n'iert veiis. »

I li escrie « Lichiere, que fais tu ?


:

« Car te reprent au ravoi de desus. »

36o Mais li frans dus ne l'a pas entendu,


Tel noise moinent li Persant et li Tur.
Mais Aymer[s] ne fut pas esperdus:
Lou destrier broche des espérons agus ;

Li bons chevas recovre sa vertu,


365 Fors Ta gité do ravoit et do brut.
Ans c'Aymer[s] fut d'autre part venus,
Sus li corrurent li Persant et li Turc,
.VII. dars li lancent devent an son escut
Et .v. ou col de l'auferrant crenu,
3/0 Et ens es pens de l'auberc qu'ot vestu
L'an fièrent .nij. des espiés esmolus.
Deu[s] lou guairit, qu'il ne l'ont abatu,
Et li chevas qui est de grant vertu.
Et Aymers ne fut pas esperdus,
375 Traite a l'espee dont li pons a or fut,
Fiert .j. paien desor son hiame agu,
Desi qu'espaules l'a tranchiet et fandu,
Et refiert l'autre, que mort l'a abatu,
Et puis lou tiers, si c'au quart est venus.
38o Lors s'esmaierent li Persant et li Tur.
Dist l'un[s] a l'autre « Finemons est venus
:
;

« C'est granz martirefs] qui sus nos est corus. »

Et li François sont ens es gués féru,


Por Aymer que il on[t] secorrut.

335 li iauois — 358 lichieres — 364 uertus — 372 abatus — 373


vertus — 382 grant — 383 férus
14 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

385 Grant noise moinent li paien et li Turc :

Li bons chevas en entendit lou bruit,


Guenchist lou chief, s'est aieres venus ;

Et Aymer[s] ne fut pas esperdus,


Tant l'atandit c'aus renés l'a tenu.
390 Cant Aymer[s] ot Butor retenu
Et lou cheval qui est de grant vertu,
Fors des gués s'an restorne.

VIII

Li gentis cuens est issus fors des gués ;

Ses escus fut perciés et estroés,

395 Et ses haubers demailliés et fausés,


Et ses chevas férus par les costés,
D'un dairt d'acier fut ens el chief navrés./. 1 66 c
Ne li out pas mestier li sejorners :

Si con il vint a l'issue des gués,


400 Antre ses cuisses chiet mors en mi lou prêt;
Celui guerpist, s'est en l'autre montés.
Poignant i vient de France li barnés,
Pour lou destrier veoir ne esgarder.
Tant vos sai dire de la soe fierté :

4o5 De plaine lance n'i puet on adeser.


Dans Aymeris apelait Aimer :

« Di va, lichiere, garçons démesurés,


« Cant ge te vi dedens celle aiguë antrer,

« Ne te soi tant huchier nen apeller

410 « Tu me dengnasses oïr nen escouter.


— Je n'an poi mais, sire, » dist Aymers,
« Car molt estoie d'autre chose anconbrés.

385-386 ces deux vers sont intervertis dans le ms., mais le co-
piste rectifieson erreur par un renvoi —
386 c. enntendit 387 —
chiet — 393 issut —
3g8 mestiers 404 —fiertés 407 —
lichierres
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE l5

— Voire, lichiere, » dist Aymeris li ber,


« Chevalerie doit li ons esgarder:
41 5 * Ansin la face qu'il n'en soit fos clamés.
— Voir dites, sire, » ce respont Aïmers.
« Enten en fustes folement porpansés,
« Cant fors de Tost issistes a celer,
« Vos n'i menastes ne conpaignon ne per :

420 « Soz Andernai deùs estre tues ;

« Se ne[n i] fussent les grans vertus de Dé,


« Et dans Baldus, li rois de Balegués,
« Honie fust sainte crestiëntés.
« Qu'est c'onques mais oï
ce, diable[sj? tel?
425 « De nos enfances c'avés vos a parler ?
« Cant Tons est viel[z], si se doit resposer
« Et en ses chanbres sainier et ventoser,
« Et jones hons se doit forment pener
« Tant que il soit .j. petit aloses.
43o — Voire, lichiere, » dist Aymeris li ber,
« Dites vos dont que j'aille resposer
« Ne an mes chanbres sainier ne vantouser ?

« S'esti[i]ez autre, par la foi que doi Dé,


« Sanpres [m'Jiroie vers ton cors esprover.
435 — Voir dites, sire, » ce respont Aïmer's] ;

« Ja mes escus ne vos seroit veez. »

Dont s'aïra dans Aymeris li ber,


Prist .j. tronçon d'un espiet noielet;
Desor son hiaume velt ferir Aymer, f. 166 d
440 Cant dan[s] Bernarz li cort des poins oster,
Et dans Baldus, li rois de Balegués :

« Sire Aymeris, molt grant tort en avés.


« Or vos deùst de vos enfens manbrer,

« Que Sarrazin en moinent outre mer.

445 « Se Deus n'en panse, ja mais nés revarés. »

4i3 lichierres, bers — 420 deustes — 422 dant — 424 tes — 426
lome — 400 lichierres, bers— 433 autres — 437 bers
l6 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Dist Aymeris « Molt grant torst en avés,


:

« Qui mon grant deul ci me renovellés. »


Cant ot mantoivre de Guillelme au cor nés
Et de Bertran et d'Ernaut lou sané
45o Et de Guibert lou chevalier manbré,
Tos li lignages en demoine .j. deul tel
Sos ciel n'est home ques puist reconforter.
Sonent .j. graille por lor gent assanbler.
Bertran i laissent et Guillelme au cor neis,
455 Guibert lo roi et Hernalt lou sané,
Mais gent eschange lor en a Dex doné :

Butor lo roi en moinent.

IX

Si con François vinrent an Salerie,


Deus con grant deul troverent en
! la ville !

460 Plorent dames, pucelles et meschines,


il

Et la moillier dan Baldus d'Orcanie


Moine tel deul que n'a soing de sa vie,
Destort ses poins et ses chevox destire.
Dans Aymeris a la barbe florie
4Ô5 Descent a piet au perron sos l'olive,
Ancontre vint Agaiete s'amie
Si efraee con do sans n'eiist mie,
A ses .ij. poins depiece sa poitrine,
A vois escrie : « Mercis, Aymeris sire!
470 « Hei gentis cuens, de mon seignor n'ai mie.
!

« A! Deus, » dist elle, « li filz sainte Marie,


« Por vostre amor reçui ge batetire,
« Et volantiers ferai vostre servisse,
« Mais que me rans dan Guibert a délivre. »

448 m. dan g. —
449 de heimaut — 453 1. g. confo a. — 458 Li
— 461 dans —474 dans
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE '7

475 Elle se pasme, ne se pot tenir mies.


Grans fu li deuls leans en Salerie,
Nés Deu tonnant nen i oïst on mie,
Tel deul moinent des contes.

Grans fut li deuls, li bruis et la tançons.


480 Cant Agaiete revint de pamissons,
Dans Aymeris la dreça contremont, f. 16/ a
Les iolz li baisse, la bouche et lou manton.
« Belle, » dist il, « ne me mat en error,

« Car se Deu plaist, bien les an giterons.

485 « La merci Deu, gent eschange en avons :

« Butor lou roi d'Aufrique lou baron.


— Puet estre voirs? » la pucelle respont.
« Mostrés lou moi, savoir sel conoistrons. »

DistAymeris « Aparmain lou verrons.


: »

490 Butor amoinent sos lou pin au perron ;

Tant vos sai dire de la soue façon :

Sor tos les autres ot grant lou cors et lonc,


Et fu velus dès les pies dec'an son,
Entre dous iolz ot demi piet de front,
495 Les bras out gros, les poinz quarrés an son.
Il en apelle Aymeri lou baron :

« Ou est Agaie ? que veoir la volons.

— Veez me ci, » Agaiete respont,


cePour Sarrazins celer ne nos querons.
5oo « Ne vos vi honques, mais bien vos conoisson :

« Mes amis estes, mais ge ne vos ain prou.

« Molt cortement ont duré nos amors. »

Elle an apelle Aymeri son seignor :

477 dcx —479 rançons — 484 giîeront — 485 mcrcis — 489


ucrront— 492 Ions —
5o3 II
l8 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Sire, » dist elle, « portés li grant honor :

5o5 « Il est plus riches que n'est li aumaçor[s],

« Si lou metés desus en la tor


lai :

« Nen itrait mais, par Deu lou gloriox;


« Se ne me rent dan Guibert mon seignor,
« Je li trairai les iolz do chief andox. »
5 10 Et dist Butorfs] : « Dame, molt estes proz ;

« Il est escris en la loi paienor


« Que nulle femme ne doit avoir pardon
« Qui trop par est hardie. »

XI

Or contralie Agaiete Butorfs] :

5 1 5 « Dame, » dist il, « molt avés lou cuer gros,

« Ce sai ge bien molt avés lou cuer gros,

« Et vostre père avés mené por fol,


« De son pais l'avés geté a tort,

« Guiberz en porte ou chief corone d'or.


520 « Une grant pièce en serois a repos :

« Perdut en as la joie et lou déport. »

Et dist Agaie « Dit m'avés vilain mot;


:

« Ans nul reproche n'oï ge mais si fort.


f. iôy b
« De la prison n'isterés ja mais fors,
525 « S'avrés porit et la char et les os. »

XII

Dist Butor[s] : « Dame, ne seroit mie drois :

« Je nen ai mie Guibert en mon pooir,


« Ne Taumaçorfs] n'est mie si destrois

5 1 3 Que —
5i6 nous ne voyons pas ce qu'on pourrait proposer
pour remplacer les derniers mots de ce vers, répétés du vers pré-
cédent — 5 19 Guibert — 525 la fin de la laisse manque
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE IQ

« Vaillant denier en feïst ja por moi. »

5 3o Et dist Agaie : « Trestos les me randrois,


« Ou se ce non les menbres perderois. »

Lors rit Baldus, so reconte aus François :

Or demoinent grant joie.

XIII

Entre Bernart et son freire Guairin


535 Et Aymer et son père Aymeri,
Vont Agaiete et Butor départir
C'ans puis nel laissent ne choser ne laidir ;

Par la main destre lou prist cuens Aymeris,


[De]joste [lui] sor .j. paille l'asist,
540 Cortoisement l'an a [a] raisson mis :

« Car fais pais, freire, » dist li cuens Aymeris.


— Volantiers, sire, » li Sarrazins a dit.
« Prenés avoir tôt a vostre plaissir,
« Et reançon de mes mellors amis;
545 « Tant vos donrai entre argent et or fin,
« No porteroient .xxx. mul arabi.
— Dex ! s [dist] Bernarz, « con grant avoir a ci !

« Ans tant n'en out li riches rois Pépins.


— Molt estes riches, freire, » dist Aymeris.
55o — Voir dites, sire, » ce dist li Sarrazins;
« Plus ai avoir que trestuit mi voisin ;

« Mais une chose vos di ge bien de fi :

« De la prison ne voil ge pas issir


« Tant que j[e] aie Guibert a raisson mis,
555 « De félonie apelé et sorpris
« Do roi Judas qu'a tel tort a traï :

« Por coi li tost sa terre et son pais,


« Ne Agaie sa fille ? »

53g sor refait de ses — 546 arabis — 547 D. b. sire — 552 defin
20 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

XIV

Dist Aymcris : « Dont seroies tu ber


56o « Et pros et sages et chevaliers manbrés,
« .1. des mellors que l'an poïst trover
« N'en paienime n'en la crestiënté,
« Se tu mon fil ossoies apeler.
«. Je t'afi bien des grans vertus de Dé,
565 « Se to pues vaintre en bataille chanpel,/. i6y c
« Je t'en lairai trestout quite râler. »
Dist li paiens : « En pardon en parlé[s].
« Se me pooie vers Guibert esprover...
« Il est si fel et traître mortes,
570 « Ou chief ne doit corone d'or porter
« Je vos conment que les iolz me crevés.
« Di va, François, con estes forsané
« Et outrageus et trop démesuré !

« Cuidiés nos vos ansin deseriter,


575 « Si a grant tort fors do pais geter?
« Par Mahomet, que ge doi aorer,
« Se ge puis fors de prison eschaper,
« Ja piet de vos n'an lairai restorner. »

Adont dans Aymeris


s'an rit li ber;
58o Molt fut cortois, ne s'an volt aïrer,
Ans tient tout a folie.

XV

[E]n Salerie fut Butor[s] en prison,


François lou tienent, qui bien lou garderont,

55g bcrs — 562 paieninc —


568 après ce vers il en manque un
ou plusieurs, et de même sans doute après 5jo — 569 traîtres —
573 démesures — 574 deseritcs
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 21

N'en puet issir por nulle reançon,


585 Se de Guibert ne fait delivrisson.
Congiet demandent, en lor terre s'an vont,
Li rois Judas demande ses prisons.
On li amoine soz lou pin au perron.
Genz fut Guiberz, s'out clere la façon,
590 Vairs ot les iolz et [les] chevox ot blons,
S'out droites janbes et bien fait lou talon ;

Deus con li siënt andui li esperon!


!

Genz fut Guibers et Bertranz fut molt proz,


Guillelmes fiers et Hernalz corajos.
5ç5 Or les esgardent li Sarrazin félon.
Dist .j. Rubionfs]
paiens qui ot nom :

« Par Mahomet, molt sont bel cil bricon.


« Cil au cor neis resanble bien baron :

« Veez con fronce et lou neis et lou front.


600 « Se il avoient tex .ccc. conpaignon[s],
« Mais qu'il eussent garnemens et ados,
« Ancui trarroient paien maie chançon. »
Li rois Judas apelle ses prisons :

a Li quex est rois ? que veoir lou volon.

6o5 — Vez me ci, sire, » dans Guiberz li respont;


« Mes seures estes, mes ge ne vos ain prout. »
Par la main destre Ta pris li aumaçorfs], /. 167 d
Puis li aplaigne les chavox qu'il ot blons,
Si l'a assis lés lui sor lou perron.
610 « Amis, » dist il, « molt as gente façon.
« Va, si fai pais vers Judas mon seignor,
« Rent li sa terre et trestoute s'onor.
« Prise as Agaie, ja [mais] n'i avras prout.
« Mien escient tu es rois des bricons :

61 5 « Mar baillas la corone. »

589 Gent f. guibert — 5g3 grande initiale dans le ms., Gent


— 594 hernalt corageus — 597 fricon — 599 c. il f. — 601 adors
— 6o5 ce, guibert
22 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

XVI

« Amis, » dist il, « tu as Agaie prise


« Et espousee a la françoise guisse :

« Va, si fai nos rent Salerie


pais, si

« Et Andernai et la tor d'Augorime.


620 « Se tu no fais, ceu tien ge a folie :

« Par Mahomet, tu en perdras la vie,


« Mort sont cil autre et livré a martire. »
Et dist Guiber[z] : « Vos dites la folie.
« En Deu me fi, lou fil sainte Marie,
625 « Ansoies morte trestoute paienime.
iert
« N'aiez paor, je ne m'en fuirai mie,
« Ans garderai et lou bourc et la ville
« Et lou palais et la mahomerie,
« L'or et l'argent, c'on ne l'an traie mie,

63o « Tant que venra cuens Aymeris mes sire. »

Judas l'oit, a poi n'enrage d'ire ;

Prist l'aumaçor par la menche de sigle,


Par d'une part en .j. consail Tan guie :

« Par Mahomet, ge cuit que voir se die,


635 « Que trop sont Franc de grant chevalerie.
« Lou mien consail ne lairai ne vos die :

« Je m'en irai, ne vos en poist il mie,


« Si en menrai Guibert dedens Sebille:

« Tant lou tendrai qu'il me randra ma file.


640 « Et vos ferés de ces autres justise. »
Dist Faumaçor[s] « J'entent bien que vos dites.
: »

Lors pansa bien toute sa coardise :

De lui n'avra ne confort nen aïe.

618 fait — 628 et] de — 63o sires — 63 1 Li roi judas


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 23

Li rois Judas ne s'an [a]targe mie :

645 Devent la none est issus de la vile,


Guibert en moine o lui dedens Sébile.
Grans fut li deus a celle départie :

Plore Bertranz et Guillelmes sospire,


Hernalz s'an pasme au peron de pofie f. 168 a :

65o « Hei! Guiber[z] freire, danschevalier[s]nobile[s],


« Deus! con départ la nostre conpaignie!
« Que dirait ore la dolante chaitive,
« Dame Hermengart, cant elle l'ora dire?
« Molt me mervail s'elle remaint en vie,
655 « Ta dolante de mère. »

XVII

Va s'an Guiberz et li autre remainent.


Bertranz s'an pasme au perron de sartaigne.
« Honcles Guiberz, mal part nostre conpaigne !

« Or vos en moinent paien en terre estrange ;

660 « Ne vairés mais de Nerbone la plaigne.


« Hermengartdame,congrantdeulvos angraigne!
« Mais par les sains c'on requiert en Bretaigne,
a Se Deus guarist nostre riche conpaigne,
« Bernart mon père et Hemon d'Alemaigne,
665 « Molt en trairont paien maie bargaigne. »

Or les esgarde, si lor fait laide caigne :

« Fil a putain, malvaisse gent estrange,


« Mar nos baillastes honques! »

65 1 con or — 654 Ne me — 656 guibert — 658 guibert


24 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

XVIII

[DJedens Sebille en ont Guibert moné.


670 Molt lou fist bien li rois Judas garder
A grant honor, que ne Tossa muer,
Car molt redoutet Aymeri lou barbé
Et lou lignage et lou fier parenté.
Et l'aumaçorfs] est a Cordres remeis,
675 Lou chatremier apelle Baufumé :

« Fai me ces pris en ma chartre geter.


« N'en istront mais, par Mahomet mon Dé,
« S'avront poriz les flans et les costés. »
Et distHernalz « Je cuit que vos gabés.
:

680 « Ce nen iert mies an trestout vostre aé,


« Ansois avrois lou chief do bu sevré. »

Dist Faumaçorfs] « Laissiés vostre parler;


:

« Tost vos poroit a folie torner.


« Je vos métrai en si dolant osté,

685 « Mien escient, c'ains ne fustes en tel. »

Sus en la chartre les moine Bafaumés,


Prist l'uiselet, contremont l'a levé,
Tos trois les contes fist aval avaler ;

Assés i trovent et wivres et malfeis,

690 Bos et colovres et grapaus et coés.


Et Hernalz « Ci a malvais osté.
dist :
f. 168 b
— Si m'aïst Dex, » ce dist Bertranz li ber,
« Nos somes tuit a martire torné. »
Et dist Guillelmes « Il ne puet ore estre el. »
:

695 En mi la chartre ont .j. perron trové,


Granz fut et larges et de mabre listé ;

Sus sont assis li conte naturel,

675 baufumes — 678 porit —


679 hernalt 680 trestous — —
689 et coloures et m. Cf. v. 702 —
691 hernalt 692 bers — —
696 Grant
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 25

Tuit .nj. ensanble conmencent a plorer :

Deus ! tant fort se garmentent !

XIX

700 Or sont li conte en la chartre remeis,


Trite et dolant, irié et abomé,
Que trop i wivres et malfés,
out et

Bos et colovres et crapaus et coés.


Oés, seignor, con lor est ancontrés,
705 Quelle aventure Jhesu[s] lor a doné.
Li aumaçors ait une fille tel,

Nom ot Nubie, ansin l'o je nommer.


Gent ot lou cors et bien fait et mole,
Blanche ot la char con la flor en esté,
710 Belle bouchete, si out trestis lou neis,
Vars out les iolz con .j. falcon mue :

Il n'ot si belle en .xmj. cités.

Eli ot Bertran sos lou pin esgardé :

Elle lou vit en la chartre geter,


7 1 5 Molt lo vit bel et gent et acesmé,
Gros par espaules, graille par lou baldré,
Blont ot lou poil, menut, recercelé,
Vars out les iolz conme .j. falcon mue :

Tel deul en fait, lou sanc cuide desver,


720 Mais por son père ne l'osa demostrer;
Elle en laissait lo boivre et lou mangier.
S'elle n'i puet tôt maintenant parler,
De deul mora, n'en partira par el,
Tant en est adolee.

71 1 mues
26 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

XX

725 Or sont li conte en la sale perrine :

Assés i trovent et colovres et wivres,


Bos et coés et vers de mainte guise.
Oés, seignor, con Deus lor fist aïe.

Li aumaçors ot une telle fille,

73o Par son droit nom l'apelloit on Nubie.


Blanche ot la char, brunete la sorcille,
S'ot afublé .j. mantel d'Aumarie :

Ans Sarrazine mellor ja ne veïstes. f. 168 c


Fut honques mais dame de si grant vide ?
735 Trestoute sole, sans point de conpaignie,
S'en est montée en la sale perrine,
Mipart la presse de la gent sarrazine,
Voit Baufumé, si li conmence a dire :

« Amis, beaus freire, se Mahons vos guarisse,

740 « Que font François ? sont il ancor an vie ? »

Cil respont Dame, livré sont a martire.


: «
« Molt me mervail conment tant puent vivre,
« Que nés menjuënt et colovres et wivres.
« .1. en i a qui ne s'esmaie mie,
745 « .1. bacheler meschin de barbe prime,
« Forment menace nostre gent sarrazine
« Et jure Deu, lou fil sainte Marie,
« Car s'il puet estre de la prison délivres,
« Ja de paiens n'an laira .j. sol vivre. »

760 La dame l'ot, tos li sens li fremie.


« [E!] Deus, » dist elle, « li filz sainte Marie,
« Por vostre amor recevrai baptistire,
« Mais que me rent dan Bertran a délivre. »

Lou chartremier apelle par grant vide :

725 perrrine — 729 et vne — 730 labellet — 733 Sarr. ans mel-
lor ne veiste — 738 Vint a baufume — 753 dans
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 27

755 « Amis, beau[s] freire, mervaille t'oi a dire;


« Se ge cuideve que paiens nou disisses,
« Je te feroie d'avoir manant et riche. »
Cil respont : « Dame, la vostre conmendisse;
'

« Je suis vostre hons, que vos plaira si dites.

760 « De nulle chose que vos me sachiés dire


« Miolz me lairoie demanbrer et ocirre
« Que jadeisse a la gent sarrazine. »

Et dist la dame « Par mon chief, beur lou


: dites ;

« Prout i avrois, ne puet remanoir mie. »

765 Andui s'apuient au perron de poufie.


Mien escient, tel chose i avra dite
Dont iert Bertranz de la prison délivrées]
Et Hernalz et Guillermes.

XXI

Or est Nubie el palais principer,


770 Endui s'apuient et elle et Bafumés.
De tel paien n'orés mais chanter
ja :

Filz fut d'un roi d'oltre l'ai[v]e de mer,


A l'aumaçor fut petis aportés;
Por tant co tient de moût grant feauté
775 Li conmenda ses prisons a garder; f. 168 d
I l'en servit par itel lealté,

Mien escient, con m'orés dévisser:


Miolz li venist co tuast a .j. pel.
Sa dame apelle « Que volrés vos ovrer ?
:

780 « Je suis vostre hons et plevis et jurés.

« De nulle chose que me sachiés conter


« Miolz me lairoie a cheval traîner,
« Ardoir en feu et la poldre venter

756 cuideuet, nos. Cf. v. 854 — 768 hernalt, guillerme —


774 de sa f.
28 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Que paien en s[e]iïsent verte. »


li

785 Et dist la dame « Ja orés mon pansé


: :

« Faites me tost a dan Bertran parler.

« Se puis chose la devers ous trover,


tel

« Ensanble ou aus m'en voldrai ge aler,


« Si me ferai baptisier et lever ;

790 « Et t'en voirai ensanble o moi moner :

« Mes chanberlans serés et mes privés,


« Tos mes trésors vos iert abandonés.
— Ci a bon plait, dame, » dist Baufumés ;

« Bien a .vij. ans ge l'avoie enpansé,


795 « Que ge voloie Damedeu aorer,
« Mais ne l'osoie por paiens demostrer. »
Et dist la dame « Cist plais est bien monés. »
:

Dec'a la chartre l'an moine Baufumés,


Prist l'uiselet, contremont l'a levé,
800 Tos .nj. les contes en prist a apeler :

« Baron, » dist il, « conment vos contenés? »

Et cil respondent « Conme mal eiiré. :

« Ci nos manjuënt diable et malfé.

« Di va, lichiere, qu'en as tu enpansé ?

8o5 « Me vos tu faire si longement juner ?

« Va, si nos fai a mengier aporter.


— Ne puet ore estre, sire, » dist Baufume[z],
« Ancor ne l'ai l'aumaçor[s] conmendé.
« Ne vos poist mie, autre novelle orés.
810 « Ou est Bertran[z]? faites l'an pies lever:
« Ma gentil dame voldroit o lui parler,
« L'aumaçor fille qui tant fait a loer,
« Il n'a si belle en. xmj. cités.

« Se il li velt plevir et afiër


81 5 « Qu'i li fera toutes ses volantes,
« Ancui serés de prison délivré.

784 susent la — 785 jan— 787 Je — 8o3 Céans, diables — 804


lichieres — 8o5 jeûner — 816 deliures
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 29

— Dex, » dist Bertranz, « qui an crois fus penés,/. 16 g a


« Sainte Marie, dame, ne m'oblies!
« Amis, beau[s] freire, fai la céans antrer,
820 « A solement .j. petit de clarté,
« Tant que ge truisse .j. petit de clarté,
1 Que celle chose ne savra demander,
« Tout ne li soit plevis et afiés. »
Dist la pucelle : « Gentis estes et ber.

825 « Par Mahomet, ja m'i varrés antrer,


« So me devoit torner a grant vilté. »

En la chartre antre et elle et Baufumés,


Et descendirent sus lou mabre listé.
Or parleront ansanble.

XXII

83o Or est Nubie ens en la chartre au fons.


Une fenestre avoit devers la tor,
Devers la mer qui cort de grant vigor.
Et Baufumés contremont,
se dreça
La fenestre ovre,si parut la clardor.

835 Li cuens Bertranz se dreça contremont,


Voit la pucelle a la clere façon,
Antre ses bras la receult par dolçor.
« Deus! » dist Bertranz, « con gentil conpaignonî
« Car plaiist Deu et son saintisme nom

840 « Que la tenise en ma delivrisson,


« En Salerie sos lou pin au perron!

« Ne la rendroie por tout l'or de cest mont. »

Et dist la dame « Baissiés vostre raisson,


:

« Que ne vos oient li Sarrazin félon ;

845 « Car se Deu plaist, bien vos en geteron. »

818 mobilies —
821 le second hémistiche de ce vers est répété
du précédent —824 bers —
83o ens ens
30 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Dist Bertranz : « Dame, a Deu beneiçon ! »

Lou chartremier en a mis a raisson :

« Amis, beau[s] frère, » dist il, « con as tu nom?


— Balfumés, sire, ansin m'apelle Ton.
85o « Se vos volés je devenré vostre on,
« Mais an ma vie tos jors vos serviron. »
Et dist Bertranz « A Deu beneïcon : !

« Se ge cuidoie qu'il n'i est traïsson,


« Que no disises païens nen aumaçor,
855 « Si m'aïst Dex, tiens en seroit li pros. »
Et dist la dame : « Baissiés ceste raisson,
« Que ne vos oient li Sarrazin félon.
« Par canque nos en feron
lui sera :
f. 16g b
« En Salerie avoc nos l'an menron,

860 « Ensanble o moi si lou baptiseron. »

Et dist Bertranz « Ja ne li veerons;


:

« Tost li donrai et terres et honors

« Et autres menandies. »

XXIII

Or est Nubie en la chartre soz terre;


865 Ens en la tor avoit une fenestre,
Baufumés l'ovre, la clarté parut belle.
Li cuens Bertranz esgarde la pucelle,
I la vit gente et eschavie et belle.

De sa beauté ne vos soi plus retraire :

870 En .x. reaimes ne trovast on plus belle.


« Sire Bertranz, » dist Nubie la belle,
« Por vos crerai Jhesu, lo roi celestre,
« Et guerpirai Tervagant et sa geste
« Et l'aumaçor et trestoute sa terre. »

875 Et dist Bertranz « Je vos afî, sor belle,


:

856 Iaissies — 865 ens


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 3l

(( Que mais n'aie ne feme ne pucelle


ja

« Fors que vos, dame, que trop par estes belle. »

I li afie a sa belle main destre,

Si li plevist et Hernalz et Guillermes.


880 Et dist la dame : « Ceste fiance est belle.
« Je m'en irai porchacier nostre afaire;
« Je revenrai desi a poi de terme :

« Ne vos esmaiés mie. »

XXIV

Or a Bertranz la pucelle plevie,


885 II et Guillelmes et Hernalz li nobiles:
Se Deus ce done, li rilz sainte Marie,
Qu'ele les face de la prison delivre[s]
Et il l'an puet mener an Salerie,
I la prendra, ne puet remanoir mie.

890 Ans d'autre chose n'i out parole quise.


Feurs de la chartre issit fors la meschine,
Puis en monta en la sale perrine,
Mipart la presse de la gent sarrazine.
L'aumaçor[s] fut en la mahomerie.
895 La gentis dame ne s'an atarge mie,
Halce lo chainse et lieve la pelice,
Feurs do palais s'an torne la meschine,
Ans ne fina si vint en la cuisine,
[D]o maistre queu ne trova elle mie, f. 16g c
900 [F]ors c'on garçon qui rostissoit .j. cine,
[C]'out la prevee destranpee et planie.
[E]lle lou voit, si li conmence a dire :

« [A]mis, beau[s] freire, car me donés ce cine ;

« [J]e vos donré cest peliçon hermine,

878 afaic — 879 hernalt— 885 hernalt — 899 ques —901 plauic
32 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

9<d5 « [M]ien esciëntre, miolz [valt] de .xv. livres. »


Cil respont Dame, vos me volés ocirre.
: «

« Mahomet, vos n'en porterés mie. »


[Par]
[L]a dame Tôt, a poi n'enrage d'ire,
[HJalce la paume, si l'an fiert lonc l'oïe.

910 Cil out paor, si li guerpit lou cine :

Elle li tost, s'a la pevree prise,


Vint a la bous,
de vin anplie,
si l'a

Prist .nj. foesces et .j. gastel de cimes,


Une toiaille a trove[e] de sigle,
915 Et prist lou pain, a l'un des chiés lou lie.
La gentis dame ne s'an atarge mie,
Ans remonta en la sale perrine,
Droit a ne cesse ne [ne] fine
la chartre
Et vint as contes, lou mangier lor délivre :

920 « Mangiés assés, fran chevalier nobile.


« En Deu me fi, lou fil sainte Marie,
« Vos me vairés demain ans ore prime :

« L'autre mangier prendrons en Salerie. »


Et dist Bertranz : « Belle suer, dolce amie,
925 « Jantis pucele, ne m'obliés vos mie. »

Et dist la dame : « Vos parlés de folie.


« Vos estes pros et chevaliers nobiles,
« Mais ci androit parlés de vilonie.
« De ceste choseque ge vos ai promise,
93o « Foi que ge doi au fil sainte Marie,
« Miolz me lairoie demanbrer et ocirre
« Qu'elle ne soit bien par moi [a]sevie.
« Se ne vos fais de la prison délivre
« Et s'avoc vos n'en vois en Salerie,
935 « Miolz en voil estre morte. »

922 me] ne, ores primes — o,3o filz


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 33

XXV

Va s'an Nubie, que n'i volt plus ester :

Elle crient molt trop n'i ait demoré,


Que ne lou sachent Sarrazin et Escler ;

L'.uis de la chartre a par defors fermé,

940 Que par defors nus hons n'i pot antrer.


Dedens la chartre fait antrer Baufumer, /. 16 g d
Devent les contes a mangier atorner;
Et cil menjuënt et si burent assés :

Li vins est fors, o chief lor est montés.


945 Qui lors veïst Hernalt lou viel barbé
Roillier les iolz an guisse de sangler,
Batre les dens en leu de forsané !

Guillelme apelle et Bertran lou sané :

« Baron, » dist il, « tuit troi sons ajosté


;

95o « Mais par la foi que ge vos doi porter

« Ne foi que doi Aymeri lou barbé,


« Molt par feiimes chaitif maleuré,
« Cant en la chartre nos laissâmes geter,
« Que n'en eûmes .xx. ou .xxx. tués. »

955 Et dist Guillelmes « Que plus furent assés.


:

« Ne peumes pas envers ous révéler. »

Et dist Hernalz « Nos fumes enchanté.


:

« Mes hardemens me fut lo jor enblés. »


Lou chartremier apelle Baufumé :

960 « Di va, lichiere, qu'en as tu enpansé?


« Nos vés tu faire longement ci ester ?

« Que dit Nubie, ta dame o lo vis cler ?

« Nos garnemens nos faces aporter,


« Les blans haubers et les brans d'acier cler,
965 « S'irons veoir Sarrazins et Esclerfs]

939 desterme —
946 Raaillier —
957 hernalt — 960 lichieres
— 962 lubie — 963 facent —
964 daciers
34 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Ens ou palais maginois principer.


« Tost en avrons lou palais délivré,
« Et l'aumaçor avra lou chief copé.
— Reposés, sire, por Deu, » dist Balfumés.
970 « Ma gentis dame ne vos ait oblies.
« Je ai céans .nj. haubers aportés
« Et .nj. espiés et .nj. hiames gemés
« Et .nj. espees qui molt font a loer.
« Dex! quel destrier qu'elle a Bertran doné!
975 « Lou sor balcent qui li vint d'outre mer :

« A l'aumaçor lou tramist Aorreis,


« .1. riches rois, la outre, delà mer,
«Por .j. trati qu'i nos avoit fausé;
« Par tent s'an est avoc lui acordés.
980 « [Et] d'autres armes covrerons nos assés. »
Cant cil l'amendent, grant joie en ont moné.
« Baufume[z] freire, » dist li Bertranz li ber,
« Se Dex donoit, li rois de maiesté, f. 170 a
« Que cel cheval poisse el dos monter,
985 « Et nos fussiens la fors au plain joster,
« Et de nos armes garnit et conraé,
« Si nos siuguissent Sarrazin et Escler,
« Sanpres veraies chevaliers esprover;
« Tant i ferriens des espees de lés,
990 « Desus les mors ferriens les vis passer.
— Molt estes pros, sire, » dist Balfumés,
« Vos et Guillelmes et Hernalz l'alosés;
« Que bien lou diënt Sarrazin et Escler.
— Baufume[z] frère, » ce dist Bertranz li ber,
995 « Por lou servisse que tu m'as presanté
« Te ferai d'avoir riche. »

977 uotrc — 980 coureront — 982 bers — 992 ce vers et le


suivant sont intervertis dans le ms., hernalt
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 35

XXVI

Des Sarrazins est remés li servises ;

Devent les vespres, en après les conplies,


L'aumaçorfs] ist de la mahomerie
iooo Et li barnages de la gent sarrazine.
Tunbent paien et saltent ces meschines
Por la grant feste de la gent sarrazine.
I sont monté en la sale perrine.

Cant o palais furent les tables mises,


ioo5 Si sont monté celle gent sarrazine,
L'eve demandent et au mengier assidrent,
Li aumaçors ou fauldesteul meïmes.
Oés que fist damoiselle Nubie:
Honques mais dame ne fut de si grand vide,
ioio porpanse
Si se d'une molt grant boidie;
Ans mais pucelle ne fist tel deverie.
Elle est montée en la sale perrine,
Mipart la presse de la gent sarrazine,
Vient a son père, si s'est a genolz mise.
ioi5 « Père, » dist elle, « ne vos en poist il mie,
« Je servirai de la boutillerie,
« Pour ceste feste qui si est haute et riche;
« C'iert grans honors de la gent sarrazine. »

L'aumaçor[s] Pot, si conmença a rire;


1020 Dist l'aumaçor[s] : « Je! voil bien, belle file. »

.III. fois la baisse, sor ses janbes Ta misse.


Deus por co
! fist ? que ne seit pas son vice,
Qu'ele lou vent et traïst et espie.
Par lou palais s'an torne la meschine,
1025 Mipart la presse de la gent sarrazine; f. ijo b
Une nef d'or a la pucelle prise,
Prist une bos, si l'a de vin anplie,

ioi5 Pères — 1019 arrire


36 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Puis s'an torna la cortoise meschine.


En une chanbre est antree Nubie,
io3o Ne Pi sot honques hons de mère qui vive.
L[e]anz destranpe et herbes et oblie
Et en après i mist de la tubie :

Hons qui la boive ne puet longement vivre,


Se maintenant n'est faite la mecine.
io35 Puis lou repost, so mist en une tine.
Aymeris sire, ce plait ne seis tu mie.
Hermengart dame, la pros et la nobile,
Deus! ques honors et quel joie t'avive,
Et toi et ton lignage !

XXVII

1040 La gentis dame destranpa les poissons


En la nef d'or, c'onques nel vit nus hons,
Et en la tine la porta contremont,
Si l'i portèrent dui Sarrazin félon
En mi la sale ou li Sarrazin sont ;

1045 Et la pucelle les servit a bandon.


Primes an porte son père Taumaçor :

Devent la table se mist a genoillons,


En une cope lou geta a foisson....
Aval la table a force et a bandon.
io5o Et la pucelle molt bien les an semont,
Si lor porta antor et environ.
« Buvés, seignor, assés vos en dorons ;

« Gan cist faldra, autre raporterons. »

Trestuit an burent, escuier et garçon


io55 Et chevalier et sergent et jeldon
Et nés la guaite qu'est an la tor amont :

1029 en est — 1002 lubie — 1048 il manque ici un vers


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 3j

Puis ne cornast pour tout l'or de cest mont.


N'alissiés pas une lance a paon,
Si furent si andormi li glouton,
1060 Par lou palais, sus l'erbier frès con jon,
Et qui a dans et qui a sovignons ;

Honques la remut talon,


nuit n'i out
Bliaut de paille ne hermin peliçon ;

Bien lor remanbre de la gent Faraon.


io65 Voit lou Agaie, s'an rit s[o]us son manton,
Grant joie moine des Sarrazins félons,
C'andormi sont contreval lou donjon, f. 170c
Fors de la sale en issit a bandon,
Dec'a la chartre n'i fist arestison,

1070 Si deferma l'uisselet a bandon,


Tos .iij. les contes en a mis a raisson :

« Seignor, » dist elle, « issiés ça fors a nos. »


Et respondent « A Deu beneïçon »
il : !

Bertranz s'an ist et Guillelmes li proz


1075 Et Baufumés, il et Hernalz li rous :

Dec'a Nubie n'i ot arrestison.


Cortoisement l'an ont mis a raisson,
Et dist Bertranz « Dame, que volés vos?» :

Respont Nubie « Par ma foit, guaires prout.


:

1080 « Veoir vos velt mes père l'aumaçor[s] :

« N'i puis fin mètre c'an preigne reançon. »


« Dex! » dist Bertranz, « con mortel traïsson!
« Ja nule feme ne doit avoir pardon
« En cest siècle n'en autre. »

XXVIII

io85 Et dist Nubie « Venés .j. poi avent.


:

« Je ne suis mie des traïtors de Frans :

1060 lerbe — - 1077 a mis — 1080 pères — 1086 frant


38 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« An Deu m'en fi, lou glorios puissant ;

« Fors serois mis ansois lou jau chantent. »


Dist Hernalz « Dame, vos nos aies gabant.
:

1090 « Délivrés nos, vos vient a talant,


s'il

« Ou tost me dites que n'an ferés noiant ;

« Que, par l'apostre que quierent peneant,


« Sanpres orés parler d'autre romant.
« Miolz voil morir a honor maintenant

1095 « Que ja mais entre en cel chartre leans. »

Il tint s'espee, si la va paumoiant:

Avis li est, qui lou va regardant,


Que li visages li voist tos esprenant
Et li diables li voist o cors entrent.
1 100 Voit lou Guillelmes, si Ta mostré Bertran :

« Biaus niés, » dist il, « mes freire a maltalant;


« Ja iert diables s'il se vait aïrant. »

Dont rit Nubie, s'ait anbracié Bertran.


« Sire, » dist elle, « mués vos est li sens.
1 io5 « Or me suiez tost et inellement,
« Mosterrai vos de la paiene gent,
« Con sont balit en cel palais leans.
« Jes ai servis do vin et do pimant,
« Ses ai batus san fust et sans vergent; f. 170 d
1 1 10 « Ne sevent dire ne tiois ne romant,
« Ne pies ne bras il ne vont remuant. »
Par la main destre prist Nubie Bertran,
Si s'an torna el prumier chief devent.
O palais monte les degrés maintenant;
1 1 1 5 Bertranz l'adestre, il et Hernalz li blans,
Li cuens Guillelmes la vait daiers siugant,
Et Baufumés qui est pros et vaillanz.
Ou palais monte tost et inellement,
Por veoir les mervailles.

1089 hernalt — 1 101 freires — 1 1 17 vaillant — 1 1 18 mellement


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 39

XXIX

1 120 La dame monte en la sale entailliefe]


Tos les degrés qui furent fait de piere ;

Bertranz l'adestre et Hernalz li poigniere,


Li cuens Guillelmes la vait siuvant daieres,
Et tint l'espee qu'il amat et tint chiere;
1 125 Forment redoute celle gent patonniere.
Cil Baufumés qui n'estoit pas boisiere
Se mist devent, en sa main tint .j. cierge,
Dec'a la sale honques ne s'atargierent.
Des andormis fut la sale jonchie[e],
i i3o Dorment et ronchent et [molt] font laide chiere;
L'aumaçor[s] ot a son chief une piere.
Nostre François en font molt bone chiere;
Nubie apelle dant Hernalt lou poigniere,
L'oncle Bertran, Guillelme Bracefiere,
1 1 35 Et dist la dameEsgardés quel maisniefe].
: «

« Que vos en sanble, por Deu et por saint Piere?


« Mahomez ait andormi sa maisniefe],
« C'est por sa feste qui si est halte et fiere. »
Dist Hernalz : « Dame, bien estes ansignie[e].
1 140 « Mes niés Bertranz ja vos a fianciefe] ;

« Por soe amor vos avrons tuit plus chiere,


« Si vos prendra, se Deu plaist et saint Piere,
Conques ne fut tel dame. »

XXX

Or est Nubie la desore el palais :

1 145 De telle dame n'orés parler ja mais.

1 122 poigneres — 1 126 boisieres — 1 1 36 et por d. s. p.


40 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Il n'estoit mie de chaville ne d'ais,

Ans fut a or et a bericles fais


Et li piler qui sostenent lou fais
Qui tient la voste que contreval n'abaist.
1 1 5o Et cil qui dorment n'avilleront ja mais :

N'availleroient por Fonor de Beauvais, f. iy i a


Ques tueroit de fus et de jamais.
La gentis dame nel mist pas an balais :

Vint au trésor, froissa lou chaienais,


1 1 55 Tant en a trais de besans equifars
Nés portast mie .j. mul[s] a .inj. fais,
De l'autre avoir plus que dire ne sai :

Tant i ot pailles et garnemens et dras,


Mien esciant, nel portassent .xx. char.
1 160 « Deus! » dist Hernalz, « con grant avoir ci a!

« Gloriox Père ki lou mont estoras,


« Ans tant n'en ot li fors rois Golias ! »
Et dist Guillelmes : « Or poés oïr gas :

« Ne cuidai pas c'au sicle tant en ait. »

n 65 « Deus,» dist Bertranz,«sainzAndreusdePautras!


« Se ge tenoie Guielin et Guichart,
« Bovon lou prout et Guarin lou gaillart
« Et Aymeri et mon père Bernart
« Et Vivi[i]en a la hardie char,
1 170 « Voir se tenoie lou lignage gaillart,
« Ne vuideroie mais de[s] mois cel palais,
« Ans lou tenroie quite. »

XXXI

Va s'an Nubie, que ne volt plus ester;

1148 il manque sans doute un vers après celui-ci-— 11 52 de


grans maus —
n 56 fois —
11 63 beau gas 11 65 saint andeu'—
— 1 169 cher
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 41

Lou grant avoir la dame i ot trové;


1 175 L'autre avoir laisse, point n'an volt remuer,
Qu'elle cuidoit o pais restorner;
.1111. somiers en a fait atroser.
An une croûte s'en antre Baufumés ;

.IÏII. destriers a molt tost anselés,


1 180 .1. palefroit richement acesmé.

Bertranz s'armait et Guillelme au cor neis,


Ansanble [o aus] Hernalz li vielfz] barbés;
Vestent haubers, lacent hiames gemés,
Çaignent espees a lor senestre lés,
1 1 85 Montent en selles de [s] destriers sejornés,
A lor cos gietent les fors escus listés,
Et en lor poinz les rois espiés quarrés,
A .nj. confanons fermés
clos d'or les ;

Passent la rue de la bone cité.


1190 La gentis dame ait prumerain parlé,
O voit Bertran si Tan a apelé :

« Entendes moi, franc chevalier manbré if.ijib


« Trestout lou miolz i avons oblie.
« Cest aumaçor, qui l'an poroit porter

1195 « Par lui avroit quite ceste cité


« Et lou pais avoc et lou rené

« Et les grans rantes qui vien[en]t de la mer. »

Et dist Bertranz « Vos dites vérité.


:

« Qui l'i laira tôt lou confonde Dés. »


1200 Aieres torne li vasas aduréfs],
Sor son destrier, de ses armes armés ;

A pié descent do destrier abrivé,


Ou palais monte les maberins degrés,
Dec'au palais ne s'i est arestés ;

i2o5 L'aumaçor trove par delés .j. piler,


Ou si ronchoit con se fust .j. sanglerfs] ;

Par les .ij. bras lou prist Hernalz li ber,

1
1
78 antre] aubre — r 1 80 acesmes — 1 1 86 lors — 1 1 89 cites —
1202 do dedestrier
42 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Et par les janbes Bertranz li bacheler[s] :

Si fut pesans no porent remuer ;

1 2 1 o Li cuens Guillelmes lou prist par les costés,


Molt a grant poine l'ont do palais geté ;

I l'avalèrent contreval les degrés


A molt somier trosé
grant poine sor .j. :

An travers fut en guisse de sangler.


121 5 Puis remontèrent aus destriers sejornés;
L'aumaçor covrent d'un paille d'outre mer,
Que ne lo voient Sarrazin et Escler ;

Puis ont saissis les espiés noielés.


Prumiers parlait Bertranz li bacheler[s],
1220 Et dist Bertranz « Franc chevalier manbré,
:

« Por l'amor Deu, de l'esploitier pansés ;

« Ja verrois roi a grant honor aler. »

La guaite dort, ne se pot remuer,


Que trop ot but do vin et do claré
1225 Et des poissons, dont il fut enchantés.
Passent la rue de la bone cité,
Par mi la rue prenent a cheminer ;

La gentis dame en aporte les clés,


Lou flael sache, fait la porte baer,
i23o Tos les somiers en ont devent getés.
N'i out mal pas ne haie ne fossés ;

Vers Salerie prenent a restorner;


Dex quel eschec en moinent!
!
f. iyi c

XXXII

Va s'an Bertranz, s'an moine la pucelle.


1235 Elle out vestu .j. paille de Biterne
Et afublee la chaspe de Palerne;

1212 il manque ici un vers— 1219 lou— 1227 se p. — 1232


arrestorner
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE ^3

Li chaperons l'an sist bien en la teste ;

Soef li anble li mules de Castelle.


Li cuens Bertranz la guia par la rené,
1240 II et Guillelmes et Hernalz li subperbes ;

A Baufumé firent chacier les bestes.


L'aamacor fut en travers sus la selle,
Ausin trosés conme sauvage beste,
Aval li pandent et les bras et la teste ;

1245 Li murs li anble, si ne li grieve guaires.


Oés, seignor, .j. poi de lor afaire :

Ans qu'Aymeris an seûst les novelies,


Lor avint il si granz deulfs] et si pesme[s] :

.1. jor sera qu'il perdront la pucelle,


i25o S'il ne la puent par barnaige conquere.
Vait s'an la nuis et li jor[z] lor deserre;
Li cuens Bertranz ot deslacié son helme,
Si regardôit vers lou pandant d'un tertre,
Si a veù .m. chevaliers as armes;

1255 Li sire en fut Galeri[i]ens de Perse,


S'aloit a Cordres por demander novelle[s],
A Taumaçor venoit sa fille querre.
Ne pot passer, que creûe fut l'aieve ;

Descendu furent, li cheval paissent l'erbe.


1260 Voit lou Bertranz, ses oncles en apelle :

« Chevaliers voi, mais quel gent puent estre?


— Si m'aïst Deus, » dist Hernalz li susperbes,
« Chevalier sont, bien pert a lor afaire.
— Sire Bertranz, » dist Nubie la be[lle],
1265 « Por vostre amor ai tant poine soferte !

« Hui vos perdrai, frans chevaliers honestes. »


Et dist Bertranz : « Ne t'amaier, sor belle.
« Ne vos faldrai por les menbres a perdre.
— Ne ge, par foit, » ce dist li cuens Guillermes.

1240 II est et — 1247 Ans ques ay. — 1248 grant — 1259


descendus
44 L A PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

1270 — Si m'aïst Dex, » dist Hernalz li susperbes,


« Ançois verrai par mes pies ma boelle
« Que par moi soit guerpie. »

XXXIII

Li gentil conte descendirent a pié,


Ilnellement recenglent lor destriers;
1275 Puis remonta chascons par son estrier. f.ijid
Cant li baron furent aparaillié,
Deus con il furent et corageus et fier!
!

Ans Deus ne fist Sarrazins et paiens,


Se plus estoient ou do doble ou do tiers,
1280 Que il doutassent vaillisant .j. denier.
Et dist Bertranz « Gentil franc chevalier,
:

« Por l'amor Deu bellement chevalchiés.

« Je vois savoir a aus et acointier


« Qui les conduit, qui en est cheveciers. »

1 285 Et dist Guillelmes « Or en pansés, beaus niés. »


:

Et dist Bertranz « De grés et volantiers. »


:

Li cuens Bertranz ne s'i volt atargier,


Lou destrier broche des espérons d'or mier;
Desi c'a l'aiguë ne se volt atargier.
1290 Li cuens Bertranz par fist molt a prisier;
En l'aive fiert enfresi c'au poitrier.
Paien lo voient, tuit saillirent an pies.
Li cuens Bertranz lor conmence a huchier :

« Voir, quex gent estes? gardés no me noier. »

1295 Li Sarrazins fut bien enromenciés :

« Par Mahomet, j'ai nom Galeri[i]ens ;

« Rois suis de Perse, l'onor a moi afiert.

a Ques gent sont ce qui vienent la deriers?

1274 lors — 1279 nestoient — 1281 gentis — 1291 enfrefi


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 45

« Que grant avoir voi trosé sor somiers;


i3oo « Quist cest[e] dame? garde no me noier,
« Ke bien li siet li chaperons ou chief ;

« N'est pas vilaine, bien pert au chevalchier ;

« Tu Tas anblee, ce n'est pas ta moillier.


— Si m'aïst Dex, » dist Bertranz li guerriers,
i 3o5 t N'an quier voir dire ne estre mançongiers :

« A l'aumaçor ai esté soldoiers;


« Tant m'a doné servi l'ai volantiers.
<( Or m'en voirai en France repairier,
« A Salerie car il prisent l'autrier.
i 3 10 « Gentis hons, sire, les gués nos anseigniés,
« Si passerai, que ge voil esploitier,
« Car li sejors ne m'i avroit mestier.
— Par Mahomet, » ce dist Galeri[i]ens,
« Ne pues passer sans mortel anconbrier.
i 3 1 5 (« Fil a putain, licheor pautonnier,
« Bien a .nj. jors que vos fis espi[i]er. f. i~2 a
« Ça me lairés l'avoir et la moillier
« Et l'aumaçor, mar l'avés enchargié. »)
Cant out Bertranz que cil l'ot defi[i]é,
i32o Guenchist la raine, s'ait les gués essaiez;
Il s'an torna, nel prisa .j. denier,
Dec'a sa gent ne se volt atargier.
Et dist Guillelmes : « Qu'en avés fait, biaus niés?
« Au Sarrazin avés asés tancié;
1 325 « Oit t'i ai et chose[r] et noisie[r].
« Passerons i soit a mel soit a bien? »
Et dist Bertranz « Nanil voir, par mon chief, :

« Ans nos menacent des testes a tranchier;

« Mais ge nés pris la monte d'un denier.

i3oo Qui est — 1 3 1Dist p. m. ce d. g.


3 — 1 3 1 5- 1 8 ces quatre
vers ne sont pas ici à leur place; ils sont pris par anticipation aux
vv. 1
3 79-81, où le vers correspondant à 1 3 16 manque, et ils en
ont remplacé d'autres (cf. 1828) 1 3 1 5 licheors — — i3i6 après ce
vers le copiste a répété le vers précédent
46 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

i 33o « Grant est li eve et parfont sont li bié;


« N'i passeroie por tout l'or de sos ciel;
« Je crien de Cordes nos vingne destorbier. »
Dist Baufumés « Vez vos ci .j. santier
:

« Qui nos menra a cel chastelet viez,


1 33 5 « A celé tor qu'est haute vers lou ciel.
« Bien a .vij. ans n'i out trait ne lancié,
« Ne n'i esturent Sarrazin ne paien.
« Se la dedens esti[i]ons anbuchié,
« Por qu'eussiens a boivre et a mengier,
1340 « Venir poroit li secors de Peviers. »
Et dist la dame « Car ne vos esmaiez.
:

« Ancor ai ge .mj. simles antiers


Et .v. paons rostis et afaitiés
«

« Et plaine bous de [bon] vin trestout vies :

1345 « Tant con durra vos fera bauz et liez,


« Et en après mengerons les destriers,
« Les palefrois, les murs et les somiers. »
Dist Bertranz « Dame, molt faistes a prisier.
:

« Qui vos falra ja n'oit honor sos ciel. »

i35o Lou chamin laissent, sont antre ou santier,


Si chevalchoient vers lou chastelet viez.
De Cordes issent .mj c . chevalier,
Repairié ierent la nuit d'aichauguaitier,
Ne furent mie el palais au mengier.
1 355 Trestoute nuit ont après chevalchié,
Molt tost frapant tôt lou chamin plenier f. 172 b
Au matinet les ont tant aprochié
Bien i traissist a .ij. fois .j. archierfs].
Li cuens Bertranz les entendit prumierfs].
i36o « Seignor, » dist il, « gentil franc chevalier,
« Si m'aïst Dex, tuit sons a mort jugié.
« Oés quel force de Cordres qui nos vient ;

i33o bies —
i338 anbunchie — 1 33q Por coi e. — 1345 baut et
lie — 1346 mengera
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 47

« A grant mervaille nos vient or cist prumiers.


« Sainte Marie ! con mervaillox destrier !

1 365 « Con seroit riches co poroit gaagnier!


« Baufumés freire, chace avent ces somiers,
« Por nulle guisse garde nés i laissier,
« Desi que vairas lou meschief.
c'a tant
« Si m'aïst Dex, amis, jel ferai bien. »
1370 Dist Baufumés « Avrai ge lou destrier?
:

« So me donnés, bien iert [il] anploiez.


« Ancor ancui vos avrai ge mestier. »

Et dist Bertranz « Ja veez ne vos iert,


:

« Se Dex de glore lou me laist gaagnier. »

1 375 Devent les autres vint poignant li paiens :

Grafons ot nom et fut confano[ni]ers


Sor tos les autres, et fut et grans et fier[s].
A sa vois haute [lor] conmence a huchier :

« Fil a putain, licheor pautonnier,


i38o « Ca me lairés l'avoir et la moillier
« Et l'aumaçor, mar Pavés anchargié. »
Bertranz lou fiert, no laisse plus tancier,

Par mi lou cors li conduit son espié :

Tant con [lui] dure l'abat mort o santier.


1 385 Ans que li autre [i] fussent aprochié,
Ait Baufume[z] saissit lou bon destrier;
Il monta ens, ne se tint a l'estrier,

[Et] prist l'ecut qui estoit au paien,


Et puis a pris lo roit tranchant espié.
1390 A vois escrie : « Sainte Marie, aidiés !

« Por vostre amor me ferai baptisier,


« Mais que me gars de cest grant anconbrier. »
Et puis lou jor fut il tés chevaliers,
Trestout lou los en porta des paiens
1395 Por une joste faire.

1 365 gaugnier — i368meschies — 1374 gaugnier —1379 licheors



1384 Tant c. duit
48 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

XXXIV

Si bien lou fist Baufumés


Bertrans et !

Es vos Hernalt Guillelme poignant


et ;

[C]hascons rocist .j. paien maintenant, f. 172 c


[Paien] lo voient, si se vont atargent,
1400 [P]our lor pooir qu'il vont contratendant.
[D]'autre part fut li rois Galériens,
[S]or la riv[i]ere, a trestoute sa gent.
[Et] cil de Cordres ne s'atargent noiant :

[.I.] mesagier i envoient poignant,

1405 [C]ar il cremoient que ce ne fusse[nt] Franc.


[I]l s'an torna a esperon brochant;

[De]si a l'eve n'i out arrestement,


[E]s gués se fiert dec'au poitriau devent.
[Paien] lou voient, dresce[nt] se en estant,
1410 [L]i Sarrazins lor escrie forment :

[« Quejlle gent estes? ne me celés noiant. »


Li Sarrazins respont cortoisement :

[« Par] Mahomet, j'ai nom Galériens,


Rois suis de Perse, l'onors a moi apent.
«

141 5 Ques gent sont ce que vos aies chacent?


«

« Molt vos avront hui mené laidement.

« Sovent [i] joste cil a ce cheval blanc


« Et cil au sor ne l'an redoit nient. »

Cil respont « Sire, par Mahom, ce sont Franc.


:

1420 « Eschapé sont de Cordres voirement,


« Nubie en moinent, au gent cors avenant,
« Et l'aumaçor par lor enchantement. »

Li paiens l'ot, a poi ne pert lou sens.


« Par Mahomet, » ce dist Galériens,

1425 « Se c'est Nubie, or me va malement.

1407 Fève] loic — 1408 En — 1410 lors— 1421 avenant] voi-


rement
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 49

« Fait en avoie tôt mon atornement :

« Je la preïsse a moillier maintenant.


« Poigniés après, franc chevalier vaillant,
« Que ne s'an aillent li pautonnier gabant.
1430 « Je m'en irai lonc la rive devent,
« Se puis passer, je lor serai devent. »

Cil fut molt liés cant oï lou romans ;

Aus suens lou nonce tost et inellement.


Lors derangierent Sarrazin tuit d'un renc,
1435 Par mi .j. val les vont estroit menant.
Çovent i fiert li palazins Bertranz,
[I]l et Guillelmes et dans Hernalz li blans

Baufumés qui fut pros et vaillanz;


[Et]
.C. en ont mors as espees tranchans.
1 440 Tant crut la force des Turs et des Persans f.ij2d
Que lés la roche les vont estroit menant;
Puis ne josta chevalierfs] por gaaing.
Nubie tient la corgie tranchant,
Devent lui vait tos les somiers chachant ;

1445 Dec'au chastel les en moine bâtant.


En la tor monte tost et inellement,
Et mist sa teste a la fenestre au vent,
Et vit François foïr tant gentilment.
Devent la porte ot .j. poi de pendent,
1450 Illoc trestorne li palazins Bertranz;
Fiert .j. paien sor son hiame luissant,
Desi qu'es dens lou vait tôt porfandant,
Estort son cop, mort l'abati sanglant.
Paien lou voient, si en furent dolant;
1455 .XV. l'an fièrent sor son escut devent.
Dont s'agenoille li bons chevals baucenz.
Ja i fust pris li palazins Bertranz,
Gant vint Hernalz et Guillelmes poignant;

1438 vaillant — 1440 pcrsant — 1447 Et si m. — 1456 bau-


cent
50 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

So secorurent as espees tranchans,


1460 Et Baufumés qui fut pros et vaillans.
Chascons ocist .j. paien maintenant.
Tant crut la force des Tur[s] et de[s] Persans,
Dec'au chastel les en moinent bâtant ;

En la tor montent tost et inellement.


1465 Atant es vos lo roi Galérien
D'autre part sor la rive.

XXXV

Or sont François enclos ens el chastel,

En la tor vies qui fut do tens Abel.


Aiguë la clost, antor i a rosel ;

1470 Honques au fere n'ot maçon ne martel :

Berit la fîst et Balzebu d'anfer.


De mabre bis furent tuit li quarrel,
Toutes les vostes a or et a pinel,
A plom fondu furent li galonel.
1475 Devent la porte ot creùt .j. ormel
Et d'autre par .j. oreis pinel ;

Une fontaine i sort par .j. tuël.


Ans Dex ne fîst malade ne mesel,
S'il en buvoit .nj. fois en.j. vaisel,

1480 Qui ne refust trestos sains en sa pel.


Mais Sarrazins n'i puet avoir convers,
Tant i out bos et colovres et vers. f. iy3 a
La tor est halte do trait a .j. quarrel,
Lor nis i font cornailles et corbel.

1 le ms.— 1469 a. et
459-1 461 ces trois vers sont intervertis dans
a — 1471 Thierit —
1473 uostres —
1476 le mot oreis doit être
une faute du copiste, mais nous ne voyons pas de correction assu-
rée, peut-être : .j. lor et .j. pinel —
1484 Lors, oisels
5

LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 5l

1485 Et alondresles, moisson et estornel.


Li cuens Bertranz i a pris son herberc,
Il et Guilliaumes et Hernalz li depers

Et Baufumés qui est gentis convers.


Mais n'ont de pain que .iiij. a buletel
1490 Et .v. paons et de vin plain boucel :

Ce fut molt poi por maintenir chastel ;

Paien nel prisent lou manche d'un costel.


Se cil n'en panse qui forma Daniel,
François sont près de mervaillox désert,
1495 Que Sarrazin les asaillent de près.
Cil se defandent qui sont fel et engrès.
Diënt paien : « Par mon chief, or est lait.
« Issiés ça fors, si ferés a nos plait,
« Si nos randés la tor et lou chastel. »
i5oo Et dist Bertranz : « Je vos chiere o musel! »

Et dist Hernalz « Ans passera ivers


:

« Que nos randons la tor ne lou chastel,


« Ans en vairai de paiens tel masel,
« Devent la porte plus de .vij c envers. .

1 5o5 — Deus » dist Hernalz, « con suis vers toi forfais


! !

« S'i te plaist, sire, fai me de mort confès,


« Moi Guillelme et Bertran lou donzel,
et
« Dame Nubie, qui lou cors a apert. »

Nubie fut la desore el chastel,


1 5 10 Pieres petites lor getoit de travers.
Voit lou Bertranz, mervailles li fut bel,
Il jure Deu et lou cors saint Lanbert :

« Miolz en voil estre demanbrés conme cerf


« Ja Sarrazins vos ait an son convers
1 5 1 « A nul jor de ma vie. »

1485 moissons — 1487 villîaume — 1497 Disent —


i5oo omusel
refait de oniusel (ontusel ?). Ce vers n'est pas clair; on pourrait
songer, en corrigeant chicrc, à une interprétation grossière —
i5oi parera —
i5i? cers
52 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

XXXVI

Or sont François assis el chasteler,


En de grant antiquité.
la tor viez
Cil les asaillent qui nés puent amer :

Pieres poignas ça fors lor font voler,


1 520 Si les abatent an biés et en fossés.
Diënt paien : « Malement sons mené.
« Hait sont li mur et parfont li fosé :

« Mal soit des âmes qui ci les laissont tés !

« A grant domage nos iert hui atorné. »f. ij3b


1 525 Aieres traient, s'est li asalz remés.
Oés, seignor, con lor est ancontré,
Quelle aventure pechiéfs] lor a doné,
C'avint nos contes, les chevaliers manbrés.
Atant es vos .j. cerf tôt abrivé :

i53o Grans fut et hais, parcreûs et levés,


.XI III. rains ot [sus] lou chief fermé[s].
.1. lous l'anchauce co voloit afoler;
Desi c'a l'aieve l'a si estroit mené
Qu'il ne se pot guenchir ne trestorner;
1 5 35 Voiant paien s'estoit férus es gués :

I lou sot bien, sovent i a passé,


Outre s'an passe et li lous est remeis :

Por Sarrazin avent n'osait aler.


Galeri[i]ens conmence a escriër :

i 540 « Par Mahomet, vez ci mervaillox gués. »

Ens se ferirent Sarrazin et Escler,


Dec'a la tor vienent tuit abrivé.
Ja riert l'asalz mervaillos et mortes,
Paien asaillent, li glouton defaé.
1 545 Galeri[i]ens conmence a escriër,
Et s'en apelle Guillelme au cor neis :

1 543 lasalt
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 53

« Ber, car me rent Nubie o lo vis cler


Et l'aumaçor qu'en avés aporté
« :

« Je vos lairai en vos pais râler. »

i55o Et dist Hernalz « En pardon en parlés;


:

« Ansois avrois lou chief do bu sevré.

— Sire Bertranz, » dist Nubie a vis cler,


« C'est .j. traître que la fors oi parler :

« Por nulle chose garde ne t'i fier.

1 5 5 5 « Se ge cuideve que Fausses pansé,


« Mais ne gerroies lés mon destre costé ;

« La grans amors que ge t'ai presanté


« Sanpres seroit partie. »

XXXVII

Quant ot Bertranz, si regarda en hait


i 56o Et voit Nubie ester aus fenestraus.
« Dame, » dist il, « con avés lou cuer balt !

« Dex me confonde, se ja mes cors vos fait.

« Ja ceste tor n'iert prise par asaut :

« Elle est bien faite et d'araine et de chauz.


i 5 65 « Por pou se poinent, que noiant ne lor valt. »
[B]aufumés monte desor ou chaïfaut, f. ij3c
[E]n sa main tient .ij. grans pieres poignals,
[L]'une en geta, si fiert .j. paien cauf,
[Que] par les iolz la cervelle li saut,
i 5 70 [Et] l'abat mort o fossé contreval,
[Lou] chief o fane, les janbes contreval.
[Dlist Bafumés : « Or serés parigal.
« [Njos vos dorons de la vie mortal. »
[D]on rit Guillelmes, il et li cuens Hernalz,
1 575 [Et] dist Bertranz « Pros estes et loias,
:

« [S]ans nulle vilonie. »

1547 Buer —
i55o pardons — 1 5 5 3 traîtres — i55j Les — t 558
seroient parties —
1 568 sauf — 1 5y3 vers inintelligible
54 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

XXXVIII

Quant Baufumés ot ocis lou gloton,


Et abatu ens o fossé au fons,
Li cuens Guillelmes trova .j. chavi-ron
1 58o Qui [la] en une vies maixon
estoit :

Entr'as l'ont pris, sel portent contremont,


Tout la desore o maistre chastillon;
Puis lou levèrent trestuit .nj. li baron,
Aval lou gietent tuit .nj. de tel randon
1 585 .XX. en abatent ça defors sor lou pont.
Dist Balfumés « Asailliés de randon,
:

« Nos vos dorons sovent de tés poissonfs]. »

Galeri[i]ens les a mis a raisson


Et sin apelle Guillelme lou baron :

1590 « Ber, car me rent Nubie et Taumaçor ;

« Lou grant avoir quitevos clameron. »

Et dist Bertranz : « Par mon chief no ferons. »


Et dist Guillelmes : « Tu es filz a baron.
« Qui se randra, ja Deu[s] bien ne li dont. »

1595 « Sire Bertranz, » dist Nubie la pros,


« Ne t'amaier, gentil[z] filz a baron.
« Li cuers me dit et vient en avisson,
« Je l'ai trové en .j. sort de Mahon :

« De Salerie est issus .j. secors,


1600 « .III m François au[s] vers hiames roonz.
.

a Tuit estes mort, paien ouvert gloton :

« N'en porterés les vies. »

XXXIX

Paien asaillent a force et a pooir.


A vois escrie Galeri[i]ens li rois :

1600 roont — 1601 cuuers


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 55

i6o5 « Sire Guillelmes, hei car parlés a moi,!

« Si me randés Nubie au cors cortois


« Et l'aumaçor, si soit vostre l'avoir[s]. y>
f. iy3 d
Et dist Guillelmes « No ferai, par ma: foi,

« Ans en venra o nos a Nerbonois,

1610 « Si guerpira toute la vostre loi


« Et croiera Deu, qui est et sire et voirs. »
Dist li paiens « Nel fera, par ma loi;
:

« Mais randés moi Nubie au cors cortois. »


Et dist Bertranz « Nel ferai, par ma foi.
:

161 5 « Ja mais Nubie ne partira de moi,

« Ans s'an venra a moi en Nerbonois,

« Si guerpira toute la vostre loi


« Et servira Deu, qui est v[e]rais rois,
« Si la prendrai tout a la nostre loi :

1620 « Li anels d'or li iere mis o doi,


« Que'ge Fai afiée. »

XL
Dist li paiens : « A ! l'as tu dont plevie ?

« La ves tu prendre et torner a ta guisse ?

« Se tu lou fais, je lou tien a folie.

1625 « Oeis, » dist il, « damoiselle Nubie.


« Por c'avés vos la nostre loi guerpie?
« Ja Mahomez nen iert [mais] vostre sire,
« De nostre joie n'avrés vos ja mais mie.
« Tout autel fist [et] la belle Agalie,
i63o « Tout antre lui et dame Esclabonie :

« Prisent Monbran et paiens i ocisent.


« Molt par an putain se fie. »
est fos qui
La dame l'ot, si respont par grant ire :

« Ahi! » dist elle, « fel viel[z], barbe porrie,

1 635 « Maldite soit la vostre conpaignie!

1627 sires — i633 ires


56 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Certes por vos ai ge Cordres guerpie :

an trestoute ma vie;
« N'i rentrerai
« Mais ge
Deu, lou fil sainte Marie,
pri
« Que j'ancor t'aie an la moie baillie :

1640 « Si avrai ge, ne puet remanoir mie. »


Andemantiers que il se contralient
L'uns anvers l'autre, qu'i ne [regardent mie,
.III m François issent de Salerie.
.

As blans haubers et aus targes florie[s],


1645 Qui revenoient au main devers Sebille.
Par devers Cordres virent venir lor spie,
Ancontre vont, qu'i ne se targent mie,
Si li demandent : « Don venés vos, biaus sire If. 174 a
— Je vien de Cordres, celle cité garnie.
i65o « Je vos di bien, si m'aïst Nostre Sire,
« Que
Sarrazin sont issut de la ville,
« François destraignent en une tor antie. »

Cant cil l'amendent, s'ont lor renés guerpies,


Les esclos tenent que [li] paien i fissent,
1655 Et dec'a Cordres ne cessent ne ne finent.
A mie nuit, cant la nuit fut brunie,
Lor aguait misent en .j. bruillet d'olive.
Tant i esturent que sonee fut prime,
Et la pecune fut issue de la ville,
1660 Que bues que vaques que chevas que ronsinefs],
Chamois et ânes et chievrefs] et genices.
Nostre François ont la proie acoillie,
Devent la porte ont « Monjoie » ebaldie.
Li Sarrazin ont serrée la ville,
1 665 La haute tor et lou palais porprisent :

N'en issist nus por a perdre la vie.


Nostre François ont lor voie acoillie :

Les esclos trovent, après paiens se misent.

1046 lorspie, s ajoutée au-dessus de la ligne — 1649 cites —


1661 roncines, répété du vers précédent i6G5 — porprimes —
1668 la fin de la laisse manque
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 57

XLI

Nostre François ont les esclos trovés,


1670 Et les ferrés des destriers sejornés.
Voit lou dus Naimes, s'ot Girbert apelé :

« Freire, » dist il, « ci ont paien passé.

« Ancor n'a guaires puis qu'il fut ajorné.


— Sire, » dist il, « ge l'avoie enpansé;
i6j5 « Ja bon[s] consailfz] ne doit estre celés. »

Et dist Baldus, li rois de Balegués :

« Si m'aïst Dex, bon lou vos sai doner.


« Or me chargiés .m. chevaliers armés,
« Et je irai veoir et esgarder
1680 « Se puis païens veoir ne ancontrer.
« Et tuit cil autre feront la proie moner.
« Manrai les .m. coiement a celé
« Entre dous tertres par mi cel val ramé.
« Se puis paiens veoir ne esgarder,
1 685 «Ancui seront a martire livré. »
Et dist dus Naimes « Gentis estes : et ber.
« De convers n'oïmes mais chanter
tel :

« Beur soit de Tore que tu fus honques né [s] » !

Lors deranja Wivi[i]en[s] l'aloséfs], f. 174 b


1690 Gerarz de Blaives et li cuens Aymer[s],
Et la jovente des ligicrs bachelerfs].
.M. chevaliers an font devent aler
Et les .ij m laissent la proie moner.
.

Li rois Baldus conduit ceaus a celé


1695 Entre dous tertre[s], par mi .j. val ramé.
Tant chevalchierent a force et a barné,
Gardent sor destre, voient lou chasteler
Et la tor viez de grant antiquité.

1671 nailmes set gilrbcrt — 1682 celer — i685 liures — 1690


Gerart, lou conte
58 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Devent la porte oient Tasalt livrer :

1700 Ceus de fuers traire et la dedens geter,


Et les uns braire et les autres crier.
Ja lor dut trop li secors demorer,
Que Sarrazin sont antre an fossés,
Si ont les murs en .nj. leus es[f]rondés
1705 Et par la fraite sont el chastel antre.
Dex con grans
! cos i dona Baufumés,
Bertranz li cuens et Hernalz li sanés
Et dan[s] Guillelmes li chevaliers manbrés !

Oés, seignor, con lor est ancontré.


1710 Si con il durent ens el chastel antrer,
Defeurs la porte laissierent Baufumé.
Paien lou prenent par flans et par costés
Et par les las do vert hiaume gemé
Et par les pens do blanc hauberc safré :

17 5 Volsist
1 ou non, si l'an ont fors mené,
Galeri[i]en, lor seignor, l'ont livré,
Et cil lou fist devent lui desarmer.
Qui dont oïst lou cortois Baufumé
Batre ses paumes et ses chavox tirer :

1720 « Si voirement conme fis por toi, Dex,


« Ne me laissiés a ma loi restorner! »
Les bons destriers ot repont Baufumés
En une crote de vielle antiquité ;

Li Sarrazin ont les somiers trovés,


1 72D Par mi la porte les en ont fors getés;
Lou grant avoir avoient destrosé,
L'aumaçor ont a la tere possé.
Paien lo voient, celle part sont aie,
Celle part corent, s'est li asalz remés.
1730 [G]aleri[i]en[s] conmence a [esjcriër : f.ij4c

1 700-1 701 nous avons corrigé ainsi ces deux vers très corrompus
dans le ms. : Desous de fuers dedens geter Ja lun braire
traire et la
et lautre crier — 1707 contes 171— baufumés 1 1724 Les — —
1726 en auoient — 1728 Paien refait de François
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 5o,

« [A]umaçor[s] sire, por Mahom car parlés! a

[N]e puet la bouche movoir ne remuer,


[M]ais non por tant i les entent assés.
[A]tant es vos .j. paien, Maloré :

1735 Vielz fut et blans, .ccc. ans ot passés.


En sa borse ot .j. herbe mecinel :

Deus ne fist home tant soit a mort navréfs],


Se cil qui Ta se poïst tant haster
Qu'i l'en aùst an la boche colé,

1 740 Ne li feïst l'ame el cors restorner.


I la cort prendre, si la cort peteler.
A l'aumaçor est molt tost restornés,
Dedens la bouche l'an a .j. poi colé;
Puis qu'il en out lou col aval passé,
1745 Si fut il tos guairis et respasséfs].
En son' séant a l'aumaçor levé,
Ovre les iolz, s'a paiens resgardés.
« Baron, » dist il, « qui m'a ci amoné? »
Dient paien « Tos estes anchantés
:
;

1750 « Li vif diable vos i ont aporté.

« C'a fait Nubie, ta fille o lou vis cler,

« Ta chiere fille que tu dois tant amer :

« Tos tes François a de prison geté,


« Ton grant avoir en ont ci aporté,

1755 « Ensanble ou aus avoient Baufumé,


« Mais nos l'avons par devers nos torné. »

Dist l'aumaçorfs] : « Servit m'avés an gré.


« Ou est Nubie? ça m'i faites paler. »
Dient paien « Maintenant la verés. »
:

1 760 Dec'a la tor l'ont conduit et guié ;

Li aumaçor[s] conmence a [esjcriér :

« Fille Nubie, quel plait m'avés moné?


« De grant avoir m'es a nient torné. »

1738 Que — 1739 coler — 1748 amones — 1750 vil — 1759


uereres
6o LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Cant la pucelle ot son père paler,


1765 « Sire, » dist elle, « qui vos a meciné?
« Li vif diable vos ont si repassé !

« Forment me poise de la vostre santé. »


L'aumaçorfs] Pot, a poi n'est forsanés.
« Oïl, » dist il, « dame pute jael ?
1770 « Se vos puis prenre, par Mahomet mon Dé,
« Je vos ferai tos les manbres coper, f. ij4 d
« A molt grant honte de la terre geter,
« Galeri[i]ens, frans rois, car an pansés :

« Je la te doing, s'an fai ta volante. »


1775 Cil prist lou gant, parfont Fa ancliné.
Inellement a fait ses gens armer,
Dec'a la tor en vient tos abrivés.
Ja rien Tasalz mervaillox et mortes.
Qui dont oïst la pucelle crier,
1780 Ses paumes batre chevos tirer!
et ses

Deus con [re]claime les grans vertus de Dé


! :

« Si voirement conme fis por toi, Dés,

« Ne me laissier a ma loi restorner :

« Miolz ain que ge m'ocie! »

XLII

1785 Li aumaçors a pris Galeri[i]en.


As Sarrazins ont fait Taçalt laissier,
Fors do chastel les en moinent a pié;
Unes grans forches font lever o gravier :

Anqui feront Baufumé ancro[i]er.


1790 I lou demande, on li amoine a piet.
« Vasal[s], » dist il, « estes vos chevaliers?
« Quel vif diable vos ont aparaillié?

1766 uis — 1774 fait, uolantcs — 1778 lasalt — 1779 dons —


1782 fist — 1786 ont] a —
1788 fait — 1789 baufumes —
1792
uis
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 6l

« Con mal i sont cist conrai anploié ! »

Dist Baufume[z] : « Si m'aïst Dex, mes bien :

1795 « Li cuens Guillelmes m'avoit aparaillié,


« Il etBertranz et Hernalz li guerriers,
« Et en après me feïssent grant bien,
« Mais ne puet estre, que Dex ne Ta jugié.
— Par Mahomet, » ce dist Galeri[i]ens,
1800 « Ans ne veïstes plus hardi chevalier,
« Ne qui miolz fiere de l'espee d'acier.
« Molt nos ait hui de nos paiens bleciés,
« A plus de .xx. en ait copé les chiés. »
Dist l'aumaçorfs] : « Je li cuit vendre chier.
i8o5 « A plus félon ne se pot acointier. »

Ilan apelle son chambellan Brehier


Et Mirabel et son dru Ali[i]en :

« Menés lou moi la jus en cel gravier :

• Pandus sera, ja trestorné nen iert. »

1810 Et respondent « Biau[s] sire, volantiers. »


cil :

Or vos dirai qu'il ont aparaillié.


I li bandèrent andous les iolz do chief,
f. iyS a
Daiers lou dos li ont les poins loié,
Desos les forches Tan ont mené a piet.
181 5 Se Deu[s] n'an panse, li gloriox do ciel,
Ja sera hui Baufumés ancro[i]és.
Qui dont veïst la pucelle crier,
Lo cuen Bertran plorer et gramoier :

« Baufumés frère, gentis frans chevalierfs],


1820 « Ton biau servisse as mont mal anploiet!
« Deu s] c'or nen ai Guibert et Wiviien,
!

« Bovon lou preut et Garin lou prisié !

« An lor conpaigne sont .ccc. chevalier :

« Plus n'en queroie a .xinj. miliers. »

1825 Endementiers qu'il avoit Deu proiet,


Li cuens Bertranz resgarde .j. poi aier

1816 On s. b. ancroees — 1817 Is d. — 1824 a] de


62 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Par son la pane de l'escut de cartier,


Et voit François richement chevalchier,
L/un[s] devent l'autre qui ains [ains] qui mielzmielz;
i83o Aubers frémir et escus de cartier,
Et ces ansaignes venteler vers lou ciel.

O voit ses oncles, dit lor a et noncié :

« Seignor, » dist il, « tuit sonmes forsjugié :

a Veez quel force de Cordres qui lor vient. »


1 83 5 Et dist Hernalz « Ce ne sont pas paien.
:

— Non, » dist Guillelmes, « ansois sont cresti[i]en,


« C'est li ansaigne mon nevo Wiviien.
— Deusî » dist Bertranz, « c'ornen ai mon destrier:
« Sanpres alasse Baufumé challangier. »
1840 Et dist la dame « Gentis frans chevalier[s],
:

« Vés qu'i lou volent ancontremont sachier.


— Dex, » dist Bertranz, « qui an crois fus dreciés,
« Maintien lou, sire, par la toe pitié !

« Je n'ai cheval, voir, si irai a piet. »


1845 Li gentis cuens avale lou planchier;
Lou chastel ont de tos sens recerchiet,
Ans n'i trovont palefroit ne somier.
Si con Deus volt et la vertus do ciel,

En une croste ont trové lor destriers,


i85o Ou Baufumés les avoit atachiés.
Montent li conte balt et joiant et liet,

A lor cos gietent les escus de cartier


Et en lor poins les rois tranchans espiés;
Par mi la porte s'an issent arouté. f. ij5b
1 85 5 Li cuen[s] Bertranz lor a pris a huchier :

« Fil a putain, gloton et pautonnier,


« Mar lou baillastes, par les anges do ciel !

« Deus, vos lou conparés chier.


Si m'aïst »

Lou destrier broche, va ferir lou prumier :

1829 miolz miolz — i83o frcmiscnt —


1840 franc — 1843 soe
pitics — 1849 lors — i852 lors — i853 lors
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 63

Par mi lou cors li conduit son espiet,


1860
Mort lou trabuche do bon corant destrier;
Et Hernalz l'autre et Guillelmes lou tiers.
Li cuens Bertranz lou chavoistre a tranchié
Et fiert celui c'amont l'avoit sachié :

1865 Desi qu'es dens li a fandut lou chief :

Estort son cop, et Baufumés li chiet.


Li cuens Guillelmes lou corut deloier,
Si li avale lou bandel jus do chief.
Desos les forches fut Baufumés a piet,
1870 Molt fut segurs, si [se] sent deloiet
Devent lui garde, vit jesir .j. levier :

D'une des forches estoit jus roognié^s].


A ses .ij. mains ait saissit lou levier,
Par maltalant antre paiens se fiert,
1875 Que plus de .xxx. en a si mehaigniés,
Mar soit de cel qui ja mais doit mangier.
Et li secors lor fut touz aprochiés :

Bien i traissist a .ij. fois .j. archierfs].


Paien les voient, molt an sont esmaié,
1880 An fuie tornent, a cheval et a piet.
Cil les enchaucent qui nés aiment de riens :

Grans cos lor donent des espees d'acier,


A plus de .m. ent ont copé les chiés.
A celle pointe fut pris Galeri[i]ens ;

1 885 François lou prisent, li baron chevalier.


Li aumaçors monta sor .j. destrier,
Car il cuidevet vers Cordres repairier;
François lou prisent, qui lou garderont bien.
Devent les autres vint poignant Wiviiens,
1890 Et voit Bertran, cuida qu'il fust paiens.
Li cuens Bertranz s'est vers lui aprochiés :

No refussast por tout Tor de sos ciel.

1872 roognier — 1876 Mas — 1877 tout ~~ *888 graderont


1892 cies
64 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Grans cos se donent es escus de carrier:


Fors haubers orent, nefs] porent desmaillier,
1895 Groses les lances, nés porent peçoier.
[A] icest cop se sont deschevalchiet f.iySc :

[N]es pot tenir ne cengles ne poitriers ;

[D]e sus les cropes s'anversent des destriers.


[I]lnellement resaillent sus an pies,
1900 [Ejspees traites, les escus enbraciés,
[G]ranz cos se donent sor les escus vergiés.
[SJanpres se fussent laidement anpirié,
[Cant] li dus Naimes les reconut prumierfs],
[A]s droites janbes et a Testroit chauciefr]
1905 [II] li escrie : « Que fai[s] tu, enragiés ?

« [D]eu enemis, ce est Bertranz tes niés.


— [N]o conoissoie, certes, » dist Wiviiens :

« D'armes des Turs estoit aparailliés. »


Li gentil conte se corurent baisier :

1910 Trestuit plorent de joie.

XLIII

Grant fut la joie, ja grignor ne varrés,


Cant François orent lor amis recovré,
Bertran lou conte et Hernalt lou sané.
Li cuens Guillelmes lor randi Baufumé.
191 5 « Seignor, » dist il, « grant honor li portés :

« [Que] par lui sonmes de prison eschapé

« Et par Nuibie, la belle o lou vis cler.


« Veez la vos en la tor principel :

« Il n'a si belle en la crestiënté. »

1920 La gentis dame avale les degrés :

1895 no — 1904 il manque un vers qui se terminait sans doute


par Viviien — 1908 Que des armes des turs —
1918 V. la u. lai
en, principes
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 65

Gent out lou cors et bien fait et mole,


Blanche la char con la flor en esté,
Vars otles oilz conme faulcon mué,
Mais que le vis ot .j. petit troblé,
1925 Por la grant poine que elle ot anduré,
La nuit vaillier et lou jor jeiïner;
Tant por la piere porter,
ot corut
Qu'elle donoit as François por giter
Seu garnement sont rout et depané.
1930 Par la main destre la prist Hernalz li ber,
Si la livrait dant Bernart lou barbé.
« Freire, » dist il, « grant honor li portés :

« Par lui sons nos de prison eschapé,


« Si li avons plevi et afié
1935 « Que la ferons dant Bertran espouser.
— Biausiilz Bertranz, diënt veritet? il

— Oïl voir, mar lou mescrerés.


sire, ja f.ij5d
« Je la prendrai, ja nen iert trestorné,
« Se Taumaçor[s] la me voloit doner. »
1940 Dist li paiens : « En pardon en parlés.
« Miolz me lairoie ocirre et demanbrer
« Que j'an feïsse la vostre volante,
« Tant con j'avrai a vivre. »

XLIV

Et dist Bernarz a la barbe florie :

194D « Biaus filz Bertranz, nel me celer tu mie.

« La veus tu prendre et torner a ta guisse?


— Oïl voir, père, nel vos cèlerai mie.
« Ans telle dame de vos ne veïstes iolz ;

« Je la prendrai, ne puet remanoir mie,

1923 faulcons mues — 1924 la char — 1930 bers — 1940


pardons — 1942 uolantes — 1945 bertrant

OF MiDlAi
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8T. NIICH
OOLLEQE

LlRHkRH
66 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

1950 « Se Faumaçor[s] ses père la m'otrie. »


Dist li Vos parlés de folie.
paiens : «
« Miolz medemanbrer et ocire
lairoie
« Ja ceste chose fust par moi assevie. »

Et dist Nubie « Père, ja mais ne dites.


:

1955 « Faites Bertran toute sa conmendise,


« Tandis con estes en la soe baillie ;

« Ou se ce non, li miens cors vos défie :

« De celle teste n'an porterés vos mie. »

L'aumaçorfs] l'ot, si conmança a dire :

i960 « Oïl, a dist il, « dame fille Nubie,


« Faire m'esteut la vostre conmandie,
« Tant con ge suis en la vostre baillie.
« Laissons ce plait desi a Salerie,
« A Aymeri a la barbe florie :

1965 « Au gentil conte iert la parolle quise,


« Par cui je iere de la prison délivres. »
Dient François « C'est molt bien que vos dites
:

« Preut i avrois, que vos n'i faldrois mies. »


Ans d'autre chose n'i ot parole quise :

1970 Baufumés monte en .j. mul de Sulie,


Si chevalchoit tôt devers Salerie,
A grant joie faissant.

XLV

Va s'an Bernarz, li cortois et li sages.


Nostre François de noient ne s'atargent
1975 A Salerie envoient .j. mesage
A Aymeri a la florie barbe,

1950 pères —
195 1 parler 1954 pères 1966 rere — 1971 — —
Sil — 1975 le ms. ajoute encore un vers après celui-ci : Et dans
h. et guill' envoient. 77 se rattache mal au précédent et offre, en
i

outre, une assonance fautive. Nous avons cru devoir l'omettre.


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 67

QuedansHernalzetGuillelmesrepairent:/. ij6a
Eschapé sont de Cordres sans ostage,
Lo roi Guibert i ont laissiet engage
1980 Dedens Sebille en une estrange marche ;

Li rois Judas a grant honor lou garde,


Vaillant denier ne li ose mal faire,
Car il redoutet Aymeri a la barbe,
Lou parenté et lou ruste lignage.
1985 Va s'an li mes, de noient ne se targe,
A Salerie en est venus en haste,
Aymeri trove en ses plus maistres sales.
Voit lou li mes, si li dist sans contraire :

« E[n] non Deu, cuens, je t'aport grant barnage


1990 « Et mervaillose joie. »

XLVI

Dans Aymeris ot lou mesage oï,


Inellement en est an pies saillis.
« Vasal[s], » dist il, « molt te voi efraï.
« Di ton mesage, nel me celer tu mie.
1995 — Sire, » dist il, « mervaille pues oïr,
« [Car] ja repaire dans Hernalz vostre fil[z],

« Li cuens Guillelmes et Bertranz li gentis :

« Eschapé sont de Cordres, Deu mercis.


« Nés l'aumaçor en amoinent il pris,
2000 « Galeri[i]en qui est rois des Persis,
« Et belle dame que Bertranz a conquis.
— Puet estre voirs? distli cuens Aymeris. »
— Sire, » dist nen ai mançonge apris.
il, «

— Et ou est [donc] rois Guiberz mes li filz?

20o5 — Dedens Sebille, .j. estrange pais.

1994 dit — 1996 dant — 2000 Galériens — 2004 guibert


68 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Lai l'ont mené Persan et Arrabi.


— Or prenons ces, cuens Aymeris,
» distli

« Et en après ferons de Guibert fin. »

La franche Agaie getait j. grief sospir . :

2010 Car el sepasme, ne se pot atenir,


Cant l'an redresce li cortois Aymeris.
Les iolz li baisse et la bouche et lou vis,
Deus ! tant gent la conforte !

XLVII

Dans Aymeris nel mist pas a sejor,


201 5 Ans est montés el destrier milsodor.
Agaie monte el mulet anbleor.
Par mi la ville s'armèrent li plusor.
Prumiers en ist dans Aymeris li proz, f. ijô b
Il et Agaie a la fresce color,

2020 Et chevalchierent tôt .j. chemin perrous


Lés la forés, lonc .j. pin flolleor :

Illeuc s'ancontrent li prince et li contor.


Aymeris baisse dant Bertran son nevot,
Après Guillelme, lui et Hernalt lou rous,
2025 Agaie point vers Nubie la pros,
Plus de .vij. fois la baisse par dolçor :

« Gentis pucelle, molt feïstes que pros,


« Cant vos tornastes a la geste Francor. »

Dist la pucelle « Ce fis ge tout por vos


:

2o3o « Et pour Bertran, ou ai mis mes amors;


« En nule terre n'a si chevalerous. »
Dans Aymeris demande Taumaçor :

L'an li amoine les prisons anbedous;


Con il le voient si s'umeliënt molt.
2o35 « Aymeris sire, » ce dist li aumaçors.

2006 persans et arrabis — 2028 gent — 2o3 1 En vnc — 2034 les v.


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 69

« Aiez mercis de cel las pecheor;


« Cist chaitif roi livré sont a dolor. »

Dist Aymeris : « Vos parlés de folor.


« Deu[s] me confonde do ciel hautisme autor,
2040 Se ne craez Jhesu lou gloriox,
«

« Se ne vos fais demanbrer anbedous. »


Vers Salerie se metent au restor;
Devent la salle descendent au desos ;

Galeri[i]en herbergent en la tor,


2045 Avoc Butor, sus en Festage autor.
Devent la sale descent li aumaçor[s];
Nostre François li portent grant honor,
Porla pucelle qui est gentis et pros,
Et por Bertran ques en a proies toz.
2o5o Hui mais conmence de la chançon la flor ;

S'est qui la die, honques n'oï mellor :

Si con Guibers istra feurs de prison


Et il ravra d'Espaigne les honors
Et sa moillier Agaie.

XLVIII

2o55 Grant fut la joie leans en Salerie :

On n'i ot telle puis qu'elle fut bastie


[N]e l'une piere sor l'autre fut assisse.
Dans Aymeris a la barbe florie
[Pri]stl'aumaçor par la manche de sigle; /. 176c
2060 [DJejostes aus sor .j. paille l'asidrent.
Gortoisementli anconmence adiré :

« [A]mis, beaufs] freire, car reçoif batestire.


« Mes niés Bertranz te demande ta fille :

« Va, done et trestout ton anpire.


si li

2065 « Se tu nou fais, ceu tien ge a folie,

2037 Cest — 2o5g siglcs — 2o65 nos


70 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Par Deu ou croi tu an perdras la vie. »


Dist l'aumaçorfs] « Mercit, Aymerissire!
:

« Ja suis je or an la vostre baillie,

« Bien me pores demanbrer et ocirre :

2070 « N'atant secors de nul home qui vive ;

« Lou mien consail ne lairé ne vos die :

« Faites .j. fons signier et beneïre,


« Que voirement recevrai batestire. »
Dient François « C'est molt bien que vos dites;
:

2075 « Prout i avrois, que vos n'i falrois mie. »


Ans d'autre chose n'i ot parole quise.
.1. arcevesque font.j. fons beneïre,

Si baptisierent l'aumaçor et sa fille

Et Baufumé qui fut pros et nobiles ;

2080 Mais que son nom ne li changierent mie,


Ans l'adoubèrent a la françoise guise :

Li cuens Bertranz li a Tespee çainte,


Puis li dona de sa cort la justice
Et en après toute sa menantie;
208 5 Et cil devint si pros et de tel vide
Que tuit l'ameve[n]t etli povre et li riche.
Au matinet, cant sonee fut prime,
Bertranz espouse damoiselle Nubie
D'un anel d'or ou ot dine[s] reliques,
2090 Ses ont saigniés soz .j. paille de Grice.
Do mostier issent cant fut la messe dite,
Et sont monté en la salle perrine ;

L'ai[v]e demandent, au mengier si s'asidrent.


Wiviiens sert de la boutillerie
2095 Et Aymer[s] de la paneterie,
Li cuens Guillelmes de la senechaucie.
Cant ont mangié cil chevalier nobile,
Jugleor chantent et viëlent et tinbrent.

2066 P. mon d. ou ge croi —


2079 baufumes — 2088 nublie —
2092 mote —
2098 Chantent jugleor
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 71

Dist l'uns a l'autre : « Dex con ! or somes riche !

2100 « S'ajostés iert dansGuibers a s'amie, f. i~6 d


« Ans n'euimes tel joie. »

XLIX

Grant fut la joie el palais seignori


Et li barnages au conte Naimeri.
La gentis dame nel mist pas en obli :

2 io5 En mi la sale fait geter .j. tapis


Et par desore .j. paille alixandrin;
Lou grant avoir fait devent lui venir,
Qu'elle amenait de Cordes la fort cit,

So departoit aus chevaliers gentis :

21 10 Cui mars, cui plate, cui orceul, cuibacin,


Cui candélabres, cui grant cope d'or fin.
L'uns dit a l'autre « [Deus î] quelle dame a ci
: !

« Buer soit de Tore qu'elle en cest sicle en vint!


« Par lui voira cest rené maintenir. »

2 1 1 5 Dans Aymeris nel mist pas en obli :

Il an apelle dant Guillelme son fil

Et Wiviien, Aïmer lou chaitif ;

A cel consail en ont mené Torpin.


[Ens] en la loge do palais seignori
2120 Li gentis cuens les ait a raisson mis :

« Seignor, » dist il, « franc chevalier gentil,


« Demain soiez apresté et garni,
« S'irons veoir a Cordes la fort cit
« Se cil dedens me volent recoillir :

2125 « Dedens métrai dan Bertran mon ami.


« Devers Sebille tornerai mon chemin,
« S'irai veoir dant Guibelin mon fil,

21 10 archeult que b. — 21 12 Lius a lautre d. — 2 121 frans


cheualiers gentis — 2127 guibert
72 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Se jo poroie de la prison guairir. »

Dist Baldus « Sire, no metés en obli


: :

2i3o « Tost Fan menroit li rois Judas saissit,


« Outre la mer en la terre au[s] Persis.
— Ne place a Deu, » dist li cuens Aymeris.
« Miolz s'oseroit li rois Judas morir
« Que ja l'osast tochier ne demantir.
2 1 35 « Qu'e ce, diable[s] ? ou lou panseroit il ?

« Ou est la terre qui lo poroit guarir ? »


Butor demande, on li amoine pris.
« Car fai pais, frère, » distli cuens Aymeris.

Ne sai conment, » ce dist li Sarrazins,
2 140 « S'ansin nen est con de l'autr'ier te dis :

« Faites Guibert aprester et garnir,


f. 777 a.

« Conbatrai m'i a mon espiet forbi :

« Qui vanquera s'a quite lou pais


« Et Agaiete [et] la terre a tenir. »

2145 Et dist Bertranz « Franc chevalier gentil,


:

« Guibers est rois, s'a saissit lou pais.

« S'il ne l'aquite au branc d'acier forbi,


« .C. dahait ait qui li laira tenir,
a Ans riront tuit ariere. »

2 1 5o A celle nuit lou laisierent ester


Dec' au demain que il fut ajorné.
Cuens Aymeris ne se volt arrester :

Sus el palais fait .nj. grailles soner.


Par mi la ville se vont les gens armer,
21 55 As chers an font la vitaille mener;
Cil bourier huchent devent au timoner

2144 cf. v. 23 10, 2578 — 2145 frans cheualiers gentis


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 73

Qui dont [oîst] ces escuiers crier :

« Car m'oste, va, ces destrier sejorné,

« Trai lou avent, sanpres m'avra tue. »

2160 Montent .j. tertre, s'ont .j. val ravalé.


Tant chevalchierent a force et a barné
Qu'il virent Cordres, la mirable cité,
Les hautes tors et le palais listé.
Li aumaçors la prist a regarder,
2 1 65 Ens en son cuer la prist a regrater,
De ses vers oilz conmença a plorer.
Voit Aymeri, so prist a apeler :

« Sire Aymeris, envers moi entandés.

honques si mirable cité ? »


« Veïstes
2170 Dist Aymeris « N'en puis mes iolz oster. :

« Sans Andernai honques ne vi sa per. »

Dist l'aumaçor[s] : « Ceste valt miolz assés :

« Elle est estraite de plus grans richetés ;

« De maintes arrivent les nés


terre's" i

2 17D « Qui lor amoienent lou froment et lou blé,


« Tires et pailles et les murs sejornés,
« Dont il sont riche, menant et asazé.
« Hei! Bertranz sire, frans chevaliers manbré[s],
« Je la te dong, s'an fai tes volantes :

2180 a Trop seras d'avoir riches.

LI

« He ! Bertranz freire, frans chevaliers nobiles,


« Ceste cités elle est forment garnie : f.ij-jb
« De maintes terres i vienent la navie,
« Et d'Angleterre et devers Normendie,
21 85 « Qui lor amoine les chiers dras d'Aumarie,
« Tires et pailles et destriers de Sulie,

2 1 58 destriers — 2 163 les p. — 2166 ens s.


74 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Dont li borjois de la ville sont riche.


« Mais ge te pri, por Deu lou fil Marie :

« Viez suis et frailles, ne puis longement vivre ;

2190 « Porte m'onor por l'amor de ma fille. »


Aymeris Tôt, tanrement an sospire,
Des iolz plora, ne se pot tenir mie :

Pitié ot do riche home.

lu

François chevalchent a baudor et a joie,


2195 Li aumaçors les conduit dec'a Cordres.
Cant il i vienent si l'asiegent par force :

Tandem i très et pavillons et cordes.


Li Sarrazin forment s'an deconfortent,
El palais montent [et] es tors et es motes.
2200 Traient archier, abolestrier descochent;
Molt i ot mors que des lor que des nostres.
Dist l'aumaçorfs] « Quel la ferés vos ores? :

« C'est Aymeris qui amoine grant force,

<c Ses niés Bertranz li conduit riche flote.

22o5 « Batissiés suis, la soe lois est nostre.


« S'or i estoit li rois de Picadoine
« Et cil de Toire et tuit cil de Sidoine,
« Ne vos valdroit bouton vostre force
.j.

« Ne fussiés mort (ne cuit c'ons en estorde)


2210 Et livré a martire. »

LUI

Après parlait .j. paiens, Fauserons,


I lor demande : « Va, quex gent estes vos?

2196 i] li — 2199 Ens, moates — 2200 abolestricrs — 2209 mors


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE ^5

— Je suis par certes, » li aumaçors respont.

« Randés la ville Aymeri mon seignor.


22 1 5 « Baptissiés suis, la soe lois est no. »

Et il respont « : Sire, volés lou vos ?

« Par Mahomet, ja ne li veerons.


— Oïl, par certes,
aumaçors respont. » li

Les portes ovrent a force et a bandon.


2220 Primes i antre dans Aymeris li pros,
Il et Agaie a la fresche color,
Après Bertranz et Nubie la proz,
[Et] an après i antre Faumaçor[s]. f. ijjc
.III. jors i jurent a joie et a baudor,
2225 Au quart s'an tornent cant virent les audor[s],
Droit a Sébile se misent au restor.
Li Sarrazin se desconfortent molt
De la grant ost banie.

LIV

Devent Sébile sont Franc a ost banie.


223o Grant fut la note des dari[i]ens qui vindrent;
A celle note furent .xiuj m .

Il ont les plains porpris devent Sébile.


Li rois Judas en a la noise oie :

Il prist Guibert, ansanble o lui lou guie


2235 As grans fenestres qui sont d'araine bise;
Il esgarderent devers la praierie.
« Dex, » dist Guiberz, « dame sainte Marie!
« Vez ci les oz de France la garnie :

« Ancontre saus ne pues tu durer mie.


2240 « Dans Aymeris ne m'i velt laissier mie ;

« Veoir me vient Agaiete m'amie :

« Bien la conois sor lou mur de Rosie.

2229 fran. h' ost — 2237 guibert


*j6 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« .1. autre dame voi en sa conpagnie,


« Ne sai qui est, que ge n'an conois mie.
2245 « Rois Judas, [sire], jo vos avoie a dire
Que parfis hons ne fait parfis servisse.
«

Voi si les oz de France la garnie


« :

« Ancontre ceas ne pues tu durer mie.

« Ancor ravrai les honors de Sébile. »


22.S0 Judas l'antent, a poi n'anrage d'ire;
Trait .j. costel, s'an volt Guibert ocire,
Cant seu baron de tos sens li tolirent.
I li escriënt : « Vos avés tort, biau[s] sire.
— Voir, » dist Judas, « ne gart Torque l'ocie. »
2255 Et dist Guiberz « Ce ne ferés vos mie,
:

« C'ancor .j. jor, se Deus me done vie,

« Vos servirai, que vos estes mes sire

« Et je suis vostre janre. »

LVI

Devent Sebille sont François herbergié.


2260 Tout font les arbres et les vignes tranchier.
Il n'i laiss[i]erent ne tor ne colonbier.
Devent la porte, o plus grant destorbier,
Li gentis cuens i fist son tref drecier. f. iyy d
Butor demande, on li amoine a piet.
2265 Li Sarrazins l'en apela prumiers :

« Sire Heimeris, estes vos consaillié


« De ceu a faire que ge vos dis dès ier ?
« Faites Guibert armer sor son destrier :

« Conbatrai m'i a mon tranchant espiet :

2270 « Qui vainquerait s'oit quite la moillier

2246 ce vers est très obscur et sans doute altéré; nous ne voyons
pas le moyen de le corriger 2247 Vois — 2255 guibert — 2258 —
janres — 2263 drecies —
2266 heimerit
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 77

« Et d'Andernai la terre a josticier. »


Et dist Bertranz « Gentil franc chevalier,
:

« Ceste bataille ne devons pas laissier,


« Mais metons les ansanble. a

LVI

2775 Dans Aymeris si Tait laissiet ester,


Si en apelle Guillelme au cor neis,
Bovon lou preut, Bernart et Aymer,
A lor consail en ont Torpin mené.
Ens o vergier, desos .j. pin ramé,
2280 Sus l'erbe fresche font .j. tapis geter :

Anqui s'assist li riches parentés.


Li gentis cuens les ait araissonés :

« Baron, » dist il, « franc chevalier manbré,


« Trestuit ensanble quel consail donrés? me
2285 « Cist Sarrazins est molt desmesurés,
« De la bataille forment entalantés.
Envers mon fil se voira esprover.
« Por Tamor Deu, quel consail m'en donrés ? »
(Et dist Baldus, li rois de Balegués)
2290 Dist Tarcevesque^s] « Bon lo vos sai doner
: :

« Baldus le roi si [lor] i trametés.


« Pros [est] et sages et chevaliers manbrés,

« Si savra bien lou langage parler


« Et ce mesage dire. »

2272 gentis frans — 2278 lor] sor 2279 rames — 2280 S. la —


f. herbe — 2281 sasissist — 2283 frans —
2284 Trestos — 2289 ce
vers n'est pas à sa place. Le copiste doit avoir omis plusieurs vers
où il s'agissait du conseil qu'un des fils d'Aymeri donnait à celui-ci
pour envoyer un messager à Sebille qui racontât à Judas ce qui
nous est dit aux vers 23o6-23io. L'original devait porter quelque
chose comme : Et dist bernarz bon lo uos sai doner Dist
larceuesques baldus i trametés
78 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

LVII

2295 « Seignor baron, » dist Aymeris li blans,


« Cist consols est cortois et avenanz :

« Vos lou volés, je l'otri ansument. »


Baldus apelle, il est venus avent.
Dans Aymeris par la menche lou prent,
23oo Si Tait assis desor .j. paille blanc;
Por qu'il fut rois si l'onore forment.
« Sire Baldus, » dist Aymeris li blans,
« Vostre merci, car me faites itant f. ij8 a
« Que m'en ailliés an Sebille leans
23o5 « Au roi Judas qui est vostre parens.
« Vostre merci, si li dites itant :

« De la bataille ne voil aler avent


« De Butor voirement
la bataille vers :

« Qui vainquerait s'avrait lou chasement

23 10 « Et Aguaiete et la terre tenant. »

Dist Baldus « Sire, je irai voirement


:

« Dedens Sébile, en la cité leans,

« Por dire lou mesage. »

LVIII

Li rois Baldus s'an est levés an pies :

23 1 5 Gent out lou cors, bien fait et adougié;


Sos ciel n'ait home miolz sanble chevalier.
« Sire, » dist il, « je irai volantiers
« Dedens Sebille lou mesage noncier,
« Au roi Judas mon honcle lou guerrier;

2296 aliénant —
23oo blans 23o3 mercis —
23o6 mercis — —
2307 après ce vers il en manque an moins deux, oii il était parlé
de Guibert —
2314 an pics lcucs 23 5 adougies —
23 16 miloz
1 —
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 79

2320 « Mais s'il vos plaist .j. home me chargiés,


« Qui soit pros, sages et cortois chevaliers,
« Qui bien m'a'ist mon mesage a nuncier
« Et mes paroles et mes dis afichier. »

Dist Aymeris « De grés et volantiers.


:

2325 « Sire Bertranz, car i aies, biaus niés. »


Dist Bertranz : « Sire, de grés et volantiers. »
Il aparaillent les bons corans destriers.
Montent li conte balt et joiant et lié :

Dec'a Sebille n'i out rené tirTet.


23 3o Desus les murs troverent .j. paien
Qui [i] estoit por ous eschaurguaitier.
Li rois Baldu[s] lou salua prumier "s L

En garasis,que li glos Tantendiet :

« Va, di Judas ton seignor lou guerrier :

2335 « Ça fors estont dui cortois chevalier.


« Dans Aymeris les i ait anvoiés.
i tu? » Cil respont
« Iras « Volantiers. : »
Inellement jus do mur descendié ;

Judas trova desos lou pin foillié.


2340 Li Sarrazins s'estoit agenoilliés,
Lo roi salue, puis si Ta anclignié.
Antor lui furent Sarrazin et paien ;

N'i ait celui qui ne port dart d'acier, /. iy8 b


Haches danoises, javelos por lancier.
2345 « Sire Judas, envers moi entendes.
« La fors estont dui cortois mesagier,
« Dans Aymeris les i ait anvoiés.
« Lairai les ens ou s'an iront arriers ?
— Va tost, » dist il, « gardes ne me targier.
235o « Forment les voil vcoir et acointier. »
Li Sarrazins est aiers repairiés,
Avoc lui vont tel .mj xx paien, .

2325 il — 2327 II i a. — 233y i]— 233ç après


is ce vers est
écrit par anticipation le v. 234.2 — 2341 anolignie — 2352 tex
80 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

N'i ait celui qui ne port dart d'acier.


Ovret la porte, si les a ans laissiez ;

2355 Mais Brufebalz les reconut premiers.


« Sire, » dist il, « ce est Baldus tes niés,

« L'autre Bertranz, li filz Bernart lo viel. »

De ce [i] firent molt que cortois paien :

Cant nos baron descendirent a piet,


236o Plus de .xl. lor corent aus destriers.
Li rois Baldus le[s] salua premiers :

« Ne vos salu do gloriox do ciel :

« Vos ne l'amés ne nel serves de rien,


« [Mais] de Mahom que aorent paien :

2365 « Cil saut Judas mon oncle lou guerrier. »

Prumiere chose que Judas respondié,


I li a dit « Honques ne fus mes niés.
:

« Filz a putain, tresaillis renoiez,


Ja n'estes vos levés et baptissiés ? »
«

2370 Et dist Baldus « Voir dites, par mon chief.


:

« Si doit on faire por lou mal abaissier.

« Soz Andernai me laissastes l'autr'ier,


« Tout esgaré, con lou veneor chien
« Que li venere ait ens el bos laissiet.
23/5 « La vi ocirre trestos mes entiers :

« N'en eschapa fors moi et ma moillier.


« Contre François ne poi ge pas durier,
« Adons me fis lever et baptisier.
(( De ce suis près envers toi desraisnier
238o « Ou a conbatre a .j. franc chevalier
« Que plus leaus suis go que tu nen iés. »

Judas l'antent, a poi n'est anragiés.


En sa main tient .j. dart tranchant d'acier :

En hait lou lieve, qu'il voloit lancier, f.


li ijS c
2385 Cant Brechanbalz lou retint par darriers.

2355 brufebalt —
2364 q uc Q uc "" 2 ^7^ uenors — 2374 ueneres
- 2385 brechanbalt
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 8l

I li escrie : « Que fais tu, renoiez?


« An toutes cors sont segur mesagier.
« Tant ne seitdire raisson ne mal ne bien,
« Que vers tes homes te doies consaillier,
23go « Do bien respondre soies aparailliés
« Ancontre les mesages. »

LIX

« Sarrazins freire, » dist Bertranz li cortois,


« Dans Aymeris nos ait tramis a toi
« Por ces mesagefs], moi a Baudus lo roi :

2395 « Rent li Guibert son enfent et son oir


« Et de Sebille les palais maginois. »

Et dist Judas « No ferai, par ma foit,


:

« Ne de Guibert mie ne raverois.

« Fui te de si, si t'oste de sus moi :

2400 Gar toi de ma folie. »

LX

Et dist Bertranz « Ja ne m'en partirai,


:

« Très mon mesage trestout conté t'avrai


« De chief an chief, que rien n'en retourai.

Dist li paiens « Je vos tiens por servai.


:

2405 « Di, va, François, que vos ai ge méfait,

« Qui mon pais prenés ci a .j. fais? »

Et dist Bertranz « Par foi, jo te dirai


: :

« Tu n'aimes Deu, n'onques a lui n'us pais.


« Seis que te mande Aymeris antresai?

2410 « Rent li Guibert, garde no tenir mais,

« Et de Sebille les tors et lou palais. »

2400 Par
82 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Et Judas « Par ma loi, no ferai,


dist :

« Ne de Guibert mie ne randerai.

« Por la grant honte que vos m'en avés fait

241 5 «A celle porte lou matin lou pandrai :

« Tout son lignage sera ja mais retrait. »

Et dist Bertranz « Dont seroit ceu trop lait.


:

« Autre corage[s] vos venra se Deu plaist,


« Que talanz se remue. »

LXI

2420 Après Bertran a repaleit Baldus,


Li pros, li sages, li chevaliers segurs :

« Honcles Judas, molt par iés mas seiirs.


«Rent nos Guibert, garde nel celer plus. » f.ij8d
Et dist Judas « Ja n'en serés creiis;
:

2425 « A malvais plait serai ge tost venus.


— Ne m'an créez? Se Damedeu m'aiist,
« T'en remenras vis, honis, confondus.
« Or rent Guibert, gardes nel tenir plus :

« Lo roi Butor ferons conbatre a lu ;

2430 Qui vanquera de l'onor iert segurs.


« »

Et dist Judas « Or en sera creiis, :

« Se g'en ai bons ostages. »

LXII

« Sarrazins freire, » ce dist Bertranz li ber,


« Et qués ostages volés vos demander? »

2435 Dist li paiens : « Jo te dirai assés.


« Je conois bien ton mellor parenté :

« .VII. ans devent en oï jai parler

2418 dcus — 2419 talant — 2433 bers


LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 83

« Que vos fussiés en ceste terre antre.


« Va, si me Guillelme au cor neis,
livre

2440 « Bovon lou preut et Guarin lou sané,


« Bernart ton père, lou chaitif Aymer,
« Et Guielin, cel ligier bacheler,
« Et toi meïmes se tu i ves antrer. »

Ot lou Bertranz, s'an a .j. ris geté :

2445 « Si m'aïst Dex, » ce dist Bertranz li ber,


« Tos les mellors en avés demandé.
«Saus avrés vos, ja nen iert trestorné,
« Par .j. covent que m'orés deviser :

« Que vos me faites a dan Guibert parler.

2460 « Je voil savoir, enquerre et demander


a S'il ait ancor ses manbres en santé
— Amis, beau[s] freire, faites l'i amener. »
Et [cjil respont « Si con vos conmendés. »
:

Inellement li corut amener.


2455 Bertranz lou voit, sel reconut assés,
Et Guiberz lui, si conmence a plorer.
Bertranz lo voit, si conmence a conter
Con raumaçor[s] s'avoit fait générer,
Et prist Nubie la belle o lo vis cler.
2460 « A vos, sire honcles, estes vos en santé? »
Et dist Guiberz « Tos suis sains, mercis Dé.
:

« A grant honor m'ont cist paien gardé if.iyga

« Honques vitaille ne m'osèrent vaer.


« Trestos suis gras, que fort suis sejornés.

2465 « Sos ciel n'a home, diable ne malfé,


« Se jo po[o]ie a mes .ij. mains cobrer,

« Qui contre moi poïst [ja] mais durer. »


Et dist Bertranz « Bon mestier en avrés.
:

« Au roi Butor vos steut en chanp joster :

2438 antres —
2445 bers —
Après 2451 il manque quelques vers
oitJudas donnait l'ordre à un de ses sujets d'amener Guibert —
2456 guibert —
2437 si c. a plorer a c. 2461 guibert 2466 — —
malfes
84 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

2470 « Cil qui vancra s'avra les erités. »


Guiberz rantent,grant joie en a moné :

« Agaie dame, con grant duel vos avés!

« Biaus niés Bertranz, envers moi entendes

« Ceste bataille por Deu ne destornés.

2475 « S'au roi Butor me puis en champ joster,


« Ancui varroies chevalier afoler,
« Mort et vancu en bataille chanpel. »

Et dist Bertranz « Or ne vos demantés


: :

« Ancui serés délivres. »

LXIII

2480 II ont laissiet lou parler a itant.


Par la main destre l'a pris li cuens Bertranz,
Dec'a Judas n'i ot arrestement.
I l'en apelle bien et cortoisement :

« Vés ci Guibert, lou chevalier vaillant

2485 « C'a prise Agaie qui tant a lou cors gent. »


Judas se dresce, par la menche lou prent,
Lés lui l'asist desor .j. paille blanc;
Por qu'i fut rois l'ait honoré forment.
Devent lui fut li palazins Bertranz.
2490 « Di, va, » ce dist Judas li frans,
Bertranz,
« Poriés me
vos mener en Tost de Frans,
« Vos et Baldus et dans Guiberz li frans,

« Par tel manière, par itel convenant,


« Que se mes plais vers François bien ne prent,

2495 « Que sain et sauf m'en ramenrés céans? »

Li cuens Bertranz respondit maintenant :

« Ne lou cuidasse, co me jurast an sainz,

2471 Guibert —2475 poie —


2476 cheualiers —
2477 mors et
vancus. Cf. vv. 2677-8 —
2486 prennt —
2487 Deioste 2492 —
dant guibert. Ce vers et le suivant sont intervertis dans le ms.
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 85

« Que an manade te meïsses de Frans.


« Moi et autel l'en as pris covenant
25oo « Ne te falriens por les manbres perdant. »

I li afie de sa main bonemant.


II bons destriers coranz;
aparaille les
Monte Judas et Guiberz ansument, f. ijg b
Ansanble ou aus Brichebalz Josuanz.
25o5 De la vile issent Sarrazin maintenant.
Cil Sarrazin vont en hait escriant :

« Hé! Judas sire, con vas ta mort querant!


« Con tu te maz en manade de Frans! »
Judas l'antent, plains fut de maltalant ;

25 10 II [en] apelle Brufanbant Jo[s]uant :

« Ostés me tost d'illoques celle gent.


« Grant mal me font, trop est la noise grant,
« N'ai de lor raisson cure. »

LXIV

Li rois Judas est de Sebille issus.


25 1 5 II esperonent les destriers et les murs,
Desi c'a Tost n'i ont rené tenut.
Dans Aymeris est de son tref issus;
Li rois Judas est a pié descendus,
Et li François sont ancontre venu;
2520 Par la main destre lou prist Naymes li dus,
Dedens lou tref an sont trestuit venu;
Puis Tont assis desor .j. paille brun ;

Por ceu qu'est rois Font honoré trestut.


La franche Agaie est celle part venu,
25 25 O voit Guibert ses bras li a tandu;
Il s'acollerent, si se baissent andui.

2499 antel, p. tes c. —


25oo perdans 25o2 corant —
25o3 gui- —
bert — 2504 brichebalt josuant —
2221 trestout 2325 tandui —
86 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Hei! Guiberz freire, frans chevaliers segur[s],


« Jerrai ge mais an voz bras trestos nus? »

Dist Guiberz « Dame, c'est an Deu de lassus;


:

2 53o « Mais car rendes vostre père salut. »


Dist Agaiete : « N'en ose faire plus.
« Mais car me dites, qu'est cil o vos venus? »

Dist Guiberz : « Dame, nos l'i avons conduit.


« Ou est Butor[s]? je doi conbatre a lui :

2535 « Qui vainquera de l'onor iert segurs,


« Si nos lou servirons tut. »
vos avra :

Et dist la dame « Sire, c'an panses tu? :

« Ceste bataille, frans hons, feras la tu?

« Li rois Butorfs] est molt de grant vertu

2540 « Et en bataille bals et fiers et segurs :

« Plus de .xx. rois a mors et confondus. »


Dist Guiberz « Dame, c'est an Deu de lassus,
:

« C'ancui feret miracles. »

LXV

Il ont laissiet lou parler a itant; f. ijgc


2545 Par la main destre la prist Guiberz li frans,
O voit Judas si li dist en riant :

« Sire Judas, veez ci vostre enfent,


« Ç'aist Agaiete, au gent cors avenant.
« Baissiés la, sire, que jo voil et conment. »

2 55o Et dist Judas : « Je n'an ferai nient.


« Baissiés la vos, quin avés les conmenz,
« Que par l'apostre que quierent peneant,
« S'a moi tornés an Sebille leans,
« Ne la varés, ans iert passé[s] li ans.

2527 guibert —
2629 guibert —
2532 quest il cil euo v. 2538 —
las — 253g vertus —
2542 guibert 2545 guibert —
2547 v uos — «

ci — 255 1 conment —
2552 requièrent 2554 a sert — *
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 87

2555 — Sire, » dist elle, « a Jhesu vos conment,


« Sainte Marie, la reine vaillant ;

« Celle vos doint de bien confortement


« Que bien soiez de la geste des Frans
Et d'Aymeri
« et de tos ses enfens. »

256o Et dist Judas : « Je ne l'otrai noiant


« Qu'elle m'aiist .j. sol denier vaillant.
« Pute malvaisse, con es perdut lou sans !

« Se te tenoie en Sebille leans,


« Ton cors metroie dedens .j. feu ardant :

2565 « Qui t'avroit arse et livrée a torment,


« Ne seroit fais de ton cors vengemenz ! »

Dist Baldus Honcles, car lou laissiés a tant


: « ;

« Mais vostre plait pansés mener avent. »

Et dist Judas « Ceu est bien avenant. »


:

2570 Butor démande, l'on li amoine avent.


En ses pies ot .ij. grans buies pesans.
Li rois Judas se dreça en estant.
« Butorfs], » dist con vos est convenant?
il, « »
Et dist Butorfs] « Bien et malvaisement.
:

2575 « Bataille ai prise vers Guibert voirement,


« Si la voil faire par vostre loement :

« Qui vainquera s'avra lou chasement

« Et Agai[e]te et la terre tenant. »

Et dist Judas « Je l'otroi bonement,


:

258o « Se g'en ai bons ostages. »

LXVI

Dedens lou molt grans li anpires.


tref fut
Guiberz seoit lés Agaie s'amie,
f. i-jg d
Li cuens Bertranz seoit delés Nubie,
Il se baisoient soz les mentias d'ermines.

2566 vengement
88 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

2 585 Butor[s] lo voit, a poi n'enrage d'ire,


A poi li cuers ne li part par mi d'ire.

Li rois Judas parlait en garisie :

« Pute malvaise, con es ta loi guerpie!


Vien t'en o nos, ancor te ferons riche,
«

2590 « Et pren Butor, dame seras d'Aufrique,


* Et croi Mahom et ses sorceleries :

« Amendés est puis que vos no veïstes,


« Mien esciant, de .nij. m. livres. »

Et dist la dame « Vos feïstes folie : :

2595 « Tout est perdut canque vos i meïstes;


« Et non por tant por ceu no di ge mie,

« Molt est prodons Mahomez vostre sire :

« Il fait vertus, je l'ai bien oï dire :

Ceas lait morir qui plus ne puent vivre.


« »
2600 Judas l'antent, a poi n'enrage d'ire.
« Oïl, » dist il, « dame pute honie,
« Por dan Guibert vos faites balde et fie,
« Molt vos fiés en sa chevalerie.
« Ja nen iert vespre ne sonees conplies,
26o5 « Pou priserés la soe conpaignie. »

Et Baldus « Laissiés ceste folie.


dist :

« Ne vos chah plus de tancier ma cosine.


« Puis que feme ait ceu que ses cuers désire,
« Ne prise autrui une pome porrie;
2610 « Mais faites ce por coi vos ci venistes,
« Si ferés vaselage. »

LXVII

En pies se dresce li jantis rois Judas,


De sovl mantel a deslaciés les laz;

2585 dires — 2586 lou cuer — 2595 Tous — 2597 sires — 2600
dires
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 89

O voit Butor si lou prist par les bras.


26i5 « Butor[s], » dist il, « con fait pansé tu as?
« Ceste bataille se tu ja la feras

« Envers Guibertque ahaitit en as? »

Dist Butor[s] : « Sire, n'en parlés [ore] mais.


« Qui me donroit la cité de Domas
2620 « Et en après la tor de Ca'ifas, /. 180 a
« Ceste bataille ne laisseroie pas,
« Desi c'a tant l'un[s] honis an sera.
« Qui vainquera por voir Agaie avra,
« Et Salerie et la tor d'Andernai. »
2625 O voit Agaie si li fait .j. regart,
Irié[e]ment con ce fust .j. luparz :

« Aï reine, con m'avés [fait esjchart


! !

« Que .j. petit que li cuers ne m'en part.

— Par Deu, Butor[s], a mal chief en venras.


263o « An Deu m'en fi qui lou mont estora :

« Ancui avrai en Aufrique ma part :

« J'en serai dame, et tu m'en serviras ;

De moi tendras la terre. »

LXVIII

Li rois Judas s'an est levés an pies :

2635 Gent ot lou cors et bel et afaitié,


Molt [bien] resanble gentil franc chevalier.
O voit Guibert si l'an a araisnié :

« Livrés me tost ces ostages prisiés,


« Si faitement con l'avés fiancié,
2640 « Vos et Baldus et dan[s] Bertranz vos niés
— Sire, » dist il, « il sont aparaillié.
« Venés avent, Guillelmes li guerrierfs],

2614 So — 2626 lupart — 2635 et gent et a.


QO LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

((Bueves mes freire et Guairins li prisiés.


« Et Aymeris qui tant fait a prisier :

2645 « Anve[r]s Judas mevenés ostegier. »

Et cil respondent « Biaufs] sire, volantiers. »


:

Et dist Judas « Ce m'est bel, par mon chief.


:

« Par tel covent soit li plais deviss[i]és

« Que nos ferons armer les chevaliers,

2GS0 « Butor lou prout et Guibert lou guerrier.

« Se Butor[s] vaint, tout avra desraisnié;


« Et se Guiberz lou puet tant justicier
« Car me face plevir et acointier
il

« Que Mahomez ne doit ester en pies,


2655 « Je vos afipar la loi que ge tien,
« Ne serai mais Sarrazins ne païens. »

Dist Aymeris : « Ce est plaiz qui me siet;


« Tout ansin l'otroiomes. »

LXIX

« Sire Judas, » dist Aymeris li blans,


2660 « conmenz. f. 180 b
Fait vos avons tos les vostrefs]
« Or por coi et conment,
voil savoir et
« Se dans Guiberz fait Butor recréant »

Et dist Judas « Ceu est bien avenant.


:

« J'anvoierai mes ostages leans,


2665 « Ses en menra Brifanbalz Josuanz.
« ovos en l'ost des Frans.
Je remenrai »
Dist Aymeris « Ce m'est bel avenant.
: »

Molt sont li conte balt et lié et joiant.


« Hei! Guiberz freire, » ce dist Guarin[s] li frans,

2643 Bo. mes freires —


2646 après ce vers le copiste a répété
le vers 2641 —
2652 guibert —
2657 plait —
265g Dist judas
sire ay.— 2660 conment —
2662 guibert, il manque un ou plu-
sieurs vers après celui-ci —
2664 Je a. —
2665 brifanbalt josuant
— 2668 lies —
2669 guibert
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 91

2670 « En quel péril nos envoies leans !

« Car que te manbre des cors de nostre gent :

« Ans coardie ne firent ti parent. »


Et dist Guiberz « Freire, ne parler tant,
:

« Que, par Tapostreque quierent peneant,

2675 « S'au roi Butor me puis joster en chanp,

« Mar cuidera que ce soit jeu d'anfent.

« Ancui vairés Sarrazin recréant,


« Mort et vencu en bataille taissant. »

Et li ostage en vont esperonant,


2680 Si les en moine Brifanbalz Josuanz ;

Dec'a Sebille n'i font arrestement.


Il descendirent au perron la dedens,

Dec' a la tor n'i out arrestement;


Leans les metent an prison maintenant.
2685 Judas remeist, il et Guiberz li frans,
O Aymerit qu'iert chevalierfs] vaillanz.
S'[i] est Guiberz qui lou cuer ot joiant.

« Or ça, mes armes, » ce dist Guibers li frans,


« Bailliés me tost mes armes. »

LXX

2690 Guiberz demande ses garnemenz prisiés;


Cel li aporte[nt] que il avoit plus chier :

.1. ganbais cort, an son dos camoissié,

Et par desore .j. blanc haubert doblier,


Et .j. vert hiame li lacent an son chief ;

2695 Li arcevesques li çaint .j. branc d'acier,


I li a bien beneïst et saignié ;

2671 cui — 2673 guibert — 2678 Mors et venais — 2680


brifanbalt josuant — 2682 le copiste a répété après ce vers le v.
2680 en remplaçant enmoine par enmoinent — 2685 guibert —
2686 Au tref aymerit, vaillant — 2687 guibert — 2690 guibert,
garnement — 2691 Cil — 2692 camoissies
92 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

I liamoinent .j. bon corant destrier,


Et une mace qui molt fait a prisier
Li ont pandut a l'arçon deventrier,
2700 Que puis lou jor li out si grant mestier, f.iSoc
Se Deus ne fustet la vertus do ciel,
Ja mais Guiberz n'an fust vis repairiés.
Guiberz monta, Agaie tint l'estrier.
« Sire, » dist elle, « je vos voil ansignier.
2jo5 « Li rois Butor[s] est molt bons chevaliers
« Et de bataille baus et segurs et fiers :

« Plus de .xx. rois a mors et justiciés.


« Gardés de vos no laissiés aprochier :

« S'il vos pooit a ses .ij. poins baillier,


2710 « Manois t'avroit apris a josticier.
— Dame, » dist il, « trop poés plaidoier.
— Beaus filz Guiberz, » dist Aymerisli viez,
« Hui vient li jors tu seras essauciez
« Oudo trestout honis et vergoigniez.
2715 « Panse, biaus filz, do droit Deu esaucier. »

Et cil respont « Biau[s] sire,volantiers. »


:

Lou destrier broche des espérons d'acier,


Dec' a la place n'i out rené tir[i]é.

La franche Agaie i ont monet a piet,


2720 Ille et no gent, lou trait a .j. archier,
Pour ce qu'fil i esgardent].

LXXI

Li rois Guibers a la place porprise,


Si s'apuia sor sa lance fresnine,
Molt dolcement reconforta s'amie :

2702 guibcrt —
2703 guibert — 2710 après — 2712 guibert
2720 nos — 2723 lapuia
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 0,3

2725 « Belle, » dist il, « ne vos esmaiés mie.


« Ancui verres
quex lois est plus riche,
la
« Celle de Deu ou de la paienime. »

Butorfs] s'arma la dedens en Sebille :

Vest an son dos une porpre trelise,


2/30 Etlacel'iame dont li ors reflanbie,
An la secance out assis .ij. bericles,
.III. paumes d'or ot anviron assisse[s].
En li amoine lou bai de Tabarie ;

Honques mais beste ne nasqui de tel guisse :

2735 Gros ot lou col et la teste petite,


Flans soslevés, molt li lieve Feschine,
Dur ot lou raie plus c'une piere bise,
Ja n'ier ferrés an trestote sa vie.
Butors i monte cant la selle fut mise,
2740 Giete a son col une targe florie,
.IX. boucles d'or ot anviron assisses; f. 180 d
De son espiet fut la hante fraisnine ;

Si ot .nj. dairs, .inj. argeus et .v. guivres.


La soe gent forment se resbaldissent :

2745 Sonent ces tinbres et sautent ces meschines,


Jugleor chantent et violent et tinbrent;
Mais a tel joie ne ranterait il mie,
Se Deus guairist Guibert sa baronie,
Sa fort proesce et sa chevalerie.
2750 Molt dolcement reconforta s'amie :

« Belle, » dist il, « ne vos esmaiés mie.


« Ancui varés laquel loi est plus riche,

« Celle de Deu ou de la paienime. »

Et Butor[s] vient coroçoxet plainfs] d'ire,


2755 Espor[o]nant contremont la marine.
Ou voit Guibert fièrement li escrie :

« Par foit, François, molt pansas grant folie,

2742 frarine — 2744 saresbaldissent — 2746 Chantent jugleor


— 2753 ou] et
94 LA PRISE DE C ORDRES ET DE SEBILLE

« Cant contre moi as tes armes baillies.


« Vif te prendrai, je ne t'ocirrai mie,
2760 « Si te métrai en mes Chartres perrines :

« Mangeront toi et colovres et vivres,


« Ja d'autre mort ne te ferai ocire.
— Ceste est molt maie, Guiberz li
» ce dist sire.
« Deus, se li plaist, mes père, m'en guarisse
2765 « Si voirement con il est rois et sire,
« Li miens père de gloire ! »

LXXII

Ens que Guiberz eiïst fait saproiere


Ne qu'il eiist sa pointe anconmencie[e],
Vers Oriant a tornee sa chiere,
2770 Si se conmende a Deu et a saint Piere.
Ans qu'il eiïst sa pointe anconmencie[e]
Li out Butor[s] une guivre lancie[e] :

Par mi l'escutl'an passe une braciefe],


Desos Tesselle li fait issir daieres,
2775 Outre passait plus de demie archiefe].
« Glos, » dist Guiberz, « fel traître boisiere,

« Par coardise la m'avés envoiefe],


« Geste colee vos cuit ge vendre chiere. »

Lou destrier broche par mi la sablonier[e];


2780 Li bons chevas moine si grant tanpiere,
Plus hait vola contremont la poldriere
C'on ne gitast a .ij. fois d'une piere f. 181 ;
cl

Et fiert Butor en la targe roie[e],


Desos la boucle li a fraite et percie[e] ;

2785 Fort fut la broigne, n'i a maille percie[e] :

Sabone lance i a par mi brisiefe].

2763 guibert, sires — 2764 pères — 2765 voirs et sires — 2767


guibert, faite — 2776 guibert, traitres boisieres
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE q5

Outre s'an passe plus de demeie archiefe],


Aiers restorne, puis li mostre la chiere;
Et Butor[s] joste au tor françois daieres.
2790 S'or ne se tient Guiberz a l'estriviere,
Ja videra la selle.

LXXIII

Butor[s] li vint et dans Guiberz l'atant,


Et cil li vint tant acesmeement
Conme falcon qui vers l'oisel descent,
2795 Et Guibert sor son escut devent
fiert :

Fort fut la targe, ne peçoie ne fant :

Sa lance brise, en esclices lafent.


Voit lou Guiberz, plains fut de maltalant,
Il trait l'espee au pont d'or flanboiant;

2800 Li rois Butor[s] ravoit trait lou suen brant.


Les destriers brochent des espérons d'argent,
L[i] un[s] vers l'autre si vait esperonant.
Traient espees aus pons d'or flanboiant
Desor les hiames, qui sont a or luissant,
28o5 Que flors et pieres en vont jus craventent.
Mahomez fut desor la tor au vent :

Paien Pi tienent par lor enchantement,


Trestos en aires, a piere d'aïment,
La gole baie an guise de sarpent.
2810 Voit lou Judas, ses .ij. mains li estant :

« Mahomez sire, » fait il, « a toi me rent.


« Car que te manbre de moi et de ta gent,
« Que nostre loi ne tort hui a noiant. »

Agaie jut par desor Ferbe a dans,

2790 guibert — 2792 dant guibert — 2794 falcons — 2798 guibert


— 28o3 T. les e. — 28o3 il manque certainement un vers après
celui-ci
96 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

28 1 5 Elle la baisse soef et bellement.


« Deus, » dist mer et vent,
Agaie, « qui formas
« Guairis Guibert par ton conmendement,
« Que cil lichiere no face hui recréant.
« Saches por voir, se tu no me consans,
2820 « Ja mais an toi ne serai jor creans :

« Miolz ain que ge irTocie. »

LXXIV

Or sont andui en la place li roi ;

Grans cos se donent des brans sarracoçois. f. 18 1 b


Et Guiberz broche envers Butor lo roi :

2825 Grant cop li done do branc sarracoçois ;

Fors fut Tauberz, que n'an pot maille avoir,


Et nonporcant si fut li cos si rois
L'os de l'espaule li ait brisiet an trois,
Par mi la gole li fait lou sanc chaoir;
283o Butorfs] se baisse cant se santit destroit.
« Glos, » dist Guiberz, « ça remenrés a moi,
« Et Agai[e]te toute la me lairois.
« Ja mais par lui n'avrés ne chalt ne froit. »

Et dist Butor[s] « Si avrai, par ma foi. »


:

2835 II se remist an la [se]le tos drois,

Il point vers lui et li ber contre soi.


Ans tel bataille ne fut mais de .ij. rois
Ne si bien anvaïe.

LXXV
Ens tel bataille ne fut mais, ce m'est vis,

2840 Con de Butor et do fil Aymeri.

2817 G. me hui g.— 2818 lichieres —


2819 se to consant— 2824
guibert — 2826 laubert —
283 1 guibert —
2836 li bers contresai
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 97

Guiberz li proz, qui Espaigne conquist,


Par sa proesce et par son cuer hardi
Fut rois cTEspaigne, si con la letre dit ;

A Saint Denise est trovés li escris :

2845 De la verte ne doit on pas mantir,


Par mi lo voir nos en covient issir.
Butor[s] fut grans et Guiberz fut petis,
Mais de l'escut se sot il miolz covrir
Et de l'espee se sout bien escremir :

285o Dedens Nerbone li out Tritrans apris


.1. Braiz cortois que ses père norit.

Et fiert Butor devent en mi lou vis,


Qu'il li tranchait tôt lou nasel marsis
Et de la barbe tosgrenons tortis
les

2855 A .iiij. dans grignor[s] que nul roncin.


Devent les ars consuit son arrabit :

Dec'au poitrel Tait tranchiet et malmis,


Mais c'au retraire brisa ses acerins :

L'anhodeiire an son poing en retint.


2860 Ans que Guiberz fust de Butor partis,
Fiert son cheval devent en mi lou vis :

Desi qu'es iolz Ta fandut et malmis.


Guiberz regarde, voit son destrier morir,
[I]l joint les pies, an mi lou chanp sailli,/. 181 c

2865 [N]'i out point d'arme, li brans li fut faillis,


[T]oute la mace avoit mise en obli :

[N]e l'an menbrast por tôt l'or que Dex fist.


L'anhodeiire de s'espee [re]prist,
S'an fiert Butor devent en mi lou pis :

2870 Pour .j. petit envers ne l'abatit.


Cil recovra qui fut fors et ha[r]dis,
Guibert enchauce au branc d'acier forbi,
De son escut ne li laist tant d'antir,

2841 B. lou preu —


2847 guibert —
285 1 brait, pères —
285g Lahodeure —
2860 guibert —
2868 Lahodeure, sespees
98 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

O l'an poïst colchier .j. romoisin.


2875 Près est Guibers de mervaillox péril,
Se Deus n'i fait miracle.

LXXVI

Or sont andui a piet li chevalier.


Butorfs] l'anchaucet au branc forbi d'acier,
Et fiert Guibert sor son hiame d'acier ;

2880 Par devers destre glace li brans d'acier,


Que de l'escut li cope la moitiet,
D'un des jenos lou fait agenoillier.
Deu[s] lou guari, c'an char ne Pa tochié.
Fait a son cop, puis s'est retrais aier.
2885 « Guiberz, » dist il, « c'est cos de chevalier. »

Guiberz reclaime la grant vertu do ciel :

« Gloriox Père, qui an crois fus dreciés,

« Sainte Marie, et car me consailliés,


« Que ne m'ocie cist cuvers pautonniers ! »

2890 Guiberz regarde .j. sol petit arriers


Par son la pane de l'escut de cartier :

En mi lou pré voit morir son destrier,


Les janbes batre contremont vers lou ciel,

Et vit la mace qui a l'arçon pandié.


2895 Lait la bataille, celle part corrant vient,
A lui la sache, la coroie ronpié;
Inellement devers Butor revient,
Par descovert en hait forment lou fiert,

Devent lou cote lou bras li a brisié,


2900 Enmi lou chanp vola li brans d'acier.
Et dist Guiberz « Or estes amenchiés;
:

« Ne vos n'autrui n'avrés ja mais mestier. »

2875 fut — 2885 cop — 2886 uertus — 2887 pères, drecier — 2890
guibert — 2896 las c— 2898 En h. p. d. — 2900 brano — 2901 guibert
LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE 99

Butor[s] l'antent, a poi n'est anragiés :

II fait .j. sait gringnor que .j. levrier[s],

2905 Au bras senestre lou cuida josticier /. 181 d


III ot apris les dis de sa moillier :

En hait regarde, tôt contremont lou fiert

Entre dous iolz de la mace d'acier,


Que la cervelle de tos sans respandié;

2910 De lui lou boute, et li Sarrazins chiet;


Inelement dejoste lui s'asiet.
Agaie vint, lou paile ait escorciet,
Guibert deslace lou vert hiaume d'acier,
.VIL fois lou baisse, c'a mervailles l'ot chier.
2915 « Hei Dex » dist elle, « con as por moi vailliet
! ! ! »

Dans Aymeris i vint tos de[s] prumiers.


« Biaus fllz, » dist il, « es tu sains et entiers ?
— Oïl voir, merci Deu do ciel;
sire, la
« Mais cil lichiere m'a hui si josticié
2920 « Ans si destrois ne fui par chevalier
« Dès que ge pris mes armes. »

LXXVII

La bataille est vencue do riche roi Butor.


Voiant tôt lou barnage gisoit o gravier mors,
La teste escartelee, li oil en furent fors,

2925 Et fut estroit vestus d'un riche paille blo ;

Soz l'aubert jazerant l'an gessent li pen for.


Guibelin[s] lou regraite: « Con mari fus, Butor[s]!
« Se tu creùsses Deu et saint Piere et saint Pol,
« N'aiist tel chevalier desi au chief des pors. »
2930 Atant es Aymeri et avoc lui son ost;

2904 II f. g. .j. que s. .j. I. — 2905 il manque un vers où Guibert


était nommé — 2913 deslaccnt — 2918 mcrcis —
2919 lichieres —
2920 fut
100 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Ou que il voit Guibert ses bras li mist au col.


« Biaus filz, » dist Aymeris, « es tu sains de ton cors?
— Oïl voir, biau[s] dos sire, ans mais ne fui si fors,

« Molt volantiers menjasse et [si] beùsse .j. pou.


2935 — Biaus filz, » dist Aymeris, « sejor avras tu trop.
« Ne te chaut chevalchier ne travaillier ton cors,
« Mais gis lés ta moillier et si fai tes depors.
« Je manderai mes homes et conduirai mes oz,
« Panserai des ostages tant que il soient fors.
7940 — Sire,» ce distGuiberz,« porDeu pansés entost.»
Et respont Aymeris « Volantiers, par saint Pol. »
:

Puis a mandeit Judas qu'il vigne a lui molt tost,


Et il i est venus san point de nul restort.
« Judas, vois de Butor qui an cest chanp est mors?

2945 « Or me rant les ostages c'an prison sont a tort,


« Et si nou laise mie. f. 182 a

LXXVIII

« [JJudas, voi de Butor ki est mors et fenis.


« Or me rant mes anfanz k'en ostaige sont mis. »

2937 gist, fais — 2940 guibert — 2947 voit

j>Oo
APPENDICES
APPENDICE I

Ms. Bibl. Nat. fr. 1448.

Puis conquièrent la terre environ de tos lés : /. i58 a


En .xv. jors fut si li pais aquités,
Dec'au perron Saint Jaque esilliés et gastés.
Cil qui Deu ne volt croire fut errant demenbrés.
5 N'i remaint tor a fandre ne a anplir fossés,
Fors solement Leride et Cordres par delés.
Droit a Cordes s'an est rois Loeïs tornés,
Devers terre l'asiet et encoste et delés.
La fichent nos François, tandent cordes et très.
10 Et par desus el mont as oliviers rames
La fait son tref fichier nostre rois coronés.
Et cant il fut tandus dedens s'an est entrés,
Ens en .j. lit se colche, ce jor s'est repossés,
Car molt avoit esté travailliés et penés, /. i58 b
i5 Et ses gentis barnages.

[Q]uant virent cil de Cordes tant tref, tant pavillon,


L'aumaçor en appellent, Bruianz fut ses drois nom :

« Par Mahom, sire, dites, et nos quel la feron?

« Rendrons ceste cité ou vers Frans la tendrons?

20 « L'amiranz est vencus, ja secors n'en avrons;

i3 Ens ens — 17 bruiant


104 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Li rois en est venus, par ce bien lou savons.


— Par Mahom, » dist Bruianz, « ansois la defandrons :

« Nos avons bien céans .xxm. conpaigno[nJs,


« S'avons dec'a .vij. ans pain et vin et bacons ;
25 « La cité est molt riche d'argent et de mangons,
« De de poille, de vermalz ciglatons
tires et ;

« Li mur sont hait et grant, s'i a fossés parfons ;


« La mer nos avirone, navie n'i perdrons :

« De nulle part ne d'autre nient ne les cremons.


3o « Lou matin par son l'aube saillie lor ferons
« A tant de Sarrazins con nos céans avons.
« N'a mie dec'a l'ost lou trait de .ij. bouzons :

« Tost porons repairier se mestier en avons,


« Et rentrer en la ville. »

35 [A]u matin par son l'aube sont Sarrazin levé,


Dec'a .xm. sont cant il furent armé.
Par la porte s'an issent, ans n'i out cor soné.
Toute nuit a Guillelmes et venu et aie,
A de ses barons antor la fermeté,
.m.

40 Car molt crient que paien ne vident la cité :

Bien seit ne la tendront ancontre lou barné.


Vers lou jor s'an repaire li marchis au cor neis,
Honques nul mot n'en sout, s'a Bruiant ancontre.
Si tost con l'aperçut l'a li cuens escrie :

45 « C[u]vers, mar i venistes, vos estes enchanté.

« N'en irois mie ansin s'avrois a moi parlé.

— Par Mahom, » dist Bruianz, « ne somes mie anblé;


« Veoir lou vos lairons ans lou solail levé.

— Guvers, laisse dont corre lou destrier abrivé. »


5o Bruianz si fist tantost, n'i out point sejorné,
Et Guillelmes d'Orenge point lou suen abrivé;
Andui mervaillox cos se sont antredoné,
Par desore les boucles sont li haubert fausé.
Bruianz chaï a terre devers l'iaume gemé,
55 Puis resalt sus ses pies, n'est guaires aresté, /. i58 c
Plus tost qu'il onques pot a trait lou bran letré
Et trait sus ses espaules lou bon escut volté.

22 bruiant — 4? nus — 47 bruiant — 5o-54 Bruiant


APPENDICE I 105

Cant Guillelmes lo voit, an son cuer l'a loé;


A terre est descendus avec lou Tur el pré,
60 Et si li a .j. cop sor son hiame rue,
Sor Tespaule lou fiert do branc qui est letré,
Qu'i li cope la guige do fort escut bouclé;
Lou bras et la baniere li abati el pré.
Gant li paiens se sent ansin défiguré,
65 Contremont a lou branc a l'autre main levé,
Puis par grant vertu contreval avalé,
l'a

Lou nasel de son hiame lui a tout desevré :

S'il n'elist si cort nés ja l'eûst descorné.

Icist cos a lou conte irié et enbrassé


70 Au retraire qu'il fait si Ta par mi copé.
« Sarrazin, » dist Guillelmes, m or somes acordé. »

A cest cop sont François aus Sarrazins mellé:


N'i a cil n'ait lou suen ocis ou afolé;
As chaples des espees ont grant efroi mené.
75 Li oz est estormie et de lonc et de lé ;

Au plus tôt que il porent sont François adoubé.


Païen oient la noisse, si furent effraé,
Por Bruiant c'ont perdu sont an fuie torné ;

François les sivent près, maint en ont afolé.


80 Paien entrent leans en la bone cité,
Les portes sont overtes, mais molt se sont hasté :

Plus de .c. en forcloent, que illeuc sont remés.


Devent la maistre porte sont François arresté.
Li solax est levés qui giete grant clarté:
85 Atant es vos lo roi et son riche barné.
Cant il sout que paien furent leans antre,
Inellement conmende asalt i ait livré.
Illoques ot .j. bois de grant antiquité :

François lou decoperent, as murs l'ont amoné.


90 De la menue rame enplirent lou fossé,
Puis i ont .xv. pies de la terre geté,
Et de l'autre marrien ont .j. angin levé;
Del tierc font .j. chastel a rouestes ovré, /. i58 d

82 fort cloe —
g3 Des trers f. el c. Le ms. Bibl. Nat. 2436g
f"i56 r° 1" donne la leçon que nous avons introduite dans le
col.
texte. Le même ms. nous donne aussi la bonne leçon un au lieu de el
I06 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

.X. estaches de hait et .xxx. pies de lé.


g5 Abarlostrier i montent as armes a planté,
c
[Et] .iii escuier trestous les plus ossé
.
;

Puis descovrent les cloies, ens el mur sont monté.


Inellement conmende[nt] c'asault i ait livré.
Chascons tint pic d'acier ou grant martel quaré.
ioo Li archier les ont si de çax dedens gardé,
Et la perriere a tant de l'autre part hurté
C'on grant pen lor craventent del mur de la cité :

François se fièrent ens, le baille ont descopé,


La porte colleïce prenent par poesté,
io5 L'antree ont délivrée, que n'i ont demoré.
Aymeris et li rois si sont dedens antre :

Jone et viel et enfent ont tôt à mort livré.


Honques de tout l'avoir n'i ont point remué :

Bovon de Conmarcis l'a on tout conmendé.


no « Sire, » ce dist li dus, « s'avions conquesté

« Leride celle vile ou a grant richeté,


« (Molt i a de trésor la dedens aïïné,
« Dont paien ont Mahom servi et honoré),
« La moitié de nos homes en seriont loé.
1 1 5 « Molt tost i serions se cist mois iert passé[s].
— Alons, » ja ne soit repité. »
dist Loeïs, «

François issent de Cordes, si sont acheminé,


Si s'an vont vers Leride.

[0]r chevalche li rois, n'i volt plus arrester.


120 Avoc lui en a fait ses .nj. engins mener.
Venus est a Leride qui siet joste la mer.
Sarrazin font les portes contre François fermer;
Dont veïssiés au pont les huis de fer geter,
A grant force l'ont fait contreval avaler.
125 Paien montent as murs por lancier et ruer,
Et veulent feu grejois es ensaignes boter;
Mais molt i porent pou li glouton ga[a]gnier,
Car li abolestrier les ont fait remuer :

Tant quarel i destandent ne s'an porent garder,

97 murs — io3 la — n5 mons. Le vers manque dans le ms.


2436g
APPENDICE I IO7

i3o Plus de .c. en ont fait jus del mur raoler.


Li rois fist la perriere si très près amener /. i5g a
Qu'elle puet a la porte et ferir et hurter.
Les verrolz en fist ronpre et les flaiax quasser,
Si que l'en i puet bien et venir et aler.
1 35 François se fièrent ens, paiens en font torner,
Ans de tos ceaus dedens n'en pot .j. eschaper
De sous que Deu ne volrent servir ne honorer.
Li rois en a fait traire la char et lo vin cler,
Or et argent et dras qui molt font a loer.
140 La poïssiès veoir grant avoir assanbler:
Tout a fait Loeïs a Barbastre mener.
Li rois laissa Leride cant i l'ot fait praier,
A Barbastre s'an vait et si prince et si per.
La voldra a ses homes les soldées doner,
145 Lou roi Fabur voira baptisier et lever,
Libanor de Turnie avoc crestiëner,
Et l'amustant de Cordes a sa loi atorner,
Lou cortois Clarion son fié quite clamer;
Puis fera a Gerart Malatrie doner,
1 5o Lou cercle de fin or desor son chief posser :

Fais iert li mariages.

venus nostre roi Loeys,


[A] Barbastre est
Cil duc demoine, cil conte, cil marchis.
et cil
En la porte en entrèrent par lou pont torneïs ;

1 55 Lés son costé chevalche li bons cuens Aymeris


Et d'autre part Guillelmes d'Orenge li marchis;
Et li os se loja devent lou trancheïs.
Li rois monte el palais tos les degrés voltis.
Malatrie la belle se dresce en mi son vis,
160 Par mi les flans enbrace lo roi de Saint Denis.
« Sire, » dist la de Deu .v c mercis,
pucelle, « .

« Del secors c'avés fait Bovon de Conmarcis,

« Et bien soiez venus en cest nostre païs. »

Conme li rois Poï, si en geta .j. ris ;

i65 Andui se sont assis sor .j. lit cordeïs.

1 3 1 première— 1 56 lou
108 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« Belle, » ce dist li rois, « Gerarz est vostre amis :

« Volés que lo vos doingne ? quex en est vostre avis?


« Je vos ai si trestout aquité lou pais
« Ja mar douterois mais Persans ne Arrabis./. i5g b
170 — Sire, » dist la pucelle, « .vij. mois a aconplis
« Que ne desirrai el ne par mois ne par dis.
— Pucelle, » dist li rois, « s'a ma loi convertis
« Vos père l'amustant et sous c'avomes pris,
« Lor serés espousee sans nesun terme mis.
175 — Sire, » dist la pucelle, « or vos sera jehis
« Li tresor[s] Justamont qui tos est céans mis
« Et de .xij. rois est amassés et conquis.
— Molt iestes pros et sage, » dist li rois Loeys;
«Ne cuit miolz dotrinee d'Anjou dec'a Paris. »

180 Une cuve a fait d'aiguë anplir rois Loyes,


L'uille et lou cresme i mist .j. prestre beneïs.
L'amustant baptissa, nel fist pas a anvis ;

Por l'amor au franc conte out a nom Aymeri[s],


Et Faburs ot a nom Guillelmes li marchis
i85 Et li rois Libanors ot a nom Loeïs.
Puis lèvent les pucelles qui tant ont cler[s] les vis;
Ans n'orent autre nom ne changié ne remis.
Malatrie deserre .j. grant celier voltis :

Li tresor[s] Justamont fut lou jor desconfis ;

190 Ans mais ne fut par home si grant trésor conquis.


De tires et de pailles, de diaprés floris
Ghargierent il leans .xxxnij. roncins,
D'or et d'argent i moinent .vuj. tonnés raanplis.
Cil ors fut aus François donés et départis:
195 N'i a cil ne soit tos joiox et rebaldis,
Et beneïssent l'ore qu'il vinrent el pais.
Li vespres aprocha, au mengier sont assis.
En l'ost et en Barbastre aparaillent lor lis
Desi que el demain que jors fut esclarcis,
200 Que lor a chanté messe .j. chapelain[s], Landris.
Li rois a Glariont tos ses aleus guerpis :

174 nul t. —176 Lou 184 lou — 189 Lou 192 .xxmj.— — —
193 vuj ajouté au-dessus de la ligne et à la place de .j. 198 — il

manque ici un vers —


201 tôt son aleu guerpit
APPENDICE I 109

Ansin con iert devent en est après bailli[s].

Clarions l'an mercie, as pie's l'an est chaïs.


Par les bras l'an relieve Girarz et li cuens Guis;
2o5 Blanchandine li donent qui molt a cler lou vis,
La li fist espouser li rois de Saint Denis,
La dedens en Barbastre. f.iSgc

[L]eus que Clarions out Blanchandine espousee


S'an de France de Barbastre la lee.
ist li rois

210 Chasconne des pucelles ont sor .j. mul montée,


Blanchandine meïmes est avoc aus alee.
Cant il furent as très et l'ost fut ostelee,
Guiberz a Almarinde Libanor presantee,
Puis en firent les noces sos Bar[bastre] en la pree;
2 5
1 Morinde et Leride li a li rois donee.
Dont s'an tome li os, si s'an est remuée,
Dec'a Cordes la riche n'i ont fait arrestee.
Droit au perron de mabre de la grant tor quaree
Descendi Malatrie de la mule afautree;
220 .XII. conte l'adestrent en la sale pavée,
En une chanbre a voste illeuques l'ont menée.
Ses pucelles si l'ont richement atornee,
A .j. fil d'or ses crins trecie et galonee :

Ne cuit plus belle feme fust ans de mère née.


225 Puis issit de la chanbre, d'un diapré afublee,
Et entra en la salle François l'ont esgardee,
;

Et dist li uns a l'autre « Ou fut ceste trovee? :

« Ne cuit qu'elle fust ans de vilain engendrée :

1 Molt puet avoir grant joie cui elle est afermee.

23o « A cui si belle feme sera hui mariè[e]

« Ne puet estre anconbrés par nulle destinée

« A nul jor de sa vie. »

[D]e la chanbre est issue Malatrie a vis fier ;

O lui out .ij. pucelles qui molt font a proisier.


235 Et cant li rois la vit, si l'ala enbracier.
« Belle, » ce dist li rois, « je vos ai forment chier.

212 astelee — 2 1 3 guibert


I 10 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

« De ceu que vos promis en Barbastre l'autr' ier


« Vos ferai ge lou don orendroit otri[i]er. »

Li rois fait apeler dan Gerart lou guerrier,


240 Et li vasax i vint, ne se flst pas proier.
« Gerarz, » dist Loeïs, « tenés ceste moillier. »

Et Gerarz la reçut, puis la prist a baissier.


Par lou palais l'esgardent tel .v c chevalier .

Qui por .j. sol baissier donassent .j. destrier.


245 L'amustanz volt les noces de sa fille enforcier :

Il a fait defermer .j. solterrin celier :

Des pailles qui i sont puet on .ij. chers chergier,


L'autre avoir ne portassent pas .xxv. somier.
Une corone d'or qui molt fist a proisier /. i5g d
2 5o L'amustanz si l'a faite roi Loeïs baillier ;

Malatrie en corone, ne se volt plus targier,


Puis corone Gerart por s'onor essaucier.
Diènt François entr'ax, aval par lou planchier :

« Bien sanble Gerarz prince por tere jostissier,

255 « Et celle enpereris por grant terre baillier. »


Loeïs beneït Gerart et sa moillier,
Puis les fist espouser son chapelain Renier ;

Honque n'i out ofert ma[a]ille ne denier,


Mais pailles et besans et bons mars d'or entier.
260 .VIII. jors durent les noces sus el palais plenier.
L'amustanz fist fors traire son trésor et froissier;
Il n'ot en toute l'ost .j. tout sol escuier

Ne li donast .j. marc por son cors aaissier,


Ne duc ne chastelain ne conte ne princier
265 Ne li donast de soie riche garnement chier;
De neuf sont revestu trestuit li escuier
Por l'amor Malatrie.

Molt furent grans les noces a Cordes la garnie.


Devent la porte fut la quintaine drecie :

270 Clarions i feri por l'amor Malatrie,


Et li rois Libanor[s], qui sa loi out guerpie ;

Et de France i josta la riche baronie.

243 tex — 247 que il font. La bonne leçon est donnée par le ms.
re
2436g /• i5y r" J col.
APPENDICE I III

Li escuier borhordent par mi la proierie;


Illoc s'abani[i]erent desi a la conplie,
275 Puis alerent mangier par toute l'ost banie,
Et o palais de Cordes li autre baronie.
Et cant orent mangié, toute l'ost est colchie,
Ans puis n'i out par home faite escharguaitie :

Ne doutent mais nelui de la gent paienie.


280 Bien en ont ore Espaigne desconbree et vidie,
Dec' au perron Saint Jaque gastee et essillie.
.VIII. jors trestos entiers dura la taborie
Des noces la pucelle, ans que fust départie.
Clarions s'an repaire en Barbastre la riche
285 Et la gent de la ville qui estoit convertie ;

Devent chascon rendi trestoute sa baillie.

A Leride s'an torne Libanor[s] de Turnie,


Sire fut de Morinde, s'an out la seignorie.
Puis prent rois Loeïs congié de Malatrie :

290 La pucelle 'lou baisse et .nj. fois lou mercie.


Gerarz baissa Guion, li cuers li atendrie, /. 160 a
Et son père Bovon et sous de la lignie.
Dont s'an torna li os et la grant chevalchie,
Tout droit vers Sarragouce ont lor voie acoillie :

295 Ans ne la volt laissier, si l'a li rois saissie.


Aimer en fieva, molt bien l'ai anploïe,
Car onques mais n'ot terre tenant ne en baillie.
Puis a pris Panpelune, Fabur l'ai otroïe :

Cil porteront hui mais a Gerart conpaignie


3oo Et garderont [la terre] si con i l'ont saissie.
Par lou port d'Aubelune ont lor voie acoillie,
Lou port d'Inde laissierent a senestre partie,
En .vnj. jors est li os si de France avencie
Qu'elle s'est tant hastee et qu'elle s'est logie
3o5 Es prés desoz Nerbone.

[E]s prés desos Nerbone prist l'ost herbergement.

276 do p. — 286 rendoi —


291 Gerart —
296 Lamirant. La
leçon Aimer est donnée par le ms. 2436g f° i5~ r° 2 e col. 297 —
ne tenant en b. La bonne leçon est tirée du ms. 2436g 3oo le —
vers a été corrigé d'après le ms. 2436g
5

112 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Dame Hermenjart Tôt dire, tout son palais [portent]


De poilles et de porpres et d'ancortinement.
En la ville s'en antre molt richement,
li rois
3io Joste lui Aymeris et Bueve au fier talant,
Et de la grant lignie tuit li plus haut parent.
Hermenjart vait ancontre cui Dex doint hardement,
Lou roi vait enbracier, .v c mercis li rent .

Pour sou que sa maisnie li amoine en présent.


3 1 5 « Dame, » fait Loeïs, « fait [ai] vostre talant.
« Vés ci Bove vos fil, tenés, je lou vos rent. »

La contesse l'anbrace et acolle sovent,


Puis enbrace Aymeri et il lui ansument.
« Dame, » dist Aymeris, « recevés ce presant

320 « Que par moi vos envoie la fille l'amustant,

« Malatrie la belle qui tant a lou cors gent,


« Dont li rois qui ci est a fait marièment
« A Gerart vostre niés, lou fil dame Helissant :

« Riches hons est a force plus que tuit si parent.


325 « Et Aïmer[s], vos filz, a riche chassement :

« Sarracoce la large, ou grant richesce apent,


« Que li dona li rois qui si est en presant.
« Bien poés conmender a aus setirement :

« Ne trovés qui vos face ja mais enconbrement,


33o « Car n'a paien remés, par lou mien escient,
« Jusqu'au perron Saint Jaque ne croie fermement
« Ou il ne soit ocis a deul et a torment.
« Et li rois a ses homes loé si bonement /. 160 b
« N'i a cel ne s'anloent : riche sont et menant .»
335 Cant l'entent la contesse, lou cuer en ot joiant,
Beneïst Malatrie et Gerart ansument.
Au mengier sont assis androit l'avesprement.
Li fors rois Loeïs s'assit prumierement,

307 nous avons introduit la leçon portent d'après le ms. 2436g


— 3 1 1 dou plus h. p. Nous avons emprunté la bonne leçon au
ms. 2436 g en remplaçant la leçon tout par tuit — 3i2 que — 3 1

ai 2436g — 32 2 que si e. a f. mesmement. La correction


ms.
est faite d'après le ms. 2436g — 323 A ms. 2436g. Notre ms.
porte Et — 33 1 croient. La leçon croie d'après le ms. 2436g
f° 1 5 y v° i
T*
col. — 334 riches
APPENDICE 1 1 I 3

Et Hermenjart delés au gent cors avenant,


340 S'il furent bien servi, n'en demandés nient.
Puis alerent colchier a cel avesprement,
Volantiers reposserent.

[L]a nuit est trépassée, li jors est esclarcis.


Au matin se leva li bons rois Loeïs,
345 El palais de Nerbone s'est chauciés et vestis,
Puis alait oïr messe au mostier Saint Moris.
Cant elle fut chantée, cost s'an est revertis,
Et monta el palais tos les degrés voltis.
A la franche contesse a lou congié requis :

35o Dame Hermenjart li done et rent .v


c
mercis .

Del bien et del secors que li a fait tos dis ;

Puis li baisse .ij. fois et la bouche et lou vis.


Dont s'an ist de la ville nostre rois Loeïs.
Grant pièce lo convoie li frans cuens Aymeris.
355 Lou roi ont convoie, puis si ont congié pris ;

Li rois et si baron s'an revont a Paris.


Or départent les oz, li sièges est fenis.

33g Et h. serui — 35y gieges. Après ce vers le ms. 2436g


ajoute, avant de finir, les vers suivants pour relier le Siège de
Barbastre à Guibert d'Andrenas :

A Brubant s'en rêva dant Bernars li floris


Et Garins d'Ansseûne li preus et li hardis.
Et Ernaut de Gironde rêvait en son pais,
Et Guillaume a Orenge, Bueves a Commargis.
A Nerbonnois estoit li frans quens Aymeris,
Ensi ot ses enfans sevrés et départis,
Fors qu'il retint Guibert, le mainsné de ses fils.
Que encore n'avoit ne terre ne pais.
Avec lui le retint ses pères Aymeris
Et Ermengart sa mère.

Aveques Aymeri, son père le ferrant,


Et avec Ermengart, sa mère le vaillant,
Remest Guibers, lors fils, qui molt ot hardement.
Et Aymeris avec que il aime forment,
Ce fu Aymeriès dont il font chiere grant.
Avec le conte furent cil doi molt longuement
Et ont acompaignié maint chevalier vaillant,
Qui deifendent la terre contre gent mescreant,
114 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Ci androit vos lairons do roi de Saint Denis,


Qui s'an rêvait en France, avoc lui ses norris,
36o Et d'Emeri lou conte et de tos ses amis.
Ci après vos dirons de l'amirant persis,
Qui envait en Sebille fuiant a ses amis.
Molt sovent se clamoit maleiirox chaitis
De sa gent c'a perdue, son rené et son pais.
365 Tant erra l'amiranz et par nuis et par dis
Que il vint an Sebille lou règne seignori.
Par mi la maistre porte s'est en la cité mis,
Par les rues chevache desor lou blanc de pris.
Au perron de la sale descent grains et marris,
370 El palais en monta tos les degrés voltis.
Lou roi Judas trova c'au mengier iert assis,
Jantisment lou salue l'amiranz de Persis :

« Cil Mahomez, » dist il, « que nos devons servir

« Si sait et gart Judas, lou seignor de Lutis. »

3 j5 Et cant Judas lou voit, s'an fut tos esbahis /. 160 c


Pour sou que il lo voit tôt ensins sol venir,
Et son escut perciet et son haubert malmis.
Judas est saillis sus de la table ou il sist,
A l'amirant s'an va, si l'a par le[s] flans pris,
38o Puis li a demandé, encerchié et enquis :

Et font grans chevauchies sor païens molt souvent ;

Car afebloiez iert Aymeris durement :

Ne puet mes d'armes fere nul grant efforchement,


Ne n'issoit de Nerbonne du mestre mandement.
La se fesoit servir li frans quens richement,
Car de guerres mener se doloit durement;
Et si molt li quens de mort souvent.
se doutoit
A une sainte Pasque, que sont lié mainte gent,
Se pourpenssa li quens, qui ot grant escient,
Qu'il ançois que morust ne presist finement
Qu'a son filleul donra quite son casement :

Trestout le Nerbonnois et ce qui y apent,


Et a Guibert son fils a dit tout maintenant
Que de la seue terre ne tendra il noient ;

Et Guibers s'en ala courouciez et dolent


Conquerre estrange terre.
F° 1 57 VO ire_ 2 e co l,

366 il il — 368 ries — 372 Jantismement — 3y^ mahomet


APPENDICE I 1 I 5

« Pour Mahomet, » [dist il], « enpereres jantis,


« Dites dont vos venés, ne me soit pas mentis. »

L'amiranz li respont, qui fut grains et marris :

« Sire, je vien d'Espaigne ou ge suis desconfis.


385 « Perdut ai tos mes homes et mes mellors amis,
i Et si ai perdut Cordes et Leride autresis

« Et Morinde la riche et Barbastre ma cit. »

Judas ot la novelle, a poi n'enrage vis.


« Par Mahom, qu'a ce fait, sire amiranz jentis? »

3qo L'amiranz li respont « Li fors rois Loeïs,


:

« Aymeris de Nerbone et si fil autresis,

« Si m'ont tolu ma terre. »

[Qjuant entendi Judas que l'amiranz d'Espaigne


A perdue sa terre, molt en a grant engaigne.
3o5 II jure Mahomet, par molt fiere ahataigne,

Que mar lou se pensa Lois ne sa conpaigne


Ne Aymeris li cuens a la barbe grifaigne :

« Que ainsois que Mais vigne mosterrai tel conpaigne

« A
Gerart son nevo, qu'il a fait roi d'Espaigne,
400 « Se lou puis ancontrer ne a val ne an plaigne,
« Lou cuer li percerai par de desoz l'antraigne. »

Que que Judas dévisse et lui et sa conpaigne,


Qu'il iront sor Gerart qui sire est de Moraigne,
Es vos .j. mesagier qui revenoit d'Espaigne :

4o5 Eschapés fut de l'ost, ce soit a maie estraigne,


Et out tout sou veii que li prince demai[g]ne
Orent fait de la terre a l'amirant d'Espaigne,
Et si conme li rois et lui et sa conpaigne
S'an retorna en France lou chemin vers Toraigne,
410 Et Aymeris li cuens en ala en son re[g]ne
Et a Cordes laissa Gerart et sa conpaigne.
Li mes vait lou chemin vers Lutis en la plaigne :

Ja dira tes novelles, Jhesucriz lou mehaigne,


Dont il morurent puis maint fil de chastelaigne.

386 autresin —
3gr autresin —
392 tolue —
394 engraigne —
3g6 loeis —
397 lou conte —
406 maille —
410 lou conte 41 — 3

jhesucrist —
414 la fin de la laisse manque
I 1 6 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

41 5 [L]i mes vint a Lutis, si monta lou planchier, f. 160 d


Devent en mi la sale ou dévoient mangier;
La a trové Juda, l'amirant a vis fier.

I les a salues hautement sans noisier.


« Cil Mahomez,
» dist il, « que nos devons proier,

420 « Si sait et gart Judas et l'amirant qu'est fier.


« Novelles vos aport qui molt font a prisier.
— Di les nos, biaus amis, » dist Judas, « sans targier;
« Se bones nos dis, tu avras bon lo[i]er.
les
— Sire, »mesages, « jes dirai volantiers.
dist li

425 « Je m'en revien d'Espaigne tout mon chemin plenier.


« La ai veiï François, que Mahon[s] puist jugier
« A avoir maie honte et molt grant anconbrier,
« G'ont coroné Gerart, Malatrie a vis fier :

« Cordes li ont donee et Leride lou sier.


43o « Clarion[s] a Barbastre, mais de Gerart la tient ;

« Libanor[s] a Morinde ansin con elle siet ;

« Lois en va en France, il et si chevalier;


« Naymeris a Nerbone, qui tant fait a prisier.
« A Gerart n'ont laissiet mais que .m. chevaliers :

435 « S'or ne vos en vengiés ne vos pris .j. denier. »


Quant Judas l'antendi, Mahom prist a proier :

« E ! Marions, jantis sire, toi puisse graci[i]er!


« Or menderai ma gent tant qu'aie .c. miliers,
« Si m'en irai a Cordes ansois mois antier,
.j.

440 « Si asaldroi Gerart, ferai Cordes brisier,


« Et Barbastre la riche qui tant fait a prisier.
« Se ge puis Gerart prendre, jel ferai escorchier

« Ou ardoir en .j. feu ou en eve noier. »

Or pent Dex de Gerart, li veraies jostisier[s]!


445 Malement lou menacent li félon aversier
Qu'i lou feront destruire.

[L]i rois Judas manda sa gent par sa contrée.


De par toute sa terre avoit sa gent mandée.
En moins d'un mois en a tant asanblee :

429 données 432 Loeis — — 437 Et — 438 genti, quen — 443


et ou 444—lou
APPENDICE I 117

45o .O. furent la pute gent desvee,


As belles armes et au[s] tranchans espeefs].
Cors moinent grant cornée,
et boisines i

Et cil destrier heinissent et moinent gran ponee :

Es prés desos Lutis on grant noisse menée.


455 Et Judas conmenda, sans nulle demoree, /. 161 a
Que demain soit li oz et sa gent aprestee,
Pour aler devers Cordres qui tant est renommée.
Lanuit se reposèrent desi a l'anjornee,
El demain par matin, sans nule demoree,
460 Se sont levei paien, Dex lor doint destinée
Si maie que tuit soient honi sans demoree !

Chargent lor armeures a [molt] grandes charrees,


Char et vin et forment et viandes salées.
A l'esmovoir des oz i out grande huëe :

465 Sonent cors et buisines a molt grant alenee.


Judas en a sa fille avoques lui menée,
Agaie avoit a non, gente iert et acesmee :

Il n'out si belle feme dec'an la mer betee,

Et puis la prist Guibers a moillier espousee.


470 Paien s'acheminèrent et font grande huée
Et trépassent les terres et les anples contrées.
Tant a aie li os, sans point de sejornee,
Qu'il vindrent près de Cordes a demeie jornee.
La nuit si se logierent celle gent defaee :

475 Tandent très et aucubes tout contreval la pree.


Li queu si ont assés viandes atornees,
Grues, malarz et gentes et autresin pevrees.
Li maistres senechas avoit l'iaue cornée,
S'asiënt au mengier sans nulle demoree.
480 Et cant orent mangié et assez sans posnee,
Si sont levé des tables, qu'i n'i font arrestee.
La nuit fist l'escharguaite un[s] rois de Valfondee,
A tout .ij m Turs. Dex qui fist mer
. salée
Lor otroit la grant honte !

485 [L]i jors est esclarcis et Judas se leva,


Tôt maintenant et tost se vesti et chauça.

461 maille — 463 grandes — 467 Algaie —• 476 quex


Il8 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Pour l'amirant tantost a son tref envoia


Que il pas n'i demora.
venist a lui; il

Gant Judas l'a veu, adont li demanda :

490 « Dites, quel la ferons de ces François de la ? »

L'amiranz li respont « Beaus sire, ente[n]dés ça.


:

« Bailliés moi tost des chevaliers de ça,

« Je m'en irai à Cordes lou chemin par delà.

« Se g'encontre Gerart ne nus d'aus par delà,

495 « A ous me conbatrai, par Mahom qui tout a. » /. 161 b


Et Judas li respont Si soit con
: « vos plaira. »

.G. Sarrazin s'armèrent, Judas lou conmenda,


Et vestent les haubers, chascons l'iaume laça,
Et çaignent les espees, chascons espié porta.
5oo Hors des tantes s'an issent, chascons près se renga;
Atandent l'amirant qui gentilment s'arma :

Il vesti en son dos .j. haubert qu'il ama,

Et chauça unes chauces que maint jor gardé a,

Et laça en son chief l'iame poitevinal :

5o5 Li cercles iert d'or fin, li nasels qu'il i a


Valoit une cité, ce dist cil quo forja;
Et pandi a son col son escut c'an porta
Gant s'an foi de l'ost, que Lois l'anchauça.
Lou blanchet li amoinent, que il forment ama,
5 10 Et l'amiranz i monte, que estrier n'i bailla.
A Judas prist congié, d'illeuques s'an torna.
De l'amirant lairons qui ve[r]s Cordes s'an va,
Si dirons de Gerart, lou chevalier loial,
Qui [si] estoit a Cordes o pailais principal,
515 Qui veult aler veoir son parage qu'il a :

Droitement a Nerbone dit il qu'i[l] en ira,


.C. chevaliers avoc lui en menra;
Malatrie la gente que il forment ama,
Pour veoir son parage, volantiers i venra.
520 Gerarz li gentis hons son oirre aparailla,
.G. de ses chevaliers adouber conmenda.
Et il si firent tost, que nus n'i aresta :

Il vestent les haubers, chascons l'iaume laça,

487 très — 5o5 Lou cercle en i. dor f. lou nasel — 5o8 loeis
— 5ig u. lo uerra — 520 Gerart
APPENDICE I Iig

Et montent es chevas, chascons tel con il a.


52 5 Gerarz si fut armés sor .j. destrier liart.
Malatrie montèrent sor .j. mul qu'elle ama :

La selle fut d'ivoire, bien ait qui la tailla!


Lî ors et li argens dontpointure esta
la
Et li chanfrain doré, ou maintes pieres a,
53o Valoient bien .m. livres uns Juïs l'acheta,
:

Sil dona Justamont, qu'enprisoné l'ot ja :

Par droite reançon li Juïs li dona.


Gerarz tos ses barons antor lui apela :

« Seignor baron, » dist il, « por Deu entendes ça.

535 1 Je m'en vois [la] ou mes aieus esta, /. 161 c


« Pour veoir mes amis que ge ne vi pieç'a;

« A tos vos pri ansanble por Deu qui tout forma

« Que vos gardés bien Cordes et Leride de la,

« Et aidiés Clarion se il mestier en a.

540 — Sire, » font il ansanble, « ne vos esmoiés ja :

« Chascons a son po[o]ir de nos la gardera.

« Se Sarrazin i vienent ne paien deleal

« Li plus hardis d'ous tous molt chier lou conparra. »

Lors s'an torne Gerarz, a Deu les conmenda,


545 Lou chemin vers Nerbone tout droit s'achemina,
Un tertre son monté et .j. val avala.
Gerarz de Conmarchis devent lui regarda
Et a veiï paiens, l'amirant conut a,
Au dragon c'an baitaille avoques lui porta.
55o Gerarz ses chevaliers envers lui apela :

« Seignor baron, » dit il, « pour Deu entendes ça.


a Veez la Sarrazins, je cuit .c. en i a,

« Et si est l'amiranz qui en fuie torna

« Do siège de Barbastre cant Lois l'anchauça.

555 « Armés vos tos ensanble, que baitaille i avra. »

Et il si firent tost cant il lou conmenda :

Chascons vest son haubert et son hiame laça,


Son escu a son col, son cheval recengla,
Chascons monte en la salle do destrier que il a.

56o Gerarz dis chevaliers a lui en apela,

529 les —
533 Gerart —
535 auueul 543 tout —
544 gerart —
— 547 Gerart —
55o Gerart —
554 loeis 56o G* dist —
120 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Malatrie sa feme a ous .x. conmenda :

« Menés moi ceste dame ce chemin par delà. »

Et irespondirent « Sire, con vos plaira.»


li :

D'illeuc s'an sont torné, que nus n'i arresta.


5G5 Atant es l'amirant qui a vois escria :

« Ahi ! Gerarz traîtres, malement vos esta !

« Ça me lairés les [armes] et Ferrant lou cheval.


« Ancui serés pandus a .j. vert arbruissal,
« Lois ne vos parages ne vos garentira ;

5jo « Que ici vient Judas et lou pooir qu'il a :

« Si sont bien .cm. Turc et .xx


m Açopart, .

« Qui vos destruront Cordes et Barbastre de la. »

Gerarz s'ot menacier, sachiés grant deul en a.


Il dist a l'amirant : « Dans glos, or i para
5j5 « De vostre Deu Mahom con il vos aidera :
f. 161 d
« Ça me lairés la teste, nus ne vos guarira. »

Lors brochent les destriers, chascons Tespié crola.


Dex! con li destrier bruient! la piere en esgruma.
L'amiranz fiert Gerart sor l'escut a esmal,
58o Que soz la bocle d'or de son espié poingnal
Li a percié l'escut, la brogne li fausa;
Lés lou costel li met lou fer qui bien trancha.
Damedeus lou gari c'an char ne lou bleça ;
La lance l'amirant très par mi tronçosna,
585 Et Gerarz feri lui, que mie n'espargna,
De sa lance d'acier dont li fers bien trancha,
Que l'escut de son col li fandi et perça
Et l'aubert de son dos desront et démailla.
Par mi outre lou cors son espié li passa,
590 Que d'autre part l'eschine demi pié en passa.
Et Gerarz l'anpoint bien, cil a terre versa.
Gant Gerarz l'ot ocis, hautement s'escria :

« Par Deu, sire amiranz, ne me pandrois hui ja,

« Car la mort vos est prise. »

595 [Q]uant voient Sarrazin que l'amiranz est mors,


Que Gerarz l'a ocis de son espiet qu'est fors,
Or ne sevent il plus ou soient lor confors :

569 Loeis — 571 turs — 597 lors


APPENDICE I 12 1

Chascons tire sa barbe, lors chevox ont destors,


Et dient tuit « Ou prendrons nos confors?»
ansamble :

600 Et Gerarz s'escria a voiz et a effors :

« Or tost, franc chevalier, que nus n'en soit estors

« Que ne soient ocis et abatus et mors. »

Et François esperonnent, s'ont les panons destors,


As Sarrazins en vienent qui n'ont joi ne depors,
6o5 Si lor destranchent et les pis et les cors.
Sarrazin se defandent, mais ne lor fut confors,
Que François sont hardis et corageus des cors :

Trestos les ont ocis et destranchiés et mors,


Ne mais c'un Sarrazin qui out nom Pantenors,
Gio Qui sist sor .j. cheval qui l'an porte a effors.
Tant a esperoné lou cheval de Niors
Qu'il vint en l'ost Judas, si molt tost
s'escrie :

« Ou es aies, Judas, et li rois Sabinors?


« Nos alajues vers Cordes por espi[i]er les pors,
61 5 « S'encontrames François armés molt bien lors cors,
« A l'avaler d'un val, que l'an dit de Pinors. /. 162 a
« Maintenant fut getés illeuc l'amiranz mors,
« Tos nos paien ocis et destranchiés et mors,
« Et ge meïsmes suis navrés parmi lou cors.
620 « Se ge m'en vien fuiant, miens n'en est pas li tors.
— Par foit, il se dit voir, » ce li respont Butors :

« N'en doit pas avoir honte. »

[Q]uant li rois Judas out lou deul et lou domage


Que li ont fait François, a poi que il n'enrage ;

625 De l'amirant qu'est mors a deul en son corage.


« Ahi ! tant mar i amiranz d'Espaigne
fustes, sire !

« Or vos ont mort François, Mahomez les mehaigne !

« Certes se ne vos venge, ne me pris .j. fromage. »

Il a mendé ses homes, sous do plus hait parage,

63o Et il i sont venu sans nulle demoraigne.


« Seignor, » dist il, « entendes mon la[n]gage :

« Faites monter ma gent, chascons ses armes preigne,

« Caler m'en voil a Cordes qui ja fut mon parage,

« Si asaldrai Gerart qui tant a fier corage

600 Gerart — 602 Q. tuit ne s. — 604 joie


122 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

635 « Qu'il ne prise amirant, roi, prince ne aufage


« La montance d'un gant ne celle de ma[a]ille.
— Sire, » diènt si home, « a vostre conment aille. »

Lors destandent les très, les aucubes de sarge,


Trosent vin et froment et toute lor vitaille.
640 Tant chevache li os que a Cordes la large
Vienent .j. jeudi main es prés desor l'erbaige
;

Tandent lor pavillons de pailles de Cartaige.


Lou tref lou roi Judas tandent sor lou rivage :

Li paisson sont d'ivoire, de benus li estage,


645 La coverture valt l'or Julius Cesarge.
Cant il furent logié aval par les herberge[s],
Au mangier sont assis la pute gent salvage.
Si bouhordent et joent aval par lou preage,
Desi que vespres vint que chascons s'an repaire.
65o La nuit se vont colchier, que n'i font lonc estage,
Desi a l'andemain que li jors lor esclarge,
Que par l'ost se levèrent li Sarrazin aufage.
Rois Judas se leva, qui Dex otroit domage;
Vestit uns dras de saie qui furent d'un dyapre
655 Et fourré d'un ermine. /. 162 b

[Q]uant li rois fut vestus et il se fut levés,


Ses barons les plus halz a devent lui mandés,
Et il i sont venu, que n'i sont demoré.
« Seignor, » dist il, « envers moi entendes,

660 « Faites armer ma


que soient apresté,
gent,
« Car asaillir voil Cordes ans qu'il soit avesprés.

—Sire, » font il, « si con vos conmendés. »


Il font crier par l'ost que tuit soient armé

Por asaillir a Cordes les gloutons defaés.


665 Si sont en lor chevas tôt maintenant monté,
Prenent pis et martiaux et picois acérés
Et s'an vont vers le[s] murs que veulent efondrer.
Li rois Judas estoit sor son cheval armés,
A haute vois s'escrie : « De bien faire pansés.
670 « Cil qui prumiers sera dedens la ville antres

658 venus, demores — 660 et que s. aprestes — 664 li glouton


— 665 montes
APPENDICE I 123

« Avra .ij m
de deniers monaez. »
. livres
Et cant païen l'antendent, chascons s'est aprestés.
Qui dont veïst les murs de tos sens aornés
Et Sarrazins de picois acérés,
ferir

675 Qu'i voloient les murs d'une part effronder !

Et François furent desor les murs monté,


Jantisment se defandefnt], Dex lor croise bontés !

Jetent pieres agues et grans pex aguissiés ;


As Sarrazins debrisent bras et janbes et pies;
680 .C.en ont abatus ens el fons des fossés.
Que chaut? que lor defanse ne valt .ij. auz pelés.
Paien ierent as portes, li cuvert defTaié,
Les chaines ont ronpues et les pons avalés,
Les portes destranchies et les verrolz froés,
685 Par vive force sont en la cité entré.
A nos François destranchent les pis et les costés.
Et François s'escrièrent « Damedeu[s], car aidiés : !

« Ahi Gerarz beaus sire, ja mais ne nos varrés »


! l

Et paien les decopent, li cuvert defaé ;

690 En petit d'ore les ont tos descolés.


Li rois Judas est en la ville entrés ;

La nuit s'i est richement ostelés


Antre lui et sa gent, cui Dex puist mal doner,
Desi a l'anjornee que parut li jors clers,
6g5 Que li rois Judas s'est et vestus et parés, /. 162 c
Avoques lui Butor[s], .j. paiens defaés.
Judas en apela ses homes qu'ot menés :

« Seignor baron ,» distil, « mes homes conmendés

« Que maintenant et tost soient tuit adoubé :

700 « Ansin con de bataille soient tuit atorné,


« Caler voil a Barbastre la mirable cité ;

« Si asaldrai la ville et de lonc et de lés.

« Se puis Clarion prendre, au vent iert ancroés.

— Sire, » dist dont Butor[s], « si con vos conmandés. »

yo5 Par les herberges s'an est Butor[s] aies,


Si conmende as paiens que tost soient armé.

676 montes 680 font —


682 cuuers deffaiez —
685 entres — — 689
defaes 6ç3 —
que 694 lou jor cler —
697 quot auoc m. — — 699
adoubes —
700 tos atomes 701 cites 706 armes — —
124 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Et il si firent tost cant i Tout conmandé :

Il vestent les haubers, s'ont les hiames fermés,


Et çaignent les espees a lor senestre lés;
710 Et montent es chevas corans et abrivés,
Puis pandent a lor cos le[s] fors escus bandés.
Droitement vers Barbastre se sont acheminés,
La forés de Nimaie prenent a trespasseir,
Desi as gués de Sore ne se sont arrestés,
7i5 Puis s'an passèrent outre li gloton defaé,
Et voient de Barbastre les tors et les fossés
Et la mer qui li bat droit a l'un des [cjostés.
Clarions fut as estres de la tor hait montés,
Et a choisit les loges, les aucubes, les très.
720 Out ces chevas henir, ces destriers abrivés,
Et conut bien Judas, que veiï Pot assés.
Dont reclama Gerart qui estoit ses privés :

« Haï! Gerarz, biau[s] sire, et que ne savïés

« Que Sarrazin feiïssent devent ceste cité ?

725 « Certes vos venissiés et trestos vo barnés. »


Que que Clarion[s] dit et il s'est démentes,
Es vos .j. mes qui vint, qu'iert de Corde eschapés.
Par mi la maistre porte est en la vile antres,
Les degrés contremont est el palais antres,
73o Et trova Clarion dolant et abosmé.
« Sire, » dist li mesages, « envers moi entendes.
« Cordes avons perdue et Leride de lés,

« Et li François si sont tuit ocis et tue.

« Gerarz s'an va en France lou secors amener,

735 « Et si a l'amirant ocis et afolé. »

Cant Clarions l'entent, a poi qu'il n'est desvés. f. 162 d


Et li rois Judas s'est logiés aval les prés,
Et conmende asaillir la maistre fermeté.
Et il si firent tost, puis qu'il fut conmandés :

740 II vestent les haubers, s'ont les hiames laciés,

Prenent pis et martois [et] fesseurs acérés.


Jusqu'as murs de la ville ne se sont arrestés.
Fièrent des pis agus, des martias acérés,

723 et vos que ne saues —


724 cites —
727 cordes 730 —
abosmes —
733 tues —
735 afoles 738 —
fermetés 742 Droit as—
APPENDICE I I2D

Et François se defandent qui as murs sont monté :

745 Gietent pieres agues et grans pex aguissés,


Si les abatent mors ens el fons de[s] fossés.
Li rois Judas s'escrie « Seignor, aiers estes
: :

« Ne voil que vos ociënt cil gloton defaé. »

Et il si firent tost, cant i Tout conmandé.


j5o L'angignor Brunadas a devent lui mandé,
Et il est venus volantiers et de grés
i :

« Faites moi .j. angin qui tost soit aprestés

« Por feu giter grejois leans en la cité.

— Sire, » dist Brunadas, « si con vos conmandés. »

7? 5 Ses charpentiers a fais venir et assanbler :

Molt tost lor conmenda sou qu'il ot enpansé,


Que fais soit tex angins, qu'i lor a dévissé.
Et il si firent tost, que n'i sont arresté.
Or est fais li angins, jantilment conpassés.

760 [0]r est fais li angins as Sarrazins félons,


Près des murs l'ont atrait, Jhesucriz mal lor dont !

L'angigneor[s] i montet, porte feu et charbons,

[Et] si porta avoc petites pocignons


Ou il metra lou feu por geter as maissons.
765 Cant ot fait son atrait, il s'an monta amont,
Lou feu a grant esploit lor geta et charbons.
Aval par mi la vile s'espandent les poçons,
Sor les maisons chaïrent, si brisent de randon.
Li feus grejois esprent et lates et chavrons;
770 Trestout antor la ville se prent li feus adons.
Et François vont au feu, ataignent les charbons.
Que que François entendent antor et environ,
Li paien vont as portes, si debrisent les pons,
Et les fossés enplirent de fus et de jarrons,
775 Les portes destranchierent, c'arrestement n'i font.
Et les ferrolz peçoient et défroissent les gons.
Par mi la maistre porte se metent a bandon, /. i63 a

744 montes — 746 aguissies — 748 defaes — 749 conmandés


— 760 Langignors — 753 cites — 756 enpanses — 767 deuisses
— 758 arrestes — 759 la fin de la laisse manque — 761 jhesucrist
— 768 randons — 773 Et p.
126 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Aval par mi la ville font grant confussion,


Nos François i ociënt et aval et amont.
780 Et cant no gent lou voient qu'il n'avront guarisson,
Jantilment se defandent trestuit nostre baron,
Et Clarion[s] i vient li chevaliers baron,
Et tenoit une hache don d'acier iert li trons,
Et fiert les Sarrazins, [si] destranche lor pont :

785 Plus de .vij. en abat devent lui el donjon.


Cui chalt? que sa defanse ne li valt .j. bouton,
Car trop i out paiens, Persans et Esclavons.
Atant es vos Butor, qui Jhesucriz mal dont!
Tenoit .j. branc d'acier dont dorés iert li pons,
7<jo Vers Clarion s'an vint errant de grant randon,
Par mi son hiame a or lou feri a bandon
Qu'i li tranche lou hiame et la coife desront :

L/espee fut tranchans et li paiens félon.

780 nos — 782 Et c. o. u. lou cheualier — 787 out] uient


788 jhesucrist
APPENDICE II

Ms. Bibl. Nat. fr. 1448

A Nerbone iere Aymeris li marchis, /. 88 b


Ansanble o de ses filz.
lui avoit .v.
Ernalt le rous a apeller an prist :

« Par Deu, Ernalz, molt grant folie ait si,

Quant atandeiz partie an mon pais :

Jai n'en areiz ke vaille .j. parasis;


Mais aleiz an an Geronde ou païs,
Un conte i ait ke molt par est gentis,
Mais assis l'ont paien et Arabi.
10 Une fille ait k'ait a nom Biatrix.
Il n'ait si saige desci a Saint Denis. »

Respont Arnals : « Volentiers, non anvis.»;


.M. chevaliers a apeller ait pris :

« Meteiz vos seles, s'an vanreiz avoc mi.


ID — Volentiers, sire, » li chevalier ont dit.
A ces paroles dou palais sont husi,
Lors seles metent, as chevalz se sont pris,
Congiet ont pris de trestoz lor amins.
Atant s'en tornent, ke n'i ont terme quis.
20 Tant chevaicherent par puis et par laris
Ke de Geronde voient les murs antis

4 ernalt — 10 ki ait
128 LA PRISE DE CORDRES ET DE SEBILLE

Et le grant siège des paiens maleïs.


Hernaus ses homes a apeller an prist :

« Or tost as armes, franc chevalier gentil !

25 « Paien manjuient : si bien les asailis,


« An petit d'oure les arons desconfis. »

Atant s'armèrent li chevalier de pris,


Puis s'an tornerent le pandant d'un laris.
Tant esploiterent k'en loges se sont mis,
3o N'en sorent mot paien nen Arabi,
Tant k'il en orent plus de .xm ossi[s]. .

Kant Sarrazin voient k'il sont soupris,


En fuie tornent, les frainz a bandon mis :

Cil les enchausent .v. lues, voire .vj.,

35 Puis s'an retornent no chevalier de pris.


Dedans la ville maintenant se sont mis.
Ancontre vient li prous quens Savaris,
Ernalt baisait et la bouche et le vis.
« Sire, » dist il, « don iés, de kel païs?

40 « Ke nos mortelz anemins. »


ais ocis
Hernaus respont « Je suix filz Aymeri.
:

« A vos m'envoie li frans quens poestis,

« Ke me doneis vo fille Biatri[s]. » /. 88 c


Respont li quens « Volantiers, non anvis.
: »

45 A ces paroles ou palais se sont mis ;

Maintenant mandent l'esveske de la cit.


Et il i vint, ainz n'i ot contredit,
An une chanbre ansamble se sont mis,
Lai ou la dame se seoit an .j. lit;
5o Lai les fiance a la loi del païs,
Et lo'ndemain la mase chanter fist:
Grans sont les noces el palais signori.

44 non] ne
js^**" jr*ZSB$BF^9^^Zr^

mB^S *3êÊ n' Jur ^Sa/ 1

VOCABULAIRE

A= et 39, 2894, 2460, 2855. parer du butin; — la voie


A 147' 47 ^ IÔ22 "iter/.,< 1667, se mettre en route.
j/z : Acointier 236, 1283, 235o,
Abaissier 2371 ; subj. pr. rencontrer, connaître;
s. 3* p. abaist 1
149; abais- 26 S 3, reconnaître ; réfl.
ser, baisser, s'incliner. 180 5, faire connaissance
Abolestrier 2200, arbalé- avec quelqu'un.
triers. Acoler i5o; prêt. pi. 3 e
p.
Abomé 701, affligé. acollerent 2526; embras-
Abonder, ind. pr. s. 3- p. ser.
abonde 341 ; être en abon- Adeser 159,403, toucher.
dance. Adestrer, ind. pr. s. 3 e
p.
Abrivés 1777, abrivé 1202 adestre 1 1 15, 1 \22\accom-
(épithète de destrier), 1 529, pagner.
1 542 ; rapide, impétueux. Adolee 724. affligée.
Abuvrer 1 1 3, abreuver. Adont579, adons 2378 ;j/or5.
Acerins 2858, arme d'acier, Ados, ace. pi. 601, armure.
épée. Adouber, prêt. pi. 3- p
Acesmé 715, 1180, paré. adoubèrent 2081 armer. ;

Acesmeement 2793, élégam- Adougié 23 15, svelte.


ment, avec grâce. Adurés 1200, endurci à la
y
Acoillir,— laproie 1062, $ em- fatigue, éprouvé.

9
i3o VOCABULAIRE

Aé 680, âge, vie. Aiesier, réfl. 214, se divertir.


Afaitié 2635, bienfait; afai- Aiguë 196, 253, 408, 1289,
tiés 124.3, préparés. 1469, aive 351, 354, 77 2 ,

Aferir, ind. pr. s. 3& p. afiert 1291, 2093, aieve 1258,


1297 ; appartenir. i533,eve 1006, i33o, 1407;
Afichier 2 323, appuyer. eau, rivière.
Afiër 814; ind. pr.s. jre p. afi Aimaier, voy. Esmaier.
243, 564, 875, 2655; 3e p. Aiment 2808, aimant.
afie 878, 25oi ;
part. p. Ains 685, avant , auparavant ;
afiés 823, afié 1934, afiëe qui ains ains 1829, qui ainz
1621; donner sa parole, ainz 179, à qui le plus vite;
assurer, rassurer. cf. Ans.
Afoler i532, 2476, blesser. Aire 3o6, origine, famille ; cf.
Afubler, part. p. afublé 732, Put.
afublee 1236; revêtir. Aïrer, réfl. 58o; prêt. s. 3 e p.
Agenoillier 2882; part. p. aïra 437; part. pr. aïrant
agenoilliés 2340; s'age- 1102; part. p. aïriés i65;
nouiller. se courroucer.
Agu 354, 376, agus 35o, Aires, en — 2808, en Vair.
363 aigu.
;
Ais 1 146, planche.
Aguait 1657, aguet, embus- Aissiés 227, à même.
cade. Ajorner,j9ar£.j9. ajorné 1673,
Ahaitir, part. p. ahaitit 2617 ;
2i5i faire jour.
;

défier. h]os\QY,part. p. ajostés 2 1 00;


Ahi 1634, aï 2627 ; ah! être ensemble', 949, être
Aichauguaitier, voy. Es- semblable.
chaurguaitier. Alaissier [pour eslaissier),

Aidier 104, 140, 245, 3 18; part. p. alaissié 1 1 5 ; éten-


impér.pl. 2° p. aidiés 1390; dre.
subj.pr. s. 3 e p. aïst 2o5, Aler 86, 114, 788; ind. pr.s.

292, 3o5, 692, 855, 1262, jre p, vois 934, 1283;


1270, i3o4, i36i, 1369, 2 e p. vas jj', 3e p. vait
i65o, 1677, 2322, 2445, 197, 200, 265, 1102, 1444
aiïst 2426; aider; très va 656, 936, 1097; pi
souvent employé dans la 3 e p. vont 128, i38, 254
locution si m'aïst Dex. 536, 586; imp. s. 3 p
e

Aïe 643, 728, aide. alait 2i3 prêt. s. i re p


;

Aieres 387, 1200, i525, aiers alai 63; fut. p. irai


s. 1™
116, 293, aier 206, 25o; 637,881, 1430, 1844, 23ll
arrière. pi. i re p. irons 965; 3e p.

VOCABULAIRE i3i

iront 2348; condit.s. i Ts p. 2526, endui 770, anbedous


iroie 434; impér. s. 2 e p. 2o33, andous 21, 1812,
va 611, 618, 806; pi. 2 e p. endous 252, andox 509;
aies 82, 232?; subj pr. s. . tous les deux.
1 rc p. aille 43 1 ; 3e p. voist Anbleor 2016 (épithète de
1098, 1099; pi. 2« p. ail- mulet), mulet qui va l'am-
liés 2304; 3 e p. aillent ble.

1429 imp.
; s. / re p. Anbler, ind. pr. s. 3e p.
alasse 1839; 3 e p. alast anble 1238, 1245; aller
3o6, 328; pi. 2 e p. alissiés Vamble.
io58; part. p. aies j3, Anbler, part. p. anblee i3o3;
aie 1728; aller, s'en aller. dérober, enlever.
Alixandrin, paille — 2106; Anbrunchier, part. p. an-
d'Alexandrie. brunchié ig4;baisser.
Aloser, part. p. aloses 429; Anbuchier, part. p. anbu-
louer, honorer ; l'alosés chié i338; cacher, embus-
992, 1689, le renommé. quer.
Alundrelle 264, alondresles Anchargier,vqj'.Enchargier.
1485 hirondelle.
; Anchaucier, voy. Enchau-
Amaier, voy. Esmaier. cier.
Amenchiés 2901 (pour es- Anclignier, part. p. ancli-
manchié), rendu manchot. gnié 2341; saluer; ancli-
Amender, part. p. amendés ner, ind. pr. s. 3 e p. an-
2592 ; devenir meilleur. cline 327; prêt. s. 3 e p.
Amener 2452, 2454; ind. pr. anclina 335, renverser;
s. 3 S p. amoine 588, 1790; 1775, saluer.
pi. 3 e p. amoinent 490, Ançois 1271 ansois , 681,
amoienent 2175; part. p. 1 55 1 , ansoies 62 5; plutôt;
amoné 1748; ammener. 1088, avant.
Amer 1 5 18,1732; ind. pr. s. Anconbrer, ind. pr. s. 3 e p.
jre p. ain 5oi, 606, 1784, enconbre 164; part. p.
2821; 2 e p. aimes 2408; anconbrés 412; gêner;
pi. 2 S
p. amés 2 363 imp. ; 190, chargé.
pi. 3e p. amevent 2086; Anconbriers 244, anconbrier
prêt. s. 3 e p. amat 11 24; i3o, 229, i3i4, 1392; em-
aimer. barras, obstacle, difficulté.
Amont io56, 1864, en haut. Anconmencier, ind. pr. s.

Amors 5o2, amour; son d' 3 ù


p. anconmence 2061 ;

3o, chanson d'amour. part. anconmenciee


p.
Anbedui 52, andui 592, 765, 2768, 2771; commencer.
102 VOCABULAIRE

Ancontre 282, contre; 466, ragiés 2382, 2903 ; devenir


à l'cncontrc
2391, envers.
; furieux.
Ancontremont 1841, en haut. Ans 227, 292, 523, 537, 548,
Ancontrer 1680 ind. pr. pi. ; 733, 890, 898, ens 2840;
3 e p. ancontrent 2022 réfl.; jamais (avant); 58i, 627,
se rencontrer ; con lor est 917, plutôt, au contraire;
ancontrés (ancontre) 704, 922, avant; ans (ens) que
1709, quelle aventure ils 41, i385, 2860, ans c' 366,
ont rencontrée. ans qu' 1247, avant que.
Ancroier 1789 ;
part. p. an- Anseler, part. p. anselés
croiés 181 6; pendre. 1
179; seller.
Ancui 602, 816, 1372, i685, Ansignier 2704; impér. pi.
2476, 2470, anqui 1789, 2e p. anseigniés i3io;
2281, enqui 66\ aujour- part p. ansigniee 1 1 39 ap-
.
;

d'hui. prendre, élever, instruire,


Andemantiers, voy . Ende- montrer.
mentiers. Ansin 285, 415, 574, 707,
Androit, ci — 928, ici même. 849, 2 140, 2658, ainsi; tout
Andui, voy. Anbedui. ansin con 32o, ainsi que.
Angarde 97, lieu d'observa- Ansois, voy. Ançois.
tion, avant-poste. Ansument 2297, 2 5o3, éga-
Angoissier, ind. pr. s. 3 e
p. lement, aussi.
angoisse 309; tourmen- Ante, voy. Hante.
ter. Antendre, voy. Entendre.
Angraignier, ind.pr. s. 3 e
p. Antie i652, vieille.
angraigne 661 devenir ;
Antir 2873, entier.
plus grand, augmenter. Antor, —
et environ io5i,
Anhodelire 2859, 2868, garde de tous côtés.
de l'épée. Antrepiés 143 , sous les
Anpires 258 1, réunion de pieds.
vassaux; anpire 2064, em- Antresai 2409, tout de suite.
pire. Anuitier, a 1' —
72, à la tom-
Anpirier, part. p. anpirié bée de la nuit.
1902; endommager. Anvaïr, part. p. anvaïe 2838;
Anplir, part. p. anplie 912, attaquer.
1027; remplir. Anvers, voy. Envers.
Anpoindre, ind. pr. s. 3 e
p. Anverser, ind. pr. pi. 3
p. e

anpoint 336; passer. an versent 1898; renver-


Anragier, ind. pr. s. 3Q p. ser.
anrage 225o; part. p. an- Aorer 6j, 5j6, 795, adorer.
.

VOCABULAIRE i33

Aparaillier, ind. pr. s. 3 e


p. d'Oxford de la Chanson
aparaille 2502; pi. 3 e
p. de Roland sous la forme
aparaillent 2327; part. algier 439, algeir 442, pi.
p. aparailliet 21 5, aparail- agiez 2075 et dans les Ché-
lié 1276, 1792, 1795, 1811, tifs sous la forme pi. agiés
aparailliés 208, 2390; pré- (voy. Godefroy).
parer, apprêter. Armes, voy. Hiaume.
Aparmain 489, tout de suite, Arouter, part. p. arouté
sur-le-champ. 1 8 54 ; se former en troupe.
Apeler, part. p. apelé 5 55; Arrabit 2856, cheval arabe.
appeler devant la justice, Arrestement 1407, 2482,
accuser. 2681, 2683, arrêt.
Apendre, ind. pr. s. 3 e p Arrestison 1076, arestison
apent 1414; appartenir. 1069 arrêt. ;

Apert i5o8, franc, noble. Ars 2856, poitrine, partie


Aplaignier, ind. pr. s. 3* p. de devant du cheval.
aplaigne 608.; caresser de As, voy. Ous.
la main. Asalz i525, i543, 1729, asalt
Après, en — 83, 998, io32, 1699, açalt 1786; assaut.
1346, 2084; après, en- Asazé 2177, rassasié.
suite. Asevir, voy. Assevir.
Aquiter, ind. pr. s. 3 e
p. Assanbler 453, rassembler.
aquite 2147; 5e rendre Assegier, ind. pr. pi. 3* p.
maître de. asiegent 2196; assiéger.
Arabi, mul — 546 ; arabe. Asseoir, ind.pr. s. 3 e p. asiet
Araine 1564, 2235, airain. 291 1 ;
prêt. s. 3 e
p. assist
Araisnier, part. p. araisnié 2281 , asist 539 , 2487;
2637; voy. le suivant. pi. 3 e
p. asidrent 2060;
Araisoner, ind. pr. s. 3 e p. assidrent 1006; part. p.
araissone 3 14; part. p. assis 609, 697, i5i6, 23oo,
araissonés 2282; adresser 2731, assisse 33, 2057,
la parole. assisses 2732, 2741 ; s'as-
Archiee 2775, 2787, portée seoir, placer, mettre.
d'un arc. Assevir, part. p. assevie
Ardoir 783 part. pr. ardant
; 1953, asevie 932 ; accom-
2564; part. p. arse 2565; plir.
brûler. Atargier, réfl. 1287; ind.pr.
Argeus 2743, dards. C'est s. 3 e
p. atarge 644, 895,
sans doute le môme mot 916; pi. 3e p. atargent
qui se trouve dans le ms. 1403 ;
prêt. pi. 3e p. atar-
1
34 VOCABULAIRE

gierent 1128; part. pr. Ans, voy. Ous.


atargent i3qq s'attarder; ; Ausin 262, 1243, aussi.
pris substantivement 106, Autel 1629, 2499, tel.
retard. Autor 2039, 2045 compa- ,

Atenir, réfl. 2010, se rete- ratif de haut.


nir. Autr'ier, 1' — 23 1, 1309,2140,
Atornement 1426, arrange- l'autre jour, naguère.
ment, disposition. Aval 355, 688, 1049, I2 44>
Atorner 942 nos iert atorné; 1584, 1744, en bas.
1524, cela nous tournera. Avaler 688 ; ind. pr. s. 3e p.
Atroser n 77, charger. avale 1845, 1868; prêt,
Auberz, voy. Haubers. pi. 3Q avalèrent 121 2;
p.
Audours 7, audors 2225. descendre, faire descendre,
D'après le contexte ce mot baisser.
doit signifier aube. La Avenanz2296, avenant 142 1,
forme sous laquelle il se 2569, 2663; agréable, gra-
présente est asse^ bigarre. cieux, convenable
On serait tenté de croire Avenir, prêt. s. 3° p. avint
que audours n'est qu'une 1248, 1528; advenir, arri-
faute pour aubours (comp. ver.

albor prov., cat., anc. esp., Aventure 705, 027, bonite


et port.) ; mais nous doutons ou mauvaise chance.
fort que com-
le copiste ait Avillier, part. p. avilliés

mis deux fois la même 139; avilir.


faute. Pour expliquer cette Avillier, fut. pi. 3 e p. aville-

forme faut-il supposer l'e- ront n5o; cond. pi. 3° p.


xistence d'un mot* albidor, availleroient 1 1 5 1 ; s'éveil-

tiré de albidus
(comp. ler.

clardor =
claridor de* Avis, estre — 1097, paraître,
* claridus)? Quelle que
soit sembler.
l'étymologie de notre mot, Avisson, venir en ^97, —
il porte le cachet d'une se présenter à l'esprit.
forme d'origine provençale. Aviver, ind. pr. s. 3e p.
Auferrant 36q, cheval de ba- avive io38; animer, exci-
taille. ter.

Aumaçors 5o5, Avoir 5 12; ind. pr. s. i rc p.


39, 45, 74,
528, 607, 641, aumaçor ai 84, 149, 23o, oi22i, 3i6,
63 2 773 8 1 2, 8.S4 chef sar-
,
,
; 755; 2 e p. as 52i, es 1763,
rasin (cf. Gachet, Gloss. 2562, 2588; 3* p. a i53,
du Chevalier au Cygne). 166, 167, 234, 247, ait 17,
.

VOCABULAIRE 135

n5, 127, 186, 282, 280, Baillie 1639,1956,1962,2068,

706, ai 808; pi. i re p. avons pouvoir, possessioti.


485; 2 p. avés 425, 442,
e Baillier 2709; prêt. s. 2 e p.
e
44G; 3 e p. ont io3, 104, baillas 61 5; pi. 2 p. bail-
i3i, i34, i36, 384; n?zp. lastes 668, 1857; 3 S p.
5. J reavoie 794; .? f.
p.
c baillierent 1 56 ;impér
avoit 4$; pi. 3 e p. avoient s. 2 e p. ij6;part.
baille

600; prêt. s. 2 e p. us 2408; p. bailliés 238, 2689; don-


3e p. out 29, 54, 324, 349, ner, attraper, saisir, pren-
35 1, 398, ot 169, 189, 345, dre.

370; pi. i™p. eiïmes 954: Baillir, part. p. balit 1107;


3 & p. orent 52, 1894; traiter.

fut. s. i re
p. avrai 1370; Baissier i5o; ind. pr. s. 3e p.
2 e p. avras 3o2, 61 p. 3 ; 3 e
baisse 482; pi. 3 e p. bais-
avra 643, 766, 968, avrait sent 2526; imp. pi. 3 e p.
2309, avret 17; pi. i* e p. baisoient 2584; impér. pi.
avrons 1141; 2 e p. avrois 2c p. baissiés 2549, 255 1;

681, 764, 2075, avrés 209, baiser.


296, 298, 525 3 e p. avront ; Baissier, impér. pi. 2 e p. bais-
6j8\condit. s. 3 e p. avroit siés 843, 856; baisser.
241, 1 195 ; subj.pr. s. i r
^p. Balais 11 53, retard. Le mot
aie 554, 876 3 e ; p. ait 937, est d'origine provençale.
a 2143, oit 1349; i mP- s. M. Levy cite trois exemples
2 p. aiisses 1 5 55 ; 3e p. de ce mot (Provenz. Sup-
aiist1739, 2929; eiïst 467, plément - Wôrtebuch, I,

2767, 2768; pi. i** p. eiïs- p. 121), tirés du mystère de


siens 1 339 > ^e P- eussent saint Eustache publié par
601 ; avoir. l'abbé P. Guillaume (Mont-
Avoirs 1607, avoir 543, 547, pellier, i8gi).
55 1, 757; richesse. Balcent, voy. Baucenz.
Baldor 2 5, joie; a baudor
Bachelers 1208, 1219, 1691, 2194, 2224, avec ardeur,
bacheler 745, 2442; jeune avec allégresse.
homme. Baldré 716, ceinture.
Bacin 2 1 10 vase à boire. , Balois, comparatif neutre
Baer 1229, ouvrir ; ind. pr. de bel : do — et do miez
s. 3 e
p. baie (la gole) 62, de ce qiîil y a de
2809 , tenir la bouche mieux.
béante. Bals 2540, baus 2706, bauz
Bai 2733. cheval bai. 1345, hait i56i, i85i,
.

i36 VOCABULAIRE

2328, 2668, balde 2602 ;


Bellement 281 5, gentiment,
joyeux, fier. doucement.
Bandon, a — 1045, 1049, Beneïçon, a Deu —
846, 852,
1068, 1070, 221g; pleine- 1073, à la grâce de Dieu.
ment, en toute liberté, avec Beneïre 2071, 2077; ind. pr.
impétuosité. s. 3Q
p. beneïst 21; part,
Banie, ost — 2228, 2229, ar- p. beneïst 2696; bénir.
mée convoquée par ban. Ber, nom. s. 249, 41 3, 43o,
Baptisier 2378; prêt. pi. 3 e p. 437, 559, 579; baron, rég.
baptisierent 2078 ;
fut. pi. s. 486, 598, suj. pi. 801 ;

j
re
p. baptiseron 860; barons, rég. pi. 53 ',baron>
part. p. baptisiés i85, Bericles 1147, 2731, béryls.
baptissiés 2369, batissiés Besoigne 317, besogne, af-
22o5 ; baptiser. faire.
Baptistire 752, batestire 472, Beur, voy. Buer.
2062, 2073 ; baptême. Bié i33o, biés i52o; lit d'une
Barbés 1 182, barbé 672, 945, rivière
95 1 ; barbu. Bien, subst. 1797, 2388, bien.
Bargaigne 665, chance; cf. Bis 1472, bise 2737; gris brun.
Traire. Bliaut io63, vêtement de
Barnages 341, 1000, 2io3, dessus.
barnage 48, barnaige 23, Blo 2925, bleu.
i25o; noblesse, assemblée Bocle, voy. Boucle.
de barons, vaillance, puis- Boelle 1271, boyaux, en-
sance, train, luxe. trailles.
Barnés 402, réunion de ba- Boidie 10 10, tromperie, tra-
rons ; a barné 1696, 2 161, hison, méchanceté.
avec ardeur. Boisiere 1126, 2776, trom-
Bastir, part. p. bastie 2o56; peur, traître.
bâtir. Boivre 287, 1 33g imp. s.
;

Batestire, voy. Baptistire. 3 p. buvoit 1479 prêt,


e
>

Batre, — les dens 947, les pi. 3 e p. burent 943, 1054 î

janbes 2893, — ses paumes bnpér. pi. 2 e p. buvés io52 ;

1719, 1780; frapper l'un subj.pr. s. 3 e p. boive io33 ;

contre l'autre. imparf. s. Je p. belisse


Baucenz 1456, balcent 975; 2934; part. p. but 1224;
cheval pie, tacheté. boire pris substantivement
;

Baudor, voy. Baldor. 721.


Bel, adv. 2667, bien; cf. Bonemant 25oi, bonement
Balois. 2579 ; de bonne grâce.
VOCABULAIRE l3l

Borjois 2187, bourgeois. 319, 35o, 363, 1288, 2779 ;

Bos 2374, bois. part. p. brochant 1406;


Bos 690, 703, 727, 1482, éperonner.
crapauds. Broigne 2785, cuirasse.
Bos 1027, bous 912, 1344; Bruillet 1657, petit bois.
bouteille. Bruire, part. pr. bruiant 32o;
Boucel 1490, outre. faire du bruit.
Bouchete 710, diminutif de Bruis 479, brus 355, bruit
bouche. 386, brut 365 bruit. ;

Boucle 2784, bocle 322 par- ; Brunete 731, diminutif de


tie centrale du bouclier', brune.
boucles 2741, anneaux. Brunie i656, sombre.
Bourc 627, partie fortifiée Brus, voy. Bruis.
d'une ville. Bu 681, i55i, le tronc du
Bourier 21 56, celui qui con- corps.
duit les bœufs. Buer i85, 21 13, beur 763,
Bous, voy. Bos. i688;£/e/2, heureusement.
Bouter, ind. pr. s. 3 Q p. Bues 1660, bœufs.
boute 326, 291 1 pi. 3 e p.
; Buies 2571, entraves.
boutent 122 pousser.
; Buletel, pain a — 1489, pain
Boutillerie 1016,2094, charge fait avec de la farine blutée.
de bouteilles.
Bouton 2208, bouton, em- Ça 176, 1072, 1 3 1 7, i38o, ici.

ployé comme terme de Caigne, laide — 666, mau-


comparaison pour désigner vaise mine. AI. Godefroy
une chose de peu de valeur. (Suppl.) cite un exemple de
Braciee 2773, la longueur ce mot, non avec le sens que
des bras. nous lui attribuons, mais
Braire 1701, crier. avec celui de chienne. Ray-
Brans 964, branc 282, 334, nouard (Lex.rom., I,^.3o6)
2695 épée.
; donne pour le provençal
Bricon 299, 597, bricons6i4; canha seulement la signi-
fou. fication de chienne et de
Briés 192, lettres. canine (adj.).Dans la Chan-
Brisier, prêt. s. 3& p. brisa son de la croisade des Al-
2858; part. p. brisiet 2828, bigeois, M. E. Levy a re-
brisiee 2786; briser, se levé un exemple (v. 1082)
briser. de ce mot avec un sens qui
Brochier, ind. pr. s. 3e p. se rapproche un peu de
broche 195, 272, 307, 3 10, celui de notre texte. On y
i38 VOCABULAIRE

lit « felo de puta canha », celeroie 68; cacher, se ca-


où M. Levy traduit le der- cher; a celer (celé) 418,
nier mot par « Art » (Pro- 1682, 1694, en cachette.
venzal. Supplement-Wôr- Celestres 268, celestre 275,
terb., I, D'après
p. 197). 872; céleste (épith.deDÏQu).
M. Mistral le mot cagno Celui 401, celui-là.
s'emploierait dans le midi Cengles 1897, sangles.
avec le sens d' « indolence, Certes, par —22i3, 2218,
air flegmatique, air de certainement.
dédain, de dégoût ou de Chacier 1241 impér. s. 2 e p.
;

mécontentement, grimace » chace i366 part. pr. cha-


;

(Trésor du Félibrige,5. v.). chant 1444, chacent 141 5 ;

Notre mot peut donc être chasser.


un pendant français aux Chaienais 11 54. C'est la pre-
prov. canha et cagno, et mière fois que nous ren-
la signification que nous controns ce mot dans un
lui donnons nous semble texte écrit au nord de la
asse^ justifiée. France. M. Godefroy n'en
Çaindre, ind. pr. s. 3e p. donne aucun exemple.
çaint 2695 ;
pi. 3 Q p. çai- D'après le contexte il doit
gnent 1 184 part. p. çainte
; signifier cadenas ou ver-
167, 2082 ceindre. ; rou Il suppose l'existence
.

Camoissié 2692, meurtri. en latin d'une forme * cate-


Can =
quant io53. naceus à laquelle se rat-
Canque 858, 2595, tout ce tache aussi l'italien cate-
que. naccio (verrou).
Car 249, 3i5, 359, 541, 839, Chaiene 3 11, chaîne.

903, 1341, particule de ren- Chaïfaut i566, échafaud.


forcement employée à l'im- Chainse 896, vêtement de
pératif et à V imparfait du femme.
subj. Chaitis 290, méchant, lâche',
Car = que 2653. chaitif 952, faibles, misé-
Cartier, escut de — 169, 1827, rables, 2037,malheureux,
2891, écu écartelé. 211 7, 2441, captif, mal-
Cauf 568, chauve.
1 heureux; chaitive 652,
Céans 819, 971, 2495, ici malheureuse.
dedans. Chalangier jj , challangier
Celer 499, (avec la valeur 1839; disputer, réclamer,
d'imper, négatif) 1994, revendiquer.
2423; condit, pr. s. i
c
p. Chaloir, ind.pr.s. ,? e p. chalt
VOCABULAIRE i3q

2607, chaut 2933 ; impor- Chatremier, voy. Chartre-


ter, falloir. mier.
Chamois i35, 1661, cha- Chaucier, pris subst. 1904,
meaux. façon de se chausser.
Chanberiers 88, serviteurs. Chaville 1146, cheville.
Chanberlans, 791, chambel- Chaviron i5jg, chevron.
lan 1806; chambellan. Chavoistre i863 , chevétre.
Ghanpel, bataille — 565, Chavox, voy. Chevox.
2477, bataille en plaine, Chers 21 55, chars.
par ext. bataille acharnée, Chevalchier 107, 160, che-
opiniâtre. vaucher pris subst. i3o2.
;

Chaoir 283q; ind. pr. s. 3 e p. Chevalerous 2o3i, vaillant,


chiet40o, 1866, 2Qio;part. Cheveciers 1284, chef. Nous
p. chaùs 143, chaius 353; rencontrons ici pour la
tomber. première fois ce mot em-
Chaperons 1237, i3oi, cha- ployé avec cette significa-
peau. tion. Habituellement il sert
Char 525,
709, 731, 1169, à désigner le dignitaire
1922, 2883, chair. chargé de garder le trésor
Chargier, impér. pi. 2 e
p. d'une église.
chargiés 1678, 2320; con- Chevox 463, 590, chevos
fier. 1780, chavox 608, 1719;
Chartre 676, 686, 695, 700, cheveux.
714, 798, Chartres 2701 ;
Chief 44, 52, 84, 2o3, 225,
prison. 228, 397, 5oq,
332, 387,
Chartre 192, charte, lettre. 519, chiés i8o3, iSS3; tête;
Chartremier 754, 847, 959, 262g, fin; 915, 2g2Ç), extré-
chatremier 675 geôlier. mité; 181, i83, front d'une
— an —
;

Chascons 1275, i3q8, 1461, armée; de 2403,


chacun. d'un bout à l'autre.
Chasement 2309, 2577, do- Chiere 2770, 2788, visage;
maine, propriété. laide —1 i3o,bone 1 132, —
Chaspe 1236, manteau, mauvaise, bonne mine.
chappe. Chiere i5oo? Voy. la note
Chasteler i5i6, 1697, châ- de ce vers.
teau. Choser 537, i325, gronder.
Chastelet i334, i35i, petit Ci 120, 140, 277, 304, 357,
château. 447> 49 8 547» 6 °5,
>
si 2247,
Chastillon 1582, forteresse 2399; ici.

(comp. anc. it. casteglione). Cil, suj. s. m. 244,598, 74T,


;

140 VOCABULAIRE

758, 906, 910, 1417, 1418, Clore, ind. pr. s. 3e p. clost


celui, 741, celui-ci, 1419, 1469; entourer.
143-2, celui-là, 1126, em- Clos 1 188, clous.
ployé avec un nom propre; Co = que lo 68, 774, 778,
cel, rég. s. m. 35, 271, ce; 1022; qui lo 1 365, 1 532.
celle, /. s. 408, 647, ioo5, Coardie 2672, lâcheté.
cette; cil, suj. pi. m. 597, Coardise 642, 2777, comme
ces,802, 943, 981, ceux-là, le précédent.
27, 28, 32, 622, avec la va- Coars 293, couard, lâche.
leur d'art, défini; ces, rég. Cobrer 2466; fut. pi. z» p.
pi. m. etf. 37, 43, 676, ces, covrerons 980 prendre, ;

2007, ceux-ci, 27, 180,640, saisir, se procurer.


1001, employé avec le sens Coe 197, queue.
de l'article défini, ceaus Coés 690,703,727. Ce sont
1694, çaus 208, saus 2239, sans doute des scorpions,
2447, ceas 2248, 2599, comme les vers coés cités
ceux, ceux-là. par M. Godefroy d'après
Cimes, voy. Simles. le Saint Graal.
Cine 900, 903, 910, cygne. Coiement 1682, tranquille-
Cist, suj. s. m. 797, 2285, ce, ment, sans faire de bruit.
3 57, io53, celui-ci; cest, Col n5, 169, 369, cos 1 186
rég. s. 772.842,904, 2114, cou.
ces 21 58, ce 903, ce; ceste, Colchier 86 part. p. colchiés
;

fém.s. 856, 880, 929, 2182, 94, colchié 90, cochié 149;
cette ; cist, suj.pl. m. 2462, coucher, se coucher-, 187,5e
ces. coucher en parlant du so-
Cit 2108, 2123, cité. leil.

Clamer, part. p. clamés 41 5; Colee 2778, coup sur le cou,


appeler; clamer quite puis coup en général.
1 591, voy. Quite. Coler, part. p. colé 1739,
Clardor 9, 834, clarté. Mot 1743 ; couler.
sans doute d'origine pro- Color, fais de — 20, en cou-
vençale; voy. Introd., p. leur.
cxxxix et p. 134. Colovres 690, 703, 726, 743,
Clarés 124, claré 55, 1224; 1482,2761 couleuvres.
;

vin épicé. Con 149, 178, 269, 272, 467,


Cler 962, clere 589, 836; comme ; 343, 459, 547, 661
clair, resplendissant ; 964, (accompagnant un adjectif),
luisant. quel; 98, 3 14, si — 399, aus-
Clés 1228, clefs. sitôt que; 4?8 (si— lors-
),
\ .

VOCABULAIRE 141

que; tant — 202, autant 59, Il8, I46; pi. I** p.


que; — fait 261 5, de quelle conmençames 142; com-
manière, dans quel sens. mencer.
Conbatre- 238o, 2429; réfl. Conmendement 2817, pou-
fut. s. i rC p. conbatrai voir.

2142, 2269; combattre. Conmender, ind. pr. s. i* c p.


Conbe 3i3, combe, vallée conment 571, 2549, 2555;
étroite et profonde. 3 p. conmende 22, 2770;
V

Conduire, ind. pr. s. 3* p. pi. 2 e p. conmendés 2453;

conduit 2204 fut. s. /' e p. ;


3 e p. conmendent 137;
conduirai 2938 conduire ;
prêt. s. 3 e p. conmenda
1 383, diriger. 775 ;
part. p. conmende
Conduit 2 533, sauf-conduit, 808 ;commander, ordon-
sauvegarde. ner, recommander, con-
Confanon 171, confanons fier, se recommander.
1 1 88 ;
gonfanon , lance Conmendise 1955, conmen-
pourvue d'une banderole. disse 758 ; volonté , ordre.
Confanoniêrs 1376, confa- Conmenz 25 5 1, 2660, droit,
nonniers 201; gonfanon- ordre.
nier. Conoistre, ind. pr. s. i re
p
Confès i5o6, celui qui s'est conois 2242, 2244; pi
re
p. conoisson 5oo; 2 p
n
confessé. i

Confondre, subj. pr. s. 3 e p. conoissiésGo imp.s. i TC p ;

confonde 44, 1199, 1SG2, conoissoie 1907; fut. pi


2039 part. pr. confondus jr e p. conoistrons 488;
;

2427, 2541 ; détruire, faire connaitre.


périr, tuer. Conpaigne 658, 663, compa-
Confort 643, secours. gnie.
Confortement 2557, appui, Conparer, fut. pi. 2 e p. con-
assistance. parés i858; payer.
Conforter, ind. pr. s. 3e p. Conplies 998, 2604, l'heure
conforte 201 3 ; consoler. des complies, le soir.

Congiet 586, congé. Conquerre 271, 291, con-


Conmandie 1961, ordre, vo- quere 12S0 prêt. s. 3 e p.
;

lonté. conquist 2841; part. p.


Conmencier, ind. pr. s. conquis 2001; conquérir,
3& p. conmence 98, 738, demander
902, 1378, 2456, 2457; Conrad 986, armé.
pi. 3e p. conmencent 098; Conrai 1793, armure.
prêt. s. 3 e
p. conmençait Consaillier 2389; ind. pr.
,

142 VOCABULAIRE

pi. 2 e p. consailliés 2888 Convers 184, 1488, 1687,


;

part. p. consailliés 83, con- converti.


saillié 2266; se décider, Convers 1481, abri, retraite;
prendre conseil prêter
,
i5i4, pouvoir, autorité.
appui, soutenir. Copie 3 10. // nous est im-
Consivre, ind. pr. s. 3 e
p. con- possible de préciser le sens
suit 3i3, 2 856; atteindre. de ce mot.
Consols 2296, consail 291 Cor 448, 454, 598, 2276, cort
633, 636, 2278; conseil, 2692; court.
entretien. Corages 2418, disposition,
Contenir, réfl., ind. pr. pi. intention.
2 e p. contenés 801 ; se por- Corbel 1484, corbeaux.
ter. C orgie 1443, escourgée.
Conter 40, 781, 2457; Cornailles 1484, corneilles.
part. p. conté 2402; ra- Corner, subj. imp. s. 3 e
p.
conter. cornast 1057; corner, son-
Contor 32, 2022, personne ner du cor.
noble qui vient après le vi- Coroçox 2754, courroucé.
comte. Voy. P. Meyer Corre 161, core 23 7; ind. pr.
L'Escoufle (éd. de la Soc). s. 3 e
p. cort 440, 832;
Contraire, sans — 1988, pi. 3 corent 1729; prêt,
e
p.
adroitement. s. 3 p. corut 1867, 2454;
e

Contralier, ind. pr. s. 3 p.


ti
pi. 3e p. corurent 1909,
contralie 514; pi. e
3 p. corrurent 367; part. pr.
contralient 1641; contra- corrant 2895, corant 168,
rier, se disputer. 199, corans 2327 (épithète
Contratendre, part. pr. con- de destriers) part. p. corus
;

tratendant 1400; atten- 382; courir, faire courir,


dre. s'agiter, venir contre.
Contremont 481, 687, 799, Cort 2o83, cors 2387; cour.
833,835, 1042, en haut. Cortement 5o2, courtentent.
Contreval 1067, 1149, 12 12, Cortois 58o, 1606, 1718,
1570, 1571, en bas. 1973 ,232i, courtois, gentil.
Convenant 2493, covenant Cortoisement 540, 1077,
2499; promission, conven- avec courtoisie.
tion. Cos, voy. Col.
Convenir, ind. pr. s. 3* p. Cos 2827, 2885, cop 2825,
co vient 2846 falloir ;part.
;
2884; coup.
pr. convenant 2573, con- Costé 326, 1 556, costés 396,
venable. 678, 12 10 ; côte, côté.
VOCABULAIRE 143

Costel 1492, 225 1, couteau. s. 340, 1818, conte, 284;


Costume 1 54, habitude. conte, suj. pi. 697, 700,
Cote 2899, coude. 72 5; contes, rég. pi. 478,
Covent 2448, 2648, accord, 688; comte.
convention. Cuers 3o3, 1597, 2608, cuer
Covrer, voy. Cobrer. 5 1 5, i56i ; coeur.
Grapaus 703, grapaus 690; Cui 38, 3 11, qui 341, dat. de
crapauds. qui.
Craventer, part. pr. craven- Cuidier, ind. pr. s. i rc p.
tent 28o5 ; abattre, renver- cuit i63, 634, 679; 3 p. e

ser. cuide 719; pi. 2 e p. cuidiés


Creindre, ind. pr. s. i rC p. 574; imp. s. jre p cu [ t

crien 1 33s ; 3 e
p. crient doie 853, cuideve 756
987; imp. pi. 3 e p. cre- 1 55 5 ; 3 e
p. cuidoit 11 76
moient i4o5; craindre. cuidevet 1887; prêt, s
Grenu 369, à longs crins J re p. cuidai n 64; 3 pe

(épithète de cheval). cuida 1890, 2go5; fut. s


Grever, ind. pr. pi. 3 e
p. crè- 3 e
p. cuidera 2676; subj
vent 7 poindre, en parlant imp. s. jre cuidasse
; p,
de l'aube. 2497; penser.
Croire, ind. pr. s. i rC p. croi Cure 25 13, cure, souci.
69, 2066, 2591;/?/. 2 e p. Cuvers 290, 3i5, 338, 2889,
créez 2426, craez 2040; eu vert 1601 ; lâche, misé-
fut. s. i rc p. crerai 872; rable, perfide.
3 e
p. croiera 161 x; subj.
imp. s. 2
e
p. crelisses 2928; Dahait 2148, malheur, malé-
part. pr. creans 2820; diction.
part. p. creus 2424, 2431; Daiers, voy. Darriers.
croire. Daintiés 57, 123, friandises.
Croistre 244, croitre 017; Damedeu 66, 795, 2426, Dieu,
prêt. s. 3 e
p. crut 1440; le seigneur Dieu.

part. p. creiit 1475, crelie Danoises, haches — 2344;


1258; croître, augmenter. danoises.
Crope 327, 335, cropes 1898; Dans, a — 1061, 2814, sur la
croupe. face.
Croûte 1178, crote 1723, Dans 14, i32, i52, i65, 406,
croste 1849; grotte, sou- 422, 437, 440, 441, 464,
terrain. 481, dan 461, 474, 5o8,
Guens, suj . s. 126, 393,470, dant 5, 339; seigneur, sire.
538, 541, 63o; cuen, rég. Dariiens 223o, derniers.
144 VOCABULAIRE

Darriers 120, daiercs ii23, 2 e p. déniantes 247S ; se


daiers 128, 1 36, 197, 2i3 ;
désoler.
derrière. Demantir 2134, traiter sans
De = que (au comp.), 905. égards.
Dec' = dès que 493, 798, Demeie 2787, demie.
1069, 107Ô, 1128, 1204, Démener, ind. pr. s. 3 e p.
i322, 1408, 1 ±±5, jusque. demoine 45 1; pi. 3 e p.
Dedens 210, 221, 295, 408, demoienent 25,demoinent
638, 646, 669, 941, dans. 533 ; mener.
Déduire, pris substantive- Démesurés 407, desmesurcs
ment 92, divertissement. 2285, démesuré 573 outre- ;

Defaé 1544, mécréant. cuidant, excessif.


Defermer, prêt. s. 3 e p. de- Demorer 1702, tarder.
ferma 1070; ouvrir. Demostrer 720, 796, mon-
Defors 939, 940, i585, trer.

defeurs 171 1; dehors. Dengner, subj. pr. s. 2 e p.


Degrés 11 14, 1121, degrés, dengnasses 410; daigner.
marches. Depané 1929, déchiré, mis en
Dejoste 539, dejostes 2060; pièces.
à côté de. Départie 647, séparation.
Delà 977, au delà de. Départir 536; imp. s. 3 e p.
Delés 2583, par i2o5; — departoit 2109; prêt. pi.
près de, à côté de. 3° p. départirent 35; sé-
Délivrer, ind. pr. s. 3 e
p. parer, distribuer, se sépa-
délivre 919; offrir. rer, partir.
Délivres 748, yGj, délivré; Depecier, ind. pr. s. 3 e
p,
faire — 887, 933, délivrer; depiece 468; déchirer.
a délivre 474, 753, sans Depers 1487, rude, éprouvé,
opposition, sans obstacle. vaillant.
Delivrisson 840, pouvoir, Déport 52i, depors 2937;
possession; faire — 585, amusement, joie, plaisir.
délivrer. Derangier, prêt. s. 3 Q p. de-
Deloier 1867; part. p. deloiet ranja 1689; pi. 3 e p. de-
1870; délier. rangierent 1434; avancer,
Demaillier, part. p. demail- faire avancer.
liés 395; briser les mailles. Dès 73, 141, 493, 2267, de-
Demanbrer 761, 931, 1941 *
puis; dès que 2922, depuis
part. p. demanbrés 1 5 1 3 ;
que.
démembrer, tuer. Descendre, ind. pr. s. 3e p.
Demanter, réfl., impér. pi. descent 465, 2794; prêt.
3 ,

VOCABULAIRE 145

s. 3 descendis 2338
e
p. ;
Desmesurés, voy. Démesu-
pi. p. descendirent 8,
3"- rés.

828, 235g; descendre. Desor 376, 439, 1 566, 23oo,

Deschevalchier, part. p. des- desore 1144, i5o9, i582,


chevalchiet 1896; ren- 2106 sur, dessus, en haut.
;

verser du cheval. Desos 20, sous; <j5, d'au-des-


Descochier, ind. pr.pl. 3 e
p. sous; au — 2043, en bas.
descochent 2200; lancer Desraisnier 2379; part. p.
des flèches. desraisnié 2Ô5i disputer, ;

Desconforter, réfl., ind. pr. défendre, soutenir par les


pi. e
p. deconfortent 2198, armes.
2227 ; se décourager. Desrochier i5i, tomber en
Descordillier 177. Ce mot bas.
doit sans doute être lu Destirer, ind. pr. s. 3 e
p.
destordeillier et répond au destire 463 tirer. ;

fr. àtsiovlQUliev, qui parait Destorbier i332, 2262, trou-


avoir eu des sens asse^ ble,malheur, vexation.
divers, parmi lesquels celui Destordre, ind. pr. s. 3* p.
de s'agiter, se trémousser, destort 463; tordre.
qui conviendrait ici. Destorner, impér. pi. 2 e p.
Descovert, par — 2898, sur destornés 2474; empêcher,
la tète nue. éviter.
Deseriter 574, déshériter. Destraindre, ind. pr.pl. 3 e
p.
Deserrer, ind. pr. s. 3 e p. de- destraignent i652; assail-
serre 125 1 ;apparaitre, {en lir, serrer de près, tour-
parlant du jour), propre- menter.
ment se desserrer, s'ouvrir. Destranchier, part. p. des-
Désert 1494, malheur, dé- tranchié 110, destranchiés
tresse. 1 3 1 ; mettre en pièces.
Deshonor 38, malheur, ma- Destranper, ind. pr. s. 3 e p.
lédiction. destranpe io3i; prêt. s.
Desi 187, 882, 1407, 1963, 3 e
destranpa
p. 1040;
2929, desi qu' 377, 1452, part. p. destranpee 901 ;

i865, 2862, desi c' 35 1 détremper, mélanger.


1289, 1 368, 1 533, 2622; Destre 538,607, 878, 11 12,
jusque. 1 556, droit; sot 1697, par —
Deslacier, ind. pr.s. 3* p. devers 2880, à —
droite.
deslace 2913; part. p. Destrier 80, 108, n3, 161,
deslacié 1252, deslaciés 168, 176, 193, 195, 199,
261 3 ; délier. destrier, cheval de bataille.

10
146 VOCABULAIRE

Destrois 528, 2920, destroit Dignes 19, dines 2089, digne,


283o ; malheureux, an- de grande valeur, saint.
goissé. Dire 404, 491, 653; ind.pr.
Destroser, part. p. destrosé s. i rc p. di 552
;
pi. 2^ p.
1726; décharger. dites 224, 234, 416, 43 1,
Desus 990, sur. 435, 55o; 3e
p. diënt 3o,
Desver, lou sanc — 719, per- 99 3 > H97> 2 074; prêt. s.
rc
dre le sens. i p. dis 141, 2140; 3 e
p.
Deus 647, deuls 476, 479, dist 60, 84, 87, 99, i3 9 ,
deul35,343, 345, 447, 45 1, 141, 217, 220, 228, 233,
459, 462, 478; deuil. 242, 246, 268, 275,290,
Devenir,/wf.5. i v ^p. devenré 304, 356, 38i, 411, 4i3;
85o; devenir. fut. s. 3 e
p. dirait 652;
Deventrier 2699, de devant. condit. s. ir°
p. diroie 247;
Deverie 1011, folie. impér. pi. 2 e p. dites 759 ;
Devers 787, 83 1, 832, 1645, subj. pr. s. ire p. die 636;
2184, par —
1646, 1756, 3 e
p. die 634, 2o5i; imp.
re
2880; vers, envers, auprès s. i p. de'ïsse 762; 2 e p.
de, du côté de. disisses 756, disises 854;
Deviser 2448, dévisser yjj', part. p. dit 82, i53, 522,
part. p. devissiés 2648 ;
542, dite ^66; dire. — Di
exposer, raconter. va 407, 572, 804, 960,
vo
Devoir, ind.pr. s. i p. doi, 2405, 2490, va dire, allons.
286, 433, 576, 93o, 95o, Dis 2906, paroles.
q5i ; 2 e p. dois 1752 ; 3 e
p. Doble, do — 1279, le double.
doit 414, 426, 428, 5 12, Doblier, haubert 2693, —
570, 2371 ;
pi. i re
p. de- haubert à double tissu de
vons 2273; imp. s. 3 e
p. mailles.
devoit 826;^^. s. 3 e
p. Doi i5, 17, dois i58; doigt.
dut 187, 1702; pi. 3 e
p. Dolant 684, 701, 1454, do-
durent 1710; subj. imp. lante 652,65 5; malheureux,
s. 2
e
p. delis 420 ; 3 e
p. triste, affligé, pénible.

deiïst 443 devoir.


; Dolçor 2026, douceur, ten-
Dex, nom. 38, 44, 191, 2o5, dresse.
292, 3o5, 456, Deus 35, Don 1648, d'où.
109, ni, 149, 162, 372, Doner 1677, 2290; ind.pr. s.

44 5, 459, 592; Deu, rég. ire


p M doing 1774, dong
22, 69, 79, 275, 346, 477, 2179 3° p. done 886; pi.
;

484, 485, Dé (asson.) 421, 2 p. donnés 1371; imp.


e

s. 3 p. donoit 983
e
433, 564, 677, 1770; Dieu. fut. s. ;
3

VOCABULAIRE H7
jr c p. donrai 545, 862, Efraee 467, troublée.
rc
donré 904; pi. i p. do- Efraï 1993, troublé.
rons io52, 1573 ; 2 p. £1 = en lo 181, i83, 258,
donrés 2284, 2288; condit. 397.
s.
e
p. donroit2bi9; impér. El 694, 723, autre chose.
s. 2 p. done 240; pi. 2 e p. Eli =elle 7i3; cf. Me.
donés go3 subj. pr. s. ; Enbler, part. p. enblés 958;
2 e p. dones 271 ; 3° p. dérober, ôter.
doint 38, dont 23, 094; Enbracier, part. p. enbraciés
part. p. doné 456, 705 ; 1900; passer Vécu à son
donner. bras.
Dont 43i, 1622, donc; 285, Enchargier, part. p. enchar-
297> 43/, 559, 1456, 1718, gié i3i8, anchargié i38i ;

1779, 1817, don 1574; charger.


alors. Enchaucier 235; ind. pr. s.
Donzel i5o7, jeune homme. 3 e p. enchauce 2872, an-
Dormir, subj. s. 3 e p. dor- chauce i532, enchaucet
mist g5' {avec le sens du i83, anchaucet 2878; pi.
conditionnel) ; dormir. 3 Q p. enchaucent 1881 ;

Doubles 325, les mailles dou- part. p. enchauciés 186;


bles du haubert. poursuivre.
Dras 1 i5&,2i&5,draps, habits. Enclore, part. p. enclos 1467 ;

Drois 526, justice. enfermer.


Droit, adv. 63, 65,918, 2226, Enconbrer, voy. Anconbrer.
directement. Endementiers 1825 ande- ,

Dru 1807, ami. mantiers 1641; pendant


Dui 1043, 2335, dous 2908; que.
deux. Endous, voy. Anbedui.
Durer 2239, 2248, durier Enfresi, — c' 1291, jusque.
2377; ind. pr. s. 3 e p. Engrès 1496, ardent, coura-
dure 1384; fut. s. 3 e p. geux.
durra 1 345 part. p. duré ;
Enpanser, part. p. enpansé
5 02 durer, résister.
; 794, 804, 960, 1674; pen-
Dus 36o, 1671, 1686, duc ser, réfléchir.
32; duc. Enquerre 2450, enquérir.
Enqui, voy. Ancui.
E, interj. ybi, ah! Enragier, ind. pr. s. 3 e
p. en-
Ebaldir part. p. ebaldie
,
rage 2585; enrager ; part,
i663; faire retentir avec p. enragiés 1905, fou, for-
entrain. cené.
148 VOCABULAIRE

Enromenciés 1295, connais- Esbanoier 92, s'amuser.


seur du français. Escarteler, part p. escartelee
.

Ens, voy. Ans. 2924; mettre en morceaux.


Ens 263, 3oi, 370, 383, 397, Escharboncles 323, escar-
83o, 865, 966, 1387, dans, boucle.
dedans. Eschart 2627, outrage.
Ensaigne 326, ansaigne 1837, Eschaurguaitier 233 1, ai-
ansaignes i83i ; enseigne, chauguaitier 1 353 garder, ;

bannière. faire le guet.


Entaillier, part. p. entailliee Eschavie 868, de taille élan-
11 20; entailler, sculpter. cée, svelte.
Entalantés 2286, désireux. Eschec 1233, butin.
Enten 417, l'an dernier. Escient, mien — 328, 614,
Entendre, ind. pr. e
s.3 p.a.n- 685, 766, jjj, m. esciant
tent 2382; pi. 3 e
p. enten- 36, 1 1 59, m. esciëntre 905 ;

dent io5; prêt. s. 3 e p. en- à mon escient.


tendit i359, antendiet Esclices 2797, éclisses, éclats.
2333; iînpér. pl.2 e p. enten- Esclos 1654, 1668, 1669,
des 2345 entendre, écouter.
; traces des pas.
Entre, —argent et or fin 545, Escorcier, part. p. escorcié
tant en argent qu'en or 127, escorciet 2912; re-
fin. trousser.
Envers, prép. 936, 2168, Escremir, réfl. 2849, s'escri-
envers, vers. mer.
Envers, adv. i5o4, anvers Escrièr 1 53g, 1 545, 1730,
327, 335; sur le dos, à la 1761; ind. pr. s. 3 e
p.
renverse. escrie 204, 358, 469, 1390,
Equifars 1 1 5 5? 1410; part. p. escriant
Erbier 1060, prairie. 2 5o6; crier.
Erités 2470, héritages. Escris 2844, écrit, document.
Ermines 2584, fourrures Escuèlle 286, 3o2, écuelle.
d'hermine; cf. Hermin. Escus 394, 436, 1186, escut
Error483, trouble. 169, 200, 322, 325, 368,
Ersoir 72, hier soir. 2873, 2881, ecut i388; écu }
Es 193, —
vos 37, 43, 1465; bouclier long.
voilà. Esfronder, part. p. esfron-
Es = en les 106, 263, 370, dés 1704; effondrer.
383, i535. Esgarder 403, 414; ind. pr.
Esaucier27i5 ;part.p. essau- s. 3 p. esgarde 666, 867;
e

ciez 27 1 3 élever, exhausser.


; pi. 3 e p. esgardent 595 ;
.

VOCABULAIRE 149

impér. pi. 2 e p. esgardés Ester 49, 936, 961, 1173,


1 1 3 5 ; subj. pr. pi. 3 e
p. i56o, 2654; ind. pr. pi.
esgardent 2721; part. p. 3 e
p. estont 2335, 2346;
esgardé 71 3 regarder, ;
prêt. pi. 3 e
p. esturent
avoir en vue, respecter. 1337, i658\ se tenir debout,
Esgaré 2378, abandonné. rester, demeurer, être;
Esmaier, réfl., amaier 1267, laissier ester 21 5o, 2275,
1596, aimaier 1 53 ind.pr. ;
laisser en repos, laisser
s. 3 p. esmaie 744 prêt. pi.
e
: tranquille, ne plus s'occu-
3 e p. esmaierent 38o; i?n- per de quelque chose
pér. pi. 2 e p. esmaiés 883, Estordre, ind.pr. s. 3 e
p. es-
2725, 2751, esmaiez 341 1
;
tort 1453, 1866; ramener
part. p. esmaiez 48, 58, l'épée en arrière après
esmaié 1879; se troubler, avoir frappé; subj. pr. s.
se décourager. 3 e p. estorde 2209, échap-
Espaule 2828, espaules 377, per, se sauver.
716; épaule. Estorer, prêt. 2 e p. estoras
s.

Esperdus 362, 374, 388, éper- 1161; 3 e


p. estora 263o;
du, étonné, troublé. créer.
Espiier 46, i3 16 ; ind.pr. s. Estornel 148?, étourneaux.
3 e
p. espie 1023; part. p. Estovoir, ind. pr. s. 3 e
p.
espiiés 64, 100; épier. esteut 1961, steut 2469;
Espiet io3, 438, espié 170, falloir, convenir.
espiés 371, 972; épieu. Estraire, part. p. estraite
Esploitier i3n; part. p. es- 2173; tirer, former.
ploitié 134, 209; agir, tra- Estrange 659 667 1980, , ,

vailler, se hâter; pris subs- 2oo5, étranger.


tantiveinent 226, 249, 1221. Estre 262, 267, 3o5,420, 487,
Esprendre, part. p. espre- 694, 935; ind. pr. s.
e
p. n
nant 1098; s'enfla?nmer. suis 61, 70, 139, 229, a5i,
Esprover 434, 988, essayer, 285 ; 2 e p. es 216, iés 220,
lutter; réjl. 568, 2287, 238i ; 3 e
p. est 73, 126,
s'éprouver, se montrer. 143, 1 65, 190, 233, 373,
Esselle 2774, aisselle. 379, 38i, 382, aist 2548,
Estage 2045, demeure, bâti- e 2 1 3 5 ;
pi. sonmesi re p.
ment. i833, 1916, somes 693,
Estant, en — 1409, 2572. 2099, sons 949, i36i, i5ai,
debout. 1933; 2 e p. estes 148, 338,
Estendre, ind.pr. s. 3" p. es- 5oi, 572; 3 e
p. sont 16, 76,
tant 2810; tendre. 10 1, io5 ; imp. s. i
re
p.
,

VOCABULAIRE

estoie 412; 3 e
p. ier 2738, Elire, mal — 802, 952, mal-
estoit 94, 352; pi. if* p. heureux.
estiions 1 338 ; 2 e p. estiiez
433 ;
3° p. ierent 1 353 ;
Façon 491, 589, 610, 836,
prêt. s. jrc p. fu i 6^ 68^ face, visage, aspect, ma-
e
2933, fus 227; 2 p. fus nière d'être.
270, 292, 817; p. fut 19, 3 e
Faillir, ind. pr. s. 3 e
p. fait
20, 24, 41,47, 48, 93, l32, 1562; fut. s. ire p, faldrai
184, i85, 188, 264, 344, 1268; 3 e
p. faldra io53,
354, 362, 374, 3 7 5, 388, falra 1349; pi. 2 e p. faldrois
fu 493; pi. jr° p. feUmes 1968, falrois 2075 ; condit.
952 ; 2 e p. fustes4i7, 685; pi. rre p. falriens 2 5oo ;

3 e
p. furent 6, 10, 181, part. p. faillis 2865; man-
252, 255 ; fut. s. / re
p. iere quer, faillir.
1966, serai 83; 3e p. iert Faire 114, 276, 8o5, 2267;
re
71, 206, 217, 357, 625, 680, ind. pr. s. r p. fais 285,
e
792, 1371, 1373, iere 1620; 933; 2 p. fais 226, 358,
pi. 2 e p. serés 295, 791, 620, 1905; 3 e p. fait m,
816, serois 210, 520; 3 e p. 266, 585 pi. 2 e p. faistes ;

seront i63 ; condit. s. 2 e p. 1348; 3° p. font 42, 102;


seroies 559; p. seroit 3 e
imp. pi. 2 e p. faissiiez
436, 526; subj. pr. s. i re p. 24.6; prêt. s. i r °p. fis 1720,
soie 238 2^ p. soies 2390 ; ;
2378 ; 3 e
p. fist 191, 212,
3 e p. soit 154, i85, 191, 670, 688, 728; pi. 3 e
p.
4i5, 429, 823, 932; pi. fissent 66, 1654; fut. s.
rC
2 e p. soiez 2122; imp. s. z p. ferai 228, 242, 473,
3 e
p. fust 263, 423, fut 41, 7 8 9> 99 6 > l36 9; p. fera &
366; pi. /«"« p. fussiens 8i5 -,pl. jr e p. ferons 2008,

985; 2 e p. fussiés 2438; 2429, feron 858; 2 e p. ferés


3 e
p. fussent 421, i385; 640, 1091, 2255; 3° p. fe-
être. ront 1681 ; condit. s. r»"" p.
Estre 182, outre. feroie 757; pi. i re
p. fer-
Estrier 1275, 1387, étrier. riens 990 ; impér. 2 e p.
s.

Estriviere 2790, étrivière, fais 541, fai 611, 6j6, 806,


courroie à laquelle est atta- e
819; pi. 2 p. faites 786,
ché Vétrier. 810 ; subj. pr. s. i re p. face
Estroer, part. p. estroés 394; 81 2 p. faces 963 3 e p.
;
e
;

trouer. 4i5, 887 imp. s. 3 e p. feï'st


;

Estroit, 1435 adv. , 1441 529; 3 e


p. feïssent 1797;
2925, étroitement. part. pr. faissant 1972;
;

VOCABULAIRE l3l

part. p. fais 20, 1147, ^ai1 Fenir, part. p. fenis 2947;


5gi, 708, 1426, 2767, faire; finir, mourir.
pris substantivement 1470; Ferir 128, 200, 439;197,
suivi d'un infinitif avec la ind. pr. 3° p. fiert 322,,
s.

prépositions : — a loer 812, 376, 909, i382, 1436; pi.


973, mériter l'éloge, l'ad- 3* p. fièrent 371, 1455
miration; —
aprisier 1348, condit. pi. jre p. ferriens
être digne d'être loué; suivi 989 ; subj. pr. s. 3 e
p. fiere
d'un substantif ou d'un ad- 1801; part. p. férus 396 ;

jectif: — aïe 728, secourir; frapper; 383, 1291, réfl.


— délivre, délivres 887, 96, 352, 1408, i535, 1541,
933, délivrer; — fin 2008, se précipiter.
finir, mener à un bon ré- Fermés i53i, fixés.
sultat; — justise 640, ren- Ferrer, part. p. ferrés 2738;
dre justice, infliger une ferrer.
peine; —
pais 541, 611, se Ferrés 1670, traces des fers
réconcilier, céder. des chevaux. M. Godefroy
Fais 1148, 11 56, 2406, poids, ne cite aucun exemple de
fardeau, charge. ferré avec ce sens.
Faitement, si — 278, 2639, Feurs, voy. Fors.
de telle manière. Fi, de — 552, certainement;
Faiz, no7n. s. 143, affaire. fie 2602, assurée.
Falcon, faulcon, — mue 711, Fiance 880, promesse, ser-
718, 1923, faucon qui a ment de fidélité.
subi la mue. Fiancier, part. p. fiancié
Fane 1 5 7 1 fange.
, 2639 ;
promettre.
Fauldesteul 1007, fauteuil. Fier, réfl. i554 {avec la né-
Fauser, part p. fausés 395;
. gation et avec la valeur
fausser, enfoncer un hau- d'impératif); ind. pr. s.

bert; 978, se refuser frau- jr e j7.


6624, 921, 1087 ;j? p.
e

duleusement à accomplir fiei632; se fier, croire.


quelque chose. Fier 673, fiere 277, n38;
Feauté 774, fidélité. noble.
Fel, suj. s. 569, 1634, 2776; Fièrement 3i2, 314, 2756,
félon, rég. s. i8o5; fel, suj. avec impétuosité, d'un ton
pi. 1496, félon 595, 844, hautain.
857 félons, rég. pi. 1066;
; Fierté 404, impétuosité.
félon, traître. Fin, mètre —
1081, obtenir;
Félonie 555, félonie, perfidie. faire — 2008, finir.
Fenestraus 1 56o, fenêtres. Finemons 3&i, fin du monde.
I 52 VOCABULAIRE

Finer, ind. pr. s. 3 e


p. fine Force, a — 1049, i6o3, 1696,
918 ;
pi. 3 e
p. finent i655; 2161,2219, énergiquement.
prêt. s. 3° p. fina 898 ;
Forches 1788, 18 14, four-
mettre fin, cesser, s'ar- ches, gibet.
rêter. Forfaire,/>arf.jt?.forfais i5o5;
Flael 1229, fléau, barre ser- mal agir, se rendre cou-
vant à fermer les battants pable.
d'une porte. Forment 165,428,746, 11 25,
Flanboier, part. pr. flan- 14 10, fortement.
boiant 2799, 28o3 luire, ; Fors 392, 393, 418, 575, 577,
flamboyer. feurs 891, 897, hors; 179,
Flanc 167, flans 678; flanc, 365, 524, 891, 985, for
côté. 2926, fuers 1700, dehors;
Flolleor 2021, feuillu ? fors 2 3o, excepté, sauf;
Flor, de la chançon la — fors que 877, fors c' 900,
2o5o, la partie la plus in- idem.
téressante de la chanson. Forsanés 1768, forsané 572,
Florie, barbe —
464, 1944, 947 forcené, fou.
;

— barbe 1976, barbe blan- Forsjugier, part. p. forsjugié


che ; targe — 2740, targes i833; condamner (à tort).
flories 1644, bouclier peint Fort, adv. 699, 2464, forte-
à fleurs. ment.
Flote 2204, 223o, 223i, Fos 415, fol 517 ;fou.
troupe, multitude. Fosse 353, fosse.
Foesces 913, fouaces. Fossés i23i, 1 520, fossés.
Foillié 2339, feuillu. Frailles 2iSg, faible, frêle.
Foïr 1448; part. pr.
235, Fraindre, part. p. fraite
fuiant96;/«i>, courir; réfl. 2784 ; briser.
2399, s'éloigner, partir; Fraisnine 2742 , fresnine
s'en 2o5 — 348, 626, , 2723; de frêne.
s'enfuir. Fraite 1705, brèche.
Foisson, a — 1048, en abon- Frans 147, 36o, 1266, 1773,
dance. franc 1192, 1220, 1266,
Folor 2o38, folie. 1281, i36o , 1428 2121
, ,

Fons 83o, iSyS, fond. Iran 920, franche 2009,


Fons 2072, 2077, fonts baptis- 2524, 2719; franc, noble.
maux. Frémir 180, i83o; ind. pr.
s. 3 p. fremie y 5o; frémir.
e
Forbir, part. p. forbi 2142,
2147, 2872, 2878; four- Frès 1060, fresce 2019, fres-
bir. che 2221, 22S0', frais.
VOCABULAIRE i 53

Froissier, prêt. s. 3 e
p. garde 1S71 pi. 3 e p. gar- ;

froissa 1 1
54 briser.
; dent 1697; prêt. s. 3 p.
Fronchier 180, renifler, garda 1 16: fut. s. i^p.gar-
renâcler. derai 627; pi. 3° p. gar-
Froncier, ind. pr. s. 3 e
p- deront 583 impér. s. 2 e p.
;

fronce 599 froncer. ;


garde 240, 1 5 54, 2410,
Fuers, voy. Fors. 2423, gardes 2428, gar 2400;
Fumelle 288, femelle. pi. 2 e p. gardés 2708 ; subj.
Fust 1109, fus 1 38, n 52: pr. s. 2 p. gars 1392: part,
e

bâton. p. gardé 24G2 garder, ;

prendre garde, regarder.


Gaagnier i365, 1 374, gagner. Garisie, voy. Garasis.
Gaaing 1442, gain. Garmenter, rêfl., ind. pr. pi.
Gaber, ind. pr. pi. 2 e p. gabés 3 e p. garmentent 699 se ;

6jg;part. pr. gabant 1089, lamenter.


1429; railler, se moquer. Garnement jG, 1929, garne-
Gage 1979-, gage, garantie. mens 601, 963, 11 58, gar-
Gaillart 1167, 1170, hardi, nemenz 2690; armure, équi-
courageux. pement.
Galonel 1474, espèce d'orne- Garnir 2 141 ;
part. p. garni
ments. 2122, garnit 986; armer;
Ganbais 2692 pourpoint ,
garnie 1649, 2182 (epi/ft. dé*
rembourré qu'on mettait Francei, 2238, 2247, riche.
sous le haubert. Gas n63, plaisanteries.
Garasis 2333, garisie 2587. Gastel 91 3, gâteau.
Ces deux formes, qui sem- Gemé i7i3,gemés 972, n83,
blent être un seul et même orné de pierres précieuses.
mot, sont asse% bigarres. Générer, réfl. 2458, se régé-
Nous ne les avons rencon- nérer par le baptême.
trées que dans notre poème. Genices 1661, génisses.
D'après le contexte, elles Genoillons, a — 1047, à ge-
semblent signifier quelque noux.
chose comme sarrasin (par- Gent, adv. 201 3, joliment.
ler en sarrasin). Il est diffi- Gentes57, 1 23, oies sauvages.
cile de savoir d'où le poète Gentilment 1448, gentiment,
les a prises. On peut son- légèrement.
ger à un rapprochement Gentis 147, 3g3, 470, 824,
avec l'esp. algarabia. 895, 916, 970, jantis 925,
Garder G70, 775; ind. pr. s. 2612; noble, gracieux.
re
/ p. gart 2254; 3 e
p. Genz 589, 593, gent 283,
1D4 VOCABULAIRE

456, 485, 708, 715, gente pi. 1059, 1544, gloton


610, 868; gentil, beau, gra- 18 56; terme d'injure, ma-
cieux. nant, coquin.
Gésir, jesir 1871 ; ind. pr. pi Gole 337, 2809, 2829,
3 e
p. gessent 2926; imp. s gueule.
3 e
p. gisoit 2923 ;
prêt, s Graille 453, grailles 21 53;
3 e
p. jut 2814;/^. s. i re
p cor, trompette.
jerrai2528; condit. s. 2 e p Graille 716, mince, svelte.
gerroies 1 556 impér. ; s Gramoier 1818,5e lamenter.
2 e p. gis 2937 ; être cou- Grapaus, voy. Crapaus.
ché, être étendu par terre. Gravier 1788, 1808, 2923,
Geste 277, 292, 873, 2028,
2, gravier.
2558, race, famille. Grenons 2854, moustaches.
Geter 6y6, 714, giter 1928 ;
Grés, de — 87, 1286, 2324,
ind. pr. s. 3e p. giete 9 ;
2326, volontiers, de bon
pi. 3 e
p. gietent 11 86; gré.
imp. s. 3 e
p. getoit i5io; Grever, ind. pr. s. 3 e
p.
prêt. s. 3 e
p. geta i568; grieve 1245 ; endommager.
subj. imp. s. 3 e
p. gitast Grief 2009, douloureux.
2782; jeter, lancer, répan- Grignor 33, 36, 191 1, grin-
dre; 365, 121 1, 1230,1753, gnor 2904, grignors 2855,
faire sortir, mettre dehors; comparatif de grant.
484, 845, délivrer ; 5 18, Gros, cuer —
5i5, 5i6, cœur
575, 1772, chasser; 1048, hardi.
verser; 2280, étendre sur Guaires 1079, guère.
terre; geter un ris 2444, Guaite io56, 1223, guaites 8,
lancer un éclat de rire-, 27; sentinelle, garde.
geter un sospir 2009, sou- Guarir, part. p. guairis 1745 ;
pirer. guérir; 162, 372, 663, 739,
Gieron 3o2, giron. 21 36, 2764, 2817, sauver,
Giter, voy. Geter. protéger; 2128, délivrer.
Glacier, ind. pr. s. 3 e
p. glace Guenchir, act., ind.pr. s. 3 e p.
2880; glisser. guenchist 332, 387, i32o;
Gloire 2766, glore 1374; tourner; 1 534 réfl., se dé-
gloire. tourner.
Gloriox 22, 109, 268, 507, Guerpir, ind. pr. 3 e p. guer-
s.

glorios 79 (épith. de Dieu); pist 401 ;


prêt. s. 3 p. e

glorieux. guerpit 910; fut. s. i re p.


Glos, suj. s. 47, 5o, 84, 93, 96, guerpirai 873 3 e p. guer-
;

21 3; glouton, rég.s. go, suj. pira 1610, 1617, guerpirait


. \

VOCABULAIRE i55

347 ;
part. p. guerpie 1272, Herberc, prendre — i486, se
1626, i636, 2588, guerpies loger.
i653 : abandonner, quit- Herbergier, ind.pr.pl. 3 p.
ter, lâcher. herbergent 2044; part, p:
Guiër, ind. pr. s. 3e p. guie herbergié 22 5q; héber-
633, 2234; prêt. s. 3' p. ger.
guia 1239; part. p. guië Herbes io3i, poisons.
1760; conduire. Hermin io63, hermine 904 ;

Guise 727, guisse 617,946; qui est fait d'hermine; cf.


manière; guisse 1623, Ermines.
1946, volonté; an guise Hiaume 43q, 1 71 3, hiame
2809, en guisse 12 14, à la 370, iame 166, 194, 354,
manière de, comme. helme 1252, hiames 972,
Guivre 2772, guivres2743; n83, helmes 255, armes
dard. 1254; heaume.
Honestres 272, honnête.
Halcier, '
ind. pr. s. 3" p. Honir, part. p. honis 2427,
halce 896, 909; hausser, 2714, honie 2601 honnir, ;

relever. déshonorer
Hait, en — 2 5o6, à haute voix. Honors 862, 1018, 2o53,
Hanap 287, hanas 56, henas 2249, onors 1414, honor
125 ; coupe. 504, 671, onor 260, 612,
Hante 2742, ante 202, bois de ii5i, 1297 ; honneur, fief
la lance. richesse; a — 1094, honnê-
Hardemens, 958, hardiesse, tement.
courage. Honques, voy. Onques.
Harpeors 29, joueurs de Hons, suj. s. 428, 759, 780,
harpe. ons4i4, 426; home, rég. s.
Haubers 255, 395, 964, 971, 191, 280, 452, 2070, 2193,
n83,auberz 2826, aubers on 85o; homes, rég. pi.
180, haubert 2693, aubert 274, 3i6, 342, 349, 238 9 ;

166, aubère 370, auber homme.


32 5 ; haubert, cotte de mail- Huchier 59, 98, 118, 146,
les. 409, 1293, 1378, i855; ind.
Hautisme 2039, superlatif de pr. pi. 3 e p. huchent 21 56;
haut. crier.
Hé 2181, 2507, hei 470, 65o, Hui 271, 276, 1266, 1416,
i6o5, 2178, 2669, 2915; aujourd'hui : — mais 2o5o,
interj., hé ! hélas! désormais.
Helme, voy. Hiaume.
i56 VOCABULAIRE

I n= il 82, 114, 1 53, l59, 216, Jael 1769, terme d'injure,


358, 77 6. prostituée.
lame, voy. Hiaume. Jamais n52, bâton.
Icel 291, ce. Janre 22 58, gendre.
Icest 1896, ce. Jantis, voy. Gentis.
1er 73, 141, hier. Jau 1088, coq.
Ille = elle 2720; cf. Eli. Jazerant, aubert — 2926,
Illoc 1450, illeuc 2022, illo- cotte de mailles.
ques a5n; là. Jel = je lo 141, 1020, 1369.
Inellement 117, no5, 1118, Jeldon io55, soldat à pied et
1776, ilnellement 1274, armé d'une longue lance.
1899 rapidement, en hâte.
; Jes = je les i63, 1 108.
Iolz, voy. Oil. Jesir, voy. Gésir.
Ire 63 1, 908, i633, colère. Jo = je lo 281.
Irié 701, irrité, courroucé Joiant io5, 2328, 2668,
Iriéement 2&2Q,furieusement joyeux.
Issir 553, 584, 2774; ind. pr Jon 1060, jonc.
s. 3 e
p. ist 999 ;
pi. 3 p
e
Jonchier, part. p. jonchiés
issent i352, 1643, 2091 190, jonchiee 112g; jon-
prêt. s. 3 e
p. issit 891, 1068 cher.
pi. 2 e p. issistes 4.18; fut. s Jor, trestoute — 186, tout
3 e
p. istra 2o52, itrait 507 le jour.
pi. 2 e p. isterés 524; 3 e p Jornal 296, mesure de terre
istront 6 77 ; impér.pl. 2 e p qu'une charrue pouvait la-
issiés 1072, 1498; subj bourer en un jour.
imp. s. 3 e
p. issist 1666 Joste 214, 279, joute, combat.
part. p. issus 393, 645 Joster 985, 2475; ind. pr. s.
1599, 2514, issut i65i 3 e
p. joste 334, 1417; prêt,
issue 1659; sortir; 2846 s. 3 e p. josta 1442; subj.
arriver à un but;réfl. s'an imp. s. 3 e
p. jostast 188;
— 178, 1074, 1854, sortir. jouter.
Issue 399, sortie. Josticier 2710, 2$o5; part. p.
Itant 23o3, 23o6, tant, au- justiciés 2707; juger, faire
tant; a — 2480,2544, alors, justice; 2271, gouverner,
dans ce moment. administrer ; 2652, 2919,
Ités 184, itel 776, 2493; tel. forcer, contraindre, serrer
de près.
Ja 328, déjà; 17, 79, 217, Jovente 1 69 1 jeunesse.
,

436, —
mais 80, 357, 445, Jugier, a mort — i36i, con-
524, 61 3, jamais. damner à mort.
VOCABULAIRE I 67

Jugleor 27, 34, 2098, 2746, 1963; 2 e p. laissiés 682,


jongleurs. 1 72 1 2708 part p. laissiet
, ; .

Juner 8o5, jeûner. 2275, laissiez 2354; laisser,


Jus i5i, 1808, 1868, 1872, quitter, permettre.
2338, 28o5, bas, en bas. Lait 2o5, laidement, honteu-
Justice 2o83, la dignité judi- sement.
ciaire. Lancier 2344, 2384; ind.
pr. pi. 3 e
p. lancent 368;
Lacier, ind. pr. s. 3 e
p. lace part. p. lanciee 2772; lan-
2730; pi. 3 e
p. lacent 1 i83, cer.
2694; part. p. lacié 166, Las 2o36, malheureux.
171 ; lier y attacher. Laschier, ind. pr. s. 3* p.
Lai, adv. 5o6, là. lasche 273, lâche 307-
Laidement 1416, outrageu- lâcher.
sement. Lassus 2529, 2542, là-haut.
Laidir 537, outrager, offen- Lau 101, là où.
ser. Laz 26i3, las 1713 ; lacs.
Lais 28, chants bretons. Lealté 776, loyauté.
Laissier i5i, 1786, 2240; Leans 476, 1095, 1 107, 2o55,
ind. pr. s. 3 e p. laist 1374, 2304, 23i2, 2664, leanz
2873, lait 2599, 2895, laisse io3i; dedanSy là-dedans.
1 175,1382;/?/. 3 e
p. laissent Leaus 238i, loias 1575 ;

454, 537, i35o; imp. pi. loyal, honnête.


3° p. (avec le sens du prêt.) Lés 989, 1184, côté.
laissont i523; prêt. s. Lés 609, 1 556, 2582, à côté
3 e
p. laissait 721 ;
pi. i* c p. de; 326, le long de; 1441,
laissâmes 953; 2 e p. lais- près de.
sastes 2372; 3 e
p. lais- Leu, en —
947, à la manière
sierent 171 1, 2261, lai- de; leus 1704, lieux.
sierent 2i5o; fut. s. 1** p. Leupart, voy. Luparz.
lairai 566, 578, 636, 1549, Lever, ind. pr. s. 3 e p. lieve
2348, lairé 2071 ; 3 e
p. 896 ; relever; 687, 799, le-
laira 749, 1199, 2148;/?/. ver; 1788, 2384, élever;
2 e p. lairois 2832, lairés 2y36, monter, être haut;
i3i7, i38o; condit. s. i rC p. i35, placer sur; 41, 94, 5e
lairoie 761, 782, 931, lais- lever; 810, se dresser; 789,
seroie262i ;2 e p. impér. s. 2369, 2378, tenir sur les
laise 2946, l'impér. néga- fonts baptismaux ; réfl 126, .

tif formé avec l'infin. i36j, se lever.


re
1783; pi. j p. laissons Li i5, 81, 82, 1 53, 2o3, 216,
i58 VOCABULAIRE

225, 259, 261, 2j3, V {de- Lu =


lui 2429.
vant une voyelle) 3o3 ; lui. Luire, ind. pr. s. 3 e
p. luist
Li, art. fém. 354, i33o, 1837. 9, 323; part. pr. luissant
Lichiere, suj. 407,
s. 358, 145 1, 2804; luire.
4i3, 43o, 804, 960, 2818, Luparz 2626, leupart 3n;
2919; licheor, rég. s. 3j, léopard.
suj. pi. 1 57, 204, i3i5,
1379; tenue d'injure, vau- Maberins i2o3, de marbre.
rien. Mabre 696, 828, 1472, mar-
Liés 1432, liez i345, lié io5, bre.
2328, 2668; gai, joyeux. Mace 2698, 2866, 2894, 2908,
Ligier 2442, ligiers 1691, massue.
léger, habile, agile. Maginois 966, 2396, décoré,
Lignages 451, lignage 673, somptueux.
2416; famille, lignée. Mahomerie 628, 894, 999,
Listé (épith. de marbre) 696, temple mahométan, mos-
828, (d'escu) 1186, (de pa- quée.
bordé, entouré de
lais) 21 63; Maiesté, li rois de — 983,
bandes ou de bordures, épithète de Dieu.
peint à bandes ou à bor- Main, au — 1645, le matin.
dures. Maior 42 , comparatif de
Livrer 1699; prêt. s. 3 e p. grand.
livrait ig3i ;part. p. livrés Mais i5o,
296, 411, 424,
338, livré 622, 741, i685, 507, 660, 2410, plus, plus
livrée 2565; livrer, don- encore; 184, 227, 523,677,
ner. 293 3, jamais; mais que 474,
Loement 2576, approbation, 601,753, 1392, 2080, mais.
accord. Maisniee 11 35, i\3j, famille,
Loer 973, être digne de multitude.
louanges, d'admiration. Maistres, adj. 1987, riches.
Loge 21 19, galerie exté- Mal i23i, maie 602, 665,
rieure. 2763, maies 304; mauvais,
Loias, voy. Leaus. désagréable ; mas seurs
Loier, part. pAoié i8i3 ; lier. 2422, voy. Seurs.
Lois 22o5, 22i5, loi 1610, Mal, adv. 658, malheureuse-
161 7, 16 19, 1721 ; religion. ment.
Lonc 909, 1430, le long de; Malartous 4, fourbe, traître.
2021, près de. Malduis 47, 93, méchant,
Lors 177, 38o, 532, 642, alors. animé de mauvaises inten-
Los 1394, renom, honneur. tions.
;

VOCABULAIRE i5g

Malement 142D, 1 52 1 ,
mal, tort; 142, 1 56, 61 5, pour
méchamment. son malheur.
Malfé 8o3, 2465, malfés 702, Marche 1980, frontière, et,

malfeis 689; diables. par extension, pays.


Malmetre, part. p. malmis Marchié 63, affaires de com-
2857, 2862; maltraiter. merce.
Maltalant 1874, 2509, colère, Marine 2755, bord de la mer.
dépit. Mars 21 10, marcs, monnaie.
Malvaisement 2574, mal. Marsis 2853, massif, solide.
Manade 2498, 25o8, protec- Martires 382, 622, 693, 741,
tion, pouvoir, discrétion. martire i685; malheur,
Manant, voy. Menant. tourment.
Manbrer 443 impér. s. ; 2e p t Mas, voy. Mal.
manbre 2671, 2812; subj. Masel i5o3, carnage, mas-
imp. s. 3 e
p. menbrast sacre.
2867; se rappeler, se sou- Mat, voy. Mètre.
venir; part. p. manbrés Matines 3oo, service du matin.
56o, 1628, 1708, 2178, Matinet7, 1 3 57, 2087, matin,
manbré 450, 1192, 1220, point du jour.
renommé, illustre, vaillant. Maz, voy. Mètre.
Mander, ind. pr. s. 3 p. man- e
Mecine 1034, médecine, anti-
de 2409; fut. s. i re p. man- dote.
derai 2938 \part.p. mandeit Mecinel 1736, qui sert à la

2942 ; envoyer, appeler. guérison.


Mangier 82, 119, 1 58, men- Meciner, part. p. meciné
gier 85, 286, 806, i339 1765 ;
guérir.
ind. pr. pi. 3 e
p. manjuënt Mefaire, part. p. méfait
8o3, menjuènt 743, 943; 2405 faire du tort.
;

fut. pi. i re p. mengerons Mehaignier, part. p. menai-


1346; 3 e p. mangeront gniés 1875; mutiler, estro-
2761 impér. pi. 2 e p. man-
; pier.
giés 920 ;subj. imp. s. i™p. Meïmes 1007, 2443, même.
menjasse 2934; manger; Mel, a — i32Ô, dans de mau-
pris substantivement 41 ,
vaises conditions.
101, 721, 919, 923, 1006. Mellor 12, mellors 2446;
1 354, repas. meilleur; 1
5, plus grand.
Manois 2710, aussitôt. Menandies, voy. Menantie.
Mantoivre 448, faire mention, Menant 2177, manant 757;
parler. riche, puissant.
Mar 17, 668, i3i8, i38i, à Menantie 2084, menandies
i6o VOCABULAIRE

863 ;
possession, domaine, situation critique, malheur.
fortune. Meschin 745, jeune homme.
Mener 888, 2568, moner Meschine 891, 897, 1024,
790, 1681 ; ind. pr. s. 3 e
p. meschines4Ôo, 1001,2745;
moine 127, 355, 462, 646, jeune fille.
686, 798, 1066; pi. 3e p. Mescroire, fut. pi. 2 e p. mes-
moinent 145, 256, 36i, 385, crerés 1937; ne pas croire,
444, 457, W%\prêt. pi. 2" révoquer en doute.
p. menastes 419; fut. s. Mesel 1478, lépreux.
i rc p. manrai 1682; 3 e p. Mestier, avoir — 241, 398,
menra i334; part. pr. me- i3i2, 1372, être utile,
nant 1435, 1441 ;
part. p. avantageux.
mené 89, monès 797, moné Mètre 192; prés. ind. s. 2 e p.
669, 981, monet 2719; maz 25o8; prêt. s. 3 e
p.
mener, conduire; 5 1 7, trai- mist 1047
1 5, P- misent î &
ter; 797, 1762, arranger, 1657, 2226; fut. s. jr e p.
entreprendre. métrai 684; impér. s. 2 e p.
Mengier, voy. Mangier. mat 483; pi. 2 e p. metés
Menor 1, plus petits. 5o6 \subj.imp. s. 2 e p. meïs-
Merci, — Deu
485, 2918,
la ses 2498-, part. p. mis 540,
grâce à Dieu; vostre — 554, 847, misse 102 1, mises
23o3, 23o6 par votre , 1004; mettre; 1678, se met-
grâce; Deu mercis 1998, tre en route.
mercis Dé 2461, grâces Mi, par— 96, 273, parmi-,
à Dieu. en —400, 695, au milieu de.
Mervailles, a —
2914, mer- Mi, pron. poss. suj.pl. m. 55 1.
veilleusement, beaucoup. Mie, — nuit i656, minuit.
Mervaillier, réfl. , ind. pr. s. Mie 85, 32i, 347, 467, mies
ve
i p. mervail 654, 742; 85, 475, 680, particule ser-
s'étonner. vant à renforcer la néga-
Mes 1985, 1988, messager. tion, nullement.
Mes = mais 1794. Mielz, voy. Miolz.
Mes, pron. poss. suj. m. 148, Miens, pr. poss. avec l'art.

436, 5oi, 606, 63o. 71, 1957.


Mesage 1991, mesages 2391 ;
Mier, or — 56, 1 25, 195,
messager; 1994, 2294, or pur.
23 1 3, 2402, message. Miez, voy. Miolz.
Mesagiers 70, mesagier Milsodor 201 5 (épith. de des-
2346, 2387; messager. trier), de prix (valant mille
Meschief 1 368, mésaventure, sous).
VOCABULAIRE i6

Miolz 1 58, 210, 3o5, mielx Movoir, prêt. s. i vc


p. meu
i63;?7îiewx;quimielzmielz 72 ; partir.
179, 1829, à qui le mieux; Muer 671 ; part. p. mues
do miez 62, du meilleur. 1104; changer; mue 711,
Mipartir, 3* p.
ind. pr. s. 718, 1923, qui a mué, en
mipart 53, 737, 893, ioi3, parlant d'un faucon.
102 5; diviser. Muls n56, murs 1245, 1347,
Mirable 2162, 2169, admira- 2176, 25i5, mul 546, 1970,
ble, merveilleux. mur 2242; mulet.
Moillier 5i, 78, 461, i3o3, Musel i5oo, museau.
1 3 17, i38o, femme (épouse).

Mois, des— 1171, de long- Naistre, prêt. s. 3


p. nas- e

temps. qui 2734; part. p. nés 270;


Moisson 1485, moineaux. naître.
Mole 708, 1921, moulé, bien Nanil 1327, nenni.
fait. Nasel 2853, partie du heaume
Molt 84, 134, 2i5, 221, 222, qui protégeait le nef.

233, 239,277,336,412,442, Naturel, conte —697, comtes


446, mont 1820; beaucoup. de naissance.
Moner, voy. Mener. Navie 21 83, flotte.
Mont 842, 1057, 1161, 263o, Navrer, part. p. navrés 397,
monde. 1737; blesser.
Monte 1329, valeur, prix. Ne io3, 104, 287, ni; 235,
Morir, fûts. 3 e
p. mora 723 ;
236, 245, 403, et; 18, 432,
part. p. mors i3i, 198, ou; ne... ne 3i8, ou... ou.
285, 3o5, 3?7, 400, mort Nef 1026, 1041, vase, coupe
110, 202, 378, morte 935 ;
en forme de navire.
mourir; act. 223, 1439, Nel = ne lo 537, 1041,
tuer-, réfl. 21 33, se tuer. 1 159.
Mortal 1573, voy. la note de Nen (devant une voyelle) io3,
ce vers. 192, 236, 409, 410, 421,
Mortes 569, digne de mort; 477> 5o 7> 52 7> 6 43, 680,
mortel r3o, 1082, i3i4, 854, ne, ni, et.

1543, qui cause la mort. Nés 2174, navires.


Mostrer, ind. s. 3 e
p. mostre Nés 448, neis 454, 598, 599,
2j88;fut. s. jr e p. moster- 710, 2276; nef.
rai 1106; impér. pi. -j e
p. Nes=ne les 445, 743, 1 1 56,
mostrés488; montrer. 1329, 1367.
Motes 2199, éminences forti- Nés 144, 477, io56, 1999,
fiées. même.
;

IÔ2 VOCABULAIRE

Nient, voy. Noiant. Nou, voy. No.


Niés, suj. s. i32, 1140, 1285, Nuncier, voy. Noncier.
i323, 2356; nevot, rég. s.
223, 2023, nevo 1837; O = au 17, 42, 52, 91, 102,
neveu. 117, ou 262, 267, 369, 519,
No =ne \o 228, 285, 546, etc.

620,854, 1209, i382, 1592, O = ou, adv. 323.


1892, nou 260, 756, 2065. O 646, 790, 811, 860, ou 788;
Nobiles 65o, 885, 927, 2079, avec.
2181, nobile 920, 1037, Obli, mètre en 21 04, 2 1 1 5, —
2097; noble. 2129, oublier, négliger.
Noiant 1091, 1403, 141 1,
Oblie io3i, breuvage qui
i565, 256o, nient 1418, enlève la mémoire.
17 63 ,2b 5 o-, nullement, rien. Ocirre 761, 906,931, 1941;
Noielet, (épith. d'espiet), 438, prêt. s. 3 e p. ocist 1461 :

noielés 12 iB;nieIlé9 étnaillé. pi. 3 e p. ocisent i63i ;/ut.


Noier (précédé de la négation s. i
Te
p. ocirrai 2759'; subj.
re
et avec la valeur d'impér. pr. s. i p. ocie 1784,
s. 2 e p.) 1294, i3oo; part, 2254; part. p. ocis 110,
p. noies 217; nier. 1 3 1 ; tuer, se tuer.
Noier, part. p. noies 18; Oie 909, oreille.
noyer. Oïl 290, 1769, 1947,2918,01»'.
Noise 36i, 385, 2233, 25i2, Oil, suj. pi.2924; iolz, rég.
bruit. 482, 494, 509, 571, 590,
Noisier i325, faire du bruit. 711 ;yeux.
Noncier 23 18, nuncier 2322; Oïr4io, 11 63, igg5; ind. pr.
ind.pr.s.3 e p. nonce 1433 ;
s. i™p.oii553;3 s p.ot28c),
part. p. noncié i832 ; an- 3o3, 448, 750, 908, 1019,
noncer, indiquer, exposer. 1423, 1764, out i3ig; prêt,
None 645, la neuvième heure s. ir c p.
oï 12, 424, 523,
du jour. o yoj;3 e p. oït63i,oï 1432
Nonporcant 2827, néan- pi. jr e p. oïmes 1607; fut.
moins. s. 3 e e
p. ora 653; pi. 2 p.
Nos 22 1 5, pron. pers. (voy. les orés 771, 777, 809, 1093 ;
Additions et corrections). impér. pi. 2 e p. oés i3o^
Nostre, suj.s. m. 11; nostre, 343, 704; subj. pr. pi. 3 p.e

suj.pl. n32, i974;nostres, oient 844, 857; imp. s. 3 p.e

rég. 2201; nos, suj. et rég. oïst477, l


7 l %> i77%V arU
40, 221, 425, 502,963,986; p. oï 221, 1991, oït i325,
notre. oie 2233; ouïr, entendre.
VOCABULAIRE i63

Oir 2395, héritier. otrai 256o, otroi 2579, otr i


Olive 465, 1657, olivier. 2297 ; 3 e
p. otrie 1950 ;
pi.
On, voy. Onques. J re p. otroiomes 2658;
Onces 324, onces [mesure). octroyer, accorder, ap-
Onor, voy. Honors. prouver.
Onques 424, honques 12, 36, Ous 274, 787, 956, ox 26,
345, 5oo, 608, 734, on aus 122, 788, as i58i ; eux.
2o56; jamais. Ovrer 779, travailler, faire.
Ons 2209, on 296, 900; un.
Or, voy. Ore. Paienime 562, 625, 2727,
Or 1, 85, i3g, 443, 514, 533, 2753, nom collectif des Sar-
595, 659, ore 652, 694, 807, rasins.
ores 2202 ; maintenant, à Paienor 5 11, gén. pi. de
présent. paien.
Orceul 21 10, vase, cruche. Paille 20, 127, 539, io63,
Ore, ores, voy. Or. 12 16, 2090, pailles 11 58,
Ore i85, 187, 188, 922, or 2 1 76, 2 1 86 ; étoffe de soie.
2254; heure. Pais, faire — 541, 611, 618,
Oreis 1476? Voy. la note de 21 38, se concilier, s'accor-
ce vers. der; avoir — 2408, être en
Ormel 1475, petit orme. harmonie avec quelqu'un.
Oser, ind. pr. s. i rc p. ose Palazins 1436, 1450, 1457,
253i imp. s.
; i re p. osoie 2489, comte du palais.
e
796; 2 £>.ossoies 563; prêt. Palefroit 1180, 1847, pale-
s. 3 p. osa 720, ossa 671, dame.
e
frois 134.7; cheval de
osait 1 538 condit. s. 3 e p.
; Paler 1758, 1764, parler.
oseroit 2i33 pi. 3° p. ose-
;
Pamissons 480, pâmoison.
roient 1 58; subj. imp. s. Pandié 1895, prêt. s. 3 e p.
3 e
p. osast 2134; pi. 3 e
p. de pendre.
osassent 159; oser. Pane 264, plume.
Ost 236, 418, 2228, 2930, oz Pane 1827, 2891, garniture
2238, os 252 ; armée. (de Vécu).
Ostegier 2645 ,
garantir en Paneterie 2095, lieu où Von
qualité d'otage. conserve le pain.
Ostel 89, osté 684, 691 ; de- Pansé 785, 26i5, pensée.
meure, logis. Paon io58, fantassin.
Oster 440, 2170; impér. s. Paor 17, 626, 910, peur.
2*p. oste2i58, 2399 ôter, ; Par =part 1476.
éloigner, s'éloigner. Par 328, 5i3, 877, 952, 1290,
r0
Otroier, ind. pr. s. i p. particule de renforcement,
3

164 VOCABULAIRE

servant à exprimer une Pecheor 2o36, pécheur, misé-


idée superlative. rable.
Parcreiis i53o, robuste, fort. Peçoier, act. iSg5, mettre en
Pardon, en — 567,1550,1940, pièces ; neutre, ind. pr. s. 3 e

en vain, en pure perte. p. peçoie 2796, 5e briser.


Parentés 2281, parenté 673, Pecune 1659. D'après le con-
1984; famille. texte cette forme doit signi-
Parfis 2246? Voy. la note de fier bétail. Il faut la ratta-
ce vers. cher au latin pecus.
Parfont i33o, 15 22, profond; Pel 778, pieu, bâton.
pris comme adverbe 177$, Pel 1480, peau.
profondément. Peliçon 904, io63, pelisse.
Parigal 1^72, semblable. Pen 2926, pans; pens 370,
Paroir, ind. pr. s. 3° p. pert 1714., parties d'un haubert.
1263, i3o2; prêt. s. 3 e
p. Pendent i449,pandant 1253;
parut 834, 866 ;
paraî- pente, versant, colline.
tre, apparaître. Peneant 1092, 2552, 2675,
e
Partir, neutre, ind. pr. s. p. pénitents.
part 658, 2586, 2628;/^. s. Pener, réfl. 428, s'efforcer.
3 e
p. partira 723; part. p. Per 2 171, pareil, semblable,
partis 2860; se séparer, égal',419, ami, compagnon.
mourir, se fendre; réfl. Perrine 725, 736, 892, 917,
2401, partir. ioo3, 1012, 2092, perrines
Paser, pris substantivement 2760; de pierre.
3i3, passage. Perron 465, 490, 588, 609,
Pasmer, réfl., ind. pr. s. 657, 695, 765, peron 649;
3e pasme 475, 649, 657,
p. bloc de pierre taillé.
2010 se pâmer,
; s'éva- Perrous 2020, couvert de
nouir. pierres.
Paumes 2732, ornements en Persone 33o, stature.
forme de palmes. Peser, impers., ind. pr. s.

Paumoier, part. pr. pau- 3 e


p. poise 1767; subj. pr.
moiant 1096; manier, bran- s. 3e p. poist 85, 637, 809,
dir, agiter. 1 o1 5 ; être désagréable ,

Pautonnier43, i429,pauton- causer du chagrin.


niers 137; coquin; adj. Pesmes 1248, très mauvais,
157, 204, , 1379, i3i5 fâcheux.
1125, 2889, misérable, mé- Peteler 1741, piler, écraser.
prisable. Petit, un —
86, 429, 821,
Pavillons 2197, tentes. 861, 2870, un peu.
3

VOCABULAIRE 165

Pevree 911, prevee 901 ;


mé- promettre, jurer; 780, se
lange poivré. lier par un serment; 884,
Pièce, une grant — 520, rassurer; 1622, fiancer;
longtemps. 2653, affirmer.
Piler 1148, i2o5, pilier. Plom 1474, plomb.
Pimant 108, pismanz
55, Plusor, li —
2017, plusieurs.
124; boisson faite avec du Pofie 649, poufie 765 ;
por-
vin, du miel et des épices. phyre.
Pinel 1476, jeune pin; Poi io85, 1246, peu; a —
1473 pinel est peut-être 63 1, 908, 1423, pour peu,
pour pumel, ornement des 882, après peu; pou 149,
voûtes. 1 565, 2934.
Pis 2869, poitrine. Poignas i5i9,poignals 1567;
Pismanz, voy. Pimant. qui tient dans le poing.
Plaidoier 271 1, discourir, Poigniere, suj. et rég. s.

parler. 11 22, 11 33 poigneor, suj.


;

Plaigne 266, 660, plaine. pi. 6 combattant, guerrier.


;

Plain 985, plains 2232; Poindre, ind. pr. s. e p. point


plaine. 2025, 2836 impér. pi. 2 e p.
;

Plais 2494, plait 283, 1498; poigniés 1428; part. pr.


accord; jg3, 797, io36, poignant 117, 402, 1 3j5,
affaire; 1762, complot. 1397, 1404; piquer des épe-
Plaisir, ind. pr . s. 3 S
p. rons.
plaist, se Deu — 484, 845, Poine 1211, 12 1 3, 1265,
1142, si Dieu l'accorde; peine.
subj. s. 3 e
p. place, Deu ne Pointe 1884, 2768, 2771,
— 79, ne — a Deu 21 32, que charge, attaque.
Dieu ne permette pas imp. ; Poissons 1040, 1225, 1587,
s. 3 e
p. plaiïst, —Deu 839, poisons.
que Dieu approuve. Poitriau 1408, poitrel 2857;
Planchier 1845, salle plan- poitrail.
chéiée. Poitriers i897,poitrier 1291;
Planir, part. p. planie 901; poitrinière, courroie qui
rendre uni. passe sur le poitrail du
Plate 21 10, lingot (d'argent cheval.
ou d'or). Poldriere 2781, poussière.
Plenier 1 3 56, grand, vaste. Pons 375, 28o3, pont 2799;
Plevir 814; ind. pr. s. 3 e p. poignée, pommeau d'une
plevist 879; part. p. plevis épée.
823, plevi 1934; garantir. Pooir, ind. pr . s. i
Te
p.
i66 VOCABULAIRE

puis 85, 577, 160, 281, porpris 2232, porprise


e
787, poi 411, 2377; 2 p. 2722 ; occuper.
pues 565, i3i4, 1995; Porter, subj. pr. s. 3 e
p. port
3 p. puet 140, 405, 487,
e
2343, 2353 ;
porter.
584, 694, 722, 748; pi. Posser, part. p. possé 1727 ;

2 e p. poés 99, 119, 209, mettre, placer.


n63, 271 1; 3 e p. puent Pou, voy. Poi.
re
742, i25o; imp. s. i p. Praierie 2236, prairie.
pooie 568, 2466; 3 p.
e
Prandre 209, prenre 1770;
pooit 2709; prêt. s. 3 p. 3
e
ind. pr. s. e
p. prent 337;
pOt 262, 475, 94O, 1223, pi. 3 e
p. prenent 32; prêt,
1258; pi. i
re
p. peumes s. 3 e p. prist 438, 538, 632,

956; 3 e
p. porent 1209, 687; pi. 3 e
p. prisent i3o9,
1894; fut. s. i re p. porai i63i, i885; fut. s. 3 e
p.
i5o; pi. 2 p. pores 2069; e
prendra 889; pi. i p. r°

cond.s. J re p. poroie2i28; prendrons 923; impér. s.


3 e
p. poroit 683, 1194, 2 e p. pren 25o, 2590;/?/.
1340; pi. i
Te
p. poriens 2 e p. prenés 543 subj. pr. ;

283 2 B p. poriés 249 1 ; snbj.


; s. 3 e
p. preigne 1081 ; imp.
imp. s. i re p. poisse 984; s. i te
p. preïsse \^.ij;part.
3 e p. poïsse 192, 56i, 1738, p. pris 64, i32, 145, i54,
2467, 2874, puist 452 ;pl. 3i6, 344, prise 6i3, 911 ;
3 e p. puissent 1 04; pouvoir; prendre, saisir ; 10, entou-
pris substantivement bij, rer de lumière, enflammer ;
1400, pouvoir, puissance; — bataille 5, combattre ;

a — i6o3, avec vigueur. 14, 616, 889, 1142,


6i3,
Porchacier 881, préparer. 193 8, prendre en mariage;
Porfandre, part. pr. porfan- 2494, réussir neutre suivi ;

dant 1432; fendre. de a et d'un infin. 107,


Porir, part. p. porit 525, po- 800, 1227, 1232, 2164,
riz 678, porrie 1634, 2609; 2i65, 2167, se mettre à,
pourrir. commencer à.
Porpanser, réfl., ind. pr. s. Premerains, de 112, pru- —
3 p. porpanse 1010; pen-
e
merain n 90; première-
ser méditer à; part. p.
, ment, tout d'abord.
porpansés 417, inspiré. Près 25 1, 2379, prêt.
Porpre 2729, riche étoffe de Presse 53, 737, 893, ioi3>
couleur pourprée. troupe, multitude.
Porprendre, prêt. pi. 3 e
p. Prevee, voy. Pevree.
porprisent i665; part. p. Prime i658, 2087, première
VOCABULAIRE 167

heure du jour; cf. le sui- Prumiers 126, 2916, prumier


vant. 181, i83, in3, prumiere

Prime, barbe 745, première 2 366; premier.

barbe; ore —
922, pre- Prumiers 126, 1219, i3 5g, '

mière heure du jour. premièrement, d'abord.


Primes 1046, 2220, première- Puis, —
que 2592, qu' —
ment, tout d'abord. 1673, 2o56; depuis que.
Principel 19 18, princier. Put, de —
aire 3o6, de mau-
Principer 769, 966, voy. le vaise origine; pute 293,
précèdent. 1769, 2562, 2588, 2601,
Pris 67 6, prisonniers. vile, mauvaise, corrompue.
Prisier22i, 1290, 1348, 2698; Putain i632, fil a — 157,
re
ind. pr. s. i p. pris 1329 ; 176, 66j , 1379; terme
3 e
p. prise 2609 ;
pi. 3 e
p. d'injure.
s. 3
e
prisent 1492; prêt. p.
prisa i32i; fut. pi. 2 e p. Qu'=qui [devant une voyelle)
priserés 26o5; part. p. pri- 262, 277, c' 901.
sié 210; priser, estimer, Quarreli 472, je/erre déforme
louer; li prisiés 1 33, 174, carrée.
lou prisié 1822, le renom- Quarrel 1483, carreau d'ar-
mé, l'illustre. balète.
Prisons 587, 6o3, 775, 2o33; Quart 379, 2225, quatrième.
prisonniers. Que 114, 206, 214, 241, 281,
Privés 791, ami intime, con- 497, 604, 877, qu' (devant
fident. une voyelle) 280, 372, c'
Prodons 2597, homme esti- 424; car; 245, 3i8, 357,
mable (pris ironiquement). 378, 537, de sorte que.
Proier 67; ind. pr. s. i p. r°
Quel 2202, de quelle ma-
pri 2188; part. p. proiet nière.
1825, proies 2049; prier. Querre 279, iiSj ; ind. pr. s.

Proiere 2767, prière. J re


p. quier i3o5; condit. s.

Pros 71, 206,855, prout 6i3, jr e p.


queroie 1824; part,
764; profit, avantage. p. quise 890, 1965, 2076;
Prou 5oi, prout 606, 1079; demander; réfl. 499, vou-
beaucoup. loir; 2507, chercher; 1092,
Proz ii, 14, 5io,593, 1074, ^552, 2674, invoquer, prier.
pros 174, 56o, 927, 991, Ques =
qui les 1 38, 192,
1037, 2025, prout 5, 1067, 452, Il52.
preut 2277 ;preux, vaillant. Queu 899, cuisinier.
Prumerain, voy. Premerains. Qui, voy. Gui.
3

i68 VOCABULAIRE

Quin = qui en 255 1. Ravois 355, ravoi 359, ravoit


Quist = qui est t3oo. 365 courant rapide.
;

Quite, tenir — 1172, avoir — Reaimes 870, royaumes.


1 195 ; avoir en pleine pos- Reançon 544, 584, 1081, ran-
session; —
clamer 1 591, çon.
céder. Rebrochier, ind. pr. s. 3 e
p.
rebroche 199; piquer de
Rabatre, imp. s. 3 e p. raba- nouveau des éperons.
toit 198; renverser à son Recengler, ind. pr. pi. 3 e p.
tour. recenglent 1274; sangler de
Raine, voy. Resne. nouveau.
Rains i53i, bois du cerf. Recercelé 717, bouclé, frisé.
Raisson 843, 856, paroles, Recerchier, part. p. recer-
langage discours; mètre
y
chiet 1846; examiner,
a raisson 540, 554, 847, fouiller.
1071, i588, interpeller. Reclamer, ind. pr. s. 3 e p.
Raie 2737, corne du pied d'un reclaime 2886; invoquer.
cheval. M. Godefroy (s. v. Reclore, prêt. s. 3 e
p. reclost
ralles) ne cite qu'un seul 354; se refermer.
exemple de ce mot. Recoillir 2124; ind. pr. s.

Râler 566, iS^-, fut. pi. 3 p. e


3 e
p. receult 837; accueil-
riront 2149; aller de nou- lir, recevoir.

veau, retourner. Reconter, ind. pr. s. 3 e


p.
Ramé i683, i6gS, boisé; 2279, reconte 532 ; raconter.
branchu. Recovrer, ind. pr. s. 3 e
p.
Ramener, fut. pi. 2 e p. ra- recovre 364; prêt. s. 3 e
p.
menrés 2495 ramener. ; recovra 2871; part. p. re-
Randon 1584, impétuosité, covrés 19 12; gagner, rega-
violence; de — i586, à gner, profiter, obtenir.
toute vitesse. Recréant 2662, 2677, 2818,
Rantrer, fut. s. 3 e
p. rante- qui s'avoue vaincu dans
rait 2747; rentrer, reve- un combat judiciaire, puis
nir, retourner. en général vaincu, forcé de
Ravaler, part. p. ravalé 2160; se rendre.
descendre. Redevoir, ind. pr. s. 3 e
p.
Ravoir, fut. s. i re
p. ravrai redoit 141 8; devoir.
2249; 3 e p. ravra 2o53; pi. Referir, ind. pr. s. e p. refiert
2* p. raverois 2398; avoir de 378; frapper de nouveau.
nouveau ; comme aux il. Reflanboier, ind. pr. s. 3 e
p.
2800. reflanbie 2730; luire.
3

VOCABULAIRE 169

Regart, avoir — 238, 280, Repaler, part. p. repaleit


avoir crainte; avoir de — 2420; reparler.
2 3o, avoir comme res- Repondre, prêt. s. 3 e
p. re-
source, comme protection. post io35; part. p. repont
Regrater2i65 ;ind.pr.s.3 e p. 1722; cacher.
regraite 2927; regretter. Reposer, impér. pi. 2 e p. re-
Remanbrer, ind. pr. s. 3 p. e
posés 969 rester tran- ;

remanbre 106455e rappe- quille.


ler, se souvenir. Requerre i63, attaquer; ind.
Remanoir, ind. pr. s. 3 p. e
pr. s. 3 e
p. requiert i55,
remaint 654; pi. 3 e p. re- 662, prier, invoquer.
mainent 656; prêt. s. 3 e p. Resaillir, ind. pr. pi. 3 e
p.
rC
remeist 268$; fut. s. i p. resaillent 1899; ressauter.
remenrai 2666; 2 e p. re- Resbaldir, réfl., ind. pr. pi.
menras 2427;^/. 2 e p. re- 3 e
p. resbaldissent 2744;
menrés 283 1 ;
part. p. re- se réjouir.
meis 75, 674, 700; rester, Rese 298, part. p. de rere,
demeurer; 764, 889, 1640 raser.
1949, retarder; 997, finir; Resne rené 307, 35 1,
273,
i525, 1729, cesser. 1239, 2329, raine 329,
Removoir, part. p. remut 1 320, renés 389, i653;rêne.

1062; remuer, bouger. Respasser, part. p. respassés,


Remuer, réfl., ind.pr. s. 3 e p. 1745, repassé 1766; gué-
remue 2419; 5e changer. rir.
Renc 1434, rang. Respendre, neutre, ind. pr.
René 2 114, royaume, pays. s. 3 e
p. respent 124 ;
prêt,
René, voy. Resne. s. 3 e
p. respandié 2909; se
René 1196, royaume. répandre.
Renoier 66, abjurer, aposta- Respondre 2390; ind. pr. s.

sier; part. p. renoiez 2368> 3 e


p. respont4i6, 435, 487,
2386, renégat, traître. 498, 6o5; pi. p. respon- 3 e

Repairier i3o8, 1887; ind. dent8o2, io~3;prét.s.3 e p.


pr. s. 3 e
p. repaire 1996 respondit 2496, respondié
pi. 3 e
p. repairent 1977 81, 224, 2366; répondre.
imp. s. 3 e
p. repairoit 1 1 Restor, se mettre au — 2226,
impér. s. 2 p. repaire 2S0
e
s'acheminer ; 2042, retour-
part. p. repairiés 235 1, ner.
2702, repairié 1 353; retour- Restorner 578, 1176, 1232,
ner, revenir; réfl. s'en — 1721, 1740, 1783 ; ind. pr.
91, s'en retourner. s. 3 e
p. restorne 3o8, 2788,
1

170 VOCABULAIRE

part. p. restornés 1742; charge ronsines 1660,72/-


;

retourner; réfl. 392. ments.


Restort 2943, refus, retard. Ronpre, prêt. s. 3° p. ronpié
Restre, fut. s. 3* p. riert 2896; part. p. rout 1929,
i543, 1778; subj. imp. s. route 3 1 1 rompre. ;

3 e
p. refust 1480; être de Roonz 1600, ronds.
nouveau. Rosel 1469, roseau.
Retolir, fut. s. i re p. retourai Ruiste 33o, ruste 1984; /orf,
2403 ; omettre. robuste, vaillant.
Retraire, part. p. retrais
2884; 5e retirer; 2416, Sabloniere 2779, plaine cou-
avilir; 869, raconter, dire; verte de sable.
pris substantivement 2858, Sachier 1841 ind.pr. s. 3 e p.
;

retraite. sache 1229, 2896; part. p.


Révéler 956, se révolter. sachié 1864; tirer, saisir-
Reveoir, fut.pl. 2 e p. revarés Safré, hauberc 17 14. —
445 ; revoir. M. Godefroy traduit ce
Richetés 2173, richesses. i7io t par « orné d'orfroi ».
Rien, de —
2363, de riens Cette signification nous
1881, nullement. semble asseç contestable.
Riergarde 2 1, arrière-garde. Nous nous rattachons plu-
Ris, geter un — 2444, rire. tôt à l'interprétation de
Rocire, prêt. s. 3 p. rocist e
M. Demaison (Aym. de
1 398 ; tuer de son côté. Narb., II, p. 247) qui tra-
Roiee, targe 2783, targe— duit hauberc safré par
ornée de dessins en forme « haubert enduit de safre }
de roue. sorte de vernis doré ».
Roillier 946, rouler {les Saignier 114, sainier 427,
yeux). 432; saigner.
Rois 1187, i853, 2827, roit Saignier 2072 ; ind. pr. s.

170, 1389; dur, raide.


3 p. saigne 21; part. p.
e

Romans 1432, romant 1093; saignié 2696,saigniés 2090;

langage , discours ; 1 1 1 o, faire le signe de la croix


français. sur..., bénir.
Saillir, ind. pr. s. 3° p. saut
Romoisin 2874, denier de
1569; prêt. s. 3 p. sailli
e
Rouen.
Ronchier, ind. pr. pi. 3 e p. 2864 part. p. saillis 1994;
;

ronchent n3o; imp. s. sauter, ^élancer.


3e p. ronchoit 1206; ronfler. Saintisme 839, très saint.
Roncin 2855, cheval de Salteller, ind. pr. s. 3* p.
VOCABULAIRE I?I

e
saltelle 3o3 ; bondir {en 760, 781; J? p. sachent938;
parlant du cœur). imp. s. 3 p. seiïst 1247; pi.
e

San 1109, 2943, sans. 3° p. seiisent 784 savoir. ;

Sanbler, ind. pr. s. 3 e


p. Se 71,77, 162,246, 294, 33 9 ,
'

e
sanble 194; fut. pi. 2 p. 445, 5o8, s' (devant une
sanblerés 299; ressem- voyelle) 263, 285 ; st.

bler à. Se =
si (lat. sic) 739, 2426.

Sanés 1707, sané 449, 455, Secance 2731 ?


948 sensé, sage.
; Secorre 3i8, secore 245;
Sanglers 1206, sangler 946, prêt. s. 3 e
p. secorurent
12 14; sanglier. 1459; part. p. secorrut384;
Sanpres434, 988, 1093, i558, secourir.
1839, 2159, tout de suite, Segurs 262, 1870, 2421, 2430,
aussitôt, promptement. 2527, 2535, 2540, 2706, se-
Sans 467, sanc 719; sens, rai- gur 2387; sûr, rassuré,
son. maître de soi-même, vail-
Sarpent 2809, serpent. lant.
Sarracoçois 2823, 2825, de Seignor, voy. Sire.
Sarragoce. Seignori 2102, 21 19, riche.
Sarré 178, serrés; cf. Serrer. Sejorner, part. p. sejornés
Sartaigne 657, espèce de 2464, reposé, (épith. de des
pierre. Sur
ce mot, qui trier) n85, I2i5, 1670,
manque dans Godefroy, 2i58.
voy. Tobler, Glossaire Sejorners 398, retard.
d'Auberi le Bourguignon. Sejors 241, i3i2, retard;
Saus, voy. Cil. sejor 2935, repos; mètre
Sauver, subj. pr. s. 3* p. a — 2014, tarder.
saut 2365; sauver. Sel = se lo 488, lo si i58i.
Savoir 488, 1283, 2450, 2661 ;
Selonc 196, 252, 253, le long
r0 de, près de.
ind. pr. s. 1 p. sai 7 1 220, ,

404, 491, 5i6, 1157, 1657, Semonre, ind. pr. s. 3 e p.


2290, soi 869; 2 e p. seis semont io5o; encourager,
io36, 2409; 3 e p. seit 3 17, inviter.
1022, 2388;/?/. 3 e
p. sevent Senechaucie 2096, dignité
11 10; prêt. s. / re p. soi de sénéchal.
409; 3 e
p. sot io3o, 1 536, Senestre 1 184, 2905, gauche.
2848, sout 2849; fut s - - Senestrier 167, comme le
3 e
p. savra 244, 822, précédent.
2293 ;
pi. 2 e p. savrés 3oo; Sens, de tos — 2252, de tous
e
subj. pr. pi. 2 p. sachiés côtés.
172 VOCABULAIRE

Seoir, ind. pr. pi. 3 e


p. siënt siglas pour lequel M. Go-
101 ; imp. s. 3 e
p. seoit defroy donne un exemple
2582, 2583; prêt. s. 3 e
p. de Gui de Bourgogne.
sist 262; être assis;
258, Simles 1342, cimes 913, pain
2657, convenir; 592, 1237, ou gâteau de fleur de fa-
i3oi, aller bien. rine.
Sergent io55, hommes d'ar- Sin = si en 1589.
mes. Sire, suj. s. 224,228,234,411,
Serrer, part. p. serrée 1664; 416, 435,442, 469; seignor,
fermer ; cf. Sarre. rég. s, 145, 470, suj. pi.
Servai 2404? 119, i3o, 275, 343; sei-
Servises 997, service reli- gneur.
gieux. So = se lo 532, 826, si lo
Ses, poss. suj. s. m. i32, 201? io35, 2167.
309, 353, 394, 395, 396. Soe, poss. fém. 404, 1141,
Ses = si les 197, 209, 1109. 1956, 2205, 22l5, 26o5,
Seu, poss. suj.pl. m. 1929, 2744, soue 491.
2252. Soef 1238, 28i5, doucement,
Seures 606, beau-père. paisiblement, lentement.
SeUrs, mas — 2422, mal as- Sofrir, impér.pl. 2 e p. sofrés
suré, en mauvais point. 276; permettre.
Sevrer, part, p, sevré 681, Soing, avoir — 462, se sou-
1 55 1 ; séparer. cier.
Si, poss. suj. pi. m. 74. Soldoiers i3o6, mercenaire.
Sicles 288, sicle 1164, 21 13, Solaz 187, soloz 9; soleil.
siècle 1084; monde, vie. Son 3o, chanson.
Sigle 632, 914, 2059. Ce mot, Son 493, 495, sommet, ex-
pour lequel M. Godefroy trémité, bout', par — 1827,
ne que des exemples
cite 2891, par dessus.
avec la signification de Soner, neutre, ind. pr. pi.
« voile de navire », ne peut 3 e p. sonent 2745; résonner ;

avoir d'autre sens que celui act. 453, faire résonner.


d'étoffe de soie, étoffe riche Sor, voy. Suer.
en Ce sens nous
général. Sor, adj. qy5, 141 8, fauve,
semble indiqué par la for me roux-brun.
siglaton qui dans l'ancien Sor, prép. 108, 144, 193,200,
français signifiait manteau 212, 322, 327, 335 etc., sur.
de soie ou de toute étoffe Sorcille 731, sourcils.
riche en général. On peut Sordre, ind. pr. s. 3 e
p. sort
en rapprocher aussi le mot 1477; surgir, jaillir.
,

VOCABULAIRE 173

Surprendre, part. p. sorpris rlorie 2740, targes flories


555; accuser. 1644; — roiee 2783.
Soslevés 2j36, hauts. Targier 242, {précédé de la
Sovignons, a — 1061, à la négation et avec la valeur
renverse. d'impératif) 240, 2349; tar-
Soz 420, 588, 2372, sos 234, der ; réfl. 99, 1647, 1985.
248, 452, 465 sous.; Tenir 282, (précédé de la né-
Spie 1646, espion. gation et avec la valeur
Steut, voy. Estovoir. d'impér.) 2410, 2428; ind.
Suen, poss. 28oi,suens 1433 ;
pr. s. 2 p. tien 620, 1624 ;

son, sien. 3 e
p. tient 148, 5Si;pl.3 p.
e

Suer, nom. s. 924, sor 8j5, tienent 583, 2807, tenent


1267; sœur. 1654; imp. s. ircp. tenoie
Suivir, impér. pi. 2 e p. suiez 1170, 2563; fut. s. i re
p.
no5; subj. imp. pi. 3e p. tendrai 639; 2 e p. tendras
siuguissent 987; part. pr. 2633 subj. pr. s. 3 e p. tigne
;

siugant 1116, siuvant ii23; 288; imp. s. i re p. tenise


suivre, poursuivre. 840 part. pr. tenant 2o3 1
;

Sus, adv. 686, 697, en haut; 2578 part. p. tenu 389


; ;

prép. 49, 5o, i35, 354, 3€>7) tenir, garder, considérer;


382, sur. 202, durer réfl. 475, 2192, ;

Susperbes 290, 1262, 1270, se retenir.


subperbes 1240, susperbe Terme 882, espace de temps,
257; superbe, fier, insolent. délai.
Terrier 144, tertre, colline.
Talanz 2419, humeur, dispo- Tes, poss. suj. s. 772.70, 1906.
sition; venir a talant 1090, Ti, poss. suj.pl. ?nasc. 2672.
convenir, être disposé. Tiers 198, 379, 1862, troi-
Tancier i382, 2607 part. p. ; sième do 1279, I e triple,
; —
tancié 1324; disputer, se Timoner 2i56, celui qui
quereller. conduit les chevaux du
Tançons 479, bruit, tumulte. timon.
Tandis, —
con 1956, tant que, Tinbrer, ind. pr. pi. 3 e
p.
pendant que. tinbrent 2098, 2-46; jouer
Tanpiere 2780, tumulte, fra- du timbre.
cas. Tinbres 2745, espèce de tam-
Tant 548, autant ;
— que 429, bours de basque.
de sorte que, bb^, jusqu'à Tine io35, 1042, baquet,
ce que. cuve.
Targe 2796, bouclier long ; — Tiois 11 10, langue tudesque.
174 VOCABULAIRE

Tires 2176, 2186, étoffes de avancer, pousser; traire


soie. maie bargaigne 665, avoir
To s tu lo 565. une mauvaise chance.
Toe, poss. fém. 1843. Traître, suj. s. 56g, 1 553,
Toiaille 914, serviette. 2776;traïtors, rég.pl. 1086;
Tolir, prêt. s. 3 e p. tost 55j, traître.

91 1; pi. 3 e
p. tolirent 2252; Trametre, prêt. s. 3e p. tra-
enlever, prendre, ôter. mist 23 1, 259, 976; impér.
Torner 683, 826, 1623 ;subj. pi. 2 e p. trametés 2291 ;

pr. s. 3° p. tort 281 3; tour- part. p. tramis 39, 2393;


ner; 206, 293, 3 1 5 3 19, , envoyer.
1200, 2 5 53 retourner ;réfl.
, Trau 978, tribut.

134, 249, 332, 344, 897, Travers, an 12 14, — en —


1024, 1028, iii3, i32i, 1242; de travers.
1406, retourner, s'en aller; Tref 2263, 2517, très 2197;
a martire — 693, condam- tente, pavillon.
ner à subir une peine, être Trelise 2729, tissue à trois
exposé à un malheur ; 1623, fils.
1946, soumettre ; 2126, diri- Très 2402, jusqu'à ce que.
ger; 2028, passer. Tresaillis 2368, transfuge.
Torst 446, tort. Trestis 710, bien dessiné.
Tortis 2854, tordu, entor- Trestorner, ind. pr. p. s. 3 e

tillés. trestorne i45o, retourner;


Tost 24, aussitôt. rèfl. i534, se détourner; ja
Trabuchier, ind. pr. s. 3 e p. nen iert trestorne 1938,
trabuche 1861 renverser. ; 2447, ja trestorne nen iert
Traîner 782, traîner. 1809, il n'y sera pas mis
Traïr 46 ind. pr. s. 3 e p.
; obstacle.
traïst 1023; part. p. traï Trestos, suj. s. 1480 trestout, ;

556, trais 100; trahir. rég. s. 566, 680, 1193,


Traire 283 ; ind. pr. s. 3 & p. trestot33i ; trestoute,/era.
trait 11 5, 2o3; pi. 3e p. 612, 625 ; trestuit, suj. pi.
traient 28o3 ; part. p. traite 55i, 1054, trestut 2523;
375; tirer; 509, arracher; trestouz, rég. 1 58, trestous
— chanson 602, chanter; 162, trestos 53o, 2375 ;tout.
629, 11 55, tirer dehors, Trichier, part. p. trichiés 68;
prendre; i336, i358, 1700, tromper.
1878, 2200, tirer desflèches ; Trite 701, tristes.
aieres traire i525, reculer; Trives 240, 25o, 3 16, trues
traire avent 2159, faire \ 279; trêves.
VOCABULAIRE 175

Troser, part. p. trosés 1243, vaincre, gagner la ba-


trosé i2i3, 1299; trousser, taille.

charger. Vairs 590, vers 2166, vars


Trover 56 1, 787; ind. pr. p\. 711, 718, 1923 gris clair ;

3 e p. trovent 689, 726; {en parlant des yeux).


imp. pi. 3 e p. trovont 1847 Vaisel 1479, vase.
{avec le sens du prêt.); prêt. Valoir, ind. pr. s. 3 e
p. valt
3' p. 2
s. 3 p. trova 899 pi. 3* p.
e
; 905, 1 565 ; condit. s.

troverent 459; subj. imp. s. valdroit 2208) part. p. vail-


jre p. truisse 821; 3 e
p. lisant 1280, vaillant 529,
trovast 870 ;
part. p. trové 1982, 2 56i ; valoir.

695, trovee 914; trouver. Vantouser, voy. Ventoser


Tuber, ind.pr.pl. 3 e p. tubent Vaques 1660, vaches.
27; sonner de la trompe. Vasals 1791, vasas 1200;
Tubie io32. sorte d'épices. guerrier.
Tuél 1477, tuyau. Vaselage 140, 261 1, courage,
Tuit,sw/\ pi. 74, 76, 10 1, 693, acte de bravoure, prouesse.
698, 949, tous. Venere, suj. s. 2374, chasseur;
Tunber, ind. pr. pi. 3 e p. veneor, rêg. s., chien —
tunbent 1001; faire des 2 3 73, chien de chasse. M. Go-
culbutes. defroy ne cite aucun exem-
ple de cet emploi du mot.
re
Uis 939, porte. Venir 121; ind. pr. s. i p.

Uisselet 1070, uiselet 687, vien 1649; 3 p. vient 120, e

799 petite porte.


5
279, 33 4 402; pi. 2 p. ,

Unes, pi. 1788. venés 1648; 3 e p. vienent


e
207, 11 97 ; prêt. s. 2 p.
Vaer 2463; fut. pi. 1^ p. venis 269; 3 e
p. vint 49,

veerons 861, 22ij;part. p. 117, 182, 274, 320, 399,

veez 436, i373 défendre, 466 ;


pi. 2e p. venistes
;

refuser. 291; 3 e
p. vinrent 458 ;
3 p. venra 63o,
e
Vaillier 1926; part. p. vail- fut. s.

liet2915; veiller. 1609, 1616, 2418; impêr.


Vaintre 565 ind. pr.
; s. 3 e
p. s.
e
2 p. vien 2589 pi. 2 e p. ;

vaint 265 3 e
p. vain- venés 108 5 subj. pr. s-
1 ;fut. s. ;

quera 2577, vainquerait 3 p. vingne i332, vigne


e

2270, 2309, vanquera 2 143, 245, 3 18, 2942; part. p.


2430, vancra 2470 part. p. ;
venus 97, 366, 379, 38i,
vencus 18, vancus 2477, 387; venir; 778, convenir.
vencu 2678, vencue 2922; Venissons 5j, 12^, venaisons.
176 VOCABULAIRE

Venteler, ind. pr. pi. 3 e


p. 2886; puissance ; 364, 3j3,
ventelent i83i; flotter au 391, 2539, vigueur, force;
vent. 243,421, 564, 1781, 2598,
Venter 783, jeter au vent. miracles, merveilles.
Ventoser 427, vantouser 432; Vespre 2604, soir; vespres
appliquer des ventouses. 3 00, 998, vêpres.

Veoir 236, 403 , 497, 604, Vestir, ind. pr. s. 3


p. vest
e

96?; ind. pr. s. i re


p. voit 166, 2729; pi. 3° p. vestent
239, 2243 3* p. voit 98, ;
n83; part. p. vestu 370,
267, 309, 3 14, 345, 348, 1235; vêtir.
738, 836, 902, 1191 ;
pi. Yeziiez 47, 93, veziiés 191;
3 e
p. voient 26, 121 \prèt. rusé, habile.
s. i re
p. vi 36, 408, 5oo; Vice 1022, ruse.
3 e
p. vit 1 12, 1 16, 145, 2i5, Vide 734, 754, 1009, 2o85,
e
33o, 714, 7i5; pi. 2 p. habileté.
veïstes 733, 1800, 1948; Viëler, ind. pr. pi. 3 e
p. vië-
fut. s. jr e
p. verrai 1271, lent 2098; jouer delà vielle.
vairai i5o3; 2 e p. vairas Vielor 28, joueurs de vielle.
i368; pi. i re
p. verrons Vielz 426, viez i52, viel2i9,
489; 2 e p. verrois 1222, 945; vieux.
verés 1759, vairés 660, Vies 55, \i\,voy. le précédent.

922, varrés 825, 191 1, va- Vigor 832, force, impétuosité.


rés 2554; condit. s. 2 e p. Vilonie 928, 1576, vilenie,
veraies 988, varroies 2476; bassesse, conduite mau-
impér. pi. 2 e p. veez 120, vaise.

498, 599, vez 6o5, 1 333, Vilté 826, honte, avilissement.


1540, vés 1841 ; subj. imp. Violer, ind. pr. pi. 3 e
p.
s. 3 e
p. veïst 177,945, 1817; violent 2746; jouer de la
part. pr. voiant 352; part, viole.

p. velis 357, veu 1254; voir. Virge 270, vierge.


Verais 1618, verai 69; vrai. Vis 2702, vivant; vif diable
Vergent 1109, verge. 1750, 1766, 1792, diable
Vergiés 1901, rayés, cise- incarné.
lés. Vis 962, i547, 1 5 5 2, 175 1,

Vergoignier, part. p. vergoi- visage.


gniez 2714; couvrir de Vis 1839, avis.

honte, déshonorer. Vis 2427, vil, méprisable.


Vers, voy. Vairs. Vitaille 2 2463 victuaille.
1 5 5, ,

Verte 784, 2845, vérité. Vivres 2761, wivres 689,702,


Vertus 1848, 2701, vertu 726, 743; vipères.
VOCABULAIRE 177

Voir 224, 234, 416, 435, 55o, loie 796; 3 e


p. voloit 114,
634, i3o5, 2846, vérité. 214; prêt. s. 3 e
p. volt i5i,
Voir 1170, 1294, 1327, por 58o, 936, 1173, 1175, 1287,
— 2819; vraiment. 1848, 225i; fut. s. i re
p.
Voire 413, 43 o, voy. le pré' voldrai 788, 790;voirai
cèdent. 3 e
p. voira 2287; pi. 2* p.
Voirement68, 269, 1420^0/. volrés 779 condit. s. 1^ p.
;

les précédents. volroie 3o5; 3 e p. voldroit


Voirs, 487, 161 1, vrai. 811; subj. imp. s. 3 e
p.
Volante 1774, volantes 81 5, volsist 171 5, vosist 267;
2179; volonté, plaisir. vouloir.
Voloir, ind. pr. s. i re p. voil Vos, poss. suj. s. m. 2640.
86, 553, 935, 1020, 2307; Voste 1149, vostes 1473;
2 e p. veus 1946, vos 8o5, voûte.
vés 961, 1623, 2443 ; 3 e p. Vuidier, condit. s. i«« p. vui-
velt 439, 814, 1080, 2240; deroie 171; quitter;
1 la —
jrc
pi. p, volons 497, vo- selle 2791, être renversé
lon 604; 2 e p. volés 85o, du cheval.
606, 1078, 2297; 3 e p. vo- Wivres, voy. Vivres.
lent 2124; imp.s. i* e p. vo-

1;
.

TABLE DES NOMS

Abel, do tens — 1468; Abel, Andernai 420, 619, 2171,


personnage biblique. 2271, 2372; la tor d' —
Agaie i3, 32, 127, 497, 522, 2624 ; d'Espagne que
ville

53o, 558, 6i3, 616, io65; Guibert, d'Aymeri,


le fils

la franche —
2009; 2016, conquiert dans la chanson
2019, 2025, 2054, 2221, de Guibert d'Andrenas.
2472, 2485, 2624, 2582, Andreus, sainz —
de Pautras
2623, 2625, 2703; la franche n65, patron d'une célèbre
— 2719; 2814, 2816, 2912; église à Pat ras.
Agaiete 144, 466, 480, 498, Angleterre (2184, Ingleterre
514, 536, 2144, 2241, 29 ; Angleterre.
253i, 2548, 2578, 2832; Aorreis 976, roi sarrasin.
Aguaiete 23 10 fille du roi
;
Arabe, l'or d' — 324; Ara-
sarrasin Judas que Guibert bie.

prend en mariage. Arrabi 2006, habitants de


Agalie 1629, princesse sarra- V Arabie.
sine qui figurait, avec Es- Aucibier 200, 223, roi sar-
clabonie, dans une chanson rasin, neveu de Butor, tué
que nous ne connaissons pas par Aymeri. Un personnage
Aïmers, voy. Aymers. de ce nom joue un rôle im-
Alemaigne664. Voy. Hemon. portant dans Aliscans.
Aliien 1807, ami de l'aumaçor Aufrique2i 1,486,2590,2631,
de Cordoue. Afrique. Voy. Butor.
i8o TABLE DES NOMS

Augorime, la tor d' — 619; de Guillaume. Voy. sur


château d'Espagne. l'origine de ce personnage
Aumarie, mantel d' — 732, Hntrod., pp. xlix-lxxviii.
dras d' — 2i85; Almeria, Aymers 217, 224, 233, 242,
ville d'Espagne. 267,268,303,304,309, 3 19,
Auvreignas 3o, Auvergnats. 342, 345, 362, 366,374, 388,
Aymeris 126; — li viez i52; 390, 411, 1690, 2095; Aï-
i65, 289, 356, 406; — li mers 32i, 333, 348, 416,
ber 413,430,437; 442, 446; 435; Aymer, lo guer- —
— a la barbe florie 464; rier2i8; 330,384,439, 535,
469, 481, 489, 538, 541, 2277; lou chaitif 2441; —
549, 559; —
ber 579; li Aïmer 21 5, 406; — lou
63o,io36, 1247,1991,2002, chaitif 21 17; fils d' Aymeri
2007; li cortois 201 1; — de Narbonne. Héros d'une
2014; —
liproz20i8; 2023, chanson qui ne nous a pas
2032, 2o35, 2o38; a la — été conservée. Voy. /'In-
barbe florie 2o58; 2067, trod., pp. cxn (note).
2Il5, 2l32, 2l38, 2l52,
2168, 2170, 2 191, 22o3; Baldus i83 ;
— li rois de Ba-
— li pros 2220 2240, 2275; ;
— d'Orca-
legués 422, 441;
— li blans 2295; 2299; nie46i ; 532;— rois de li

— li blans 23o2 ; 2324, Balegués 1676; rois — li

2336, 2347, 2 393, 2409, 1694, 2129; — rois de li

2517, 2644, 2657; — li Balegués 2289; le roi —


blans 2659 ; 2667; — li viez 2291; 2298, 2302, 23ll,
2712; 2916, 2932, 2935, 2314, 2332, 2356; li rois —
2941 Heimeris 2266; Ai-
; 236i; 2370, 2420, 2492,
meri, —
lou hardi cora- 2567, 2606, 2640; Baudus
jous 3 ; 193; de Ner- — le roi 2394; roi sarrasin qui,
bone lou viel 219; lou — après avoir perdu sa ville,
baron 496; 5o3, 535; lou — Balegués, reçoit le baptême
barbé 672, 951 1 168 a; ;
— dans le poème de Guibert
la barbe florie 1964; a la — d'Andrenas.
florie barbe 1976; a la — Balegués422,44i, 1676,2289,
barbe 1983; 1987, 2167, Balaguer, ville d'Espagne
2214, 2559, 2840, 2930; {Catalogne). Cf. Baldus.
Aymerit 2686 ; Naimeri Balzebu 1471, Bel\ébut.
2io3 ; Aymeri de Nar- Baufumés 793, 798, 827, 833,
bonne, le héros de plu- 866, 1075, 1 1 17, 1 126, 1 178,
sieurs chansons de la geste i333, i366, 1370, 1396,
TABLE DES NOMS 181

1438, 1460, 1488, i566, 1239, 1252, 1260, 1264,


1577, 1706, 1722, 1816, 1267, 1281, 1286, 1287,
1819, i85o, 1866, 1869, 1290, 1293; — li guerriers
1970; Baufumez 807, 982, 1304; 1
193 1327, , 1348,
994, i386, 1794; Balfumés 1 359, 1373, i382; li pa-
849, 969, 991, 1 586 Bafu- ; lazins — h36, 1450, 1457;
més 770, 1572; Bafaumés i486, i5oo, i5ii s i552,
686; Baufumé 675, 738, 1559, 1575, 1592, 1595,
959, 1241, 171 1 ; lou cortois 1614, 1707, 1796, 1826,
— 1718; 1755, 1789, 1839, i838, 1842, i855, i863,
1914, 2079; Baufumer 1891 , 1906, 1936, 1245;
941 ; le geôlier de Vau- — li gentis 1997; 2001,
maçor de Cordoue. Il s'en- 2o63, 2082, 2088, 2145,
fuit avec Agaiete et les 2178, 2181, 2204, 2222,
Narbonnais et devient en- 2272, 2325, 2326, 2357;
suite chrétien. (Cf. Rajna, — li cortois 2392; 2401,
Le orig. dell' ep. fr., p. i3j, 2407, 2417 li ber ;

etDiefc Gr. d. rom. Spr., 2433; 2444; — li ber 2445;
5eéd., pp. 269-270.) 2455, 2457, 2468, 2473,
Beauvais, l'onor de 1 1 5 1
;
— 2478, 2481 li palazins ;

Beauvais (Oise). 2489; 2490, 2496, 2 583,
Berit 1471, nom de démon. 2640; Bertrans 1396; Ber-
Bernarz 440, 547; — a la barbe tran 256, 284, 340, 449,
florie 1944; — H cortois 454, 713, 753, 786; lou—
et sages 1973; Bernart
li sané 948; 974, 1100, no3,
534, 664, 1 168; lou barbé — 1 112, n34, 1191 ;
— lou
193 1; 2277; —
lo viel 2357; donzel 1507, 1818; 1890;
2441 fils d' Aymeri de Nar-
;
— lou conte 1913 1935, ;

bonne et père de Bertran. 1955, 2023, 2049, 2o3o,


Voy. sur ce personnage 2125, 2420; fils de Bernard
L. Demaison, Aymeri de de Brubant. Voy. L. De-
Narbonne, II, pp. 259-260. maison, Aymeri de Nar-
Bertranz i32, 593, 648,657; bonne, II, j?. 260.
— li ber 692; y6j, 810,817, Biterne, paille de 1235; —
835, 838,8 4 6,85 2 861,867, , ville d'Orient.

871, 875, 884, 924; li ber — Blaives 173, 1690, Blaie (Gi-
982,994; 1074, 1078, 1082, ronde). Voy. Gerarz.
1 1 1 5 , 1122, 1140, 1 1 65, Bracefiere 11 34, surnom de
1 181, 1 198; — li bachelers Guillauîne d'Orange. Voy.
1208, 1219; 1220, 1234, Guillelmes.
l82 TABLE DES NOMS

Braiz 2851, Breton. 2947 roi sarrasin. Per-


;

Brechanbalz, Brichebalz Jo- sonnage historique du vin"


suanz, voy. Brifanbalz. siècle, Abitaurus (Cf. D.
Brehier 1806, chambellan de Bouquet, V, 20, 26, 41, 64,
l'aumaçor de Cordoue. 70, 2o3, 319, 329). 77 est
Bretaigne 662, lais de 28. — pris par les Français et
Brifanbalz Josuanz 2665, meurt dans un combat sin-
2680; Brechanbalz 2385; gulier avec Guibert.
Brichebalz Josuanz 2504
Brufebalz2355; Brufanbalt
;

Caïfas, la tor de — 2620;


Josuant 25 10 Sarrasin au Caïpha (Syrie).
— 258,
;

service du roi Judas. Castelle, destrier de

Bueves, —li pros 174; 2643;


mules de — 1238; Castille.
Bovon lou prout (preut) Cordres 65, 72, 674, 1256,

1167, 1822, 2277, 2440; i362, 1403, 1420, 1 636,


Bovon de Commarchis, 1646, 1649, J 655, 1834,
1887, 1978, 1998, 2162,
fils d'Aymeri de Narbonne.
Voy. sur ce personnage 2195; Cordes i332, i352;
/Introduction, p. xxxvi,
— la fort cit 2108, 2123;
n. 1.
Cordoue (Espagne).
Bovon, voy. Bueves.
Daniel 1493, personnage
Butors, li rois — d'Aufrique blique.
bi-

guerriers 211
li ; 228, 246,
Domas, la cité de — 2619;
258, 278, 344, 5io, 5i4,
Damas.
526, 582, 2534, 2539,2573,
2574, 2585, 26i5, 2618, Esclabonie i63o, princesse
2629, 2705, 2728, 2739, sarrasine. Voy. Agalie.
2754, 2772, 2789, 2792; Escler 938, 987, 993, 1217,
li rois —
28oo;283o, 2834, 1 541, Esclers 965; Slaves.
2847, 2878, 2903, 2927; Ce nom est très souvent
Butor4, 201, 312,349, 390; associé par
poètes épi- les
— lo roi 457 ;
— lou roi ques à celui des Sarrasins
d'Aufrique lou baron 486 ; G. Paris, Romania, II,
(cf.
490, 536, 2045,2137, 2264, p. 33 1 etRajna, Orig. dell'-
23o8, 2429, 2469, 2475, epopea francese, p. 441).
2570, 2590, 2614; lou — Espaigne 2o53, 2841, 2843.
prout 265o ; 265 1, 2662,
2675, 2783 ;
— lo roi 2824; Faraon la gent , 1064, —
2840, 2852, 2860, 2869, expression employée pour
2897, 2922, 2927, 2944, désigner les Sarrasins.

TABLE DES NOMS i83

Fauserons 22 1
1 , nom de Sar- tierde Termes, qui figure
rasin. dans d'autres chansons du
Franc 635, 1405, 1419, 2229; cycle (Aliscans, La Mort
Frans 1086, 2491, 2498, Aymeri) et qui nous est re-
25o8; la geste des 2558; — présenté par les poètes
2666; Francor, la geste — comme appartenant à la
2, 2028; Français. Cf. Fran- famille d' Aymeri de Nar-
çois. bonne.
France 61, 208, 248, 402, Gerarz deBlaives 173, 1690,
i3o8, — la garnie 2238, personnage épique qui
2247.^ figure dans Aliscans.
François 25, 46, 100, no, Girbert 1671, homme de l'ar-
1 177,352,383,458,
19, 121, mée d' Aymeri.

532, 572, 583,740, n32, Gironde 339, Girone, en Es-


1448,1467,1494,1516,1600, pagne {Catalogne). Voy.
1643, i652, 1662, 1667, Hernalz.
1669, 7 53, 1828, i885,
i Golias 1162, le Goliath de la

1888,1912,1928,1967,1974, Bible.
2047, 2074, 2194, 2259, Grafons 1376, le gonfanon-
2377, 2405, 2494, 2519, nier de l'armée de Galérien.
2757. Cf. Franc. Grice, paillede 2ogo;Grèce.
Guairins, — li prisiés 174,
Galeriiens 232; — de Perse 2643; Guarins, li frans —
259, 1255; 1296. i3i3; 2669; Guairin 534; Gua-
i539, i545, 1 588; — li rois rin, — lou gaillart 1167;
1604; i 7 3o, 1773, 1799, — lou sané 2440 Garin lou ;

1884; Galériens, li rois — prisié 1822; Garin d'An-


1401; 1413, 1424; Gale- seiïne, fils d' Aymeri de
riien, — 1716, 1785, 2000, Nar bonne.
2044; Galérien, lo roi — Guiberz 41, 70, 81, 87 ;
— li

1465 roi sarrasin qui at-


; rois 1 33; 147, 519, 589,
taque les Français et est pris 6o5, 623, 65o, 656, 658; li

ensuite par ces derniers. rois — 2004; 2237, 2255,


Garin, voy. Guairins. 2456,2461, 2471; — li frans
Gastinois 62 , le Gâtinois, 2492 ; 25o3, 2527, 2529,
ancien pays de la France 2533,2542; — li frans 2545 ;

qui fut divisé plus tard et 2582, 2652, 2662, 2669;


forma leGâtinais français 2673; — li frans 2685, 2687,
et le Gâtinais Orléanais. 2690, 2702, 2703, 2712; —
Gautiers 173, sans doute Gau- li sire 2763 ; 2767, 2776,
184 TABLE DES NOMS

2790, 2792, 2798, 2824, n63; 1210, 1240, 1285,


283 1 , 2841, 2847, 2860, i323, 1437, 1458, 1574,
2863, 2885, 2886, 2890, 1579, I ^9^> i6o5, 1608; —
2901, 2940 Guibers 593, ; li chevaliers manbrés 1708;

2o52, 2100, 2146; lifrans — 1795, i836, 1862, 1867,


2688 2722, 2875 Guibert,
; ; Ï9H, 1977? 997> J
;
20 9 6
— louprout 5;5i; lou roi — — guerriers 2642; Guil-
li

257 ; 283; roi — 341; — lou lermes 768, 879, 1 269; Guil-
chevalier manbré 45o; — liaumes 1487 ; Guillelme
lo roi 455; 474, 5o8, 527, 256, 284, 340 ; — au cor nés
554,568,585,638,646,669, (neis) 448, 454; 948; — Bra-
1821; lo roi — 1979; 2008, cefiere 11 34; — au cor
2141, 2234, 225l, 2268, neis 1181 ; 1397, 1507;
2395, 2398, 2410, 2413, — au cor neis 1 546 ;
— lou
2423, 2428, 2449 ;
— lou baron 1589, 2024, 21 16; —
chevalier vaillant 2484 ;
au cor neis 2276, 2439;
2525, 2575, 2602, 2617, Guillaume d'Orange, fils
2637; — lou guerrier 265o ; d'Aymeri.
2748, 2756, 2795, 2817,
2872, 2879, 2913, 2931 ; Heimeris, voy. Aymeris.
Guibelins, li proz — 14 ;
Hemon d'Alemaigne 664,
2927; Guibelin 2127; Gui- personnage que nous ren-
bert d'Andrenas, septième controns pour la première
fils d'Aymeri. Sur ce per- fois D'après ce que dit le
ici.

sonnage, l'un des plus an- poète, semble être un pa-


il

ciens du cycle, voy. /'In- rent des Narbonnais.


trod., pp. xci-xcii. Hermengart 653, 661, 1037 ,

Guichart personnage
11 66, femme d'Aymeri de Nar-
épique qui figure dans le bonne. Voy. /'Introd., pp.
Covenant Vivien et Alis- lviii-lix, LXXIII.

cans. Hernalz, — li prisiés i33;


Guielins 173; Guielin 1166, 139, 594, 649, 679, 691,
2442 Guielin (dimin. de 768, 879; — li nobiles885;
;

Gui), frère de Guichart, qui 957; — l'alosés 992; —


figure dans plusieurs chan- li rous 1075; 1089; li —
sons du cycle. blans 1 1 1 5; —
li poigniere

Guillelmes i32, 141; au — 1122; 1139, 1160; — li vielz

cor neis 594 ; 648, 694, barbés 1 182; li ber 1207; —


885, 955, 992 — li proz — li subperbes 1240, li

;

1074 ; 1 100, 1 1 16, 1 123, susperbes 1262, 1270;


TABLE DES NOMS 185

li blans 1437; 1458; li de- auquel les Français enlè-


pers 1487; i5oi, i5o5, vent la ville de Séville.
i55o, 1574; — li sanés Lanbert (saint) i5i2, saint
1707; —
li guerriers 1796; Lambert, patron de Liège.
i835, 1862; li ber 1930; — Mahomez n3j, 1627, 2597,
T
977> ! 99 6 Hernalt, ;
— 2654, 2806, 281 1; Maho-
lou susperbe 257; de Gi- — met 6j, 576, 597, 621, 634,
ronde 339; lou sané455; — 6 77> 82 -S 9°7> I2 9 6 > l3l 3,
— lou viel barbé 945 ;
— 141 3, 1424, 1540, 1770,
lou poigniere 11 33 1397; ; 1799, 2217. Voy. le sui-
— lousané 191 3; lou — vant.
rous 2024; Ernaut lou sané Mahons 739; Mahon 1598;
449; fils d'Aymeri. Voy. Mahom 1419, 173 1, 2364,
/'Introd., pp. xciii-xcvi et 2591 ; Mahomet.
L. Demaison, Aymeri de Maloré 1734, médecin sarra-
Narbonne , II, p. 268. sin.
Marie 2188; sainte Marie
Ingleterre/vc^r. Angleterre. 471, 624, 747, 7 5i, 818,
Jhesus 7o5; Jhesu, — lo roi 886, 921, 930, 1364, 1390,
celestre 872 ;
— lou gloriox i638, 2237,2556, 2888.
2040; 2555. Mirabel 1807, sarrasin au
service de l'aumaçor de
Judas 39 ; li rois — 73 ; 108, Cor doue.
556; li rois — 587, 6o3;6i 1, Monbran i63i, ville imagi-
63 1; li rois — 644, 670, naire.
1981, 2i3o, 2i33, 2233; Monjoie 1 663, cri de guerre
rois — 2245;225o, 2254, des Français.
23o5, 2319, 2334, 2339,
2345, 2365, 2366, 2382, Naimeri, voy. Aymeris.
2397, 2412, 2422, 2424, Naimes, dus —
1671, 1686;
2431, 2482, 2486; — li li dus —
1903; Naymes li
frans 2490; 25o3, 2507, dus 2520; Naime de Ba-
2509; li rois — 25 14, 25 18; vière, conseiller de Char-
2546, 2547, 2 55o, 256o, lemagne. Il figure dans la
2569; li rois — 2572; 2579; Chanson de Roland, Ayme-
li rois — 2587; 2600; jan- li ri de Narbonne, etc.

tis rois — 2612; rois — li Nerbone 285o Aymeri de ;

2634; 2645, 2647, 2659, — 219; de — la plaigne


2663, 2685, 2810, 2942, 660; Narbonne [Aude).
2944, 2947 ; roi sarrasin Nerbonois 172, Narbonnais ;
. —

i86 TABLE DES NOMS

1609, 16 16, pays de Nar- 11 65; Pat ras (Grèce). Voy.


bonnc. Andreus.
Normendie 2184. Pépins, li riches rois — 548;
Nubie 707, 730, 769, 83o, Pépin, père de Charle-
864; — la belle 871; 936, magne.
962, 1008, 1029, 1076, 1079, Persant 36i, 367, 38o Per- ;

io85, no3, 11 12, n33, san 2006 Persans 1440, ;

1 144, 1 173; — la belle 1264; 1462; Persis, rois des —


1421, 1425, 1443, i5o8, 2000 la terre aus
; 2131 — ;

1509; o lo vis cler 1547; Persans.


— a vis cler i552; i56o, Perse 232, 259, 1255, 1297,
1590; —
lapros 1595 au ;
— 1414, la Perse. Cf. Gale-
cors cortois 1606, i6i3; riiens.
1615,1625,1751,1758,1762; Persis, voy. Persant.
- labelleolouviscleri9i7; Peviers 1340; chastel de —
1954, i960; — la pros 2025; 61 sans doute Pithiviers
;

2088; — la proz 2222; (Loiret) ; voy. Garin le


la belle o lo vis cler 2459; Loherain, éd. P. Paris,
2 583; fille de l'aumaçor de t. I, p. 5o.
Cor doue. Elle délivre Guil- Picadoine, li rois de — 2206;
laume, Hernaut etBertran pays sans doute imaginaire.
de la prison de Cordoue et Pierre (saint) de Romme,
est prise en mariage par ce 346; Piere 11 36, 1142,
dernier. 2770, 2928.
Pol (saint) 2928, 2941.
Orcanie, Baldus d' — 461;
pays qu'on a essayé d'iden- Rains, Torpins de — 12;
tifier avec VHyrcanie (Asie) Reims.
ou les îles Orcades. Cf. Reniers 89, serviteur de Gui-
P. Meyer et Longnon, Raoul bert.
de Cambrai, p. 3>ji Rome 5 5 1 ; l'or de — 33 1
;

Oriant 2769, Orient. Romme, saint Pierre de —


346.
Palerne, tors de — 263 ; li Rosie, mur de — 2242; Rus-
paiens de 294; chaspe — sie.
de —
1236; Palerme. La Rubions 596, nom de Sarra-
forme Palerne est due à sin.
une vague confusion avec
Salerne. Saint Denise 2844, 5. Denis
Pautras, s. Andreus de — (Seine).
TABLE DES NOMS -87

Saint Salvador i3 ( forme qu'elles présentent un même


provençale), S. Sauveur. phénomène, quelle qu'en
Salerie 6, 107, 458, 476, 582, soit l'explication. Nous re-
618, 841, 85 9 , 888, 923, marquerons encore que
934, 1232, 1309, 1599, dans deux manuscrits d'Ay-
1643, 1963, 1971, 1975, meri de Narbonne on trouve
1986, 2042, 2o55, 2624. la variante Alerie pour
// nous a été impossible Lerie [éd. Demaison, v.
d'identifier ce nom avec 106). — La forme Salo-
quelque localité de l'Es- rie, qui se trouve dans un
pagne. Peut-être faut-il y manuscrit JeGuibert d'An-
voir une variante du mot drenas, doit être identifiée,
Lerie. Elle présenterait comme nous l'avons remar-
alors un phénomène analo- qué plus haut (Introd.,/?.
gue à Sebre de la Chanson cxli), avec Salerie. Ce n'est
de Roland qui, d'après peut-être qu'une faute du
M. Fôrster, n'est que le copiste, epouvant être très
nom <f'Ebre avec la pro- facilement confondu avec o.
thèse de V article catalan su Sarracoce 261, Sarragosse.
[voy. Zeitschrift fur rom. Sarrazins 58, 189, 319, 499,
Philol., XV,
pp. 5i--5 181- 542, 55o, 965, 997, 1066,
On pourrait supposer qu'un 1278, 1295, 1410, 1412,
phénomène analogue s'est I 1481, i5i4, 1786, 2139,
passé pour Salerie -.l'article j
2265, 2285, 2340, 235i,
féminin sa se serait ajouté 2392, 2433,2656,2910; Sar-
au nom de Léride [afr. Le- razin 38, 44, 75, 128, 222,
rie). M. Fôrster cite encore, 3o8, 444, 595, 844, 857,
d'après Schneegans (Pseu- 938, 987, 993, 1043, 1044,
do-Philomena, p. 671, la 1217, 1324, i337, 1434,
forme Saclusa, à côté de la 1495, i538, 1 541 i65i, ,

Clusa, ce qui pourrait ap- 1664, 1703, 1724, 2198,


puyer cet essai d'explica- 2227, 2342 2?o5, 2 5o6,
,

tion du mot Salerie. Nous 2677 ; Sarrazine 733.


ne tenons cependant pas Sébile 63, 646, 2226, 2229,
beaucoup à l'explication si 2232,2249, 23i2;Sebille
ingénieuse de M. Fôrster, 638, 669 1645 , 1980 , ,

qui soulève quelques doutes, 2oo5, 2126, 2259, 2304,


mais il nous semble que les 23i8 2329, 2396, 2411,
,

formes citées sont


trois in- 2514, 2553, 2563, 2681,
timement apparentées et 2728; Séville {Espagne).
i88 TABLE DES NOMS

Sidoine 2207, Sidon {aujour- Turs 1440, 1462, 1908;


d'hui S aida en Syrie). Turc.
Sulie, mul de — 1970, des- Tutelle 261, Tudèle.
triers de — 2186; Syrie. Valtermes l'onor de
, —
260 sans doute identique
;

Tabarie, lou bai de — 2733; à la ville espagnole de


Tabarieh (Palestine), l'an-
Valterne mentionnée dans
la Chanson de Roland
cienne Tibériade.
Tervagant 873, et où l'on a reconnu Val-
divinité sar-
rasine. tierra.

Toire 2207, ville sarrasine


supposée. Wiviiens, — l'alosés 1689;
Torpins, — de Rains 12; 21; 1889, 1907, 2094; Wiviien
Torpin 21 18, 2278; l'ar- 1821, 1837, 21 17; Viviien a
chevêque Turpin de la la hardie char 1 169; lejeune
Chanson de Roland. héros J'Aliscans, fils de
Tritrans 285o , Tristan ,
Garin d'Anseune. Voy. sur
Breton, maître d'escrime ce personnage A. Jeanroy,
de Guibert. Romania, t. XXVI, (1897),
Tur 36i, 38o; Turc 367, 385; p. 175 55.
TABLE DES ASSONANCES

Assonances masculines,

a (ai, au) xxx, xxxvn, lxvii.


ai lx.
an (en) xxViii, xxxiv, lvii, lxiii, lxv, lxix, i.xxiii.
é VIII, XIV, XVIII, XIX, XXI, XXV, XXXI, XXXVI, XLI, XLIII, L, LVI,
LXII.
è xxxv.
i XIII, XLVI, XLIX, LXXV, LXXVIII.
îé II, III, IV, XXXIII, XLII, LV, LVIII, LXVIII, LXX, LXXVI.
6 I, X, XV, XXII, XXVII, XXXVIII, XLVII, LUI.
Ô XI, LXXVII.

oi XII, XXXIX, LIX, LXXIV.


u vii, lxi, lxiv.

Assonances féminines.

a-e xlv.
an-e xvn.
è-e v, xxiii, xxxii.
i-e ix, xvi, xx, xxiv, xxvi, xl, xliv, xlviii, li, liv, lxvi, lxxi.
ié-e xxix, lxxii.
6-e vi.

ô-e lu.

mi '- •
4?

-affifr
ADDITIONS ET CORRECTIONS

Introduction.
P. ii, 1. 29, corriger : Nimes. De même à la p. lui, 1. i3.

Pp. xix-xxi. Sur le rôle de Guillaume dans le poème d'Ermoldus


Nigellus, cf. aussi G. Grôber, Archiv fur das Studium der neueren
Sprachen und Litteraturen, t. LXXXIV, pp. 3oo-3o2, et G.
Schlâger, Literaturblatt filr germanische und romanische Philo-
logie, t. XVIII, col. 87.
P. xxi, 1. 22, lire: Becker. De même aux pp. xxm, 1. 19; xxv
(note 2); xxvii, 1. 3o; xxvm, 11. 25, 28; xxix, 1. 19; li (note 2);
lxxviii, 11. 19, 27; lxxxiii, 1. 29; xciv (note 3); xcv, 1. 22.
P. xxxin, 1. 24, mettre une virgule au lieu d*un point après
/. c.

P. xxxiv (note 1). Sur le remaniement d'Adenet le Roi, cf.


encore le récent article de M. A. Bovy, Adenet le Roi et son
œuvre dans les Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles,
t. XI, pp. 86 et io2-ii3.
P. lx, 1. 9, lire : midi. De même aux pp. xcvm, 1. 32; cm, 1. 1.

P. lxv (note 1). Dans le remaniement en prose du Moniage


Guillaume la femme de Maillefer s'appelle Clarisse. Cf. G. Schlâ-
ger,Die altfran^ôsische Prosafassung des Moniage Guillaume
dans Y Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und Littera-
turen, t. XCVIII, p. 4.

P. lxxix (note 2). Le nom de Pourpaillart semble se rattacher


10,2 ADDITIONS ET CORRECTIONS

au Pagus Palliarensis qui


est mentionné chez D. Bouquet, t. VII,

p. Le
66 (note même rapprochement
b). a été fait par M. Jeanroy,
d'après une communication de M. Suchier (Romania, t. XXVI,

P- 33).
P. lxxxiii (note 3). Sur l'existence d'un ancien poème français
concernant la prise de Tortose, cf. aussi Jeanroy (Romania,
t. XXVI, pp. 17 et 32-33). L'auteur admet ici, comme dans
l'article cité de la Revue critique, que ce poème devait reposer
sur les événements de 809 à 811.
P. lxxxvii (note 5). Sur la forme Luiserne (Lucerna), cf. aussi
F. Castets, Turpini Historia Caroli magni et Rotholandi, Mont-
pellier, 1880, pp. 75-76.

P. xcvn, 1. 33, point au lieu de virgule après /. c.

P. xcviii (note). Sur l'influence que les récits des pèlerins ont
dû exercer sur la composition de quelques chansons de geste,
cf. encore Jeanroy (Romania, t. XXVI, pp. 21-22). — L. 3i, lire:
nord.
P. cm, 1. 21, eeffrt, lire : effort.

P. cxi, 1. 19, mettre une virgule au lieu d'un point et virgule


avant guairis et guairit. De même avant vancu (1. 2 5) et vanquera
(1. 26).
P. cxn, 1. 10, virgule au lieu de point et virgule avant aùst.
De même avant gringnors (1. 21) et enfent (1. 27).
P. cxiv, 1. 5, virgule avant consaillié; point et virgule avant
cornailies (1. 6); virgule avant mervaille (1. 7).
P. cxvn, 1. 11, virgule avant confano[ni]ers.
La forme i au lieu de il apparaît aussi devant
P. cxvin, 1. 12.

un mot commençant par n cf. v. 978. Sur la graphie inverse :

il = i (1. i3), cf. aussi le vers 197 1 (note). A la ligne 17, mettre
une virgule au lieu d'un point et virgule avant chanbre.
P. cxx, 1. 4, effacer la deuxième s. Mettre une virgule avant
baissiev (1. 18). Sur s =j (g-) (dernière ligne) comp. aussi le v. 104
(note).
P. cxxi, 1. 26, lire : par.
P. cxxn, 1. 5, à, lire : a.

P. cxxxvm, 1. 9. Ajoutez encore les formes spie 1646 et steut


2469 qui appartiennent aussi à la région lorraine.

Texte.
V. 3o, lire : diënt. De même aux vers 1749, 17^9, 1967, 2074,
ADDITIONS ET CORRECTIONS 10,3

V. 60, lire : Baron ; rejeter Barons en note. De même au vers 99.


V. i3 7 , I[l], lire : I.

V. 336, lire : anpoin. De même au Glossaire (p. 1 32).


V. 384, lire : on. De même au Glossaire (p. i35\
V. 717, lire : menut recercelé.
V. 846, lire : beneïçon.
V. 952, lire : mal eûré.
V. 1006, lire : nés.
V. i3o9, lire : l'autr'ier.

V. 1 368, lire : c'atant. De même au vers 2622.


V. 1623, lire: vés. De même au v. 244?.
V. 1682, lire : celer; omettre la note de ce vers.
V. 1806, lire : chanbellan. De même au Glossaire (p. 139).

V. 181 2, lire : cief.

V. 2 181, lire : Hé.


V. 2 165, en note : 2 165.

V. 221 5, lire : nos (cf. Y Introduction, p. cxxxvi).


P. 76, lire en tête de la laisse : LV.
P. 77, v. 277D, lire : 2275.
V. 2405, lire : Di va. De même au vers 2490.
V. 2426, lire : Damedeu[s].
V. 2720, lire : nos gens; mettre en note : gent cf. Y Introduc-
tion, p. cxxxvi).

V. 2900, lire : En mi.

Appendice I.

V. 180, lire : Loeys.


V, 599, lire : diënt.
V. 61 5, lire : lor; mettre en note : lors.

V. 464, lire en note 464 au lieu de 463.

Vocabulaire,
re
P. 139, i col., 1. 28, lire geôlier.
P. 1 5 1
, 1" col., 1. 8 lire d'être.
P. 1 55, 2* col., 1. 1 lire : prendre.
P. 1 63, au mot: Oreis. Ce mot doit être, comme nous l'avons
remarqué, une faute du copiste. M. Gaston Paris nous a suggéré
la correction que nous proposons à la note du vers 1476. Cette
correction nous semble assez plausible, avec une légère modifi-
cation cependant. Au lieu de .j. lor et .j. pinel, nous propose-
i3
194 ADDITIONS ET CORRECTIONS

rions de corriger ./. or et .j. pinel. Dans les textes bergamasques


publiés M. Lorck {Altbergamaskische
par Sprachdenkmàler,
Halle, 1893) on trouve le mot oreng (p. 1 36) avec le sens de lau-
rier. Cette forme n'est que le latin laurus auquel on a ajouté le

suffixe germanique -ing. La chute de 17 s'explique par une con-


fusion avec l'article. En revenant à la forme oreis de notre texte,
il nous paraît assez vraisemblable d'admettre, pour le français,

l'existence d'une forme or résultée de lor, et où la chute de 17


s'expliquerait comme dans oreng. Si le texte original portait j.
or et J. pinel, comme nous le croyons, la faute du copiste s'ex-
plique facilement : le t et le J. ont pu être très bien pris pour
i et s.

Table des noms.


P. 179, au nom : Aucibier. Un personnage de ce nom figure
aussi dans Raoul de Cambrai publié par MM. P. Meyer et A. Lon-
gnon (édition de la Société).
P. i85, au nom : Mirabel. Un « Mirabellus, princeps Sarrace-
norum Sicilie » est mentionné dans Pertz, 55., t. XXIII, p. 8943.
P. 186, au nom : Peviers. Voy. sur ce nom la Revue celtique,
t. XVIII, p. 246.
P. 187, au nom : Salerie. Le nom d'Aloria dans la province
d'Alava voy. Madoz, Diccionario geogr. de Espana, Madrid,
1845) n'a sans doute rien à faire avec la Salorie de Guibert
d'Andrenas.

Je dois remercier ici mon ami, M. Philipot, qui a eu l'obli-

geance de revoir l'Introduction et d'y faire quelques corrections


de style.
tâ&2ïï$s&&2ïï&
H®tf

TABLE DES MATIERES

Pages.
Introduction :

Chapitre premier : Les luttes des Français contre les Sar-


rasins en Espagne et leur influence sur la formation du
cycle de Guillaume d'Orange. — Élément historique de
notre poème i

Chapitre deuxième Manuscrit,: versification, dialecte, date,


style et valeur littéraire de notre poème cvi

La Prise de Cordres et de Sebille i

Appendice I i o3
Appendice II 127
Vocabulaire 129
Table des noms 1 79

Table des assonances 189


Additions et corrections 191
Publications de la Société des Anciens Textes français
(En vente à la librairie Firmin Didot et C ie
, 56, rue
Jacob, à Paris.)

Bulletin de la Société des Anciens Textes français (années 1875 à 1896).


N'est vendu qu'aux membres de la Société au prix de 3 fr. par année, en
papier de Hollande, et de 6 fr. en papier Whatman.
Chansons françaises du XV* siècle publiées d'après le manuscrit de la Biblio-
thèque nationale de Paris par Gaston Paris, et accompagnées de la musi-
que transcrite en notation moderne par Auguste Gevaert 875). Epuisé. ( 1

Les plus anciens Monuments de la langue française x e siècles) pu-


(ix e ,

bliés par Gaston Paris. Album de neuf planchés exécutées par la photo-
gravure (1875) 3o fr.
Brun de laMontaigne, roman d'aventure publié pour la première fois, d'a-
près le manuscrit unique de Paris, par Paul Mever (1875) 5 fr.

Miracles de Xostre Dame par personnages publiés d'après le manuscrit de


la Bibliothèque nationale par Gaston Paris et Ulvsse Robert; texte com-
plet t. I à VII (1876, 1877, 1878, 1879, 1880, 1881, i883), le vol. 10 fr. .

Le VIII, dû à M. François Bonnardot, comprend


t. la vocabulaire, la
table des noms et celle des citations bibliques (1893) i5 fr.

Le t. IX et dernier contiendra l'introduction et les notes.


Guillaume de Paterne publié d'après le manuscrit de la bibliothèque de l'Ar-
senal à Paris, par Henri Michelant (1876) 10 fr.

Deux Rédactions du Roman des Sept Sages de Rome publiées par Gaston
Paris (1876) 8 fr.

Aiol, chanson de geste publiée d'après le manuscrit unique de Paris par


Jacques Normand et Gaston Raynaud (1877) 12 fr.

Le Débat des Hérauts de France et d'Angleterre, suivi de The Debate be-


tween the Heralds of England and France, by John Coke, édition commen-
cée par L. Pannier et achevée par Paul Mever (1877) 10 fr.
Œuvres complètes d'Eustache Deschamps publiées d'après le manuscrit de
la Bibliothèque nationale par le marquis de Queux de Saint-Hilaire,
t. I à VI, et par Gaston Raynaud. t. VII à IX (1878, 1880, 1882, 1884,
1887, 1889, 1891, 1893, 1894), le vol 12 fr.

Le Saint Voyage de Jherusalcm du seigneur d'Anglure publié par François


Bonnardot et Auguste Longnon 11878) 10' fr.

Chronique du Mont-Saint-Michel (134J-1468) publiée avec notes et pièces


diverses par Siméon Luce, t. I et II (1879, i883), le vol 12 fr.

Elie de Saint-Gille, chanson de geste publiée avec introduction, glossaire


et index, par Gaston Raynaud, accompagnée de la rédaction norvégienne
traduite par Eugène Koelbing (1879) 8 fr.
Daurel et Béton, chanson de geste provençale publiée pour la première fois
d'après le manuscrit unique appartenant à M. F. Didot par Paul Meyer
(1880) 8 fr.

La Vie de saint Gilles, par Guillaume de Berneville, poème du xn 8 siècle


publié d'après le manuscrit unique de Florence par Gaston Paris et
Alphonse Bos (1881) 10 fr.

L'Amant re?idu cordelier à l'observance d'amour, poème attribué à Martial


d'Auvergne, publié d'après les mss. et les anciennes éditions par A. de Mon-
taiglon (1881) 10 fr.
Raoul de Cambrai, chanson de geste publiée par Paul Meyer et Auguste
Longnon (1882) i5 fr.

Le Dit de Panthère d'Amours, par Nicole de Margival, poème duxni siè-


la
cle publié par Henry A. Todd (i883) 6 fr.

Les Œuvres poétiques de Philippe de Rémi, sire de Beaumanoir, publiées par


H. Suchier, t. I et II (1884-85) 2 5 fr.
Le premier volume ne se vend pas séparément ; le second volume seul 1 5 fr.
La Mort Aymeri de Narbonne, chanson de geste publiée par J. Couraye
du Parc (1884) 10 fr.

Trois Versions rimées de l'Évangile de Nicodème publiées par G. Paris et


A. Bos (i885) 8 fr.

Fragments d'une Vie de saint Thomas de Cantorbéry publiés pour la première


appartenant à la collection Goethals Vercruysse,
fois d'après les feuillets
avec fac-similé en héliogravure de l'original, par Paul Meyer (i885). 10 fr.

Œuvres poétiques de Christine de Pisan publiées par Maurice Roy, t. I et II


(1886, 1891), le vol 10 fr.

Merlin, roman en prose du xm e siècle publié d'après le ms. appartenant à


M. A. Huth, par G. Paris et J. Ulrich, t. I et II (1886) 20 fr.

Aymeri de Narbonne, chanson de geste publiée par Louis Demaison, t. ï et


II (1887) 20 fr.

Le Mystère de saint Bernard de Menthon publié d'après le ms. unique appar-


tenant à M. le comte de Menthon par A. Lecoy delà Marche (1888). 8 fr.

Les quatre Ages de l'homme, traité moral de Philippe de Navarre publié


par Marcel de Fréville (1888) 7 fr.

Le Couronnement de Louis, chanson de geste publiée par E. Langlois,


(1888) i5 fr.

Les Contes moralises de Nicole Bo\on publiés par Miss L. Toulmin Smith
et M. Paul Meyer (1889) i5 fr.

Rondeaux et autres Poésies du XV


e siècle publiés d'après le manuscrit de la
Bibliothèque nationale, par Gaston Raynaud (1889) 8 fr.

Le Roman de Thèbes, édition critique d'après tous les manuscrits connus,


par Léopold Constans, t. I et II (1890) 3o fr.
Ces deux volumes ne se vendent pas séparément.
Le Chansonnier français de Saint-Germain-dcs-Prés (Bibl. nat. fr. 20o5o),
reproduction photo'typique avec transcription, par Paul Meyer et Gaston
Raynaud, t. I (1892) 40 fr.
Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole, publié d'après le manuscrit
du Vatican par G. Servois (1893) 10 fr.

L'EscouJle, roman d'aventure, publié pour la première fois d'après le manus-


crit unique de l'Arsenal, par H. Michelant et P. Meyer (1094). . i5 fr.

Guillaume de la Barre, roman d'aventures, par Arnaut Vidal de Castel-


naudari. publié par Paul Meyer (1895) 10 fr.
Meliador, par Jean Froissart, publié par A. Longnon, t. I, et II (1895),
le vol 10 fr.
La Prise de Cordres et de Scbillc, chanson de geste, publiée d'après le
ms. unique de la Bibliothèque Nationale, par M. Ovide Densusianu
(1896) 10 fr.

Le Mistèrc du viel Testament publié avec introduction, notes et glossaire,


par le baron James de Rothschild, t. I-VI (1878-1891), ouvrage terminé,
le vol 10 fr.

(Ouvrage imprimé aux frais du baron James de Rothschild et offert aux


membres de la Société.)

Tous ces ouvrages sont in-8°, excepté Les plus anciens Monuments de la
langue française, album grand in-folio.
Il a été fait de chaque ouvrage un tirage à petit nombre sur papier What-
man. Le prix des exemplaires sur ce papier est double de celui des exemplaires
en papier ordinaire.
Les membres de la Société ont droit à une remise de 25 p. 100 sur tous
les prix indiqués ci-dessus.

La Société des Anciens Textes français a obtenu pour ses pu-


blications leprix Archon-Despérouse, a l'Académie française, en
1882, et le prix La Grange, à l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, en i883 et i8g5.

Le Puy. — Imprimerie R. Marchessou, boulevard Carnot, 23.


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THE INSTITUTS OF HEDIAEVAL STUOIIS


10 ELMSLEY PLACE
TORONTO 5, CANADA.

3705

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