Mûre Au Québec
Mûre Au Québec
Mûre Au Québec
Par
Eveline Fortier
Département de phytologie
Université Laval,
Québec
Résumé
La culture de la mûre au Québec
Texte écrit par Eveline Fortier
Présenté à Mme Blanche Dansereau, première conseillère
La culture de la mûre au Québec est quelque peu risquée pour les producteurs
en ce moment. Notre climat et nos étés plus ou moins longs imposent certaines
contraintes. Mais depuis quelques années, des recherches sont effectuées pour
redresser la situation. C’est ce qui m’a amenée à me poser la question suivante : « La
culture de la mûre est-elle vouée à un avenir prospère au Québec? ».
Pour répondre à cela, divers aspects ont été examinés. D’abord, un portrait
caractéristique du fruit est présenté. Les propriétés remarquables de ce dernier en font
un fruit recherché. Le choix des cultivars (de nouveaux cultivars plus rustiques et
tirés de notre flore québécoise sont présentement à l’essai) et le choix du site
d’implantation sont abordés et laissent croire que le Québec pourra un jour inclure la
production de la mûre dans ses statistiques. D’autres points tels la préparation du sol,
la plantation, la pose de paillis, la fertilisation, l’irrigation et les principaux ennemis
sont discutés. Plusieurs de ces points se comparent avec ceux de la framboise.
D’autres aspects, plus spécifiques à la mûre, tels la protection hivernale, la taille et le
palissage font l’objet d’un parallèle entre la situation actuelle et celle prévalant avec
les nouveaux cultivars en développement. La récolte et la mise en marché sont
étudiés en mettant en relief les divers points positifs et négatifs de la culture.
ii
Remerciements
Finalement, je remercie tous les gens qui, de près ou de loin, m’ont donné de
l’information et des conseils me permis de rédiger un texte cohérent qui résume la
culture de la mûre au Québec.
iii
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ..................................................................................................................... II
REMERCIEMENTS.................................................................................................III
INTRODUCTION ....................................................................................................... 1
1 CARACTÉRISTIQUES DE LA PLANTE........................................................... 3
1.1 PLACE DANS LE MONDE ET AU QUÉBEC......................................................................................................3
1.2 CLASSIFICATION.............................................................................................................................................3
1.3 A SPECT BIOLOGIQUE......................................................................................................................................4
2 PROPRIÉTÉS DU FRUIT ..................................................................................... 5
iv
5 RÉCOLTE .............................................................................................................22
5.1 M ÉTHODES DE RÉCOLTE..............................................................................................................................22
5.2 ENTREPOSAGE ..............................................................................................................................................24
5.3 M ISE EN MARCHÉ .........................................................................................................................................24
6 PRÉVISION ÉCONOMIQUE..............................................................................25
6.1 COÛT DE PRODUCTION.................................................................................................................................25
6.2 REVENUS POSSIBLES ....................................................................................................................................27
6.3 BILAN.............................................................................................................................................................28
CONCLUSION ..........................................................................................................30
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................32
v
Liste des tableaux
vi
INTRODUCTION
1
la littérature pour aller chercher d’autres éléments scientifiques appuyant mon
hypothèse. Cela va de pair avec les cultivars que nous avons au Québec; ils sont
d’origine américaine (sauf Perron Noir).
Ce séminaire se divise en six parties. Chacune d’elles font l’objet d’une suite
logique qui devrait être respectée lorsqu’un producteur veut se lancer dans cette
production. J’aborderai, en premier lieu, la biologie de ce fruit pour le situer et mieux
le connaître. Ensuite, je parlerai des vertus plus ou moins bien connues qui se cachent
dans ce fruit. En troisième lieu, j’entrerai dans une section majeure, l’établissement
de la culture. Dans cette partie, il sera question de vérifier si les terres, au Québec,
sont adaptées à cette culture. Le choix des cultivars sera traité de façon à faire
ressortir s’il existe des plants résistants à notre climat. Puis, je parlerai de la
préparation et la mise en terre des mûriers, acte qui a un impact direct sur le
rendement. La quatrième partie du travail exposera les méthodes pour l’entretien
d’une mûreraie. En faisant mention de la fertilisation, la taille, l’irrigation et les
ennemis, je vérifierai l’impact de ces derniers sur la vigueur des plants au Québec. En
cinquième point, il sera question de la récolte et de la mise en marché de ce fruit.
C’est un propos plus ou moins bien abordé dans la littérature, mais des conclusions
positives semblent s’en dégager. Les prévisions de rendement au Québec peuvent y
être trouvées. Enfin, une estimation du coût et des revenus d’une telle production
dans nos régions a été effectuée.
2
1 Caractéristiques de la plante
Le mûrier est une plante dont la classification reste assez controversée, étant
donné toutes les variations, hybridations et mutations qu’elle a subies durant son
évolution. Malgré tout, quelques généralités les regroupant peuvent en être dégagées.
Le mûrier est une plante peu connue au Québec. Pourtant, elle fait partie
intégrante de notre flore québécoise, et depuis longtemps. Le peu d’importance qui
lui a été donnée jusqu’ici ne reflète pas toute la diversité des espèces indigènes.
Selon la Flore Laurentienne (2001), on retrouve 16 espèces décrites et quelques
autres en mention, ce qui totalise une quarantaine d’espèces pour l’ensemble du
Québec (Rousseau, H., comm. pers.). Selon Lareault (2001), on dénombre plus de
400 espèces (naines, arbustives et sarmenteuses) dans les zones tempérées et zones
chaudes montagneuses du monde. De plus, c’est en Orégon que se trouve la plus
grande production mondiale (5510 acres en 1997) (Strik, B. comm. pers.). Au
Québec, aucune statistique n’est disponible pour les mûres. Il y a environ 5 ou 6
producteurs ici (région de Québec et Charlevoix) et les superficies sont souvent très
petites (Bergeron, D. comm. pers.). La mûre est toujours une culture complémentaire
d’autres cultures principales.
1.2 Classification
La mûre, comme nous la connaissons au Québec, est un fruit noir qui pousse
en bordure des forêts et dans les champs abandonnés. Tandis qu’ailleurs, le mot mûre
3
désigne le fruit du mûrier (Morus alba ou Morus rubra, de la famille des Moracées)
(Marie-Victorin, 2001). Cette plante n’est pas celle que l’on connaît. Elle est utilisée
pour nourrir les vers à soie. Au Canada, la mûre (blackberry, terme anglais et ronce,
terme français), désigne le fruit d’un arbuste du genre Rubus. Plus particulièrement,
on parlera de la famille des Rosacées, du genre Rubus et du sous - genre Eubatus. Il y a
un grand nombre d’espèces, mais celles qui semblent avoir un meilleur potentiel pour
la culture au Québec, sont Rubus setosus, Rubus canadensis et Rubus allegheniensis
( Rousseau, H. comm. pers.).
Le mûrier est assez voisin de la framboise aux points de vue aspect physique
et mode de multiplication. C’est une plante de type arbustive, bisannuelle, qui peut
avoir ou ne pas avoir d’épines. Les jeunes pousses végétatives de première année
partent de la base du plant et se lignifient au cours de l’été (Louws et Dale, 1994). Les
fruits sont, quant à eux, portés sur les cannes de deuxième année. Ces dernières
meurent après la récolte. Le fruit est composé de plusieurs carpelles (Figure 1) tous
libres les uns des autres, mais ils restent liés au réceptacle charnu, ce qui le
différencie des framboises. En ce qui a trait au port de la plante, il existe des variétés
dites rampantes, semi-dressées, ou encore dressées.
Calice
Réceptacle
Drupéole
Graine
4
2 Propriétés du fruit
Lorsque l’on veut promouvoir un produit, il est important de faire ressortir ses
qualités et de montrer l’intérêt à consommer ce produit. La mûre est un fruit rempli
d’éléments essentiels et bénéfiques. Il renferme une bonne quantité de vitamines,
minéraux, flavonoïdes, anthocyanines et acides phénoliques (Heinonen et coll.,
1998). Les composés phénoliques font partie intégrante de la diète humaine et
peuvent même être intentionnelleme nt utilisés comme préparation médicinale
(Sellappan. S et coll., 2002). Ils ont la propriété d’éliminer les radicaux libres. Ces
derniers sont des molécules très instables et réactives qui possèdent un seul électron
non pairé (superoxydes, peroxydes, hydroxydes, …). Ils interagissent dans le
processus de vieillissement des gens. Il est donc préférable de les éliminer. C’est un
point à prendre en considération et qui peut être un élément clé pour gagner un
marché pour ce fruit. Quant aux flavonoïdes (qui comprennent les anthocyanines), ils
sont connus pour réduire les maladies coronaires, sont anticancérigènes et ont des
propriétés antioxydantes (Sellappan.S et coll., 2002).
5
3 Établissement d’un champ de mûres
Un site qui recevrait beaucoup d’ombrage par les arbres n’est pas idéal
(Moore et Skirvin, 1990). De plus, ces derniers compétitionnent pour l’humidité du
sol et nuisent au drainage de l’air. Malgré tout, avoir une rangée d’arbres peut être
utile comme brise-vent. Il y a un juste milieu à établir.
6
Un autre point à considérer dans le choix d’un site est qu’il faut éviter les sols
ayant été utilisés pour la culture de Solanacées comme la pomme de terre, la tomate,
l’aubergine et le piment. La culture de fraises, framboises et arbres fruitiers dans les
antécédents du champ peut aussi avoir un certain impact négatif. Cela est dû au fait
que ce sont des cultures qui sont susceptibles d’héberger les agents responsables de la
flétrissure verticillienne, maladie des racines et du collet. De plus, il y a un risque
plus élevé d’infestation par les nématodes (Coulombe, 2002), problème de plus en
plus présent au Québec. Somme toute, il est possible de voir que tous les sites ne sont
adéquats. C’est un point tournant lors de l’implantation d’une mûreraie, mais cela
montre que les terres du Québec peuvent, selon certains critères, être à la hauteur.
Le choix d’un cultivar est une étape clé au Québec, étant donné la rigueur
imposée par notre climat.
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Tableau I
Variétés de mûrier connues pour être résistantes au froid en général
Cultivar Origine Caractéristiques Vigueur ou aire d’adaptation
Cherokee Arkansas Hâtif ; dressé Résiste jusqu’à -23ºC
Cheyenne Arkansas Hâtif ; dressé Résiste jusqu’à -23ºC
Darrow New-York Hâtif ; dressé Résiste jusqu’à -29ºC
Shawnee Arkansas Tardif Résiste jusqu’à -23ºC
Illini Hardy Illinois Tardif ; dressé Résiste jusqu’à -26ºC
Chester Thornless Illinois Très tardif États du milieu ouest et milieu
atlantique
Hull Thornless Georgia Mi-saison États du milieu ouest et milieu
atlantique
Source : adapté de Moore et Skirvin 1990
Tableau II
Cultivars retro uvés au Québec
8
Plusieurs recherches ont été faites sur le cultivar Chester. Celles-ci ont trouvé
un bon potentiel agronomique pour cette variété : bonne vigueur, fruit ferme,
facilement récoltable, bon goût et productif (Terrettaz et Carron, 2000), mais
mentionnent qu’elle ne devrait pas être cultivée à une altitude de plus de 800m. Les
principales pépinières où l’on peut se procurer les plants sont les pépinières Luc
Lareault inc. (Lavaltrie) et A. Massé inc. (St-Césaire). Il est possible de constater que
le choix est assez limité et que la plupart des cultivars originent des États-Unis. De
plus, parmi ces derniers, le succès n’est pas garanti. Plusieurs autres facteurs entrent
en ligne de compte et seront discutés plus loin dans la section Plantation et
préparation.
9
minuscules plantules ont été mises sur des milieux de multiplication puis sur des
milieux d’enracinement avant d’être transplantées en multicellules. Les plants ont été
acclimatés en serre. Au début, ils furent mis sous brumisation. Celle-ci a été diminuée
graduellement pour atteindre l’humidité relative de l’air normal. Deux semaines avant
d’être plantés au champ, les plants furent sortis pour subir une acclimatation aux
températures extérieures (Champagne, L., comm.pers.) Aujourd’hui, six fermes de la
région de Québec collaborent avec Mme Rousseau et M. Bergeron et ce, depuis les
printemps 1997 et 1998. Des cultivars mis à l’essai sont testés selon les différents
milieux.
Suite à ces essais, un bilan a été dressé. Les deux cultivars témoins, Perron
Noir et Illini Hardy, ont montré moins de résistance au froid (voir figure 2) que les
clones sélectionnés (Rousseau et Bergeron, 2003). De plus, ces derniers semble raient
plus hâtifs que les deux cultivars mentionnés ci-haut. C’est ici un point encourageant
pour les producteurs de mûres actuels et pour ceux qui veulent se lancer en
production.
Tiges gelées
10
cultivars qui sont sur le point d’être accessibles aux producteurs. Cela joue en faveur
de cette culture et pourrait être un point tournant dans l’histoire de la mûre au
Québec.
Somme toute, si l’on revient au choix du cultivar, celui-ci devrait tenir compte
de la qualité du fruit, du rendement, du port (dressé, semi-dressé ou rampant), de la
présence d’épines, de la résistance aux maladies, mais surtout de sa vigueur et sa
rusticité.
Pour qu’une culture ait de bons rendements et soit en santé, la mise en place
et le suivi doivent être faits en bonne et due forme. C’est un point clef de la réussite.
11
Autre point important, le sol doit être bien pourvu en matière organique. Il est
bon qu’il en contienne environ 3%. Si ce n’est pas le cas, un an avant la plantation,
apport de fumier de bovin ou porc, à raison de 25 à 45 tonnes à l’hectare (Louws et
Dale 1994).
3.3.2 Plantation
Tableau III
Distances de plantation
12
tableau 3, mais il faut aussi respecter un certain minimum de largeur selon les
dimensions requises par la machinerie possédée par le producteur, pour circuler
aisément entre les rangs. De plus, l’engazonnement permanent des allées apparaît
comme avantageuse. Il minimise les risques d’érosion dans les sites en pente, il
diminue les risques de compaction faite par les allers et retours de la machinerie et si
le gazon reste court, il compétitionne peu avec les plants (Coulombe 2002). Selon le
guide du CPVQ 1997, la fétuque rouge et le mil font une excellente couverture.
3.3.3 Palissage
Figure 3:
Confinement des
cannes entre
deux fils de fer
Source: CPVQ 1997
Figure 4 : 4 méthodes de palissage de mûriers rampants
Source : Moore et Skirvin 1990
13
Le but de ces méthodes est de séparer les jeunes pousses des cannes fructifères et de
faciliter la récolte. D’autres treillis ont été inventés aux États-Unis dans le but de
faciliter la récolte manuelle et mécanique des cultivars rampants (voir figure 5). Les
fruits sont ici beaucoup plus facilement accessibles. Il serait donc moins pénible pour
les cueilleurs de ramasser ces fruits.
14
3.3.4 Paillis
La mise en place d’un paillis pour les mûriers est un point qui porte à
confusion. Un rapport sur des essais qui ont été faits à St-Roch-des-Aulnaies laissait
entendre que mettre un paillis de plastique pouvait être non recommandable. Les
principales raisons sont qu’il gardait trop la chaleur au mois d’août, ce qui retardait
l’aoûtement. De plus, durant l’hiver, la neige avait tendance à glisser sur le film au
lieu de s’accumuler (Agriculture Canada et MAPAQ, 1991). Également, le film de
plastique ne peut être utilisé que pour les cultivars dont les nouvelles pousses partent
de la base de la tige (au-dessus du plastique) et non pas des racines (drageons). Bref,
il n’est pas conseillé d’utiliser de paillis de plastique, même si cela contrôle les
mauvaises herbes. Ces dernières peuvent sans trop de difficulté être contrôlées par
d’autres moyens.
La protection hivernale est un point qu’il faut considérer dans nos régions.
Favoriser l’accumulation de neige sur les plants est l’un des meilleurs moyens pour
protéger ces derniers contre les basses températures. Un mercure de -23ºC peut
provoquer des lésions irréversibles aux plants (Moore et Skirvin, 1990). Des haies
brise-vent, en autant qu’elles ne fassent pas d’ombrage sur les plants durant l’été, ont
un impact positif en diminuant la force des vents desséchants durant l’hiver et
favorisent l’accumulation de neige. De la terre ou de la paille peut aussi être placée à
l’automne (Louws et Dale, 1994). Peu importe qu’il s’agisse des cultivars mis sur le
marché ou ceux plus vigoureux qui font présentement l’objet de recherches, une
accumulation de neige apparaît bénéfiq ue. C’est pourquoi, au contraire de notre
intuition, un site à Québec, qui reçoit plus de neige qu’un site à Montréal, par
exemple, peut dans certains cas être plus favorable à la culture.
15
4 Entretien
Pour qu’une culture reste en santé et porte fruit, il importe de bien s’en
occuper et d’y consacrer du temps et des soins.
4.1 Fertilisation
16
D’un autre côté, Naraguma et Clark (1998) ont montré, pour un cultivar à
l’essai, qu’une dose d’azote supérieure à 56 kg/ha n’influence pas le nombre de
nouvelles tiges, le rendement, le contenu en chlorophylle et la résistance au froid. Or,
il semble qu’une dose plus élevée d’azote peut être inutile. Le guide de fertilisation
du CRAAQ 2003 indique une dose de 55 kg/ha, ce qui est en accord avec le résultat
de Naraguma et Clark (1998). Vers la 3ième ou 4ième année, des carences en différents
minéraux peuvent apparaître. Il convient alors de prendre des échantillons de feuilles
vers la fin de juillet et début d’août, sur les tiges de l’année, et de les faire analyser.
Cela permet de signaler des indices sur des défaillances éventuelles en un certain
élément qui ne serait pas détectable à l’œil nu (CPVQ, 1997).
Somme toute, il faut retenir que les buts de la fertilisation sont de maintenir
une teneur suffisante en matière organique dans le sol, d’encourager une croissance
rapide des plants au printemps et au début de l’été, puis de ralentir la croissance en fin
d’été et à l’automne pour permettre aux tiges de s’endurcir et de se renforcer pour
l’hiver.
4.2 Taille
Pour les mûriers dressés, la première étape s’effectue lorsque les nouvelles
tiges ont atteint environ un mètre (figure 6B). La taille consiste à pincer (figure 6C) le
bout des tiges pour permettre la formation de latérales (branches fructifères) en
enlevant la dominance apicale (figure 6D). Cela évite aussi que les tiges deviennent
longues et minces (moins vigoureuses). Si les tiges apparaissent à plusieurs moments
différents, la taille doit s’échelonner en conséquence. Après la récolte (qui est d’août
à octobre), les cannes qui ont produit doivent être enlevées, c’est l’éclaircissage. Cette
17
étape peut se faire à l’automne ou encore au printemps (Rousseau, H., comm.pers.).
Au printemps, avant qu’il y ait reprise végétative, les latérales sont étêtées (figure 6E-
F) à 30-45 cm de la tige principale (Louws et Dale, 1994). Cela permet d’obtenir un
bon calibre de fruits et un bon rendement (Moore et Skirvin, 1990). Il est bien
d’enlever les tiges gelées ou brisées lors de l’hiver.
Tige de l’année
Plant en
avant pinçage
croissance
Tiges après
pinçage
Latérales
rabattues
18
sont fixées au treillis selon une des méthodes vues à la figure 4. Il est bon de
conserver 5 à 8 tiges par plant lors de l’éclaircissage qui a lieu à l’automne, après la
récolte. Sous un autre angle, suite aux essais réalisés par Mme Rousseau et M.
Bergeron, un point est ressorti. Mme Rousseau mentionne que la taille de certains
mûriers dressés de ses essais ne favorise pas vraiment l’apparition de latérales (figure
6 D-F). Or, la taille semble moins indiquée dans ce cas, mais d’autres conclusions
restent à être vérifiées à ce sujet.
4.3 Irrigation
Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour irriguer. Les deux principales
sont le système goutte-à-goutte et par aspersion avec des gicleurs. Le premier mode
est plus efficace car il y a moins de perte d’eau, en plus d’éviter de mouiller toute la
plante, ce qui est propice au développement de certaines maladies. La seconde
méthode, par aspersion, tient son avantage du fait qu’elle peut être utilisée pour
sauver les plants d’une gelée tardive. Peu importe le mode d’irrigation, cette dernière
reste importante pour assurer une bonne croissance et une récolte abondante.
4.4 Ennemis
19
4.4.1 Maladies
Les cultivars qui ont été mis à l’essai sur les fermes expérimentales de la
région avaient été choisis en fonction qu’ils semblaient ou non résistants aux
maladies. A priori, les mûriers sont assez résistants aux bactéries, champignons et
virus. Mais quelques maladies restent assez présentes. Dans la catégorie des
champignons, la rouille semble avoir une grande importance, étant donné que la
ronce est l’un de ses hôtes idéals. Il y a des cultivars qui y sont très résistants,
d’autres pas vraiment. Les dégâts causés par la rouille sont au niveau de la
productivité. Les plants sont affaiblis. Les cultivars sélectionnés par Mme Rousseau
l’ont été sur une base selon laquelle les plants présentaient de la résistance aux
maladies. Or, les problèmes devraient normalement être moins présents. D’autres
maladies sont énumérées dans le tableau 4. Ce sont les mêmes que celles du
framboisier. Elles sont d’ailleurs souvent traitées ensemble dans les guides de
recommandation.
Tableau IV
Principales maladies des mûriers au Québec
20
Pour ce qui est des doses de pesticides à appliquer, il faut se fier au livre de
Recommandation des cultures de petits fruits 1998-1999 (Ministère de l’Agriculture,
de l’Alimentation et des Affaires Rurales, 1999), et au guide de protection du
framboisier 2000-2001 du CPVQ. Pour la brûlure bactérienne, seul l’enlèvement des
tiges malades peut résoudre le problème. Habituellement, le flétrissement verticillien
devrait être éradiqué l’année avant la plantation.
Stade
Ravageur Symptômes ou signes
d’infection
Flétrissement de l’extrémité des tiges. 2 anneaux
Adulte et
Anneleur distants de 1,2 cm faits à 15-20 cm de l’extrémité
larve
de la tige
Mineuse des Petites « mines » creusées entre les deux épidermes
Larve
ronces de la feuille.
Byture du Coléoptère Bourgeons floraux et jeunes feuilles mangés
framboisier adulte (brun) (printemps)
Tenthrède du Feuille trouée ou totalement mangée, sauf les
Larve
framboisier nervures (fin- mai, début-juin)
Coléoptère Fruit mûr mangé. Peut contenir des adultes qui y
Nitidule
adulte sont enfoncés
Rhizophage
Trous et galeries à la base de la tige, dans le collet
du Larve
ou dans les grosses racines
framboisier
Source : adapté de Anonyme 1999 et Hunter, C.L. 1990
21
En ce qui a trait à l’anneleur, il n’y a pas de traitement. Il s’agit seulement d’enlever
les tiges dont le bout commence tout juste à flétrir.
5 Récolte
Habituellement, ce qui fait la différence entre une culture qui rapporte et une
qui ne rapporte pas vraiment, c’est le rendement et la qualité du fruit lors de la vente
ainsi que la présence d’un marché pour le fruit.
22
pour aller cueillir des fruits, mais s’ils savent qu’ils vont en ressortir les mains pleines
d’égratignures, cela ne les attirera pas.
La période de floraison varie entre les cultivars. Pour les plus hâtifs, on parle
de fin juin et début juillet (Champagne, L., comm. pers.), et pour les autres, tel Perron
Noir, c’est vers la mi- juillet. La récolte commence en début d’août pour les cultivars
hâtifs et vers la mi-août pour Perron Noir. Pour la région de Montréal, les dates sont
deux semaines plus précoces (Agriculture Canada et MAPAQ, 1991). Lors du
moment de la récolte, les fruits doivent être récoltés aux 2 ou 3 jours (CPVQ, 1997).
Pour cueillir un fruit, celui-ci doit se détacher facilement du pédicelle, c’est le
principal critère pour évaluer la maturité (Moore et Skirvin, 1990). Il doit aussi avoir
une couleur foncée. Cueillir des fruits noirs avec une légère teinte rouge n’est pas à
recommander. Ce dernier n’est pas aussi sucré qu’il le devrait et est plus acide. De
plus, lorsque congelé, il deviendra rouge. Seuls les fruits mûrs à point conservent leur
couleur après congélation (Moreau, L., comm. pers. et expérience personnelle). Les
mûres ne doivent pas être transvidées d’un contenant à l’autre. Préférablement, le
contenant utilisé pour la cueillette est celui dans lequel les fruits resteront par la suite.
Pour l’instant, il y a trois modes de récolte : la cueillette par des cueilleurs, l’auto-
cueillette et la récolte mécanique.
Des machines de récolte ont été mises au point aux États-Unis. Elles sont
utilisées pour les plants rampants qui sont placés sur un treillis spécifique. Les fruits
ainsi récoltés ne peuvent aller sur le marché frais dû à une moins bonne qualité
(Takeda et Peterson, 1999). Ce problème pourrait en partie être réglé avec une
nouvelle machine. Takeda et Peterson (1999) en ont développé une qui pourrait
récolter des fruits de qualité assez bonne pour alimenter le marché frais. Malgré tout,
je ne crois pas que ce soit convenable pour le Québec pour l'instant, étant donné que
nos mûriers résistants sélectionnés sont de type érigé.
23
Les rendements attendus, avec les cultivars présents, un climat optimal et une
bonne gestion, se situent entre 6700 et 9000 kg/ha (Moore et Skirvin, 1990).
Cependant, un rendement de 5000 à 5600 kg/ha semble refléter davantage la réalité,
quoique plusieurs producteurs de l’Ontario sont en deçà de ces chiffres (Louws et
Dale, 1994). Pour le Québec, selon les résultats de recherche de Rousseau et
Bergeron (2003), Perron Noir aurait donné 3257 kg/ha, ce qui rejoint les estimations
de Louws et Dale (1994). Par contre, le cultivar 99.1 aurait donné 6678 kg/ha. Ces
deux variétés ont subi les mêmes variations de température hivernale. Or, cela laisse
présager un bon potentiel pour les mûriers nouvellement sélectionnés pour le Québec.
5.2 Entreposage
L’entreposage après récolte est très important. Aussitôt que les fruits ont été
cueillis, ils devraient être transférés dans une salle réfrigérée. Ils peuvent se garder de
4 à 5 jours à 1ºC (CPVQ, 1997). Des recherches effectuées aux États-Unis ont fait
ressortir que le goût du fruit, qu’il ait été mis sous atmosphère contrôlée (2ºC 15 kPa
CO2 et 10 kPa O2 ) ou à l’air ambiant (à 2ºC), ne changeait pas (Perkins-Veazie et
Collins, 2002). Cependant, le taux d’anthocyanines a été significativement diminué
lorsque placé sous atmosphère contrôlée, mais il y a eu moins de pourriture après les
7 premiers jours d’entreposage (Perkins-Veazie et Collins, 2002). Or, au Québec, si
les produits sont faits pour être écoulés rapidement, seule une chambre froide normale
serait recommandable. De plus, la qualité nutraceutique du fruit s’en porterait mieux.
L’investissement pourrait cependant ne pas être remboursé étant donné que de hauts
rendements ne sont pas encore garantis année après année sous nos conditions
climatiques.
24
demande est là. Plusieurs producteurs lui ont communiqué le désir de se procurer des
plants. En plus, selo n Clark et coll. (1998), le marché de la mûre fraîche serait en
augmentation.
La vente de fruits frais est une option pour la mise en marché, mais l’auto-
cueillette semble plus avantageuse pour le producteur (Louws et Dale, 1994). Étant
donné que la main-d’œuvre pour la cueillette coûte cher et qu’il faut entreposer les
fruits, si les gens viennent se servir eux- mêmes, cela sauve des embarras. Néanmoins,
ce concept n’est d’autant plus efficace que si les mûres sont facilement accessibles et
les tiges pas trop épineuses. D’autre part, la transformation peut être une autre option
pour les producteurs qui sont équipés. C’est le cas, par exemple, de la ferme Le
Ricaneux de St-Charles-de-Bellechasse et de M. Pierre Rousseau de Château Richer
qui fabriquent des liqueurs, confitures, gelées et autres. Le mode de mise en marché
choisi par le producteur dépend du lieu où se trouve ce dernier (proximité d’une ville
ou village) et de l’appareillage qu’il possède pour la récolte, l’entreposage et/ou la
transformation. Toutefois, la promotion est nécessaire pour faire découvrir ce produit
aux gens qui semblent, pour le moins, avoir une certaine curiosité à cet égard.
6 Prévision économique
Si l’on était certain que cette production sera rentable, probablement qu’il y
aurait beaucoup de cultivars et de producteurs dans la course, mais cette affirmation
n’est pas absolue. Le budget pour la mûre n’est pas encore bien établi, mais voici une
extrapolation de ce dernier.
25
Tableau VI
Coûts variables Principales dépenses pour la culture
26
6.2 Revenus possibles
Le prix utilisé est celui de la framboise, mais il faut s’attendre à ce que celui de la
mûre soit un peu plus élevé. Une raison à cela est que la mûre est plus légère que la
framboise. Donc, po ur un rendement équivalent en kg, il y aura plus de contenants de
remplis (occupation d’un plus grand volume). Par conséquent, une plus grande entrée
d’argent/kg que pour la framboise. Les revenus ici décrits peuvent donc être gonflés
un peu.
27
6.3 Bilan
Suite au deux derniers points, soient les dépenses et les revenus, il est possible
de dégager que le coût d’implantation est beaucoup plus élevé pour les mûriers que
les framboisiers, même si la plantation nécessite moins de plants à l’hectare. Les
plants sont plus dispendieux. Peut-être que le prix de ces derniers descendra un peu
dans les années futures, mais ce n’est pas le cas pour l’instant. Les revenus, quant à
eux, ne sont pas vraiment beaucoup plus élevés que pour la framboise, or il est
évident que la rentabilité est moins éminente pour l’instant. Une question se pose
alors, est-ce que la rentabilité risque d’être augmentée dans les années futures? Le
bilan dressé ne tient pas en ligne de compte le taux de mortalité des plants dû à notre
climat, or cela rend la marge de profit plus faible. Heureusement, les variétés
nouvellement sélectionnées semblent plus résistantes, or ce principal point négatif a
un peu moins d’importance, mais cela ne fait que rétablir la situation au point de
départ si l’on se réfère au tableau VI des dépenses. Deuxièmement, les cultivars
tardifs, comme Perron Noir et Chester, ne peuvent pas toujours être récoltés à leur
pleine capacité. Les fruits gèlent sur le plant avant d’être prêts (Moreau, comm.
pers.). Mais les nouveaux cultivars semblent plus hâtifs, or c’est un autre problème
qui risque d’être moins présent. D’un autre côté, le rendement global semble être
vraiment plus élevé pour certains cultivars à l’essai (par exemple, 99.1 donnerait
environ 6678 kg/ha) (Rousseau et Bergeron, 2003). C’est ce point qui risque de faire
passer la culture d’une faible à une forte rentabilité. D’un autre côté, la mûre est
moins connue que la framboise. Son marché est beaucoup moins développé, ici au
Québec. Cela peut être dû au nombre restreint de producteurs qui ont osé défier Dame
Nature pour en faire la culture. Cependant, ce marché semble vouloir prendre de
l’expansion et si la publicité prend sa source dans la qualité alimentaire de ce fruit, ce
dernier sera davantage convoité.
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Autre point qui pourrait acculer la mûre au pied du mur, serait son prix,
surtout si ce dernier est plus élevé que celui de la framboise. Cela aurait comme
répercussion que des gens hésitants pourraient décider de s’en passer. Mais, il va sans
dire que ce fruit est un peu plus prestigieux que la framboise et sur un dessert, il peut
faire l’admiration de plusieurs.
Bref, des éléments importants viennent mettre des bâtons dans les roues de
cette culture. Cela l’empêche de faire partie de la panoplie des fruits québécois.
Malgré tout, plusieurs points semblent jouer en sa faveur pour permettre son
avancement dans le monde des petits fruits.
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Conclusion
Somme toute, suite aux éléments apportés, on constate que le fruit du mûrier
(Rubus sp.) est rempli d’éléments bénéfiques à notre santé. Il est donc intéressant de
le cultiver et c’est un point qui favoriserait sa mise en marché. D’autre part, tous les
éléments pour la mise en place de la culture ont un impact majeur sur sa réussite ou
non. Plus particulièrement, le choix du cultivar, selon son port, sa rusticité, la
présence d'épines, sa tolérance aux maladies et sa hâtivité, dicte les chances de
succès. C’est un des principaux facteurs qui peut permettre de contrecarrer l’aspect
limitatif qu’est notre climat. On remarque aussi qu’une protection hivernale peut faire
la différence. Lors de l’entretien, tous les points sont à considérer, mais la taille
semble être le plus préoccupant. Elle joue directement sur la vigueur et le rendement
des plants. La récolte et la mise en marché sont plus ou moins bien développés, ce qui
ralentit l’évolution de la culture, mais ce point commence tranquillement à se
redresser et à se développer. Le bilan économique, quant à lui, fait un résumé de
toutes les activités et nous démontre que cette culture a le potentiel pour devenir
rentable.
J’aimerais peut-être un jour moi- même cultiver des mûres. C’est pourquoi je
n’ai pas pris cette recherche à la légère. Mes efforts ont été concluants et je crois me
sentir de plus en plus en confiance vis-à-vis cette culture. L’avancement dans le
domaine ne fait que commencer. Il y a encore plusieurs autres résultats à venir, mais
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si l’on se fie au succès de ce fruit aux États-Unis et que l’on considère disposer de
cultivars résistants à notre climat, la culture et le marché devraient pouvoir se
développer. Toutefois, le potentiel agronomique et économique reste encore à être
prouvé de façon plus convaincante. Parallèlement, la publicité pour inciter à la
consommation de ce nouveau petit fruit devra accompagner le développement de la
production.
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BIBLIOGRAPHIE
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Pépinière Luc Lareault inc. 11 pages.
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and Food Chemistry. 50(8) : 2432-2438.
Communications personnelles
Champagne, Leatitia. 2003. Technicienne travaillant avec Mme Hélène Rousseau.
Institut de Recherche et Développement en Agroenvironnement (IRDA). Québec
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