Baudelaire
Baudelaire
Baudelaire
Spleen
Le sentiment dominant du poème est l’atmosphère indéfinie,le message négatif de
douleur, l’état de détresse. C’est une composition en cinq strophes, dont trois commencent
de la même façon, la quatrième commence autrement, la cinquième est isolée des autres par
un tiret, c’est presque une conclusion.
“Quand le ciel…”
“Quand la terre…”
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“Quand la pluie…”
“Des cloches…” (une construction ascendente, on
passe d’une douleur terrestre, céleste à une sensation auditive. Dans la cinquième strophe, la
construction devient descendente, on revient à la tonalite des trois premières strophes. C’est le
cri de quelqu’un qui traverse une insatisfaction profonde. Elle est transmise par le ton, la
mélodie du texte, il a exploité la fréquence de “s”; on, an, ont, on qui transmettent la sonorité
des cloches, d’une musique funèbre (les voyelles nasalisées qui semblent accompagner un
enterrement). Ces syntagmes sont placés à la rime ou au début du vers, pour la musicalité;
l’insatisfaction du poète est suggérée aussi par les mots-clé qui laissent des traînées dans nos
âmes: des mots du côté négatif: couvercle, plafond pourri, vaste prison, corbillard, drapeau
noir, cachot humide. Ces syntagmes font une famille qui nous émeuvent, qui réveillent en
nous une sorte de malheur, de manque de liberté.
A la sensation d’humide s’ajoute celle du pourri, du corbillard, donc une vision de la
mort et il y a l’impression de se trouver privé de liberté, dans une prison qui est le monde
écrasant où le poète étouffe.
Tout le poème parle d’une crise de spleen qui lui a provoqué un état de détresse
excesive et il donne les raisons du spleen.
La première strophe introduit une sensation d’étouffement, un jour fait de brumes,
triste, de l’automne peut-être; le ciel est bas et lourd, car le poète ne peut plus respirer. (C’est
le mépris pour les conditions terrestres, le dégoût pour la vie banale, la révolte pour l’idéal
vaincu. Le ciel est intérieur et extérieur, c’est le ciel de l’âme qui pèse comme un couvercle;
ce ciel peut être aussi l’idéal qui pèse à son intérieur, car il est brumé, noirci. C’est le ciel dans
le plan du réel et dans le sens figuré. Les mots “lourd, pèse, couvercle” deviennent le symbole
d’une âme.emprisonnée. Pour exprimer la comparaison, Baudelaire utilise “comme”, à cause
de “om” nasalisé qui crée la musicalité et l’effet des nasales.
L’orchestration de “s” et “z” réalise une atmosphère pesante, son isolement est parfait,
il est fermé et le ciel verse ce jour triste, noir. Baudelaire est mélancolique, d’humeur noire et
pour lui le jour est plus noir que la nuit.
L’idée de “verser” est en rapport avec “humide”, “la pluie”, les “traînées”, “pleurer”,
car la pluie est un élément constant dans les poèmes de Baudelaire (le même champs
semantique). Il utilise la hyperbole, quand il parle du jour noir, il introduit une gradation de
l’atmosphère triste, sans donner des explications, mais soumettant le lecteur à une tension.
La deuxième strophe se trouve sous le signe du cachot humide, qui symbolise l’idée
que la matière tient l’esprit prisonnier. C’est le cachot de la terre qui nous empêche d’arriver à
une liberté spirituelle. Pour lui, l’espérance ressemble à une chauve-souris. Pour les
catholiques, l’amour, la foi, l’espérance sont trois grandes vertues. Quand on désespère, on
annule la possibilité de l’aide de Dieu, si on désespère, on perd la foi, Dieu. Or, Baudelaire
n’était pas un bon catholique, car s’il l’avait été, il aurait choisi comme symbole de l’espoir la
colombe blanche, mais il préfère choisir comme image une chauve-souris, grisâtre, hideuse.
Ce n’est pas la colombe qui s’élance le matin vers le monde, mais c’est une caricature de
l’espoir qui est à jamais emprisonné, glué à la matière.
Dans la troisième strophe, il ajoute aux éléments de l’atmosphère pesante, d’autres et
il élargit les dimensions. Le cachot est le prison où les arraignées font des filets (les barreaux),
alors le crâne du poète devient lui-aussi prison. Les arraignées sont ses idées, ses pensées, sa
propre maladie.
La quatrième strophe marque un autre rythme, une rupture complète avec la tonalité
des premières strophes. L’effet toujours attardé vient dans cette strophe. Quelque chose s’est
rompu dans l’âme du poète, la crise éclate; il entend des cloches; c’est l’interprétation d’une
âme nerveuse, en proie à une crise. Il voit des esprits errants, des fantômes, car Baudelaire est
obsédé par la présence de l’autre monde, il est hanté par les fantômes; il a des visions
fantastiques. On reconnaît ici un élément dantesque, la vision de l’enfer avec des esprits
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gémissants. Etre sans patrie veut dire être sans espoir, exilé; l’adverbe “opiniatrêment”
exprime le cri de douleur, l’impuissance du poéte.
Le tiret est employé fréquemment par les romantiques qui introduisent ainsi l’idée
d’un temps qui s’écoule. La cinquième strophe marque une autre rupture, car après le
déclenchement de la crise, il est dans le même état désespéré du début du poème.
Les corbillards sont les souvenirs et le désespoir du poète; ses meilleures aspirations
se transforment en corbillards. Il est accablé, terrassé par sa douleur. Donc, il enterre ses
aspirations et il assiste à son propre enterrement.
Deux éléments sont fondamentaux dans cette strophe: l’espoir et l’angoisse. L’espoir
est vaincu, le poète baisse la tête, il a le crâne incliné, pour laisser place à l’angoisse, au
spleen qui plante son drapeau noir dans son âme. Autrefois, c’étaient les pirates qui avaient
l’habitude de planter des drapeaux noirs, mais les pirates sont un symbole de l’ennemi qui
manque de loyauté et de pitié. Alors, le poète se plaint d’être vaincu dans un combat inégal.
Déchiré entre l’idéal et la réalité du spleen, déçu de la vie moderne des tableaux
parisiens où il essaie de trouver des échappatoires, le poète cherche un refuge dans la solitude,
dans le vin et l’ivresse, dans la débauche et la perversion, dans la révolte pour ne trouver
finalement une issue que dans la mort.
BIBLIOGRAFIE:
1. André Lagarde & Laurent Michard – XIX siècle – les grands auteurs français du
programme , Collection Textes et Littérature, Ed. Bordas, Paris, 1964, p. 444-445
2. **** - “Istoire de la littérature française”, vol. 2, Catedra de limbă şi literatură franceză,
Bucureşti, 1982
3. Marcel Raymond – “De Baudelaire au surréalisme”, Paris, 1940
4. Pascal Pia – “Baudelaire par lui-même”, Paris, Ed. Du Seuil, 1952
5. Jean Pierre Richard – “Poèsie et profondeur”, Paris, Ed. du Seuil, 1955
6. Charles Baudelaire – “Les Fleurs du Mal”, Ed. pentru Literatură Universală, Bucureşti,
1968, ediţie alcătuită de Geo Dumitrescu, desene de Charles Baudelaire, introducere şi
cronologie de Vladimir Streinu, p. 232-233