Variables Modératrices Et Médiatrices PDF

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Recherche et Applications en Marketing, vol.

18, n° 2/2003

Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle,


aspects analytiques et illustrations

Rubén Chumpitaz Caceres


Professeur associé
Institut d’économie scientifique et de gestion - IESEG

Joëlle Vanhamme
Professeur assistant
Erasmus University Rotterdam - ERIM
Laboratoire d'analyse du comportement du consommateur (LABACC)

RÉSUMÉ

Le but de cet article est, d’une part, d’offrir une définition conceptuelle – assortie de multiples illustrations – de ce que sont
les variables médiatrices et modératrices ; et d’autre part, d’expliciter la manière dont ces variables doivent être traitées au plan
statistique. Des exemples concrets de chaque cas envisagé théoriquement sont également repris dans l’article.
Mots clés : Modérateur, médiateur, modération médiatisée, médiation modérée, analyse statistique.

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION
II – LES MODÉRATEURS
2.1. Aspects conceptuels
2.2. Aspects analytiques et illustrations
2.2.1. Régression multiple
2.2.2. Régression multiple avec variables muettes
2.2.3. Régression multiple par sous-groupes
2.2.4. ANOVA

Les noms des auteurs sont listés par ordre alphabétique ; ils ont contribué de manière égale à la rédaction du présent article.
Ils peuvent être contactés aux adresses suivantes :
Rubén Chumpitaz Caceres, IESEG, 3, rue de la Digue, 59800 Lille, France ; Joëlle Vanhamme, Erasmus University Rotterdam ; Department of
Marketing ; PO Box 1738, 3000 DR-Rotterdam, Pays-Bas, e-mail: [email protected].
Les auteurs remercient E. Dor pour ses commentaires et son aide logistique ainsi que C. Pinson, V. des Garets et les quatre lecteurs anonymes
pour leurs commentaires et suggestions concernant cet article.
68 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

III – LES MÉDIATEURS


3.1. Aspects conceptuels
3.2. Aspects analytiques et illustrations
3.2.1. Régressions successives – les conditions de médiation de Baron et Kenny (1986)
3.2.2. L’analyse de l’effet de médiation par régressions multiples avec des variables muettes
3.2.3. Test du caractère significatif de l’effet indirect
3.2.4. Note sur le cas de la suppression
IV – MODÉRATEURS VERSUS MÉDIATEURS : QUAND CHOISIR QUOI ?
V – LES MODÉRATEURS MÉDIATISÉS
5.1. Aspects conceptuels
5.2. Aspects analytiques et illustrations
VI – LES MÉDIATEURS MODÉRÉS
6.1. Aspects conceptuels
6.2. Aspects analytiques et illustrations
VII – CONCLUSIONS

I. INTRODUCTION nombre restreint d'expériences d'achat avec le produit


(c’est-à-dire une faible familiarité d'achat avec le pro-
duit), la conscience d'une présence sociale accroît
l'embarras ressenti par le consommateur alors que
lorsque le consommateur a une familiarité d'achat éle-
De nombreux travaux en marketing ont pour
vée, la conscience d'une présence sociale n'affecte
objet de démontrer l'existence de processus modéra-
guère l'embarras ressenti (cf. figure 1, cas 2).
teurs intervenant dans le cadre de relations liant une
Enfin, l'étude de Schaninger et Buss (1984) offre
variable X à une variable Y. Une variable modératrice
(ou modulatrice) est une variable qui module l’effet également une bonne illustration d'effets modérateurs
de la variable indépendante X sur la variable dépen- liés à la personnalité cognitive des consommateurs.
dante Y (Brauer, 2000). En d’autres termes, le sens Ces auteurs montrent que – pour les consommateurs
et/ou la force de l'influence de X sur Y varie(nt) selon qui ont une « capacité cognitive » forte (c’est-à-dire
les niveaux de la variable modératrice (Baron et des individus ayant une forte tolérance à l'ambiguïté,
Kenny, 1986 ; Sharma, Durand et Gur-Arie, 1981). qui recherchent des informations complémentaires
Par exemple, Verhoef, Frances et Hoekstra (2002) en vue de comprendre, qui ont une forte estime de
montrent que l'ancienneté de la relation entre un soi) – plus la décision d'achat est perçue comme
fournisseur et un acheteur est un modérateur de l'in- complexe et risquée, plus grande est la quantité d'in-
fluence positive de la satisfaction de l'acheteur par formations qu'ils traitent. Et, cette relation est inversée
rapport à sa relation vis-à-vis du fournisseur sur le pour les consommateurs qui ont une capacité cognitive
nombre de services achetés : plus la relation d'af- faible (plus la décision d'achat est perçue comme
faires est longue, plus l'effet positif de la satisfaction complexe et risquée, moins grande est la quantité
vis-à-vis de la relation sur le nombre de services d'informations qu'ils traitent) (cf. figure 1, cas 3). Un
achetés est fort (cf. figure 1, cas 1). effet inversé est également mis en évidence dans
Un autre exemple est celui de Dahl, Manchanda et l’étude de Lichtlé (2002) portant sur la couleur des
Argo (2001). Ces auteurs montrent que la familiarité annonces publicitaires : pour les annonces concer-
d'achat avec le produit est un modérateur de l'influence nant des chaussures, les couleurs les plus lumineuses
de la présence sociale sur l'embarras éprouvé vis-à-vis sont les plus stimulantes alors que pour les annonces
de l'achat d'un produit embarrassant (exemple : pré- concernant les parfums, les couleurs les moins lumi-
servatifs) : lorsque les consommateurs n'ont qu'un neuses sont les plus stimulantes.
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 69

CAS 1 CAS 2 CAS 3


Relation Faible
de 25 ans familiarité Capacité

l'achat d'un produit embarrassant


Embarras éprouvé vis-à-vis de
d'achat avec le
achetés au fournisseur
Nombre de services

cogni-

mations traitées
Quantité d'infor-
produit tive forte
Relation embarrassant
de 15 ans
Forte familiarité
d'achat avec le
Relation produit
de 5 ans embarrassant Capacité
cogni-
tive faible

Satisfaction vis-à-vis de Conscience d'une Complexité et risque


la relation client-fournisseur présence sociale liés à la décision d'achat

Figure 1. – Représentation graphique des effets modérateurs

Qualité Médiateur :
Fidélité
perçue Satisfaction

Figure 2. – Illustrations d’un processus médiateur

L'étude des modérateurs succède généralement à consommateurs ayant un attachement fort à cette
des études qui ont eu pour objet la vérification de la marque (brand commitment) tendent à s'engager dans
relation empirique X-Y simple et ont conclu à l'exis- un processus de traitement biaisé de ces informations
tence d'une relation de force différente, voire à des (c’est-à-dire qu'ils tendent à évacuer les informations
résultats contradictoires (relation positive dans cer- contre-attitudinales au profit des informations pro-
taines études et négative dans d'autres ou absence de attitudinales). C'est donc ce processus de traitement
relation dans certaines études). Ce genre de phéno- biaisé qui représente le mécanisme – ou processus
mène indique typiquement l'existence probable de médiateur – par lequel la valence du message exerce
processus modérateurs. une influence sur le changement d'attitude.
À côté des modérateurs, la littérature comprend Dans le domaine publicitaire, Lichtlé (2002) rap-
également nombre d’études visant à identifier les porte également l’existence d’une variable médiatrice
processus médiateurs qui interviennent entre une des effets de la couleur dominante d’une annonce sur
variable X et une variable Y. Un médiateur est une le plaisir ressenti en présence de l’annonce ; cette
variable qui représente un mécanisme par lequel la variable étant la capacité de la couleur à renforcer le
variable X influence la variable Y : la variable X sens du message.
exerce une influence sur le médiateur et ce dernier Enfin, une autre illustration d'un effet de média-
influence à son tour la variable Y (Baron et Kenny, tion est reprise dans l'étude d’Olsen (2002). Cet
1986 ; Brauer, 2000 ; Kenny, Kashi et Bolger, 1998). auteur montre que la qualité perçue a un impact sur la
Par exemple, l'étude de Ahluwalia, Burnkrant et fidélité du client de par son influence sur la satisfaction
Unnava (2000) met en évidence que – lorsqu'ils sont de ce dernier (cf. figure 2). La variable médiatrice est
exposés à un message contenant des informations donc un « transmetteur » par lequel l'influence de X
contre-attitudinales au sujet d'une marque X – les sur Y transite.
70 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

Bien que l'analyse des processus modérateurs et niveau de la variable modératrice et positive pour un
celle des processus médiateurs portent toutes les autre groupe de consommateurs ; ou encore, elle peut
deux sur l’exploration du rôle joué par une troisième être fort prononcée dans un groupe et faible, voire
variable dans la relation X-Y, ces processus sont fon- inexistante, dans un autre. Les processus modéra-
damentalement différents, tant au plan conceptuel teurs répondent donc à la question « quand, dans
qu'analytique. Même si cela apparaît parfois dans quelles circonstances » l'effet X-Y se produit. Le
certains articles, les termes modérateurs et média- terme « modération » renvoie à ce qui, dans la termi-
teurs ne peuvent guère être utilisés de manière inter- nologie statistique, désigne un « effet d'interaction ».
changeable. De même, l'identification de chacun de Un effet de modération pourra se remarquer dans
ces deux processus relève d'analyses statistiques tota- les tableaux de corrélations simples (exemple : la
lement différentes. corrélation entre X et Y semble plus forte pour les
Le but de cet article est donc de clarifier la dis- hommes que les femmes ou la corrélation est positive
tinction qui existe entre les deux processus au plan pour les hommes et négative pour les femmes) ou les
conceptuel et de mettre en exergue – en les illustrant résultats d'analyses par régression (exemple : le coef-
par des exemples chiffrés complets – les différences ficient de régression de la variable X dans les régres-
que cette distinction implique au plan des analyses sions de Y sur X pour les deux sexes diffèrent) ou,
statistiques. encore, par la présence d'un effet d'interaction signifi-
Il nous faut souligner que les aspects propres aux catif dans une analyse de variance (exemple : interac-
tests de modération et médiation dans le cadre des tion entre le facteur « sexe » et X). La représentation
modèles d'équations structurelles avec variables conventionnelle d'un effet de modération est illustrée à
latentes – méthodes connaissant une popularité crois- la figure 3.
sante dans la recherche en marketing – ne seront pas Remarquons que déceler la présence d'un effet
abordés dans cet article. Ces modèles entraînent un modérateur peut être crucial dans certains cas. En
certain nombre de complexités additionnelles (par effet, il se peut que – pour la population totale – la
exemple, les problèmes d'identification des modèles, relation entre X et Y soit non significative alors que
de convergence, critères propres d’évaluation de la dans les différents sous-groupes de cette dernière, la
qualité des modèles) qui dépassent le cadre du pré- relation soit systématiquement significative. Cette
sent article 1. situation pourra, par exemple, se présenter lorsque
les relations X-Y sont de sens opposés (cf. figure 4).
Ne pas identifier la présence d'un modérateur peut,
dès lors, conduire à conclure erronément à l'absence
d'influence de la variable X sur la variable Y.
II. MODÉRATEUR Aucune contrainte ne pèse sur la nature des
variables modératrices, elles peuvent être qualitatives
(exemple : le sexe du répondant) ou quantitatives
(exemple : l'attitude envers l'annonce), nominale ou
ordinale, etc. La nature de la variable modératrice et de
2.1. Aspects conceptuels
la variable indépendante va en revanche déterminer
le type d'analyse statistique permis.
Comme nous l’avons mentionné précédemment,
Remarquons que si Z est modérateur de la relation
une variable modératrice est une variable qui module
X-Y, d'un point de vue purement statistique, il est éga-
le sens et/ou la force de l'effet de X sur Y (Baron et
lement correct de dire que X est modérateur de la
Kenny, 1986 ; James et Brett, 1984). En d'autres
relation Z-Y. Ce n'est que le cadre conceptuel et les
termes, la relation X-Y peut être négative pour un
justifications du modèle théorique a priori qui déter-
groupe de consommateurs caractérisé par un certain
minent laquelle de X ou de Z est la variable modératri-
ce ; au plan statistique il n'est guère possible de faire
cette distinction (X et Z sont toutes deux des variables
1. Pour plus de détails au sujet de ces méthodes, le lecteur est ren- indépendantes, elles sont au même niveau) (James et
voyé à l’ouvrage de Roussel et alii (2002). Brett, 1984 ; Sharma, Durand et Gur-Arie, 1981).
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 71

Variable X Variable Y

(*)

Modérateur Z

(*) Un effet « simple » du modérateur Z sur Y peut exister mais n'est pas une condition nécessaire
à l'existence d'un effet de modération (voir note 2).

Remarque : Il est possible que le modérateur influence également la variable X. Cet élément
n’intervient cependant pas dans le test de modération de l’effet de X sur Y repris dans cet article.
L’étude simultanée de relations interdépendantes requiert des techniques d’estimation plus
complexes que les régressions simples et multiples, l’ANOVA, etc., telles que les méthodes
d’équations structurelles (Hair et alii, 1998).

Figure 3. – Représentation conventionnelle d’un effet de modération

A. Représentation graphique

Femmes Hommes Population totale


Y Y Y Hommes

Population
totale

Femmes

X X X

B. Exemple chiffré
Les trois cas de figure représentés graphiquement sont présentés ci-dessous de manière analytique. Il
apparaît clairement que, dans la population féminine, il existe une relation significative (p = 0,004)
négative entre la variable X et la variable Y. De même, dans la population masculine, la relation entre
ces deux variables est significative (p = 0,000), mais de sens opposé. En revanche, lorsque les deux
populations sont agrégées, la relation entre la variable X et Y n’apparaît plus (p = 0,435).

Figure 4. – Non-identification d’une relation entre deux variables – dans la population totale – en raison de la
non-prise en compte d’un effet modérateur
72 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

Population des femmes (N = 100)


Équation de régression : Y = 5,431 – 0,156 X (R2 = 0,082; R2 ajusté = 0,073)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
(ou écart type)
Constante 5,431 0,389 13,98 0,000
X – 0,156 0,053 – 0,286 – 2,96 – 0,004
Population des hommes (N = 100)
Équation de régression : Y = 3,616 + 0,221X (R2 = 0,164; R2 ajusté = 0,155)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 3,616 0,371 9,75 0,000
X 0,221 0,050 0,404 4,38 0,000
Population totale (N = 200)
Équation de régression : Y = 4,523 + 0,032X (R2 = 0,003; R2 ajusté = -0,002)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 4,523 0,303 14,93 0,000
X 0,032 0,041 0,055 0,78 0,435

Figure 4. – Suite

2.2. Aspects analytiques et illustrations Différentes techniques statistiques peuvent être


utilisées afin de tester l’effet d’interaction : la régres-
Un effet modérateur de Z sur la relation X-Y se sion multiple, la régression multiple avec variables
caractérise par un effet d'interaction X × Z significatif. muettes, la régression multiple par sous-groupes et
En d'autres termes, dans le cadre d'une relation X-Y l’ANOVA. Le choix du type d’analyse statistique à
linéaire, le coefficient c de l'équation (a) est significa- mettre en œuvre dépendra de la manière dont les
tif. Notons que la linéarité de la relation X-Y n'est variables ont été mesurées (voir figure 5). Nous dis-
supposée qu'afin de faciliter l'exposé. L'équation (a) tinguons deux grandes catégories de mesures, les
représente la forme générale de l'analyse d'effets d'in- échelles « au moins intervalle » et les échelles
teraction (Sharma, Durand et Gur-Arie, 1981). Les
« moins qu’intervalle ». La première catégorie ren-
coefficients b et d représentent, respectivement, les
voie aux mesures métriques, c’est-à-dire aux échelles
effets « simples » de X et de Z sur Y (Irwin et
« intervalle » (ou cardinales faibles) et de ratio (ou
McClelland, 2001). Remarquons qu'il peut y avoir un
effet « simple » de la variable X et de la variable cardinales fortes) ; la seconde renvoie aux mesures
modératrice sur Y, mais ce n'est pas nécessaire à nominales et ordinales (Evrard, Pras et Roux, 1993 ;
l'identification de l'effet modérateur 2. Lambin, 1994). Les différentes techniques d’analyse
des effets de modération sont reprises aux sections
Y = a + bX + dZ + cXZ + erreur (a) suivantes et illustrées par un exemple.

2. Sharma, Durand et Gur-Arie (1981) distinguent deux types de modérateurs – les modérateurs purs et les quasi-modérateurs – ainsi que ce que ces
auteurs appellent les homologizers. Les modérateurs purs renvoient à la définition purement psychométrique de la notion de modération, selon laquel-
le un modérateur est une variable qui interagit avec la ou les variable(s) indépendantes mais n'est associée avec la variable dépendante tout au plus que
de manière négligeable. Il n'y a donc pas d'effet « simple » du modérateur sur Y dans l'équation Y = a + bX + c(A × Z ) + erreur. Cette dernière
condition n'est pas exigée pour les quasi-modérateurs. Un homologizer influence également la force d'une relation, mais il n'interagit pas avec la
variable indépendante (X) et n'est pas significativement associé à la variable dépendante (Y). C'est le terme d'erreur qui est une fonction du modérateur
(Y = a + bX + c(Z × erreur)) . Cette troisième catégorie de modérateurs n'est pas considérée dans le présent article dans la mesure où elle ne cor-
respond pas à la définition d'un processus modérateur habituellement adoptée dans la littérature.
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 73

Les variables indépendantes sont-


elles « au moins intervalle » ?

NON, X est NON, Z est


NON, X et Z
au moins au moins
sont moins OUI
intervalle intervalle
qu'intervalle
mais pas Z mais pas X

Procéder à : Procéder à : Procéder à : Procéder à :


• une analyse de • une analyse de • une analyse de • une analyse de
régression régression régression régression
multiple avec multiple avec multiple avec multiple
variables muettes variables muettes variables muettes
OU OU
• une analyse de • une ANOVA
régression par sous-
groupes

Figure 5. – Techniques d’analyse de l’effet de modération en fonction des propriétés de mesure


des variables indépendantes

Avant de détailler ces dernières, il est important Il faut souligner que, même si l’analyste n’est inté-
de souligner que les tests de modération peuvent être ressé que par le caractère significatif ou non de l’in-
influencés par la colinéarité entre variables indépen- teraction entre les variables X et Z, il n’est pas correct
dantes (cette dernière accroît l’imprécision des coeffi- de régresser la variable dépendante uniquement sur le
cients de régression des variables en cause et, ainsi, produit des deux variables. Il faut toujours également
augmente le risque de considérer à tort ces coeffi- inclure les deux variables X et Z dans le modèle de
cients comme non significativement différents de régression, sans quoi l’effet de l’interaction sur la
zéro (Lambin, 1994)). Il s'agit donc de vérifier l'exis- variable dépendante sera confondu avec l’effet simple
tence éventuelle de colinéarité entre variables lorsque des deux variables (ce qui accroît – à tort – sa probabi-
l'on procède à ce genre d’analyse. Le lecteur est ren- lité d’être significatif) (Irwin et McClelland, 2001).
voyé à des ouvrages comme ceux de Hair et alii De plus, pour les régressions pas à pas (stepwise), il
(1998, pp. 189-193) ou de Gujarati (2003), qui décri- faut toujours veiller à entrer le produit des deux
vent les méthodes permettant d’identifier les éven- variables (effet d’interaction) après les deux variables et
tuels problèmes de colinéarité. ne jamais enlever les deux variables du modèle final
même si les coefficients de ces variables ne sont pas
significatifs (Irwin et McClelland, 2001). Ces recom-
2.2.1. Régression multiple mandations sont également valables pour la régres-
sion multiple avec variables muettes et par sous-
Lorsque les variables X, Y et Z sont « au moins groupes (les variables X et Z sont automatiquement
intervalle », l’équation (a) est ajustée comme telle prises en compte dans l'option ANOVA des logiciels
par le biais d’une analyse de régression multiple. Un statistiques).
exemple chiffré complet de ce type d'analyse est
repris à la figure 6.
74 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

2.2.2. Régression multiple avec variables muettes En effet, pour représenter 3 niveaux, il suffit de
créer deux variables binaires : Z 1 et Z 2 (Z 1 = 0 et
Si les variables indépendantes X et/ou Z ne sont pas Z 2 = 0 est la base de référence, par exemple « faible
mesurées au moyen d’échelles « au moins intervalle » implication » ; Z 1 = 1 et Z 2 = 0 représente l'impli-
(exemple : variables nominales, ordinales), les effets de cation modérée et Z 1 = 0 et Z 2 = 1 représente l'im-
modération peuvent être analysés par le biais de régres- plication forte). Si c1 et/ou c2 sont significatifs, la
sions multiples avec variables muettes (dummy). variable Z est un modérateur de l'influence de X sur Y.
Par exemple, si Z est une variable discrète à 3 Un exemple chiffré de ce type d'analyse est repris à
niveaux (exemple : implication forte, modérée et la figure 7 (section 1).
faible), il convient d’ajuster le modèle (b) :

Y = a+bX+d1 Z1 +d2 Z2 +c1 XZ1 +c2 XZ2 +erreur (b)

L’exemple chiffré repris ci-dessous porte sur la relation existant entre la fidélité au point de vente
(Y) et la satisfaction des consommateurs vis-à-vis du point de vente (X). Un effet modérateur de la pro-
pension avec laquelle le consommateur éprouve une aversion au risque (Z) est postulé : plus le con-
sommateur éprouve une aversion au risque, plus la relation entre la satisfaction et la fidélité sera forte.
Toutes ces variables étaient mesurées sur des échelles au moins intervalle. Pour tester ce modèle, la fid-
élité a été régressée sur l'aversion au risque et sur la satisfaction ainsi que sur le produit de ces deux va-
riables (XZ). Les résultats indiquent la présence d’un effet simple de la satisfaction (pX = 0,011) et de
l'aversion au risque (pZ = 0,023), ainsi que d’un effet d’interaction de ces deux variables (pXZ = 0,013).

Équation de régression: Y= 1,564 + 0,303 Z + 0,256 X + 0,055 XZ (N=100; R2=0,833 ;


R2 ajusté = 0,828)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 1,564 0,528 2,96 0,004
X 0,256 0,098 0,280 2,61 0,011
Z 0,303 0,131 0,274 2,31 0,023
XZ 0,051 0,022 0,453 2,54 0,013
L’équation de régression met clairement en évidence l’effet d’interaction : si l'aversion au risque
(Z) est égale à 1, l’équation est Y = 1,867 + 0,311 X ; si l'aversion au risque (Z) est égale à 5, l’équation
est Y = 3,079 + 0,531 X ; si l'aversion au risque (Z) est égale à 10, l’équation est Y = 4,594 + 0,806 X. Il
apparaît clairement que la pente de la droite s’accroît au fur et à mesure que l'aversion au risque aug-
mente.

25
20 Z = 10
Variable Y

15
Z=5
10
Z=1
5
0
1

13

15

17

19
3

11

Variable X

Figure 6. – Exemple d’analyse de processus modérateur dans le cas de variables « au moins intervalles »
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 75

Section 1 : analyse par le biais des variables muettes


L’exemple chiffré repris ci-dessous porte sur la relation existant entre l’attitude envers l’annonce (Y)
et les émotions positives suscitées par l’annonce (X). Un effet modérateur de l’implication des individus
est postulé : plus l’implication est forte, plus la relation entre les émotions positives et l’attitude envers
l’annonce sera forte. L'attitude et les émotions positives sont mesurées sur des échelles au moins
intervalle. Par contre, l'implication est une mesure ordinale comprenant trois niveaux: implication faible,
implication modérée et implication forte. Cette variable a donc été transformée en variable muette (Z1 et
Z2) comme suit :
Z1 = 0 et Z2 = 0 : faible implication
Z1 = 1 et Z2 = 0 : implication modérée
Z1 = 0 et Z2 = 1 : implication forte
Pour tester le modèle d’interaction, Y a donc été régressée sur les variables X, Z1 et Z2, ainsi que sur les
produits de X avec Z1 et Z2 (c’est-à-dire XZ1 et XZ2). Les résultats indiquent la présence d’un effet
simple des émotions positives (pX = 0,000) et de l’implication (pZ1 = 0,000 ; pZ2 = 0,001), ainsi que d’un
effet d’interaction de ces deux variables (pXZ1 = 0,002 ; pXZ2 = 0,000).

Équation de régression : Y= 1,833 + 0,228 X + 1,831 Z1 + 1,59 Z2 + 0,19 XZ1 + 0,243 XZ2 (N=600;
R2 = 0,698 ; R2 ajusté = 0,696)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 1,833 0,305 6,01 0,000
X 0,228 0,044 0,206 5,23 0,000
Z1 1,831 0,428 0,417 4,28 0,000
Z2 1,590 0,460 0,362 3,46 0,001
XZ1 0,190 0,061 0,309 3,12 0,002
XZ2 0,243 0,063 0,427 3,87 0,000
Somme des carrés résiduelle (SCR) = 778,057; Carré moyen résiduel (CMR) = 1,310
L’équation de régression met clairement en évidence l’effet d’interaction : lorsque l’implication est
faible (c’est-à-dire Z1 et Z2 = 0), l’équation est Y = 1,833 + 0,228 X ; lorsque l’implication est modérée
(c’est-à-dire Z1 = 1 et Z2 = 0), l’équation est Y = 3,664 + 0,418 X ; et lorsque l’implication est forte
(c’est-à-dire Z1 = 0 et Z2 = 1), l’équation est Y = 3,423 + 0,471 X. Il apparaît clairement que la pente de la
droite s’accroît au fur et à mesure que l’implication de l’individu augmente.

16
14
Implication faible
12
Variable Y

10
Implication
8 modérée
6
Implication forte
4
2
0
1
4
7
10

13
16
19
22
25

Variable X

Figure 7. – Exemple d’analyse de processus modérateur lorsque la variable modératrice supposée


est moins qu’intervalle
76 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

Section 2 : analyse par sous-groupes


Dans cette seconde section, nous avons reproduit l’analyse de la section 1 en procédant sous-
groupe par sous-groupe plutôt qu’en utilisant les variables muettes. Les trois sous-groupes analysés
sont donc : 1) l’implication faible (N = 200) ; 2) l’implication modérée (N = 200) et 3) l’implication
forte (N = 200). Avant de procéder à cette analyse, nous nous sommes toutefois assurés que
l’hypothèse d’homogénéité des variances pour les différents niveaux de la variable modératrice était
bien respectée (H0 : σ21 = σ22 = σ23 ; H1 : σ21 ou σ22 ou σ23 pas égale(s) ;
statistique de Levene = 0,310 : p = 0,734 > 0,05).
Les analyses par sous-groupes montrent qu’il existe, pour chacun des sous-groupes, une relation
significative entre les émotions positives et l’attitude envers l’annonce (implication faible : pX = 0,000 ;
implication modérée : pX = 0,000 ; implication forte : pX = 0,000). Par ailleurs, le calcul des tests en t
d’après les formules (c) et (c’) établit que deux des trois différences deux à deux sont significatives (cf.
le point 4, a) et b)). Il y a donc effet de modération.

RÉSULTATS ANALYTIQUES DU SOUS - GROUPE 1 – IMPLICATION FAIBLE

Équation de régression : Y = 1,833 + 0,228 X (N=200 ; R2 = 0,110 ; R2 ajusté = 0,105)


Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 1,833 0,323 5,68 0,000
X 0,228 0,046 0,331 4,94 0,000
SCR = 290,747; k = 1 ; CMR = 1,468

RÉSULTATS ANALYTIQUES DU SOUS -GROUPE 2 – IMPLICATION MODÉRÉE

Équation de régression : Y = 3,664 + 0,418 X (N=200 ; R2 = 0,384 ; R2 ajusté = 0,381)


Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 3,664 0,264 13,87 0,000
X 0,418 0,038 0,620 11,11 0,000
SCR = 200,768 ; k = 1 ; CMR = 1,014

RÉSULTATS ANALYTIQUES DU SOUS -GROUPE 3 – IMPLICATION FORTE


Équation de régression : Y = 3,423 + 0,471 X (N=200 ; R2 = 0,331; R2 ajusté = 0,328)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 3,423 0,362 9,44 0,000
X 0,471 0,048 0,575 9,90 0,000
SCR = 286,542 ; k = 1 ; CMR = 1,447

COMPARAISONS DES COEFFICIENTS DEUX À DEUX SELON (C) ET (C')

a) Implication faible versus modérée


S2 agrégé = [(200-1-1) × 1,4682 + (200-1-1) × 1,0142] / [400 – (1+1+2)] = 1,59161
t = [0,228-0,418] /[1,59161 × (0,0462/1,4682 + 0,0382/1,0142)1/2 ] = -2,444 (p < 0,05)
b) Implication faible versus forte
S2 agrégé = [(200-1-1) × 1,4682 + (200-1-1) × 1,4472] / [400 – (1+1+2)] = 2,12442
t = [0,228-0,471] /[2,12442 × (0,0462/1,4682 + 0,0482/1,4472)1/2 ] = -2,507 (p < 0,05)

Figure 7. – Suite
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 77

c) Implication modérée versus forte


S2 agrégé = [(200 –1–1) × 1,0142 + (200 –1–1) × 1,4472] / [400 – (1+1+2)] = 1,561
t = [0,418 – 0,471] /[1,561 × (0,0382/1,0142 + 0,0482/1,4472)1/2 ] = – 0,678 (p > 0,05)

Remarque : calculs relatifs à la note 3 (section 2.2.3)

Le F test de la note 3 indique – à l’instar des tests précédents – l’existence d’un effet
d’interaction (voir section 1 pour les données du modèle complet) :

Équation de régression – modèle réduit : Y= 0,871 + 0,370 X + 3,116 Z1 + 3,296 Z2 (N=600;


R2 = 0,690; R2 ajusté = 0,688)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 0,871 0,191 4,55 0,000
X 0,370 0,026 0,335 14,46 0,000
Z1 3,116 0,116 0,709 26,89 0,000
Z2 3,296 0,117 0,750 28,15 0,000
SCR = 800,184 ; CMR = 1,343

(SCR (réduit) – SCR ( complet)) (800,184 – 778,057 )


(c – r ) = (5 – 3) = 8,445 > F (2, 594)
CMR (complet) 1,310

Figure 7. – Suite

Lorsque la variable modératrice et la variable Il est à souligner que la manière dont les
indépendante X sont toutes les deux « moins qu'in- variables muettes sont créées influence les résultats
tervalle », des variables muettes peuvent être utili- des analyses de régression modérée (c’est-à-dire
sées pour les deux variables. Par exemple, si Z est modèle avec terme multiplicatif). En effet, Irwin et
une variable à 3 niveaux (exemple : implication McClelland (2001) mettent en évidence que coder
forte, modérée et faible) et X une variable à deux les variables de manière binaire (0, 1) ou en utilisant
niveaux (exemple : bonne humeur versus mauvaise des contrastes (– 1, 1) a un impact sur les coeffi-
humeur), le même modèle que le modèle (b) sera cients des variables dans la régression ainsi que sur les
ajusté mais l'interprétation de la variable X sera diffé- coefficients de corrélation entre variables dans le
rente. Il s'agira d'une variable binaire. Elle sera égale à modèle de régression modérée. Remarquons que
0 si l'on est de mauvaise humeur (niveau de référence) changer l’origine d’une variable dépendante en lui
et égale à 1 si l'on est de bonne humeur. Si, par ajoutant ou en lui soustrayant une constante (comme
contre, la variable indépendante X a trois niveaux, il c’est, par exemple, le cas lorsque les données sont
conviendra d’ajuster le modèle (d) : centrées) ; standardiser les données ou leur appliquer
une transformation linéaire produit également ce
Y = a + b1 X1 + b2 X2 + d1 Z1 + d2 Z2 + c1 X1 Z1 type d’effet (Irwin et McClelland, 2001). Il est donc
important de toujours bien indiquer la manière dont
+c2 X1 Z2 + c3 X2 Z1 + c4 X2 Z2 + erreur (d) les variables ont été codées et/ou transformées et de
choisir le type de codage et/ou transformation de
Si l'un ou plusieurs des ci est significatif, la variable données de telle sorte qu’il mette en évidence les
Z est un modérateur de l'influence de X sur Y (cf. aspects qui ont le plus grand intérêt pratique et/ou
exemple de ce type d’analyse à la figure 8, section 1). théorique.
78 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

Section 1 : Application avec l’utilisation des régressions multiples avec variables muettes

L’exemple chiffré repris ci-dessous porte sur la relation existant entre la satisfaction des
consommateurs (Y) et l’humeur de ces derniers. Il est postulé que cette relation varie selon que
l’implication de l’individu est faible, modérée ou forte. La satisfaction est mesurée sur une
échelle au moins intervalle. En revanche, l'humeur et l'implication sont des variables ordinales ;
la variable humeur comprend trois niveaux (humeur négative, humeur neutre, humeur positive)
et la variable implication, trois niveaux (faible, modérée ou forte). Elles ont donc été
transformées en variables muettes (X1 et X2 pour l’humeur et Z1 et Z2 pour l’implication)
comme suit :

X1 = 0 et X2 = 0 : humeur négative
X1 = 1 et X2 = 0 : humeur neutre
X1 = 0 et X2 = 1: humeur positive
Z1 = 0 et Z2 = 0 : faible implication
Z1 = 1 et Z2 = 0 : implication modérée
Z1 = 0 et Z2 = 1 : implication forte

Pour tester le modèle d’interaction, la variable « Y » a été donc été régressée sur les
variables X1, X2, Z1 et Z2, ainsi que sur les produits Xi × Zi de ces quatre variables (c’est-à-
dire X1Z1, X1Z2, X2Z1 et X2Z2). Les résultats indiquent la présence d’un effet simple de
l’humeur (pX1 = 0,000 ; pX2 = 0,000) et de l’implication (pZ1 = 0,000 ; pZ2 = 0,001), ainsi que
d’un effet d’interaction de ces deux variables (pX1Z1 = 0,000 ; pX1Z2 = 0,000 ; pX2Z1 = 0,883 ;
pX2Z2 = 0,304).

Équation de régression : Y = 2,364 + 3,424 X1 + 3,606 X2 + 1,636 Z1 + 3,152 Z2 – 1,818 X1Z1 –


2,879 X1Z2 – 0,061 X2Z1 – 0,424 X2Z2 (N=297 ; R2 = 0,686; R2 ajusté = 0,677)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 2,364 0,206 11,48 0,000
X1 3,424 0,291 0,777 11,75 0,000
X2 3,606 0,291 0,818 12,38 0,000
Z1 1,636 0,291 0,371 5,62 0,000
Z2 3,152 0,291 0,715 10,82 0,000
X1Z1 – 1,818 0,412 – 0,275 – 4,41 0,000
X1Z2 – 2,879 0,412 – 0,435 – 6,99 0,000
X2Z1 – 0,061 0,412 – 0,009 – 0,147 0,883
X2Z2 – 0,424 0,412 – 0,064 –1,03 0,304

Figure 8. – Exemple d’analyse de processus modérateur lorsque la variable modératrice et la variable X


sont moins qu’intervalle
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 79

Section 2 : application avec le test d’ANOVA

Lorsque les données correspondent à la situation décrite à la section 1, il est plus aisé de procéder à
une analyse ANOVA traditionnelle. Cette dernière est reproduite ci-dessous. Les résultats montrent
également un effet simple de l’humeur (p = 0,000) et de l’implication (p = 0,000) ainsi qu’un effet
d’interaction significatif (p = 0,000).

Variables indépendantes ddl F p


HUMEUR 2 210,14 0,000
IMPLICATION 2 74,32 0,000
HUMEUR × IMPLICATION 4 14,82 0,000
SCR = 403,273 ; ddl = 288 ; CMR = 1,400 ; N = 297

Ces résultats peuvent aisément être représentés graphiquement, en représentant les 9 points du
tableau ci-dessous et en reliant les points correspondant à un même niveau d’implication (certains
logiciels d’analyse statistique, comme SPSS, disposent d’une option qui permet de réaliser ce genre de
graphique automatiquement) :
10
faible
Satisfaction

8 implication
6 implication
4 modérée
2 forte
implication
0
bonne humeur mauvaise
humeur neutre humeur

Moyennes de Humeur
satisfaction : BONNE NEUTRE MAUVAISE

FAIBLE 5,96 5,78 2,36


Implication

MODÉRÉE 7,54 5,60 4,00

FORTE 8,69 6,06 5,51

Figure 8. – Suite
80 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

L’analyse de régression avec variables muettes est S’il y a plus de deux sous-groupes différents
une première option lorsque l’une des deux variables comme dans le cas de l’implication faible/modérée/
indépendantes (X et Z), voire les deux, ne sont pas forte, il s’agit de calculer l’équation (c) pour chaque
mesurées au moyen d’échelles « au moins intervalle ». groupe comparé deux à deux (implication faible versus
D’autres techniques peuvent, cependant, également modérée ; implication faible versus forte ; implica-
être utilisées dans deux cas spécifiques : lorsque la tion modérée versus forte), et montrer que le résultat
variable modératrice Z est « moins qu'intervalle » et de cette dernière est significatif dans un cas au moins
lorsque les deux variables X et Z sont « moins qu'inter- (cf. figure 7, section 2 pour une application de cette
valle ». L’analyse de régression par sous-groupes (sec- méthode à l’exemple de la figure 7, section 1) 3.
tion 2.2.3) pourra être envisagée dans le premier cas ;
l’ANOVA (section 2.2.4), dans le second.
3. Il est à noter que certains tests, comme le test de Chow (1960),
2.2.3. Régression multiple par sous-groupes permettent de tester l’égalité entre deux (ou plusieurs) équations
(par exemple, l’équation de la population des hommes versus
Lorsque la variable modératrice supposée est l’équation de la population des femmes). Le test de Chow requiert :
1) d’estimer le modèle de régression pour chaque sous-population –
« moins qu'intervalle » et la variable indépendante X pour les hommes et pour les femmes, par exemple – ce qui permet
est « au moins intervalle », il est envisageable d’ef- d’obtenir la somme des carrés résiduelle pour chaque régression
fectuer une analyse par sous-groupes, c'est-à-dire (SCR1 et SCR2) et 2) d’estimer le modèle de régression pour la
régresser Y sur X pour chacun des sous-groupes, plutôt population totale, ce qui permet d’obtenir la somme des carrés
que de traiter les données par une analyse de régres- résiduelle pour cet échantillon agrégé (SCRagrégé). Le F (avec
sion avec variables muettes. Les résultats mèneront à k + 1, n 1 + n 2 − 2k − 2 degrés de liberté) test à réaliser est
(Gujarati, 2003, p. 276 ; Hardy, 1993, p. 87) :
des conclusions tout à fait identiques. La différence
réside simplement dans la manière de réaliser le test SCRagrégé − [SCR1 + SCR2 ]/(k + 1)
,
(ou de donner des instructions au logiciel d’analyse). [SCR1 + SCR2 ]/(n 1 + n 2 − 2k − 2)
Les sous-groupes sont les différentes modalités de la
variable modératrice supposée (exemple : hommes où k représente le nombre de variables du modèle de régression et
n 1 + n 2 , le nombre d’observations dans les sous-populations.
versus femmes). Il s'agit ensuite de tester l'existence Cependant, ce test – lorsqu’il est significatif – ne fournit pas d’indi-
d'une différence significative au plan des coefficients cation quant à l’endroit où la différence se situe. Il peut s’agir de la
de régression (non standardisés) des groupes (Baron et pente de la droite de régression, de la constante ou encore des
Kenny, 1986). En d'autres termes, il faut tester le deux (seuls les deux derniers cas reflètent un cas de modération).
Afin de localiser la source de la différence (c’est-à-dire pente ou
caractère significatif du test t suivant (Hardy, 1993, constante), il est nécessaire d’utiliser les variables muettes (Gujara-
p. 52) : ti, 2003, pp. 277 et 306-309 ; Hardy, 1993). La procédure suivante
bsous−groupe 1 − bsous−groupe 2 peut alors être adoptée : 1) estimation de la régression de Y sur les
t=  (c) variables dépendantes X et Z (variable muette ; par exemple,
s2bsous−groupe 1 s2bsous−groupe 2 homme versus femme) et, ainsi, de la somme des carrés résiduelle
sagrégé +
s21 s22 (SCR(réduit)) ; 2) estimation de la régression de Y sur les variables
dépendantes X, Z et le produit des deux (c’est-à-dire X Z ) et,
Où bsous−groupe 1 et bsous−groupe 2 sont les estimations ainsi, de la somme des carrés résiduelle (SCR(complet)) et le carré
des coefficients de régression de la variable X, pour les moyen résiduel (CMR(complet)). Le test F(c−r,N −c−1) devient
sous-groupes 1 (exemple : hommes) et 2 (exemple : (Kleinbaum et alii, 1998) :
femmes) ; s2bsous−groupe 1 et s2bsous−groupe 2 la variance de
(SCR(réduit) − SCR(complet) )/(c − r)
ces coefficients ; s21 et s22, le SCR/n-k-1 pour chaque CMR(complet)
,
groupe (SCR est la somme des carrés résiduelle et
SCR/n-k-1 correspond au carré moyen résiduel) et k le où r représente le nombre de variables du modèle de régression
réduit et c le nombre de variables du modèle de régression complet.
nombre de variables indépendantes. Le s2agrégé corres- Ce test fournit exactement la même information que si l’on teste le
pond à l’équation (c’). caractère significativement différent de ‘0’ du coefficient de
régression de X Z de l’équation (a) (voir la procédure décrite au
(n1 − k1 − 1)s21 + (n2 − k2 − 1)s22 point 2.2.2.) ou l’égalité des deux coefficients de régression des
(c’) deux sous-groupes (voir la procédure décrite au point 2.2.3). Il a
N − (k1 + k2 + 2) cependant l’avantage de tester le caractère significatif de l’interac-
où N = n 1 + n 2 tion de manière collective (Kleinbaum et alii, 1998).
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 81

Avant d'effectuer ce type d'analyse par sous- répondent donc à la question « comment, pourquoi »
groupes, il s’agit toutefois de s'assurer au préalable l'effet X-Y existe. Contrairement à une variable
que les conditions sous-jacentes aux tests statistiques modératrice, le médiateur et la variable X ne se
utilisés – telles que l'homogénéité de la variance pour situent pas au même niveau de causalité au plan
les différents niveaux de la variable modératrice – sont conceptuel : X est un antécédent de la variable
respectées (si ces conditions ne sont pas respectées, un médiatrice et cette dernière est un antécédent de Y.
biais risque d’être introduit dans les résultats). La variable médiatrice revêt donc le statut de variable
dépendante ou de variable indépendante selon l'angle
2.2.4. ANOVA sous lequel elle est observée (un modérateur, en
revanche, reste systématiquement une variable indé-
Lorsque la variable modératrice Z et la variable pendante quel que soit l'angle d'analyse, cf. figure 3
indépendante X sont toutes les deux « moins qu'inter- versus figure 2). Lorsqu'une variable est médiateur
valle », il est plus simple et plus direct de procéder à de la relation X-Y, on dit que la variable X a un effet
une analyse ANOVA plutôt que de transformer indirect sur la variable Y. En d'autres termes, une partie
manuellement les variables en variables muettes et de au moins de l'influence de X sur Y passe par la
les traiter par une analyse de régression avec variable médiatrice. Dès lors, si l'influence de la
variables muettes. À nouveau, il faut souligner que variable médiatrice est contrôlée statistiquement, la
les résultats conduiront à des conclusions identiques relation X-Y disparaît ou est atténuée (Baron et
quelle que soit la technique d’analyse choisie. Kenny, 1986 ; Brauer, 2000 ; James et Brett, 1984 ;
Le cas traité à la figure 8 reflète typiquement le Kenny, Kashy et Bolger, 1998).
genre de cas qui peut être traité par le biais d’une analy- Il faut souligner, à ce stade, que si l'influence de X
se ANOVA 3 × 3 (voir section 2 de la figure 8 pour sur Y disparaît totalement en présence de la
une application de l’analyse ANOVA à l’exemple de la variable supposée médiatrice, on se situe dans un cas
section 1 – traité par régression avec variables de médiation dite complète. Lorsque l'influence de X
muettes). Ce genre d’analyse se rencontre très fré- sur Y est simplement réduite mais ne disparaît pas
quemment dans le cadre des études faisant appel à des totalement, lorsque l'influence du médiateur potentiel
plans expérimentaux avec manipulation de variables. est contrôlée, on se retrouve dans un cas dit de
Soulignons également l’existence, dans la littérature, médiation partielle (voir figure 9, cas 1) (Baron et
de certains travaux qui – afin de retomber dans le cas Kenny, 1986 ; Brauer, 2000 ; Kenny, Kashy et Bol-
« simple » de l'analyse ANOVA – transforment les ger, 1998). Dans les cas de médiation partielle, seule
variables « au moins intervalle » en variables catégo- une partie de l'effet de X sur Y s'exerce à travers la
riques. Il existe différentes techniques pour ce faire, variable médiatrice et l'autre partie de cet effet s'exerce
mais elles sont généralement très arbitraires et condui- directement sur la variable Y ou, éventuellement, via
sent systématiquement à une perte de finesse dans l'in- une autre variable non prise en compte dans le modèle
formation (par exemple, découper l'échantillon selon (si l'influence de X sur Y est médiatisée par M et M  et
la médiane (median-split)). Ce genre de pratique n’est que M  n’est pas mesurée, les analyses de médiation
guère conseillé (Irwin et McClelland, 2001). concluront à la médiation partielle de X-Y par M,
voir figure 9, cas 2). Une fois encore, c'est le modèle
théorique qui permettra de déterminer s’il y a média-
tion partielle effective ou si la médiation est complète
III. MÉDIATEUR
mais passe par plusieurs variables médiatrices
(Brauer, 2000).
Tout comme dans le cas de l'analyse de modéra-
3.1. Aspects conceptuels tion, il faut souligner que l'analyse de médiation ne
permet pas de vérifier si la séquence causale postulée
Comme nous l’avons mentionné en introduction, est exacte (seule une manipulation expérimentale
un médiateur est une variable qui permet d'expliquer la permet de réellement tester la causalité). Elle vérifie
manière, le processus par lequel la variable X uniquement si, compte tenu d'un modèle théorique
influence la variable Y. Les processus médiateurs causal défini a priori, la variable supposée jouer le
82 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

rôle de variable médiatrice remplit bien les condi- modèle « non-confirmation des attentes ⇒ attitude
tions de médiation. envers la marque ⇒ fidélité à la marque » et montre
À cet égard, il faut également souligner que des que les conditions de médiation sont respectées. Elle
analyses de médiation peuvent conduire à des conclut, dès lors, que l'attitude envers la marque
conclusions différentes et susciter une avancée au médiatise la relation existant entre la non-confirma-
plan des modèles théoriques. Supposons, d'une part, tion des attentes et la fidélité à la marque (cf. figure 10,
qu'une étude teste – arguments théoriques à l'appui – le cas 1). Supposons, d'autre part, que – sur la base

Cas 1. Représentation conventionnelle d'une médiation partielle


Variable médiatrice M

Variable X Variable Y

Cas 2. Médiation par deux variables

Variable médiatrice M

Variable X Variable Y

Variable médiatrice M’
non mesurée

Cas 3. Représentation d'une association fallacieuse (ou fausse association)

Variable M

Variable X

Variable Y

Figure 9. – Cas de médiation partielle et d’association fallacieuse (ou fausse association)


Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 83

Section 1. Représentation graphique

CAS 1
Non-confirmation Attitude vis-à-vis de la Fidélité à la
marque marque

CAS 2

Non-confirmation Fidélité à la marque Attitude vis-à-vis


de la marque

CAS 3
Attitude vis-à-vis
de la marque

Non-confirmation Satisfaction vis-à-vis de


la marque
Fidélité à la
marque

Tests des conditions de médiation CAS 1 CAS 2 CAS 3


Fidélité = f (non-confirmation) => pvalue non-confirmation < 0,05 ü ü ü
Attitude = f (non-confirmation) => pvalue non-confirmation < 0,05 ü ü ü
Satisfaction = f (non-confirmation) => pvalue non-confirmation < 0,05 ü
Fidélité = f (non-confirmation, attitude) => pvalue attitude < 0,05 ü
Attitude = f (non-confirmation, fidélité) => pvalue fidélité < 0,05 ü
Fidélité = f (non-confirmation, satisfaction) => pvalue satisfaction < 0,05 ü
Attitude = f (non-confirmation, satisfaction) => pvalue satisfaction < 0,05 ü

Section 2. Exemple chiffré

Cette section reprend un exemple chiffré pour chacun des trois cas envisagés graphiquement à la section
1. Pour le cas 1, les résultats indiquent : 1) une influence significative de la non-confirmation sur la fidélité
(pX = 0,029 ; condition 1) ; 2) une influence significative de la non-confirmation sur l’attitude (pX = 0,014 ;
condition 2), et 3) une influence significative de l’attitude sur la fidélité (pM = 0,000 ; condition 3) alors que
l’influence de la non-confirmation sur cette variable devient non significative (pX = 0,228 ; condition 4).

Figure 10. – Exemple de variable médiatrice non mesurée à l’origine


84 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

Cas 1 : Non-confirmation (X) à Attitude vis-à-vis de la marque (M) à Fidélité à la marque (Y)
CONDITION 1
Équation de régression : Y = 7,667 + 0,096 X (N = 414 ; R2= 0,011; R2 ajusté = 0,009)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 7,667 0,329 23,31 0,000
X 0,096 0,044 0,107 2,19 0,029

CONDITION 2
Équation de régression : M = 8,830 + 0,061 X (N = 445 ; R2= 0,013 ; R2 ajusté = 0,011)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 8,830 0,187 47,31 0,000
X 0,061 0,025 0,116 2,46 0,014

CONDITION 3
Équation de régression : Y= 1,786 + 0,049 X + 0,672 M (N=411; R2 = 0,167 ; R2 ajusté = 0,163)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 1,786 0,741 2,41 0,000
X 0,049 0,041 0,055 1,21 0,228
M 0,672 0,077 0,398 8,74 0,000

b4 = 0,672 tb4 = 8,744 signification = 0,000 à b ≠0


4

CONDITION 4
b3 = 0,0489 tb3 = 1,207 signification = 0,228 à b non significativement ≠ 0
3

CONCLUSION : L’attitude vis-à-vis de la marque est un médiateur complet de l’influence de la non-


confirmation sur la fidélité à la marque.

Les données du cas 1 sont cependant également compatibles avec le cas 2 (ci-dessous). En effet, la
condition 1 du cas 1 permet de vérifier la condition 2 du cas 2 et la condition 2 du cas 1 vérifie la condition
1 du cas 2. Par ailleurs, les résultats indiquent une influence significative de la fidélité sur l’attitude
(pM = 0,000 ; condition 3) alors que l’influence de la non-confirmation sur cette variable devient non
significative pour un niveau de signification de 5 % (pX = 0,083 ; condition 4).

Cas 2 : Non-confirmation (X) à Fidélité à la marque (M) à Attitude vis-à-vis de la marque (Y)
CONDITIONS 1 et 2 : voir respectivement les conditions 2 et 1 du cas 1.

CONDITION 3
Équation de régression : Y = 7 + 0,042 X + 0,235 M (N= 411 ; R2 = 0,170 ; R2 ajusté = 0,166)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 7,000 0,273 25,63 0,000
X 0,042 0,024 0,079 1,74 0,083
M 0,235 0,027 0,397 8,74 0,000

b4 = 0,235 tb4 = 8,744 signification = 0,000 à b ≠0


4

Figure 10. – Suite


Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 85

CONDITION 4
b3 = 0,0416 tb3 = 1,739 signification = 0,083 à b3 non significativement ≠ 0
CONCLUSION : La fidélité à la marque est un médiateur complet de l’influence de la non-confirmation
sur l’attitude vis-à-vis de la marque.

Le test du cas 3 indique que cette situation correspond à un cas de médiation totale par une
quatrième variable – la satisfaction des consommateurs – de l’influence de la non-confirmation sur la
fidélité ET l’attitude envers la marque.

à Satisfaction vis-à-vis de la marque (M) à


à Satisfaction vis-à-vis de la marque (M) à
Cas 3 : Non-confirmation (X) Fidélité à la marque (Y)
Non-confirmation (X) Attitude vis-à-vis de la
marque (Y’)

Les conditions 1 et 2 des cas 1 et 2 permettent de vérifier la condition 1 de ce nouveau modèle de


médiation. Par ailleurs, les résultats repris ci-dessous montrent que les conditions 2, 3 et 4 sont
également satisfaites : la non-confirmation a une influence significative sur la satisfaction (pX = 0,000 ;
condition 2), et cette dernière a également une influence significative sur l’attitude (pM = 0,000 ;
condition 3) et sur la fidélité (pM = 0,000 ; condition 3) alors que l’influence de la non-confirmation
sur ces variables devient non significative (pour l’attitude : pX = 0,724 ; pour la fidélité : pX = 0,747 ;
condition 4).

CONDITIONS 1 et 2 : voir les conditions 2 et 1 des cas 1 et 2.


CONDITION 2
Équation de régression : M = 7,950 + 0,124 X (N = 408 ; R2 = 0,031 ; R2 ajusté = 0,028)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 7,950 0,260 30,58 0,000
X 0,124 0,035 0,175 3,58 0,000

CONDITIONS 3 ET 4
Équation de régression : Y’= 5,699 + 0,008 X + 0,399 M (N = 411 ; R2 = 0,290 ; R2 ajusté = 0,287)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 5,699 0,303 18,79 0,000
X 0,008 0,023 0,015 0,35 0,724
M 0,399 0,032 0,536 12,52 0,000
Équation de régression : Y= 2,221 + 0,013 X + 0,682 M (N = 390 ; R2 = 0,287 ; R2 ajusté = 0,283)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 2,221 0,531 4,18 0,000
X 0,013 0,040 0,014 0,32 0,747
M 0,682 0,056 0,533 12,21 0,000

Figure 10. – Suite


86 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

d'autres arguments théoriques – d’autres chercheurs 3.2.1. Régressions successives – les conditions de
testent le modèle « non-confirmation des attentes ⇒ médiation de Baron et Kenny (1986)
fidélité à la marque ⇒ attitude envers la marque » et
concluent à la médiatisation complète – par la fidélité à Afin de vérifier un effet médiateur complet de M
la marque – de la relation « non-confirmation des dans le cadre de la relation X-Y, Baron et Kenny
attentes – attitude vis-à-vis de la marque » (cf. figure (1986) ont proposé de tester quatre conditions :
10, cas 2). Ces deux résultats – qui peuvent sembler Condition 1 :
contradictoires de prime abord – indiquent en réalité La variable X doit avoir un impact significatif sur
l'existence probable d'une variable médiatrice non la variable Y. Il s'agit donc de régresser Y sur X et de
mesurée et non prise en compte dans les deux montrer que le coefficient b1 dans l'équation de
modèles théoriques concurrents (Brauer, 2000). Cette régression (e) est significatif.
variable médiatiserait à la fois la relation « non-
confirmation des attentes – attitude vis-à-vis de la Y = a1 + b1 X + erreur1 (e)
marque » et « non-confirmation des attentes – fidélité à Le coefficient b1 représente l'effet total de X sur Y.
la marque ». Cette variable pourrait, par exemple, Lorsque X varie d'une unité, Y varie de b1 unités. Cet
être la « satisfaction vis-à-vis de la marque » effet total est égal à la somme des effets direct et
(cf. figure 10, cas 3). indirect (c’est-à-dire médiatisé) (Kenny, Kashy et
Bolger, 1986 ; Mac Donald, 2001).
3.2. Aspects analytiques et illustrations Il est à noter que Shrout et Bolger (2002) recom-
mandent de passer directement à la condition 2, sans
La méthode habituellement utilisée, dans les tra- vérifier la première condition de médiation, lorsque le
vaux en marketing, afin de vérifier l’existence d’un modèle théorique postule une relation X-Y faible et
effet médiateur complet ou partiel est la méthode des que les tailles d'échantillons (pas assez grandes) ne
régressions (simples et multiples) successives proposée permettent pas aux tests d'avoir la puissance requise
par Baron et Kenny (1986) (section 3.2.1) 4. Si l’en- pour détecter un effet significatif (voir, par exemple,
semble des variables considérées n’est pas de nature au Cohen (1988) pour plus de détails). Dans de tels cas,
moins intervalle, des régressions (simples et mul- un effet de médiation peut être valablement détecté
tiples) avec variables muettes seront utilisées (section alors que les tests indiquent l'absence d'effet total
3.2.2). Enfin, si le but du chercheur est de tester (par manque de puissance).
l’existence d’un effet médiateur au moins partiel,
Condition 2 :
sans distinguer si l’effet de médiation est partiel ou
complet, le test du caractère significatif de l’effet La variable X doit avoir un effet significatif sur M
indirect pourra être envisagé (section 3.2.3). Avant de (c’est-à-dire la variable médiatrice supposée). Il
détailler ces différentes méthodes, il est important de s'agit donc de régresser M sur X et de montrer que le
souligner que – tout comme pour les analyses de coefficient b2 dans la régression (f) est significatif.
modération – les tests de médiation peuvent être M = a2 + b2 X + erreur2 (f)
influencés par la colinéarité entre variables indépen-
dantes (notons qu'une manière de contourner les pro- Condition 3 :
blèmes liés à la colinéarité est de disposer d'un La variable médiatrice supposée M doit significa-
échantillon suffisamment grand (Kenny, Kashy et tivement influencer la variable Y, lorsque l'influence de
Bolger, 1998)) 5. la variable X sur Y est contrôlée. Il s'agit donc de

4. Nous tenons à souligner qu'il existe des travaux au sujet de la coefficients b3 et b4 de l’équation (g ) sera faible (en d’autres
médiation antérieurs à ceux de Baron et Kenny (1986) comme termes, la probabilité que ces tests conduisent à des résultats signi-
ceux, par exemple, de Maccorquodale et Meehl (1948), Rozeboom ficatifs sera faible). Cependant, plus la taille d’un échantillon est
(1956), Durkheim (1960) ou Boudon (1970). grande, plus la puissance est élevée (Hair et alii, 1998). Dès lors, si
5. En effet, plus M médiatise une large part de l’influence de X sur X et M sont fortement corrélés (= colinéarité), une taille d’échan-
Y, plus M et X seront corrélés (c’est-à-dire que X expliquera une tillon plus grande est nécessaire afin d’obtenir une puissance équi-
large partie de la variance de M ) et plus la puissance du test des valente à une situation où X et M ne seraient pas fortement associés.
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 87

régresser Y sur X et M et de montrer – dans l'équation deux effets indépendants de la variable X. La variable
(g) – que le coefficient b4 est significatif (une simple M n'est donc ni médiateur partiel ni médiateur com-
régression de Y sur M, sans contrôler X, pourrait se plet de la relation X-Y. L'association entre M et Y était
révéler significative en raison de l'existence d'une uniquement due à l'existence de X. On dira qu’il s’agit
association significative entre X et Y et entre X et M, d’une « association fallacieuse » ou « fausse associa-
c'est pourquoi il est nécessaire de régresser Y sur X et tion » (spurious association, voir cas 3, figure 9).
M).

Y = a3 + b3 X + b4 M + erreur3 (g) 3.2.2. L’analyse de l’effet de médiation par


Les coefficients b2 de l'équation (f) et b4 de régressions multiples avec variables
l'équation (g) permettent d'évaluer l'effet indirect de muettes
X sur Y, c’est-à-dire l'influence de X qui est transmise
par M. Cet effet indirect est égal à b2 × b4 (Kenny, À l'instar des variables modératrices, aucune
Kashy et Bolger, 1986 ; Mac Donald, 2001 ; Shrout et contrainte ne pèse sur la nature de la variable média-
Bolger, 2002). Lorsque X varie d'une unité, M varie de trice, elle peut être qualitative ou quantitative, caté-
b1 unités. Et, lorsque M varie d'une unité et que X est gorique ou non. Il suffit de transformer les variables
maintenu constant, Y varie de b4 unités (b4 indique le qui ne sont pas « au moins intervalle » en variables
changement au niveau de Y associé à M et indépendant muettes. Les analyses de médiation ne sont donc pas
de l'effet direct de X sur Y). l'apanage des enquêtes et autres études de nature cor-
rélationnelle ; elles sont également faisables dans le
Condition 4 : cadre d'études expérimentales (voir figure 13 pour un
L'influence significative de la variable X sur Y exemple chiffré).
doit disparaître lorsque l'effet de M sur Y est contrôlé
statistiquement. Il s'agit donc de régresser Y sur X et M
(cf. équation de régression (g)) et de montrer que le 3.2.3. Test du caractère significatif de l’effet
coefficient b3 est non significatif (c’est-à-dire non indirect
significativement différent de « 0 »).
Le coefficient b3 rend compte de l'effet direct de À côté des conditions de régression, Baron et
X sur Y. Lorsqu'il y a médiation complète, l'effet Kenny (1986) proposent, également, un test qui permet
total de X sur Y est entièrement produit de manière de tester directement l’existence d’une médiation au
indirecte. En effet, puisque l'effet total (b1) est égal à la moins partielle de l’effet de X sur Y.
somme des effets direct (b3) et indirect (b2 × b4 ) et La part de l'effet de X sur Y qui est médiatisé par
que b3 est non significativement différent de « 0 » : M – c’est-à-dire l'effet indirect – correspond à b1-b3
b1 = b3 + b2 × b4 ⇔ b1 = b2 × b4 (Shrout et Bolger, (ou encore à la réduction de l'effet initial de X sur Y).
2002). Et cette différence de coefficients est exactement
Un exemple chiffré d'analyse de médiation com- égale au produit de l'influence de X sur M et de l'in-
plète est repris à la figure 11, section 1 (voir égale- fluence de M sur Y, c’est-à-dire b2 × b4 (Kenny,
ment la figure 10 pour d'autres exemples). Kashy et Bolger, 1986 ; Mac Donald, 2001). Lorsque
Si toutes les conditions sont rencontrées à l'ex- l'effet de X sur Y est au moins partiellement médiatisé,
ception de la condition 4, il y a médiation partielle, b2 × b4 est significativement différent de 0.
c’est-à-dire que l'effet de X sur Y se produit à la fois de Le test qui permet de vérifier directement que
manière directe et de manière indirecte. l'effet indirect de X sur Y via M – c’est-à-dire
L'exemple de la figure 11 a été adapté afin de b2 × b4 – est significativement différent de 0 est
montrer un effet de médiation partielle (cf. figure 12, repris ci-dessous (Baron et Kenny (1986), p. 1177 et
section 1). Kenny, Kashy et Bolger (1998), p. 260) :
Remarquons que si, lors des analyses, les condi-
tions 1 et 2 sont satisfaites mais que, pour les conditions H0 : b2 × b4 = 0 (absence de médiation)
3 et 4, un effet significatif de X et un effet non signifi- H1 : b2 × b4 = 0 (présence de médiation
catif de M sont obtenus, cela signifie que Y et M sont au moins partielle)
88 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

Section 1
Cette section reprend un exemple chiffré de médiatisation complète – par l'attitude envers l'annonce
(M) – de l'influence des réactions affectives positives (X) sur l'attitude envers la marque (Y). Dans cet
exemple, toutes les variables sont au moins de type intervalle. Les tableaux ci-dessous montrent que les
quatre conditions de médiation sont respectées : les réactions affectives positives ont une influence
significative sur l’attitude envers la marque (pX = 0,038 ; condition 1) et sur l’attitude envers l’annonce
(pX = 0,015 ; condition 2), mais leur influence devient non significative lorsque l’attitude envers
l’annonce est également intégrée comme variable explicative de l’attitude envers la marque (pX = 0,228 ;
condition 4). L’influence de l’attitude envers l’annonce est, par contre, significative (pM = 0,000 ;
condition 3).
CONDITION 1
Équation de régression : Y = 7,707 + 0,091 X (N = 411 ; R2 = 0,011; R2 ajusté = 0,009)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 7,707 0,328 23,48 0,000
X 0,0916 0,044 0,103 2,08 0,038

CONDITION 2
Équation de régression : M = 8,809 + 0,063 X (N = 411 ; R2 = 0,014 ; R2 ajusté = 0,012)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 8,809 0,194 45,41 0,000
X 0,063 0,026 0,120 2,44 0,015

CONDITION 3
Équation de régression : Y = 1,786 +0,049 X + 0,672 M (N = 411 ; R2 = 0,167 ; R2 ajusté = 0,163)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 1,786 0,741 2,41 0,016
X 0,049 0,041 0,055 1,21 0,228
M 0,672 0,077 0,398 8,74 0,000
b4 = 0,672 tb4 = 8,744 signification = 0,000 à b4 ≠ 0
CONDITION 4
b3 = 0,049 tb3 = 1,207 signification = 0,228 à b3 non significativement ≠ 0

Figure 11. – Exemple de médiation complète

6. Ce coefficient peu élevé est compatible avec un modèle théorique postulant une faible relation entre les réactions affectives X – et l’attitude
envers la marque – Y– (cela pourrait être le cas, par exemple, pour une annonce à haut caractère informatif). Lorsque la relation à tester est sup-
posée faible, seuls des échantillons d’assez grande taille permettent de mettre en lumière les relations significatives. Si le modèle théorique pos-
tulait une forte relation, les résultats du tableau devraient, par contre, être considérés avec précaution et d’autres critères que la significativité sta-
tistique utilisés (avec des échantillons de 1 000 observations ou plus, presque toute relation devient significative (Hair et alii, 1998)).
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 89

Section 2 : vérification de la présence de médiation au moins partielle


En appliquant la formule (h) à l’exemple ci-dessus, il est possible de tester l'existence d'un effet de
médiation au moins partielle. Comme h > 1,96, nous rejetons H0. Il y a donc présence de médiation au
moins partielle.
b2 = 0,06305 ; b4 = 0,672 ; s2 = 0,026 ; s4 = 0,077

b4 × s2 + b2 × s4 + s2 × s4 =
2 2 2 2 2 2
0,000332848 = 0,018244 ⇒ h= 2,322
Section 3 : vérification de la présence de médiation au moins partielle par bootstrap
Nous avons effectué un bootstrap (sur base de 400 échantillons aléatoires de 411 observations).
L’histogramme est repris ci-dessous. L’intervalle de confiance à 95 % est [0,0112; 0,0795]. Puisque « 0 »
n’appartient pas à l’intervalle, il y a au moins médiation partielle.

60

50

40

30

20

10 Std. Dev = ,02


Mean = ,042
0 N = 400,00

0, 5

0, 5
0, 5

0, 5
0, 5
0, 5
0, 5
0, 5

0, 5
0, 05

0, 5
0,

08

10
01

03
04
05
06
07

09
00

02
0

B2xB4

Figure 11. – Suite

Où: Plusieurs travaux indiquent cependant que – pour


s2 : écart type (ou erreur standard) de b2 (ce qui est des échantillons de moins de 400 observations – la
équivalent à b2 /t2 ; t2 étant le t du test de signi- distribution de l'équation (h) est asymétrique (voir
ficativité du coefficient de b2) ; Shrout et Bolger (2002) pour une synthèse). De ce
s4 : écart type de b4 (ce qui est équivalent à b4 /t4 ; t4 fait, tout intervalle de confiance construit de manière
étant le t du test de significativité du coeffi- symétrique autour de b2 × b4 est trop large en direction
cient de b4) ; de l'hypothèse H0 et trop étroit en direction de l'hypo-
L'écart type de b2 × b4 est approximativement thèse alternative (Shrout et Bolger, 2002). En d'autres
égal à la racine carrée de (b42 × s22 + b22 × s42 + s22 × termes, le test de l'effet indirect exposé ci-dessus
s42 ) et sous H0 , l'équation (h) est supposée distribuée souffre d'un manque de puissance (β) pour rejeter
approximativement comme une loi normale. Il suffit l'hypothèse nulle (c’est-à-dire pour détecter un effet
donc de calculer la valeur de (h) et de vérifier si cette de médiation). C'est pourquoi Shrout et Bolger (2002)
valeur est inférieure à 1,96, pour un niveau de signifi- proposent la construction d'un intervalle de confiance
cation de 5 % (la section 2 des figures 11 et 12 asymétrique autour de b2 × b4 par une approche
reprend une application de ce test sur les exemples de bootstrap. L'approche bootstrap permet de construire
la section 1). les distributions de variables de manière empirique.
b2 × b4
 (h) Pour calculer un intervalle de confiance de
b4 × s2 + b22 × s24 + s22 × s24
2 2
(1 − α) × 100 %, il suffit d'exclure (α/2) × 100 %
90 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

Section 1 :
Cette section reprend un exemple chiffré de médiatisation partielle – par l'attitude envers l'annonce
(M) – de l'influence des réactions affectives positives (X ) sur l'attitude envers la marque (Y). Dans cet
exemple, toutes les variables sont au moins de type intervalle. Les tableaux ci-dessous montrent que
seules les trois premières conditions de médiation sont respectées : les réactions affectives positives ont
une influence significative sur l’attitude envers la marque (pX = 0,000 ; condition 1) et sur l’attitude
envers l’annonce (pX = 0,000 ; condition 2), et leur influence reste significative lorsque l’attitude envers
l’annonce est également intégrée comme variable explicative de l’attitude envers la marque (pX = 0,000 ;
condition 4 non vérifiée). L’influence de l’attitude envers l’annonce est également significative
(pM = 0,000 ; condition 3).

CONDITION 1
Équation de régression : Y = 6,181+ 0,328 X (N = 453) ; R2 = 0,171 ; R2 ajusté = 0,169)
Variable B Erreur Standard B standardisé t P
Constante 6,181 0,300 20,59 0,000
X 0,328 0,034 0,414 9,648 0,000

CONDITION 2
Équation de régression : M = 6,791 + 0,296 X (N = 453 ; R2 = 0,139 ; R2 ajusté= 0,137)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 6,791 0,306 22,19 0,000
X 0,296 0,035 0,373 8,537 0,000

CONDITION 3
Équation de régression : Y= 4,336 + 0,247 X + 0,272 M (N = 453 ; R2 =0,235 ; R2 ajusté = 0,231)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 4,336 0,418 10,38 0,000
X 0,247 0,035 0,312 7,03 0,000
M 0,272 0,044 0,272 6,11 0,000

b 4 = 0,272 t b4 = 6,113 signification = 0,000 à b4 ≠ 0

CONDITION 4
b 3 = 0,247 t b3 = 7,026 signification = 0,000 à b3 ≠ 0

Section 2 : vérification de la présence de médiation au moins partielle

Comme h > 1,96, nous rejetons H0. Il y a donc présence de médiation au moins partielle.

b2 = 0,296 ; b4 = 0,272 ; s2 = 0,035 ; s4 = 0,044

b4 × s2 + b2 × s4 + s2 × s4 ⇒ h = 2,05
2 2 2 2 2 2
= 0,00154 = 0,03924

Figure 12. – Exemple de médiation partielle


Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 91

Section 3 : vérification de la présence de médiation au moins partielle par bootstrap


Nous avons effectué un bootstrap (sur base de 450 échantillons aléatoires de 453 observations).
L’histogramme est repris ci-dessous. L’intervalle de confiance à 95 % est [0,0504 ; 0,1204]. Puisque « 0 »
n’appartient pas à l’intervalle, il y a au moins médiation partielle.

60

50

40

30

20

10 Std. Dev = 0,02


Mean = 0,081
0 N = 450,00
0,
0, 0
0, 0
0, 0
0, 0
0, 0
0, 0
0, 0
0, 0
0, 0
0, 0
0, 0
03
04
05
06
07
08
09
10
11
12
13
14
0

B2xB4

Figure 12. – Suite

des valeurs à chaque extrême de la distribution empi- Exemple de création d'échantillons bootstrap :
rique (Shrout et Bolger, 2002). La méthode consiste à
Afin de simplifier l’illustration des étapes du
créer : 1) J nouveaux échantillons (par exemple,
bootstrap, cet exemple porte sur un petit échantillon de
1 000) de N observations sur base de l'échantillon de
10 observations pour lequel seule une variable – X –
taille N observé, en tirant N observations de manière
est mesurée :
aléatoire dans ce dernier ; les données tirées sont à
– J = 4 ; N = 10 ; valeurs observées pour la
chaque fois replacées dans l'échantillon de départ
variable X = {1,2,7,1,8,9,10,2,10,5} .
(c’est-à-dire tirage avec remise, voir exemple ci-des-
– Échantillons bootstrap:
sous) ; 2) procéder à l'estimation des paramètres b2 et
{1, 2, 7, 5, 8, 10, 10, 2, 10, 5};
b4 et calculer b2 × b4 pour chaque nouvel échantillon ;
{1, 1, 7, 1, 7, 9, 10, 2, 10, 5};
et 3) calculer – sur base de la distribution des valeurs
{1, 2, 7, 2, 8, 9, 5, 2, 8, 5};
de b2 × b4 obtenue à l'étape précédente – l'intervalle de
{1, 2, 9, 1, 8, 9, 10, 8, 10, 10}.
confiance (1 − α) × 100 %. Ce dernier comprend
l'ensemble des valeurs se situant entre le pour-centile
(α/2) × 100 et le pour-centile (1 − α/2) × 100 de la 3.2.4. Note sur le cas de la suppression
distribution empirique. Pour que l'effet de X sur Y
soit au moins partiellement médiatisé, il faut que cet Nous avons analysé jusqu'ici les cas de média-
intervalle de confiance ne comprenne pas la valeur tion. Cependant, à côté de ces derniers, il existe égale-
« 0 » (voir figures 11 et 12, section 3 pour une appli- ment des cas dits de suppression. Il y a suppression
cation de la méthode bootstrap). lorsque b3 est de signe opposé à b2 × b4 (Baron,
92 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

Kashy et Bolger, 1998 ; Shrout et Bolger, 2002). Pre- Cependant, la quantité de cadeaux offerts a vraisem-
nons l'exemple des cadeaux que les entreprises blablement un impact négatif direct sur les revenus
offrent à leurs clients (par exemple, points bonus, de l'entreprise (b3 < 0). Si l'effet direct et l’effet
pourcentages de réduction, tickets de cinéma). Plus indirect sont de la même taille (en valeur absolue),
une entreprise offre des cadeaux à ses clients, plus l'effet total de X sur Y sera non significativement dif-
ces derniers seront – en principe – satisfaits et, par férent de « 0 ». Dans ce cas de figure, la condition 1
conséquent, plus les revenus de l'entreprise devraient de l'analyse de médiation ne sera pas vérifiée alors
être élevés (c’est-à-dire b2 > 0 ; b4 > 0 ; que les conditions 2 et 3 le seront.
b2 × b4 > 0). L'impact indirect de la quantité de Dans les cas de suppression, l'effet (total) de la
cadeaux offerts sur les revenus est donc positif. variable indépendante sur la variable dépendante est

Cette section reprend un exemple chiffré de médiatisation partielle – par la satisfaction (M ) – de


l'influence de la qualité du produit (X ) sur les intentions de réachat (Y ). Dans cet exemple, la satisfaction et
les intentions de réachat sont au moins de type intervalle. La qualité du produit est par contre une variable
catégorique à deux niveaux : bonne qualité (X = 1) ou mauvaise qualité (X = 0). Les tableaux ci-dessous
montrent que les trois conditions de médiation partielle sont respectées : la qualité du produit influence
significativement les intentions de réachat (pX = 0,000 ; condition 1) et la satisfaction (pX = 0,000 ;
condition 2) ; et cette dernière influence également significativement les intentions de réachat lorsque
l’influence de la qualité du produit est contrôlée (pM = 0,000 ; condition 3). La qualité, quant à elle,
conserve toujours son impact significatif sur les intentions de réachat, ce qui indique une médiation
partielle (pX = 0,000 ; condition 4).

CONDITION 1
Équation de régression : Y = 7,436 + 1,969 X (N = 412 ; R2 = 0,413 ; R2 ajusté = 0,411)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 7,436 0,094 78,89 0,000
X 1,969 0,116 0,642 16,97 0,000

CONDITION 2
Équation de régression : M = 8,021 + 1,357 X (N = 413 ; R2 = 0,214 ; R2 ajusté = 0,212)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 8,021 0,104 77,12 0,000
X 1,357 0,128 0,463 10,59 0,000

CONDITION 3
Équation de régression : Y = 5,291 +1,596 X + 0,268 M (N = 408 ; R2 = 0,460 ; R2 ajusté = 0,457)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 5,291 0,356 14,86 0,000
X 1,596 0,126 0,520 12,65 0,000
M 0,268 0,043 0,257 6,25 0,000

b4 = 0,268 t b4 = 6,248 signification = 0,000 à b significativement ≠ 0


4

à b significativement ≠ 0
CONDITION 4
b3 = 1,596 t b3 = 12,651 signification = 0,000 3

Il s’agit donc d’un cas de médiation partielle

Figure 13. – La médiation avec variables moins qu’intervalle


Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 93

réduit, voire camouflé, « annulé » par la présence de la dire de définir les médiateurs potentiels. Dans ce cas
variable suppressive. L'influence de la variable indé- de figure, l'identification des modérateurs – délimi-
pendante sur la variable dépendante peut, dès lors, tant les circonstances dans lesquelles l'effet se mani-
n'apparaître que lorsque l'on contrôle l'influence de la feste ainsi que le sens et l'intensité de ce dernier –
variable suppressive (Brauer, 2000 ; Kenny, Kashy et facilite l'identification de médiateurs dans une phase
Bolger, 1998). Pour les cas de suppression, les ultérieure. Cet aspect devrait donc être gardé en tête
mêmes conditions doivent être vérifiées que pour la lors du choix des modérateurs. Préférence devra être
médiation, à l'exception de la première condition donnée aux modérateurs qui, de par leur nature,
(Shrout et Bolger, 2002). Soulignons qu'à l'instar des pourront aider à la définition des processus média-
cas de médiation, c'est le modèle théorique qui doit teurs (Baron et Kenny, 1986). Si un médiateur est
déterminer s'il est pertinent de postuler un modèle de identifié, à côté des processus modérateurs, l'existence
suppression (Shrout et Bolger, 2002). d'une modération médiatisée (mediated moderation)
pourra également être envisagée (cf. infra).
Remarquons également que la connaissance d'un
médiateur peut aussi aider à la découverte de modéra-
teurs potentiels (Baron et Kenny, 1986). En effet, l'on
IV. MODÉRATEURS VERSUS MÉDIATEURS : QUAND peut, par exemple, tenter de déterminer s'il existe des
CHOISIR QUOI ? circonstances lors desquelles l'effet de médiation est
plus fort (le cas échéant, l'on aura affaire à un média-
teur modéré (moderated mediator, cf. infra).
Enfin, il peut sembler – en examinant les équa-
tions respectives à tester dans les cas de modération et
Comme cela a clairement été mis en évidence de médiation – que ce qui différencie la relation de
plus haut, c'est le cadre conceptuel et théorique qui médiation de la modération est la forme du modèle
va définir le statut de telle ou telle variable en tant postulé : la médiation serait représentée par un modèle
que modérateur ou médiateur. Les processus modéra- simplement additif alors que la modération serait
teurs et médiateurs ne sont pas déduits du type de représentée par un modèle multiplicatif. Ce n'est tou-
variable utilisée (exemple : variable socio-démogra- tefois pas nécessairement toujours le cas. En effet, il
phique, variable manipulée), ni du type de collecte de existe des cas plus complexes tels que celui de la
données (exemple : plan expérimental, enquête). modération médiatisée (mediated moderation) ou de la
Un modérateur sera typiquement introduit dans médiation modérée (moderated mediation). Ces deux
un modèle lorsque de faibles corrélations entre la cas seront traités dans les deux sections suivantes.
variable indépendante et la variable dépendante,
voire des relations non constantes (exemple : parfois
négatives, parfois positives), sont suspectées. Inver-
sement, un médiateur sera généralement introduit
dans un modèle lorsque de fortes relations entre les V. LA MODÉRATION MÉDIATISÉE
variables d'intérêt sont attendues (Baron et Kenny,
1986).
L'identification de modérateurs et de médiateurs
peut également dépendre du niveau de connaissance 5.1. Aspects conceptuels
dont on dispose à propos du phénomène étudié. Lors-
qu’un phénomène complexe n’est pas encore bien Le processus de modération médiatisée reflète le
connu – c’est-à-dire dans les premières phases de la fait que l'effet interactif de la variable dépendante X
recherche dans le domaine – il s'agit souvent de déli- avec le modérateur Z sur la variable dépendante Y est
miter les circonstances lors desquelles l'effet apparaît médiatisé par une quatrième variable (M). Illustrons un
entre les variables et, donc, de définir des modéra- cas de modération médiatisée en reprenant l'exemple
teurs potentiels. Une fois le phénomène mieux cir- du cas 1 de la figure 1. Cet exemple montre que l'in-
conscrit, l'on tentera alors de définir les processus, fluence de la satisfaction vis-à-vis de la relation que
mécanismes par lesquels l'effet se produit, c’est-à- l'acheteur a par rapport au fournisseur (X) sur le
94 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

nombre de services achetés (Y) dépend de l'ancienneté de (2002) pour d'autres exemples de modération médiati-
la relation entre le fournisseur et l'acheteur (modérateur sée). La figure 14 reprend la représentation convention-
Z) : plus la relation d'affaires est longue, plus l'effet nelle d’une modération médiatisée.
positif de la satisfaction vis-à-vis de la relation sur le
nombre de services achetés est fort. L'on pourrait, dès
lors, se demander si l'effet interactif de la longueur de la 5.2. Aspects analytiques et illustrations
relation d'affaires avec la satisfaction (X × Z) sur le
nombre d'achat (Y) est médiatisé par l'attachement
affectif que le client éprouve vis-à-vis du fournisseur Afin de tester une modération médiatisée, il faut
(M). Le cas échéant, l'ancienneté de la relation joue le effectuer les trois régressions et tests suivants – direc-
rôle de modérateur médiatisé (voir également Handle- tement transposés de l'analyse de médiation simple –
man et Arnold (1999) ainsi que Williams et Aaker (Brauer, 2000 ; Handelmann et Arnold, 1999) :

Modération médiatisée (mediated moderation)

Modérateur : Z
(*)
(*)

X Y
Médiateur : M

Médiation modérée (moderated mediation)

Modérateur : Z

(*)
(*)

X Y
Médiateur : M

(*) Un effet direct du modérateur Z sur M et/ou Y peut exister mais n'est pas une condition nécessaire à la
modération
Remarque : La modération médiatisée et la médiation modérée peuvent également être partielles.

Figure 14. – Représentation conventionnelle de la modération médiatisée (mediated moderation)


et la médiation modérée (moderated mediation)
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 95

Condition 1 : VI. LA MÉDIATION MODÉRÉE

L'interaction X × Z entre la variable indépendante


et la variable modératrice supposée doit avoir un
impact significatif sur la variable dépendante Y,
c’est-à-dire que le coefficient b3 dans l'équation de 6.1. Aspects conceptuels
régression (i) est significatif ;
L'existence d'un médiateur modéré reflète le fait
que le processus de médiation dépend du niveau
Y = a1 + b1 X + b2 Z + b3 (X × Z) + erreur1 (i) d'une quatrième variable (le modérateur). Par
exemple, des travaux ont montré que, pour un échan-
Condition 2 : tillon d'adultes, l'influence des réactions affectives
sur l'attitude envers la marque était médiatisée par
L'interaction X × Z doit avoir un impact significa- l'attitude envers l'annonce (Batra et Ray, 1986).
tif sur la variable médiatrice supposée M, c’est-à-dire L'étude de Derbaix et Brée (1997), réalisée sur des
que le coefficient b6 dans l'équation de régression (j) enfants, semble cependant conclure à la non-média-
est significatif ; tion de l'influence des réactions affectives sur l'attitude
envers la marque. En d'autres termes, le processus de
médiation dépendrait du fait d'appartenir à la classe
M = a2 + b4 X + b5 Z + b6 (X × Z) + erreur2 (j) des adultes ou des enfants. La figure 14 reprend la
représentation conventionnelle d’une médiation
modérée.
Condition 3 :
La variable médiatrice supposée M doit significa-
tivement influencer la variable Y, lorsque l'influence de 6.2. Aspects analytiques et illustrations
(X × Z) est contrôlée, c’est-à-dire que le coefficient b7
de l'équation (k) est significatif ; Afin de tester l’existence d’une médiation modé-
rée, il suffit d'effectuer une régression supplémentaire
Y = a3 + b7 M + b8 X + b9 Z par rapport au cas de modération médiatisée, qui
incorpore le terme d'interaction entre le médiateur
+ b10 (X × Z) + erreur3 (k) (M) et le modérateur (Z) (voir équation l), et de tester
si cet effet d'interaction est significatif. Le cas
Condition 4 : échéant, on est en présence d'une médiation modérée.
Par contre, si l'effet X × Z sur Y reste inchangé
Pour une médiation complète, l'influence signifi- (c’est-à-dire non significatif) et que le coefficient b15
cative de X × Z doit disparaître lorsque l'effet de M est non significatif, on peut dire que le rôle joué par M
sur Y est contrôlé statistiquement, c’est-à-dire que le en tant que médiateur ne varie pas en fonction du
coefficient b10 de l'équation (j) est non significatif. Le niveau du modérateur Z. Autrement dit, M n'est pas un
cas échéant, la variable Z est un modérateur complè- médiateur modéré (Handelmann et Arnold, 1999).
tement médiatisé. Un exemple chiffré complet d'analyse de médiation
Remarquons que le médiateur M pourrait égale- modérée est repris à la figure 16.
ment à la fois médiatiser l'effet simple de la variable
indépendante X, en plus de l'effet de (X × Z), sur Y Y = a4 + b11 M + b12 X + b13 Z
(cf. Baron et Kenny, 1986). Par ailleurs, tout comme
pour la médiation partielle, il peut exister des cas de +b14 (X × Z) + b15 (M × Z) + erreur4 (l)
modération médiatisée partielle. Le cas échéant, la
quatrième condition ne doit pas être satisfaite (cf.
supra).
Un exemple chiffré complet d'analyse de modéra-
tion médiatisée est repris à la figure 15.
96 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

L’exemple chiffré repris ci-dessous illustre un cas de modération médiatisée (partielle) : l’effet
interactif de la satisfaction vis-à-vis de la relation que le client entretient avec le fournisseur (X ) et de
l’ancienneté de cette relation (Z ) sur le nombre de services achetés (Y ) est partiellement médiatisé par
l’attachement affectif du client au fournisseur (M ). Dans cet exemple, toutes les variables sont au moins de
type intervalle. Les tableaux ci-dessous montrent que les trois conditions de médiation partielle sont
respectées : l’effet interactif de la satisfaction et de la durée de la relation sur le nombre de services achetés
est significatif (pXZ = 0,032 ; condition 1) ; l’effet interactif de la satisfaction et de la durée de la relation
sur l’attachement affectif au fournisseur est également significatif (pXZ = 0,000 ; condition 2) ; et
l’influence de l’attachement affectif sur le nombre de services achetés est également significative une fois
l’effet interactif de la satisfaction et de la durée de la relation contrôlé (pM = 0,000 ; condition 3). (Cet effet
interactif reste significatif, c’est pourquoi il s’agit d’un cas de modération médiatisée PARTIELLE).

CONDITION 1
Équation de régression : Y = – 0,823 + 0,437 X + 0,881 Z – 0,027 XZ (N = 377 ; R2 = 0,731;
R2 ajusté = 0,729)
Variable B Erreur Standard B standardisé t P
Constante – 0,823 0,738 –1,11 0,266
X 0,437 0,097 0,399 4,51 0,000
Z 0,881 0,101 0,941 8,71 0,000
XZ – 0,027 0,012 – 0,353 – 2,15 0,032

CONDITION 2
Équation de régression : M = 11,603 – 0,384 X – 0,413 Z + 0,062 XZ (N = 379 ; R2 = 0,087;
R2 ajusté = 0,0080)
Variable B Erreur Standard B standardisé t P
Constante 11,603 0,819 14,17 0,000
X – 0,384 0,107 – 0,583 – 3,57 0,000
Z – 0,413 0,112 – 0,732 – 3,69 0,000
XZ 0,062 0,014 1,359 4,49 0,000

CONDITION 3
Équation de régression : Y= -2,204 + 0119 M +0,481 X +0,930 Z – 0,034 XZ (N=377; R2 = 0,736;
R2 ajusté = 0,733)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante – 2,204 0,911 – 2,42 0,016
M 0,119 0,047 0,071 2,56 0,011
X 0,481 0,098 0,440 4,92 0,000
Z 0,930 0,102 0,993 9,10 0,000
XZ – 0,034 0,013 – 0,449 – 2,68 0,008
b7 = 0,119 tb7 = 2,555 signification = 0,011 àb7 significativement ≠ 0

CONDITION 4
Comme b10 = – 0,0339 tb10 = – 2,682 signification = 0,008 à b10 significativement ≠ 0 ;
Il s’agit d’une modération médiatisée partielle.

Figure 15. – Exemple de modération médiatisée


Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 97

Ce dernier exemple chiffré illustre un cas de médiation modérée. Il montre que le statut de l’attitude
envers l’annonce (M ) en tant que médiateur de l'influence des réactions affectives (X ) sur l'attitude envers
la marque (Y ) varie en fonction du type de population considéré (Z ). Toutes les variables étaient au moins
intervalle sauf la population (Z ) qui était une variable nominale (adultes : Z = 1; enfants : Z = 0).
Les tableaux ci-dessous montrent que les trois conditions de médiation partielle sont respectées :
l’effet interactif des réactions affectives et du type de population sur l’attitude envers la marque est
significatif (pXZ = 0,020 ; condition 1) ; l’effet interactif des réactions affectives et du type de population
sur l’attitude envers l’annonce est également significatif (pXZ = 0,005 ; condition 2) ; et l’influence de
l’attitude envers l’annonce sur l’attitude envers la marque est également significative une fois l’effet
interactif des réactions affectives et du type de population contrôlé (pM = 0,000 ; condition 3). Cet effet
interactif devient, quant à lui, non significatif (pXZ = 0,241; condition 4) (jusqu’ici les quatre conditions de
modération complètement médiatisée sont satisfaites). Enfin, lorsque le terme d'interaction entre le
médiateur (attitude envers l’annonce) et le modérateur (adulte versus enfant) est incorporé, celui-ci est
significatif (pMZ = 0,000 ; condition 5). Par ailleurs, l'effet (X × Z ) sur Y redevient également significatif
(pXZ = 0,008 ; condition 5). Le rôle joué par M en tant que médiateur varie donc en fonction du niveau du
modérateur Z. Autrement dit, M est un médiateur modéré.

CONDITION 1
Équation de régression : Y = 5,782 + 0,260 X + 2,359 Z – 0,162 XZ (N = 825 ; R2 = 0,074;
R2 ajusté = 0,070)
Variable B Erreur Standard B standardisé t P
Constante 5,782 0,584 9,89 0,000
X 0,260 0,062 0,368 4,18 0,000
Z 2,359 0,630 0,770 3,74 0,000
XZ – 0,162 0,069 – 0,416 – 2,33 0,020

CONDITION 2
Équation de régression : M= 5,074 + 0,380 X + 2,257 Z – 0,217 XZ (N=797; R2 = 0,069 ;
R2 ajusté = 0,066)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 5,074 0,653 7,77 0,000
X 0,380 0,070 0,531 5,47 0,000
Z 2,257 0,695 0,715 3,25 0,001
XZ – 0,217 0,076 – 0,542 – 2,84 0,005
CONDITION 3 ET 4
Équation de régression : Y = 4,807 + 0,242 M + 0,145 X +1,538 Z – 0,082 XZ (N = 755 ; R2 = 0,131;
R2 ajusté = 0,127)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 4,807 0,613 7,85 0,000
M 0,242 0,033 0,255 7,24 0,000
X 0,145 0,064 0,213 2,26 0,024
Z 1,538 0,636 0,519 2,42 0,016
XZ – 0,082 0,070 – 0,218 – 1,17 0,241

Figure 16. – Exemple de médiation modérée


98 Rubén Chumpitaz Caceres, Joëlle Vanhamme

CONDITION 5
Équation de régression : Y = 5,724 + 0,059 M+ 0,215 X – 1,067 Z – 0,187 XZ + 0,410 MZ (N = 755 ;
R2 = 0,174 ; R2 ajusté = 0,169)
Variable B Erreur Standard B standardisé t p
Constante 5,724 0,615 9,303 0,000
M 0,059 0,044 0,063 1,356 0,175
X 0,215 0,063 0,317 3,390 0,001
Z –1,067 0,748 – 0,360 –1,428 0,154
XZ – 0,187 0,070 – 0,498 – 2,668 0,008
MZ 0,410 0,066 1,211 6,250 0,000

Dans la condition 1 : b3 est significativement ≠ 0

Dans la condition 2 : b6 est significativement ≠ 0

Dans la condition 3 : b7 est significativement ≠ 0

Dans la condition 4 : b10 n’est pas significativement ≠ 0 (donc médiation complète)

Dans la condition 5 : b15 est significativement ≠ 0 et b14 redevient significativement ≠ 0

Nous sommes donc dans le cas d’une médiation modérée

Figure 16. – Suite

VII. CONCLUSIONS de cette première étape théorique. Nous avons, cepen-


dant, également souligné que seule une manipulation
expérimentale permet de réellement tester la causalité.
En l'absence d'un tel plan, les tests de médiation et de
modération vérifient uniquement si, compte tenu du
Tout au long de cet article nous avons montré la modèle théorique causal défini a priori, la variable
distinction – tant conceptuelle qu’analytique (statis- supposée jouer le rôle de variable médiatrice ou
tique) – existant entre les modérateurs et les média- modératrice remplit bien les conditions de médiation ou
teurs. Un modérateur module le sens et/ou la force de de modération.
l’influence de la variable indépendante X sur la Par ailleurs, la non-identification d’un processus
variable dépendante Y alors qu’un médiateur repré- médiateur a également d’autres conséquences que la
sente le mécanisme par lequel X influence Y. non-identification d’un processus modérateur. Ne pas
Si ces processus sont fondamentalement diffé- soupçonner l’existence d’un médiateur – complet ou
rents, leur identification dépend avant tout du modèle partiel – conduit à conclure que X a un effet direct
théorique postulé par le chercheur (le type de variable – sur Y alors qu’en réalité l’effet de X sur Y peut n’être
par exemple, socio-démographique ou manipulée – et que partiellement direct (en cas de médiateur partiel)
d'étude – par exemple, enquête, expérimentation – ou totalement indirect (en cas de médiateur complet).
n'importent guère à ce niveau). En effet, sans modèle En d’autres termes, une partie ou la totalité de l’effet
théorique de départ qui postule le sens et la forme des sur Y provenant de la variable médiatrice est erroné-
relations entre variables, ce genre de processus ne ment attribuée à la variable X. Cependant, même si
peut pas être valablement identifié. Le modèle théo- elle est totalement médiatisée, la relation X-Y existe.
rique est (et restera toujours) le point de départ, et Ne pas identifier l’existence de la variable médiatrice
aucun test statistique ne pourra éliminer l’importance revient donc à perdre de la précision dans la connais-
Les processus modérateurs et médiateurs : distinction conceptuelle, aspects analytiques et illustrations ? 99

sance de la manière dont les différentes variables Cohen J (1988), Statistical power analysis for the behavioral
agissent les unes sur les autres. Dans le cas d’une sciences, Hillsdale, NJ : Erlbaum.
Dahl D.W, Manchanda R.V et Argo J.J (2001), Embarrass-
modération, la non-identification d’une variable ment in consumer purchase: the roles of social presence
modératrice peut, par contre, conduire à ne pas and purchase familiarity, Journal of Consumer Research,
s’apercevoir de l’existence d’une relation entre X et 28, 3, 473-481.
Y. Ici, le coût de la non-identification peut donc Derbaix C. et Bree J. (1997), The impact of children’s
s’avérer considérable puisque le risque de passer car- affective reactions elicited by commercials on attitudes
toward the advertisement and the brand, International
rément à côté d’une relation entre deux variables est Journal of Research in Marketing, 14, 3, 207-229.
élevé. Notons que ne pas identifier l'existence d'une Durkheim E. (1960), Le suicide, nouvelle édition, Paris :
suppression peut également conduire à ne pas s’aper- Presses Universitaires de France.
cevoir de l'existence de la relation X-Y. Ceci souligne Evrard Y., Pras B. et Roux E. (1993), Market. Études et
une fois encore l’importance d’une mûre réflexion – recherches en marketing, Paris : Nathan.
Gujarati D.N. (2003), Basic econometrics: international
au plan théorique – sur l’existence possible de modéra- edition, 4e édition, Boston : Mc Graw Hill.
teurs et/ou médiateurs (ou encore variables suppres- Hair J.F., Anderson R.E, Tatham R.L. et Black W.C.
sives) pouvant intervenir dans la relation X-Y étudiée. (1998), Multivariate data analysis, 5e édition, New Jer-
Enfin, avant de conclure, il nous faut souligner que les sey: Prentice Hall.
Handelman J.M. et Arnold S.J. (1999), The role of marketing
cas analysés dans le présent article portaient sur les rela- actions with a social dimension: appeals to the institu-
tions existant entre une variable dépendante et une ou tional environment, Journal of Marketing, 63, 3, 33-48.
plusieurs variables indépendantes. Lorsque le chercheur Hardy M.A. (1993), Regression with dummy variables:
désire investiguer simultanément plusieurs relations quantitative applications in the social sciences, Lon-
interdépendantes, le recours à des techniques d’analyses don: Sage.
Irwin J.R. et McClelland G.H. (2001), Misleading heuristics
plus élaborées – telles que les modèles d’équations and moderated multiple regression models, Journal of
structurelles – s’impose (Hair et alii, 1998). Marketing Research, 38, 1, 100-109.
James L.R. et Brett J.M. (1984), Mediators, moderators,
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VIII. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Lindzey, Boston : The McGraw-Hill Companies, Inc.,
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