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2.

LE VIRUS EPSTEIN-BARR (EBV)

2.1. Historique et généralités

L'EBV est un Herpesviridae très répandu et ubiquitaire, dont le tropisme pour les lymphocytes le
fait classer dans la sous-famille des Gammaherpesvirinae.
Il a été initialement découvert dans des lignées issues de lymphoproliférations malignes B, par
EPSTEIN et BARR en 1964. La tumeur en question était le lymphome de Burkitt africain (à ne pas
confondre avec le lymphome de Burkitt « européen » de l‟adulte, qui présente un aspect clinique et
une physiopathologie différents). Elle touche les enfants au niveau des mâchoires et sévit dans la
zone intertropicale en zone d'endémie palustre, sous forme de petits foyers épidémiques. EPSTEIN
et BARR ont montré que dans les cultures in vitro de cellules obtenues à partir du lymphome de
Burkitt, apparaissait, au fur et à mesure des subcultures, un virus ayant l‟allure d‟un Herpesviridae
(virus à ADN, icosaédrique à 162 capsomères, enveloppé). Très vite, il est apparu que ce nouveau
virus infectait bien d'autres sujets que les enfants africains porteurs de tumeur de Burkitt : 90 % des
sujets adultes, possèdent des anticorps anti-EBV, et l'infection par l'EBV se fait très tôt dans
l'enfance, puisqu'à l'âge de 4 ans, un enfant sur deux, dans nos pays, présente déjà des anticorps.
La principale pathologie associée à la primo-infection (PI) de l‟adulte est connue depuis l‟Antiquité.
Il s‟agit de la mononucléose infectieuse (MNI). Elle s‟observe surtout lorsque l‟infection survient à
l‟âge l'adulte ou chez l‟adolescent. Dans l'immense majorité des cas, la PI survient dans l‟enfance,
,sans aucune maladie apparente. L‟EBV est également associé à 2 types de cancers : les lympho-
proliférations (B essentiellement) de l‟immunodéprimé et une tumeur épithéliale de l‟oropharynx :
le cancer du cavum.

2.2. Mononucléose infectieuse


2.2.1. Description
C'est une maladie bénigne de l'adulte jeune, caractérisée par l'association de 3 éléments cliniques et
de 3 éléments biologiques.
Les signes cliniques sont :
- la fièvre et la fatigue très marquées ;
- l'angine le plus souvant simple et exsudative, mais parfois à fausses membranes simulant une
diphtérie ou une leucose aiguë ;
- les adénopathies, en particulier cervicales postérieures, quasi constantes et fréquemment
associées à une splénomégalie.
De plus, en cas d'administration d'ampicilline, une éruption érythémateuse allergique s'observe
souvent, contre-indiquant cet antibiotique.
Les signes biologiques sont :
- le syndrome mononucléosique : à la numération formule sanguine, existe une augmentation du
nombre des éléments mononuclées, monocytes et lymphocytes, qui forment alors plus de
50% de la formule blanche. Associés aux lymphocytes et monocytes normaux, on observe
dans le sang des lymphocytes anormaux, car de grande taille et hyperbasophiles, qui
représentent au moins 10% des leucocytes. Le chiffre total des globules blancs, normal au
tout début, n'est que modérément augmenté, dépassant rarement 20.000/mm3 ;
- la cytolyse hépatique : une augmentation du taux des enzymes d'origine hépatique, les
transaminases, est observée dans presque tous les cas ;
- le troisième élément biologique est la présence transitoire d'anticorps particuliers dans le
sérum. Ce sont des anticorps hétérophiles, dirigés vers d'autres espèces que l'homme :
anticorps anti-globules rouges de mouton, anti-globules rouges de bœuf, anti-globules
rouges de cheval. Ces anticorps sont décelés par des réactions d‟agglutination dont le MNI
test (agglutination sur lame de globules rouges formolés de cheval) ou la réaction de Paul-
Bunel-Davidson.

77
Ces test sont très rapides, mais manquent de sensibilité (20% de faux négatifs). Ils restent
néanmoins utiles pour le diagnostic différentiel avec une leucémie aiguë en urgence, même
si les sérologies EBV spécifiques ont tendance à les remplacer.

2.2.2. Complications
Elles sont très rares : encéphalite, myocardite, purpura, thrombopénie et rupture spontanée de la
rate. La plus importante est une lymphoprolifération B potentiellement mortelle chez les sujets
immunodéprimés. Cette lymphoprolifération est, dans un premier temps, polyclonale et régressive
si l‟on peut corriger l‟immunodépression, puis elle peut évoluer pour son propre compte sur un
mode monoclonal et malin, incontrôlable (lymphome B non hodgkinien).

2.2.3. Epidémiologie de la mononucléose infectieuse


Pour qu'apparaisse une mononucléose infectieuse, il faut un adulte jeune, sans anticorps anti-EBV,
soumis à une contamination interhumaine directe, comme pour tous les herpès virus. La
contamination salivaire joue un rôle important, à tel point qu'on a parlé pour la mononucléose
infectieuse de "maladie des fiancés" ou “du baiser”. La primo-infection de l'enfant, elle, est presque
toujours inapparente, sans les éléments cliniques et biologiques de la mononucléose infectieuse.
La mononucléose infectieuse est une maladie des « pays riches ». Dans les pays en développement,
la promiscuité entraîne une primo-infection précoce à un âge où l'expression clinique de l'infection
à EBV est très réduite. D'une façon générale, les infections humaines à Herpesviridae sont plus
fréquentes et précoces parmi les classes socio-économiques défavorisées.

2.3. Physiopathologie de la mononucléose infectieuse et histoire naturelle de l’infection


La mononucléose infectieuse est une lymphoprolifération bénigne, du moins chez l‟adulte
immunocompétent.
Le virus infecte d'abord de façon lytique les cellules épithéliales du pharynx et des glandes
salivaires, puisqu'on le retrouve à ce niveau à l'état infectieux. Il infecte aussi les lymphocytes B
mais cette infection est abortive, avec un ADN viral présent sous forme d'épisome, mais un arrêt du
cycle viral. Cette infection induit pourtant une prolifération polyclonale des lymphocytes B qui va
elle-même stimuler une réponse immunologique sous forme d'une prolifération polyclonale de
lymphocytes T CD8+ (cf. figure). C'est cette dernière qui est responsable du syndrome
mononucléosique. Les lymphocytes anormaux hyperbasophiles sont des lymphocytes T CD8+ qui
vont limiter la prolifération des lymphocytes B infectés. Les anticorps hétérophiles de la
mononucléose infectieuse sont produits par les lymphocytes B infectés en phase de prolifération
temporaire.
Les adénopathies et le syndrome mononucléosique reflètent donc la réaction immunitaire cellulaire
des lymphocytes T CD8+ contre les lymphocytes B infectés par le virus. L'angine et l'hépatite
seraient l'expression clinique des destructions cellulaires entraînées par cette réaction qui persiste
sous la forme de lymphocytes T mémoires (Tm).
1. épithélium :
infection productive
2. cellules B:
généralisation de
l’infection et
établissement de
la latence

B
B
B T CD8
Tm
B

Tm Tm
T CD8 Tm
Tm

3. mise en place de la
réponse CTL : contrôle
clef de l’infection in
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vivo
Une hyporéactivité des lymphocytes T, telle qu'on en voit au cours de divers déficits
immunologiques (SIDA, traitement antirejet de greffe), va favoriser une mononucléose grave,
prolifération sans frein de lymphocytes B infectés. D‟abord polyclonale et réversible, cette
lymphoprolifération B peut devenir monoclonale et alors irréversible et maligne, sous forme de
lymphome B non-hodgkinien.

2.4. Infection latente et réactivation


Après la primo-infection, l‟EBV persiste à vie dans quelques lymphocytes B (un sur 10 6) sous la
forme de quelques copies d‟ADN génomique circulaire fermé (épisomes). Ces lymphocytes B s‟en
trouvent immortalisés et les épisomes viraux se dupliquent à chaque mitose. Cette infection latente
s‟accompagne de l‟expression d‟une partie du génome viral codant pour les antigènes de latence,
dont les EBNA (Epstein-Barr nuclear antigen) et les LMP (latent membrane protein)
Sporadiquement, une minorité de lymphocytes B infectés de façon latente entrent en infection
lytique, par expression d‟une protéine virale transactivatrice appelée ZEBRA (cf figure). Il s‟en suit
l‟expression des protéines tardives, structurales de l‟EBV, dont la protéine de capside VCA (viral
capsid antigen) et les glycoprotéines d‟enveloppe. Ainsi sont fabriqués et libérés des virus
infectieux. Par ce processus, des sujets sains en réactivation excrètent sporadiquement du virus dans
leur salive et le transmettent à d‟autres personnes.

LATENCE REACTIVATION

Génome épisomal Génome linéaire


« commutation »

EBNA ZEBRA EA
LMP VCA

expression des protéines de latence) expression de la totalité du génome viral

immortalisation et prolifération B production virale et lyse cellulaire

2.5. EBV et cancer

2.5.1. Lymphoproliférations

2.5.1.1. Lymphoproliférations de l‟immunodéprimé


Ce sont aujourd‟hui les cancers liés à l‟EBV les plus fréquents sous nos contrées. Les personnes
immunodéprimées sont en effet exposées au risque de lymphome B, hodgkinien ou non-hodgkinien,
après primo-infection EBV ou réactivation d‟une infection latente, provoquée le plus souvent par un
déficit de l‟immunité cellulaire T. Ainsi, les lymphomes post-transplantation (LPT) induites par
l‟EBV sont, avec l‟infection par le CMV l‟une des deux principales complications infectieuses du
sujet transplanté, en particulier de l‟allogreffé de moelle/CSH.

2.5.1.2. Lymphome de Burkitt «africain»


L‟EBV n‟est probablement pas le seul élément responsable du lymphome de Burkitt africain. Le
point commun à tous les lymphomes de Burkitt est en effet une anomalie chromosomique : des
translocations qui font passer l'oncogène myc situé dans le chromosome 8 sous le contrôle des
promoteurs très puissants des immunoglobulines des chromosomes 14, 2 ou 22 (translocations 8:14
; 8:2 ; 8:22).

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On pense que cette translocation est le résultat accidentel d'une multiplication prolongée et intense
des lymphocytes B sous l'influence du génome viral et du paludisme endémique.

2.5.2. Carcinome nasopharyngé


Le carcinome nasopharyngé (CNP) est une tumeur épithéliale, la première cause de cancer chez les
Chinois de la région de Canton, même quand ils ont émigré dans un autre pays. Les cellules
épithéliales malignes contiennent toutes le génome de l'EBV. On soupçonne l'intervention d'un
facteur alimentaire dans la détermination de cette tumeur, associée à une participation éventuelle du
virus. Un titre élevé d'IgA anti- VCA est un signe prédictif de ce cancer.

2.6. Diagnostic virologique de l’infection à EBV et de la mononucléose infectieuse

2.6.1. Diagnostic direct


L'isolement du virus dans la gorge ou dans les globules blancs est impraticable en virologie
courante car ce virus ne se multiplie in vitro que dans les lymphocytes B et sans donner d'effet
cytopathique. L‟isolement se fait par un test de transformation des lymphocytes de sang de cordon
ombilical en cellules lymphoblastoïdes, après inoculation de lymphocytes ou de salive du patient.
Il est en pratique bien plus aisé soit de détecter le génome du virus par PCR quantitative, soit de
mettre en évidence dans des biopsies tumorales des antigènes viraux de « latence » par
immunohistochimie ou des ARN viraux (les EBER) par hybridation in situ.

2.6.2. Diagnostic indirect


C‟est le sérodiagnostic spécifique de l'EBV. Il est possible de titrer les anticorps anti-EBV, mais
l'élévation du titre de certains d'entre eux échappe souvent aux investigations du fait que la
mononucléose infectieuse débute très progressivement : ainsi les anticorps VCA (contre l'antigène
de la capside virale) sont en général à leur titre maximal (au plateau) dans le premier sérum, et on
ne peut donc plus observer d'élévation de titre à l'examen comparatif des 2 sérums. Cependant,
d'autres anticorps anti-EBV, les anticorps EBNA (contre un antigène nucléaire) sont d'apparition
beaucoup plus tardive et particulièrement utiles pour le diagnostic. Ainsi, la présence dans le sérum
d'anticorps VCA sans anticorps EBNA évoque une primo-infection récente, ce que peut confirmer
la mise en évidence d'anticorps VCA de la classe des IgM (cf figure)

IgM
VCA IgG VCA

IgG EBNA

MNI

phase aiguë latence

IgM VCA IgG VCA IgG EBNA


Sujet non infecté - - -
Primo-infection + + -
Infection ancienne - + +

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2.6.3. Diagnostic de la mononucléose infectieuse
Il repose sur la recherche des anticorps hétérophiles par MNI test et sur le diagnostic indirect
spécifique de l‟EBV : IgG VCA positives et IgG EBNA négatives, avec confirmation par la
présence d‟IgM VCA. Le diagnostic différentiel de la mononucléose infectieuse est pour l'essentiel
le syndrome mononucléosique de la primo-infection à CMV, à HIV, ou de la toxoplasmose.

2.6.4. PCR dans la cadre du suivi des greffes à risque de lymphoproliférations B induites par l‟EBV.
Dans toute situation à risque de LPT, on surveille périodiquement le niveau de la charge virale EBV
par PCR en temps réel dans le sang total (ou dans les lymphocytes sanguins) : passé un certain
seuil (variable selon le niveau d‟immunosuppression), on craint la constitution d'un lymphome B,
qu'on s'efforce d'éviter en réduisant, si possible, l'immunodépression ou en administrant des
anticorps monoclonaux dirigés contre les lymphocytes B transformés (anti-CD20).

2.7. L'EBV outil de laboratoire


Il sert à immortaliser les lymphocytes B de sujets atteints de maladies génétiques intéressantes à
explorer et permet ainsi la constitution de banques cellulaires dans le cadre des centres de
ressources biologiques.

POINTS A RETENIR

 L' EBV est un Herpesviridae lymphotrope.


 Dans la majorité des cas, la primo-infection survient dans l'enfance et est
asymptomatique, comme pour le CMV.
 Quand elle survient tardivement chez l'adulte, elle donne dans 1 cas sur 2 la
mononucléose infectieuse (MNI) qui associe des signes cliniques et des signes
biologiques non spécifiques, incluant un syndrome mononucléosique.
 Le virus infecte les cellules épithéliales du pharynx et des glandes salivaires, et les
lymphocytes B dans lesquels il persiste à vie.
 Cette infection induit une réponse immunologique faite d'une prolifération
polyclonale des lymphocytes T CD8+ qui est responsable du syndrome
mononucléosique.
 En cas d'immunodépression T, la lymphoprolifération B induite par l'EBV se trouve
incontrôlée et peut aboutir à un lymphome B non-hodgkinien.
 Au cours d'une primo-infection récente, le diagnostic biologique repose sur la mise
en évidence d'anticorps anti-EBV IgM et IgG VCA (viral capsid antigen), sans
anticorps anti-EBNA ( nuclear antigen).
 L'EBV est associé au lymphome de Burkitt et au carcinome nasopharyngé.

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GENERALITES SUR LES VIRUS RESPIRATOIRES

Les virus respiratoires sont les virus qui ont pour organe-cible principal l’arbre respiratoire. Il
peut s‟agir de la partie haute de l‟arbre respiratoire (rhinite, pharyngite, rhinopharyngite, laryngite)
ou de la partie basse (bronchite, pneumonie, bronchopneumopathie).

La plupart des infections à virus respiratoires sont des infections localisées au niveau de la
muqueuse respiratoire. La porte d‟entrée et l‟organe cible étant confondus, l’incubation de la
maladie est courte (quelques jours).

Toutes ces infections surviennent habituellement tôt dans l'enfance et durant la saison froide et
humide. Les virus entrent par inhalation, se multiplient dans l'épithélium respiratoire et sont
excrétés dans les sécrétions respiratoires. Ainsi, leur transmission se fait essentiellement par
voie respiratoire, avec une forte contagiosité.

Nous étudierons ici :


- le virus de la grippe ou virus influenza,
- les paramyxoviridae (virus de la rougeole, virus des oreillons, virus respiratoire syncytial (VRS),
virus parainfluenza, métapneumovirus),
- les adénovirus, les rhinovirus, les coronavirus, et les bocavirus

A l‟exception des adénovirus et des bocavirus (virus à ADN, nus) et des rhinovirus (virus à ARN
nus), il s‟agit de virus à ARN pourvus d‟une enveloppe.

Le diagnostic est presque toujours direct :


- recherche d‟Ag viraux sur prélèvements respiratoires (immunofluorescence) (de moins en
moins)
- recherche de l’ARN ou ADN génomique par biologie moléculaire (« PCR » pour
polymerase chain reaction). Il existe de nouveaux tests diagnostiques « multiplex » qui
permettent, sur un seul prélèvement respiratoire de rechercher plusieurs virus (et
bactéries) simultanément par PCR.

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LE VIRUS DE LA GRIPPE OU VIRUS INFLUENZA
On parle chez l‟homme de grippe « saisonnière » pour les virus qui circulent lors des épidémies
annuelles (virus H1N1, H3N2, B) et de grippe « aviaire », pour les virus qui infectent
principalement l‟espèce aviaire, mais qui peuvent donner des cas sporadiques de transmissions
humaines (virus H5N1, H7N9…)

1. Virus de la grippe

Les virus de la grippe ou orthomyxovirus influenzae (virus influenza) appartiennent à la famille des
Orthomyxoviridae. Il existe trois types de virus grippaux: A, B et C.
Le virus de type A est le seul responsable de pandémies.
Les espèces sensibles sont les mammifères terrestres et marins et surtout l’espèce aviaire qui
représente LE réservoir de la diversité génétique virale.

1.1. Génome viral

Le virus de la grippe est un virus à ARN, enveloppé. L’ARN est présent sous forme segmentée (8
segments pour le type A). C‟est ce caractère segmenté du matériel génétique du virus qui favorise
les réassortiments génétiques (échanges de segments d’ARN).

1.2. Enveloppe virale

L‟enveloppe virale dérive de la membrane cytoplasmique de la cellule hôte. Elle porte deux
glycoprotéines virales principales, en forme de spicules : l'hémagglutinine (H ou HA), et la
neuraminidase (N ou NA).
Au total, 16 hémagglutinines et 9 neuraminidases sont recensées dans l‟espèce aviaire, avec
différentes combinaisons possibles HxNx.

L’hémagglutinine permet l'attachement du virus à la membrane cytoplasmique des cellules hôtes


par l‟intermédiaire d‟un récepteur cellulaire qui est l’acide sialique.

La neuraminidase lyse l’acide sialique qui, en fin de cycle réplicatif viral, retient les nouvelles
particules virales bourgeonnant à la surface de la cellule ; elle permet ainsi leur détachement de la
cellule. Elle est également la cible des principaux traitements antiviraux (inhibiteurs de
neuraminidase comme le Tamiflu®).

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L'infection entraîne la production d‟anticorps (Ac) dirigés contre l'hémagglutinine et la
neuraminidase. Ces anticorps sont dits « neutralisants » car ils vont s'opposer à la multiplication
virale. C‟est ce principe de production d‟Ac qui est utilisé pour la vaccination.

2. Diversité génétique

Après une épidémie de grippe HxNx, l'hiver suivant, la plupart des sujets ont des anticorps anti-Hx
ou anti-Nx ce qui crée une barrière immunitaire vis-à-vis du virus de l'épidémie précédente.
Mais les virus influenza présentent une diversité génétique qui leur permet de contrer le système
immunitaire.

Cette diversité génétique s‟exprime selon 2 niveaux d‟intensité:


- des modifications légères par mutation ponctuelle, appelées « glissement » ou
« dérive » : elles sont à l‟origine de nouveaux variants
- des modifications importantes par réassortiment (échange de gène) appelées
« cassure » ou « saut » : elles sont à l‟origine de nouveaux sous-types ; elles modifient
complètement la constitution antigénique de la neuraminidase et/ou de l'hémagglutinine et
sont responsables des pandémies.

2.1. Glissement ou dérive

Les glissements antigéniques concernent les virus influenza A et B.


Ce sont des modifications mineures favorisées par le caractère infidèle de l‟ARN polymérase virale
qui n‟a pas de mécanisme de relecture ni de correction d'erreur et qui laisse ainsi apparaître des
mutations ponctuelles, en particulier sur le gène de l'hémagglutinine et/ou de la neuraminidase.
Ces mutations donnent des épidémies limitées car le système immunitaire reste partiellement
efficace ; mais elles nécessitent de ré-évaluer, tous les ans, la composition du vaccin trivalent
(la nouvelle composition vaccinale est décidée généralement en février pour mise à disposition du
vaccin en octobre de la même année, en prévention de l‟épidémie de l‟hiver prochain).

2.2. Cassure ou saut antigénique (réassortiment)

Ces modifications antigéniques majeures de l'hémagglutinine ou de la neuraminidase ne concernent


que les virus de type A, et font apparaître de nouveaux sous-types.
Ce sont des modifications brutales, qui correspondent à des remaniements génétiques beaucoup plus
importants que des mutations ponctuelles : ce sont des "réassortiments" génétiques, c'est à dire
des échanges complets de gènes entiers.

Ces échanges se font entre des virus influenza A issus d‟espèces différentes (porcs, oiseaux
homme). Le porc, qui possède des récepteurs à la fois pour les virus influenza A aviaires et pour les
virus influenza A humains, est un hôte intermédiaire où peuvent se faire les réassortiments
génétiques.
Réassortiment  nouveau sous-type

Hx Nx Hy Ny Hy Nx

1 = PB2 1 = PB2 1 = PB2


2 = PB1 2 = PB1 2 = PB1
3 = PA 3 = PA 3 = PA
4 = HA
5 = NP
+ 4 = HA
= 4 = HA
5 = NP 5 = NP
6 = NA 6 = NA 6 = NA
7 = M1/M2 7 = M1/M2 7 = M1/M2
8 = NS1/NS2 8 = NS1/NS2 8 = NS1/NS2
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3. Causes de pandémie

Le risque pandémique persistant peut être associé à des réassortiments (en particulier chez le porc ;
éventuellement chez l‟homme), à la ré-émergence d‟un sous-type ancien et pour lequel nous
n‟avons plus de mémoire immunitaire, où à la transmission directe d‟un virus de l‟animal à
l‟homme.

Les différentes causes de pandémie

 1. ré-émergence chez l’homme d’un sous-type jadis humain (pandémie russe H1N1 en 1977)

 2. réassortiment entre 2 virus parentaux d’origine différente (pandémie d‘Asie H2N2; H-Kong H3N2)

 3. transmission intégrale d’un sous-type de virus animal à l’homme (pandémie espagnole H1N1; pandémie 2009)

oiseaux aquatiques 1.
sauvages réassortiment chez Porc

3.

2
3.
+/- adaptation à l’homme par mutations?

4. Epidémiologie – Les grandes pandémies

La grippe est une maladie qui sévit essentiellement sous forme épidémique, d‟importance inégale
d‟une année sur l‟autre, entre octobre et avril (avec un pic le plus souvent fin janvier- début février).
Différents sites internet permettent de suivre l‟évolution de la grippe (site de l‟Institut National de
Veille Sanitaire (InVS), site du ministère des affaires sociales et de la santé).
Les épidémies de grippe saisonnière sont annuelles contrairement aux pandémies qui auraient lieu
tous les 10 à 40 ans et affecteraient plus de la moitié de la population avec un taux de mortalité
élevé.
La grippe saisonnière touche 2 à 8 millions de personnes en France chaque année.

Pour info
Trois importantes pandémies sont apparues au XXème siècle :
- la pandémie de 1918 (grippe espagnole) due au virus H1N1; ce virus a persisté pendant quarante
ans, a disparu puis a ré-émergé en 1977 pour donner l’épidémie de grippe russe.
- la pandémie de 1957 (grippe asiatique) due au virus H2N2 qui a persisté une dizaine d’années.
- la pandémie de 1968 (grippe de Hong-Kong) due au virus H3N2 qui circule toujours
actuellement.

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La dernière pandémie de grippe a eu lieu en 2009 avec un nouveau variant H1N1 différent de
celui qui re-circulait depuis 1977. Ce nouveau virus A(H1N1)pdm09 est un quadruple réassortant
chez le porc (réassortiment entre 1 virus humain, 1 virus aviaire et 2 virus porcins).

Depuis 2009, circulent les 3 virus A(H1N1)pdm09, A(H3N2) et B à des proportions variables
d’une année à l’autre.
La dernière épidémie (2015-2016) a été longue et tardive; 71% des virus détectés étaient de type
B et 1050 cas de grippe sévère (liée à un virus de type A dans 60% des cas) ont été signalés à
l’institut national de veille sanitaire (InVS) avec un taux de mortalité de 16% (167 cas) : la moitié
de ces patients avait entre 15 et 64 ans et 39% avaient 65 ans et plus; 58% des patients
déclaraient ne pas être vaccinés, et 16% déclaraient avoir été vaccinés (notion de vaccination non
renseignée pour 26%). On ne retrouvait aucun facteur de risque de grippe sévère dans plus de
20% des cas. Enfin, la couverture vaccinale des personnes à risque durant cette épidémie était
estimée à 48% de la population.

5. Physiopathologie

La grippe saisonnière classique est l'exemple même d'une maladie localisée, bien qu'on observe des
signes généraux très diffus et très intenses.
Le virus pénètre par voie respiratoire (salive, postillons, toux) et se multiplie aussitôt dans l'arbre
respiratoire cilié (qui va du nez jusqu'aux bronchioles). Sauf exception, il n'y a pas de virémie (pas
de passage du virus dans le sang) et la multiplication virale reste localisée; d'où la brièveté de
l'incubation, de 1 à 2 jours.
Cette réplication virale donne une nécrose de l'épithélium respiratoire cilié qui s'accompagne
d'hypersécrétion de mucus bronchique.

6. Clinique de la grippe humaine saisonnière

6.1. Symptomatologie clinique

- La grippe touche plus les enfants que les adultes et ce sont souvent les enfants qui sont touchés en
premier et qui entraînent la diffusion du virus dans la population.
- Les personnes âgées » représentent moins de 15% de l‟ensemble des grippés; mais elles sont plus
fragiles et risquent plus d‟en mourir.
- La contamination se fait 1 à 2 jours avant les signes cliniques et jusqu‟à 4-5 jours après le début
des symptômes. La durée de portage et la charge virale sont plus élevées chez les enfants et les
sujets immunodéprimés.

Il existe des formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques de grippe saisonnière ce qui pose


le problème de la transmission.

La forme symptomatique classique survient brutalement.


Après une incubation de 1 à 3 jours, apparaît soudainement une fièvre à 40°C, accompagnée de
douleurs diffuses (polyalgies), avec céphalées, arthralgies (rachialgies, lombalgies), myalgies.
Le malade a parfois l'impression d'être roué de coups.
Il existe des signes respiratoires, mais ils peuvent être discrets : un écoulement nasal (rhinorrhée),
une toux sèche, parfois des douleurs pharyngées. Chez le jeune enfant une otite peut être associée,
et l‟intensité de la fièvre peut déclencher une crise convulsive.
L'examen physique est habituellement négatif, contrastant avec l'intensité des signes généraux.
L'auscultation pulmonaire est le plus souvent normale ainsi que la radiographie pulmonaire.

87
Trois à 5 jours plus tard tout est rentré dans l'ordre, et la fièvre a disparu, du moins dans les formes
simples. Il existe parfois une reprise de la fièvre après un intervalle libre : c‟est le classique « V
grippal » de la courbe thermique qui s'observe surtout en cas de complications secondaires comme
les surinfections bactériennes.

Ainsi la grippe donne un syndrome fébrile de durée limitée avec classiquement une fièvre
élevée d’apparition brutale et des algies sévères qui entraînent l’alitement.

6.2. Mortalité liée à la grippe saisonnière

Le taux de mortalité est classiquement de 0,1 % des malades. D‟après les données de 2000 à
2006 on estime qu‟il y aurait en fait 7500 décès annuels, la moitié liés à la grippe, l‟autre moitié
correspondant à des décès indirects (en particulier des décompensations de pathologies sous-
jacentes).

La mortalité de la grippe est essentiellement liée aux 2 principales complications: surinfection


bactérienne et grippe maligne.

6.2.1. Surinfection bactérienne

C'est surtout en cas de surinfection bactérienne que l'on voit le classique V grippal de la courbe
thermique, et une hyperleucocytose à polynucléaires : les bactéries commensales de l'arbre
respiratoire supérieur profitent de la destruction de l‟épithélium respiratoire ("tapis muco-ciliaire")
pour descendre dans l‟arbre respiratoire inférieur, normalement stérile (Haemophilus influenza,
Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae, Neisseria,). Une antibiothérapie est alors tout à
fait justifiée

6.2.2. Grippe maligne

Il s‟agit d‟une pneumopathie purement virale qui associe à la nécrose de la muqueuse respiratoire
ciliée, un œdème hémorragique massif qui remplit complètement les alvéoles. C‟est la réponse
immune avec la sécrétion inappropriée de cytokines (protéines régulatrices du système
immunitaire), qui est tenue responsable de la grippe maligne. Elle survient surtout sur des terrains à
risque, en particulier dans les insuffisances cardiaques et respiratoires et durant la grossesse.

6.3. Sujets à risque

Certains sujets sont à risque de faire des grippes saisonnières sévères voire mortelles : les femmes
enceintes, les sujets obèses, les sujets âgés de plus de 65 ans et/ou les sujets présentant des
pathologies sous-jacentes sévères :
* Maladies cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral, …)
* Maladies respiratoires chroniques (mucoviscidose, bronchite chronique, …)
* Maladies métaboliques (diabète, …)
* Maladies rénales (néphropathies chroniques, …)
* Affections neurologiques (épilepsie, …),
* immunodéprimés (transplantés, dialysés, HIV+…)
* drépanocytose, …
La vaccination est ainsi recommandée pour ces sujets (voir chapitre 10.2)
88
8. Grippe aviaire

Le réservoir aviaire des virus influenza A est constitué surtout par les oiseaux aquatiques,
sauvages, migrateurs qui peuvent facilement contaminer les oiseaux domestiques (poules,
canards). La grippe peut être hautement pathogène pour l‟espèce aviaire ou au contraire totalement
asymptomatique, comme chez le canard sauvage.

Sur les centaines de souches de virus grippaux aviaires A, certains ont provoqué des rares infections
humaines (H5N1, H5N6, H5N8, H5N9 et H7N7, H7N9 et H9N9 et) par contact étroit avec la
volaille ou l‟environnement contaminé. La transmission inter-humaine reste exceptionnelle.

 le virus H5N1 (détecté pour la 1ère fois chez l’homme en 1996) donne un tableau grippal
classique avec évolution vers une insuffisance respiratoire associée à une pneumopathie
interstitielle, et vers une infection systémique possible avec diarrhée voire encéphalite. Le
virus peut ainsi être détecté dans sécrétions respiratoires, les selles, le LCR, le sérum.
En mai 2016, l’OMS rapportait 850 cas cumulés de grippe aviaire H5N1 ayant contaminé
l’homme depuis 2003, dont 449 décès (53% de mortalité). Les pays les plus concernés sont :
1) l’Egypte avec 350 cas 2) l’Indonésie avec 199 cas) 3) le Vietnam avec 127 cas. On note de
moins en moins de cas en Asie (0 cas déclarés en 2016, et 6 en 2015).
 En mars 2013 sont apparus en Chine des cas humains de grippe H7N9 qui donne également
des tableaux cliniques sévères. Au total 790 cas ont été répertoriés dont 378 décès.

Fab‟entech est une société lyonnaise fondée en 2009 par un ancien cadre de Sanofi et spécialisée
dans le traitement des maladies infectieuses émergentes. Elle propose des solutions
d‟immunothérapie passive anti-infectieuse, basées sur les anticorps polyclonaux spécifiques
hautement purifiés pour apporter des solutions thérapeutiques aux pays, industrialisés ou
émergents, devant faire face à des risques de pandémies et de maladies infectieuses émergentes :
grippes aviaires H5N1 et H7N9, virus Ebola, maladies respiratoires liées aux Coronavirus,….
Ainsi, le premier produit de la société qui est déjà disponible cible la grippe aviaire H5N1 pour un
usage compassionnel et pour des stocks de précaution en Asie.

9. Diagnostic au laboratoire

9.1. Indications

En pratique, on a rarement recours au diagnostic virologique de la grippe. Les principales


indications sont :
- les suspicions de grippe chez la femme enceinte
- les formes graves
- les formes bénignes ou sévères mais pour lesquelles il est nécessaire d‟isoler le virus pour
l‟étudier (dans les réseaux de surveillance par exemple)
- les essais cliniques (par exemple pour étudier l'efficacité d'un vaccin antigrippal ou d'une
chimiothérapie antivirale)

9.2. Diagnostic direct

Il se fait, au début des signes cliniques, par écouvillonnage nasal (ne pas faire de prélèvement de
gorge ; celle-ci n'est pas tapissée par l'épithélium respiratoire cilié et donc il n’y a pas de virus).
Ces virus sont fragiles, d'où l'importance du milieu de transport.
89
Le diagnostic direct repose soit sur l‟inoculation sur culture cellulaire (non effectué en routine), soit
sur la détection des Ag viraux (immunofluorescence, immunochromatographie), soit surtout sur la
détection d’une fraction du génome viral par biologie moléculaire (PCR).

A noter qu‟il existe des TROD (test rapide d‟orientation diagnostique) qui peuvent être utilisés « au
lit du malade » avec 1 résultat en 30mn (ex : Sofia® de chez Ingen ou BD Veritor® de BD). Ces
tests sont de sensibilité variables (en moyenne 62%) : ils sont plus efficaces chez les enfants (charge
virale élevée) et pour les type A. Leur spécificité est de 100%. Ils sont recommandés en période
épidémique dans les collectivités de personnes âgées.

9.3. Diagnostic indirect (sérologie)

Le sérodiagnostic (=sérologie) est inutile en pratique courante. Il se fait sur l’analyse de 2 sérums espacés
de 3 semaines (on recherche une élévation significative du taux des anticorps) et le résultat arrive
tardivement au moment de la convalescence.

10. Traitement et prévention de la grippe

10.1. Traitement symptomatique

Le traitement est essentiellement symptomatique (réhydratation ; antipyrétiques).


Une antibiothérapie sera prescrite seulement si l‟on a des signes objectifs en faveur d‟une
surinfection bactérienne débutante

10.2. Vaccination

Conformément aux recommandations émises par l‟OMS, les vaccins contre la grippe saisonnière
sont trivalents et s‟adressent aux virus : A(H1N1)pdm09 , A(H3N2) et B.

Ce sont des vaccins trivalents inactivés (le virus est le plus souvent obtenus en culture sur œuf de
poule embryonné). Cinq principaux vaccins sont disponibles en France (aggripal®, influvac®,
fluarix®, immugrip® et vaxigrip®).
La vaccination est durable tout au long de l‟hiver ; elle nécessite au moins 1 injection annuelle (IM
ou sous cutanée profonde). Son taux de protection est variable, généralement autour de 60-70%.

La vaccination n'est pas obligatoire mais il est conseillé de la faire chez les sujets à risque.

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HSCP) recommande de vacciner :


 Les personnes âgées de plus de 65 ans
 Tout individu âgé de plus de 6 mois soufrant d’affections chroniques sévères : maladies
cardiovasculaires, maladies respiratoires chroniques, maladies métaboliques, maladies rénales,
affections neurologiques…
 L’entourage familial de nourrissons de moins de 6 mois présentant des facteurs de risque
de grippe grave (prématurés, cardiopathie congénitale, pathologies pulmonaires,
neurologiques, musculaires,…)
 Les patients atteints de déficit immunitaire grave (greffés; infection HIV)
 Les femmes enceintes
 Les sujets obèses (IMC > 40kg/m2)
 Les agents de santé en contact avec des personnes à haut risque

90
10.3. Les antiviraux

On utilise des inhibiteurs de la neuraminidase des virus de la grippe A et de la grippe B.

Le zanamivir (Relenza®), peu utilisé, est administré en pulvérisation par voie respiratoire
(bronchique ou nasale). Il n‟est prescrit que chez l‟adulte à titre curatif.

L'oseltamivir (Tamiflu®) se donne par voie orale ; il peut être prescrit à titre curatif chez
l‟adulte et l‟enfant de plus de 1 an, ainsi qu‟à titre préventif chez l‟adulte.
La posologie du Tamiflu chez l‟adulte en curatif est de 2 x 75mg/j pendant 5 jours en curatif, et
pendant 10 jours en préventif. Il est responsable de rares troubles gastro-intestinaux (nausées).

Il doit être prescrit dans les 48 heures qui suivent le contage (à titre préventif) ou dans les 48
heures qui suivent l’apparition des signes cliniques (à titre curatif).

Il est actuellement prescrit systématiquement à toute personne présentant une forme grave de
grippe, à toute personne présentant des facteurs de risque, et à toute femme enceinte quel
que soit le trimestre de grossesse.

POINTS A RETENIR

 Les virus de la grippe A et de la grippe B sont des virus à ARN segmenté


 Ce sont des virus enveloppés qui portent à leur surface deux glycoprotéines qui
induisent la production d‟anticorps neutralisants protecteurs : l'hémagglutinine
(impliquée dans l‟attachement du virus à la cellule) et la neuraminidase
(impliquée dans le détachement de la particule virale ; cible thérapeutique).
 La grippe est une infection virale localisée, ayant pour cible l'épithélium
respiratoire cilié.
 Les virus grippaux ont des variations antigéniques : mutations ponctuelles et
réassortiments
 Les causes possibles de pandémies sont : 1) les réassortiments en particulier chez
le porc ; 2) la ré-émergence d‟un sous-type ancien 3) la transmission directe de
l‟animal à l‟homme (avec adaptation à l‟homme d‟une souche aviaire ou autre).
 L‟obésité est un nouveau facteur de risque de grippe, découvert dans le cadre de
la pandémie grippale de 2009
 Toute femme enceinte grippée doit être traitée quel que soit le trimestre de
grossesse.
 Les vaccins de la grippe saisonnière sont réactualisés tous les ans en février ; ils
sont trivalents (AH1N1, AH3N2 et B), et sont à administrer tous les ans aux
sujets fragiles et aux personnels soignants
 Il est recommandé de vacciner les femmes enceintes et les sujets obèses, en plus
des sujets à risque classiques (>65 ans, patho sous-jacentes…)
 Des cas sporadiques de passage de souches aviaires (H5N1, H7N9) directement à
l‟homme, sans passer par le porc sont observés surtout en Asie, avec un taux élevé de
mortalité.

91
VIRUS DE LA RAGE – ENTEROVIRUS

Il s‟agit d‟un regroupement quelque peu artificiel de virus qui partagent néanmoins les propriétés
communes d‟être des virus à ARN, ayant un tropisme pour le système nerveux et bénéficiant
d‟une vaccination efficace (seulement dans le cas des poliovirus pour les entérovirus).
L‟épidémiologie du virus de la rage est cependant très différente de celle des entérovirus, cette
différence étant liée en particulier à la structure différente des particules virales : elle illustre la
classique opposition entre la transmission des virus enveloppés et celle des virus nus.

1. VIRUS DE LA RAGE

La rage est une encéphalomyélite animale touchant les mammifères, transmise accidentellement à
l'homme par inoculation transcutanée, en général par morsure. Elle comporte une période
d‟incubation en général suffisamment longue pour qu'on ait le temps, après une morsure
contaminante, de faire une sérothérapie et une vaccination du sujet. On le protège ainsi de la
maladie avant que le virus n'ait atteint le cerveau. Dès que le cerveau est atteint et qu'apparaissent
les signes d'encéphalite rabique, la mort est quasi inéluctable.
Depuis Louis Pasteur, rendu célèbre par la vaccination de Joseph Meister en 1885, les progrès ont
été modestes : amélioration de la tolérance des vaccins, contrôle de la rage animale dans les pays
riches, et très peu de résultats dans le traitement médical de la rage installée.

1.1. Structure du virus


Le virus rabique appartient au genre Lyssavirus (lyssa signifiant rage en grec) et à la famille des
Rhabdoviridae. C‟est un virus à ARN enveloppé. Il a une capside tubulaire. Il est allongé, en forme
de balle de revolver ou d'obus (figure). L‟ARN est de polarité négative.

Figure 10.1 : Glycoprotéine G d’enveloppe


Structure du virus rabique

ARN polymérase
ARN-dépendante

ARN négatif

Son enveloppe, dérivée de la membrane cytoplasmique, porte des spicules constituées d'une
glycoprotéine. Cette glycoprotéine G est un antigène immunoprotecteur : les anticorps anti-
glycoprotéine induits par la vaccination sont neutralisants et protègent de l'infection.
Le virus rabique est extrêmement fragile et ne survit pas dans le milieu extérieur : c'est son mode de
transmission transcutané par morsure qui lui permet de remédier à cette fragilité.
Il n‟existe pas actuellement d‟inhibiteur de la réplication virale utilisable en traitement curatif,
malgré l‟existence de la cible potentielle qu'est la réplicase virale (ARN polymérase ARN-
dépendante).

114
1.2. Réservoir du virus
Dans nos régions, le réservoir du virus était, au temps de Pasteur, constitué par les chiens errants.
Puis ce furent les renards après la Deuxième Guerre Mondiale, suite à une amplification de ce
réservoir animal survenue initialement en Pologne et étendue à toute l‟Europe. L'extension
concomitante de la rage a atteint l‟Europe de l‟Ouest, en particulier le Nord et l'Est de la France au
début des années 1970. La maladie a été finalement arrêtée grâce à la vaccination efficace des
renards.
Dans la plupart des pays du Tiers-Monde le réservoir reste constitué par les chiens errants. A ce
réservoir traditionnel, s'ajoutent quelques animaux spécifiques : les loups en Iran, les vampires
(chauves-souris hématophages) en Amérique du Sud, la mouffette (sorte de putois) en Amérique
du Nord. Il s‟agit, pour tous ces animaux comme pour les chiens et le renard, de souches de rage
"classique" (génotype 1, rage des mammifères terrestres et des chauves-souris américaines).
A côté de cela, les chauves-souris insectivores sont apparues comme un réservoir de variétés
particulières de virus rabique dans diverses parties du monde, dont l‟Europe, France comprise,
avec l'EBL-1 et l‟EBL-2 (EBL pour European Bat Lyssavirus) correspondant aux génotypes 5 et
6. Il faut désormais en tenir compte, même si les cas de rage humaine par ces deux génotypes en
Europe sont rarissimes, et se souvenir que les souches de virus rabique des chauves-souris ont, au
cours de l‟évolution, précédé celles des carnivores. Les chauves-souris sont sans doute encore des
réservoirs potentiels de nouvelles souches de virus rabique qui pourraient émerger si la rage
classique du chien et des carnivores (génotype 1) quittait le devant de la scène

Figure 10.2 : Epidémiologie de la rage en Europe


(avant la vaccination des renards qui a fait
que cet animal n’est plus actuellement un
réservoir) (d’après Traité de Virologie
médicale, Editions ESTEM, 2003)

115
1.3. Contamination de l’homme
L'homme peut être contaminé par morsure d‟un animal sauvage enragé, mais surtout par
l'intermédiaire d'animaux domestiques eux-mêmes mordus par la faune sauvage: chiens, chats et
bétail (figure). Dans tous les cas, c'est la salive des animaux qui est infectante. Chez l'animal
enragé, le virus est dans le cerveau, surtout dans le lobe temporal et la corne d'Ammon ou
hippocampe (système limbique dont dépend l'humeur de l'animal). Il passe aussi dans la salive et
cela, quelques jours avant les premiers signes de rage. Cette excrétion salivaire pré-clinique fait que
la rage peut être transmise par un animal apparemment sain.
Ce virus présent dans la salive n'est pas capable par lui-même de traverser la peau saine, mais il
pénètre à travers la peau par le fait d‟une morsure, d‟une griffure ou même par de simples
excoriations cutanées, lors d‟un léchage sur une peau lésée par exemple. Ainsi les herbivores
domestiques enragés ne mordent généralement pas, mais leur salive peut fort bien contaminer les
exploitants agricoles qui ont très souvent sur les mains de petites excoriations cutanées.

1.4. Trajet du virus dans l’organisme (figure)


Dans l'organisme, l'infection va gagner le cerveau en cheminant le long des nerfs, par voie axonale
centripète. Ce trajet correspond à l'incubation de la rage, incubation de durée très variable, de 6
jours à un an ou plus. Elle est d'autant plus brève que la morsure siège plus près du cerveau (à la
face), ou dans une zone richement innervée (doigts, organes génitaux), ou que l'inoculum viral est
massif, par morsures multiples ou profondes. Ultérieurement, le virus diffuse du cerveau à tout
l‟organisme par voie nerveuse centrifuge : il est retrouvé alors au niveau de la peau, des
muqueuses, des glandes salivaires.
En ce qui concerne la physiopathologie de la maladie, on ne comprend pas bien le mécanisme de la
rage (perturbation de la neurotransmission, le virus étant relativement peu pathogène pour les
cellules hôtes ?), ni d‟ailleurs le mécanisme exact de la protection induite par le vaccin après
morsure.

Figure 10.3 : Trajet du virus rabique dans l’organisme infecté (d’après Traité
de Virologie médicale, Editions ESTEM, 2003)

116
1.5. Signes cliniques de la rage
Les prodromes consistent en une insomnie, de l‟anxiété, une hyperesthésie généralisée. Le sujet ne
supporte pas le contact de ses vêtements ; parfois il souffre de priapisme. L‟hydrophobie est un
signe classique mais non constant de rage : il correspond à un spasme pharyngo-laryngé à la
déglutition des liquides. Il entraîne des étouffements par fausse route, s‟étend largement jusqu‟à la
musculature respiratoire et, tel un réflexe pavlovien, s‟installe à la seule vue ou évocation de l‟eau.
L‟aérophobie est un spasme facio-cervical extensif, déclenché par insufflation d‟air derrière
l‟oreille.
L‟encéphalite proprement dite est plus tardive. A noter que 10% des cas de rage humaine sont
purement paralytiques, sans hydrophobie, sous forme de paralysies ascendantes évoquant une
poliomyélite ou un syndrome de Guillain-Barré. C‟est un piège diagnostique auquel il faut penser.
Chez l‟animal, la rage peut être furieuse (cas habituel chez le chien, le chat, le renard) ou
paralytique (cas habituel chez les ovins et les bovins). Chez l‟animal sauvage, le premier signe est la
perte de l‟instinct de conservation, ce qui fait que l‟animal approche l‟homme sans crainte.

1.6. Détection du virus dans l’organisme infecté


Le virus est cherché du vivant du malade dans les cellules d‟un frottis conjonctival ou nasal ou
d‟une biopsie cutanée. Le diagnostic rapide se fait par la RT-PCR, ou l‟immunocytodiagnostic par
immunofluorescence (IF) ou immunoperoxydase (IP) cherchant des corps de Negri (inclusions
intracytoplasmiques). Ces techniques de diagnostic direct rapide ont remplacé la classique
inoculation à la souris ou à des cellules neuronales en culture (dans lesquelles on recherchait
également des corps de Negri). La recherche de virus peut être effectuée aussi dans la salive, le
liquide céphalorachidien, les urines, voire une biopsie cérébrale.

1.7. Mesures à prendre après exposition potentielle au virus

1.7.1. Vis-à-vis de l‟animal mordeur


S'il a des signes neurologiques d'encéphalomyélite, c'est-à-dire des troubles du comportement, il
faut le considérer comme enragé, l'abattre et joindre un laboratoire spécialisé (Institut Pasteur à
Paris). Ce laboratoire recherche le virus dans le cerveau, en particulier au niveau de l‟hippocampe,
grâce à un test diagnostique direct rapide : l‟immunocytodiagnostic par IF ou IP recherche
directement de l'antigène viral sous forme de corps de Negri dans les cellules de la corne
d'Ammon ; surtout, on utilise de plus en plus la recherche de génome viral par RT-PCR.
Si l'animal domestique mordeur est apparemment sain, il faut le faire examiner par un vétérinaire
toutes les semaines pendant 3 semaines, à la recherche des signes cliniques de la rage. Le
vétérinaire établit un certificat à chaque visite. Le médecin a tout pouvoir - y compris de police -
pour exiger cette démarche d'un propriétaire éventuellement récalcitrant.

1.7.2. Vis-à-vis du sujet mordu


Dans l'immédiat, il faut procéder à une désinfection de la plaie. Autrefois, on la cautérisait au fer
rouge ; on utilise actuellement des produits antiseptiques virucides, le plus courant étant l‟eau de
javel. C'est urgent et capital, en raison de la fragilité du virus. Même l'eau savonneuse est efficace.
Il ne faut pas oublier la prophylaxie antitétanique et l'antibiothérapie.
La décision du traitement antirabique est facile à prendre en cas de morsure par un renard ou tout
autre animal sauvage. Un tel animal est sûrement enragé. En effet, l‟instinct de conservation fait que
les animaux sauvages fuient l‟homme, à moins d‟avoir des troubles du comportement dus à une
encéphalite dont la cause majeure dans nos pays est la rage. De même, il faut traiter sans discussion
en cas de morsure par un chien qui a disparu, ou en cas de blessure risquant de donner une rage à
incubation courte (morsure à la tête, en zone richement innervée comme les doigts ou les organes
génitaux externes, ou bien morsures multiples ou profondes). Parfois la décision de traiter ou de ne
pas traiter est plus difficile à prendre.
117
De toute façon, il faut toujours demander conseil à un centre de traitement antirabique. Il en existe
plus de 80 dans les différents départements français et le centre national de référence se trouve à
l‟Institut Pasteur de Paris (consulter le site : www.pasteur.fr > santé > centre antirabique).
Le traitement est la vaccination sans retard, à laquelle il faut adjoindre une sérothérapie antirabique
(immunoglobulines antirabiques) dès qu'on a la moindre raison de craindre une incubation courte.
Le vaccin destiné à l'homme est un vaccin inactivé (tué) préparé à partir de "virus fixe", une souche
déjà atténuée par Pasteur par passages en série sur cerveau de lapin. Actuellement, on dispose de
vaccins préparés en culture de cellules (fibroblastes embryonnaires humains ou cellules VERO).
Ces vaccins actuels sont bien mieux tolérés que les vaccins antérieurs qui donnaient parfois une
encéphalomyélite allergique, du fait qu‟ils contenaient du matériel cérébral d'animaux adultes (cas
du premier vaccin de Pasteur préparé sur moelle de lapin). Il faut d'urgence débuter une série de 4
injections intramusculaires (sans le deltoïde) : deux injections à J0 (une dans chaque deltoïde) puis
une à J21 et à J30. L'efficacité des mesures disponibles a été prouvée par le fait qu'en France, même
au cours de l'endémie de rage du renard, on n‟a observé aucun cas de rage humaine autochtone.

1.7.3. Cas particulier des chauves-souris.


Est suspect tout animal au sol ou au comportement agressif. En cas de rencontre "inattendue",
même sans morsure évidente (les morsures de chauve-souris, généralement minimes, passent
inaperçues), il faut désinfecter immédiatement et joindre le Centre de traitement antirabique le plus
proche.

1.8. Prévention
En France, il faut vacciner chiens, chats et bétail en zone endémique et autour de cette zone. On
vaccine aussi à titre préventif les sujets professionnellement exposés : vétérinaires, gardes-chasses,
techniciens de laboratoire, voire réanimateurs en neurologie. L'efficacité de la vaccination
préventive est suivie sur le titre des anticorps anti-glycoprotéine d'enveloppe (anticorps
neutralisants).
En ce qui concerne la rage du renard, un remarquable succès a été obtenu par la vaccination de ces
animaux. Cela a consisté à répandre par hélicoptère, dans la zone d'endémie, des "croquettes"
élaborées au goût du renard, contenant dans une ampoule de verre cassable du vaccin vivant atténué
(virus de la vaccine recombinant exprimant le gène de la glycoprotéine d'enveloppe). Il en est
résulté un arrêt puis un recul du front de la rage dans l'Est de la France et sa disparition. En 1995, on
a observé en France 40 cas de rage animale (3.000 au maximum de l‟épidémie) et l'on a procédé à
près de 6.000 traitements antirabiques chez l'homme. Il n‟y a désormais plus de cas de rage de
carnivore autochtone en France. Mais il ne faut pas oublier la menace que constitue toujours pour
l'homme la rage du renard hors de France, et surtout la rage canine dans le Tiers Monde. Il ne faut
pas négliger non plus le risque lié aux nouveaux animaux de compagnie illégalement importés.
Dans le Tiers Monde, la situation reste très préoccupante. Au total dans le monde, plus de 50.000
morts par rage sont déclarées tous les ans dont la majorité en Inde et 60% des cas chez les enfants.
Deux millions de sujets exposés par an ne reçoivent pas le traitement antirabique souhaitable,
nouvelle illustration criante du fossé Nord-Sud. On envisage d‟inclure la vaccination antirabique
parmi les vaccinations obligatoires et de vacciner les chiens errants à l'instar des renards en Europe.
Il vous est recommandé de vous vacciner contre la rage si vous devez séjourner de façon prolongée
ou aller à l‟aventure dans le Tiers Monde : vous pouvez vous faire mordre par un chien enragé, loin
de toute ressource médicale ou dans des pays où les vaccins sont parfois médiocres en termes
d‟efficacité et de tolérance (des cas de rage s‟y développent après vaccination !). De plus, si vous
avez été vacciné(e), vous pourrez donner votre sang pour fabriquer des immunoglobulines
antirabiques.

118
POINTS A RETENIR

 Le virus de la rage est un virus à ARN, enveloppé et fragile.


 Le virus de la rage infecte les mammifères, l'homme étant contaminé par morsure ou
contact direct avec la salive infectée de ces animaux. Le réservoir du virus est constitué
principalement par les chiens errants, certains carnassiers sauvages et les chauves-
souris.
 Le trajet du virus dans l'organisme se fait par voie nerveuse, allant du site d'inoculation
au cerveau. L'incubation de la maladie correspond au cheminement périphérique du
virus. Quand le système nerveux central est atteint, la maladie se déclenche de façon
irréversible. Le virus diffuse alors dans les tissus périphériques, dont les glandes
salivaires, ce qui permet sa transmission à d'autres individus ou animaux.
 La maladie provoquée est une encéphalomyélite constamment mortelle.
 Le diagnostic virologique de l'infection se fait actuellement préférentiellement par RT-
PCR sur le cerveau ou les prélèvements périphériques (salive, frottis conjonctival,
biopsie cutanée) des animaux ou sujets atteints.
 Il n'existe pas (encore) de chimiothérapie efficace sur le virus rabique.
 Le traitement de la rage humaine se fonde sur sa prévention par un vaccin inactivé
injectable administré en centre spécialisé, auquel s'ajoute l'administration d'anticorps
(immunoglobulines) quand l'inoculation a été importante et/ou à un site proche du
système nerveux central.
 Le vaccin est administré habituellement immédiatement après exposition, au tout début
de la période d'incubation ; il peut être administré avant toute exposition chez des
sujets à risque particulier du fait de leur profession ou de leurs déplacements.
 La vaccination des animaux domestiques participe à la prévention de la rage humaine.
 La rage humaine persiste de façon endémique au niveau mondial, tuant plus de 50 000
personnes par an.

2. ENTÉROVIRUS

2.1. Généralités

2.1.1. Définition et classification


Les entérovirus font partie de la famille des Picornaviridae, petits (pico en grec) virus à ARN (rna).
Ils sont, dans les conditions naturelles, strictement humains. L‟ARN viral est simple brin, non
segmenté, de polarité positive. Les particules virales sont dépourvues d‟enveloppe et ont toutes la
même morphologie en microscopie électronique : virus icosaédriques nus, de 27 nm de diamètre.
Comme les autres virus nus, ils sont très résistants. Il faut d‟emblée préciser que les entérovirus, en
dépit de leur nom, ne donnent pas fréquemment des gastroentérites.
Les entérovirus comportent plusieurs espèces virales : poliovirus, coxsackievirus A et B, échovirus,
selon une classification ancienne établie à partir du pouvoir pathogène expérimental observé chez
l‟animal (souriceau nouveau-né et singe). Le nom de Coxsackie vient de la ville des Etats-Unis où
l'on a isolé le premier des coxsackievirus. Echo est un acronyme : E pour entérique, C pour
cytopathique, H pour Humain et O pour orphelins, "orphelins" de maladie car, à l‟époque de leur
découverte, on ne leur connaissait aucune maladie associée, ce qui n'est plus vrai maintenant.
Une nouvelle classification des entérovirus fondée sur l‟analyse génétique distingue maintenant
quatre groupes : les entérovirus humains A, B, C et D. Ainsi, les trois poliovirus appartiennent au
groupe des entérovirus C, le coxsackievirus A-1 au groupe des entérovirus B.
119
VIRUS DES HÉPATITES VIRALES - 1ère partie

LES "VIRUS DES HÉPATITES"


Bien que des virus comme l‟EBV, le CMV ou le virus de la fièvre jaune puissent donner
d‟authentiques hépatites, on réserve le nom générique de virus des hépatites aux virus des
hépatites A, B, C, D, E.
Ces derniers ont en commun, outre leur hépatotropisme, des difficultés, voire une impossibilité
d‟isolement en culture, ce qui explique l‟apport déterminant de la virologie moléculaire dans leur
étude.
Une particularité remarquable des virus B, C et D est leur aptitude à donner une hépatite
chronique, grevée des complications à long terme que sont la cirrhose et le cancer primitif du foie,
alors que les hépatites A se limitent à une hépatite aiguë. Enfin, les hépatites E génèrent le plus
souvent une infection aiguë qui peut dans de rares cas être à l‟origine d‟une infection chronique
(dans un contexte d‟immunodépression associée) et entrainer des complications associées à une
atteinte chronique du foie.

CARACTERES GENERAUX DES HÉPATITES VIRALES AIGUES


Dans les formes à expression clinique, l‟atteinte hépatique se traduit par l‟installation d‟un ictère,
d‟une anorexie importante avec asthénie. La décoloration des selles et la couleur foncée des urines
témoignent de ce que l‟ictère qui suit est en partie par obstruction des voies biliaires. La fièvre est
surtout le fait de l‟hépatite A. Le signe biologique essentiel est l‟augmentation des transaminases
(ALAT/ASAT) dans le sérum, témoin de la cytolyse hépatique et de la bilirubine à l‟origine de
l‟ictère cutanéo-muqueux.
Histologiquement, 3 éléments sont présents : une nécrose cellulaire, à prédominance
centrolobulaire, une réaction inflammatoire qui mobilise surtout des cellules mononucléées et
prédomine dans les espaces porte, une régénération des cellules hépatiques. Le diagnostic
différentiel comprend notamment la mononucléose infectieuse, les hépatites médicamenteuses ou
toxiques, et en pays tropical la fièvre jaune ou la Dengue.

1. LE VIRUS DE L’HÉPATITE A (HAV ou VHA).

Diagnostic d’une infection par le VHA

126
Classé pour un temps parmi les entérovirus, c‟est un virus nu à ARN de la famille des
Picornaviridae. Comme pour les entérovirus ou les salmonelles, la transmission, interhumaine, est
essentiellement féco-orale, avec un large réservoir de virus dans le Tiers Monde. Un risque
particulier est lié à la consommation de coquillages et de crudités souillées. Comme pour les
poliovirus, l‟expression clinique est d‟autant plus marquée que l‟âge est plus avancé.

Ainsi la circulation du HAV, intense dans les pays chauds et pauvres, y passe souvent inaperçue
car les enfants sont infectés tôt à un âge où l‟expression clinique de la maladie est restreinte. Les
visiteurs venus de pays riches, exempts d‟anticorps, y risquent une infection cliniquement
manifeste avec hépatite. La circulation des poliovirus dans les mêmes pays pose un problème
analogue. La contagiosité de l‟infection à HAV va environ de deux semaines avant à une semaine
après l‟apparition de l‟ictère (voire plus longtemps).

Le virus a été détecté pour la première fois dans les selles par une technique d‟immuno-
électromicroscopie. Cela a consisté à traiter en phase aiguë un extrait de selles avec un sérum de
convalescent d‟hépatite A. Les anticorps spécifiques anti-HAV rassemblent les particules virales
en agglomérats plus faciles à voir en microscopie électronique que des particules dispersées.
En fait en pratique médicale courante, le diagnostic d‟hépatite A repose sur la détection dans le
sérum d‟anticorps spécifiques de classe IgM par technique ELISA. La recherche d‟une
séroconversion en IgG anti-HAV n‟est pas faite car, avec une incubation allant de 2 à 6 semaines,
le patient est vu après la séroconversion.
Chez un individu sans signe d'hépatite, la présence d'IgG anti-HAV signe soit un contact antérieur
avec le virus soit une vaccination; cette immunité conférant une protection contre l'infection.

L‟évolution de l‟hépatite A est favorable car le risque d‟hépatite aiguë fulminante est faible et
l‟infection chronique inexistante. Cependant la sévérité de l‟infection augmente avec l‟âge avec un
risque d'hépatite fulminante de l‟ordre de 2 % si l'infection survient après 40 ans.

Il n‟existe pas de traitement de l‟hépatite A aiguë autre que le traitement symptomatique.

Le vaccin inactivé est recommandé aux voyageurs, aux adultes non immunisés et enfants au-
dessus de 1 an voyageant en zone d‟endémie, jeunes des internats des établissements et services
pour l‟enfance et la jeunesse handicapées, et les personnes exposées à des risques particuliers
(personnes atteintes de maladie chronique du foie, qui peut se décompenser par survenue d‟une
hépatite A, patients atteints de mucoviscidose), les hommes ayant des relations sexuelles avec des
hommes (HSH). Ce vaccin, administré en 2 injections (0-M6 ou 12), est efficace et bien toléré.

127
2. LE VIRUS DE L’HÉPATITE B (VHB ou VHB)

Il est très différent du virus de l‟hépatite A, tant par sa structure que par son pouvoir pathogène. Il
expose au risque d‟hépatite fulminante, d‟un portage sain, d‟hépatite chronique active, d‟hépatite
occulte, de cirrhose et de cancer primitif du foie.

2.1. Structure du virus

Il est classé parmi les Hepadnaviridae en raison de son tropisme hépatique et de la nature de son
génome. Celui-ci est un ADN circulaire, partiellement bicaténaire (sur environ 3/4 de sa
circonférence), de petite taille (3200 paires de bases = le plus petit génome à ADN parmi les virus
humains connus), associé à l‟ADN polymérase virale.

Génome du VHB

La compacité de l‟ADN génomique viral est telle que les protéines virales sont codées par des
cadres de lecture partiellement chevauchants. Ces gènes sont le gène S pour l‟antigène HBs (en
fait subdivisé en 3 séquences d‟enveloppe codant les protéines préS1-préS2-S, préS2-S et S), le
gène C pour l‟antigène HBc et pour l‟antigène HBe (à partir de deux sites d‟initiation différents en
préC pour l‟antigène HBe et C pour l‟antigène HBc), le gène P pour l‟ADN polymérase virale et
le gène X pour une protéine transactivatrice.

La capside ou core qui contient le génome est formée de protéines HBc (c pour capside et portant
l‟AgHBc) associé en dimère. Elle a un diamètre de 27 nm, elle est entourée d‟une enveloppe virale
formée de lipides cellulaires provenant du réticulum endoplasmique et de glycoprotéines virales.
Ces protéines d‟enveloppe sont appelées : petites protéines d‟enveloppe ou antigène S ou HBs ou
AgHBs (s pour surface), protéines moyennes d‟enveloppe ou antigène PréS2-S et grandes
protéines d‟enveloppe ou antigènes PréS1-PréS2-S. La synthèse virale dans les hépatocytes
produit un large excès d‟antigène HBs sécrété sous forme de particules virales vides en forme de
tubules de 100 nm et de sphérules de 22 nm de diamètre, dépourvus de génome viral.

128
Le virus infectant est comme toujours la particule virale complète, appelée particule de Dane, de
42 nm de diamètre, où la nucléocapside est entourée d‟une enveloppe constituée d‟antigène HBs
mais également des protéines d‟enveloppe moyennes et grandes. Les particules de Dane
infectieuses sont très minoritaires par rapport aux sphérules et tubules d‟antigènes HBs en excès
(103 à 106 fois plus nombreux que les particules virales infectieuses).

Le virus VHB est un virus relativement résistant malgré sa structure enveloppée (il résiste à
l‟éther, à une température de 56° C pendant 30 minutes). On ne sait pas produire facilement le
virus en lignée cellulaire (sauf en culture primaire d‟hépatocytes ou sur lignée d‟hépatome mais
après différentiation cellulaire) mais plusieurs modèles animaux ont été développés comme
l‟infection chez le chimpanzé ou des modèles de souris transgénique qui ont permis de mieux
cerner le rôle du VHB dans l‟atteinte hépatique. Le récepteur hépatocytaire du VHB a été identifié
récemment. Il s‟agit d‟un récepteur aux sels biliaires, le récepteur NTCP (sodium taurocholate
cotransporter polypeptide).

L‟antigène HBs est le principal marqueur sérique d‟infection. Il est présent dans le cytoplasme des
hépatocytes (hépatocytes en verre dépoli après coloration non spécifique). L‟antigène HBs
comporte un déterminant constamment présent, «le déterminant antigénique a », auquel s‟ajoutent
des déterminants spécifiques de sérotypes diversement associés : adw, adr, ayw et ayr. Ces
déterminants antigéniques ont permis d‟établir une classification par sérotypage. Aujourd‟hui,
cette classification a été abandonnée au profit du génotypage (classification sur la séquence
nucléotidique du VHB) allant du génotype A à H avec 8% de différence génétique entre chaque
génotype.

L‟antigène HBc, constituant la capside ou core, présent dans le noyau et le cytoplasme des
hépatocytes infectés, ne passe pas isolément dans le sérum (il est toujours associé à l‟enveloppe
virale dans les particules de Dane). Enfin, une forme tronquée dérivée de cet antigène HBc (par
maturation post traductionnelle), nommée antigène HBe est lui secrétée de la cellule infectée par
le VHB vers le sang. La présence de l‟antigène HBe dans le sérum témoigne d‟une réplication
active en absence de traitement antiviral.

129
2.2. Multiplication dans l’hépatocyte infecté

plication du HBV
s l’hépatocyte

pteur = ?

e de transcription inverse
mérase]
ongue demi-vie du cccADN

’ECP

On a avancé que l‟attachement du virus sur la cellule cible (les hépatocytes) se faisait par
interaction avec l‟antigène préS1 côté virus. De nombreux candidats (l‟albumine humaine
polymérisée) ont été évoqués comme possibles récepteurs du VHB sur l‟hépatocyte mais ce n‟est
que récemment qu‟il a été démontré que le récepteur NTCP était essentiel à l‟infection par le
VHB. Après endocytose du virus, la nucléocapside virale migre jusqu‟au noyau et libère le
génome viral au niveau d‟un pore nucléaire. Dans le noyau de l‟hépatocyte, le 2ème brin de l‟ADN
viral est complété puis le génome se circularise et se compacte en cccDNA (pour covalently
closed circular DNA). Ce cccADN ou ADN superenroulé sert de matrice à la transcrition virale. Il
est recouvert d‟histone et ressemble à un minichromosome. Ce cccDNA a une très longue demi-
vie et pourrait persister même au-delà de la « guérison biologique » (séroconversion du système
HBs).

Le cccDNA permet la transcription de 4 ARN viraux non épissées, dont l‟ARN prégénomique,
plus grand que le génome viral. Dans le cytoplasme de l‟hépatocyte, la première étape de la
réplication passe par l‟incorporation d‟un ARN prégénomique et d‟une molécule de polymérase
virale dans une capside intra-cytoplasmique constituée de protéines HBc et prenant spontanément
une structure icosaédrique. Cette structure forme une nucléocapside. L‟ARN prégénomique est
ensuite rétrotranscrit en ADN génomique sous sa forme définitive (ADN circulaire partiellement
bicaténaire) par l‟ADN polymérase virale, douée d‟une activité transcriptase inverse. La présence
de cette activité enzymatique de transcriptase inverse explique la sensibilité du VHB au traitement
par des analogues nucléos(t)idiques qui ont d‟abord été connus pour leurs activités anti-VIH.

Le VHB n'est pas un virus cytopathique et sa multiplication au sein des hépatocytes ne provoque
généralement pas de cytolyse. C'est la réponse immune de l'hôte, en particulier l'immunité à
médiation cellulaire, dirigée contre les protéines virales exprimées à la surface des hépatocytes qui
est responsable de la cytolyse. Schématiquement, une réponse immune adaptée mènera à la
guérison, une réponse trop intense se traduira par une hépatite sévère voire fulminante alors qu'une
réponse de faible intensité contribuera à l‟établissement d‟une infection chronique.

130
Le principal site de multiplication du VHB est constitué par le foie et les hépatocytes. Les
lymphocytes constituent un réservoir accessoire extra-hépatique rendant compte de la réinfection
par le VHB du foie greffé en absence de traitement antiviral post-greffe.

2.3. La transmission du VHB

2.3.1. Transmission parentérale


Le principal vecteur de transmission du virus est le sang d‟où ce qu‟on appelle une contamination
parentérale, c‟est-à-dire par transfusion de sang, par injection ou piqûre accidentelle avec du
matériel non ou mal stérilisé. Le VHB est très répandu chez les drogués par voie veineuse
partageant leurs seringues, contamination également possible par acupuncture, rasage, tatouage.
Avec ce virus résistant et à titre élevé dans le sang, une effraction cutanée ou muqueuse même
minime peut être à l‟origine d‟une contamination s‟il y a mise en contact de cette plaie minime
avec du sang contenant le virus. Une piqûre d‟un personnel avec une aiguille ayant servi pour un
malade infecté expose à un risque d‟infection du personnel non vacciné d‟environ 30 % (c‟est un
risque de 3% pour le virus de l‟hépatite C et de 0,3% pour le VIH).
Il faut bien retenir que le sang est le vecteur principal mais non exclusif du VHB et qu‟il existe des
professions à risque : le personnel de laboratoire et le personnel soignant, les services les plus
dangereux étant de loin les centres d‟hémodialyse chronique et les laboratoires qui leur sont
attachés. Jusqu‟à la vaccination, il y avait dans les centres d‟hémodialyse une situation endémique,
avec de nombreux patients porteurs chroniques ; le personnel soignant y était exposé à un risque
d‟hépatite B de 10 à 20 fois supérieur à celui encouru par le personnel soignant dans son
ensemble. Dentiste est également une profession exposée.
Cette situation s‟est transformée depuis la vaccination systématique des sujets exposés ou entrant
dans une profession exposée. Il importe en effet de vacciner, avant exposition au risque, tous les
étudiants futurs médecins, dentistes, infirmiers, sages-femmes, techniciens d‟analyses biologiques
médicales et biologistes en contact avec des prélèvements humains.

2.3.2. Transmission sexuelle


Le VHB est présent dans les secrétions génitales, et donc les rapports sexuels sont également
sources de contamination et cette infection fait partie des IST (favorisée par les rapports sexuels
précoces et à nombreux partenaires). De plus, le VHB est également présent en petite quantité
dans toutes autres sortes de liquides biologiques potentiellement contaminants (salive, urine,
selles, sueur, larmes…).

2.3.3. Transmission mère-enfant


La transmission mère-enfant est très importante par sa fréquence et sa gravité à long terme. Les
femmes enceintes porteuses chroniques, même asymptomatiques, de l‟antigène HBs (porteuses
« inactives ») peuvent transmettre le virus à leur enfant. La transmission est accrue par la présence
de l‟antigène HBe et de charge virale élevée dans le sérum (risque de 90 % en cas d‟HBe+ et 5 à
20 % en cas d‟HBe-). La transmission du virus à l‟enfant est exceptionnelle en cas d‟hépatite B
aiguë de la mère au début de grossesse. En revanche l‟enfant court un risque d‟infection dans 50
% des cas d‟hépatite B aiguë maternelle durant le troisième trimestre de la grossesse.
En cas de réplication virale élevée (>107 UI/ml) au cours du dernier trimestre de grossesse, une
prise en charge thérapeutique doit être envisagée afin de diminuer le risque de transmission mère
enfant. Sauf exception, la contamination n‟est pas intra-utérine, mais périnatale (à J0) et postnatale
(dans les premières années de vie de l‟enfant). Cette transmission peut être bloquée par une
sérovaccination du nouveau-né (administration conjointe du vaccin et d‟immunoglobulines
spécifiques).

131
Il faut souligner l‟efficacité très importante de cette sérovaccination du nouveau-né dans la
prévention de la transmission de cette infection mais elle nécessite d'être obligatoirement initiée
dans les 12-24 premières heures de vie.
En absence de sérovaccination, la majorité des enfants infectés sont anictériques, sans signe
d‟hépatite aiguë et l‟hépatite B fulminante est exceptionnelle. Cependant, ils restent porteurs
chroniques, ce qui à terme, conduit à l‟apparition de complications tardives redoutables que sont
l‟hépatite chronique active, la cirrhose et le cancer primitif du foie : pour un nouveau-né infecté ce
risque de complications tardives redoutables est de 40 % après 40 ans de vie.

C‟est par cette transmission mère-enfant que l‟on explique l‟endémie de portage chronique propre
aux régions en voie de développement, soit 240 millions de porteurs chroniques : jusqu‟à 20 % de
la population est porteur du VHB dans le sang dans certaines régions d‟Afrique sub-saharienne ou
d‟Asie du sud-est. Depuis quelques années, la vaccination systématique de nouveau-né à la
naissance en Asie a réduit cette prévalence de portage chronique du VHB et montre déjà un
impact par une diminution de l‟incidence du cancer du foie.

Les dernières données indiquent qu‟en France métropolitaine la transmission sexuelle est devenue
la première cause d‟infection par le VHB, depuis que l‟on dépiste systématiquement l‟antigène
HBs chez les femmes enceintes et que la plupart des usagers de drogue ne partagent plus leurs
seringues.

2.4. Evolution des marqueurs biologiques au cours de l’infection aiguë résolutive par le VHB

Alors que l‟incubation est en moyenne de 1 à 2 mois (4 semaines à 6 mois), l‟antigène HBs
apparaît dans le sang quelques semaines après le contage et précède l‟augmentation des
transaminases hépatiques ALAT et de l‟ictère. Il persiste environ deux mois et c‟est au cours de la
convalescence qu‟il disparaît dans les formes résolutives (95% des cas chez les adultes
immunocompétents). Lorsque cet antigène HBs perdure, il signe la persistance de l‟infection
virale. On définit le portage chronique (ou infection chronique) du VHB par la persistance de
l‟antigène HBs au-delà de 6 mois.
L‟antigène HBc est masqué par l‟antigène HBs (enveloppe) et n‟est pas détecté par les tests
usuels. Le diagnostic de l‟infection par le VHB utilise également des paramètres viraux indirects
et en particulier les anticorps dirigés contre les antigènes HBs, HBc et HBe.
Au cours de l‟infection aiguë par le VHB, ce sont d‟abord les anticorps anti-HBc qui sont détectés.
Les IgM anti-HBc signent cette infection aiguë, disparaissant plusieurs mois après le contage,
tandis que les IgG anti-HBc sont durables et persistant à vie. Les anticorps anti-HBs apparaissent
les derniers, durant la convalescence, mais ils peuvent persister des années après la résolution de
l‟infection virale. Ce sont des anticorps neutralisants. Ils ne sont pas détectés chez les porteurs
chroniques du VHB. La séroconversion du système antigène/anticorps HBs est actuellement le
meilleur signe de résolution (avec l‟amélioration clinique) de cette infection virale. Au cours de
l‟infection aiguë, entre la disparition de l‟antigène HBs et l‟apparition des anticorps HBs, il peut y
avoir une fenêtre sérologique de courte durée où le diagnostic d‟infection aiguë ne peut être
évoqué que sur la présence des anticorps IgM anti-HBc.
Quant à l‟antigène HBe (marqueur de réplication virale), il a une signification pronostique. Il
apparaît en phase aiguë (contribuant à l‟établissement de la persistance virale). Le système
antigène/anticorps HBe est donc un indicateur d‟évolutivité et d‟infectiosité. Il en va de même de
l‟ADN sérique du VHB.
Enfin, la charge virale (mesurée par PCR en temps réel) est souvent très élevée au cours de la
phase aiguë de l‟infection par le VHB.

132
En phase aiguë, la complication à redouter est l‟hépatite fulminante, mortelle spontanément dans
90% des cas, le seul traitement étant la greffe de foie. Les 2 critères principaux d'hospitalisation en
urgence sont un taux de prothrombine < 50 % et des signes d'encéphalopathie hépatique. Le risque
d‟hépatite VHB fulminante est actuellement estimé à environ 0,1%.
L‟âge au moment de la contamination conditionne l‟évolution : plus le sujet est jeune, plus
l‟infection est très souvent asymptomatique à court terme, mais avec un risque de chronicité élevé
: le nouveau-né développe presque toujours un portage chronique. Le risque de passage à la
chronicité est de 90 % pour le nouveau-né, de 5% pour l‟adulte. De la même façon, le statut
immunologique impacte sur l‟établissement d‟une infection chronique par le VHB.
L‟immunodépression accroit le risque de passage à la chronicité.

Ci-dessous l‟évolution des marqueurs du VHB au cours de l‟infection aiguë résolutive :

* Ne met pas à l’abri d’une réactivation grave en cas d’immunodépression.

2.5. Evolution des marqueurs biologiques et pronostic de l’infection chronique par le VHB

Le portage chronique de l‟infection par le VHB se définit par la présence d‟antigène HBs dans le
sang sur une période d‟au moins 6 mois.
Ci-après l‟évolution des marqueurs du VHB au cours de l‟infection chronique :

133
Le portage chronique (ou infection chronique) apparaît chez environ 5% des sujets adultes
immunocompétent ayant fait une infection aiguë. La prévalence de porteurs chroniques varie selon
les pays de 20 % à 0,1 % (en Europe 0,1 %). En 2004, l‟estimation de l'Institut national de veille
sanitaire (InVS) pour la France est d‟environ 280.000 porteurs d'Ag HBs.
Dans 1/3 des cas, ce portage chronique se fait sans aucune lésion hépatique. Les sujets sont des
porteurs “inactifs” avec des transaminases normales et une réplication virale faible ou
indétectable.
Dans le reste des cas, on distingue un portage chronique du virus s‟accompagnant de lésions
histologiques faibles ou nulles associées avec une charge virale très élevée. On évoque alors une
phase « d‟imunotolérance » de l‟infection chronique. En présence de lésions hépatiques
évolutives, on parle d‟hépatite chronique active (HCA). Après plusieurs années, une HCA peut
conduire à une cirrhose, puis un cancer primitif du foie. L'évolution de la cirrhose se fait vers le
cancer du foie dans 30 à 50 % des cas après 10 à 40 ans (incidence 3 à 5% par an). Cette HCA doit
être pris en charge par une thérapie antivirale afin d‟éviter cette évolution clinique. Enfin, une
résolution spontanée de l‟infection chronique par le VHB peut également être observée dans
moins de 10% des cas.
Au cours de l‟infection chronique par le VHB, la disparition de l‟antigène HBe (marqueur de
réplication virale), a une signification pronostique même s‟il ne signe pas une quelconque
résolution. Ainsi chez les porteurs chroniques, ceux qui ont des anticorps anti-HBe ont une charge
virale plus faible. Le système antigène/anticorps HBe est donc un indicateur d‟évolutivité et
d‟infectiosité. Il en va de même de l‟ADN sérique du VHB.
Le suivi de l‟infection chronique par le VHB est sérologique (recherche de l‟AgHBs et AgHBe) et
par la mesure de la charge virale du VHB par PCR en temps réel.

2.6. Diagnostic
Le diagnostic au laboratoire repose en pratique courante sur la mise en évidence dans le sang des
marqueurs du virus de l‟hépatite B, principalement de l‟antigène HBs. Les techniques de détection
sont variées. Actuellement la plus utilisée est l‟ELISA.
En pratique, devant un ictère par hépatite (transaminases ALAT augmentées), on évalue le statut
du VHB en demandant une recherche dans le sérum d‟antigène HBs, d‟anticorps anti-HBc et
d‟anticorps anti-HBs, permettant de définir dans 95% le statut clinique d‟un patient vis à vis du
VHB.
La présence d‟antigène HBs signe l‟infection VHB, mais celle-ci ne peut être considérée
aiguë que si les IgM anti-HBc sont également détectés.
Une hépatite aiguë B peut être vue juste après la disparition de l‟antigène HBs et avant
l‟apparition de l‟anticorps HBs, c‟est à dire au cours de la fenêtre sérologique (exceptionnelle). On
fait alors le diagnostic d‟infection récente au VHB par la détection des IgM anti-HBc et un suivi
sérologique. On notera que les IgM anti-HBc peuvent parfois réapparaître au décours d'une
hépatite chronique lors d'une réactivation virale (forte reprise de la réplication virale) ; en
l'absence de données antérieures sérologiques, il n'est donc pas toujours possible d'affirmer avec
certitude le caractère aigü de l'infection par le VHB.
La détection de l‟antigène HBs peut persister pendant plusieurs dizaines d‟années chez un
porteur chronique. Il n‟y a en général pas d‟anticorps HBs quand l‟antigène est présent au cours de
l‟infection chronique. La séroconversion de l‟antigène HBs (disparition de l‟antigène HBs et
apparition des anticorps anti-HBs) est à ce jour le meilleur marqueur virologique de la résolution
de l‟infection par le VHB.

134
Les anticorps anti-HBc témoignent d‟un contact avec le VHB. C‟est également un
marqueur très sensible et durable de l‟infection ancienne résolutive, après disparition de l‟antigène
HBs. Un sujet anticorps IgG anti-HBc positif, antigène HBs négatif et anticorps HBs positif est un
sujet guéri d‟une infection et protégé ; un sujet anticorps IgG anti-HBc positif, antigène HBs
positif et anticorps HBs négatif est probablement un porteur chronique dont on précise l‟activité
réplicative du VHB par étude du système HBe et de la quantification du génome viral. Il faut
savoir qu‟il est totalement inutile d‟étudier le système HBe chez un sujet antigène HBs négatif.
Quant au profil IgG anti-HBc négatif, antigène HBs négatif et anticorps anti-HBs positif, c‟est le
profil type d‟un(e) étudiant(e) en médecine n‟ayant pas rencontré le virus mais s‟en étant protégé
par la vaccination. La protection vaccinale est considéré efficace si le taux d‟anticorps anti-HBs
est supérieur à 10 mUI/ml et avoir été au moment de la vaccination supérieur à 100 mUI/ml.
La recherche de l‟Antigène HBe et des anticorps correspondant (Ac anti-HBe) complète le
diagnostic sérologique et renseigne sur le suivi virologique et thérapeutique.
Enfin, la charge virale du VHB (par PCR en temps réel) mesurant la quantité de génome
viral circulant dans le sang, est très élevée au cours de l‟infection aiguë (jusqu‟à 1011 UI/ml) puis
décroit rapidement en cas de résolution. Par contre, la charge virale du VHB peut-être variable au
cours de l‟infection chronique par le VHB. Une infection chronique active peut persister plusieurs
dizaines d‟années avec une évolution clinique variable pouvant conduire au cancer primitif du
foie, le plus souvent sur foie cirrhotique. Il est donc important d‟apprécier l‟intensité de la
multiplication virale qui est facteur de risque de la progression vers la cirrhose et le cancer en
parallèle à la contagiosité du sujet.
Deux approches virologiques permettent d‟évaluer cette activité réplicative et la contagiosité du
sujet:
- La présence d‟antigène HBe sans anticorps HBe est, en l‟absence de traitement, signe de
réplication virale.
- Mais c‟est surtout la quantification du génome viral (ADN) dans le sérum recherché par
amplification génique (PCR en temps réel), qui est le meilleur marqueur de réplication virale.
Aujourd‟hui le seuil de détection de la charge virale du VHB est autour de 40 copies/ml. Ce
résultat peut également s‟exprimer en Unités Internationales par millilitre (UI/ml) après
standardisation de la technique de biologie moléculaire avec un étalon international.

Tableau résumant les différents marqueurs biologiques du VHB et leurs valeurs au cours
des différents stades de l’infection par le VHB.

Marqueurs VHB Ag HBs AcHBs Ag HBe AcHBe AcHBc ADN


IgM IgG
Hépatite aiguë + - + - + +/- +
Hépatite guérie - +/- - +/- - + -
Infection chronique + - +/- +/- - + +/-
Si Hépatite chronique active + - + - - + +
Si Porteur « inactif » + - - + - + -
Si Séroconversion « e » + - - + - + -
Si Mutant pré-C (chap 2.10) + - - - - + +/-
Réactivation virale + - + - +/- + +

2.7. Traitement curatif


Historiquement, c'est l'interféron alpha recombinant qui a donné la meilleure efficacité
thérapeutique. Aujourd'hui, il existe une forme retard de l'interféron, l'interféron couplé à une
molécule de polyéthylène glycol ou PEG-IFN, administré à la dose de 180 µg/semaine par voie
sous-cutanée qui offre une réponse dans environ 30 % des cas en particulier chez les patients
porteurs de l'Ag HBe.
135
Les inconvénients de cette molécule sont la voie d'administration et de nombreux effets
secondaires dont un syndrome pseudogrippal, une neutropénie et plus rarement un état dépressif
potentiellement dangereux (suicide).
Si le traitement interféron a été longtemps le traitement de référence de l‟infection par le VHB, il
n‟est plus que rarement prescrit depuis l‟avènement des analogues nucléiques. En effet, plusieurs
molécules, analogues nucléosidiques ou nucléotidiques (certains semblables à ceux actifs contre le
HIV) administrées par voie orale ont montré une excellente efficacité dans le contrôle de la
réplication virale, avec des effets secondaires modestes. Parmi ceux-ci, on peut citer : la 3TC, qui
a donné des résultats encourageants, avec peu d'effets secondaires mais sélectionne des mutants
résistants (incidence d'environ 15 % par année de traitement) ; l'adéfovir, sous sa forme dipivoxyl
qui possède une efficacité comparable à la 3TC mais est associé à une moindre sélection de virus
résistants ; la telbivudine (LdT) de structure proche de celle de la 3TC ou encore l'entécavir, dont
l'avantage serait une meilleure efficacité et une moindre sélection de variants résistants. Plus
récemment, un autre analogue nucléotidique largement utilisé dans l‟infection par le VIH-1, le
ténofovir a été indiqué dans le traitement de l‟hépatite virale VHB. Aucune résistance vis-à-vis de
ce dernier traitement, largement prescrit aujourd‟hui, n‟a été clairement identifiée à l‟heure
actuelle. Enfin, la multithérapie est, comme pour le HIV, envisagée en asssociant un ou plusieurs
analogues nucléosidiques et/ou un traitement immunomodulateur. Il faut noter que ces traitements
bloquent la réplication sans bloquer la transcription virale. Il arrive donc de rencontrer des
situations cliniques ou la charge virale est indétectable avec un antigène HBe positif.
Ces traitements par analogues nucléot(s)idiques sont prescrits pendant des années, en théorie
jusqu‟à la disparition de l‟Antigène HBs. Dans la pratique cette disparition n‟apparaît que
rarement (5 à 10% des patients traités).
Le traitement de l‟hépatite fulminante reste la transplantation de foie en urgence.

2.8. Prévention
2.8.1. Exclusion des donneurs infectés
On écarte systématiquement les candidats donneurs de sang porteurs d‟antigène HBs et même
d‟anticorps anti-HBc dans le sang, par dépistage systématique. Même chose pour les dons
d'organe, de moelle, de sperme. En revanche, il est conseillé aux donneurs vivants de se vacciner
avant un don.

2.8.2. Immunoglobulines spécifiques


Il existe des gammaglobulines d‟anticorps anti-HBs préparées à partir de donneurs sélectionnés.
Elles ont deux indications :
1) une indication d‟urgence en cas de contamination précise d‟un sujet non vacciné à partir de
produit sanguin provenant de sujet infecté. Qu‟il s‟agisse de piqûre avec du matériel souillé
de sang, d‟ingestion ou même de projection dans l‟œil ou sur le visage. Il y a urgence à
injecter ces globulines qu‟on se procure au Centre de Transfusion le plus proche.
Simultanément, on commence une vaccination.
2) la sérovaccination du nouveau né de mère porteuse chronique du VHB.

2.8.3. Prévention des contaminations professionnelles


Une troisième série de mesures préventives concerne la façon de travailler du personnel à risque.

Ce sont des mesures évidentes de prévention.


- Il ne faut pas pipeter à la bouche les produits biologiques, mais adapter une poire sur la
pipette ou utiliser une pipette automatique.
- Il ne faut ni fumer, ni manger, ni boire dans les services dangereux, les laboratoires et les
centres d‟hémodialyse.
- Il ne faut pas recapuchonner les aiguilles.

136
- En cas d‟écorchure au niveau des doigts, il faut mettre au minimum un pansement occlusif.
- Il faut porter des gants lors de la manipulation de prélèvements contaminés et les prises de
sang.

2.8.4. Gestion des conduites à risques


Il faut inclure la lutte contre les IST (éducation sexuelle, usage de préservatifs) et la lutte contre la
toxicomanie, avec fournitures de seringues individuelles.

2.8.5. Le vaccin contre l‟hépatite B


C‟est une acquisition remarquable. Le gène de l‟antigène HBs ayant été cloné dans une levure,
c‟est sur un vaccin de génie génétique à base d‟antigène HBs recombinant que repose désormais la
vaccination. L‟efficacité du vaccin et son innocuité sont certains. Le risque de sclérose en plaques
(SEP) ne repose que sur peu ou pas de fondement. Ne plus vacciner contre l'hépatite B par crainte
de SEP est une erreur pouvant conduire à un risque de cancer primitif du foie en cas d‟infection
par le VHB. Ce vaccin a été le premier vaccin anti-cancer.
Il donne des anticorps anti-HBs (qui sont neutralisants, protecteurs) mais sans anticorps anti-HBc.
La vaccination est à faire sans recherche préalable de l‟immunité.
La vaccination contre l‟hépatite B est impérative pour les sujets des groupes à risques : étudiants
des métiers de la santé, drogués par voie intraveineuse, partenaires sexuels et proches d‟un sujet
infecté aigu ou chronique, sujets à partenaires sexuels multiples, coopérants partant en zone
d‟endémie et bien sûr nouveau-nés de mère dépistée porteuse d‟antigène HBs. Le vaccin (chez
l‟adulte) se donne en 3 injections (M0, M1, M6), avec un intervalle d‟un mois entre la première et
la deuxième injection et cinq mois entre la deuxième et la troisième injection. Aucun rappel n‟est
nécessaire. Un schéma de vaccination a deux doses est également possible avec certains vaccins
(calendrier de vaccination 2015).
La contamination de l‟enfant se fait essentiellement à la naissance et dans les semaines qui
suivent, les mesures visant à prévenir l‟infection de l‟enfant consistent à lui injecter des
immunoglobulines à titre élevé d‟anticorps anti-HBs dès la naissance si la mère a eu une hépatite
B en fin de grossesse ou si elle est porteuse chronique d‟antigène HBs. On débute simultanément
une vaccination. Dans notre pays, le dépistage de l‟antigène HBs est devenu obligatoire en cours
du premier trimestre de grossesse, pour, à la naissance, instituer si nécessaire, dans les 12 à 24
premières heures de vie, cette sérovaccination.

Il faut soutenir le principe d‟une vaccination élargie. Pour tenter d‟éradiquer l‟infection à VHB à
l'échelle mondiale, il est recommandé une vaccination aux deux périodes critiques de la vie : la
vaccination des nouveau-nés ou des nourrissons à 2, 4 et 11 mois (vaccin hexavalent) et la
vaccination des préadolescents (11-15 ans en deux ou trois injections selon le vaccin) avant l‟âge
des premiers rapports sexuels (en même temps que le 3ème rappel DT Coq Polio et un éventuel
rattrapage ROR), il peut être co-administré avec le vaccin contre les Papillomavirus humains chez
la jeune fille. La vaccination contre l‟hépatite B est recommandée en priorité à tous les
nourrissons.

137
2.9. Un problème très important de santé publique
Il existe une association indiscutable entre le cancer primitif du foie qui sévit particulièrement en
Asie et en Afrique et l‟infection au VHB. La relation de cause à effet ne fait plus aucun doute. On
sait que l‟ADN du VHB peut être intégré dans le génome cellulaire des hépatocytes. Par ailleurs,
la cirrhose en soi est un processus cancérigène par la multiplication cellulaire anarchique dans les
nodules de régénération hépatique.
Le risque de cancer primitif du foie (hépatocarcinome), d‟après une étude réalisée à Taïwan est
multiplié par 100 en cas d‟infection chronique par le VHB. Chez les sujets infectés à la naissance,
le risque à long terme d'hépatocarcinome est de 10 à 50% pour les hommes. Ce risque est moins
élevé chez la femme. D‟où l‟intérêt des vastes campagnes de vaccination à grande échelle contre
l‟hépatite B en pays d‟endémie. La prévention de l'hépatocarcinome par le vaccin contre l'hépatite
B est le premier succès d‟un vaccin anti-cancéreux efficace.

2.10. VHB et mutations


Le passage par une rétrotranscription pour la réplication du VHB, avec une ADN polymérase ne
corrigeant pas ses erreurs, prête à 4 catégories de mutations :
- Mutations de résistance aux antiviraux, sous traitement prolongé par des analogues
nucléosidiques (-tidiques), portant sur le gène P de l‟ADN polymérase. Comme pour le
VIH-1, certaines de ces mutations génèrent une résistance croisée avec plusieurs analogues
nucléosidiques. Par contre, à la différence du VIH-1, la puissance inhibitrice de certains
traitements est suffisamment élevée pour qu‟aucune mutation de résistance n‟ait été
observée, à ce jour.
- Mutations d'échappement à la sérothérapie par immunoglobulines riches en Ac anti-HBs et en
même temps d'échappement à la vaccination (faite d'Ag HBs). Cela consiste en des
mutations au niveau du gène S, apparaissant lors de traitement préventif de la transmission
mère-enfant ou des campagnes de vaccination de masse. Elles n'ont pas jusqu'à présent
conduit à modifier la stratégie de ces mesures préventives mais c'est quand même une
invitation à la vigilance.
- Mutants "précore" ou pré-C, au niveau du gène C ou de son promoteur, rendus incapables de
synthétiser l'Ag HBe. Les malades sont devenus Ag HBe négatifs mais ce n'est pas un signe
de rémission de l'infection virale. La quantification du génome viral reste essentielle dans le
suivi de ces infections. En cas de réplication active de ce virus à mutation préC, l‟évolution
vers une hépatite chronique sévère reste possible. On notera que ce type de variants existe
chez plus de 50% des patients infectés chroniquement en France.
- Autres mutants sur les gènes du VHB touchant la réplication virale (gène de la polymérase),
la prolifération cellulaire (gène HBx), la réponse immunitaire (gènes HBe, HBc, HBs)…

138
POINTS A RETENIR

Le virus de l'hépatite A
 C'est un hépatovirus de la famille des Picornaviridae.
 Sa résistance dans le milieu extérieur et sa forte contagiosité.
 L'expression clinique augmente avec l'âge ; absence de forme chronique.
 Le diagnostic sérologique de l'hépatite aiguë par détection des IgM anti-VHA.
 La prévention basée sur les mesures d‟hygiène et la vaccination.

Le virus de l'hépatite B
 C'est un hepadnavirus.
 240 millions de sujets infectés dans le monde.
 La structure du génome et de la particule virale.
 Sa réplication par une phase de transcription inverse.
 Les modalités évolutives de l'infection selon l‟âge lors de la contamination.
 Les différents marqueurs biochimiques et virologiques de l'infection et leur évolution
dans l'infection aiguë et dans l'infection chronique.
 La transmission du virus et sa prévention.
 Le principe du traitement.
 La vaccination, principe, modalité, innocuité, efficacité : 1er vaccin anticancéreux.

La co-infection à deux ou trois virus : HIV, VHB, VHC, due au mode de contamination.

139
VIRUS DES HÉPATITES VIRALES - 2e partie

1. LE VIRUS DELTA ou VIRUS DE L’HÉPATITE D (HDV)

L’HDV, satellite de l’HBV

C‟est un très petit virus à ARN (avec 1,7 kb, c‟est le plus petit génome de virus de mammifère),
virus défectif, incapable de se répliquer sans le VHB qui lui fournit son enveloppe, constitué par
l‟antigène HBs mais également de grandes protéines d‟enveloppe (PréS1-PréS2-S) essentielles à
la reconnaissance et l‟entrée du VHB mais également du VHD dans les hépatocytes.
L‟infection à virus delta ne survient qu‟en présence d‟une infection par le VHB dont le
pronostic s‟en trouve alors aggravé : risque accru d‟hépatite fulminante, de cirrhose et de cancer
du foie.
Il peut donc s‟agir soit d‟une co-infection du patient par les deux virus en même temps ou
soit d‟une surinfection par le virus delta d‟un patient déjà porteur chronique du VHB pouvant
alors accélérer la progression de l‟atteinte hépatique.
Le mode de transmission est principalement la voie parentérale (pas de transmission mère-enfant).
Le virus delta est surtout répandu en France chez les drogués par voie veineuse, et endémique
dans certains pays notamment dans le bassin méditerranéen, en Europe de l‟Est, au Moyen-Orient
et dans certains pays d‟Afrique et d‟Amérique latine.
La recherche d'une infection par le VHD peut se faire chez tout porteurs de l'antigène HBs
par la recherche des marqueurs sériques dirigés contre le virus delta. Des tests de type ELISA
permettent la détection des Ac totaux, des IgM ou de l‟antigène delta (très fugace) dans le sérum
mais aujourd‟hui, la recherche du génome viral (un ARN double brin de type viroïde) par RT-PCR
ou charge virale permet d‟évaluer l‟infection par le VHD.
Cette recherche est particulièrement indiquée en cas de discordance entre le niveau de
réplication du VHB et l‟atteinte clinique. En effet, la co ou sur-infection par le VHD réduit
considérablement la réplication du VHB au profit de celle du VHD. En conséquence, un profil
d‟hépatite chronique active sans détection du génome du VHB par charge virale chez un patient
ayant des antécédents de toxicomanie doit conduire à la recherche du génome du VHD.
140
A la différence de l‟infection par le VHB, le VHD n‟est pas sensible aux traitements par
analogues nucléos(t)idiques. A ce jour, seul le traitement par interféron pégylé permet d‟obtenir
une résolution de cette infection virale. Le faible taux de réussite de ce traitement (autour de 30%)
conduit actuellement à tester de nouvelles approches thérapeutiques de cette co ou sur-infection
par le VHD. Un inhibiteur d‟entrée (Myrcludex), bloquant l‟interaction entre les protéines
d‟enveloppe du VHB recouvrant la nucléocapside du VHD (ou du VHB) par compétition pourrait
être une nouvelle alternative thérapeutique de cette infection virale. Cette approche thérapeutique
est actuellement en évaluation clinique (étude de phase II en cours)
Enfin, il faut noter que la vaccination contre le VHB protège également de l‟infection par le virus
delta !

2. LE VIRUS DE L’HÉPATITE C (VHC)

Historiquement avant son identification, ce virus était appelé « virus de l‟hépatite non A et non
B ». Lorsqu‟on a contrôlé les dons de sang en en excluant les donneurs porteurs d‟antigène HBs,
on s‟était aperçu qu‟on ne diminuait que de moitié le nombre d‟hépatites virales post-
transfusionnelles. D‟où la notion de “ virus ni A-ni B ”. En fait en 1989 le virus de l‟hépatite C qui
rend compte de la plupart des hépatites ni A ni B post-transfusionnelles a été découvert par
technique de biologie moléculaire, sans isolement préalable de la particule virale. Pendant
longtemps, il a été difficile de cultiver ce virus en culture cellulaire et le seul modèle animal était
le chimpanzé. Grace à l‟approfondissement des connaissances sur ce virus et son hôte, il est
aujourd‟hui possible de cultiver ce virus en culture cellulaire ce qui a permis le développement
rapide de thérapie antivirale efficace.
C'est un virus à ARN, enveloppé, de 50 nm de diamètre.

2.1. Le virus
Découverte : partant du plasma d‟un chimpanzé infecté par du sérum de patient présentant une
hépatite dite à l‟époque Non A Non B, les acides nucléiques ARN en ont été purifiés pour être
rétrotranscrits en ADN complémentaires. Ceux-ci ont été insérés dans le génome d‟un
bactériophage pour expression de l‟information génétique sous forme de segment de protéines.
Parmi les très nombreux clones ainsi produits, l‟un d‟eux a été reconnu comme exprimant une
protéine virale, car cette protéine a été reconnue par un sérum de convalescent d‟hépatite ni A ni
B. À partir de ce premier clone, utilisé comme sonde nucléique, on a pu, de proche en proche,
reconstituer tout le génome.
Ci -dessous : Schéma synthétisant les différentes étapes ayant permis d‟identifier pour la première
fois le VHC. Ce virus est le premier virus à avoir été identifié par une approche de biologie
moléculaire.

141
Après identification du VHC on s‟est aperçu que ce génome à ARN a une organisation proche de
celle des flavivirus avec 9500 nucléotides (9,5 kbases), des extrémités 5‟ et 3‟ non codantes, et en
partant de l‟extrémité 5‟ des gènes de capside (C), d‟enveloppe (E1 et E2) et de protéines non
structurales (NS2 à NS5), la protéine NS3 étant une protéase virale et la protéine NS5 étant l‟ARN
polymérase ARN-dépendante. Toutes ces protéines virales sont produites sous forme d'un
précurseur polypeptidique unique géant, dont le clivage implique la protéase virale et des
protéases cellulaires. La région 5‟ non codante est la mieux "conservée" parmi les différents
isolats.
La variabilité génétique de ce virus est considérable. Elle est liée aux erreurs de l‟ARN
polymérase qui est dépourvue de mécanisme de correction (c‟est une ARN polymérase ARN-
dépendante virale). Cette variabilité génétique est à l‟origine d‟une classification définissant 6
génotypes (de 1 à 6), eux-mêmes subdivisés en sous-types (1a, 1b, 2a, 2b, 3a, 3b...) et, chez un
même individu, on trouve souvent simultanément une myriade de variants d'un même sous-type
définissant une quasi-espèce. Les variations antigéniques portent surtout, comme c'est le cas d'une
façon générale pour les virus, sur la surface virale, c'est à dire ici l'enveloppe (E1 et E2).
L‟analogie avec le HIV est frappante.
Comme pour le HIV, les anticorps neutralisants dirigés contre les glycoprotéines d'enveloppe sont
très peu protecteurs (cela semble dû au fait que le virus s'associe aux lipoprotéines de l'hôte). De
fait, les virus infectieux sont apparus agrégés et entourés de lipoprotéines de faible densité (LDL,
pour low-density lipoprotein). Ils forment ainsi des viro-lipo-particules, qui ne sont synthétisables
que dans les cellules productrices de telles lipoprotéines, c'est-à-dire dans les hépatocytes,
auxquels elles s‟attachent par les récepteurs des LDL. Ainsi s‟explique le tropisme très étroit du
VHC, ainsi que son échappement au système immunitaire. Autre analogie avec le HIV, son niveau
élevé de réplication : jusqu‟à 1012 virions produits par jour, avec une demi-vie de 2 à 3 heures,
chaque hépatocyte infecté produisant une cinquantaine de particules virales par jour.
La réplication du VHC s‟effectue exclusivement dans le cytoplasme de la cellule infectée. Elle
passe par la synthèse d‟un brin d‟ARN négatif qui sert de matrice à la synthèse de novo du
génome viral (ARN de polarité positive). Le réticulum endoplasmique joue un rôle essentiel dans
la maturation du VHC.

VHC : Réplication

142
Le génome viral, un ARN de polarité positive, est traduit par les ribosomes en une polyprotéine
virale qui sera clivée par des enzymes virales et cellulaires en protéines structurales (S) et non
structurales (NS) permettant la formation des particules virales du VHC.

Ci-dessous, le génome viral du VHC : un ARN de polarité positive d‟environ 9500 bases
nucléotidiques.
Il faut souligner la présence d‟une partie 5‟non codante (5‟NC), très conservée, dans laquelle se
trouve l‟IRES (Internal Ribosome Entry Signal), essentiel à la traduction de cet ARN viral en
polyprotéine. La partie 3‟non codante est essentielle pour la formation d‟un brin d‟ARN de
polarité négative par l‟ARN polymérase virale, ce brin servant de matrice pour la réplication du
génome viral. En gris les régions nucléotidiques structurales et en blanc les régions non
strucurales (protéines de régulation, enzyme, polymérase).

2.2. Epidémiologie et histoire naturelle de l’infection


Le VHC est strictement humain. Il se transmet par le sang contaminé. Le mode de contamination
est donc principalement parentéral.
En France, les contaminations les plus anciennes ont été essentiellement liées à des
transmissions nosocomiales (transfusions, actes médicaux et chirurgicaux) alors que les plus
récentes sont liées à la toxicomanie (par voie IV, nasale ou inhalation). Dans les pays pauvres,
c'est par transfusion de sang sans dépistage des donneurs ou par utilisation d'aiguilles non
stérilisées. En Occident, c'est surtout par partage de seringue chez les utilisateurs de drogue par
voie veineuse. De ce fait la co-infection VHC/HIV est fréquente et tout utilisateur de drogue par
voie IV doit bénéficier du double dépistage VHC/HIV (30% des sujets HIV+ sont infectés par
VHC). Enfin, il existe des cas sporadiques (~ 10 % à 20% des cas) probablement liés à l‟entourage
familial ou comportemental.
Les contacts sexuels ou la transmission materno-fœtale (risque dans ce dernier cas de
moins de 3% sauf en cas de co-infection par le VIH-1) et l'allaitement interviennent très peu,
contrairement à ce qu‟il en est pour le VHB ou le VIH-1. Dans les couples sérodifférents (l‟un
avec, l‟autre sans anticorps anti-VHC), l‟usage du préservatif n‟est pas formellement
recommandé, contrairement à ce qu‟il en serait pour le HIV.
En cas de piqûre par seringue ayant servi à prélever une personne infectée (AES, accident
d'exposition au sang) le risque de contamination est estimé à 3 % (30 % pour AES avec le VHB et
0,3 % pour AES avec le HIV; et 0,03% pour exposition sexuelle avec le HIV).

143
Cette transmission nosocomiale se fait principalement aux dépens des malades mais parfois aussi
aux dépens des soignants.

L'incubation déterminée dans le cas des hépatites C post-transfusionnelles peut être de durée très
variable est en général de 1 à 2 mois. Cependant, elle reste difficile à préciser car l‟infection aiguë
par le VHC est très souvent asymptomatique. La prévalence de l‟infection dans le monde, jugée
d‟après la prévalence des anticorps dirigés contre le VHC, est d‟environ 1 % dans les pays
occidentaux, alors qu‟elle peut approcher les 10 % en Afrique. Cette infection touche environ 170
millions de personnes dans le monde.
L‟élément le plus remarquable de l‟hépatite C est, qu‟au-delà d‟une primo-infection
généralement asymptomatique (90 % des cas) et sans forte élévation des transaminases,
l‟évolution se fait dans 70 à 80 % des cas vers la chronicité. Chez 25 % des infectés chroniques,
existe un risque de cirrhose et de cancer primitif du foie après une incubation de 20 ans en
moyenne pour la cirrhose et de 30 ans pour le cancer. Le risque d'hépatocarcinome est multiplié
par 100 chez les sujets infectés chroniquement par le VHC et atteints de cirrhose. Cette infection
concerne 360.000 Français dont 70% seraient atteints d‟hépatite chronique. L‟infection par le
VHC peut-être sournoise avec des transaminases fluctuantes et constitue donc un très grave
problème de santé publique à terme. L‟évolution vers la cirrhose, par fibrose, est d‟autant plus à
craindre que le sujet est âgé, du sexe masculin, avec un index de masse corporel élevée et
consommateur d‟alcool. En France, on estime que 40% des porteurs chroniques du VHC ne
seraient pas effectivement diagnostiqués.
En plus de cette hépatite virale, de nombreuses manifestations extra-hépatiques sont
associées avec l‟infection chronique par le VHC. Parmi celles-ci, une cryoglobulinémie,
phénomène immunopathologique lié à une lymphoprolifération B bénigne, est une complication
fréquente de l‟infection à VHC responsable de vascularites cutanées, désordres rénaux…. Plus
rares sont les lymphoproliférations B malignes liées à une infection par le VHC (à type de
lymphomes). D‟autres manifestations extra-hépatiques, comme par exemple un syndrome
métabolique (diabète) ou des maladies auto-immunes peuvent également être associées avec cette
infection virale.

Une question demeure partiellement résolue : quel est le mécanisme de l'infection


chronique du VHC ? C'est un virus à génome à ARN, comme celui du HIV, mais contrairement à
ce dernier il n'est pas rétrotranscrit et ne s'intègre pas dans le génome humain (pas d‟archivage).
La production incessante de mutants échappant à la réponse immunitaire contribue à
l'infection chronique. D'autres mécanismes tels que l'interaction de plusieurs protéines virales
(structurale ou non) avec de nombreuses voies de signalisation intracellulaires, impliquées dans la
prolifération et la réponse immunitaire ont été décrits et pourraient participer à l‟établissement de
cette persistance virale.

2.3. Diagnostic
Les circonstances justifiant le diagnostic virologique de l'infection par le VHC sont :
l'appartenance à un groupe à risque, une asthénie persistante (signe d'alarme d'une hépatite
chronique), une augmentation des transaminases, des manifestations extrahépatiques autoimmunes
de l'infection (cryoglobulinémie, vascularite…).
Le diagnostic de l‟infection repose sur la recherche des anticorps en ELISA, qui, depuis les
premières trousses, a gagné en sensibilité et en spécificité.
Avec les premières trousses (antigène unique NS4) les anticorps se positivaient au cours du 3 e
mois, délai actuellement raccourci avec les nouvelles trousses combinant la détection des
anticorps viraux et de l‟antigène de capside du VHC.

144
La détection d‟anticorps anti-VHC met en jeu des antigènes structuraux (S pour la Capside et
l‟enveloppe) et non structuraux (NS) sur les tests ELISA. En cas d‟ELISA positif, un second
sérum peut être analysé par une technique sérologique pour se mettre à l‟abri de toute erreur
intervenue sur le premier sérum (étiquetage notamment). Cependant, une sérologie positive vis-à-
vis du VHC ne permet que d‟affirmer un contact ancien (guérie) ou actuel par le VHC. Seule la
recherche du génome viral permettra de préciser le statut du patient vis-à-vis du VHC.
En cas d‟exploration d‟une infection aiguë qui risque fort d‟être vue avant la séroconversion (en
cas d‟AES, par exemple), une recherche directe de l‟ARN génomique peut-être associée avec le
dosage des transaminases sériques. Aujourd‟hui, on utilise essentiellement des techniques de RT-
PCR en temps réel. Pour mémoire, dans le premier temps de la RT-PCR, l‟ARN génomique est
transcrit en ADN complémentaire ou cADN par une préparation de transcriptase inverse puis ce
cADN est amplifié par réaction de polymérisation en chaîne ou PCR. Enfin, l‟ADN amplifié est
détecté par hybridation au cours de l‟étape d‟amplification génique. Ces tests sont sensibles et
spécifiques mais ont des contraintes techniques importantes. La recherche directe du génome du
VHC dans le sang de porteurs chroniques par PCR permet également de caractériser le génotype
infectieux du virus soit par séquençage soit par hybridation moléculaire.
S‟il y a objectivation d‟une réplication virale par des tests de détection du génome, le diagnostic
d‟infection par le VHC peut alors être porté.
Une infection chronique par le VHC est définie par une recherche du génome virale positive sur
une période d‟au moins 6 mois.
La quantification de l‟ARN viral sérique par RT-PCR quantitative en temps réel permet
d‟avoir une valeur initiale de « charge virale » avant l‟éventuelle prise en charge thérapeutique.
Cette quantification virale est donc indiquée d‟une part dans l‟établissement du diagnostic de
l‟infection par le VHC et d‟autre part dans le suivi virologique du traitement antiviral des patients
porteurs chroniques du VHC. L‟efficacité de ces traitements pourra ainsi être rapidement évaluée,
en suivant la diminution de la charge virale du VHC. Des évaluations dans le sérum/plasma de la
détection et quantification de l‟ARN génomique viral (« charge virale ») dès la 1ème semaine
d‟instauration du traitement et 12 semaines après l‟arrêt du traitement permettent d‟évaluer
l‟efficacité thérapeutique du traitement instauré. En cas de persistance d‟une indétéctabilité du
génome virale dans le sang, 4 à 6 mois après l‟arrêt du traitement, on parle alors de réponse
virologique soutenue (RVS) qui atteste de la résolution définitive de l‟infection (attention au
risque de ré-infection possible car peu d‟immunité croisée entre les différents génotypes viraux).
Le risque résiduel de cancer du foie doit cependant être évalué en poursuivant la surveillance
clinique de ces patients.
Enfin, l‟identification du génotype du VHC infectieux est doit être réalisée avant
l‟instauration d‟un traitement. En effet, la stratégie thérapeutique la plus efficace varie en fonction
du génotype infectieux.
Quoi qu‟il en soit et dès à présent, on estime que le dépistage actuel des donneurs de sang
ayant des anticorps ou de l‟ARN VHC ne laisserait plus passer qu‟1/8150000 dons. La sécurité
transfusionnelle est donc assurée.

2.4. Traitement
Le traitement de l‟infection par le VHC a vécu en 2014 avec le développement des DAA
(Direct Antiviral Agent) une période révolutionnaire qui se poursuit encore aujourd‟hui. En effet,
cette efficacité thérapeutique pourrait nous permettre à l'éradication mondiale de cette infection
virale persistante (négativation de la recherche de l‟ARN viral après l‟arrêt du traitement (RVS)).
En 2015, malgré l‟efficacité proche de 100% de ces nouvelles thérapies antivirales, du fait
de son coût, seules les personnes présentant des lésions histologiques hépatiques avérées avec une
hépatite active (F2 ou +) ou des manifestations extra-hépatiques ou en pré-transplantation ou co-
infectés par le VIH étaient traités (représentant environ 60% des patients diagnostiqués en France).
Depuis Juin 2016, le traitement universel des patients infectés par le VHC a été autorisé en France.

145
Historiquement, le premier traitement disponible a été l‟interféron (IFN) alpha
recombinant administré par injection sous-cutanée à la dose de 3 millions d‟UI 3 fois par semaine
durant 6 ou 12 mois. Une guérison n‟était obtenue que chez 20 à 25 % des patients, au mieux et
avec de nombreux effets secondaires. Cette chimiothérapie a tout d‟abord été améliorée grâce à la
liaison de l'interféron alpha au polyéthylène glycol. Le PEG-interféron ou interféron pegylé (PEG-
IFN) a une demi-vie augmentée, de sorte qu'une injection hebdomadaire unique assure un taux
plasmatique stable d'interféron et donnait des résultats supérieurs à l'interféron seul en 3 injections
hebdomadaires. On associait au PEG-IFN la ribavirine, analogue de nucléoside antiviral non
dépourvu de risque (tératogène) et de mode d'action complexe (il agit par renforcement des effets
de l'interféron, plus que par inhibition directe de la réplication virale). Les principaux effets
secondaires liés au traitement PEG-IFN + ribavirine étaient le syndrome pseudogrippal, la
neutropénie et la dépression pour le premier et l'anémie pour le second. Les résultats des
traitements associant le PEG-IFN et la ribavirine indiquent une efficacité de plus de 80% pour les
patients infectés par un virus de génotype 2 ou 3 mais de seulement environ 50% pour le génotype
1 (le plus fréquent en France). Ces résultats ont permis de démontrer que la réponse thérapeutique
variait selon le génotype infectieux et qu‟il existe vis-à-vis de ce traitement des génotypes « bons
répondeurs » et d‟autres moins bon comme le génotype 1. Il a même été montré qu‟un
polymorphisme génétique sur un gène impliqué dans la réponse immunologique (IL-28B) pouvait
rendre compte du différentiel de réponse vis-à-vis de cette chimiothérapie.
Aujourd'hui, la chimiothérapie anti-VHC se trouve dans une période révolutionnaire grâce
au développement de nouvelles stratégies très efficaces qui pourrait nous conduire dans un futur
proche a éradiqué l‟infection par le VHC. En effet, après 10 ans de thérapie par interferon +
ribavirine, la première grande révolution thérapeutique récente (2011) de l‟infection par le VHC
réside dans le renforcement du traitement du génotype 1 du VHC par l‟arrivée des antiprotéases
(anti-NS3) (telaprevir, boceprevir…), médicaments donnés en association avec PEG-IFN et
ribavirine. Cette nouvelle approche a considérablement améliorée la réponse au traitement de
patients infectés par le génotype 1 du VHC (jusqu‟à 80% de RVS) mais avec une tolérance
médiocre notamment chez les patients non répondeurs à une première ligne de traitement.

La seconde révolution a commencé en Janvier 2014 et se poursuit actuellement. Elle


correspond à la mise sur le marché d‟inhibiteur de la polymérase virale (NS5B) (Sofosbuvir,
Sovaldi et d‟autres) et du développement de nouveaux antiviraux ciblant la protéase (NS3)
(Simeprevir, Olysio et d‟autres), ou de nouvelles cibles comme des inhibiteurs du complexe NS5A
(Daclastavir, Daklinza,; Valapstavir ; Ledispavir) mais également en combinaison
(Sofosbuvir+Ledipasvir, Harvoni) avec une activité puissante et efficace contre l‟ensemble des
génotypes viraux (pan-génotypes). Ces nouvelles approches thérapeutiques ont d‟ors et déjà
démontré une grande efficacité (supérieure à 95 % des cas) sans association avec l‟interféron et la
ribavirine. Les recommandations actuelles proposent un traitement pendant 12 semaines et en cas
d‟atteinte hépatique sévère jusqu‟à 24 semaines. Il est probable que dans un futur très proche
qu‟une combinaison de traitements par ces nouveaux antiviraux (par voie orale) puisse très
rapidement (en 8 semaines voire moins !!!) conduire à une résolution complète de l‟infection
virale par le VHC.
Les conditions de prescription sont pour le moment limitées à une prescription d‟origine
hospitalière dans le cadre de RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire).
Enfin, la prise en compte du génotype infectieux du VHC peut conditionner le choix du traitement
(même si de plus en plus de nouvelles molécules sont pan-génotypes).

Enfin, il faut cependant rester attentif à la possibilité de ré-infection (en particulier chez les
usagers de drogue) car l‟immunité acquise ne présente pas forcément de réactivité croisée entre les
différents génotypes viraux et n‟est donc pas protectrice.

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L‟indication d‟un traitement par PEG-IFN (avec ou sans ribavirine) instauré dans la phase
aiguë de la maladie (dans les 3 mois suivant le contage) aboutit à une guérison dans plus de 90%
des cas. Ces résultats incitent à un traitement précoce lors d'une hépatite C aiguë afin d‟éviter un
risque d‟infection chronique. L‟impact des nouveaux traitements au cours de l‟infection aiguë par
le VHC est encore en évaluation mais semble également prometteurs.

La principale mesure de prévention est le rejet des dons de sang positifs pour les anticorps ou
l‟ARN VHC. Sont importantes également la lutte contre la toxicomanie et le partage de seringues,
les bonnes pratiques de soins (médicaux et dentaires) pour éviter les accidents d‟exposition au
sang (AES) et la contamination des patients par un matériel mal stérilisé. Par contre, les espoirs
de prévention de cette infection reposant sur une vaccination ne semblent pas être sur la voie
d‟aboutir prochainement.
La cirrhose par VHC est une indication à la greffe de foie (c'en est actuellement une des plus
fréquentes indications), mais malheureusement l'infection récidive après 100% des greffes (cela
viendrait de l‟infection des lymphocytes B, cible extrahépatique probable du VHC). C‟est
pourquoi, les nouveaux traitements dirigés contre le VHC sont également indiqués dans ce
contexte particulier.

Au total, la révolution thérapeutique de la prise en charge de l‟infection par le VHC que nous
vivons depuis 2014 est sans précédent dans le monde de l‟infectiologie. Elle augure pour un futur
très proche de la première éradication complète d‟une infection virale persistante associée au
cancer.

3. LE VIRUS DE L’HÉPATITE E ou HEV

Il s‟agit d‟un petit virus nu à ARN, appartenant à la famille des Hepeviridae. Le HEV n‟est pas
cultivable. Le diagnostic, effectué dans quelques laboratoires spécialisés, repose sur la détection
des anticorps sériques spécifiques en ELISA et la recherche de l‟ARN viral par RT-PCR dans le
sang ou les selles.

La contamination par voie fécale-orale est à l‟origine d‟épidémies importantes en zone d‟endémie,
principalement en Asie, en Afrique et en Amérique centrale. La première épidémie reconnue, en
Inde, suivait la contamination de citernes par des eaux d‟égout. Dans les pays développés, il s‟agit
de cas d‟importation après un voyage en zone d‟endémie, mais il existe aussi des cas autochtones,
liés en particulier à la consommation de viande contaminée mal cuite (charcuteries à base de foie
de porc, gibier, saucisson). En effet les animaux domestiques, en particulier les porcs, et certains
animaux sauvages seraient des réservoirs du virus. Enfin, une contamination inter-humaine directe
après transfusion ou transplantation d‟organe est également possible.

La symptomatologie liée à l'infection par le HEV ressemble à celle induite par le HAV. L'hépatite
E a toutefois deux particularités encore mal expliquées sur le plan physiopathologique : 1) une
sévérité importante chez les femmes enceintes, à la fois chez la mère et l‟enfant, avec une
mortalité qui peut atteindre 20% et 2) une persistance virale pouvant être associée à une atteinte
hépatique chronique (jusqu‟à l‟établissement d‟une cirrhose) essentiellement dans un contexte
d‟immunodépression associé. Dans ce cadre d‟une infection « chronique » par le VHE, un
traitement par Ribavirine par voie orale (voir chapitre sur le VHC) permet de contrôler et résoudre
cette infection virale.
Le diagnostic de l‟infection par le HEV est essentiellement réalisé par la recherche des anticorps
dirigé contre ce virus (IgM et /ou IgG). Il peut être ensuite confirmé par la recherche du génome
viral par PCR dans le sérum le plus souvent ou dans les selles.

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4. LE VIRUS DIT DE L’HÉPATITE G et LE TTV.

L‟HGV, comme l‟VHC, a été mis en évidence par des techniques de biologie moléculaire ayant
permis d‟isoler des séquences génomiques dans du sérum de sujet infecté. Ce nouveau virus est
proche du VHC et se classe parmi les Flaviviridae. Il est largement répandu (4 % de la population
générale, donneurs de sang compris). Son pouvoir pathogène est en première analyse très limité et
il ne semble pas hépatotrope. Mieux vaudrait donc l‟appeler virus G plutôt que HGV. On le
détecte par RT-PCR dans le sérum et une sérologie en ELISA est disponible. Celle-ci se positive
lors de la disparition du virus de la circulation (marqueur de guérison ?).

Le TTV est un virus découvert associé à la transfusion, TT étant les initiales de la personne chez
qui il a été découvert. C‟est un petit virus à ADN, nu, largement répandu dans la population
(prévalence variable, supérieure à 50 %), de pouvoir pathogène encore imprécis, en première
analyse très limité
On voit que le raffinement des techniques de virologie moléculaire mène à la détection de virus
nouveaux, largement répandus dans la population et bien peu pathogènes.

POINTS A RETENIR

Le virus de l'hépatite D
 Les particularités de sa structure.
 Sa dépendance vis-à-vis du virus de l‟hépatite B.
 Le rôle du vaccin contre l‟hépatite B.

Le virus de l'hépatite C
 C'est un flavivirus, virus à RNA et enveloppé.
 170 millions de sujets infectés dans le monde dont 400.000 en France.
 La structure du génome et de la particule virale.
 Les modalités évolutives de l'infection (chronique dans 70 % des cas, menant à la
cirrhose et au cancer du foie).
 Les marqueurs de l'infection et les modalités du diagnostic.
 La transmission du virus, ses inconnues, sa prévention.
 Le principe du traitement.

La co-infection à 2 virus ou plus : VIH, VHB, HDV, VHC, due au mode de contamination.

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