Evaluation Socio-Économique Des Infrastructures
Evaluation Socio-Économique Des Infrastructures
Evaluation Socio-Économique Des Infrastructures
Pascal BÉRION
Maître de conférences
ThéMA CNRS UMR 6049
Université de Franche-Comté
32, rue Mégevand
F-25030 Besançon cedex France
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GUY JOIGNAUX
Directeur de recherche
INRETS - Centre de Lille Villeneuve-d’Ascq
BP 317
20, rue Elisée Reclus
59666 Villeneuve d’Ascq Cedex
[email protected]
Jean-François LANGUMIER
Chargé de mission
Autoroutes Paris-Rhin-Rhône
163, quai du Docteur Dervaux
92601 Asnières
[email protected]
Résumé
Dans les années récentes, en France, le processus décisionnel en matière de grands équipements a
sensiblement évolué, débouchant sur des réponses institutionnelles en termes de procédures adaptées.
Ceci a eu pour conséquence d’accroître l’exigence informationnelle destinée à alimenter les débats,
éclairer les problématiques abordées, leur donner un contenu le plus objectivé possible.
L’une des principales thématiques systématiquement abordées dans le cadre de ces procédures
participatives, est celle du développement territorial, dont l’importance en fait un des éléments
essentiels de l’acceptabilité sociale.
Les enseignements des observatoires socio-économiques autoroutiers nous donnent l’occasion d’appro-
fondir la réflexion théorique et méthodologique susceptible d’enrichir l’approche de ces questions.
Summary
In the recent years, in France, the decision process in the field of large investments has appreciably
changed, leading to institutional responses in terms of relevant procedures. The consequence of this
evolution consists in growing expectation of information to fuel the debate, to throw light on the
problematics, more objectively.
One of the main thematics of these participating procedures is local development, the answer to these
expectations is one of the conditions of the social acceptability of projects.
Lessons of the French motorways socio economic observatories give the matter to enlargement of
theoretical and methodological approaches of these questions.
Introduction
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-1-
Transport et territoire : retour sur quelques réflexions
conceptuelles
Transport et espace entretiennent des relations riches mais complexes et interac-
tives. Les déplacements, les mobilités traduisent la capacité des sociétés à utiliser, à
exploiter et à valoriser leur territoire. Les infrastructures qu’elles créent et entre-
tiennent ne sont dès lors que des outils dont elles se dotent pour aboutir dans leur
dessein. Cependant, les causalités sont délicates à identifier car, si les infrastructures
viabilisent les territoires, elles modifient les distances euclidiennes, elles déforment
l’espace et renforcent son hétérogénéité.
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préoccuper des avantages et des limites, des conséquences et des coûts qui résultent
des choix effectués en matière de transport et de communication (GASSER, VARLET,
BAKALOWICZ et al., 2004). La diversité des champs disciplinaires concernés par ces
questionnements témoigne de la complexité du sujet. L’interaction est-elle le fait de
l’infrastructure ou de son usage ? Le territoire est-il neutre ou actif (réactif) ? Les
phénomènes sont-ils pleinement perceptibles par les instruments et méthodes
d’observation à notre disposition et le cas échéant se prêtent-ils à une formalisation
permettant leur modélisation ?
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glorieuses » qui traduit une phase de forte croissance des économies occidentales au
sortir de la Seconde Guerre mondiale. L’époque est marquée par une importante
croissance urbaine dans un contexte d’économie industrielle qui vise l’extension du
travail à la chaîne, la production et la consommation de masse et la réalisation des
économies d’échelle. L’abaissement des coûts de transport présente alors deux
avantages : il permet une réduction des coûts de circulation et, en favorisant les
échanges, il soutient le développement de la production (possibilité de produire et
d’écouler à meilleur coût les marchandises et agrandissement des aires de marchés).
Ces évolutions plaident en faveur d’une adaptation des infrastructures et des réseaux
à la demande croissante en matière de transport. Ainsi le chemin de fer, comme la
voie d’eau, cède graduellement des parts de marché au transport routier jugé plus
flexible, efficace et moins coûteux pour se cantonner aux transports de marchan-
dises pondéreuses de faible valeur unitaire (granulats, houille, minerais, déchets...)
ou de longue distance lorsque les réseaux le permettent.
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Pascal BÉRION, Guy JOIGNAUX, Jean-François LANGUMIER
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Dans un esprit similaire, M. COHOU (2000) s’est intéressé à l’A68 Albi – Tou-
louse. Il analyse la complexité du jeu d’acteurs et les enjeux qui ont entouré un projet
riche d’une histoire de trente années. Il étudie les formes de mobilisation locale
initiées autour du projet autoroutier et les replace dans leur contexte social, territo-
rial et temporel. Le recul permet au chercheur d’observer la mobilisation et l’appro-
priation du projet par les acteurs. La revendication de l’équipement se construit,
s’enrichit, s’oppose aux décisions « d’en haut », et aboutit à la réalisation d’un
investissement cofinancé par l’État, la Région Midi-Pyrénées et le département du
Tarn. L’engagement financier de la collectivité départementale traduit la matérialité
de l’appropriation du projet. M. COHOU (op. cit.) met en évidence la complexité et les
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Encore virtuelle, elle est déjà prise en compte dans les actions de développement
local (projet intercommunal, réserves foncières...). Ce faisant, la réalité territoriale
favorise un emboîtement des interactions :
− En premier lieu, la mobilisation et la négociation engagées par les acteurs se
traduisent par des exigences en matière de tracé mais aussi et surtout en termes de
dessertes (diffuseurs pour l’autoroute, gares pour le Train à Grande Vitesse – TGV –).
La nature des décisions adoptées influencera les recompositions territoriales qui
surviendront.
− En second lieu, il est question de gouvernance locale. La revendication de
l’infrastructure traduit son appropriation par le territoire. Ses acteurs pensent,
représentent et imaginent l’avenir avec elle. Immédiatement intégrée et digérée dans
le projet territorial, elle conduit à superposer les aménagements à proximité des
gares et diffuseurs. En quelque sorte, elle donne à percevoir une « illusion d’effet
structurant » (BÉRION, 2000) puisque les projets de développement ne sont pas
initiés « par » et « pour » l’infrastructure mais plus simplement « près » d’elle.
L’étude des jeux d’acteurs et des modes de gouvernance associés est utile pour
identifier et évaluer les interactions entre transport et territoire. E. FAIVRE (2003b)
propose de les analyser en identifiant les facteurs de réussite et de blocage dont ils
sont l’objet. Il pose l’hypothèse que la réussite nécessite simultanément une antici-
pation des porteurs de projet, leur coopération (confiance et transparence), le
développement d’une vision prospective sur l’action et la présence d’un acteur-
leader qui peut être une personne physique ou acteur institutionnel.
L’intérêt d’un jeu d’acteurs efficace pour valoriser au mieux des intérêts locaux le
passage d’une infrastructure de transport n’est pas une considération nouvelle.
F. PLASSARD. (1977) y fait clairement allusion lorsqu’il cite le propos tenu par
G. BASSARD (1972) dans le cadre d’un colloque tenu à Besançon sur la future
autoroute A36 : « l’autoroute offrira des avantages, certes, mais présentera aussi des
inconvénients non négligeables. Pour bénéficier au maximum des uns et minimiser
les autres, la Franche-Comté aura besoin que s’affirme la solidarité de toutes ses
forces ».
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-2-
Apports et limites des approches dédiées aux
interactions « infrastructures et territoire »
Le doute sur l’automaticité des effets positifs des grands ouvrages de transport est
apparu en France au cours des années 1970, soit dix à quinze ans après le démarrage
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Au cours des années 1980, l’effort s’est intensifié sous la pression de deux stimuli.
Le premier est l’adoption le 30 décembre 1982 de la Loi d’Orientation des Trans-
ports Intérieurs (LOTI) dont l’article 14 (mis en application en 1984 et en 1986 12)
institutionnalise l’évaluation ex-ante des grands ouvrages et leur bilan ex-post. La loi
stipule que « les grands projets d’infrastructures, au même titre que les choix
technologiques majeurs en matière de transport, font l’objet, avant l’adoption
définitive des projets concernés, d’une évaluation de leurs effets sur le plan écono-
mique et social et après réalisation, d’un bilan de leurs résultats économiques et
sociaux ». Le second est le lancement progressif d’observatoires autoroutiers par le
Ministère de l’Équipement et son Service d’études techniques des routes et auto-
routes (SETRA) et trois sociétés concessionnaires d’autoroutes, Autoroutes Paris-
Rhin-Rhône (APRR), Autoroutes du sud de la France (ASF), et la Société française du
tunnel routier du Fréjus (SFTRF). Durant le même temps, la Société nationale des
chemins de fer (SNCF) engage plusieurs travaux sur les conséquences économiques
de ses lignes à grande vitesse 13.
Les approches mises en œuvre présentent une grande diversité dans les objectifs
et les méthodes, diversité due aux échelles d’analyses adoptées et aux caractéris-
tiques des espaces étudiés. Avant que d’en rendre compte à l’aide de quelques
Le territoire tire ainsi une grande partie de sa pertinence de ce qu’il est le cadre
d’un jeu d’acteurs inscrit dans l’espace et dans le temps. Doté d’une identité, d’une
histoire (mémoire), d’une organisation et d’une représentation, le territoire n’est pas
qu’une simple enveloppe. Il forme un cadre utile pour l’analyse, mais aussi pour la
programmation des infrastructures. Les inconnues sont encore nombreuses sur les
« adaptations réciproques » qu’il entretient avec les systèmes de transport. Reflet des
structures économiques et sociales, ces adaptations invitent à l’étude du comporte-
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empêché l’inéluctable fermeture des hauts-fourneaux dans les années 1980 : « les
infrastructures ont donc suivi le cycle de l’activité industrielle et non l’inverse » (PLASSARD,
op. cit.).
Un travail similaire (rapporté par PLASSARD, op. cit.) est conduit par C. HARMELLE
(1982) sur la région de Saint-Antonin-Noble-Val, petite bourgade située dans le
nord-est du Tarn-et-Garonne dans la vallée de l’Aveyron. Son auteur s’est attaché à
l’identification et à la compréhension des transformations apportées par le passage
en 1858 du chemin de fer, mettant en évidence des effets qui se comprennent dans
l’espace et dans le temps. Trois enseignements géographiques en découlent :
− Le train a réduit les temps de transport et rend possibles des déplacements qui
auparavant ne l’étaient pas ;
− Mais le train permet d’importer les productions élaborées à moindre coût dans
d’autres bassins industriels, provoquant l’affaiblissement des productions « indi-
gènes » ;
− Enfin, un troisième fait, d’ordre spatial et temporel, est mis en évidence,
étroitement lié aux propriétés des réseaux. Les marchandises empruntent le mode le
plus efficace en termes de capacité, de coût, de temps et de fiabilité. L’avènement
d’une liaison plus performante depuis un autre itinéraire conduit au déclin puis à
l’abandon de l’arc initialement emprunté.
C. HARMELLE (in PLASSARD, op. cit.) conclut que : « les moyens de transport ne sont
ni au fondement, ni les moteurs de l’échange et de la bonne fortune mais au
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Deuxièmement, les jeux d’échelle sont réels. Les recompositions observées sont
multi-scalaires. L’exurbanisation des activités ou les transformations des espaces
agricoles (réinvestissement des indemnités foncières, aménagements parcellaires et
d’irrigation...) traduisent des changements localisés et précis qui modifient à terme
la trame paysagère du Val de Durance. Le gain de temps apporté pour les liaisons en
direction d’Aix-en-Provence et Marseille renforce les liens économiques. Le désen-
clavement rapproche le Val de Durance des pôles d’activités et de population du
littoral et produit une recomposition régionale. Les forces centrifuges des agglomé-
rations aixoise et marseillaise sont ressenties sur la moyenne Durance (de Manosque
à Sisteron). L’accessibilité permet de renforcer des courants commerciaux mais aussi
les dépendances. Enfin, l’échelle nationale est perçue dans ces adaptations territo-
riales, y compris de manière contradictoire, comme cela semble être le cas ici. Les
liens économiques avec Rhône-Alpes et le Piémont italien sont à la fois anciens et
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Troisièmement, le temps est une donnée importante pour percevoir les recom-
positions. Les anticipations sont réelles, mais leur traduction géographique est lente.
On retrouve ici l’une des conclusions de E. FAIVRE (2003b) lorsqu’il aborde le suivi
des localisations des activités dans le corridor de l’autoroute A36. L’aménagement
diachronique de l’A51 offre une appréciable diversité de reculs temporels sur les
interactions entre l’autoroute et son territoire. Au nord de Sisteron, les adaptations
sont très récentes et non achevées en raison d’une mise en service nouvelle de
l’ouvrage. Au sud, les changements sont plus affirmés et témoignent d’un recul de
plus de quinze années.
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bien que ne remettant pas en cause le caractère positif et automatique des change-
ments, restent très attachées à la recherche des causalités (indirectes ou permissives)
qui expliqueraient l’influence de l’autoroute sur le territoire.
Outre la construction du réseau autoroutier, le système TGV donne lieu lui aussi
au développement de travaux de même nature, dans lesquels trois domaines font
l’objet d’une attention particulière : « la localisation des entreprises industrielles,
l’activité touristique des régions d’accueil, enfin, l’immobilier et les politiques
urbaines initiées par les collectivités locales » (PLASSARD, 2003 ; voir aussi à ce sujet
les travaux de TROIN, 1995).
Retenons, entre autres résultats intéressants de ces travaux, la proposition d’« in-
version méthodologique » (CLAISSE et DUCHIER, op. cit.) consistant à étudier les
changements par les processus qui les initient, c’est-à-dire ceux qui affectent la
mobilité et ses comportements : s’attacher aux effets directs (nouvelles mobilités)
pour en déduire la formation d’effets indirects. Cette proposition débouche sur les
enquêtes de déplacements.
Néanmoins, ils s’en distinguent sur plusieurs points. Généralement, les sociétés
concessionnaires requièrent l’appui des collectivités locales, des organismes consu-
laires ou encore de différents services de l’État. L’objectif est de nourrir un exercice
qui soit, autant que possible, participatif. Dans l’esprit, les résultats des observations
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doivent guider ou alerter les décideurs locaux sur leurs choix en matière d’aména-
gement, de protection et de mise en valeur des ressources économiques, patrimo-
niales et naturelles. Le caractère multi partenarial se lit dans la composition des
comités de pilotage. Les observatoires autoroutiers progressivement mis en place par
les sociétés concessionnaires complètent et renouvellent les dispositifs initialement
installés par le SETRA au début des années 1980 ; ils participent, dans leur diversité,
au développement des connaissances sur les interactions entre infrastructures de
transport et territoires.
Les résultats obtenus par deux observatoires autoroutiers permettront d’en pré-
senter et discuter les principaux apports.
résidences secondaires venant des régions situées plus au Nord tandis que les
modifications des aires d’influences urbaines sont réservées aux grandes agglomé-
rations. Les dynamiques endogènes favorisent un mouvement « centripète » com-
portant un important développement du parc de zones d’activités et l’élaboration de
stratégies et de projets de développement. Il est en revanche difficile de mesurer les
dynamiques « centrifuges » qui résultent de la conquête de marchés extérieurs par
les entreprises.
P. BÉRION (2005a) distingue sur le cas de l’autoroute A39 trois familles d’inte-
ractions :
- Les conséquences directes, matérielles et techniques de l’autoroute : il s’agit des
effets dits de chantier (sollicitation de l’appareil industriel régional, modes de vie et
consommation des personnels, versement de taxes locales...), d’exploitation
(emplois mobilisés par le concessionnaire et les sous concessionnaires, acquitte-
ment d’impôts locaux), de réorganisation et d’ajustement des circulations (bascule-
ment du trafic longue distance de la route nationale vers l’autoroute, augmentation
des circulations près des diffuseurs...) ;
- L’accompagnement et la valorisation de l’autoroute qui comporte trois types
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L’autoroute n’agit jamais seule dans les changements. L’exemple des remembre-
ments des surfaces agricoles, conséquence d’un effet d’éviction/déstructuration
directement lié à l’infrastructure donne à lire une reconfiguration du parcellaire non
pas en fonction de l’autoroute mais pour et autour des stratégies des exploitants
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Les travaux conduits sur les autoroutes A39 et A71, ainsi que ceux en cours sur
A20, A77 et A89 confirment le caractère ténu, complexe et multiforme des interac-
tions territoriales des grandes infrastructures de transport. Ils établissent qu’il ne se
produit pas de transformations puissantes et structurantes dans les territoires des-
servis. Différentes temporalités se lisent dans les adaptations territoriales : certaines
sont antérieures à la matérialisation de l’infrastructure (aménagement des zones
d’activités), d’autres sont immédiates (remembrements, réorganisation des circula-
tions) et d’autres encore ne s’expriment seulement qu’à moyen et long terme
(localisation des activités). Les acteurs locaux, porteurs des ambitions et des projets
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A. BURMEISTER et al. (2003), indiquent que « les limites de ces approches (com-
prendre les observatoires) tiennent à leur caractère a – théorique et normatif. (...)
Elles n’échappent pas au biais traditionnel de l’évaluation, à savoir la difficulté de
dissocier les effets bruts des effets nets (...) ». Cette remarque ne manque pas de
pertinence et souligne la limite principale des approches de type observatoire dont
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Conclusion
L’introduction de la dimension territoriale dans les pratiques d’évaluation socio-
économique des grandes infrastructures de transports est justifiée par l’action
conjointe de plusieurs facteurs. Le premier est relatif à la décentralisation de l’action
publique. Celle-ci a pour conséquence de donner au « local » le pouvoir de cons-
truire des projets en appliquant un principe de subsidiarité qui l’oblige à s’engager
dans un exercice que l’on peut qualifier « d’intelligence territoriale ». Les projets
d’infrastructures ne peuvent plus en pratique être imposés mais doivent être discutés
et ouverts à une large concertation. Le deuxième découle des résultats des travaux sur
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Les observatoires engagés par le Ministère de l’Équipement puis par les exploi-
tants de réseaux ferrés et autoroutiers témoignent pleinement de la « territorialisa-
tion » des infrastructures. Ces expériences aux objectifs et limites mieux connus ont
deux avantages qui fondent leur richesse. Elles sont tout d’abord une précieuse
source d’informations géographiques et micro-économiques qui renseignent avec
minutie et détail sur les modalités d’adaptation réciproque, les « effets de proxi-
mité » des différents acteurs et agents économiques face à l’accès à une grande
infrastructure de transport. Ensuite, les approches initiées par les observatoires
nourrissent un débat théorique et méthodologique qui met en discussion les
fondements de la relation entre infrastructure et territoire. La recherche doit se
concentrer sur les usages et les représentations de l’infrastructure par les agents
économiques. À cet égard il semble utile de rappeler que la qualité de l’offre de
transport reste un argument de compétitivité économique et territoriale comme le
soulignent P. RIETVELD et R. VICKERMAN (2004) : « ... reductions in average levels of
transport costs have not diminished the importance of transport as factor in the
organisation of the spatial economy and the economic fortune of regions ».
par la mise en lumière des réalités territoriales, des inégalités spatiales, des compé-
titions économiques, des conflits d’intérêt qui se manifestent dans un système
d’échange empreint de libéralisme et de mondialisation. Le débat autour d’éléments
de connaissance et de compréhension des phénomènes liés aux infrastructures peut
aider à orienter l’action face aux risques de renforcement des concurrences, fractures
et inégalités spatiales.
Bibliographie
APRR et al., 2005, Observatoire de l’autoroute A39. Phase IV, Bilan de dix années
d’observations, ThéMA, Université de Franche-Comté, CNRS, 11 volumes coordon-
nés par BÉRION P.
BÉRION P., 2005a, L’autoroute A39 et ses effets socio-économiques de Dole à Bourg-en-
Bresse. Bilan et résultats des recherches au terme de dix années d’observations (1993-
2003), laboratoire ThéMA, Université de Franche-Comté, Besançon, 200 p.
BÉRION P., 2005b, « Les politiques d’accompagnement des grandes infrastructures
de transport : entre mythe et pratique de l’aménagement », Les observatoires auto-
routiers et d’infrastructures linéaires : incidences environnementales et socio-
économiques, publication des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, Paris, octobre 2005,
pp 89-90.
BÉRION P., 2002, « La construction d’une grande infrastructure de transport et ses
premiers effets territoriaux : le cas de l’autoroute A39 », section de Dole à Bourg-
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Notes
1 - Méthode dite RCB, très en vogue dans les milieux de la planification des années 60 en
France, issue du PPBS (Planning Programming Budgeting System) mis au point aux
Etats-Unis pour les besoins de l’Administration durant la Seconde Guerre mondiale.
2 - Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité.
3 - Centre National de la Recherche Scientifique.
4 - Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres fédérant les Minis-
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14 - Même si, dans l’esprit, ils ne sont pas très éloignés des « bilans » requis par la LOTI dans
la période de 3 à 5 ans suivant la mise en service.
15 - La durée des chantiers est fonction du linéaire à construire. Les 110 km de l’A39 ont
nécessité trois ans de travaux, par contre, l’itinéraire de l’A89 ne sera abouti qu’au terme de
dix années, mais des sections de 30 à 40 km sont successivement ouvertes à la circulation
dès qu’elles sont achevées.
16 - Sous la direction de C. JAMOT et J. VARLET.
17 - Sous la responsabilité de P. BÉRION et D. MATHIEU.
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