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RECAMP

Le concept français de renforcement des capacités africaines


de maintien de la paix ou l’incidence de l’ONU sur la
politique africaine de la France.

Mémoire de géopolitique

du chef de bataillon Renaud DEVOUGE

dans le cadre de l’étude dirigée « les organisations internationales et la


prévention des crises »

Directeur : Mr Thierry TARDY


Fondation pour la Recherche stratégique

Avril 2001
-2-

FICHE DE PRESENTATION

1. RECAMP, le concept français de renforcement des capacités africaines de maintien


de la paix ou l’incidence de l’ONU sur la politique africaine de la France

2. Chef de Bataillon (Terre) Renaud DEVOUGE

3. 5 Avril 2001

4. Division D

5. Mémoire de géopolitique

La France a conservé des relations privilégiées avec ses anciennes colonies africaines,
devenues après les indépendances le « pré carré » français. Suspectée de
néocolonialisme, condamnée pour ses interventions en Afrique par la communauté
internationale, la France a, au milieu des années 90, réorienté son action vers un
partenariat euro-africain qui trouve son aboutissement dans le concept RECAMP et qui
lui permet de conserver sa place en Afrique, et même d’affirmer son influence, en toute
légitimité.

6. Mots clés : RECAMP, ONU, OUA, CEDEAO, SADC, CEAC, Afrique, France,
Europe, États-Unis, Opérations de maintien de la paix.
- 49 -

Le concept français de renforcement des capacités africaines de


maintien de la paix ou l’incidence de l’ONU sur la politique africaine de
la France.

SOMMAIRE

Introduction

1ÈRE PARTIE :

L’ÉVOLUTION DE LA GESTION DES CRISES PAR L’ONU DANS LES ANNÉES 90 ET SON
IMPLICATION SUR LE CONTINENT AFRICAIN

LES SUCCÈS DIPLOMATIQUES FRANÇAIS FACE À L’INEXPÉRIENCE

ONUSIENNE

UNE GESTION DES CRISES AMENDÉE PAR L'ONU DANS LA DÉCENNIE 90

L'ONU À LA RECHERCHE D'UN PARTENARIAT AVEC LES ORGANISATIONS

RÉGIONALES AFRICAINES

2ÈME PARTIE :

LA RENOUVEAU, CONFORME AUX ORIENTATIONS DE L’ONU, DE LA POLITIQUE


AFRICAINE DE LA FRANCE

DE LA FIN DE L’INTERVENTIONNISME AU PARTENARIAT

UNE DÉMARCHE COHÉRENTE AVEC CELLE DES ALLIÉS

CONSERVER UN LIEN PRIVILÉGIÉ AVEC L’AFRIQUE

CONCLUSION
-4-

Introduction

Le déploiement de la force interafricaine de surveillance des accords de Bangui


(MISAB), relevée quelques mois plus tard par la mission des Nations Unies en
République Centrafricaine (MINURCA), mettait fin à une longue période de crise
interne, qui avait vu se développer trois mutineries successives d'une partie de l'armée
centrafricaine entre 1996 et 1997.
Cette force de 500 hommes, armée par des contingents du Burkina Faso, du Gabon, du
Mali, du Sénégal et du Tchad et du Togo, fut l'un des premiers exemples de la prise en
compte directe par les pays africains de la nécessité de gérer une crise. Cet événement
n'est pas l'expression d'une prise de conscience brutale d’une nouvelle dimension
africaine, mais la preuve de la transformation progressive des relations des pays africains
entre eux d’abord, avec les pays extérieurs au continent noir ensuite.

D'autres manifestations de cette évolution ont eu lieu depuis la fin des années 1980, avec
la participation de pays africains à la guerre du golfe, aux côtés des nations occidentales,
et la prise en compte de la crise du Libéria par l'ECOMOG.
Djib Diédhiou, éditorialiste au quotidien sénégalais le Soleil le remarquait en 1998,
lorsqu'il écrivait : « la légion ne sautera plus sur Kolwezi. Quant aux Marines, ils n'iront
plus crapahuter à Mogadiscio, sous les caméras des chaînes de télévision rameutées
pour la circonstance. Est-ce la fin de l'interventionnisme ? (...) Plus question pour les
occidentaux d'envoyer un seul de leurs concitoyens mourir à des milliers de kilomètres
de son pays au nom de "la défense des libertés". (...) Et comme pour adhérer au slogan
"l'Afrique aux Africains", ils ont décidé de laisser ces derniers régler eux-mêmes leurs
conflits. »
Bien sûr, ce constat du journaliste est outrancier. Mais il indique assez clairement avec
quel état d’esprit une partie de l’opinion publique africaine accueille les bouleversements
récents qui ont marqué les relations entre les pays occidentaux et les pays africains, et
plus encore les relations franco-africaines.

Car la France est bien au cœur du débat, grâce à – ou à cause de –sa position longtemps
dominante parmi les nations occidentales impliquées en Afrique.
Sur le plan militaire, en particulier, le redéploiement de ses forces dû à la
professionnalisation décidée en 1996 a modifié profondément le paysage diplomatique
africain, tout autant que la diminution très sensible de la coopération, civile ou militaire.
L’arrivée dans les cercles politiques d’une nouvelle génération de décideurs, d’autant
moins concernés par l’Afrique qu’ils se sentent attirés par l’ouverture de l’Europe de
l’Est, a augmenté le sentiment de changement d’époque. C’est au moins la perception
qu’en a Béchir Ben Yahmed, observateur depuis plus de quarante ans des relations
franco-africaines lorsqu’il écrit : « Ni Giscard, qui courtisait l’Afrique et les Africains
- 49 -

bien avant d’être président – il pensait même qu’il ne pourrait le devenir qu’en étant
« africain » - , ni Mitterrand qui, lui, se considérait comme un Africain d’honneur, ne
songèrent à rogner la place de l’Afrique en France et de la France en Afrique, ou à
diminuer l’interdépendance et l’interpénétration. Il faudra attendre Édouard Balladur
(1993) puis Hubert Védrine (1997) pour que la France, sans le dire expressément, tire
un trait sur sa dimension africaine. Alors, l’Afrique apparaîtra peu à peu, non pas
comme un atout, mais comme un boulet1. »

Les relations internationales ne se font heureusement pas que dans les médias, et l’action
de la France en Afrique n’est pas aussi déliquescente que les éditorialistes veulent bien le
laisser entendre.
Bien au contraire, elle est marquée depuis quelques années par une réorientation
importante dans la mesure ou la France tente, avec succès, de ne plus jouer cavalier seul
et d’impliquer ses partenaires européens sur un continent ou beaucoup d’entre eux
pensaient n’avoir rien à apporter.
Le concept de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP)
est très représentatif de cette évolution, d’autant plus qu’il s’inscrit dans un mouvement
général initié par les Nations Unies.
En effet, les crises très importantes qu’ont connu tant l’Afrique que les Balkans depuis la
chute du mur de Berlin ont montré à quel point il était vain de croire à l’établissement
d’un nouvel ordre mondial exempt de tout conflit d’intérêt. Elles ont montré également
l’inadaptation relative des structures internationales héritées de la guerre froide, et la
nécessité de les rénover.
Ce travail de réflexion et de transformation a été accompli par les Nations Unies et les
principales organisations régionales, comme l’OUA. La France s’en est inspirée pour
rénover elle aussi les fondements de sa coopération avec l’Afrique, lui donnant
davantage de relief en élargissant ses perspectives.



1
Éditorial de Jeune Afrique, n° 2089, semaine du 27 mars au 2 avril, édition internationale.
-6-

1ère Partie : l’évolution de la gestion des crises par l’ONU dans les années 90 et son
implication sur le continent africain

I.1. Les succès diplomatiques français face à l’inexpérience onusienne

I.1.1. Une décolonisation française assez bien réussie

 Le mouvement vers l’indépendance

Contrairement à une idée largement répandue, l'accession à l'indépendance des colonies


françaises au tournant des années soixante s'est déroulé en bon ordre, et dans une
compréhension mutuelle réelle entre les nouveaux États et l’ancienne métropole. Les
épisodes de la guerre d'Indochine et de la guerre d'Algérie, pour dramatiques qu'il
fussent, n'ont pas été la règle générale.

Cette décolonisation a été l'aboutissement d'une dynamique initiée dès 1947 au moment
de l'indépendance de l'Inde, et traitée dans un contexte international assez tendu dans
lequel la nouvelle Organisation de Nations Unies tenait une place importante. Jusqu'en
1954, la France avait été épargnée par les critiques des pays du bloc de l'Est, alors que le
Royaume Uni et les Pays Bas étaient, eux, fortement mis en cause. La crise de Suez, au
cours de laquelle la France, la Grande Bretagne et Israël intervinrent militairement en
Egypte sonna le glas de l'immunité de la France dans le cercle des Nations Unies.

Ce mouvement général vers l’indépendance a généré une vague de contestation parmi


les pays africains qui avaient adhéré le 28 septembre 1958 au principe de la Communauté
souhaitée par le général de Gaulle. En 1958, la Guinée, sortie de la Communauté, entrait
à l'ONU et devenait le premier pays francophone d'Afrique à intégrer l'Organisation. En
montrant l'exemple, elle entraînait derrière elle les autres Etats de la Communauté et, en
1960, la plupart des nouveaux Etats africains étaient admis aux Nations Unies.

Ils ne coupaient pas pour autant les ponts avec l'ancienne puissance coloniale, non plus
qu'ils ne déniaient à la France son autorité. Au contraire, ces nouveaux pays
revendiquaient l'appui de la France pour les aider à s'affirmer comme des partenaires à
part entière de la communauté internationale. Tous les délégués africains de l'assemblée
des Nations Unies souhaitaient rendre hommage à l'ancienne métropole « et à son chef
prestigieux, le général de Gaulle, qui a su comprendre à temps que nous avions atteint
- 49 -

le moment de la maturité et de l'indépendance1. » Pour autant, cette position favorable


à la France, si elle est partagée par la majorité des pays africains, n’a pas fait l'unanimité
puisque le représentant du Mali, M. Mamadou Aw, dans sa déclaration à la tribune de
l’ONU, s’est inscrit radicalement contre le parrainage proposé par la France. Cette
divergence de vue qui sur le moment avait fait grand bruit, méritait d'être relevée.

 Vers la coopération

Pour autant, les relations entre la France et ses anciennes colonies restèrent scellées par
la confiance, comme en témoigne la signature, sur le plan militaire, de nombreux accords
de défense et de coopération bilatéraux2 dans les mois qui ont suivi ces indépendances.
Ces relations sereines entre l’ancienne métropole et ses anciennes colonies ont continué
d’être marquées par la signature de nouveaux accords du même ordre, qui étaient suivis
par le ministère (ou le secrétariat d’Etat, selon les époques) de la Coopération.

Sans prétendre faire ici l’historique de cette période, il ne faut pas omettre de préciser
que ces accords militaires ont été signé en même temps que d’autres accords
économiques, monétaires ou techniques qui étaient voulus par le général de Gaulle dans
le but de favoriser l’accession à l’indépendance dans les meilleurs conditions possibles. A
cette époque, en outre, la plupart des nouveaux Etats ne disposaient pas de réelles forces
armées. Ainsi la France pouvait-elle négocier ces accords et assurer ses interlocuteurs
qu’elle interviendrait à leur profit si le besoin s’en faisait sentir, obtenant en retour
l’autorisation de conserver des bases de déploiement sur ces territoires amis : la
diplomatie française parvenait ainsi à conserver à la France les éléments indispensables à
son rayonnement sur la scène internationale, en dépit de la perte de son empire.

I.1.2. Une forte implication française dans l’aide au développement

Parallèlement à la signature des accords de défense et à la mise en place progressive


d’une coopération militaire, la France a continué d’aider financièrement les pays africains
dans de nombreux autres domaines. Cette aide publique venait principalement de deux

1
Aplogan, Dahomey, cité par Issoufou Saidou Djermakoye, officier dans l’armée française pendant la
deuxième guerre mondiale et chef de la délégation du Niger lors de son admission à l’ONU dans son
article la France et l’arrivée des nouveaux pays africains francophones à l’ONU , in La France et
l’ONU depuis 1945, sous la direction de André Lewin, éditions Arléa – Corlet, Paris, 1995.
2
Pour les plus anciens : Centrafrique, 15 août 1960, accord de défense ; Gabon, 17 août 1960, accords
de défense et d’assistance militaire technique ; Burkina Faso et Côte d’Ivoire, 24 avril 1961, accords
d’assistance militaire technique.
-8-

ministères : le ministère de la Coopération dont il a déjà été question et le ministère des


Affaires Etrangères. Le ministère de la Défense, quant à lui, finançait également un
certain nombre de projets de coopération dans les pays où se trouvaient - et se trouvent
encore - des forces prépositionnées.

Le projet de loi de finances de 1998 prévoyait 703 millions de francs pour la Mission
Militaire de Coopération (MMC) dépendant du secrétariat d’Etat à la Coopération et
destinés aux pays « du champ » contre seulement 86 millions de francs au budget du
ministère des Affaires Etrangères, destinés au reste du monde. Le ministère de la Défense
pour la même période prévoyait d’inscrire entre 100 et 200 millions de francs au titre de
la coopération militaire3. Au bilan, depuis les années 1970, la France a assuré à elle seule
environ 20% du total de l’aide à l’Afrique. Pourtant, en dépit du volume de l’aide, du
nombre de coopérants déployés sur le continent africain, « il n’y a aucun lien évident
entre les effectifs de l’assistance technique et le développement économique des pays
africains 4 », ce qui revient peu ou prou à un aveu d’échec et donc incite à une
redéfinition de la place de la Coopération.

Pour réagir à l’éclatement des acteurs, à la relative inefficacité de l’aide, au fait que la
coopération militaire était essentiellement dirigée vers les pays « du champ » alors que de
nombreuses opportunités s’offraient ailleurs, en particulier dans les pays d’Europe de
l’Est, les services de la coopération ont été réorganisés, et placés sous l’autorité du
ministre des Affaires Etrangères. Ainsi est née en 1999 la direction de la coopération
militaire et de défense (DCMD) installée boulevard Saint Germain, en remplacement de
la mission militaire de coopération qui était située rue Monsieur. Cette réorganisation est
loin d’être anodine et le déménagement des bureaux de la coopération était une décision
lourde de sens, notamment au yeux des autorités africaines. Mais elle a surtout permis de
recentrer les crédits, rationalisant ainsi leur utilisation. Ainsi, par exemple, la DCMD
traite aujourd’hui avec ses partenaires africains uniquement en terme de projets précis et
suivis, ce qui n’était pas nécessairement le cas auparavant.

Le rapport cité précédemment précise sans ambiguïté que « la présence française en


Afrique est éminemment politique4. » C’est donc au politique de s’assurer que les
moyens qu’il juge nécessaire soient bien employés. C’est ainsi que le parlement reconnaît
3
Source : avis n° 1114 présenté au nom de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées
sur le projet de loi de finances pour 1999 (n° 1078), tome 1, Affaires étrangères et Coopération, Paris,
Assemblée nationale, 8 octobre 1998, pp. 23-29.
4
Ministère de la Coopération, L’assistance technique française (1960-2000), Paris, La documentation
française, 1994, pp. 72-74.
4
- 49 -

avec satisfaction que « la coopération militaire devient, par son organisation, ses
orientations voire ses budgets, un instrument cohérent de la politique étrangère définie
par le Gouvernement.5 »

I.1.3. L’incompréhension onusienne des spécificités africaines

Seuls trois pays africains étaient présents à la conférence de San Francisco d’avril à juin
1945 qui a vu la naissance de l’ONU : l’Egypte, l’Ethiopie, le Libéria et l’Afrique du Sud
qui était déjà partie, comme les autres dominions britanniques, à la déclaration des
Nations Unies du 1er janvier 1942. La France, elle, n’était pas au nombre du premier
cercle des pays fondateurs, puisqu’elle n’avait pas participé à la conférence de Yalta et
n’était présente à San Francisco qu’en tant que nation invitée.

La perception que l’Assemblée des Nations Unies avait de l’Afrique était donc tronquée
et ne se faisait alors qu’au travers du prisme de ses membres les plus influents.

 La crise du Congo belge

La décolonisation du Congo belge fut beaucoup moins calme que l'accession à


l'indépendance des pays de la Communauté. Les nombreux tiraillements préexistants
entre les différentes communautés de ce géant de l’Afrique équatoriale n'y sont pas
étrangères. Patrice Lumumba, premier chef du gouvernement congolais, célèbre pour ses
talents d'orateur, fut incapable de maintenir la cohésion de son jeune pays. Dès juillet
1960, c'est à dire au lendemain de l'indépendance du 30 juin 1960, l'unité congolaise vola
en éclat sous les coups des militaires au Kasaï et au Katanga, et les européens furent
particulièrement visés lors de ces émeutes, accusés de fomenter des complots contre le
nouvel Etat par la nouvelle radio indépendante de Léopoldville.

L'intervention belge provoqua alors l'implosion du pays et la proclamation de la sécession


du Katanga par Moïse Tshombe. Devant le risque de généralisation du conflit, le nouveau
secrétaire général des Nations Unies, Dag Hammarskjöld, convaincu de son rôle de chef
de file d'un nouvel ordre mondial, déclencha une opération 6 qui se révéla être une

5
avis n° 1864 présenté au nom de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées sur le
projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805), tome 1, Affaires étrangères et Coopération, deuxième
partie, la réforme de la coopération militaire de défense, Paris, Assemblée nationale, 14 octobre 1999, p.
25.
6
ONUC : opération des nations unies au Congo (juillet 1960, juin 1964). A la demande du
gouvernement congolais, le Conseil de sécurité envoie une force de 20 000 hommes rétablir l'ordre et
maintenir l'unité du pays, en réaction à la rébellion katangaise.
- 10 -

véritable expédition néo-coloniale allant même jusqu'à vouloir prendre le contrôle des
institutions du nouvel Etat, plongeant le pays dans la plus grande confusion7.

A cette occasion, le général de Gaulle, sans s'opposer initialement au projet de l'ONU


d’apporter une aide au jeune gouvernement congolais, refusa toute ingérence de
l’organisation dans les affaires intérieures du Congo, insistant sur le fait que l’action de
l’ONU devait être le résultat de la concertation des Etats membres et non l’expression de
la volonté du seul Secrétaire général. De manière à marquer son désaccord, la France
refusa de verser à l’ONU la contribution financière qui lui était demandée, comme aux
autres Etats membres. Cette attitude ferme fut à l’origine de la première crise grave
opposant la France à l’ONU, crise dans laquelle d’autres pays furent impliqués, l’Union
Soviétique prenant le parti français alors que les américains soutenaient la position du
Secrétaire général.

 Les échecs en Somalie

Après la fin de la guerre froide, la méfiance de la France à l’égard de l’ONU diminua


considérablement, au point de voir la France devenir l’un des plus ardents défenseurs du
rôle que l’organisation devrait jouer sur la scène internationale.

Après avoir réussi à retourner la jurisprudence onusienne en 1978 en prenant part, en


dépit de sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, à l’intervention des
Nations Unies au Liban, la France s’est affirmée comme l’un des principaux
contributeurs en troupes de l’Organisation. Elle n’a donc pas hésité à envoyer des forces
en Somalie en 1992 lors du déclenchement de l’ONUSOM I8.

I.2. Une gestion des crises amendée par l'ONU dans la décennie 90

I.2.1. Une réorientation rendue nécessaire après des échecs successifs

7
Voir à ce sujet l’article de M. Thierry Tardy La France et l’ONU : 50 ans de relations contrastées dans
le n° 215 du périodique Regards sur l’actualité, la Documentation française, novembre 1995.
Voir également l’article de M. Maurice Couve de Murville, La France et l’ONU entre 1958 et 1969, in
La France et l’ONU depuis 1945, op. cit.
8
ONUSOM 1 (avril 1992, sept 1993) : Organisation des Nations Unies en Somalie. Pour observer le
cessez le feu entre les parties somaliennes et assurer le convoyage et l'escorte de l'aide humanitaire,
l'ONU envoie 696 observateurs militaires, du personnels de sécurité, des logisticiens, d'appui et de
fonctionnaires civils. Coût de l’opération : 202 millions de francs. Voir résolutions 733 et 746 du Conseil
de sécurité de 1992 (S/RES/733 du 23 janvier 92 et S/RES/746 du 17 mars 92).
- 49 -

 L'électrochoc des années 90

La fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin en 1989 ont créé une vague
d'espoir pacifiste bien naturelle alors qu'il paraissait évident que la fin de l'affrontement
Est-Ouest allait permettre de construire un monde nouveau, décrispé et plus ouvert.
L'éclatement de l'URSS, la réunification de l'Allemagne étaient autant d'événements
prometteurs qui apparaissaient d'autant plus importants que l'ONU elle-même semblait
retrouver une seconde jeunesse avec la fin de l'emploi abusif du veto au Conseil de
sécurité.

Très rapidement les événements sont venus contredire cet espoir, parfois avec une
brutalité certaine. Les crises n'avaient ainsi pas disparu : elles avaient seulement changé,
parfois, de nature. De conflits inter-étatiques, elles sont devenues internes aux Etats,
compliquant dans le même temps la tâche des organisations internationales impliquées
dans l'apaisement des relations entre pays. Les exemples de la Somalie, de la Bosnie ou
du Rwanda illustrent parfaitement les difficultés des Nations Unies au tournant de ces
années 90.

L’exemple de la Somalie est remarquable : devant la situation catastrophique que connaît


ce pays sur le plan alimentaire et sanitaire, causé par une guerre civile qui a fait
disparaître tout structure étatique digne de ce nom, la communauté internationale, après
une campagne de presse bien menée, s’émeut. L’opération ONUSOM I 9 est ainsi
déclenchée. Devant la difficulté que les troupes de l’organisation éprouvent à exécuter
leur mandat, et cédant devant l’insistance des Etats-Unis, le Conseil de sécurité autorise
le déploiement d’une force sous commandement américain : l’UNITAF10. Commence
alors l’opération RESTORE HOPE, dans laquelle seront engagés plus de 16 000 soldats
venant de 28 pays différents.

Cette force connaît heureusement quelques succès sur le plan de la distribution de l’aide
alimentaire aux populations. Toutefois, la frilosité dont le Conseil de sécurité à fait
preuve dans la rédaction de la résolution 794, dans laquelle ni le mandat précis ni les
relations entre l’UNITAF et l’ONUSOM I ne sont précisées conduira à la catastrophe.
Plus de six mois après son déploiement, l’ONU place l’UNITAF sous l’autorité de
l’ONUSOM, qui devient l’ONUSOM II11 en mars 1993.

9
Voir note 8 page précédente.
10
Résolution 794 du Conseil de sécurité en date du 3 décembre 1992 (S/RES/794).
11
ONUSOM II (mars 1993, mars 1995). Créée par le regroupement de l’UNITAF et de l’ONUSOM I,
pour assurer la distribution de l’aide alimentaire, la transition politique et surveiller le cessez-le-feu.
- 12 -

Mais la guerre civile s’est poursuivie, et le 5 juin 1993, 28 casques bleus pakistanais sont
assassinés. L’opération change alors clairement d’orientation et le mandat confié à
l’ONUSOM II dans la résolution 83712 du 6 juin 1993 consiste clairement à engager les
forces à s’emparer du général Aydiid, l’un des chefs de la guérilla. Le point 5 de la
résolution précise que « le secrétaire général est autorisé (…) à prendre à l’encontre de
tous ceux qui sont responsables des attaques armées (…) toutes les mesures (…) pour
qu’une enquête soit ouverte sur les actions des responsables et que ceux-ci soient
arrêtés et détenus pour être traduits en justice, jugés et punis. »

Cette opération sera un échec. Le gouvernement de M. Bill Clinton, après la mort de 18


soldats américain, décidera de se retirer du théâtre alors qu’il y avait engagé des moyens
considérables. Le départ des américains sera effectif au printemps 1994. Le mandat de
l’ONUSOM II, qui expire en mars 1995, ne sera pas renouvelé alors que le Conseil de
sécurité constate dans sa résolution 89713 que « la situation en Somalie continue à
menacer gravement la paix et la sécurité (…) », ce qui montre bien à quel point l’ONU a
failli dans son rôle de garant de la paix et de la stabilité internationale.

Malheureusement ni en Bosnie ni au Rwanda, l’action des Nations Unies ne sera


davantage couronné de succès. Ces incapacités de l’Organisation à jouer son rôle
premier vont déboucher sur une profonde remise en cause de son fonctionnement et des
principes qui la guident.

 La remise en cause de l’ONU

Trois constats principaux conduisent à cette remise en cause.

D’abord, le système militaire sur lequel s’appuie l’ONU est apparu clairement comme
inadapté à la réalité du terrain. La lourdeur de la chaîne de commandement est évidente :
les erreurs d’appréciation mises au jour dans le conflit yougoslave le prouvent avec une
acuité douloureuse, notamment dans la défense de l’enclave de Srebrenica. La distance
entre le représentant spécial du secrétaire général et les chefs militaires engagés dans les
opérations a largement contribué au discrédit de la force.

Mais les militaires ne sont pas non plus indemnes de toute critique, car de nombreux
comportements anormaux, individuels ou collectifs, sur les théâtres d’opérations,
contribuent également à discréditer l’action de l’ONU au yeux des populations qu’elle

12
Résolution du Conseil de sécurité n° 837 du 6 juin 1993 (S/RES/837 (1993)).
13
Résolution du Conseil de sécurité n° 897 du 4 février 1994 (S/RES/897 (1994)).
- 49 -

est sensée secourir. Les nombreux trafics auxquels se livrent certains contingents de
toutes nationalités n’inclinent pas au respect de l’action militaire.

Ensuite, au plan politique, les décisions du Conseil de sécurité sont parfois apparues
largement subordonnées aux nécessités de la politique propre de certains Etats membres,
en particulier les Etats Unis. Ce phénomène, déjà sensible au moment de la crise du
Golfe en 1990, est apparu plus clairement encore à l’occasion de la guerre en Somalie :
le déclenchement de l’opération, l’arrivée des soldats américains, leur départ précipité et
la fin de l’opération onusienne en sont des exemples suffisants pour ne pas être
développés davantage.

Enfin, au plan financier, l’Organisation est au bord de la faillite. Si la contribution des


Etats membres au budget de l’ONU est réputée obligatoire, nombreux sont ceux qui se
soustraient à cette obligation, et en particulier les Etats-Unis, pourtant extrêmement
impliqués dans les décisions d’engager des troupes dans des opérations onéreuses.
Comme la France qui, au moment de la crise du Congo, avait refusé de participer au
financement de l’ONUC, les Etats-Unis prennent prétexte de la bureaucratisation
excessive de l’ONU pour refuser de solder leur contribution. Ils ne sont pas les seuls
dans ce cas, mais leur situation de seule grande puissance leur impose des devoirs qu’ils
ne remplissent pas, ce dont d’autres pays, moins riches, prennent prétexte pour eux non
plus, ne pas régler leurs dettes. Or les opérations militaires coûtent très cher à l’ONU
même si elle ne dispose pas de troupes en propre : elle participe largement aux frais
engagés par le déploiement de ses forces. A titre d’exemple, l’ONUSOM II aura
engendré des dépenses à hauteur de 1 500 millions de $ US, et chaque année, la
FORPRONU aura coûté 1 200 millions de $.

Certes, les opérations de maintien de la paix ne sont pas inscrites au même registre que
les dépenses courantes de l’Organisation, qui dispose de deux budgets depuis 1973. Les
pays contributeurs sont généralement plus généreux avec le budget destiné à ces
opérations qu’avec le budget de fonctionnement. Mais les arriérés des Etats-Unis et de la
Russie sont tels qu’ils mettent en péril l’équilibre de l’Organisation14.

14
Sur ces questions financières, voir le livre de Jean-François Muracciole, L’ONU depuis 1945, Ellipses,
Paris, 1995, pp.52-54.
- 14 -

1.2.2. Le tournant de l’agenda pour la paix

Les difficultés rencontrées par l’ONU dans les différentes opérations qu’elle a conduites
depuis le début des années 1990 auront au moins clairement fait apparaître, s’il en était
besoin, l’inadaptation de certains des procédés employés par l’Organisation. Dans le
même temps, des demandes récurrentes d’amender son principe de fonctionnement sont
réapparues avec une nouvelle vigueur. Cette remise en cause concernait deux points
extrêmement sensibles, d’abord la question de l’élargissement du nombre des sièges
permanents au Conseil de sécurité, ensuite la refonte de la jurisprudence onusienne
concernant les opérations de maintien de la paix. Il ne sera ici question que de ce dernier
point.

Les opérations des années 90 ont montré à quel point l’usage avait perverti le principe
audacieux des opérations de maintien de la paix. Les forces, paralysées par des
contraintes juridiques qu’elle ne pouvaient faire évoluer, liées par la restriction des
mandats, pour la plupart, au chapitre VI15 de la Charte, ont souvent montré qu’elles
étaient incapables d’exécuter le mandat pour lequel elles étaient déployées. Une réflexion
s’est donc engagée, dans le but d’établir une doctrine propre à l’ONU, traitant
précisément de l’emploi de la force dans une opération de maintien de la paix.

Le 17 juin 1992, le secrétaire général des Nations Unies présentait ainsi à l’Assemblée
générale les résultats de « l’étude et des recommandations » qu’il avait été invité à
élaborer par le Conseil de sécurité « sur le moyen de renforcer la capacité de
l’Organisation dans les domaines de la diplomatie préventive, du maintien et du
rétablissement de la paix et sur la façon d’accroître son efficacité, dans le cadre des
dispositions de la Charte.16 »

Dans cet opuscule d’une cinquantaine de pages, le secrétaire général tente d’échafauder
ce cadre doctrinal des interventions en faveur de la paix que l’ONU recherche. Il
s’appuie sur l’expérience malheureuse de ces années troublées pour faire évoluer le
schéma d’engagement des forces.

Ce schéma était simple, et les opérations dites de première génération, c’est à dire avant
l’effondrement du monde communiste, s’articulaient autour des éléments incontournables
qu’étaient l’acceptation de l’opération par l’Etat sur le territoire duquel elle se
déroulait, le principe de neutralité et d’impartialité de la force, c’est à dire la non-

15
Chapitre VI : règlement pacifique des différends
Cité de l’introduction de l’Agenda pour la paix, Boutros Boutros-Ghali, éditions des Nations Unies,
16

New York, 1992.


- 49 -

ingérence de l’ONU dans les affaires intérieures du pays et enfin la restriction de


l’utilisation de la force à la seule légitime défense.

Les conflits internes aux Etats de l’après guerre froide ont montré qu’il était
indispensable que la force des Nations Unies soit capable d’aller beaucoup plus loin et
devait viser l’établissement d’une paix durable, laquelle est indissociable d’une certaine
réconciliation nationale. Ainsi, les forces doivent-elles disposer de moyens de coercition
qui puissent leur permettre de faire respecter leur mandat, voire d’imposer la paix. Les
opérations de deuxième génération ont ceci de différent des précédentes que « leur rôle
ne se ramène plus à la simple interposition d’un tiers neutre entre deux parties
belligérantes au stade de la cessation des hostilités armées en vue de la gestion – à un
niveau d’affrontement aussi limité que possible – d’un conflit demeurant politiquement
non résolu. L’objectif du maintien de la paix (…) a fait place à celui du rétablissement,
voire de l’édification d’une paix ferme et durable17. »

Ces opérations font donc appel à des compétences nouvelles sur le terrain, allant de
l’usage effectif de la force à l’assistance humanitaire, du désarmement des belligérants à
l’organisation d’élections et au rétablissement d’administrations défaillantes.

Ce sont ces éléments qui sont détaillés dans l’Agenda pour la paix18, dans lequel le
secrétaire général établit une distinction entre la sécurité collective et le maintien de la
paix, notion à laquelle il ajoute celle, nouvelle, d’imposition de la paix (peace
enforcement).

En matière de sécurité collective, l’Agenda pur la paix insiste sur la diplomatie


préventive19 qui est utilisée avant qu’un différend ne bascule en crise ou en conflit et, en
cas d’échec, pour que ledit conflit reste circonscrit à l’intérieur de sa zone d’émergence.
De manière à éviter qu’il ne s’étende, des déploiements préventifs20 de troupes sont
possibles ainsi que la création de zones démilitarisées21.

Le rétablissement de la paix, présenté au chapitre 4 de l’Agenda, « vise à rapprocher


des parties hostiles, essentiellement par des moyens pacifiques tels que prévus au
chapitre VI de la Charte des Nations Unies. » Toutefois, si ces moyens se révèlent
insuffisants, le recours à la force militaire peut être décidé par le Conseil de sécurité, dans
17
V.Y. Ghebali, « le développement des opérations de maintien de la paix de l’ONU depuis la fin de la
guerre froide », le trimestre du monde, 1992, n°4.
18
op. cit. note 16.
19
Agenda pour la paix, chapitre 2, définitions
20
Agenda pour la paix, § 28 à 32
21
Agenda pour la paix, § 33
- 16 -

le cadre de l’article 42 de la Charte, « la plus coercitive des mesures ». C’est dans le


cadre du rétablissement de la paix qu’apparaît la notion d’imposition de la paix, pour
lequel des unités particulières seraient mises en œuvre par l’ONU.

Enfin, le maintien et la consolidation de la paix viennent compléter ce dispositif en


assurant, en aval la poursuite des efforts de la communauté internationale en faveur de la
stabilisation des situations conflictuelles.

L’accueil réservé par les Etats membres de l’ONU à l’Agenda n’a pas été aussi
chaleureux que son auteur l’espérait, et bien que les notions qu’il a développées soient
entrées dans le langage courant des opérations de maintien de la paix, il n’a jamais été
adopté formellement par l’Assemblée générale et moins encore par le conseil de sécurité.

Le Supplément à l’agenda pour la paix22 de 1995 revient sur ces notions en réaffirmant
cependant les trois principes fondamentaux qui doivent guider l’action des forces des
Nations Unies, à savoir le consentement des parties, l’impartialité et l’usage de la force
limité à la légitime défense, en précisant qu’il n’existe pas et qu’il ne doit pas exister de
« continuum permettant de passer [du maintien de la paix à l’emploi de la force
coercitive] », rappelant ainsi que l’emploi de la force nécessite un mandat explicite.

Dans les faits, il apparaît que le secrétaire général n’a pas été entendu, et que ce
continuum existe bien, car certaines opérations peuvent être décidées dans le cadre du
chapitre VI de la Charte et recourir ponctuellement à des alinéas du chapitre VII. Ce fut
le cas, par exemple, pour la FORPRONU (Force de protection des Nations Unies en ex-
Yougoslavie). Dans d’autres cas, l’ONU a pris la suite d’opérations nationales ou
bilatérales, ou encore décidées par des organisations sous-régionales – mais autorisées
par le Conseil de sécurité - au cours desquelles l’emploi de la force avait clairement un
but de coercition.

Il est cependant certain que cette évolution extrêmement importante des principes
d’action de l’ONU est due à la fois aux échecs qu’elle a connus après la chute du mur de
Berlin, alors qu’un espoir très grand était né de voir le monde, enfin, évoluer vers la paix
universelle, et aux efforts de conceptualisation de Boutros Boutros-Ghali, même s’ils
n’ont pas reçu l’accueil officiel qu’ils auraient peut-être mérité.

22
Supplément à l’agenda pour la paix, Boutros Boutros-Ghali, New York, 3 janvier 1995
- 49 -

I.3. L'ONU à la recherche d'un partenariat avec les organisations régionales africaines

I.3.1. La place reconnue par l’ONU aux organisations sous-régionales et aux


puissances occidentales dans le maintien de la paix en Afrique

A la suite des crises profondes qui ont secoué l’Afrique depuis le début des années 1990
en particulier, le Conseil de sécurité s’est saisi des questions de sécurité sur ce continent
pour essayer d’y apporter une réponse appropriée.

C’est ainsi que Kofi Annan, dans son rapport d’avril 199823, suggérait de rationaliser les
actions des différents intervenants sur ce théâtre en faveur de la paix. Sans remettre en
cause le bien fondé des différentes initiatives visant à faciliter le règlement des crises, il
mettait en garde les différents intervenants sur le danger de certaines manœuvres des
belligérants qui pourraient aboutir à la division de la communauté internationale. Il
insistait donc sur la nécessaire coordination de toutes ces actions.

Dans ce même rapport, il relevait également le rôle qu’a déjà joué l’Organisation de
l’unité africaine24 dans la résolution de certaines crises. Il mettait également en avant la
capacité des organisations sous-régionales à intervenir, d’autant plus qu’elles sont
constituées des Etats voisins qui ont directement intérêt à s’impliquer dans un conflit qui
pourrait déborder leurs propres frontières. La place qu’a prise la Communauté
économique des Etats d’Afrique de l’ouest 25, par exemple, dans la gestion du conflit au
Libéria, est extrêmement importante et doit être soulignée. L’ECOMOG26 a été créée par
la CEDEAO expressément pour intervenir dans le conflit du Libéria et mettre un terme à
la guerre civile. Mais cette force interafricaine a vu son existence pérennisée et son
champ d’intervention élargi : du Libéria, elle est passée en Sierra Léone, devenant ainsi
dans les faits le bras armé de la CEDEAO. Cette position a été arrêtée lors du sommet

23
Rapport du secrétaire général sur « les causes des conflits et la promotion d’une paix durable en
Afrique », 52ème session, 13 avril 1998, n° S/1998/318
24
L'organisation de l'unité africaine (OUA) a été fondée par la signature de sa charte à Addis Abeba le
25 mai 1963, par 32 Etats africains. Cette organisation compte aujourd'hui 53 Etats membres sur les 54
qui composent le continent africain : le Maroc l'a quitté en 1984 à la suite de la reconnaissance par
l'OUA de la République arabe sahraouie démocratique.
25
Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO, en anglais ECOWAS), créée à
Lagos (Nigéria, siège) le 28 mai 1975, réunissant 16 Etats : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte
d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal,
Sierra Leone, Togo.
ECOMOG : acronyme anglo-saxon pour Economic Community of West African States Monitoring
26

Group
- 18 -

des ministres des Affaires étrangères, de la défense et de la sécurité des Etats membres
qui s’est tenu à Yamoussoukro en mars 1998 et entériné par le sommet des chefs d’Etat
et de gouvernement à Abuja le 31 octobre suivant.

L’Afrique de l’ouest joue donc un rôle de pionner dans la gestion des crises et le maintien
de la paix et commence à être suivie dans sa démarche par les autres organisations sous-
régionales, elles-mêmes reconnues par l’ONU. Il s’agit en particulier de la CEAC27, de la
SADC28 et de l’IGAD29 qui sont d’ailleurs les partenaires privilégiés de la France pour la
mise en œuvre du concept RECAMP, qui sera développé dans la deuxième partie du
présent document.

L’ONU souhaite également s’appuyer sur des Etats contributeurs 30, sans bien sûr les
désigner précisément. Le soutien logistique et financier d’une opération de maintien de la
paix étant le domaine le plus critique, c’est sur lui que se portent les efforts de
l’organisation : « le conseil a notamment engagé tous les Etats et organes intéressés à
fournir l’appui financier et technique et technique nécessaire pour renforcer les
arrangements régionaux et sous-régionaux africains mis en place pour prévenir les
conflits, maintenir la paix et la sécurité et régler les différends. Il a préconisé de
renforcer les partenariats entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations
régionales et sous-régionales africaines31. »

Dans ce même rapport, le secrétaire général salue d’ailleurs explicitement les efforts faits
par certains Etats dans le règlement des conflits, en prenant l’exemple de la République
Centrafricaine où les Etats africains ont décidé du déploiement de la MISAB32. Dans les
faits, il est certain que le déclenchement de l’opération ALMANDIN 1 en mai 1996 était
une décision unilatérale de la France, qui a décidé de mettre en échec « de jeunes
putschistes, prêts à plonger la Centrafrique dans une aventure cataclysmique à la
27
Communauté des Etats d’Afrique Centrale.
28
Southern African Development Coordination Conference, créée en 1980 et réunissant 14 Etats
d’Afrique australe.
29
IGAD
30
Les Etats contributeurs des actions de l’ONU sont bien sûr ceux qui participent, par leur financement
ou leur soutien logistique, aux opérations de maintien de la paix
31
Rapport du Secrétaire général sur le renforcement de la capacité de l’Afrique en matière de maintien
de la paix du 12 février 1999, S/1999/171.
32
MISAB : mission interafricaine pour la surveillance des accords de Bangui. La MISAB, soutenue sur
le plan logistique par la France, a été déployée en 10 jours, ce qui, en soit, constitue déjà une
performance : les premiers éléments sont arrivés le 31 janvier, et elle était entièrement déployée le 9
février. Elle a été commandée par deux officiers généraux gabonais, le général N’Kili puis le général
Mombo. Son chef d’état-major était le colonel Niang du Sénégal.
libérienne33. » Il est certain également que c’est cette intervention qui a permis de
décider les Etats africains, lors du XIXème sommet France-Afrique de Ouagadougou en
décembre 1996, de créer une mission de médiation chargée de résoudre la crise de
Bangui34, qui désigna le général Amadou Toumani Touré, ancien chef d’Etat du Mali,
pour diriger un comité international de suivi mis en place à cette occasion. Une telle
déclaration d’intention, dans le domaine des relations internationales en général et
s’appliquant à l’Afrique en particulier aurait pu laisser croire que cette mission et ce
comité seraient bien incapables de mettre en œuvre le moindre processus de stabilisation
de la situation. Les événements qui ont suivi ont prouvé le contraire puisque les
négociations engagées par ces autorités ont abouti, le 25 janvier 1997, à la signature des
accords de Bangui, permettant la mise sur pied de la MISAB, à laquelle ont participé les
six pays mandatés pour résoudre ce conflit lors du sommet de Ouagadougou. L’action de
la MISAB sur le terrain a été un réel succès, entériné a posteriori par l’ONU 35 qui a
d’ailleurs souligné que l’action de la MISAB s’était inscrit dans le cadre du chapitre VII
de la Charte des Nations Unies.

C’est d’ailleurs à la suite de ce succès, qui mettait en évidence la capacité des Etats
africains à s’impliquer directement dans la résolution d’une crise interne dans un pays
voisin, que l’ONU a pu déployer la mission des Nations Unies en RCA36 (MINURCA),
commandée elle aussi par un officier général gabonais, composée de 1350 hommes et
soutenue, sur le plan logistique, par la France.

Cet exemple montre bien l’intérêt pour l’ONU de collaborer étroitement, sur le plan du
maintien de la paix en Afrique, avec les organisations régionales ou sous-régionales et les
principaux pays qui, extérieurs au continent, ont malgré tout la volonté de s’impliquer
dans sa sécurité.

I.3.2. Le rôle prépondérant de l'Organisation de l'unité africaine

L'OUA est bien évidement l'organisation internationale la plus importante et la plus


concernée par les problèmes de sécurité en Afrique. Elle a donc tout naturellement tissé
des liens étroits avec son aînée qu'est l'ONU.

Stephen Smith, « Dessine-moi un caméléon. L’interventionnisme militaire de la France en Afrique »,


33

Défense, Paris, Institut des hautes études de la défense nationale, septembre 1996.
34
Six pays ce penchèrent plus spécialement sur ce dossier : le Tchad, le Gabon, le Mali, le Burkina Faso,
le Sénégal et le Togo.
35
Résolution 1125 du conseil de sécurité du 6 août 1997, S/RES/1125(1997)
36
MINURCA, créée par la résolution 1159 du 27 mars 1998, S/RES/1159(1998)
- 20 -

Les premiers accords de partenariat entre les deux organisations ont été signés en 1965 37,
c'est à dire au lendemain des indépendances des nouveaux Etats africains. Comme son
modèle, l'OUA a pour objectif d'aider au développement harmonieux des Etats qui la
composent, en mettant tout en œuvre pour éviter les conflits. Cependant, dans ce
domaine au moins, l'OUA s'est révélée incapable de tenir ses engagements et de s'imposer
comme un acteur reconnu dans l'apaisement des crises, alors que l'ONU demeurait, dans
l’esprit au moins, la seule organisation supranationale pouvant légitimement décider de
déclencher des opérations de maintien de la paix.

Ce n’est qu’en 1990 que l'OUA, devant les difficultés de plus en plus importantes en
Afrique et le nombre croissant de crises inter et intra étatiques, a décidé de se doter d'un
mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, qui a été créé par le
sommet du Caire de 1993. Cette création, qui bouleversait les habitudes de
l'Organisation, trouvait certainement son origine dans la prise de conscience générale de
la nécessité de s'impliquer efficacement dans la résolution des crises, illustrée par
l'Agenda pour la paix cité plus haut. Les premières actions conduites par l'OUA en
matière de prévention n'avaient pas été très concluantes, malgré les premières actions
comme l'envoi de 120 observateurs en 1991 au Rwanda, sous l'autorité du secrétaire
général.

De manière à exprimer sa détermination dans ce domaine sensible, la déclaration du


Caire stipule même que « l'OUA a non seulement le droit, mais aussi le devoir
d'intervenir avant même de lancer un appel à la communauté internationale »,
marquant ainsi clairement sa volonté d'apparaître comme l'acteur incontournable de la
sécurité en Afrique.

C'est ainsi que l'OUA a demandé à l'ensemble de ses Etats membres de se doter et
d'entraîner des unités militaires capables de mener des opérations de maintien de la paix
et qu'en 1996 a été créé, à Addis Abeba, un Centre de gestion des conflits chargé d'armer
une cellule d'alerte rapide, un centre d'opérations et un centre logistique. Depuis lors, des
réunions périodiques des chefs d'état-major ont été organisées qui visent à mettre au
point une doctrine africaine de maintien de la paix prenant en compte tous les aspects de
ces opérations, depuis la génération de forces jusqu'au soutien - qui demeure le problème
le plus difficile à résoudre - sans oublier le commandement.

37
accord du 15 novembre 1965, Recueil des traités des NU, vol. 548, numéro 614, remis à jour par les
secrétaires généraux des deux organisations le 9 octobre 1990, Recueil des traités des NU, vol. 1580, nº
1044
- 49 -

Cette dynamique de l'OUA est largement encouragée par l'ONU qui y voit l'occasion de
se désengager du théâtre africain tout en accordant sa caution morale aux actions
décidées par les africains. Ainsi, dans la résolution 1197 du 18 septembre 1998,
l'Assemblée générale « encourage l'application de formules de partenariat entre Etats et
organisations régionales et sous-régionales participant à une opération de maintien de
la paix » et surtout, un peu plus loin, « engage le secrétaire général à faciliter les
efforts faits à cette fin et le prie d'envisager d'élaborer un cadre de coordination de ces
partenariats38. »

Dans la même ligne, l’assemblée générale insiste dans la résolution 53/92 du 16


décembre 199839 sur la nécessité de « renforcer la capacité africaine de maintien de la
paix, en particulier grâce à une coopération accrue entre l’Organisation des Nations
Unies et l’Organisation de l’unité africaine, ainsi qu’entre l’Organisation des Nations
Unies et les organisations sous-régionales. »

Un autre fait significatif de la coopération entre les deux organisations est la création par
l'ONU, au siège de l'OUA, d'un Bureau de liaison des Nations Unies pour l'action
préventive auquel sont affectés des officiers de liaison qui participent comme conseillers,
mandatés par l'ONU, aux opérations de maintien de la paix décidées par l'OUA ou les
organisations sous-régionales africaines et autorisées par le conseil de sécurité 40. En
dehors de ce point majeur, cette résolution marque dans toutes les directions importantes
la volonté de coopération de l’ONU avec les différentes parties impliquées dans la
sécurité en Afrique. Les principaux thèmes y sont abordés, du soutien logistique au
soutien financier, de la coopération en matière de formation des personnels à la
participation à des exercices communs.

L’OUA a donc réussi son pari de se replacer au premier rang des acteurs de la sécurité en
Afrique. Son action est reconnue par l’ONU, ce qui lui confère une réelle légitimité ;
d’autre part, même si son action sur le terrain n’est pas extrêmement marquée, elle sert
d’échelon de synthèse entre les différentes organisations sous-régionales africaines.

En fait, l'OUA s'impose comme un partenaire difficilement contournable dans la gestion


des crises en Afrique. Son mécanisme de gestion et de prévention des crises s'inscrit dans
la droite ligne de la diplomatie préventive telle qu'elle a été définie dans l'agenda pour la
paix de M. Boutros Boutros Ghali. Certes, l'OUA n'est pas un intervenant militaire

38
Point 5 de la résolution 1197
39
A/RES/53/92, cinquante-troisième session, point 164 de l’ordre du jour
40
Point 8 de la résolution 1197 du Conseil de sécurité du 18 septembre 1998 (S/RES/1197)
- 22 -

direct, puisque la déclaration du Caire de 1993 précise que le mécanisme ne recouvre


que « des missions d'observation et de vérification de taille et de durée limitée, [ce qui
exclut de facto les] opérations de maintien de la paix complexes et onéreuses que les
États auront des difficultés à financer. » Ainsi, tout en se maintenant à l'écart de la
conduite directe des opérations, ce que les organisations sous-régionales font très bien,
l'OUA se concentre en quelque sorte sur la « grande politique », s'appuyant sur l'ONU
qui suggérait, dans le rapport de 1998 sur la cause des conflits en Afrique, de réunir
chaque année les principaux responsables des deux organisations pour qu'ils définissent
en commun les grands axes en matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationale.

L'OUA est ainsi devenue « un outil diplomatique au service tout à la fois de la


"Communauté des Nations Africaines" et de chaque Etat membre pris isolément41. »

I.3.3. Une aide souhaitée dans le détail et jusqu’au plus petits échelons

Les relations entre les Nations Unies et les pays africains ne se limitent pas aux relations
d'organisation à organisation. Elles sont concrétisées par des contacts individualisés,
précis et régulier sur la base de ce qu'avait évoqué le secrétaire général dans son rapport
sur la cause des conflits en Afrique42.

Plusieurs séminaires traitant de l’organisation des opérations de maintien de la paix ont


déjà été organisé. Le premier s’est tenu en 1997 au Ghana et traitait de l’aide à la
formation ; d’autres ont eu lieu en Zambie, au Kenya et au Swaziland en 1998, ou encore
à l’école de Zambakro en Côte d’Ivoire durant l’été 1999. D’autres ont eu lieu depuis,
par exemple à Harare en 1999 pour l’ouverture du Centre régional de formation aux
opérations de maintien de la paix, ou à Libreville en 2000.

Ces séminaires restent au niveau des états-majors, mais sont un signe de la volonté de
l’ONU de s’engager dans le règlement des conflits en préparant les esprits, largement en
amont. D’autres organismes onusiens travaillent dans les même sens. C’est notamment le
cas du Comité consultatif permanent des Nations Unies pour les questions de sécurité en
Afrique centrale43 qui met en avant l’importance que leurs « préoccupations en matière
41
Albert Bourgi, « voyage à l'intérieur de l'OUA », revue Politique étrangère, Paris, Institut français des
relations internationales, nº 4/98, pp 786-790.
42
op. cit. note 24 p. 17.
Ce Comité comprend onze membres : Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale,
43

République centrafricaine, République démocratique du Congo, République populaire d’Angola,


Rwanda, Sao Tomé et Principe et Tchad.
- 49 -

de formation soient prises en compte par les pays donateurs dans l’élaboration des
programmes de formation 44. » C’est d’ailleurs ce point que le secrétaire général a
développé dans son rapport sur la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et
l’Organisation de l’unité africaine45, dans lequel il met en avant le rôle des équipes des
Nations Unies pour l’aide à la formation (ENUAF) et les programmes de formation des
formateurs, organisés deux fois par an à l’école des cadres de Turin.

D’autre part, l’ONU a également participé à la phase préparatoire d’exercices


multilatéraux de maintien de la paix, en particulier de ceux initiés par le France, comme
Guidimakha au Sénégal en février 1998 ou Gabon 200046.

Ce programme, conjugué à la mise en place du bureau permanent de liaison des Nations


Unies auprès de l’OUA, permet de renforcer l’action de la communauté internationale vis
à vis des pays qui aident les pays africains, que ce soit dans le domaine du soutien
logistique des forces, de la fourniture de matériel militaire, de l’aide financière ou de la
formation des personnels.

L’ONU insiste ainsi sur l’importance que revêt à ses yeux l’établissement de relations
bilatérales et de contacts directs entre les pays africains ou les organisations sous-
régionales et les pays donateurs en vue de réaliser son objectif de paix. Un certain
nombre de pays occidentaux ont effectivement entendu cet appel, comme les Etats Unis,
la Grande Bretagne ou la France qui ont développé des partenariats particuliers qui
seront développés en deuxième partie. C’est le sens, entre autres, de la déclaration faite
par l’Ambassadeur Richard Holbrooke devant le groupe des Etats d’Afrique le 17 janvier
200147 qui souligne que le département des opérations de maintien de la paix doit se
montrer plus attentif aux besoins de l’Afrique.



44
Référence A/54/209 – S/1999/859, thème 4.
45
Référence A/55/498 du 19 octobre 2000, § 75 et 76, p. 13.
46
Rapport du Secrétaire général sur le renforcement des capacités africaines en matière de maintien de
la paix du 12 février 1999, S/1999/171, § 24 et suivants relatifs à la formation.
47
Référence A/55/741
2ème Partie : la renouveau, conforme aux orientations de l’ONU, de la politique
africaine de la France

II.1. De la fin de l’interventionnisme au partenariat

II.1.1. Une volonté de transparence affirmée

La position de la France en Afrique s’est petit à petit érodée depuis l’accession des États
africains à l’indépendance. Certes, les relations bilatérales ont été réaffirmées avec la
signature des accords de défense et de coopération dont il a déjà été question et la
France est resté le partenaire privilégié de nombreux pays africains1. Mais si la politique
africaine de la France depuis le milieu des années 60 a été marquée par une certaine
constance, il est relativement difficile d’y trouver un réel projet à long terme. La France
s’est longtemps satisfaite du simple entretien d’une position confortable qui lui permettait
de disposer d'une zone d'influence importante et facilitait quelques échanges
commerciaux.

L'interventionnisme français dans la politique intérieure des États africains a fait couler
beaucoup d'encre et de nombreux régimes politiques en Afrique subsaharienne ont été
pérennisés - ou sont tombés - grâce au soutien plus ou moins discret de Paris : des
opérations comme BARRACUDA en 1979 en Centrafrique pour déposer l'empereur
Bokassa, ou les interventions au Tchad contre les vues expansionnistes des Libyens en
sont les exemples les plus connus.

Mais aujourd'hui, dans de nombreuses capitales africaines, le rôle de la France est de plus
en plus contesté, non pas directement par les milieux dirigeants qui restent, au moins en
apparence, attachés à ces liens privilégiés avec Paris, mais par les générations les plus
jeunes, celles qui forment la plus grande partie des populations urbaines dans des pays
d'Afrique où les équilibres sociologiques ont beaucoup évolué en vingt ans avec
l'accélération de l'exode rural.

Ce qui est paradoxal, c'est que la France a elle-même largement contribué à son relatif
discrédit : les nouvelles populations urbaines ont été très sensibles au célèbre discours de

1
L’Afrique assure 20% du solde commercial français. Elle reste le troisième marché du commerce
extérieur français (hors UE). Hors Maghreb et Égypte, les marchés les plus importants sont l’Afrique du
Sud, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Nigéria, le Cameroun, le Gabon et Maurice. En 1999, la France a
exporté pour 39 milliards de francs vers l’Afrique subsaharienne et importé pour 27 milliards de francs
en provenance de cette région du monde. (source : « la politique africaine de la France », dossiers
d’actualités, avril 2000, sur http://www.diplomatie.fr/actual)
La Baule2 du président François Mitterrand en 1990. Or, dans les faits, le mouvement
initié vers une réelle démocratisation de la vie politique africaine n'a pas eu lieu, et de
réelles et importantes frustrations sont apparues dans la population. Dans les faits la
France n'a pas pris la mesure de ses engagements et « a pris la mauvaise habitude
d'approuver sans nuance des résultats électoraux plus que douteux, au Gabon en 1993
ou au Tchad en 1996 par exemple3. »

 Les forces prépositionnées4

Durant toutes ces années, c’est l’action militaire qui a été la partie la plus visible des
actions de la France en Afrique et l’héritage des bases militaires servant au
prépositionnement des troupes est certainement un des avantages stratégiques les plus
importants de la période coloniale. Les forces prépositionnées offrent en effet l’avantage
de pouvoir remplir simultanément des missions diverses. D’abord, elles concrétisent de
façon claire les accords de défense et de coopération ; ensuite, elles ont une réelle valeur
de prévention et d’apaisement, en évitant aux crises locales, lorsqu’elles éclatent, de
prendre une trop grande importance. Elles permettent surtout de disposer instantanément
de troupes acclimatées, ayant une réelle connaissance du milieu physique et surtout
humain, capables, bien sûr, d’adresser à Paris des signaux d’alerte dès qu’une crise
semble se profiler, mais surtout d’accueillir des unités venant de métropole si une crise
majeure se déclare. Enfin, et ce n’est pas le moindre de leurs atouts, elles peuvent offrir
des structures d’accueil aux populations expatriées lors des opérations toujours
extrêmement sensibles d’évacuations de ressortissants5.

Mais la volonté de Paris de ne plus intervenir unilatéralement dans les affaires intérieures
des pays où les troupes sont stationnées n’est apparue clairement aux yeux des
observateurs que très récemment, notamment lors des élections présidentielles au

2
Discours de La Baule, juin 1990, lors du sommet franco-africain. Le président F. Mitterrand y précisait
l’importance pour l’Afrique de favoriser une évolution réelle vers la démocratie.
3
La politique africaine de la France, entre "grimace" et force, Ramsès 1998, Paris, Dunod pour l'Institut
français des relations internationales, sous la direction de Thierry de Montbrial et Pierre Jacquet, p.102
4
Cinq bases en Afrique (Dakar, Abidjan, Libreville, Djibouti, N’Djamena), avec un total de 6000
hommes (en diminution), pour atteindre la cible de 5600 hommes en 2002.
Sur cette question des forces prépositionnées, on lira avec intérêt les travaux réalisés dans le cadre de
l’option Prévention de la 8ème promotion du Collège interarmées de Défense, Paris, 2000-2001.
Voir également l’ouvrage d’André Dumoulin, La France militaire et l’Afrique, éd. Complexe, coll. « Les
livres du GRIP », Bruxelles, 1997.
5
En 1998, 142 013 ressortissants français ont été recensés en Afrique. Source Ministère des affaires
étrangères.
- 26 -

Sénégal, considérées à haut risque, et surtout lors des événements qui ont soulevé la
Côte d’Ivoire le 24 décembre 1999, avec le coup d’État du général Gueye. A la surprise
générale, le 43ème bataillon d’infanterie de Marine stationné à Port Bouet, aux portes
d’Abidjan, n’est intervenu en rien. Son seul rôle a été d’accueillir le président déchu,
Henri Konan Bédié. La France s’est également refusée d’intervenir dans le processus
électoral qui a suivi, laissant les Ivoiriens décider seuls de leur avenir.

Cette attitude inattendue a fait couler beaucoup d’encre et en a surpris plus d’un. Mais
elle est la marque patente de la nouvelle manière dont la France veut mener son action en
Afrique.

 Un signe clair de cette réorientation : la réforme de la Coopération6

L’héritage –dans le domaine militaire- de la décolonisation dans les relations franco-


africaines a longtemps été identifié à la Mission militaire de coopération, qui n’était
qu’une des directions du ministère délégué à la Coopération. Cette direction a été
entièrement réorganisée, comme cela a déjà été vu, lors de l’absorption par le ministère
des Affaires étrangères du ministère de la Coopération : le 1er janvier 1999 a en effet été
constitué un ensemble diplomatique unique, et le ministre chargé de la Coopération et de
la francophonie est à présent délégué auprès du ministre des Affaires étrangères.

Cette réforme, bien que fortement décriée au moment de sa mise en œuvre, a permis de
recentrer l’emploi des budgets consacrés par la France à la coopération en Afrique,
notamment dans les pays « du champ », puisque deux sous-directions ont été créées, la
sous-direction de la coopération militaire, qui s’adresse plus particulièrement aux anciens
pays « du champ », et la sous-direction de la coopération de défense, qui s’adresse à tous
les autres pays. Ainsi que le souligne M. Bernard Cazenave, rapporteur de la commission
de la défense de l’Assemblée nationale, ces deux sous-directions « préparent et mettent
en œuvre, chacune dans leur domaine de compétence, les actions de coopération
technique et militaire résultant de l’application d’accords conclu avec des États
étrangers. Une approche différenciée en fonction de la situation et des besoins de nos
partenaires a ainsi été maintenue, ce dont il faut se réjouir. »

Il s’agit donc bien d’une rupture, mettant un terme à des habitudes vieilles de quarante
ans et qui avaient été inspirées par Jacques Foccart 7, qui fut pendant plus de trois
6
Voir l’avis n° 1864 de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de
finances pour 2000, en date du 14 octobre 1999, tome I, deuxième partie, titre 1, page 25 et suivantes.
7
Jacques Foccart, Journal de l’Élysée, tomes 1 à 6, éditions Fayard, entre 1995 et 2001.
- 49 -

décennies l’inspirateur de la politique africaine de l’Élysée, du général de Gaulle à


François Mitterrand.

II.1.2. Le concept RECAMP8 : un certain aboutissement

Plusieurs sommets France - Afrique ont retenu comme thème dominant les questions de
sécurité en Afrique, en particulier le sommet de Biarritz de novembre 1994 et le sommet
de Paris de novembre 1998.

Ces consultations ont mis en avant les difficultés que connaît aujourd’hui l’Afrique, en
particulier subsaharienne. Le rapport de l’Institut international des études stratégiques
publié en octobre 1998 précisait d’ailleurs que « l’Afrique subsaharienne a connu
l’émergence de nouveaux conflits majeurs en 1998. Au total, plus d’un quart de
l’ensemble des 44 États de la région sont impliqués dans des conflits armés, et pour
beaucoup, aucune issue ne semble en vue. »

Le concept RECAMP est né de ces travaux. Il a pour objectif de permettre aux pays
africains d’engager des unités dans des opérations internationales de maintien de la paix,
tout en visant à préserver les équilibres régionaux existants. L’action de la France
consiste alors essentiellement à former les cadres des armées nationales à ces modes
d’actions particuliers et à prépositionner du matériel militaire qui serait mis à la
disposition des unités engagées dans de telles opérations. Pour compléter ces actions des
exercices multilatéraux sont organisés entre les différents partenaires.

Une des caractéristiques essentielles de ce concept est qu’il s’adresse d’emblée à tous les
pays africains, sans aucune restriction linguistique ou géographique. Ce caractère
universel est une nouveauté, qui le différencie très clairement des actions antérieures de
la France qui, elles, s’adressaient plus particulièrement aux pays « du champ ».

Le concept RECAMP s’appuie également sur des principes clairement définis, qui
mettent en avant, pour l’essentiel, l’importance accordée au partenariat entre les grandes
puissances, dites pays donateurs, et les pays africains participants, dits pays
contributeurs, le caractère non permanent des forces mises en œuvre et le recours
indispensable aux structures nationales existantes.

8
RECAMP : renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, défini dans la note n°
781/DEF/EMA/EMP.1/NP du 17 juillet 1998.
- 28 -

 La formation

Le volet formation de RECAMP s’articule autour de plusieurs thèmes.

D’abord, la création d’écoles nationales à vocation régionale (ENVR), qui sont des
écoles militaires destinées à accueillir dans les mêmes stages des officiers de plusieurs
pays d’Afrique. Cette option a l’avantage, en dispensant à tous la même formation,
d’harmoniser les modes d’action entre les différentes armées africaines, et surtout de
permettre aux différents intervenants de se connaître, renforçant ainsi des liens
transnationaux qui sont ensuite susceptibles d’éviter l’émergence de crises nouvelles.
Tous les stages organisés répondent au cahier des charges défini par l’ONU pour la
préparation des opérations de maintien de la paix. Ils s’adressent aux officiers d’état-
major, mais aussi au personnel d’encadrement, depuis le commandant de bataillon
jusqu’au chef de groupe.

Ensuite, l’effort d’instruction se porte sur les missions de coopération locales9 qui
détachent auprès des armées nationales des instructeurs français dans toutes les
disciplines, même si le nombre des coopérants militaires a fondu, passant de 5 200 en
1997 à 3 100 en 1999.

Viennent enfin les détachements d’instruction technique (DIT 10) ou les détachements
d’instruction opérationnelle (DIO), qui sont envoyés auprès des armées nationales, à leur
demande ou dans le cadre de la préparation d’exercices multinationaux majeurs. Ces
détachements sont armés en principe par les unités prépositionnées, mais peuvent, dans
certains cas particuliers, venir directement de métropole si le besoin est très ciblé et fait
appel à des spécialistes que l’on ne trouve pas en permanence dans les forces
prépositionnées.

Cette manière d’envisager la formation permet de prendre en compte avec un maximum


d’efficacité la réalité quotidienne des armées africaines et de répondre avec une grande
précision à leurs besoins. Elle est complétée par l’accueil de stagiaires africains dans les
écoles de formation ou de perfectionnement françaises.

9
18 pays africains, Madagascar, les Comores et le Cambodge reçoivent une mission de coopération
militaire et de défense.
32 DIT ou DIO ont été organisés avant décembre 2000, et 250 cadres ont été formés au centre de
10

maintien de la paix de Zambakro (source : EMA).


- 49 -

 L’équipement

Les unités participant à des opérations de maintien de la paix doivent pouvoir disposer de
matériels spécifiques et performants dont ne sont pas toujours équipées les armées
africaines. C’est pourquoi « la communauté internationale, représentée par les pays
donateurs, fournit des équipements, des matériels, des moyens de projection stratégique
et de soutien nécessaires aux capacités de réaction aux crises 11. » Ces matériels sont
répartis en trois catégories, le niveau du combattant individuel (niveau 1), celui de l’unité
élémentaire jusqu’au bataillon (niveau 2), enfin le niveau de commandement et de soutien
des unités engagées (niveau 3). Les matériels des niveaux 2 et 3 sont stockés dans les
emprises des forces prépositionnées12 qui sont chargées de leur entretien. Ils sont ainsi
mis en place au plus près des pays qui peuvent en avoir besoin, permettant à une force de
maintien de la paix potentielle d’être équipée sans délais. Il s’agit essentiellement de
véhicules, de matériels de transmission ainsi que d’éléments d’hôpital médico-chirurgical
de campagne.

Pour compléter cet état des lieux, il faut souligner que les matériels mis en place ne sont
pas destinés à l’usage exclusif des pays sur le territoire desquels ils sont installés, mais
peuvent être fournis à tous les États de la sous-région qui participeraient à la force.

Le matériel du bataillon RECAMP de Dakar a ainsi été utilisé en 1998 pour l’exercice
Guidimakha, en février 1998, avant d’être reconditionné puis réutilisé pour être mis à
disposition de la MINURCA en République centrafricaine.

Le montant de l’appui financier de RECAMP s’est élevé à 180 millions de francs en


1998, montant renouvelé en 1999. La France avait en outre pris à sa charge en 1997 les
dépenses de soutien et d’entretien de la MISAB à Bangui pour un montant de 24 millions
de francs, puis de la MINURCA à hauteur de 3 millions de francs, pour équiper une
compagnie centrafricaine et lui fournir des instructeurs.

Ces déploiements ont donné satisfaction ; les matériels ont été déstockés et remis en
condition sans problème, pour des exercices comme pour des opérations réelles, ce qui a
conduit à la France à déployer de nouveaux moyens, en particulier à Dakar 13, destinés en
particulier à l’engagement du bataillon interafricain de l’ECOMOG 3 en Guinée Bissau.

11
C.f. note 8
12
Trois lieux de stockage ont été installés : à Dakar en 1998, Libreville en 1999 et Djibouti en 2000.
13
Voir à ce sujet l’article du capitaine Boccon-Liaudet « la réalité du bataillon interafricain », Frères
d’Armes n° 219.
- 30 -

 L’entraînement

L’entraînement des forces permet de vérifier la validité du concept, c’est la raison pour
laquelle il a été pris en compte dès l’ébauche du concept RECAMP. C’est d’autre part un
facteur qui agit en amont du déclenchement d’une opération réelle et qui permet, comme
la formation, aux militaires africains d’apprendre à se connaître, participant ainsi
activement à la prévention de crises éventuelles.

Les exercices d’entraînement comprennent plusieurs phases successives et


complémentaires dont le point d’orgue est bien sûr le déploiement effectif des troupes
sur le terrain.

Le premier cycle d’entraînement s’est conclu par l’exercice Guidimakha, déjà évoqué et
joué avec la CEDEAO, qui avait permis de valider le programme. Le deuxième cycle
avait souligné le caractère multinational du programme en engageant seize pays joueurs
dans l’exercice Gabon 2000, avec les pays de la CEEAC. Le troisième cycle sera placé
sous le signe de l’ouverture en direction de l’ensemble de l’Afrique et également de
l’Europe, et devrait avoir lieu en 2002 en Tanzanie, qui ne fait habituellement pas partie
de la zone d’influence française : le 30 mai 2000, le ministre tanzanien de la Défense a en
effet donné son accord pour co-organiser avec la France le cycle RECAMP 3.

Cet exercice est donc à bien des égards une première, concrétisant un certain
aboutissement du concept RECAMP et balayant tous les aspects qui font son originalité.
A l’occasion de RECAMP 3 se retrouvent réunis 26 pays donateurs, les pays
contributeurs appartenant à la SADC pour leur grande majorité, mais la participation a
été ouverte par la Tanzanie aux pays de la COI14 et de l’EAC15.

Le concept RECAMP ayant été présenté aux Nations Unies, les programmes des stages
de formation des cadres dans les ENVR correspondants aux attentes de l’ONU,
l’exercice RECAMP 3 sera placé sous le haut patronage de l’ONU, de l’OUA et de la
SADC et devrait en particulier être présidé par M. Brahimi, ce qui montre à quel point la
France a réussi à faire de ces exercices une véritable tribune de son concept de maintien
de la paix adapté à l’Afrique. Avec cet exercice à venir, prévu du 11 au 24 février 2002,
le concept RECAMP sera parvenu à maturité.

14
COI : Communauté de L’océan Indien
15
EAC : East African Community
- 49 -

II.2. Une démarche cohérente avec celle des alliés

Le concept RECAMP n’est pas né de l’imagination fertile de quelques diplomates et


militaires français qui se sentaient concernés par le maintien de la paix en Afrique. Il a été
le fruit d’une longue maturation qui s’est déroulée simultanément entre les grandes
capitales occidentales qui ont senti en même temps que les principales organisations
internationales la nécessité de mettre en place un nouveau dispositif de sécurité sur le
continent noir.

II.2.1. L’initiative P3

La déclaration commune des États-Unis, de la Grande Bretagne et de la France à la


tribune de l’ONU à New York le 22 mai 1997, appelée « initiative tripartite », visait à
exposer les principes retenus par ces trois pays pour l’assistance militaire aux pays
africains dans le domaine du maintien de la paix. Les principes généraux dont s’inspirait
cette déclaration précisaient que « le domaine de la prévention des conflits ou du
renforcement des capacités africaines de maintien de la paix n’était pas un domaine de
concurrence ou de compétition mais au contraire un domaine de concertation et
d’actions complémentaires au bénéfice et selon les vœux des partenaires africains16. »

Cette initiative a reçu un accueil très favorable de la part des États africains qui comptent
bien, à juste titre, tirer de nombreux avantages de cette conjonction de bonnes volontés
occidentales. Elle s’est inscrit dans la droite ligne des actions antérieures menées par le
secrétaire général des Nations Unies au sujet de la diplomatie préventive et décrites dans
l’Agenda pour la paix et son supplément. Elle rejoignait également la volonté clairement
affirmée de l’OUA et de la CEDEAO de se doter de structures particulières destinées à
gérer les crises au plus petit niveau de violence possible, formalisée il est vrai
postérieurement à l’initiative P3, comme le mécanisme de prévention, gestion et
résolution des conflits, de maintien de la paix et de sécurité de la CEDEAO créé au
sommet d’Abuja en octobre 1998.

Dans la continuité de cette déclaration d’intention occidentale, la France a présenté son


concept RECAMP aux Nations Unies les 5 décembre 1997, profitant de la première
réunion organisée par le secrétaire général de l’ONU sur le thème du soutien aux efforts
africains de maintien de la paix. Cette convergence d’événements montre bien à quel
point ce sujet représentait alors une réelle préoccupation.
16
Gabriel de Bellescize, premier ambassadeur chargé de RECAMP, « la France et le renforcement des
capacités africaines de maintien de la paix », discours prononcé devant l’IHEDN le 25 juin 1999.
- 32 -

II.2.2. Une collaboration raisonnée avec les États-Unis

 La genèse

Les États-Unis ont, comme la France et la Grande Bretagne, développé un programme


nommé ACRI17 visant à favoriser le maintien de la paix en Afrique. Ce programme est
directement dérivé du projet ACRF18, lancé le 13 septembre 1996, en pleine campagne
électorale pour l’élection du président des États-Unis. Ce projet ambitieux comprenait à
l’origine cinq principes : d’abord, la sécurité de l’Afrique est avant tout le problème des
africains ; ensuite, une opération de maintien de la paix engagée en Afrique doit l’être
pour un délai court, de l’ordre de trois à six mois, de manière à stabiliser la zone afin de
pouvoir avant tout assister les populations ; les pays africains contributeurs doivent être
les plus nombreux possibles, de manière à apporter plus facilement une solution politique
consensuelle à la crise, mais ils doivent être sélectionnés pour pouvoir participer à la
force ; la formation, le soutien et l’équipement des troupes sont à la charge des pays
donateurs qui doivent être les pays occidentaux aux côtés des États-Unis ; enfin, tous ces
pays donateurs doivent financer la force ainsi déployée.

ACRF reçoit donc initialement un accueil assez favorable de la part des africains, car il
répond à une préoccupation des gouvernements. Toutefois, l’accueil de l’Afrique du Sud
reste extrêmement mitigé, car de nombreuses questions sont induites par les principes
retenus par les américains : qui sera chargé de l’évaluation des forces armées africaines,
sur quels critères ? Quels seront les rôles respectifs de l’ONU et de l’OUA ?

Les réponses apportées à ces questions ne seront pas très satisfaisantes du point de vue
sud africain, qui marquera clairement sa réserve et sera suivi par d’autres pays de la
zone, ce qui aboutira à la faillite d’ACRF.

C’est sur ces ruines que sera édifié le concept ACRI, qui répond lui aussi à des critères
précis.

Les Américains ont défini des zones d’intérêt sur le continent noir, généralement
caractérisées par des ressources minières exploitables dans un avenir proche. Mais les
richesses qu’elles recèlent ne pourront être exploitées que si les zones où elles se
trouvent sont stables et peuvent attirer des investissements : il faut donc concourir à leur
stabilité. D’autre part, les États-Unis restent fidèles à leur culture du leadership, c’est à

17
ACRI : African Crisis Initiative Response
18
ACRF : African Crisis Response Force
- 49 -

dire qu’ils reconnaissent leur rôle aux organisations sous-régionales mais qu’ils estiment
qu’elles ne pourront jouer pleinement que si un de leurs pays membres se dégage pour y
avoir un poids déterminant, à l’instar de ce qu’ils font eux-mêmes vis à vis de l’ONU : le
choix qu’ils ont fait de porter leurs efforts sur le Nigéria pour la CEDEAO, l’Afrique du
Sud pour la SADC, le Kenya19 pour l’IGAD n’est pas innocent.

L’action militaire est ainsi ciblée et n’est que l’un des éléments constitutifs de la politique
étrangère américaine en Afrique. D’autres projets viennent compléter le programme
ACRI, comme ACSS, JCET ou IMET ou encore des opérations plus ponctuelles comme
Focus Relief20

Cette politique fonctionne assez bien mais au final soulève quelques interrogations : les
bataillons équipés et entraînés par les États-Unis peuvent risquer de déséquilibrer
certaines régions d’Afrique, et la participation d’un bataillon Ougandais juste formé au
maintien de la paix dans le cadre d’ACRI à participé activement au renversement de
Mobutu par Kabila en 1997.

 Une coordination de complémentarité

Les deux programmes ACRI et RECAMP sont complémentaires et très différents,


puisque le premier est sélectif et exclusivement bilatéral alors que le second est ouvert et
résolument multilatéral. Les outils principaux se ressemblent beaucoup, et le cours ACSS
s’adresse à une population similaire à celle qui participe au FICA21 . Conformément à
l’accord tripartite signé à New York en 1997, les militaires français et américains
coopèrent et coordonnent leurs actions dans de nombreux domaines, ne serait-ce que
pour ne pas montrer une image de concurrence aux africains. Un officier français 22, grand
connaisseur à la fois des mentalités africaines et américaines pour avoir effectué de
nombreuses missions sur les deux continents, est en place à Washington pour faciliter
cette coordination.
19
L’action américaine en direction du Kenya semble se reporter actuellement vers l’Éthiopie, mais ce
changement de direction ne sera confirmé qu’à l’automne 2001 lors du vote du budget
(source américaine)
20
ACSS : African Center for Strategic Studies.
JCET : Joint Combined Exchange Training
IMET : Interventional Military Exchange Training
Focus Relief : programme de formation de 5 bataillons nigérians, 1 bataillon ghanéen et 1 bataillon
sénégalais.
21
FICA : forum de l’IHEDN sur le continent africain, version moderne de l’IHEDN Afrique.
22
Il s’agit du colonel Éric Bonnemaison, mis en place à l’été 1999 pour trois ans.
- 34 -

Chaque année, des rencontres d’état-major sont organisées entre Washington et Paris de
manière à faciliter la coordination des actions des deux pays. Celle-ci va parfois jusqu’à
la coopération puisque chacun participe à des degrés divers, en fonction des
circonstances, aux projets de l’autre. Des Américains ont ainsi participé au premier
exercice RECAMP, Guidimakha, en 1998 au Sénégal.

Mais la France reste toutefois réservée sur les conditions de sa coopération avec le
programme américain, sans pour autant revenir sur sa participation à certaines actions,
en partie à cause de la différence des budgets consentis. Ainsi, le seul programme Focus
Relief est-il doté d’un budget annuel de 50 millions de dollars US, ce qui représente la
moitié du budget total de la DCMD, et la France ne souhaite pas apparaître, aux yeux
des Africains, à la remorque des Américains23.

Cependant, il est clair que cette coopération doit se poursuivre, ne serait-ce que pour
affirmer la cohérence des deux programmes, pour respecter l’accord tripartite de New
York et plus prosaïquement pour profiter des crédits américains consacrés à cette action
et qui sont autant de moyens économisés par la France.

La France fait donc effort en direction des États-Unis pour maintenir des liens réels de
coopération sans pour autant s’engager à corps perdu à leurs côtés, mais en faisant tout
pour placer cette coopération au niveau d’un échange États-Unis – Europe conforme à
ses aspirations profondes.

II.2.3. L’importance du cadre européen

La France marque, dans le domaine du soutien des pays africains au maintien de la paix,
une nette préférence européenne illustrée par la réunion multinationale qui s’est tenue à
Paris le17 janvier 2001 et qui avait pour thème majeur la coordination des actions en
Afrique dont la coordination entre les plans français et britanniques constitue la colonne
vertébrale. De nombreuses réunions bilatérales traitant des questions africaines sont
organisées par l’EMA, ainsi que des réunions franco-britanniques au rythme d’une par
trimestre, ce qui montre bien le degré de coopération entre les deux États. Ces réunions
ont pour intérêt essentiel de comparer les actions engagées par les différents partenaires
pour les coordonner ou les partager quand la chose est possible. Dans le même temps,

23
Les États-Unis ont participé à l’exercice Gabon 2000 avec 1 C130 et 1 équipe médicale, et certains
médias américains, pourtant spécialisés, ont décrit cet exercice comme étant un exercice américano-
gabonais avec une participation française.
- 49 -

l’ambassadeur RECAMP mène des actions d’information auprès des pays européens par
exemple les pays scandinaves durant l’année 2000.

Si tous les pays européens ne partagent pas la même sensibilité pour les questions
africaines, ils ont pour la plupart montré un intérêt réel pour les démarches entreprises.
Le rapport du colloque de l’UEO de Lisbonne sur « le maintien de la paix et de la
sécurité en Afrique24 » montre bien les sensibilités des Européens sur cette question.

Par ailleurs, un premier sommet Afrique – Europe s’est tenu les 3 et 4 avril 2000 au
Caire, sous l’égide commune de l’OUA et de l’UE, ce qui constitue en soi un signe fort.
Ce sommet a permis de balayer les nombreuses questions qui se rapportent à la mise en
place d’un véritable partenariat entre les deux rives de la méditerranée, et cette initiative
novatrice devrait, selon le quai d’Orsay, être appelée à avoir des suites constructives.

 Des actions européennes coordonnées

Certaines actions européennes représentent une réelle avancée pratique, même s’il ne
s’agit encore véritablement que des premiers balbutiements de l’engagement des
Européens en Afrique. Les principales en sont l’organisation de stages de formation
bilingues français – anglais à l’école de Zambakro ; la participation à ces programmes de
formation de nouveaux pays donateurs comme la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le
Portugal, les Pays-Bas et le Royaume Uni, notamment pour l’exercice Gabon 2000 et
l’accord politique conclu entre la France et la Grande Bretagne pour une participation
française au BMATT25 ; la co-organisation de séminaires en Afrique avec les
britanniques, par exemple pour l’exercice Pélican Bleu en novembre 2000 à Abuja,
capitale du Nigéria, au profit d’auditeurs civils et militaires de haut niveau des pays de la
CEDEAO ; la participation de pays européens au FICA, tant avec des auditeurs
(Portugal, Belgique, Allemagne, Grande Bretagne) qu’avec des intervenants (Portugal,
Belgique, Grande Bretagne) et surtout la clôture de la session 2000 co-présidée par le
général Kelche, chef d’état-major des armées françaises, son homologue portugais et
l’adjoint du chef d’état-major des armées britanniques, ce qui constitue une première à ce
niveau.

24
Rapport n° 1648 de l’UEO, par M. Roseta, daté du 19 mai 1999.
25
BMATT : British Military Advisory and Training Team
- 36 -

 Des projets en commun

Les résultats obtenus durant l’année 2000 sur la coordination des actions au niveau
européen ont été très satisfaisants et augurent assez bien des possibilités qui s’offrent à
l’Europe dans ce domaine. Ainsi, de nouveaux projets ont été élaborés qui donneront
plus de corps à cette collaboration.

Projets franco-britanniques d’abord, ce couple s’imposant comme le plus dynamique sur


ces questions, d’exercices en commun sur le théâtre africain et d’appui binational aux
programmes de formation des écoles de maintien de la paix de Harare au Zimbabwe,
montée par les britanniques, et de Zambakro en Côte d’Ivoire en échangeant cadres et
stagiaires ; poursuite du montage de stages bilingues à Zambakro ; projet de venue à
Zambakro d’un instructeur britannique du Staff College d’Accra, au Ghana et enfin
projet d’échange d’un instructeur français et d’un instructeur britannique ou danois26
entre Zambakro et Harare.

Mais ces projets ne sont pas les seuls et de nombreux autres impliquent l’ensemble des
pays européens. Les pays européens présents en tant qu’États donateurs à l’exercice
Gabon 2000 ont renouvelé leur offre de participation pour RECAMP 3, et l’Allemagne
s’est jointe à leur groupe ; mise à disposition par le CEMA britannique de trente
instructeurs pour la préparation de cet exercice, et mise à disposition de l’école de
Harare pour la formation des cadres africains des pays de la SADC qui participeront à
RECAMP 3 ; poursuite enfin de la collaboration pour les séminaires politico-militaires et
le programme FICA bilingue, en l’ouvrant à une participation européenne encore élargie,
tant pour ce qui est des auditeurs que des intervenants.

Les projets sont ainsi très nombreux et la demande semble forte de la part des partenaires
européens de la France de participer aux actions conduites sous la bannière de RECAMP.
Le principe souhaité par la France de préférence européenne reste donc d’actualité. Il ne
s’agit encore que d’un projet jeune mais qui bénéficie d’un intérêt certain et partagé, et
qui devrait être appelé à un développement intéressant.

II.3. Conserver un lien privilégié avec l’Afrique

26
Les Danois sont en effet très impliqués dans le fonctionnement de l’école de Harare.
- 49 -

II.3.1. RECAMP : un outil de renforcement de la communauté franco-africaine

L’heure est au pessimisme dans les relations franco-africaines : de nombreux articles sont
sortis dans la presse nationale et internationale depuis quelques mois relatant par le menu
la désaffection visible de la France pour l’Afrique. Le dernier en date est le dossier
consacré par Jeune Afrique27 au thème « pourquoi la France lâche l’Afrique ».

Il est certain que la France, à l’instar de ses partenaires européens, oriente son action et
ses investissements vers l’Europe de l’Est, l’Asie ou l’Amérique du Sud plutôt que vers
l’Afrique : la place de la France comme premier investisseur étranger en Pologne en 1999
en est la meilleure expression.

Des intérêts divergents ou plus simplement des différences d’appréciation sur la place
que doit jouer l’Afrique dans les relations extérieures de la France s’affrontent : il s’agit
de l’opposition des « conservateurs » et des « réformateurs28 », les premiers étant des
« amoureux ou connaisseurs de l’Afrique (…) rivés à un passé néo-colonial hors
d’âge28 » et s’inscrivent dans la continuité de l’action de Jacques Foccart tandis que les
seconds sont assimilés à « des technocrates portés vers l’administration des choses et
non des hommes – contresens énorme en Afrique28 !- »

Dans ce contexte tourmenté, le concept RECAMP peut apparaître comme un facteur


d’apaisement, après les bouleversements de la dernière décennie, la dévaluation du franc
CFA, la diminution du nombre de coopérants, la réduction des effectifs prépositionnés et
la réforme de la DCMD qui ont de quoi apporter de l’eau au moulin des analystes
accréditant le départ de la France de l’Afrique.

 Une profonde communauté d’esprit

Le volet formation du concept RECAMP n’est pas totalement innocent. Certes, et c’est
un élément indispensable à sa cohérence et à sa reconnaissance, il s’inscrit parfaitement
dans les orientations données à la formation au maintien de la paix voulues par l’ONU.
Mais il recrée une dynamique franco-africaine qui avait tendance à s’essouffler, faute de
projet fédérateur. En effet, l’impulsion donnée par les écoles nationales à vocation
régionale est très réel, et la réussite de l’école de Zambakro est patente, alors que ses
cousines de Harare ou d’Accra ont plus de mal à s’affirmer. La connaissance mutuelle
qu’elles entraînent entre différentes communautés militaires africaines commence à

27
Jeune Afrique, n° 2098, 27mars au 2 avril 2001, édition internationale.
28
Pierre Dabezies, « Où en est la France en Afrique », Études, Paris, février 1998, p. 162
- 38 -

prendre corps et, en dépit des faibles moyens dont disposent réellement les armées
africaines, cette convergence de vues commence à avoir une incidence sur les prises de
position des organisations sous-régionales.

Ce facteur est d’autant plus important que la présence d’auditeurs civils lors des sessions
du FICA en accentue le rayonnement, même s’il est encore relativement limité.
D’ailleurs, ces sessions attirent de nombreux pays, qui n’appartenaient pas
traditionnellement à la zone d’influence de la France. Le fait que ces sessions se
déroulent à Paris et non pas dans une capitale africaine n’est sans doute pas neutre dans
le relatif succès qu’elles remportent…

 Un effort d’interopérabilité

Élément supplémentaire et non négligeable, allant dans le même sens que la formation
dans les écoles, le soutien en matériel et dans le domaine de la logistique renforce les
liens entre pays donateurs et contributeurs, et la France, sur ce plan, est assez bien
placée.

Les matériels mis en place et stockés sur les sites des forces prépositionnées sont des
matériels français, directement interopérables avec ceux des unités françaises. Les DIO et
DIT envoyés au sein des unités africaines transmettent les savoir-faire français,
renforçant ainsi, par les plus petits échelons, directement au contact des populations
hôtes, une certaine culture française.

Enfin, les liens logistiques nécessaires à l’entretien des matériels fournis sont dirigés vers
les industries des pays donateurs, ce qui, dans le long terme, contribue à pérenniser les
relations entre partenaires.

L’ensemble de ces facteurs renforce plus qu’il n’y paraît les liens entre la France et
l’Afrique. Plus encore, ces rapports sont finalisés dans l’objectif commun du maintien de
la paix, ce qui donne une réelle cohérence à ce partenariat, alors que jusqu’au milieu des
années 90, la présence de la France en Afrique ne se justifiait, à la limite, que par la force
de l’habitude.

II.3.2. Une opportunité pour s’ouvrir à de nouvelles zones

Le concept RECAMP s’adresse à l’ensemble des pays africains, sans restriction de


langue, et « vise notamment à mettre les pays africains en mesure de participer au
- 49 -

système des forces en attente des Nations Unies29. » Pour atteindre cet objectif, de
nombreuses actions ont été conduites tous azimuts qui ont permis aux idées défendues
par la France de pénétrer dans de nouvelles zones. L’accueil réservé par le Zimbabwe et
les autres pays de la SADC au projet d’exercice RECAMP 3, tel qu’il a été défini par
l’EMA, en est une illustration intéressante.

Sans vouloir présager de l’avenir, il est certain que RECAMP correspond bien aux
attentes des africains, tant dans sa présentation que dans sa mise en œuvre. La souplesse
et la progressivité de son application, et d’une certaine façon l’image de cohésion
européenne qu’il renforce est un gage de sérieux qui lui est reconnu par les autorités
africaines, même si dans le langage imagé des militaires africains traditionnellement
associés aux actions françaises, « RECAMP rime avec décampe ».

Le partenariat réel et efficace entre la France et la Grande Bretagne, qui résulte


davantage de la qualité des rapports entre les intervenants militaires que d’une volonté
politique initiale et appuyée, a contribué à ouvrir les chancelleries et les états-majors de
nouveaux partenaires, comme le Kenya et l’Afrique du Sud qui n’avaient jusqu’alors que
des relations discrètes avec la France en termes de coopération militaire.

Cette action va de pair avec la réorientation des échanges commerciaux. Dans ce


domaine également, les industriels ont précédé les politiques tout comme, d’une certaine
manière, les militaires l’ont fait sur le plan du maintien de la paix. L’Ouganda, pourtant
réputé être « à l’avant poste de la pernicieuse influence anglo-saxonne en Afrique,
attire, depuis pas mal de temps déjà, au moins autant les investisseurs français que la
République démocratique du Congo (..) qui passe pour avoir été un pion important du
pré carré français. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud est le premier partenaire commercial
de la France en Afrique subsaharienne, loin devant la Côte d’Ivoire. Et très vite,
l’Angola devrait devenir l’un des premiers – sinon le premier – fournisseurs de pétrole
de la France30. » La France a donc tout intérêt à poursuivre dans ce sens, s’inspirant
alors du pragmatisme anglo-saxon, sans risquer d’y perdre ce qui fait la spécificité de son
action en Afrique.



29
Gabriel de Bellescize, op. cit.
30
Éditorial du Monde du 2 juillet 1998, « Ouvrir le pré carré ».
- 40 -
- 49 -

Conclusion

En dépit de l’accélération de l’évolution des relations internationales au cours de la


dernière décennie et de certaines difficultés, la France est parvenue, en Afrique, non
seulement à conserver des relations privilégiées avec les anciens pays « du champ », mais
à ouvrir son aire d’influence à des pays qui n’avaient pas de liens traditionnels avec elle.
Pour y parvenir, elle s’est appuyée sur la déclaration d’intention du président Mitterrand
qui jugeait, lors du sommet France – Afrique de Biarritz en 1994, que « la France ne
peut pas être la seule chargée d’éteindre les incendies. Il faut donc donner une chance
à la sécurité collective [en l’Afrique]. »

Les efforts de la communauté internationale et de l’Organisation des Nations Unies en


particulier l’ont beaucoup aidé dans cette tâche, en lui traçant un ligne politique claire.
La diplomatie préventive chère à Boutros Boutros-Ghali, la définition plus ou moins
claire d’une doctrine des opérations de maintien de la paix, du rôle des différents acteurs
dans ces scénarios particuliers tout autant que l’implication croissante des organisations
régionales ou sous-régionales africaines, créées à l’origine dans une perspective
économique, dans des processus de pacification malheureusement dénués de moyens ont
été autant de leviers qui ont permis à la France de définir son propre concept et d’y
appliquer des moyens.

Alors qu’il arrive à maturité, le concept RECAMP a montré qu’il était adapté au besoin
qui a présidé à sa mise en œuvre. Le défi que représente son ouverture actuelle en
direction du monde anglo-saxon et lusophone africain montrera mieux encore sa
pertinence.


- 42 -

BIBLIOGRAPHIE

Sources primaires :
- La Charte des Nations Unies
- BOUTROS-GHALI Boutros, Agenda pour la paix, New York, 1992.
- BOUTROS-GHALI Boutros, supplément à l’agenda pour la paix, New York, 1995
- BOUTROS-GHALI Boutros, « L’ONU et les opérations de maintien de la paix à la
croisée des chemins », Relations internationales et stratégiques, n°11, 1993.
- BRAHIMI Lakhdar, Rapport du groupe d’études sur les opérations de paix de l’ONU,
août 2000 ?
- BELLESCIZE (de) Gabriel, « La France et le renforcement des capacités africaines de
maintien de la paix », discours prononcé devant l’IHEDN à Paris le 25 juin 1999.
- Lettre n° 781/DEF/EMA/EMP.1/NP du 17 juillet 1998 relative au « concept de
renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (R.E.C.A.M.P.) »
- Avis n° 1864 présenté par B. CAZENEUVE au nom de la commission de la Défense
nationale sur le projet de loi de finances pour 2000 en date du 14 octobre 1999.
- Rapport n° 1648 présenté par M. ROSETA au nom de la commission politique de
l’Union de l’Europe Occidentale sur « le maintien de la paix et de la sécurité en
Afrique – Enseignements tirés du colloque de Lisbonne » en date du 19 mai 1999.
- Rapport n°S/1998/318 du Secrétaire général des Nations Unies 2000 sur « les causes
des conflits et la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique »
présenté le 13 avril 1998.
- Rapport n° A/55/498 du Secrétaire général des Nations Unies 2000 sur « la
coopération entre l’ONU et l’OUA » présenté le 19 octobre 2000.
- Résolutions adoptées par le conseil de sécurité des Nations Unies S/1999/171 du 12
février 1999, n° S/RES/1209 du 19 novembre 1998, n° S/RES/1197 du 18 septembre
1998, n° S/RES/1196 du 16 septembre 1998, n° S/1998/486 du 9 juin 1998, n°
S/RES/1959 du 27 mars 1998, S/RES/1132 du 8 octobre 1997, S/1997/715 du 16
septembre 1997, S/RES/1125 du 6 août 1997, S/RES/897 du 4 février 1994,
S/RES/837 du 7 juin 1993, S/RES 814 du 26 mars 1993, S/RES/794 du 3 décembre
1992, S/RES/775 du 28 août 1992.
- Résolutions adoptées par l’Assemblée générale n° A/RES/53/92 du 16 décembre
1998, n° A/RES/54/55 du 7 janvier 2000 et A/RES/54/94 du 28 janvier 2000.
- Annexe n° 289 au procès verbal de la séance du Sénat, rédigée par M. A. de
MONTESQUIOU au nom de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et
des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de la « convention sur
la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé » du 31 mars
1999.
- Lettre n°A/55/741 reprenant la déclaration prononcée devant le groupe des États
d’Afrique par l’ambassadeur R.C. HOLLBROOKE, représentant permanent des États-
Unis auprès de l’ONU datée du 17 janvier 2001.
- 49 -

Ouvrages
- DUMOULIN André, La France militaire et l’Afrique,éd. Complexe, coll. « les livres
du GRIP », Bruxelles, 1997.
- DUMOULIN André (dir), La France et la sécurité en Afrique subsaharienne,
Problèmes économiques et sociaux, La documentation française, n° 825, 6 août
1999.
- LUGAN Bernard, Afrique, l’histoire à l’endroit, Perrin, Paris, 1989.
- LUGAN Bernard, De la colonisation philanthropique à la recolonisation
humanitaire, Christian de BARTILLAT, Paris, 1995.
- LEWIN André (dir.), La France et l'ONU depuis 1945, arléa-corbet, 1995.
- MONTBRIAL (de) Thierry et JACQUET Pierre (dir.), La politique africaine de la
France, entre "grimace" et force, Ramsès 1998, Paris, Dunod pour l'Institut français
des relations internationales, p.102
- MURACCIOLE Jean-François, L'ONU depuis 1945, Ellipses, Paris, XXXX.

Revues et articles
- MARSEILLE Jacques, « l'héritage colonial français : au delà des légendes », in le
Tiers-Mondisme en question, sous la direction de Rony BRAUMANN, Paris, 1986.
- TARDY Thierry, « La France et l’ONU : 50 ans de relations contrastées »,Regards sur
l’actualité, La documentation française, n° 215, novembre 1995, pp. 2-23.
- SMITH Stephen, « Les Américains doublent la France en Afrique », Libération, 4
octobre 1996.
- SMITH Stephen, « Dessine-moi un caméléon. L’interventionnisme militaire de la
France en Afrique », Défense, Paris, Institut des hautes études de la défense
nationale, septembre 1996.
- « Les problématiques du maintien de la paix en Afrique », Les cahiers de Mars, n°
158, 1998.
- Éditorial du journal Le Monde, « Ouvrir le pré carré », du 2 juillet 1998
- DABEZIES Pierre, « Où en est la France en Afrique », Études, Paris, février 1998,
p.162.
- PASCALE Valérie, « Les NU et la sécurité en Afrique : jusqu'où ira le
désengagement ? »,
PRKIC François et JOANNIDIS Marie, « Gestion régionale des conflits : l'Afrique de
l'Ouest montre la voie »,
QUILÈS Paul, « La France et la sécurité en Afrique »,
SADA Hugo, « le changement à petits pas des relations franco-africaines », la revue
internationale et stratégique, Nº33, printemps 1999.
- BERMAN Eric and SAMS Katie, « Peacekeeping in Africa : meeting the growing
demand », Unidir Geneva, août 1999.
- BONNEMAISON Éric, « La stratégie militaire des États-Unis en Afrique subsaharienne
au tournant du siècle », Revue de la Défense Nationale, 2001-1.
- BEN YAHMED Bachir, « Ce que je crois », Jeune Afrique, n° 2098, semaine du 27
mars au 2 avril 2001, édition internationale.
- 44 -

Sites internet
- www.primature.sn/lesoleil
- www.un.org
- www.diplomatie.fr
- une dizaine de sites sur les organisations régionales et sous-régionales africaines.
- 49 -

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION.......................................................................................................................................4

1ÈRE PARTIE : L’ÉVOLUTION DE LA GESTION DES CRISES PAR L’ONU DANS LES
ANNÉES 90 ET SON IMPLICATION SUR LE CONTINENT AFRICAIN........................................6
I.1. LES SUCCÈS DIPLOMATIQUES FRANÇAIS FACE À L’INEXPÉRIENCE ONUSIENNE.....................................6
I.1.1. Une décolonisation française assez bien réussie........................................................................6
I.1.2. Une forte implication française dans l’aide au développement.................................................8
I.1.3. L’incompréhension onusienne des spécificités africaines..........................................................9
I.2. UNE GESTION DES CRISES AMENDÉE PAR L'ONU DANS LA DÉCENNIE 90..........................................11
I.2.1. Une réorientation rendue nécessaire après des échecs successifs...........................................11
1.2.2. Le tournant de l’agenda pour la paix......................................................................................14
I.3. L'ONU À LA RECHERCHE D'UN PARTENARIAT AVEC LES ORGANISATIONS RÉGIONALES AFRICAINES..19
I.3.1. La place reconnue par l’ONU aux organisations sous-régionales et aux puissances
occidentales dans le maintien de la paix en Afrique.........................................................................19
I.3.2. Le rôle prépondérant de l'Organisation de l'unité africaine....................................................22
I.3.3. Une aide souhaitée dans le détail et jusqu’au plus petits échelons.........................................25
2ÈME PARTIE : LA RENOUVEAU, CONFORME AUX ORIENTATIONS DE L’ONU, DE LA
POLITIQUE AFRICAINE DE LA FRANCE.........................................................................................27
II.1. DE LA FIN DE L’INTERVENTIONNISME AU PARTENARIAT...................................................................27
II.1.1. Une volonté de transparence affirmée.....................................................................................27
II.1.2. Le concept RECAMP : un certain aboutissement...................................................................30
II.2. UNE DÉMARCHE COHÉRENTE AVEC CELLE DES ALLIÉS.....................................................................34
II.2.1. L’initiative P3...........................................................................................................................35
II.2.2. Une collaboration raisonnée avec les États-Unis...................................................................36
II.2.3. L’importance du cadre européen.............................................................................................38
II.3. CONSERVER UN LIEN PRIVILÉGIÉ AVEC L’AFRIQUE...........................................................................41
II.3.1. RECAMP : un outil de renforcement de la communauté franco-africaine............................41
II.3.2. Une opportunité pour s’ouvrir à de nouvelles zones..............................................................43
CONCLUSION..........................................................................................................................................45

BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................................46

TABLE DES MATIERES.........................................................................................................................49

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