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m a r k e t i n g – c o mm u n i c at i o n
Marketing
stratégique
et opérationnel
La démarche marketing
dans l’économie numérique
9e édition
Jean-Jacques Lambin
Chantal de Moerloose
Maquette de couverture : Alain Vambacas
Mise en page : Belle Page
© Dunod, 2016
11, rue Paul-Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-074546-3
Table des matières
Avant-propos 1
Partie 1
Définition et fondements idéologiques
de la démarche marketing
ection 1
S La démarche marketing 10
ection 2
S Le modèle d’orientation-marché (OM) 20
ection 3
S Les fondements idéologiques du marketing 28
ection 4
S Les modèles économiques alternatifs compatibles 35
ection 1
S L’impact de l’économie numérique 45
ection 2
S La mondialisation de l’économie 53
ection 3
S Le développement durable 56
Marketing stratégique et opérationnel
Partie 2
Comprendre le comportement du client
ection 1
S Les différents rôles du client 82
ection 2
S Le besoin vu sous l’angle du client 84
ection 3
S Le vrai besoin du client : une « solution » 92
ection 4
S Le produit panier d’attributs (PPA) 97
ection 5
S Typologie des biens de consommation 100
ection 6
S Les spécificités des services 102
ection 7
S Les spécificités de la demande de produits industriels 105
ection 1
S Le comportement d’achat du client 119
ection 2
S Les niveaux de réponse du client 122
ection 3
S Les mesures de la réponse affective 126
ection 4
S Interprétation du modèle multi-attributs 133
ection 5
S La matrice « importance/performance » 136
ection 6
S La mesure de la réponse comportementale 138
ection 7
S La mesure de la réponse post-comportementale 145
ection 1
S Structure d’un système d’information marketing 165
IV
Table des matières
Partie 3
Le marketing stratégique
V
Marketing stratégique et opérationnel
ection 1
S La matrice « croissance/part de marché relative » 350
Section 2 La matrice « attractivité/compétitivité » 357
ection 3
S L’analyse de portefeuille « SWOT » 364
ection 4
S Deux conceptions de la stratégie 367
ection 5
S Les options stratégiques de base 368
Section 6 Les stratégies de croissance 373
Section 7 Les stratégies concurrentielles 382
ection 8
S La stratégie de leadership intellectuel 386
ection 9
S Les stratégies de développement international 389
VI
Table des matières
Partie 4
La mise en œuvre du marketing opérationnel
ection 1
S Le rôle économique de la distribution 470
ection 2
S Le choix d’un réseau de distribution 475
Section 3 Les choix de couverture du marché 479
Section 4 Les stratégies vis-à-vis des distributeurs 485
ection 5
S La distribution inbound et outbound par internet 489
ection 1
S L’importance et la complexité de la décision prix 497
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
VIII
Avant-propos
C ette neuvième édition offre au lecteur, comme les huit précédentes, un traitement complet
de la démarche marketing en gardant la distinction entre marketing stratégique et marketing
opérationnel ou – en français classique – entre la mercatique et le marchéage. Ce nouveau texte
continue à soutenir le concept d’orientation-marché comme substitut au concept du marketing tradi-
tionnel, trop souvent centré sur la vente à court terme. Le texte couvre les décisions marketing dans
le domaine des biens et services, des marchés de consommation (B2C) et des marchés industriels
(B2B), des marchés hors ligne et des marchés en ligne. Les problématiques du développement inter-
national et celles de l’intégration du numérique sont abordées dans plusieurs chapitres.
1 La révolution numérique
Le changement majeur de cette décennie est incontestablement celui de la croissance rapide des
technologies de l’information et de la communication. Les innovations dans les systèmes numé-
riques sont à l’origine d’une révolution qui bouleverse radicalement nos modes de pensée, de com-
portement, de communication, de travail et de décision. Cette mutation de l’économie de marché
se manifeste par une mise en réseau planétaire des individus (le Web), par de nouvelles formes de
communication (courriels, réseaux sociaux), par une décentralisation dans la circulation des idées
et par une réappropriation de l’espace public par les citoyens. Cette « révolution numérique » ouvre
de nouvelles perspectives à la création du savoir, à l’éducation et à la diffusion de l’information.
de la gestion marketing dans les entreprises. Voici dix exemples de changements significatifs
sélectionnés dans l’ouvrage.
1. Le paradigme SAVE proposé par Ettenson et al. (2013) remplace le paradigme des 4Ps et met
l’accent sur Solution-Accès-Valeur-Éducation. Il est davantage orienté-client et répond mieux
à la complexité des marchés de l’économie numérique.
2. Dans une économie numérique, le terme méta-marché décrit un marché virtuel qui regroupe
l’ensemble des produits et services complémentaires qui relèvent de secteurs d’activité diffé-
rents, mais qui sont requis pour produire la solution recherchée par le consommateur. Le
potentiel d’un méta-marché est toujours plus important que celui d’un produit-marché.
3. Le chiffre d’affaires mondial de l’e-commerce B2C s’est élevé à près de 1 043 milliards de
dollars en 2012, en hausse de près de 21,7 % par rapport à 2011. En France, les ventes sur
Internet ont progressé de 11,5 % en 2014, pour atteindre 56,8 milliards d’euros, alors que le
commerce traditionnel gagnait, lui, seulement 1,1 %. La même progression est à attendre dans
les marchés B2B.
4. Le développement du commerce électronique bouleverse la configuration des marchés en
favorisant notamment l’apparition de nouveaux types d’intermédiaires. On peut regrouper ces
nouveaux intermédiaires dans trois grandes catégories : la désintermédiation, l’info-médiation
et la ré-intermédiation, sans compter le rôle croissant des places de marché en ligne.
5. Dans une économie numérisée, le nouvel objectif de la communication marketing est d’aider
les clients potentiels à trouver facilement l’entreprise au moyen d’Internet au lieu d’essayer
de les trouver et de les séduire grâce aux techniques du « marketing sortant » (publicité, vente
et promotions) dont l’efficacité et les coûts élevés sont remis en question. Le marketing
entrant (inbound) se substitue progressivement au marketing sortant (outbound).
6. Au niveau mondial, le marché publicitaire digital devrait rester le seul média à enregistrer une
croissance à deux chiffres, estimée à +15,7 % en 2015 (stable) et +14,3 % (vs +13,8 %) en
2016. La part de marché du digital devrait passer de 24,3 % en 2015 à 26,5 % en 2016. La
question se pose de l’avenir des médias traditionnels.
7. Sur Internet, les entreprises peuvent non seulement mesurer et tester la sensibilité au prix des
internautes, mais en outre elles ont la possibilité d’adapter les prix en ligne selon les segments
et de les ajuster instantanément en cas de changement observé sur le marché.
8. Ce qui explique aujourd’hui le succès du marketing relationnel (CRM) tient au fait que la
technologie permet de créer et d’entretenir une relation personnalisée et singulière du type
« one-to-one » et cela avec un nombre élevé de consommateurs dans le marché mondialisé.
9. Aujourd’hui, le leadership intellectuel d’une entreprise se mesure par l’empreinte qu’elle
laisse dans son environnement. Cette empreinte peut être d’ordre opérationnel, intellectuel ou
relationnel. La stratégie de « thought leadership » s’appuie sur une exploitation de l’intelli-
gence collective de l’entreprise et sur une production régulière et durable de contenus et
d’analyses innovantes. Progressivement, l’entreprise est perçue comme celle qui fait autorité
dans le domaine et qui a une vision sur l’avenir.
10. Au plan international, compte tenu de l’émergence des technologies numériques, une ques-
tion se pose : « être global implique-t-il nécessairement d’être local ? » Le netchising se
2
Avant-propos
présente comme une alternative crédible qui ambitionne d’organiser le déploiement interna-
tional d’une entreprise selon un mode flexible, moins risqué et moins coûteux, en s’appuyant
sur le Web et sans investissement en dur.
3
Marketing stratégique et opérationnel
Dans la troisième partie de l’ouvrage, les tâches spécifiques du marketing stratégique sont
décrites en six étapes. La première étape (chapitre 6) est de suivre l’évolution du marché de
référence et d’identifier les différents produits-marché et segments qui en font partie. L’étape
suivante consiste à évaluer l’opportunité économique de ces segments potentiels, dont les attraits
intrinsèques et le potentiel de croissance peuvent être mesurés en se référant à la notion de mar-
ché potentiel absolu et au modèle du cycle de vie (chapitre 7). Pour une entreprise particulière,
le potentiel d’un produit-marché ou d’un segment dépend de sa compétitivité, c’est-à-dire de
sa capacité et de ses qualités distinctives pour rencontrer les besoins du segment mieux que ses
concurrents directs. Cette supériorité ou avantage concurrentiel peut résulter soit d’éléments de
différenciation importants pour le consommateur, soit de coûts inférieurs imputables à une meil-
leure productivité (chapitre 8). Sur base de cet audit stratégique, l’entreprise pourra sélectionner
le ou les segments cibles et construire une stratégie de positionnement adaptée à chaque unité
d’activité stratégique retenue dans le portefeuille de l’entreprise (chapitre 9). L’objectif du cha-
pitre 10 est d’examiner les différentes stratégies de marketing qui permettent à l’entreprise de
réaliser ses objectifs de croissance et de rentabilité. On examinera successivement les options
stratégiques de base, les stratégies de croissance, les stratégies concurrentielles et les options du
développement international. Le chapitre 11 est consacré à l’innovation et à la recherche de solu-
tions nouvelles pour le client.
La partie 4 du livre est entièrement consacrée au marketing opérationnel et aux problèmes de
mise en application des options retenues au niveau du marketing stratégique. On retrouvera ici
les décisions du marketing opérationnel qui concernent la politique de marque (chapitre 12), la
politique de distribution (chapitre 13), la politique de prix (chapitre 14) et la communication mar-
keting (chapitre 15).
4 Public visé
Cet ouvrage a été conçu comme un texte d’introduction au marketing pour des étudiants en
gestion. Il s’adresse aussi à ceux et à celles qui, exerçant des responsabilités dans l’entreprise,
souhaitent disposer d’une introduction approfondie aux fondements, aux concepts, aux méthodes
et aux applications du marketing dans les marchés de consommation ou dans les marchés indus-
triels. Les éditions précédentes se sont révélées particulièrement utiles aux lecteurs suivants :
• Les responsables du marketing, chargés de l’élaboration d’un plan de marketing stratégique ;
• Les dirigeants – très souvent des ingénieurs – qui reçoivent la mission de créer ou de dévelop-
per la fonction marketing, en particulier dans des activités de haute technologie où la fonction
marketing était traditionnellement inexistante ou sous-développée ;
• Les commerciaux ou les responsables de la vente, qui ont une expérience étendue dans le
domaine commercial ou publicitaire et qui doivent évoluer vers une fonction de marketing stra-
tégique dans leur entreprise ;
• Les consultants en management stratégique, qui ont pour mission de procéder à un audit mar-
keting de leurs clients et de formuler des recommandations sur la stratégie de développement à
suivre ;
4
Avant-propos
• Les dirigeants d’entreprises en provenance des économies émergentes qui participent à des
séminaires de formation en management et qui sont chargés de la restructuration de leur entre-
prise dans le contexte d’une économie en transition vers une économie de marché ;
• Les responsables expérimentés en marketing, qui souhaitent structurer leur expérience passée et
mieux comprendre les méthodes et concepts qui sont à la base de la démarche marketing.
Une note pédagogique, destinée aux enseignants utilisant l’ouvrage comme principale référence
dans leurs cours, est disponible sur demande adressée aux auteurs : [email protected],
[email protected]. Elle contient une série de transparents, reprenant les princi-
paux graphiques de l’ouvrage, ainsi que les solutions des exercices présentés en fin de chapitre.
En outre, un MOOC (Massive Open Online Course) « Découvrir le marketing » est disponible sur
Internet. Il couvre principalement le marketing opérationnel et cible un public débutant.
Jean-Jacques Lambin
Rethinking the Market Economy (2014), London, Palgrave Macmillan.
Quel avenir pour le capitalisme ? (2011), Paris, Dunod.
Changing Market Relationships in the Internet Age (2008), Louvain-la-Neuve, Presses
Universitaires de Louvain.
Marketing stratégique et opérationnel (5e édition, 2002, Jean-Jacques Lambin avec Ruben
Chumpitaz ; 6e édition, 2005, avec Ruben Chumpitaz et Chantal de Moerloose ; 7e édition, 2008,
avec Chantal de Moerloose ; 8e édition, 2012, avec Chantal de Moerloose), Paris, Dunod.
Market-driven Management: Strategic and Operational Marketing (2000/2012), avec Isabelle
Schuiling, London, Palgrave Macmillan Business.
La recherche marketing : analyser, mesurer, prévoir (1990), Paris, Ediscience International.
Le marketing stratégique : fondements, méthodes et applications (1986/1999), Paris, McGraw-
Hill et Ediscience International.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
La gestion marketing de l’entreprise (1977) avec Robert Peeters, Paris, Presses Universitaires
de France.
Advertising, Competition and Market Conduct in Oligopoly over Time (1976), Amsterdam,
North Holland Publishing Company.
Modèles et programmes de marketing (1970), Paris, Presses Universitaires de France.
La décision commerciale face à l’incertain (1965), Paris, Dunod.
Chantal de Moerloose
Découvrir le marketing. MOOC (Massive Open Online Course) (2015, 2016), EdX.
https://www.edx.org/course/decouvrir-le-marketing-louvainx-louv11x-1
Contingence du type de nouveauté sur le succès des produits nouveaux (1999), Louvain-
la-Neuve, CIACO.
5
1
Analyse financière
Partie
Le marketing dans l’entreprise Chapitre 1
et dans l’économie
Les défis de l’économie numérique Chapitre 2
Avant-propos
Définition
et fondements idéologiques
de la démarche marketing
Chapitre
Le marketing
1 dans l’entreprise
et dans l’économie
objectifs
Dans ce chapitre, nous analyserons les questions suivantes :
Quelles sont les différences entre le marketing stratégique et opérationnel ?
Quelles sont les différences entre le marketing stratégique réactif et proactif ?
Quelles sont les différences entre le marketing opérationnel transactionnel et relationnel ?
Quelles sont les limites du concept marketing traditionnel ?
Comment définir et mesurer le modèle d’orientation-marché ?
Quels sont les fondements théoriques et idéologiques du marketing ?
Quels sont les nouveaux modèles économiques démocratiques ?
SOMMAIRE
Section 1 La démarche marketing
Section 2 Le modèle d’orientation-marché (OM)
Section 3 Les fondements idéologiques du marketing
Section 4 Les modèles économiques alternatifs compatibles
Partie 1 ■ Définition et fondements idéologiques de la démarche marketing
D epuis plus de cinquante ans, le concept de marketing a été décrit de nombreuses manières
par différents auteurs, mais le terme est devenu synonyme d’orientation-clients, la défini-
tion la plus courte du marketing étant « rencontrer de manière rentable les besoins des clients ».
Le marketing doit être vu comme une discipline de gestion qui comprend un système de pen-
sée, d’analyse et d’action. L’objectif de ce premier chapitre est de décrire le système de pensée,
de préciser les fondements idéologiques du concept marketing et d’en analyser les principales
implications au plan du fonctionnement et de l’organisation de l’entreprise. En tant que système
d’analyse, le marketing se doit de comprendre les besoins des individus et des organisations, en
identifiant des marchés existants ou en imaginant des besoins non exprimés ou futurs. En tant que
système d’action, le marketing remplit un certain nombre de tâches nécessaires au bon fonction-
nement d’une entreprise opérant dans une économie de marché basée sur l’échange volontaire et
concurrentiel.
Section
1 La démarche marketing
10
Le marketing dans l’entreprise et dans l’économie ■ Chapitre 1
la philosophie stoïcienne (160 A.D.) : « en servant les autres, on se sert soi-même ». Ce principe,
formalisé dans la littérature économique par Adam Smith (1776) et par Amartya Sen (2003), est un
des fondements de l’économie de marché. Dans les termes d’Adam Smith :
« Le bien-être social ne dépend pas en définitive des intentions altruistes, mais résulte davantage de la
conjonction, par l’échange concurrentiel et volontaire, des mobiles intéressés des producteurs et des
vendeurs. »
Partant du principe que la poursuite de l’intérêt personnel est une tendance constante chez la
plupart des êtres humains – ce que l’on peut déplorer sur le plan moral mais qui reste un fait –
Adam Smith suggère de laisser les gens être ce qu’ils sont, mais de développer un système qui
fasse en sorte que les individus égocentriques contribuent, sans le vouloir, au bien commun. Ce
système est alors celui de l’échange concurrentiel et volontaire géré par une main invisible, celle
de la poursuite égoïste d’intérêts personnels qui sert en fin de compte l’intérêt général.
Dans les économies modernes, ce principe de base a, certes, été amendé de considérations sociales
et sociétales (effets externes, préférences collectives, solidarité sociale, État-arbitre…), mais il reste
néanmoins le principe directeur qui oriente l’activité économique de toute entreprise opérant dans
une économie de marché. En outre, il est devenu plus clair que jamais que les pays qui ont nié les
idées d’Adam Smith ont découvert à leurs dépens qu’ils ont régressé sur le plan économique. Les
tribulations de l’Europe de l’Est à l’ère soviétique et le renouveau économique des pays (comme la
Chine) qui ont résolument pris l’option de l’économie de marché en témoignent.
Dans ce premier sens, très mercantiliste, le marketing s’appliquerait principalement dans les
marchés de grande consommation et beaucoup moins dans les secteurs plus nobles des produits
de haute technologie, de l’administration publique, des services sociaux et culturels.
• Le marketing, c’est un ensemble d’outils d’analyse, de méthodes de prévision et d’études de
marché mis en œuvre afin de développer une approche prospective des besoins et de la demande.
Ces méthodes, souvent complexes, seraient réservées aux grandes entreprises mais inacces-
sibles aux petites et moyennes entreprises.
• Le marketing, c’est le grand corrupteur, l’architecte de la société de consommation, c’est-à-dire
d’un système marchand dans lequel les individus font l’objet d’une exploitation commerciale
par le vendeur. Pour vendre toujours plus, il faudrait fabriquer continuellement de nouveaux
besoins. À l’aliénation des individus en tant que travailleurs, du fait de l’employeur, s’ajouterait
l’aliénation des individus en tant que consommateurs, du fait du vendeur.
Le langage courant trahit fréquemment cette dévalorisation implicite.
11
Partie 1 ■ Définition et fondements idéologiques de la démarche marketing
Exemple
« C’est un coup marketing » pour signifier une tromperie. « C’est du pur marketing » lorsque deux pro-
duits identiques sont vendus à des prix différents. « pour des raisons (bassement) marketing » qui sont,
en fait, bien plus souvent financières… « Il va falloir (se résoudre à) faire du marketing » pour rattraper
un lancement raté de nouveau produit, mal conçu à l’origine. « C’est une bonne opération marketing »
pour une action ponctuelle rentable.
Ces vues schématiques cachent une réalité bien différente. Comme montré au Tableau 1.1, la
démarche marketing complète s’articule autour de trois composantes : une composante action (la
conquête des marchés), une composante analyse (la compréhension des marchés) et une compo-
sante culture (une philosophie de gestion).
Tableau 1.1 – Les trois composantes de la démarche marketing
Responsable dans l’orga-
Composantes Orientation Activités
nisation
Action La conquête des marchés Le bras commercial Le département vente
Analyse La compréhension des La réflexion stratégique Le département marketing
marchés ou stratégie
Culture L’économie de marché Les choix stratégiques Le responsable de la culture
de l’entreprise
2 Le risque de polysémie
La polysémie est la caractéristique d’un mot ou d’une expression qui a plusieurs sens ou
significations différentes. La plupart des auteurs et des dirigeants utilisent indifféremment les
expressions concept marketing, orientation-marché, orientation-clients ou tout simplement
marketing, sans pour autant leur donner une interprétation précise. Le consensus porte sur
l’idée (très évidente) que, pour réussir, l’entreprise doit être proche de ses clients. Depuis plus
de 50 ans, les dirigeants d’entreprises sont bombardés de messages leur disant (a) de placer le
client au centre de leurs préoccupations, (b) de développer des stratégies d’innovation basées
sur les besoins exprimés des clients potentiels, et (c) de recourir au paradigme des 4Ps pour
12
Le marketing dans l’entreprise et dans l’économie ■ Chapitre 1
mettre en œuvre cette stratégie orientée « clients ». C’est ce que nous appelons le concept mar-
keting traditionnel. De surcroît, le terme marketing est également mal utilisé par le monde aca-
démique, qui manifestement souffre de polysémie chronique, c’est-à-dire qui l’emploie dans
des acceptions multiples, réductrices et peu rigoureuses.
Exemple
Par exemple, « marketing politique » pour communication électorale, « marketing Internet » pour com-
merce électronique, « marketing relationnel » pour vente relationnelle, « marketing viral » pour com-
munication de bouche à oreille, « marketing direct » pour vente sans magasin et ainsi de suite.
Il est à noter aussi que le monde académique parle du « consommateur » – une entité plus abs-
traite – et non pas du « client », un terme perçu comme trop mercantile comme si l’objectif de
la démarche marketing n’était pas la satisfaction du client. Un client est un consommateur bien
identifié qui est libre de choisir et qui est traité comme tel par l’entreprise, par contraste avec un
consommateur qui subit passivement les assauts de l’entreprise.
Né dans les années 1950 et adopté au cours des trente glorieuses (1945-1975), le succès du mar-
keting peut s’expliquer notamment par le fait que les entreprises américaines et européennes opé-
raient à l’époque dans des marchés en forte croissance avec une demande largement supérieure à
l’offre, pour des besoins connus et bien identifiés.
13
Partie 1 ■ Définition et fondements idéologiques de la démarche marketing
Le marketing opérationnel est un processus centré sur l’action, à court ou moyen terme, qui
cible des marchés ou des segments existants. C’est le processus classique qui vise un objectif de
part de marché avec des outils tactiques comme le produit et la marque, la distribution, le prix et
la communication. Le plan de marketing opérationnel décrit les objectifs, les positionnements
choisis, les tactiques et les budgets pour chaque marque du portefeuille, pour une certaine période
et une certaine zone. Lorsqu’il est restreint au marketing opérationnel, le marketing peut vite
dégénérer vers une « orientation-vente » et une attention exclusive à la communication. Or, le
marketing opérationnel ne sera efficient que s’il est appuyé sur des options stratégiques solides.
Tableau 1.2 – Contraster le marketing opérationnel et stratégique
Marketing opérationnel Marketing stratégique
Orienté action Orienté analyse
Opportunités existantes Opportunités nouvelles
Variables autres que le produit Choix des produits-marchés
Environnement stable Environnement dynamique
Comportement réactif Comportement proactif
Gestion journalière Gestion à long terme
Département Marketing Responsabilité interfonctionnelle
14
Le marketing dans l’entreprise et dans l’économie ■ Chapitre 1
consommateur, ou encore le bras commercial. Pour reconnaître la spécificité des services, Booms
et Bitner (1981) y ont ajouté trois P : People (le personnel au contact du client), Process (le pro-
cessus de production d’un service ou « servuction ») et Physical Evidence (tout ce qui contribue
à tangibiliser le service). De nombreuses critiques ont été émises à l’encontre du concept du mar-
keting mix (Constantinides, 2006 ; Möller, 2006).
• La première critique des 4P et des 7P : leur manque de contenu stratégique, qui ne permet pas la
planification, en particulier dans les contextes turbulents. En effet, il y est implicite que le mar-
ché, les clients, la compétition, les distributeurs, les partenaires sont connus et bien identifiés. Il
s’agit de tâches de marketing stratégique et ce n’est que lorsque ces options stratégiques seront
prises que le marketing opérationnel pourra être mis en œuvre.
• Le deuxième critique est que le marketing mix est en réalité une vue « de l’intérieur vers l’exté-
rieur », alors qu’elle prétend être une vue « de l’extérieur vers l’intérieur » donnant la primauté
aux clients.
• La troisième critique est que le mix marketing des 4Ps focalise l’attention sur les transactions à
court terme, plus que sur la relation, ce qui est plus approprié pour les biens à rotation rapide, mais
qui est mal adapté à l’économie numérique du xxie siècle.
Mais encore aujourd’hui, nombre d’entreprises sont enclines à assimiler le « marketing » au
seul « marketing mix », ce qui est en fait révélateur d’une orientation-production ou d’une orien-
tation-vente dont l’objectif est de plier la demande à une offre déjà conçue, se focalisant ainsi sur
les besoins de l’entreprise. La vraie orientation-client s’interroge sur ce que l’on peut faire pour le
client, en adaptant l’offre à ses attentes dans une perspective réciproquement gagnante.
produit et non pas le produit en tant que tel (voir chapitre 3). Alors que les produits, aux yeux
de l’entreprise, portent sur les fonctionnalités, aux yeux des clients, les solutions portent sur
leur résultat.
• Accès et non pas distribution (Place). Beaucoup d’entreprises opèrent sur Internet et mettent
l’accent sur la facilité d’accès et sur l’ubiquité plutôt que sur l’appropriation d’un bien et sur
sa disponibilité physique ; les modalités d’accès sont variées et en changement constant (voir
chapitre 13).
• Valeur et non pas prix. Les clients sont davantage concernés par la valeur apportée par le produit
ou le service et secondairement par son prix. L’objectif du marketing stratégique est de créer
une proposition de valeur pour le client (voir chapitre 14).
• Éducation et non pas promotion. Les entreprises exercent aujourd’hui un rôle éducatif en appor-
tant à leurs clients actuels et potentiels des informations, leur permettant ainsi de mieux évaluer
15
Partie 1 ■ Définition et fondements idéologiques de la démarche marketing
leurs intérêts et leurs besoins et de se familiariser avec l’offre de biens ou de services avant de
s’engager dans le processus d’achat (voir chapitre 15).
Comme on le verra dans les chapitres suivants, ce nouveau paradigme est davantage orienté-
client et, de ce fait, répond mieux à la complexité des marchés de l’économie numérique.
Coordination
Analyse de marché Activités de R&D
interfonctionnelle
Marketing stratégique
On retrouve ici la distinction entre besoins exprimés (ou articulés) et latents (ou inarticulés).
Ce qu’un client recherche, c’est une solution adaptée à son problème, mais il manque souvent
de connaissances quant à la solution technologique possible. L’entreprise, par contre, est mieux
placée pour connaître les possibilités nouvelles ou émergentes.
16
Le marketing dans l’entreprise et dans l’économie ■ Chapitre 1
Ce contraste entre une stratégie réactive ou proactive implique un choix stratégique fondamen-
tal : poser le problème en termes de stratégie déduite (fit) ou de stratégie construite (stretch) :
« Faut-il se placer sur un marché existant ou créer un marché nouveau ? ». La réponse est pro-
bablement que la direction générale doit choisir un juste équilibre entre les deux approches. Si
l’entreprise est prudente, elle consacrera une part marginale de ses investissements au marketing
17
Partie 1 ■ Définition et fondements idéologiques de la démarche marketing
Comme montré au tableau 1.3, les différences entre marketing transactionnel et marketing rela-
tionnel sont importantes :
• Une nouvelle culture, selon laquelle « la relation vaut plus que la transaction ». Le succès ne
se mesure pas à la quantité de transactions réussies, mais bien au nombre de relations durables
initiées.
18
Le marketing dans l’entreprise et dans l’économie ■ Chapitre 1
• L’objectif de créer une relation forte et durable. Entretenir et cultiver cette relation mutuelle-
ment rentable est l’objectif prioritaire.
• Le marketing relationnel présuppose l’existence d’avantages partagés entre vendeur et ache-
teur, alors que le marketing transactionnel s’appuie sur des besoins contradictoires, l’acheteur
recherche un prix attractif et le vendeur un profit élevé.
• Les outils d’analyse sont différents. Les bases de données personnelles sont largement utilisées.
Toutes les informations, tous les contacts avec le client sont enregistrés dans une base de don-
nées centrale à laquelle tout membre de l’entreprise a un accès immédiat. Chacun est donc à
même d’assurer un suivi continu du client.
• Cette information permanente et complète est destinée à une « optimisation du portefeuille de
clients », c’est-à-dire à repérer les clients les plus avantageux et à envoyer à tout le personnel
des signaux permettant d’identifier les clients-là qui doivent être mieux servis et de façon plus
personnalisée.
• Des instruments d’action privilégiés. Les outils dominants deviennent ceux du marketing direct :
mailing, call center, réseaux sociaux, etc., ainsi que l’introduction dans des communautés de
consommateurs utilisées comme des points ciblés de démarrage d’une relation durable.
• Le marketing transactionnel met l’accent presque exclusivement sur le prix alors que le relation-
nel met en avant l’importance des avantages extra-économiques, comme les services, la facilité
d’accès, les délais de livraison, la continuité et la régularité de l’offre, etc.
La philosophie de la relation « conseiller-éduquer-vendre » s’oppose à la démarche « suggérer-
imposer-convaincre-séduire ». Elle se caractérise par l’importance donnée à l’analyse explora-
toire vraie et non manipulatoire des besoins et des motivations du client et à la recherche d’une
relation durable et mutuellement satisfaisante entre le vendeur et l’acheteur. L’attention est dépla-
cée de l’objectif de conclure une vente à celui de créer les conditions d’une relation susceptible de
satisfaire les deux parties à long terme. Dans une entreprise ayant adopté l’orientation-marché la
pratique est de parler, non plus de vendeurs, mais de conseillers ou de consultants.
19
Partie 1 ■ Définition et fondements idéologiques de la démarche marketing
MARKETING MARKETING
S TRATÉGIQ UE OPÉRATIONNEL
Besoins produits-marchés
Marchés-cibles
Attractivité, compétitivité
Moyens marketing
Prévision demande
Objectif de part de marché
primaire
OBJECTIF DE VENTE
(en volume)
PROGRAMM E MARKETING
(produit, distribution, prix,
publicité, équipe de vente)
OBJECTIF DE
CONTRIBUTION AU PROFIT
Section
2 Le modèle d’orientation-marché (OM)
Il faut reconnaître que le terme marketing est ambigu et véhicule mal l’idée de satisfaction
des besoins. Non seulement il a le tort d’être un mot américain, mais en outre il met l’accent sur
l’aval du processus d’entrée sur un marché sans évoquer l’amont. Comme souligné plus haut,
littéralement « marketing » signifie « la mise en marché ». C’est en 1974 que le Journal Officiel a
introduit en France les deux vocables « mercatique » et « marchéage », enjoignant les entreprises
en relation avec l’État français à dorénavant les utiliser comme substituts au terme « marketing ».
Dans l’esprit de l’Académie française responsable de ces néologismes, le terme « mercatique »
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Le marketing dans l’entreprise et dans l’économie ■ Chapitre 1
désigne la réflexion et l’analyse qui précèdent tout processus de commercialisation (la réflexion
stratégique), le vocable « marchéage », les aspects opérationnels qui l’accompagnent (le bras
commercial).
En dépit de la pertinence de cette distinction – qui va au-delà d’un simple jeu sémantique – on
est bien obligé de constater aujourd’hui que ces termes ne sont guère utilisés dans le monde des
affaires en francophonie et en France en particulier, qui continue à assimiler « marketing » à
« vente et publicité » sans faire explicitement de distinction entre les dimensions « analyse » et
« action » du concept de gouvernance par le marché, accréditant ainsi implicitement l’idée que la
démarche marketing est un processus de création de besoins et non pas un processus de réponse
aux besoins de la population ou des organisations. Les mots véhiculant les idées, on peut égale-
ment craindre que cette conception des choses ne soit pas sans conséquences sur la performance
des entreprises et qu’elle puisse, par exemple, expliquer la tendance à privilégier les objectifs de
court terme au détriment d’une vision à long terme et le trop faible taux d’innovation, deux fai-
blesses souvent relevées dans les entreprises européennes.
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