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47

Équations fonctionnelles

47.1 L'équation fonctionnelle de Cauchy : f (x + y) = f (x)+


f (y)
On s'intéresse ici l'équation fonctionnelle de Cauchy qui consiste à déterminer toutes les
fonctions f : R → R telles que :

∀ (x, y) ∈ R2 , f (x + y) = f (x) + f (y) (47.1)

Cela revient à étudier les morphismes du groupe additif (R, +) dans lui même.

Exemple 47.1 Une fonction linéaire f : x 7→ ax, où a est un réel donné, vérie cette équation.
En considérant R comme un espace vectoriel sur le corps Q des rationnels, le lemme précé-
dent s'exprime en disant que tout morphisme du groupe additif (R, +) dans lui même est une
application Q-linéaire.

Lemme 47.1 Si f est un morphisme du groupe additif (R, +) dans lui même, on a alors :
∀a ∈ R, ∀r ∈ Q, f (ra) = rf (a) .

Pour a = 1, en notant λ = f (1) , on obtient f (r) = λr pour tout r ∈ Q.


Dans ce qui suit nous allons montrer que si f est un morphisme du groupe additif (R, +)
dans lui même, une hypothèse supplémentaire (continuité en un point, monotonie, f bornée sur
un intervalle) va entraîner que f est R-linéaire, ce qui revient à dire que c'est une homothétie.
On peut montrer, en utilisant le lemme de Zorn, qu'il existe une fonction vériant l'équation
fonctionnelle de Cauchy qui n'est pas une homothétie. Pour ce faire, on se donne une Q-base
(ei )i∈I de R (utilisation du lemme de Zorn) et l'application Q-linéaire f dénie sur R par
f (ej ) = 1 et f (ei ) = 0 pour tout i ∈ I \ {j} où j est xé dans I, vérie bien l'équation
fonctionnelle (47.1) sans être une homothétie.
En utilisant les approximations décimales par défaut et par excès d'un réel, on obtient le
résultat suivant.

Théorème 47.1 Les morphismes du groupe additif (R, +) dans lui même qui sont monotones
sont les homothéties.

Corollaire 47.1 L'identité est le seul morphisme de corps non identiquement nul de R dans
lui même.

1169
1170 Équations fonctionnelles

Démonstration. Si f est morphisme du corps R dans lui même, on a alors f (x + y) =


f (x) + f (y) et f (xy) = f (x) f (y) pour tous x, y dans R.
Avec f (1) = (f (1))2 , on déduit que f (1) = 0 ou f (1) = 1. Si f (1) = 0, alors pour tout
x ∈ R on a f (x) = f (x) f (1) = 0 et f est identiquement nulle. C'est une homothétie de
rapport 0.
On suppose donc que f n'est pas identiquement nulle et on a alors f (1) = 1.
Avec f (x2 ) = (f (x))2 ≥ 0, on déduit que f (x) ≥ 0 pour tout x ≥ 0 et pour x ≥ y dans
R, on a f (x) − f (y) = f (x − y) ≥ 0, ce qui signie que f est croissante. On déduit alors du
théorème précédent que f (x) = x pour tout x ∈ R (λ = f (1) = 1). L'identité est donc le seul
morphisme de corps non identiquement nul de R dans lui même.
Ce résultat sera utilisé dans l'étude de l'équation fonctionnelle f (x ∧ y) = f (x) ∧ f (y) sur
R3 .

Lemme 47.2 Si f vériant (47.1) est continue à droite [resp. à gauche] en 0, alors elle est
continue à droite [resp. à gauche] en tout point de R.

La valeur 0 peut également être remplacée par n'importe quelle valeur.

Théorème 47.2 Si f vériant (47.1) est continue à droite [resp. à gauche] en 0, alors c'est
une homothétie.

Le théorème 47.1 peut aussi se déduire du précédent en utilisant le fait que l'ensemble des
points de discontinuité d'une fonction monotone sur un intervalle est au plus dénombrable.

Théorème 47.3 Si f vériant (47.1) est bornée sur un intervalle [a, b] avec a < b, alors c'est
une homothétie.

Démonstration. Soient m ≤ M deux réels tels que m ≤ f (x) ≤ M pour tout x ∈ [a, b] .
Pour x ∈ [0, b − a] , on a x + a ∈ [a, b] , donc m ≤ f (x + a) ≤ M et avec (47.1) , on obtient :

m′ = m − f (a) ≤ f (x) ≤ M ′ = M − f (a)

pour tout x ∈ [0, b − a] . [ ]


b−a
Pour n ∈ N \ {0} et x ∈ 0, , on a nx ∈ [0, b − a] , de sorte que m′ ≤ f (nx) =
n
m′ M′
nf (x) ≤ M ′ et ≤ f (x) ≤ .
n n [ ′ ]
m M′
Si on se donne un réel ε > 0, il existe un entier n ≥ 1 tel que , soit contenu dans
[ ] n n
b−a
]−ε, ε[ et pour tout x ∈ 0, , on a −ε < f (x) < ε. On a donc ainsi montré que f est
n
continue à droite en 0. C'est donc une homothétie.

Remarque 47.1 On peut montrer que si f vériant (47.1) est bornée sur un ensemble mesu-
rable de mesure non nulle (pour la mesure de Lebesgue), alors elle est bornée sur un intervalle
et c'est une homothétie (voir [?], p. 63).

Remarque 47.2 On peut également montrer (voir [?], p. 75) que si f vériant (47.1) est
mesurable, alors c'est une homothétie.
L'équation fonctionnelle f (xy) = f (x) + f (y) sur R∗ 1171

On peut aussi s'intéresser à l'équation fonction (47.1) pour les fonctions à valeurs complexes,
ce qui revient à étudier les morphismes de groupes de (R, +) dans (C, +) . Pour un tel morphisme
f, g = ℜ (f ) (partie réelle de f ) et h = ℑ (f ) (partie imaginaire de f ) sont des morphismes du
groupes (R, +) dans lui même. De l'étude précédente, on déduit alors le résultat suivant.

Théorème 47.4 Soit f un morphisme de groupes de (R, +) dans (C, +) . Si l'une des deux
conditions suivantes est réalisée :
 f est continue en 0 ;
 f est bornée sur un intervalle non réduit à un point ;
il existe alors un nombre complexe α tel que f (x) = αx pour tout réel x.

On peut aussi s'intéresser à l'équation fonction (47.1) pour les fonctions de C dans C, ce qui
revient à étudier les morphismes de groupes de (C, +) dans lui même. Pour une telle application,
on a pour tout z = x + iy ∈ C, f (z) = f (x) + f (iy) .
Si, par exemple, f est continue en 0, il en est de même des fonctions d'une variable réelle
x 7→ f (x) et y 7→ f (iy) et le résultat du paragraphe qui précède nous dit qu'il existe deux
constantes complexes α, β telle que f (x) = αx et f (iy) = βy pour tous réels x, y. On a donc :
z+z z−z
f (z) = α +β = γz + δz,
2 2i
où γ, δ sont deux constantes complexes.
On a un résultat analogue pour f bornée sur un disque centré en 0 et non réduit à un point.

47.2 L'équation fonctionnelle f (xy) = f (x) + f (y) sur R∗


Si on s'intéresse à l'équation fonctionnelle qui consiste à déterminer toutes les fonctions
f : R → R telles que :
∀ (x, y) ∈ R2 , f (xy) = f (x) + f (y)
On voit facilement que la fonction identiquement nulle est la seule solution de cette équation
sur R. En eet f = 0 est solution et réciproquement pour une telle fonction on a f (0) =
f (x · 0) = f (x) + f (0) et f (x) = 0 pour tout réel x.
On s'intéresse donc à cette équation fonctionnelle pour les fonctions dénies sur R∗ .
(Si f est
2)
solution, avec f (1) = f (12 ) = 2f (1) , on déduit que f (1) = 0, puis avec 0 = f (1) =
f (−1) = 2f (−1) que f (−1) = 0 et enn avec f (−x) = f (−1) + f (x) que f (−x) = f (x)
pour tout x ∈ R, c'est-à-dire que f est paire.
Il sut donc d'étudier l'équation fonctionnelle :
( )2
∀ (x, y) ∈ R+,∗ , f (xy) = f (x) + f (y) (47.2)

On s'intéresse tout d'abord aux solutions dérivables sur R+,∗ de cette équation fonctionnelle.

Lemme 47.3 Les solutions dérivables sur R+,∗ de (47.2) sont les fonctions dénies par :
∫ x
dt
∀x ∈ R +,∗
, f (x) = λ ,
1 t
où λ est une constante réelle.
1172 Équations fonctionnelles

Ce résultat nous conduit à dénir la fonction


∫ logarithme comme la primitive sur R+,∗ nulle
x
1 dt
en 1 de la fonction x 7→ , soit ln (x) = pour tout x > 0. Les résultats précédents
x 1 t
nous disent alors que les solutions dérivables sur R∗ de l'équation fonctionnelle (47.2) sont les
fonctions dénies par f (x) = λ ln (|x|) pour tout x ∈ R∗ .
Avec ln′ (x) > 0 sur R+,∗ on déduit que ln est strictement croissante sur R+,∗ et avec ln (2) >
ln (1) = 0, ln (2n ) = n ln (2) que cette fonction n'est pas bornée. On a donc lim ln (x) = +∞.
( ) ( ) x→+∞
1 1
Avec ln = − ln (x) (conséquence de ln x = 0), on déduit que lim ln (x) = −∞.
x x x→0
La fonction ln est donc continue strictement croissante de R sur R, c'est donc un homéo-
+,∗

morphisme et sa fonction réciproque est la fonction exponentielle x 7→ ex . Cette fonction est


donc dénie par :
(x ∈ R et y = ex ) ⇔ (y > 0 et x = ln (y)) .
Avec ln′ (x) > 0, on déduit du théorème de dérivation des fonctions réciproques que la
fonction exponentielle est dérivable avec (ex )′ = ex pour tout x ∈ R.
De ln (xy) = ln (x) + ln (y) pour tous x, y dans R+,∗ , on déduit que la fonction exponentielle
est une solution de l'équation fonctionnelle :
∀ (x, y) ∈ R2 , f (x + y) = f (x) f (y) . (47.3)
Si f est solution de (47.2) sur R+,∗ , alors la fonction g dénie sur R par g (t) = f (et ) vérie
l'équation fonctionnelle de Cauchy et on déduit le résultat suivant.

Théorème 47.5 Soit f vériant l'équation fonctionnelle (47.2) sur R+,∗ . Si l'une des condi-
tions suivantes est vériée :
 f est monotone ;
 f est continue à droite en 1 ;
 f est bornée sur un intervalle non réduit à un point dans R+,∗ ;
il existe alors une constante réelle λ telle que f (x) = λ ln (x) pour tout réel x ∈ R+,∗ .

Remarque 47.3 On peut en fait construire la fonction logarithme népérien avec un minimum
de moyens et sans utiliser le calcul intégral. Les fonctions puissances rationnelles x 7→ xr , où
r ∈ Q et x ∈ ]0, +∞[ étant supposées construites. Cette construction est décrite avec l'exercice
qui suit.

Exercice 47.1

1. Montrer que, pour tout réel x > 0, on a lim ( n x) = 1.
n→+∞
2. Pour tout entier n ≥ 1, on dénit la fonction un par :
(√ )
∀x ∈ R+,∗ , un (x) = n n
x−1

(a) Montrer que la fonction vn = un − un+1 est strictement décroissante sur ]0, 1[ , stric-
tement croissante sur ]1, ∞[ avec vn (1) = 0.
(b) En déduire que, pour tout réel x ∈ R+,∗ \ {1} , la suite (un (x))n∈N∗ est strictement
décroissante.
(c) Montrer que la suite (un (x))n≥1 converge(vers)
un réel λ (x) avec λ (x) = 0 pour
1
x = 1, λ (x) > 0 pour x > 1 et λ (x) = −λ < 0 pour 0 < x < 1.
x
L'équation fonctionnelle f (xy) = f (x) + f (y) sur R∗ 1173

3.
(a) Montrer que pour x > 0, y > 0 et n ≥ 1, on a :
un (x) un (y)
un (xy) = un (x) + un (y) +
n

(b) En déduire que la fonction λ est solution de (47.2) sur R+,∗ .


(c) Montrer que, pour tout réel x > 0, on a :
x−1
≤ λ (x) ≤ x − 1
x

(d) Montrer que λ est dérivable en 1 et préciser la valeur du nombre dérivé.


1
(e) En déduire que λ est la primitive sur R+,∗ de nulle en 1.
x
Solution 47.1

√ 1 1
1. Avec n 1 = 1 et n
= √ , il sut de montrer le résultat pour x > 1. On suppose donc
x n
x
que x > 1. √
En posant αn (x) = n x − 1, on a αn (x) > 0 pour tout n ≥ 1 et en utilisant la formule
du binôme de Newton, on a :

x = (1 + αn (x))n > 1 + nαn (x) ,

et :
x−1
0 < αn (x) <
n

et en conséquence lim (αn (x)) = 0, ce qui est encore équivalent à lim ( n x) = 1.
n→+∞ √ n→+∞
On peut aussi procéder comme suit. Pour x > 1, la suite ( n x)n∈N∗ est strictement dé-
√ √ √ √
croissante ( n+1 x < n x équivaut à x < x n = x n x encore équivalent à n x > 1) et
n+1

minorée par 1, elle converge donc


√ vers un réel ℓ (x) ≥ 1. Si ℓ (x) > 1, pour λ ∈ ]1, ℓ (x)[
il existe un entier n0 tel que x > λ pour tout n ≥ n0 , ce qui entraîne x > λn pour tout
n

n ≥ n0 qui est incompatible avec lim λn = +∞. On a donc ℓ (x) = 1.


n→+∞
2.
(a) La fonction vn est indéniment dérivable sur R+,∗ avec, pour tout réel x > 0 :
( 1
)
vn′ (x) = x n −1 − x n+1 −1 = x− − x− n+1 = x− n+1 x n(n+1) − 1 .
1 1 n−1 n n
n

La fonction vn est donc strictement décroissante sur ]0, 1[ , strictement croissante


sur ]1, ∞[ avec vn′ (1) = vn (1) = 0.
(b) Il en résulte que vn (x) > 0 pour tout x ∈ R+,∗ \ {1} , ce qui équivaut à un (x) <
un+1 (x) et la suite (un (x))n∈N∗ est strictement décroissante. Pour x = 1, la suite
(un (1))n∈N∗ est constante égale à 0.
( ) ( )
1 1 un (x) √
(c) Avec un (1) = 0, un =n √ −1 = − √ et lim ( n x) = 1, il sut de
x n
x n
x n→+∞
montrer le résultat pour x > 1. On suppose donc que x > 1.
1174 Équations fonctionnelles

Dans ce cas la suite (un (x))n∈N∗ est strictement décroissante minorée par 0, elle est
donc convergente vers un réel λ (x) ≥ 0. En fait, avec :
(√ )n (√ ) (( √ )n−1 √ )
x−1= n
x −1= n
x−1 n
x + ··· + x + 1
n


et ( n x)k < x pour x > 1, n ≥ 2 et 0 ≤ k ≤ n − 1 (c'est équivalent à xk < xn ou à
( ) √ x−1
xk xn−k − 1 > 0), on déduit que x − 1 < n ( n x − 1) x et un (x) > qui donne
x
x−1
λ (x) ≥ > 0.
x
1
Pour 0 < x = < 1 avec t > 1, on a :
t
( )
1 un (t)
un (x) = un =− √ n
→ = −λ (t) < 0.
t t n→+∞
3. En xant y > 0 et dérivant par rapport à x, on a :
∂ ∂
un (xy) = n (xy) n = y (xy) n −1 = x n −1 y n
1 1 1 1

∂x ∂x
et :
( )
∂ un (x) un (y) ∂ ( 1) ∂ ( 1)
un (x) + =n xn + x n un (y)
∂x n ∂x ∂x
( 1 )
= x n −1 + x n −1 y n − 1 = x n −1 y n
1 1 1 1

il existe donc une constant cn (y) telle que :


un (x) un (y)
∀x > 0, un (xy) = un (x) + + cn (y)
n
et x = 1 donne cn (y) = un (y) .
4. Le passage à la limite quand n tend vers l'inni nous donne pour x > 0 et y > 0 :
λ (xy) = λ (x) + λ (y) + λ (x) · λ (y) .0 = λ (x) + λ (y)
x−1
5. On a déjà vu en 2.c. que ≤ λ (x) pour x > 1. Toujours avec :
x
(√ )n (√ ) (( √ )n−1 √ )
x−1= n
x −1= n
x−1 n
x + ··· + x + 1
n


on déduit que x − 1 ≥ n ( n x − 1) = un (x) pour x > 1 et faisant tendre n vers l'inni que
x − 1 ≥ λ (x) .
ON a donc, pour x > 1 :
x−1 1
= 1 − ≤ λ (x) ≤ x − 1
x x
( )
1
Pour x = 1, ces inégalités sont des égalités et pour 0 < x < 1, tenant compte de λ =
x
−λ (x) , on a :
1
1 − x ≤ −λ (x) ≤ − 1
x
soit :
1 x−1
1− = ≤ λ (x) ≤ x − 1
x x
L'équation fonctionnelle f (x + y) = f (x) f (y) sur R 1175

6. Tenant compte de λ (1) = 0, on a alors, pour x > 1 :


1 λ (x) − λ (1)
≤ ≤1
x x−1
et pour 0 < x < 1 :
1 λ (x) − λ (1)
≥ ≥1
x x−1
λ (x) − λ (1)
ce qui entraîne lim = 1 et λ est dérivable en 1 avec λ′ (1) = 1.
x→1 x−1
7. Pour x0 > 0 et x0 ̸= 1, on a :
( ) ( )
λ (x) − λ (x0 ) λ x0 x0 − λ (x0 )
x
1 λ x0
x

= ( ) =
x − x0 x x
−1 x0 xx0 − 1
0 x0

λ (x) − λ (x0 ) 1 1
et lim = . La fonction λ est donc dérivable en x0 , de dérivée égale à .
x→x0 x − x0 x0 x0
1
En dénitive, λ est la primitive sur R de nulle en 1.
+,∗
x

47.3 L'équation fonctionnelle f (x + y) = f (x) f (y) sur R


En utilisant la fonction ln et les résultats sur l'équation fonctionnelle de Cauchy, on peut
étudier l'équation fonctionnelle (47.3) .
Lemme 47.4 Si f non identiquement nulle vérie l'équation fonctionnelle (47.3) , elle est alors
à valeurs strictement positive et la fonction g = ln ◦f vérie l'équation fonctionnelle (47.1) .
De l'étude des morphismes du groupe additif de R dans lui même, on déduit alors les résultats
suivants.
Théorème 47.6 Soit f non identiquement nulle vériant l'équation fonctionnelle (47.3) . Si
l'une des conditions suivante est réalisée :
 f est monotone ;
 f est continue à droite en 0 ;
 f est bornée sur un intervalle réel non réduit à un point ;
il existe alors un réel α tel que f (x) = eαx pour tout x ∈ R.

47.4 L'équation fonctionnelle f (xy) = f (x) f (y) sur R+,∗


Si f est solution de l'équation fonctionnelle :
( )2
∀ (x, y) ∈ R+,∗ , f (xy) = f (x) f (y) ,
alors la fonction g dénie sur R par g (x) = f (ex ) vérie l'équation fonctionnelle (47.3) .
Si f est monotone, il en est de même de g (la fonction exponentielle est croissante), donc
g (x) = eαx et pour tout t > 0 :
f (t) = f (ex ) = g (x) = eαx = eα ln(t) = tα .
Si f est continue à droite en 1, alors g est continue à droite en 0 et f (t) = tα pour tout
t > 0.
Si f est bornée sur un intervalle [a, b] avec 0 < a < b, alors g est bornée sur [ln (a) , ln (b)] et
f (t) = tα pour tout t > 0.
1176 Équations fonctionnelles

47.5 L'équation fonctionnelle f (x + y)+f (x − y) = 2f (x) f (y)


sur R
On suppose connues les fonctions trigonométriques et hyperboliques.
Les fonctions cos et ch vérient l'équation fonctionnelle :

∀ (x, y) ∈ R2 , f (x + y) + f (x − y) = 2f (x) f (y) (47.4)

Lemme 47.5 Si f est une fonction non identiquement nulle vériant (47.4) alors f est paire
et f (0) = 1.

On suppose que f est une fonction continue sur R qui vérie l'équation fonctionnelle (47.4) .
Avec la continuité en 0 et f (0) = 1 on déduit qu'il existe un réel α > 0 tel que f (x) > 0
pour tout x ∈ [−α, α] . On se xe un tel réel α. [ π]
Si |f (α)| ≤ 1, on peut alors trouver un unique réel θ ∈ 0, tel que f (α) = cos (θ) .
2
p
Lemme 47.6 Pour tout rationnel r = avec (p, n) ∈ N2 , on a f (rα) = cos (rθ) .
2n
Théorème 47.7 Avec les hypothèses et notations qui précèdent, il existe un réel λ > 0 tel que
f (x) = cos (λx) pour tout x ∈ R.

Si |f (α)| > 1 en écrivant que f (α) = ch (θ) avec θ > 0, on aboutit à f (x) = ch (λx) .

Remarque 47.4 Si on suppose la fonction f non identiquement nulle et deux fois dérivable
sur R, la résolution de l'équation fonctionnelle (47.4) est beaucoup plus simple. En dérivant
deux fois l'équation (47.4) par rapport à x, pour y réel xé, on obtient f ′′ (x + y) + f ′′ (x − y) =
2f ′′ (x) f (y) et pour x = 0, en tenant compte de la parité de f, on a f ′′ (y) = f ′′ (0) f (y)
avec f (0) = 1. D'autre part, en dérivant par rapport à y et en faisant y = 0, on obtient
2f (x) f ′ (0) = 0 pour tout réel x, ce qui entraîne f ′ (0) = 0 puisque f n'est pas la fonction
nulle. En dénitive, f est solution de f ′′ = f ′′ (0) f avec f (0) = 1 et f ′ (0) = 0, ce qui équivaut
à f (x) = cos (λx) pour f ′′ (0) = −λ2 ≤ 0 ou f (x) = ch (λx) pour f ′′ (0) = λ2 ≥ 0.

47.6 L'exponentielle complexe


On note Γ = {z ∈ C | |z| = 1} le groupe unitaire dans C∗ .

Lemme 47.7 Les seuls morphismes de groupes continus de (R, +) dans (Γ, ·) sont les applica-
tions x 7→ eiαx avec α ∈ R.

Théorème 47.8 Les seuls morphismes de groupes continus de (R, +) dans (C∗ , ·) sont les
applications x 7→ eαx avec α ∈ C.
L'équation fonctionnelle f (x + 1) = xf (x) . Fonction Γ 1177

47.7 L'équation fonctionnelle f (x + 1) = xf (x) . Fonction Γ


Pour tout réel x strictement positif, la fonction t 7→ f (x, t) = tx−1 e−t est intégrable sur
]0, +∞[ . En eet avec lim tx−1 e− 2 = 0, on déduit que pour t assez grand on a 0 ≤ tx−1 e−t ≤
t

t→+∞
∫ +∞
e , ce qui entraîne la convergence
− 2t
f (x, t) dt, et avec tx−1 e−t v tx−1 on déduit la conver-
t→0
∫ 1 1

gence f (x, t) dt puisque x − 1 < 1.


0
On peut donc dénir la fonction gamma d'Euler par :
∫ +∞
∀x > 0, Γ (x) = tx−1 e−t dt.
0

En utilisant une intégration par parties, on montre le résultat suivant.

Lemme 47.8 La fonction gamma vérie l'équation fonctionnelle :


∀x > 0, Γ (x + 1) = xΓ (x) .
∫ +∞
Avec Γ (1) = e−t dt = 1, on déduit de cette équation fonctionnelle que Γ (n + 1) = n!
0
pour tout entier naturel n.
Une dénition équivalente de la fonction gamma est donnée par le résultat suivant.

Lemme 47.9 (Euler) On a :


n!nx
∀x > 0, Γ (x) = lim .
n→+∞ x (x + 1) · · · (x + n)

Lemme 47.10 La fonction gamma est indéniment dérivable sur R+,∗ avec pour tout entier
naturel k et tout réel strictement positif x :
∫ +∞
Γ (k)
(x) = (ln (t))k tx−1 e−t dt.
0

Lemme 47.11 La fonction Γ est log-convexe sur R+,∗ .


Théorème 47.9 (Artin) Si f : R+,∗ → R+,∗ est une solution de l'équation fonctionnelle
f (x + 1) = xf (x) , continûment dérivable et logarithmiquement convexe, alors il existe une
constante λ telle que f = λΓ.

47.8 L'équation fonctionnelle f (x ∧ y) = f (x) ∧ f (y) sur R3


Pour ce paragraphe on note E l'espace vectoriel R3 muni de sa base canonique B = (e1 , e2 , e3 )
et de sa structure euclidienne canonique dénie par le produit scalaire :
( )

3 ∑
3 ∑
3
(x, y) = xi ei , yi ei 7→ ⟨x | y⟩ = xi yi ,
i=1 i=1 i=1

la norme associée étant notée ∥x∥ .


1178 Équations fonctionnelles

Dans ce qui suit nous allons montrer que les rotations sont les seules applications non iden-
tiquement nulles qui conservent le produit vectoriel.
On se donne donc une application f : E → E telle que :
∀ (x, y) ∈ E 2 , f (x ∧ y) = f (x) ∧ f (y) (47.5)
Avec f (0) = f (0)∧f (0) , on déduit que f (0) est orthogonal à lui même, donc que ∥f (0)∥2 =
⟨f (0) | f (0)⟩ = 0 et f (0) = 0.

Lemme 47.12 Si f s'annule en un vecteur x0 non nul alors f est identiquement nulle.
Dans ce qui suit on suppose que f est une solution non identiquement nulle de l'équation
fonctionnelle (47.5) . On a donc f (0) = 0 et f (x) ̸= 0 pour tout x ∈ E − {0} .
Dans un premier temps on montre que l'application f est nécessairement linéaire.

Lemme 47.13 Les vecteurs f (x) et f (y) sont liés si, et seulement si, les vecteurs x et y le
sont.

Lemme 47.14 Pour tous x, y dans E on a f (x + y) = f (x) + f (y) .


Lemme 47.15 Pour tout vecteur x et tout réel λ on a f (λx) = λf (x) .
De ces lemmes on déduit donc que f est linéaire.

Lemme 47.16 Si les vecteurs x, y sont orthogonaux dans E alors il en est de même des vecteurs
f (x) et f (y) .

Lemme 47.17 Si x ∈ E est tel que ∥x∥ = 1 alors ∥f (x)∥ = 1.


Théorème 47.10 Les seules solutions non identiquement nulles de l'équation fonctionnelle
(47.5) sont les rotations.

47.9 D'autres équations fonctionnelles sous forme d'exer-


cices
Exercice 47.2 Déterminer toutes les fonctions f : R → R continues en 0 telles que :
∀ (x, y) ∈ R2 , f (x + y) − f (x − y) = f (x) f (y)

Exercice 47.3 Soit f :)R → R telle que f (1) = 1, f (x + y) = f (x) + f (y) pour tout
(
1
(x, y) ∈ R2 et f (x) f = 1 pour tout x ∈ R∗ .
x
Montrer que f (x) > 0 pour tout x ∈ R+,∗ , que f est croissante et conclure.

Exercice 47.4 Soit f : R → R vériant l'équation fonctionnelle de Jensen :


( )
x+y f (x) + f (y)
∀ (x, y) ∈ R ,
2
f = .
2 2
1. Montrer que :
∀x ∈ R, f (2x) = 2f (x) − f (0) .
D'autres équations fonctionnelles sous forme d'exercices 1179

2. Montrer que la fonction g dénie sur R par g (x) = f (x) − f (0) vérie l'équation fonc-
tionnelle de Cauchy.
3. Montrer que si f est monotone [resp. continue à droite en 0] alors elle est ane.

Exercice
( 47.5 )On dit qu'une suite de réels (xn )n∈N converge au sens de Cesàro vers ℓ si la
1 ∑n
suite xk est convergente vers ℓ. On dit qu'une fonction f : R → R conserve la
n k=1 n∈N∗
convergence au sens de Cesàro si pour toute suite (xn )n∈N qui converge au sens de Cesàro vers
ℓ, la suite (f (xn ))n∈N converge au sens de Cesàro vers f (ℓ) .
On se donne une fonction f : R → R qui conserve la convergence au sens de Cesàro.
1. Montrer que f vérie l'équation fonctionnelle de Jensen.
2. Montrer que pour tout couple de réels (x, y) et tout couple d'entiers (n, k) tels n ∈ N et
0 ≤ k ≤ 2n , on a :
( )
k k
f x + n (y − x) = f (x) + n (f (y) − f (x)) .
2 2

3. Montrer que f est une fonction ane.

Exercice 47.6 Soit f : C → R telle que f (1) = 1 et f (z1 z2 ) = f (z1 ) f (z2 ) pour tous z1 , z2
dans C.
1. Montrer que f (z) > 0 pour tout z ∈ C∗ .
On suppose que f est continue en 0 et en 1.
2. Montrer qu'il existe un réel α positif ou nul tel que f (x) = xα pour tout x ∈ R+,∗ .
3. Montrer que f (eit ) = 1 pour tout réel t.
4. Conclure.
1180 Équations fonctionnelles

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