Blanchiment de capitaux et professions juridiques: Droit belge
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À propos de ce livre électronique
La loi leur imposant des obligations sans cesse plus importantes de collaboration à la lutte contre le blanchiment, les professions juridiques, tels les avocats et notaires, sont spécialement touchées par la problématique.
La première partie de cet ouvrage traite de la question de l’appréhension de la fraude fiscale par la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Les auteurs y abordent les thèmes suivants : risques pour l’avocat et soumission au dispositif préventif ; obligations d’identification, de vigilance et de déclaration de soupçon des avocats ; répression du blanchiment ; saisies et confiscation.
La deuxième partie se penche sur la question de l’utilisation des opérations immobilières pour la poursuite de telles activités délictueuses. Les auteurs y traitent les sujets suivants : obligations légales et déontologiques ; règlement professionnel ; secret professionnel ; sanctions ; rôle de la CTIF ; critères d’incrimination du fait pénal de blanchiment.
Un ouvrage qui intéressera tous les acteurs concernés du secteur juridique, qu'ils soient notaires, avocats, fiscalistes, ainsi que les praticiens de droit pénal.
Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels.
À PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS
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Aperçu du livre
Blanchiment de capitaux et professions juridiques - Matthieu Van Molle (dir.)
Belgique
Éloge d’Hélène Casman
Madame la professeure, Chère Hélène,
Anversoise francophile et bercée dans un foyer d’intellectuels scientifiques, vous auriez dû être médecin, comme vos parents et vos grands-parents, et en particulier votre grand-mère maternelle, surnommée ‘Ava’, qui fut parmi les premières femmes diplômées de la faculté de médecine de notre université en 1914. Par bonheur pour nous, vous trouviez ces études trop longues et vous les avez laissées à votre frère, Paul, et votre sœur, Odette. C’est notamment par admiration pour votre oncle, Jean Dassesse, avocat à la Cour de cassation, que votre choix s’est porté sur les études de droit.
Il faut dire que vous étiez précoce : lauréate du jury central gréco-latines à 16 ans, titulaire d’une candidature en philosophie et lettres préparatoire au droit de l’ULB et d’un doctorat en droit de la VUB à 21 ans, avec grande distinction, et lauréate du prix René Marcq.
Après une année de recherche à la Gemeentelijke Universiteit d’Amsterdam, au service du professeur Pitlo, vous entamez, en 1971, votre carrière scientifique au tout jeune Centre de droit civil de la VUB, dirigé par le professeur Gustaaf Baeteman. C’est alors que débute votre passion pour les régimes matrimoniaux, dont l’étude commence par un examen de jurisprudence et aboutit, en apothéose, à la défense publique, à la veille de vos 28 ans et devant un parterre de personnalités, dont le Ministre Herman De Croo, de votre thèse d’agrégation à l’enseignement supérieur consacrée à la notion d’avantage matrimonial.
Le sujet de vos travaux de recherche vous conduit tout naturellement à côtoyer une profession qui vous séduira et que vous marquerez, en retour, de votre empreinte : le notariat.
Dès 1977, vous enseignez à la VUB les cours de « Droit civil comparé », à la suite du professeur René Dekkers, de « Connaissance approfondie du droit civil en relation avec le notariat (en ce compris la rédaction d’actes, partim) », consacré au droit familial, à la suite du professeur Gommaar Van Oosterwyck, et de « Connaissance approfondie du droit administratif en relation avec le notariat ». À compter de 1988, vous serez titulaire des cours de « Droit des biens », puis de « Droit notarial du patrimoine », « Étude approfondie du droit patrimonial », « Liquidation et partage » et « Résolution alternative des conflits ».
Licenciée en notariat en 1979, vous vous lancez alors dans votre deuxième carrière par l’entame du stage professionnel auprès de Charles Sluyts, notaire à Anvers, au numéro 2 de la Louizastraat, auquel vous succédez en janvier 1983. Vous direz de cette expérience professionnelle qui durera 17 années qu’elle vous a beaucoup apporté sur le plan de l’accomplissement personnel et humain.
Vous avez été présidente de la chambre des notaires d’Anvers et de la conférence des notaires du même arrondissement, et vous avez également enseigné le droit des biens à l’université d’Anvers de 1989 à 1998.
En 1993, vous êtes nommée à l’ULB pour le cours d’« Organisation du notariat et déontologie de la profession » ; vous exprimez alors la fierté d’être professeur aux universités de Bruxelles, ce qui est, il est vrai, exceptionnel dans notre paysage institutionnel actuel.
Votre démission en qualité de notaire est concomitante à votre nomination comme professeur à temps plein à la VUB, où vous assumez dorénavant l’enseignement du droit de la famille et du droit patrimonial de la famille. Vous vous investissez alors dans les institutions de cette université où vous serez successivement doyenne de la faculté de droit pendant 6 années et vice-rectrice aux affaires étudiantes pendant 4 années. Durant cette même période, vous complétez votre expérience de la pratique du droit, sous toutes ses facettes, comme conseiller suppléant auprès de la Cour d’appel de Bruxelles, fonction que vous exercerez pendant 10 ans.
Votre accession à l’éméritat vous voit relever un nouveau défi : après avoir étudié, pratiqué et enseigné le droit, vous devenez artisan de sa création en qualité d’experte auprès du cabinet de la Ministre de la Justice Annemie Turtelboom, pour la réforme du droit des successions actuellement en discussion au Sénat.
À côté de ces multiples carrières complètes et exemplaires, votre plus belle réussite est sans nul doute votre fils, Gertjan, et vos petits-enfants, Gayaneh et Sevan, auxquels vous donnez beaucoup d’amour et qui vous en rendent tout autant.
Ittre, le 20 octobre 2013.
Matthieu Van Molle
1re PARTIE
Blanchiment de capitaux,
avocats et infractions fiscales
Le volet répressif du blanchiment
de capitaux
Arnaud LECOCQ
Avocat au barreau de Bruxelles
Maître de conférences à l’ULB
Chargé d’enseignement dans le Master en Gestion fiscale de la Solvay Brussels School
(SBS-EM)
Doctorant à l’UCL (CRIDES, CRID & P)
Introduction
« Mesdames, Messieurs, le projet que j’ai l’honneur de vous soumettre a pour objectif d’améliorer les moyens dont dispose notre système répressif pour faire face à certaines formes de criminalité récurrentes dont on ne peut plus aujourd’hui minimiser l’importance ni la gravité pour notre société : toutes les formes de criminalité, organisée ou non, qui ont pour objectif la réalisation d’un profit ».
Tel fut le propos introductif de l’exposé des motifs de la première loi répressive anti-blanchiment belge.
Comme le précisait le Ministre Wathelet lors de sa présentation du projet de loi aux députés de la Commission de la Justice de la Chambre, « le droit belge ne contient aucune disposition érigeant en infraction les opérations ayant pour but de reconvertir et de gérer ces profits illicites (infraction communément appelée blanchiment
) ».
Or, à cette époque, différents instruments internationaux imposaient à la Belgique d’adapter sa législation afin d’incriminer le blanchiment de capitaux. Parmi ces conventions, signalons l’article 3 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes adopté à Vienne le 20 décembre 1988¹ ou encore l’article 6 de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime².
Notons aussi que la fin du XXe siècle correspond à la création, à l’occasion du XVe Sommet du G7 à Paris mi-juillet 1989, du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). Ses 40 premières Recommandations furent publiées un an après sa création et contenaient, dès le départ, une demande d’incrimination des comportements visés par le blanchiment de capitaux.
Le cabinet du ministre de la Justice fut confronté à la question de savoir comment, concrètement, introduire cette nouvelle infraction dans le droit pénal belge.
L’article 505 du Code pénal contient l’infraction de recel depuis 1867 et incrimine « Ceux qui auront recelé, en tout ou en partie, les choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit […] », infraction instantanée comme précisé par la Cour de cassation dans un arrêt du 2 août 1880³, en d’autres termes, une infraction « complètement réalisée par l’accomplissement ou l’omission de l’acte défendu ou prescrit ».
Le législateur a décidé d’adapter cet article, qui incrimine un comportement fort proche de celui de « l’acte de blanchir », afin d’y inclure un nouveau délit : « le recel élargi » ou « blanchiment de capitaux ». En effet, tout comme le recel, l’acte de blanchiment requiert un avantage patrimonial retiré d’une infraction primaire. Cela fut scellé par la loi du 17 juillet 1990 modifiant les articles 42, 43, et 505 du Code pénal et insérant un article 43bis dans ce même Code⁴. L’infraction de blanchiment n’existe donc pas dans le Code pénal, en tout cas pas sous ce libellé⁵. Les travaux parlementaires du projet de loi visant à créer cette infraction en 1990 précisent qu’en « ce qui concerne le terme « blanchiment », proposé par le Conseil d’État, [celui-ci] n’a pas été repris dans le texte même du projet de loi parce que l’intention de blanchir les choses provenant de l’infraction n’a pas été retenue comme élément constitutif de l’infraction ». En conséquence, le législateur a créé un délit autonome⁶ dit de « recel élargi », qui se distingue du « recel simple », et qui permet, en conséquence, pour une même personne d’être condamnée tant pour recel simple que pour recel élargi⁷. Cet article fut adapté à différentes reprises et plus particulièrement en 1995⁸, en 2007⁹ et enfin en 2013¹⁰. L’objectif de ces différentes modifications fut de mieux appréhender les phénomènes délictueux constatés par la pratique, que ce soit par la cellule belge de renseignement financière (CTIF) ou par les autorités judiciaires. C’est dans ce contexte, par exemple, que la fraude fiscale fut prise en compte d’une manière générique dans les volets répressifs et préventifs.
Dès le départ, une attention particulière fut portée sur les techniques de blanchiment. Usuellement, trois techniques sont mises en avant : l’injection – tous les moyens par lesquels les fonds issus d’activités illicites sont injectés pour la première fois dans le système financier, la plupart du temps sous forme d’espèces¹¹ –, l’empilage – succession d’opérations financières ayant pour objectif de faire disparaître au plus vite la trace entre les actifs injectés et leur origine criminelle¹² –, l’intégration – tous les moyens permettant d’investir dans l’économie réelle les fonds d’origine illicite préalablement injectés et empilés¹³.
L’infraction de blanchiment est un « délit » tenant compte des peines correctionnelles infligées¹⁴. En outre, dans tous les cas, ce délit peut être commis tant par une personne physique que par une personne morale, et ce, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales¹⁵. Un cumul de responsabilités, en présence d’une infraction intentionnelle, est possible (article 5, alinéa 2 du Code pénal).
Enfin, l’infraction de blanchiment se réfère systématiquement aux « choses visées à l’article 42, 3o » du Code pénal, soit les « avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction, aux biens et valeurs qui leur ont été substitués et aux revenus de ces avantages investis »¹⁶ (ci-après, les « profits tirés de l’infraction ») : « de opbrengsten van illegale activiteiten, waarvan hij uiteraard kennis had, omzette, dit is witwassen »¹⁷. En cela, l’application du délit de blanchiment est fort large et englobe la totalité des infractions pénales, en ce comprises les infractions de fraude fiscale¹⁸. Le juge apprécie souverainement « en fait qu’un avantage patrimonial […] a été tiré directement d’une infraction et il lui appartient d’évaluer cet avantage » mais la Cour de Cassation « vérifie toutefois si, sur la base de son appréciation souveraine, le juge n’a pas méconnu la notion légale d’avantage patrimonial »¹⁹.
N’oublions enfin pas qu’une condamnation du chef de blanchiment ne requiert pas²⁰ que l’infraction primaire ait été poursuivie ou ait abouti à une condamnation. De même, la prescription de cette infraction primaire ne fait pas obstacle à la poursuite ou à la condamnation pour l’infraction de blanchiment²¹. Ceci fut réaffirmé par la Cour de cassation en 2013 :
« le caractère punissable des infractions de blanchiment visées à l’article 505, alinéa 1er, 2o et 4o, du Code pénal, ne requiert pas que les choses visées à l’article 42, 3o, du Code pénal soient tirées d’une infraction de base du chef de laquelle l’action publique n’est pas encore prescrite. L’arrêt décide qu’en admettant qu’il s’agisse d’une aliénation illégale et punissable de biens, ces faits sont très certainement prescrits. Par ce motif, il déclare irrecevable la plainte du demandeur avec constitution de partie civile. Ainsi, l’arrêt viole l’article 505, alinéa 1er, 2o et 4o, du Code pénal »²².
Enfin, dans un contexte international, le délit de blanchiment ne pourra être établi en Belgique que si l’acte de base constitue une infraction là où il est commis, et ce, même si cet acte est incriminé en Belgique²³.
L’objectif de la présente contribution est d’exposer brièvement le champ d’application et les éléments constitutifs du délit de blanchiment de capitaux²⁴. Nous n’aborderons ni le volet préventif contenu dans la loi du 11 janvier 1993, ni les questions liées aux saisies et aux confiscations.
Section 1
Premier délit de blanchiment
Sous-section 1
Élément matériel de l’infraction
« Seront punis […] ceux qui auront acheté, reçu en échange ou à titre gratuit, possédé, gardé ou géré des choses visées à l’article 42, 3o, alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître l’origine de ces choses au début de ces opérations ».
Ce paragraphe nous permet aisément de déceler les comportements délictueux visés par le premier délit de blanchiment. Il s’agit du fait d’avoir gardé, acheté, échangé, possédé ou géré le produit d’infractions primaires alors que l’on connaissait ou devait connaître dès le départ que ces profits étaient d’origine illicite.
La Cour de cassation précise en 2007 que « l’infraction prévue à l’article 505, alinéa 1er, 2o, du Code pénal concerne les formes de blanchiment par toute prise de possession par d’autres personnes que l’auteur, le coauteur ou le complice de l’infraction d’où proviennent les choses visées à l’article 42, 3o, du Code pénal, à savoir des avantages délictueux ou la somme d’argent équivalente visée à l’article 43bis, alinéa 2, du Code pénal »²⁵.
De même, dans un arrêt du 21 mars 2006²⁶, la Cour s’exprime de la manière suivante :
« Les infractions de blanchiment prévues à l’article 505, alinéa 1er, 2o et 3o, du Code pénal requièrent que la provenance ou l’origine des choses visées à l’article 42, 3o, du même Code soit illicite. Sont illicites les avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction, les biens et valeurs qui leur ont été substitués ou les revenus de ces avantages investis. Elles requièrent en outre que l’auteur ait eu connaissance de la provenance ou de l’origine, éventuellement, dans le cas de l’article 505, alinéa 1er, 2o, qu’il ait dû en connaître l’origine. Pour la déclaration de culpabilité et la condamnation de l’auteur, il suffit que soient établies la provenance ou l’origine illicite et la connaissance requise que l’auteur en avait, sans qu’il soit nécessaire que le juge pénal connaisse l’infraction précise, à condition que, sur la base des données de fait, il puisse exclure toute provenance ou origine licite. Lorsque, comme en l’espèce, en ce qui concerne la provenance ou l’origine illicite des choses visées à l’article 505, alinéa 1er, 2o et 3o, du Code pénal, la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge apprécie souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont régulièrement soumis et que les parties ont pu librement contredire ».
En somme, le juge aura égard à l’ensemble des circonstances de fait qui lui seront présentées afin de se forger son intime conviction qu’aucune origine licite n’est possible dans le cas qui lui est soumis²⁷. De même, le juge ne devra qualifier l’infraction de base ni même en faire mention. Cette interprétation « satisfait aux conditions des articles 6.3.a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14.3.a du Pacte international relatif aux droits civils et politiques lorsque ladite infraction de blanchiment est qualifiée de manière précise, en énonçant notamment l’origine illicite de ces avantages patrimoniaux et la connaissance qu’en avait l’auteur »²⁸.
Sous-section 2
Exception pour fraude fiscale simple
« Sauf à l’égard de l’auteur, du coauteur ou du complice de l’infraction d’où proviennent les choses visées à l’article 42, 3o, les infractions visées à l’alinéa 1er, 2o, ont trait exclusivement, en matière fiscale, à des faits commis dans le cadre de fraude fiscale grave, organisée ou non.
Les organismes et les personnes visés aux articles 2, 2bis et 2ter de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, peuvent se prévaloir de l’alinéa précédent dans la mesure où, à l’égard des faits y visés, ils se sont conformés à l’obligation prévue à l’article 28 de la loi du 11 janvier 1993 qui règle les modalités de la communication d’informations à la Cellule de traitement des Informations financières ».
La loi du 10 mai 2007 portant diverses mesures en matière de recèlement et de saisie a inséré le paragraphe repris ci-dessus dans un nouvel alinéa de l’article 505 du Code pénal. La loi du 15 juillet 2013 portant des dispositions urgentes en matière de lutte contre la fraude a modifié le concept initialement utilisé de « fraude fiscale grave et organisée, qui met en œuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale » par la nouvelle qualification de l’infraction pénale fiscale dite de « fraude fiscale grave, organisée ou non » insérée dans les différents codes fiscaux par la loi du 17 juin 2013 portant des dispositions fiscales et financières et des dispositions relatives au développement durable.
Depuis la loi du 10 mai 2007, et malgré la modification de vocable, l’exception de « fraude fiscale simple » est présente en matière de blanchiment de capitaux. Suivant cette exception, les intermédiaires – tels que les banques ou les notaires – qui n’ont pas participé activement ou passivement (abstention coupable) à la commission de l’infraction primaire ne peuvent commettre ce premier délit de blanchiment. Cette exception ne s’applique donc pas à l’auteur, au coauteur ou au complice de l’infraction de base.
En conséquence, la distinction entre « fraude fiscale simple » et « fraude fiscale grave, organisée ou non » est essentielle. Le législateur n’avait pas défini clairement en 2007 l’ancienne notion. Il s’était contenté de l’illustrer²⁹ ou de mettre en place des indicateurs permettant de les détecter. En cela, l’ancienne notion de « fraude fiscale grave et organisée » était comprise de la manière suivante :
– Le caractère grave de la fraude porte principalement sur (i) la confection et/ ou l’usage de faux documents, (ii) le montant élevé de la transaction et le caractère anormal de ce montant eu égard aux activités ou à l’état de fortune du client.
– Le caractère organisé de la fraude fiscale est défini comme « l’utilisation d’un montage qui prévoit des transactions successives et/ou l’intervention d’un ou plusieurs intermédiaires, dans lequel sont utilisés soit des mécanismes complexes, soit des procédés à dimension internationale (même s’ils sont utilisés au niveau national). Les mécanismes complexes se traduisent par l’usage de mécanismes de simulation ou de dissimulation faisant appel notamment à des structures sociétaires ou des constructions juridiques ».
L’arrêté royal du 3 juin 2007 contient une liste de 13 indicateurs permettant de faciliter la détection d’une telle gravité et d’une organisation. Mais ce ne sont que des indicateurs.
Par la création d’une nouvelle infraction pénale fiscale, le législateur aurait dû définir clairement et précisément les éléments constitutifs de cette infraction nouvelle suivant le principe constitutionnel de légalité des peines et des incriminations. Cette définition aurait été utilisée tant dans la loi préventive du 11 janvier 1993 que pour appliquer l’exception pour « fraude fiscale simple » de l’article 505 du Code pénal. Hélas, le législateur s’est contenté de faire référence aux anciens critères de détection (indicateurs et « définition » de la gravité) pour caractériser la nouvelle infraction.
En 2008, nous avions déjà plaidé, avec l’avocat général Godbille³⁰, pour une modification de la notion de « fraude fiscale grave et organisée » en une nouvelle infraction fiscale, « l’escroquerie fiscale », empreinte au droit fiscal luxembourgeois (loi du 22 décembre 1993)³¹. L’avantage aurait été que cette nouvelle infraction pouvait être décrite et caractérisée d’une manière précise et objective. En effet, cette « fraude fiscale [très] grave » est présentée comme « une fraude qui porte sur un montant significatif d’impôt soit en montant absolu soit en rapport avec l’impôt annuel dû et a été commise par l’emploi systématique de manœuvres frauduleuses tendant à dissimuler des faits pertinents à l’autorité ou à lui persuader des faits inexacts »³².
Selon une jurisprudence rare, initiée par la Chambre correctionnelle du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 14 février 2002 dans l’affaire Braun³³, les éléments matériels de cette infraction sont (i) une fraude fiscale (équivalence avec nos articles 449, § 1 et 450 CIR/1992), (ii) qui porte sur un montant significatif, soit en montant absolu, soit en rapport avec l’impôt annuel dû, (iii) qui est commise par l’emploi systématique de manœuvres frauduleuses et (iv) qui a pour objectif de dissimuler des faits pertinents à l’autorité ou à la persuader de faits inexacts. Ces critères sont cumulatifs. L’élément moral de l’infraction requiert la présence d’un dol spécial, soit la conscience et la volonté de commettre cet acte et de tromper l’administration et d’éluder l’impôt³⁴.
Fort logiquement, en l’absence de critères précis et objectifs, différents recours furent introduits à l’encontre de ces lois (fiscale et blanchiment) auprès de la Cour constitutionnelle³⁵. Récemment, face à un même degré d’imprécision dans une loi similaire, le Conseil constitutionnel de France a annulé ces dispositions reposant sur des critères subjectifs dans une décision no 2013-685 du 29 décembre 2013 remarquablement étayée.
Selon le Conseil :
– il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34³⁶ ;
– l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi […] lui impose d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ;
– le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis.
Nous pensons que la Cour belge pourrait aboutir à la même logique.
Cette exception pour « fraude fiscale simple » ne s’applique pas aux faits de blanchiment qui relèvent également du second délit de blanchiment.
De même, le juge sera tenu de préciser, dans les cas où cette exception s’applique (premier et troisième délits de blanchiment en faveur des tiers à l’infraction de base) que l’infraction de base ne relève pas de la fraude fiscale simple :
« Après avoir ainsi exclu la provenance ou l’origine légale des fonds remis au demandeur, l’arrêt écarte l’hypothèse de la fraude fiscale simple dès lors qu’elle ne repose sur aucun élément de nature à lui conférer une quelconque vraisemblance […] ».
« Pour décider que l’infraction de base ne relève pas de la fraude fiscale simple, le juge n’est pas tenu de préciser les faits de fraude fiscale grave et organisée mettant en œuvre des mécanismes complexes ou usant de procédés à dimension internationale au sens de l’article 505, alinéa 3, à la condition que, sur la base des données de fait, il puisse exclure que les fonds proviennent d’une fraude fiscale simple »³⁷.
Enfin, notons que la référence à l’obligation de déclaration prévue à l’article 28³⁸ de la loi préventive du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme afin de pouvoir bénéficier de l’exception pour fraude fiscale simple ne doit pas être prise en compte. En effet, les déclarants devront respecter cette obligation en présence d’une « fraude fiscale grave, organisée ou non », jamais en présence d’une « fraude fiscale simple ». En conséquence, lorsqu’une déclaration a lieu, l’exception ne pourra jamais jouer. Il semblerait que le législateur ait simplement voulu réaffirmer le lien avec le volet préventif.
Sous-section 3
Responsables
« Les infractions visées à l’alinéa 1er, 2o existent même si leur auteur est également auteur, coauteur ou complice de l’infraction d’où proviennent les choses visées à l’article 42, 3o, lorsque cette infraction a été commise à l’étranger et ne peut pas être poursuivie en Belgique ».
L’auteur, le coauteur ou le complice de l’infraction primaire ne peut être poursuivi ou condamné du chef de la première infraction de blanchiment, à moins que cette infraction primaire ait été commise à l’étranger et qu’elle ne puisse pas être poursuivie en Belgique.
Ceci fut confirmé à maintes reprises par la Cour de cassation : « L’infraction prévue à l’article 505, alinéa 1er, 2o, du Code pénal concerne les modes de blanchiment par toute prise de possession par d’autres personnes que l’auteur, le coauteur ou le complice de l’infraction d’où proviennent les choses visées à l’article 42, 3o, du Code pénal. Elles ne peuvent être commises, de par leur nature, que par d’autres que les derniers nommés »³⁹.
Le tiers peut donc être poursuivi et condamné, sauf à appliquer l’exception de fraude fiscale simple.
Sous-section 4
Élément moral de l’infraction
« […] alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître l’origine de ces choses au début de ces opérations ».
Le délit de blanchiment étant une infraction autonome, il ne peut y avoir confusion entre l’élément moral de l’infraction primaire et l’infraction secondaire de blanchiment⁴⁰. En conséquence, la présence de cet élément moral devra être soumise à l’appréciation du juge.
En ce qui concerne le premier délit de blanchiment, l’élément moral est un dol général comme exprimé par le libellé de la loi « alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître l’origine de ces choses au début de ces opérations ».
Cet élément de connaissance de l’origine illicite des avantages patrimoniaux qu’il « aura acheté, reçu en échange ou à titre gratuit, possédé, gardé ou géré » doit être présent dès le début des opérations de blanchiment.
En d’autres termes, l’origine délictueuse et la connaissance de cette origine sont deux choses différentes et, comme le précise le Professeur D. Vandermeersch, « ces deux éléments doivent être examinés de façon autonome, même si les éléments de preuve peuvent être communs »⁴¹. Cela permet au possesseur de bonne foi de ne pas être poursuivi pour blanchiment s’il découvre ultérieurement l’origine illicite des objets et décide d’en faire part aux autorités judiciaires⁴².
Que doit-on penser de la dualité de terminologie « connaître ou devoir connaître » ? Est-ce la création d’un délit d’inattention (« j’aurais dû être plus attentif à l’origine des fonds ») ou d’une présomption de jure ?
Selon la Cour de cassation, on est bien face à un « délit » d’inattention⁴³ qui permet une facilitation de la preuve de l’élément moral lié à l’origine illicite qui « résulte[ra] de toutes les circonstances de fait qui doivent nécessairement éveiller la méfiance de celui qui prend possession des choses et qui constituent des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes pour conclure à l’existence de l’élément de connaissance »⁴⁴.
En d’autres termes, on pourra « dédui[re] que le demandeur savait ou devait savoir que les fonds, ayant fait l’objet d’actes de gestion en Belgique, étaient le produit d’activités susceptibles de constituer des infractions d’après la loi pénale belge »⁴⁵. Cette preuve devra être apportée par le ministère public sans engendrer un renversement de la charge de la preuve.
Sous-section 5
Tentative et sanctions (hors confiscation)
« Seront punis d’un emprisonnement de 15 jours à 5 ans et d’une amende de 26 euros [156 euros] à 100.000 euros [600.000 euros] ou d’une de ces peines seulement.
Les personnes punies en vertu des présentes dispositions pourront, de plus, être condamnées à l’interdiction, conformément à l’article 33 [qui précise que les cours et tribunaux pourront interdire, en tout ou en partie, aux condamnés correctionnels, l’exercice des droits⁴⁶ énumérés à l’article 31, alinéa 1er pour un terme de 5 ans à 10 ans].
La tentative sera punie d’un emprisonnement de 8 jours à 3 ans et d’une amende de 26 euros [156 euros] à 50.000 euros [300.000 euros] ou d’une de ces peines seulement ».
Notons dès le départ que, pour les personnes morales, les peines d’emprisonnement sont converties en vertu de l’article 41bis du Code pénal :
« une amende minimale de 500 euros multipliés par le nombre de mois correspondant au minimum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au minimum de l’amende prévue pour le fait ; le maximum s’élève à 2.000 euros multipliés par le nombre de mois correspondant au maximum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au double du maximum de l’amende prévue pour le fait ».
Dans le cas d’espèce, cela va correspondre à une amende de 500 euros à 200.000 euros (500 euros à 100.000 euros pour la tentative) à laquelle on appliquera les décimes additionnels (6).
En somme, quatre sanctions peuvent être appliquées :
– peine d’emprisonnement (15 jours à 5 ans) ;
– peine d’amende principale (jusqu’à 600.000 euros, centimes additionnels inclus) ;
– peine de confiscation obligatoire ;
– interdiction de certains droits.
La tentative de blanchiment est expressément incriminée et sanctionnée par une peine d’emprisonnement et d’une amende, ou d’une de ces peines seulement.
Enfin, notons qu’une « transaction pénale »⁴⁷ ou extinction de l’action publique, moyennant le paiement d’une somme d’argent (en abrégé « EAPS ») prévue à l’article 216bis du Code d’instruction criminelle, adapté par les lois du 14 avril 2011 et du 11 juillet 2011, est applicable à ce délit.
Section 2
Second délit de blanchiment
Sous-section 1
Élément matériel de l’infraction
« Seront punis d’un emprisonnement de 15 jours à 5 ans et d’une amende de 26 euros à 100.000 euros ou d’une de ces peines seulement […] ceux qui auront converti ou transféré des choses visées à l’article 42, 3o, dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l’infraction d’où proviennent ces choses, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes. »
Tout comme pour le premier délit de blanchiment, ce second délit énumère les comportements illicites visés. Il s’agit de convertir ou transférer les produits d’une infraction primaire dans un but précis : (i) dissimuler leur origine, (ii) déguiser leur origine ou (iii) aider l’auteur à échapper aux conséquences juridiques de ses actes.
Comme le précise la Cour de cassation :
« Les opérations par lesquelles l’auteur, le coauteur ou le complice de l’infraction dont proviennent ces choses, effectue lui-même le blanchiment, sont par contre comprises parmi les infractions décrites à l’article 505, alinéa 1er, 3o et 4o, et alinéa 2, du Code pénal »⁴⁸.
Sous-section 2
Exception pour fraude fiscale simple
Il n’y a pas d’exception pour fraude fiscale simple appliquée au second délit de blanchiment.
Sous-section 3
Responsables
« Les infractions visées à l’alinéa 1er, 3o existent même si leur auteur est également auteur, coauteur ou complice de l’infraction d’où proviennent les choses visées à l’article 42, 3o ».
L’auteur de l’infraction primaire pourra être poursuivi et condamné tant pour cette infraction que pour le blanchiment consécutif.
Comme le précise la Cour de cassation, dans un arrêt du 4 avril 2006⁴⁹ :
« La condamnation d’un prévenu du chef du blanchiment prévu à l’article 505, alinéa 1er, 3o, du Code pénal n’implique pas nécessairement que ledit prévenu s’est lui-même rendu coupable, comme auteur, coauteur ou complice, de l’infraction dont les avantages patrimoniaux sont tirés directement ».
De même :
« L’article 505, alinéa 1er, 3o et 4o, et alinéa 2, du Code pénal punit par contre tout auteur, quel qu’il soit, des modes de blanchiment qu’il énonce. Il n’établit pas de distinction selon leurs auteurs ou selon la circonstance ensuite de laquelle ils possèdent la chose »⁵⁰.
En d’autres termes, tant l’auteur, que le coauteur, que le complice et le tiers pourront être poursuivis, suivant le cas d’espèce, pour l’infraction de base et l’infraction de blanchiment.
Sous-section 4
Élément moral de l’infraction
« […] dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l’infraction d’où proviennent ces choses, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ».
Le second délit de blanchiment nécessite la preuve d’un « but ». En d’autres termes, ce délit requiert la présence d’un dol spécial. Il s’agit bien de la preuve d’une intention caractérisée complémentaire, d’un leitmotive. Non seulement – comme pour les deux autres délits de blanchiment – il sera nécessaire de prouver que le prévenu connaissait l’origine des avantages patrimoniaux (preuve de l’illicéité connue) mais également qu’un but est attaché à sa démarche⁵¹. Ce but peut être de trois ordres et a trait à l’origine ou au délinquant primaire :
– dans le but de dissimuler l’origine illicite ;
– dans le but de déguiser l’origine illicite (travestir) ;
– dans le but d’aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l’infraction d’où proviennent ces choses, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes.
Nous avions déjà analysé en 2011⁵² le sens à donner aux termes « déguiser » et « dissimuler » présents tant au second (comme élément moral) qu’au troisième (comme élément matériel) délit de blanchiment. Suivant le langage courant, ces deux termes sont synonymes et peuvent se définir comme le fait de « modifier pour tromper, pour donner une fausse idée ».
En cela, si le prévenu peut prouver que ses actes ne sont pas de nature à atteindre à la transparence ou à la traçabilité⁵³ de l’origine des fonds litigieux, aucune condamnation ne sera envisageable par rapport au second délit de blanchiment (le but ne sera pas rempli). Il s’agit bien d’une analyse ex ante et pas ex post. Si les manœuvres n’ont pas permis de bien « dissimuler » l’origine, la condition liée à la présence de l’élément moral sera remplie.
Sous-section 5
Tentative et sanctions (hors confiscation)
« Seront punis d’un emprisonnement de 15 jours à 5 ans et d’une amende de 26 euros [156 euros] à 100.000 euros [600.000 euros] ou d’une de ces peines seulement.
Les personnes punies en vertu des présentes dispositions pourront, de plus, être condamnées à l’interdiction, conformément à l’article 33 [qui précise que les cours et tribunaux pourront interdire, en tout ou en partie, aux condamnés correctionnels, l’exercice des droits⁵⁴ énumérés à l’article 31, alinéa 1er pour un terme de 5 ans à 10 ans].
La tentative sera punie d’un emprisonnement de 8 jours à 3 ans et d’une amende de 26 euros [156 euros] à 50.000 euros [300.000 euros] ou d’une de ces peines seulement ».
Notons, dès le départ, que pour les personnes morales, les peines d’emprisonnement sont converties en vertu de l’article 41bis du Code pénal :
« une amende minimale de 500 euros multipliés par le nombre de mois correspondant au minimum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au minimum de l’amende prévue pour le fait ; le maximum s’élève à 2.000 euros multipliés par le nombre de mois correspondant au maximum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au double du maximum de l’amende prévue pour le fait ».
Dans le cas d’espèce, cela va correspondre à une amende de 500 euros à 200.000 euros (500 euros à 100.000 euros pour la tentative) à laquelle on appliquera les décimes additionnels (6).
En somme, quatre sanctions peuvent être appliquées :
– peine d’emprisonnement (15 jours à 5 ans) ;
– peine d’amende principale (jusqu’à 600.000 euros, centimes additionnels inclus) ;
– peine de confiscation obligatoire ;
– interdiction de certains droits.
La tentative de blanchiment est expressément incriminée et sanctionnée par une peine d’emprisonnement et d’une amende, ou d’une de ces peines seulement.
Enfin, notons qu’une « transaction pénale »⁵⁵ ou extinction de l’action publique, moyennant le paiement d’une somme d’argent (en abrégé « EAPS ») prévue à l’article 216bis du Code d’instruction criminelle, adapté par les lois du 14 avril 2011 et du 11 juillet 2011, est applicable à ce délit.
Section 3
Troisième délit de blanchiment
Sous-section 1
Élément matériel de l’infraction
« Seront punis d’un emprisonnement de 15 jours à 5 ans et d’une amende de 26 euros à 100.000 euros ou d’une de ces peines seulement […] ceux qui auront dissimulé ou déguisé la nature, l’origine, l’emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété des choses visées à l’article 42, 3o, alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître l’origine de ces choses au début de ces opérations ».
Le troisième délit de blanchiment vise la dissimulation ou le déguisement (cf. supra) de :
– la nature du produit de l’infraction de base ;
– l’origine du produit de l’infraction de base ;
– l’emplacement du produit de l’infraction de base ;
– la disposition du produit de l’infraction de base ;
– le mouvement du produit de l’infraction de base ;
– la propriété du produit de l’infraction de base.
Comme le souligne la Cour de cassation :
« l’article 505, alinéa 1er, 4o, et alinéa 2, du Code pénal punit ceux qui auront dissimulé ou déguisé la nature, l’origine, l’emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété des choses visées à l’article 42, 3o, du Code pénal, alors qu’ils en connaissaient ou devaient en connaître l’origine. Contrairement à ce que le moyen, en cette branche, soutient, ladite infraction peut consister dans le fait que l’origine des sommes d’origine délictueuse ou du montant y correspondant est dissimulée ou déguisée par des opérations par lesquelles l’auteur, également auteur de l’infraction de base, perçoit »⁵⁶.
En d’autres termes, l’acte de dissimulation ou de déguisement devra être prouvé également (cf. supra). Lorsqu’une traçabilité est possible de la nature, de l’origine, de l’emplacement, etc., l’élément matériel sera absent⁵⁷.
Enfin, comme le précise le Professeur D. Vandermeersch⁵⁸, cette dernière infraction englobe donc pratiquement la plupart des autres comportements visés à l’article 505.
Sous-section 2
Exception pour fraude fiscale simple
« Sauf à l’égard de l’auteur, du coauteur ou du complice de l’infraction d’où proviennent les choses visées à l’article 42, 3o, les infractions visées à l’alinéa 1er, 4o, ont trait exclusivement, en matière fiscale, à des faits commis dans le cadre de fraude fiscale grave, organisée ou non.
Les organismes et les personnes visés aux articles 2, 2bis et 2ter de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, peuvent se prévaloir de l’alinéa précédent dans la mesure où, à l’égard des faits y visés, ils se sont conformés à l’obligation prévue à l’article 28 de la loi du 11 janvier 1993 qui règle les modalités de la communication d’informations à la Cellule de traitement des Informations financières ».
L’exception pour fraude fiscale simple, telle que décrite en ce qui concerne la première infraction de blanchiment est mutatis mutandis transposable ici.
Sous-section 3
Responsables
« Les infractions visées à l’alinéa 1er, 4o, existent même si leur auteur est également auteur, coauteur ou complice de l’infraction d’où proviennent les choses visées à l’article 42, 3o ».
L’auteur de l’infraction primaire pourra être poursuivi et condamné tant pour cette infraction que pour le blanchiment consécutif.
Ceci fut réaffirmé par la Cour de cassation en 2013 :
« l’auteur, le coauteur ou le complice de l’infraction dont sont tirées les choses énoncées à l’article 42, 3o, du Code pénal, peut être l’auteur de l’infraction de blanchiment visée à l’article 505, alinéa 1er, 4o, du Code pénal, concernant les choses énoncées à l’article 42, 3o, du Code pénal. L’arrêt décide que les auteurs de l’éventuelle infraction de base ne peuvent être à la fois auteur de l’infraction de blanchiment y subséquente. Par ce motif, il déclare irrecevable la plainte du demandeur avec constitution de partie civile. Ainsi, l’arrêt viole l’article 505, alinéa 2, du Code pénal »⁵⁹.
En conséquence, à l’exception du tiers face à l’exception de fraude fiscale simple, les poursuites et condamnations pour l’infraction de base et l’infraction de blanchiment seront possibles.
Sous-section 4
Élément moral de l’infraction
« […] alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître l’origine de ces choses au début de ces opérations ».
Comme pour le premier délit de blanchiment, l’élément moral est un dol général comme exprimé par le libellé de la loi « alors qu’ils connaissaient ou devaient connaître l’origine de ces choses au début de ces opérations ».
Cet élément de connaissance de l’origine illicite des avantages patrimoniaux dont il « aura dissimulé ou déguisé la nature, l’origine, l’emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété » doit être présent dès le début des opérations de blanchiment.
En ce qui concerne la compréhension et la portée des termes « dissimulé ou déguisé », nous nous référons à l’exposé ci-dessus (premier délit de blanchiment).
Sous-section 5
Tentative et sanctions (hors confiscation)
« Seront punis d’un emprisonnement de 15 jours à 5 ans et d’une amende de 26 euros [156 euros] à 100.000 euros [600.000 euros] ou d’une de ces peines seulement.
Les personnes punies en vertu des présentes dispositions pourront, de plus, être condamnées à l’interdiction, conformément à l’article 33 [qui précise que les cours et tribunaux pourront interdire, en tout ou en partie, aux condamnés correctionnels, l’exercice des droits⁶⁰ énumérés à l’article 31, alinéa 1er pour un terme de 5 ans à 10 ans].
La tentative sera punie d’un emprisonnement de 8 jours à 3 ans et d’une amende de 26 euros [156 euros] à 50.000 euros [300.000 euros] ou d’une de ces peines seulement ».
Notons, dès le départ, que pour les personnes morales, les peines d’emprisonnement sont converties en vertu de l’article 41bis du Code pénal :
« une amende minimale de 500 euros multipliés par le nombre de mois correspondant au minimum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au minimum de l’amende prévue pour le fait ; le maximum s’élève à 2.000 euros multipliés par le nombre de mois correspondant au maximum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au double du maximum de l’amende prévue pour le fait ».
Dans le cas d’espèce, cela va correspondre à une amende de 500 euros à 200.000 euros (500 euros à 100.000 euros pour la tentative) à laquelle on appliquera les décimes additionnels (6).
En somme, quatre sanctions peuvent être appliquées :
– peine d’emprisonnement (15 jours à 5 ans) ;
– peine d’amende principale (jusqu’à 600.000 euros, centimes additionnels inclus) ;
– peine de confiscation obligatoire ;
– interdiction de certains droits.
La tentative de blanchiment est expressément incriminée et sanctionnée par une peine d’emprisonnement et une amende, ou une de ces peines seulement.
Enfin, notons qu’une « transaction pénale »⁶¹ ou extinction de l’action publique, moyennant le paiement d’une somme d’argent (en abrégé « EAPS ») prévue à l’article 216bis du Code d’instruction criminelle, adapté par les lois du 14 avril 2011 et du 11 juillet 2011, est applicable à ce délit.
Sous-section 6
Prescription
La Cour de cassation s’est récemment prononcée au sujet de la qualité « continue » du troisième délit de blanchiment :
« Il résulte du texte de l’article 505, alinéa 1er, 4o, du Code pénal et de la genèse de la loi que l’infraction de blanchiment prévue par cette disposition constitue une infraction continue qui naît du fait de dissimuler ou déguiser la nature, l’origine, l’emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété des choses visées à l’article 42, 3o, et persiste tant que l’auteur dissimule ou déguise ces éléments »⁶².
Cette jurisprudence n’est pas encore établie. Notons que le caractère instantané ou continu des infractions de blanchiment n’est pas encore établi. Actuellement, il est généralement admis que le caractère continu ou instantané dépendra de l’élément matériel présent.
Conclusion
L’interprétation de l’article 505 du Code pénal n’a jamais été aisée. De nombreuses discussions doctrinales ont eu lieu concernant, par exemple, son applicabilité à la fraude fiscale, les délais de prescription, ou récemment l’interprétation de la « fraude fiscale grave, organisée ou non ».
En tout état de cause, l’on peut estimer que les adaptations de ces dernières années ne sont pas légistiquement d’une grande qualité.
La transposition de la 4e directive anti-blanchiment du Parlement et du Conseil européen devrait être l’occasion de refondre tant l’article 505 du Code pénal, que le volet préventif anti-blanchiment.
Attendons donc…
1 Adoptée par la Conférence à sa 6e séance plénière, le 19 décembre 1988, ratifiée le 20 décembre 1988 à Vienne ; loi du 6 août 1993, M.B., 21 mars 1996, p. 6461.
2 Faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 ; loi du 8 août 1997, M.B., 4 juin 1998, p. 18173.
3 Cass., 2 août 1880, Pas., 1880, I, p. 284.
4 M.B., 15 août 1990.
5 Le terme « blanchiment d’argent » ou « blanchiment de capitaux » est néanmoins utilisé dans le langage courant, dans certaines décisions judiciaires et même dans certaines lois. Pensons, par exemple, à l’intitulé de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux. Cette remarque a été utilement soulevée par M. FERNANDEZ-BERTIER, « Le volet répressif de la législation blanchiment et le lien avec le droit fiscal », in Les Dialogues de la Fiscalité 2011, Larcier, 2012, p. 100.
6 Corr. Gand, 4 janv. 2012, non publié, Rapport de la CTIF 2012.
7 Corr. Bruges, 13 mai 1996, cité dans J. SPREUTELS, F. ROGGEN, E. ROGER FRANCE, Le droit pénal des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 472 et dans D. VANDERMEERSCH, « La lutte contre le blanchiment en Belgique – L’incrimination du blanchiment et la confiscation », in M.-L. CESONI (éd.), La lutte contre le blanchiment en droit belge, suisse, français, italien et international, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 143.
8 Loi du 7 avril 1995 modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, M.B., 10 mai 1995 – incrimination de nouveaux comportements, soit ceux décrits aux articles 505, alinéas 1er, 3o et 4o du Code pénal.
9 Loi du 10 mai 2007 portant diverses mesures en matière de recèlement et de saisies, M.B., 22 août 2007 – adaptation de la législation répressive en ce qui concerne le blanchiment de la fraude fiscale simple.
10 Loi du 15 juillet 2013 portant des dispositions urgentes en matière de lutte contre la fraude, M.B., 19 juillet 2013 (2e éd.) – modification du concept utilisé antérieurement de « fraude fiscale grave et organisée qui met en œuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale » par celui de « fraude fiscale grave, organisée ou non » devenu une infraction pénale fiscale.
11 19e Rapport de la CTIF 2012, p. 113.
12 Ibid., p. 113.
13 Ibid., p. 114.
14 L’article 506 qui prévoit dans certains cas l’existence d’un crime en présence de receleurs au sens de l’article 505, al. 1, 1o du Code pénal.
15 M.B., 22 juin 1999, article 5 du Code pénal.
16 La Cour de cassation définit cela de la manière suivante : « Il résulte de cette disposition qu’outre les avantages patrimoniaux tirés directement
de l’infraction, à savoir les avantages patrimoniaux primaires, également les biens et valeurs qui sont substitués
à ces avantages patrimoniaux primaires, à savoir les biens de remplacement, et les revenus de ces avantages investis
qui résultent des avantages patrimoniaux primaires ou des biens de remplacement, peuvent également être confisqués. Ces deux dernières catégories concernent aussi des avantages tirés de l’infraction, fût-ce indirectement à la suite de certaines opérations qui donnent naissance directement à ces avantages. La notion directement
figurant à l’article 42, 3o, du Code pénal ne limite pas la confiscation aux avantages tirés sans aucun maillon intermédiaire de l’infraction, mais vise les avantages patrimoniaux primaires en tant qu’un des avantages patrimoniaux parmi d’autres susceptibles de faire l’objet d’une confiscation. La mesure de confiscation spéciale visée à l’article 42, 3o, du Code pénal peut s’appliquer aux avantages patrimoniaux tirés directement ou indirectement de l’infraction. Un avantage patrimonial est tiré d’une infraction s’il existe un lien de causalité entre cette infraction et l’avantage patrimonial. Un lien de causalité éventuel entre l’avantage patrimonial et une opération ultérieure ne fait pas disparaître le lien de causalité entre cet avantage patrimonial et