Items 224 MTEV 2018 PDF
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1. La maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) est une entité clinique dont les deux
manifestations cliniques sont les thromboses veineuses profondes (TVP) et/ou l’embolie
pulmonaire (EP).
2. La MTEV est fréquente (incidence annuelle de 1 à 2 pour 1000 habitants par an) et grave
(mortalité à 3 mois de 10 à 15%)
3. Deux présentations cliniques très différentes d’EP: une forme rare (5% des cas) l’EP à haut
risque de décès définie par la présence d’un état de choc (mortalité 25-50%) et les EP
sans états de choc (95% de cas) dont la présentation clinique est très polymorphe et dont
la difficulté de prise en charge repose sur l’évocation du diagnostic et le respect de
l’algorithme diagnostique.
4. Le diagnostic de MTEV est difficile car les signes cliniques sont inconstants et non
spécifiques
5. La stratégie diagnostique est un processus en plusieurs étapes :
§ émettre l’hypothèse d’une EP ou d’une TVP
§ estimer la probabilité clinique (PC) : étape sine qua none
§ doser les D-dimères si la PC est non forte ou prescrire d’emblée un examen d’imagerie
si la PC est forte (un angioscanner spiralé thoracique pour l’EP et une échographie
veineuse des membres inférieurs pour la TVP)
6. Un taux de D-dimères normal (négatifs) par méthode ELISA élimine le diagnostic d’EP ou
de TVP, si la PC n’est pas forte
7. Le traitement de la MTEV est l’anticoagulation efficace qui a pour but de prévenir une
récidive.
8. La fibrinolyse est uniquement indiquée en cas d’état de choc (EP grave), elle est toujours
suivie d’une anticoagulation efficace.
9. La durée du traitement anticoagulant est courte (3 à 6 mois maximum) en présence de
facteurs majeurs transitoires ; le traitement est long (6 mois voire durée non limitée) en
présence de facteurs persistants (cancer) ou en l’absence de facteurs majeurs.
10. L’anticoagulation initiale repose soit sur les anticoagulants oraux directs (AOD) d’emblée
soit sur les héparines de bas poids moléculaire, le fondaparinux ou l’héparine non
fractionnée. Le traitement d’entretien (3 à 6 premiers mois) repose sur les AOD ou sur les
antagonistes de la vitamine K si héparine initialement débutée
11. Les anticoagulants oraux directs (AOD) sont désormais recommandés en 1ère intention ; ils
sont aussi efficaces et plus sûrs que le traitement conventionnel (HBPM relais AVK). Ils
sont plus simples d’utilisation (administration orale à dose unique sans contrôle biologique)
et contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30
ml/min selon la formule de Cockcroft et Gault)
12. A long terme, la MTEV expose à deux complications : la récidive à l’arrêt du traitement
anticoagulant, fréquente (entre 3% et 15% à un an de l’arrêt de traitement) et l’hypertension
pulmonaire post-embolique ou le syndrome post-thrombotique rare (<4%) mais grave.
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I. EPIDÉMIOLOGIE
I.1. Incidence
Les TVP et l’EP sont les deux manifestations cliniques d’une même entité, la MTEV.
C'est une maladie fréquente : incidence annuelle de à 1 à 2 cas pour 1000 habitants (dans 1/3
des cas : EP, 2/3 des cas : TVP). L’incidence annuelle de la MTEV augmente avec l’âge (1/100
après 75 ans contre 1/10 000 avant 40 ans).
I.3. Pronostic
Les complications de la MTEV sont :
− le décès (pour l’EP)
− la récidive thrombo-embolique veineuse, parfois mortelle
− les séquelles : hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique pour l’EP et syndrome
post-phlébitique pour les TVP.
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I.3.1 Risque de décès
L’évaluation du pronostic de l’EP repose sur des paramètres :
• cliniques :
• tension artérielle : état de choc (PAS < 90 mmHg ou chute de la PAS > 40 mmHg
par rapport à l’état de base pendant plus de 15 minutes).
• index de sévérité de l’EP simplifié (sPESI) : classe les patients en 2 catégories de
risque de décès à 30 jours (tableau 2).
• paracliniques :
• dysfonction ventriculaire droite (VD) : rapport VD/VG >0,9, hypokinésie du VD,
ou élévation de la PAPs.
• élévation des biomarqueurs: BNP, NT-pro-BNP, Troponine I ou T.
I.3.3 Séquelles
■ syndrome post-thrombotique après TVP (1/3 des patients): douleurs, varices, varicosités,
œdème, dermite ocre et ulcères variqueux.
■ hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique (HTP-CTE), rare. A évoquer
devant une dyspnée persistante à distance d’une EP ayant été traitée au moins 3 mois.
II. PHYSIOPATHOLOGIE
La stase veineuse et les lésions endothéliales prédisposent à la thrombose. La plupart des thombi
(fibrino-cruoriques) proviennent des veines profondes des membres inférieurs et du pelvis.
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une dilatation du VD, du travail du VD et de la consommation en oxygène du VD,
■ ischémie du VD par écrasement des vaisseaux coronaires sous-épicardiques, diminution de la
contractilité du VD,
■ compression du VG par le VD avec diminution de la précharge du VG,
■ bas débit cardiaque, hypotension artérielle et état de choc.
La réponse hémodynamique dépend de l'importance de l'embolie et de l'état cardiovasculaire
préexistant. Le retentissement hémodynamique n'est patent chez le sujet sain que pour une
obstruction de 50-60% du lit vasculaire pulmonaire ou lorsque surviennent des emboles répétés.
- Les 3 grandes étapes du diagnostic d’EP reposent sur les éléments suivants, incontournables :
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• Examens complémentaires de 1ère intention :
Radiographie de thorax, ECG et gaz du sang : ni sensibles ni spécifiques pour le diagnostic
d’EP.
■ Radiographie thoracique :
− peut être normale
− atélectasie en bande ; épanchement pleural; ascension d’une coupole diaphragmatique
; infarctus pulmonaire (opacité alvéolaire périphérique, appuyée sur la plèvre, de petite
taille); hyperclarté d’un champ pulmonaire,
− diagnostics différentiels : pneumonie, pneumothorax, fracture de côte.
■ ECG :
− peut être normal,
− souvent : tachycardie,
− signes de sévérité (signes droits) : onde S en D1 et onde Q en D3 « S1Q3 », BBD,
− diagnostics différentiels : infarctus du myocarde, péricardite aiguë.
■ Gaz du sang :
− Parfois normaux ; classiquement : hypoxémie, hypocapnie.
− Non systématiquement réalisés : dangereux (si thrombolyse) et inutiles.
Etape la plus importante qui conditionne la valeur diagnostique des examens paracliniques et
donc la conclusion posée à l’issue de la stratégie diagnostique.
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Score de WELLS* Score modifié simplifié de GENÈVE*
> 65 ans +1
Antécédents personnels d’EP ou TVP + 1,5 Antécédent personnel d’EP ou TVP +1
Chirurgie ou immobilisation <4 semaines + 1,5 Chirurgie ou immobilisation +1
Cancer actif +1 Cancer actif +1
Hémoptysie +1 Hémoptysie +1
Douleur spontanée mollet +1
FC 75-94 /min +1
FC > 100/min + 1,5 FC ≥ 95/min** +1
Signes de TVP +3 Signes de TVP (œd/ douleur provoquée) +1
Diag. alternatif - probable que celui d’EP +3
Score de Wells Score révisé de Genève
Probabilité clinique : Probabilité clinique :
o faible (0-1) o faible (0-1)
o intermédiaire (2- 6) o intermédiaire (2-4)
o forte (≥ 7) o forte (≥ 5)
*
il n’est pas attendu de savoir calculer le score. L’important est que l’étudiant sache qu’avec des éléments cliniques
simples on peut estimer la probabilité clinique
**
si la fréquence cardiaque du patient est par exemple 105 bpm, le nombre de point total assigné sera de 2 points (1
point car FC ≥ 75 bpm + 1 point supplémentaire car FC ≥ 95 bpm).
Figure 2 : algorithme diagnostique devant une suspicion d’EP à risque faible ou intermédiaire de
mortalité
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III.3. Examens paracliniques
III.3.2. Si PC forte ou si D-dimères positifs avec PC non forte : examens morphologiques (figure
2)
Figure 3 : Angioscanner spiralé thoracique montrant une embolie pulmonaire proximale. 1= aorte
ascendante, 2 = veine cave supérieure, flèches = thrombi
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Scintigraphie pulmonaire de ventilation perfusion planaire
• Examen non invasif qui comporte une injection intraveineuse d’agrégats d’albumine marqués
au technétium 99m (99mTc) et inhalation de gaz radioactif, le krypton 81m ou 99mTc. Réalisé
en cas de contre-indication à l’angioscanner et/ou en fonction de la disponibilité dans les
centres hospitaliers.
• Critère diagnostique : classification PIOPED (figure 4) :
− Normale : pas de défect en perfusion: EP exclue quelle que soit la PC (sensibilité 100%)
− Haute probabilité PIOPED: ≥ 2 défects segmentaires de perfusion sans défect ventilatoire
− Si PC forte : confirme le diagnostic d’EP
− Si PC non forte : non conclusif
− Probabilité PIOPED non haute : non conclusif.
FA : face antérieure ; PD : profil droit ; OPD : oblique postérieur droit ; OAD : oblique antérieur droit ; FP : face
postérieure ; PG : profil gauche ; OPG : oblique postérieur gauche ; OAG : oblique antérieur gauche
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Figure 5 : échographie veineuse de compression des membres inférieurs. Persistance de la
veine fémorale lors de la compression (image de droite)
Figure 6: Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’EP à risque élevé de mortalité (= grave)
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III.4. Terrains particuliers
III.4.1. Grossesse
La sensibilité des D-dimères est inchangée et ils doivent être réalisés en cas de PC non
forte. S’ils sont positifs ou si la PC est forte, il faut réaliser un échodoppler veineux ; si négatif, on
réalise une scintigraphie pulmonaire planaire de perfusion en première intention (si
disponible) ou un angioscanner thoracique. L’irradiation fœtale est très nettement inférieure au
seuil foeto-toxique. Si un scanner est réalisé, faire un dosage des hormones thyroïdiennes à la
naissance (risque de surcharge thyroïdienne fœtale, exceptionnel).
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IV. TRAITEMENT CURATIF INITIAL DE LA MTEV : LES OUTILS
IV.1. Principes :
• EP et TVP proximale = URGENCE THÉRAPEUTIQUE.
• Le traitement repose sur une ANTICOAGULATION A DOSE EFFICACE, instituée dès que
le diagnostic est suspecté, sans attendre les résultats des examens complémentaires.
• L’anticoagulation est très efficace mais expose à un risque hémorragique. Les contre-
indications sont surtout relatives et le rapport risque-bénéfice doit être évalué
individuellement (Tableau 5).
IV.2. Anticoagulants
Traitement héparinique:
Les héparines sont des anticoagulants d’action rapide (pic à 1 heure après l’injection): héparine
non fractionnée (HNF), héparines de bas poids moléculaires (HBPM) ou fondaparinux. Ces 3
traitements ont une efficacité équivalente.
− Les HBPM et le fondaparinux sont préférés aux HNF
− dose adaptée au poids
− pas de surveillance biologique (pas de TCA ni anti-Xa, ni plaquette),
− risque diminué de TIH.
− Mais contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance créatinine <30
ml/mn selon la formule de Cockcroft et Gault).
− pas d’antidote
− L’HNF :
− Administrée IVSE ou en sous-cutanée
− Adaptation de la dose en fonction du TCA (objectif entre 1,5 et 2,5)
− Surveillance plaquettes 2 fois/semaine (risque TIH)
− indiquée chez les insuffisants rénaux sévères et l’EP à haut risque
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− l’antidote est le sulfate de protamine en IV, actif immédiatement.
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Une éducation du patient est toujours obligatoire sur :
• les signes de récidive de MTEV et les signes hémorragiques sous anticoagulants
• l’observance
• les interactions médicamenteuses
• de contre-indiquer l’automédication (aspirine et AINS)
• de remettre une carte précisant le type et l’indication du traitement anticoagulant
• d’informer le médecin traitant et tout autre professionnel de santé impliqué du traitement
anticoagulant prescrit
Si AVK : éduquer le patient sur la surveillance de l’INR (INR cible, périodicité des contrôles, carnet
de surveillance). Les interactions médicamenteuses sont plus fréquentes qu’avec les AOD. Les
patients sous AVK ne doivent pas faire de régime alimentaire particulier (alimentation équilibrée)
L’embolectomie sous circulation extra-corporelle est une technique d’exception indiquée dans l’EP
à haut risque en échec de la thrombolyse ou en cas de contre-indication absolue à la thrombolyse.
Lever précoce 1 heure après l’initiation d’un traitement anticoagulant à dose efficace (héparine ou
AOD d’emblée) si l’état clinique le permet. Alitement en cas de choc ou hypoxie.
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V. STRATEGIE THERAPEUTIQUE DE L’EP GUIDEE PAR L’EVALUATION PRONOSTIQUE
Pas de choc,
Examen Pas de choc, PA > 90 mmHg Hypotension
PA > 90 mmHg
clinique PESI > II or sPESI > 0 ou choc
PESI I-II or sPESI=0
Mortalité #1% Mortalité #3-25% Mortalité >25%
Dysfonc/on. VD Dysfonc/on VD?
(ETT ou Biomarqueurs élevés?
Scanner)
&
Biomarqueurs
(BNP/ un seul posi/f
Les 2 posi/fs
troponine) Ou 2 néga/fs
Intermédiaire- Intermédiaire-
Risque Faible Haut
faible fort
VD : ventricule droit, AC : anticoagulant curatif, USI : unité de soins intensifs, HNF : héparine non fractionnée.
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o information-éducation
o organiser la surveillance du traitement
o programmer une consultation rapprochée pour évaluer l’observance, l’efficacité et la
tolérance du traitement anticoagulant
La majorité des patients avec une TVP sont traités en ambulatoire. L’hospitalisation est indiquée
en cas de: contre-indication au traitement anticoagulant, insuffisance rénale, comorbidités (cancer,
maladie cardio-respiratoire sévère, sujet de plus de 75 ans), TVP sévère (phlegmatia cerulea ou
phlébite bleue).
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• 1ère EP à risque faible ou intermédiaire-faible ou TVP proximale, non provoquée
avec ou sans facteur mineur.
− Les doses de traitement anticoagulants au delà de 6 mois de traitement = dose curative.
− Bilan de coagulation :
− Indications : MTEV non provoquée avant 50 ans et antécédents familiaux de MVTE.
− Dosages réalisés à distance de l’épisode aigu (au moins 3 mois après) :
o protéine C, protéine S (en l’absence d’AVK)
o antithrombine (en l’absence d’héparines ou AOD)
o mutation Leiden du facteur V et mutation G20210A du gène de la prothrombine
(avec ou sans anticoagulant)
o recherche d’anticoagulant lupique (en l’absence d’anticoagulation) et d’anticorps
anticardiolipine et anti-β2-glycoprotéine I (avec ou sans traitement) : ces
dosages doivent être répétés pour confirmer un syndrome des
antiphospholipides.
o Pour les thrombophilies héréditaires : obtenir un consentement écrit des patients
ou responsable légal pour mineurs
− Utilité :
o Syndrome des antiphospholipides : indication à un traitement par AVK pour une
durée non limitée.
o antithrombine: intérêt pour la durée de traitement et dépistage familial.
o Déficit en protéine C, S, mutation Leiden et prothrombine : utilité modérée pour
la durée de traitement et le dépistage familial.
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X. TRAITEMENT PROPHYLACTIQUE
En milieu médical
Indications :
− infarctus du myocarde, AVC ischémique, insuffisance cardiaque ou respiratoire aiguë.
− Affection rhumatologique, maladie inflammatoire intestinale, infection et un des facteurs de
risque suivants: âge > 75 ans, cancer, antécédent MTEV, obésité, varices,
oestroprogestatif, insuffisance respiratoire ou cardiaque chronique.
Traitement : HBPM, HNF ou fondaparinux à dose préventive. Pendant 7 à 14 jours.
Compression veineuse élastique proposée en cas de contre-indication aux anticoagulants.
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