COMPÉTENCE
COMPÉTENCE
COMPÉTENCE
Exceptions de procédure:
l’incompétence
23 MARS 2019 / AURÉLIEN BAMDÉ / 2 COMMENTAIRES
Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis, soit avant toute défense au
fond, sont ce que l’on appelle les exceptions de procédure.
L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend
soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »
Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement
de la défense au fond et des fins de non-recevoir.
I) Généralités
A) Exception de procédure, défense au fond et fin de non-recevoir
L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une
contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur
la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.
Cette disposition précise qu’il en est ainsi alors même que les règles invoquées au
soutien de l’exception seraient d’ordre public (V. en ce sens Cass. soc., 5 janv. 1995,
n° 92-19823).
Il s’infère de l’article 74 du CPC que les exceptions de procédure ne peuvent donc pas
être soulevées n’importe quand. Plusieurs règles doivent être observées par les parties.
Cette règle a été posée afin d’éviter qu’un plaideur ne se livre à des manœuvres
dilatoires, en étirant dans le temps, pour faire durer la procédure, l’invocation des
exceptions de procédure.
D’une part, la motiver, soit exposer les raisons en fait et en droit qui fonde
l’incompétence excipée
D’autre part, désigner la juridiction compétence, faute de quoi l’incompétence
soulevée est irrecevable
C) L’invocation de l’exception d’incompétence
Le Code de procédure civile distingue selon que l’incompétence de la juridiction est
soulevée par une partie ou par le juge.
L’incompétence matérielle
Principe
L’article 76 du CPC prévoit que l’incompétence peut être
prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence
d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le
défendeur ne comparaît pas.
Cette disposition précise que l’incompétence matérielle ne peut
l’être qu’en ces cas.
Le pouvoir du juge de soulever d’office son incompétence
matérielle reste une faculté, de sorte qu’il ne le fera que si les intérêts de
l’une des parties sont menacés.
En cas d’inaction du juge ou des parties, la compétence de la
juridiction saisie pourra donc être prorogée
Tempérament
L’alinéa 2 de l’article 76 du CPC ajoute que devant la cour d’appel
et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée
d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction
répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la
juridiction française.
L’incompétence territoriale
Principe
Il ressort de l’article 76 du CPC que l’incompétence territoriale ne
peut jamais être soulevée en matière contentieuse.
En matière gracieuse, en revanche, l’article 77 prévoit que le juge
peut relever d’office son incompétence territoriale
Là encore, il ne s’agit que d’une simple faculté, de sorte que la
compétence territoriale de la juridiction saisie peut être prorogée en cas
d’inaction du juge ou des parties.
Exception
Le juge ne peut relever d’office son incompétence territoriale en
matière contentieuse que dans les litiges relatifs à l’état des personnes,
dans les cas où la loi attribue compétence exclusive à une autre
juridiction ou si le défendeur ne comparaît pas.
==> Cas particulier de l’exception de compétence au sein du Tribunal judiciaire
Ainsi, le juge peut se contenter, dans le dispositif de son jugement, d’inviter les parties
à saisir la juridiction compétente, sans pour autant la désigner. Il les invitera donc à
« mieux se pourvoir ».
==> Désignation de la juridiction compétente
Lorsque le litige relève de la compétence d’une juridiction autre que des juridictions
répressives, administratives arbitrales ou étrangères, le juge qui se déclare incompétent
a l’obligation, conformément à l’article 81 du CPC, de désigner la juridiction qu’il
estime compétente.
Tel sera le cas lorsque le litige relèvera de la compétence des juridictions civiles ou
commerciales.
Précision qui n’est pas sans importance, l’alinéa 2 in fine de l’article 81 du CPC
prévoit que la désignation par le juge de la juridiction compétente « s’impose aux
parties et au juge de renvoi ».
Cela signifie que, quand bien même le juge de renvoi s’estimerait incompétent, il n’a
d’autre choix que de statuer le litige qui lui est soumis en suite d’une déclaration
d’incompétence.
==> Modalités du renvoi
L’article 82 du CPC prévoit que, en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le
dossier de l’affaire lui est transmis par le greffe, avec une copie de la décision de
renvoi, à défaut d’appel dans le délai.
Dans un arrêt du 6 juillet 2000, la Cour de cassation a précisé que, en cas de carence
du greffe, les dispositions de l’article 82 du CPC « ne dispensent pas les parties
d’accomplir, s’il y a lieu, les diligences propres à éviter la péremption de l’instance »
(Cass. 2e civ. 6 juill. 2000, n°98-17893)
Lorsque le greffe accomplit sa tâche, dès réception du dossier, les parties sont invitées
par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l’instance et, s’il y
a lieu, à constituer avocat dans le délai d’un mois à compter de cet avis.
Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter,
l’affaire est d’office radiée si aucune d’elles n’a constitué avocat dans le mois de
l’invitation qui leur a été faite en application de l’alinéa précédent.
Par exception, la décision rendue par le juge des référés ne sera jamais revêtue de cette
autorité de la chose jugée. Et pour cause, celui-ci ne statue jamais au principal. Sa
décision est toujours rendue au provisoire.
Première phase
Il statue sur sa compétence et corrélativement sursoit à statuer sur le fond
En application de l’article 80 du CPC, dans cette hypothèse l’instance est
alors suspendue jusqu’à l’expiration du délai pour former appel et, en cas
d’appel, jusqu’à ce que la cour d’appel ait rendu sa décision.
L’incident de compétence sera ainsi définitivement réglé avant que le
juge ne se prononce sur le fond
Seconde phase
Le juge statue sur le fond du litige, étant précisé que toutes les voies de
recours seront épuisées contre la décision qui a préalablement tranché la
question de la compétence
L’appel de cette décision ne pourra donc porter que sur le fond et non
plus sur la compétence.
==> Le juge statue sur le tout dans un même jugement
L’article 78 du CPC prévoit que le juge peut, dans un même jugement, mais par des
dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, après
avoir, le cas échéant, mis préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.
Le juge est sûr de son fait, de sorte qu’il n’est pas nécessaire qu’il dissocie la
compétence du fond.
Reste que l’article 78 du CPC lui impose de trancher par dispositions distinctes dans
son dispositif.
Par ailleurs, il doit avoir préalablement et expressément invité les parties à conclure
sur le fond, étant précisé que cette obligation pèse sur toutes les juridictions, y compris
les Cours d’appel.
Ces deux recours étaient tous deux portés devant la cour d’appel, et leur existence
interdisait le pourvoi en cassation contre la décision des premiers juges même rendue
en premier et dernier ressort mais ils n’étaient pas utilisables indifféremment.
Cette dualité des voies de recours a été supprimée par le décret n°2017-891 du 6 mai
2017 à la faveur de l’appel qui est désormais la seule voie de recours pour contester
une décision qui tranche une question de compétence.
Reste que le Code distingue désormais deux procédures d’appel, selon que le jugement
contesté statue exclusivement sur la compétence ou selon qu’elle statue sur la
compétence et sur le fond du litige
==> Délai d’appel
L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à
compter de la notification du jugement.
En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties
par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec
représentation obligatoire.
==> Déclaration d’appel
L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès
du greffe de la Cour d’appel
Lorsque le renvoi est fait à la juridiction qui avait été initialement saisie, l’instance se
poursuit à la diligence du juge.
==> Notification
Le greffier de la cour notifie aussitôt l’arrêt aux parties par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception.
==> Voies de recours
Si l’arrêt rendu par la Cour d’appel n’est pas susceptible d’opposition, il peut faire
l’objet d’un pourvoi en cassation.
==> Évocation au fond
Principe
L’article 88 du CPC autorise la Cour d’appel à évoquer le fond
Autrement dit, il lui est permis de se prononcer au-delà de la compétence
de la juridiction saisie en première instance, ce qui revient à priver les
parties d’un double degré de juridiction
C’est la raison pour laquelle cette faculté est subordonnée à la
satisfaction de conditions
Conditions
Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que la Cour
d’appel soit autorisée à évoquer l’affaire qui lui est déférée au fond :
D’une part, elle doit être la juridiction d’appel relativement à la
juridiction qu’elle estime compétente
La Cour d’appel doit ainsi posséder une plénitude de
juridiction
La juridiction qu’elle considère comme compétence doit, en
particulier, se situer dans son ressort
D’autre part, l’évocation de l’affaire au fond est permise si la
Cour d’appel estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution
définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure
d’instruction.
Cette condition, purement subjective, est laissée à
l’appréciation souveraine de la Cour d’appel
Procédure
L’article 89 du CPC pose que quand elle décide d’évoquer, la cour invite
les parties, le cas échéant par lettre recommandée avec demande d’avis de
réception, à constituer avocat dans le délai qu’elle fixe, si les règles
applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le
jugement frappé d’appel imposent cette constitution.
Si aucune des parties ne constitue avocat, la cour peut prononcer d’office
la radiation de l’affaire par décision motivée non susceptible de recours.
Copie de cette décision est portée à la connaissance de chacune des
parties par lettre simple adressée à leur domicile ou à leur résidence.
2. L’appel du jugement statuant sur la compétence et le fond du litige
L’appel du jugement statuant sur la compétence et le fond du litige est régi par les
articles 90 et 91 du CPC.
Les pouvoirs de la Cour d’appel sont, en effet, différents selon que l’on se trouve dans
l’une ou l’autre situation.
En tout état de cause, le délai pour interjeter appel de la décision de première instance
est d’un mois à compter de la notification de la décision.
Les modalités d’application de ce principe diffèrent toutefois selon que l’arrêt rendu
confirme ou infirme la décision rendue en première instance du chef de la compétence