Pont Suspendu Le Golden Gate Bridge Ensps
Pont Suspendu Le Golden Gate Bridge Ensps
Pont Suspendu Le Golden Gate Bridge Ensps
Elève de l’ENS Paris-Saclay, Quentin Laurent, lors de sa première année en Sciences pour
l’Ingénieur (année SAPHIRE) a suivi le parcours « Ingénierie civile ». Dans ce cadre les élèves ont,
sur un thème imposé, à réaliser un état de l’art, un mémoire et à présenter une courte leçon.
Cette ressource est issue de ce dossier.
Le Golden Gate Bridge est un pont métallique qui enjambe le détroit de Golden Gate : ce lieu de
fortes marées, vents fréquents, brume et air salin se situe à seulement 11 km de la faille sismique
de San Andréas et a été à l’origine de nombreux défis pour les constructeurs. Cet ouvrage d’art
construit à partir de 1933 mesure 1 970 m de long et a une portée maximale de 1 280 m. Il est
resté durant 27 ans le plus long pont suspendu au monde et demeure aujourd’hui encore le plus
célèbre monument de San Francisco.
Cette ressource s’intéresse aux aspects historiques de cet édifice, à ses caractéristiques, à la
définition des charges qui s’exercent sur le pont et à l’équation des câbles porteurs. La
construction du pont ainsi que son entretien jusqu’à aujourd’hui sont également décrits.
1 – Contexte historique
Dès le début du XXe siècle, la Ville de San Francisco était en plein essor et avait besoin d’axes de
communication pour augmenter ses capacités d’échange : le détroit de Golden Gate s’imposait
alors comme un obstacle qui ne se franchissait qu’en bateau pour accéder au secteur nord comme
le montre la figure 2.
C’est en 1916 qu’apparait pour la première fois l’idée d’un colossal projet : construire un pont
traversant le Golden Gate et résistant aux nombreuses contraintes citées en introduction. Pour
relever ce défi, Joseph Strauss, ingénieur spécialisé dans la construction de ponts à bascule
proposa d’innover avec le pont suspendu le plus complexe et le plus long jamais construit à
l’époque. Il réussit à remporter ce projet dont le coût total était de plus de 25 millions de
dollars.
1
Figure 2 : Carte de la zone de San Francisco, Figure 3 : Statue commémorative de Joseph
source [2] Baermann Strauss (1870-1938), source [3]
1.2 – Les différents types de ponts
Les ponts sont des ouvrages de liaison permettant de franchir des obstacles. Ils se composent
d’un tablier reliant les piles et permettant le transit des charges sur celles-ci, de piles (éléments
verticaux) qui amènent les charges au sol et de fondations. D’autres éléments viennent prendre
place pour améliorer les caractéristiques de ces ouvrages comme des appareils d’appuis, des
culées et des corniches. Pour certains types de ponts, des câbles, haubans ou arcs interviennent
dans la transmission des charges [4] [5].
En fonction des époques, des lieux et des besoins, les ponts ont été construits avec différents
matériaux (figure 4) et suivant différentes architectures (figure 5).
(a) Bois, Kappelbrücke à Lucerne (Suisse) (b) Pierre, Pont du Gard, source [6]
(c) Acier, viaduc de Garabit (Cantal), source [7] (d) Matériaux composites (béton armé, précontraint,
plastique armé…), viaduc sur la Sinn (Allemagne),
source [8]
Figure 4 : Matériaux utilisés pour construire les ponts
2
(a) Pont en arc, Rainbow bridge (Canada) (b) Pont à dalle, à poutres, à caisson, pont de l’île de Ré
(Charente Maritime), source [9]
(c) Pont suspendu, pont Bretagne-Anjou (Loire- (d) Pont à hauban, viaduc de Millau (Aveyron),
Atlantique et Maine-et-Loire), source [10] source [11]
Figure 5 : Architecture des ponts
En fonction des architectures, les charges suivent différents trajets pour atteindre le sol : par
l’arche dans les ponts à arcs, ou transmises aux piles par des éléments porteurs pour les autres
types de pont. Ces éléments porteurs peuvent être constitués de dalles, poutres ou caissons, de
suspentes et câbles porteurs pour les ponts suspendus, ou encore de haubans. Le choix dépend du
lieu d’implantation donc de la nature du sol et de la portée nécessaire. La figure 6 répertorie les
types de ponts en fonction des portées pour lesquelles ils sont habituellement utilisés :
Figure 6 : Principaux systèmes porteurs en fonctions des portées principales habituelles, source [12]
3
1.3 - Le passé des ponts suspendus : réussites et désastres
Construire un pont suspendu est aujourd’hui la solution la plus souvent retenue lorsqu’il s’agit de
franchir de grandes brèches. C’est en Chine, au premier siècle qu’un pont suspendu utilisant des
chaines aurait été construit pour la première fois dans le Yunnan. Cependant le premier
constructeur connu demeure un moine bouddhiste qui construisait des ponts suspendus dans
l’Himalaya au XIVe siècle.
Ce n’est qu’à partir de 1796 que l’Américain Finley fabrique les premiers ponts suspendus à l’aide
de câbles en chaines de fer. À l’aide de câbles à œillets, d’invention anglaise, Thomas Telford
construit le pont suspendu sur le détroit de Menai, en 1826, avec une portée de 177 m. Les frères
Seguin, d’origine française, proposent en 1825 de remplacer les barres à œillets par des fils de
fer de faible diamètre, plus résistants que les pièces de forge.
Figure 7 : Pont suspendu du détroit de Menai entre l’Irlande et le Pays de Galles (U.K.), source [13]
De nombreux ponts suspendus ont été emportés par le vent à cause de problèmes de
dimensionnement et plus particulièrement faute de contreventement comme le pont de Berwick
ou celui de La Roche-Bernard, département du Morbihan, enjambant La Vilaine.
En 1831, le pont de Broughton, au Royaume-Uni, s’est écroulé au passage d’une troupe au pas
cadencé : l’excitation engendrée par le passage du régiment a produit des vibrations entretenues
4
de l’ouvrage. Suite à cet évènement, les troupes rompent le pas au passage des ponts. Les
différentes destructions de ces ouvrages d’art sont dues à l’empirisme qui régnait dans ce
domaine : les seuls ponts qui ont survécu sont ceux construits par des ingénieurs intuitifs, qui ont
choisi des formes adaptées malgré la méconnaissance des phénomènes en présence.
La construction des ponts suspendus progresse donc à la suite de coups de génie comme le pont
de Fribourg en Suisse d’une portée de 273 m, bâti en 1834 par Joseph Chaley ou encore les ponts
de Brooklyn et Georges Washington aux États-Unis, qui ont augmenté au fur et à mesure la limite
de portée. À la fin du XIXe siècle, apparaissent les câbles toronnés à torsion alternée dont les
couches extérieures serrent les couches internes et qui permettent le maintien de l’ancrage
même si certains fils internes se rompent. Le rôle des poutres de rigidité (ou contreventement)
commence aussi à être compris pour assurer la résistance statique du pont soumis aux vents. Le
Golden Gate Bridge s’inscrit à la suite de ces échecs et réussites. Pour son dimensionnement, de
nombreux calculs ont été réalisés ainsi que des essais sur maquette.
Les records des portées passent de 486 m en 1883 avec le pont de Brooklyn à 521 m en 1890 avec
le pont en treillis tubulaire permettant la traversée du Fith of Forth. Ce record progresse petit à
petit jusqu’en 1931, lorsque le pont George Washington construit par Othmar H. Ammann sur
l’Hudson à New York atteint une portée de 1 067 m ! Une nouvelle ère est alors ouverte. Cet
ouvrage est suivi de près par le célèbre Golden Gate Bridge en 1937. Avec une portée de 1 280 m,
il détient le record jusqu’en 1964. Tous ces ponts américains utilisent un tablier en treillis,
parfois à deux étages, qui assurent la fonction de poutre de rigidité et par conséquent la
résistance vis-à-vis des effets du vent en flexion horizontale et en torsion.
De grandes avancées ont ensuite été permises grâce à l’expérience du célèbre pont de Tacoma
effondré en 1940. Il s’agissait d’un mince tablier, constitué de deux poutres latérales de faible
hauteur réunies par des platelages (chaussée). Il avait une portée de 855 m et était de très faible
largeur : cela lui donnait des caractéristiques exceptionnelles. Seulement quatre mois après sa
mise en service, un vent suffisamment important a fait entrer l’ouvrage en vibration.
Correspondantes au premier mode de torsion, les vibrations se sont amplifiées et ont entraîné la
destruction de l’ouvrage d’art en deux heures. Suite à cet évènement, les effets du vent ont été
repensés et considérés dans le dimensionnement des ponts suspendus suivant deux approches :
l’étude des phénomènes dynamiques produits par un vent régulier ;
l’étude dynamique de l’ouvrage aux effets turbulents du vent.
Figure 10 : Pont suspendu de Tacoma entré en vibration, quatre mois après son inauguration,
images extraites de [16]
Après l’effondrement du pont de Tacoma, les ingénieurs ont été extrêmement prudents : ils ont
mené des études poussées et en particulier, ont justifié l’utilité des poutres de rigidité en treillis
5
en tant que contreventement et leur dimensionnement. Des améliorations ont été apportées aux
ponts déjà construits comme le Golden Gate Bridge.
En parallèle des avancées américaines avec les tabliers en treillis, les anglais ont eu recours à des
caissons profilés pour donner à leurs ponts une forme aérodynamique semblable à une aile
d’avion inversée.
Figure 11 : Pont sur la Severn (entre l’Angleterre et le Figure 12 : Principe des tabliers en caissons
Pays de Galles) en caissons profilés, source [17] profilés
Le Golden Gate Bridge est un pont suspendu. Cependant, en 1921, Joseph B. Strauss avait proposé
un nouveau type de pont de conception hybride comportant un tablier suspendu soutenu aux
extrémités par des poutres Cantilever en treillis (figure 13). C’est après un long temps de
discussions que les ingénieurs conseils Leon S. Moisseiff et O.H. Ammann ont finalement réussi à
orienter l’ingénieur en charge de l’ouvrage vers un pont intégralement suspendu.
Avec une portée de 1 280 m, le choix d’un pont suspendu semble cohérent avec la figure 6. Un
pont à haubans aurait aussi pu être envisagé. Néanmoins, l’étude des ponts à haubans ne date
que des années 1950, soit environ 20 ans après la construction du Golden Gate Bridge.
6
2.2 - Un défi à relever par les ingénieurs
En 1933, la construction du pont du Golden Gate est une innovation colossale : ce pont suspendu
d’une portée de 1 280 m représentait un défi puisqu’il se hissait au-dessus d’un détroit réputé
pour ses nombreuses contraintes naturelles. Les ingénieurs ont donc dû prendre en compte les
courants dangereux, les vents violents, le risque sismique, le brouillard marin ainsi que les risques
de corrosion liés au sel dans la phase de construction puis d’utilisation de l’ouvrage. Ce projet a
aussi constitué un challenge dans le sens où « seulement » onze employés ont perdu la vie sur le
chantier – chiffre très faible à l’époque !
En pleine Grande Crise, des questions économiques et politiques se sont ajoutées aux défis
techniques.
Figure 14 : Le Golden Gate Bridge dans le Figure 15 : Le détroit de Golden Gate au début de la
brouillard, source [19] construction du pont, source [18]
Le tablier du Golden Gate Bridge est donc suspendu, par l’intermédiaire de suspentes, à deux
câbles principaux (un de chaque côté) ancrés dans le sol de part et d’autre du détroit de Golden
Gate et passant sur deux pylônes.
Figure 16 : Schéma du Golden Gate Bridge avec les différentes longueurs, source [20]
Les calculs de dimensionnement ont été menés par les ingénieurs Charles A. Ellis et Moisseif,
évidement sans aide informatique. Il s’agissait donc d’un travail complexe et difficile : l’outil le
plus moderne étant la règle de calcul. Une maquette des pylônes d’acier à l’échelle 1:56 a été
réalisée pour vérifier les calculs par l’intermédiaire d’essais. Il a par ailleurs fallu contrôler la
géologie du pylône sud, situé à plus de 335 m au large sur une roche serpentinique (roche peu
dure). Un test de charge a donc été mené en plaçant un wagon couvert (transport de
marchandises) chargé sur une surface de 0,260 m². Le sol a résisté.
Définition et calcul des charges
7
le poids-propre ;
les charges permanentes ;
le trafic ;
le vent ;
les effets thermiques.
Dans le cadre du dimensionnement à ELU, les charges définies ci-dessus sont à majorer par les
coefficients de sécurité répertoriés dans le tableau 1. Ces coefficients de sécurité sont
directement inclus dans le calcul des charges permanentes et des charges de trafic présentés ci-
après.
f3 fl
Poids-propre et charges permanentes 1,10 1,05
Surcharges permanentes 1,10 1,75
Trafic 1,10 1,30
Vent 1,10 1,10
Effets thermiques 1,10 1,00
Tableau 1 : Coefficients partiels de sécurité pour le dimensionnement à l’ELU d’après [21]
193 kN m
+ = 38,5 kN/m
Pour calculer les charges verticales du trafic routier et des piétons, on se place dans le cadre
donné par l’Eurocode 1 NF-EN-1991-2 (mars 2004). Différents modèles existent comme référencé
dans le tableau 2. Nous nous intéresserons aux cas 1 et 4.
8
nombre de voies conventionnelles : 6.
Modèle de charges 1 :
Le Golden Gate Bridge compte 6 voies de circulation. On se base sur les données du Royaume-Uni
pour réaliser les calculs. Ainsi, la charge répartie est prise égale à 5,5 kN/m² tandis que la charge
locale est, dans les deux sens de circulation, de :
300 kN sur la première voie ;
200 kN sur la deuxième voie ;
100 kN sur la troisième voie.
Modèle de charges 4 :
Suite à l’importante flèche présentée par le pont lors de son 50e anniversaire, alors qu’une dense
foule se tenait dessus, il peut être intéressant de s’intéresser au dimensionnement dans un cas de
foule où la charge répartie vaut 5 kN/m².
(5×27)× 1,10 × 1,30 = 193 kN/m
Du fait de la largeur plus importante de la zone accessible aux piétons, la charge linéique
majorée pour un cas de foule est plus importante que pour le trafic routier.
avec =1,53, coefficient prenant en compte les caractéristiques du terrain et turbulences [21],
c = 1, coefficient de direction, et = 1,39, coefficient de saison.
9
Figure 17 : Coefficient de force applicable aux tabliers de pont, source EUROCODE 1 NF-EN-1991-1-4
De plus, il est aussi important de considérer les efforts verticaux de soulèvement du tablier
engendrés par le vent à l’aide de la formule : = . .
avec :
= 12. . ² ;
v = 27×1280 = 34 560 m2, l’aire du tablier projetée verticalement ;
= 0,4, coefficient de force du vent comme précédemment.
On obtient :
= 10,4 kN/m
= Δ . .
Avec :
Δ = 20°C, la différence de température ;
= 12×10−6 /°C, le coefficient d’expansion thermique de l’acier et du béton ;
= 200 MPa, le module d’Young de l’acier.
10
Charges verticales :
On peut maintenant calculer la somme des charges verticales pour un cas de foule :
= 193+38,5+193+10,4 = 435 kN/m
Charges horizontales :
Les charges horizontales mises en évidence dans notre étude se limitent à celles du vent :
= 9,6 kN/m
On remarque ainsi que les charges horizontales sont négligeables. Il est cependant nécessaire de
considérer les effets dynamiques du vent pour ne pas risquer une destruction de l’ouvrage,
comme cela s’est produit sur le pont de Tacoma.
Ces calculs de charges permettraient par la suite de dimensionner les nombreux composants du
Golden Gate Bridge (câbles, tablier en treillis, piles,…).
Figure 18 : Pont suspendu et actions appliquées sur une partie de câble porteur, source [22]
À l’équilibre du tronçon, on a :
- 1 1+ 2 2 =0 (1)
- Δ - 1 1 + 2 2 =0 (2)
Ainsi, on a :
1 1= 2 2 (3)
La valeur de la tension projetée sur l’axe est donc la même en tout point du câble et en
particulier en l’origine où 1 = 2 = 0. On obtient donc l’équation :
11
1 1 = 2 2 = 0 (4)
(5)
en posant / 0= .
Donc, on a aussi :
(6)
(7)
(8)
(9)
L’équation du câble porteur est une parabole dont l’équation est donnée en (9).
Le Golden Gate Bridge est un pont enjambant l’eau. Le pylône sud se situe à 335 m de la côte de
San Francisco, il fallait donc être capable de construire sous l’eau. Les fondations du pylône sud
ont été coulées jusqu’à une profondeur de 33 m, dans des eaux tourmentées, froides et boueuses.
Les plongeurs, en scaphandrier et sans bouteille (pompage en surface), ont utilisé de la dynamite
et un système de tuyaux haute pression pour enlever les couches meubles et atteindre le substrat
rocheux. Les coffrages ont ensuite été positionnés et le béton de la ceinture de défense du
pylône, coulé à l’aide d’entonnoirs.
Figure 19 : Plongeur en scaphandrier avec tuyau pour l’air, et coupe transversale de la ceinture de
protection et de la fondation du pylône sud 1, source [18] sous l’autorisation de la SFHS collection Huggins
1
Œuvre de Chesley Bonestell, artiste ayant participé à la conception des détails architecturaux de plusieurs ouvrages
d’art dont le Chrysler building de New York.
12
Ces tubes de béton, joignant le fond à la surface de l’eau, ont ensuite été vidés de l’eau présente
et remplis de béton armé pour accueillir les piles métalliques. Pour construire les socles puis les
pylônes, une passerelle flottante d’accès a été mise en place : celle-ci a été détruite deux fois
durant le chantier (à cause d’une tempête et d’un bateau qui naviguait dans le brouillard). Au
total, 300 000 m3 de béton ont été nécessaires à la construction du Golden Gate Bridge. Les socles
en béton sont les fondations du Golden Gate Bridge : ils doivent par conséquent, être capables de
reprendre les charges pour les transmettre au sol.
Figure 20 : Regroupement des fils en torons et utilisation d’une presse hydraulique pour compacter les fils
d’acier et ne former qu’un câble porteur, source [18] sous l’autorisation de la San Francisco Historical
Society, Collection Huggins et San Francsisco Public Library
3.3 - Suspendre le tablier
Tous les 15 mètres, des suspentes (au total 250 paires) ont été installées le long des câbles
porteurs pour venir suspendre le tablier. Celui-ci se compose de poutres en treillis en acier qui
soutiennent les poutres transversales supportant la chaussée et donnent aussi une rigidité au
tablier vis-à-vis, par exemple, de l’action du vent. Les ponts suspendus présentent un grand
avantage en phase de construction : ne pas nécessiter de support temporaire. On part en effet
d’un pylône puis, de part et d’autre, on fixe les sections de tablier aux suspentes tout en
maintenant l’équilibre. Les sections du tablier sont directement amenées sur l’eau, à l’aide de
barges.
13
Figure 21 : Golden Gate Bridge en phase de construction. Les suspentes passent sur les colliers rainurées
serrés sur les câbles porteurs, filet de sécurité temporaire sous le tablier, source [18]
sous l’autorisation de GGBHTD et Bancroft Library University of California Berkeley
3.4 - La sécurité sur le chantier : un nouvel enjeu
Figure 22 : Equipements de sécurité sur le chantier du Golden Gate Bridge, source [18]
Aujourd’hui, les EPC et les EPI (respectivement les équipements de protection collective et
individuelle) sont obligatoires sur le chantier pour garantir la sécurité de tous. En 1933, durant la
construction du Golden Gate Bridge, cela n’était pas le cas. Le tablier de l’ouvrage est à 67 m du
niveau de la mer et les piles s’élèvent à 230 m. Travailler à de telles hauteurs s’avère dangereux
et terrifiant. Les constructeurs ont donc fait particulièrement attention à la sécurité. De façon à
limiter le risque de chute mortelle, des filets de sécurité ont été installés pour la première fois
lors d’une construction de pont. De plus, les ouvriers portaient un casque, des lunettes spéciales
pour se protéger du vent et une lampe frontale pour les tâches en milieu clos, c’était là encore
une nouveauté pour ce type de chantier. Afin de limiter les risques d’inhalation de vapeurs
toxiques lors de la mise en place des rivets (la couche d’apprêt empêchant la corrosion lors de la
construction avant la peinture comportait du plomb), les travailleurs devaient même porter un
14
appareil respiratoire. Finalement, ce sont 11 personnes qui ont trouvé la mort sur ce chantier
dont 10 lors de la chute d’un échafaudage qui a traversé le filet (19 hommes ont eu la vie sauve
grâce au filet). Compte tenu l’importance de l’édifice, le nombre de décès est très faible pour
l’époque.
Comme la Tour Eiffel, les travaux de peinture constituent un entretien perpétuel du pont pour
éviter la corrosion due à l’air et au sel (figure 23). Plusieurs changements de revêtement ont été
réalisés au cours du temps pour des raisons environnementales passant de la peinture au plomb,
au vernis vinyle puis acrylique dans les années 90. Aujourd’hui seules les zones les plus touchées
par la corrosion sont retouchées.
Le Golden Gate Bridge, comme le Chrysler building édifié quelques années auparavant, est un
monument typique des années 1930 de style Art Déco, reconnaissable aux motifs en chevron et
biseautés des pylônes aux lampadaires (figure 24).
15
4 – D’hier à aujourd’hui, toujours debout à l’horizon
D’après Joseph B. Strauss, l’ingénieur en chef du Golden Gate Bridge, cet ouvrage d’art resterait
debout « une éternité ». Il a effectivement été conçu pour tenir dans le temps, cependant un
entretien régulier et des améliorations sont nécessaires.
4.1 - Les modifications apportées au Golden Gate Bridge
Le Golden Gate Bridge a été inauguré en 1937. Depuis des modifications ont été réalisées sur le
pont de la Porte d’Or :
réfection du contreventement du dessous du tablier afin de mieux résister à la torsion sous
vents violents ;
une partie du tablier a été remplacée par une couche structurelle plus légère ;
chacune des 500 suspentes de l’ouvrage a été remplacée (une à une) ;
des dispositifs parasismiques ont été installés, profitant des progrès de compréhension des
séismes par rapport aux connaissances de l’époque (figure 25) ;
une partie des contreventements en croix de Saint-André au-dessus de Fort Point (fort
militaire au sud de l’entrée de la baie de San Francisco, figure 26), a été remplacée par
des éléments en acier plus résistants ;
des sondes de mesure de déplacements ont été mises en place à divers endroits pour
surveiller l’ouvrage sous l’action du vent, des séismes ou encore des charges de roulage,
ou des variations de température ;
des actions pour prévenir la corrosion sont menées en permanence (figure 23).
Figure 25 : Remplacement d'une pile par une Figure 26 : Fort Point situé en dessous du Golden
nouvelle munie de dispositifs antisismiques, Gate Bridge, remplacement des croix Saint-André
source [18] de l’arche en enjambant le fort
Aujourd’hui, le pont est surveillé en permanence. Il s’agit en effet d’un ouvrage sensible qui
assure la traversée de plus de 26 millions de véhicules par an, soit environ 3 000 par heure [24]
Différents dispositifs et protocoles ont donc été mis en place :
inspection des zones critiques tous les 24 mois nécessitant l’intervention de personnels
qualifiés pour accéder au-dessous du tablier comme le montrent les figures suivantes.
inspection des éléments complexes du pont correspondant aux équipements de suspension
et parasismiques – inspection visuelle tous les 24 mois.
16
inspection des éléments « communs » du pont comme les semelles orthotropes, les joints
de dilatation, les piles,… tous les 24 mois
inspection sous-marine tous les 60 mois d’importance variable (visuelle, détaillée avec
opérations de nettoyage, à l’aide de moyens de contrôle non destructif sur des zones
définies).
Le Golden Gate Bridge détient un triste record mondial : depuis 1937, ce sont plus de 1 600
personnes qui se sont tuées en sautant du tablier [26]. Les parkings à chaque extrémité et les
balustrades de seulement 1,20 m laissent un accès facile et seules les interventions de passants
ou de la police permettaient d’éviter les drames. Une vidéosurveillance ainsi que des bornes
téléphoniques reliées directement à un service de soutien psychologique ont donc été installées.
Plusieurs autres méthodes ont été proposées pour réduire ce nombre. La construction d’un
système de filet a été approuvée en 2008. Le coût important (45 millions de dollars) a retardé les
travaux d’installation du filet qui ont finalement débuté en avril 2017 pour empêcher, ou du
moins dissuader ces tentatives.
5 – Conclusion
Le Golden Gate Bridge, véritable emblème de San Francisco, mérite aussi d’être connu pour la
prouesse architecturale qu’il représente pour un édifice des années 1930. De par sa démarche de
conception et les précautions prises lors de sa construction il s’est avéré novateur et a sûrement
joué un rôle important dans la prise de conscience du monde de la construction vis-à-vis de
l’importance du dimensionnement et de la sécurité.
17
Références :
[1]: Daniel L. Lu (user:dllu) — Travail personnel, CC BY-SA 4.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=69855772
[2]: Von Alexrk - Eigenes Werkhttps://www.census.gov\/geo/www/tiger
http://www.mtc.ca.govDiese W3C-unbestimmte Vektorgrafik wurde mit Inkscape erstellt., CC
BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4406997
[3]: https://fra.archinform.net
[4]: Conception et construction des arcs, A. Antonelli, C. Desodt, H. Horsin Molinaro, ressource
Culture Sciences de l’Ingénieur, http://eduscol.education.fr/sti/si-ens-
cachan/ressources_pedagogiques/conception-et-construction-des-arcs
[5]: Etude du renforcement d’un pont mixte, C. Desodt, H. Horsin Molinaro, H. Rattez, ressource
Culture Sciences de l’Ingénieur, http://eduscol.education.fr/sti/si-ens-paris-
saclay/ressources_pedagogiques/etude-du-renforcement-dun-pont-mixte
[6]: https://espritdepays.com/bonus/glossaire-architecture-religieuse
[7]: GIRAUD Patrick (user Calips) — Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=601665
[8]: http://www.bluhmpartner.com/de/experts/projects/sinntal-bridge
[9]: Original téléversé par Pep.per sur Wikipédia français. — Transféré de fr.wikipedia à Commons
par Korrigan utilisant CommonsHelper., CC BY-SA 1.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4812831
[10]: Glabb — Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9477522
[11]: Nemodus photos, Flickr, CC by-nc-nd 2.0, https://www.futura-sciences.com/
[12]: Ponts en acier, conception et dimensionnement des ponts métalliques et mixtes acier-
béton, Jean-Paul Lebet et Manfred A. Hirt, EPFL
[13]: Personal Photograph taken by Mick KnaptonTransféré de en.wikipedia à Commons par
sevela.p., CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3688577
[14]: http://www.art-et-histoire.com
[15]: Bruno Corpet (Quoique) — Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11809570
[16]: https://www.youtube.com/watch?v=uhWQ5zr5_xc
[17]: Nicholas Mutton, CC BY-SA 2.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=14476634
[18]: http://goldengate.org/
[19]: photo de R. Niewiroski Jr., http://www.meteo-paris.com
[20]: Roulex 45 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4216116
[21]: The study on San Francisco golden gate bridge, Kei Fung Sameul, Kwan, University of Bath,
Architecture and Civil Engineering Department
[22]: http://www.ulb.ac.be/soco/matsch/recherche/12/ponts/ponts.htm
[23]: Calibas — Travail personnel, CC BY-SA 4.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3148088
[24]: https://frenchdistrict.com/
[25]: https://www.hdrinc.com
[26]: https://www.lepoint.fr
Ressource publiée sur Culture Sciences de l’Ingénieur : http://eduscol.education.fr/sti/si-ens-paris-saclay
18