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LE PARCOURS EN ARCHITECTURE:

MODES DE REPRÉSENTATION ET DE CRÉATION


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LE PARCOURS EN ARCHITECTURE:
MODES DE REPRÉSENTATION ET DE CRÉATION

Alejandra Pumar Silveira


Mastère Création et Technologie Contemporaine
Encadré par Armand Behar

3
REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce


à la participation de plusieurs personnes à qui
je voudrais témoigner toute ma reconnaissance.

Tout d’abord, je remercie Armand Behar, directeur


du mastère CTC, pour sa disponibilité et ses conseils
judicieux, qui ont contribué à alimenter ma réflexion.

Je voudrais aussi exprimer ma reconnaissance envers les


amis et collègues du mastère qui m’ont apporté leur soutien
moral et intellectuel tout au long de cette démarche.

Enfin, je souhaiterais remercier mes amies et ma


famille pour leur soutien et leurs encouragements.
Je tiens à remercier spécialement Dorothée Rouffiac
et Anne-Marie Aguirre pour leurs conseils et leur
patience pour la relecture et correction de cette étude.

À tous ces intervenants, je présente mes


remerciements, mon respect et ma gratitude.

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SOMMAIRE

PRÉAMBULE ................................................................................................................6

INTRODUCTION .........................................................................................................8

1. LE PARCOURS ARCHITECTURAL ...................................................................10


1.1. Définition et concepts clés.
1.2. Circulations en architecture
1.3. Parcours urbain
1.4. Parcours : architecture et cinéma

2. REPRÉSENTATION DU PARCOURS DANS


LA PHASE DE CONCEPTION .........................................................................30
2.1. Représentations manuelles
2.1.1. Plans / axonométries (croquis)
2.1.2. Perspectives
2.1.3. Storyboard
2.1.4. Maquettes
2.2. Représentations numériques
2.2.1. Plans / axonométries
2.2.2. Modélisation 3D
2.2.3. Simulation vidéo
2.2.4. Perspectives/ images de synthèse
2.2.5. Storyboard
2.2.6. Réalité virtuelle

3. PARCOURS COMME FORME DE CONCEPTION ...........................................48


3.1. Mouvement, temps et parcours
3.2. Image mentale
3.3. Perception en architecture
3.4. Langages pour l’architecte

4. NOUVELLES FORMES DE CRÉATION DU PARCOURS.


DÉLIMITATION DE L’ESPACE............................................................................68
4.1. Parcours évolutif / mutabilité des espaces

5. CONCLUSION ................................................................................................82

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................86

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PRÉAMBULE

« L’architecture est jugée par les yeux qui


voient, par la tête qui tourne, par les jambes
qui marchent. L’architecture n’est pas un
phénomène synchronique, mais successif, fait
de spectacles s’ajoutant les uns aux autres et
se suivant dans le temps et l’espace, comme
d’ailleurs le fait la musique ».

Le Corbusier. Le Modulor. éd. L’Architecture


d’Aujourd’hui, 1983

En tant qu’architecte, je me suis toujours intéressée


au sujet du parcours architectural, aussi bien dans les
projets que j’ai conçus pendant mes études que dans
mes projets professionnels. Dans le deuxième cas,
ayant travaillé pendant deux ans sur des projets de
scénographie et de design d’expositions, le parcours
et l’itinéraire ont acquis une place très importante dans
ma réflexion de projet. Comment visiter une exposition,
qu’est-ce que nous apercevons en premier, comment
faire que le public suive un itinéraire projeté, est-il
nécessaire de guider l’usager, quels sont les éléments
qui nous permettent de créer un parcours… Voici
quelques-unes des questions que je me suis souvent
posée pendant le processus créatif.

Quand je réfléchis au parcours, au moment de la


conception, je pense toujours au Musée Guggenheim
de New York, conçu par l’architecte Frank Lloyd Wright.
Dans ce bâtiment, l’espace est lui même parcours.
Une circulation hélicoïdale en forme de rampe, qui
démarre au rez-de-chaussée et qui monte jusqu’au
septième étage, se matérialise autour d’un grand
espace central. Cette circulation nous guide au travers
des différentes salles d’exposition dans un parcours
continu. Il s’agit d’un exemple radical, mais un exemple Fig.1 : vues extérieure
qui révèle l’importance du mouvement de l’usager dans et intérieure du Musée
l’architecture. Guggenheim à New York

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 6


Fig.1

7 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


INTRODUCTION

Les espaces sont, pour moi, des éléments statiques


conçus par l’architecte, en prenant en compte de
multiples variables : la lumière, la forme, les proportions,
l’usage, la fonction, les matériaux… Néanmoins, nous
ne pouvons pas oublier que pour découvrir (utiliser)
cet espace, l’usager doit le traverser, le parcourir. Cette
action implique mouvement et temporalité, il s’agit donc
d’une variable dynamique. Nous pourrions ainsi penser
que l’architecture se définit comme une succession
de divers espaces, et le parcours, en tant qu’élément
spatio-temporel, nous permet d’expérimenter cette
architecture en passant d’un espace à l’autre.

Le mouvement des usagers dans le bâtiment est


fondamental dans la architecture. Quand quelqu’un
se déplace, parcourt ou fait usage d’un ou plusieurs
espaces, l’architecture prend tout son sens. Jusqu’à
ce moment-là, elle est statique, un ensemble de murs,
de fenêtres, de portes, de pièces, etc. C’est ce facteur
qui, aussi, implique temporalité laquelle distingue
l’architecture des autres formes d’art.

En partant de mon expérience et de l’importance qu’a,


pour moi, le parcours dans la conception d’espaces,
je décide d’aborder ce sujet en développant deux
voies d’étude. La première sera la représentation du
parcours dans la phase de conception architecturale, et
la deuxième, portera sur les nouvelles façons de créer le
parcours et, par extension, l’espace.

Les questions suivantes se posent comme point de


départ de cette étude. Les premières, correspondant à
la représentation du parcours dans la phase de projet :

o Comment les architectes représentent-ils le


parcours au moment de la conception ?

o Y a-t-il de nouvelles formes de représentation


des circulations et du parcours lors du projet ? Quels
sont les langages et/ou outils qui nous permettent de
définir un parcours ?

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 8


o Comment représenter des éléments non visuels
(l’odorat, le son, l’expérience) ?

o Comment expérimenter (le parcours) avant de le


faire ?

Ensuite, les questions concernant la création du parcours:

o Le parcours architectural peut-il devenir un outil


de conception ? Le parcours peut-il donner la forme ?

o Comment inclure la perception dans la conception


du parcours?

o Comment créer ce parcours avec des éléments


autres que les cloisons traditionnelles ?

9 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1 LE PARCOURS ARCHITECTURAL

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1
« Les gens disent toujours que l’architecture
est un art de l’espace, mais c’est aussi un art
du temps »

Zumthor, Peter. Atmosphères. Éd. Birkhäuser


(2008), p.41

1.1. Définition. Concepts clés.


Le parcours est un concept abstrait qui implique la
présence d’un espace et une action (personne et temps).
En architecture, nous pouvons le définir comme un fil
perceptif qui met en relation les espaces, internes et
externes, d’un bâtiment. Il s’agit d’un concept dynamique
; l’usager occupe les espaces architectoniques à travers
son mouvement : sans parcours, l’espace n’est jamais
perçu, ni vécu. Chaque parcours est unique et personnel,
et pourtant, il définira l’expérience de l’usager dans
l’édifice.

Dans les chapitres qui suivent nous allons aborder,


à certains moments, les circulations en architecture.
Néanmoins, il est important de préciser que le parcours
n’est pas synonyme de circulation. Le parcours est un
élément continu qui a lieu dans l’ensemble de l’œuvre
architecturale, il implique, simultanément, circulation,
espace, interaction, perception, évènement, etc. Les
circulations représentent les espaces ou éléments qui
permettent à l’usager d’aller d’un espace à l’autre.

Imaginons que nous visitons pour la première fois un


bâtiment. La relation que nous allons avoir avec cette
architecture démarre dès que nous sommes à l’extérieur,
au moment auquel nous commençons à nous rapprocher
de l’édifice. En tant qu’usager, on aperçoit une image,
partielle ou totale, de l’architecture que nous allons
pénétrer, un premier contact visuel. Dans lequel nous
commençons à créer une image mentale de ce que nous
allons trouver à l’intérieur. Il s’agit d’un premier parcours

11 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1
qui nous mènera jusqu’à l’accès. Ce rapprochement
peut se réaliser de différentes façons : frontale, oblique
ou en spirale.

Rapprochement frontal

Rapprochement oblique

Rapprochement en spirale
Fig.3

Pour illustrer la séquence, j’ai choisi le centre culturel


CaixaForum à Madrid de l’agence Herzog & De Meuron. Il
s’agit d’un bâtiment industriel, qui hébergeait l’ancienne
Central eléctrica del Mediodia (Centrale électrique du
Midi). Les architectes ont maintenu les façades d’origine
en brique en les perçant ponctuellement et en les
éliminant au niveau du rez-de-chaussée, pour créer une
place ouverte. Trois étages ont été ajoutés avec une
finition extérieure de façade en métal galvanisé.

Dans les images qui suivent, nous apprécions la vue


que nous avons en nous approchant du bâtiment
depuis le Paseo del Prado. Une place avec une façade
végétalisée nous invite à nous approcher du bâtiment et
à commencer à le découvrir. Dans cet exemple, il s’agit Fig.2 : Types de rapprochement
à un bâtiment
d’un rapprochement frontal :

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1

Fig.3

Fig.4

L’étape suivante sera d’accéder au bâtiment, par


l’entrée. Nous sommes maintenant aux pieds de l’une
des façades de l’édifice et nous nous trouvons en face
du deuxième élément architectural vertical : la porte.
Celle-ci et la façade mettent en relation l’espace interne
et externe de l’édifice. Les accès peuvent se matérialiser
de façons diverses, mais si on se concentre sur la forme
par laquelle on y accède, nous avons des entrées
directes ou indirectes.

Dans le cas du projet de Herzog & De Meuron, nous


sommes amenés à passer sous le bâtiment, dans un
Fig.3 : place du centre espace couvert qui mène à la place extérieure et qui
CaixaForum à Madrid.
nous invite à chercher la façon d’accéder au bâtiment.
Fig.4 : façades du centre La porte se trouve dans le prolongement du plafond
CaixaForum à Madrid. métallique de cette place. Il s’agit ici d’un accès indirect.

13 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1

Fig.5

Fig.6

Quand nous franchissons le pas de la porte, un


changement d’univers se produit. Les sons sont
différents, l’échelle aussi, les limites, la matérialité,
les odeurs… Nous sommes « dans » l’édifice et nous
commençons à le découvrir. Le parcours interne démarre
à ce moment-là. Sa configuration peut être très variée
: linéaire, radiale, en spirale, en trame, rectangulaire,
mixte… mais, dans tous les cas, ce parcours nous met
en relation avec les espaces internes du bâtiment, qui
sont statiques jusqu’à ce qu’une personne les parcourt. Fig.5 : place couverte du
Dans ce chemin que nous prenons, nous pouvons passer CaixaForum à Madrid.
à côté des espaces, les traverser, ou bien nous diriger Fig.6 : entrée CaixaForum à
vers un espace final. Madrid.

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1

Fig.7

Le parcours devient une succession d’épisodes


architecturaux déterminés par la matérialisation de
chaque salle : les dimensions, les proportions, les
couleurs, les matériaux... Mais cette sequence est
aussi caracterisé par les sons, les odeurs, les sensations
thermiques, la lumière et les ombres, l’ambiance, etc.

Au CaixaForum, lorsque nous traversons l’entrée, nous


nous retrouvons tout de suite au point de départ d’un
escalier métallique en colimaçon , qui fait la transition
entre la place couverte sous le bâtiment et le hall
d’entrée du centre culturel. Quand nous arrivons à cet
étage, nous découvrons un espace sans faux plafonds
qui laisse visible le réseau d’installations technique. Ici,
se trouvent la librairie, la billetterie et la boutique du
centre.

Fig.7 : type des parcours Une fois passé le vestibule, nous retrouvons un déam-
bulatoire vertical, un parcours guidé par un monumental
Fig.8 : escalier métallique
du centre CaixaForum à
escalier semi-circulaire en marbre qui lie toutes les salles
Madrid. d’exposition de l’ensemble, en passant à côté des diffé-
rents espaces. Au dernier étage, se trouve la cafétéria/
Fig.9 : escalier en marbre
restaurant du centre.

Fig.8 Fig.9

15 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1
Pour comprendre l’importance du parcours en
architecture, il est fondamental de mentionner le concept
de la « promenade architecturale ». Ce terme a été
introduit pour la première fois par l’architecte d’origine
suisse, Le Corbusier, dans la Maison La Roche en 1925.
Mais il sera complètement exploité, en 1928, avec le
projet paradigmatique de la Villa Saboye, dans laquel
il met en pratique les « cinq points de l’architecture
moderne» (pilotis, toit-terrasse, plan libre, fenêtre en
bandeau et façade libre). La promenade proposée par
Le Corbusier crée, à travers l’élément de la rampe,
un ensemble d’espaces dans lequel la limite entre
l’intérieur et l’extérieur est parfois impalpable. Il dirige
les circulations au sein même de son œuvre, et il crée
des parcours constants donnant à l’espace du caractère,
et transmettant à l’usager une séquence d’expériences
inattendues comme façon de découvrir l’architecture.

Fig.10
Fig.10 : perspective intérieure
Ci-dessous, les schémas correspondant aux circulations de la Villa Saboye, dessin de
Le Corbusier.
de la Villa Saboye :

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1
Cet accompagnement du déplacement des usagers
à travers les éléments architecturaux est une des
caractéristiques principales de l’Architecture Moderne.

Quand on pense au parcours, on pense souvent aux


mots chemin et itinéraire. Pour cela, il me semble
important de décrire ces deux concepts d’un point
de vue architectural et d’identifier leurs différences.
Proprement dit, un chemin est une voie de terre ou
une route établie pour mener d’un lieu à un autre.
Mais il existe une deuxième définition : il s’agit d’une
direction à prendre pour aller d’un lieu à un autre.
C’est cette dernière définition qui nous intéresse. Dans
un bâtiment, le chemin serait le trajet que nous allons
prendre depuis notre emplacement à un moment précis
jusqu’à l’espace que nous voulons visiter. C’est-à-dire
que nous parcourons une succession d’espaces pour
aller d’un endroit à un autre. Le chemin démarre quand
nous avons la volonté d’aller à une pièce en particulier et
s’arrête quand nous y accédons, cependant le parcours
ne s’arrête pas là, il continue même quand nous
accédons à une salle, il existe lorsque nous sommes
dans le bâtiment. De son côté, l’itinéraire peut être la
représentation graphique d’un chemin parcouru mais
aussi la direction et la description d’un chemin qui inclut
des mentions sur les éléments que nous allons retrouver
sur ce chemin.

17 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1
1.2. Circulations en architecture
Les circulations sont un élément fondamental du
parcours architectural car elles nous permettent de nous
déplacer d’une salle à l’autre, d’accéder au bâtiment, de
le contourner ou de le traverser. Mais, comme mentionné
antérieurement, le parcours n’est pas exclusivement
circulation, il s’agit d’un élément abstrait qui traverse
aussi bien des espaces de circulation que des espaces
fonctionnels.

Les circulations sont essentielles en architecture parce


qu’elles créent le lien physique entre les différents
espaces du bâtiment, et elles permettent à l’usager
d’accéder et d’utiliser les zones de l’édifice. Comme
disait Le Corbusier :

« Tout, et aussi en architecture, est question


de circulation1 ».

Par conséquent, elles permettent l’accessibilité et


l’interrelation entre les espaces d’un bâtiment, mais
aussi la mobilité et le flux de personnes et de matériaux
entre ces espaces.

Selon qu’elles nous permettent de nous déplacer dans


un même étage ou sur plusieurs étages, nous pouvons
les classer de la façon suivante :

- Circulations horizontales : celles qui permettent les


interrelations au même niveau.

o Naturelles : les couloirs, les passages, les


corridors

o Mécaniques : les tapis roulants

- Circulations verticales : il s’agit des déplacements entre


les différents niveaux du bâtiment. 1
Le Corbusier. Une maison –
un palais, à la recherche d’une
o Naturelles : les rampes et les escaliers unité architecturale. G. Grès,
Paris, p.78

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1
o Mécaniques : les ascenseurs, les escaliers
mécaniques et les tapis roulants.

Les espaces de circulation constituent une partie


essentielle dans l’organisation de tout bâtiment et ils
occupent du coup un volume important de l’édifice. Par
conséquent, la forme et la proportion de ces parcours
circulatoires doivent être adaptées au déplacement de
l’usager.

Dans la phase de projet architectural, l’utilisation


de plans de circulations comme élément d’aide à la
conception est très courant. Ces plans servent à indiquer
ou imaginer le parcours possible du futur usager, pour
identifier les circulations qui seront accessibles au public
et celles qui ne le seront pas ; ils sont aussi utilisés
pour traiter l’affluence et le flux de personnes dans
certains bâtiments. Dans le chapitre 2, qui concerne la
représentation du parcours dans la phase de conception,
nous trouverons quelques exemples qui illustrent
comment les architectes expliquent les parcours et les
circulations dans la phase de projet.

19 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1
1.3. Parcours urbain
Dans cette partie, nous allons parler brièvement du
parcours urbain. Il s’agit d’un sujet déjà beaucoup vu
et étudié en urbanisme. Néanmoins, vu que l’objet de
cette étude est le parcours architectural, nous allons
seulement l’évoquer et le mettre en relation avec le
parcours dans les bâtiments.

L’espace urbain, de la même façon que l’architecture,


est une succession continue d’ensembles le long d’un
parcours qui se renouvelle constamment de façon
ordonnée et articulée. Ces successions impliquent
du rythme, des changements, des contrastes, des
variations d’intensité, etc. L’espace urbain s’organise
donc à partir d’un parcours contenant des bornes et des
nœuds urbains qui ajoutent une valeur esthétique et de
repérage pour le piéton.

Ce parcours urbain est, comme le parcours architectural,


la combinaison des espaces auxquels nous ajoutons la
variable du temps, qui est introduite par la personne
en se déplaçant. Quand nous nous promenons dans
la ville, nous pouvons le faire pour aller d’un endroit
à l’autre ou, simplement, pour le plaisir de se balader.
Les bâtiments que nous avons au tour correspondront
aux murs ou aux cloisons qui nous entourent quand
nous sommes à l’intérieur d’une architecture. Dans la
ville, nous retrouvons aussi des rapports d’échelle,
des proportions. Par exemple, dans les types de voies
nous avons des ruelles, des rues, des boulevards, des
avenues, etc. Les ordres de grandeur sont très différents,
mais, souvent, il y a une relation de proportion entre
leur largeur et les hauteurs des façades des bâtiments
qui les entourent. A certains moments, nous arrivons à
des lieux urbains qui appellent à « rester » : des places,
des squares, des jardins, des parcs… Ces espaces sont
toujours liés à un usage particulier et, souvent, donnent
lieu à des évènements citadins.

Le fait de marcher entraîne des facteurs de temporalité

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1
qui configurent des moments qui se succèdent. Ces
facteurs fonctionnent comme des liens chronologiques
de compréhension de l’espace à travers le parcours. Et
ils permettent d’avoir une mise en séquence des lieux
et des repères qui favorise la transition d’un élément à
l’autre, l’élément aperçu en premier lieu devient ensuite
repère.

Nous allons parler ici d’un projet urbain proposé par


l’architecte finlandais Alvar Aalto, le plan urbanistique
de l’île de Säynätsälo (1942-1947).

Fig. 11 : dessin et maquette


du plan urbanistique de l’île
de Säynätsälo, Alvar Aalto.
Fig.11

21 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1
Ce qui nous intéresse dans ce projet c’est qu’il propose
une composition autour d’un espace central, un
parcours périmètrale et tangentiel qui entoure ce nœud.
Les espaces chez Alvar Aalto, en architecture et en
urbanisme, sont des ensembles cohérents et uniques,
et ils sont articulés par les différents parcours. Il est donc
fondamental pour lui de contrôler les mouvements des
usagers/piétons aussi bien dans les espaces intérieurs
que dans les espaces extérieurs. Les personnes se
déplacent dans cette trame urbaine de façon naturelle.
Et les édifices sont organisés avec l’intention de
provoquer des séquences perceptives épisodiques qui
relient tous les milieux.

Pour finaliser cette partie, il me semble important de


citer la Théorie de la Dérive (Guy Debord, 1956) des
situationnistes. Dans ce texte, Guy Debord définit
la dérive urbaine comme le fait de parcourir et de
réciter un itinéraire effectué dans la ville, en prenant
en compte un certain degré de subjectivité. Il parle de
« déambuler » dans l’espace urbain, du temps, de la
durée du parcours, des intervalles, etc. De cette façon,
il invite les lecteurs à repenser la façon dont ils habitent
et parcourent l’espace urbain.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 22


1
1.4. Parcours : Architecture et cinéma

Fig.12

Pendant la conférence « Parole à l’architecture »,


organisée au Centre Georges Pompidou dans le cadre
de l’exposition « Bernard Tschumi » (2014), celui-ci parle
des « contaminations » d’une discipline à une autre dans
le processus créatif. Si certains architectes considèrent
l’architecture comme une discipline autonome, qui n’a
besoin que de son histoire et de sa théorie, Tschumi
argumente que les intertextualités entre différentes
disciplines peuvent enrichir le processus de conception
architecturale. Partageant moi-même ce point de vue, je
parlerai dans cette partie des ressources du cinéma qui
pourraient servir aux architectes dans la répresentation
du projet architectural.

Habituellement, les relations qui sont établies entre


cinéma et architecture parlent des formes architecturales
qui apparaissent dans les films, et les analyses parlent
surtout des aspects formels. Néanmoins, toutes les
deux sont aussi des disciplines qui opèrent, à un certain
niveau, sur la représentation de l’espace et du temps.
Fig.12 : séquence du film In Dans le cas de l’architecture, ce travail de représentation
the mood for love de Wong se produit au moment de la conception et de la
Kar-wai. présentation du projet, afin de transmettre aux différents

23 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1
corps de métiers les informations nécessaires pour la
mise en œuvre du projet et afin aussi de montrer au
client l’image du projet futur, alors que dans le cinéma,
il ne s’agit pas d’un moyen mais d’une fin, qui permet
de raconter une histoire. Il s’agit, dans les deux cas,
d’expériences perceptives qui intègrent la variable du
temps en relation avec des images. Elles sont capables
de représenter des espaces en mouvement à travers
une base narrative.

En tant qu’architectes, notre rôle est d’identifier les liens


et les connexions entre la pratique du cinéma et de l’ar-
chitecture pour, à travers la comparaison, découvrir ce
qui est spécifique à chaque domaine et trouver des res-
sources qui pourraient nous être utile pour la représen-
tation des projets architecturaux :

Plan séquence :

Il s’agit d’un plan obtenu en filmant une scène en un


seul temps, sans coupures. Ce plan ne comporte aucun
montage.

Les effets que cherchent les réalisateurs en utilisant ces


types de plans sont :

- Donner du dynamisme à une scène

- Montrer l’action en temps réel

- S’identifier avec l’héros

- Pénétrer dans un univers

- Présenter une simultanéité dans les scènes

Dans le film La Corde, Alfred Hitchcock essaie de faire


croire au spectateur qu’il a été filmé à travers un seul
plan séquence, mais la réalité est que les caméras de
l’époque ne permettaient pas de tourner pendant plus
de dix minutes d’affilée. Il a donc masqué les coupes en
créant une suite de onze plans différents qui s’enchaî-

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 24


1
nent en produisant l’impression d’être un seul plan. En
1976, le réalisateur Claude Lelouch présente C’était un
rendez-vous, un court métrage filmé dans un seul plan
séquence de 8 minutes 39.

Fig.13

Dans les années 70, avec la apparition de la “steadiDans


les années 70, avec la apparition de la “steadicam”, in-
ventée par Garrett Brown, qui permet de prendre de
prises de vue en mouvement fluides et, plus tard, avec
la numérisation des caméras, la réalisation de plans sé-
quence devient plus simple. Actuellement, il est donc
possible techniquement de réaliser des plans séquen-
ces avec une durée très importante, mais il n’y a pas
beaucoup de réalisateurs qui font tout un film avec un
seul plan séquence. Le film Victoria (2015) de Sebastian
Schipper est tourné dans un seul plan séquence, d’une
durée de 140 minutes.

Fig.13 : séquence du court En tant que concepteurs d’espaces, ce genre de plans


métrage C’était un rendez- nous intéressent parce qu’ils nous permettent de montrer
vous de Claude Lelouch. un parcours de façon continue, ce qui est proche de la

25 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1
réalité qui sera aperçue par l’usager dans le bâtiment une
fois construit. L’usager, comme le spectateur, apercevra
sous forme de séquence ininterrompue les espaces et
les évènements qui s’y produisent.

Plan subjectif (caméra subjective) :

Il s’agit d’un plan dans lequel la caméra est le sujet de


l’action ; le point de vue de la caméra est alors celui
de l’acteur. Cette technique permet au spectateur de
s’identifier avec le personnage.

Voici un exemple de caméra subjective du point de vue


de l’enfant Danny Torrance dans le film The Shining de
Stanley Kubrick :

Fig.14 : séquence du film The


Fig.14 shining de Stanley Kubric.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 26


1
Ce plan me semble très intéressant pour la pratique ar-
chitecturale, car l’espace est vu et vécu du point de vue
de la personne qui potentiellement va l’utiliser. Dans la
représentation à travers des perspectives ou des simu-
lations vidéo dans la phase de projet, l’architecte tente
habituellement de montrer ce que l’usager va voir ou
apprécier quand les espaces seront bâtis.

L’usager est la raison de l’architecture, elle est conçu et


faite pour lui et elle n’a pas de sens sans sa présence.
Il est donc essentiel d’intégrer la vision et la percep-
tion, de l’usager dans le futur bâtiment, dans la phase
de conception architectural.

Ellipse cinématographique :

C’est une figure de style littéraire aussi utilisée au ciné-


ma. Il s’agit d’un saut dans le temps ou dans l’espace,
dans lequel le spectateur ne perd pas la continuité de
la séquence même si de plans intermédiaires ont été
supprimés. Cette ressource permet aux réalisateurs
d’économiser du temps et de l’argent lorsqu’ils veulent
transmettre l’histoire du film.

Dans ce partage d’outils entre le cinéma et l’architectu-


re, nous pourrions très bien imaginer que, lorsque nous
« racontons » un projet architectural, nous n’avons pas
besoin de tout dessiner ou de tout montrer puisque,
comme dans l’ellipse cinématographique, il y a des élé-
ments que l’esprit humain reconstruit dans son cerveau
sans avoir besoin de voir toute une séquence.

Storyboard

Le storyboard est un mode de prévisualisation qu’utilise


l’industrie du cinéma comme outil de pré-production.
Le cinéaste l’utilise pour synchroniser les rythmes visuels
du film avec l’ordre narratif. Certains architectes se sont
appropriés ce mode de représentation pour représenter
leur projet. Le storyboard, de même que le dessin archi-
tectural et le film, vise à créer une apparence tridimen-
sionnelle dans une surface plate.

27 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


1
Il s’agirait donc de montrer une séquence d’images qui
se suivent et qui racontent le parcours que l’architecte
imagine pour le futur usager de son architecture.

Ici, il est important de mentionner le travail expérimen-


tal réalisé par Bernard Tschumi dans Screenplays (New
York, 1976). En examinant d’autres domaines, notam-
ment l’art, la littérature et le cinéma, Tschumi étudie la
transcription et l’idée du storyboard comme possible
outil pour la représentation architecturale.

Les Screenplays répondent à de recherches sur les con-


cepts et les techniques. Tschumi propose des hypothè-
ses qui explorent les relations entre les évènements et
l’espace architectural, mais aussi le caractère séquentiel
de ce type de représentation. La décision de se servir
d’images de films dans ce projet, vient de l’intérêt que
l’architecte porte aux séquences et aux issues program-
matiques. En citant ses mots : « There is no architecture
without action, no architecture without event, no archi-
tecture without program2 ».

Fig.15

Le cinéma est devenu pour Tschumi une source de tra-


vail évidente. Les grands progrès techniques du septiè-
me art, incitent, inévitablement, à rechercher des para-
llélismes avec la pensée architecturale actuelle. 2
« Il n’y a pas d’architecture sans
action, sans évènement, sans
programme »

Fig.12 : séquence
appartenant aux Screenplays
de Bernard Tschumi.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 28


1

29 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2. REPRÉSENTATION DU PARCOURS
DANS LA PHASE DE CONCEPTION
ARCHITECTURALE

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 30


2
Le parcours et les circulations ont toujours été exprimés
dans la pratique de conception architecturale. Les
architectes utilisent très fréquemment les plans des
circulations comme langage pour exprimer le chemin
que le public pourra suivre dans le futur bâtiment. Ils sont
aussi utilisés pour différencier les types de publics pour
chaque circulation et pour traiter les flux de personnes
dans des bâtiments à risque (ex : les stades).

Cependant, le parcours est aussi représenté d’autres


façons. Par exemple, à travers les perspectives des
extérieurs et des intérieurs d’un futur bâtiment, dans
un premier temps dessinées à la main puis de façon
numérique, grâce aux logiciels de dessin et de simulation
(SketchUp, Rhino, Autocad 3D, 3D Studio Max, etc) ;
en utilisant des maquettes ; avec des simulations vidéo
et avec des langages empruntés d’autres disciplines,
comme les storyboards repris du cinéma.

Ces représentations du parcours et de l’espace


architectural mettent l’accent sur la perception visuelle,
cependant elles oublient la représentation d’autres
types de perception : les sons, les odeurs, les textures…
Il est vrai qu’il s’agit des variables qui sont difficiles à
expliquer ou à simuler avant la construction d’un édifice.
Par conséquent, ils sont généralement introduits à
travers la narration qui accompagne le projet.

Dans ce chapitre, le but est de montrer différents


exemples du traitement des circulations et du parcours
dans la phase de projet. Les représentations sont
divisées en 2 groupes : les représentations manuelles et
les représentations numériques. Pour information, cette
liste n’est pas exhaustive.

31 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2
2.1. Représentations manuelles
Ce que j’appelle, dans cette partie, représentations
manuelles correspond à des dessins à main levée
(croquis, plans, perspectives, axonométries), des
dessins techniques (plans, perspectives, axonométries)
et des maquettes ; c’est-à-dire des représentations dans
lesquelles nous n’avons pas utilisé l’ordinateur. Il y a,
naturellement, d’autres exemples de représentations
manuelles, mais elles sont moins utilisées.

Le croquis est l’outil le plus couramment utilisé par


les architectes pour représenter leur idée de projet.
Les perspectives et axonométries servent à illustrer
les différents espaces ainsi que l’ensemble du futur
bâtiment. Et la maquette est un outil manuel qui sert à
représenter la future architecture en 3D, à une échelle
réduite ; Elle peut servir d’outil de travail pour aider à la
conception, et comme outil de communication auprès
du client. Concernant les plans, les coupes et les plans
des façades, avant l’apparition des moyens numériques,
ils étaient tous dessinés à la main en utilisant le
langage du dessin technique. Actuellement ce type de
représentations est remplacé par de dessins réalisés par
des outils de conception assistés par ordinateur.

Voici ci-dessous, plusieurs exemples de représentations


du parcours et de circulations architecturales
représentées à la main.

2.1.1. Plans / axonométries

Dans la pratique architecturale, il est très courant de se


servir de plans et d’axonométries dessinés à la main, pour
montrer les circulations possibles et souhaitables dans
un bâtiment. Dans ce type de représentation, l’utilisation
d’hachures en couleurs et, plus particulièrement, de
flèches est très répandue.

Pour illustrer les axonométries de circulations, j’ai


choisi le Reid Building, à l’École d’Art de Glasgow, de

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 32


2
l’architecte américain Steven Holl. Il s’agit d’un bâtiment
annexe à celui construit par Charles Rennie Mackintosh
en 1909.

Fig.16

L’édifice se caractérise par les relations fonctionnelles et


symboliques entre l’ancien bâtiment et le nouveau, mais
aussi avec l’ensemble du campus ; tout en s’intégrant
dans le tissu de la ville. Il convient de souligner aussi la
réflexion menée sur l’éclairage naturel en fonction du
type d’espace (en prenant en compte les orientations
et les conditions de lumière). Il existe dans cet édifice
ce que Steven Holl a appelé le « Circuit of Connection
» (Circuit de connexion), une circulation qui traverse le
nouveau Reid Building, en créant des relations entre les
différents départements de l’école. Un circuit ouvert de
rampes échelonnées relie les espaces principaux : le
hall, les espaces d’expositions, les ateliers, les salles de
conférences, etc.

Fig.16 : photomontage de
la façade de l’école d’Art de
Glasgow, Steven Holl.
Fig.17 : croquis du projet de
l’école d’Art de Glasgow,
Steven Holl.
Fig.17

33 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2

Fig.18

Pour montrer les différents parcours dans le bâtiment,


l’architecte s’est servi, dans ce projet, d’axonométries
dessinées à la main et il a marqué en rouge les
connexions entre les espaces de l’école avec, des fois,
des annotations sur les côtés.

2.1.2. Perspectives

La perspective est un système de représentation qui


essaie de reproduire la profondeur de l’espace et l’image
tridimensionnelle que l’on voit et de l’exprimer dans
une surface plane. Il s’agit d’un système de projections
coniques, c’est-a-dire que les lignes parallèles
convergent vers un seul point (centre de projection). Les
objets diminuent de taille à mesure qu’ils se rapprochent
du centre de projection, et nous pouvons uniquement
établir les relations dimensionnelles de ces objets qu’à
travers la proportionnalité.

Fig.18 : croquis du projet de


l’école d’Art de Glasgow,
Steven Holl.
Fig.19 : dessin explicatif de la
Fig.19 perspective conique.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 34


2
Depuis sa découverte, à la Renaissance, ce système a
été utilisé par les architectes afin de montrer ou raconter
les futurs espaces et parcours conçus.

Pour illustrer la représentation des espaces et/ou du


parcours architectural à travers les perspectives à main
levée, j’ai choisi un autre projet de Steven Holl. Cette
fois ci, il s’agit de la Daeyang Gallery and House, à
Seoul. La géométrie basique de la maison s’inspire
d’un dessin d’une partition du compositeur Istvan
Anhalt (Symphony of Modules , 1967). L’ensemble est
constitué de 3 pavillons, un de réception, un autre de
résidence et, le troisième, un espace pour l’organisation
des évènements.

Fig.20

Dans ce deuxième projet, Steven Holl traite le


parcours intérieur du bâtiment en utilisant une série de
perspectives dessinées à main qui montrent le point de
vue du futur usager.

2.1.3. Storyboard
Fig.20 : perspectives
dessinées à la main du projet Comme je l’ai évoqué dans le chapitre « parcours :
de la Daeyabg Gallery and architecture et cinéma », l’architecture s’approprie le
House, Steven Holl. storyboard pour illustrer l’expérience visuelle de l’usager

35 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2
dans un futur bâtiment.

L’exemple choisi pour illustrer comment l’espace peut


être raconté à travers le storyboard est la Villa Meyer de
Le Corbusier. Il s’agit d’un projet qui n’a finalement pas
été construit et qui fait partie des quatre villas de valeur
canonique dans son œuvre. Son importance réside
dans l’introduction d’un élément radical : un système
de rampes d’accès qui desservent tous les niveaux du
bâtiment .

Fig.21 : dessins de projet de la


Villa Meyer, Le Corbusier.
Fig.21

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 36


2
Dans les trois versions que Le Corbusier a faites du projet,
une rampe est incluse comme mode de circulation
principal. Pour lui, la rampe était la quintessence de ce
qu’il appelait « l’approximation arabe à l’architecture ».

Fig.22

2.1.4. Maquettes

Pour montrer comment le parcours en architecture est


expliqué à travers des maquettes, j’ai sélectionné un
projet des architectes espagnols Emilio Tuñón et Luis
Mansilla. Il s’agit d’un projet issu du concours pour
le TOLETUM VISIGODO (Centro internacional de la
cultura visigoda3 ). Le programme s’organise à partir
de trois cellules élémentaires quadrangulaires d’une
superficie de deux-cents, trois-cents et quatre-cents
mètres carrés, respectivement. La répétition de ces
cellules permet d’organiser les différentes zones : le
centre d’interprétation de la Vega Baja, le centre de
recherche du patrimoine, les espaces d’exposition et les
locaux techniques et de stockage.

3
Centre International de la
Culture Wisigothique.

Fig.22 : façade et coupe de la


Villa Meyer, Le Corbusier

Fig.23 : maquette du projet


du Totelum Visigodo, Emilio
Tuñón et Luis Mansilla. Fig.23

37 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2
Un système ouvert et flexible est proposé par les
architectes, de façon à ce que chaque cellule puisse servir
d’espace d’exposition, d’information, administratif ou
de recherche. Dans la vidéo suivante, nous apprécions
une volonté de montrer le parcours dans le bâtiment à
partir de la maquette réalisée :

Fig.24

Dans les 5 dernières images, nous observons la volonté Fig.24 : Extrait de la vidéo de
des architectes de montrer le parcours du point de vue présentation dde la maquette
du projet du Totelum Visigodo,
de l’usager à travers le déplacement de la caméra.
Emilio Tuñón et Luis Mansilla.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 38


2

2.2. Représentations numériques


Actuellement, l’utilisation de logiciels de Dessin Assisté
par Ordinateur (DAO) est très répandue dans la pratique
de conception architecturale. Il s’agit d’un ensemble de
techniques qui, à travers des outils de programmation
informatique graphique, permettent de développer des
projets architecturaux.

L’architecte peut utiliser ces logiciels pour représenter


des plans, des coupes, des façades, mais aussi pour des
représentations en trois dimensions, qui permettent de
montrer aussi bien l’intérieur que l’extérieur de la future
architecture. Néanmoins, le dessin assisté par ordinateur
ne prétend pas remplacer le dessin de conception, il
s’agit d’une façon de le compléter. Son rôle est d’aider
à la production de dessins de communication.

2.2.1. Plans / axonométries

Concernant la représentation du parcours et des


circulations d’un projet architectural, à partir de plans
et d’axonométries réalisées avec des logiciels de dessin
assisté par ordinateur (DAO), nous présentons deux
projets, ci-dessous, de l’agence japonaise SANAA.

Le premier projet est le Musée d’art contemporain du


XXIème siècle à Kanazawa, au Japon. Le défi de l’agence
nipponne était de créer un équilibre entre le domaine
public et le domaine privé, en noyant ses limites. Pour
cela, ils ont proposé une trame de fonctions mixtes qui
se rencontrent dans une circulation fluide organisée par
quatre cours centrales.

Fig.25 : photographie du
Musée d’art comtemporain
du XXIème siècle, SANAA. Fig.25

39 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2
Ci-dessous, le plan de circulations du projet qui montre
les différents parcours possibles au moyen de flèches
rouges :

Fig.26

Le deuxième exemple est le Rolex Learning Center à


Lausanne, en Suisse. Ce bâtiment héberge une grande
bibliothèque, un centre de recherche et d’appui pour la
formation et ses technologies (Learning Lab – CRAFT) et
un amphithéâtre, nommé le Forum Rolex. À l’intérieur,
l’usager parcourt l’espace sur un sol ondulé qui rend
parfois invisible la fin du bâtiment. L’absence de barrières
visuelles entre les différentes zones découvre un espace
continue et offre un sentiment de légèreté.

Fig. 26 : schéma de circulation


du Musée d’art comtemporain
du XXIème siècle, SANAA.
Fig.27 : intérieur du Rolex
Learning Center à Laussane.
Fig.27

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 40


2
Dans ce projet, les circulations ont été représentées au
moyen d’axonométries et elles sont indiquées par des
flèches rouges ou des traits pointillés :

Fig.28

2.2.2. Perspectives/ images de synthèse

Les images de synthèse sont des images artificielles,


animées ou non, fabriquées par des moyens optiques,
électroniques ou informatiques. Elles permettent de
visualiser des choses (espaces, bâtiments, paysages…)
qui n’existent pas. Ces types d’images s’utilisent dans
divers domaines :

- Architecture : pour représenter les bâtiments à


construire, pour montrer aussi leur implantation dans le
paysage.

- Urbanisme et planification urbaine : pour montrer


l’implantation dans le paysage des éléments de
transport, de réseaux, etc.

- Médecine : pour les échographies 3D.

- Militaire : simulation militaire.


Fig.28 : axonométries de
circulation du Rolex Learning
- Cinéma : pour compléter des décors et pour les films
Center à Laussane.
d’animation.

41 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2
Pour illustrer ce type de représentation du parcours
dans le domaine de l’architecture, j’ai sélectionné
un projet auquel j’ai participé : La scénographie de
l’exposition permanente de la Grotte Chauvet (2013),
de l’Atelier Sompairac Architectes. Pour le rendu du
concours, nous avions présenté une série d’images
de synthèse représentées de façon séquentiel afin de
raconter l’espace en suivant le parcours projeté. Il s’agit
d’un parcours dirigé dans lequel, à certains moments,
nous retrouvons des éléments singuliers (salles de
projections, dispositifs interactifs, etc.) qui nous invitent
à modifier notre parcours.

Fig.29

2.2.3. Storyboard

L’appropriation du storyboard a aussi lieu avec des


images générées par l’ordinateur. Dans cette section,
je présente un exemple de ce type de représentation
avec des images de synthèse, aussi traitées avec du
photomontage numérique. Il s’agit du projet Les
Bourderies (2013) pour la construction d’un ensemble
de 55 logements collectifs à Nantes, réalisé par l’Agence
Enet Dolowy Architecture. Dans ce cas, l’intention du
Fig.29 : perspectives du
concepteur était de montrer, à l’aide du storyboard, le
concours pour l’exposition
parcours dans les espaces verts centraux et entre les
permante de la Grotte.
différents bâtiments projetés, et aussi les connexions et Chauvet, Atelier Sompairac
accès aux édifices. Architectes.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 42


2

Fig.30

Comme on peut remarquer, un plan de situation


accompagne les perspectives du storyboard pour
nous situer et identifier où nous sommes dans chaque
vignette. Le choix des architectes de montrer le même
personnage à chaque fois, nous approche encore plus
de la représentation cinématographique.

2.2.4. Simulation vidéo

Une des possibilités de la modélisation 3D est de


présenter le bâtiment dans une simulation vidéo qui
nous permet de voir, de façon continue, l’intérieur et/
ou l’extérieur d’une architecture projetée. Ces types de
représentations ne sont pas toujours présentés du point
de vue de l’usager, différents points de vue sont utilisés,
selon le choix et l’intention de l’architecte.
Fig.30 : storyboard du projet
Les Bourderies, Nantes. Enet Pour illustrer ce type de représentation, premièrement
Dolowy Architecture. j’ai choisi le projet dont j’ai parlé précédemment : le

43 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2
Musée d’art contemporain du XXIe siècle à Kanazawa
de l’atelier SANAA. Dans la vidéo, on voit un parcours
accéléré et, en parallèle, un plan qui nous indique la
position au fur et à mesure que la caméra se déplace:

Fig.31 : extrait de la simulation


vidéo du projet Musée d’art
contemporain du XXIe siècle,
Fig.31 SANAA.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 44


2
Le deuxième projet est The LEGO House conçue par
l’agence danoise BIG (Bjarke Ingels Group). Il s’agit d’un
centre de relation, présentation et éducation, situé dans
la ville de Billund, au Dannemark. Les architectes ont
crée un bâtiment basé sur le jeu LEGO, un assemblage
de briques combinés et empilés.

La vidéo de présentation du projet démarre avec une


vue d’ensemble et continue avec un parcours accéléré
des espaces intérieurs du bâtiment:

Fig.32 : extrait de la
simulation vidéo du projet
the LEGO House, BIG. Fig.32

45 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


2
2.2.5. Réalité virtuelle, réalité augmentée

Dans cette partie, nous allons traiter la réalité virtuelle


et la réalité augmentée comme nouveaux outils pour les
architectes. D’abord, il me semble important de définir
ces deux termes :

- La réalité virtuelle est un ensemble de technologies


permettant une immersion visuelle, sonore et/ou
haptique dans un environnement fictif (films, jeux vidéo,
univers 3D virtuel…).

- La réalité augmentée est une technologie qui permet


l’inclusion, en temps réel, des éléments virtuels en 2D
ou 3D dans un environnement physique.

L’architecture virtuelle est un environnement


d’éléments architecturaux construits, visualisés et
manipulés en trois dimensions dans un milieu digital
informatisé, et qui imprime un caractère de virtualité.
Ce concept naît de l’évolution des premiers exemples,
des années 60, d’architecture assistée par ordinateur,
mais il a commencé à prendre de la valeur avec l’essor
de la virtualité dans les années 90. L’un des pionniers à
cette époque est Marcus Novak avec son essai Liquid
Architectures in Cyberspace4 (1991).

Ces dernières années, cette technologie a commencé


à être utilisée par certains musées pour faire des
tours virtuels de leurs espaces et salles d’exposition.
Ces types de réalités nous permettraient aussi de
visiter un bâtiment avant qu’il ne soit construit. C’est
pour cela qu’ils commencent à être utilisés dans
la pratique architecturale. Nous pouvons nous en
servir de différentes façons. Ils peuvent servir d’outil
de conception architecturale comme évolution de la
modélisation numérique des bâtiments, mais aussi
comme moyen de communication ; c’est-à-dire, que
nous pouvons montrer aux clients le projet conçu avant
sa réalisation.
4
Architectures Liquides dans
D’autre part, des systèmes permettant de créer ou de le Cyberspace.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 46


2
modifier une architecture virtuelle, directement sur
cette plateforme, sont en voie de développement.
Par exemple, nous sommes actuellement capables de
changer les matériaux et les couleurs sur un bâtiment
dessiné en réalité virtuelle.

Dans ce type d’ambiance virtuelle, nous pouvons utiliser


les concepts et les comportements du cyberespace,
comme l’immatérialité et l’instantanéité dans le
déplacement d’un point à l’autre (par exemple : le vol
ou la télétransportation).

Dans le champ d’application de cette réalité, l’entreprise


londonienne IVR Nation a crée une nouvelle technologie
de réalité virtuelle, appliquée aux projets architecturaux,
un nouvel outil qui sert tant à la visualisation du projet
qu’à la conception. Pour cela, Olivier Demangel,
directeur artistique chez IVR Nation, a crée un tutoriel
numerique à travers de simples photos d’un projet
de logement unifamilial situé au Pays de Galles, la
Ty Hedfan (the hovering house) conçue par l’agence
Featherstone Young.

Fig.33

L’architecture virtuelle se trouve encore dans une


phase initiale de recherche et d’exploration, mais elle
représentera un changement important dans la pratique
académique et professionnelle de l’architecture,
prochainement, à travers son lien avec internet et le
développement de la collaboration collective à distance.
Fig.33 : images réelles et L’enjeu est essentiel : à la fois identifier le potentiel de
virtuelles de la maison Ty ces outils et apprendre à les combiner avec les outils
Hedfan. que nous possédons déjà.

47 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3. PARCOURS COMME FORME DE
CONCEPTION

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 48


3
3.1. Le parcours : corps, mouvement et temps
L’architecture contrairement à d’autres disciplines,
comme la peinture et la sculpture, n’est pas construite
uniquement pour la contemplation. Son essence réside
dans l’être humain, qui cherche un abri, en participant
d’une expérience spatial avec des limites physiques.

L’architecture commence donc avec le corps des


hommes qui vont l’habiter. Cette relation entre
l’architecture et le corps humain est présente dans notre
culture depuis l’Antiquité, dans les principes d’harmonie
et de proportion architecturale. Vitruve, dans son
œuvre, présente les ordres classiques en analogie avec
le corps de l’homme, de la femme et de la demoiselle.
En occident, ses principes ont été assumés par les
architectes pendant des siècles. Au début du XXe siècle,
Le Corbusier l’affirmait, la relation entre l’architecture et
le corps humain a été présente depuis les débuts de son
histoire. Les mesures et les proportions architecturales
ont été souvent établies à partir des proportions de
l’homme. Les projets compris comme une deuxième
peau humaine essaient d’aboutir à une analogie entre
le bâtiment et l’organisme.

Fig.34 : dessin du Modulor,


Le Corbusier. Fig.34

49 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3
Ci-dessus, comme exemple de mesures à partir du corps,
le Modulor (module + nombre d’or), 1945. Il s’agit d’un
système de mesure, crée par Le Corbusier, basée sur les
proportions du corps humain, qui naît de l’observation
de la nature et de l’étude des travaux de Matila Ghyka
sur le nombre d’or dans l’art et dans la nature.

Actuellement, la relation entre le corps et l’architecture


est perçue d’une façon différente, plus orientée vers
les variables de perception sensorielle. Les sens nous
donnent de l’information sur la matérialité de notre
environnement, et la forme et les propriétés motrices
du corps humain influent sur la conception de l’espace.

Fig.35

Quand l’usager parcourt une architecture, il le fait à


travers le mouvement. Le mouvement est toujours
un déplacement d’un objet qui a lieu en relation à un
autre qu’on prend comme référence. En architecture,
nous pouvons parler tant du déplacement de l’individu
par rapport à l’objet construit, que du mouvement de
l’architecture par rapport à un observateur.

L’architecte, en concevant un bâtiment, limite les


mouvements de l’usager. Mais il essaie de faire en sorte
que ces mouvements se réalisent de façon pensée et Fig.35 : photographie de
Étienne-Jules Marey, études
intentionnelle, ayant comme but de donner un sens
du mouvement.
à leur présence dans l’espace. Il donne un sens au

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 50


3
parcours architectural, et il peut le faire en le dirigeant
les usagers ou en leur laissant plus de liberté.

Concernant le mouvement et le déplacement des


usagers dans l’espace, il me semble important de
parler de l’architecture moderne. Elle utilise les
cloisons courbes et les rampes, non seulement pour
répondre à une vision artistique, mais aussi pour mieux
accompagner un mouvement, le déplacement de
l’usager. Un des exemples le plus représentatifs est,
comme cité précédemment, le musée Solomon R.
Guggenheim de New York, de l’architecte américain
Frank Lloyd Wright. L’idée motrice du projet était de
créer une spirale ininterrompue, matérialisée par une
rampe, qui permettait une contemplation continue des
œuvres d’art. Son intention, avec cette rampe, était de
faciliter le parcours d’exposition ; l’usager commence sa
visite en montant au niveau supérieur en ascenseur et,
ensuite, il descend peu à peu la rampe autour du grand
espace central qui est illuminé par une grande lucarne.

Fig.36

Si nous pensons aux concepts de parcours et de


séquence, nous réalisons très vite qu’ils ne sont possibles
que quand le corps humain se déplace dans l’espace.
Fig.36 : photographie
Cette séquence qui génère le parcours de l’usager
de la lucarne du Musée entraine l’incorporation du facteur du temps comme
Guggenheim à New York. élément indissociable de l’espace architectonique.

51 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3
Autant l’architecture que l’urbanisme sont considérés
comme des disciplines de l’espace. Mais comme le disait
Le Corbusier, l’architecture se développe aussi bien dans
le temps que dans l’espace. En analysant l’histoire de ces
deux domaines, nous apercevons qu’il existe plusieurs
façons de réfléchir et de travailler le temps dans les
œuvres. Le temps devient donc une matière du projet
urbain et architectural. Ainsi l’architecture se présente
comme une intrication complexe de temporalités qui
traversent toute œuvre dès sa conception jusqu’à sa
réalisation. Je vois donc l’architecture comme un moyen
d’habiter le temps.

La réalité d’une architecture ne se limite pas aux trois


dimensions de la perspective, pour la représenter
intégralement, il faudrait réaliser un nombre infini de
perspectives depuis des points de vue infinis. Il y a
donc un autre élément qui fait appel à ce déplacement
successif du point de vue, le temps qui a été nommé
comme la « quatrième dimension » de l’architecture.

Imaginons que nous nous trouvons en face d’un


bâtiment. Si nous sommes à l’arrêt, nous le voyons
comme un dessin sur un papier, nous avons une vue
en deux dimensions. À partir du moment où nous nous
approchons vers une des extrémités du bâtiment, nous
nous apercevons que l’édifice a une profondeur, et, par
conséquent, nous nous rendons compte de ses trois
dimensions. Ensuite, nous parcourons toute sa partie
extérieure et aussi les espaces intérieurs ; dans ce
parcours il y a un certain temps qui s’est écoulé. Nous
sommes donc dans cette quatrième dimension.

Ces trois concepts, le corps humain, le mouvement


de l’usager et le temps, donnent sens au parcours
architectural. Et ils nous rappellent aussi la présence
humaine indissociable de l’architecture. Une présence
qui laisse toujours une trace.

Cette empreinte que laissent une ou plusieurs


personnes lorsqu’elles parcourent les différents espaces

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 52


3
d’un bâtiment, peut être visuelle, olfactive ou sonore
: la trace qui laisse quelqu’un après s’être assis sur un
canapé en cuir, une porte qui se ferme, le parfum de
quelqu’un qui était avant nous dans une pièce, le son
des pas, un rire, etc.

53 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3

3.2. Image mentale


Dans son texte intitulé « Du premier fondement de
la différence des régions dans l’espace » (1768), Kant
explique

« que l’espace absolu, indépendant de


l’existence de toute matière, envisagé
comme premier fondement de la possibilité
de sa composition, comporte une réalité qui
lui est propre5 ».

L’image mentale est une représentation mentale qui


fait appel aux qualités sensorielles d’un objet ou d’un
espace absent de l’environnement perceptif. Donald
Winnicott, psychiatre et psychanalyste anglais, défend
que l’image mentale soit inconsciente, qu’elle dépende
de l’expérience personnelle de chacun et qu’elle
entraîne un certain degré d’idéalisation.

« Entre l’image et la réalité, il y a une relation


d’échelle, on voit les dimensions de l’image,
mais on pense des dimensions du bâtiment6 »

Ce qui m’intéresse dans ce concept, c’est, dans un


premier temps, la relation entre l’image mentale et la
conception architecturale. L’architecte démarre toujours
un projet avec une idée. Cette idée correspond à une
image qu’il génère, dans sa tête, du futur bâtiment.
Ensuite, il traduit cette intention par un plan, un dessin
ou une maquette. Ce premier geste représente l’idée
originale du concepteur, l’essence du projet ; c’est la
transcription de l’image mentale de l’architecte. Le
projet final est la matérialisation concrète de cette 5
Kant, Emmanuel. Du premier
image, de cette intention. fondement de la différence des
régions dans l’espace. Traduction
Ci-dessous, nous pouvons voir le croquis dessiné par de S- zac, Paris (1970), p.91

l’architecte Toyo Ito pour illustrer son idée de projet 6


Raskin, Eugene. Architecturally
pour la Médiathèque de Sendai. Dans cette première speaking, architecture is
étape de la conception architecturale, il exprime déjà emotion. Ed. Reinhold (1954).

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 54


3
un volume cubique et transparent qui est porté par
une série d’éléments verticaux plus organiques qui
contrastent avec la géométrie générale du bâtiment,
et qui, dans la réalisation finale, vont héberger les
circulations verticales (escaliers, ascenseurs).

Fig.37

La deuxième approche concerne les usagers. Lorsque


nous décidons accéder à un bâtiment, généralement,
nous apprécions d’abord la façade principale.
Inconsciemment, en regardant ses couleurs, ses
matériaux, ses ouvertures, nous imaginons ce que nous
allons découvrir à l’intérieur. La même chose se produit
lorsque nous sommes dans l’espace interne de l’édifice
; à travers les odeurs, les sons ou les objets nous créons
une image mentale de ce qui est derrière une porte ou
un mur. Par exemple, quand nous entendons un bruit
d’assiette ou lorsque nous sentons de la nourriture,
nous visualisons immédiatement un restaurant ou une
cantine. Cette visualisation d’espaces encore inconnus
nous aide à nous représenter dans le bâtiment et à créer
une motivation ou volonté de parcourir ou utiliser ces
espaces.

Fig.37 : croquis et
photographie de la
mediatheque de Sendai,
Toyo Ito.

55 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3
3.3. Perception en architecture
« A chaque fois qu’un évènement casse
une perception ordinaire en profondeur, un
usage, une habitude, l’espace se transforme,
l’appropriation du temps se modifie et nous
nous trouvons déplacés : ces instants fugitifs
renversent notre perception des choses,
nous les font percevoir dans leur unité et leur
complexité sémantique. »

Frize, Nicolas. A l’écoute de la sensibilité


ordinaire. Villes, imaginaire et création
artistique. Actes du séminaire Sarrebruck.
Edition Le Merveilleux Urbain (1995), p. 1.

La perception sensorielle, en psychologie cognitive,


se définit comme la réaction de l’être à une stimulation
extérieure qui se manifeste par des phénomènes
chimiques et neurologiques au niveau des organes
des sens physiologiques et au niveau du système
nerveux central. Cette réaction permet d’organiser et
d’interpréter les stimuli pour identifier des objets et des
évènements.

Nous avons cinq types de perception, qui correspondent


au cinq sens :

- Perception visuelle : C’est par le sens de la vue que


nous percevons la lumière, les formes et les couleurs,
que nous apprécions les détails des objets, leur distance
et leur relief. Les informations visuelles recueillies par
l’œil sont transformées en messages nerveux au niveau
de la rétine, puis véhiculées par les nerfs optiques
jusqu’au cerveau. C’est alors le cortex visuel qui analyse
le stimulus reçu, élabore la perception visuelle : une
image. La vision est considérée comme le sens le plus
développé dans l’être humain, elle lui apporte une plus
grande quantité d’information et plus rapidement que
les autres sens.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 56


3
- Perception haptique : C’est la perception qui intègre
les informations cutanées, proprioceptives et motrices.
Dans l’haptique, nous différencions 3 sous-catégories :

o Perception thermique : perception du chaud,


du froid et de la douleur.

o Perception tactile : contact initial avec


l’environnement, et permet d’appréhender la géométrie
détaillée de la surface et des textures.

o Perception kinesthésique : concerne la position


et sensation de mouvement des parties du corps.

- Perception sonore ou auditive : C’est le résultat des


processus psychologiques qui ont lieu dans le système
auditif central et qui permettent d’interpréter les sons
reçus. Cette perception nous permet de créer une
représentation mentale de l’environnement sonore
immédiat, et aussi de mesurer les distances par rapport
aux objets.

- Perception olfactive : Dans ce type de perception, un


grand nombre de molécules odorantes sont inclues
dans une matrice (air) qui les met en contact avec
l’épithélium olfactif.

- Perception gustative : L’expérience sensorielle du


goût a son origine dans les stimuli que reçoivent
les récepteurs périphériques de la bouche, lesquels
traitent l’information et l’envoient aux zones du cerveau
pertinentes.

57 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3
L’architecture se parcourt, se sent, se voit et s’entend, tout
au même temps. Il s’agit pourtant d’une discipline qui
réunit un grand nombre de dimensions sensorielles : les
phénomènes lumineux (lumières/ombres, réflexions…),
textures des matières, odeurs des matériaux, odeurs des
activités qu’on réalise dans le bâtiment, les proportions,
le rapport du corps à l’espace, les sons des usagers, les
sons des activités, etc.

Comme Juhani Pallasmaa l’évoque dans son ouvrage


The eyes of the skin, architecture and senses, le visuel
a, depuis longtemps, une grande influence dans la
culture occidentale, nous vivons une époque d’hyper-
visualisation culturelle. Par conséquent, le sens de la
vue a une place plus importante dans une grande partie
des activités humaines, au détriment des autres sens.

Évidement, l’architecture n’est pas une exception. La


représentation de l’expérience architecturale se limite
souvent à montrer la dimension visuelle du projet
: des plans, des dessins, des photographies. Mais
cette expérience architecturale est, sans doute, multi-
sensorielle. La fraicheur que nous sentons quand nous
entrons dans un patio andalou, les odeurs de cuisine,
l’odeur, le son et la sensation de chaleur auprès d’un
foyer, la texture d’un mur en granit.

Cette perception multisensorielle s’applique aussi au


parcours architectural, étant donné que lorsque l’usager
parcourt les espaces, il écoute, il voit, il sent, il touche,
il marche, il s’arrête, etc. Notre expérience, pendant
qu’on traverse un couloir ou une salle, peut changer
complètement en fonction des sons, des odeurs, des
ombres et des lumières, des matières qu’on perçoit.

Concernant la perception que nous expérimentons


pendant le parcours architectural, je vais, dans cette
partie, centrer ma réflexion sur les sens du toucher, de
l’odorat et de l’ouille.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 58


3

Fig.38

Les trois variables de perception (thermique, tactile et


kinesthésique) qui interviennent dans l’haptique me
semblent fondamentales pour l’expérience du parcours
dans un bâtiment. Elles nous parlent de sensations
que nous avons quand nous entrons dans un espace,
la température, la matérialité du sol sur lequel nous
marchons, notre mouvement dans l’espace.

Il me semble aussi intéressant de distinguer deux


manières de perception haptique : une passive qui est
celle qu’on reçoit sans une action de notre part (l’eau
qui tombe sous la douche, la sensation de froid quand
quelqu’un ouvre une fenêtre…) ; et une perception active
qui montre une volonté d’exploration (toucher une table,
un mur, en tissu, etc.). Dans notre parcours dans une
architecture, nous nous aurons une perception haptique
passive en tout moment, la sensation thermique sera
toujours présente, mais aussi le contact de nos pieds
avec le sol, qui souvent n’a pas vocation d’exploration
de la matière. La perception active dépendra des envies
et des volontés de chaque usager et, elle sera plus ou
moins guidée par l’intention de projet de l’architecte.

C’est qui est aussi intéressant par rapport à l’architecture,


c’est que le toucher est un sens spatial. Puisqu’il est lié
Fig.38 : détail de la façade du au corps et à la gravité, il nous permet de reconnaître
Serpentine Gallery Pavilion, un espace en le touchant. Nous pouvons identifier
Peter Zumthor. l’horizontalité et la verticalité, mais aussi la matérialité.

59 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3
À travers cette pratique corporelle et gestuelle qui
implique la partie kinesthésique de la perception
haptique, l’usager devient acteur et non seulement
spectateur des espaces.

Parfois, nous devenons acteurs d’une façon obligée


et constante par exemple : quand nous marchons
sur différents types de sol, nos pieds touchent et
reconnaissent les différentes matières d’une façon semi-
involontaire. Par contre, le toucher que nous réalisons
avec les mains est, généralement, de caractère ponctuel
et volontaire.

Nous différencions aussi entre un toucher primaire et un


toucher sensuel (Marc Grunelle). Le premier appelle à la
sensibilité cutanée pour protéger notre corps, il s’agit
donc d’un système d’alarme qui nous protège des
agents externes. Le sensuel appelle à la reconnaissance
des matériaux et à la recherche du bien-être.

Le toucher et l’haptique sont donc toujours présents


dans l’expérience du parcours. Bruno Munari disait sur
le toucher chez le jeune enfant, dans son ouvrage Les
ateliers Tactiles, « NE TOUCHE PAS! Combien de fois
les enfants entendent-ils cet ordre ? Personne ne dirait
: ne regarde pas, n’écoute pas, mais il semble que pour
le toucher cela soit différent, beaucoup pensent que
l’on peut s’en passer7 » . Mais on ne peut pas vraiment
s’en passer, il me semble pourtant que l’intégration de
l’haptique et du toucher dans la conception du parcours
apportera une richesse sensitive à cette expérience
architecturale.

« Toute architecture, tout lieu génère un ou


plusieurs espaces sonores par sa volumétrie,
sa matérialité et ses utilisations. Parfois ces
lieux acoustiques sont voulus, souvent, ils
naissent par hasard. »

Paroles de Didier Blanchard. 7


Munari, Bruno. Les Ateliers
Tactiles. Les trois ourses,
Concernant la perception sonore par rapport à 2011, p. 4.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 60


3
l’architecture, nous avons tendance à penser, dans
un premier temps, à la relation entre architecture et
musique. Un grand nombre de théoriciens parlent d’un
rapprochement des deux disciplines dans la manière de
composer et de créer. Il existe aussi un rapport physique
qui aboutit à l’apparition de l’acoustique, qui permet
de contrôler les phénomènes sonores dans un espace
bâti. Vu que cette relation a été amplement traitée,
mon intention, dans cette partie, est de parler des ons
générés par les usages et les usagers d’un bâtiment.

Pour cela, je vais parler d’abord de ce que Peter


Zumthor appelle « l’espace sonore » dans son livre
Atmosphères. Pour lui, chaque espace fonctionne
comme un instrument de musique, il est rempli de sons.
Ces sons dépendront de la forme de l’espace bâti, des
matériaux, de comment ils sont disposés, du mobilier,
etc. Les sons nous font souvent penser à des activités
: le son des assiettes dans une cuisine, l’eau qui coule
dans la douche, une porte qui se ferme, quelqu’un qui
marche dans un couloir… Quand nous sommes dans
un bâtiment, nous avons des sons très reconnaissables
qui nous rappellent un usage, qui nous évoquent une
image ; mais il y a aussi des sons qui nous alertent d’un
danger, ou d’un évènement qui va avoir lieu dans cette
architecture.

Le son est donc un élément indissoluble de l’architecture


; il l’accompagne à tout moment. Lorsque que nous
parcourons un bâtiment nous sommes déjà immergés
dans cet univers sonore qui nous évoque des usages,
des histoires, et qui laisse aussi une trace qui peut
suggérer, par exemple, la présence de quelqu’un dans
cet espace juste avant nous.

Comme concepteur, l’architecte devrait prendre en


compte tous ces sons pour essayer de les maîtriser et
d’imprimer sur eux une certaine intentionnalité. Les
traiter comme une matière de création de l’expérience
architecturale qui permettra d’enrichir le parcours de
l’usager dans son ouvrage. Sans oublier que cette
prise en compte du son dans la conception devrait être
accompagnée d’une conception multisensorielle qui

61 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3
intégrera aussi les autres sens.

« Il ne faut pas que les masses de marbre


demeurent mortellement dans la terre (…)
et que les cèdres et les cyprès se contentent
de finir par la flamme ou par la pourriture,
quand ils peuvent se changer en poutres
odorantes8. »

Concernant l’odorat, il ne faut pas oublier qu’il active


notre mémoire et que le souvenir plus persistant que
nous gardons d’un espace est son odeur. Il est, pour
nous tous évident que toute maison et tout espace a sa
propre odeur.

Mais, en architecture, il n’existe pas de démarche


consciente concernant un processus de conception qui
inclut la perception olfactive. Les raisons sont variées,
mais j’énonce celles que j’estime les plus notables
: l’architecture est souvent considérée comme une
forme d’art essentiellement visuelle. Il y a une limitation
importante par rapport à la représentation des variables
d’odeur et, historiquement, nous nous préoccupions
surtout d’éliminer et d’éviter les mauvaises odeurs
(des locaux sanitaires, des cuisines, des ateliers…) plus
qu’à nous occuper de celles qui peuvent caractériser
une pièce. Il y a aussi un côté relationnel : quand nous
nous mettons en rapport avec des autres personnes, en
général, notre contact est sonore (voix) et visuel. C’est
quand nous nous approchons de la personne (à une
distance entre 0,70m et 1,20m) que nous commençons
à avoir un contact tactile et olfactif avec elle. Ce qui veut
dire que nous associons l’odorat aux relations d’intimité.

Néanmoins, il existe, de plus en plus, de démarches qui


prennent en compte le design olfactif et qui intègrent une
réflexion sur les odeurs dans des projets architecturaux
ou des designs d’objets.

Ci-dessous, un détail de l’exposition « The art of scent »


qui a eu lieu au Museum of arts and Design à New York de 8
Valéry, Paul. Eupalinos, N.R.F.
novembre 2012 à mars 2013. Cette exposition reconnait Gallimard, Poésie, p. 103.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 62


3
l’odeur comme un moyen de création artistique.

Fig.39

Pour finaliser cette partie, il me semble intéressant


de présenter les Gares Sensuelles du Grand Paris de
l’agence Jacques Ferrier. Ce projet a comme origine le
concept de « ville sensuelle » introduit par Jacques Ferrier
et Paulina Marchetti pendant l’exposition universelle de
Shanghai. Pour reprendre leurs termes, l’idée consiste
à mettre l’accent sur la dimension sensuelle des gares
(l’aura, l’émotion, l’empreinte). Il s’agit d’une réflexion
en termes d’expériences sensorielles et d’ambiances.

Les architectes prétendent créer une continuité entre


la ville souterraine et la cité. Dans la conception, ils
prévoient le possible futur passage d’autres maitres
d’œuvre et/ou designers, pour cela, trois chartes seront
crées : charte d’architecture et d’aménagement, charte
de design des espaces et charte d’intégration des
équipements.

Fig.39 : Image et dessin


d’un des dispositifs de
l’exposition « The art of scent
» à New York.
Fig.40 : perspective de la
Gare Sensuelle de Jacques
Ferrier pour le projet du
Grand Paris. Fig.40

63 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3
Jacques Ferrier parle de « raisonner en termes
d’expériences sensorielles et d’ambiances plutôt qu’en
termes de matérialité ».

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 64


3
3.4. Parcours: Forme de conception
Dans la pratique architecturale, le concepteur peut et
doit penser simultanément à l’espace et au parcours.
Cette pensée implique, directement, l’intégration dans
le futur projet des concepts vus précédemment : la
séquence, l’expérience, le temps, le mouvement et le
corps humain dans l’espace.

Il s’agira donc de réfléchir en amont à la façon dont


l’usager va parcourir les espaces du bâtiment. Quel
espace succède au suivant ? , quelles salles sont
connectées et lesquelles ne le sont pas ? , comment
passons-nous d’un espace à l’autre ? , y a-t-il un seul
parcours ou l’usager peut-il choisir entre plusieurs
parcours? Voici plusieurs questions questions que
l’architecte pourrait se poser avant de démarrer un
projet.

Pour illustrer cette démarche, voici un exemple de l’une


des manières dont on peut penser au parcours dans la
phase de projet. Il s’agit d’un projet de centre culturel
que j’ai réalisé dans le cadre de mon projet de fin
d’études : La Maison Atelier UTC (2011). Le programme
fonctionnel de ce bâtiment se composait de :

- une salle d’exposition


- un auditorium (60 personnes)
- des ateliers
- une bibliothèque
- une cafétéria
- 5 chambres pour loger des doctorants ou professeur
externes à l’université
- un local de stockage et un local technique
- à l’extérieur, une place publique et un parking

La salle d’exposition, l’auditorium, la bibliothèque


et la cafétéria étaient censés être accessibles à tout
le monde. Par contre, les ateliers et les logements

65 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


3
temporaires seraient seulement utilisés par les étudiants
et les professeurs de l’UTC. Il s’agissait donc de
créer un bâtiment multifonctionnel qui accueillait des
personnes de l’université mais aussi adressé à tout le
public de la ville afin d’intégrer cette activité scientifique
et culturelle dans la vie des habitants de Compiègne.
Avant la conception formelle et spatiale du bâtiment,
j’avais élaboré un diagramme expliquant les parcours et
interrelations entre les espaces souhaités. Ci-dessous,
nous pouvons apprécier le schéma avec les liens au
même niveau ou à différents niveaux et aussi les accès
et sorties :

Fig.41

Si nous prenons la variable temporelle comme élément


principal lorsqu’on conçoit le parcours architectural
d’un nouveau bâtiment, nous pouvons très bien penser
à fixer par avance les temps de parcours. Par exemple,
si on prend le projet précèdent, se demander d’abord
le temps que nous prendrions pour aller du hall à la
cafétéria et voir ce que cela suppose spatialement et
formellement.

Dans certains projets, particulièrement dans ceux


qui ont vocation à accueillir un grand nombre de
personnes (des stades, des salles de concerts, etc),
nous pouvons aussi partir des données qui concernent
les flux des usagers et les parcours prévus pour ce type Fig.41 : schéma des
d’architectures. Par exemple, dans le projet du Stade de circulations du projet Maison
France (1998), les architectes Michel Macary, Aymeric Atelier UTC.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 66


3
Zublena, Michel Regembal et Claude Costantini se sont
servis, au moment de la conception, d’un logiciel de
simulation de mouvements de foule qui a déterminé la
morphologie finale du Stade.

L’utilisation de ce type de logiciels est très répandue


dans l’architecture navale pour des projets de grands
navires. Ils prennent en compte le flux de personnes, leurs
cheminements et leurs positions, au moment du départ,
de l’arrivée et durant le trajet, afin de dimensionner les
espaces et les circulations correctement. Ci-dessous, un
extrait de l’étude, réalisée pour la Cunard, pour le Queen
Mary 2, le but de cet étude était de démontrer l’intérêt
de l’utilisation d’un outil de simulation de l’évacuation
dans le cas d’un grand navire transatlantique. Le logiciel
utilisé s’appelle ODIGO.

Fig.42

Dans toute démarche de conception du parcours et


de l’espace architectural, il me semble fondamental
de prendre en compte le point de vue du futur usager
puisque c’est lui qui va parcourir les espaces. Puis, il
est aussi important de réfléchir à toutes les variables
sensorielles qui peuventent définir et enrichir l’ensemble
Fig.42 : simulation de parcours-espace architectural. Pour cela, nous sommes
mouvement des foules dans amenés à choisir consciencieusement les outils et les
le Queen Mary 2 (logiciel types de représentations les mieux adaptés à notre
ODIGO). projet.

67 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


4. NOUVELLES FORMES DE CRÉATION DU
PARCOURS

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 68


4
4.1. Parcours évolutif / mutabilité des espaces
La surpopulation des villes dans le monde est
actuellement une réalité. En 1950, 30% de la population
mondiale habitaient dans des agglomérations urbaines,
aujourd’hui, la population qui habite dans les villes
correspond à 54%. Les prévisions publiées par l’ONU,
estiment qu’en 2050 le pourcentage sera de 66%.

Fig.43

Évidemment, cette massification démographique des


zones urbaines a beaucoup de conséquences : des
problèmes climatiques et de pollution, une surpopulation
encore plus grande, une manque d’espace qui implique
des problèmes pour loger l’ensemble de la population et
pour avoir des espaces verts et de loisirs qui répondent
aux besoins des habitants.

En outre, dans plusieurs pays d’Europe le nombre de


nouvelles constructions réalisées dans les 10 dernières
années a diminué radicalement. Ces deux facteurs
impliquent un manque d’espaces architecturaux
(espaces à vivre, de loisirs, culturels, de travail, etc.)
dédiés à de nouveaux usages.

Un des impacts de ce genre de phénomènes


Fig.43 : mappe des sur l’architecture, est celui qui concerne à la
populations élaboré par multifonctionnalité des espaces. N’étant pas possible
l’ONU. donc, dans beaucoup de cas, de construire des nouveaux

69 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


4
bâtiments qui répondent aux besoins des habitants de
la ville, l’architecte a comme rôle de résoudre cet enjeu
en se servant des architectures existantes. C’est dans ce
contexte, que le fait d’avoir des espaces transformables
qui changent d’usage selon les besoins des usagers
devient important et même indispensable.

Conséquemment, les architectes doivent prendre en


compte cette nécessité et cette logique d’adaptation
spatiale concernant le changement d’usage lors de la
conception architecturale. Les espaces deviennent donc
mutables et, par conséquence, le parcours devient
évolutif.

Transformer c’est, selon la définition du Diccionario


Enciclopédico Ilustrado de la Lengua Española, « ...
hacer cambiar de forma. Transmutar, convertir una
cosa en otra. Hacer mudar de porte, de conducta o de
costumbres a algo o a alguien9 » (« ... faire changer de
forme. Transmuer, convertir une chose en une autre.
Faire changer l’allure, la conduite, les habitudes de
quelque chose ou de quelqu’un »). C’est qui m’intéresse
dans cette définition est la mention du changement de
forme et de la conversion d’une chose en un autre, d’un
espace en un autre. À travers le changement de forme,
nous pouvons donner une autre nature au parcours
architectural et changer l’usage des espaces.

Pour rendre cela possible, il faut faire appel à des


systèmes de délimitation de l’espace et de création du
parcours qui permettent une flexibilité, une variabilité
et une diversité architecturale. Ces systèmes peuvent
être physiques ou pas. Nous pouvons utiliser du
mobilier ou des cloisons amovibles et transformables,
mais aussi modifier le parcours à travers d’autres outils
architecturaux, comme le son ou le traitement de la
lumière.

Ci-dessous, nous allons présenter quelques systèmes 9


Définition du Diccionario
de délimitation de l’espace, afin de voir comment nous Enciclopédico Ilustrado de la
Lengua Española. Éd. Ramón
pouvons concevoir un parcours en évolution :
Sopena (1967)

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 70


4
Cloisons mobiles et démontables :

Ce type des systèmes sont déjà très répandus dans


la pratique architecturale contemporaine. Il s’agit
de systèmes de cloisonnement qui permettent la
modification de l’agencement de l’espace à travers
d’éléments mobiles ou démontables.

Les cloisons mobiles ou amovibles offrent une liberté


d’aménagement en créant des espaces modulables à
volonté, en assurant une séparation provisoire entre
les pièces ou les espaces. Il s’agit des systèmes dans
lesquels nous déplaçons les cloisons en les plaçant
ailleurs. Pour cela, nous avons plusieurs solutions : des
parois coulissantes, des panneaux en accordéon ou
extensibles, repliables, articulés, etc.

Ces systèmes doivent être pensés par l’architecte au


moment de la conception, puisqu’il est nécessaire
de prévoir des éléments permettant d’héberger
les différentes façons de déplacer ces cloisons (des
accroches, des rails, des cornières…) mais aussi de
moduler l’espace en fonction de ces cloisons afin d’avoir
un nombre important de variantes spatiales.

Nous avons aussi des cloisons démontables qui


nous permettent d’agrandir ou, au contraire, de
compartimenter l’espace de façon temporaire. Il s’agit
dans ce cas des systèmes, fixés ou pas, que nous allons
mettre en place ou démonter en fonction de besoins
ponctuels de l’espace en question. Pour ce genre
des partitions, l’architecte doit prévoir les systèmes
de fixation mais aussi des espaces de stockages pour
ranger ces éléments.

Concernant les matériaux nous avons un grand nombre


de possibilités : du bois, du plastique, du papier, du
tissu, du plaques en plâtre, etc. La caractéristique
commune et principale de ces types des cloisons est
la légèreté. Néanmoins, nous pouvons avoir tout type
de propriétés des matériaux (isolation acoustique,
transparence, opacité, etc.) au même titre que dans les

71 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


4
cloisons traditionnelles.

Ci-dessous, deux exemples de type de cloisons sont


présentés, une mobile et l’autre démontable :

Le premier est un produit, développé par l’entreprise


canadienne MOLO, qui s’appelle softwall + softblock
modular system. Cette entreprise a un studio qui est
dédié à la recherche de matériaux et à l’exploration
de la création d’espaces. Il s’agit d’un système mobile,
démontable et flexible qui peut s’étirer ou se plier en
créant des espaces plus intimes ou au contraire plus
ouverts. La structure cellulaire de softwall + softblock
sert à amortir le son ou à travailler la lumière dans les
versions opaques et translucides.

Il est fabriqué en deux matériaux, en textile ou en


papier craft. Le textile est fait de polyéthylène non-tissé,
100% recyclable et composé en 5% à 15% de matières
recyclées, et il est résistant à l’eau et aux rayons UV. Il est
disponible en noir et blanc.

Le deuxième type est fabriqué en papier cratf 100%


recyclable et avec 50% de fibres recyclées. Il est
disponible en marron et en noir tinté avec du charbon
de bambou.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 72


4
Le deuxième exemple correspond à un système de
cloisons mobiles mais pas démontables. Il s’agit d’un
élément vertical pivotant, que l’on tourne en fonction
des envies ou des besoins. Il s’agit d’un élément vertical
pivotant, que l’on tourne de si on veut avoir un grand
salon ouvert ou si on souhaite avoir 2 salles séparées.
Ce système permet à l’usager de modifier l’espace
selon ses envies ou ses besoins.

Mobilier transformable ou mobile

Le mobilier a toujours un usage concret, mais en tant


qu’objet, posé ou situé dans un espace architecturale, il
peut devenir un obstacle, une limite, une barrière. Il peut
donc être contourné, séparer des espaces et imprimer
un usage particulier à l’espace.

Par conséquent, une autre option pour organiser l’espace


et délimiter le parcours est le mobilier transformable ou
mobile. Il s’agit des meubles qui changent de forme
et/ou qui peuvent être déplacés facilement de façon à
modifier la configuration de l’espace. Souvent, ce sont
des systèmes modulables qui permettent d’assembler
un meuble à l’autre. Dans le cas du mobilier mobile,
il faut penser d’abord aux éléments qui vont nous
permettre de le déplacer (des rails ou de roues).

Je présente ensuite deux exemples de mobilier


transformable. En étant consciente que dans sa
matérialisation actuelle, ils ne modifient pas la
configuration de l’espace dans une grande mesure, je

73 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


4
les présente car les systèmes utilisés, pour permettre
leur transformabilité, ont un potentiel très intéressant
pour concevoir un parcours évolutif.

Les architectes et designers, Vanesa Moreno Serna


y Nenad Katic, de l’agence OOO My Design, ont
conçu l’étagère Pin Press basée sur le jeu Metal Pin Art
(Sculptures clous 3D). Le meuble est en bois, et il est
fabriqué à la main en Espagne. L’étagère fonctionne en
pressant les tubes pour créer les différents rayons ou
former souhaités par l’usager.

Le deuxième exemple est aussi une étagère, Squaring,


créée par le designer coréen Lee Sehoon. Il s’agit
d’un meuble composé de 9 unités carrées (boites)
qui s’articulent entre elles et s’élargissent par rapport
à la grille initiale, en générant une variété de formes
dynamiques qui augmentent la capacité de stockage.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 74


4

Lumière comme matériau de création du parcours

Pour moi, la lumière est un sujet majeur dans


l’architecture. Elle change complètement l’aspect des
espaces architecturaux et la perception de ceux qui les
habitent, les utilisent et les parcourent. Comme disait
l’architecte espagnol Alberto Campo Baeza : « Cuando,
por fin, un arquitecto descubre que la LUZ es el tema
central de la Arquitectura, entonces, empieza a entender
algo, empieza a ser un verdadero arquitecto10 ».

La lumière est un phénomène inévitable et, au même


temps, indispensable pour l’expérience architecturale.
Heureusement, il s’agit d’une variable que nous pouvons
mesurer et quantifier. Pourtant, quand le concepteur
prend conscience du potentiel de la lumière et de
sa matérialité, il devient capable de la travailler et la
contrôler comme s’il s’agissait d’un autre matériau de
construction.

10
« Quand un architecte Évidemment, l’architecte travaille autant avec de la
découvre, enfin, que lumière naturelle qu’avec de la lumière artificielle ; et
la LUMIÈRE est le sujet les deux doivent bien être présentes dans son esprit
central de l’Architecture,
au moment de la conception. Par rapport au parcours
il commence alors à
architectural, il devient intéressant d’utiliser la lumière
comprendre quelque chose,
il commence à être un vrai pour changer la perception de l’espace ou bien pour
architecte. » créer des limites ou des barrières visuelles et physiques.

75 Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira


4
Pour cela, il faut d’abord réfléchir à comment elle influe
dans la façon de parcourir les espaces. Il ne faut pas
que le concepteur oublie les facteurs psychologiques et
culturaux de la lumière qui influent dans la perception de
cela par les usagers. Une lumière ou une autre peuvent
nous transmettre sensation de froid ou de chaleur, sans
changement de température. Elles peuvent aussi nous
donner envie de rester plus longtemps dans une salle
ou, par contre, inciter au mouvement, à nous déplacer.
À savoir aussi, que le traitement de la lumière est aussi
très lié à l’usage des espaces architecturaux : la lumière
ne sera pas gérée de la même manière dans un foyer,
une chambre ou dans un auditorium.

D’autre part, ce qui m’intéresse aussi est le traitement


de la lumière comme délimitation de l’espace. Les
exemples que nous trouvons sont des systèmes de jets
ou lames de lumière perpendiculaires au sol qui guident
et délimitent l’espace et aussi souvent des éléments
lumineux en combinaison avec des cloisons matérielles
pour accentuer des aspects spatiaux et créer de limites
pas forcement matérielles qui nous permettent de
modifier l’espace plus tard de manière simple.

J’ai choisi trois exemples dans lesquels le traitement


de la lumière, par rapport à l’espace et au parcours,
me semble intéressant. D’abord et pour illustrer le
changement de perception d’un espace, j’ai choisi une
œuvre de l’artiste espagnol Pablo Valbuena. Il s’agit
de Para-site [6 columns], une installation mise en place
dans le LABoral Centro de Arte y Creación Industrial à
Gijón (Asturies, Espagne). Il travaille sur six colonnes
circulaires d’une salle du centre en projetant sur elles
différentes géométries lumineuses. Ce qui fait que
l’espace est perçu de façon différente à chaque fois que
les motifs changent.

Mastère CTC - ENSCI - Alejandra Pumar Silveira 76


4

Le deuxième est le projet Hooked Up réalisé par Dean


Skira en collaboration avec l’entreprise iGuzzini pour le
Salone del Mobile à Milan (2013). L’intention du designer
avec cette installation était de créer un effet linéaire
spécial une fois que l’usager se trouve à l’intérieur de
cette structure.

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4

Le troisième est un projet de l’architecte espagnol


Alberto Campo Baeza, le concours pour l’aéroport de
Milan en 2009. L’espace qui apparait dans la photo est
l’intérieur d’un cube perforé qui laisse entrer un bain de
lumière changeante. L’intention de l’architecte était de
montrer ce qu’il appelle l’espace le « plus lumineux ».

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4

Fig.44

Le son, peut-il créer le parcours architectural ?

Comme nous l’avons déjà évoqué, le son est


fondamental et inséparable de la réalité architecturale.
Les architectes arrivent aujourd’hui à maitriser très
précisément l’acoustique des espaces architecturaux,
mais cette maîtrise est presque toujours centrée dans le
rapport musique-architecture. Nous oublions que dans
tous les espaces il y a du son, et que la qualité et le
confort sonores dans ces espaces sont très importants.

Un de problèmes fondamentaux de cette prise de


conscience, c’est le manque d’outils et de systèmes de
représentation de l’ambiance sonore, qui pourraient nous
servir de support dans la conception et l’élaboration d’un
projet architectural. Néanmoins, il existe des recherches
sur le sujet, entre autre l’article que j’ai selectionné de
l’architecte Amélie Renevier ; [Sono] graphie, comment
transcrire une matière impalpable ? Cette publication
reflète son travail de recherche, qui a comme objectif de
Fig.44 : render du hall du créer de nouveaux outils d’analyse et de représentation
projet de l’aéroport de Milan. de l’espace sonore (Sonographie et Carte de sons et de
Alberto Campo Baeza. délimitations phoniques).

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4

Fig.45

Concernant le parcours, l’enjeu, en tant que concepteurs,


est de savoir comment utiliser le son. Le son peut
surement guider le parcours mais aussi l’enrichir. Par
ailleurs, nous pouvons imaginer que, au fil du temps,
les sons pensés par les architectes pourraient être
modifiés afin de changer l’usage des espaces et aussi
de modifier le parcours original. Il est donc nécessaire,
pour moi, d’intégrer le design sonore dans la conception
architecturale.

Évidemment, il existe des nombreux systèmes et


moyens de délimiter l’espace et de créer le parcours,
mais l’objet de cette étude n’est pas de les énumérer
tous. Cependant, il me semble important de mentionner
aussi l’intégration des nouvelles technologies dans
ce type d’agencements, ce qui nous ouvre un champ
de possibilités très large. Les cloisons lumineuses, les
sons intégrés dans les cloisonnements , les projections,
les vidéo-projections, les matériaux intelligents, les
détecteurs de mouvements, les parois interactives,
etc., sont des exemples d’intégration des nouvelles
technologies dans la création architecturale, qui Fig.45 : Eemple d’une
nous permettent aussi d’enrichir notre démarche de sonographie, extraite de
conception du parcours et de l’espace. l’article d’Amélie Renevier.

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4

Fig.46

Fig.46 : sable cinétique.


Exposition XYZT, Les
paysages abstraits au Palais
de la Decouverte. Adrien
Mondot et Claire Bardainne.

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5. CONCLUSION

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5
Comme je le disais au début de cette étude, je me
suis toujours intéressée au sujet du parcours dans les
différents projets auxquels j’ai participé. Ce qui m’a
toujours plus passionné est le concept de l’expérience
de l’usager dans le bâtiment. Nous vivons (utilisons)
une architecture quand nous la parcourons, quand nous
passons d’un espace à l’autre, quand nous nous arrêtons,
quand nous nous dirigeons vers quelque chose qui attire
notre attention, etc. Multiples variables participent à
cette expérience architecturale : la sensation thermique,
les sons, les couleurs, l’échelle, les proportions, les
odeurs,… Variables qui influent dans la perception que
nous avons de l’espace et dans le souvenir que nous
garderons de ce bâtiment.

Dans cette étude, j’ai abordé deux sujets principaux.


Dans un premier temps, les outils et les langages que
les concepteurs ont à disposition pour représenter le
parcours dans la phase de conception architecturale, et,
deuxièmement, les systèmes de création du parcours
qui nous permettraient d’intégrer des variables de
perception et d’envisager des espaces mutables, en
évolution.

Concernant le sujet de la représentation, il existe un


grand nombre d’outils et de langages qui rendent
possible la narration du parcours. Quelques-uns sont
utilisés depuis longtemps dans la pratique architecturale,
comme les croquis ou les perspectives dessinées à la
main ; d’autres sont d’actualité, comme la simulation 3D
et la réalité virtuelle. La plupart de ces outils génèrent
des représentations qui priorisent la perception visuelle
de l’architecture. Une des finalités de cette étude,
est de réfléchir sur l’intégration d’autres variables de
perception (son, odeur, toucher, ambiance…) dans la
représentation du parcours architectural.

Il est essentiel de réaliser que ces instruments ont une


double fonction dans l’ensemble du projet architectural.

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5
D’un côté, ils servent d’outils de conception pour les
architectes et les concepteurs, en leur permettant
d’exprimer l’image mentale qu’ils ont des futurs espaces
et, aussi, de travailler en dessinant plusieurs possibilités
de projet. Pour cela, il me semble important de choisir
des outils flexibles, qui permettent l’intégration
d’autres variables sensorielles, en plus du visuel, et qui
permettent, aussi, à l’architecte de se mettre dans la «
peau » des futurs utilisateurs.

D’un autre côté, ces outils servent à créer des


représentations qui vont permettre de communiquer le
projet auprès du client ou des potentiels usagers. Pour
cela, il est essentiel que ces représentations du parcours
soient compréhensibles par le grand public, qu’elles
soient représentées du point de vue de l’usager et,
enfin, qu’elles transmettent l’ambiance souhaitée par
l’architecte, en intégrant toutes les variables sensorielles
qui définissent son projet. Que verra-t-on une fois dans
le bâtiment ? Que entendra-t-on? En résumé, que
ressentira-t-on dans ces futurs espaces ?

L’idée est de concevoir les espaces architecturaux en


pensant au parcours de l’usager dans ces futurs espaces,
à sa perception et son empreinte dans l’architecture.
L’objectif du deuxième sujet de l’étude est de mener
une réflexion sur les moyens que nous avons pour créer
ce parcours architectural. D’un côté, il s’agit d’identifier
des systèmes qui permettent la création de séquences
spatiales évolutives qui puissent s’adapter à la mutabilité
des espaces ; par exemple, des éléments mobiles,
démontables, déconnectables, réglables ou modifiables
par l’usager. D’un autre côté, la réflexion porte aussi sur
l’intégration des variables sensorielles dans le parcours
architectural et sur la dématérialisation de l’espace. Par
exemple, en envisageant des dispositifs sonores, tactiles
ou lumineux, qui délimitent d’une façon plus abstraite
notre parcours dans le bâtiment. L’expérience de
l’usager n’est que visuelle, il touche, il marche, il écoute
et il sent. Sa présence et son expérience architecturale
sont, sans doute, multisensorielles.

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Cette étude m’a amené, progressivement, à m’intéresser
à l’empreinte qui laisse l’usager quand il parcourt
les espaces architecturaux. Une trace qui peut être
permanente ou éphémère, et qui parfois laisse deviner
ce qui a eu lieu dans un espace. Il peut s’agir, par
exemple, du passage d’une personne ou de plusieurs
que l’on reconnaît par une odeur, par un son ou un par
un changement dans l’aspect de la matière, la trace
d’une main sur une surface en velours.

Le projet qui donnera suite à cette étude s’encadre


donc dans cette logique de parcours multisensoriel
et évolutif. En partant de l’haptique, mon but sera de
réfléchir sur l’empreinte qui pourrait laisser l’usager
d’une architecture à travers son mouvement et son
interaction avec une surface architecturale.

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une matière impalpable ?

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