Gestion de La Demande en Eau en Méditerranée, Progrès Et Politiques
Gestion de La Demande en Eau en Méditerranée, Progrès Et Politiques
Gestion de La Demande en Eau en Méditerranée, Progrès Et Politiques
progrès et politiques
ZARAGOZA, 19-21/03/2007
COMMUNICATION
Barrages programmés
Lacs naturels
Réseau hydrographique principal
La diminution des apports d’eau douce à l’Ichkeul, ainsi engendrée, ne pouvait manquer d’influencer
le fonctionnement hydrologique du système lac‐marais avec comme conséquence une moindre
fréquence des hauts niveaux d’eau et de l’inondation des marais et une augmentation de la fréquence
des fortes salinités. Durant les années 90 des périodes de sécheresse plus ou moins prolongées sont
venues accentuer le déficit des apports au lac soumettant les écosystèmes à des conditions
particulièrement difficiles (voir plus loin).
Conscientes de ces risques sur le milieu naturel de l’Ichkeul, les autorités tunisiennes ont décidé dès
la fin des années 80 de construire un ouvrage de régulation des échanges d’eau entre les lacs Ichkeul
et Bizerte sur l’oued Tinja qui relie les deux lacs. Elles ont organisé en 1990 un séminaire international
sur l’Ichkeul avec une participation très large d’experts nationaux et internationaux dans le domaine.
Ce séminaire représente alors une des premières initiatives dans la région méditerranéenne pour
concilier les impératifs socioéconomiques relatifs à la gestion de l’eau avec la conservation de la
diversité biologique.
S’il a réaffirmé la nécessité des barrages et du système intégré d’approvisionnement et de gestion des
eaux, ce séminaire a recommandé des études plus détaillées sur le fonctionnement des écosystèmes de
l’Ichkeul et notamment la détermination de leurs besoins en eau afin d’identifier comment protéger et
gérer le site.
Une étude pluridisciplinaire traitant de tous les aspects abiotiques et biotiques du milieu a ainsi été
réalisée entre 1993 et 1995. Entre autres résultats, cette étude a déterminé les contraintes écologiques
des écosystèmes du Parc National de l’Ichkeul et a confirmé la nécessité de lâchers d’eau écologiques
minimum en provenance des barrages pour garantir le maintien des principaux écosystèmes du Parc
National. En parallèle elle a déterminé une procédure annuelle de gestion de l’écluse de Tinja afin
d’optimiser les apports d’eau douce naturels et à partir des barrages par une maîtrise des échanges à
l’aval, entre les lacs Ichkeul et Bizerte.
III Les outils de gestion hydrique mis en place pour satisfaire les besoins en eau
de l’Ichkeul
L’étude a montré que le fonctionnement écologique du lac Ichkeul et de ses marais est fortement
contrôlé par deux paramètres limitants, à savoir les niveaux d’eau et la salinité des eaux du lac, eux‐
mêmes commandés par deux facteurs essentiels :
‐ les apports d’eaux douce du bassin versant (en amont)
‐ les échanges d’eau avec la mer ,via le lac de Bizerte (en aval)
C’est ainsi que la gestion hydrique de l’écosystème laguno‐lacustre est un des volets fondamentaux de
la gestion du Parc puisque ce n’est qu’en agissant sur les niveaux et la salinité des eaux du lac que l’on
pourra maintenir dans le lac et les marais des conditions favorables à la reconstitution et au maintien
des herbiers, principal support alimentaire des oiseaux d’eau migrateurs mais aussi au maintien de la
population de poissons.
Durant les années 90, la gestion hydrique du lac était « aléatoire », essentiellement commandée par les
conditions climatiques. Depuis, les éléments de la gestion hydrique du Parc National de l’Ichkeul, tels
que préconisés par l’Etude pour la Sauvegarde du Parc National de l’Ichkeul, ont progressivement été
mis en place.
Il s’agit :
1. des transferts d’eau possibles vers le bassin de l’Ichkeul à partir des barrages de l’Extrême
nord
Le Plan Directeur des Eaux du Nord et de l’Extrême Nord, par un système d’interconnexion
des barrages, a reprogrammé la gestion de l’ensemble des stocks en vue de la satisfaction de
la totalité des besoins en eau, Ichkeul y compris. C’est ainsi que depuis 2002, le barrage de Sidi
El Barrak permet, quand cela est nécessaire, l’amenée d’une partie des eaux mobilisées dans
l’extrême Nord (bassin de Zouara) vers le barrage de Sejnane. Ce dispositif permet ainsi (i)
d’une part de suppléer aux transferts d’eau en dehors du bassin versant de l’Ichkeul vers
Tunis et d’autres régions, allégeant par là même la demande en eau pesant directement sur les
barrages de Joumine et Sejnane et indirectement sur l’Ichkeul et (ii) d’autre part, d’alimenter si
nécessaire directement le lac Ichkeul.
Comme le montre la carte, d’autres barrages de moindre importance sont programmés en
dehors du bassin versant de l’Ichkeul, (Ziatine, Gamgoum et El Harka) avec comme
principale, voire unique finalité les transferts d’eau vers le barrage de Sejnane.
Le Plan Directeur des Eaux du Nord et de l’Extrême Nord
Source DG/ETH-MAERH
2. de la décision politique de considérer l’Ichkeul comme un consommateur d’eau à part
entière et de lui réserver de l’eau à partir des barrages. Cette décision est d’une très grande
portée pour un pays aride en voie de développement. Durant les quatre derniers hivers ce
sont plus de 120 millions de m³ par an qui ont été lâchés des barrages vers l’Ichkeul, même en
année moyenne comme 2005‐2006. L’hiver 2004‐2005, les lâchers de barrages ont même atteint
340 millions de m³, soit l’équivalent de la moyenne interannuelle des apports à l’Ichkeul avant
barrages.
Lâchers d’eau du barrage Sejnane
Le Plan Directeur du Nord et de l’Extrême Nord prévoit la construction d’ici quelques années
de trois barrages supplémentaires sur des petits affluents de l’Ichkeul. Ces retenues ont
cependant une vocation purement « écologique ». puisque la seule utilisation prévue est
l’approvisionnement en eau de l’Ichkeul. Outre le fait qu’elles seront comme les autres
barrages interconnectées , elles seront surdimensionnées afin de stocker l’eau excédentaire en
année très pluvieuse, comme ce fut le cas récemment, et de suppléer aux éventuels déficits en
eau de l’Ichkeul en année moins favorables.
3. de la mise en œuvre de l’écluse de Tinja : depuis que les vannes de l’ouvrage ont été
automatisées on dispose désormais d’un outil plus efficace de régulation des échanges entre
l’Ichkeul et la mer afin d’optimiser les apports d’eau naturels ou en provenance des barrages
qui arrivent au lac. La gestion se fait sur la base de règles pluriannuelles, affinées selon les
résultats du suivi de l’état du milieu. Cet ouvrage vient ainsi conforter le dispositif mis en
place pour la gestion hydrique de l’écosystème laguno‐lacustre de l’Ichkeul.
Ascenseur à poissons
Vannes de régulation d
des é
échanges Déversoirs de ccrue
L’écluse de Tinja à l’aval du lac Ichkeul
Avec la mise en œuvre de tous ces éléments on est passé à un système de gestion hydrique du lac
« stabilisé » à long terme, tel que décrit par l’Etude, qui s’appuie sur des lâchers (déversés, lâchers
et/ou dévasements) des barrages et une gestion adéquate de l’écluse permettant de maîtriser les
flux d’eau entrants et sortants du lac Ichkeul.
IV Le suivi scientifique à l’Ichkeul
La mise en œuvre d’un programme de suivi scientifique vient compléter le dispositif des mesures de
gestion hydrique décrit ci‐dessus. La détermination de l’état général de conservation du milieu et des
écosystèmes et l’identification de leurs tendances d’évolution permet en effet d’évaluer le degré de
réussite des mesures de sauvegarde et de restauration prises dans le cadre de la gestion du site et de
permettre ainsi de les réorienter si nécessaires. C’est sur la base des résultats du suivi que peuvent être
déterminés chaque année les besoins en eau et la
Le programme de suivi scientifique actuellement mené est axé sur la détermination des apports et de
la qualité des eaux, sur la végétation du lac et des marais, sur l’avifaune et sur la population de
poissons.
¾ Le suivi hydroclimatologique
Depuis 1995, l’ANPE effectue un suivi journalier des paramètres climatiques des niveaux d’eau et de
la salinité des eaux du lac et un suivi mensuel de la qualité des eaux du lac dans 11 stations ainsi que
dans les oueds. Depuis 2002, l’ANPE a entrepris la réhabilitation de ce réseau par l’installation
progressive de stations de mesures automatiques. Actuellement ce sont 2 stations météo et trois
sations hydrométriques (une sur l’oued Melah et deux sur l’oued Tinja en amont et en aval de l’écluse)
qui sont fonctionnelles. Le jaugeage régulier de l’oued Tinja permet en outre de mieux suivre les
quantités d’eau échangées avec la mer.
¾ Le suivi des indicateurs biologiques
Le suivi des indicateurs biologiques a été progressivement entrepris depuis l’hiver 2002‐2003, sur la
base des indicateurs validés par l’UICN, avec une méthodologie identique à celle utilisée dans les
études antérieures permettant ainsi d’évaluer l’évolution des écosystèmes.
Il s’agit principalement :
‐ du suivi de la végétation aquatique du lac (et notamment des potamogétons) avec une
campagne de cartographie annuelle pour évaluer les superficies d’extension des différentes
espèces, leur recouvrement et leur phytomasse
‐ du suivi de la végétation des marais à la fin du printemps avec plusieurs campagnes
d’évaluation de la répartition des différentes espèces (et notamment du scirpe maritime) selon
des transects déterminés
‐ du dénombrement des populations des oiseaux d’eau hivernants et leur évaluation spatiale et
temporelle pour suivre l’évolution de la fréquentation du site par ces oiseaux
‐ du suivi des pêches réalisés par la Société qui exploite le lac.
V L’évolution récente des écosystèmes
¾ Evolution des conditions de milieu depuis le début des années 90
Les résultats du suivi scientifique des paramètres hydroclimatiques montrent que l’Ichkeul a été
soumis durant ces quinze dernières années à des situations hydrologiques particulièrement
contrastées.
La période 1992/93 à 2001/2002 a en effet été marquée par deux périodes prolongées (3 et 4 ans) de
sécheresse plus ou moins prononcée. La diminution importante des apports d’eau à l’Ichkeul ,
accentuée par la mise en eau du barrage Sejnane durant la même période, a fait que l’Ichkeul a été
soumis pendant près de dix ans à des conditions drastiques de milieu qu’il n’avait pas connu
auparavant, du moins en termes de durée, entraînant par là même un effondrement des écosystèmes :
apports d’eau nettement inférieurs à la normale pendant 10 ans, salinités records des eaux du lac en
été (80g/l en septembre 2002) mais aussi en hiver (supérieures à 20g/l durant les trois hivers 2000‐2001
et 2002); courants entrants 9 mois sur 12 au cours de plusieurs années successives, disparition du
potamogéton, quasi‐assèchement des marais avec réduction importantes des superficies de scirpes,
diminution marquée de la fréquentation des oiseaux d’eau hivernants ……
Cependant, l’année 2002/2003, avec des apports ruisselés au lac près d’une fois et demi supérieurs à la
normale a permis en l’espace d’une année seulement de retrouver des conditions de milieu favorables
pour le développement des herbiers du lac et des marais, pour la population ichtyique ainsi que pour
l’avifaune. Cette séquence « humide » s’est prolongée depuis grâce à une bonne pluviométrie,
notamment en 2004‐2005 avec des apports au lac cette année là supérieurs à 500 millions de m³ (dont
340 millions en provenance des barrages) mais aussi grâce aux importants lâchers de barrages, même
en année moyenne comme en 2005‐2006 (plus de 50% des apports à l’Ichkeul). C’est ainsi que la
salinité des eaux du lac a pu atteindre des valeurs très faibles durant ces derniers hivers et printemps
(de l’ordre de 1 à 2 g/l même en 2004‐2005) favorables à la consolidation des herbiers de potamots
dans le lac et de la végétation de scirpes dans les marais.
Les graphiques suivants illustrent l’évolution très contrastées des apports d’eau douce à l’Ichkeul et
des conditions de milieu (niveaux d’eau et de salinité des eaux du lac) entre 1995 et 2005
600
500
3
apports en millions de m
400
340,0
289,5
300
200
340,0
120,6
75,3
2,8
100 190,4
10,8 183,3
0,7
102,7 94,2 92,6
0,1 0,6 0,6 0,5
49,4 40,7
17,0 8,3 11,9 7,0
0
normale 1994-1995 1995-1996 1996-1997 1997-1998 1998-1999 1999-2000 2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005
avant
barrages
Apports à l'Ichkeul hors lâchers (Mm3) Apports à l'Ichkeul des barrages (Mm3)
Salinité en g/l
Niveau en cm NGT Evolution des niveaux et de la salinité moyenne des eaux du lac
de 1995 à 2005
300
80,0
250
70,0
200
60,0
niveau en cm NGT
150 50,0
salinité en g/l
40,0
100
30,0
50
20,0
0
10,0
-50 0,0
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
19
19
19
19
19
20
20
20
20
20
20
9/
8/
8/
8/
8/
8/
8/
8/
8/
8/
8/
/0
/0
/0
/0
/0
/0
/0
/0
/0
/0
/0
01
31
31
31
31
30
30
30
30
29
29
¾ Les paramètres biologique
Le suivi scientifique des paramètres biologiques indicateurs a permis de constater que la
restauration généralisée et persistante de conditions favorables du milieu a été suivie d’une
régénération immédiate et durable des principaux indicateurs biologiques de l’Ichkeul :
‐ en premier lieu, la réapparition des herbiers de potamots dans le lac en 2003, pour la
première fois depuis dix ans et qui s’est consolidée en 2004 et en 2005 puisqu’on a pu
enregistrer en octobre 2005 une extension importante des superficies (46,6 Km² soit près de
60% de la superficie du lac) qui sont comparables voire supérieures à celles qu’on pouvait
trouver avant barrage et avec des densités importantes. Les zones d’herbiers denses
(recouvrement >90%) avec plus de 18Km² couvrent à elles seules 22% de la superficie du lac;
Recouvrement en %
Recouvrement en % 0% 20 à 50%
0 % 50 à 90 %
0 à 10 % 90 à 100 %
< 5% 50 à 90%
N 10 à 50 %
5 à 10% 90 à 100%
0
km
1 2
‐ La régénération de la végétation hygrophile des marais et surtout le maintien du
développement des herbiers à scirpes dans les marais durant tout le printemps avec par
endroit des recouvrement set des hauteurs comparables à celles citées par Hollis pour la fin
des années 70, notamment dans la portion est des marais de Joumine
‐ Une reprise, un peu plus marquée, de la fréquentation des oiseaux d’eau hivernants et des
activités de reproduction des oiseaux nicheurs au niveau de l’oued Sejnane mais aussi de la
faune icthyique avec la confirmation de la réapparition de la production d’anguilles.
VI Analyse des résultats hydrologiques pour une optimisation de la ressource
¾ Analyse de l’évolution des apports à l’Ichkeul
Pour mieux apprécier la situation hydrologique de l’écosystème Ichkeul durant les dernières années le
comportement hydrologique annuel de l’ensemble du bassin versant du Lac Ichkeul, couvrant une
superficie totale de 1991 km² durant les onze dernières années a été analysé. L’évaluation des apports
de l’ensemble du bassin, qui auraient atteint le lac à l’état naturel, a permis de simuler les apports
d’eau qui aurait atteint l’Ichkeul sans aménagement hydraulique (scénario sans barrages). Les
résultats sont donnés dans le graphique suivant.
Evolution des apports totaux au bassin de l’Ichkeul (scénario sans barrages) entre 94/95 et 2004/2005
800
700 Centennale humide
Cinquantennale humide
Vingtennale humide
600 Decennale humide
Apports en millions de m3
500 Quinquennale humide
400
300 Médiane
200
Quinquennale sèche
Décennale sèche
Vingtennale sèche
Cinquantennale sèche
100 Centennale sèche
0
1994/1995 1995/1996 1996/1997 1997/1998 1998/1999 1999/2000 2000/2001 2001/2002 2002/2003 2003/2004 2004/2005
Dans ce graphique on peut constater en premier lieu le déficit extrême auquel a été soumis l’ensemble
du bassin versant entre 1994/95 et 2001/2002 puisque sur les huit années observées, quatre d’entre elles
ont enregistré des apports en deçà de la centennale sèche
On peut relever également le caractère hétérogène de la répartition des apports durant les onze
dernières années où l’on passe d’une période déficitaire relativement prolongée (8 années) pendant
laquelle l’apport annuel à l’ensemble du bassin versant n’a avoisiné que deux fois la médiane suivie
d’un période plus propice mais plus courte (3 années) au cours de laquelle les apports ont dépassé
deux fois la valeur cinquantennale.
Le graphique ci‐après traduit l’évolution des apports effectifs au lac et leur comparaison aux apports
naturels de l’ensemble du bassin versant et de la moyenne interannuelle avant barrages de 340 Mm³ :
Evolution des apports totaux au bassin versant et des apports au lac Ichkeul
(scénario sans barrages et apports réels au lac)
Apports en Millions de m3
800
709,1
700
663,5
600
535,1
500
472,9
400
moyenne des 355,4
apports au lac 333,1
avant barrage
294,5
300
213,2
193,6
200 169,5 178,3
105,4
100 73,7
60,2
46,7 41,4
30,5 31,7
17,1 8,9 12,4 7,6
0
1994-1995 1995-1996 1996-1997 1997-1998 1998-1999 1999-2000 2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005
535,1
80 à 120 Mm3 par an en moyenne
518,7
500 480,2
472,9
400
344,8
300 289,5
moyenne 252,8
des apports
aux 238,9
barrages 213,2
201,9
200
169,5
144,2 137,6
120,6
105,4
100
75,3
56,7 60,2
34,8 41,4
22,2 24,7
17,1 10,8 12,4
2,8 8,9 7,6 0,5
0,1 0,6 0,6 0,7
0
1994-1995 1995-1996 1996-1997 1997-1998 1998-1999 1999-2000 2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005