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La politique macroéconomique
I. Résumé et Vision 2024
La vision pour Madagascar en 2024 est que la stabilité macroéconomique soit maintenue tandis
que le gouvernement améliore l’espace budgétaire pour mettre en œuvre des politiques et des
investissements pour appuyer la croissance inclusive ; à cela s’ajoute une expansion importante
des prestations de services publics qui cibleront mieux les pauvres. L’espace budgétaire aura été
créé à travers une augmentation progressive des revenus à des niveaux similaires aux pays de
comparaison, en le réalisant sans soumettre le secteur privé à un fardeau fiscal excessif. Les dépenses
d’investissements pourraient représenter une part considérablement accrue des dépenses
gouvernementales, et les investissements se feraient à travers une stratégie à moyen terme, en
réalisant des résultats tangibles grâce à une meilleure prestation de services publics. Des efforts
concertés pour inspirer la confiance du secteur privé et l’inciter à faire des investissements devront
commencer. Il s’agit de compléter les investissements publics, qui seront appuyés par une meilleure
intermédiation du secteur financier. Le plus important est que le dividende de la croissance devra être
largement partagé pour renforcer la stabilité politique. En conséquence, la portion de la population
qui vit dans l’extrême pauvreté en 2024 pourrait être nettement moins élevée que celle d’aujourd’hui.
La croissance pourrait rester à un niveau élevé, bien au-delà de la période de relance. Elle pourrait
être appuyée par des investissements effectués par un secteur privé de plus en plus confiant et
compétitif du côté de l’offre, et des consommateurs ayant des revenus progressivement disponibles du
côté de la demande.
Cet avenir est réalisable car Madagascar émerge de la dernière crise dans des conditions
macroéconomiques stables, ce qui est un succès à mettre au crédit des autorités. Malgré une forte
réduction des recettes publiques, le gouvernement a réussi à payer les salaires des fonctionnaires et à
respecter ses obligations envers la dette extérieure sans avoir recours à des prêts auprès du secteur
bancaire. L’inflation est modérée, le déficit courant est faible, le taux de change est conforme à la
valeur fondamentale de la monnaie, et les réserves internationales sont faibles, mais pas à un niveau
alarmant. La stabilité a toutefois été réalisée en réduisant les investissements publics et les dépenses
sociales, tout en accumulant les arriérés intérieurs. Les autorités n’ont pas pu mettre en œuvre des
politiques anticycliques pour stimuler la croissance quand l’économie s’est contractée en 2009 et est
restée faible depuis lors. Le défi est de réorienter les politiques macroéconomiques pour servir
d’outils pour lutter contre la pauvreté.
19
secteur financier pour qu’il soit résilient aux chocs et acquérir la capacité de jouer son rôle
d’intermédiation financière, qui, à son tour, renforcera la croissance.
Figure 1. Les dépenses d'investissement se sont effondrées tandis que les dépenses courantes étaient
restées les mêmes (en pourcentage du PIB)
8%
Courantes
4% - hors
0% solde
2008 2009 2010 2011 2012 2013e Soldes
Source: MFB
1
La part des enseignants payés par ‘État, toutefois, a considérablement baissé depuis 2009, pour deux
principales raisons : premièrement, les enseignants retraités n’ont pas été remplacés par des enseignants
fonctionnaires, et deuxièmement, ce sont les enseignants payés par la communauté qui enseignent dans les
nouvelles écoles (voir note sur l’éducation de base).
20
Figure 2. Répartition des soldes (résultats 2013)
30%
20%
10%
0%
Source: MFB
Une politique budgétaire notable réalisée pendant la crise a été la stabilisation des prix du carburant,
qui représente environ un tiers des dépenses courantes non salariales et non intérêt en 2013. L'objectif
déclaré de cette politique est de maintenir la paix sociale en aidant les pauvres, mais ce n'est pas une
politique bien ciblée; selon l'estimation de la Banque mondiale, le cinquième le plus riche de la
population consomme 97 pour cent de l'essence, et 76 pour cent des services de transport. Sur l’autre
extrême, on estime que 50 pour cent des plus pauvres n’ont gagné que 1 et 7 pour cent,
respectivement, des avantages résultant de la stabilisation des prix de l'essence et des transports.
Autrement dit, on estime que 90 pour cent de la population vivant en dessous du seuil international de
pauvreté de 2 $ ppa a reçu 1 000 Ariary par personne et par an en moyenne, alors que les « non-
pauvres » ont reçu 66 000 Ariary par personne par an en moyenne en 2011-2012. Continuer à
financer la stabilisation des prix du carburant réduit les ressources disponibles pour d'autres services
essentiels comme la santé, l'éducation, la nutrition et l'entretien des routes, dont les bénéfices
enrichissent davantage les pauvres, toutes proportions gardées. Une amélioration du ciblage
permettrait au nouveau gouvernement d’effectuer une meilleure utilisation de ses ressources limitées.
Les recettes fiscales ont toujours été basses, inférieures à celles des pays de comparaison (figure 3).
Elles ont diminué en proportion du PIB au cours de la crise, malgré les efforts considérables déployés
par les autorités fiscales et douanières. Madagascar récolte près de la moitié de ses recettes fiscales
sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le taux de la TVA de 20 pour cent à Madagascar est le
deuxième plus élevé parmi les pays de comparaison de la région, précédé seulement par la Côte-
d'Ivoire (25 pour cent) (voir la note sur la fiscalité). Il est assez clair que le fait que les recettes
fiscales soient faibles n'est pas dû à des taux bas, mais plutôt à l’étroitesse de l’assiette fiscale.
21
Figure 3. Recettes fiscales en proportion du PIB, pays sélectionnés (moyenne 2005-2012)
25 %
20
15
10
5
0
SSA average
Comoros
Sudan
Burundi
Niger
Kenya
Liberia
Mozambique
Mali
CAR
Madagascar
Source: World Development Indicator
Le secteur formel est étroit et dominé par quelques grandes entreprises. Le fait que le secteur informel
soit si important est le reflet des périodes difficiles ; l'instabilité politique et la stagnation économique
n’offrent pas un contexte idéal pour les nouvelles entreprises. Il convient de noter, toutefois, que cet
environnement des affaires difficile pour les petits entrepreneurs existait déjà avant la dernière crise.
Si les entreprises restent sous le radar, ce n’est pas seulement, ni principalement, pour éviter les
impôts, mais également en raison des coûts élevés de la formalisation, comme l'acquisition des permis
nécessaires et l'accès au financement. Le rapport Doing Business (2014) donne une idée des
difficultés rencontrées par les entrepreneurs: Madagascar est classé 148e sur 189 économies en ce qui
concerne la facilité en général de faire des affaires.2
b. La dette contractée est restée bien en deçà des seuils du poids de dette
Les politiques budgétaires prudentes ont permis à la dette publique de rester à un faible niveau. La
dette extérieure est restée inférieure à 50 pour cent du PIB, bien en deçà des seuils de soutenabilité
pertinents, tout comme d’autres indicateurs pertinents de la dette, en particulier parce que les prêts
existants sont contractés à des conditions concessionnelles. 3 La dette intérieure est faible, et se limite
essentiellement à la dette à court terme. Au cours des dernières années, les autorités n'ont pas épuisé
la limite d'emprunt légal malgré les graves contraintes de ressources, en partie en raison des taux
d'intérêt élevés. C’est également le reflet de l'approche prudente des autorités vis à vis de l'emprunt,
ainsi que l'absence de stratégie d'endettement à moyen terme pour guider le choix de nouveaux
emprunts.
Alors que la dette formelle est demeurée fermement sous contrôle, l'augmentation du stress du régime
fiscal s'est manifestée dans l'accumulation d'arriérés. Par exemple, la Banque centrale a avancé une
partie de la subvention du carburant, et n'a pas été remboursé intégralement. Le remboursement de la
TVA a été lent, avec des arriérés importants dans certains cas. Il existe également des rapports divers
2
L'enquête a porté uniquement sur Antananarivo, et les participants provenaient du secteur formel.
3
La dernière analyse de soutenabilité de la dette a été menée en 2008. Elle a révélé que le risque de
surendettement de Madagascar était faible. La prochaine analyse de soutenabilité de la dette est prévue en 2014
(prochainement). Voir “Operational Framework for Debt Sustainability Assessments in Low-Income Countries
– Further Considerations”
http://siteresources.worldbank.org/INTDEBTDEPT/PolicyPapers/20478749/032805.pdf et
http://www.worldbank.org/ida/CPR-2012.html pour les seuils d’endettement pertinents à Madagascar.
22
concernant des fournisseurs de biens et services qui ne sont pas payés dans les délais. La vérification
de l'ampleur exacte du problème est une tâche urgente pour le nouveau gouvernement.
Figure 4. L’inflation a diminué et les crédits au secteur privé sont restés plus faibles que dans les pays
voisins
16%
crédit au secteur privé,
% de PIB
12% 40
8% 30
20
4%
10
0%
2008 2009 2010 2011 2012 2013 0
-4%
base money (% GDP)
Crédit net au gouv (% PIB)
inflation (cpi, fin période)
Dans une économie caractérisée par de grandes liquidités et peu de prêts, le taux d'intérêt n'a pas joué
le rôle de signal attendu. Le taux directeur est resté inchangé : 9,5 pour cent depuis 2009. La Banque
centrale s’est résolue à contrôler les liquidités à travers d’autres instruments tels que l’appel d’offres
négatif ou positif, et des ajustements du ratio des réserves obligatoires pour les dépôts des banques
commerciales.
Madagascar a un régime de taux de change flottant, et l’Ariary s’est déprécié graduellement par
rapport au dollar américain (Figure 5) et à l’euro, reflétant les différences du taux d’inflation entre les
pays. La Banque centrale intervient pour aplanir la volatilité et pour éviter des appréciations réelles
excessives de l’Ariary par rapport au taux de l’équilibre estimé sur la base du coût unitaire du travail.
Entre mars 2011 et septembre 2013, la Banque centrale a eu une convention pour accorder un taux de
change préférentiel aux importateurs de pétrole. La différence entre ce taux et le taux du marché a été
prise en charge par le Trésor public, mais préfinancée par la Banque centrale.
23
Figure 5. L’Ariary s’est déprécié graduellement sur le contrôle de la Banque centrale
5 2,250
0 2,150
(5) 2,050
(10) 1,950
(15) 1,850
3-Jan-11
3-Jul-11
3-Nov-11
3-Jan-12
3-Jul-12
3-Nov-12
3-Jan-13
3-Jul-13
3-Nov-13
3-Jan-14
3-Mar-11
3-Sep-11
3-Mar-12
3-Sep-12
3-Mar-13
3-Sep-13
3-May-11
3-May-12
3-May-13
interventions journalières nette (vente=positive) Ariary/dollar (axe droit)
% PIB
25%
dépenses additionnelles
20%
écart de financement arriérés viz. Banque centrale
15%
remboursement VAT (arriérés)
10%
subvension petrolière (arriérés + en cours)
5%
subventions JIRAMA
0% Budget 2014
dépense recette
24
À moyen terme, le principal défi sera de faire en sorte qu'un boom économique ne soit pas suivi d’une
nouvelle crise politique, comme ce fut le cas historiquement. Les causes de fragilité sont diverses, et
la solution doit donc être multi-facettes. Une possible solution serait d’offrir à beaucoup plus de gens
un intérêt dans la prospérité, et ne pas la laisser monopolisée par une poignée de privilégiés, et se
faire contester par des moyens anticonstitutionnels.
aide extérieur
(emprunts
concessionnels)
5
4
3
2
1
meilleure efficacité augmentation des
de dépenses 0 recettes intérieures
emprunts non
consessionnels
25
Une faible base de recettes limite l’étendue du renforcement des recettes à moyen terme et les
fonctions limitées du gouvernement n’offrent que peu d’espace aux économies budgétaires à travers
des améliorations de l’efficacité. Le gouvernement n’a pas non plus de capacités d’emprunt. L’aide
extérieure et les dons prévisibles et harmonisés sont donc les seules façons raisonnables de créer un
espace budgétaire à moyen terme jusqu’à ce que la base des recettes internes soit créée. »
Du côté des dépenses, la taille de la fonction publique et des forces armées, ainsi que leur structure
salariale pourraient être revues, mais il est peu probable que les possibilités d'économies soient
importantes ou rapides dans ce domaine. La politique de stabilisation des prix du carburant doit être
révisée, et remplacée par des programmes ciblant mieux le segment le plus vulnérable de la
population. L'expérience de nombreux pays a montré que l'inversion de la subvention du carburant est
délicate, même si la logique économique visant à la supprimer est irréfutable. Bien que les riches
bénéficient le plus des subventions du carburant, les pauvres dépensent une proportion relativement
plus grande de leur revenu pour le transport. Aussi, les pauvres sont moins bien équipés pour
supporter les effets négatifs de l'inflation, ce qui est souvent la conséquence temporaire mais
immédiate de la levée des subventions sur les carburants. Le défi est de savoir comment compenser
les pauvres quand les subventions sont supprimées par des programmes sociaux appropriés et une
campagne de communication. Une comptabilité transparente de l'épargne et de l'utilisation des
ressources épargnées serait également utile.
Les politiques budgétaires doivent soutenir la croissance économique de manière plus efficace. Dans
un avenir proche, les investissements publics sont susceptibles d'être essentiellement financés par des
sources extérieures, mais seul le gouvernement, en tant que représentant de la population malgache,
peut établir des priorités et déterminer le séquençage, et la nécessité de le faire est urgente. Pendant la
phase d'exécution, un meilleur système de gestion des finances publiques, y compris les achats, et la
capacité de la fonction publique seront de plus en plus importants (voir la note sur la fonction
publique et sur la gestion des finances publiques). La priorité absolue de l'État est très certainement la
prestation de services publics de base qui mettent l'accent sur les plus pauvres, et la fourniture de
produits complémentaires aux activités privées telles que les infrastructures de base pour l’électricité
et les transports. Un autre rôle important du gouvernement est de prendre des mesures pour
encourager l'investissement, en rassurant les investisseurs sur l’effectivité des lois. Il y a beaucoup de
besoins de développement en concurrence et le gouvernement devra établir des priorités. Pour ce
faire, une stratégie est nécessaire, qui devra avoir l’assentiment de la majorité de la population pour
éviter la récurrence des crises.
Si les flux de capitaux reviennent à Madagascar, les autorités monétaires auront la responsabilité
supplémentaire de surveiller et de prévenir une éventuelle surchauffe de l'économie dans le cas où le
flux submerge la capacité d'absorption de l'économie. Elles auront également le défi de la supervision
du secteur bancaire afin que l'augmentation de la liquidité ne conduise pas à des prêts de mauvaise
qualité. Le cas échéant, restaurer le rôle des signaux du taux d'intérêt deviendrait encore plus
important, car il sera difficile de contrôler l'inflation sans lui, et un outil essentiel de cotisation de
capital sera perdu. Les autorités monétaires peuvent aussi avoir besoin d’aplanir les volatilités
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excessives sur le marché des changes. De nombreux pays ont connu un désalignement des taux de
change au cours des phases de relance rapide au détriment de la stabilité macroéconomique.
15
10
0
1961
1963
1965
1967
1969
1971
1973
1975
1977
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1983
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1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
-5
-10
-15
Source: MFB
Les politiques macroéconomiques peuvent contribuer à relever ce défi. Par exemple, les politiques
budgétaires conçues pour répondre aux besoins d'une grande partie de la population sont un bon
début. Les politiques favorisant les entreprises individuelles ou les particuliers, tels que les
exonérations fiscales et l’accès préférentiel à la propriété foncière, devraient être limitées aux cas
exceptionnels et accordées de manière transparente. Les résultats de l'exécution des dépenses
publiques devraient être vérifiés systématiquement par la Cour des Comptes, mis à la disposition des
services de contrôle, tels que le Parlement, et expliqués à la population à travers les médias et autres
moyens appropriés. Des politiques macroéconomiques saines doivent être complétées par de bonnes
politiques microéconomiques telles que celles régissant la concurrence et le commerce. Enfin, le
renforcement du professionnalisme des cadres qui mettent en œuvre les politiques macroéconomiques
est indispensable ; les autorités ont particulièrement bien résisté à la crise actuelle, et ce bilan devrait
encore être renforcé en entretenant les générations futures.
IV. Recommandations et conclusion
En plus du maintien de la stabilité macroéconomique, les mesures suivantes doivent être envisagées
par le gouvernement à court et moyen termes :
a. A court terme
(i) Prendre des mesures pour corriger les distorsions accumulées : réviser la politique de
stabilisation des prix du carburant tout en contrôlant l’inflation; élaborer un calendrier
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pour liquider les arriérés (envers le secteur privé, la Banque centrale, les créanciers
extérieurs, s’il y en a).
(ii) Montrer l’intention de l’État de réorienter les dépenses publiques pour lutter contre
la pauvreté en consacrant la majorité des ressources additionnelles du budget rectificatif
du deuxième semestre de l’année 2014 aux domaines prioritaires, dont la réhabilitation
d’infrastructures et les dépenses des secteurs sociaux.
(iii) Élaborer une stratégie prudente de la dette pour financer les dépenses nécessaires en
mettant en place un mécanisme qui garantisse que les avantages l’emportent
systématiquement sur les coûts.
b. A moyen terme
(i) Les politiques budgétaires: créer un espace budgétaire pour mettre en œuvre des mesures
qui stimulent la croissance :
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