Verstraete Daniel A J 1978

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LE."'S ILLDlHlrATIONS D' AH'I .

fflm R1MBAUD:

!.!!r:S.~, liN At YSE ET PRO BLEM~_TI QUE

D.4.N1EL ANDRE JEAN VERSTRAETE

STELLEKBOSCH 1978

Submitted in partial fulfilment of the requiremen.ts for the


degree of Doctor of Philosophy, in the Dopartmen.t of French
Univers:l.ty of N~tal <) 1978.
A Ja.oques Dubreuil, "mort pour un livre" (I)
mon amiti~ par dele. "les jours et lea saisona, et
lee etreB et lea pays." (2)

Au Professeur Marie-Louise Tricaud, directcur


de cctte theae p que je remercie pour ses conseils
avis~80

(r) Selon l'exp:ression a'un autre poete, Yves Bonnefoyo


(2) BARBARE
I hereby declare ~nambiguously that the whole
thesis , unless specifically indicated to the
contrary in the text, is my own original work.
;
I
I. I

,,.
I N T ROD U C T ION

CHAPITRE I :' 5tUESTIONS DE M!E~HODE

I.) DE LA CRITIQUE

Dana l'enquete sur Rimbaud menec par Roger Munier de


&eptembre 1973 a
mars 1974 auprea de divers ~crivainB (I),
ainei peut-etre pour marquer un centenaire des ILLUMINATIONS -
.
l'euteur constatait "Un certa.in silence a.u pla.nde Ie.
critiqu.e. sinon meme de lfinterpr~tation entoure actuellement
l'o euvre o.~ Rimbaud ." (2) Plus qU'-l1n silen.ne t "unc meconnaissance"
(:5) aelou ' Yveo :Bonnefoy, qui I' attribue Ii, nIn, pr~dominance
aujourdthui parmi lea critiques de ceux qu.i etudient 1& pO~Bie
comme texte, Ie texte comme structure, et semblent tenir les
fi gul.es, lea anagrammt:lS etc pour l'etre ultime de l'oeuvre" (3)
. II faut vcdr ici, no us semble-t-il, une allusion awe methodes
de la semantique structurale . "c'est un fait que sa reponse
aux examens de Bon "tex te" est pour. 10 moills ~v&sivelt (4) ajoute
y ~ Bonnefoy. Uais 'cet to cr1 UQ.ue de 180 critique rimbaldienne
n'est-e110 pas finalem ent un phenomene permanent que noue re-
trouvona a
toutes lee etapes de l'histoire 1itteraire de ce
dernier sieole? Et dont la Somme forme juatement I e "My the de

(I) Archives des Lettrea Modernee : "Aujourdthui Rimbaud" . 1976.


(2) Ibid. -p. 10
(:;) fI
p. 25
(4) " ide
Rimbaud."? (I) Alo rs ne faudrait-il pas plut6t attribuer a
Ith erm~tisme r~put6 de l'oeuvre, - et particuli~rement des
Illuminations - a 1a fois les silences et le s gloses qui
l'entourent, l'hermetisme favorisant e t les uns et les autres?
Mais nous ne f ais ons encore que repousser la question ; pourquoi
donc les Illuminations de Rimbaud ont-elles un caract~re herme-
tique? Pe~t-~tre d'abord parce qu'il nous manque 1a connaissance
po~tique ( 2), ensuite et surt out parce que ces po~mes transcrivent
des exp~riences humaines qui nous sont inconnues : "car il
arrive a l'inconnu" promettait la Lettre du Voyant (3). I,'opacit~
du texte provient de la nature meme de ces exp~riences dont Ie
lieu est 1t a-temp or alit~ ce qui noue deroute souvent c'est
j us temen t cette impossibilite de les si tuer d' aut ani:; plus que
le~r nature d~fie les limites du 1angage. Le poate a ainsi
sov.vent recours au pre fixe n~gatif "in" pour qualifier cet in-
connu, signifiant ainsi l'impuissance des mots:

"un bonheur indicib1e, insufPortable meme" Conte


"Un G~nie apparut d tune beaut~ ineffable, inavouc,b1e meme -
Conte
"les 1umiehes inou~es 0
" - Mouvement
U~lan insens~ et infi ni aux spEndeurs invisibles" - Solde
II
0 se meuvent sur des I:ails et des poulies invisible s "
Villes I
"Impossible d'exprimer Ie jour mat " Villes II
Ul es richesses inoufes 00"
" Vies I
lId~lices insensibles" Solde

Ces adj ectifs finalement sont jncapablEs de nous faire partager


I f experlence
l' du '\).
poe~e ils ne font que renvoyer a'un "ailleurs",
non-dit parce qutindicibleo Cet "ailleurs" nous l'appe llerions

Cf. Etiemble : " Le My the de Rimbaud" T. I et 2


Gallirnard I970
Nous re vi endr on s sur 1a question pour
, ,
pr~clser oe que nous
entendons par lao cf. supra p. 8
Lettre ~ P. Demeny I5.50I87I
tout simplement "ext a se" stil sYagissait dtune experience
mystiqu e 0 Rimbaud a rencontre comme ceux-ci, la difficulte
de r~duir c dans un langage l'c xp~rience de l'etre envahi par
"la sante essentielle 0 (I) - : de communiquer I' j_neffable
("trouver une langlw" (2)) .. M.ais peut-on faire partager Ifa-
temporalite a celui qui vit dans Ie temps? Ceci eclairerait
peut-etre Ie caractere essentiellement r~ducteur de la critique
vis a vis de RimbE..uo. - reduction a une "clef", a des influences,
a un non-dit qui se trouve etre Ie dire du critique, a la
psychanalyse meme et aussi bien toute approche systematique.
Toutes ces entreprises de r~duction ont pour resultat d'ob~rer
la lisibilit~ du texte et ce n'est pas Ie moindre merite d:Etiemble,
"1 t administrateur du do s sier Rimbaud" (3) de nous avoir gard.~ a
gauche et a droite c~ntre les tentatives de d~tournement.
Dtailleurs la Sorbonne est parfois de bon conseil, : "Que faire?
Moins donner aux biographies- Revenir au texte, a son sens" (4)
nous dit-elleo C'est aussi l'opinion de Bachelard "c'est donc
encore une fois a la meoitation de l'oeuvre que nous devons
revenir pour degager quelque lumi~re sur la vie

2.) DU SENS

Suivant ces avis autorises, nous avons opere ainsi


un retou.r au sens de la poesie des Illu.minations, travaillant a
partir du texte ( et non sur Ie texte) dans sa totalite
fonctionna.nte selon la m~thode de la ."tabula rasa"o La fidelite

CONTE
Lettre ~ p. Demeny I5050 I871
J. Dubreuil cfo Etiemble : "Ie Sonnet des Voyelles"
Etiemble "Structure du my the" : po 402
Go Bachelard in "Lautr~amont" : po II7 : Ed Q .r~ Corti
au texte exige en effet qu.e l'on :lnterpr~te le pOEhne s0it,mais
a10rs tout Ie poeme 0 La p:r:atique des citations, notamment dans
1e cadre de 1'analyse th~ matique, pr~sente 1'inconv~nient majeur
de toute pr~s~lection l'effet de distorsion inh~rent a la
projection dtune e xp~rience ontologique sur une autre.

On observera que la totalit~ du texte peut fonctionne~

sur plusieurs r egistres auquel cas il faut les faire jouer tous
sans exclusive autre que la dysfonction, c'est a dire en po~sie,
la discordanceo.o Ct~tait a_'ailleul's la revendication du poete (1)
(a la pl~nitude du sens) et -nous la reprenons sans d'autre limite
que les reserves de notre inspiration e"oo

L'inspiration on l'a ou on ne l'a pas. En son


absence il faut naviguer a vue-ce qui est difficile et dangereux.
Ltexp&rience est alors sonhaitable, mais elle ne saurait reruplac er
l'aide inestimable apport.ee par un outil remarquable : nous
voulons dire Ie Dictionnaire de 1a Langue Francaise de Littre.
C'est la consultation systema tique de son r~pertoire qui nous a
sonvent fourni la "note" juste. C'est en faisant jouer toute la
gamme des possibilites linguistiques que l'on parvient a degager
Ie sens ou la polyvalence semique du texteo On pourrait objecter
qufun po~me ne peut avoir aucun sens 00 .. au sens strict, oui.
Mais selon nous, un poeme produit toujours ~ sens, en tant qu'il
exprime Ie v~cu sp6cifique drun etre humain -original.

Comme i1 y a plusieurs sortes d'espaces (euclidien,


remanien etc 0), il y a plusieurs sortes de logiques, Itespace
euclidien et la logique cart~sienne n'exprimant que les contraintes
de la vie quotidienne, desquelles Rimbaud a precis6ment cherch~ d
"s f ~vader" avec une pers~v(france peu commune.

(I) On se souvient sans doute de la r~plique du jeune poete J.


sa nH~re qui lui demandait des explications ( a
propos d 'Vne
Saisqn en Enfer) : "jtai dit ce que ca voull}it dire
1i tt~ralement, et da.l18 tous les sens" .. ~
NOllS avons ete ainsi amenes ~ utiliser des techniques
d'interpr~tation variables en fonctioh de leur ad~quation A leur
objet techniques de la psychanalyse (Apr~s Ie TI~luge, Barbare),
approches propres a l'anthropologie (mythes et symboles dans
"Apr~s Ie TI!luge),'r~gime associatif du reve dans "Parade",
l'analyse structurale (A, une Raison), la methode comparative
(Matin~e d' Ivresse, Orni~res), Ii tt.~ra ture comparee .(Fairy,
Bottom), Ie raisonnement math.ematique avec "H", Ie regime du
r~ve ~veill~ (r) (Veill~es) pour sa parent~ avec Ie r~gime
hallucinatoireo

30) TIE L'OBJECTIVITE

Nous avons evoque . jusqu'a maintenant les questions de


la Critique et du Sens au regard de l'oeuvre des Illuminations ..
Nous sommes ainsi amen~s a consid~rer ' le troisieme volet de ce
triptyque Ie probleme'de l'objectivi~ qui ne peut manquer de
. se poser d~s lorsque lIon se propose d'interpr'ter une oeuv~e
poetiqueo

Et bien, selo11 nous, Ie probleme est un faux probleme car


il n'y a pas de connaissance objective ' d'une oeuvre poetiqu~. La
Po~sie transcende en effet Ie vieux dualisme cart~sien sujet/objet.
,. ", ,
I 1 faut dire meme que grace a cet heritage culturel fait de
rationalisme nourri du T\voute; nous sammes tres
"
mal prepares
,
a\ la
connaissancp. po~tiqueo La Raison est precis~ment antinomique de
celle-ci, elle interpose entre Ie verbe poetique et nous l'ecran
de l'intelli gence discursive. C'est elle qui cree Ie contenu
cache de ce .Verb e, qui encha1ne la Pensee : " qu 'elle bondisse
libre et l'homme aura la Foi" s'~crie Rimbaud dans la charte

(I) R. Desoille "L e Reve Eveille en Psychoth~rapie" :


PUF : 19450
6.

po~tiqu e de "SOLEIL ET CHAIR". La ]'01 1ci ce n'cst pas Ia


croyanoe religi euse maie l'elan au coeur, 1'adhe sio n aux forces
de vie, Ie retour a
uno yision tranoparente du monde, qui est
1& vi sion poetiquo par excellenoe. (I )

C' eat partieulierem~nt contre ce dualisme c artes ien -


qui fonde non seulement notre connaissance objective maia l'ego
meme - que Rimb aud partira en guerre dans la f ameuse LETTRE DU
VOYANT. Au "Je pense donc je aUis", il opposers. Ie "J'e est un
'\
autre"~ visant tree certainemen t Descartes Iorsqu'il lance :

nSi le s vieux i mbec iles n'avaient pas trouve du moi


que la signification fausse " (2)

, ,
La let tre a Izambard a deux jours de distance reprend
le IDeme theme : nC'est faux de dire "je pense". On d'Jvrait
,
dire : on me pense." Rimbaud a devanee iei la psychanalyse en
revel ant I'importance dee pulsions ineonacientea ("onlt).

La connaissance po~tique c'est I'intuition du monde,


l'etat non-separe du "je" at du "nous lt , 1 1 harmonie grecque dont
reve Rimbaud do,ns SOLEIL Elf CHAIR ; ce sera plus . tllrd "l 'etat
primitif de fils du So1eil~" (3)

A cette belle tot e1ite stoppose 1a division subjectif!


,
obj ectif , 11 etat "
separe des couran-ts naturels, 1 & scission du
,
moi au monde , I El.bstraction
.
qUl.
,
cree des objets et des 8ujets.

(I) cf. Le poete est celui qui sait lire Ie monde


cfo ilLes Correspondancea u de Ba.udelaire
Novalis disait s "1 & magie, c'est 1& doctrine des correspon-
dances universelles" : "Novalis et 1& Pensee Mystique" in
M. Besset Ope cit. p. 83&
1

Si 1~ moi "est penB'" par 10. libido t par nos pulaione 1ncon-
scientesf s'il est Ie result&t do l a Sciss ion de l'homme avec
l es forc&s de vie, alors Ie D~sir est Ie fo ndement de l'ego et
du monde des objets, en poeant lEI. distance a 1 'objet. 11 est
a Itorigine des deux grandes abstractions qui structurent
not re rappo rt au monde , et qui ~ons l'expression de cette "dis-
tance a" l'o bj et : l'Espace ; ct Ie Temps (la Dur~e ). L'Es-
pace at Ie Temps ce sont jus:tem.ent les coordonnee e qui fondent
notre rationalite. Notre difficult~ 8. entrer dans Ie monde des
ILLUMINATIONS reside dans cette rational1te qui veut a'intro-
duire dans un univers qui eChappe precisement aux coordonnees
spatio-temporel les. C' ost dire qutil n'y a pas de connai~eance
objoctive possible de ces pO$mes (nous reprenons ainsi a notre
compte la critique que Yves Bonnefoy adreaaait a l'npproche
Iinguistique du texte pochique).. Pour entrer dB'Jls le s ILLUMI-
NATIONS i1 f aut accepter cetto absence de ooordonneea, dep8sser
1es bloeagee ou leR tentatives de reduction oppoaees par la
logique, accepter de Be perdre, c'est a dlre abandonner l'ego et
sa d6eorientation.

La poesie n'est dono pas &vidente : loin de la, toute


a
notre cuI ture s , oppo8e 1e. connaiasanee po&tique. Bien plus,
el1e (la poesie) exige de chaeun I e renoncement a soi, l'efface-
ment de l'ego : la po~ sie est un voyage dans l'inconnu avec
lea risques qu'il comporte (de remise en que s tion de notre iden-
tification a un "moi"), at bien Bur sea decouvertes. C'eat 8.
cette d&couverte des ILLUMINATIONS qu.e nous nous engageons.
8.

CHAPITRE II _.t

Ainsi que nous l'avol1s annonc~ nous respecterons Itunit~


de chaque po~me dans sa totalit~~ Nous recourrons exceptionelle-
ment e. ltanalyse th~IDatique pour ~tudier Ie. genese des ILLUMlli!=.
TIONS, dans une PREMI ERE PARTIE.

, , , ,
Genese, car en erfet noue avons ate frappe par une
certaine continuite dans la po~sie de Rimbaudo Les ILLUMINATIONS
nous apparaissent comme ltaboutissement d'un projet qui eClaire
toute l'evolution de sa po~sie : la liberation de l'Homme ;
rendrc I'Homme a lui ...memet a sa vra,ie nature de fils du Soleilo
,. A \ " " (
I )

Catta ~volution nous en voyons les deux poles : depuis le retour


~ l'Age d'Or de l'antiquit~ grecque t - clest le poeme SOLE1L ET
CIIA.IR -, jusqu t a "la lev~e des nouveaux hommes et leur en-marche II (2)
et c'est l'annonce de la royaut~ de l ' Homme nouveau dans GENIE.

La genese c'est Ie travail de ttl'oeuvre d~vorante qui


se rasseruble at remonte dans les 'masses." (0)

PFZMIERE PARTIE

Titre I La premi~re formulation de la pens~e et des


ambitions du poete nous est communiqu6e dans une Borte de Charte
po~tique intitulee diabord CREDO IN UN AM .. 0 " (4), ecrite en
mal 18700 Nous y trouvons pr~figur~eB les grandes l!gnes de
force qui. parcourent ' lea II~LUM InATIONS.

VAGABONDS
A UNB RAISON
JEIDTESSE I
Sans doute pour faire pi~ce au "Credo in Unum 0 0 . " La pi~ce
fut intitulee SOLEIL ET CITftJR dans sa deuxi~me ver8ion~
~ La ,,~
<leu:.d ~m.e
"
ett'l.:pa c.e cette genese, est une phase
de oOllcr~tisationo 'Lea idees t:'ncore Vagu8S do SOLEIL ET
CHAIR vont acq\t~~rir 1a force et 13, direction qui 1~U1.'
malHluaiemt t da.ns un programme d t action qui est Ill. LETTRE DU
VOYANT (I). Itous tel1terons (J.e montrer par una ~tude atten ...
tive de ce progr ~e ,
qu'il constitue en fait Is. th~orie
don-t lea ILLUMINATIONS sont lG pra.tique I

Chapitre I I Ie but de 1a voy/Ulce cleat l'entr~e dans


l'inconnu" ; cat ftinccnnu" conatitue pre-
,
eisement le lieu des ILLUMINATIONS.

Chapi tre II : ,
quant a" la methode de Ie. vayan.ce, que noua
\
reconnaitrons dans Ie plupart des poemes
des ILLUMINATIONS, nous montrerons qu~elle
s'o.PP'l.1ie sur llusage des substances hallu....
. ,
cJ.nogenes.

Titre IJ1. Nous ~tudierons enfin 1es rapports de Rimbaud


"
avec lea substances hallucinogenes. .

Dans Is. deuxieme "


" partie nous procederons a l'analyse des
"
poemes lea lLLUMINA'l'IONS.

TROISIEME PARTI~

La. troisiem~ partie <1.~finira 1es termes de la p:robl~me


tiqu.e des IIILUMIl'lATIONS CI

En conclusion noue no us proposons de placlJr les ILLUMINA...


TIONS dan.s Ie cours d.e 1 t entrepI."iae rimbaldienne et d 'en d~ga.ger

la signification 4U regard du destin du poeteo


---- .. --.--.---.-.-----~--

I;ett:ce ap o -Dero.allY
--------------
(1505QI811) . . . . . .
(I)
IO~

PRF~IERE PARTIE . GENESE ))ES 'ILLUMINATIONS

TITRE I I CREDO III UNAM une charte po~tique

(SOLEIL ET CHAIR)

Nous proc ederons d'abord a


une breve analyse de
ce poeme apres quoi nous cxposerons lea motifs de notre
choix. Cet ordre de pr~sentation correspond a notre seuci
p~emier de ne parler qu" p&rtir de l'oeuvre du peete.
II.

CREDO IN UNAM

lSOLEIL ET CHltIR)

Paragraphe I r,a premi~re strophe est un hymne ~ l'irnmense fr~rnissement qui


souleve la terre f~cond~e par Ie 801eilo "Tout croit, et tout
monte~" La sexualit~ do mine et rythme "l'immense sein" de l ' univers.
Mais el1e "est d'amour comme Dieu", ou plutot comme Venus.

Paragraphe II Rimbaud se tourne vers "ltantique jeunesse", 1es temps anciens


ou 1a terre vivait dtune eterne lle jeunesse dans "Ie grand hymne d '
. d'amour". A10rs, l'homme communiquait librement avec la nature
et ses freres animaux "II entendait r~pondre a son appel la
Nature vivante"o C'~tait bien Ie paradis tel qu'il est chante
dans 1a Bible "Et tous 1es animaux aimaient, aimaient en
Dieu" 0 L'homme dans toute son innocence premi~re ("comme un
petit enfant") s'abreuvait aux sources "de la vie infinie". Et
"parce qu'il ltait fort, l'Homme ~tait chaste et doux". Ainsi
l'Homme participait aux forces vives de la Nature avec 1aquelle
i1 ~tait en totale harmonie il y puisait la p1~nitude de sa
force, son unit~ et sa simplicit~o Parce qu'il ~tait "un" l'homme
~tait pur et sans faille pour la peur d'o~ l'affirmati.on du
poeHe i1 lltai t 11 chaste e t doux ll

La faibl e sse essentiella de l'Homme est en effet dtavoir perdu


sa spontan~it~ ori g inel1e qui d'embl~e Ie plagait "au-dela du bien
et du mal" 0 D'unique et de total, l' Homme est devenu di vise.

9.ragI'aphe III Rimbaud revient au present ("maintena..'1t") "il di t je sais


les choses et va, les yeux f erm~ s et les oreilles c10 8es"0 1e
"je sais les cho s es" exprirne l'affirmation suffisante et pr~
tentieuse de l'esprit, dit s cientifiqueu CVest lfhomme mode rne
quiparle p d~barass~ des pr~juges et sottes superstitions,
sur de lui et de sa sci ence toute neuve. Tellement satisfait
de lui-meme et enfermb dans ses abstractions intellectuelles
qu'il "va, 1es yeux f e rm~s et les oreilles closes". L'univers
des sens a captive son attention, tandis que l'unive rs de la
sensibilit~ est laiss~ a l'abandon car indigne de sa raison
souveraine. C'est la victoire du monde de l'apparence sur
Ie monde de l'invisible. La Nature a perdu son mystere, elle
est df3mystifi~e, arpentf3e, classf:le "Je sais les choses"
affirme Mr. Prud' homme tout gonfl~ de son importance" "MisEhe 1"
s'exclame Rimbaudo

"Et pourtant9 plu.s de dieux~" les mythes sont en effet


, devenuf) un objet d'etude, presqu'une curiosite" "L'Homme est
Dieu!" Degage des anciennes superstitutions, I'Homme est devenu
Ie maitre de son destin et Ie centre de tout -Dieu. Cependant
Ie Dieu en lequel il faut croire ce n'est pas l'HoIDIDe "mais
l'Amour, voila la grande F'oH" L'Amour que l'Homme a delaisse,
constitue Ie Credo essentiel - du poete "Je -crois en toil"
s'ecrie-t-il dans un elan de foio -

'aragraphe IV Depuis que Ie Christ est paru en ce monde, la vie reste marquee
Strophe II) par la souffrance et la r~demption de la Croix "Oh! la
route est W1lere depuis que l'autre Dieu nous attelle a sa croi x " .,
C'est la condition chr6tienne de p6cheur que rejette Rimbaud, 1 13
poids de la culpabilite introduite par "l'autre Di eu ll , Ie Chri s t ..
Sans ~quivoque Ie dieu auque1 va la foi du poete c'est l'.~our
du paga...nisme de l'antiquite "Chair 9 Marbre, Fleur, Venus
c'est en toi que je crois" precise Rimbaudo Le Christ reste
etranger a cet Amour, i1 est "l'autre Dieu". Mais l'Homme
moderne "est triste et laid",-IIil a des vetements", clest la
dech~a..nce du dieu-" II n' a m~me plus Ie courage de mourir
simplement '
"Oui, meme apre s la mort 9 dans les squelettes p~les
II veut vivre ; insultimt la pr emiere beaute!"
C'est tvidemment une allusion a la croyance chr~tienne en la
vie dans l'Au-dela
,

La Femme ne vaut pas mieux, elle qui pourtant avait pour


mission d ' blever l'homme de sa prison terrestre "dans un
immense amour ". D~:r:isionl "la Femme ne sait plus merne
~tre courtisane!", "et Ie monde ricane 000"

?agraphe V "Si les temps revenaient", les temps de lfantique jeunesse,


;rophe III) IfAge dfOr ancien. Ces temps ne sont pas -un my the, ils " sont
,
venus", - cYe st "' ~ dire qu'ils sont pr~ts a resurgir "car
1 t Homme a -finil 1 'Homme a jou~ tous les rolesl" , les masques
ont ~t~ arrach~s un ' a un et les roles sont t pUlses.
., 11 est
temps que l'humanit~ "fatigu~e de briser les idole s " se tourne
vers des t aches plus eonstructives et la principale : restaurer
le vrai visage de l'Homme enfoui sous des siecles de servitude.

Rendons If Homme a lui-m~me, dit Rimbaud et l'Homme Nouveau


apparai tra', un vrai dieu "au grand jour, il ressuscitera,
libre de tous ses Dieux, et comme il est du ciel, il scrutera
les cieuxl" De nouveaux horizons, sfouvriront a lila Pens~e in-
vincible 9 ~ternelle" dont rien n'arr~tera plus Ifaudace, affranchi c
"des vieux jougs , libre de toute crainte""

Alor s seulement l'Homme sera digna de lflmour ce sera la


R~demption finale -par "l'Amour infini". Cart ajoute Rimbaud, I
"Ie Monde a soif d'amou.r 00." . I,

.I
I
('agraphe VI Analyse du passage supprirn~ dans la ver si on Demeny (Soleil et
('ophe III)
Chair) ..
,I
I

"IJ t Homme a reI eve sa tete Ii bre et fiere" voici que "le s
temps sont venus" pour IfHomme de secouer Ie joug de la cul-
pabilit~, de la peur, de la servilit~9 de faire acte de
,I,,i
courage/) "La: beaut~ premiere" signifie l'innoc enc e ori ginelle
qui illuminai t son visage, . qui irradie a. nouveau des que
("soudain") l'Homme r enait ;: s a dignit~, 1ibre, fort, dieu. La
force qui s ouleve l' Homme et "fait palpi ter Ie dieu d'a ns I' aut e1
de la ch a ir"" c I e st Er o s , force de vie de la sexual i te qui
circule a travers les humain s mais aussi les plantes, les
~l~ ments. Un Po eroe de s ILLU1v'.INATIONS , "Antique" reprend la
m~me image "Ton coeur bat dans ce ventre ou dort Ie double
sexe".

D~sormais, rendu a lui-meme, l'Homme peut revivre sa vraie


condition "Heureux du bien present, p~e du mal souffert" et
repr endre gol1t a la vie "l'Homme veut tout sonder, - et
savoir!" Ayant releve la tete, enfin libre, lila Pensee
s'elance de son frontl Elle saura pourquoi!" Voila pose Ie
pro gramme de la pense e liberee, defi a l'Inconnu "Pourquoi
l'azur, les astr e s", et surtout au mystere de la destinee
"un Pasteur mene-t-il cet immense troupeau?" "Qu'elle
bondisse libre et l'Homme aura la Foi~1I La pensee avance par
les bonds de l'intuition liberee des terreurs, dogmes et
prejuges la pensee r e tournera a sa source la verite. L'Homme
aura la foi parce qu'il connaitra la v~rite de la vie et croira.
La Foi est bien cette pensee intuitive qui vient du ooeur et se
passe de preuves.

Tel est Ie pro gramme op timiste que Rimbaud assigne a la pense e .


Mais en attendant, constate-t-il, Ifnous ne pouvons savoirl
Notre p~le raison nou s cache l'infini~1I

Plus tard dans "AGE d'OR" il reconnaftra

"Ces mille que stions


Qui se ramifient
N'amenent au fond
Qu'ivresse et folie"

La raison forme dono u n ecran entre nous et l'infini (ll nou s


cache") parce qu' e11e interpose entre nous et 1a r'eali t~ Ie
reseau de ses abstractions, de ses categories, de ses idees
toutes raiteso Nous ne savons pas voir Ie monde avec Ie regard
de l'intuition, decouvrir la rea1ite telle qu'elle est dans sa
simplicite. Notre vision est reflechie et inf1echie par l'~cran
de 1a Raison c'est "Ie Doute (qui) nous punit".

Rimbaud est trop sensible, trop vivant, pour etre "prisonnier de


sa raison" comme il Ie dira dans La Saison en Enfer. La raison
et Ie doute qui lui est associe depuis Descartes, voila l'anti-
these de "la pens~e libre", 1a negation de "la Foi". Avec 1a
raison cartesienne, l'innocence et 1a simplicite du donne sensible
s ont refus~es, Ie soupcon est de reg1eo Le regard simple et
direct .! des sens et du coeur, qui nous fait entrer de plein pied
, , , t' r.
dans la rea1ite vivante de 1a cr ea lon, connaltre la nature de
l'int ~rieur, est refou1e.

Nous ne connaissons par 1a froide et "p~le raison" qu'une realite


, l't'
exsangue, une rea l-e d' objets dont nous sommes separes
' , par toute
1a dist ance posee par 1a connaissance abstraite. Notre regard
reste ext~rieur a laorealit~ dont nous ne pouvons p~n~trer la vie
infinie o Voila 1a punition que nous inf1ige Ie Doute 1a
r~a1ite de la vie nous ~chappe, nous nous cond amnons a saisir
l'ins aisissable "Et l'horizon s'enfuit d'une fuite ~ternel1e!..11

Rimbaud veut restituer l'Hornme dans sa sp1endeur au "morne


oiseau" du Doute et a notre "p~le raison", i1 substitue l'el an
de l'in tuition, It~vidence de 1a sensibilit~ 1a connaissance
po~tique. (qu'il oppose done a 1a connaissance rationnelle).
,
Si nous nous sommes arr~t~ a une analyse succinte de ce poeme,
o'e s t en raison d'une part de l'importance que Rimbaud lui
aocordait, et d'autre part dd 1a p:r.'~senoe de p1usieurs the'mes qui
consti tuent de puissantes 1ignes de force de 1a pens~e du po'e'te
que nous retrouvons dans 1a po~sie des ILLUMINATIONS. L'importance
particu1iEirc que Rimbaud accordait a ce po~me est attest~e d'abord
par Ie choix du titre c'est en quelque'sorte Ie credo de sa
16.

pensee que Rimbaud noue livre. Attest~e ensuite par ltintention


Ie poeme serait destine a tre "Ie Credo des Po~tes" (I) ;
attestee enfin dans les espoirs consid~rables que Rimbaud pla~ait

dans ce poeme "Ambitiont ~ Follett! st~crie-t-il en conclusion


de sa lettre, et il ajoutera "cher Maftre, a moi : levez-
moi un peu, je suis jeune". II est assez~mouvant de penser
qu'en effet Ie destin du poete ~tait en balance dans cette
lettre. II ne tenait pas n~anmoins a ce que ce fut Th. de
Banville qui tend~t la main au j8une'confrere -ce r6le
devait appartenir a Verlaine. On sait en effet que Ie Maitre
fit la sourde oreille.

1 t importance des themes si la facture de Credo in


Unam manque peut-etre dtoriginalit~ (Rimbaud est encore sous
l'influence de sa o-culture scolaire et Ie contraire serait
surprenant chez un garcon de quinze ans) on n'a pas pris assez
~

garde au fait qu'il pr~figure d~ja les grandes lignes du projet


qui donne tont son sens a la po~sie rimbaldienne pI'ojet qui
est formule dans Ie po~me VAGABONDS

"J'avais pris lfengagement~ en toute sincEfrite dtesprit,


-de Ie rendre ~ -s on 'tat primitif de fils du soleil".(2)

1e soleil, avec un sens symbolique evident est pr6sent des la


premi~re ligne du po~me

"1e Soleil, Ie foyer de tendresse et de vie "


et il se trouve incorpor' au titre de la version remani~e
SOLEII, ET CHAIR. Nous retrouverons dans Ie poeme liminaire
des Illuminations (Apres Ie Deluge) l'impact de'l'Absence du
Pere" dans la vie de Rimbaudo

(J) 1ettre- i Theodore de Banville du 24 mai 1870.


(2) Nous retrouvons Ia merne expression ch ez Holderlin "l en
. .tP..8
rlu soleil se nO~l.rrissel1t de leurs actes ; i1s vivent
de victo ire ; ils tirent leur courage d'eux-m&mes, et leur
,f.~rpe fe.it leur joie"dit Ala1Janda dans l'Hyp6rjon. cf.
HHlderlin : La Plciade : p. 1560
Ce qui est important a notre objet immediat, clest l'identification
de cet ~tat primitif de fils du soleil A une ~poque de l'Histoire
l'Antiquite grecque qui apparait comme l'Age d'Or de l'homme (1).
Rimbaud en effet assimile la Gr~ce a. "la patrie primitive (2),
a l'Eden comme il Ie reconnait de,ns la Saison en Bnfer
"Clest vrai ctest a l'Eden que je songeais! Qu'est-ce
que c'est pour man r~ve cette puret~ des races antiquesl" ( 3)

Quels s ont les pbles d'attraction de 1a "vie grecque"


sur Ie poete, d t abord Ie sentiment de communion avec "la
Natur e vivante". Les dieux grecs sont les manifestations
anthr opomorphiquGs du dialogue de l'homme avec les forces
naturelles ils temoignent de la proximite de la nature dans
son univers, du contact familier qui s'est ~tabli avec c es
forces "Ie grand hy-runo d I amouI,II chante la belle harmonie de
la Grece a.ntique. Un poeme comme AUBE est une r6su~'gence directe
de ce desir d! harffionie au 88in de la Nature que nOllS trouVOi:lS
formul~ ici"

C'est 1'~tat non-s~par~, l'absence de scission de l'ego


des forces vivantes de la Nature que recherchera rtimbaud (4).
Fusion au sein du cosmos qu til atteindra dans des -p oemes comme
AGE D' OR , ETERlUTE

"Et je V~CU8, ~tincelle dlor de la lumiere nature" (5)

Le deuxieme theme repris par Rimbaud au paganisme grec


est celui de l'Amour universel. Amour place sous Ie signe de
-,
Venus, qui c~l ebre done la chair

!'O splendeur de la cha.ir, .... 6 renouveau d t a.mour"

(I) 1e rapprochement s'impose avec la rech erche du poete


allema.nd mnderlin.
1'IMPOSSIBL8 (S)
Idem
Absence de 0cission dont Hegel f;;tit Ie point de d6:part de sa
dialectique de l'Esprit (la belle harmonie grecque).
(5) ALe HDilI.E: DU VErt.BE (S)
18.

Rimbaud opdre 1a sanctificati on de 1a sexua1it~ par


1tam our~"et taus 1es anirrlaux aimaient, aimaient en Dieu" .

Le pan-sexnalisme de la Greke ant ique lui apparait comme la


marqu.e meme du divin force cosmique qu i travail1e et
souleve tout tre et toute cr6ation , qui traveroo I' h~mme et ne
fait que l ' habi ter, et qui module son " grand hymne d t amour"
Sanctifi~e, la sexualit~ est associ~ e ainsi ~ la purete ("la
puret~ des r a c es antiques"). I,' homme gre c apparai t ainsi dan E!
sa simp1icite, pur et fort, "c haste et doux"o (Dette sexual ite
1ibre et joyeuse est une des cons tantes fonda menta1 es de "lf~t at

primitif de fi1s .du s ol ei1 ". E11e sanctifi e 1a chair et s'oppo se


radica1ement a la notion du peche, de la Faute. Rimbaud s'attaque
ici a la sexualite chr ~tienne dominee jusqu f alors par l'associa-!;i on
pau1inienne faite entre 1a chair et 1e peche. Sa critique rejoint
pr~ci s~men t c e11e de Nietzsche et s'appu ie sur la meme conception
dionysiaque de 1a sexualite . II s'agit de liberer l'homme du
poids de la cu1pabi1ite chr~tienne, de Ie rendre a sa vie primitive
1ibre, innoc ente et joyeuse , de lui redonuer Ie gout et 1e sens
de 1a f~te.

On Ie voit, ce s preoccupations sont toutes modernes.


Elle constitue en tout c as une ligne de forcE.: indeniabl e du
proj e t rimba1di eno

Lt~tat primitif de f i ls du solei1 passe ainsi par la critique


du christianisme . Mais cette critique ne saurait etre limitee au
domaine de la sexua1ite. Rimbaud nie tout simp1ement l a valeur
exemplaire et symbo1ique de 1a Croix et ce rejet aboutit a
une n~gation de 1a d~ marche chre tienne

"0h1 1a rOll tt es t amere


Depuis qu e l'autre Dieu nous atte11e a sa cro ix"

Oe chemin est celui de 1a "Voie 4trolte", du sacrifice de


soi, de 1 t acc8})tation sub1im6e de 1a souffran ce, de l' Hurr.i1i te,
toutes voies que Rimbaud rejette da.ns son instinct d ' adole s c ent
instinct qui l'incite a magnifier au contrai l:'e l a beaut& de I' Homrne 1
sa noblesse, sa fiert~. Et ce sont pr~cis~m ent ces memes
qualit~8 qu'a reconnues ' Rirnbauo. dans Ie Christ, d'ou
l'attraction paradoxale que Ie fonrlateur du christianisme conti-
nuera longtemps l exercer sur lui t~moins ces paraboles
surr~alistes, ec r ites ~ pa rtir de l'Evangile de St. Jean,
troi s ans plus t a rcl. Rim'baud se reconnait dans Ie prophete
de Galil~e, "Ie divin maitre" (I), "miracle de la jeunesse"(2)
qui reunjt les qualites de l'Homme nO'.lveau jeunesse, force,
innocence, beaute mais il ne saurait accepter l'image du
Christ aux Oliviers, image de l'angoisse et de la souffrance,
pas plus que l'image de l'homme - domin~ par Ie p~che qui lui
est associee. -

"La morale chretienne", "Ie pecr.d~1I c' est contre


ces m~mes entit~s que . Nietzsche fulminera dans l'Ant~christ

"Le peche, la notion de Fante et de punition,


toute la "morali te cle l' ordre uni versel" est une
invention contre la science - pour empecher l'homme
de se detacher du pr@tre 00. Ie prere ' regne par
l'intervention du pech~" (3)

C'est Ie peche de la morale chr~tienne qui a rendu


l'homme "triste et laid" "il a des vetements parce qu'il
n'est plus chaste, (parce qu') il a rabougri, comme une idole
au feu, son corps Olympien aux servitudes salesP

La poesie de Rimbaud a ete un effort heroique pour


arracher l'Homme a 1a ~orale du bien et du mal et les
ILLUMINATIONS SO!lt Ie temoignage de sa reussite comme de son
~chec. Rimbaud a voulu transcender les categories de la

------ -------_._ --
(I) BETH-SAIDA
(2) Idem.
(3) L,1ANTECHRIST p. 80 - 81 ColI" It'olio "Gallimard"
morale chrttienne at 1.1 y est parvenu un temps c'e st
l'e xp~rien ce bouleversante de GENIE o

Mais ces cat~gories ne s I effaceront jamais tout a fait


de sa m~moire malgr~ ses d~n&gations (I). Leur importance est
en tout cas attest~e puisque 9 jusque dans ses t11ans dtenthousiasmo
i1 ~prouvera Ie besoin de sty r~f~rer, m~me n~gativement. Dan s
MAr.r INEE ntIVlli~SSE, "On nous ' a promis d'ent errer dans I t ombr e
1 t arbre du bien et <1u mal" dans DEVOTION, il y a "les aspira-
tions du moment ou bien notre pro pre vice serieux" dans
JEUNESSE Ill, il Y a "l'ing~nuit~ physique ameremen t rassise" et.
J'EUNESSE IV, nous rappelle "la tentation dtAntoine"" La ''belle
harmonie grecque" constitue ainsi 1a clef de "l'~tat primitif de
fils du solei1", ainsi qu t i1 est formu1~ dan s Ie po~me VAGABONDS e

Apr~s 1e th~m G de 1a "patrie primitive" nOU8 trouvons un


autre theme central aux ILLUMINATIONS, 1e tl}.eme de 1a Femme.
Et aussitSt la verve de Rimbaud devient f~roce

"La Femme ne sait plus meme etre courtisanet


-Clest une bonne farcet Et 1e monde ricane
Au nom doux et sacrll de 1a grande V~nus~"

Rimba.ud ~prouve d~ja. cette haine tanace envers 1 'in_


carnation moderne de 1a Femme qui ne 1e quittera jamaiso Incarn &-
tion qui prend forme dans cette V~nu8 des temps modernes , nouvelle
"V~nus anadyomene" peinte au vitriol? qui

"D'une vieille baignoire ~merge, lente et b~te


-Avec des deficits assez mal ravaudea" (2)

Un an plus tard Rimbaud ecrira ce poe~e dedie a la Fenme


"Les Soeurs de Charit~". Le po~te contraste l'image gre cque de
1 t adole s cent radieux "Le beau corps de vingt ans qui devrait
al1er nu"9 a. la Femme r~duite a sa plus simple expression "0

- ------------- ----_._------ --------


(I) Cf. "Je 8uis e8clave de m~n bapteme" dira Rimbaud dans La
Saison en Enfer.

(2) "V6nu8 Anadyomcne" , po~me


21.

Femme, monceau d' e ntrail1 es , pitiJ douce"o Dans 1es


1LI,UM1NAT1mrS, I e theme de 1a femme e s t presque toujours
associe ~ des fi gures n~ g ative s ce sont 1es images frigides
dtApr~s Ie D~lu ge ? de Barbare 9 d~ Devotion 1es figures
inqui ~ tantes de viei11es ou de s orcieres, au encore 1a figure de
1a pro s titution (les Bacchant e s de s ban1ieue s, (I), 1es Sabines
de la ban1ieue (2) et Circeto 000 gras se co~me Ie poisson (3).
Qual est done en faisant pour l'instant exception de 1a
psychanalyse, 1a raison du proces que Rimbaud intente a 1a Femme?
La raison essentie11e nous croyons pOlivoir 1a r~sumer de 1a sorte
1a Femme a trahi l'amou ro Rimbaud nous Ie dit dans 1f~pisode de
1a Saison en Enfer -ilititule "Vierge FolIe"

"Je n'aime pas 1es fe mm es. L'amou r est a r~inventer,


on Ie sait. Elle s ne peuvent plus que vou10ir une
position assur~e (4). La position gagnee i coeur et
beaute sont mis ete cote 'i1 ne reste que froid
d~dain, l'~lement du mariage aujourd'hui".

Voila 1 f accusation nettement formuH~eo La Femme a


fai11i a sa vocation l'amour.

"Afin Ciue l'Homme put ec1airer sa pauvre ame


Et monter 1entement 9 d&ns un immense amour
De 1a prison terrestre a 1a beaut~ du jour "

Cette fina1itll de la Femme , aj_l1si d~finie dans Credo in


Unam, sera reprise plus tard par Andr~ Breton

"At tendons nous, ~crit-il, a ce que ce langage (du coeur


et des s ens) remett e en honneur les grands themes qui l ui
sont propres que domine 1fid~e du salut t e ~~~f> t re
par 1a f emme,(5) de la vocation transcendante de 1 a

----------------- - ------------
(I) V1LLES I
(2) BOTTOM
(3) DEVOI1I Oi'T
(4) On ne peut r &sist er d' e voq~er les imperatifs cate goriquc s de
Mme . RimlJau d. , r egardant lf~ducation de 80n fi1so
(5) Souli gne par 1'auteur .
22 ..

femme , vocatiOYi qui s' est trouvE!e systE!matiquement


obf:curcie, . cont I'aI' i~e ou devoy~e jusqu'a nous." (r)

Les deux po~tes se rejoignent ainsi pour attribuer a la


Femme une foncti on sp4cifique dans l'ascension de Ifhumanit~ vers
une conscience toujours plus 41evoe de son destin. La misogynie
de Rimbaud, si e lle ob~it en partie 1'1 sa structure affective in-
consciente, apparait donc aussi fond~e sur une critique intransi-
geante de la r~alit~ feminine 7 telle qu'elle peut tre encore per-
cue de nos jours. Dans Ie poeme"ADIEU", Rimbaud d~clare en00re

"Un bel avantage c'est que je puis rire des vieilles


-amours mensongeres et frapper de honte ces couples
menteurs, ... j'ai VLl l'enfer des femmes la-bas".

La troisieme ligne de force qui se d~gage de mani~re


~clatante - dans Ie poeme comme dans les ILLUMINATIONS c'est la
dynamiQ.ue <!~ _ .1' Amo,!-.E :

. "L'Amour, sf~crie Ie poete, voila. la grande Foit"

Cependant l'apotre de l'amour ce n'est pas Ie Christ, Ie


I
Redempteur mais, - et en ce la '~l - res t e fidele
' a... son paganisme , -
la "Divine mere",
, ,
Venus "ctest en toi que je croisl l1 Rimbaud
emprunte a. la th~ologie chr~tienne 1e systeme de la r~demption de s
hommes, de l' amour sauveur (2)

"Tu viendras lui donner la Redemption saintel


Splendide, radieuse 000

Tu surgiras, jetant sur Ie vaste Univers


L'Ar.Jour infini dans son infini souriret"

Et il conclut : "Le Monde a soif d'amour o ~ ()


"
Nul poete, plus que Rimbaud 7 nfaura recherch6 l'Amour aY!c autant
de force et d'obstination c'est une soif ontologique qui

(I) ARCANE 17. p. 49 Collo 10/18


(2) N'oublions pas les premiers prix de cat~ ~ hismol
l' habi t e . Cette c ar act ~r i s t iqu e est m&rne sensibl e Dur Ie pl a n
brut du fait lingui si, ique e n nous basant sur 19index d e
frtquence des mots-clefs de I B, Saison e n Enfer et des
ILLUMDTNI'I ONS ( I ) t 110US ayons fait 1 a s omme des 8caI'te-:r.~d1Jits
d e s tet es de liste. (2) Not re mot-clef ne Ie c~de qu'au "ci e l"
(1 ) et app a rai t ave c u ne f r ~ que nce ~gal c e. celI e - de la "Nuit".
Nous al1(ns tenter de d~fini r la concept i on qu' a Rimb aud de
llAmour. N~gative m ent dlabord, c'est a dire par opposition

Ltintui tion de l' amou r de Riml)aucl tire ses ori g ines du


paganiSD18 (Ie l ' A.ntiqui tb. - Elle ne saurai t done que se heurter
a son -acc e ption chr~tienne : cl e st a dire la cha.rit~. Dans s on
uCredo ' ;, Ri mbaud d~ve loppe s on -intuition de jeuue adolescent
If.A.r!1our lui apparait comme u "C.e force nat~lrelle, universelle, qui_
est a la source de l a vie 'flrc~t croit et tout monteX"

Cette force 9 pour Ri mbaud, est trarlsmi se par la sexllali t~, que
lui semble incarner l a Femme dans l'arc h ~type de la D~esse. La
Se:m&.lit~ est 8,insi I e vivant t ~m o i gnage du "grand h~rmne d'amour"
qui souleve toute 1a cr~ation l'amour entendu ainsi, n'est p as
exclusif - a 11 homme mais i1 est partag~ selon eli vers modes pax'
tout l'univers cre~o Aussi "la terre est nubile et debord e de
sang", Ie solei1 est "foyer de tendresse et de vie" et "tous les
animau): aimaient, aimaient en Dieu."

C' est sans d01.:. te une seul e et mS-me Force "qui court a travers les
humains, les plantes, l e s elements 0 qui courai~ a - travers ceux
qu.i nous ont faits, conune e1le courra a travers ceux qui nous
suivront .00 Elle nous habite seuJ.ement, elle passe, traver s e,
informe chacun elle ~c1ate, etincelle Ie temps d'une vie, et
sten va. Elle demeure 00(1 eternellement jeune, intacte." (3)
Dans les po~mes des ILLUMINA~.\IONS, nous e trouvons constamment

cf. Index du Voc a bulaire du Symbolisme VII/VIII


Eta1)lies par recensemen t d.e chaque occurrence.
Ci te par Jacqu e s Dubr(mil dans "La fin d. 'uneSaison en
Enfer" (texte d e Mbni e Gr ~ goir 8 )
cette identification de 1 I Amour a une Force ; . sinsi "~GOISSEn;

II Amour, force t - plus haut que tou tea joiee et gloires! II

Et aussi t~t "v iem 1 t affirmation su.perbe de I' ~nergie vitale de


1t~tre bouscu1ant toutes lee barrieres moro.les :

"Demon, dieu, - jeunease d.e cet etre-ci : moit" (I)


Dans le pose tfII1ETROPOLITAIN", 1a meme affirmation est reprise .
"Les ~clats de neige, 1es ievres vertes et les
' parfums pourpres du soleil des poles, - ta force."
Dans "GENIE" :

"Il est Itaffection et l'avenir, 10. force et It amour


que nOU3 voyons passer dans Ie ciel de tempte et
les drapeaux d'extas e".

Nous reconnais30ns encore ce pan-sexualisme dans Ie poeme


IIENFAUCE Itt :
"Cette ido1e, son domaine court Bur des plages
" nomm~e B par des vagues sans vaisseaux de noms f~rocement
. tI
grecs 000
aCe clair d~luge qui sourd <les pres".
et 'jCes enfantes et g~a.ntes, 8uperbes noires dans la
mousse vert-de-grisr..
11 est particu1ierement sensible que Rimbaud dans lee
poemes 'ANGOISSE" et "METROPOLITAIN", a..ffirme sa volont~ de
puissance : ctest l'ivresse de 1'ego possede par catte force
splendide qu'est 1a Sexua1it~. 11 a v~cu un moment dans
l'il1usion qu'il possedait cetta Force, i1 a essay~ en tout
6as de se l' annexer. Ce n t est que dans "GE}lIE" qu' il reconnai tz'a
l'universa1it~ et la libe rt~ essentielle de cette Force qui ne

----------------------------.--------------- ---------------------,
(I) ANGOISSE
fait que nous traverser. .
ttEt nous nous Ie rappe10ra et i1 voyage i1 nous
' a connus tous at nous a tous aim~s . 0 9 Sachons
Ie h~1er et Ie voir, et Ie renvoyer u",
car il ne nous appartient pas.

Ainsi 1 tidentification op~r8e par Rimbaud, entre 1 t Amour


et 1a Sexualit~ (Is. force) est profond~ment juste : Bon
intuition d t ado1escent ns Ie trompe pas. A V amour infini corres-
pond 1a sexualit~ universelle. La sexualit& en 80i est chaste
et innocente : at le grief toujours renouvel~ que Rimbaud
adresse ~ 1a morale du bien et du mal, cleat d'avoir corrompu
cette innocence originelle en culpabi1isant l'homme. II faut
. d~truire la dichotomie du bien et du mal, le. conscience mor.ale.
La spontantHte de 1 t~tI.'e devient Ie cri"cere de 1a perfection.
Ma.is nty a-t-il pas du mains 1a'possibilit~ de concilier
chez Rimbaud "1' lUllour infini" avec la chari 1a!? Nous 1 t avons
d~ja sou1ign~ - : Rimbaud n'est pas pret a a.ccepter le renoncement
til soi qu t el1e exigeo Son orgueil d'ado1escent, sa. volonte de
puissance sinsurgent contre 1e sacrifice de l'abn~gationt 1a
mort de 1 'ego. Et effectivement dans Ie poeme "Les Soeurs o,e
Charit'" cette dernidre est asaoci4e d le. mort :
"0 Mort mYBt~rieu8e, 0 soeur 'de chaI.'it~H

et de m$me dans Ie poeme "ADIEU" d'une Sa.ieon en Enfer :


"La cha.rit~
serait-e11e Boeur de Is. mort pour moi?/!
(II stegit ~videmment de Ie mort de 1 t ego.)

C'est que la chari't.$ pour lui, c'est tl1a route am~reft qui conduit
a ls. Croix. Rimbaud n'a pas m~connu le dilemme entre Illes deux
amours". 11 nous dit dans "MAUVAIS SANG" s
"Deux amours! Je puis mourir de Itamour terrestre,
mourir de devouement"o
C' est done qu t !l raconnait le choix. Mais i1 reeu1e devant ce
choix comme Ie montra l'ouverture d'UNE SArSON I

"J'ai song~ ~ rechercher la clef du festin ancien


-la chari-t<! est cette clef".
at il ajoute imme diatement :
"Cetta inspiration prouve que j'ai r~v6,n

: ~t '&ncore dans "MAtTVAIS SAlHl tl nous constatons Ie m~me r~flexe de


d~fen6e :
"0 mon abn~gation, 0 rna charita merveil1euael
-De profundis Domine, suis-je bete!"
On peut dire que cette orientation sst deja prefigur~e dans
"CREDO IN UNA}.{ft pax Ie ref'tls de "ltautre diau", Ie Christ du Mont
des Oliviers. -Chez Rimbaud l'amour est une foree solaire tandis
que l'amour chr~tien serait p1utot une force chtonienne. (I)
Celle~ci porte en e11e les themes de l'angoisse, de la tristesse,

de l'abaissement et de 1a mort ~2) ; celle-la magnifie l'~lan


vital, 1& cr~ation, 1a beaut~ et Is. puissance de 1titre. Tous
ces themes apparticnnent et se regroupent dans Ie double sch~me
de la mont'e at de la descente :
"Tout Ie dieu qui vi"li, sous son argile charnelle
Montera, montera, brUlera soua son front! ,. (3)
ou encore z

"Et monter Ientemen.t, dans un immense amou:r'


De la prison terrestre a la beaut~ du jour" (4)

------------.--------------.----------------------------- ----------
(I) Au sens de force de refoulement de Ia Libido.
~2) On reconnait la critique des philosophes du 18e siecle dont
Itinfluence sl e st exerc6e sur llimbaud par Rousseau at
,
Hel vetius.
. ,Plus brutalemsnt, :Nietzsche aSl3imilibra Ia mOl:alo
c~hretienne a une "morale d' esclave" 0

CREDO IN UNAM
Idemo
S'inscrivent Bur cet axe, les thdmes de Ie. R~eurrection et de
Ie. R~demption J Ie. R~snrrection qui doi t marque-r Ie. renaiaslll1ce
de I' homme, une fois Ii b~l.'~ de Is. servitude awe. 1d01e8 at d.u
poids de Is. cu1p ab11it~ iainsi, "II ressuBcitera, 1ibre de
tous ses Dieux O. 1 t Homme a. relev~ S8. t&te 1ibre at fieret/.
C'est da.ne ce contexte que viennent se placer les images
arch6 types de 18. naissance de Venus qui,. "J adis, ~mergeant ds,ns
l'immena e c1art ~ des flots b1eus u doit reaurgir un jour.
Et nous abordons ici lea th.mes de "la R~demption asinte", de
l'Amour sauveur
"Tu surgiras, jetant sur Ie vaste Univera l'Amour
' infini dans son infini eourirel"
L'Homme a perd.u Ie conta.ct privil~gi~ qu'!l avait avec les
forces vivantes de la Nature dans "les temps de l'antique
jeunesse" : "il a rabougri I
"Mr. Prlldthomme est n6 avec -Ie. Christ" dirs. Rimbaud dans UNE
SArSON (I). L'image de Ifhumanit~ lI a tte16e a la Croix" courb~e
sous "les vieux jougs", ~cras6e par ls. crainte, contraate point
par point avec 1es images de Ie red.emption ainsi:
nL'Homme a. re1ev~ sa t~te libre at fiEh'e!"
at "Davant 1 t Homme, debout qui croise ses bras forts ..,. u

"ReleverH cest pr~cis~ ment "remettre debout" (2). Lfacte a un


double sens s cteat d'abord un geste royal, car la marque de
I' all~geance. Dans Ie po ~me "ROYAUTEII (3), n1es tentUl.'es
carmin~es se releverant sur lea maisons". L'a.11~geance ici est
consti'l;u~e par 1t ~ tat de servitude dane 1equel eat tenu I' hume.ni t 6 ..
Et nous arrivons ainsi au deuxisme senst chr~tien : re1evert
acte de 1a puis sance divi ne qui'remet 1es p~ch~s. C'est Ie sens

(I) LCIMPOSSIEl,E
(2) Dictionnaire Robert
(3) Les ILLUMINATIons
28.

qui apparai t dans "Gl!."1'TIE" .


tous lea ate~oui11age6 anciens at
-les peinee re1ev6s A sa suite~ (I)
La R~demption, pour Rimbaud comme pour 1a th~ologie
chr'tienne, c' est airLsi la deli vranca du p(;ch~. Rendu son a
innocence premiere, IIHomme retrouvera Ie. puret~t la cr~ativit~
et l"harmonie I
"Le Monde vibrera comme une immense lyre"
Mais a10rs que Ie christianisme impute la Faute
originel1e a, 1 'Homme, Rimbaud renvoie la plaute a. son auteur.
Celui qui est A ltorigine de la Faute c'est en ' erfet celui qui
a crt~ Ie concept de la Faute : c'est a. dire la morale
chr~tienne du bien et du mal. La Faute n'existerait pas sans
la conscience d'une faut;e. !insi stexp1ique, croyons-nous,
la haine de Rimbaud a
l'~gard de la morale chr~tienne (2) :
c'est elle qui a commie Ie plus grand crime contre l'humanite
en culpabi1isant l'homme. Deuxieme point : ce que Ie
christianisme a culpabilis~ en l'homme, c'est dtabord Ie.
sexuali tbo Ainsi maintenant "II a des vetements parce qu f i1
n'est plus chaste", et Rimbaud insiste sur Ie theme de Ie.
souillure :
t'Parce qu til a. sa1i son iier buste de dieu a
et "Son corps Olppien aux servitudes sale~"

C'est la parte de l'innocence originelle qui eat 1a


cause de notre ~tat de servitude (comme dans la Genese, ou la
Chute est associ~e au sentiment de pudeur.) Si Rimbaud subi-t
l'attraction des "races antiques", clest qutil leur envie
cette libert ~ et oette spontan6it~ sexuel1es inconnues du
monde moderneo La refoulement de 1a Libido leur est inconnu.
:Bien au eontraire 1 t expression de cetto Libido f8.i-~ partie du
sacr~ (3) ~ Bon origine divine est reconnue en Dionysosc

(I)
(2)
I,' a.uteur a soulign~ Ie mot.
Qu'11 niera tout aimplement en recherchant le bonheur "par
.
dela Ie bien et le mal" .
(3) Comme elle en fa! t partie dans les l~eligj, ona orientales 0
Cette puxate perdue est notr() Ild~chirante infortune" (I) : I~e
puretf31 :pul.'et~:" s"criera douloureusement Ie po~te dans TINE
SAISON (2). Rimbaud xeprend cette tradition antique et se ref.use
A dissocier l' Amour de la sexualit~, dichotomie qulil impute a
la morale chr ~ tienne.
Dana Ie christianiame Ie. R~demption est l'effet b~n~fique
du sacrifice de la Croix. La sacrifice duChriBJe Itra.ch~tetl
l ' hum ani t~ t dans Ie pardon quotidien qui est accord~ au p~cheur .
"Le Christ est mort sur Is. croix par amour pour nous". Son
sacrifice nous sauve de Is. mort spirituelle, Chez Rimbaud, Is.
Croix se dre sse comme un signe de mal~diction sur lthumanit~t et
cependant, 1& force op~ratoire de la R~demption r~side dans ltamour
comme il l'af.f~rme e. maintes reprises :
uL'Amour, voilA la grande Foil"
ltCteftt Is. R(,demption! clest l'amourl clest l' amourl"

Comment concilier ce paradoxe, puisque Ie sacrifice du Christ est


justement Ie t~moignage de son amour infini pour l'humanit~?
C'est que Rimbaud donne un sens tree diff~rent e. ce t~mo:i.gnage .
dtabord , il lui refuse se. valeur redemptrice car il ~crase lthomme
en I t humiliant a jamais. Ensuite, et surtout, il signifie lt~chec
total de 1 t lunOl.1r sur Ie plan humain, son impuissance qlle Rirobaud
ne peut accepter, puisque toute sa "Foi" est plac~e en sa. force
eonquerante.

Nous avons remarque, precedemment


"
1 I identification faite
par Rimbaud, de l'Amour ala grand.e Force de vie qu'est Is.
sexualit~, at sea connotations dans les poemes des ILL~IINATIONS.
C'est cette merne force universelle, incarn~e par Ie. Femme dans
1 t ar.'ch~tYJ?e de Ie. D~esse, qui doi t apporter a. 11 hum ani t~ lila
R~demption sainte" :
uTu viendras lui donner 1a R~d.emption aaintel
. Splendide , radieuse, au 8ein des grandee mere
Tu 6urgiras, jetant sur Ie vaste Univers
L' Amour infini da.ns con infini sou:dre lit

----------------------------.-~-----------------------------.----------
(I) L 'IMPOSSIBLl!'! .
(2) Idem.
On obse rvera que 1e theme de la R~demption coincide
avec une vision messianique de l'Histoire z ls. RSdemption
nCest pas coextensive au preaent comma dans Ie sch~e chr4tien,
mais elle appartient a
un t em:ps futur marqu~ par 1 t ave'nement
de l'Amour at sa conquete finale de l'humanit~ :
"Le Monde vibrera comme une immense lyre
"Dans le fr~miBsement d'un immense baiser. tt

Cet avenement signalers. Is. fin de toute morale puisque ItHomme,


, M
rendu a lui-meme r "libra de tous ses J)~eux connattra Is,
perfection dans ltJunour ; ~coutons ItGENIEIt I

"II ne s'en ira pa.s, il ne redescendra. pas d'un ciel,


-11 n'aecomplira pas la r~demption dew col~reB des
femmes at des gaiet~s des hommes et de tout ce
p~ch~ : car c'est fa.it, lui ~tant et etant aim~on
On remarquera 1 v'volution par rapport a tfCREDO IN U1UM ft :

Rimbaud annule purement et simplement 1a. n~ceBsit~ de Ie.


r~demptiono Car "tout ce p~ch~" se dissout instantan~ment dana
Ie feu purificateur de I t Amonr -: tIle vieil homme ll ne sau.rait
coexister dans lthomme nouveau, ne serait-ce que par Ie
souvenir du remordso
Rimbaud prend Boin d'~carter toute confusion possible
entre Ie Christ et G~nie par une allusion traneparente : ~Il
ne olen ira pas, il ne redesoendra pas d'un ciel", se r~f~rnnt
ainsi a l'Ascension et ! la venue du Messie ! 180 fin des temps.
Ce'tte fin de l'Histoire appa:cai t de.ns "CSlEDO IN UNAMu comme un
futur proche : tfLea temps sont venns n dit Rimbaud, ,
"Car I'Homme a. fin!! Lfliomme "8o jou~ tous les r81esl
"Au grand jour .. 0 il ressuscitera. "
Ce'tte attente messianique es"\; reprise dauB 18. concluslon ,

"Le Monde a eoi! d'amour . ttl viend:raa l'a.p8oiaer .. "


Elle eat un des chants le s plus ~mouvants qui traverse lea
ILLUMINATlmrS, chant d ~jd perceptible au po~te :
. .
"II chante et Ie boia chante, et Ie fleuve
murmure
Un chant plein de bonheur qui monte vera Ie jourl
- Cleat Is. Redemption! c'est l'amourl clest Itamourl !!

Ce chant annonce l's.vSnement du Messie et Ie r~gne de ItAmour


sur Ie. terre :
"Quand irons-nous, par dell.i lee grdvea et lea monts,
-saluer la nai ssance du travail nouveau, la sage sse
nouvelle, la fuite des tyrans et des d~mons, In fin
de la superstitiont adorer - les premiersl - Noel sur
1a ' terrel" (1)
Rimb aud concluera ce tres beau texte par une apostrophe
cinglante qui r6sume toute la misere humaine :
"Le chant des cieux, la marche des peuplesl
-Esclaves, ne maudissons pas Is. vie."
Et voici la dynamique de l'Amour A l'oeuvre dans lea
ILLUMINATIONS .
' nUn coup de ton doigt sur Ie tambour d~charge tous les
- sons et commence la nouvelle harmonie.
Un pas de toi, c'est Is. lev~e des nouveaux hommes et
leur en-ma"t'che
"
Ta t~te se detourne : Ie nouvel amour! Ta t@te
se retourne, - Ie nouvel amour!" (2)
et son apoth~ose dans 'GENIE" :
"Son jour1 l'a.bolition de toutes souffrances sonores et
mouvantes dana la musique plus intense
Son pas ! les migrations plus 6normes que 1es ancienne s
invas ions.
o Lui et nous 1 Ilorgueil. plus biellveillant que les
oha.ri t~B pe rdu.es t5

--------------_.----------------.----------------------------------
(I) MATIN (U!fE SArSOn EN ENFER)
(2) A UUE RAISON
320

\
II cst hers de dou~;;e que dans ce poeme Rimbaud a
~t8 envahi par 1a toute-puissa.Ilce de l' Amour. "GENIE" eat Is.
manifestation de Is Force qui est ~ l'origine de Is. vie et
qui court a. travers les humain.s, les plantes t le s ~1~ment8 et
qui "passe, traverse, informe chacun" (I), et "demeure ~terl1elle
ment jeunep intacte H Cette Force transcende l'etre et toute
eat~gorie morale ca.r elle cst 'Vie et Ie. Vie est Amour :

"II nous a COMUS ~IiOUS e t nous a toijs aim6 B. tI


Ilimbaud a gt~ envahi ucette nuit d'hiver" pa.r "tous
les influx de vigueur et de tendresse r~el1e.1I
uEt ai l*.A.doration slen va." (2) 11 Y a d~sormais Is. promesse
' irr~ver3ible de la lib~ration de l'humanit~ du joug de la
Faute : Ie regne de ItAmour sur la. terre stest lev~, "l'&veil
fraternel de toutes les ~nergies chorales et orchestrales. U (3)
L'exaltation inou!e de l'ego, qui dut soulever Rimbaud ,
est concentr~e dans cette affirmation paisible :
fI :L' orgueil plus bienveillant que les cha.ri t6s
perdues."
Sanctification de l'or@leil par l'amour Ie "devoir"
dthumilit~ chr~tienna at d'amour du prochain ("les charit~s
perdues tl ) B t efface desormais inutile et d~rieoire, devant Is.
puissance irradiante dtAmour que d~gage l'@tre envahi par "la
sant~ essentielle". Rimbaud ne se contente pas dans "Credo in
Unam" de pr~dire la lib~ration prochaine de l'human it~,

d'annoncer la Paroueie 'de l'Amour. II pr~ci8e les conditions de


son av~nement elles tiennent en une seule, qui, est la
lib~ration de la Pens6e ,
"Et quand tu Ie verras sonder tout I 1 horizon
Tu viendras
Splandide, radieuse "

(I) Cf. J .. Dubreuil, op. cit ..


(2) "L'Adoration" introduit l'attente de "MATINU :
IIQ11and irons-nous adorer - les premiers - NotJl sur In
terre?"
(3) SOLDE
Quanti l'Homme aure Ifjou~ toue les r61es" il ne lui reBtera
plus quia etre lui-memo en toute simplicit~. La r~pertoire
~tant 'puise (c'est Ie plan de l'Eistoire) il lui faudrll. bien
ae r~acudre aabandom~er Ie "paxattre tl au profit de Hl'6tre". (I)
A quoi bon d'ailleuxs continuer a porterun masque, 8i Ie masque
est imm.~diatement reconnu comma tel, c'est tl dire nta. plus
aucune credibilit? La jeu perd tout inter~t. L'Homme devra
done se montrer tel qu'il est, car Ie niveau de conscience de la
Pens~e rendra vain toute vell&ite pour "paraS:tre". Nous re ..
connaissons lei l'influence de Rousseau sur Rimbaud 1 'Homme
tel qutil est, sana fard : clest Ie retour a la transparence
des coeurs. Transparence qui est Ie pr~lude au regne de ltAmour
sur Ie monde selon Rimbaud.
Lib~ration de la Pena6e done, des obstacles cr~~s
artificiellement par l'Horume : et ce sont aussi "tous ses
Dieux H Mais tous les ~crans sont tomb~s :
"plus de dieuxl plus de dieux!
l' Homme est Roi, 11 Homme est Dieul If

s'exclame Ie poete. Et pourtant ee nouveau dieu a encore un


long chemin a faire avant de prendre possession de la divinit~
qui l'habite " :
.
"11 dit je sais les choses
Et va, lee yeux ferm~s et les oreilles closes."
On reconnait Yr. Prud'homme tout gonfl~ de sa propre
suffisanee. Mais au-dela de la caricature, on apercoit la
situation dramatique de ItHomme moderns, coup~ dee courants de
la vraie vie, ferm~ a tout ce qui n'est pas lui, imperm6able a
I e. po~sie. Plus loin, Rimbaud mett:r.a en cause "notre p~e
raisontr et "Ie dcute, morne oiseau" : c'est donc notre culture
rationnelle et cart6sienne qui est - incrimin~e, en ce qu'elle
nous inculque A d~sapprendre l'innocence et Ia simplic:l.t6 de
notre senaibiIit6. Elle constitue done a~ssi un obstacle a 1a

-----,----------------------------------------
(I) Cf. J. Starcbiuaki : "La. Trans:par~nce et l'Obstacle"
34"

lib~ration de la Pena~eo

A la conn.e.1.ssa.nce ca.l.t~sienne nourrie du Doute,


Rimbaud oppose 10. dYllamique de Ie. con-nai,8sanos poi4.t,igue
nourrie de sensibilit' et d'intuition :
"La Pen8 ~ e 9 . . . .
La c avale longterups, si longtemps oppress~e
St~lance de Bon front! Elle saura Pourquoi!
Qu'elle bondisse libre, et l'Homme aura la Foil"
On a. reconnu Ifl'oppresseur u : clest d'abord notre
culture cart~sienne qui a confin~ la Pensee dans un corset de
regles. "L'Homme aura 180 Foi", ne signifie pas bien sUr un
retour d 1& reli.gion : lila Foi" pour Ie podte signifie' qua
11 Homme 'sera dirig~ par llintuition-, la spontan~it~ cr~atrice,
et non plus gouvern~ par la logique cart~siel1ne de la preuve~
La preuve est 8ontinomique de 1a Foi. liLa Pens~e libre" trouve
ainsi sa forme 10. plus achev~e dans le jail1issement de la
cr~ation poetique : la. Poesie est Ie chemin qui conduit tl
l'inconnu, au mystere car .
"LtHomme veut tout sonder, - at savoir! "
La. Pensee "saura. Pourquoi ll Rimbaud retrouve Ie dynamisme at
la vitalit~ de l'esprit de Ie. Renaissance : mais lleapaoe
qulil ste.git de d~couvrir n9 figurera jamais sur aucune cartee
Un devancier de Rj.mbaud avai t deja annonc6 :

tile chemin mysterieux va vers l'interieur. En nou.s,


eu nulle part, est l'6ternit~ avec ses mondes, Ie
pass6 et l'avenir." (I)
Un an exactement apres IiCREDO IN UNAM" Rimbau.d va
definir les bases du programme de Voyance qui doit lui permettre
la conqu~te de cet Inconnu.

--------------------
(1) No\\"alis~ : op" oit. J\i. Besset ItNovalis et 1 90 Pe nB~e
MYf:tique" : p. 83"
35.

A P PEN D -r C E

On peut se poser 1a question de savoir pourquoi


Rimbaud a supprim~ un paragraphe du poeme dans s& version
d~finitive ~version Demeny). On pent ~mettre l'hypoth~Re
9uivante : 1e pa.ssage en question contraste avec les autres
parties du poeme par 1'inqui~tude metaphysique qu~i1 sugg~re.
Ses accents pascaliens t notamment :
"Un Pasteur mene-t-i1 cet immense troupeau
De mondes cheminant dane I'horreur de 1'espa.ce"
ou encore :
IIEt Ithorizon a'enfuit d'une fuite 'terneIIe ll ,

ne sont gUere en accord avec 1e ton impregn~ de paganisme des


autres parties du poeme.
PRF2JI ERE PARTIE : GENES}:; DES ILLUMINATIons

TI'fRE II . LE PROGRAMf.1E DE VOY,lI..NCE t I)

Chapitre I Le lieu des Illuminations z I' ulnconnu"


t -tel qu ' il est) annonc~ dans la Lettre
du Voyant.

~I) In Lettre ~ Po Demeny du 15 mai 18710


7.7
-;) '*

LETTRE DU VOYANT (I)

"Car 11 arrive a l'inconnu


It

"Or Ie Pe=e c~leste veut que nous Boyons des


-voyanta, car il est Ie Pere des lumieres. C'est
pourquo i il prononce de toute ~ternit~, sana
cesse et sans interm~diaire, dans Ie mystere de
notre esprit une Parole unique et insondable, a
ltexclusion de toute autre et ce qufil dit -
par cette Parole, ctest uniquement :
I'Yoyez" (2)

La Lettre du Voyant n'est pas Ie r~sultat dtune


inspiration soudaine. Elle se situe dans Ie droit fi1 du
projet rimbaldient renclre l'hOID1Tt0 a son "6'tat primitif de
fils du solei1", dont elle marque une ~tape essentielle. Elle
se situe dans Ie prolongement du "Credo" des poetes d~fini dans
SOLE1L ET CHAIR, dans sa mise en oeuvre et son application
pratique. Elle annonce Ie passage it une "praxis ll qui va
trouver sa ferme la plus achev~e dans les poemes des Illumina~
tions : Ie monde de la voyance par excellence. On aura
remarqu~ que Ie dernier poeme restait assez vague sur 09
chapitre ; en fait il s'agissait plutot drune declaration
d t intention, dest1-nee peut-thre (tb ambi tiont 8 folIe" disai t
Ie po~te) a. deVellir la Charte po~tique d1une ncuvelle ~cole
rcurdsse..nt -Ittous les bons Parnassiens." (3)

-----.------,----~-----..---------------------------------------.....
(I) Lettre d Paul Demeny, dite "du Voyant", en date du
:5 nlai I87!.
(2) Ruysbroeck ItL t Admirable ll Oeu~"'rea s po 353 (Ed. Aubier)
(3) Lettre a Th. de Eanvil le du 24 mai 18700
Sea ambi tiona erd;err~eG de ee c8t6, et ayant perdu
toute illusi.on sur 1a Soei~te ... comma le montra sa lettre a
Izambard "' p Rimbaud, r'dui.t a l'inaction chez sa mdre , 'est
en quelque aorte contraint d.e tro'U.ver una issue au mur qu6
lui oppose lavie de toutes partso Cetta issue, il :va le.
chercher dans la pO ~ Bie, non comma un refuge c'est a
dire
un exutoire a
ltame ... et Pon songe aux "premiers roma.ntiques" .,
maia comma tID moyen d'op~rer una breche dans 18. r~alit~.

Aussi bien le mot~clef de 18. Lettre du Voyant, c'a st


bien ttl"Actio.n" ; plus fort que 1 faction meme
"La Po~sia ne rythmera plus l'action e1le sera en
avant." (I)

Le po~te, "mu1tiplico.teur de progras U (2), est la


force centrifugeuse de l'acc~l~ration de l'Histoire. Mais
ajoute Ie poete "au fond", ce serait encore un peu 1a Po~sie
grecque u Et des 10. premiere ligna nous retrouvons 1e. "belle
harmonie grecque lt qui ~ta.i.t a.u centre de l'inspiration de
"CREDO IN UNAM"o La continuitg de 1e d~marche est done
nettement pos~e mais ce n'est plus seulement la nosta1gie
de 10. "Vie harmonieuse u qui captive Is. pens~e dupoete, c'est
la dyn&mique du verbe po~tique :

"En Grece, ai-jo dit, vers et lyres rythment llActionlt (:5)


Jadis, l'homme n'&tant pas s~par' des courants de 1s.
vie, I e verbe "rythreait" I'Action, Ie verbe 6tait ainai moteur
d'action~ (4) Mais ~epuis la Grace jusqu'au mouvement
rome..ntique, If tout est prose rim~e" (5); que signii"ie cetto
affirJl1a tion?

(I) Lcttre A"p. Demeny : 15 mai 1871.


(2) Ibid . I

(3)
(4) L'intuition de Rimbaud est toujours proche de celIe de
Nietzsche : 1'1a Naiseance de la 'l'x&.g6die" parai tra erl 18730
(5) Lcttre it P. Denl.eny , I5 mai 187I~
La prose etest 1e langage discursif, c elui qui Bert
de communication :par ltinterm~dia.ire de 1& Raison. Ce 1angage
croit sa donner les apparences de 113. po~sie <.."prose rim~e")
en se pliant aux r~gles de 1a versification. Rimbaud denonce
1 t impo sture ' de e,ette fausoe :po~sie. Fausee car Ie verba
po~tique 'ne s'exprime pas par 1a voix du rationne1 .ni ne lui
appartient. (I)

Au centre de Is. critique faite a 1a conception


c1assiq-lle de l ao po~sie (cf Racine c "Ie Di yin Sot ll
), c ' est ce
rationali sme qui est vis~. C'est 1a critique de "CREDO IN
UNAMfI reprise at d~ve1opp~e en syst~me. Le rationa1isme
cart~sien est l'ennemi Ie' plus acharn~ de 1a connaissance
po~tique paree qu'il nie l'irratione1, en Ie r~duisant au
I:ationne1. Descartes ~crira ainsi un Iilrrait~ des Passions u ,
~
comme si lIon pouvait enfermer 1a vie dans un systeme .
Les premiers a a'voir secou~ Ie joug de 113. raison ont eta
1es Romantiques : d'ou I l hommage qui leur est rendu par Rimbaud,
mema si par ailleurs leur po~sie S'aVere m~diocre (2) , l ' homme
nn ' ~tant pas encore ~vei11~u a. 1 I intelligence po~tique .

Qu ' est ... ce que l'intelligence po~tiq\J,e? C'es t comprendre cl'abord


que Is. po~sie nlest pas 1a voix de ce1ui qui parle, mais c elIe
de la "Pens~e invincible, ~ternelle" ( 3) , ou encore de "1 i inte1B....

(I) cf. Ie "vates" antique


( 2) Dans la 1ettre a
Izambard , Rimbaud vitupare c~ntre "1a.
po ~s ie subjcctive", "horriblemcnt fadasse".
cf. "CREDO I N UN'AM" . On constate encore ici que Is. Le ttre
O,U Voyant a. sa source dans Ie "Credo" du poete Quelle 0

est cette "fu.le uni verselle", cette "Pens~e invincible,


~ternelle" que nous rencontriolls d~ja. da.na "Credo in Unrun"1
I,e poste dit t "L'inte lligence universe1le" et plus loin:
tide la pansea ac crochan t la pens~e et tirant". Et pHis
p:c~cis~ment encore !tl e podte d6finirait ls. quantit6 d'in-
connu s'eveillant en son temns dans llama universelle : i1
donnerait plus - que Is. form;le de sa penelie , que l ' e..nnota-
tion de os. marQ.he au progr~s! c i1 sers.it vraiment un

( suite page 40 , note)


gence universelle" :
~ \
"auteurp createu.r, poete, cet homme n ' a jamais existelt1
.,
a'excl ame Rimbaudo

D~8 lors, Ie. dis tinction op~r~e par Ie po~te entre


"po&sie subjec~ive" at "pc'819 objective" ( I) prend tout son
sens : ttta.nt d'~goisteB 80 proclament auteurs!" (2), outre ..
cuidance que d~nonce avec s~v~r it~ Rimbaud, alora que 1a seule
po~sie est par nature obj ec"tiv'e puisqu'elle est la voix de
"l'ame universelle"o Obj ective en ce sens qu'elle est d~barrass~e

de toutes les limitations et impuret~s de Ie 'go, et de l'amour-


pro pre 0 L'objectivit~ est iei synonyme de perfection : c,'est Ie
verba po~tig.ue qui s I exprime dans toute sa puret~. La subjecti vi t~
c ' est l'amour-propre, la va.nit~ d 1 auteur, la Bentimentalit~

ttfadasse", l es oeill.res du d~sir.

Mais comment ~chappe r a ce subjectivisme inh~rent a la


nature humaine? Comment ~liminer les interf~rence8 de cette nature
avec la voix de l'inspiration po~tique? (3 )

Note p. 39 ( suite) z
". 6& multiplicateur de Progr~s!H C'est assez dire que cette
name univeraelle" ne peut etl.'e identifi~e a. l'lnconscient
collectif de Jung. Ltinsis tance avec laquelle Rimbaud revient
sur Ie Progr~s indiq'J.e sans ambigu.i t~ Ie plan his tori<;U!e 8U~'
. lequel il se place" La pens~e du poehe nous parai t en fsi t sa
rapprocher plutot de Ie. dialectique,de l'Esprit de Hegel,
l 'Ristoire apparaissant comme Ie d~pa88ement dialectiqne de
l'Esprit vers la Conscience totale, les "Soi ft singuliers
e'identifia..ut al.ors au "SOiff universelo
(I ) a
Cf. Lettre Izambard
( 2) Lettre a
PO'Demeny : 15 rnai 1871.
() lei encore Rimbaud est Ie pr6curseur de Nietzsche. Celui-ci
ccn00it en effet l'inspiration poetiquc dans lea memes termes.
Ain~i Gerit-il dans "Ecce Homo" (ColI. 10/18 po 119 ) : "Quelqu'
un n-t-il en cette fin du 1ge eiecle Ie. notion claire de ce
quo les l?oetes appelaient llinspirati on? Pour peu que lIon
(100

a.it gard~ en eoi la moindre parcelle de superstition on ne


~attrait se d6fendre en v6rit~ d~ l'id6a qu'on n!est que I J 1n_
Ca.:t"IH},tion, Ie porta .. voix, Ie medium de puiss ances sup~rieurefJ.
L0 mot rl!v~latiol'l, entondu dans c e sellS que tout a: coup quel ...
que chose se r~vele anotre vue est la simple expression de
l~exacte r6 al it6o"
Comment le poete va-t-il se fej.re son instrument fid~ler

Rimbaud nous indique la marche d suivre :

"La premi~re &tude de I l homme qui veut atre pd~te est


sa propre conne.issance, entidre.tt(I}
Et en effet comment ~chappex A ce subjectivisme s1 lIon
est soumis 11 son tldeveloppement naturel" personnel, clest a dire
la chaine de l'association des id~es n~eB
de l'inconscient? 11
raut apprendre ~ reconnaitre Ie lien entre notre pe nB~e et nos
d'sirs (l'ego). Clest bien la dinlectique du d~sir qui est d
l'origine de notre pares s9 (Ul' homme ne se travail1ant pae n)
qui nous incline A penser selon leur pente naturelleo II r aut
donc dens un premier temps reconnaitre ce lien, l'~pxouve r m6me
"II cherche son Sme i1 11 inspecte t ilIa tento ~ :H
1'apprend"
Tenter l'be clest bien ~prouver ce lien du desir, 0011-
nattre sa force. Ce nlest qulune fois connu Ie m~c anisme et Ie
jeu de la "machine d~sir anteU que Ie po~te va pasoer A 11 actioll,
se'~aire l'!me monstrueuse".
L'ame, clest 1a Bp~cificit~ pro pre de chaque Homme, ce qui fait
de lui un ~tre distinct de tout autre, nous dirons sa "forme
int~rieureue Cette forme, il fa.ut la Itcultiver", c'est A dire
se rendre ma~tre de sa croi ssane e~ rompre 80:n nd~veloppement
naturel" (qui nons ~chappe dans I t exacte mesure all il est juste-
lIlent "naturel".). Rimbaud est d~cid~ a prendre en main les
commandes de 1a machine d~sirante, a se snbstituer ainsi a 1a
Nature. Des lors 1a machine d~sirante cesse dtob~ir aux lois
naturel1es : clest Ie po~te qui lui dicte sa loi. Nous entrollS
a10rs dana Ie domaine du hors-nature : c'eat proprement 10
monstrueux. Et une r~alite nouvelle va se d~couvrir devant Ie
po~te : d~sormais i1 sera "voyant"~ ce1ui qui r~v~le Ie myst~re,
l'il1connu ..
(I) Lettre a Po Demeny cro supra.
42.

"Car 11 arrive a. l'1nconnul" (I)


Eesayons de nous approcher de cet inconhu. Jusqu'alore,
~crit Rimbaud, ~1intel11gence universe1le a toujours jete see
id6es naturellenlent" e~ les hommes se contentaient de "ramasser"
cee largesses, .. sous-entendu : au lieu d'aller sa seryir
directemcnt a. Ie source. Dal1~ Ie po~me "VIES 111(2) i1 nous
dire. : "Jtobserve l'histoire des tresors que vous tl.'ouvatea. tt
Rimbaud p quant a lui, 8 bien l'intention d'aller se servir sur
place sans attendre les caprices de l'inspiration : puiser a
pleinee mains dn.ns HIes richesses inouS:es" (3) de l' intelligence
universelle. Jusqutalors , celle-ci distribuait ses dons en
accord avec Ie d~veloppement nature 1 du niveau de conscience de
l' humani te" (4)

Rimbaud prilcise : "ces fruits du cerveau tt ; ceci vient


corroborcr notre ligna d'interpretation. Dans ttfruits" est
en affet inclus Ie concept ici essentiel de maturiJl~. Ainsi
pour prendre un exemple, la th~orie de la Relativit~ n'a pu
etre d~couverte que parce que les conditions id~ales qui ont
permis cette d~couverte ~taient r~unies dans I'esprit d'un
homme at dans la soci~te. Tel est, dans l'optique de Rimbaud Ie
proce ssus de l'invention. Et poussant Ie paradoxe f i1 conclut :
puisque toute invention est Ie fruit dtune inspiration de l'in-
telligence universelle, i1 nty a pas a
proprement parler d'homme
qui ait invent~ quoi que ce soit. Par cons6quent Is marc he de
ItHistoire, c'est 1e mouvement dialectique de l'Esprit dans la
conscience de Ithumanit'. Mais pourquoi en est-til ainsi, se
demande Rimbaud? Parce que l'homme jusqu1a. present alest
app:t'oprie la paternit~ de ses inventions 9 par ignorance du

---------------------------------------------------------------
(I) Lettre a P. Demeny.
(2) L eft ILLUMINATIONS
(;) Idem (VIES I)
(4) C~eBt ce que signifie 1 ' adverbe ftnaturellement" dauB
"1' intelligence unj.verselle a. toujours jete ses id&es
naturellement" ..
processus cr~ateur, par. inconscience et sana doute par vanit~.

II lui en aural t cotftd' <1' avouer que ses plus grands g~nles

n! ~taient que .'lIes fonctionnair0s" de 1 t Espri t uni versel.

L'IIomme aussj. ne s'est jamais tttravaill{," : 11 s'est


content~ d'accepter sans a11ex y voir de plus pres les dons de
son inspiration. Ma.is pourquoi en serai t-il ai11ai? ajoute
Rimbaud. Sans attendre 1es conditions de temps et de lieu, ne
oerait-i1 pas possible dtacc~der directementa l'immense
r~servoir d'~nergie or~atrice contenu dans l'intelligence
universel1e?
Ltexp~rience cr~atrice se passe dans 1e t emps, clest a
dire ~ un moment donn~ du developpement his tori que qui 1a rend
possible pour reprendre notre exemple pr~c~ent, ls. th~orie
de 1a R~lativit~ est impensab1e au 18e siecle, meme ai les
conditions de personna ~taient pr~sentes (clest a dire un
cervcau de l'envergure d'Einstein)o

L'exp~rience or6atrice admet ausai des conditions de


lieu : ce lieu n'e st autre que ls. personne qui r~unit 1es
qualit~s propres a recevoir l'insp1ration qui guiders. la
d~couverte. Ce sont ces oonditions dent Rimbaud veut faire
l' ~conomie sans attendre qu'elles se produisent nature1lement.
11 apparait imm~dia.tement qu'en romp ant oe m~canisme naturel le
po~te va op~rer un vlritable viol de ltintel1igence univerwe11e.
II va forcer le " sanctuaire de l'Esprit et c'est a juste titr~
quail reconnaitra :

"Le poete est vraimcnt vo1eur de feu". (I)


"Vo1eur", : puisqu'il agit contre 1e Plan de l'Esprit sur
l' H:i.stoire .
puisqu'il va. d~rober I1de la-baa" Ie
feu au crcuset de la. fusion cr~atrice.

Auesi Rimbaud annonce la fonction historique du poete

----------------------------------~------------------.----------

(I) Lettre ~ P. Demeny


. 44.,

a vonil.' :
"Le po~te d~finira.it la quan:tit~ cl'inconnu sf~veillant

en Bon temps dans llame universe11e If (I)


Du haut de son empyr~e, Ie po~te sera a mme de faixe
Ie d~nombrement ("qu.a.n'hi t~") des inventions qui "en son temps"
~mergeront a Is. conscience de l'humanit~. Ces inventions en
effet existent a 1' ~tat latent dans l' !me universelle : Ie
poete est done a mme de dresser Is. carte de 1a marcha de
l'Histoire , de Is. limarche (de l'hu.manit~) au Progres ll
Mieux merna : Ie podte a venir entrainera I'acceleration
de l'Histoire en pr6eipitant Ie processus de prise de conscience
c'est a dir e Is. maturation de l'humanj.t~. "11 serait vraiment
un mnl tiplicateur de !:J;..Wl'!~_PI, ajoute Rimbaud, "norme absorb~e
par tOUS"e De son empyr~e Ie poite oe~upera en effet un poste
d'observa.tion unique sur I'Histoire ; c'est Ie "poin t de vue" de
,VIES I ill :
IIJe VOUEl indiquerais les richesses inouies. Jlobserve
l'histoire des tr~sors que vous trouvates. Je vois
1a suitel Ma sagesse eet ausai d~daign~e que Ie
chaos. Qu'est mon n~ant, aupres de 1a stupeur qui
vous attend?"
Point de vue qui est ainsi tten avant ll de I I Histoire et c'est la
conclusion de Rimbaud sur la p066ie a venir ..
"La PO~f3ie ne rythmera plus I'action el1e ~~
AA avant.'t (3)
Nous avons ainsi tent~ de carner les contours de ces
"terrae incognitae ' l , cat lIinc onnu 1I auquel doit arri,rer Ie poete ..
Maia comment va-t-il parvenir a ce lila-bas" ; ou
es'l; Ie lieu de
l'intelligence unj.versel1e"

------------------------------------------------,
( I ) Lettre aP. Dem9ny
----------------,-----
( 2) Les ILLUMINATIONS
( 3). Lettre Ei. P. Dp,meny
Rimbaud r~pond im.m~diatement . il e~t en nous

tlLa premiere ~tude de l'homme qui veut etrepoete


cst so. pro pre cO rlr..ais sance .. .,." (I)

G'ast la meme certitude d~ja affirm~e par Noval is .


fiLe chemin mY6t~J;'ieux va vers 11 int6rieur .. En
' nous ou nulle part est lt~ternit~ avec ses mondes,
Ie pass~ et l'avenir." (2)

Et Ie p o~ te allemand est encore en plaine harmonie avec


Rimbaud lorsqutil dft c

ttLa eonnaissance de soi eat Ie. descente aux Enfers
qui conduit a. ltapoth~osell (3)
-
La conneis aance de soi est done 10. clef qui va introduire Ie
poete au roy aume des Meres : "dans la pl~nitude du grand
songe ll (4) de la matrice de 1 'ame uni verselle. C' est q1.1 t en
affet notre rune est Ie seul lien qui nous unisse a cette
&me universelle. C'est donc par elle que Ie po~te atteindra
son buto
Ce qui emp~che notre arne de se fondre dana ltame universel1e
ctest notre corps o Par se a limites spatio-tempore lles, i1
cr~e un ~cr~n entre notre intelligence et l'intel1igence
universalle. Par lui, notre vision est limitee dens Ie temps :
clest notre esprit historique donc born~ ; et l:i.mit~e dans
l'espace : ceaont nos sens, Ie champ reduit de notre per-
ception~ Le poete est Uvoyan t" pr~ci seme nt lorsqu'il se
.
d~gage de cas contra intes spatio-tempore11es alora
ltintelligence peut s'~lever au-dessus du temps , rejoindre Ie
point de vue de l' a-tempo ralit~ et contemplcr de la n1tete ~nit o
avec ses mondes, 1e pass6 at l'averdro" (5) Dans ce regard
. illt6rieuI', i1 deviant v~ritablement selon les mots de Rimbaud :

----------~------------------------------~-------------
(I) I,ettre a
P. Demen;r : 15.5 .. 1871
(2) Novalis at I s. p enBe~ mystique : 0Ptt cit. p. 83
(3) Ib id .
(4) Let tre a. P. Demany'
(5) Novalis '
tile supreme Savant". (I)

Pour etre voyant 11 faut done e'affranchir du carcan


spatio-temporel qui entoure notre ame , il faut acqu~rir Ie
regar.d interieur. C' est a dire quail faut pprendre a voir
au-deli de l l apparence des etres at des choses. Ce qui noua
limite au monde de l'appar nee, qui est Ie monde de l 'e space-
temps, clest la dialectique au D~Bir. C'e st Ie desir qui est
~ l'origine du temps dans Ie ph~ nomene subj ecti f de 10. duree, et
de l'espace (Ie moude de l'Objet) qui cree les conc epts du
Suj et et de l'Opjet, en posant - la Distance a l'Objet.

Cetto dialectique de Is. Scission eugendre llego et


avec lui 1& vision 6epar~e de 10. nature at des etres, In perte
de 10. belle harmonie qui s'etablissait au sein de Is. Totalit'.
L'Homme , disait Hegel, est desormais isol~. Le monde est
lloeuvre de so. conscience de soi, maia son objectivit' l'~6r aee>
ella lui est 'trangere. II ply a pas d'oeuvre commune, l'in-
dividu eot devenu tout.
Rimb aud a compris que pour atteindre a la conscience
totale, non-alien~e, 11 etait n~cessaire de s'emanciper de la
chaine du desir et de son point de vue subjectif. La chaine du
d~air cleat ce qu'il convient d'appeler notre "developpcment
naturel" , notre inclination d etre pens~ par notre d ~6ir comme
Rimbaud le precise immediatement apres :

tltant d'egoistea (2) se proclament auteurs".

11 affirme ainsi le lien entre le d~sir et l'ego.

(I) Lettre a P. Demeny s 15.5.1871.


(2) Soulign~ par l'auteure
Rimbaud retrouve une tradition m:il1~na.ire puiaque d~ja. Ie
Bouddha disait :
"La. naissance (de llego) a pour occasion la prise
de possession" et Hi a prise de possession a pour
l'occaaion Ie d&sir". (1)
La tradition orientale est d'ailleura corrobort;e pe..r la.
mystique chr~tienne s Ruysbroeck, citant ul es conditions
requises pour obtenir l'il1umination ft , dire. .
"Que I t homIDe soit affranchi de toutes con9id~rationB
de p1aisir ou de peine" (2)

La s'arrete 1a conjonction : nous verrons que 1~ m~thode de


Rimbaud B'~ca.rte radica1ement de 1a voie mystique sur Ie plan
des rnoyens :
Rimbaud n1est en effet interess~ A rompre 1a chaine
du d~8ir que dans la mesure o~ i1 aero. 1ib~rtl du "point de vue"
subjectif : ce1ui de 1 t ego eon ambition, ne 1 l oub1ions
pas est d'arriver a Ie. Pcns~e
objective de l'intelligence
universel1e et dtexplorer Ie monde nouveau qui s'offrira a,lore
Alui. Dans cette recherche, I'obstacle est bien la vision
limit~e du subjectif de l1~go.Il faut donc faire 6clat~r eette
," vision 6troite et born6e a. 1aquel1e s'identifie l'ego a travers
son d6sir.

Rimbaud a compris que Ie d~sir est la raison structurante


de notre vision ali~n~du monde. I1 rejoint lA encore les
grandee tradi tiona mystiq,t1.ca : c t est par exemple la fameuee
tlNuit des senstt de St. Jean de 1a. Croix :

nee qui peso sur notre connaiasancG t c'est l'attachameut


que noua portons aux objets senaibles. L'ame est en-
glu~e dans ses affections, prise au piege da ses
passions ou de son ~goisme, .0 Ctest cat attachement ..
qui constitue l'obstac1e majeure a l'union de 11~me

avec Dieu U (3)

(I) A~ F01.1.cher : "La Vie du Bouddha ll : Ed 0 l'ayot op. cit. p. I64


(2) RUYSBROECK : Oeuvres s po 239
(3) St. Jean. de la Croix: Ed. du Seui1, opo cit. p. 114
48 ..

Lo d&tachement semble etre Ie lieu g~ometrique de toute


Voie mystique (avec cette nuance de l'indiff~rence dana l a
tradition bouddhique) ,
uLe. Nui t deR sens d6pouille l'lime de toute
connaissance sOl'laiblo,ctest a dire de J(;oute
connaissa..'l.ce naturelle t il1tel1ectuelle, discursive ~
pour qu'elle stappuie sur la seule connaissance de
la Foi t - qui n'est en aucune fa~on fond~e sur Ie
sensible .0." (I)
Le detachement du sensible est encore au centre de la
dialecotique qui conduit Ie 13ouddha. aI' illUIllination .
'En pr~sence de quoi y a-t':'il d~sir? A quelle
occasion y a-t~il d~sir u C'est quand il y a.
sensation qulil y a d~sir ; Ie d~sir a pour
occasion Is. sensation U " (2)
Nous rappellerons ellfin Ie pr~a18,ble pos~ par RUjsbroeck
pour 8trc voyant .
"(II faut) que l'homme Boit affranchi de toute
-consideration de plaisir ou de peine que nulle
creature ne Ie retienne ll (3)

------------------------------------------------------------
(I) St .. Jean de la. Croix - EdCII du Seuil, OPe cit. p. 141
(2) .
A. Foucher "La. Vie d\1 Bouddha". . Ed. Pay-ot cpo cit.
p. 165
( ;) RUYSDROECK Oeuvres Opt> cit .. po 239
49.

PREMI ERE PARTIE s GElreSE DBS ILLUMINATIONS

TITRE II . LE PROGIWAME DE VOYANCE

Che.pitre II : La m6 thode de voyance


l-

I
I
Ii'
Noua avona -vu que Ie d~tachement du sensible EC.ot
une ~tape co~~une aux grandee traditions mystiques. Comment
s'acquiert ce d~te.chemcZlt? La tradition mystique s'accorde
encore pour r~pondre : par la discipline de ltascese. Et
c'est a. ce point pr~ci3 Clue Rimbaud diverge de la voie mystique
Par la - m~thode tI).
On s'en doute en effet Ie poete n'a aucune pr~tention
a Ie. saintet~. S1 son analyse de base rejoint celIe des
mystiques, - a
savoir ce qui noua s~pare de l'intelligence
universelle (1a belle objectivit~), c'est Ie point de ~le limit~
de l1eg0 9 ce noeud du deair -, il slen a'pare imm'diatement
dans Ie plan qulil propose. Rimbaud "cultive tt son arne non pas
en fonction de la negation de la machine d'sirante - ce serait
l'asc~tisme ~ mais en fonction de son d~reglemant. II va
operer ainsi, non l'evacuation du desir comma chez les ana-
choretes, mais sa destructuration.
Nous avons defini auparavant Ie desir comme la raison
structurante de notr.e vision ali~n~e du monde. Destructurer Ie
de air clest donc proceder a la d~structuration de notre
perception de ce monde ; et pour Rimbaud, ctest un acte de
desalienation. Mais si llego fonctionne comma une machine
d~sirante (2) d~structurer Ie desir revient a d~poss~der l'ego
de son pouvoir dlorganisation et de centralisation dea sensationso
Et l'6go eat pr~cis6ment ce centre organisateur et de controle
des sensations. Em"proc~dant sinsi a
lt6clatement de ce centre 1

t I) Dans "MA,UVAIS SANG" Rimbaud professera son admiration


envers ceux qui ont choisi la voie ascetique :
"Les saints! des 1'ortsl les a.nachcretes, des artistes
comma il nten faut plusl H , I
I

De merne, dans les ILLUMINATIONS, sa "D~votionlt s'adresse


tis. ce sa~nt vieillard, ermita{Se ou missiono"
Da.ns "ENE'.A1{CE IV", Rimbaud opere ao. mltamorphose interieure
"Je auis Ie saint, en priere sur 1& terrasse "
Notre rapprochement avec 180 voie mystique semble d.onc a\l"oir
quelque fondement.
(2) Ltexpression eat de Gilles l>eleuze ..
5I

.. par Ie "d~re-glement de tous lea sens" ., Rimbaud atteint


Ie but qu'il 8t~t ait propose : Ie d~passement-n~gation de
notre vision separ8e et a.li~n~a, la destruction du monde de
1 t apparence, l' ell"t;r~e dans 1 t inconnu des mondes hors de
l'esp ace (entendu comme Ie. projection du d~8ir, l'expression
de Ie. Distance a. 1 t Objet), e'!:; du temps (psychologie de la.
Dur6e, de In Uort) 0
I.e poete est alore "voyant".
On vo1 t imm6diatement Ie risque ~norme que compor'!:;e
une telle exp~rience : lt~clatement de l'ego entraine Ie
risque d'S Ie. perte totale du. controle de soi, ce qtl! i1 est
convenu de nommer "180 folie it Rimbaud assume Ie risque en
s'affirmant pret a
faire Itexp' rience de "toutes les formes o.
de foli e." Le risque n'est pas imaginaire comme Ie prouve 180
Saison en Enfer .
Dans "MAUVAIS SANG", Rimbaud ~voque "les rages, lea d~bauchefJ,
Is. folie p d~nt je eais tous. lee ~lanB et les d~8 a8t:r.es. tr

Dans "JADISI1 ... : "J'ai jou6 de bons tours a. Is. (91ie."

Et particuli~rement
dans "DELIRES", ltouver-ture d'"ALCHIMIE DO'
VEREE" : itA moi. Lthistoire d'une de mes foliea." Et encore .
"Aucun des sophi smes de Ill. folie - 1e. folie qu'on enferme -,
n'n 't6 oubli6 par moi : je pourre.is lea redire tous, j~ .t~~~
1e s:rgteme." (I)

Et en conclusion : tlJe finis par -t:r.ouver sacrl! 1e d~sordre de


m~n esprit. J~tais oisif, en proie a. une lourde fi~vre
.
j'envinis 1& f~licit' des betes " -(2)
Rimbaud est anim~ de "toute Is. foi, de toute Is force
surhumaille" dans cetta conquete h~ro:Lque de l'inconnu , il .
----------------~-----------------------------~---------------

(I) ALCFfIMIE DU VEREE : UNE SArSON


C' est nous qui soulign.o.ns.
(2) Id em .
est pret li se sa.or-ifier pou.r ce qu IiI considere comme une
mission sacr~e au service de 1thumanit~ :
"Quand e.ffolil, i1 finirait par perdre l'intelligsnce
de ses visions, i1 les a vuesl Q.u'il creve dans
son bondiasement pa:r les choses inoutes et' innom ...
mab1 es : viendrcnt d'autrea horribles travaill-
ll
eur"l ( I)
Le po ~te est bien Ie nouveau Prom~t h6e t !'valeur de
feu", ttc hargg de Ithumanit~"9 puisque partageant les secreta
de 11 intelligence universe lIe, c t est lu!, qui d~termine
d~so rmais Ie rythme de la marche au Progr~B de lfhunlanit~ ...
rythme qu'il est en son pcuvoir m~me dtacc~lerer - , en
d~fini ssan t "Is. quanti t6 d t inconnu" - c t 6s"t a dire lea inven-
tions - susceptible dttre "absorb: par tous" en son temps. En
se substitunnt au rythme nature l de l'inspiration, en decid ant
de son 'veil, Ie Poate se fait Ie G'nie de notre Histoire.
"L'Esprit souffle ou il veut n dit ltEvangile : Ie
po~te marque Is. fin de cette 80uveraine liberte par son !U!lI2ris c*
II prend en mains Ie destin de lthumanite pax cette emprise
sur l'impulsion creatrice~ On remarquera, toujours dans Ie
contexte des Evangiles, que l'Espri t Saint descend sur lea
ap6tres A 10. Pentecdte sous forme de langues de feu : l'image
coincide pa.rfaitel11cnt avec celIe du ttvoleur de fau"e

1e poete est non seulemen't charge de lthuma.nit~ mais


"des anime.ux memes" pr~ci Be Rimbaudo Cette pr~cision est
extr~mement impo rtante (18 au teur a d'ailleurs sQuligne Ie mot)$
Elle nou~ signifie en effet Itunit ~ de l'6nergie creatrice qui
ntest pas exclusive a l' homms maia partagee par toute la.
creation, animaux 9 plantas at el~ments. ' Autrement dit cet.te
dnergie qui circul e dans '~outes les formes de vie est 10. meme
Force que nous avona rencont r~e dana nCREDO I N UNAM". Clest
Ie. for (;e vi van te, uniqu.e qui court a traVerf.l l es huma.ins, les

------------.----------~----------------------~-.--.--------.------~--------
oplantes f les el~ments : et cette foree nous savona qu'elle est
1 e ~nergj.e sexuelle. Ainai, comme Freud EHl avaj. t I' intui tion,
ce qu'il est convenu d' appeler '1inspiration" ne serait q\l'Une
expre ssion de Ie. Serualite, dont l'Art est la repr~sentation
formelle.
On observera que cette assimilation de lf~nergie
cr~at rice a la scxualite est my8t~rieusement confirm~e dansle.
tradi tiOl'! ~vang6lique de la conception virginale de J~sua :
ttEt Yoici comment J~Su.s
Christ fut engendI.'~. Marie
ea m~re, ~te.it fianc~e a Joseph : or avant qu'ils
eussent men~ vie commune, elle se trouva enceinte
par Ie fait de l'Esprit Saint." (1)
St Luc est plus pr~cis .
UL'Espri t Saint "dendra sur toi, et l tl puissance du
Tr~s ... IIe,ut
te prendra sous son ombre .... c'est pour-
quoi l' anfant .... eera appel~ Fils de Dieu." (2)
L'identite de l'Esprit Saint a l'~ne rgie seDlelle est clairement
Buggilr&e ("Ie. puissance du Tree-Haut rt ) . La langue elle-meme
paie tribut a l'unit~ de It6nergie cr~atrice dans Ie double sens
du mot "conception". Mais peut Itre est-ce Is. justement Ie
signe d 'un m~ta.-langage ayant eon or'oigine dan.s l' intelligence
universelle 1 compris de tout Ifunivers cr~~. Le fameux "langage
universel ll que pr~voit Bimbaud dans un temps avenir. lei
encor.e le - parall~le avec les Evangiles a'impose : I s. premibre
manifestation de oltEsprit Saint sur les apotres engendre Ie
~.. .
phenomene au I1parler en langues" :
"Tous furent alors remplis de l'Espr1t Sa.int et
commencerent a. parler em d'autres lal1guee." (3)

.. _---
(1) Matthieu ~ I, 18
(2) I,uc : I. 35
( ;) Aetes II, 4
54.

Les ap()tre& compris de Ie. mul tH;ude des nations rasBembl~e8 a.


J~ru 8alem, parlent Ie m~ta-langage de ll~e universelle : at
ee 1angaga e'adresse a
llama de ehaeun. Rimbaud dit :
"Catte langue sera de l'~e pour 11ame " (I)
C'e st done Ie meme m~ ta-lal1gage de
11Esprit universel, qui ne
e'adresse pas a ' l'intelligenee , a
la raison, mais llame. a
Clest pour cela. qul!l transcende'lea limites de la eonnaj.osance
intellectue11e qui e11e, eat fond~e sur Ie sensible.
Parl er Ie langage de llama universelle c'est tre compris de
toute forme de vie puisque drest parler Ie langage de 1a Vie
qui est Po~sie. Ctest etre eompris done des animaux memeo
Ce la.'lgage po ~tique 9st ""objectif" comme Ie eouligne Rimbaud
puisqu'il est parfait dans sa spontan~it~, que son Verbe
exprime Ie point de vue non de l'ego (I e subjectivisme) mais de
la Vie unique at universe1le qui court dans chaque forme
d'existence.
"Trouver une langue" dit Rimbaud, et dans "ALCHIMIE DU
VERBEIt .
"Je me flattai d 1 inventer un verbe po~tique accessible,
un jour ou l'autre, a
tous les sens. 1t (2)
II a,ppa.rai t ninei que Ie pouvoir de nommer prend ses raci.nes
dans Is. mSme Force g~n~ratrice : Ie concept serait 1 1 0rigino a
du Nom (C'est ceque suggere Rimbaud quand i1 dit : . "Toute
parol e ~tant id~e").
Dans la Genese, Ie premier ho~~e norome tous lee animaux dans
1e jard.ill dlEden? et de toute antiquit~ 1e nO!n d~Bigne 1 t easence
de 1 t individu.

La. langue a venir r~BUDlera. "tout, parfuma, Bans,

~------.-------------------------------------

(I) Lettre a Po D~meny : I5.5.I87I


(2) ALCRIllIE DU VERBE : UUE SAISON
couleurs o .. u (I) : elle oaptcra tout llunivere sensi.ble da.ns
son unit~ ~t On Gnit en fait auj ourd'hui, que sous
sa riche ss e~

son infinie ~ari~t' Ie sensible est l'expression de 1a m8me


r~alit~ ~ l' ~nergie. Dana Ie. th60rie ~lectromagnetJ.que de
Ie. lumi~re,aaule differe, entre les sons et lea couleura, Ie.
longueur d'onde s. En faisant 6clater ses limites sensorielles,
Ie po~te est a m@me de percevoir l'unite de cette gamme physique
et de 1& ramasser dana une langue nr~suma.nt tout."

Noue arrivons maintenant au point capital de 1a methode


de Rimbaud : comment Ie po~}te ve.-t-il op~rer "Ie d~:c~glelnent

de tous le s sens "? L'enchainement des adjectifs "long, immense,


raisonn~" appel1e l'idile de syst~me.. Or, de syst~me noue n'en
trouvons ' pas trace, ~ta.nt entendu que 1a declaration d'intention
ne saurait @tre ccnfondue avec la m~thode d'action. "Se faire
It~me monstrueuse" Boit, devenir "Ie grand criminel" bien,
prendre Ie contre-pied de toutes ses tendances naturelles afin
de casser Ie m~canisme de la machine d~si rante , tout cela
t ~moigne de bonnas oisposi t:Lons certes, mais 1 t impact sur les
Gens reate tres limit& si lIon y regard de pr~s, ne aerait-ce
que par les limites meme de ls. r~sistance physique.

On remarquera. que les quelques exemples donnes par


ltauteur se referent a. la d~structuration d.e l'fune (lise faire
l'ame monstrueuse"). Ainsi il est probable que "toutes les
fo rmes dtamour" marque l'intention de recourir a lthomosexualit ~,
a Is.prostitution. Mais on ne voit pas que cela suffise a
der~gler "taus les sens". Cetta formule appelle donc de toute
~vidence des moyens physiologiquaso

Et e t est bien ce que semble suggllrer Rimbaud lorsqu' i.1 lcri t


t~i1 lpuive en lui tous les poisons pour Il ten gal.'d.er que les

quintessences" (2),c t e st a dire Ie princ.ipe actif. C'est una

_ _ _ __ _
u _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _

(I) Lett~e a Po Demeny .


( 2) Idemo
alllls . . on transpa:cellte a ann lutentioll arret~e d'utiliser
des ~ ta.a.1!. Iilus pr~eiEH~ment , Rimbaud annonee iei son
intention de reeouri.r a. la dxogue un rapprochement ave c Ie
poeme deB Illuminations 9 "M...'l..TINEE Dt IVRESSEI1 - que Is.
cri tique unanime .reccmnai t comma une ode a.u has chisch ' -, ne
lais se til,ucun dou'te t1 ee sujet :

LETT~. DU VOYAN! MATINEE D'IVF~SSE

"Le poete ae fa.i t 'V'oyan t par un "Nous t1affirmons. m~thodelu


longt raisonn~.o. d~reglement de
tous l es sens "

UToutea les fo rmes d t amour. de "Cette promease, c etta


aouffrance, de 1Qlfue n d~mencel"

"II ~puise en lui teus le a "Ce .l?oison va rester dans


poi BoJll!. 0 0 tt dans toutss noe veines 11
"Ineffable tortu.!',!t li Q main t enant nous 8i di gne
de ces tortures "

" ... de tou te 18. force 8l1;rhUlllaine u flCette promess e .~:;:[email protected]


u
uO i1 devient eoo Ie supreme "L'~I~gance, 180 sciel1CIl .eu n
Sa.vant!"

Cette intention de recourir 4 180 drogue est co rrob or~e par Ie


temoignage pr~cieux (I) de son ami d'enfance, Delahaye :

"Je ne c rois pasp dit celui-ci que I f eIllploi de


1 opium ou du haschisc h ai 't contribu~ aux
II,LUMINATIONS . R!mbaud 8:.~ait Inanifest~, c'est
YFai 1 'i~ten..ii.on d~ouri~. Ct ~tait A l'~poq~
oh 11 ]2:t'oje t ai t son "A1ehj,.mi ~ Verb::" . II
avai t al ors seize aus A peine (2)

Cet te ~ po que ne peut guere etre u na au t re que celle


de l a "Lett.xe du Voyant,Q dans laqnel{e ef,fectiveme nt i1 projotte

---------------------------~--------------"----------~---------
(I) T6moigna.ge pr~cieux
car noue n~ voyons aueune raison
de Ie r6cuaer, en If eapecCe
~2 ) "D91a.h aye p t~moin de Rimbaud" OP e cit. p. 346
lea bases d~une nouvelle langue par une "alchimie du verbe".
Rappelons lea te.rmes meme de lat'Lettre du Voy-ant" :
nCetta langue sera de l'~e pour l'dme, r~suma.n't tout
t1
parfumst eons, couleurs
at ceux du :po~me ttAlchimie du Verbe" dtUne Saison en Enfer .
"Ja m.e flattai d'inventer un verbe po~tique
a.ccessible un jour OU l'autre d tous lea sens.'
Quant a l' ~gede Rimbaud donn~ :par Delahaye (sei ze ana A peino)
11 est " confirm~ :par les faits : en mai I87I, Rimbaud a seize ana
et damieo La l~gera diff~rence :peut stexpliquer par Ie fait que
les deux amis pouvaient evoir discut~ de la chose dans les moia
pr~cedant Is. r6daetion de la "Lettre du Voyant"o

Le"d~r~glement de tous les sens" sera" done prineipalement


l'oeuvre de Bubstances hallucinog~nes, opium ou haschisch.
II apparait en affet que seules ces substances ont Ie pouvoir de
modifier Ie donne sensoriel et donc notre perception (I), sana
alterer notablement les capacites intellectuelleso
Voici un temoignage :
"Comme eous Ie haschisch la musique m'apparait
comme une matiere concrete, parfaitement visible,
chaque note, chaque son "stinscrit devant moi sous
forme de particules lumineuses t de train~es bri11antes
je ne parviens plus a disBociar Ie son de Is. vision
qui lui correspond. n . (2)
Nous ~tudier.ons l'action des substances hallucinogenes
plus en detail da.ns 1e poeme ttMatin6.e dl1vresse"o (3) Rotenons
Ie ph~nom~ne majeur qui leur est li~ ~ 1 'hallucination. Ce11a-
ci remplit point par point Ie programme que Rimbaud afest
assign6 : destruction du monde objectif de l'a.pparence .

(1) Sana assommer Ie sujet comme l'a10001.


(2) Dorg ~ "La Voyag-e a Ia Drogue" s Ed .. de Seuil (1970).
(3) Lee ILLUMlNATIONS cf. infra P6 I72/3/4
58.

~cla.telTtent de 1 t ego: n~g8.tion de 1& dur6e, destruct1.:ration de


la.perception. Lt exPtltienc e de l'a-temporalit~ est nne
~s cara?, t eristi gues con8tan i~que nous rencontrerona daq~
l e a II;.l!U111..NATION;;" de ph~noll1~ne est apecifique a la drogue.
Dans "Alch:.i.mie du Verba" Rimba.ud reconnait avoir
pratique It hallucilij..~ion :

tlJe m1habituai a l'hallucination simple."

II a'eElIi senti mens.c~ par tiles sophismes de la folie". (I) :

"Me. sant~ fut menac~e . La terreur venait. Je


tcmbais dans des aommeils de plusieurs jours
Je dua voyager, distraire les enchantementa
~ssembl~ 8 sur mon cerveau . 1t (2)

La danger qui a menac6 Ie poete est bien r6.sume dans


oe t~mo ignage :

"J e comprends pourquoi las malades victimes


d'hallucinationsne peuvent douter de la r~alite
de leurs visions $ Je sais ~videmment que ce que je
vois n;existe pas r~el lemen t, qu'il s'agit dtune
illusion mais pendant combien de temps c.Q"

----~--
, ---------
(I) Paxallelement 9 Novalie reconnaissait que "le poete est
li t te ralement insense - en. tichang~ tout se paase en lui".
in IlL! Arne Home.l1tique at le Reve ll : A. B~guin
(2) Alchimie du Verba . Une Snison
PREMIERE PARTIE : GENESE DES ILLUMINA'l'IONS
-----,-.--.-

TITRE III : RIMBAUD ET LES SUBSTANCES


HlI.LLUCnWGENES.

CRITIQUE EXTEP~

CPJTIQUE INTERNE
600

R1MBAUD ET LES SUBSTANCES TIllLLUCINOGENES

CRITIQ,UE ~ ]!DCTERNE

Nous savons tres peu de choses sur lea rapports de


Rimbaud avec les substances hellucinog~nes. Le seul t~moignage
direct attestant leur usage est celui de son ami dtenfance,
Delahaye. Au cours dtune visite qu'il rendit au po~te d Paris
en novombre 18715 celui-ci lui confia qu'il venait dtessayer
du hs.schisch (I) (six mois done aprE1s 18. "Lettre du Votant tl ) &

Un autre t~moignage rapport cependant que des lt6poque de


1& "Lettre du Voyant, Rimbaud avait d~clar~ son "intention dty
recourir" (2). Et Ifintention semble bien ~tre suivie d'effets :
outre l'exp&rienee de novembre 1871 il y a la r6ference aux
fameux Haschischin que nous retrouvons non seulement dans 18.
fameuse citation de ItMatin~e d'Ivresse (3), maia ausai dans un
passage moins connu d:8 "Deserts de ItAmour" .
It Peut-etre se rappellera-t-on Ie sommeil continu des
Mahom&ta.ns legendaires, - bra.ves pourtant "
Or ces lignes ser.aieht de juin I872 selon la critique (B. de
Lacoste, P. Guiraud). II faut donc admettre l'emploi de Is.
drogue sur une longue p~riodeo

Dans Una Saison en Enfer Rimbaud semble faire allusion Q

l'opium : "Ie d~mon qui me couronna de ai aimables pavota. tr


Or l' opium ~1;ai t alora monnaie coura.nte en Angleterre aoua sa
forme 8ucc~dnn~e : Ie la.udanum. t4) Ce qui nt~tonnera paB
quand l'on laura qu'il ~tait moins cher que 1e gin ou 1e. biare. (5)

(I) Cf ~ 11Delahaye :remoin de Rimbaud : p. 141 : " .... 11 08


r~veilln i notre arriv6e, se frottu lss yeux en faisant 18.
grimace, noua dit qulil avait pris du haschiscb. tt
t2) "yll ::: opium ou haschisch. cf .. "DeIaha.ye T~moin de Ri.mbaud" $
op. cite> p. 346
(3) UYoici le temps des Assassins"
(4)cf. 3uprli .. Ie poeme tI.Angoisse"
(5) eft..A~ Ha.yter "Opium and the Romantic Imaginatlon : Lonoo!).
6I.

Il ~tai t ainsi trdt:! r~pand,~ dans la classe ouvri~re du XIXe


sieole (peut etra mtme I e. formule de Marx de "l'opium du peuple lt
tire-t-el le son origine de cette si tuation ). Or Rimbaud
a f ait de nombreux aejours Londres a a
partir~ de septembre 1872 e
mais il ne s t agi t 18: quce d~ pr~somptio ns. Pour r~ sutner ce qui
pr~cede, disons que Ril.G.ba.ud avait 1 I intention de recourir d 1e.
drogue, qu'il pouvait Ie fairo facilement et qu l il l'a fait.
Le poome des II,LUMINATI ONS "Matinde d' Ivres se " est un aveu d.
peine voil~ de l'emploi du haschisch. Ltargument qui e m~o rte
la conviction clest que l'emploi des Bubstances hallucinogdnes
est inscrit dana la l ogique m~me de la m~thode de voyance dont
les . ILLIDIIN1~TI01TS sont 1 t a.pplica.tion formidable. Le lien de
fili ation entre les doux apparait avec ~vidence dans Ie langage
memo d/un poeme comma Itna.tin~e d'lv.resse" (I) quand on fait Ie
rapprochement avec Ie texte de ls. "Lettre du Voyant".

CRITIqUE IUTERUpl

Nous devons cependant reconnaitre que, sur Ie plan de


la critique inte rne d.e s poeme s, iJ. n'y a pas de m~thode in ..
faillible qui permette d' affirmer l'influence des substances
hallucinogenes sur la cr~ation po~tique. II n'existe pas de
critere irrefutable (2)0 En l'abaence de preuves directes
t comme I' aveu a peine
deguise : de "Matin~e d I Ivresse" ) t i1 n' y
a que 1 f ana.lyse mema (I.u POem! qui puisse permettre de Be form~r
une opinion. Cette analyse peut s'appuyer bien sur sur certains
symptomea produits par l' ac tion des excitants sur Ie aysteme
nerveux ( 3) .. Les plus constants sont les 6uivantE :

(I ) Cf. supra Cha.p. IllJa m~thode de voyance"


( 2) Ct'. A.. Hay tor : "Opium and the Romantic Imagination" in fin e.
C~) La nonogra.:phie du Dr. Moreau de Tours : "Du Haschisch et
de llAli ~nat ion Mentale " reate le meilleur cuvrage de
r~1.'~renc e s ur la. que~ti on. Son hypothese de base cons ti tue
encore un champ de recherches en psycho pha.rmaoologie : cfo
Proceedings of the Hunnema.n Me dical Colle ge Symposium :
Gruna & Strattoll, Ne . York 1969 ; " As fir s t proposed by
Moroau de Tours p do any of these drugs real ly mimic
natur.ally occurring :peyohosis . ~.7n
IllusionB de 10. vue
synesthbsie nnifiant et cou~eurs (I)
SOD.S

sensation d~ froid, frinson


10 rire irr~preBaible (haschisch )
Ie reve Gyeille g l'hallucination (2)
: (opium)
phenomenes
associ ations s 10. figuro du Vampire (3) psychiques
(opium)
impres si ons ~ clau strophobi~ et lourdeur
de llunivers opiace (4)

Et pour conclure Ie phenomene Ie plue caracter1stique


de 1a drogue: la dilatation de 10. duree (5) (1 'experience de 1'&_
temporalite). Nous etudierons en leur J.ieu et contexte tous
cessymptomes qui renvoient a
llusage de l'opium ou du haschiach.
Posons des maintenant Is question de la valeur : une opinion
repandue s'autorise ad~valuer tout travail litteraire produit
dans des conditions "artificielles". A l'arriere-plan de cette
maniere de penser, il y a, on Ie voit, une jugement moral porte
sur l'auteur et destin~ a d~consid~rer scm oeuvre. II nous
semble que Baudelaire a deja.
fait justice de ce point de vue
moral: on ne saurait pprecier une oeuvre a
partir de criteres
moraux. Q,uant a1& valeur meme de 10. creation litt'raire pro-
duite aoua I'influence d'excitants, elle eat attest~e par de
nombreux exemples : Coleridge ( Kubla Khan), Keats (Ode on
I ndolence, Ode on a Grecian Urn), E. Poe et MaUpaS6&n t, llerval,
Novalis (Lea Hymnea al~ Nuit), Baudelaire bien sur, etc. Des

(I) "chaque son s I inseri t de'V'ant moi eous forme de particules


lumineuses" : Go Borg: "Le Voyage a1& Drogue" : 1970 de Seuil ..
(2) f'le rove des sens exterieurs" selon Moreau de Tours, alors que
l'illusion n'eat qu'une erreur apartir de f~ite r&els et
obs ervables.
(3) cf. Coleridge: "the central figure in "Christabe 1" identified ~
with one thnt suckod vital force in fact with opium its~lf.~
OPe cit. A. Hayter I p. 206
(4) cf. E. Poe: "La Chute de 10. Maison Usher", l ea "Pri.sons l
' de
l'iranasi.
(5) Aldoue Huxley : "The Doo.rs of Perception".
oeuvres l1I~me aussi prestigieuses que "Le Songe d'une Nuit dtEt~ltil

ou Ie 'Faust" de Goethe nous semblent participer 8.UX mondea at A


la magie de I t hallucination (I)e

Los exc! {,ants se contentent en fait d I agir comme un


r~v~lateur des virtualit~s qui sommeillent dans I t inconsci ont
de l'homme ; c'est ce qu'avait reconnu :Baudelaire dans le a
"Para.dis Artificiels u : 1a drogue ne peut donher que ce que
nous a~ons en nous o Ce qui est en cause, ce n'est done pas
la val eur de l'oeuvre litt~raire produite dans ces circonstances,
mais plut6t Ie moyen artificiel qui a concouru a sa confection.

Nous no croyons pas non plus qu'il faille classer lea


ILLUMINATIONS dans Ie. cat6gorie de l ' Imaginaire, dana Ie sens
ou c e lle~ci a'opposo au R~elo La voyance n'est pas l'imagiuation,
@'est u~e faute de les confondre. Bien au eontraire la Toyance
nous est apparue comme l'experience d'une r~al it~ beaucoup
plus dense et ch ~g~e de sens que la r~alit~ que nous pouvona
conna1tre par la Raison. (2) ' R~duire les ILLUMINATIONS A un~
oeuvre d'imagination, c'est d~naturer leur sens, et par la un
d~tournement de pouvoir (on dit aujourd'hui : "r~cup$rationtt ) .
La drogue semblerait avoir la facult~ d'ouvrir a certains Ie
royaume de l ' Esprit et de faixe partager sa puissance : cleat
Ie cas de Rimbaud. La contrepartie exig~e, c I esi; encore
Baudelaire qui nons 1a livre "tout homme qui n'accepte pas
lee condi tions de 1a vie, vend son ame It !{.:;) Nous examinerons les
con6~qu encea de co. pacte dans notre conclusiono

D~s
lora que I' on prete Ie. force. de l a r~al.i t~ aux
experiences po6tiques dce ILLlfMINATIONS, dana Ie cadre que nous
enons de d~finir, on admettra que Ie fa.it de savoir a1 tel
poeme a ~t~ ~crit seus l l influence de Is. drogue ou non . n ' a plus
un-carE;ctis re dl!t erminant. (4) 11 ne saurait en tous l es cas

( I ) CF. ".Bottom" e -t; "Fa.iry"


( 2 ) Cf " Novalia: "11 repri}sente Ifirr~p:resenta.ble~ i1 voit
l'invisi ble, sent l'insensible .0" : po 207 : "I,'Ame
Romanti que et Ie Reve" : A. 13eguil'l. opo ci-t.
"Les Paradio Axtificic J.s" :Ed. Folio: p. I43
,
En ce sens que I e Feu "vole" reate Ie feu.
640

affec t er notre l ec ture de ce po~me z i 1 es t de not~e


devoir de dOnl1er an l angage toute sa. fo r c e et sa pl~ni tude . (I)
II est malheureux a cet ~gard que Ie ti tre de Baudelairet
"Lea Paradis Artifi.eiele ll ait contri bu~ a anc.rercette id.~e que
la drogue est maitresse d'illu s iono Cl es t une verit ~ part ielloo
Si 1 'on a suivi notre argumentation on admettra que la drogue
donne aeces aux "Paradis" du royaume de 1 ' Espri t, mais par des
moyens qui eux s ont artificiels, - et ceci. pour certains sujets
pr ~ dispo s6s . On ne peut pas comprendre la fascination de 1&
drogue sans c olao Tout au pl-u:s certains ad.mettent qu t e11e
puissc d ~boucher sur une exp ~rienc e authentique mais i1 ne
Itenvisngent que COllme une exception 1 l'illusion. Chez certains
"ltexp~riel1ce de Is. drogue peut s'ouvrir, incompletement et par
~clair,' ( rani s non plus il l usoiremel1 t) vera l' absolu d tun etre.
En ces cas-la, elle ne sera pas un fait mystique mais !llle pourra
deveni r comme l'occ asi on d'une m.yst ique du Soi "a l'~ tat sauvage" o
(2) On voi t que l' auteur f ait pr~cis~ment r~f~rence a Rimbaud,
ffl e mystique a1 t ~t at sa.uvage" selon la formule fameuse .

( I) Nous penson s ici sp&cifiquement ~l ~o.me "GEN1E"~

(2~ L. Gaxdet s "La My6 tiqu ~1I s p. 15 : 1970 l?tTF.


-DEUXIEME
.
PARTIE

ANALYSE DES POEMES DES ILLUMINATIONS


66,

A P R ~ S L E DE LUGE

Genese VIII, 2 "Les source s de l' abfme et les


~cluses du cial fu .cent fermee,e. ~'

Fa~t-il rattacher "Ie D~luge " a un ~vtnement particulier de la


vie de Rimbaud, a quelque c a t aclysme sentimental?

Le texte fait explicitement r~f~rence aux forces emotives du


coeur, a la montes des eaux :

"Eaux et Tristesses, montez et relevez les D~luges."

La 'biographie du poete offre plusieurs directions de recherche


la plus evidente etant bien sur la phase qui suit Ie "drame" de
13ruxelles : Ie Deluge ferai t 8.insi r ~ ference a. la p~riode d 'Une
S8.ison en Enfer ou imraediatement post~rieure a elle. On a mome
d~duit l'anteriorit~ de ce11e-ci par rapport a celui-la. ~I)
Nul doute que la rupture avec Verlaine ntait tres serieusement
affect~ Rimbaud.

II y a toutefois un obstacle de taille a ce systeme de r~f~rence


clest que de toute evidence la "Saison" ' est dominee par la
symbolique du ~'eu. Si lIon consulte l'Index t2) du vocabulaire
dlUne Sai80n en Bnfer, on trouve en tete des Dots-clefs "l'enfer"
avec un ecart r~duit (3) presque trois fois sup~rieur au mot qui
suit sur 10. liste. Indice r enforce par In frequence des mots-
themes comme Ie feu, la soif, llor. II nous parait donc difficile,
en ' bonne logique, d'attribuer au "Deluge" une valeur de reference
a l'epoque de la Saison en Enfer. Nous reservons cependant la
force probante de l'analyse interne.

(I) cf. Yves Bonnefoy, "R:i,mbaud" ed. du Seuil.


( 2) Index du vocabulaire du symbolisms, VII. Ed. Klincksieck 1962
(3) ~cart redui t = l"r e q'.l enc e re l at ive - li'reg'.lence th60rigue
Frequence t heorique
( 11 mesure ains i Ie lIpoi dal! d 'un mot ~. clef au sein d 'un texte )
Un autre ~vene men t-sourc e clest la rencontre de la Femme.
La seule trace que nous en ayons rdside dans Ie t~moi gna6e- dfun

ami dlenfance du Pgete, Delahaye (1) :

"De ses -"pet! tes amoureus8s l1 e 0 j.l en est une g:ui


resta, s'attachn. a lui,
qui tta pour Ie suivre - famtl1e
et foyer, nne qui fut "Ie compagnon d l enfer." I,ors
du second voyage i1 Paris - en f~vrier 1871, el1e avait
voulu l'accompagner malgr~ lui-mme . Sans asile, la
preTIi~re nuit, ils dorTIirent sur un banc du boulevard.
Au matin, il exigea qu'el1e partit (chez des parents)
(Ie poete l'aurai t apercue qui Ie suivait dans la foulo
au cours des journ~e s de l a Commune) et une ihqui~tude
lui en restait, dechiranto, au moment o~ il racontait
cela" quelques mois apr~s."

Et il conclut "Le vieil amour etait rest~, brili.ure


non guerie."

On aura remarque au passage que Delahaye identifie la demoiselle


d la Vierge FolIe d'Une Saison (2), ceci contre toute evidence.

Quant au fond, Ie temoignage de Delahaye ne saurait etre mis en


doute d'autant plus qu l il est corrobor6 par celui dlun autre
camarade du poete, Louis Pierquin :

"Je viens confirmer Ie r~cit d'Ernest Delahaye,


clest elle qui avait les yeux violems chant~s par
Ie sonnet des voyelles. Rimbauc1 n' aimait pas qu'on
fit allusion a ce bref et douleureQx amour. Plusieurs
....,
annees apres je lui dis : IlAs-tu des nouvelles de
Ie. petite?" II plaqua son regard sur Ie mien, recard
d~_une tristesse dont je fus troubl~ et il me di t : "Jo

teen prie, tais-toi!" DO. ".Accoud~


sur la table In.
t@te entre ses mains i1 se mit ~ pleurer. Cet te scdde
navrante je ne l'oublierai jamais." (3)

(I) Rimbaud tI905) cite in "Delahaye Temoin de Rimb aud " p. 325
Ed. La BUCODJliere
(2) cf. "Ie co mpagnon dtenfer".
I

(3) Idem. NoteI: Opt cit. po 326


68.

La rencontre de Ie. Femme, quelle que Boit son identite, s'est


dcnc Boldee par un &chec. Cleat ca que confirment "Les Deserts
de l'Amour" :
rlCette foio, e' est Is. l>'emIDc quo j ' a1 vue dana le.
Ville ... j~ 16, via d&namon lit, toute a moi., sans
lumi~r61 Je fus tree 6mu, at beaucoup parce que
cl.etait Ie. maison de femille alora 1a femme
di spa.I'ut". Je versai plus de larmes QU8 Dieu n'en &
j ameia pu demander jo fUB davant les vitrages de
la ou elle va tous los soirs on m'a repousse.
Je pleurais ~norm&ment, a tout
cela j'ai l~i~
fin!I' toutes los larmes de_.mon corps avec cette nui te
Et mo~.~puiseme nt me revenait pourtant toujours "
at Ie poetG conclut :
"Vrai, cetta foio j'ai pleur~ plus que tous les enfants
du mOl1de."
Aprea Ie. d~luget les sources de It&motion sont taries, c'eat
"lt ellnui" dans un ciel sereill et vide:
1tL' air as'i; i mmobile. Que le s oiseaux et las sources
sont loin! Co no peut etre que 1& fin du monde ~n

avanc ant. tt (I)


Dana I e pc~me ENFAlWE II t il y a "111 haute mer fai te d 'une
eternite de chaudes 1armeso"

L'enfance! nou a arrivons o.inai a.


1& rencontre de l'evenement
primordial qui dut structurer at surd~terminer l'affectivite de
Rimbaud : l'absence du per~. (2) L~ pere du poete d~serta 10.
maison familiale en fa60, Rimbaud avait done alors six ans. Ce
depart tOl.ltefoia ne semble pa.s avoir ete v&cu comme un. tra.:umatisme

"II lui restait Ie souvenir de ce qui fut sans doute 10.

--------.----------------------------------------------------------
(I) ENFANCE IV
(2) of "H51derlin at 10. Question du Pere lt (Laplal'lche, PDF)
'-
derni~re altercation conjuga1e, ou un bassin d t [,rgent ....
(est a. tour de 1:'o'le pr~cipi,t~ au sol). Rimbaud se
rappelait cette chose, parce qu'elle l'avait amus~~

1>ee.ucoup 0
II
(r)

En fait, cette rupture definitive etait en quelque sorte amenee


par une serie de "s~parations temporaires" (2), et l'eloignement
frequent du Capitaine Rimbauo.o Celui-ci note Delahaye "ne fait
'pas venir sa femrJe pour Ie rejoindre dans sa garnison" (3). Par
ailleurs il ne semble guere avoir montr~ de l'int~ret pour ses
enfants, ceci stexpliquant sans doute par ses absences prolongees
et r~petees. Fait significatif : Rimbaud n'a jamais cherche a
revoir son per~. Enfin i1 est clair que Mme Rimbaud n1etait que
trop disposee, par temperament, a remplir Ie vide c=~e par
l'absence de tutelle paterne11e. '

Nous noua trouvons donc en presence dtune relation oedipienne


caracterisee par ce que Ie psychanalyste nomme l'Absence du perco (4)
Relation deja prefiguree a la naissance du poete puisqu'~ ce moment,
"dtapres l'acte de naissance Ie Capitaine Rimbaud est en garnison
a Lyon; tandis que sa femme vient d'accoucher a Charleville." (5)
Quelle est l'importance de "l'Absence du pere" ' sur l'issue o.u
complexe dtOedipe?
Avec I e pere , et sous la forme de l'interdit, c'est Ie principe de
realite qui s'affirme pour la premiere fois en s'opposant aux
p~lsions incestueuses du ".~a", au principe du plaisir. La
relati9n trianb~laire est ainsi reglee par la loi du pera. Selon
que Ie pere reussira a imposer sa loi, c'est a dire a d~tourner la
libido de sa fiM.ation ' a, la mere, la realite sera ou non reconnues

(I) "Delahaye T~moin de Rj.mbaud" p. 30


(2) Ibidem
(3) "
(4) cf. Laplanche : "IIOLDERLIN et IS. Qu~s, tion ' du 'Pelie"
(5) Delfihaye op. cit.
70.

,
II semble quo 18. libido de Rimbaud au lieu de se reinvestir sur
l e p;re at d I etre 8ublimt~ ds.na 1 I identification d.u moi au p~re,
se soit fix~e sur la m~reo II semble bien que l'interdit n 'ait
jamais 6t6 po s', cons6quence directc de la carence paternelle.
Quand bien meme , d'ailleura, aut-il ~t~ p08~, i1 est bien peu
probable qulil ait en fo:r.c e ex~cutoire : sana l'acquiescement de 1a
mere, en effct, 1e. loi du pore a toute chance de rester lettre
morte. Que cet acquiescement fit d~faut, toute l'hiotoi re des
relations entre les epoux Rimbaud l'atteste : les temoignages
sont a cet ~gard pr~ci6 et concordantse

Quelles son t alors lea cons~quences de cette fixation libidinale


,
a l'O bjet-maternel?
D'abord que le principe du plaisir (c' est a dire les pu1sions du
ca") s I est e.ffirme souverainement au detriment du principe de
tl

r~alite. Nous reconnaisBone la ltesquisse de quelques grandee


lighes de force de la dynamique rimba1di~nne .
"que d'heurcs . des nuits jtai vei11e, cherc hant pourquoi
il voulait tant atevader de 1a realite. Jamais homme
n'eut paredl voeu.' s'ecrit Ie. Vierge Folle. (r)

Cteat que Ia realite pour Rimbaud sera. toujours Ie siglle d'un


vid e : i1 lui manquera Ie scenu du pere. Notre detour par 1&
psychanalyst'! noua ramene d~ja au poeme 2 on y trouve en eff.;!t Ie.
presence du "sc eau de Dieu (qui) blEnni tIes femeiires", do "1 I a.rc
en oiel".
En fait toute I' errance de Rimbaud est marquee par sa quete du
R~el cheminement qui va jusqu'a I'exploration m~thodique des
substances hallucinogenes.
Une deuxieme ligne de force se d~gag~ de cette ignoranc oedipienne
de 1& Loi du perc : comme la oonnaissanee de 1& 10i d~termine 1&
culpabilit~, son ignorance est Ia marque de l'innQcence. Quand
Rimb aud af.firme rechercher "l'~ts.t primitif de fils du Soleil" (2)
n'estce pas en meme temps que 1& quete du pere I~ d~sir inconscient

(I) DEL lRES I UN1! SAlSON l!1N ENl!"E.R


(2) VAGABONDS.
d0 retrouver l'etat premier de jouiasance harmonieuae et innocente?
Rimbaud n'a jamais reconnu 1& 10i du pere et il proteste avec
veh6mence du proces que lui fait la Soci~t~ :

"VOUB vous trompez en me livl."ant a la justice. J"e


utai jamais et6 de ce peup10-ci je n'ai jamais
et~ chretieln .0.
je ne comprcnds pas les lois je
n'ai pas Ie sens moral, je Buis une -brute : VOU8
voua trompez " (I)

Rimb/2l.ud proclame ici l' incompetence du tribunal : i1 ne se re-


connc.it pas justiciable de nos lois, 11 ignore Ie bien et Ie mal
c'est a dire Ie culpabilit~.
Ce theme de l'innocence originelle
traverse toute 1 ' oeuvre de Rimbaud. II y a particuliereme.nt
emergence de ce theme dana APRES LE DELUGE : dans 1& presence
de l'enfance, "les mel'vei1leuses images" et "les premieres
communions " dans la perfection de lao nature : "un lievre
searreta dans les sainfoins at les clochettes mouvantes, ct dit
sa pri~re a
l'arc en ciel a
travers la toile de l'araignee".
C ett~ 6vocation offre una similari te frappante avec l'image
fin ela de la parabole surrealiste EN GALILEE

"Enfin, 11 (Je sus) vit au loin 1& prairie pou6siereuse,


et lea boutons d'or at les margu'rites demandant grace
au jour."

Ce ra.pproch~ment, at Ie contexte biblique qui est 8. l's.rriere plan.


des ILLUMINATIONS(e), ineitent 8. avancer Is. date de compositicn de

(1) MAUVAIS SANG : UN SAISON EN ENFER


(2) Voiel des 0xemples de ce contexte .
APRES LE DELUGE
La mer de Palestine d'ENFANCE IV
Les j ardins de palme de ROYAUTE
L'Arhre du bien at du ma.l de MATINE.E D'IVRESSE
Lea potagers de Samarie: METROPOLITAIN
Les Sodomee et les Solymes de NOCTURNE VULGAIP..E
Certain.es ana.logies ontre la Ville de l' Apocalypse et 1es
po~mes intitul's VILLES.
Notre liste n ' est d'ailleurs pas exh2uative et on
observera que 18. Bible est expreasement mention6e - en
reference sana doute a I'ApocalYPsE! dana Ie poeme SOIR
HIS'fORIQUE.
'~els "
poemes 0

Un autr ~ parallele est a signaler entre la parabole surrealiste


" BETH-SAIDA" et "'APRES LE DELUGE" dans les image s sui vantes

BE'rU-SAIDA "Les marches int~ri eure s blemi es par


des lueurs drorage pr~curseurs des eclairs d'enfe r".

et APRES LE DELu GE "Dans les cirques ou Ie sceau de


Di eu blemit le s fen~tres."

A c es ~voc ati o ns, il faut a jout er Ie courant dionysiaque qui


tr averse toute la fin du poeme depuis Ie soul~vement des
forces nature ll es jusqu'au paganisme des i mage s
. ,
"Les ~glogues en sabots ", les "deserts de thym, les
chacals"

Et de m@me c e tte r~Y~lation

"Eucharis me dit que c'et a it Ie printemps."

Dionysos, dieu qui met en effervescence les forces myst~rieuses

de la Nature, qui rend Ie poet e a son etat primitif (innocence,


spontan~it~, fete) de fils du soleil. On remarquera que son
invocation passe par l'int ercession de "la Reine, la Sorciere ".
C'est elle en effet qui a pouyoi r de delier les forc es naturelles,
dont elle seule comnait Ie secreto Nous r encontrons ainsi l'image
de la Femme c e qui nous ramene a notre etud e de la Libido du
poE1t eo

.
En l' absenc e d'interdit, 1a libido du "2a" s'est fixee sur la
~

ID~re . Des lors, la relation ~ 1 a mdre ~st appel~e ~ devenir 18


d0minante fon damentale du Itmoi". C'est Ii dire que toutes s es
r elations ulterieures Ii la Femme porteront l'empreinte de c e tt e
relation primordial e . Sans la Loi du p~re, Ie moi est incapable
de s'~manciper de 1a mere il est donc cons tamment mena c~

dt abs orption , de perte'd'identit~o Et d'autan t plus que l a m~rG


est dominant e et possessive c' e'tait Ie cas de :Mme Rimbaud ,
.t autoritaire a
l'exces " (1) e'~ dont on peut Bupposer qu'elle
x'eporta toutes ses ambitions sur ses enfants apre's Ie d~ part de
son mario "Tout Ie jour, il suai t d'ob~issance" dira Rimbaud
dans "Les Pd~tes de Sept Ans".
La lettre adress~e par MIne Rimbaud a Verlaine s Ie 6 juillet I873,
fait ressortir l a structuration de son inconscient

Refoulement de la libido

"J'ai ~t~ bien malheureuse . J'ai s ouffert, bien p leur~ e

Dieu m'a d onn~ un coeur fort, rempli de courage et


d'~ner gie. J'ai lutt~ contre toutes les adversit 's 0
II

Sublimation et r~investissement de la libido

"Le vrai bonheur co nsis te dans l'accomplissement de


tous ses devoirs, 8i penibl es qulils soient."

C'est bien "l'imagd'maternelle qu'a ret enue Rimbaud celIe d"une


fe mme de devoir, rigide , aust~re , inaccessible. Cette di stanciation
par rapport a la Femme pourrai t etre aI' ori gine dt'l "Madams. -lH:1(- "
telle qu' elle apparai t da.."ls "DEVOr:nON" et ll~RES LE DELUGE". Elle
est assoc i~ e ~ des images fri~ides

"Les Alpe s" , "les hautes glaces" ou encore dans


"BARBllREtI tiles grottes arctiques" dans 1JETR01:OLITAIH
tile matin ou avec El le, vous vons debattites pa.rmi les
eclats de neige l es l~vres vertes, les gl~ces les
parfums pourpres du soleil des poles."

Dans "DEVO'.!:'ION" Ie poete parle encore "de bravoures plus violentes


que ce chaos polaire l' ; tandis qu I Apres Ie Deluge reprend Ie meme
theme

"Le cha os de glace s et de nuit du pole."

Dans ce dernier po~me c'e st cependant la figure de l a Mere


pos sessive qui domine, type de femme dont 18. mere du poete est Ie
symbole Ie Deluge comporte l'image de l' ~ngloutis sement . Ce
n'est pas par hasard ~ue nous relevons dans Ie poema la pr~sence

(I) "Delaha.ye Temoin de R1mb aud" Ope c:i.t. p. 30.


d..: l'ogre Barbe-Bleue. TIimbaud nous incite lui-meme a une lecture
symbolique par Ulle technique d'6criture dont la fonction est
de "cap italiser" Ie nom : Iterupl oi d'une majuscule en milieu
de ,phrase. Nous relevons ain8i les trois mots cle fs du poeme
Ie D~luge, la Luna, et la Sorciereo

Ces mot~ cl~fs ne sont pas des symboles isol~s mais constituent
l'architecture inconsciente du poeme. Le jeu de leur relation
triangulaire est bien l,lis { en ~vidence dans I' ouvrage de Gilbert
Durand "Les Structures anthropologiques de l'lmaginaire" auquel
nous renvoyons pour les references~

Le Deluge, par la symbolique de Iteau est associe a la femininite

"ce qui constitue l'irremediable femininite de l'eau,


c'est que la liquidite est l'element m~me des menstrues.
L"archetype de l'element aquatique et n~Ha s te est Ie
sang menstruel." (I)
Rimbaud ecrit "Le sang et Ie lait coulerent." "Les tHal s"
et les "abattoirs" ont une signification sexuelle . G. D1itrand
note que ilIa menducation de la chair animale est toujours reliee
II l'idee de peche ou tout au moins o.'interdit. L'in terdit o.u
"L~vitique" relatif au sang menstruel est suivi, a quelques
versets par un interdit relatif a la consommation du sang e"c ar
llame de la chair est dans Ie sang"). Ctest la rupture de cet int er-
dit qui provoquerait la seconde catastrophe biblique , Ie Deluge
Le vegetarisme se trouve allie a la chastete : clest Ie massacre
de l'animal qui fait connaitre a l'homme qu'il est nu a Ie
premier homme et la premiere femme couvrent leur nudite avec la
peau des animaux tu~s.1I (2)

Par la sexualit& f'minine, Ie D~luge va ~tre associe d la lune


"Parce que leur archetype est menstruel, les eaux sont ainsi liees

.... -----------
(I) G. Durand: "Les Structures anthropolo giqucs de l'Irnagin aire "
op. cit. p. IIO

(2) Ibidem p. 129/130


750

a la lune 11 Y a en erfet synchronisms entre Ie rythme


mensuel de la fe mme et Ie cycle lunaire." . (;1:) Rimbaud rejoint
1~ encore l'inconscient collectif

"La Lune entendi tIes chac als piaulant et les


eglogues en sabots e;rognaHt dans Ie verger. Puis, dans
10. futaic violette bourgcnnante, Eucharis me dit que
c'etait Ie printemps."
,
Ce passage porte une tres forte charge sexuelle Ie printemps
est ici un appel a la liberation des instincts animaux, a 'la
fete sexuelle. "Les tglogues en sabots" ne sont autres que des
satyres comme ce " grqc ieux fils de Pan" du po~me "ANTIQUE"

"Promene-toi la nuit, en mouvant a.oucement cette cuisse,


cette seconde cui sse et cette jaulbe de gauche. II

Ce recours a la mythologie grecque (cf. "Eucharisll) d'inspiration


tr~s nettement dionysiaque comme Ie confirment les incant ations
qui suivent V'sourds, Jtang ; - JCUlllC, roule sur Ie pontoo 1 n,
est Ie signe dlune incitation a participer a l'effervescence
sexuelle du printemps, a la fete orgi~qu e.

Et; selon G. Durand, "les pratiques orgiastiques sont en effet


, ,
une commemoration rituelle du D~luge, du retour au chaos d'ou
doit sortir l'etre reg~nerd. Dans l'orgie, il y a perte des
formes: normes sociales, personnalit~s et personnages ; lion
exp~rimente Et nouveau l'etat primordial, pr~formel, chaotique."
(Mircea Eliade) (2)

La derni~re figure symbolique de la - trilogie est constitu~e par


.
la Sorcidre. C'est que "l'isomorphisme de la lune et des eaux est
en m~me temps une f~minisation". (3) Le cycle menstruel "en
constitue 1e moyen terme" (3). Or i1 apparait dans les mythologies

----~--- _._-_.. , -.
(I) G. Durand: "Les Structures anthropo10giques de l'Imaginaire "
Ope cit. p. IIa.

(2) Ibidem Ope cit. p. 358. Le chaos est aussi pr~sent dans
"Ie chaos de glaces et de l1uit du p6J.e o l1

(3) Ibidem Ope cit. p. 112


comme un signe nE!f as te 11($ a la te mp o ralit~ et t:f la mort

ItC 7 est ~ cet i EWl'1 0rpb j EJrne qutil faut rattacher ce


symbole que les psychanalystes r eli ent ~ une exas pE!ration
de l'O e dipe, l' image de I s. "Me-xe Te rr ible", ogr es se
que vi ent fo r tifier l ' inter d j t sexue l. Car la mi s ogynie
de l' i magination s 'introdui t dans l a re p r~sent a tio n par
cette a ss i milation au t emps et a la mort lunai re de s
menstrues e1; des pe rils de la sexu alit ~ . Cette " M ~re

Terrible? est I e mod'le i nco nscient de toutes les


sorci,res , vieill es etc It (I )
IILtoeuvr e de Hugo e s t ~gal emen t ric he en epi phanies de l a'1JlE?re
Terrible" r emarque 1 'auteur . Et I t on sait que Rimb aud lui avait
emprunt ~ l ' i mage sinistre de "la Bouc he d'Ombre " pour d~ s i gn er

sa m're. Dans I e poeme "ANGO I SSE : bien qu I e11e ne lui so i t pa s


directemen t associ~e, il y a la pr~ sen ce de "la Vamp5.re " .

On conna;i.t l a puissance mal~ f ique attribu~e ~ 10. lune rou ss e et 1e


l i en ~t abli par l a mytholo gi e popul ai re avec Ie s abbat de s
sorc iereso Ainsi Rimbaud ~c r it dans Une Saison en Enfe r ( 2)

"Je danse Ie sabbat dans une rouge clairiere avec des


vieil l es et des enfants ll

Et . dans les "V1LLES " des 1LLlHUK ATIO NS

"Les Bacchantes de s banlieues sangl otent e t la lUlle


bx{lle et hu;.rle"o

" Presque toujours la catas tro p he lunair.e est diluviale" rerearque


Mirc ea Eliade ( cite par llaut eur) . L' arch~type de l a Sorc i ~ re
dEPls Ie poeme es:t n Bs oci~ a 18. figure nople .de "la Reine".
C' est qu1en affet el1e deti ent un pouvoi r . Le lien est effe c tu~ par
l a magio dont I e rite nous e s t s u g&~ r e

Elle . "allume sa bra ise dans Ie pot de terre. "

~ ~- . -- ~ - ~~ - ~~ _. . -- . . - -.---------.. -~ ... .. ~- -.- --


( I ) G. Dur and op O' cito p . 1I 3
cf. aus si dans tt pill1ASES" "Quel le s o rc i ~re va. se dress er
sur I e cot'.clw.nt. bl anc?"
(2) MAUVAI S S A11G TItrE SArSON gN ENVEIt .
' On relevera la parente de l'imag8 avec "les pierres prdcieuses
s' enfouissant " Son sens e:3 t clair : la. Reine detient I e
secret des illuminations int'rieures, et ie pouvoir d 'initi ation .
La es t son royaune.
Cette ~vocation de la magie doit etre rapproch~e de l'ouverture
,
QU poeme
"Aussitbt que l'idee du Deluge se fut rassise II
,
et de son complement :

"Eaux et trist esses, montez et relevez 1es d'll..lges."

Comp1Jmentarit~ en effet du couple: relever / rasseoir, l'axe


vertical descensionnel/ascensionnel, indique successivement la
baisse et la montee des eaux. Or, l'eau est toujours symbole de
vie a la baisse des eaux correspondent ainsi les images de l a
vie qui se retire : d'ou Ie sang qui coule, la lumiere bleme, Ie
chaos de glaces, la lune, Ie deuil.

La .' montee des eaux est associ~e !:iU printemps, a l'effervescence


sexuelle qui s'empare de la Nature (I), au jail1iss ement ou plua
precis'ment dechainement des ~nergies latentes ~"sourds, ~tan g ").
II est remcrquable de constater que la dynamique des images
d'Apres' Ie t '.r
Deluge s'inscrit prec~semen td ans Ie champ d'at~raction
d4crit par la technique du r~ve ~veill~. (2) Nous reconnaissons
ainsi 1es schemes de 1a descente s't de 1a montee, et 1a dynamique
motrice i nherente au libre flux des images, qui caracterise cette
technique. "La dissociation de l' imagination et de l' espri t
critique est te1le, nous dit R. Desoille, que celui-ci ne
cont r ol ant pratiquem!?nt plus celle-la, elle peut jouer librement."(3)
Le signe de cette automonie de l'image c'est son independence d
l'~gard du poete : "Aussit8t que l'idee du. D~luge se fut rassise."

-- -' ~- - --- ' -' --- ~ .- - ... - --------.. -_ . - . .... .... . . _-----,----,-

(J) c'o les satyres "groe-nant" , "la futaie violette, bourgeonnante"


(2) R. Desoille : "Le Rave Eve:i.ll~ en P8ychoth~ra.pi0 " PUF 1945
(3) Ibidem p. 5~
La forme p1.'onominal e r{f lc'chie indique bio n que 1 I i mago obei t
a\ sa dynamique interne et que I e pOBte ne l a contrele pas . "L'i d~e "
ici n'est pa s prise daus Bon sens de conce pt mais dano Ie sens
d'arch~type. Ce qu'est bien Ie :D~luge : "Un systeme disponible
d'images et d'~mo tio ns " (1) que Rimbaud va adapter aux perc ep-
tions de sa Libido. Ainsi les visions ' dtApr~s Ie DAluge
cristal lis ent les auto-perceptions symbolique s de la Libido de
C.
Rimb aud. Dans Ie reve ~veil1~, ces auto-perceptions sont obtenues
pa:r un condit ionnement du sujet, mis dans un ~tat intermediaire
entre la veil Ie et Ie sommei l. La pr~sence de "la Reine, la Sorciere'
allurnant " sa braise danE Ie pot de terre" (2) est u ne allusi on
trnnsparen te au recours a la magie, c I est a dire aux substances
hal1ucino gene s. Si, comme nous l'avons montr~, les i mages
s'imp osent au poete et ~chappent a son controle c'est qu'e11es
s'app are ntent au rllgime des hallucinationso

Entre l'ecriture automatique des surrealistes, Ie reve llvei116


et ~ l'hallucillation i1 n'y a qu'une differe nce de degr~ se10n
llempris e du reve sur les sens,sa charge de rea1itll. Novalis
di sait "La magie est l'art d'emp loyer a. volont~ Ie monde de s
sens". Gle st bien ce pouvoir que demande Rimbaud a 1a Sorciere.
crest la merne demande que nous rencontrons chez ~~rard de Nerval .
o

"Je ne demande pas a Dieu de rien changer aux 6v6ne me nts


di t-i1, me,is de me changer rf.!lati veme nt aux chases :, ....
de creer aut~u r de moi un univers magique, de me
rendr e sensible l'illusion." (3)

et : par al lelemen-c , 1a Verge J!'olle que Rimb au.d fai t parler dans
Une Baison en Enfer no us confie son a ttent e :

II e ou je me r'vei11erai et les lois et les moeurs


auront changb gr~ce ~ son pouvoir lllagique -, Ie
monde en restant Ie me-me , me lais sera ames desirs, '
joie s p llonchalances "

~I) Cc JUNG
~2) On rel~ve dans Ie manuscri t Izambnrd des "Repa:r.ties de Nina",
"ai'1"reux profil ll , unc\\vieille davant la braise" ( 26e quatrl1.in) ..
(3) Carnet d.e Dolbreuse, J. Richer, NlmVAI" OPe c:tt .. p. 12
C~es-t 1e me::ne vocu qui est formul~ : op~rer 1a. mlta,morphose du
moi, sans moCi:lfh:a.tion du reel. Et ce voeu ne peu t e"tre rempli
que par "un pouvoir roag:Lque lf qui, Ifa volont~" sera capable de
"rendre sensi'ble 1 t illus ion il On ne voi t gue1re que 1es
subatances
I
hallueinog~nEis
'
qui puissent satisfaire a ces conditions t
c'est
, en tout cas fort pr6eis~ment, leur eh8,illp dlaction. 11 n'est
done point sU2'prenant que tous c es po~tes aient eu recours leur a
magie.
C0 HTE

Un conte clast un rdcit merveilleux at imaginaire -


souvent des.tin~ au-x enf ants. L t id~e tHai t contenue dans
"Barbe-bleue"d' "APl{l!~S 11': DELUGJ!:o"

It 0 Un Prince ~tait vex~ de ne sf~tre employ~

jamais qu' a la perfection des g~n~rosit~s vulgaires ~"

L' article ind~fini no us indique qu'il s'agit d'un pays


ind~termin~, imaginaire, dont la pI.'~cision est inutile "un
Pr.ince". L'accent est mis plutct sur la Puissance souveraine
00 "etait vex~" : i1 s'agit done d'une co ntrar.iet~ n~e d'une
insatisfaction de soi

. Ltacti vit~ ~ laquelle Ie Prince s't1tait employ~

jusqu'e. ce jour, "la perfection des g~n~rosit~s vu1gaires "


~tait insuffisante pour remplir ses aspirations
,
a la plen..L.tude
d'~treo Autrement dit 1e Prince n'avait pas atteint 1a r~alit~

de son~etre, il restait en-de2~.

En effet Ie "vulgaire" s'oppose a ce qui sort du commun s


.~ la nature princiere . Des lors Ie Prince s'efforce d'atteindre
18. perfection dans une direction qui n Y est pas "sienr:e tl ; il
n'e et donc pas surprenant, que n'~tant pas lui-meme, il en
re ssente de 1a contrariet~. II possede des qua1ites nobles
(g~nerosi t~), serviB"s par d'auBsi nobles desseins : 1a perfection.
1-1 a1s son erreur est de vou10ir agir COLlJIle un homme du commun,
comme les autres en .des flB'6n~rosit&B vulgaireso"

"II .pr~voyai t d' etonnantes r~volutions de l' amou~, et


aoupgonnait ses femmes de pouvoir mieux que c e- tte
compl&.isance agr~ment~e de oiel at de luxeo ll

Get te insatisfaction est entretenue par l'intuition (" il


rrlhroyai til) d 'un cho.ngcroent (" d ' 6tonnantes r~volutions")
radical et mervei ll eux dans les. possibilitcs de l'amour. Car
en fait d'amour, il ne lui est donn~ dtappr&cier "que cette
co mplaisance agr~ment ee de ciel et de luxe", 1e plaisir que
lui prodiguent ses. f emme s. 11 les tfsoupponnaitlt done d.e "po.uyoir
;/'

mieux" : malgr~ leur z ~le rl d ~vancer at servir ses destrs, il


reste insatisfai t i1 doi~ donc y avoir quelque cho s e d f autre
que ses femmes lui taisent, peut-~tre a leur insu ; une
dimension cach~e de l'amour~ dontil ~prouve Ie manaue.

II 0 II voulait voir 1a v~rit~, I l heure du d'sir et


de la satisfaction essentiels. "

II ne stagit donc pas d'une simple recherche du plaisir s


mais de la qute intdrieure de soi-meme dont la decouverte
comble tous les d~si~s de lltre. Pl~nitude s 'accompagnant de
la pa1x et de I harmonie essentielless
l
Le Prince vcut voir c e
moment de v~rit~ o~ i1 se connaitra lui-mme , orl 11 se verra
face a face"
" 00. Que ce fut ou non une ab~rration de pi6t6, il
voulut."

Mais c ette qu~te int~rieure n'est-elle pas sus cit ~e par


sa "sale education" d'enfance? Ne serait-ce pas une id~e
il1usoire souffl~e
par un reste de religion, "une aberration de
pi~t~lf? QuaIs que soient les motifs de cette recherche, Ie
Prince ne sly arr~}te pas : sa volont~ seule prevaut ("il voulut").

" 0.0II poss~d. ai t au moins un aasel: large pouvoir


humain."

De par sa nature princiere~ 11 pouvai t en effet mettre


a.u service de sa volont~ l'ascendant qu'il excrcait sur 80S

sujets. Ce satrape oriental dj.sposc en fait du droit de vie et


de mort sur son harem , clest ainsi qu'il sacrifie ses few.le~

d sa qu~te de lui-m~me. "Toutes les femmes 'lui l'a.vaient connu


8 ')....

furcnt assQaBin~ee.u C'eat a dire celIe a qui avaient eu avec


lui des rela.tions j.ntimcs. Pourquoi elles preci8ement? Pour
lui avoir cache - ou a'lloir 6t~ incapablea de lui rev~ler, "1' heure
du desir at de Ie. satisfaction essentials. tt mais encore pour
se separer de l' im ag~ famiH.ere a laquel1e i1 cst identifie, a
travers laquelle il est connu. II s'agit done d'une coupure
radicale avec Ie pa5 s~ , d'une tentative de r6creation du "80i".
It Quel saccage du jardin de 10. bOflute! Sous Ie
sabre, elles Ie bcnirent. II n'en commanda 'point de
nouvelleso) Lea femmes reapparurent."

Les femmes representant pcut- etre 1& force de l'attachement


humain qui resiste a
tous les coupe : (rtsous Ie sabre, elles
Ie benirent.") et meme leur survit HIes femmes reapparurent."

Le Prince, J.as6~ des ttgen~ro8itea vulgaires" at frustr~


dans son attente, abandonne Ie.. vie m~diocre qu'il mcnait jusqu'a
pr~sent Pour eatisfaire cette soif in.terieure de "voir" Is.
v'rit'" il suit une voie extr&me et hardie qui doit Ie conduire
~ l'abso1u, l'cssence irr'ductible de eon ~tre. Et pour parvenir
e. cet abeolu, i1 decide de detruire tout ce qui n'est pas "lui",
tout ce qui en tant que relatif et contingent s' oPl)ose a. cet
absolu de son etre. II faut done pour ce1a, eacrifier toutes lea
relations qui Ie font sortir de 1ui-meme et Ie detournent de sa
quete. Relations avec les etres humains d'abord : i1 s'agit iei
d'exterminer les sentiments qui no us alienent a dlautres quIa
soi, qui nous detournent de notre etre. II faut conqu~rir sa
pro pre solitude pour at~eindre a
Bon itre, d'ou l'acharnement du
Prince ~ bliminer toutes relations. Non setilement les femmes
mais "tous ce:ux qui Ie auivaient," (lea compagnons qui partagent
sea plaisira). Mais tIles femmes reapparurent" et "toue Ie suivaient."
En etouffant tou.t sentiment Ie Prince a cru qulil oe dl!livre.it I.
de l'humanite at qu'aillsi il se retrouverait dans 19. solitude et
l'unite de son etre ; i1 doit bien d~chanter devant 1& r~alitc
I
les sentiments renaissent tels le phJnix, ~chappant donc a son pcuvoir.

Son impuissance aloro d~g~neTe en une v~ritable orgie de


dest.ruction, tout est Mis a f eu et II se.ng dans un spectacle II 1a .
mesure d'un Neron : !tIl slamusa a ~gorger les betes de luxe . 11
fit fl ambe r les palais. II se ruait sur les gens et les taill ait
en 'pieces .. "

Ce sont non seulement les relations affectiv8S qui sont


extermin~es mais tout ce A quoi il est tlattach~" : ses "betes de
luxe favorites", l es palais qulil a fait ~difier - et n'ayant plus
rien ~ d~truire, il se rue sur les gens pour les tailler en pieces
ayant d~truit toute humanit~ en lui, 11 la poursuit jusque dans son
apparence.

Et cepend ant If - la foule, les toits d'or,les belles betes


1
existaient encore: JfC' est toujours la meme impuissance fata.le qui se
r~v~le. En sacrifiant tout ce qui n'est pas lui-meme , Ie Prince
esp~re dAgager ltessence de son etre, Ie secret de sa v~rit6. 1'entre-
prise de destruction apparait ainsi co mme une oeuvre de purification,
vAritable alchimie de la personne dont l'originalit6 - ctest A dire
ltor - doit e'tre d(;gag~e de sa gangue d'impuret~s - dt~16ments ~trangers.
1atentative est un ~chec car la mutation de "soi ti , qu'il attendait
de cet holocauste ne stest pas op~r~e. Em effet rien n'a chan g~ autour
de lui, ~t donc il reste Ie m6meo

fI 000 Peut-on s'extasier dans la d~struction, se rajeunir


par la cruauHd"

C'est 1a reconnaissance de 1tinanit~ de son entrepri se par 1e


bon sens populaire. Mais Ie peuple reste soumis et passif peu desiretu
au fond d'Btre entre.in~ dans une aventu.re dont Ie caractere extreme
suf1'i t a l ' eloigne:t : "1e peuple ne murmura pas - Personne n' offri t
Ie concours de ses vues." 1e Prince reste ainsi seul dans sa quete de
la vi.sion de Ia v~ri til.
"Un soi~' il galopait fi~:r~ment9 Un G~nie apparut d'une
beaut~ ineffable, ino.vouable mtme ."

~erait-ce la vision 8i ardemmcnt recherchle? .

UDe '. sa physionomie et de son maintien ressorts,i t la


promesse ci'u.n amour multiple et complexe! d'un
bonheur indicible, insupportable m@me~ "

Le centre de la vision est form@ par la J3eaut~


resplendissante et rayonnante de la divinit~o Splendeur et
x'ayonnel'llent que les mots sont impuissants A restituer IIbe aut~
i:neffablc~:; "bonheur illdj.ci pl.E!." II s I agi t done d' une eXI)~rience
qui transcende 1e l angage.

Cette transcendance du GENIE est soulign~e deux foise


Sa "beautll" est ''i.navouable meme fl
, elle est un d~fi aux sens et a
l'esthetique auxquels on ne peut la r~duire. Son apparence porte
fila promesse d tun amour fiul tiple at complexe 1 d 'un bonham::
inoicible, insupno~qble men~t Elle contient les virtualit~ s
multiples d'un amour dont on ne peut embrasser toute la richesse
m~me (complexe). Si ricne qu'il en devient ttinsupportable"
au sens au i1 ~crase l'individu, m~nace de faire 6clater ses
limites, de Ie dissoudre. Clest d'ailleurs la conclusion de la
vision pressentie par Ie poete :

"Le Prince et Ie G~nie s'an~antirent probablement dans


la sant~ essentielle 0 Comment 111 auraient-ils pa.S !-11.\
eh mourirJ Ensemble done ils moururento"

II s'agit bien sur, de la mort de l'individualit~, dans


l'amour, frI ll sant~ essentielletlo Le Prince a eu Ie. vision de la
v~ri t~, de "1' heure du d~sir et de 1a satisfaction ...,..:11.ti ~ls. II
La "r~volution de l'amour" slest oper~e en lui, Ie vieil "e go n
stest d'sint6gr~ pour laisser Burgir de ses cendre s , Ie Ph'nix
qu1est l'HolllJllC N"ouveauo
Le eonteu,r prend coin de nous indiquer qu' i1 s' o.gi t
d 'une mutation intlhiure, qui n' affecte 'pas les condi tiona
physiques de Itexistence .
" Mais Ie Prince d~ceda, dans son pa1ais, a un
age ordinaireo"

Et enfin 1a clef de 1t~nigme des personnages .


" Le Prince ~te,it Ie G~nie, Ie Genie etait Ie Prince."

Le G~Ilie qui est appai."U au Prince e test 1a r~v~lation dEl la


dimension cach~~ de 1ui-m~me, la v~rit~ profonde et origin ale
de son etreo Le Prince stest enfin rencontr~ (ef. , "un soir i1
galopait fi~rement") et trouv~o

Pourqoui a10rs cette conclusion en guise de 1econ et


..."l
d'invitation au lecteur e

tf La musique savante manque d notre d~sir.tf

Le conte revet ici une valeur exemplaireo Ctest Ie


Prince qui prend en charge "n9tre" d~sir (done) partag~ par chaque
hom me "en qu~te" " .. il voulait voir 1a v~rit~, l'heure du
d~sir et de la satisfaction essentiels."

tf La musique savante manque a notre d~sirlt: (fait


dfaut ri notre d~sir.)

C'est Ie secret de son harmonie qui noua fait d6f aut


notre d~sir ne sait pas danser, (I) il lui manque 1'~ducation et
la m~thode qui Ie conduiraient a
"l'heure essentiel1e fl tl~thode
donj) 10 poe'te garde jalousement ' le systeme " oe j t ai seul 1&
0

clef de cette parade sau'vage. 1t (PA...ttADE)

(I) Et I' on peut pense].' ici au ec.nseu:c de Nietzsche, Zarathoustra ..


86~

PARADE

II Des dr81es tr~s solides" o

Pas dtentr~e en mati~re , introduction abrupte 11 la


descrip-tion d tune sc~ne apparition de costauds d~nt 1' allure
d~cid~e ne laisse pas de susciter quelque inqui~tude

" n Plusieurs ont exploit~ .vos mondeso"

"vos mondes" Ie possessif et Ie pluriel indiquent


qu'il sragit de projections personnel1es dont la r6alit~ est
toute subjective ces mondes sont fond~s sur nos d~si rs et
forment Ie spectacle qu'est "la com!die humaine". "Mondes" prenc1
donc ici une connotati on p~jorative faiblesses, mensongeso
Ce sont ces vic es inh~rents A no tre nature, - et donc '8.1.1 syst~me

qui en est 1 t ~Illana_tion, que "plusieurs ont exploi tl" s ce


qui ne fait que renforcer nos premiers sentiment s d'inquiltude.

Dtautant plus que cette "exploitationtl ntob~it pas a


des motifs \~lgaires . ces drOles sont "sans besoins ll Stils
ne d~daignent pas de profiter l l'occa8ion d~ la situation
("plusieurs ont exp10itll 6 II) ces etres il1qui~tants diffe:r.ent
n~anmoins radica1ement de no~s par cette absence de besoins. lIs
en acquierent una dimension nouvelle et une stature ~tonnante .
ind~pendance vis ~
vis des hommes, maitrise de soi et ~rande
assurance. Rapport~e a notre pro pre existence enchatn~e ~ 80S
d~sirs, la comparaison devient ~cras9nte. Ces "drole s "
acC!ui~rent une stature de surhomm~, ce que corrobore 1I1 eurs
bri11antes facu1t~sn.

o c. "S ans besoins, et peu press~s de mettre en oeU'VTe


leurs brillantes facult~3 et leur experience de vos
consc.iences ."
I
I
j,
j
Ayant su exploit er "nos IJlondes ", 11 ntest pa.s p~ur

no us surprend:ce que ces g.tres a,j.ent a,oquis I' exp~rien ce de


nos conscience s e Mais l'il1qui~tude fait place a Ifanxi6t~
devant une telle puissance, alJ.i~e it. cette emprise sur notre
r1moi tI Ie plus secret. Echappant aux cat~gories ordinaires t
mattres d'eux-m$:ne s et d.~daigneux des biens mat~riels, ces
"drOles" constituent une formidable menace potenticlle c~ntre

nos tres de d~sirs et de faiblesees. Au reste,ils sont assez


sGrs de leur force et de leur pouvoir pour atre "peu press~s
de les exercere Cetta nonchalance ne fait qu'accentuer la
puissance qu' iis a.~gagent et contras te avec Is. h.te de notre
avidit~o Puissance est synonyme de pl~nitude, d'ach evement,
que r~sume cet te exclamation admirative : "Quels hommes I!lurst"

Et voici soudain Is. Parade qui commence , Ie spectacle


d~ la Com~die Humaine

000 " Des yeux ht1b4t~s a la facon de la nuit dt~t~,


rouges et noirs, tricolores, d'acier piqu~ d'~toi1es
d'or ; II (I)

Abrutissement rtHlet~ par ces regards fixes, d 'un ~clat


m~tallique, dans 1esque1s se refletent les cou1eurs, regards a
1& 1'ois mats et lumineux II a 1a fa.f0n de 1& nui t d' ~t~" (ref1ets
des lumieres de 1a ville?).

."" II des facies d~form~s, plomb~s, bl~mis, incendi6s ;"(2)


II
J

L f aspect de c"es visages renforce 1 t impression d' abrutisse- I


ment : traits tir6.s, ravag~s, livides tandis que "facies" a I
une r~sonnanca de brutalite grossiereo i!
,
--------_._------ .1
.!
(I) cf. Van Gogh ~criv an t : ilIa sensation d'angoisse dont souffrent
ce rtains d8,mes eompagnons d'infortunes qu'on appelle
noir~rou ge . I

(2) Th. Gautier in Club des Hachischins : ItQUl3 de face8 bizarrement


convuls4e s ! que d t youx elj.gnotants ... ! quels rictus co' tire-
lire1 Quelles bouches en coups de hache! quels ncz dod~-
cae'd r(~s ,' II "L e reVH
1\
... t:"OU!'nallj
. . au grogn6me.nt ..... des cris
4

l.'auque s jaillissnient Ii 4.0


86.

~ .. "des enrouement s fo l ~tresl\t (I)

Les voix rauques ont de brusques ~clats de gaiete.


I ,
Acces de ga iet~, heb~tude du r ega:rd, 1 abruti s sement qUl pese
sur cas vis ages ne trahi s sent-il s pas l' j. nt,oxic~ion de cette
f oule anonyme ("des .u" : l'indtfini est Ie signe de cat
anonymat)? II nous semble r econnaitre ici la troupe des damn~s,

frequentee par Rimbaud. (2)

II La d~ m arche cruelle des oripeauxl 11 (3)

L'Ecclesias tique (XIX t 30) ne dit-il pas: "l'habit d'un


homme proclame oe qu' il fait, sa d~marche r~vele ce qu ' il est. It
Parmi eux,

II il Y a quelque s jeunes, - comment regarderaient-ils


Cherubin'? ;.,. pourvus de voix effraya.ntes et de quelques
ressources dan gereuses. On les envoie prendre du dos en
Yille affuble s d'un ~ degout ant."

Racolage, condui te crapuleuse, "vo ix effrayantes l' , luxe


d~goutant", est-ce 1a Ie monde ou 6voluent des adolescents se
livrant a la prostitution? "CherubinI! est un jeune page qui se
travestit en femme dans Ie "Ma-riage de Figaro" . : ceci explique peut-
~tre la question pos~e ( "comment regarderaient-ils Ch~rubin?") ( 4)

( r) Baudelaire : "Votre folatrerie, voo eclato de rire e. "


.
"Dn Has chish" :rop .cit. p.84
( 2) 1'IMPOSSIBLE: UNE SArSON EN ENFER : . "Sommes-nous assez a.e
damnes ici-bas! Moi j'ai tant de te mps dl~ja dans leur troupe t
Je le s , connais
A
tou
,
s . Nous nous reconnaissons toujours ; nous
nous degou tons. I
Theophile G ~utier 111"Le Club des Hachichins" "Ie salon
8 ' ~t ait rempli de f igures extraordina ires un pele-mele
d'oripeaux et de ha,illons ca.raci;~ristiques ; de formes huma ines
et be s tiales ; en toute autre occasion, j'eusse ete peut-etre
inqui tft <l'uue par eille compagnie. 1I
( 4) 1'1 ai8 Cherubin est aussi l' ange qui gardait la po.rte on Ear llois
terrc ~1t r e . Or, " Par adi s If appara i t plus ba. s ave c une mp. ju '~cule.
Rimb auc1 me ttr a it s in ai en pr e sence 10. troupe des damnes e t
l' a nse au ~ l a iv e de f eu.
ef. ausn i "l,e Clu b de s Hac hichi ns" j p . 53 . : "Je l' egarc1 a i s a lor s
au pl afond e t j' a.pe r ~ n s une f ou] e de tetes s an s corps comme
c e lle s de s chf l'ubins- ~ 'n,. Gauti er
0
S1 "on lea envoio prend re du dos en ville ", c'eBt afin
d I e.cquerir I' ,.xperiel'lce de III ville et de a'y familiariser a.vec
les moeura . Moeurs que rend suspectea 1& parade "d'un ,luxe
d& goutant" , 'talage trop ~,oya.nt destin~ a aguicher les eunateura 0

Dans l' IMPOSS1BL.E RimblAud di t s u nou !1l nOUG r 0connai.s6ons


toujours. Nous : nous d'go~tons."

.eo "0 Ie plus violent Paradis de la grimace enragbe!


Pas de comparaisons avec vos Fakirs et les autre~
bouffonneries aclmiques." (I)

Cleat certalnement les "paradis artificlels" qu'~voque


Ie poete lci, comme l'implique l' adjec tif violent cleat un
paradis dont on a force l'entree (par Ie moyen de substances
excita.nte s comme 1 I opium ou Ie haschisch). Au r~ste t 18. "grimace
enrag~ etl ne llOUS laisse a:ll.cun doute sur 1 I appartenance reelle de
ces "drolea t, &. Ie. troupe dee damn's. (2) Et en effet Himbaud
peut bien tourner en d6rision "noa" fakirs et "autrea bouffonne:d.cs
scenique a fl que peuvent-ils opposer aux "richeeses inouie s" (:;)
j aillissa.nt a
chaque demarche ". ( 4 )

If Dans des costumes improv:i.sils avec Ie gout du


mauvais reve ils joue nt des complaintes, des tragadies
de malandrins at de demi-dieux spirituals comme l'hiDtoire
ou le a religions ne l'ont j amai s ete. 1i

Cleat semble .. t-il, le spectacle de 18. comedic hUDlsine


que c es hommes murs improvisent et qu'ils recreent a 1& lumi6re

(I) cf. Th. Gautier in"Le Club d~a Haschischina" : "S1 vous
aviez assiste a. ce bal 6voqu~ par Ie haschisch, vous con-
rlendl'iez que les farc eurs lee plus d~sopilant8 de nos petits
theatres sont bons a sculpter aux angles d'un catafalque!"
( 2) c f NUn~ DE L' ENI~F:n . HFaiaons toutes les grimaces
imaginabl es ."
(3) VIES I
t4) SOLDE
crue que leur donne "1' exp~rience de nos consciences ". Spectacl e
ou 'Toisinent, comme dans 1e r~ve, les rapprochements les plus
ina.ttendus, mais Rimba ud n t est-il pas "ma:Ltre er.. fantasma.gories"? (r)

00. " Chinois, Hottentots, boh~mi ens, niais, hY'~nes "


Molo cts, vieilles a~mences, d~mons sinistres~ ils
m~l e nt les tour s populaires, mat ernels , avec les poses
et les tendress e s b estialeso " (~)

Toujours comme den s Ie rgve le s sc~nes s'encha1nent l es


unes aux autres ave c rapidit~, sans logique apparente.

As sociati ons phonetiques : 9hinois Hottentots

--
bohemiens
~
ni ais
.h;y:enes

ou semantiques hy~nes Mo1.ochs


(devore les (d~vore les
monts) vivan. ts)

Molochs vieilles d~mences

demon s
sini stres

Et comme dans I e r~ve, il s font les associations les plus mon-


strueuses mglant "tours populaires , maternels avec les poses at

(I ) NUIT DE 1'ENFER ( UNE SAISON EN ENFER )


(2) "TO UB le s - typ es invent~s ' pa:1:' la verve moqueuse des a,r tist es
et des peuples se trouvaient r~unis l~, mais decupl~s,
c entupl As de puissance Plus lo in se demenaient co n fus~men t
les fan tais i es eles son g'Bs drolatiques, cr~ations hY'brides , It
"1e Club des Hachichin s " : op . cit. p. 55.
(3) cf. Paul Val~ry disant: "c' est Ie s on, ct est Ie rythme, oe
sont le s rappr och ements phys~_ ques des mot s f leurs effe ts ou
l eur s influences mutuelles qUi do n inent. , aux d~p e ns de leur
propriAt~ de se COnnOll?.mer en un sens d~fini et c ertain ."
les tendresses bestiales ll En somme ces droles ne resp ec tent
~ien, tournent l'homme en d~risi o n , at lui offrent Ie spectacle
de so. pro pre com~die. (:.1:)
Ne sont-ils pas a.ff ranchis eux, de 10.
conflcience et de toute 10i morale , c es"vieilles demangeaisons ll ?

Le spectacle d~roule ainsi so. logi.que implacable et


ecrasante c'e st notre n~ant qui nous apparait. L' hallucina.tion
est proche du c auchemar (1I 1e mauvais r~ve ") 'J

.00 "lI s interpr~t eraient des pi~ces nouvel les e t des


chan sons "bonnes filles "o

L'~ten due de leur reper toire t~moigne en effet de IIl eurs


brill antes -facul t~sll, e t cie l ellr exp~ri.ence du jeu de 10. com~die
humaine. lIs s'adaptent en un clin dto ei l aux genres l es plus
diff ~rents et jonglent avec leurs personnages do nt ils poss~dent
a fond les ressorts

o. " " Maltres jongleurs, ils transforment Ie lieu at l es


personnes at usent de la coml!die magnetique."

Grace a. la magie de leur tale.nt, ils exerc ent un fOllvoir


de fasci nation par lequel nous sommes entra1n~s a l eur suite dans
une successi on rapide d' ins tan tanes. DanE\ ce Kaleidoscope, ilL es
yeux flambent , I e sang chante, les os sY~laI'gissentf les l arilles
et des filets rouges ruissellento " (2) Nous assistons, pleine
d'horreur , ~ l'ecartelement de l a personne humaine, ~. s on supplic e.

LY empi re que ces "droles" exercent sur nous, ... que c e


soit par 10. terreur ou 10. d~risi on, - l' aneantissement de notre

(I ) c el I e qu' il se joue cOllstarumen t -


of" l' IMPOSSIBLE ( U:NE SAISON EN ENFER ) : Il depuis cette
de claration de 10. science, Ie chri stianisme , l'homme se joue H ..
et encore : ~
MAUVAIS SA.f\JG ( id.) : lil a vie est 10. farce a
mener par tous"
Ctest l'epreuve du miroir iCi, notre image nous est retourn~e
d ~form~e , monstrueuse, mais ctest nous Q
(2) "Leurs yeux se plissaient, leurs bouctes s'elargissaient et
l eurs n ar i~ es se dil ataient : cY~t aie nt d~s grimaces
masques bouffollS .. " in "Le Club des Hachi.chins"
92.

"moi" - prend sea racineB dans Ie temps : " leur rai l lerie
ou leur terreur duro uno minute, ou des moie entiers." A
l'ecartel ment de la personne humaine corx0apond une duree
dietendue : une minute de cette fascination peut noua
sembler durer une ~ternit~. Eternite vScu~ de notre neant
ou eterni t,e
du speota.cle de I' horreur. II n t eat pas Sana
interet de remarquer que oe ph~nomene de dilatation du temps
est typique de l'eJCp~rienoe de la dro gue . tI)

Est-os l~ un indice verB "l a clef de oette parade


sauvage"? II pourrai t alors 8' agir d tune S~8.noe d ' opium, ...
alors tree repandu a Londres -, au cours de laquelle e'actualisent
et entra nt en 6o~ne lea multiples ego-virtualit~s du poet e. Et
puisqu'en lui se fait leur synthese, c'est a di re leur actual-
it&t i1 est au sens absolu Ie "s8ul" a. avoir Ie. clef de sea
creatures, dont l' explication se trouve en lui. ( noue avona
seula I e. clef de nous-meme). Ce qui r~aume ces virtudlit&e
c'est une haine fexoco de 1'homme, de la comedie qu~il se joue
une reconnaissance des instincts.

(I ) cf. Aldous HUXley , "I spont several minutes - or was


it several centuries? not merely gazing at these
(chairs ) but being them". : "The Doors of Perception" :
p. I5.
BEl N G B E AUT E 0 U S

"un Etre de Bea.ut~


tt

Quand "Etre signifie Dieu, en ma t un "Et' majuscule


neus p~~cise Ie Littr'o Peurquei denc aveir empley~ Ie majuscule?
Sans dev.te peur marquer Ie mouvement d.'adoration tI) de celui ql1i
voit, at la ~ajest~ de Is. vision. Fascination exerc~e sur les
sens par Is. perfection de Ie. forme qui efface Is. substance, - 1a
mati~re, pour regner dans l'apparence, la lumi~re. A force de
Beaute l'etre est immaterial? pur, lumineux, ~blouissant (comma
1a neige)0 II est donc naturel qu l il soit asaoci~ a la neige .
ttDevant une neige un Etre de Beaut~ de haute taille." La Ilhaute
taille" est de meme un sj,gne de noblesse. Le double emploi de
l'ind6fini : "une neige", "un Etrellsou'ligne qulil s'agit d'une
description: clest d dire que Ie poete ~crit ce qu'il voit et
qu'il ne connait pas. Et la vision s'impose au poete par sa
r~alit~ souveraine, Ie. v~rit~ et la force de sa pr~sence : elle
~ les qualit~s de l'objectifo

Ce table au apparait &insi r~el et objectif parce qutil


est ext~rieur a sa conscience. II a ainsi - plus pr~cis&ment u
toute l'apparence de la r6alit~ pour Ie poete , ; il a mme plus
la qu alit~ de lle xp~rience sensible. Ce qui est important de
aouligner c'est que ee~ "Etre de Beaut~1I poss~de une ezistence
ind~penc1ante de la volont~ du poete ~ il ' S9 'pr~sen te objecthl'ement
d'o~ le ton d~tach~ du tableau. ' Celui-ci peut etre plus ~i8ctement
nomm6 : una hallucinationo

.00 "Des sifflements de mort et das cercles de musique


sourde font monter 9 s'61argir at trembler comme un
spectre ce corps ador.~ .It
~

----------------------------------------------- ---------
(I) Cf. It ce corps ador II
Cet Etre de 1308.ut~ est una cr~a.tion de 1a magia, i1
procede d'un pouvoir' semblable a ce1ui des charmeurs do serpents .
1g envoutp,ment. Envout6 :par "des cerc1es dE;) musique Bourde", 1e
serpent se dresse l"des sifflements de mort") toujours prat 1
frappexo Nous assistons de merne a la naissance de cet Etre de
Beaut~, dont lea formes encores f10"14a8 se pr~cisent "font
monter, s'~1a.rgir at trembler COlOme un spectre "ce corps s.dorll ft .,
La venin du scrpElllt (" des siffleruents de mort") peut ici etre
associ~ au "poison t1 : "ce poison va rester dana toutes nos
veinea" et ai11eurs "1s. violence du veni.n tord mes mambres .. ott(I)
La "charme" qui suscite cet Etre de Beaut~aurait ainai son
origine dans un excitant.
"des b1essures ecarl8,tes et noires
0 ~c1atent

dans 1es chairs superbes".


Ce ntest ains! pas un "Etre" diaphane qu ' adore 1e poete
mais bien au contraire un corps ' re:3p1endissant dans des formes
ttsuperbes ll 0 Ite desir du poete susci te 1 t image d ' un fruit mar
(Illes b1easures ~c1atent") et savoureu.x l2) dans lequeJ. on mora
'\
a pleines dentso
"Les cou1eurs propraa de la vie se foneent,
0

danaent, et sa d~gagent aut~ur de la Vision, sur 1e


cha.ntier otI
Le rega.rd se fixe sur Ia Vision qui deviant Ie centre
de Is. sarabande des "cou1eurs propres a. 1n vie ll Son ~clat est
rehaus6~ par Ie virement de Itecarlate au noir qui produit un
contour contrast~ (lise foncent lt ) . "Sur 1e ehantier lt : 1e. ou
l' informe prend forme, oft 1a Vision se degage~ se precise dane
ses contourso

( I) NUIT DE L'ENFER UNE SAISON EN ENF'ER

( 2) cf. infra "la ~ur de ces afCata"


0"Et les friss s ns g'6ldvent et grondent, et
la saveur forcen~e de cas ' effete se chargeant
avec les sifflements mortels et les rauques
musiques que Ie monde,loin derri~re nous, lance
sur notre mere de beaut6, - elle ' recule, elle se
dresse. tI (r)

Le d~gagellient des "coulaurs propree A la vie" et les


frissons manifestent Ie merne ph~nomene, Ie corps se glace, et
r~agit contre Ie. sensation de froid ' qui ltenvahito Cette
sensation vient du gout : "et la saveur forcen~e de ces effets".,
II est av~r~ que 1a drogue pent produire une sensation de froid
intense : "ces effets", r~v~le que Ie poete les attribue au
Itpoison" a. l'oeuvre. Ces effeta n~gatif8 de 1a drogue a'ajoutent
aux menaces de mort que Ie. r6a1it~ fait planer sur 1a Vision
"sifflements mortels ff , "rauques musiquealtc
"que Ie monde, loin derriere nous, lance sur notre
mere de beaute, - If ; profanations d'ignorants et d'etres
grossiers envers Ie 8acr~ "loin derriere nous u , marque Ie
d~tachement de Rimbaud dee pr~occupations ' du mondeo Ce ton
~tranger a l'humanit~ ~voque les accents dee 'CONFESSIONS" de
De Quincey : "la terre, avec ses chagrins et ses tombeaux,
situ~s loin derriere, mais non totalement oUbli6s "(2).
"Notre m~re de beaut~" signifie celIe qui est a 1 t origine de
toute beaut~, qui estl'arch~type de la Beaut~. D~ou Ie
caractere profanatoire des attei.ntes du monde barbare et
grossiero
" elle recule, ' elle se dresse. Ohl nos os
sont revetus d'un nouveau corps amoureux .. "
Devant ce spectacle divin. Ie poete est transport~. Et
ce transport amoureux exaltnnt tous ses sens, fait vibrer la

(I) cf. Baudelaire: "des soupirs rauques et prefends comme si


votre nature ancienne ne pouvait paS supporter Ie poidn do
votre na.ture nouvelle" : "J}u Vin at du Haschisch' p. 87 :
La Pl. ~iade 'llome I.
(2) id., "Los Paradis A:r.tificiels lf : po 3511 IJa PI~iade Tome I"
chair, at l'gveille en nun nouveau corps amoureux". II est
fr appant de cons tater que Rimbaud retrouve les accents de St.
Paul pour pa.rlerde la. r~st1.rrection de la chair. Mais d Itorare
mystique , 11 substitue l' ordre ~rotiqueo Baudelaire dans les
PARADIS ARTIFICIELS emploi Ie merna langage pour decrire Ie. magie
du Verba : "les mots ressuscitent revgtus de chair et d'os, Ie
subs tan tif dans sa ma.jest~ substantielIe, 1 t adjectif vetemen'l;
transparent 0 et Ie verba ange du motlvement" (I) .
000 "0 Ie. face cendr~e, lt~cus8on
de crin~ les braG
de cri8tal~ Le canon sur lequel je dois m'abattre a
travers Is. mel~e des arbres et de l'air l~gerl"

Une lumi~re argent~e (la face cendr~e) transparente


(les bras de cristal) ~ma.Yl.e de tll a Vision" p tandis que 1 t air
lui-meme est baign~ de cetta lumiere : hl a mel&e des arbres
et de Itair l~gern. La derniere phras e signifiQ - en termes
voil ~8 - Ie recours fo rc~ a
I'onanisme : tlje dois mfabattre ff :

Ie "canon" ~tant symboIiqu~ du phallus (2). Cette conclusion


prouve Ie c araetere hallucinatoire de "ce corps ador~lIeo
Ntapparait ... il pa.s au poete "comme un spectre lt ? II faut otter
ici les nD~Aertg a.e 1 i 4m....2EE." : "cette servante belle et d tune
nobl esse i nexprimable e._ je la renversai G puis, 6 desespotr,
la cloison devint . vaguement Itombre des arbres, et je me 6uis
ab~m~ aoua la triatesse amoureuse de l a nuito"

------------------_._,--
(I) cfo p.;O La Ple1ade Tome I~
(2) tll'~cuGl:lon de crin tl iltant Ie sexe r6minin4
9711

V I ES I

"On vit plusieurs vies d 1 hommea en 1 t espace d'une heure lt


Baudelaire : IlDu Vin at du Ha.~chisch"(I)

On connai-t 18. fameuse affirma'tion de 1 t ALCHIMIE DU VERBE


(2) : tlA ,chaque ~tre9 plusieurs'a.u'troe.s vies me semblaient dues."
L'auteur a soulign~ "autres" pour bien marquer la discontinuit~
d,e l' axe temporelo C~est Is. m~me discontinui t~ qui est sienifi~ e
par Ie pluriel de aVIES". Est .. ce pour nous indiquer 1es mutations
quia subies llame du po~te? Ces mutations seraient elles-memes Ie
signe dlexperiences ontologiques c16turant chacune leur monde
propre : coordoml~es irreducti"oles de ces vies. Mutations non
point dlordre psychologique ou affectif donc, puisqulelles nlen
laisseraient pas moins subsister notre monde fond~ sur ltespace-
t;empso Non plus qu'~chapp~ea dana l'i!l1aginaire, car celui-ci
prend pied dans celui ... la c,) .
Maia a10rs, comment Rimbaud
r~ussit-il a forcernos ' limites apatio-temporel1es? Car c'eat
bien de ee1a. dont il s'agit : tra.nsport dans l'espace : no
1es ~normesavenues du pays saint, les terrassee du temple", et
transport dans Ie temps : "(le) brahmane qui mlexpliqua les
Proverbes".
La plus proche systeme compatible avec de ltexp~rience
Rimbaud, si lIon accepte de donn~a son langage toute sa force,
est eelui de la metempsycosee C'est d t ai1leurs celle-ci qui est
invoqu~ dans I t ALCHIMIE DU VERBE .
"Davant plusieurs hommes,
je ca'l:!sai tout haut avec un moment dtune de leurs antree vies ..

(I) Ba.udela.ire . Oeuvres La Pleiade Tome I


(2) UNE SAISOH EN EHl~ER

(3) comma la c~lebre machine a oxplorer Ie temps de HQG. Wells.


Ainsi t j'ai aim~ un porc." Migrations de ltttma at 6es
r&incarnations (1) : systeme qui a dtailleurs menac~ Ie po~te,
selon son pro pre avau, des '"sophismes de l a folie". (2) II ,
nly est poin t tomb~ n~a.nmoii'ls at il nous faut chercher ailleurs
I e puiss ant adjuvant qui d~place Rimbaud dans Ie monde des
esprits et des formest; On ~voquera a cet egard les m~tamorphoses

de BOTTOM "je me trouvai chez Madame, d1 t Ie po(he, en gros


oiseau gris-bleu 00 je fus un gros ours aux gencives violettes
au matin, j e courus aux champs, ane n Mt$tamorphoses, nous
croyons l'avoir montr~, non point imaginairas maie r~eUes en ce
sens qu e11e s sont vScues comme telles : c'est
t
a dire que leur
origina est sana aucun doute. hallucinatoire. Ntest-ce point
justement par l'hallucination que Ie poete "vitti avec une telle
puissance de r~alite Ie voyage qufil accomplit dans Ie temps et
dans l'espace ; force de l'hallueination presente jusqua dans Ie
d~tail t qui donne aa v~raci t~ au discours "d t alors, de 18,,- bt'~s,
je vois encore merne l es vieillesl" Aucun effort d'imagination ici;
on Ie eons tate : Et ce qu'il voit est d0uble-
Ie poete voit.
ment inttiressant par 11 al t~ri t~ du temps (lid r alors") et du lieu
(ftde ld.-bastl)o Du pr~sentt la vision s'eat effac~e pour laisser
place a la vision dominante de Ithallucination. Ou encore, pour
cerner de plus pres Ie ph~nomene, on pourrait dire que Ie poete
fait un reve ~veill~, tout en ' sachant qu'il reve. Le fait qufil
ait conscience d'uh pr&sent (lIje vois enco re lt ) distj.n.e t de sa.
vision, semblerait supporter cette derniere hypothese. Du r~ve
I
nous reconnais6ons Ie flou des ass ociations (ainsi ' brahmanes et i

Proverbes), les images insolites ou bizarres (ainsi : Ie regard


du poete est centr~ sur "les vieilles" ~ et encore plus
inso1ite : !tla main de la compagne (3) sur mon ~paulett).
I!
I
I

(I) cf. Nerval in AURELIA: "il devenait clair pour moi que les
I
[I
aieux prenaient la forme . de certains animaux pour no us
visiter sur la t erre." I
0
,I
" un hym~ e mYBt~rieux dont je croyais me souYenir comme l'
ayant en"tendu da.ns quelque au.tre existence ... "OEUVRES : La
Plerade Tome 1 : po ,67
(2) ALCHIMIE DU VERBE nNE SAISON EN ENFER
(3) Les experts affirment que Rimbaud e. ~~ri t ttc~pa.B'ne ". N~anmo i ns
cette l ecture nous semble e"tre trop fiddle a
la lettre du texte.
,Son espriJe e 1c1 Ie contexte erotique, suppose c.Q.mpagne ("no s
c aresses debou:~ dans Ie", plaines poivrees). Dt ail1(mrs per~
Bonne n I est a I' a 'o r! d ' un lapBl~s et pr6cis~ment In c a.w.pagne est
_t _ ~ .: ~ , (" _ _. _ \ ~
En fait les coordol1n~es de la, vision po~tique (d' alors,
de l!~bas) n'ont pour fonction que la d~termination d'un ailleurs
/
au presen t .. lIs ne font que signaler 1'~vasion du po~te dans un
pays age harmon:i.eux et saint paysage qui ne noue eat pas
tot a,lement inconnu puisque ENFANCr~ IV nous y introdui.sait d~jA :
"J e suis Ie saint, en priEhe sur Is. terrasse, - comma les b~te8
pac ifiques paissent jusqufa Ia mer de Palestine$" L'attre.ction
de Rimbaud pour ltOrient est ici cristallis~e at tranBmu~e :
Ie poate habite "la demeure et Ie monde de (1') espritq(I).
ttMagnifique demeure cern~e par l'Orient entiert! (2) ou il rejoint
la sagesse lternelle (Ie brahmane) et retrouve l'innocence
originelle de l'Eden. Rimbaud realise ici un reve : Itretourner
~ l'Orient et a
a. , la sa.gesse premiere
" et eternelle".,' (;)
" tlUn envoI de pigeon~ ~carlates tonne autour de ma
pens~e. _tf

La mise entre tirets suggare une rupture de lt~vocation Ie


pr~sent actuel fait il.'ruJ)tion bruyamment et immobilise la pens~e
du poete. Probablement une d~tona:tion violent. (II~ca.rl ates" ,
"tonne") est al'origine de cet envoI de pigeons" et agresse les
sens du poete. La suite du poeme marque un retour a
la r~alit~
p r~sente. '

.... IIExile iCi, jiai eu una scene ou jouer les chefs-


dtoeuvre dramatiques de toutes les litteratures."
"Exil~ ic1 11 signifie probablement la vie a. Londres
Ie poche est donc bien revenu a. sa 81 tuatioll prflsen te II connai t
0

1 fond les ressorts de la Com'die huruaine, 11 sait de m~me toutes


les questions que l'homme nte~t poses et les r~ponses : il est
o
done en mesure de jouer toutes les partition3 (4) qui ne sont
que les variantes d'un meme the me dont il a la clef. Comment Ie

{I) JEUNESSE t et infra tI Tonne aut~ur de ma F.en 8~ee "


t2) VIES III
(3) UNE SAISON E.l~ ENFER : L'IMPOSSIBLE
(4) ul es chefs d'oeuvre drEllilstiquea"
IOO.

poete peut-il avcir cette connaissance? Parce que son


. exp6ricnce de l'eire humain d6passe et contient tout a Ie
fois celIe de ses prbd~cesseura, ayant $t6 plus loin et plus
profond. Le poe te stest aventurS dans les terres inconnues
de l'e.me humaine dont il a explor~ les richesses : "Je voua
dO i I . hOt!'
~n ~quera s es rl-c.93ses J.noU.J.es.
1/

~ HJlobserve l'hi stoire des tr'sors que veus


treuvate s. "

De ce point situ6 en avant de Ithistoire, Ie poete


peut recolmaitre Ie chemin parcouru par Ithumanit~ et les
'tapes qui jalonnent son histoire : 1es "tr~sorsll que vous
trouvates sont lea d~couvertes et inventions de ceux qu'E1ie
Faure nomme "les constructeurs".

"Je . voia Ie suitel Me sagesse est aussi d'daign~e


q11e Ie chaos 0 It

Ceci nous explique 1 t emp1oi pr~c~dcnt du conditionnel : (ltje


tl
vous indiquerais lea richesses inouies ). Le poete d'tient des
connaissances extraordinaires sur Ithomme, capables peut-etre
de changer 1a vie. Mais qui sten soucie? Qui est dispose a
It6couter? La voix du poete ne rencontre que Ie vide de 1 in_ 9

diff~renceo

Ctest Ie drame de l'incompr~hension, de 1 t incommunicabi-


lite entre Ie po~te et Ie monde, Ie prob1~me du sens qui est
ici pos6. (I) La sagasse du po~te ntest pas reconnue ; bien au
contraire e1le est plac~e sur Ie merne plan que Ie chaos, crest
1 dire Ie non-sens d la confusion. Elle subit Ie m~me traitement
Ie d6dain. La parole tombe ainsi dans Ie vide et condamne Ie
.-
poete au neanto Tous ses pouvoirs, sa sagesse, sont semblab1es
1 de l'or transmu~ en m~tal viI : 11s ne lui servent de rien~
Le pocHe ne peut se passer du monde pour "~tre", maie i1 a. du
moins 1a satisfaction vel1geresse de "voir 1a. suite!". Et ItQu'est
m~n n~ant, aupres de 1a stupeu:~ qui voua attend?t' Le poete

------------------------------------------------------------------
(I) 'soh l;pouvantable souffrance glt dans la disproportion entre
ses merveilleuses fl\cult~s acquises instantanelllent par un
pacte satlll1ique 9 at Ie m:i.1ieu ou i1 est condarun6 a vivrc~1I
I

:Baudela.ire J~\- HLES PARADIS ARTIFIC1ELS".


IOI ..

s'affirme ici, Voyant, non qulil Boit l'oh;jet d'aucune


r~v~lation mais par la position privil~gi~e qui est la siemle.
11 a conduit l' aventure de I' e.me humaine plus loin que quiconque,
il a acquis un niveau de conscience supilrieur parce que plus
large.. Sup~rieur au niveau de conscience qui est celui de
l'Histoire (en son temps)? il est done en avant de llhistoire
dont il peut voir les c1.e''1eloppements. D~veloppements qui,
selon lui, pr~parent des bouleversements dans ltordre du
.
monde " . . 0 la stupeur qui vous at-tend."
102.

VI E S I I

"Je Buis un inventeur bien autrement meritant que


tous c eux qui m'ont pr'c&d' ;"

Cet te affirma.tion B I tnacri t encore dana Ie deroulement de


,
l'Histoire et repre nd : IIJ'observe I'histoire des tresors que voue
trouvAtes." Dans cet te perspec tive, Ie poete devient Ie point de
convergence de l'Histcire. CU est ~ dire qu'il f ait l'histoire en
tant qu'inventeur . Qu' est-o~ qu'una invention? C'eat une nouvell e
mise en ~vide l1ce de 1a realite qui es t donc "decouverte" (I)
C'est douc un bond en avant de l' esprit sur Ie plan de Ie. verite,
qui s'accomp agne dtune elevation du uiveau de conscience generale .
Son contenu d ~ realite est en effc t plus eompre hensif. Dans la
perspective ou s'es t pl ace le poete, Ie sens de l'Histoire est
defini eomme 1a progre ss ion du niveau de consc ience de l t humanite.( 2)
L' Histoire reh'ace le devel0ppellltlnt de l' Espri t. (Cette these
rappelle par certains cot es 1a dialectique d~ l'Esprit de Hegel).
L'Hi stoire s'iden tifie donc, a des epoques privil~giees, a l'inven-
t eur qui par suite de sa mise en ~videnee, a atteint un niveau
sup~ri eur de conscience acelui du reate de i'humanit6. Una longue
p~riode vient alors, necessaire a l'absorption
par la masse des
connaisaances nouvelles et a leur eventuel1e application. Temps
de diffusion et de maturation qui ~leve progressivement Ie nivcau
d" conscienc e des masses jusqu' a. ce qu 111 Y a1 t sa.turation. AlaI'S :,
les conditions sont a nouveau r~uniespour un autre bond en avant.

Cette dialectique pent explique:r. pourquoi 1 e poete in


venteur est s\.\r un plan A 1a fois historique et a.historique s

(I) cf. Georges BRAQUE : til v6ritlt exi8t~ .. On n'invente que


Ie mensonge . It
(2) of. LETTRE DU VOYANT 2 "1" Poete c1~finir A. it la quantitb
d'ineonnu B'~vcil18nt ell son t(:}mps dans l' ame univer se lle .. "
il faj.t et i1 es'~ l'Histoire en tant qulil stest he.U9S~ a
un niveau de conscience sup6rieur par sa d~couverteo Mais
i1 est ausai en avant de l'hiatoire sur Ie plan temporel,
donc au-del~ de l'Histoire de Bon ~poque.
De - quel ordre est 1 t invention du po~te, pour depasser
tous ceux qui lfont pr~c~d~? II ne peut s'agir que du plan
Ie plus haut de la r~alit6, c'est a. dire la vie. Non pas
d'un point de vue abstrait, metaphysique ou psychologique ,
ee ne serait qutune theorie de plus sur la condition humaine.
II stagit d'une d~couverte r~volutionnaire qui doit bouleverser
notre experience quotidienne de la vie : changer Ia vieo
De Ie. tiles richesses inouies lt dont parlait Ie po~te, sa sagesse.
Et c'est a juste titre que Ie poete peut se consid~re r "bien
autrement - m~ritant"que ses pr~d~ces6eurs : n'est-il pas en
mesure de rendre des services immenses l'humanit~? On a
con~oit des lors son rul~antiBsement davant Ie dedain et l'in-
diff~ rence ~ui r~ponde~t a
son enthoueiasme : Btupidit~ de
ce monde, qui refuse de aaisir la chance inou!e qui lui est
offerteo Cette stupidit~ qui dtailleurs, un jour, se trans-
formera en stupeur, car ce11e-ci est contenue dans celle-la.(I)
En somme, Ie poete affre tout aimplement au monde lIne
p086ibilit~ de salut qui ' est stupidement re jetee : des lors,
la chance est pasaea et Ie monde poursuit sa marche aveugle.

Maie quel est done ce secret capable de changer la


vie, de bouleverser Ie destin du monde? Quel1e est Ia r~alit~
neuve que l'inventeur a "d~couvertett? II nOUG est r6pondu ainsi :
Je Buie 0&0 "un musicien meme, qui ai trouve quelque
chose comma la clef de l'amour."

Essayons de d~gager la port~e du texte en termes de mus1que

(I) "Q,u I es t mon n~a, nt, aupres de la. s tupcur qu:l vous attond?"
( V1ES I.)
I04~

la clef est un signa musical qui permet Itinterpr~tation des


notes. Suivant Ie merna a.xe a~ma.utique , l'a.mour peut etre
d~fini ici comme ttha:rmonie lt , (I) (cf. 1i ttre : harmonie :
"agencement entre les parties dlun tout, de mani~r e qu 'elles
concourent it une meme fin"), par sympathie avec Ie couple
humain . Cette d~fillition, implicite, du poete, l' aut orise
au titre de musician. Qua signifio avoir trouv~ "l'interpretation
de 11 amour"? Dt abord que l' amour cst chars'!! de sens , de m~me
quta l'harmonie sloppose Ie chao~ , Ie nen-sens ; ear interm
preter, clest donner du sense Pour nons Ie commun des mortels,
disons que 1 t amour est une force mys t~ri eU8e et insa.i sis sable
quand elle ntest pas absurde et destructriceo Rimbaud affirme
done iei : -que l' amour a un sens
... qu' 11 en a. penetr~
""L
Ie mystere.~ Car' 1la clef de
l' amour ll ne peut signifier aulire chose.(2) Rimbaud affirme par
eons~quent tenir Ie aeoret de cet'lie force fantastique, telle '

est l'origine de ces /..I1.'ic11e6Seo i nou.5:es ll qu'il mentiannai'~


dans VIES I. D'couverte fabuleuse at r~volutionnaire qui justifie
les pr~tentiona du poete tl Itm~riter" de l'humanit&!. Mai8 fante
de trouver un ~cho dans Ie monde, Ie pa~te n'a ancune prise sur
la r~alit6 de son temps : il est r~duit a Itinactiont au
n~ant ; tandis que l'~normite de sa decouverte menace eon
~quilibre psyehiqueo II dira en effet plus loin : "j'attends
de devenir un tree m~chant fou .n

It
A present, gentilhomme d'une campagne aigro au
cie1 sabre, j'essaye de m'emouvoir au souvenir de
lfenfo,nce mendiante ft

S:~t a.nt heurt~ a l'indifference du monde , Ie poete se


tient descrmais eloignede 1a societ& : tel cee gentilholl1Illes
tomb~s de fa.veur en con.!' qui se retiraient sur leurs terres.

(I) 1 '.approxilll.a.t:ipn cst rendue pru: Ie : "quelque chose comme"


(2) Mot a. mot Itavoir la clef de 1 t amour" signifie avoi r a.cc8a
a It~uour ce qui imp1ique sa connaissrulce par Ie poete.
Mais cette ruptu.re avec Is. aoc.i6t~ at ee retour B. la Boli tude
est rude (neampagne aigre l' ) . Le "ciel sobre u contraste
am~rement avec les riche3ses inouies preasenties par Ie po~te.

La solitude, mais aUGsi les longues p&riodes marqu~es par Ie


dl'3soeuvrement que Ie po~te te1.J.te d I occuper par un retour sur
lui-m.~me r~examen des diff'~rentes ~tapes qui ont marqft~ sa
vie : ttsouvenir de l'enfanee mendiante, de ltapprentissage
ou de Itarrivee en sabots, des pol~miques, des cinq ou six
veuva.gel3 " Une enfance malheureuse, Ie rude apprentisGage
de la r~alit~ rugueuse, des eontroversea peut-~tre un peu
futiles~ at les affections perdues en route : I e tableau est
sombreo Au reste la borme humeur factiee, la ga1t~ facile lui
furent proprement impossibles : It et quelques nocea ou ma
forte t~te mfemp~cha de monter au diapason des camarades. 11 La
po~te (1prouve une resistance intefieure (t1forte tQte" )tl.
participer a l'entrain de la soci~t~. Peut-~tre a cause de son
exigence qui r~claIDe de plus solines satisfactions que cet
enjouemen passager. Ce faisant, Ie poe.t e se s~pa.re d6ja de
J
.; 1
I
la eommunaut~ humaine a laquclle il se sent 6tranger. II est
1I
diff~rent.
i
I

"J e ne regrette 1)8S rna vieil1e part de ga.1t~ divine . I

l'air sabre de cette aigre campagne alimente fort


activement mon atroce scepticisme." ,i
Le po~te ne cherche pas a arreter les moments heureux qu lil !
a vAcua maia tou.t ~'est plus que ruines en lui~ d~solation !
Boulign~e pa.r la, reprise (inversee ) "1' air sobre de cette aigre :I
campagne II " N'a-t-il pas dit lima. sagcase est a.ussl d~daign~e 1
que Ie chaoo ? lt
Una telle d~:doioll ~branle Ie. eanfiance en soi I
I

la plus assurAee
d
i 1
I
Scepticisme atroec (tn affet puisqu I i1 rong~ la substance .!
m@me de son 8tre, sa vitalitEe
UMais comme C~ scepticisme ne peut d~50rElais eire mis en oeuvre,
et que d'ailleuxs je auis devou6 a. un trou'ble nouvell.u, - j'attendB
I06.

de deve nir un tr~s mechant fou~ft


Ce scepticisme ne peut plus tre rois en oeuvre en
effet, puisque tous sea espoirs sont d~sormais ruin~s :
Tout ce qui 4tait certitude en lui, - sen intuition de .18,
v~rit~ et "de la r~alit~ - slest effondr~. L'or de llinventeur
ntest plus rien. L'~normit~ et l'absurdit~ dlune telle
situation provoque Ie rire voisin de la d~mence : quel
etre humain conscient dtavoir fait une d~couverte vitale
pour Ithuma.n it~, pourrait supporter 1e choc de 10. voir
stupidement rejet&e?

Le
,
ajoute a cela une remarque ~trange
po~te .
" et que d'ailleurs je suis devoue a un trouble nouveau, _ft
G

II semble nous dire que de toutes fagons, scepticisme ou non,


il est sur une vole qui conduit a la folie. Que 1 est ce
"troubl e nouveau"? Apparemment il ne s'agit pas dlune maladie
qui " l~ menacerait, mais d'un trouble qulil a d~liber~ment

recherche : "je suis d~VOUe-" dit-il ce qui implique la


participation cOllsciente de son ~tre a. ce trouble, qu ill
qualifie de ftnouveau"$1 Dans Ie lex~me "d~votionlt nous trouvolls
deux noyaux s~miques : l'attacbement et l'engagement total
de la personne. Habituellement cette derniere figure est
associ~e au domaine du sacr~. Ces quelques "remarques IlOUS
inci tent a. mettre un nom s'llr ce "trouble nouveau" : un
""stup ~fian t (I), probablement l' opium. La drogue en effet
recouvre Ie champ s6mantique que nous a.vons d~fini : que ce
Bait quant au ph~nomene d'accoutumance qui rend l'individu
dependant t 2 ) t ou quant au fait que la drogue s' empa.re de
l'etre, corps et arne. (3) "Devotion" est Ie titre d'un
poeme des ILLUMINATIONS.

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ,_W"_ _._ _ _ _ _ _ __

(I) A. rapprucher de "stupeurll dnns VIE~ I "Quvest mon


n&n.nt, aupres de 18. stupcur qui vous attend?" et de
liaLrirmat:Lon de .MATIlUU!: D'IVRESSE : "Voici Ie temps
des Assa.ssins (Haschis~~hins)".

(3) ill'ongf.igement total : 18. d~votion p.r:op:cement dite."


17,.

VI E S I I I

IiDans un grenier o~ je fUB enferm~ a. douze ana j'ai


connu Ie monde, j'ai illustr~ la com~dia humaine. 1I

Nous avons d~ja rencontr~ dans PARADE Ie spectacle de


la com~die humaine p de sa d~rision : chacun se jouant la
comgdie a soi-meme et la jouant pour les autreso De merne dans
ltIMPOSSIBLE (I) : Itl'homme se joue" et dans MAUVAIS SANG (r) :
"La vie est la farce ~ maner par tous." Le rapprochement s'im-
pose ayec "l ' atroce scepticisme lt de VIES II et permet dtaffirmer
la continuit~ des deux para.graphes. En effet cet "atroce
sceptici sme lt ntest pas dfaujourd'hui mais il a de s racines qui
plongent dans l'enfance,: "~..9...uze e..118 j'ai connu Ie monde i
j'ai illustr& la com~die humaineo tt
La prise de conscience de
la vanit~ du monde a ainsi et~ faite tres toto (Nous retrouvona
dans L'ECLAIR (I) une r~f~rence significative- au chapitre de
"L'Ecclesiaste tl de la Bible (2). A quelle occasion? L'incident
rapport~ par Rimbaud, ItDans un grenier ou je fUB enferme "
a une signification qui d~passe l'evenement : clest Ie
comportement de Mme. Rimbaud qui' est -ici appelL Un comportement
essentiellement de fagade bourgeoise, devoue au culte de la
respectabilit6. "L'etre est ecras~ au profit du "para,l:tre" (3) :
tel est Ie jeu habituel de la comedie humaineo

Nous comprenons mieux maintenant cette d~claratioll :


"j!ai il1ustr~ 18. combdie humaine." L'cnfance du poete con ...
stitue l'illustration vivante dtune existence vou()e l:l.U "paraitre" f

Itob~issance forc~e a une mere rigide et austere, I~ masque

(1)
-----------------------------------------------------
UNE SAISON EN ENFER
(2) Bien que "lf Eccl.~siaste moderne " prenne Ie contrepied de la
sage sse ancienne s 1tP..:i.en n'est vanit~ dit Rimbaud 0>0 .. "

(3) Cette exptbrience ontologique faite pa.r Rilllb e.ud-e nfant est Ie
paradigme de celIe de Rousseau., cf. Starobinski : "La
Tranopal'ence at l'Obstacleo t1
108.

continuel de la soumission cachant les revoltes rentreeB. "Tout


Ie jour il euai t d CobEHssance tt Ii t .. on dans les "Poetes de Sept
Ansil. Et 6. propos de la me?re : "Elle avait Ie bleu regard, - qui
ment!U La com6die.Jtheme fre'quent des ILLUMINATIONS, projette ainsi
un effet de sena qui sCiclaire par l'exp~ri ence personnelle de
Rimbaud.

II o Dans un cellier j'ai appris l'histoire."

Pour l'enfant , Ie cellier et Ie grenier ont un trait


.
commun ce sont des territoires a
l'abri de la tutelle
..
maternelle ; favorabl ea donc aux lectures secretes, au libra
essor de ltimagination dont I'Histoire est Ie lieu de pr~dilection &

" .0. A quelque fete de uuit dans une cit~


du NOrd,
j 'ai rencontr6 toutes les f emme s des anciens peintres.~
Ltind~fini ajoute ici une atmosphere de ystere a la
scene, une dimension poetique d' irr ~ali t~: "quelque fete ...
une cit' du Nord 0" Le sentiment d'irr'alitl nait du halo de
brumes qui entoure cotta fete de nuit et cette cit~ du Noxd :
brumes des souvenirs et de l'espacee Si l eon y pr~te attention, on
retrouve lei la pr~sentation syntaxique familiere des contos
populaires : itA quelque fete de nuit dans une cit~ du Nord ... C1"
Observons encore que fet e de nuit sont en rapport d'homologie (I)
. eite du Nord
avec la meme relation s~mique .
La fete comporte deux s~memes '"
- la gaiete/la coul eur
la-foule
Lt~ nui t avec des s~memes d I opposi tion Ie noir
la solitude
La Cit~ a pour s~memes - chBleur
l wniere
fcule
La Nord a deux semcmes oppo s~s Ie froid
Ia ILuit

~ I ) cf. Greimas : "S~mantique Structurale" t po 170


L'effet de cont r~Bte
oat renfo~c' iei par Ie parall~lisme
s~m&ntique rigoureux des couples d'cpposition - fete de Duit
cita du Nord
Le para.ll~lisme sur Ie plan morphologtque est auaai remarQ.uable f

au ni veau sYP,taxiqt1e, double eompl~1.nent de nom ; au niveau


phon~tique recloublement de8 11 / versus / t : nui t - !ford

Lteffet de contraste que nous avona distingu~ reflete


la meme opposition ombre/lumiere, caract~ri6tiq.ue de 18. peinture
flamancle suggl!r~e par fIla cit! du Nord" et les "anciens peintreso tt
Ainsi cette atmosphdre de fete avec ses jeux d'ombres at de
lumi~reB a suscit~ chez Ie po~te cette rencontre avec lea
vivants portraits qui inspirerent une peinture : "j'ai ren-
contr~ toutes lea femmes des anciens peintres."

" e Dans un vieux passage ~ Paris on mta enseign~ les


sciences classiques."
lei encore I' impr~cision des ind~finis ~'un yieux
passage", "on m t a enseigne lf ) cr~e une impression de dj.ffusion .
peut-etre est-ce la Ie reflet de 1& lumi~re voil~e qui protege
tout savoir 6soterique. Ce savoir ntest en effet pas accessible
a. tous : il faut etre initi!" On cbservera que ce "vieux
passage" sert effectivement de lieu de transition entre un
monde obscur (cave, grenier, cit~ du Nord) et l'univers illumin~
de 10. umagnifique demeure" 0 "Les sciences classiques" peuvent
signifier simplement 10. tradition.

" .... Dans une magnifiquo clemeure cern~e par 1 'Orient


entier jlai accompli mOll immense oeuvre et pass~ mon
illustxe retraite. 1l
Le aens voil' de l~ phrase pr'c6dente eat rendu ici
manifeste I'initiation Aun savoir 'sot6rique trouve Don
accompl:i.ssement de.lHl la perfection du grand oeuvre t qui appartient
d'aill urs a.u langage de l'alcbilllie) Ilj'ai acconlpli mon immense
IIO.

oeuvre 0" Pour se consacrer corps et '&me a


aa tache, Ie
chercheur doit a'iaoler du monda : (j'ai) "pas8~ mon illustre
retraite." La retraite a en outre valeur d'ascdse, Ie podte
"se purifiant" de tout ce qui ent ~tranger ~ sa 'recherche.
L'~tat de pltnitude atteint par Ie poete ea t sensible
dans Ie. d.6terminatlon des qualificatifs : magnifiq,ue ..
entier immense - illustre - co qui. ne laisse aucun doute sur
Ie. nature de "l'oeuvre" : elle est 18,"formulation nouvelle
de la merne d~couverte fondamentale que Ie poete affirmait dans
VIES II, dans un Iangage plus d~pouill~.
La d~couverte, crest la prise de conscience dtune
dimension inconnue de Ia realit~ ; ce qui ~tait dans ltob scurit~
jaillit ~ Ia Iumiere de Ilesprit . A.ussi lila demeure cern~e par
l'Orient ' entier" doit etre interpr6t~e d.ans Ie sens symbolique
dtune illumination int~rieure. Cette interpretation est ren-
forc~e par la connota.tion des termes : dans MYSTIQUE nous
trouvons lila ligne des .2!:ients~ des progros. tt ; dansJEUNESSE I :
"la demeure, la tete et Ie monde de 1 t esPFito"

IIJ'ai brasse mon sang. Mon devoir mlest remise II


A ,

ne faut meme plus songer a cela. 1t


Le po~te a ~t~ remu~ jus que dans les profondeurs de son
tre (Ilj'ai brase~ mon sangll), signifiant par la, la participation
et I' engagement de toutes ses forces vj. ves a. 1 C "immense oeuvre."
Et dans Ie creuset de la cr~ ation, il e'opere un m~lange ("brassage")
intime de toutes les forces contributives de ltetre, qui en sort
transform~~ Au terme de l'op~ration, I e poete a v~cu et reali8~
son destin, i1 a fait son "devoir", 11 a rempli sa vocation. Son
oeuvre. ache"l~e, Ie poe3te n'a plus de role d jouer II (son) devoir
(lui) est remie" pear 'il ne d~pend pas ' de lui que son oeuvre 801'&
accept~e ou rejet~e. Et l'on sait l'accueil qui ita accueillic
t'ma. sagesse est 8,ussi d~daign~e que Ie chaos" (VIES II). Dds lors,
~
at c I est pr~fera.ble, "il ne fau '~ meme plus songer a cela. 1I "Cela.",
bien sur, c' est ' I t oeuvre qu.'il porte, dont In seule pens~e est
una menace pour son dquilibre . Ie po~t e S19 heurto a Ill. stupidit~
III.

et I t indi f fer~nce du ruonde. Ltabaence de communication


l'enferme , l'etouffe et Ie rejette au n&ant ( I ) I "Je
uia r&ellement d'outr0-tombe, et pas de commissions " c'es t
A dire aucune remise n'est consentio, aucune concession
aeeord6ee Le poete subit toute la rigueur d~ sa solitude ,
de l ' inoommunicttbilit~.

(I) " Qu ' es t mon n~ant ... 1 " , VIES Ie


1120

DEPART

NQtons que Ie lex('lme IID~p&rt " 6 t inlJcri t dons deux


eat'gories aGmiquac s c lIes de Ifospace &t du to pu, selon
son acception concrote ou figur~e. NouD retrouTons ainsi 10
sdme tempore I dana l'expression : IIprendre un nOUV0fl.U d~ptu'tn
qui marque en aiiet In. rupture avec le passA I ruptu:co de
I'axe s~mBntiquG du temps QU0 nons avona d~jA reconnue dans
VIES ( I ). Lo sGme spatial indiqunnt Ie Dimple changomant de
lieu : e'est Ie Bene ordinuire du Iexeme. II est facile d0
d6gager Ie noy~a e~mique commun a~~ deux sdmes .o'eat I e
changement. La titre du po~me nous Belaire ninsi son aire
IJSmantique.
Lo po~me lui-m~me es t fortement structur& en quatre
parties nettement distinotoso Lea troio prsmi~reB partiem Dont
introduites avec une rigoureuee ym&tri~: ( 'assoz vu
~ :::~ ~:nnu
Noue trouvons : .. une oonsta.nte : asselz , adverbe Iimitatif
- une vs.riatioll paradi gmatique (3ur 10 ( vu
mod~ participial) ( eu
( oonnu
La forme r~currente : partioipe pass' + d erbe 1imitatif,
cst Itextenaion syntaxique de la rupture te~porel l qu~ noue
avonc d&ja oonBtat~e au niveau semantique, ' propos du titra
du po~me; noua trouvons en erfet 1a meme'volont& de rupture
&TeO l e pass' affirm~e avec foro~ par trois foia ( UaBsez/vu/~u/
connu ' ) do.ns une progre8sioJl d!al~ctiquc ( 2) . La ti.tre prend
adnai toute so, force at sa signifioati.on car i l a.pparai t eOlUle
l a Bolution a tons los "aosez" .

( I ) ' Voir. Introduotion -V!ES 10 -" . .. _. - _. _.


( 2) Voir ~tant I'affirmation do 1a du~lit6 sujot/obj0t~ de 14
"Dinta.nee a" ; avoir 6tcm"t lQ. n6s'atiol1 de 1 t objet par
incorporation au sujet : suppreAl5ion de l~ "diBt.anec elf ;
eonuf.\ttr.e l,tant 1a a,-n.the (j1 eup :rieure d l!etlprlt d6pMeant
18, po.:;aesl3ion . .
La qu tri ~~e partia du po.me, qui eat ~a coneluaion~

ea't introO.ui tG pox 18 reprise (1'11 titre au PO'1!l :


et'p"~p&rt dane 1 t &.freo t ion et I.e bruit neufs 1"

ctest .a aintenant la dimension sp&tiale du loxim0 qui est


introduito par Ie coutoxte : Ie pa8s6 Qn 0ffGt, er~e deD
liens, non oeulemeu v ~n nous m&ia avec notre ailieu, qu'il
est n'eeo aair~ de r ompre. D'ou la n~ce6site du chang6~ent de
lieu, - aaswn6 par Ie voyage" ttL'affection et Ie bruit nauB"
voquent p0ut-etre lea pr6paratifs d'un b teau sur 1 point
d'apperoillar, ' et It~motion qui 6treint Ie eoour de voyageure

CQtte derni~re partie du poame constitue inQi la


6ynth~ae at 1 eompl&ment dee parties pr6e denteo : la rupture
aTeo Ie passi doit s'aceompagner d'un chnngement d'horizons.
t'avenir neui a besoin d'un e8~eee ' noUTGaU pour etre Ie portaur
dtune vie autre.
HBia reprenons 19 p09De en Bon d~but .

La puissance visiollnairo du po~te n'est P&S ~pU1SQe9 cai~


1~ Tieion st maintenant trop poaa~d~~,'connuo : 110 port9
avee elle la sensation du "dija vult. Ella O'Gst ~mouS8 e. Autre-
'ent d1t, lO hnbitude de la 'vision, ' la rend inop~rants sur 1~8
sens. Le oharas est rompu. On m~sure Ie chemin parcouru
depuia l'extase de BEIUG BEAUTEOUS ( I ).
"Asuez eu. Rumeurs des villes t Ie 80ir, at au so10i1,
-et toujours."

II ost intf!ressGllt d I analyser lEHJ memes contextuels de


tfrwneurs". lfoue troll'Von.a ainsi les connot(;\tions Guivant"GI

(I) cf. Ohi nos os sont revetus d'un nouveau corp amourouz"
EUFANCE IV : "la xumeur de~ &eluoee"
VILLES I , nIB. Z01wour des perle" at des eonqnel3 prdcieuaes"
MYSTIQUE : "Lo. rlllUeur tour:umto ot bondiaaante deo conquen
dea ~~rc et des nuits hum&ines"
FAIR! : RIa rnm~u~ du torrent"
GENIE , lila :;;laiBOn OtlVert0 a 1 thiver t.4cumeux ot ~ III.
l."U."aour de 1 t otd" ,

De ceo cinq citat.ions i1 cst possible dGextraire une conatente


o miquo ; 10 s~~e de I'eau leur Gat en arret oommum :
( eongu~s pr~cicmllea
lee &cluses, Ie torrent, 13 mer ( conques dog ~erc
( hiver~&c\lmeu.x

Un examen repide montre que Douls GENIE ot MYSTIQUE offrent


une eorreopondence contextu0l1e avec Ie texte de DEPART :
9 dana avono "la rum~ur des conquea
L~STIQUE DOUS

des mars at dea l!R.i,.t hl1,!!laines" et dens DEPART :


"Rumeurs des v111eli, Ie soir 11
.... dans GENIE, lila. maioon ouverte", lila rumeur de l"t,n
offrent un~ corrcspondBnce aveo "Rumeurs des viII ~
au Bo1eil u de DEPART

Nous Gommes on moeure maintenant de donner Ie s~mome de


Itrumeursu (I) :

Ie Boyau 8~miqu est constitu' par la mer \


(lema sp:.tial
le soir
2 semes eontextuelo
l'&tg .... aemestemporells

"Rumeurs des TilleD, Ie 5011', at u soleil, at toujoura"


traduit &inai 1a memQ Bonaation apaisante et harmonieuae que
Ie po~te ~prouve 'a u contact de 18. mer. Le poete oxprime la

(I) (Sm = Na + Os) : Greimas : ~S~mantique Structurale"


13m s&mem6
III

No - noyau D&miqne
CD " same oontextuel
1150

sentiment de p~ix irrumenG~ et d'eternit' qui 10 po~s8de :


immensitl Goulign&e per Ie pluriel il1imit~ : n~ vi1lea",
at pei: du "rnoir" ; th*l.'Xl.it~ auesi, llarqu0Q par 1 'inteD-
pora1it~ de net toujourat+. Lea "rumeurs d0s ville It ~tant
en ~troite corroapondrulce avec "Ia rumeur des mers"~ la
precision : net au Boleil" permat do faire Ie rapprochement
, /

aV$C Ie poeme ttETElmrTE . Ellc eat retrouv&el


- Quoi? -LtEternit&.
C'es t 1a ~mol~.!!.
Au 801eil.

Botons que "rumeurs des vi11es" n'a de sene que par rapport
C: une distcmciCl.tion du poete a.-1'~go.rd de 1& Tille . La
rumeur 1mpl1que en effot un certain 'loignement qui ~xplique
son caractere coniue at indietinct : les bruits individual.
sont noy&sdaua 1a rumour.

"A8aez oonnu. Les arrete de Ie. vie. D 0


-Rumeurs @t Visions:"

La connaiosancc n'ayani &pport~ au po~te que Itim~


puissance , 1a solitude et Ie n~ant, i1 se retourne Ter31e
monde des sensAtions . no Rumsurs at VisioD.B'u Ce Gont
les momenta dtextase et dt6ternit~e "Lea arr3t de la vie"
Bont le~ limitations de l'exiatence, ' sea empGchomentso II
B 'opposent aux "RumeurB et Visions". Leo majuscules sj,gnifiant
au contraire Itimmenait6 ( rumeurs contient Ie 6~me de Ie. ~er)
et les possibilit&s illimit~B (lea visions ). L'affection et
Ie bruit neuf~ urivent e;nfin en contre,a ttl avec ui a rumeur
des ville8 at toujo~.
116.

ROYAUTE

"Un beau matin, chez un peuple fort doux, un homme


at une fe mme superbes criaient sur la pla.ce
publique .
.11

I~oUB. retrouvona la dimension po~tique de l'irrllel et


sea contours merveil1eux baign~s de lumiere (cf. beau, doux,
superbes) dtou Ie. matiere est ~limin6e au profit de Is trans-
parencee Ltespace et Ie temps sont en effet ~vacu~s : uue
contrte retranchte du monde dont Ie peuple est "fort doux"
un pays sans histoire d~nt Ie temps uniforme luit comma une
mer ~tale. Rappelons cette confidence du poete dans ALCHIMIE
DU VERBE (I) : "Je revais voyages de d~couvertes dont
on n' a pas de relations, r~publiques sans his toireB " Un
beau matin" marque cette ind~termination du temps, et annonc~
aussi l'arriv~e d'un ~venemellt impr~vu, qui vient rompre Ie.
trame de jours sans accident. Le caractere inhabituel de cet
, \ t1... <l
evenement, etonnant meme, est souligne par Ie contraste entre
ce "peuple fort doux ll et cet homme et cette f'ellillle crilli "sur
Is. place publique"., I.' agi tation inaccoutum~e des uns au regard
de la s~r~nit~ bie nveillante. qui est Ie comportement traditionel
des autreso Cet evenement est d'importance puisqu'il a lieu s~r
la place publique (l~ ou d'habitude i1 ne se passe rien) : Ie
peuple est ainsi appel~ y participero e.
Quelle est la raison de Itagitation de ce couple
rayonnant de vie et de beaut&?

It "Mes amis, je veuz qu'elle Boit reinel" "Je VEll).);: ~tre

reine!" Elle riai"t; et tremblait."

-------------------------------------------.-~----

(I) DEL1RES II : D~TE SAISON EN ENFER


Remarquons en pre!7l~, er lieu, 1a manie're affeetu&u'se
avec 1aqu911e l'hr.nmne 9tD.dr~5S0 au peuple 8888mbl4 s "mos
amis". Ceoi noue dclair~ Bur le"uature des rapports humaine
g.ui dominent dane c o peo ple df~ race roya,lQ. Nulla hiorarchio
en arfet, nul pouvoir eontraignant, msis l'~galit~ royalo de
chacun fond4. sur 10 reapoct d~ soi at des autres. Tell eDt
la royaut~ majestueuee de c pcuple.
AUBsiJ 1a requets de caIu! qui parle doit-elle leur
para ttre particu1iQrement 8urpr nanta. Lthomme est ehthousiaate
mais i1 exprime f rm ment a t nettement son d~6j~ : "je veux
qu'e11e soit reinel " La femme est dans un ~tat de grande
exaltatio1l 9 ('b11s riai t ot t:cemb1ai trt) voisin de l' incoh'renc
E11~ no pout que rep et~r doci1ement 1a demande faita par Bon
amant. On peut c omprendr s on 6tat ~ 1a grandeur de 1a requ5 te
et ~ Bon caraeterc nberr ant , capricieux. En fait, a'eat l'homme
qui lui i mprim sa vo10nt', qui fait 1& requite dont ell no
saisit pas bien tout~ 1& portae, - ce qui l'effrayo.
aie 1"1 mont le plus signifiant est bien l'exprass ion
rep&t6e du d~eir i mp6riaux : l'insistanee su~ Ie verbe vouloir
montre qu t i1 ne .s ' agi t pas d 'une royaut~ ht,ri t6e ou cona nti0 maio
bi~n iQre~e. Et la olef qui parme t de forcer lea portes d~ co
royaume es t ee10n toute Traisemb1ance la drogue. La cot'
artificial de l'exp6ri8Dceos t on arret tree fort ement souli gn~
dans 1& seconds partie du podme : "i1s furent rois toute une
matin e"o CSost dir que eeroyaume doit tout a ls magie, et
que ses effete se dis mipant (I) 1e poete retombe dans les
limites de sa nature spatio-tomporelle. Dans le po ~m9 sui an t,
"A UNE RAISON", Ie tempe epparait comme Ie plus redout~b10 des
fl~aux, car c'est lui qui datruit finale ment toute s lea illusions
quo cr60 Ie. magi. : flcriblo 1 s f16aux, a
eommencor par 1~ temp,,".

( I) of. .TEUNESSE I .. "l'inevitable deseente du c1el"


lIe .

Qua signiri~ "8tre reino D dans le oo~texte da ca peupl~

dthommes lib:roe? Q.u(t)l est le d~l9ir exprim'? Peut-itre 1a


ma.nifestation d 'un 1M d' a.do:r:a.t:i.on de l' amant pour e~ll
qu'il veut placer au desBus de tout. Lt aim~o Gmt cell qui
rdgne sur 10 co ur do l'amantfqui a tonto puissance Bur lnio
Ainsi 0& quo propooe eo oouple ~uparb d lf~sgemb160 du
peuplo, c'est d~ renon ~e r a lour
vie sage at empreint de
,
r~aerva au profit d'uno vie d'voueo ~ lV amour La modestio I

ot 1s. douo ur doiv nt faire plaoe a l' adora.tion, do 1 t S,lltlloneiasme !


d l'amoure
I
I

"11 parlait aux amis de r~v~lation. dt'pr uv~ I


termin~.. lIs se p~aient l'un eontre Itautroo"

Ln aagcBB qui exige de mattrieer S~8 passions , d


limiter 3es d~sir8 at en arret Ie r~9ultat d'un longue
lutte int~riaure. C' at "lt6preuve" quotidionne et Ie fardouu
de 1& via. A cett~ division de 1'~trG, A e refoulemont d0C
instincts, Ie poraonnage du conte opposo'l'Gpanouias~ment du
coeur, 1e jaillissement de I'amour qui emporte tons 1 a
conflits de l'etre et lui ~end son unitb aOUTer ine. L'6preuv
est elora "termin6e" I l'etre n'est plus que 6pontnn6it~,
innocencs. Ltamour ost aouverain ; nVeat-il pas n&turel quo
son incl'lrnation - 1& F mTllO - soj,"c d~cla.r6e "reine lt ? L
r~v~l&tion d l'amour illumine , transfigure ' l 8 relations at
emble promettre une \re nouvelle. .i
I

lISmb1e" disons nous, car It~tc.t dtaxllltstiou xce if ,I


I
Ij
( I) de ee coupl eBt soulign6 ironiqnoment par Ie poete dans
1
18 style grandiloquent : "i1s se pamai nt l'un contre l'aut r~."
Derriara cotta rh6torique, on peut perc6Toir Ie rie an~m.at bref
de Ril1ibaud, lui qui Bait d' xpilrionce lee raUBStH~ pro CH'JlU90dG
te11~s r~ f,l9.tiono , la rotomb'o sera douleureuso. Nt "en
effot ill5 furent roia touto uno ma;tin~$ et tout 1 t a.pres-midi l'

(I) of." 11~ riait t ~rerablaitlJ

.i
I
!
1190

Voici la r'T~latiun tourn~o n deri ion avec une


ironifJ mordant : tout una matind
L t 111usion,c nr olen 6tait une, de "changer Ia Tie" a dur~
l' eapaco d'une jonrnea : Ie poete insiste lourdement par l a
r&pgtition ironique de "toute" Bur Ie caract re 6ph6mtlrQ de
cotto royaut6~ Le concopt de totnlit' ost on errat inad~quat
pour une dur&e ausai breve? &aoins qutil ne sorv luiv eme
a souligner Iti11uBion du temps.
a
Illusion due un ph'nomene de dis torsion du tempa
qui Got petru alors comma dur&e infinic , 'tern~11e , comme un
"tout~l. L'illuaion de realj.t' tient a.
Octt Scart entre Ie temps
objactif9 fragment& du monda des ph6nom'nea ( ainsi : une
journ&e ) at 10 temps v~cu par Ie coupl~ ' qui est l' apercsption d
lQ dur'e at l'oxp'rience dtun temps total, infini, 6ternel .
Ainsi l'cmploi du concept de tota1it~ par 1e poete at doubloment
j 'l1lJtif'15 : il Gouligne avec ironie l'irr~"lit~ de 10, ItroYllut~n
du couple dtuno part/at 11 d~nonco l'illu ion d'ane xp~rience
vecna en dehora du temps 9 puisqu'sllc retorno dana eeQ limitoB
( "une atin'e", "une apree-midi n ). Co ph'nomene d~ dietorsion
du temps Teeu par rapport au temps physiquo, ost un trait
ear ,ct~ristique de 1'exp6rienee dQ 1& droguo. Il y a done nne
probabi11t~ quo celle-ai fournisse Ie SQns de la parabola ~ 1
poote d~noncG Ie pouvoir illuBoire qu'ont le~ substa&c 0 hallu~
einog:ncs de modifier Ie r~e1, do "changer la vie." Caei ex-
pliqu I'ironia aTee l aquel le Ie po~tG accuoillc 1 "r$v'l ation"
at l es transports du oouple ( hils ae p~aient").
Lo peup1e "fort doux", o'est Is Toix du bon Gone. de la
sage se &prouv&o qui consists ioi a
"laissez-faire" s 11 oorait
va.in de stoppODQr a un d sir aUsDi'pui8sant ; lA n l..6v~lationn
ne balaye-t-elle pas d'avanoe toute rect~ietion , auaei fond&o
soit-elle? D'ai11eurs Ie d$air est formule oi nottement ("je
vcux qu ' ello 90it reine ft ) qu'il serait p8ut-etre d~ger ux de
~ ~
le reprimer . Ainsi done Ie peuple accede aU"deair , d
til"
6\tlanto I
"i1a furent roia". Cette royaut& est oelle de 1& spontan~it& et
120 0

d0 l'innocence du coeur ot doa eencationo sur la pgaant0


d'marcno de 1a rai"on, lea eontraintes et .10B limitea de
I ' xi~tence. Ctest uno victoire sur Ie bon a&nB du peuplo
qui oait Is. r'siotance des choses,. 1(.\ dur0t& du r&ol s ' opposa.nt
a l'effort humaiu t 1a valeur de la patiencQ contra Ie temp.
Mais cetta v1ctoire p nona Ie Bevons, n'est que tres provisoire
et la r~alit&, un instant oublioe, reprendra ses droita .

Qnel1c eat 110rigine de ee souldvement de 1a r'alit4?


Lo po~te suggdre
p
Itindicible, nne connaiaoance &blouiseanto que
lee mote font:1mpuissants a tranomcttre I "il parlait aux
amis de :d hr'lation .0 e II La r6v~lation get done Ie mot-clef d$
1& parabola, qui oUTro -loa portee sur le mystere : dane
r'y~lation 11 y a en effet "voile!lI. La. rvilation 6carta leB
01109 qui aasument Ie myst~re : . el1e 6St I e choc qae
produit sur l'enprit 1t~vid nce de la V~rit'. No us s ommos
ainsi ramOn0Gl a la d~Collverte assentiall du poete , l tnnique
Uinventeur" p I e ~muoicien oms qui t a) trouT~ quelquo chose
co~mo It.\ clef de! 1 t amour. t1 "( I) La r6vlae.t1on, en 'cartant l ea
voil~s9 conduit en ' arfet a la d~c ouverte . LeQutorito de COtt0
royaut5 capable de Doulever la r6alit&9 ~mane done de l a
puissance de l amour dont Ie podte a trouT6 1e secret. Maia
ootta puiosanee noua oat d~orite ioi comma iall acieu9 , car
~craaGG par I e joug du t empa : e11e est f inalement subjugu6e
par CG dont ell a st~tait crue 1ib6r'a.

" " u11e furent rois toute une m&tin~e ou les


t enturco c~in~es De re1ev~rent sur l ~s maisona , et
t oute l'aprss-midi 9 ou ile stavaneerent du cote doe
jardinsdo palmee." t 2)
I !
I
I
i,
I
(I ) VIES II ,1
j

( 2) cf. Baudolair : "non loin de lui, Bur un pi0rre t at


ombr~~e p~r dee pa1~iera de Jude ~ une femme 'ta1t asoi3e u
at Itautour ajoute: "peut-atro &tait-e~ Ie Bonv nir d
qualqu image d'U13 Bible eontemploodans l'Enf!l.nce . '
in "Lea Paradis Art1ficiolB'o : p. 370 s La PI iado To ' e I
!21o

BOUB aSDiat~nB au triornphe majeatuaux d~ I'amour-roi,


u d&.filtf-parade des e.mant pSXl'li laG 1o.i601'18 lourderoont
pavois~e&. Lea tQnturca tondue~ ~ l'exterieur dos maisons Gont
on general un signe de deuilo lei "les tentures earmin~eg"
signif'ient 1& 12ourpT.e rOYQ:le et Ie "rel~vementl' sur Ie passage
des 8ouva~aing e~t Ie aign~ d'ob~di3nCG-et d'aocueil du peupleo
La procession t'du (l~til! cles jardina de palrlse" a une trtls torto
connotation bib11queo L~ podte suscite I'atmosphere d lio~9Q
qui &ceueillit Ie Christ ~ J$xusalcm, le Dimanche d~8 Rnmeauxo
Ct~ t&it alors le m~me triomphe apparent de l'amour, sa touto-

puiesanoe accle.Ll'e par lea foule~ en liassa. NllMmoinc "leo


jardino de palmeD" ont iei uno signification plue prGoise :
'est Ie couple innooent, "auperbe", rejoignant l'Eden originel,
1~ lieu de pr~di10otion de l'amour.

La nens de eette parabole nous apparait clairament


maintanant : ell11 montre Ie. sn:pr~matie de Is. rl!alit~ phycique
sur la or6SJ.i t4 ontologiquo {celIe v~eue par l' tHro). II lllanquo
en erfet ~ cello-oi une qualit~ essentielle : Iteffioacit~ dans
10 tomps,le caract~re pe~anent de oelle-li. Ce n'est pas a
dir que oe royaume-aoit illusoire - puisqu'il exiete ~U ' oine
dane l'~ph'mire - ma.is qu'il at impuissant oontr<! le temps, et
done finalement c~ntre Ie mort, I'ultime r~alit~ du monde d0
196QP &ce- temps~ Nous avona ainsi pos~, sana 1a reehereher, la
probl~matiquG m~me de la drogne, dont la "r~alit6" achoppa Bur

notro str~etur@ spatiooteNporelle. Noua aTionc dAj4 rencontr


aupaxavant un~ autre manifestation caract6riatiqne de I n drogue . .
Ie phlmomene de di torsion du '~empa (I) auquel le poete fait
.
allusion en insiute.n.t (t<ttoute une matin~e", Ittoute ue aprt!s"'ll1idi n )
sur 10. dur~e.

II eat d~oloro per1!lis de se poser la question Bu:i.Tante ~

Is ca.ract~re ~ph&m~re et done illusoire de cat-lie roy lt6 est-il


au - comme le po~te lQ eugg~ro - B l'impuiss ance de llanour !

---------------------------, ------------------------------_.-------
(I) ef .lldoull Huxley g "The Doors of' Peroeption"
122.

cLanger 1a vic autrement quo pour u~e br~ve p~riode de


transparenc~? Faisons le parallele avec Ie triomphe t empore1
mais &ph~mere du Chriet lora de Bon entr~e glorieuBe a Jerusalem.
lei aU8s i, I'amour ntQ 4t6 roi qu'une journee. Nous retrouvona
I'expression "royaut6" dana la parabole des mines qui precede
leB Rameaux .(St Jean) L'amour ~st~il toujours vaincu par Ie
temps? Ou bian cette victoire du temps , du r'el quotidien
opaque et pee ant, sst-ella due a lfinc!!icacite dans Ie temps
dec moyens qui ont li b~re ees puissances de I'amour, Ia drogue
ne permettant qutune eourte ~va6ion hora d~ co r~el?
.l UNE RAISON

lferval , "Dn oein d.es toncbres muattoB deux notes ont


-r'sonn~t Ifuno grave, I'autre aigUG - et l'orb$ '
&ternel s'est mia d tourner aUDsit&t" (1)

Rimbaud : "Un signe de vous, 0 volontG divine ; at toute ;


obeiaesnce ost pr~vtle pr~~que nvrolt." (2)

Lo poome est insi d6di~ "0. una raison".". : sOagit .. il pour


aut ant tune offrande a
l'autel de 1& Raison? II y a bien
sGr Itinfluence des pbilosopho3 du 18e sur Rimbaud, at lton
conn3.i t Ie cuI tc! qu t ils portent do Ie. dcesB Re.iaon..Dans
Ie poeme DEVOTIOn, nous r.otrouvons 1& neme formule d'dics-
toiro (A ma soeur, ".0 A Lulu, demon ) r eprias en litanie,
at I e po~to y eat pret a dresser un auto1 ,,~ tout oulte"o

En toutG hypothese, l'emploi de Itindcfini "une


raison" par eLi t exe1ure le. d~dicQee du po~me ~ 1a ttr8.i~on
raisonnante", faeult~ de l~intellect. N'anrnoinm le probl~me
de Itidelntification de eette "xaisol1" est pos~" La connota...
tion au term~ est A cot egard uneindication impo~tento :
si dana VAGABONDS nons trouvons une aceeption qui n'appello
pu d t observations partieulh~res, (3) 'tant donn' sa g6n~rali t~ f
dans GENIE Ie eont@xte est beaucoup plus intgressant.. En
effet t'raison" liIsrt d' appos1 tif a. "1 i amour" dans ee potlme .
"II est It amQur, mesure parfaite at r6inTent6e, raison mer-
vsilleus& at imprllvue $I et l'6terni t~ : lnachillG aimSe d G

(I) Ope cit . M La Ple!ade Tome I po 410 r AURELIA


( 2) BETH-SAIDA
(3) "11 ajouti'. it dSl!: raisol1s 1nqui&tantea U
qualit~s fata.les." L'on cons tate qu~ l'amour o~t defini
ie1 par rapport a deux plans : l'nn harmonique. I' utre
log1queo

"La me sure parfaite et r~inve:nt6e" de I ' amour


ne nous est pas inconnue. Danm VIES II Ie po~te effirmait I

flje Buis un inventeur un muaicien mam~ qui e.i trouri


quelque chos~ comma Is. oI",r de l'amou;-.tf L9 identit' deo
deux axes s6mantiquaa est romarquable : noue retrouvonm
en efft chaque lex~me en parallele.

me sure parfaite musician


amour amour
rfdnventf!e inventeur

2) Le plan lo~

ulte.m.our .00 raison merveilleuse et 1mpr~vu~

Appos& a "1
amour", "raison 'l Dert iei de sub-
t

stan.tif ~pithete. Les d ux adjectifs sont nne r~curr~nce


du s~mernG de 1& decouverte, qui pa.r definition eat "impr~vuQN
et provo que ioi It'tonnement e~erveille.

8i nous poursuivons juaqu'a sa conclusion Ie rapport


d tho.,!!91o,gie dont noua 8.'Vons d';gag' les primisses t no us pou...,ona
~mettre l'hypotheee suivante ,

me sure / parfaite et reinTent'e


(2) _ _ _ _ _ __
( 1)
r.aisoD. mervei1leuoe 6t impr~~Ae

dang laquel1e .nona aurone una correDpondance deB terme~ deux


125c

d deux. La corre pondance du rapport (2) dtant ~tabl ie ,


il reate a montrcrla r6alitr.! du ra.pport ( I ) , "mesu.re
parfe.ito" '. on mati '~'e!ie mcav.re, Ie. perfection C'C9St
l'ex~~itude ; l &'mesuro o'est un ran~o;t quanti!!e &TeO
un termG de r'fgr~nce. 11 eat logique d'int~grer 0&.
deux fonetions dana 1a mGme unit4 s6mique : celIe dea
math'matique6 (rei science 0.0(' nombrea ).

La lexeme "raison" est assooi~ par sea adjectifa


(merveilleuse at impr&vue) au c~mem0 de Is. d&couverte chez
I e poete, sym&triquement ~ "me sure parfaite". Pour qu'il
y ait 'homologie 11 faut dono, et 11 Bufrit, que 1a correB-
pondance entre cas deux termes soit 6tablie. Ce qui n'est
pas dif~icile s1 Iron se reporJooa l' &tymologie , (I) : raison
v-lent du latin ratio qui signifie tlcalcul, compte". La
parallcliome s'impoae done avec mosure parfaite~, sur I e
meme ~e e&mantique des ma.th6matiques. Le l ex8ne "raison"
doit sin i otre eompris dans son aceeption math&matique :
Ie. "raison" dtune progression s'quentielle de nombr~8 .Q..!es!
ia 10i en~ qui Is gouvernot et qui lui donne un sens e

Par anaJ.ogie t "1 t amour u raison merveilleuse at


illprvu~tt signifi done 1& d~couverte de Is r6alit& enfouie
sous l es apparenees at la d~eouverte du oens derriere cett
appsrence chaotique at abaurda. L'BlUOur 'tan'l; cette Itro.ison",
eette 10i caeh6e It erveilleuse at impr~vue1t , qui donne Bon
sens a l'absurde de la vie.

Pour cenc1ure cette analyse , nous obsarverons que


I-homologi es t congen~e aux diffilr~nts niveaux de 14
I1nguietique s au ni.eau s~mantiqne comme noua I'avona
montra , maia auso! au ni eau 8yntaxique t ( oubs tantifa ) +
( adje ) + ( adj. I pert. po) ) at au niveau phonetique ,

(I) Dlooh Wartburg , ])ICTI01rn.~IRE ETYMOLOGIQUE


126.

P arfaite et r.&inven t~
"2 -, 45'"6

~on (z) m!.rv.!illeuse ej iJ!lP~!lle


r 23 ., 5 4 6

II reste maint~nant a
mont~er qu'i1 ne s'agit
pea dt une simple occur~noe maio qu'il y adh&sion dua
poeme 6tudi' a
c0~te leoture d'un extrait de GENIE.
Rove nona done au texts :

0 "Un coup de ton doigt sar le t ~bour


l ~o harge toue lea S OIlI!J et OOmmel'lCe Ie. nouvelle

hal."'l1I.onie .. H

La phrasa est impr~gn~e d'uno &motion intenao ~t


r~v~le un ~ta t de gr~~d~ oxal at ion (qui exclut la plate

de soription)0 Le poete ne choro he pas non plus 8. rep r~


scnrter un ta.blea.u ou a.
traduire une vision : 11 l'J. 9 y Q.
pas de distanoe qui soit percep tible dans 1'~eritur0. Le
podte ~9t a l'interieur de son 6eriture, il oat engag~ dans
con procesnus m@me : 0& qui xplique Ie oaraetere
seentielloment dynamique du poe e . L~&criture est on
0ffet, par sa ll.a.-cure t.1~quenti~l lo. uno e :z:p~B ion, un bond
en avant dont 10 c aracterc cr~o.t eur est t;r~v61'tt par lEt
processum morne. L'~oriture 80 fait sinai progression et
er~at:i. on9 dont le Bens e.lat 10. eynth~se toujoura renouve16e.
Lt)criture devi~nt 101 r'
'i:lation at non plus seulement
1& traea dUune exp ~rienoft . R~v~l&tion de quoit dtune
pui suanee fantastique at boulcver ante .. capable e rcmuer
le monde dans sea profondeura.
127.

C0 potential enorme dt~nergie ccumu lee eat Iiber& avec


une f acilite derisoire , enf antine : "un coup de ton doigt sur
I e tambour". Un simple geshi auffi t a "d~charge(r) tous leB
Gons lt : c'e at a. dire que toute Ie. gamme ondulatoire de
l'energie empris onneo dans Ie. maDae entre en vibration. Ctest
tout Ie monde de l a real1te physique qui accourt a l' ppel,
qui est r&veille de 8a. l~the.rgie et qui vibre a 1 'unieson s
net commence 18. nouvelle harmonie". Les forces de la mati~re
cnt ete mises en mouvement , lib~reeB de leur gangue, eous Ie.
simple injonction de c@lui qui seit leur secret at auquel ellea
obeisaent. La transmuta.tion de l'univers, "la nouvel le har-
n
monie stest operee sans violence, comme par magie

e. uUn PG.s de toi, cle s t Ie. levee des nouve aux hommea
ct l eur en-marche. "

Un geate avait suffi pour lib&rer toutes lea energies:


I II. meme economic pre side 8. 1 li b~rta.t ion de lthuma.nitlt s un
pas en avant et Burgisaent l ea ttnouve ux homme D" aucune
affec t ations ucun gonflement de langage : Ie ee.voir du poete
est d'une simplicite 6bloui ssante . Cleat 1e. meme c~rtitud e
et 1e meme l angage que GENIE : a l' en-marche repondent lea
migrati ons fantastiques s "Son pasl lea migrations plus
enormee que l es ancienncs invasions" et "la levee des nouveaux
hommes" est Ie eigne do 1& lib6ration int6rieure du joug de
1& culpabilite, le e retrouvaillcs de l'1nnocence. l'elan de
l ao joie : "Sa vue, sa vue1 tous le a ageno uillagea anciens et
l ee peines re l evees Ii sa suite" (GEN I E ) 0 On ne peut 8 I empech~r
de fs.ire Ie rapprochement avec l'Homme Nouveau de In Bible, celui
qui sera libere du p6che a jamaie : Ie r~tour a l'&t nt or1-
ginel de t ransparenc e. Meme parallele biblique avec 10
1280

ressemblement de cee "Homcas Nouveaux" et leur progression,


lien mEU'che" Ters la Jd'ruealem n6uvelle . Dans"Vies II/Ie
poete stexclamait d6jA : nO lea ~norme8 avenues du pays
saint I"p Ce pas ouffit ~ mettre en br&lle l'humanit~
nouvelle : una direction est afrirm~G, lea hommes ont trouvi
un guide a $uivre. PluG quInn guide, un sauvour qui los &
lib~r6s de leur anoienn0 prison de peur, d'habitudes at de

culpabilit'. Un Messio des tamps moderneso

"Ta tete se d~tourne : le nouvel amour& Ta t~te


se retourne, - Ie nouvel amour!"

L" nergie qui soul~ve l'humanit4 et 1Q r&volutionne e~t


d'une nature differentQ des 'pnscions etinstincts qui l'anirnent
habituelloment. e'eat "Ie nouvel amour:" Ltadjectif "nouvel"
exprime cette rupt~re aveo lea amours menaongeres du monds ancien.
L'amournouveau est pur, lumineux, universel n'~tant pas attach& a
un objet particulier : 11 en r~sulte une "nouvelle harmonia"
parmi les hommes, una transformation radicale des rapports humainB.
Peur, &go'isme, domination : toutes les passions a'offacent
davant cettc ~nergie luminouse qui irradie leo etres at les ehos~s.
Ltuni Tersalit~ de l'amour et son infinit~ 6uecitent 1& contemplation
de ItAotant qui parcoure du regard les quatre points eardinaux de
lt horizon :
devant lui, en avant s tt\1D, pas de toi"
a sa gauohe at A sa. droite : "ta. tete se d~tourne .... n

et anfin derri~re lui : "ta tAte se retourno"

tt amour a ainei envahi l'univers, mon rayonnement s'6tend


pu-tout. Mais il est remarquable de cons tater que 10 foyer de
eette vibration a pour centre un Actant. Toute Ie. r~ alit~ de cst
amour est conc0ntr~e en lui seul at c'est par sa propre vertu, son
tt s,ura" que l'humanitA se l(\ve et la 8uito L'aecent est done mis iei,
implicitement sur 10 ~uvoir extraordinaire de eet Actant qui
entraine A ss suite l'humanit6. L'amour m~me, sur lequel repose la
I,
129. I

nouvell e harmonie, est a~&lt tout une force lib~r&e ( of" o


d&eharg~' tous les Bonslf), une rlbre:liion nouTello de 1& matiere,
une h~re;if! [email protected]'lto et magnetiqufJ qui attir@ lea fonleso
Autrement dit. eten r'B\un~, I t amour est ioi la puissance de
rayonnement d'un Actan~ env~hi lui-memo par l'amour eosmique,
univer~el. Clest de cette partioipation a 1a totalit' qulil
tire cetto &nergie in~puiaable, en meme temps qu'il se oent
vibrer &It unis80n de l'harmonie universelle. (I)

"Change nOB lote,eribl0 les fl'aux a commeneor


0

par Ie tempo, to chantent cos enfants 0 "

On reeonnait a lO Aotant qui fait reaplendir l0B promeoses


d'un nouvel amour, un pouvoir ai1'lgulier : calui de changer les
conditions de la vie. C'est du moins l'invocation qui lui est
ing611ument e.dreBD~8 par flees enfanta", ignore.nts du possible et du
raisonnable . Ctest It&me eternelle de l'homme qui stexprime 1ci
dans n chant & la fois no stalgique et p10in dtespoir. Chant sou~
level par les promesses de 11 Actant? "Change nos lota t ' c t ~St a dire
ce qui nous ~choit en partage a la naissance et qui nous est attri-
bu~ par Ie hllsard ou u.n Destinaveug1e J lIerible lea f1~a.uxtl : lea
f16aux ce sont 1 a forces hostiles a l'humanite qui engendrent la
souffr~nc@ ; les eribler, clast 1es r6duire en pouaaiere, au neant.

" a commencer pax le tempa " :' notons d t abord que ceci exclu~ la
possibilit6 d'at"liribuer a "ces enfants" un sens autre qu ' all~gorique :
lea enfants n'ont on effet qu'une experience tree 1imit~e du tempo,
qui pour aux ne sau.rai titre Ull 1'1l>a.u. En quoi -Ie tempa est-1l ll,n
f168.u at m8mc, selon Ie po~t~ (111l commencer pe.r"), Ie joug le plus
pGssnt Al'homme? Peut-3tre paree que 1e temps aignifio les
limites -de lthomme at particuli~rement le. mort. 1e temps apparait
ansai comme Ie principe du mal par Bon assoeiation intima A 1&
souffranee. On oomprend Illieux ainai 1e voeu do "ces enfantsll :

( I) Dans 1 ADIEU d t Uln~ SAISON EN ENFER 10 pod te di t dans un


raecourci saiG~osant : "Reeevons tous 1~8 iaflux de vigueur
et de tendre sse r6ellG~"
.
I'
I;O

.' Bupprimer Ie tempa c test llliminer 1a souffrance et la mort. Mais


ce1a est-il merne concevable? semble dire Ie poete. N'est-ce pas
justement enfantin dtesperer changer lea donnees fondamentales de
notre existence? (I) Le "lot" qui nous est devolu dans 1a vie : et
Ie "temps" ne sont-ils pas irreductlbles parce qu'ils nous echappent
irrem~diablement? Ce Bont 1es coordonnees de l'exiatence, que noue
n'avons pas pouvoir de choisir. Elles nous sont imposees.

0 IfE1eve n'importe ou la substance de nos fortunes et


de nos voeux.", on t'en prie."

Peut-etre vaguement consciente de l'irr~alite du desir


formule, Is. multitude implore (U on teen pris") main1cenant l'Actant
comme en dbseapoir de cause : tlntimporte ou" - cec! reflete 1&
des orientation complete de l'homrne, l'absenpe de direction dans sa vie
il ne sait ou 11 yap n1 pourquoi il va. C'est l'absurdite et Is.
platitude de lCexistence qui sont impliques ; dans cet etat de vide,
Is. disponibilite des etres ne doit pas surprendre : tout est pr6f&rabl~
au neant ta l'angoisse. (2) Ainei la masse desemparee est prete a
remettre son sort entre les mains de l'Actant qu'elle espere deja
comme un Jll!::9-L~ : "eleve ~'importe ou 1a substance de nos fortunes
et de nos voeux." Le geste religieux de l'offrande est nettement
dessine (tandis que Bon destinataire reste incerto.in) : "'lave
10. substance de nos fortunes" marque a la fois la bassesse de la
condition huruaine et Ie desir de s'en arracher ; tandis que "la I
substance de nos voeux" traduit l'appel . interieur vere la vraie .I
I
vie. La masse s'adresae ainei non pas a
un dieu mais a
l'Aetant qui !
a peut-etre trollv' Ie secret de la vraie vie et qui est en mesuro

(I) cf. :Baud.elaire in LES PARADIS ARTIl!'ICIELS : "i1 est defendu a


l'homme, soua peine de decheance, de deranger les conditions
primordiales de son existence de deran&er Bon destin "
p. 142 (Folio ed . Gallimard)
(2) De meme, dans DEVOTION, Ie poete porte ses elans d'adoration "a
tout cuIte". Et encore dans UNE SAISON EN El'TFER : "Je auis
tellement delaissG que j'offre a n'importe quelle divine image
des elans vera la perfectjon. tI (MAUVAIS . SANG)
13I.

d'agir comme un interceaseur, un guid~ de lthumanite.

La conclusion du poeme est un aphorisme ~as8ez sibyllin)


"Arrivee de toujours, qui t'en iras partout." Relevons d'abord
la cadence musicale de la phrase, qui epouse Ie rythme u'un vera
alexandrin avec ~a c'sure i l'h6mistiche :

I.) Arrivee de toujours II) qui t'en iras partout

La phrase est donc bien Btructur~e en deux parties aymetriques.


Procedone maintenant a son analyse s~mantique
toujours
deux adverbea partout
arrivee
deux structures verbales
qui t' en iras

A. "toujours" et "partout" ont un noyau semique commun :


ltillimit~ mais ils appartiennent a deux categories
semiques de disjonction : Ie temps et ltespace

B. Lea deux structures verbales ont aussi un noyau


a~mique commun, la ponctualit~ (1) mais sont par
ailleurs en relation de disjonction : presence et
promesse d'une absence.

tempa
Soit A: illimite +
eepacs

presence
B.: ponctualitb-l-
absence

Si nous rapprochons ~A) et (B) pour ~tudier leur relation syntagma-


tique, il appar~it que Ie s~me contextuel d' "arrives" se situe dans

(I) Noue indiquona pnr la une position dans l'eepace-temps.


( I) ( II )
Ie temps (arriv&e de toujourl), tandis dana Ie ayntagmo: qui t'on
iras ~art~uttf, c'est 1e Bema de . l'~Mp oe qui est dominant. Ainsi ,

lis ponctuali t6 + illimitf


Groupe I
Sm ArrivtSe ~ Pres nee
et
Groupe II He .. ponctualit4 + illimit6
8m D6part : Absence

Comment conciliar la ponctualit6 at 1il1imit~? C'cet A diro ce


qui appartient aux cat6gories de Iteopace-temps at ce qui le2
d~paBse? En marquant la ponctualit& ( arriv~e, qui t'en iraa ) Ie
poete determine une J?re~enc.~, Q t est ~ dire une r~a.li t~ qui interfElre
&YOC Ithomme . Bais en soulignant Bon absence de 1imi tea ( toujour8,
partout ) le poete noua indique : que cette force d!passe Ithomme
en eo sens quCelle no lui appartient pas : elle ne fait que
l'habiter at Ie traverser ( I), que cette force est libra d ' elle-
m~m@, disponible, universelle (qui t'en iras partout ) ot 'ter-nelle.

AnalyeeStructurala

La titre sst en forme de d&dieaco. L~ po~me est done


d'di6 "a
une raison ll qui en est Ie. cat~gorie op@u:a.toir0 : Ie Aotant.
D'terminons @es diversea occurrences dans Ie texts et leur forme ~
ltActant intervient sept fois :

"un coup de i2.u doigt"


"un pas de mit
If.!!: t~te B.Et detourna tt

( r) Cs que sugg$rent les themes alterneB de la Presenco et


de l'Absenoe. (of. ( I) at (II
of. (AUGsi GENIE.
"~ tete se retourne"
"~ chantent ces enfants"
"on.!' en prie"
"qui 1'en iras

comme deuxieme personne grammaticale, pxonominale ou adjective (ton


do1gt, ta tete ' ). Relevons encore que l' Actant est personnifie
au feminin ("arrivee de toujours 11 ) dans la conclusion du
poeme, ce qui ne fait que confirmer Bon ti tro , ( " A ~ Raison ).
L'emploi de la deuxieme personne nous revele la relation entre
ltActant at Ie poete : il s'agit d'un dialogue int~rieur. II y a
celui qui parle (Ie poete)et celui de qui l'on parle (l'Actant).

Une troisieme categorie actantielle interfere dans Ie


texte : "ces enfants". Leur relati on a l ' Actant est paral lele a
celIe du poete c'est un dialogue a sens unique 80it sous la for me
du chant t "te chantent ces enfants" ) Boit sous la forme dtune
priere t "on t'en prie ll ). ( "ces enfants" nous l'avona note re-
presentent la masse humaine desemparec. )

I.) Quelle est la nature du dialogue interieur entre


Ie poete et l'Actant? PIUB precisement comment l'Actant est~il
present au poete? L'Actant n'est pas une abstraction, una l'aculte
intellectuelle ; i~ frappe comme la r6v61ation d'une force extra-
ordinaire capable de soulever l 'humanite, de faire naitre "Ie nouvel
" Maia en meme
amour. "" ,
temps Ie poete nous expose magistralement sa
connaissance intima de cette force, par son style net et precie, auss!
objectif qu'une d&monstration. L!enchainemen t des propositions a en
effet une rigueur quasi matheruatique

AI Un coup de ton doigt' BI decharge tous l ~s sons ...


A2 Un pas de to! B2 c'est la levee
A3 ta tete se d~tourne - B3 1e nouvel amour! etc.

, Ie peete
Ce que nous r ~ vele , dans cette sequenye
.- de propositions de
type A et B ctest 1e lien logique rigoureum qui lee unit :
I. logique des c auses pour les propositions de typ~ A.
2. logique des effets pour les propositions de type .H.
Cependant la relation de cause ~ ef1'et n' est pa.s e:x:plici t6e : entre
les . ca.uses (A) et les el1'eta ~B) i1 Y a un hiatus giga.ntesque pro-
duit par la disproportion des effeta par rapport aux causes. L'ecart
produit entre les phenomenes (A) at (B) tient a l'absence apparento
d'une Raison (I) qui viendrait etablir Ie lien qui existe entre eux
et explique la relation de cause a effete Ces ovservations ~clairent
un peu Ie titre du poeme - en Ie justifiant, et nous confirment 1a
fonction de l'Actant : une ~nergic de transformation prodigieuae
dont 1a nature noua echappe. La poete reate si1encieux a son sujet,
ma1gr~ 1a connaissanee profonde qu'il en reve1e. La relation entre
1 'Actant et Ie poete est interrompue par un changement d'a ns 1&
categorie actantie11e du sujet : ltemploi de guillemeta est destine
a montrer que ee n'est plus I e poete qui parle mais un tiers : "ces
enfants"o Noua avone done une deuxieme structure re1atiorinelle
(que nous 1aissons provisoirement ). Le poete en tant que sujet
actantiel ue reapp arai t quta la fin du poeme ou l'Actant est pre-
sente sous forme dtaphorisme ( "Arrivee de toujoure, qui t'en irae
partout" y. La encore, remarquons que l'Actant n'est pas nomme, i1
est implicit' par Ie texte sans ~tre r6v'lA. Le po.te gard~ son
identite secrete.

.,. 2.) La relation entre l'Actant et la deuxieme categorie


actantielle du sujet ("ces enfa,nts" ) : quelle est sa structure?
L'Actant est 1ei suppose det enteur de pouvoire extraordinaires (2),
c'est la puissance que l'on il1voque. Auesi Ie sujet qui parle - et
lesguillemets Ie distingue du poete - se trouve dans l'humble position
("on t'en prie" ) de quemandeu r . La relation entre l'Actant et Ie
sujet est donc vertical e et non plus horizontale comme dans 1a

(I) Remarquons que I n "raison" des propositions ( A) et (n) constitue


auasi, sur un plan vertical, une Rt9J[ression au sens mathematique du
terme, qui culmine (cf la repetition) dans une conclusion en forme
d'apoth60se, t "Ie nouvel amour 1" , rep:rise deux fois.

(2) temoin les ~emandeB auasi extraordinaires qui lui Bont faites.
premiere partie: Ie Bujet est dan s une position d'inferiorit~,

de dependance. Ceci souligne 'a diff~rence fondamentale entre Ie


couple de relations poete -~ Aetant
. . <sujet-enfants > -+ Actant

Dans In. premiere relation nOUB avione montr& que Ie


poete a una connaissance intime de l'actant, ce qui Ie place
immediatement de pIe.in-pied avec lui_ La relation est horizontnle
c'est a dire d'egalit&.

Dans 1& relation presente l'Actant est simplement


reeonnu comme puissance; mais ltetendue de soh pouvoir reste in-
connue du sujet. La preuve en est donn~e par Ie caractere exorbitant
de l a demande qui lui est adress~e, enfantin meme ( lite chantent ces
enfants")0 C'est Ie po~te mSme qui intervient en reprenant son rSle
de sujet... qui ... parle ( dans "te chantent ces enfants" ) en relation a.
l'Act.ant "ces enfants" perd sa position de sujet actantiel
pour glisBer a l'arriere-plan comme l'objet dont on parle. Nous
avons ainsi une relation triangulaire par ~vocation

lnts_ob\
poete-sujet .> Actant

Les enfants Bont ceux qui demandent la luna, qui ne tiennent pas
compte des possibilitese Ici leur ignorance des pouvoirs de l'Actant
contraste avec 1a connaiasance intime et fami1iere du poete_ Maia
lei, encore una fois, dans la relation enfants - Actant, notona
I t absence de toute!:aison qui vif;)ndrait fonder la distance quasi
infinie entre les deux termes l'Actant est invoqu~ " comIlle s'il
~tait d'essence divine (chants, voeux, priere), maia il reste dans
l'ombre. De meme dans tout Ie poeme l'Actant est evoqu~ par les
aujets actanti e ls comme une pr&sence se mouvant dans Ie silence.

Noue avona donne auparavant cette d&finition approximative


de l'Actant : "une '~n0 rgi!tde transformation prodigieus dont
' 1& nature nous ~chappe". Comment se manifeste cette trans-
formation?

I. une nouvellq harmonie


2. la lev'e des nOUVQ9UX hommes
3. Ie l3;0uvel amour

La r~ptitionde ltadjecti! "nouveau" souligne Ie caractere


cr~ateur de cotto force : e'est Ie regne nouveau de 1'8Bour
qui corr~eneet uno vie harmonieuse, une'renaissance de l'homme
dans Ie paradis retrouv&. Quclle est la cause de eette
nouvelle harmonia? II est probable que Ie poete nous ait
lui-mama fourni Is. r~ponse dans MATINEE DtIVRESSE : lice
poison va reoter dans toutea nos veines mema quand, 1& fanfare
tournant nous serons rendus a
l'ancienne inharmoni n. Ctest Ie
poison qui done a permis "1&' nouvelle harmon1.e". 1e poison
ctest adire Is. drogue, qui Berait a
l'origine de cette force
agissante et myst6r1euee dont Ie poete ' "r&scrvait In tra.duction".
Nous voulons dire simplement que la'drogue a permis la lib6ration
de cette 'nergie, qu'elle en est Ie moyen. Qnelle est la raison
de cetta 6norgie? On ne peut ~~cre l'attribuer qu'au rayonnement
de l'amour, qui est la force cosmique et universella du poeme.
Dtailleura, dans GENIE encore, Ie poete fait lui-meme Ie
rapprochement : "II est I'amour raison mGrveilleuae at
impr~VU0."
MATINEE D'IVRESSE

"Cette ivresse de l'amouJ:' enferm6e da.ns I'autre ivresse


(celIe du haschisch) comme un soleil dana un soleil" (I).

Le Titre Matin'e peut a'entendre du matin, comme de


l'apres-midi au sens de spectacle. Ivressc peut signifier
ltaxaltation, le transport d0S sena au del a de son Bens
imm6diat.

Si no us rapprochona les termes de 1& LETTRE DU


VOYANT (2) de ceux de MATINEE D'IVRESSE, une eyidence saute
aux yeux Ie langage recouvre une realit& commune aux
deux textea. II suffit de leo rnettre en vis a vis pour en
voir la certitude .
LETTRE DU VOYM~T MATINEE D'IVRESSE

Le poete se fait Voyant par un long, Nous t'affirmons, methode)


r l iBonn~, d'r.glement de tous lea
sens
Toutes lea formes d'amour, de cette promesse, cette
Bouffrance, de folie. d'mence~

II epuise en lui tous 1es poiaons Ce poison va rester dana


toutee nOB veines
ineffable torture o mainten&nt nOUB 6i digne
de ces tortures
ou il a besoin de toute 1& jlq! Noue avona !21 au poi son
de toute la force surhumaine cette promesoe surhumaine
ou i1 deviant 0
...
Ie supreme L'eI'gance, 1& SCience, 1a
Sava.nt! violence!

(I) Baudelaire .. "Les Pa.radis Artificic1stt


(2) Lettre a Paul Demeny (I5.5.I87I)
La critique dominante, qua nous 8uivons dtapri.
I'an lyse interne du poems, s'accorde i reconnattre dan8
MATINEE n'"IVRESSE. une r~f3renoe tl I'emploi dtexcitant 0
II rant des lors admettre que Ie programme de la LETTRE DU
VOYANT se r'fere a
leur usago syst'matique. Le po~te y met
pArti euli~rement l'accent sur~ d'reglement do tous 1GB

" -
sene" en soulignant les mots. Puisque ce sont tous les sene
qui sont concern's, il faut d'abord comprendre sn premier
liou lee "cinq sens de nature." (I)

lous trouvons une acception identique dans ALCHIM1E


DU VEREB , "je me flatt a! , dit Ie poete, d'inventer un v~rbe
po6tique accessible, un jour ou l' autra , a tous lee sen ~"
Dans la l ettre a Izambard, ~crite quelques jours avant la
LETTRE DU VOYANT, nous remarquons une diff&rence significative
me
dans 1& me expression, seuls les derniers mots sont soulign&6
( tous les "" sons). La poe'~e met done au premier plan 1:1. modi-
fic ation du donn~ sensorielo Or on ne voi t pas que la seule
volont~ puisse Qlt~rer Ie fonetionnement de nos Bens ~t en
particulier eeux de l'odorat, du toucher, de l'ouie. Comment
done Rimbaud d~regle-t-1l "tous l eG sens"? La seul e rtponse
pI usible est S' par l'absorption de 8ubstanceo excitantes qu~
elles s(!ules"lcnt Ie pouvoir de "d&regler" I e donn' senGo:eiel,
et de provoquer des "hallucinations". C'est Ie terme !!leme
employ~ par I e poete dans ALCHIKIE DU VERBE: "J e m' habituai
a l'hallucination ' simple je voyeia trea f ranchement une
mo~qu6e eoo" Ltexemple est elair : Ie poete To1t litre
franchement". C'ost a dire B&nS aucune interf&rence de "sa
part, Bana intervention de l'imaginat1on o II "voit" de sea
yeux une moequ6e Ii ou
nous voyona une usine. Et c'est juote-
ment parce qu'll voit'r6ellement une moequ&e qu'!l s'ag1t dtune
hallucination (2). On comprend dee lora pourquoi Rimbaud se

(I) L1ttre
" "

(2) en fait il a'ag1rait plutot - tecbniquement - d'une 1l1umion.


sentait mena.c~ par 1& folie.

Lea symptomea de d~regloment des sens provoqu~s par dee


sub s tances exci ta.ntes variant selon l' agent et le .sujet les
plus commune sont lee illusions de Is. vue, les modifications du
sene du toucher (I) et de l'oure.
Th. Ga.utier raconte ainsi sa prepre 0xp'rience du haachisch
"Men oure s'&tait prodigieusement -developp&e j ' entenda.is Ie
bruit des couleurs des sons verts, rouges, bleus, jaunes
m'arrivaient par ondes parfaitement dinstinctes chaque objet
aff1eure rends.it une note de harpe / ~olienne Les sons, lee
parfums, la lumiere m'arrivaient par des multitudes de tuyaux
dans lesquels j'entendais siffler les courants magn6tiques " (2)

A noter aussi Ie d&raglement de la perception de Is.


duree, - 1e sixieme sene dana l'enseignement bouddhique s " cet
et~t dura environ trois cents ans l'acces pass~je vis qu'il
avait dure un quart d'heure." (2) Rappelons en parall&le co texte
de Rimbaud emprunte a PARADE .
"Leur rrAillerie ou leur terrcur
dure une minute, ou des mois entiera."

"0 !!!Q.B Bien!


O.!!!.QS Beau! Fanfare atroce ou
je ne trebuche pointl Chevalet f~erique 1 t1

Les points d'exclamation nous donnent la longueur d'onde


sur laquelle parle Ie poete : il s'exprime dans un ~tat de
grande exaltation. Elane d'enthousiasme at d'admiration pour ce
qui repr~sente sa. r~alite et sa verit~ s "mon Bien et mon
Beau". Le poete a aouligne a
dessein Ie possessif pour montrer
qu'il ne a ' agit pas des categories moralee et esthetiques

( 1) !insi sensations de legeret&, de frois, de modification du


volume du corps.
-cf. "Les Paradis Artifici Is": "ltivresse se manifeste par
une acuite superieure de tous les sense L'odorat, la vue,
l'oure, Ie toucher participent egalement a ce progres f

e'est alors que commencent les hallucinations" :


p. I20 - Folio Gallimard.
( 2) Th. Gautier : "Le Haschisch" : po 40 in Baudela.ire ( ilLes
Paradis Artificiels) Gal11mard Folio.
ordine.iree, IllaitJ a.t!: oe qui est pour lui .!.2.!l Bien et .!SC. n"auo
La valaur oentrala qu l 1l leur attribue pour fonder BOll oeUTre
et son Gtre est ainsi mise en relief : IG BieR repr~gentant
It\ perfection de 1.tact.1cm tundis que Ie 13etau repr~Dente Is.
perfection do 10. forme. tI)

ED r&aum~, l'on pourrait dire que Ie poite, lorsqu'il


8' 'erie no moD. Bien! , mon Beaui't a t rou"t"e ~ v4r1 t~, Is

!ondement de flon "'~re --f')t 10 sens de son existence. Quells oat


le. v&rit~ du poeto, qu'il appelle (nmon Bien1 mon Roanl")
mais no nomme pas? (a.bsence de sigaifiant doat noue n 1 8:f 'ona que
la trace I le signifi'). R6servant 1a "traduction U t nous sub-
stituerons au signifiant un Aetant, ctest a
dire une structure
vide de sens prise comme oat~gorie op~ratoire

"Fanfare atroce ou je ne tr'buche pcdntt


Cheva10t f&eriquel"

La fanfare e'eet Is lourde musique mil1taire, l*'clat


des Quivres et le tonnerre des percussions qui susoite den
sentiments d1h'roisme maie aussi, par son rythme -lourd ct
cedeno', Ie spectre de la mort . Dans Ie poems BAR BARE , nous
retrouvons cctte association hRemia des vieilles fanfares
fl .,
d'hsro1sme .loin des anciens assassins." Mnsi 1a fanfare
at Uatroee n ; ella porte 1a mort avec e11e, at Ie pochG Ie
sait. C'est une ~preuve qul!l sait surmonter sana h&sitation,
ni faiblosse : "ou OU jo -ne tr~buche point1" De8une fan ..
fare, lea instruments de percussion ont une place importantet
Ie t ambour not~ent ; In fanfa.re apparait ains! comme le
d&veloppement du th~me de la nouvelle hal~onit!: d'A u~m RAISON:
"un coup de ton doigt Bur Ie tambour d'charge tous lee Bons. tt
Aux profondeurs de ltetre qui st'veille, a Is mati~re qui entre
en vibration, Duceede --I t orchestration triomphale d~ tous lea

,
(I) Dana GENIE Ie poet6 admire "la terrible c&l&rit' de 1a
perfection dea formeo et de ltaction.
141.

Qona au sein de la nouvelle harmonia (I). "Chovalet


t'SriquoS" : l'Aotant eat ainoi r6v~16 comme Ie pUPRort
du spectacle (10 chevalet) d~B loquel I'adjecti! nr~~rique"
fait entrer 1& magis et Ie f4ntastiqueo

.00"Hourra pour l'oeuvre inoute et pour Ie


corps Jaervei11eux, pour ls. premiere foi.,l u

Et ctest l'oxplosion d'enthouAiasmc devaftt le travail


accompli (par l'Aetant) : la transformation prodigieusa et
inattendue oper&e en Ie. personna du po'te dont i1 n'aurait
ose meme rever. Telle eat t'l'oeuvra inoute" dont 10 resultat
est "Is corps morvailleux, pour la premiere foio" : cleat
l'etre all g3 du poids de la eulpabilit&-et dala peur,
transfor.m6, re.dieux ; c'est I t homme nouveau, calui qui renait
a 1s vie I "olest 1& 1 v.~e des non eaux hommes et leur ea-
marche" (2).

"Celi!. commence, nous di t 10 poets. OOll.S lea rires


des enfmnts, ocla finira par eux."

"001$." d6signe "ltoeuvro inoufe". "Sous" indiquo


u~o dimension ' vertieale - : . il s'ugit de l'atmosphere agitie
de riree. Ma.is quel rapport avec Ie oorps merveilleux,
l'oeuvre inoure? Comment celle-oi peut-alle d6buter par 1. .i
I
r1re deB enrantu et f1nir par eux? L'exp&rience des fumeura
de hagobisch 9 renforoe~ par Ie contexte, nous donne 1& clef
de l"nigme , l'1vresse provoqu'e par Ie hnDchisch d~e1enohe
en effet, en seD d~buts, des crises de rires irr6preB8ible~ E3).
d 'ou "ll!s rires des. cUlfants". Noua avons ici une nouvelle

(I) Maia cette marche triomphale charrie une puissance rnortelleo


j
(2) A lrnE RAISON ,I
or.~audelair~ J "D'e-bord una oertaino
I
(:~) hilarit6 saugrenue et
, iri'~B1sti ble ~'~mpa.re do VOllO" I "Du Vin at au Ha.schi ch" !
I

p. 84.
I
I
i
I
j-
confirmation de I'importance de la drogue dans I'exp~rie~oe I

po'tique de Rimbaudo Ainsi Ie aignifiant que noue QTOnB fait


fonctionner eomme Actant. a pour "signifi4 lt 1a drogue, opium
ou haschiech (I). Le podte montre qulil est conscient du
dengsr que leur usage oomporte puisqu'il dit I "col ' finira
par ewe" tIcs rires des onfants). Le rire s'achsTora'en
arret en d'riaion quand la drogue aura ruin4 l'tre corps at
boo S1 Ie poete applaud1t a.
"1'oeuvre inoure u i1 garde toute
sa lueidit' : il s it tout le prix qu'il devra payer pour
cela : "Ce poison va rester dans toutes nos veines meme
quand, Ie fanfare tournant, nous serons rendus i l'ancienne
inharmonieo" Le terme "poison" eonfil."me que le -pocHe connait
toute la nooivit& de la-drogue - : c'est le ph&nomdne de la
~Spendanoe qui est ioi aecue6. Le poison e'empare'do l ' individu
corps at &me at cr~e It~tat de manque.

Umeme quand, la fanfare tonrnant, nous serons rendus


a. l'e.nciennc inharmoni0 lt : la drogue o'est Ie bonheur d~nt
Ie souvenir ne l~che pas I' adepte, "meme " quand tt ses aifets ne
se font plus ressentir ; -o'est elora le retour 4 "ltancienne
inharmonie lt d. Ie. pla.titude quotidienne. II est certa.in, d'aprflo
co paseage, que 'lIe poiaonlt a une part easentielle dans l'ox- '
p~rience po~tique de Rimbaud : c'est lui qui est le maitre de
le. nouvello harmonie, Ie po~te le dit implicitement ie1 (par
II
HI. contrario n ). "Is. fanfare tournant" signifie la fin de I

I'enchantemont, Ie retour au r'el quotidian. 'j


o.otto maintenant nous si digne de ees tortur 01" I
I
Lo fait quo Ie poate sit barr& Ie "a" de "digne" sur
I
j
(I) L'opium tait facile a 'obtenir al'epoque en Angleterre. Son
uBage ~tait r~p&ndu dans les olasses populaires. Entre I820 at
1860 18. consommatioD anglaise avait 't'
of. "Yale French Studies" : J of. Logan
multipli~ par quatre :
THE AGE OF n~TOXICA
0

TION. Un facteur important avait 't~ le. guerra de I'opium


(1839-42) vec la ChinG.
, Ie manuscrit indique que I e pluriel do "noua" est un pluriel
d,a style : "nous" est pris ici pour "moi". Pourquoi ce
pass age du "je" au "nous"? (I) Le poete adopt~ Ie ton im-
peraonnel qui convient a
sa lucidit' &l' abaence de distance
qu'impo se l'&motion suceede una phase de recul, d'examen deeoie
"ces tortures" sont 10. rancon de Is. drogue, les tourm0nte atroceg
qu'ell e inilige a
l'individu rendu a
l'ancienne harmonie. C'est
Ie saut du paradis en enfer : 1& tetomb~e dans Ie monde de
l'angois se . Mais Ie poete estime que son exp~rience vecue s ous
l'emprise de 1a drogu.e, - et il s'a.git de "maintenant" .. eat a
l'hauteur du prix tl payer : o'est Ie aens de "nous si digne
de ces tortures"

"rasBsmblons fervemment cette promesse surhumaine


faite a notre corps et a
notre &me cr~~B : cette
promesse, cette demencel "

, "Cette promesse" est Is. reprise de "ce poteon" qui


slest diffuse "dans toutes nos veincs" . Clest Ie poison qui
repand son influence dans toutea les parties de l'etre. Le
poete ne se 1aiss8 pas ~garer par cette ivresse pass ive il
lui oppose son projet I Ie rassamblement est l'antithese de la
diffusion, comme la ferveur est Ie contraire de la passivitea
Aprea la dispersion de soi c'est Ie retour a l'unit6, la con-
centration de tous lea "influx de vigu6ur" vera Ie but fixe '" .
"afin que nOUB amenions notre tree pur amour".

Cette promesse est "eurhumaine" car elle est au dessus


.
des forces propres de lthomme , seul t il ne s&urait y parvenir,
car i1 reste pri aonnier de son education et vic time de sa
faible ase . Le poison lui apports una promesse de liberation de
la Faute en detruisant Is. connaissance de la faute I 11 ~end
ainsi l'homme a son innocence origine1le. Ainni dit le poete .

(r) cf. ".a1.! ne trebuohe pOint t1


144.

HO n nous a promis l'ombre l' arbre du bi$R et


d'enterr@~ d~o

du mal n Dans la GeZl6s6, c'eat apr~8 &Toir gotH' clu fruit


de eet arbre que l'homme sonnait Ie sentiment de cu1pab11it6
et p0rd son i nnocenco premiere. La deuxieme cons5quence c ' est 1a
. mort : d~sormaiB l'homme sera gort 1. La promesse surhumaine
apparait ~iDSi comme It~ffaeement de 1a fautG origine1le, Ie
retour ! It ~ tat de "fils de Soleil" (I)

"On nous a promis de d~porter lea honn&te t'e


tyranniques ."

C'est de 1a tyrannie de 1a conscienco morale dont i1


8' agi t avec 1e. dispari tion de l a Fan te, celle-ci est .bannie
:
car elle nta. plus de raison dtetre. La conscience morale, ctest
& dire la connaisa ance du bien "e t du mal est auss i Ie j uge
tyrann1 que de nos actions, ce1ui qui nous &OCUB~ et nous rend
coupable s. C'est 1& promease du poison ("on nOUB a promis")
de nous d~barrasser de eat aeeusat eur at ainsi de pever 1& voie
"afin quo noue &menions notre tres pur amour". Ctest elle, la
consci nee morale, l'obstacle majeur a notre lib~ration, au
retour a 1& spontaneite origine11e dont l'&lan eat amouro

Uectte promesse , cette delleneel L'e1'gance,


la SCience, la vio1encel n

En quoi cette promesse est-e11e aussi une ud6mence "? (2)


Lt' num~ration qui suit indique la reponse s par son enormit6
memo la promesae fait 6elater Ie cadre de Ie. raison. L'&l~ganee

(I) C'est l " tat pr'-adamique dans lequel nous fUmes cr6&s ainsi
que le rappelle Ie poete , "promesse Burhumaine faite a
notre corps et notre ame
cr~@ ."
cf. aussi Baudelaire: "l'()%preseion des sentiments bien-
vei11ante causee par l'opium nlest pas un ncc's de fi0vrc;
c'est plutot l'homme primitiv~men~ bon at juste re st~ur~ et
r&int{,gr' dans son ~t8t na.ture1" in Lee Pue.dio Artificiele
opo ctto po 346
(2) Ella ae rapproc.he aueoi de 1& d6mence par Bon c araet~rs
hal1ucina toire comma l' a remarqu~ Baudelaire I !lEt l ea ll'1oi no
sots, hardis ama.nts de 18 Demence t/1'UY&I1t 10 grand troupeau
parque par Ie Dsstin./Et oe r~fugiant dans ltopium immenset"
145.

c' at Ie don de ce "corps Gtryeilleux" qui provo que Ie ori


du poete : "0 mon :Beau" \) Da118 EIlFANCE II "deB betee d 'unc
'l~ ganee t'abul sl1ae cireulaicmt". L' el~ganoa oxpr111l~ Ie.
8ouveraine t& du eorps, Bon harmonie intime. La scienoe
traduit Ia eouver &inet6 de l' ego, sa domination Bur ltuniyer~
par l'intelligence: "VOUD serez comma des 41eux, dit Ie
serpent dans Ie. Genese, s1 voue goutez du fruit de l1 ar bre
de la scienoe du bi0D at du mal". Aussi Ie. faute originell~
eet-ella alsooi~o a l'argueil. Mais d~sor.mais, 1& promosse a
6t& raite, Doue dit Ie poeto, "dtenterrer dans ltombre ll Is.
mauTaiae oonscience. La scienee marque ainsi la yolonte de
pui ssanoe de l'etre, exprimee sans restriotion. Dans
OUVRIERS, nous retrouYons ee tte assooiatio : "lthorrible
quantit6 de f orce at de ~ que 1e sort a toujours 'loign~s
de moi".

La soienoe , c'est 1& foroe maitris&e, soumiae. La


yiolenee exprime In force brute, instinotive et lui est
opposee en oeci. C-est le. apontaneite sauvage de l'etre qui
se l ibere, It'nerg1e vitale qui jaillit : 1& violence n'est
pas ie1 une marque d'agression mais plutot 10 signe de 1a
lib&ration des forces int~::ieures. Ainsi dans GENIE : uS on
Corp! Ie brisement de ls. graoe eroie'e de violence nou-
velle!"
Mais il Y e. un second aspeot, bien qu' il ne soit pu
eXplicite, do la violence : elle traduit peut-etre auasi Ie
viol interieur de Itetre (op~r' par le poison), dont Ie nature
profonde est fore~e. Lo "paradis" est arrach' par force (cf.
PARADE : "0 Ie plus violent Paradis "). La violence oom-
p13te ainsi 1& tri10gie par 1& souverainet& de l'1nstinct,
apr~s oelles de la beaut' at de l'intelligence. Toutes oon-
eouren ta une exal ta tion prod'i8ielllse de ~'ego, qui coni'ine
comme le reconnait Ie poeta a 1& IId~me nceM. Lllharmonie du
146.

yerbe tradu1t merveilleusement ltaffinit~ secrete qui unit


l VJs mots I lee rimes 0n "ence" s'appellent loa unes lea autres
et sUBcitent llenchainement 'legance-scienee-violence (I). La
s'quence eat elle-meme inspiree ou provoqu'e par tldemence".
Cependant l'aBsociation des mota n1est pas gratuite clest a
dire fond~e SU~ la seule harmonie 1 elle est Ie compl~ment de
leur logique interne et llexpreasion de leur dynamisme, ce qui
1& distingue de l'~criture automatique

"Cela commenca par quelques degouts et cela finit, -


ne pouvant nous saisir Bur Ie champ de cetto ~ternit~, -
cela finit par une d~p'andade de parfume."

Le poete ne se laisse pas emporter par l'exaltation que


"cette promesse" fait jaillir en lui : son ~criture revient a.
1& lucidite sarcastique qui lui est familiere, quand il s'agit
de d&crire cette "matinee d'ivresse tl Catt deser~ption est
d'ailleurs curieusement reprise trois fois sel on le meme modele
structural ; nous avions uno premiere fois I "Cela commenc&
sous les rires des enfants, cela fintrA par eux .", puis de
nouveau .1 "Ccla commencait par toute 1& rustrerie, Toici que
cela finit pa~ des angee de flammes at de glace".
lNous ~tudierons plus loin Ie prob!eme Boulev' par cette reprise.)

11 Y a una absence remarquable d na 1& description de


cette matinee d'ivresse : lepoete nous livre le d~but de son
experience (l es d~gouts) et sa fin (la d~bandade de parfume).
Hais Ie contenu de llexperience mama s'efface totaIement
derriere le d~monstrfltif "cela", qui reste abstrait faute
de r~f'rence a pe quIll d~signe. La poete nous met pourtQnt

(I) de meme que Ie balancement du rythme


cf. Baudelaire in "L'Art pour L'Art" lp. 3) a "11 y a dans
Ie mot, dans le verbe quelque chose de sacr& gui nous d~fend
dten faire un jeu de hasard. Manier eavamment une langue
c'eat pratiquer une eBp~ce de sorcellerie ~vocatoire.
147.

sur la voie en pr~ciBant s "no pOUTant noue saiair Bur Ie


oht.:-mp de cette ~ternit6t1. Ce qui signifie qu'il y a une
rupture de l' axe du temps, un ~c1atement de- 1 I individu spatio-
temporel au coure de 11exp~rience. Le poete se souvient bien
du debut et de 1a fin de son exp'rience parce qu'ile se tiennent
sur l'axe du te~ps : la m~moire peut les enregistrer et 11s
appartiennent au tempe. L'exp~rience de l'6ternit6 mentionn~e
par Ie poete - nie 1es cat~gories tempore11es et donc no laisse
aucune prise a
1a parole: elle est proprement indicible et
c'est sans doute 1a raison pour laquelle elle est pass~e aous
silence.

Le poete nous relate en meme temps la raison de l'echec


de son experience clest eon incapacite a la fixer et ay
demeurer ("ne pouvant noue saisir sur Ie champ"). II n'en a. pas
la ma!trise.
Les "degouts" evoquent Ie sensation d'&coeurement que provoque
parfois IS. drogue (I) ; la Ifd'bandade de parfums" stoppose a
la concentration qui pr'cedait : "rasaemblons fervemment "
los effeta de la drogue se relachent et deviennent fugitifs, in-
saisissables, rares comma une effluve capt'e au haaard de la brise

"Rire des enfants, discretion des esclaves,


austerite des vierges, horreur des figures et des
objets dtici, sacres soyez-vouB par Ie souvenir de
cette veille."

p'rience
.
"Cette veille" c I est ainsi que Ie poche resume Bon ex-
il faut done attacher a
cette notion une importance
particuli~re. (2) "La veille" c'est Is. concentration de tout
1 '(are dans 1 a "pointe It de 11 espri t s Cependant c' est la
veille. Recevons tous lea influx de vigueur et de tendresae

(1) cf. Baudela.ire (IIDu Haschisch") I "1a mixture est tellement


odorante qu'elle cause a quelques personnes des vell~it~s
de nausces " OPe cit. p. 83.

(2) Un des poemes des ILLUMINATIONS e'intitule VEILLEES.


j
II
148. f
!
!

,
1
r~elle." (I) et dane l'IMPOSSlBLE (2) : "Maim je mi aperrOi8 I'
que mon esprit dort. S'i1 atait 'bien 'veill& toujouro a
partir de ce moment nous aer-ions bientSt a
la V6rit', qui peut- I
I
I
etre noua entoure avec ses anges p1eurantl " (C'eat dans t
I
un sens proche que Ie Bouddha ~tait nomme ul'Evei1l~" : celni l.
qui a la Tision de la verit'.)
I
L'acuit~ des sensations at une r&ceptivit& dtesprit
incoanue amenent en effet "Ie tres pur amour n du poete qui
red~couvre 1& r'alit', qui(voit>pour Ie premiere fois, graoe
" , .
au pouvoir du II poison". Le role determinant de ce dernier dana
\
1& vision nouvello du poete Be saureit faire de doute "veille
d ' ivrss88" 'crit 1e po~te en se r~f~re.nt ~ l"tat d'euphorie
cree par 1& drogue. Et il ajoute "saintel" de meme qulil &vait
trouv' "aaorea" les temoins de son 'vasion dans l'eternit'o(3)
Cette Teille est "sainte" par Itetat de perfection et d'harmonie
avec Ie monde quia connu Ie poete, par 1& transmutation du reel
qulelle a operee, au.si banal et horrible fut-il. Ainsi pour 8.Toir
partieip' a
laaJi.'P~rience de cette "nouvelle harmonie tt , les
IIfigures et objets" qui l'entourent en acquierent un earactere
8acr~. lIe portent en efiet avec eux une part du Teen fantastique,
eomme tous les souvenirs qui y restent attach~s

"Cala commengait par toute 1& rustrerie, Toiei


que eelA finit par des anges de flamme et de glace."

"La rustrerie" oe Bont les degouts at les ca.acadea de


rires, premiers signes grossiers de la diffusion de 1 .. drogue
dans l'organismo. Mais a mesure que son action BC fait reesentir
plus en profondeur, Bes effeta se font plus r&ffin&s. Aux
" -,'
( I) ADIEU : UNE SAl SOU EN ENFEll
( 2) UNE SAISON EN ENFER
C~) "Rire des eafanta, dioer&tion des esclaves BAcr&tJ I f
soyez-Tous ,," ofo Supra.
II
I
I
I
i
149

grosoieres r6actions, 6uccedent In purification des sensations


et I t elevation de I' espri t dont "les B.nges de flamme et de
glace" sont Ie symbole. La matiere est all~g~e, spiri tuali8~e.

Pourquoi Ie poete reprend-il trois fois Ie compte-


rendu de cette "matinee d'ivresse"? Si nous laissons de cote
Ie facteur circonstanciel nous avona 1& structure synta~latique

suivante :

I. Cela commenca eela. finira. (futur)


2. Cela commenca cela finit (present)
,. Cela commencait voici que cela finit (pr~sent)

L'unique variation est d'ordre syntactiq1.le : elle concerne Ie


temps des verbes et affecte la projection de Itaction sur l'axe
du temps. L'axe semantique du syntagme est celui de la Duree,
defini par les deux lexemee : commencer - finir. Noue avons
eufin un Actant : Ie demonstratif "cela" qui designe l'ex-
p~rience du poete sans toutefois la nommer. LtActant apparait
en effet comme neutre par rapport au poete. II est l'op~ration
qui s'accomplit en lui.

Et curieusement il ne reate trace de l'Actant qu'au


debut et a la fin de son existence, c'est a dire quant Ie poete
a repris conscience du tempso Le centre de I'exp~rience el1e-
. meme, dont Ie poete nous dit qu'il appartient a
l'eternit~,
echappe par sa nature a l'axe du discours, puisqu'il se tient
hors du temps. II d~fie, par la meme, toute description, i1
est l'innommable, l'indicib1e, ce que les mots sont impuissants
a transcrire. C'est le saut hors du temps dans un monde incennu
que souligne ainsi, par une omissj.on rev~latrice, Ie poete.
II y a une contradiction invincible entre l'axe semantique du
discours (la Duree) et celui de I'evasion du peete (Eternite).
C'est pourquoi le discours du poete, des qu'il essaye de
retracer son exp&riene8. se con1e dans 1a meme structure I 1a
p'a role s' arr~t aux portes du myst~re, du tt sacr&" se10n Ie mot
du podte. D~s lore clle est eondamn6e a tourner aut~ur de
cetteabsence sans jamais 1a seiair : 'dtou l'al1ure r'p6titive
du diacourso

"Petite vail1e d'ivresse, saintel (I) quand 00


0

ne serait que pour Ie masque dont tu nous a gratifi&.1

Cette m~me veill extraordinaire au cours de laquelle


Ie po~te TOguait en pleine eternit~, dont Ie earaotere s8cr'
rejaillissait sur Ie lieu et les personnes, 1a voici r~duite a
des dimensions bien prosaiquesl Son origine est reconnue,
l'ivresse 'tant l'euphorie produite par la drogue, et sa r'alit'
tempore11e ramonee &ses justes proportions : "petite veille u
Les qualifications de 1& vai11e prennent ainsi une valeur
nettement reductriees ; 1a 1uoidit~ du poete n'est point prise
en d'faut : i1 reconnait Ie cot' derisoire de son experience va
sous 11angle de 1a r6alit& qui est celIe du gros bon sense
"Ivrosse" nie ainsi la vei1le elle-mame, puisque ce11e-c1 est
affirm'e comme un 'tat de conscience sup&rieur, tandis que
"peti te" lui ote tout ,.- caractere eacr~ par sa tona1i t' fa.mili~re.

N6ahmoins 81 Ie poete est conscient de 1& relativit~ de


sonoxp6rience, re1ativite due 8. Bon origine "rustre", mat'ricll~,
i1 se refuse a. Is. condamner pour autant : Is. fin a sanct:i.fi6
1es"moyens (petite Teille dtivresse, saint.)~ Et ajoute-t-il,
quand bien meme 1t~tifioe de ces moyens entacherait 1& r~3lit&
4e ' oQ qui til. 6te T'CU, i1 resterait I t apparence de cotte rea1it&
(Ie masque) a. laque11e Ie poete sest identifi6. !utrement dit

(I) II stagit donc bien de l'ivresse spirituel1. qui "consiste a


receToir une surabondance de bonheur at de delectations
sensib1es qui excedent oe que 1e coeur de l'homme ou son ,
app~tit peuvent desire r at cont4niro" cf. Ruysbroeck
l'Admirable in "Les Noeee Spiritue110stl , po 250
15I.

non seu1em.ent il aocopte l'i11usion mais 11 lui reste


reeo!m&illsant I Itdont tu nous a.s ~r8,tifi($t1 et "Nous n' oublio.l'!!
~ que tu as glorifi' hier chacun de nos ~geB." Selon Bon
pro pre aveut Rimbaud a donc fait l'exp4rieuce syst~matique de s
substances hallucinogcnes, et ceci accompagnant toutes les
phases de Bon d~TelopPGmeat int'rieur (ehacun de nos Gges).

En proolamant : "Noue ttaffirmon~m'thodel" Ie


_ po~te se Gontre d'eidl a aller de l'avant dans sa recherche, en
plaine connaiseance de cause du vice inh6rent a
sa m~thode et
de ses dangers . L'affirmation est signe de sa -Tolont& de
marquer une entiere eonfiance en 1& m~thode : u nous avona
foi au poison" ; mals elle eat aussi 1& conclusion pragmatique
d'un jugement port' sur son efficacit' : los r~sultatB positifs
obtenus Pal' 1& m'thode t'moignent en sa faveur. La m4thode bien
oiir, oe sont les moyens qui permettent la fin, autrement dit le
"poison".

ooo"Nous savons donner notre vie tout entiere tous


les jours."

Le poete ayant proelame sa foi dans Ie poison, llen_


gagement total -de son etre stensuit logiquement. "Noua sl!.vone
donner notre vie " marque cette adhesion de tout l'etre -
corps et &me - a sa foi. Adheaion qui a beaoin d'etre - eonfirm6e
"tous lea -jours" et renouvel~ par l'absorption du -poison.
Rimbaud r~vel. iei une habitude bien ancr6e : sa Mrvotion aux
halluein0g~nes.

La conclusion du poete, "Voiei Ie tempe des AsaasoinaK(I)


est l'illustration par lthistoire de e. don total de soi alli~
A1& toi au poison. LeD "AsB8esius" sent etymologiquomoht 1&

(I) Rimbaud a probablement pris connaissancs de l'origine du


mot dans ttL Pare-dis Artificiela (of. Folio po I03)0
152.

aeete des Haschiechins, c&lebre dans tout l'Orient tJ.U I3e


sieclo, et dont les Croisee r~pandirent le nom en Europe.
Leur culte du haachisch et leur d~votion (I) corps et ame
a
leur martre Hassan El Sabbah en firent de redoutables fana-
tiques et de dangereux meutriera.

Dans l'introduction aux "D~aert8 de 1 'Amour" noue


trouvons une allusion aces memes ItFidawis" S "des reyeS
suivants de douces consid~rations se d&gagent - peut-etre
se rappellera-t-on Ie sommeil continu deB Mahom~tans l~gendaireB, -
braves pourtant et circoncis!"
Ces mahom~tana ne sont autres que les "Haachischins". Voici
ce que raconte Marco Polo (2) dans ses "Voyages" : "Le Vieux
fai aait donner breuvage (a Bes hommes) par lesquels ils sten_
dormaient matin et puis lea faisait prendre et mener en le
jardin et les faisait reveiller et se croyaient etre en
paradis." Nt rapporte un autre chroniqueur Odoric de Pordenone :
"Quand Ie Vieillard voulait aucun homme faire mourir il f isait
a aucun de ces jouvenceaux donner e. boire br~uvage " en
promettant en r~compense le paradis entrevui. Le "sommeil
continu" est synonyme de l'&tat de reve 'veill&. La premiere
ques tion du "convert!" selon les M~moires de Hakem (3) etait 1
"0 Seigneur, reve-je ou suis-jo 'veille?"

Lee "Deserts de l'Amour" sont dates de juin 1872 par


llouillane de LEI.coste. P. Guiraud, dans Bon "Evolution Statistique
du Style de Rimbaud" (4) se rapproohe de cetta conclusion. II
taut done admettre 1'uaage des excitants par Rimbaud (Ie hasch1ech

(I) "la voix publique avai t donn& aux 1I]'idawis" (lee D~vou~e)
1e nom de Haschiechins ou "mangeurs de HaBchisch". Le nom
Be Hpandi t. " cf. BOUTHOUL J LE VIEUX DE LA MONTAGNE
p. 204.
(2) "Le Vieux de la Mont~gne" s p. 200 OPe cit*
(~) id.. p. 199 ide
(4) Mercure de France : Oct. 1954*
du moiDS) et eel& dee l' ann'e 18'2. C. qui n'est apres tout
gu~r~ 8urprenant puisque Rimbaud avait manifest' BOD intention
d'y recourir des "l'&poque ou il projetait Gon Alohimie du
Verba" selon Ie t~moignage d Delahayit (I). On sait par
ail1eure, selon I s. mSme source, que Rimbaud aura.:i.t "tatlt" du hssch...
isch pour la promiere fois en novembre 1871. II aurait ainsi
done poursuiTi ses exp'rienees en 1872. On remarquera que,
selon Ie. critiqua interne, les "Deserts de l'Amour" ne peuTent
appartenir a l'ann~e 1871, puisque Ie h&8Chisch ntapparait
qut~ Is. tin de cette memo ann6e.

En donnant a sa eonclusion une port'. g'n'rale, Ie


po~te .lui attribue un sens proph6tique : Toiei qu'arrive Ie
temps ou r~gner& Ie poison. II faut admettre quia cet 6gard
11 a vu profond ~men t juste.

-------------------------------------------------------------
(1) opo oito UDelahaye, T:moin de Rimband" : po 346.
of 0 ausai ' (id,) . p. 34. "VerB 10
mois de novembre 1810, Rimbaud me d6veloppe ea premiere
idae de ce qu' i1 appellera plus tard "!Alchimie du Verhe".
1540

OUVRIERS

C'est en effet un couple de jeunea ouvriera (Ie poete ot sa


compagne Henrika) qui dOltnS Bon titre au po~m80

"0 cette chaud$ matin~e de r'vrier. La Sud


inopportun vint re1ever noo soavenira dlindigents
abourdes, notre jeune misere. tf

Une matinee dl:hiver troubllle par un vent chaud venn uu -


Sud, sans doute assez oxceptionnel etant donn~ la saison : tel
est 1e point de d~part de la narration po6tique. Ce IlSud in....
opportn.n" Gst peut ... etre aga~s.n.t mais i1 est Burtout ma.1 venu
par 1es associations qu l i1 d'c1enche dans 1a m~moire du po~t~ :
"10 Sud me rappe1ait les mis~r8.b1es incidents de mon enfa.ncs~
mes d6sespoirs d"tlt .. e" 'rols sont les "souvenirs ePincl:l.gemts
abaurdeB". Pourqoui "absurdea"? Parce qufen effet 1e poete Gait
"l'horrib1e qua.ntit6 de force 0t de soience que 1e sort a toujours
'1oign~e de (lui ).tt(I) Absurdit6 de cetta indigence qu i1 doit
'
ofirir en partage a sa cOBpagne ("notre jeune mis~re") quand 11
possede en 1uj....meme des tr~sor9. - linsi dans VIES' I : If je VOUB
indiquerais lea richessea inoutes", dans SOLDE : tiles rioheases -
jail ~an t d ehaque d~marchel solde de diamante sans controlc! "

Rema~quons que 1e verba reI ever a une connotation


p8.rticuIi~re chez Rimbaud (" ... vint ,;relov~ nos sQUVenirB Il ) .. I I
est pIac' sous le signo de 1& puissance ; a.ins! Illes tentures
car-41in&es se re1evercnt sur les maieons" (2) at dans GENIE tt tous
1&8 agnou1l1s.ges ancions at lea peinea -,!'el.eyj.!,&! a s& 8uit~.N
Dans Ie prs,sent conte:xt~. "relever nos aou.venirs'~ Gigntf!e l ouX'
r~lldre Is. Viet"

--_._----------- -~--------

(I) ofe Suprtto


(2) CONTE
"Henrika avai t un~ jupe de coton i oarr.au
blanc et brul\9 qui a du 'S'tre pOrt'e au sieele
dernier 0"

Cette jupe de coton est en effet le si&ne accablant


et charg6 dt am rtume d~ 13. "jaime mis~relt du couple. L'ironie
am~re du po~t o iranaparait en effet dans cette observation
.prosarque : "qui a du etre port'e au si~cle dernier." Le
trait est cruel pour celIe qui es~ la compagne. L'accoutrement
de 1& jeune ouyridre est compl~t& par wunbonnet a rubans, et
un foular.d dll! 90ie .0." Et 1. poete conclut, cette fois SallS
ironia : "C'.stait bien pluB triate qu'un deuil." Lo poete
est aocabl& par Ie specta.cle de sa propre mieere que lui
renvoient sa compagne at les lieux qui l'entourent : "iOUB
fai s ions un tour dana 1& banlieue. Le temps 'tait eouYert, ~t
ce vent du Sud oxeitait toutoa les vilaines odeurs des jardins
ravages at des pres d6ss6ch'so" (I) Le ciel lui-meme, morne,
baa , accentue l'impression ceablante qui 6treint Ie coeur du
poete. C'est qu'il a une eonnaiasance intima, vecue, de la
misere. "Jte%~cre 14 mi~~re" dit-il dans ADIEU (2) at encore t
/
"Ab! les haillons pourris~ 1. pain trempe de pluie e11e ne
finira done point eette goulo reine de millioBe d'amos at de
corps morts ltaffreu 'vocationl .0" La misere regne
einai sur un p0uple de ~ort-vivants, ceux qui sont morts &1&
vie; d'ou. I t expression s \\C'&tait bien plus triate qu'un
deuilo"

L 2 humeur de 1&. compagne du poete ne semble pas Gtre


tres affeo'iiOe par Ie pays agc .triste de cette banlieue. El10
6ehappa en tous C&8 aux 8o~bre8 penaees de Bon compagnon et
garde son imagination viiVe et ploine de frdcheur, "D8l1.s une

--------------------------~.------------------,-----,------------------
(I) of. "oette fleur ~ue n I & point touch'. Ie v'ent du Sud 'i dans
un des tout promier pO$mos de Rimbaud (LI Ang. et l' Enfant,
1869).
(2) IDlE SArSON EN ~FERo
flacho laiss&par l'inondation du mois pr'c6dent a un eentier
assez haut. elle me fit remarquer do trds petite .. -poissottoo"
Sans dout~ s'sat-ollo renduG compte dea'id'ee noires du podte
at Gssaie-t .. elle de Ie sortir de 1ui-m@me, oe que ce1ui ... ci-
prend pour insouciance at l'g~ret6 : ,"Cela ne devai t p8,8
1'atiguer ms. femme au m@me point que moi" dit-il, l aiaeant
entendre : puisqu'e11e eat capable de se diTertir et 'de
IIremarquer de trds petite, poissons."

0 "L a viI
' 1 0, avec sa fumes
L e t sea bruits de
m3tiera, nous suivait tr~s loin dans les chemina. u

C'eat l'emprise de 1& ville sur caux qui lui appartiennent


qui so maintient ' longtempa apras qu'alle a disparuJet se ?&ppelle
! eux -comme une pens's obs~aante. La ville c'eat "10 port de ,
la mist\re, la cit' 'norme au cie1 t~ch' de fou ot de bouetI)
ce sont encore 1I1e8 spectres nouveaux roulant ~ travero 1~pai6oe
Ii
1
1

et 6ternel10 fum~e de charboDe" (2)

J
Quel contraste aveo "l'autre monde, l'habitation b'nie I
I
par Ie 01e1 et l~s cabrages!" - A Is vie maudite s'oppose I
I I
"l'habitation b~nie." "L'autre monde", c1aet 1$ Bonde de I
I
!
l'enfanof.t d&voil& dans ENFANCE I : "son domaillG, azur V'le cic1 U ) i
et verdure Vl 10s ombrages lf ) insolents." C'est Ie Monde de Is. I,,
1ibert~ sana limites, des ' vastes eepaeee, d'una vie haraonieuue j
paree queen r~oonanee intime avec 1a natur i
.1
1
" Le Sud me rappe1ait les mis&rables incidents de
on enfanee "
I I
,I Ii
1
A 1~ source da eea incidonts i1 faut certeinement
compter 1& tyrannie de Mme. Rimbaud dont un example n~us eat
i I
,I
Ii I

----------------------------~------------
(I) ADIEl1 : UNE SAISON EN EliFER 1
(2) VILLE :I
I
I
!
157o

...
rapport I dans VIES III : rt4ans un grenier ou je fus enferm4
.. l'age de douzCt ane 0" (Sans doute, Q.us",i, la mloero ,
ainsi dans VIES II 10 po&te (ve.guomen t) 8' &meu t It au
souTenir de l'enfance mendiante.") 11 est probable que Itla
tlsch n que contempl e un instant le po~te raTiTe aussi sea
....
souvenirs d'enfanco , "c'est 1& flache noire et fro ide ou
Ters le er~puscule embaum& un enfant aceroupi plein de
triotesses " (I) Quels sont les "d6sespoirs d'&t'" du
po~te? ("L8 Sud me rappelait mes d'sespoirs d6t'") .
Co sont bien sur lo~ &t's pass~s sous 1e toit familial, avec
pour unique horizon 1e petit monde 'touffant de CharleTille.
Retenu par la tutelle maternello, 10 podte maintenant r'duit
d l'inaetion, se retrouTe sans doute dans ces "petits entante
(qUi) ~touffent des mal edio tions le long des rivieres. n (2)
La biographie du po~te permet de situer ces nd~8e8poir8 d'It'" :
l'6t' 1870 dabord. '. C'est 1& guerre : Rimbaud enrage de la - '.
eontrainte maternelle, de son statut d t 6colier suant l'ob&iasanco
et le devoir. Fin aoat i,l prand 1e train pour Paris "where
the aotion is" et se retrouTe en prison, voyageur sans billet.
L"t~ suivant c'est le d~aespoir qui suit 1 t 'chee de la Commune
et l'an&antissement de ses illusions sur Paria, sur 1a r~Tolution
qui devait changer leo conditione de Itaction, de la destin6s
humain~. L"t& 1871 arque la rupture avec 1& soci&t~. CeGi
6elaire l'affirma.tion qui suit:lfl'horrible quantit& de foroe
et de acience que Ie sort a toujours elolgn&e de moi." La
foree et la ocienc. ont pour lieu oommun 1& puisaance, lci l~
pouToir de changer le monde par l'action. Et c'est l'action
~ustement qui lui est rafu~68t comme elle lui a toujourjL 6t6
reins's (Ie Bort) parce qu'il nta point de Upl aoe " dans ltordre
Toulu par ls Soc16t6. Cg est co d~saccord fondamental SQ~ 1&

(I) LE BATEAU IVRE


(2) JEUUESSE I
1580

destin~e humaine qui Ie separe do la Sooi~t~, l'i.ole et Ie


r~duit a l'impuisecmce. "L'horrible quantit~" lIouligno la
torture de Rimbaud eonsumc1 par sa propre ~nergie ",itale, .t
r&duit ~ vendre sa foree de travail : i survivree . Le titre
du po~me est, rappelonB--le .. OUVRIEP..s .

" Non' nous ne pasaerons pas i'~t' dans cot STare


pays au no us ne serons jamais que des orpheline
tiano&s."

Clest Ie sort qui s'est montre avare d'opportunit's


enTers lui, ai1leure at ioi, at qu'il .ssaie de conjurer.
Passer l"t~ dans "oet avare pays" c'est renouer avec lee
'chaos ant&rleurs, eonnattre &nouveau Ie desoepoir, l'aagoisse.
uorphelina fianc's" projette une image touchante dtoll 1a
sentimentalit~ nfeot pas exolue. Orphelina exprime llenfance
abandonn~eet malheureus@, Ie deuil. Chez Rimbaud Ie deuil at
l'enfance sont souvent associ's. Dans APRES LE DELUGE, "les
enfants en deuil regarderent les merveilleuses images" C dans
ENFANCE I elle est "sans parents, ni cour .00" ; dane PHRASES,
nous croyons retrouver lea orphelins fianc's 6chappes de quelque
eataclysme I "quand Ie monde sera r&duit en nne plage pour
deux enfants fideles .0." Enfin dans ldOUVEMENT, "un eouple de
jeuness8 s'isole 'sur l'arch. 00. at chante et se poste." Les
orphelina liane's ee gont eux qne Ie malheur et Ie sort ont
riunis I compagnons dtinlortune et de misere qui suscitent
plutGt Ie. piti6. "Fiancea" marque un ltta.t tranaitoire qui
stoppose au mariage, ~tat permanent ("cet avare pays ou nous no
serOElS jamailil 9\lG des orphelins fianc6a"). Dans cs "que" il y
Q touts 1& distance qui s'pare une eimple relation bas6e 8ur la

fid61it6 personnelle, d'une relation consacr&e et officialis&~


dans Ie m8:t'iage, c'est 4 dire reconnue. N'oublions pa.s que 10
poete a di t "nut femme" en parI ant de sa compagne, ce qui 'ala-ire
159.

peut-Gtre un d6eir dtavoir un statut social. La critique du


poe"te vise ainei Ie manque de consid6ration dont le jeuna
oouple est l'objeto Cel18-ci lui est mesur6e avec avarioe
(eet &varc pays) Bur son apparcnce la plus juste et la plus
eruello , sans parents ni famille, ouvriers trahieeant la
m1sdr dont la j unesse &rrache peut-ftre quelque sentiwent de
piti'_ Pour la 90ei6t~ ce Bont des vagabonds en transit qui
n'ont pas droit d 8a reconnaissance , Ie statut 80cial .
Fianc6 8' oppose done iei au mariage qui marque I' in t'gra:~ion
du couple dans In soci6t& et sa reconnaissance officielle.
"C'6tait bien plus triste qulun deuil" devait dire si justament,
Ie po~te, 6voquant deja ces orphelins fianc~s.

Rimbaud a toujours 6t6 tr~s dur avec lui-mame at 1a


oonolusion du po~mc confirme ce trait de caractdre - J il Y
affirms son refus de stapitoyer sur lui-meme, de .'incliner
devant Ie sort : "Je v~ux que ce bras durci ne tratne plus
~ne c.h~,.;:e_imaee..!." Refue de stapitoyer marqu' par la tournure
intentionellement emphatique pour mieux aoquer 1. sentimentalit~
.Adioere qu t elle comporte ,"une ohare image".
Refus de s'incliner aussi devant l'adversit~ A laquelle il
OppOS8 sa volont~ de puissance : "je ~ que ce bras duroi "
Toute la phrase est construite selon un plan sym'trique
rigouroux : A l'affirmation de l'ego:"je veux")stoppose
l' absence d' ego de celIe qu' on Itcra1ne" . ; l' expression lice
bras durci" contraste en tout point avec son pendant : "une
ch~re image."

Le d'mons trat1 (ce) aTec l'ind~fini : (une)


L'adjectif (durci ) avec l'emploi l6gerement pr~cieux de "chere"
La r'alit6 Tigoureuse et coner~te du-bras avec Ie figure at-Ie
tlou de I'image.

II reate 1. donner un contenu a cette "image". L8


oontexte nous permGt de pr~ci8er sans erreur : ltimage que
160.

l'on "tratlle" a son bras au cours dtune promenade ne peut 6tre


qutune femme. -II est int~ressant de remarquer 1a d'gradation
subie par Ie personnaga d'Henrika dans 1& narration : elle est
d'abord 1a femme du po~t9 ("ma femme") pour enfin ee r'sorber
dans l,anonymat des compagnea du po~te ("une chtlre imagen). '0

L'image,ce n'est pas la realit~ mais son reflet. Ce qui signif1e


que Ie poate juge s6Terement mais a leur juste meeure seo
relations ' amour~uses 0: e1los ne sont que l'apparence de l'amour
comme lea mots &chang~s ne sont parfois que Ie signe vide - 1e
maaque - de 1& communication. Ainsi dans ENFANCE I, 1e pocte
s'exclamait d6ja en conclusion : "Quel ennui, l'heure du -
"cher corps" et- Il cher coeur tl llt

Cett. approche commode se hettrte ~ourtant a uae


r6sistanee du texte : le poete a bien dit "~ ne passerons
pas l"t6 " C'est done qu'il associe Henrika a son sort et
qu'i1 enTisage un d'part en -commune Uaie 0'i1 songe &emmener
Henrika, des lora "la chere image" ne peut .Yoir 1e sens que
noue lui avons pret& Le ton de -1'expression est toutefois sans
aueun doute d'lib'r~ment pr~cieux et contraste &Yec "le bras durci".
!lors cetta image ne serait-el1e pas eimplement l'image du couple
en promenade que Rim'baud tourne ; en derision? On 21&1 t le df,dain
~u'i1 professe pour tout "bonheur 6tabli".
I6I.

L E S P 0 NT S

"La Tamise est Buperbe 000 ponts veritablement


-babyloniens Imagine un soleil oouohant vu
a traTers un orepe gris." (I)
Verlaineo

"Nlen finis sent pas les ponts .00" (2)


G. Nouveau

"Des oie18 gris de oristal."

Le ton neutre et objectif est oelui de 180 description,


.'est la reproduotion fidele et impassionn&e de oe que Ie poete
voit. (3) Nous avone ainsi un tableau devant les yeux, es-
quiS8~ des les premiers mots par Ie pluriel : "des oie18". (II
est int~ressant de remarquer que l'expression "ciel de cristal"
~tait usit&e autrefois par les astronomes tcf. -Littr') I leon
sait en effet Ie gout prononc~ de Rimbaud pour les "vieilleri~B
po'tiques"). Ce pluriel introduit 1& nuance (4) tandis que
l'adjooti! gris associ& a
oristal projette son 'olairage sur Ie
tableau (5) I una lumiere oendr&e qui donne a
la soene son
"aura".

La phrase 8uivante est sana verbe I 1e aujet s'effaoe

(I) a Lepelletier I eeptembre 1872.


(2) a Richepin s 26.3.1874.
(;) cf. Infra. "on distingue 0 0 . "
(4) nuance appaxtiant a 1& meme famille ~tymologique que nuag
(5) lea oircuits 6cl ai.~s du ' e anal
I62.

pour m! we 1aiS15er " gir" 1& soene (I) , noua TOlons


d'abord ainai 1 s "bizarres" lignes g~om'triquos dessin'es
par lee ponta s droitB, bo~bes, descendant, obliquant en angles,
figures, circuits. C~B lignes semblent se prolonger &l'infini
par un effet de jeux de miroirs : "ces figures oe renouvela.nt
dans les autros circuits 'clair's du canal." Le dynamisme de
l'6pura est renforc~ par Ie mouvoment g6n'ral des lignes I
deseendant,obliquant, se renouve1ant, autant que par ls.
mouvance du d~eor : "les rives, eharg~e8de d6mes, stabaissont
at s'amoindri8sento" L'&lan a'rien des ponts : tltous
tellement longs et l'gers", provoque eet effacement des rives (2).
L'effet de eontraste est soulign~ par les adjeetifs : lea
ponts sont longs et l'gers, mais les rives n charg6es de demes" ;
1e dome 'voque une armature puissante at massiT. et s1oppose
aux"mesures". Ces "quclquos ll ponts Ucharges de maBure" ne
contredisent en rien l'impression generale de grice a6rienne,
puisqu'ils Bont deja inc Ius dans Ie "~ tellement longs ot
1'gers."

" D'autres 80utiennent des m~ts, des signaux, de


freles parapets."

En terme de marine les signaux sont des pavillons (3) :


ils Bont done &8soci's aux mats. Si les ufreles parapets"
atapparent~nt au bastinguagedtun navire, noue glio8Qns in-
sensiblement de l'image de ponte vers celIe de batiments de
mer. Ce glissement d'images atach~ve dans 1& phr S9 8uiTant. :
"Des accords mineurc se croisent, at filent, des cordalr JIlontent
des bergeGo It Cos cordes montant des berges sont peut.etre :~ ~" .\

(I) bel exemple de cette po'sie objective annonc~e dans 1a I

LETTRE DU VOYANT I
(2) et Iteau est "large comme un bras de er"
(3) cr. Littrl! I
;J

j
I,
I
I
deB amarres ; mals ee qui rotient l'attention c'@st la
mobi11t& extreme des images at dee sons. Hous reeevans
Itimpression de trajoctoires c~laate8 ; l'atmosph~re est
sillonn6e de "bandeD de mucdquQ rare" (I), travora~e de cardoso
nCordes" et Ifaccords" ant non seulement 13. meme 'tymologie
.
mais 11s se rejoignent dans Ie mouvement les accords
"filentll.

Ainsi uux lignes g~ometriques des ponte qui s'entre-


oroisent ( 2) oorrespond 1& g~om~trie e~le6to des accords
musicaux qui se eroisent at filent leur trajectoire. Ces
bandes de musiqua rare sont trop ~vanescentes pour ~tre pr~
cis~es : "sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts
seigneuriaux, des restanta d'hymnes publics?" La tableau eDt
comp16t' par Is. eou1eurt qui lui faisait encore defaut , "On
diotingue une veste rouge, peut-etre dfautres costumes et des
instruments de musiquoo" Couleurs 6clatanteo et brillantoB :
Ie rouge , at l"clat des cuivres qui doivent oomposer ces
instruments putsque 10 poete ~voque des tthymnes publics". AustJi
"lteau est grise et bleue", infusion des ciels gris dans la mer;
et soudain Ie. conclusion du podllle tombe comme un couperet s "Un
rayon blan9 tombant du haut du cie1, an~antit cette com&dieG"

Dans co ton neutre, r~solument objecti!, noue sur-


prenons l ' acc~nt de rage grin~ante du po~te fmstre de sa
cr'ation : il n1a plus soudain devant lui qulun cadavre. (3)
Pourquoi en effet qualifier de "comedie" 1a vision qu'il vient
do depeindre? Car eom'die prand ici une valeur ~ejorative s
ee qui est fiction, qui nta pas d'existence reelle. Le poete,
qui s'~tait ~Tade un instant du monde quotidien eat ramen'
brutalement a la r~alit& s "un rayon blanc, tombant du h&u!
du ciel .. 0" Ltimage appelle cello de 1& [oudre, instrument de

l I) ef. VAGABONDS
(2) et oe renouvellent &Itinfini
(3) cet accent, cependant, est vits recouvert par I'ennui dnns
lequel Ie poete semble etre retomb&.
164.

la cGler. diyinc qui frappe c0lui qui enf~oiDt Bes 10ia.


Chltiment que Ie po~te semble accepter &yec fatalit' Ralgr'
un mouvament de r6volte w vite Atouffe aous l'indiffirence et
l'ennui. Quelle eat la transgrcosion commise par Ie poate?
C' est Ie d~sir de sor'Ur de ce monde p de "e' &ve.der" dana
"ltautre monde " qu'i1 poarsuit iei gr~ce a
8& vision po~tique.
C'est Ie monde de l'harmonie et de 1& fete qu'il a entrevu un
instant : fete dont i1 nous reate l'6cho lointain d'sire
populaires, de conc~rts seigneuriaux et dthymnea publiquee.
Harmonie de ces figures g(,om~triques qui s'entrecroiBent, avec
les trajectoircs de ces accords musicaux qui se croisent at
filent, sa.tura.tion des airs' dans 1 tactivit' intense. Ces ephtlroa
et ces mondce ont une grande puissance de suggestion ,
Pythegore (I) et Pascal nly Bont POiRt 6trengere. L~ texte
de Genie en ramasse Ie quintessence : nous y reconnaissons
"ls. terrible c6U~ri t6 de Ie. 12erfection.,a des formes et de 1'.!.Q.tion_~"

Ainsi "Ie rayon blanc, tomb ant du baut du ciol" prend


bien valeur de ehatiment divin, d'une exclusion eemblable t cell
du paradis terrestre, et m3me d'un jeu cruelo Ltultime reS90urce
du polite, pour ne pas 3tre6cras6, clest de r6duire oa vision A
v~e fietion. Ainsi ce oqui a 6t~ produit par pure eontinge~ce G
par un jou du hssard - , et qui st~vanou1t pa1'eillcment, nlest
lui~m8 ae que jau : com~dieo Yals quoi~u'il fin dioe apr~8 coup,
le po~te n 6t' pris au jeu : l'illusion de la r&alit6'pendant
un instant lta. prise sous Bon charme, 10 po~me reate 11 pOUT.' 10
prOUV0l!'o

Qua manque-t .. il a Is vi.sien pour 'tre r'elltl'l La


dimension t emporelle.

En conolusion nous ferOllSls. rems.rque suivante , toute


cette architec ture ompliqu~e, entreoroie6e nous suggers lea
famen ea priDons de PiranGsio Ls rapprochement ne eerait pa~
i"ortu1 t : puisque caB ~e.vures ont cons'Gamm~nt ' t6 associ6es aux
pay3agee de l'opiumG

--------------------------------------------
tI) of" auesi Is. LETTRE DU VOYANT : ,tTolljoura p10ins du Nombl.'a ~t
I650

V ILL E

ttJo au1a un ~ph'mdre at point trop m~contel\t


citoyen d:un. m&tropole crne modern. ~ "

II faut comprendro citoyen dans Bon acccption


or1ginell0 d'habitant de l a Cit' : 1ei la m~tropol., ctest
a dire Is. villc-m~reo Cellc-oi eat "oruo moderne h (I)
IIparce que tout gout connu a. 6t6 ~lud' dans les ameublemem.ts
et l.xt~rieur deo maisons auss i bien que dans Ie plan de
is. villeo" Autroment dit Ie refns dtimiter les formes
anciennes no s&urait constituer a lui seul un brevet de
modernisme : Ie ton du poete est s arca,atique envers ses
ooncitoyens dont 11 souligne l'absence totale de goat ("toui
gout connu & 't& 'Iud''') avec humour. Mus ce manque de
subjectivisme n'est peut-etre pas pour lui d'plaire, momentane-
ment du moins ; (je auis un ephemere et pas trop m'content ).
Car, par aillours, il pr6sente un aspect positif dans 1&
population :- l'absence de "trace d'aucun monument de super-
stition" (2). La superstition est en effet de la meme origine
que Ie f&tichisme : el1e a beeoin d'idoles. Ella t&moigne
d'une ment~lit' primitive , craintive et ignorantc, bien
eloign's en tous cas de l'esprit moderne.

(I) Il nteot pas interdit de penocr que Rimbaud ait recherch'


I'ambivalence de "ClrUO tt (participe pase6 et adjec ti!)
&fin de provoquer un entrechoc avec "moderno" . Cola
dts.utant plus que Ie "goat" vient r~activer Ie sens du
a l'udjectilo J,'aesociation incongrue "crue ... moderne"
aurait alora pour but de signifier 'Ie manque do gout de
ces citoyensa
(2) Neter que "superstition" appartient au voca.bulaire d Ii
ma:~crialist es du ISe tHelveti'llS, d'Holbacb)
ef. a.ussi VERLAINE : uLondres, sane monuments aucun
SQU!' ees interminables dooks t qui S~ti:i'i3ent "0. mu po ' ti'quo
de plua n plUG !!22...<trn'i 8t~) : Lettre a' Lcpcl1 atior 24. 9.1872.
1'66.

"La moral~ at 1& l angue Bont r6duits! ~ leur plus


simplo xpreasion r enfi !"

L~ur plus simple expression , ctest cequfil leur


taut et suffit pour itre affienoe , ctest ~ dire que 1&
morale ne doi t veiller qu t a r~mforcer 1 t .effic ac i t~ de I' aetj.on
dana les rapports humains. 11' est conds.mnable, done, que ee
qui nuirait A I s. Boci&t' , etest une morale utilitariste. (I)
La notion subjective de conscienoe est effac6e. La langue ,
de m8me, r&duit Is. communioation au neoesss.ire , elle est
striotement fonctionnelle, adapt~e i son objet. Dans cette
'oonomie, notone 1a sobri6t6 des rapports humaina ; la
religion n'a pas de place : 08 qu'aooueille Ie po~te avec
satisfaction , "enfinl n

Nous savons ainai 09 qui attire Ie poete dana Ie


modernisme de eette m&tropole : c'est le pragmatisme de '
ees habitants, l eur m&t~ri alisme positif qui ee rapprochent
de ses propree r eoherohes pour or&er un langage qui 'pouse
,
l'action , qui soit meme "en avant tt (2)

,tees millions de gena qui n I ont pas be8oiD. de


ee connaitro n

II Y a une 8Ssez grande probabilit& pour que ces gens


soient l os Londoniens puisque Ie poete leo oompare 8.UX I!peuples
du oontinent"o Ce qui rendrait compte par ailleurs de ltentr&e
en matiore du po~me (Je Buis un &phemere aitoyan), Ie po&te
~ant s'journ' a ' Londres a pluBieurs repris$8. (3) "Ces

(I) Nous pouvons rappeler 1ci 11 i nt6ret que porta! t Riil1baud 8.UX
id6 ee dtHo l y~t!us, ardent d6fenseur d'une morale fondeo sur
ltint'rat g6~6ral.
(2) of LETTRE liU VOlANT : "Ie poete serai t vraiment ,!!Il mulj;iJJlica...
t our de pr~gr&o t cet avenir sera material1ste, voua l~ voyez .
In Po6a:i.e ne r.rthmera plus 11 action, olle sora en avant."
(3) Enfin, 19 peete emploie plus bas un mot a
r'B onsnce anglaise
"oo ttage:!.
millions de gens" 'voque 1 'anonyI!la;t de 1 'individu dans lee
grandee vill~m. Pou~quoi nt~prouvant-i18 pas Ie beooin de s~
connaitre? Bien siMplcmeut parce que oe n'est pas n60eas&ire :
lea rapports humains Bont fonc'liionno1e, Ie 1 angage est objeotif,
effi?B.oe , d6pouil16 de toute rh6torique. Des lors pour quoi aller
au dalEl du langage, du message? La personnalit6 du messager
importe peu : el1e n'apparait pas en toat oas a l'observai eur
i mpartiaL' qute s t notre ~phemdre oitoyen. Co qu'il conetate
chez~ea millions de gens" c'est l'abaence de toute vie individuelle

origins.le : "(118) 8llu~nent si parei11ement l"ducation, Ie


m6tier et le. vieillessa ..... Le verbe "am~nent" renforc ioi
l' axe o~mantique d'une continuit6 sans d'faut : ces diff~renteB
phase s de 1a vie s'enehatnent comma un m'cani sme bien huil'.
Noue retrouvons Ie meme axe s~mantique dans nee oours de vie"
(fluidit6).

n qUG oe oours de vie doit etre plueieurs fois


moins long que e e qu'une etatistique folIe trouve
pour les peupl es du continent."

Le poete joue sur 1a notion de temps : dtune part, Ie


temps v~cu c'est a
dire la conscie~oe que nous en avona, et
d'autre part Ie temps physique, objet de mesurea ("statistique").
C'est sur 1 t adverbe "pareillement" que repose ce paradoxe ; par
lui, les trois ~ges de l'existence (I) se trouvent indiff&renci ~s
et done ramen6s a un t empe uniquGo D'ou l'effet de oontraction
du temps ("plusieurs fois moine longe") ' suppo s & avec humour (2)
par Ie poete , pour si gnifier en fait la rapidit~ avec laquelle
i1 s'&ooule. Est-ce Ie signe d'une vie heureuse? Plut8t sans
donte dtune vie inconsciente, bas~e sur des automatiamOB psychiques
qui vellS "amenont" au' bord de la tombe promptement et sans heurt 00
tan~, 1e m'canisme de 1& vie est bien rod' S "6ducation, m'tier"
vieillesse" et il fattdrai t ajouter s mort. Dans oette m$tropole

(I) "l'&duoatiou, l ~ m~tier at lavieillessa"

( 2) cf~ "statistique folIe"


168.

on ost mort avant de eten apercevoi~e(I)

"Aussi comme t de ma fen6tre, je vois des spectres


nouveaux roulant d travers l'~paiesc at ~terne1le
fUm&e de charbon .oe" (2)

Se10n L:tttr~ "dans l'anoien frangaie on a dit "auasi


oomme ll marquant 1& comparaison par "co:mme". tlComme " n'est
probo.blemont pas ioi uneoonjonction, ee qui mettrait d'ailleura
1a syntaxe en d~f aut puisque 10. phrase ne comporte qu'une seu1e
proposition , "jet vois".

Le poete est debout a sa fenetre, (~) fascin' par 1e


flot humain qui s" coule inlasso.blement dans Is. rue, BanG cesse
renouvele par ttcosmi11ions de gens" sans visages , I1des
spectres". Le ilouvament est rendu par 1e verba "rouler", ce
qui renforce l'impression d'un 'rlux"irr~sistible dans 1eque1
l'individu est pris at r~u10 . comme pa.r 1a :Acr. La "fog"
londonien vient d'pouiller les habitants de la mtropolo de eo
qui pouvait leur rester de vie : il ne 1ai8so subsister que
des fantomeso Et le po~te ~voque avec nostalgic des souvenirs
dtenfanee, d'intimit& avec 10. nature : "- notre ombr~ des
bois, notre nuit dOete!" Rappe10ns ce texte de 1ruIT DE LtEUFER
"Ab! 1 t enfanee, Ifherbe, 1a p1uie, 1e lac sur l~s pierres, Ie
clair de 1une quand Ie c10cher sonnait douze 000" (4) Qu 1
contraste avec l~pnisse fumbe de charbon" t 10 poete ajoute s
,
t niost-ce pas 18 en afret l'imagerie traditionnall o

(I) ADIEU, "Cetto soule reine de millions d'ames at de corps


morts "
(2) cf. Lattre de G. Nouveau a Riehepin (26.3.1814) s ~Londr~s s
1umi ~re dt~clipse, odeur de muse at de oharbon dane lea
rues u un grand 17l0uveme.n t sans bruit de voix. tt
0

(3) Po ste d'observation familiar de Rimbaud que noue retrouTon8


dans VAGADOITDS s" et (je) finissais par gagner la
f'e notre".
(4) UNE SAISON EN ENFER
I690

de l' enfor , leD lLl!les erranteo (tides spectre.") dans Ie


feu ("1 & fumee do charbon) 6ternel?

La memo a88ooiat~on
eet poursuivie : "des Erynnies
nouvel1eo n (I). Les Erinnyea sont des divinit'. infernale."
appartenant a la mythologie grecque ; OOD "nouvelles"
divinites se "sont adap~'eD aux~oeure de It&poque et en
profltentpour circuler librement dans ce royaume des o.bres ,
11 1 a la, cont nue en puissance, toute la mis~re humaine qui
d'file * lila Mort sans pleurB un Amour d6sesp6r' et un
joli Crime " Lea me.juacul~8 indiqucnt que ohaque partie
de la triade est personnalis6e scIon Ie moddle de Ie. l4gende
grecque o

Qui Bont done 1es "Erinnyes nouve1leo"? (2) La


premiere a apparaitre c ea-t "la Mort sans pleura, notre active
fille "et servante "" $o.n La mort associ'. aux pleura clest 1a
perte d'un ~tre cher, Ie deuil. II ne stegit done pas ici de
mort physique maio de la mort de l'individualit' de ces "spectres
nouveaux". La "Mort" cleat 1e principe "actif" qui d'truit Ie.
vie de l'esprit ~n lthomme, servant e.insi celui qui aec1ame
l'effacement de 19. religion ("anfin l"), et "la morale et III.
langue r~duites a leur pluB simple expression." A noter qU&
"fille et servante" Bont des expressions synonymes ; selon
Littr~ "absolument , La fi1le, 1& servanteo~

II est encore possible d'interpr6ter "1a Mort sans


pleur~" comma Ie. d~nlystifica.tion d 'un ph'nom~ne apr~B tout,
naturel. La mort siintegresans effort dana"l'existence de
oes gene qui "amenent s1 pareil1ement 1"ducation, IB m&tier .t

" "

(I) Est~ce
une al1uoion au poeme tragique de Leconte de Li sle
"Les Erinhyce tt ? La pre~i(h;e r epr'sentation eut lieu Ie
~ janvier I8730
(2) ofo les "8ugpiri.a de Profundis" de DE QUINCEY s "Comme i1 y
& troia parques, trois Furies, 11 y a trois d&esses de la
triatesss. Elles Bont nos Notre Dame doa tristesaes 1
Mater Lachrymarull, Ma.ter Suapiriorum, Mater Tenebrarum."
1& vi$illesse." Dipouillee de sa dimension 8upr~naturelle,
1& mort Bans pleura devient Ie signe de la fin du surnature1 ;
e11e contl.'ibJue~ ain~i que Ie po~te dont e11e S8 fait I' "actiy~
rille et servante", ! l'avdnement du monde modern. qui sera
d~barrasB' de tout "monument de superstitiono"

It Un Amour d6sesp6r6, "

Le d6sespoir quand 11 concerne l'amour, exprime 1a


plus grande souffrance que l'homme puisse eonnattre. C'est 1&
parte de la vie claire, Ie gou~renoirt I'enrer de 1& o6paration
'ternelle de l'etre aim'. Rimbaud se rappelle peut-etre iei
une exp6rience personnelle (rapport~e par son ami Delahaye), du
temps de 1& Communeo

" .0. t un joli Crime piaulant dana la boue de

Nous imaginons la vie time sanglant~ 6tendue dans 1&


bou.o Noue retrouvons la meme association dans EITFAHCE V :
"1& bono est rouge ou noi2. Ville monstrueuse, nuit sans
fin&" Par un bizarre d~tour, la personnification du crime,
n' est pas fai te dans le criminel mais dans 1& victime. "Pia.uler lt
se dit des jeunea animaux et mema des petits entants selon
Littr& . La victime apparait sinsi comme Ie signe de la
monstruosit' du Crime elle est non Beulement innocente
mais sane d~fensao Monstruosit' que le poete observe BallS la
mo:i.ndre cSmotion ap:par~nte : I' adjeotif "joli" marque ce
d~t &ohemen t de speotateur.

Telle eat 1a vengeance des "Erinnye8 nouvelles" sur


la VILLE qui a oulu nier les lois du mond~ moral, les r~duire
ttal leur plus simple expression" : la mort de l'ame, la nuit
de la vie SNle amour , Ie meurtro de l'anfance.
11I.

".0& devant !ton cottage qui est me. pa.trie t


tout mon coeur "

La Bo1i tude du. poche ~clat$ a. travers c.es ligne s od


i1 se racerocb &1& eeule sphera de vie qui reste sienna ,
1 'habitation. La. r~p&tition das pOBsessifs : "!l,2!1 cottage ",
~ patrie" at "tout !!.2!! coeur" r~vele ce d~sir de conserver
Bon identit', de 1& prot&ger contre l'angoiBsc qui s iait
davant Ie vide de eea "apectres" ambulanta. N'oublions pas
que Ie poete est nun &phemere citoyan" de la l1~tropole :
un 'tranger done, heureux de retrouver chez lui Ie climat quiil
a or" o Le f ait qutil y Boit attach~ 8i entierement - s . n1g~l
man coeur" - est encore Ie signe de sa solitudeo D'ailleura
cet attachement vi en t comme par defaut , "puisque tout ici
ressemble t1 ceei", signifierait I "il n'y a pas d'autre
alternativeo"
172.

ORNIERES

Les orni~res ce 00nt "les traces creuses qUG font lea I


roues d s voitures sur la terre dana les chemins " (I) Les
chemins, le. terre 0 noua retrouvons dans ces mots simples lea
souvenirs dfenfance de Rimb ud. Et effectivement le po~me
pr~sente des analogies certaines avec ENFANCE II .t III. Nous
I
relevons I I
ENFANCE
II
!I
aut our du pare ce coin du pare I
I
I
I
les talus les talus
les feuilles d'or les feuilles
on suit la route rouge les ornieres de 1& route
humide I

des betas dtune gl'gance fabuleuse leurs betes lea p 1us I

circulaient &tonnantes ,I, I


11 7 Q une troupe de petits com&diens vingt vehiculcs pleins d'en-
en costume aper~us sur la route fants attif's pour une
pastorale suburbaine
vingt chevaux de cirque
la caleche du cousin crie sur le vingt vehiculea I fleurie
sable ~omme des carrosses ancions

quton me loue anrin ce tombeau meme des oercueils sous


blanchi a. ls. chaux leurs dais de nuit

La coincidence est meme si parfaite entre ces parcs, ces routes


rouge ou humido et ces teluD, cette troupe de petits com'diens et
08 cirque ambulant dont los vehicules sont pleins d'enfants, qulil

est tentent d~ 1 a ratt&eher au mema souvenir d'enfance. Nous


avons par ailleura 1~-des6uB le temoignage de l'ami Delahaye
'voqusnt Ie pa.ssage a. Charlo\pille d 'un cirque Ql1lStrieain.

(I) Littr'
Enoore une fois ce poe~e ae prdsente eomme un tableau ;
~
l'espaes y cst divis4 en deux parties : "4 droi te l'aubo
d'lt4 " et 1l1 0B talus de ~~ n A droite, e'~et la
lum1~re qui 4veill~ 1& Tie ; a gauche, "l'ombro violette".
Le contrasto est poursuivi dans 108 verbea & a1 "6veillo n
Jaarque Ie mouv ment \l t animation) , . "tiennent" donne Ie sene
de g~rder, conservor. Ltopposition au niveau s~mantiquc d0
la phrase est cependant emport~e par son rythme ' . d'abord
m~lodieux et nCbafn' : "~veille lea feuilles et 1es vapeur..,
at 1es bruit~ .$." 10 rythme pard son appui et fuit vers
l'infini en Euivant ules mille rapides orniires de 1& route
humid. tI L'&djectif "rapides lt donne finalement 1& perspective
ot Ie mouvement de la phrase, Ie nombra "mille" lui ajoutant
un efret multiplicateur a l'infini.

Co tableau ntest eependant que l'arri~re-plan dtune


scene centrale que Ie po~te r~surt1e en un "D&fil~ de ft18ries".
II s$mble en effet que ces "ehara" avec a1lurea de carrosses
scient sortie tout droit d'un conte de f'es ; Ie sentiment
du mervoilleux voile 1& perception. du r~el. Le d~~i14 Be
rapproche de 1& para.de avec les "chevaux de cirque" :
rapprochement fortuit puieque loa v~hicule3 ne font sana douto
que se suivr., leurs rouee prises dans les ttornidres de la
route humide. at

Ce "d'fi1'u de f"ries", . qui a 8urpris 1e podte A


l'aube, - peut-etre ayant paso' 1& nuit ~ la belle ~toile
(c'est If~te) -, devient 1. speotacle merveil1eux auqual i1
nous convie dtassister , "en effet~ vient introduire 1&
BCene et justifier eon caract~re peu banal.

"Vingt ,,&hiculog lt , "au grand galop de vingt cheva.ux"


dont "les mille re.pides orni~re81t sont comm. Ie sillage. Aveo
1& vitess8, Ill. 8c~n6 devient un kal'idoscope de eoule.rD r les
l'

I'!
I
ani /tUX sont "de bois dori". 11 y a. dee "toilea barioltfea", Ie. '.
chevanx mont ttta.ehet~.tt. II etagit probable~ent d'un cirque
ambulent. (I)

" ot les enfants at les nommes sur leurs bites le8


pluB &tonnantes ;"

L'sllianee tee enfants at des hommes ntest pas fortuit.;


pour Rimbaud el1e a "aleur de signe I el1e marque 1& ;r'collci1iatton
ele l'enfance 8'Yec la vie, oa reint'gra.tion ot ea. partioipation
active au monde de lhomme. Les "betas" sont sans doute dos
an1maux exotiques, chameauxt elephants peut-itre. Los tirets qui
Buivent 1ndiquent un. 8uspenaion du discours ot rulnonee t un
nouveau regard sur ce d~fil' I o'ost une Tariant., en somae,
de 1a description pr~cedenteo L'image pr6e'dente, un peu D&Uvage
t antiquo, de cee ohars entrain's pax des chevaux de cirque, est
civilis~o par une 'vocation de l'eleganoe 8t du luxe de l'Ancien
n'gime : "Tingt Tehicu1ec, bossos, pavoie's ot fleuris eomme
des earrooses aneienso" "Boss's" exprime 1& forme conTex de
ces vehicu1es i'ou Ie rapprochement avec des oarrosses. De meme,
dane NOCTURNE VULGAIRE. 11 y & un carrosse "dont l"poque ' est
.
aasez indiquee par les glaees eonvexes t les panneaux bomb6e "

uPavoiS~8"
est un t rme de marine maie Ie glissenent de
I

I'image ~tait d~ja 8J!10l:'C~ avec eee uchars ohargC,s 00 de mats " I
"Pavoie~s et fleuris u se rattachent 10i a un yocabulaire du I j
I
i
merveil1eux et clest pourquoi 1es carrosscs sont anciens, "ou de I
contos" 0 Nous pouvone -/luivre ainsi 1 t association d tid~ee fai to I

par Ie poeto : Ie merveilloux, les contee, l'en!ance. Et tout l"
naturelloment cee carroeU0S sont "pleins d' enfants att1f$s pour J,
,I

une pa.storale suburbailla". KP1eins d t enfant8" S c'est 1 l exub'rallcc

(I) II et curieux de noter que Rimbaud, aux dires de Don 1


Delahsye9 eurait travaill' quelques temps coame interprete
dans un cirque se d~plagant dens los pays nordique~.
I75.

et 1& joio enfantines qui d~bordent de oetto oaravan.. Et


POurt'81lt cett. "pastorale 8uburbaino". dont dljtl 1es ten
B'oppoaont, n'anno nce~ t~elle pas 1a vulgarit&, 1& fadcur?
D'autant plu8 que liaccoutre~ent des petits eom'dicne no
semble pas itre du moilleur gont : "attires" comporte une
nuance p~joretiveo Male cette na!vete meme renforce Ie
charme de 1& oo~n@ en lui pretant un caract~re inattendu,
un& dimenaion surr~aliBte memo.

Et volci 13 note finale de oe nd~fi16" de f~~rieB",


assez mysterieuse , "Meme dOB cercueils sous leur dais de
nuit dressan t les panaches dq'b~ne, filant au trot des grandee
jumcnts bleues at noires." "M~me" assure 1& continuit~ avec

Ie d~veloppe ent anterieur, cs qui nfeut pas6vident. II


apporte aussi un 61&ment de surprise : et, en erfet, 11 est
difficile dtint~grer ce corbillard dana Ie pr~c~dent cort~g
de ce cirque ambulant. E8t~ce m'tamorphose de l'image aelon
Ie. dynamique de cas tl reve intense et rapide" de VEILLEES..,
En tout cas 1& nouvelle vision qui en sort n'a pas de peine l
prendre sa place dana Ie defi16 de f~'ries. Maia ce n'est
plus Ie meL~eil1Gux eolor'~ enfant in J ce sont les puissancQs
des t~nebre8 qui filent davant nous ; "au trot des grandee
juments bleues et noires", coulaur de la nuit, comme eGs
"panaches dt~b~ne" et ce "dais de nuit". Avec l es cercueils,
ctest Ie spectre de la Mort qui passe, ~filant" dans "l'ombre
violette" selon les "mille rapides orni~ri!8 de la route humide".(I) ,
I1
11"08 t s ignificatif que ce d~fil~ de fcf~rie8 s t ach~v6 I
!

sur ces sombres apparitions : cette vision lugubre a quelque


ohose de mdphistophelique. Mais Rimbaud n'a-t-il pas repris Ie
pacta de Faust? Verlaine, dans sa pr6face 4 1a premi~re 6dit1on
Ii
I
j
i
1
(I) cf. Baudelaire : "Eveill't des proceasions funebrtt8 et
magnifiques d~fi1aient devant ses yeuxo"
"Les Paradis Arti.ficiels" OPe eit. p. 192 s La Pleiade
Tome 10
176.

dee ILLUMINATIONS ~'Voq\l.e "Ie ]'n,uat .. II 1 t immense poete


vivant &leve de Mephistopheles ot p06seeseur de cette
blonde MarBUerite." (I)

(I) La Vogue 1886.


V A GAB 0 N D S

, ,
"Je me vis errant dans 1es rues dtune cite tree
popu1euse et inconnue."
Nerva1 (I)

Rimbaud et 1& vie errante, ; "sur 1es routes, par de8


nuits d'hiver, sans glte, sans ha.bits, sans pain " (2), mais
cetta fois en compagni e d'un "frere n , fraternite 1iee par Ie sort
commun. Ctest sur cette evocation de 10. vie errante que se termine
Ie poeme , net no us errions, nourris du vin des cavernes ~~) et
du Qiscuit de 1& route " . Meme ignorance de sa destinee ex-
primes plus precisement dans MAUVAIS SANG : tltu ne sais ni ou tu
vas ni pourquoi tu vas n

Lterrance, c'eat l'absence de direction, mais c'est en-


core plus l'absence de sens a l'existence : 10. recherche, peut-
etre, de sa raison d' etre. Cette interpretation elargie est
o.utorisee par 10. conclusion du poeme : "moi presse de t~ouver
Ie lieu et 10. formule." L'adjectif verbal (presse) donne
uno precision fort interessante sur 10. IIpsyche tl du poete. II
nc sto.git pas d'un vagabondage sans but, oisif, mais bien d'une
recherche active, qui ne souffre pas de remise et ne laisse en
repos qu'ell e n'ait abouti. Ce trait de caractere dans 10.
personna1ite de Rimbaud avait frappe ses amis, dont l'un nous
rapporte cetta anecdote inventee ~4) : "Je m'imagine

tI) "Aurelia": La Plerade. Tome I op.cit. p. 369.


t2) MAUVAIS SANG : UNE SAISON EN ENFER
C~) cf. "Ie yin des c avernes", formu1e voisine dans "Les Reparti ea
de Nina't . s
Aux frais rayons
Du bon matin b1eu, qui vous baigne
Du Yin de jour?"
Et encore dE.i.ll6 "Ma Boheme" :
"CeR bons soirs de septembre ou je sento.is dee gouttee
D6 . rosec
" a. mon front, CO!lune un yin de vigueur."
lI!)el a haye T.el!l.oin de Rimbaud" ; pe 262 , Edc La BQconni~re/
Neuchatel.
Ie r$ueontre un jour en pl~in Sahara apr~8 plusieurs a~&eD de
s'paration. Nous sommes aeuls et nous no us dirigeons en cena
inverse. II starr6te un inotant. "Bonjour, commont Tas-tu? -
Bien, au revoir'! ... et il continue sa route."

& "proes& de trouver l~ lieu et la formul "

"Trouver u implique ainsi une recherche. Lo "lieu"


est ina5parable de l'action, Itce cher pointCi.du monde" salon lea
termea du po~teCl (I) Quant a 1& "formule", Ie terme a des
relente de magie, c'est 1& forme efficace, qui d'lie ce qui
est li&, qui ouvre oe qui ost i'erm'. La formula correcte
est un s&aam@, comme dans Ie conte des Millo et Un. Nuits.
La formule lei c'est done 1a solution, la d&livrance. C'est
1& d'couvorte qui d'un seul coup illumine Ie seul problema
r6el : eelui de l'existence, et qui lui donne son sons, sa
raison d'etr. C'ost donc 1& decouverte de eoi qui fixe (Ie
lieu) t ot lib~r() (la formula) l ,I,a.ction. ctest lui-memo quo
Bimbaud recherche. Voila ce qui Ie rend essentiellement
r.difi~erentu. at &tr8llger a son compagnoD d tinfor'tune. D~8
lora, Ill. pi toyabl" 1"r~re" est condamn' ! toujours BuiTre' ,
, ttj I &tai3 eurl ' de ne jamais entrer dana son Blonde" di t Ie
compagnon d I en1'er d 'UNE SAISON. (2)

Remarquons que Ie r&oit qui suit appartient au paas&s


Ie poete parle dOnno p'riode de sa vie qui, pour lui, somble
df!paas6oo P6riode &prouvant I "Que d'atroces 1"oill&08 je
lui du~&tt Et Ie poet& recapitule la Kyriolle dee reproohea s1
SOU'lTOllt entenduc S ' "Je ne me saisissais pa.. forvemm.nt de
cotta 0ntreprigeo Ja m"tais joue de Bon infirmit6. Par ma
faute nous retournor1ons en exi1, en osclavAg ."

(I) MAUVAIS ' SANG I UNE SAISON EN ENFER


(2) VrERGN FOLLE ( DELIRES 1)0
Sur 1e. toneur d.e oette IC en trepri80" nOUE) DOllmtt/!l
rens.1gn's , "J'&va.i s fin cffet, dit Ie podto , on toutQ
sinc$ritA d~~ B prit, priD ltengagement de I e rendr. Q 80n
'tat pl:.~.mitir de film du Solei1 .0." Etat primitif (I),
o' ost a dire tel que lU hoDme 8.vait 6t6 or" i l'origine ,
innocGut, - 8.Tant 1& Fa~ta , et libra - avant 1a Sociiti.
Lt'tat de "fila du Solei1" est plus fort quo I'harmonie avec
la nature, il exprime la fusion aveo les forco s de vie, 1&
DOD-s6paration du Coumos, l'homme rendu enfin a sa vraio
nature. !e1lo est du moins la promesse ambit1euse fsite par
Ie poete a son compagnoD ; Ie projet rappelle einguli3rement
oelu1 de MATINEE DtrVRESSE : "raseemblons fervemmen~ cette
promease aurhumain. eo. cette promGsse , cetto d~menoe' "

Ctest la meme fervour, maia absente cette foia. ("Je De me


t
saiais sais pas fervemm.ent 11 ) . Dane 1. mame poeme t 1e
contenu do la promease Gst pr5cise , lion nous a promia d'en-
terror dans l'ombre l' erbre du bien et .du mal " , 1
retour en exi1, en eoclavage d'marque l'exelueion du jardin
d'Eden et 1a Chute d'crits dano la Genese. Quant a"l'infirmit&"

( I) Voioi, a titre de ouxiosit~, Ie commentaire d'un critiquo


, " ,.': du d'but de ce siecle 2 ItSi certaines phrases
cependant des Il11xminations peuvont etre 1nterprotoes ~ il 1
nt n d~meur~ pas moins que meme 198 plus cl iras pr~sentent
aux lec teurs toutes 1es tares dtune intolligenoe ali&n'e
I
(cello-oi par ex. at l'auteu~ cite). Toutes ces prOBUS II
pr&scmtont lea oaracteres distinctifs (que leon t ro uve ) dans
1e8 HsnuBorita des fous Prophetesoit mais les proph~t~o
sont julia. Et c o sont bien toU! lea c aract~r~ s de la mentalit& '
juivc que nous d~oouvrons chez A. Rimbaud , mysticisms 6~erdu ,
inquiotude 'ternelle, d~sirs de destruction et de r&volutiono~.
6pouvante de l'ordre haino de la r~gl etc ~ Jusque dane
sa poraonno physique, pourrnit-on dire on rel~vG l ee deux
signss caracti riotiques du t ypo isra~lite : 1a gaucherie
et 1a triet0Bse."
J .MG :Bernard I Oeuvres , opo cit. po 246-247 ~ Edo Le Di.Va11
1923$
180.

dont i1 stagit, ce p~ut 6tre tout aimp1ement 1a faib1esse morale


d~ "pitoyable frare" Ie poclto aya- t abua' d~ SOll ascendant et
n&glig& 1a disparit& des forces. Il est encore possible que
l0infirmit~ en question Boit Ie o~ntiment de culpabilit~ s ne
transeende pas le bion et le mal qui veut. Dans ALCHIMIE DU
VERRE,"l morale eat Ie. faib1~s9& de 1a cel."Ve1le" d~cla.re 1e
poche.

..0 "II me supposait un guignon et une innooence tr~s


bizarres, et 11 ajoutait des raisons inqui&tanteo." -

Quand Ie titre du poeme est VAGABONDS, Ie "guigon", (I)


doit avoir des cons'quences pratiqu s partiou1iorement sanaibles.
ItL'innocence ft c'est "It&tat de puret' qui appartient a
l'ignorance
du malo" (2) On devin ainsi la substance de ces "raisons
inqui'tantes~ , derri~re ce "guignon", ne raut-il pas e.SBumer
l'existence dtune mal&diction divine contre celui qui vit par
d la Ie Bian at le Mal, bravant Ie. morale des hommes at d&fiant
Dicu? Ltentreprise elleQmemo n'ast.elle pas diabolique? Ctest,
sembIe-t-il, eette scola.stiquo inverD'e (3) celle de ltenfer - qui
vaut a
son auteur Ie titro de "catanique docteur"

0 "Je r~pondatB en r1ca!'lant, di t _Ie poete et


!inissaie p r gagner la !en~tre."

Lo ricanement tient lieu de reponse par Ie m'pris,


mais c'ost auaai une manierc de nourrir les inqui'tudes par un
comportement cyniqu$o Biontat lass', - Ie. sceno entre lea com-
pc.gnonD dolt etre ass z habituell , (4) Ie po;te a recours ~ eon

(I) cf. Eaudelairo : "II y at dans Ithistoire litt~raire, de vraioe


damnations - d~& hommes qui portent le mot "guignon" &crit en
cara.ctorea myat rieuxo" : Introduction aux oeuvres dtE. POE:
Calma.nn/L~vy. .
(2) Littr~
(:3) On sait que St. Thoma!!! est su.rnomm~ ttl'an~lique dooteur".
(4) tlQue d'lltroces veillees je lui dusl" ~ supra.
181.

pouvoir d'~va3ion : "Je c ~& aia, par dela la oampagne travere&e


par des bandes de musique rare, los fant6mee du futur luxe
nocturno oU

Qu' est .. o ~ qu e 1$ 1t1u x.e nooturne"? Notons que "luxe"


contras t e avec fl nocturne" : i1 stadress9 a Ie. vue et exprille
1a richesse ou 1& somptuoei t& de l'e.pparence. Ltimage de
"fantomes" s'entreehoque avec Ie concept du futur s maie s'i18
sont d'habitude 1e s r~surge nces de vies pase'es, ils expriment
ioi la substanoe dtune imagination visionnaire. (I) Pass',
futur, pr5sent, 1e. oxeation (ltje cr~aistt) contient 1e temps et
transcende ses cat6gorioe dans 1e. realit' de le. forme f n'an-
moina, et o'est l e sans de "fantomes", le poete ne er'e que
ltimaga de la r~alit ' , 11 doit se contenter de son ref1et.
Mais cette image sera. un jour (ttfuturlt) 180 r&alit& : 1'imagina-
tion est bien visionnaireo Vision de Ie. ville illumine_, . I

1e soir, "par dela Ie. campagne " Cetto distanciation donne


a la vis ion aa pr ofondC!ur, comme I' 'cho lointain de ceo I'bandea"
de mueique rare, sillonnant oetto atmosphere paisib1e. M8me
structure imaginaire que dans PONTS I "Des acoords mineurs se
croisent at filent 000 sont.oe 0 des bouts de concerto seigneur-
iaux?1t

.0. "Aprea cotto distraotion vaguement hygi&nique, je


m"tendais Bur une paillasse."

Le ton eat 16ger et desinvolte ("vaguement lt ) , cette


breve ~vas ion hora du r~el lui a fait autant de bien qulune
promenade dana liair frais de 1& nu1t. Ce reel~c'eBt non soule-
ment lee quere11 9 avec 1 "pitoyab10 frere" (les atrooes

(I) cf 4I. ~ VILLES II : II sous 1& lUltti~h'e qUo ~ on a. er~' ".


182.

,veill&cs ) mais auasi 1& miedre : "je JJl"tenda18 sur una


.R!il~asB.!t' 0

A
0110 stEt presque chaque nuit, aussitot endormi, Ie '
pauvre frGre se levait, 1a bouch. ponrrie, les
yeux arrach~s. - tel qu ' 1l Be r8vaitl - et me
tiratt dans la salle en hurl ant Bon Bonge de chagrin
idiot. 1I

Apparemmcnt, l'entroprise de restructuration psycho-


logique qui doitrendre Ie podte at son compagnon a nl'~tat
primitif de fils du Soleil" a serieusement 'branl' 1'6quilibre
d. plue fragile des deuxo (Noue savons qul!l elegit de Verlainc
qui sleat reconnu dans 10 "eatanique docteur U (I. L0 ca.uehe-
mar se pourBuivant dans un &tat de reve 'veil16, Ie "pauvre"
frere hurl. sa terreur davant la vision de Bon propre cadavre.
"Songe'de chagrin idiot It pour un esprit qui Be veut positif,
r& eo.lument moderne (Ie po0te). Et cependant Ie temoignage
d'ADIEU vient d'mentir cetto assurance : fI.Ah les haillona
pourrie~ .00 je me revois la peau rong'e par la boue et la peete,
dos vers plein les cheveux et les aisselles ot encore de plus
grOB dans Ie coeur J' aurais pu y mourrir 000 l'affreuse
'vocation! 000" II est vrai que Ie reve 'tait alors r&alit' J
cepcndant ne Bont-ils pas des vagabonds que guetto 14 mis~ret
1& "goule"?

(I) R~f'rence: tettre de Verlaine a Ch. de Sivry (6 aoftt 1878)


"Avoir relu Illuminations du sieur que tu saio, ainsi que
8a Saieon Gn Enfer, on jo fi gure en qualit& do docteur
sate.n1qu "0
(Le paliHH\.ge relatif allX griafa du "pi toyable fr~re" est trap
preois pour qu l 11 ait pu s'y tromper, de mema que los
hallucinations.)
II eat 6trange que Verlaine ~lae0 nVAGA1~NDSn dana 1& SAISON,
oeoi apras 1 t "avoir relu (e)fli Encore un exer4pla do son
impr~ciBion en matiere ehron~log1qu8.
I8}.

,
VEILLEES

Le titre est au pluriel et Ie po~te a pris soin de


distinguer trois paragraphes, formant ainsi trois po~mes.
Selon Littr6, 10. veil16e implique l'aesemb16e de plusieura
personnes : mais il semble que Rimbaud emploie veille et
veillee indiff~remment. S1 dans l~TINEE D'IVRESSE nous trouvone :
"petite veille dtivresse, sainte!", il ~crit dans PHRASES:
"una poudre noir~ pleut doucement sur ma veill~en ou 10. veillee
est bien solitaire. Le mGme usage est a. signaler dans VAGABONDS :
"que d'atroces vai11aGe je lui dua!"

POEME .1

L~
premier poeme cst stru.ctur~ comme un quatrain avec
ces rimes croiB~ec : "

#
sur Ie pre / ltaimee
l'a.mi / la vie
et Ie couplet final :
ceoi / fratchit

La poeme ntest pas essujetti aux regles rythmiques de


la versification mala chaque unit~ semantique ob&it
,
une loi a
rigoureusement parallele.
ltami
. dans la t"ina-le, r~p(Hi tion de Ie. m~me 1o.im6e
structure d t a.ffirmation,
la via

dans l'introduction : m8me structure c'est Ie rapos 6clair~


Q'identific ntion c I est l' ami
etas t 11 aimea
(cest) l'air at Ie
mondo
1840

et ident1te de la structure de ni fievre, ni langueur


d6negation ni ardent, ni faible
ni tourmentante, ni
tourmentee
~ point chercbes

Le rythme, plus souple que dans le. versification, cpouse


les variations aemantiquea de 10. phrase. Ainsi i1 s'~to.le comme
1es rides a. 1a surface de l'eau pour exprimer "Ie rapos 'e1air~1I
maia i1 se fait plus simple et direct pour l'ami, ninueux pour ls.
compl exit' dee relations amoureuaes, et enfin abrupt comme 1&
verite. Le couplet final remplit 1& fonction de distanciation
habituelle connu soua "la morale de l'histoire" : remif5e en
cause de eon ecriture par Ie poete.

Definition experimentale done de Ie. vei1l~e : "C'eat


Ie repoB ecla.ir~ t ni fievre, ni 1angueur, sur Ie lit ou sur Ie pre."

La veill~e ne ae concoit que la nuit: ausei la lampe


en est-ello Ie symbole (I) comme les "luminl!ires" dans le ciel
("sur 1e pre"). Mais "eclaire" signifie davantage iei Ie fruit de
l'etude et de la ref1exion : "i1 feignait dtatre ~clair' sur
tout " dit la V1ERGE FOLLE (2) dont la parabola de Matthieu
disait qu'e11e n'avait au v~il1er. L'etat de "repos eclaire" re-
unit ainai. les qualites d'equilibre interieur at de totale dis-
ponibilit& : consci ence la plus ~veil1e~ jointe a 1& paix du
corps et de l'esprit. Ce qui exc1ue tout exces dans un sene ou
dane l'autre ("fievre" c'est a dire excitation, et "langueur")
..... Cleat l'ami ni ardent ni fsib1e. L'ami." Noue retrouvons Ie meme
exclusion des extremes ( ardent, faib1e) au profit de l'~quilib re du
jllste

(I) lila lampe eclaire treB vi vcment ces journaux It

ENli'ANCE V0

(2) DELlRES I s UUE SAISON EN ENFER.


1850

~ilieu : cet Iquilibre iei souligne la confianco, qualit6


essenticlle que Pon recherche chez ltemi. C'est elle aussi
qu'~tablit Ie. veill' s.

n~o. C'eat l'e.imee ni tourmentante ni tourmen!&eo


L9aim~eo"

Est exclu co qui d~forme ou ternit les relations


amoureuseso La veillee reinstaure l'etre dans son int~grit~t
oalmees les passions et eloi gnes les soucie . : 0 test "1' aimee".
Telle qu'en elle-meme. Elle retablit Ie. transparence et
I'harmonia de 11etreJ Itl'air. et Ie monde point cherch~s. La vie."

Rimbaud repond ioi a VAGABONDS : "moi presee de


trouver Ie lieu et Ie. formula." Cette recherche est en effet
synonyme d'insa.tisfaction, signe dtune absenoe a
soi oomma
sentiment d'incompletude. L'erranoe du vagabond atoppose a 1a
ste.bilit~ du rapos 'olair~ oomme l'angoisse et l'inqui~tude a

Ie. paix int6rieure. Cette Btabilit~ est celIe de oelui qui


demeure en lui-mema, qui a fond6 son ~quilibre et nrest plus
en qu~te de que1que oholSe (I tair) ou de quelqu'un tIe monde).
Cette asaise en soi et ce detachement que donne Ie. veil1~e,
c'est "la vie".

Cette acquisition est remise en question par Ie


oouplet final :

"Etait-ee done oeoi?"

Pour toute r~ponae au doute souleve par la questioll, Ie po~te


eonclut :

nEt Ie reve fra1chit."

Ce faiaant, il an~antit 1a r~alit6 de ce qu'il vient


186.

d'4crire. Ctest Ie mame processus que dans FONTS o~ Ie po~te


d~truit sa cr&ation : " un r~on blanc tombant ' du haut
du ciel an~antit cette com~d ic ~ n Le rave signifie en effet
Ie d~menti Ie plus cinglant a Is. r6alit6 : "La vie". C'est
Ie faille par od a'cchappe Is. r~&lit' qu'il croyait contenir.

Observons la justesse du rapprochement po&tique : "Ie


r~ve fra~chit" - Le reve appartient en efret a
l'~I'ment a~rien
et I'tfratchir" est un terme de marine : a
la ' question pos~e
r'pond la dissolution des el&ments, la d'sagr~gation de la
r&alit& po~tique en images fuyantes, insaisissables, comme Ie
r~ve.

Mais comment expliquer cette m~tamorphose de la con-


science? Le reve implique justement Ie sommeil qui est l'anti-
th6se de la veilleo Comment concilier veille at reve? II existe
en effet un niveau de oonscience interm~diaire entre Ie veille
et Ie sommeil, connu sous Ie nom de "reve eveille". Cet &tat
mixte, - puisque la raison et l'imagination y prennent part .,
& 6t6 l'objet des exp&riences de Ren' Daumal du "Grand Jeu ll ,
entre autres. (I) II semblerait que les substances halluc1no-
g~nes aient eu quelque part dans ces recherches.

Longtemps avant, Ie Dr. Moreau de Tours, dans son


fameux ouvrage "Du Haschisch at de l'.A.li~nation Mentale" avait
reconnu l' 6tro:i.te corr6lation entre ces memes substances et ce
qu'il nommait alors l' "btat mixte" (2) , ttL'opium parait
jouir ! un haut degra de la facult6 de d~velopper cette aorte
d t "~tat mixto" " et 11 cite a l'appui de sa these Ie t~moign'age
int~ressant d'un opiomane anglais : "Le premier ehangement que
je rem&l'quai se manifesta par des visions ~ Au moment ou
s'augmentait dans mes Xeux 1& faculte de cr&er, une espece de

(I) ef. in tiLe Grand Jau" : "Ie reve 'veill~tI p. I24 }A.Random
Edo D ~ no e l.
,
(2) (.If. ChepCl II. p. 166 . "Eta:!i interm&diaire a. la veille lt
au sommeil. It
sympathie B t {Hab1isaai t entre 1": ~tat de. r~ll et 1 t ~tat de
veille o~ je me trouvais je ne pouvais penser a une ohose
SaIlS qu'auesit6t e11e ne m;apparut oomme un fa.nt~me.1t (I)
linsi, oommente notre a.uteur, "les images qu'il lui p1aisait
d'6voquer a.vaient toute 1& v~racit~ at toute l'ext~riorit~1f
d'images reel1ee.

Memes observations en oe qui concerne lea effets du


haschisch (2) : It au fur et a me sure que l'action du haeohisoh
se fait plus vivement sentir, 'on passe insensiblement du monde
r~el dans un monde fiotif, imaginaire, sans perdre, toutefois,
le. conscie~ de soi-meme ; en sorte quton pent dire qu'il
stopere une sorte de fusion entre Itetat de reve et 1 t etat de
vei11e ; on reve tout evei11e." Stapp1iquant aux preoocupations
de l'et&t de vei1le, i1 note encore (3) que "nos perceptions
Bont souvent plus vives, plus lucides, notre ' intelligence plus
ecla.iree " sous l'influence du haschisch.

Pour oonc1ure ce poeme, rappelons 1es affirmations


triomphantes de ltATIliEE D'1VRESSE :

"Petite veille d'ivresse, Baintel


-Nous avons foi au poison "

"L 9 6clairage revient a. 1 t axbre de batisse. Des deux


extr~mit~s de la salle, decors queloonques t des
61'vations harmoniques se joignent."

Le d6cor c10s et fantastique nous (,voque e'ncore les fameuaes

(I) Le rappr oChemel'lt avec Ie passa.ge Buivant de VAGABONDS s'impose :


ItJe crliais lea .fantomes du futur luxe nocturne."
0

(2) p. I33 ibidem


(3) po 16~1 H
l

188.
l'

I!
prisons de PlRANESI. Ce qui distingue oette desoription I
I
architecturale, c'est le mouvement de convergence qu'elle
eequisse : retour (n8clairage revient") vers un axe ("l'arbre 1J
de batiese") ou jonction en un point central ("des deux extr~mit~s").
Ioi, comme dans JEUNESSE, Rimbaud associe la musique ~ l'archi-
tecture . (I)

ltLa muraille en face du veilleur est une succession


paychologique de coupes de irises, de bandes atmos-
ph~riques at d'accidences g~ologiques.n

Le lien entre le . veil.leur et le lampe est mis en ~videllce :


It'clairage alimente l'imagination du poete par les formes qu'il
cr~e ou les reliefs qu'il suggere. Cette primaut~ de l'imagination
est reconnue implicitement parole poete : "succession psychologiqu ~
signifie en affet que les plans suocessifs qu'ilUVoit" ne sont que
les projeo~ions de son psychiome. I
Si l'on seen tienta la th~orie du reve &veill'. on doit
I
,
I
admettre que le poete voi t r~ellement oe qu' i1 d~ori t. 11 ne II
fait dono pas oeuvre d'imagination, a proprement parler : 11
transcrit. II est oapable par ail1eurs de garder son esprit
.!
' oritique comme en t~moigne cette r~velation significative du
poElte, que nous avona d~js. relev~c : "une .succession psycholo-
i
gique". Selon Moreau de Tours (2), Ie fumeur de hasohisch u ne
perd point conscience de sa situation on peut avoir des I,
hallucinations et conserver la faculte de juger sainement la I
position dans laquelle on se trouve, et de plus en etudier la , t
!
oause peychologique " et, pr&cise-t-il, il en est de meme I
avec I'opium.

(I) "Toutes les poosibilites he.rmoniques et architecturaless'6mouv-


ront aut~ur de ton siege." : J EUNESSE IV
(2) of. atlssi Baudelaire in "Du Vin et du Haschisch" p. 158 : "La.
musique ~'asaocie avec les objets qui sont sous vos yeux. Lea
peintures du plafond prennent une vie effrayante Vous prendri ez
votre place et votre role dans lee plus grossiers papiere: peints
qui tapis sent loa murs des auberges ."

,.
I890

11 Y a hallucinations chez le rveur 4ve1ll~ parc.


qulil entend ot voit reell emont co quo lui rapportent les sene
de 1 t oure et de la Vll.fJ. C' est ce caractere' d t ext&riori to qui
donne ~ J.'hallucination (I) sa. veracit~, et par 1 ', sa force
assimilatrice a
1& r&a.li to : commen'~ douter d 'un message tra.ns ..
mie par nos sens elora que nous sommes Q lt~tat de veille? Et
justement lefait que Ie poete sache a quoi seen tenir sur la
r~alit~ de ses visions, nous incline a penser que cet ~tat second
a 't~ provoqu& d~lib'r~ment

0"Reve intense et rapide de groupcs eentimentaux


avec des etres de tous les cal'acteres parmi toutea ,les
apparences."

C'est encore 1e spectacle de la Com~die humaine avec sce


personnages ~lea caract~rea), ses costumes et ses d~cors (les
' apparences) et lee metamorphoses incessantes de leurs combinaisons
en table aux sc~niques (les groupee s entimentaux). "Reve intense
et rapide ll ne lai t que reprendre "une succession psychoJ.ogique" :
10 contenu s~mantique est tres proche. Si, en affet, "psychologique"
r'vele l'irr~alit~ de ce que Ie poete voit, il est facile, de lA,
de glisBer Ters Ie revoo

Nous avona montr~ que, plutSt que d'un reve, il s'agit


en fait dun reve &veill~. Ce poeme i1lustre fort bien Ie pro-
ses deux parties sont structur&es selon
1e m~me dessirl : . inaiatance sur l ,e d&cor et extreme mobili t~
de la vision qui conserve Ie caractere deune r~aIite percue malgre
la d~n6gation du po~teo

(I) "L t hallucination est Ie rave des sens ext~rieur6"


D~finition de Moreau de 'fours : p. 184 (op .. cit.)

of 0 }"O Maurois : taDana une illusion, 1 ~ erreur provient de


l'interpr~tation. Dans une hallucination, cleat IB sensation
m~me qui est d'natur~e." ttIllusions".
POEME III

"Lee lampea et les tapis de la veill~e font Ie bruit


des vagues, Is. nuit, Ie long de Is. coquo at aut~ur
du steerage."

L'atmosph~re remplit Ie lieu, et par la, l'efface de Ie. conscienc e


II
du po~te : clest pourquoi il choisit-la m&tonymie ( les tapis
de l aveille~) de pr~f~rence a
1& situation concrete. L'atmos-
ph~re de 1& veil1~e est elle-meme r~sum~e, comprise, par "les
lampes et les tapis". La lampe, nous ltavons rappe1~ pr~c~demment,
est Ie symbo1e de Ie. veill~e, ainsi qu l i1 en est dans In parabola
des Vierges sages et des Vierges follcs reprise par Rimbaud dans
UNE SAISON EN ENFER. La lampe signifie Is. vei1l~e parce qu'el1e
t6moigne dtune presence. Les tapis, de meme, 6voquent l'univers
de Ie. veil1ge : confort, chaleur, bruits aS60urdis; tous
n'cesse.ires au repos ~clair&, _ au bien-atre du corps sans lequal
Itesprit ne peut s'&lever.

Ayant recul& les lieux dans Ie domaine des ombres qui


ltentourent p Ie po~te est lib~r~ de ltespacc, il peut sty
d'placer ason gr~; selon son intuition$ Ce1le-oi Ie trans porte
ainsi en mer : Ie veil1eur n 1 est-il pas, aussi, isol~ dans Bon
roya.ume? Et puis, tile bruit des vagues, 1a nuit, Ie long de Is.
eoque U t n t-est-il pas recr~' par "la rumeur tournante at bondiseante
des e u nuits hume.ines" (I) ou les ttrumeurs des villes, Ie 80ir ... t!
(2) et (3).

"La mer de Ie. veil16e, tel Ie que les seins dtAm~lie."

Paix de la veill~e comma seule Is. mer sa.it apaiser et

(I) MYSTIQ.UE
(2) DKPJ...RT
(3) La "steerage" signifie que Rimbaud, comme bien des jeunea
voyageurs de . nos jours, voyageait en c1asse pont (deck claas).
I

I9I. !I
I
II
1& femme bercer . RaI>l)elons ces veXH de VOYELLES :
I
I
"U~ ,~ cyclea, vibrements divine des mera virides,
paix des rides
Que lt alchimie imprime aux grands fronts studieux ;"
dans leaquels se trou.ven.t reunie les themes de la mer et de la
ve ill~ e (l' 6tude ). tlRides" sert d1embrayeur (I) pour passer de
celle-ci A celle-la.

"Les tapisseries, jusqu ' a mi-hauteur, des taillia de


"dentelle, teinte dt~meraude, ou se jettent l es
tourterelles de la veill&e."

On ne compte pas moins dtune quinzaine de dentales dans


cee deux lignes, avec une trea forte dominance des "t".. Cette
technique etouffe les sonorit~s de la phrase, comma Ie tapis
&touffe les bruits. Le rytbme lui-meme est amorti par des
suapensions r~p~t~es. II sten d~gage un air de douceur qui
convient e.l'atmosphere de la veil l~ e (tapisseries, dentelle,
tourterelles). Douceur touffue (taillis de dentelle) dans
la,quelle Ie poete plonge et se perd comme dans une mer. (~meraude) 0

"La plaque du foyer noir, de r~els 80leils des greves :


Ahl puits des magies seule vue d'aurore, cette fois. 1t
-/
La contempl ation du veilleur (2) m~tamorphose
non seule- I
I
I
men.t les lieux ma.is les choses : ainsi Ie foyer ouvre Ie I
spect acle grandiose d'uu cie l d'aurore. Le poete pr~ci8e pourtant :
de ~~e lB Roleils des gr~ve8. C' eat a
dire qu'il leur consent
le xt~ riorit~ de la sensation, ce qui les distingue de Itimagination :

il les a vus r~ellement. Maio aUE!Bit$t i1 stexplique, en rendant

(I) (SHH'TER)
(2) cf. Ba.udelaire : "Mtoublier une nuit entiere a
surveiller la
flamme droite dtunQ lampe ou les braise s ~u fQyer."
ih "Les Paradis .Art.ificiels"
192.

4 l'Actant ce qui lui apparti ent, dans une exclamation


~merveillee "Aht puits des magies", signifient par 14 lea
ressources inepuisablca ot Ie mystere insondable de co pouvoir
magique. "Cette foi s " t~moiglle enfin d'une exp~riencema:i..nte6
fois renouvelee. II est difficile en face de ce faisceau d'in-
dices de ne pas conclure al'us age d'un stupefiant. L'illusion
de cette vision de 601eils est un ph~nomene claasique, attri-
buable aux SUbstances hallucinogenes. (I)

Concluons par cctte anecdote rapport~e par Moreau de


Tours (?) dont la tonalit& est assez voisine : "La nuit venue,
nos mangeurs de haschisch crurent asaister aune splendide fete
nocturne et voir une m&gnifique illumination. Des lumieres
brillaient aux balcona, uno foule d'individu6 en habit de
gala allaient et venaient Quelle 'tait Is. source de cette
fantasmagorie? Des lanternss de papier de couleur, appendues
aux boutiques quelquoG Arabes attard's regagnaient lentement
et silencieusement leur demeure."

(I) cf. Baudelaire: "cette ivresae de I'amour enfermee dans


I'autrc ivresse (celIe du . haschisch) comme un soleil dens
un soleil." "IJes Paradis Artificiels" Ope cit. p. 308 :
La Pleiado.
(2) p. 122 OPe cit. "Du HQ.schioch"
MYSTIQUE

C'ost en effet bien dtune vision apocalyptique dont


il s'ag1t : leo anges, les pr~B de flammes, les homicides et
les batailles, 1a ligne des orients, des progres. l'ab1me. Et
cependant la tonalit6 du poeme est s1ngulierement d~nu~e d"motion
il nous est meme pr~sente comme un tableau ' : "la banda en haut
du tableau". Cotte distanciation esth~tique autorise a
~carter
une exp~rienco mystique : el1e apparait incompatible ' avec la
nature de celle-ci.

L'espace du tableau est tres fortement organis~ ; sur


un plan stat1quo, nous avons une s~rio de positionnaments bien
.,
marques, . i
s,1ns : A gauche, Ie terreau de l'arete
Derrie re l' arete de droi te '
Is, bande en haut du tableau
en face du talus
l'ablme fleurant et b1eu la.dessous

Ces 'JnotatiollS topologiques ont pour effot principal de


remforcer la r~alit~ du tableau en lui conferant une veracit~
certaine. Le poate d~crit avec 1a pr~cision de la "chose vue",
11 n'imagine pas. Puisque nous avons ~cart~ l'hypothese de
l'oxtase, 1& seule explication satisfaisante, ctest a ' dir8 rendant
compte des fa! ts relev~a, eet celIe d tune VUG naturelle mai,s
tranBfigur~eo La po~te voit effectivement ce qulil dtcrit, maia
dans un ciel comme noue Ie montrorons.

Ltespaoe de ~ISTIQUE est ausai dynamique : Ie mouvement


ajouto a la description une qualit~ essentiel1e qui est 1& vie.
Est-il possible de stxuoturer ce mouvement, de lui donner une
194.

direction et un sans? Pour r&pondre a cas questions, 11 est


n'oessaire d~ grouper les images ; ainai :

sur la pente du talus les anges

-
(

La .doucour flaurie dee ~toiles et du oiel et


du reste descend en faoe du talus

form.e nt un couple descensionnel, (la pente etant orient'e de


haut en bas et les anges 'tant des creatures celestes.) qui
.'oppose au dynamisme du oouple asoensionnel suivant ,

N Dea pres de flammes bondissent jusqu'au sommet


du mamelon
et
- Is rumeur tournante at bondissante des oonquea de
mers et des nuits humaines.

C'est, rappelons Ie, la dynamique pro pre au reve 'veill'. (I)


Les anges, les 'toiles, Ie ciel oontrastent avee la violenoe
du monde de l'homme, son tumulte ; "bondir" appartient au
langage instinctif, il exprime aussi bien les elements d~chafn6s
(la mer) que "Ie bond Bourd de la bete feroee". (2)

La structure antithetique que nous tenons de d~gager


eat ohargee de sens : Ie poeme s'ouvre sur une vision de
suaves creatures o~lestes, il ' s'aeheve d~~s la beatitude. Entre
lea deuxp Ie theme aseensionnel est'alimente par les forces
iustinctives ou sauvages, principalement du monde de l'homme. (3)
L'ascenoion devient assaut, conquete, c'est ee que sou1igne Ie
redoubl ement de "bondir"o Sil'on Teut extraire un sens symbolique
on peut remarquer que "Ie terreau de l'aret0 est pi'tine ",

(I) cfo R.Desoille : tiLe Rev~ ETeill~ en Psychoth~r~pien PUF 1945


(2) UI-m SAISON Eli[ ENFER : ttJadia .. 0"
(3) Les pr~8 de flammea, les homicides; 1es bataillea, lea bruits
d6ssstreux.
quo 1a oonqu8tG sera done vaine p et ootta annglante lutte pour
1a supr'matie sane aven1r.
\.

Le seul &lgmont posit!! du tableau, ooncernant l'hommo,


c at "la ligne des orients, des prograa." L'association oriont-
progres est tout 8. fa.it olaaaique : o' eat un &rch~type fort
r6pandu (le solei1 levant), que Rimbaud utilise volontiere.
Ainai dane VIES III I "d&ns une magniriqu~ demeurm cern'. par
l'Orient entior j'ai accompli mon immenso oeuvr "

On peut parler d'une v~ritable g60metrie de l'espao.


dana JriSTIQUE tant les term$S sp&cifiques Bont proominents dane
1e text. : "le terreau de Itarete" at "l'arito de droit.",
" fi1ent lour oourbo et "1& li@le dea orients". ctost 1.
meme 1angagc que nous avons remarque dans PONTS~ ' la memo
assooiation intima entre 1& 1a.ng".l9 mathematique 'et 1elangue
musicale , "les brui ts !i1ent leur eottrb " at "la bando
en haut du t ableau t form~e de la rumeltr tournanto". Depuie
1es AnCiens, 1e8 math'matiquoa Bont reeonnuea oomm le mere de
l'harmonia at de 1& musiquo : oteat ee rapport que 10 poote
retrouv

"La rumour tournante des eonqu8s des ger3 ot doe


nuits humaines" traduit Ie rs.vissement do. poete, comma 1& Tision
Bon 'merveil1e~ent. Ainsi dana DEPART Ie poete st'crie dana
un &lsn d'enthousia8D8 I "0 Rumeurset V1aioDe&" La vi.ion,
o'est "loa eng s (qui) tournent leura robes de lain . danG 1e8
herbages " Asooci' a la musique, tourner impliqu~ une certaine
euphorie, at 11 en fiat eme pour lea ~volutions a'ri9nn 8 de
cos anges. Gris ria des " Bens donc qui rappel1. d' au tree >tDlWCfHJ
qui tournoie.t sur 1 s terrassea voisin G de la mer I" (I)

(I) ENFANCE I"


196.

Le dernier paragraphe du poeme est Ie prelude du


po~me Buivant : AUBE. Du sommet du mamelon Ie poete con-
temple Ie 601ei1 levant, "1& ligne des orients". Evoquons
LE BATEAU IVRE

"J'ai vu Ie Boleil ba.St tach~ d'horreurs mystiques


Illuminant de longs figements violets "

C0 Bont ces memes "figements violets", Ie violet etant 1a


couleur mystique par excellence, qui ont pu inspirer Ie titre
du poeme . (I)

Au-dessus du poete, "en haut du tableau", Ie ciel est


encore noir " !'des nui te humaines " - maie "en face du talus" vere
I'orient, l'aurore bleuit d&ja les 'toiles, et Ie ciel descend
en lumiere bleutee dana Itab!me qui s'ouvre a
sea pieds. Au
somme t du mamelon, Ie poete occupe une position "entre ciel et
terre", Ie ci e l et l'ab!me se confondant devant lui "Ie.
douceur fleurie des 'toiles et du ciel - c~ntre notre face "
(2)

Si l'on fait la relecture du poeme darls cotte perspective,


las flanges" qui tournent leurs robes de laine seraient les nuages
moutonneux flottant dans les "paturages" celes tes. Lea "pres "
de flammes" peuven t representer les lueure rougeoyantes s'~tirant
en flammes dana Ie ciel. tfA gauche", c'est 1a terrC!l, Ie monde

tI) Observons aussi que Ie poeme pr~cedent finisaait sur Ie meme


theme : "seule yue d'aurore, cette fois "
cf. Ie poeme de Baudela.ire: "La Vie Anterieure" dont lea
resonances sont en harmonie avec MYSTI~UE :
tf Les houles, en roulant lea images dee cieux
Melaient d'une fa.con solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux coul eurs du couchant rl)fl~t' par mea yeux."

(2) idem .. Baudelaire: "C'est 18. que j'ai vecu dane lea vOluptea
oalmes,
Au milieu de l'azur It
Uovalia ("Hymnes a
l EI. Nutt, III) : tiLe paysage semble monter
doucement dana lee airs 0 "
deo homm~s o "Derriere l'aret3 de droite " f l'arGte de
droite, cOost ~atur311ement I'horizon 1 l'orient, (I) .t
"dorriare" signifio D-u-de1a., Ie. prollatlae symbo1iquG du 80lei1
leTant.

MYSTIQUE apparait finaloEent commo ~n po&me all&g6 de


touto m tiere , 1& vue est transfigur&e en vision. Lteapace
.at intemporel .t infini ; l'&criture Qat abstra1te. Et
MYSTIQUE garde ainsi son m1stere , transport dans un autre monde,
reBcontra dtun au-de1a. MYSTIQUE nous apparait comme un tableau
Durra11ate -d t or1gino'ha11ucinntoire ; dont Ie poete eat Ie
spectateur plus que l'auteur. t'absence d'~motion impliqu6.
po.r 1. ton purement descriptif, revche une - vi,lion rompueatoutes
1.s fantaisi8a de l'hallucination. 'La demasure est devenue
aeaure. l'extraordinaire est la norm., la fr&quentation prolong6e
de l'au-dela ost d'habitude.

(I) DauB ORNIERES s l'aube se trouve sussi ~ droite du tableau ,


"e.droite Itaube r d'~t'u.
.lUBE

Tout lQ podme ntest qu'unc 4laborat1on de. quatre


promidrc mots : "J'a1 embrass6 l'aube d'4t6." L'embraase-
mont Qat d'abord Ie mouvement circulaire des bras autou.r
de l'objet ' a1m6 comma Ie pr6cise 1e poete : "je l'a.i
entour6e." , cleat ensuite Ie contact corporel qui
'yoille Ie sens du toucher I net j'ai senti un peu son
\
immon8e corp " Par Ie carcle - qu'il referne Bur son objet,
l'embrassement ' contient potentiellement la prise de poaGeasion s
clest adiro 10 n~gation des lim1tes de l'un 4 l'autre. Cetta
TirtuAlite est ici mise en oeuvre dans ce -qui-apparait comm8
uno fusion amoureuse : "L'aube et l'enfant tomb~rent au
bas du boi " L'acte d'amour stachevant dans Ie sommeil I
clest Ie BODS iaplieite -de la finale du po~me I "Au r&veil
il 6taft Didi. R

Comment interpr'ter cetta mYDtique 6rotique? J


peut-etre comme une reconquite de l"tat pr6-adamiquG d$
hiila du Soleil", It'tat non-separ& -de l'hommQ a
1a nature
quend Ie langage des betes et des p1antes n'avait point de
secrets pour lui : "La premiereentreprise fut, un.e
fleur qui me dit son nom." (I) Cet etat, Ie poete nous en
pr'cise indirectement 1a substance : il s'acquiert par 1a
pert de seu propres 1imites, la dissolution d8 son "ego",
c'oat C8 que signiiie, du moins, Ie processus de fusion. - La
eonsc1~nce du "Do1" disparait a
l'inatant meme de sa fueioD -

(I) ef. 'lee 'TOO tions de l'agEt d'or chez Noyalis s "Jtni
autrefois entendu p!l.r.ler . de tempe anciens , lOQ , betelli,
dit-on. lee arb~o 8 at 188 pierrel parlai&nt alors &~eo
lea hommoso tt
H. dtOfterdingen i Ch. I. 'p$ I in "Les Romantiquea
Allomands" : La ?lerade
1990

idontifieatioR i l'~ubQ s Ie sommeil lui Duco~do, - ~u


plus pr&oisomemt la p&rte de conscience du ~~ pe. C'est ce
que significrait la prcieion : "au raveil 11 'tait midi ."
On est !ond~ a pen er meme qu'il stagirait d'un ravisaement
des sens, d'un hiatus ~ans l'axe du temps s breve experi.nee
de lta-temporalit~, "Silences traverses dee Mondea .t de. Angee.~(I ) I

Cat 'tat d'harDonie at de transparence avec lee etre8 at lea


chos9a, eat 1ei le royaWllEl de l' enfancG : ttltauo. et l'enfant n
11 exige en ffet uno qualite essentielle : - l'innoeence ;
ofe~t e1l ~ qui donne "1& vision de 1& puret&" (2). Furet' de
l'auba, puret& de l' onfance.

"Rien ne bougeait enco~e au front deg palais. L'eau


&tait morta. Les oamps d'ombres ne quittaient pas la
route du bois. tl

nulla trace de vie chez l6B humains : les fenetrea


du palaia Bont oloses. La payaage lui-meme st immobile. LA
nature nteot pas encore sortie de son sommeil. La pr&oenoe de
palaia, comma daas un conte, cr'e une atmosphere-merveilleume.
Ctest dana 00 domaine interdit que p~ngtre l'enfant I 11 a
Ie bonheur de surprendrs l'intimit~ dela nature au. eeuil du
jour. Intimit& a un cens plus p r~ci. de Itsecretll ; 14 nature !
e s t enoore enseyeli<it 10i sous ees voiles.- C'est -uno nature II
liLlbaire. (3) Cewc-ci, bient8t seronil '_art 8 I !!Alors jo . I
i
levai un a un leo ?oi1es." Car derriere leg voiles, 11 y a I

j
le myster~t celui qui justement "d~voi1,n, deviendra r'v~lation. I
I I
11 ne nous reate qu
~xploration 6merTeill~e I
t
! Buivre l'enfant dans son
"J'ai mareh6, r~vei11ant les halein~B
I.
I
I
i

VOYELLES
IMPOSSIBLE I U1TE SAISON EN ENFER
qui quelquGo r6sonances avec la tonalit6 de 1& po'nie
de Jo Superviolle.
2000

vives at tiedes, ot leG pierreriaa regarddrent. ot 100 ai1e3


sa lov~rent SMIi bruit." Le tlilxte est tre e proche de celui
dtORNIERES I "A droite ltaubo d'~t' 6veille les feuilles et
les vapeurs at les bruits de eo ooin du pare .0." II y a una
analogie certaino , notamment~ ontre lea "vapeuro" et lee
"haleinee vivea at tiedas" de cas betes encore chaudes du
sommsil de la nuit. Et d6ja., c'estle eontact priv1l6gi',
oxeeptionne1. la r'a1it4 raisonnab1e qui basoulo d6couvrant
un monde nouveau I non eulement les animaux e .ont paa
effray's a son approche (I), maiD ils manifestent une certaine
ouriosi t' : " .. los ailes se leve1rent sans bruit. n Le
0

symbole de cetta communication r6tablie aveo la nature. crest


le regard I "les p1erreries regarderent." Au contraire,
dans APRES LE DELUGE, les pierres pr6cieusea iuieDt Ie regard
du poElte I NOh! le8 pierres pr60ieuaes qui sa eachaient "

Eat-il possible d'identifier cos "pierrerieu"? La


po~te a parl~ pr'c~delUllent (2) dtlherbages (i'aciar et d"meraude."
(Groupe nominal "An). Dans la phrase sui.,ante 11 y a un nae.tier
d6ja empli de frais at b1Gmes 6clats." (Groupe nominal ~Bn).
"D~jd.1t signifio que 14 clart6 de l'aube eommGtnce a. p6n6trer 1e
sous-bois. "Belate" cat "pierreries" ont de" axes's6mantiquafil en
relation oorr'latiTG, comme t1~merauden.
"herbageu" at "frais" sont eu-memes on relation de ccmplenentari. t~.
Entre leg reflets d'acier et leablemes 'olate DOUg r&p&rons des
affinites de champ s'mantique I lee reflets bleut's de l'un at
l"clat 11v1de de l'autre. Ainsi des levres bleues dans un
Tisage liTide. I1s sont dtailleurs p1ae$s BOUS 1e memo eigne
lunaire.

,
CGa differentes correspondanees deux a doux permettent

(I) Pr6sumons, par It oontrario"; que 8'ils 8~otaient emfui., 1es


batte~entB d'ai~a~ nfauraie~t pas m~qu6 ~e caUOQr quelquo
tU1'1u1teo
(2) ef. MYSTIQUE.
201.

dt~tablir un rapport d'homologie entre Ie groupe nominal (A)


et (B). Lea "pierreries" appartierment donc au meme champ
6~ma.ntique que les "herbages" : trc3 probablement ce 80nt
lee gouttes de rosee qui perlent au fil des herbes, et c~ptent
1& lumiere.

" La. premi~re entreprise fut une fleur qui


me dit son nom."

II eat utile de s'arreter Bur la connotation de ce


terme : I' "entreprise" dans VAGABONDS connote 1e retour a
l'~tat primitif de "fils de Soleil". Et ici de meme, 1e poete
a retrouve c~etat origine1, i1 est entre dans Ie jardin d'Eden.
Le signe de son admission crest 10. fleur "qui (me) dit 60n nom." .
il est desormais accept~, i1 est parmi les siens. Dire son nom,
c'eat r~ve1er son essence, Ie secret de Bon etre comme 1e montre
l'exemple fameux de 1& Bible ou Dieu r'vele Bon Nom a
Moise :
ttJe Suis eelui Qui Sild.s". Maia plus simplement, comma 1& fl():ur
du Petit Prince, dire Bon nom, c'est etre unique. C'eat Qussi
un temoignage de confiance s la fleur n'6prouve aucune crainte
de l'enfant, elle est comme apprivoi8&e, bien que sauvage

"Je ris au wasserfall blond qui s"chevela a


travers lea aapins : a 10. cime argent'e je reoonnus
1a deesse.,"

Cet "tat de grace englobe aussi bien lea 'l~menta


naturels dont Ie poete comprend Ie langage et auxque1s il repond :
son rire ae fait l"cho de la joie d680rdonn~e et 8spiegle de
ce lutin blond qui joua dans lea sapins.
Le poete a peut-etre choisi "wasserfall" (I) au lieu de cascade

(I) Mais "cascad e" ~st aussi d I ol.'igine 6trangereo


202.

pour 1'harmoaie u8icale I leo eonorit6s en "1", dana


v sBerf~, blond, D'~cheTela .'as6ocient plus facilement 1
1'Qa,u.

" j~ reconnus le d6680e."

La d&esse, e'est 1e. dlvinit& aythologique du lieu I


lei done 1& d&es88 du bois (cascade , sapins) c'est adire
Diane ehaaseresse. La chasse 8e pratique justement'au point
du jour. Dans VILLES I, nous trouvons 1& relation explicit'e s
"La... ha.ut. les pieds dans la. g .llIcade et las roneos, lee cerfs
tetent Diane." Mais peut-etre n'eet-il pas necessaire de mettre
un nom Bur cette apparition" I c test l' Aube peraonnifi',.. L8
po~te 1& reconnait a
1& "c1me argentee n du w&sserfal1 I c'est
a dire dans 1& lumiere &tinee1ante de 1'eau au bord de sa chute.

n !lors je levai un a un 1es voiles."

C'est 1e geate symbo1ique qui va r~v&1er 1e ~st~re


cach6 dana lea apparenc8s. (I). C'est 1a voix de la conaais8&nce
mystique qui stache G dans 1& fuaion de l'union d'amour.

n
Dans l'all&e, en agitant lea bras."

Ecarter las Yoiles, o'est disperser a'abord le e~arme


des ref1ets~ trompeurs parce qu'ils ne sont justement pas Itetre
1ui~meBe maiD aeu13ment U& manifestation. (2)

Ls COt ect en effet Ie messager de l'Aub8, qu ' 11 annonoa.

(I) derriere 1eaquel1es l'Aubo caeh .0


(2) Ce eout tous lea ~harm$= qu'il vient de subir at qui I'ont un
moment aubj~gu~o
Oe'tte foio,o'eot 10 po~te qui vient d6noncer sa pr6 nce J
trahison qui a pour but de la r6v'ler, la inire reconaaitre et
done d'voilQr son myst~reo

n A 1& grand'ville elle fuyait parmi lea


clochers et les damea, at courant oomma un aandiant
sur l ea quais de marbre , je lach&8 Sais."

Les derni~ras ombres projetees sur lea quais de aarbre


ce sont lea heillons que l'Auba accroche au faite des edifices,
et qu'elle abandonne dans sa fuit~a son pour8uiTanto Ce sont
enoore des voiles arrAoh6s au mystore de lfAub~ , juaqu'a la
renoontre face a
face qui sera uussi la prise de possession, ou
tous les voiles tomberont I "ja 1'81 entour6e avec ses ~oile a
35868 0
NOCTURNE VUI.GAIRE

hBoe'turne fl est un tense de musique. Salon Littr6.


oteat "un moroeau de piano d'un caract~re un peu r~veuro"

RetenoDS ainsi l'analogie musieale et 1& reverie.


"Vulgaire" signifie aloro-qu'il De raut pas rochercher dana
ce po~me. profondeur et 6l6vation d'eaprit, mais p1ut6t un
exercioe assez commun.

8i Ie titre ne trompe pas, il laisse pr~0ager un


poese tras fluide, libre dans ses associations - OOPlme Ie
reve ., form' peut-etre d'une suite dtimprOTis&tiono n6e8
de l'instant at du lieu. -Un motj.f' ence-dre Ie poems at lui
donne son signe I "Un souffle disperse l8S limitos du foyer".
11 sSagirait done d'une vague reverie a prete%te. dont Ie point
de d~part et Ie point d' arriv&e"est la' fascin.ation exere6e
par 1e feu. Et pourtant oette interpretation n'est pas
satiufaisante : Rimbaad n'est rien moins qu'un reveur, et
nous connaiasons sa pietre opinion des !fNu! to - . \ ', ' fadasees lie I)
de oertain Romaatiquel' Observons que lJassociation ' du feu et
de 1& nuit (2) er~e une situation favorable ~ 1& veill'ee He
sers.it-ee done pas 1'une de cas 'Petite vallIe d'ivresss" dont
1e poete est coutuinier, oomme en~ U~moigno 1es poeme s iuti tul~8 s
VEILLEES? Cetta hypothese acquiert une grande force quand on
examine la connotation du 1exome qui est a
1a sourc e de Is.
reTerie , 1~ foyer. II apparait pr~ois~ment dans l~ contexte

(r) ct. Lettre a P. Demeny, dlta z Kdu voyant".

(2) of c> .l!.oo,~u;l2.! vulgaire.


2050 .

de 10. Teill' "la plaque du foyer nair, de r'ele sole119


des gr.1Tes ahl puits des magio8 J" (I) et &ssooi' aun
pouvoir ae.gique qui ardonne l'imagination en presence r'e11e.
La poete prend soin de pr&oiser cs oaraotere ("de r6elJ! sola11a")
et d'en indiquer l'expliaation par un signe de ponctUQtioBo (2)
Nous aviono eru possible d'identifier eette magie June oubetance
hallucinogene, probablement opium ou hasch1soh. On oait 1&
puissanoe d'attraction, de fascina"tioD memo, qu'exerce sur Ie
fumeur 1a lum1~re et les couleurs ; - et particuli'rement Ie
feu, dont la mobi1it& assure uno emprise i11imit~e, - car seng
cease renouve1&e, sur Ie monde des formes, une reerc tion de
l'espaceo Le foyer enfin, par sa nature mame, attire la con-
centration de la vision, qu'i1 ca.pte et fixe ; i1 faTori.s e ainsi
par l'immobilisation du regard l'evasion de Itespri~ hora de
l'eapaoe et du temps r~e1s s "Ce Charmel il prit &me et corpe,
Et disperse tous efforts." (3)
L'imag choisie par Ie poete, Ie "puits des magiec" recoupe 1 e aire
86 antique precedente : -les profondeurs insondab1ec (Ie puitQ)
attirent Ie regard qu'elles captent et fixent jusqula provoqUGr
Ie vertigo , 1 t oei1 est priBonnier du "che.rme", il'tombe dell!!
son attraction.

D&jA dans 1a nuance entre la forme introductiye et 18


finale ("des -foyers" au lieu "du foyer") 9n reconnait 1a difforenclt
entre l'imaginaire et Ie r6e1. Clest que 1. charme a d6jA op&r~
Bon pou.voir magique de transmutation des 1ieux (4) s "Un souffle
ouvre des br~ches opAradiqu8s 000" Des br~che8 eont ouverteo
dans 1& r~alit6 spatio-temporel1e par 1esquel108 atengouffre ~ t la6
Tisions po~tiques S nous assistons a
un T~riteble 'c1ateme~t

(I) VEILLEES III


(2) " "
1es deux point~ qui precedent "pui to des magiEHJ".
(3) o SAISONS, 0 CHATEAUX!
(4) Hmattrea jonglouro, i1s transiorme t Ie lieu et Ie.
pernolU1os .. ot I PARADE.
206.

de l 'e8pace qui s'ouvre A l'infini, offert 1 toutee lea


pOB sibili t~I" La r6al1 t6 autour du poate sombre , fait eau
de toutes parts comme un navire qui oouleo Leo cloi.ons s'effacent ,
la pexspeotive dao toits e~t brouil16e, les crois'es de 1&
chambre eolips~e8f tandis qua Is vue se concentre Bur Ie foyer,
d~jA multipli' ; Iteapa.ce quotidian semble etre 'vaou'. La
poete lui-mem0 a '~vade des lieux s "le long--de 1& vigne
je Buie deecendu dans oe oarrOSBe It "Les blemes figures
l una,ires , feui lles, seins" qui "tournoient", euggerent un
kal6idoseope de formec halluoinatoires.

Un des ph'nomenes ' leo plus typiquea de l'action du


haschiaoh (I), o'est ~a dissociation des idees : "oea id'es,
quo Ie volont' n'a point 0voqueesjsurgissent danS -Totre esprit
on ne sai t pourquoi, ni comment on les suit dans leura
as soci ations 1es plus bi zarres , dane leur8cr~ation8 lee plue
impo~ible8 at Iss plus fantastiguea DOUS nous abandonnODti
s ans r~oerve ~ nos sensations interieure8 : nos yeux, nOB
oreilles n'ont cesse dtetre ouverts, mais pour ne plus admettre
quo l os impressions fournies par la m~moire ou l'imagination ;
enfin~ pour rendre briGvement et fidelsment ma pens~e, nous
nOUB ~ndormons en r~vant 0 0 cependant elle. sont loin d'aToir
It1ncoh~rencedesr~ves ordinaires."

Cot expo8~ peut 3tre repri8 tel quell l'usage de notre


po(\me . Voioi l'example ba.I."oque de ee earro8I!1G'dt~poque, at s.a
bi2e:e:;:oe association" ! un corbillard , Ie "pivot ement des toits
rong~a't jl 1 Q e.ppari tion des "bl~mes fi gures lu.n&irea", "les bete.
f'roces et les fUm~e61t, "It\. source de lSoie" at oe "d'telage" flUX
environs dtune tache de gravier". Le poeme entier est 1~illu8tr~
tion au "ta.bteau" que nous avons reprodu1t, jueque dans sea

(I) ef. MoreAU de Tours, n~~ HaschiBCh" : Gpo Cit. p. 62.


20",.

d'ta1ls J ainsi ~~~at do r~~e veill& auquel il eat fait


allusion ("nous nous Gn.dormona an r8V8l'lt n ) se retrouTo dans
ce v&hioula: "eorbillard do mon sommeil" at ces "bte8 de 80ng~".
"SolUlGil tt at "songe" reprennent ,). 1& lettre 1& d6f'ini tion de
I" uteuro

Maia suivons-le dans Don enquete I (r) "Livr6 8. lui-


aeQa Ie haehis' subira l'influence de tout ee qui frappera ' 8ee
youx, aes orailles, Itimpres~ionnera d'une maniere quelconque o ~
Et a titre d'exemples ' : "clest un r6ehaud plein de charbons
ardents que je Tois dans un Terre de limonade . C'est une lumidre
qui se multiplie en dix ou douze 8utrea, le.quellos so trouvent
re~g'es aut~ur d'une biere dans laquelle je m'imagine etre couch61 n
(2)
Dana Ie meme chapitre consscr6 aux illusiona (3) de la vue soum
l'empire du hsschieeh, l'auteur observe que Pl'image (n6e de ces
I
eiroonatanoes) a toute la vivaoit' de l'impression sonsorielle,
I!
oar (on) 1a per~oit de la m3me m~i~re qu' (on) 1& perfoit en
I
II
Atat de reTe:

"II m'est arriv& pluaieurs foiSt oonsid6rant Ie portrait de I


-quelqua porsonnage, de voir ce portrait s'animar tout a I
coup . 0 0 Tonte 1a physionomie prenait une -expression que
l ~ vie soule paut donner . 0 . je reculai mt'criant I Cteet
.I
.
de 1& agiol (4)

.I
i
M~m9 Qutonomie de l'image dans Ie poeme ; 0110 appar~it
!
comma ext~rioure, i depondante n UR vert at un bleu tree
I
j
-----.--------------~-----------------------------------------
(I) of ~ Moreau de Tours ': ' PDti . Hs.scbisch" . S' op. 'cit. 'p; "122 . .. .' . I
(2) 10.. ., ,
123
I I
-j
( ,) dans Bon aceeption olinique. "ltl11uBion est n~ce eairement I
li~it &a o On voit, on entend en rGV80 a
l'occasion dtim- i
pressiono f aitea cur lea sens de l~ vue, de louie ; l'imagina- I
tiou figit dana Ie" limito3 de l'activito aenaoriale".
I
j

Moreau de Tours , opo olt. p. I30.


ibi dClm 1
I
i
j
2080
C'

fone's envahiesent l'image", 6volu&nt selon s& dynamique ilitern~.


La puissance &voeatrice des images de Rimband tient certainoment
au fait qu'il los voyait, selon les mots de notre auteur "avec
toute 1& viVRcit' de I'impression sensoriale." C'est oatte
force de re alit~ qui leur confere ce oharme , leur pouvoir
A #
envoutant, leur vitalite aux reesouroes Burprenantea ; ainai
l'exemple euivant, ou nous Bubiesons Ie ohoo de I-image : nEt
, ,
nous envoyerg fou ttel a travers les eaux elapotante. at lea
boissone r'pandueso rou1er sur l'aboi des dogues "

Comme d~B Ie processus d'un reve 'Teil1', Ie poete I


conserve Ie fonctionnement de ses faeu1ts intel1ectuel1es, c'est
a dire qu'il reate luoide, 11 sait qulil reve. Voie! la com- j
I
I I
paraison ~tc.bl!e par Ie Dr Morea.u (I) , "Sans oesser de dormir, I

nous aVQna quelquefo18 consoienoQ de nous-memes, nOU8 savons que


!
!
noua revons J loraque Ie reve nous plait, et loreque nous I I
sentona qu11 T& finir, nous nous disons , pourquoi tout ee1a I 1

j
n i est-i1 qulun reve1 Clost absolument l'&tat dans 1equel se
trouve eelui qui 'prouve I'influence du haechisoh. u

Et oomme 09il etait bru$quem~nt oonseient de 1& tare


qui vieie radioelement ses visi~ns - et o'est une prise de oon-
soienoe lourde de sentiments de frustration -, Ie po~te retombe
dans la re~lite, qui n'a pas "bouge" , un souffle disperse
les limites du foyar"o Comme si rien n'avait ohang&, i1 est
ramenQ Q. son point de depart : tout n' eta.i t-i1 done qu t111uB1.on?
(a moina quo Ie mouvement de 1a r&alitQ f~t lui-mema ciroulaire 0.
comme 10 voul&it Nietzsche, ce oontemporain du poete.) Ng ee t-oe pas
1& preeisement 1a 1e~on du poeme? Tout ISert du poete est impuissant
a. modifier Ie reel I on. comprend des lors &lon Ql!).ertu..e et, -
malgr& 10 culte qu t 11 lui porte -, Ie d~dain dans leque1 i1 Ie tiento l

D~de.in sen~1i ble danB Ie titre mame "Nooturne Vulgaire" C0llU\10 il


,i
I

(I) of. op. Cit. p. 65 - 66 J


!
, , ,
l'et ~itdoja dana FONTS , "Un rayvn blanc, tombant du haut du
ctQl, an'anttt eette comdie. "
210.

I
i
I
MARINE I

Le titre est un emprunt au ~ocabu1aire de 1a pointure s


uno "marine" est en effet'hn tableau repr'eentant des sujetB marine"
( Littr~ ) . Ce poe e ne se pr~sente pas toutefoie oomme leD
t ableaux que noua aVOlla pu 6tudier pr'o&demment ; en elfet,
dans ORNIERES at MYSTIQUE' l'organisation de l'e.pace Tient au
premier plan, l a sceno est ainei situ'e s

1
Dans ORNIERES s ~droite l ' aube d' 6t' I
les ,ta1us de gauche
~I
D8JlI JlYSTIQUE a gauche, Ie terreau de l' arete
4erriere l'nrete ~e droite . ~ .
La b8Jl!.de en hani du tableau

Dans MARINE nous ne trouvons pas ees divisions de It espace :


c l est qu l 11 forme une unit& indissociable dont le. ooh&sion meme
r &si de dans une f1uidit6 6tonnante . Cette fluidit6 l ui oonfero
des qUalit&s plastiqucs exeaptionnelles. Et pourtant l e po~me
d'marre avec fracas dans 18, lourdeur de "chars d'argent at de
ouivre ll , lourdeur appuy&e par Is. reprise -invers'e "les prouGs
d' acier et d ' argent". Les imagen sont charg&es d'une atmosphere
guerriere, el1ee 'voquent Ie fracas des armes , la conguete. Lom
m'taux ' eux-merllse Bont 'c1atants : I'argent, 1e cuivre'; ou
maj e tueux : Mles proues d'acier et 'dtargent tl Os sont los
symboleD de lO~re moderne : Ie luxe ( argent, cuivre ) associ'
a 1a puisaa~ce'de l'industr1e (l'acier). D&ja, dana VILLES II,
18 poete stextasiait deTant 1e luxe moderne I 111'601 t im-
p6rial des bat~asesft, un dome fait dtune tla.rsature ' d'aeiar
artistique de q\Q,inze mille "pieds de diametre environ", Ifdos
211.

pass~relles de cuivre".

Le rythme est parfaitement adapt~ a la lourdeur


majestueuse dee el~m~nts : i1 eat lent at Bolennel. La
reprise invera~e, deja signaleo, assure l'~qui1ibre harmonieux
des deux premiers vers par la correspondance des proportions,
(7 syllabes) et la rime interne. Lea tirets a
la fin des trois
premiers vers suspendent Ie texte! et permettent ainai a. l'auteur
d'entrelacer dans la trame du poeme ce qui appartient a Ia m~r
(lea proues - vaisseaux) et ce qui rattache a la terre (lea
chars). Ce rapprochement calcul~ provoque la contamination de
l'~l~ment Bolide par l'element liquide.

D'abord dane Ie para1Ielieme des images s

"les proues bat tent l'~cume, _ "


"les chars ......... sou1event lea Bouches des ronces."

Images du labour qui expriment en fait l'analogie, soutenue


par l'etymologie, entre sil1age, et si110n leul.' valeur
symbolique est extensive l'homme s'ouvre un chemin par 1a
force dans une nature resistante

ensui te, - dans la deuxieme partie du poeme t dans une


veritable subversion du 1angage par l'usage ayst~matique de 1a
metonymie ): ainsi

I. les courants de la lande


.,
lea orn~eres du reflux

lea piliers de la foret


2. les futs de Ia jetee

On remarquera que la technique po~tique consiste dans chaque


groupe nominal a provoquer Ia contamination de deux aires
s~mantique$ different es (Ia terre, la mer) par iuterversion de
leurs lexemes l es courants avec lea orni~res, lea pili~r8

(I) Etymologie I changement de nomo


212.

avec lec f~ts. La prooessus de contamination du langage eat


aohevd dans' I'action , les composants qui 1a d~terminent .e
oont en affet plus identifiabl,e s. Cetta perte d 'identi t4 est
bien l'objectif du poete , operer la fusion par le langage
d'~l~mento ph18iq~eDeut distincta. Ainei l'integration deu
"oouranto de 1& land.a" et des "ornieres immenaes du reflux"
s'acbeve dana le mouveQent g~n&ral de convergence qui stampare
des perspeotives at trans forme los 11gnes en vastes courbes ,
"Et filent circulairement Tora l'est".

Ces lignes devienaent les trajeotoires de m&teorea


iilant dans l'espace. Co dornier verbe "filer" jouit d'ailJ.eura
d'une pr6dileotion arquSe dana lee tableaux du poete. Noua 1e
retrouTons en effet dans ORN!ERES : "des caroueils aoua leur
deia de nuit iilant", dans MYSTIQUE , "tous 1e8 bruits
d'a&str~ux iilent leur courbe" et dans PONTS : "des accords
mineura se oroisent, et filent". Le mouvement du tablea. d~crit
une sorte de aaelstrom c31e8t~ dont le foyer d'attraction est a
"l'eet" s serait-ee "la ligna des orients, des progreo"? (I) ,
En fait olest tout Ie poemo lui-mama qui eonstitue le foyer i!un
maSlatrom attirant dans Don orbite lea '16memta lea plus OPP08~B
pour les amalgamer et las fondre !inalement en "tourbillone de
lwdElre. tJ

S1 l'image a'ost pas trap hardie, on peut dire que Ie


, " f. ~, f
poete proeede a. 10. deointegretion de 1 univers sensible, deo ....
integration de '1& aatiero done, pour en oporer le f'usiOlt atomiq,uQ
en l'ol&ment primordi 1 , lumiere. Ce qui preto qualqua
Yraisemblance a
eette extrapolation crest 1a pr6conce B~mantique
dans Ie poems des quatre '16ments qui, selon lea Aneie a,

(I) MYSTIQUE.
2I~

.cmpos ient l'univera ,

laB souches des ronees


1a TERRE 1& lande
la foret D les f~ts

la& prou.em
le3 courants
L'EAU 1'6cUEe
le reflux
1& jet&e

lea courants
L'AlR filent circulairemant
verG lVast

La FEU enfin, ear Ion sait que les metaux lui ont
toujours 'ti aSBocies (I) I at 118 sont fortement repr'sent&s
1ei avec l'argent, Ie cuiTrep lacier~

"Ainsl en deeint&grant cea o16ments - comme nous leavons


Ilontr' per la metonymie., Ia subatitution dee terEtes entre eux
et leur amalgame - clest Ie fondement de l'Univers que Ie poote
d~siDtegre s c'est a dire la matiere (2), pour transmuer sea
atomesen lumiere.

Ces consid~rations faitaa, il serait tout a


fait dane
1& dynamique des ILLUMINATIONS que ce tableau formidable eut
pOV% point de depart un simple jau de 1umiere auquel 1& Yision
hal1uoinee du poete donne vie at formes

..
(I) Tant par leur origine que par leur travail, la 'ta11urgleo
(2) bien que ce terme eoit devenu &msez vague auJourdthttio
ANG01SSE

On ne tiQurait peut-tre mieux d~finir l'nngoi8s8


qu'(jt 10. rapprochcmt du "ropos oolair4" de VE1LLEES I : calui-
oi comma cel1e-1 ~ exprimont un ~tat d'ame du poete comportant
de. eflets physiologiques~ A l'int4rieur de cotte structure,
nous ob orvons des re1ationo par couples d'oppoc's J c'est
ce que r~Te1e l'&tude de leurs composantos s&miquQs (I) ,

AngOiSBO

'tat de relaxation du corps 'tat de contraction du corps


~ lE

G~at dominant , oonnaissance 'tat domin' I ignoranoe


1umiere t&nebres
pl'nitude manque
puissance / 8'curit& faiblesse / peur sans objet

L'angoiso du po~te se manifesto par un qU6stionnOBent


se10n une s6rie paradigaatiquel "se peut-il que " Ce
queationnement met l'accent sur l'origine de 1'angois8o ,
1 'ignorance et 1es t6nebres dans lesquelles se trouve Ie poete,.
l'iapo0sibilit& o~ il est de se sitner. Chaque question rest.
U4\11S rtlpo5.soo

"Se peut-il qu t E11e me fassa pardoaner lea ambition.


oontinuellement 6eras~es .001"

Rimbaud 9 n'ayant jamaie oherch& &fAire oarrier$, 11


taut entendre Dans aoute par "ambitions" 108 aspiratio.a qu'i1

(I) tel que nOUB avons analyse 10 "repos 6cltliri" dane


VEILLEESo
l
21 5 8 1

~prouve dtetre reoonnu a


a juste 7aleur p~ l~ Soci'ta, c'ost
a dire d'etre ~oout6 : . ofoot aU~3i le prglimin&ire ! l'aotion
pour celni qui & peut etre -des oecroto pour changer la vie." (I)
Aspirations hi en naturelles si l'on rappello les affirmations de
VIES I : "Je vous indlquorais los rioheasea inoules" at VIES II s
"Je auis un'inventeur bien autrement .&ritant que tout ceux qui
m'ont pr~eeda ; un musioien mema, qui ai trouv' quelque chose
oc>m.me la clef de 1 t aJilOll.ro" OIl"sa1t que 1e po~te ne rencontrera
i
que l'incompr&bension 1a plus totale, meme parmi seD procheo (2)0 I
j
DQas OUVRIERS noua trouvons une alluBion tres precise qui eolaire I

1e texte : "I'horrible quantit' de force et de Bciance que I


1e sort a toujours ~loign6e de moio" Hi.baud se plaint iei I
de n'avoir janais eu I'occasion de m&t'rialiser seD possibilit6a ~
1'Adverbe "toujours" est 1& replique de "continueI1eroent" pour
reprendre Ie parallelisme des propositions, ("les ambitions
continue11ement 6ora8'eo tt ) tudis que"le sort" ost repria danE
"l'iahabilet~ atal~")

Do co rejet de la societe - silence ou m'pris, 1e poet~


SQufrre profond6ment. No parle-t-i1 pas de son natroce tlcepti ..
ciDmo" l,) de "l'horrible quantite de forco 11 et dea "ambitions, 1
oe lera.aites"? La violence extreme dos adjectifs en eet 1&
I
I
preuve eomme Ie crescendo du paragraphs final I rouler "aux II
I
blessures, aux Bupp1ioss , . . . au torturos. tt L' impnie8ance ,
\
I

A se r6aliser ne se traduit-el1e paa par une mutilation de soi?


Nteet-ce pas co crime contre Boi-meme {4) que Rimbaud d01t De ~ I
faire pardOlUle:r : .de ntavoir pas"s dOllliner Ie sort lIe.
religion. ohr&tienns en eff'et recuse 130 fatali tit qu 1 i1 semble
1/
i
I.
tI
I
1
'r .... .
~!
ti ) DELIRES ' ! I Ub~ SAISON EN ENFER ' ,I i
{

(2) DELIRES II (ALCHIMIE DU .VERBE) . , 1 UNE SAISON EN :&,,!]'ER , "Je


lui. . dis quelqu~fois
paale
rt -' '.. .
Ii je te compre ds. It 11 hauBsai t .160
. . .. . ' ' " .. II
vms II
IlELIRES I
~

s UNE SArsou EN ENFER : "Un bommo qui TOl1t us


I
~utiler e Dt bien dagne 9 ate t - c pa8V~ 1
1
2I6.

illl,vliqU8l!' 101.

"Sa peut-il qutElle me fasse pnrdonner 00." Botons que Ie


pardoB i mplique 1 cnlpabilit& at done 10. r~sponsibilit4 qui
a'oppose a ul':!,nhabilitd fatalG R Dans ce jugement. "Ellett
pourrait venir eomme fa.cteur de d.dculpabilisatioa J observol'ls
que Ie Bujet ulest p~s una aimple personna, 1& .ajuoeule en
milieu de phrase signifie clairement qu'il stagit d'une personni-
fica:t1on. De qui 8 I agi t-il? Ou plut~t qual 8St It.Aotant ell
cause? On pourrait identifier 1e pronom 4 1& "goulG reine de
millions d'iReo et d~ oorps morts et 9ui Beront jug~81n (I)
Ou rapprooh~ra goule de V pire, et on obsorvera sa peroonnification
dana 10 texte d'ADIEU , elle est "reine". "Elle" pourrait etre
identifi' Ainsi a
"1a cit' ~norme au cia1 tach~ de feu et de boue",
Ie "port de Ie misereo" (I) L'on Bonge a
l'imagerie populaire !
I
de I ogre c pitaliete9 ~ la th~orie marxiste de 1& suxexploitation
t

de Is. force de travail ouvriere. Rimbaud n Ia-t .. il pas fat t


partie du nLumpenproletariat- europ&en? Des poemes tels que
VAGABONDS. OUVRIERS en gont n tous oas l'illustration. (2)

Voioi d' aillou.ra que l'interrogation 8ui'trR!lte r.eprend Ie


langage meme dtOUVRIERS s "Se peut-il - qu'une ria ais&e
r~pare les ages d'indigenoe 1" compar& a "noe "ouvenirs
d'ind1gents absurdeo , notre jeune misere." 'Et Ie poete se prend
& eBp&rer, .. sans trop y croire aemble-t-il ("se peut ... il~ 1")
una vieilleBse conortab1a . "-
- ou 11 jouira de quelque aiaaRce - I
qlU viendra effacer tous cos ms.uvais souvenirs. (noter que
"a.is&e lt st ppooe &"indigence" : 11 signifie done ro~tun')" 1
i
1
i
I
j

(I) ADIEU ! . UNE SAISON EN ENFER.


(2) "Ellen. - Is. VaIllpi~e est une figure de sens dont Ie
noyau B~cique est sans RUOUll doute l!&ngoisB 0 Et cetto
angoiese est a 80010e ! un lieu : la ~111e9 qui ast
USBi lieu de sens (mi~ ere , d6shumaniaation, pr o titution,
drogue ).
misere : OUv'"RIERS, VAGABONDS
d6n~ua~1~ation s VILLE
pros titution, d~ogue * PARADE, H
,

217. r

iI
Se peut-il 00. - qU'\Ul jour de SUCC~8 noua endorDe ,i
Bur la ho.te de notre inhabilet' fatale?"

L~
"iah bilete fa.tale" eat explici tee dans Ie passage
pr$oedemment cite dtOUVRlr.n.s s "l'horrible qUaRtite de f01.'ce
et de science'qua Ie ~~ a toujours &loignGede moi." Mais 1e
"jour de SuocGsljnouB parait devoir orienter I'idontification de
l'Aotant vera 1& drogue. En erfet oe SUCC~B ~ph&mere ne faitw
i1 pas r~f'renee aux explosions d'enthoueiasae co MATINEE D'IVRESSE
et a
Ia "r~v'lationtl,uu'lB lendem&.in de ROYAUTE., C' est biem cet
'tat d'euphorie procur& par I'excitant qui endort I'etre sur sa
faibleooo cong'nitaleo "Je m'apercois que mon esprit dort, dit
Rimbaud dans 1& SAISON (1)& "S'il &tait bien 'veil1' toujoura
a partir de ee moment nous serions bientSt a1a v6rit& c'est
cette minute d'~veil g,ui 'a donn' Is. vision de 1& puret61"
N'est-ce point toujoura l'excitant al'origine de oe "double
'venement d'invention et de sueces une raison"? (2) -

On re1evera par ai11eurs les parent&s s~mantique8 nom-


breuses aveo MATINEE DtIVRESSE, sp'cialement dans 1e dernier
paragraphe, ainei s

"nous 8i digne de ces tortures" et Ie "rave dee enfanto"


oo:apar' "aux tortures qui rient" , ,
~chacun de nos ages" et "les !ges d t indigence8" ;
"Ill. fanfare atroce" -et "le silenee 8.trocement houleux"
"chevalet f'.erique" et"les accidents de faerie scienti-
_ fiquolJ o
tandia que itaffirmation nietzsoheenne, "demon-dieu", renoue 8.Tee
190 promssse ttd'antcrrer dans l'ombre l'arbre du bien et du 11~1.." (3)

(I) L'IllPOSSIBLE
(2) JEUNESSE II
(,) L' affirmation de sa pro pre divinit~ est un& prige de conwci~nco
attribuab1e a 180 drogue . (of. 10 t~moignnge de Baudalaire
d4Ul1!J 1 s P.Al:ll.DIS AR'l'IJI'ICIELS , ttl f Homme-dieu" ) 0
218.

L'e para11ele ne l!I' arrete d' ai11eurs pas a. ce seu1 poeme ainsi
1es "pa1meJs" nous renvoient encore a.u jour de auccea de ROYAUTE,
"ou i1s a'avancerent du c6t~ dee jardins de'pa1mes". Dans
JEUNESSE I, lea b1essures Bont a8eociees a l'ivrosse "l'orage,
l'ivresse at lee b1essures", aux desperadoes. Meme dynamisme de
l'image dans ANGOISSJI: "Rouler aux bles8ures par l' air 1assant
et 1a mer".

Enfin les "accidents de f~'rie scientifique" (qui re-


prennent encore un theme de MATINEE D'IVRESSE : l'~legance, la
science ) comportent une juxtaposition int'ressante el1e
traduit Ie double effet des excitants :

d'une part pouvoir magique de transmuer la vision du


monde et de "d'gag~r nos sens" selon l'expression de
SOLDE 1 et c'est 1a feerie

d'autre part decouverte des lois cachees qui gouvernent


l'univers, dee rapports du Uombre et de l'Harmonie, de
1& math'matique de 1a vie (co sont les "trouvailles,
les termes non soupconnes, possession immediate" (I). Plus large-
ment c'est Ie pouvoir si particulier de la drogue de faire Burgir
un autre monde dont l'objectivite ne Ie cede en rien au notre.
Ainsi les fameuses Vil1ee decrites par Rimbaud, - comma "ce dome
artistique de 15000 pieds de diametra environ", sont des illustra-
tions , de cette "feerie scientifique".

II est aBsez probable que "Elle", "la Vampire" designe


bien una SUbstance ha~lucinogene, peut-etre l'opium. La figure
de 1a Vampire s'asBocie naturellement a. l'opium lui-meme qui draine
la force vitale de l'etre : sa volonte. Elle est remarquablement
la figure centrale du poeme de Coleridge intitule "Christabel"

....
liTho imago Qf the iey T6I!lpire coalesoed wlth the idea of OpiUfol ft
eommente un auteur (I) qui a 6tudid 1& queotion.

II est possible d~s lore de r~concilier l'Actant \la drogue)


veo 1e poe~e 0

Se peut-il, so deaande Rimbaud, qu'elle me faaae


perdonnar mes 'cheos par 1& magie de son pouvoir, at le8
possibilit~s inou!es qu'elle a. d~oouverteo (1& "f~'r1a ~c:!.enti
fique lt at plus encore ees II ouvements de fratarni te 80eialo") 0
Clest 18 "ohanger 10. Tie" qui ost en balaace 1ei, les espoirs
entrevus de r6vo1ution par l'amour. II ne faudrnit pas n~gliger
pour autant l"trange bienveillanoe que la drogue introduit dans
tout regard sur Boi. Baudelaire no l' ignorai t pes : lIJ' on
conclue, dit-il que si des tautes anciennes avaient n'cessit~ ee
,
ch!timant temporairep je pouvais o~mpter cependant sur une bonta
fiup'rieur$ 00." (2)

La lucidit& SaRS indulgence de Rimbaud sur 1a venita de


ces "jOU2.'3 de 8uce~Dlt est emportee par l'irruption Boudaine de
1a vitalit~ du poete I

"0 pa1mes! diamant' - Amour, foree' - plus haut que


toutes joiea et gloires1 - de toutes fa~ona, partout,
demon, diau. ~ Jeuneese de eat etre-ci , 8011"

l'
L'angoisse, leD dontes, 1e pessimisme, tout est bal~ye
dans eette derniere affirmation d'une vitalite d~bordanto
~tArtoutn) et r& un&e danll Ie "moi" final. ..A.ff'irmo.tioa de la
supr6matie des puimsance de vie oontra les pn1sions de mort.
transcendantu lea cat~goriGB morales (demon, dian) at plue
eimplement toute reflexion pour situer Ie "moi", le jugerll
, A
L'unique valeur r6conn~e, at Ie poete en fait la supreme Taleur

bit 1 =emc

(1) a. Hayt~r , "Opium and the Romantio Imagination."


(2) "Du Vin at du Hd OhiGoh H : p. 125, op. cAe.
220.

("plUG haut que toutcs joiaa at gloires"), c'eet 1& force


vitale de l' ouro

Apr~s oet interm~de, - mais quel reve11 de tout l'8tret, -


1'a.ngoisse d1spe..r ait pour :f'n.irc pla.oe A un ton mess1an1quo ., ' "(Se
peut-il) que des Qoeidents de r66rie so1entifique et deB mouvements
de fra.-tern1t6 80ciale soient eh~ris oomme 'I 'eotitution progrese1'V'e
de 1& franchise prem1~re? " On reconnait B~S peine dans ee.
"mouvements de fraterni t& sooiale" un 6cho de l'id6alisme
g6n~reux des journ'es de 1a Commune, dont le nOB 1ui-m@me est sym-
bole a tout atous. La second id~alisme de R1mbaud, qu'il
garda toute sa ' vie, est nou~I'i de l'esprit du 18e sieele c'est
1& confianos plec~e dans les possibilit's il1imit'es ' de 1& Raison
de transformer 1& Tie. Optimisme qui oontredit l'affirmation
pr~c~dente de "notre inhsbilete fa.ta.le. u Mais Rimbaud nourrit
un v(u~'i tQ.ble cuI te de la Science dont son sieele tlr~solunent
modeme" voi t las r~alisations prodigieuses. Cette e.dmira~ion
Ron feinte se retrouTe dans 1es "accidentB de f~erie scientifique."
"Accidents" a ioi Ie sens d'impreVu et par extension, de decoUTerte
atup';fiaDte.
De In conjonetion de eoa deux idealismes Ie poete ~ttend
ot eopere Ie retour a
1& transparence des coeurs (ehere " Rousseau)
a 1' B.g0 d'or de l l innooence parta.g'e : 1& "franchise premiere".

" eeo Mais la Vampire qui nous rend gentile commando


que nous nous amusions avec eo qu'e1le noue luisso,
ou qu'antrement nous soyons plus droles."

NOestuce pas utopiame que tout oela? La Vampire se


charge te rappeler brutalemen t le po~to 8 la raalite de ea
condition : lee oontraintes de la d~pendanco foreont 1& sou-
mission. A~sai In missre est tr1ste , ai lIon veut y 'ohapper
i1 raut CODmlencor per 6tre plaisant, Dociable, " ontoI' au di~pR.eOll
221.

des camarade8." (I) en un mot, ~tre "drOlea" i. 1& fagon de


Jacques 1e Fataliate.

"Que nous nous amusions avec ce qu'elle nou& lai8se," :


ntestace pas eneore r&f&rence aux paradis artificie1s s l'amuse-
ment qu'el1e abandonne n
la mis~re, c'est certainement la drogue~

La "Vampire" e'eat bien sur 1 t areh&type de 1'angoisse,


ici figur~ dans l'opium.

Le dernier paragraphe du poeme est aignificatif des


pulsions vers la mort qui envahissent Ie poete face! I t angoisee.
La vo1ont6 de v:i.vre se ,b1e voir a.bandonn6 1 '''tre qui se 1ai8ae
couler et rouler dana Ie flux des 6v~nement A 1& 1utte con-
stanta pour dominer Don deBtin et d l'angoisse qui 1 t a.compagne,
Ie podte pr6fere l'abandon (ttl'air'1assant"), qui, a'i1 est
synony~e de d6feitQ, apporte du moins 1& paix. C'eet Ie rem~de
ultime a l'angoioaet l'appal au aommei1 de l'inconacient, 1e '
retour au a&ant.

Dana le verbe "rouler", cet inconseient est symbolis6


par la er dont le rythme - 1e bercement - inlasaablement repria
est proche du sommail. A partir d'un axe semantique principal I
ttroulor", la conolusion du poemo se developpe dans un cadre
paradiBCatique dont 1& structure est 1s. suivante s

Rouler awe blecsurea / par l' air lassant et 1& Iler


aux supplioes / par Ie silenco des eaux et de ' ,

l'ai{ rleutritra
aux tortures qui rient / dans leur silenoe a rocemen
houleux

Moins peut-8tre que dian ppel au n6ant, il s'agit diane

(I) IES II
222.

acceptation de SOll. aort dans 10que1 Ie pocHe trouve quelque


apaisement : l'imago de 1a mer ~I) reato toujours pr'sente
dans "1e silence dec eau.x" at Ie silonce "liouleux tl , Delle. 'i1 est
atroce.

avons 8oulign~ deja 1acontinuit& de l-axe


NOUD
s6aantique VILLE - miaere - drogue. Sa coh~renee ntest pa~
d'monti$ par les informations dont nOUD di~poB ona sur 1 t Ang1eterre
iu 19- sieele (2). II apparait, selon les souroes revues par
l' uteur,'que I t opiun &tait alors de oonsommation courante (3), et
tree r~pandu dAnS 1es olasses laborieuses. Ce qui n10st pas pour
surprendre puisqu'il 'tait eilleur marohe que Ie gin ou meme 1&
biere. Un ra.pport edical de 11 'poque declare qu I "il n 'y a pas
le 'oamedi soir un seu.1 village dans tout le Lancashiro (centre
du textile) ou If onne puisee trouver de boutique ~u oompt6ir
onvahi par 1es ioles du oordial ; ceci pour 1& satisfaction des
ouvriere rentrant des ateliers." On d1t que De Quincoy gardait
oatensiblement so. prOvision dane une carafe at lea invit6s prenaient
parfoia 1e liquide pour du porto.

(I) Noue r~trouvons u~ ' ehamp '~6~&ntiquetres voisin dana NOCTURNE


VUL~AIRE s ~Et nous envoyer, fouettes ~ traTero les eaux
clapotantu at las boissons r6pav.dues , ~ouler sur l'aboi des
doguoa.'1
t2) of. A. HQYter s "Opiwa aad tho llomantic I gin tion" Ed. ,iI'aber
& Faber s London 1968.
t3) SOUD oa forme suoo'dan6e ( Ie laudanum). Les importations
anlaisea p 8serent de 22000 Ibs en I8;0 a 90,000 n 1960.
I.

BARBARE
...

"Bien apres les jours at les saisono, at les 'traa


' et 108 payo, "

Le rythme de la phrase est doux et harmonieux et lent


BraCe 1 1a caravnne dee eonjonctions. '. Mats voila Ulle intro-
duction qui pourrait etre Ie d~part d'un conte I nous entroDa
dtembl&e dana dn univers ~trange aux antipodes de notre mond~
familiero Noe poi~ts de rapere habituels sont effae~s I Ie
temps (apree les jours) et l'espace humain (les pays), n'cxistent
,.
plus, peut.etre , ~("
parce qu'ils sont desertes spres les , .)
etrea
Les saieons ' emes qui rythmeDt la vie ont p&se~ ' s notre Tioux
monde est loin derri~re, A une distance coneid~rable (bien Aprea).

"LO air est immobile. Que les oiseaux et les sources


sont loinl CQ ne peut etra que 1& fin du monde en avangant."
disBit Rimbaud dans ENFANCE IV. Noat-ee pas un autre monde qui
est annonc' ici, dans eet au-daIs du temps et de l'esp ca, d'ou nous
paL-vient 1& voix du poete? Un autre monde a 1& jonction de Itin~
conecient personnel et'de Itinoonsciont colleotif, celui de la
Genese, ontog~nese mais aussi phylogeneae o
" ("Mo1, 1& premiere conscience du Chaos) je suis Ie con-
temporain deB origines. ' J t ai ha.bi t' le Ronde informe 0.0. sommei.llon t

des b~tes hermaphrodites - quand les doigtB, les nageoiros et }
les ailes ~taient eonfondua , et que des yeux sans teto flottaient
oomme des mollusques " (1)
I I
Aprss 09 transport dans un au-dela nimb~ d'une aura
I

(1) ef."L Tentation de St. Antoine" ,G~ Flanbert , p. IS8


Ed. F&BquQlle t P ria 1919.
magique, 1& chute de la phraoe est dure, choquaate meme I

"Lo pavillon en viands F.Jaignantl sur la soie des


mers et des !leura arctiquea ;"

Au premier abord l'1mage n'a rien de po6tique I


l"vocs.tion de I s. "viande saignante" est plut&t rfipullJi .... t
itraage en tous cas. Mais non point unique : dans !PRES LE
DELUGE nouti trouvons des tt~tal 8" et Ie "sang coule (ra.) ...
aux abattoirs n. Son i mportance dans Ie po~m. eat soulign6e
par un re tour p&riodique , jus que dans 1& finale, comme si l'image
'tait Ie point central de Is. vision po'tique Tars lequel Ie
regard du poete r evient t Qujours . L~image exerce ainsi aRe
force d'attr&c tion sur tout Ie poemo , It vraisemblablement
d~termine 10 titre meme I BARBARE. Pent-on pr'eiser Ie con-
tanu de l'image? "Le pavilIon" est associ' a 1& soie. Dana .
VILLE It "l' ardeur du oiel pavoise lea mets". Et il l' a des
"orifl ammes ~clatants". Or celles-ci sont fai tes "d tun tisfJU
de .!.2.!!. de eouleur rouge" (r) et on les recevait a.vant de
pertir en guerre. Par a.illeurs p Ie po ~me pr'cedent,
METROPOLITAIN, s'acheve sur Illes drapeaux noire et les
perfums pourpres du soleil des poles" ; los"~ et les
fleurs aretiquesnda BARBARE appartiennent a 1& meme eontr~e.

La puissance de I'imago tient asa "pr~.enee ", .test


a dire au caraotere dOext'riorit~ qu'ello possede vis a via du
poete. Celui-ci 'manifeste dans un cri d'~tonne.ent l'etat de .
raviasoment dans l equel Ie tient la vision , nOh~ I e pavilIon
de rtande saignante "Et pourtant, - at eel a est d.' allt ant
plus remarquable, 11 st git toujours de la a~me Ti si o n . Son
pouvoir do f aseina:tion est done extraordinairo . Pm.B 9uffisant
n'anmoins po~r an~antir 1& facult~ critiq~e s par deux fois
Ie po~te rectifie 1 l impreasion dana laquello ses sens sont tenus:

(I) Littr&
2250

"el1es ntexiatent pas" pr6cioe-t-i1 A propos d06 "flGurs


arctiques". Mais p chose curieusa, sa r6S8rTe se limite au
d600r de la vision, aux IIJ,ilers ot (awe) flsure arctiquofJ. M Le
"pavi11on en vi de saignante" quant 1 lui p semble pers6T6rer
dans Ie Bonde r'e1J~ en oe sens qu.' il n' app rtient pas 8. 1 'illusion
Comment concilier oe para.doxa? La seule explication satiefaisante
c'est que Ie poete "conserve un reste de conscience qui survit
a 1a vision ~ ' et empeche son imagination de trop B'~carterde
1a r~alit6." (I) Le poete se trouve dans un ~tat de reve eTeille,
i1 maintient ainsi partiellement Ie contact avec 1e reel.

Que11$ est l'aire semantique de ee p~sage int~rieur?


Nous avone observe 1& correlation avec 1e titre du poeme :
BARBARE~ par opposition au civilis~ qui mango les aliments cuits.
La t'viande s aignantc" crest aussi 1a chair dan. sa nudi HI qui
6v0i1le peut &tre l'appetit sexuel? comme Ie suggere ce passage
de BEING EEAUTEOUS : ft oe corps ador' ; des blesBures
6csrlates at noires lcouleurs du sang) ~c1atent dana les chairs
superbes. H Ella est encore ssooice a
la soie dont la
aymbo1ique sexuelle est 6clatante dans NOCTURNE VULGAIRE s 11
pour a'enfoncer jtaqu' ux 7eux dans 1& source de soie." Par
SA doueeur, 1& soie est bien feminine, e11e habi1le Ie luxe

mais surtout ne serait-e11e pas aesoci&e a


son deriY' o'mant1qu0 I
1& luxure? - luxure pour 1aquelle Ie poeto profeose une d~votion I
I
oertain. I It agnifiqua, 1& 1uxuro ;" (2) Et ne tient-il pall
-I
de sea Uancetres gauloie", (2) a
Ithabil1ement "barbara" (les
"6coroheurs .. de betes"), (2) "tous ' los vices", surtout la "parease".
.1
/
Dans CONTE nous observons les memes s~rieB d'associations :
l'oisivet', Ie luxe, les femmes ', 1'orgie, Ie feu et Ie sang . I1
semble done bien que nimbaud expr i mo ici Ie noeud de fixation de
see pulsiona 1e8 plue animales t ou l ' ac:te do deyorcr 1& chair
,
est a 1& fois sexuel et earnassiero

(I) Moreau de Tourfl I "Du Haschiac h et de Itiii&nation Montalo n


op. cit. p., 65.
(2) MAUVAIS SANG s un SAISOlT EN ENFER.
226.
.
I
I

i
I

I
1
i
I.I
lt
Lea "fleura arotiqu9s repr4aentent una variante des
"parfums pourpres du soleil des p$les " (I) at mettent en valeur
Ie contracte dee symboles du feu (10 sang) et de la glace
I
I
(arctiqu6a ) I maio au dela, elIas Dont peut-'tre Ie eigne du I

grand froid qui glace l'afectivit~ du poete, qui 'treint son


ltooeur gel~.lt (2)
I
I
I
La vision nous ouvre ainsi magnifiquement 1& demeure !
int~rieure du poete, surgie dos profondeurs de son inoonseiento
Deon 1& primaut~'deBsen8ations : Ie gout (la viande) , Ie
touoher (1& soie), l'odorat (les fleurs) et la riche.se at l'~clat
des oouleurs I - bleu / vert 1 'arctique
les mere
rouge / noir Ie sang
la soie.

Cetto primaut~ des Dens tendrait &montrer qua Ie poete .


S8 trouTe a. '-1lS un 'tat hallucinatoire : l'hal1ucination a an
effet et~ pr~ei8~ment d&fini comma "Ie reve des sens ext&rieurs" (3)
Elle est not'o comme un ph&nomene typique de l'aotion dee substances
toXiqu8S (opium entre autres).

n Remis des vieilles fanfares dth~roisme - qui


nous attaquent encore Ie ooeur at 1& tete - loin
des anciens assassins It

URemia" des vieillos fanfares dth&roisme - ".Jcomme l'on


se remat dtune maladie : cleat 16 refus de l'exaltation fQei1e,
artificiel1e, orehestreee Exa1t~tion du coeur s "notre tree
pur amourlt, (4) at de la tete , "l'elegnnc8, 1& Bcience. 1&
violence." (4) dont les tentations ne Bont pas tout fait a

(I) LmTROPOI.ITAIN
(2) MAUVAIS SANG , UNE SAISON EN EN:F'EU
(3) MOREAU DE TOURS , OPe oit. p. 142
(4) MATINEE DtIVRESSE
227.

'teints8 ("qui nOU8 a.tte.quent encore "). "- loin dev


ancieno sS8.ssins u pourrait etre una r&r&renoe au fanatisme
me~~ier de 1& secta des haschiBc~1ns du Vieux de 1& Montagne.

LtGxaltation dangereuss de l'ego, potentiellement toujourz


pr6sento. a 't~ reeonnue pour tella et 'cartee. D'soruaia Ie
po~te semble se tournor exclusivOillellt Tera Ie monde des sens qui
forme tout son univers : NO Doueeurs, 6 monde, 6 musiqucl"
Les interjections manifestent Ie lien intime et l'harmonie entre
son ame et Ie reve des sens : 11 est veritablement subjugu& par
1es merveilles rev~l'es. Les impressions sensoriales qutil en
regoit se rondent en tldouceure" et Ie poete ne peut que repeter
son enchantement : "Douoeursl". L'image 1& plus adequate pour
exprimer 1 s seneations du poete (etant donn' 1& "aoie" - at
1'011 aura. en nu~moire Is. "souroe de 80ie" de NOCTURNE VULGAlRE)
8ers.it celIe du ooeon, symbole de Ie. vie dans Ie. beatitude de
I t espace intra-uterine

a
!insi I t abri du ooeon produit par los sons, 1a fureur
dea 'l'ments ne fait qu'accroitre 10 sentiment de bien-etre I
ItDouceursl Leo bra.siers, pleuvant aux rafa108 de givre, -
-Deuoeurs! lea faux n la pluia du vent de diamants "
Nous aesistona ici au paroxysme du reve des Bene qui opere comme
un creuBet dans 1equel les images reel1se (brasiers, feux, pluie,
rafa1e, vent) 80nt amalgamees at fondues ; ainsi: "les braaiers,
pleuvant 0 0 . 1& pluie du vent". Et de cetto fusion " Is
ooeur terreatre 'ternellement earbonis9 pour nous", Ie poote
extrait des tresors qulil repand a profusion, diamants qulil
jette a tous les vents , a
"les faux 1& pluie du vent de dis.mauta
jetee 0 " ear Is. source en est inpuisableo Ce tlaoeur terrestre",
c'est bi~n eGr 10 symbols de l'Amour qui est au centre du monde
et au coeur de lCetre at qui recele lea richesseo inouiee (I) J
s'il eat nearbonise pour nous", c'est que l'Amour eat partout,

{I) VIES I.
"v~rit<S, qui peut-6tre nous entoure avec SGS anges pleurant " tI)

Et I e monde appsrai.t alors comme neu!, aloin des


vieillos rotraites at des vieilles flammes, qu'on entend qu'on
sant." "Les bra.a iers et les ~oulnes It sont signee de purification,
oomma 1a glace (Ie givre) et Ie cristal (les diamanta). Puri-
fication par Ie feu tIes brasiers) ma1s aU8si par la mer llolil
'eumos) "que j'a1mais comma oi ella eut du me laTer dtune souillure"
(2) noue dit Ie po~te. "Loin des vieilles retraites" et deo
tt
"vieillea flammes 6Toque cat eloiguemant du tempsJ du poete situ'
aux confina "des joura et des sa1eons", de m@me que "vieilla.
fanfares d'h6rolsme - "; maia point totalement effae' puisqua
encore present aux sens , "on (leo) entend", "on (lea) sent".
C'est l'Age de MATINEE D'IVRESSE deja evoque, "loin des anciens
assassins", et peut-etre ansei dee reveriee de NOCTURNE VULtrAlBE I

"1m souffle d10peree les limites du foyer."

Ctest Ie meme Eonde nauf dont Ie poete perjoit 1&


"musique des spheres" (3) : "La mus1que, virement des gouffres
et choc des gl~oDs &ux astres" et qu'il avait entrevu dans
ElrF1ANCE V , "Aux cot's, rien que l'epaisseur du globe. Peut-etre
les gouffres d'azur, des puits de feu. C'eat peut-otre sur ces
plans que se rencontrent lunes et cometes, mers et fables." Le
"virement des gouffres" &voque la magie eoncentrique des ondes
sonores par Roaimilation au fameux maelstrom ; nous reconnaissons
1a meme dynamique du maelstrom dans MARInE, Ie "Voyag6" vera Ie
Centre, duquel emane l'immense vibration qui soutient Ie monde. (4)
0 at choc des gl8fona &U% astres." : musique d'une puret&
cristallin8 qui Yibre "dans Ie silence stral"o (5)

(I) LtIMPOSSIBLE : UNE SAISON EN ENFER


(2) DELIRES II / UNE SArSON EN ENFER
(:~) cf. "Silonces traversts dee Mondes et des Angesn dauB VOYELLES
(4) ct -Nerval :
0 "Du aein des dne'bres muettes deux notes on t
, ']1
reaOfu"lt3, . une grave, 1 I autre algue.. - at Itorbe "ternel
,

atest mis a. tourne.1:' a.u8sito t,,"


-' (5) FAIU!
2290

"Et Ii, les formes, lee sueurs, lea ehevolurea et


los reux, flottant, Et les larmos blanches,
bouillantes s - S douceursl _ n (I)

Dans FLEURS nous voyons "la. dtgitale s'ouvrir sur un


tapis de filigranee d~argent, dtyeuz et de chevelurea. n (2) La
vision reproduit cette amsocintion 4trange s il semblQrait que
ltunit~ de la perception sensoriale Boit ~clat~e. Les organe.
d~tach'a du corps menant une vie autonome. Les corps eux-mmea
n'ont plus de substance s ils ne sont plus que des "forme~",
c'est a
dire des contours, ou des s~cr'tions (aueura, larmes).
C,fest a dire qu'il stopdro une li9u~faction de la. sensation, une
osmose ' aveo Ie milieu ambiant s ' tout devient flottant, tout eat
"douceurs n Cet 'tat d'osmose nous parait reproduire les oonditions
de la vie intre-uterine ou Ie foetus baigne dans Ie liquide amnio-
tique. (3) La suite dll padme renforce cette orientation de Ie..
lecture, avec l'interventicn de la Femme s "- et la voix
f6minine e.rriv~e au fond deD voleans et dos grottos arctiques."

"La Toix f'minine' renforce Ie sentiment de bien-.etre,


elle est Ie. douceur personnifi~e. Elle parvient jusqu' "au fond
dos volcans et des grottes arctiques", eymboles du feu et de Ie
glace. linsi lea "crateres rugissent melodieusement "(4)
et les glagons renvoient IJ&eho de la musique divine.

La voix feminina entandue au ~lus intime du poate c'eat


1'&eho de 1& Mere qui apaise r~voltea et eoleres (les volenns),
qui rechauffe Ie "coeu~ gel'" (les grottea aretiques) , dans 1a
symphonie des "Doueeura"9 c'ast la note qui s"leve ot attaint
l'etre dans see profondeur~o

(I) of. Baudelaire: "Alors Bur les saux mouvantea de lfOc&an, la


mer mtapparut pav6e dtinnombrables tetes tourn~eB vers Ie ciel :
des visages eo. par milliers, par myriad08 , par g~n~ratione,
par 6ioc1as"0 in "Les Paradis Artifioiela tt : La. Pletade.
(2) noua souligno~s
(3) Et pr'aia&men,t c ette ~i~ fo e tala retraoe dune 1 t on,tog~noBe lou
etapes de Is. phylog~neBc" ef. "Thala.ssA" s Sandor l1'erenc;; zi :
Ed. Payoto
( A \ 'M" . . . . . . . . . . . . . .
SOl R HISry~ORIQUE

- REa que1qu0 soir, par exempla, que setrouve Ie


tour1::r'c;e ns.tr, retir' de nOB horrcura 'conomiques 1t

Relevona imm~diatement Ie rapport d'homo1ogia qui unit


08 texto al'introduction do PROMONTOlRE (I) &

Soir Historigue Promontoix-e

en quelque soir l'nube d'oret In soir~e


frissonnante
que se trouvs trouvent
Ie tourist nat! motre briok
ret1r~ de nos horreurs au large
6conom1quea

Oe "tourist ndftt n'est a.utre que Rimbaud, ai lIon


poureui t la lecture du poems : IiL meme magie :bourgeoiae 8. tOUD

1es pointo ou Ie. malla !!~ d'poaertAl n ..


"Touriste tl at "brick"
ont 1& meme origins anglaise et oouvrent Ie mame theme du voyage.
Entin, "a.u larga" et "ret1r' des horreurs economi que sIt admettent
Wl troj.siElme ter.me eOInmllB : 1 t1 colement , caln1 qui sa tient a
l'ecart du monde.

Le style impersonnel renforce l'&l~ment


descriptif du
po~me. Ainsi lee verbea - 'ttrouvent ft at "se trouve U ; espaee
environn& par le cosmos J ainai - nen quelque soil:" ct Itl' G.ube
dOor at la soiree fr.is30nnante lt On peut meme dire que le point-
Stljet 0st englonti dans leimmeneite du cosmos. Olest''l'aube dtorll
qui ftt rouTs notre briok" dans PROMONTOlRE~ Quant au tourist naIr,

{I) Beudelair#l : II fix&nt mea ;raux Bur l"toile po1a.ire,


pour ~vite~ do doubler dQ nouveau tOUB le o oaps at leo
.0.
pronlc,n'toires qUG j'/:l.vaia rencontr6s." in "Les Pa.radirl
.Artifieielg lt s 1)0 350 Ope ci to
son espe.ce est Ie 80ir environnf! par lee "Rumours des ~illelJ
e.u. 8010i1 9 et toujours" (I) et l)ar Ie oie1 "eur Ie couebantll
(SOIR HISTORIQUE)o v

oeD deux 1aeturo8 para11a1es nous pouvone essay-or de


De
d~gager un l!!! po~tiqua (2). Ce lieu est d~fini , d'abord par
l'iso1ement du monde ext6rieur ~au largo, retir~ de nos borreura
'eonomiques) puis par une oontemplation, l'indiTidu 6tant saiei
par 1& grandeur du cosmos {lfl'aube dlor", "lee chromatismes
1egendaires, sur Ie couchant"). Et imm6diatement l'a.dmislllion
dan; co lieu cr~e un 'tat poetique privi1'gie I "1& main d'un
attre anime Ie c1a.vecin des pr~s J". Iso1ement et contemplation
oonduisant a
1a vision po'tique, onvironnement cr'puscu1aire ou
nocturne ("on quelque Boir") nil sont-ee point 1& 108 ~lf~llent9 de
1& vei1l~e? La pr~sence de upr~s" ne constitue pas une pnsomption
n~g&tiye, - au contraire si Iton se r~rere au texte du poime
YEILLEES I : "C'est le ropos ec1air~, ni fi~Tr~t ni langueur,
sur Ie lit OU Bur 10 :pr~o" li'oub1ions pas 1a puissance magi que
attaeh~e a
10. Tieion po~tique dans 10. vei11ie , "L3 plaque du
foyer noir, de ree1a 0010i1s des graves : ah& puitB dee magies
seu1e vue d t t1.urors, eette fois." Magie qui cet reveH~e par la
aissance de r~ it~ : Ie poets pr'cise bien "reel" 201ei1a."

De meme I'animation de 1a nature t"Ie claTeoin des


prf,stt po.rticipe dtun pouvoi~ sur les choses 1nanim~e8 r Rimbaud
y reconnait ula main d'uu !la3.tr~.1t
(3) Nous reeonnaiSDons sa
signatur dans 1& fneult' de o'identifier & toutee 1es formes
er~~Ga, de loa voir Avee l'oeil int~rieur, seul capable d!an1mer
l a vie 8eer~te qui est 1& leur. 11 s~agit bien de pa~ticipation

(I) DEPAR~
(2) ef. N rva1 I "Je me trouvai B~ uno cote ~clair~e de 00
jour Oe.nB 010i1 " '''Aurelia''
(:~) "La ..,.~ri table poste II Cest en ~crivs.nt que l' audi tour, no!!
pas 1Q m 1tre de , ass oaractores 11 loa regarde agir,
eomma dans Is r5VGe" ,Jean Fanl s gpo cit. Ao ~guin ,
p~ 189 s ttL Ame D.omantiqu0 at Ie R~h6~
cen form9B dtexistenca (ou d'etre) , puisque lea sens y prennent
part. linei d.a...'lB .!PRES 1 DELUGE ,t un lieTre
.
di t 8& priers dana
"les olochettelJ mouTanteS",l "leG fleurs regarda.ient" ; . dan.
ENFAlTCE 't1oe fleure de rave ti.ntent" et 11 y a un "olair d'l\l.ge qui
sourd des preso" La m~itre eQt bisn calui qui a le pouvoir
magique d'animer la nature a eo n'eat pas Rimbaud qui ici nlest
quQ.udit uro (I) Le tourists qui pout touioy'!!' (2) avoir recours
a eo mattre ne serait-il pas dependant de os dernier? Sa na!vet6
("n&frn ) . est peut-etre Ie fait de celui qui ne parle pas le
langage de 1a tribu eomme 1e sugg~re L'IMPOSSIBLE I "Le Mondel
les marehands, lea maIfsl" (3) Mais le touriste est aUGsi un
obsarvateur "s~r1eux" puiaqu'il a su deceler "168 horreurs
&conomiqueso"

" 000 on joue aux cartes au fond de l'etang, miroir


evocateur des ~einas at des mignonnoo "

L'Qyocation eat un terme de magie ; Ie miroir est Ie


syehole de l'illusion de 1a realite, illusion qui permet ici cs
voyage dans le temps, daus l'histoire. La sCGne est anim~e ,
"on joue au cartee"? gaie, a.ssociee aux accords du c1 a.veein
QTOe ndes reines at de8 mignonnes."

Le style imperaonnel ".2!l, joue", lion a 108 saintes"


ronforee l'ebjectivit& de la description. II stagit done bien
de visions provoquees par Ie maitre du spectaole dont Ie poete
ost i la fois Auteqr (puisqu'il lui prete In forme des mots ) et
8:R0C~ ntey..! ( qui eontemplop ou 'cou.te Bon exp~rienoe).. L' obj~ct:t
vito de caB visions lea r ange parmi le3h~11ucin&tionSe La poet~
est a 1t~couto de ce qui Ge or6e en lui selon lea terme s de 1e
LETTRE DU VOYANT : "8i 10 ouivre e '6 ... e111e ciniron. i.1 n By e.
rien de sa fauteo CGla m'est ~vident I j'ns~isto a 16~eloion
de :na pens'e s ja 1& regs.rde, je 1t~co\lte 000" at encore tlai

-------
.._.----------------------------------------------------------
(I) efo Supra: "Le v'rit!lbl~ poate s'ont en 'crivQ.l.l.t It

(2) "en. que1que soirn


(;) UNE SAISON EN El{FER
oe qu'il rapports de la-bas a forme, il donne forme, si cleat
informs, il donne de l'informe." :

"on .. les 8aintes, les voiles, at les fils d'harmonie,


et le8 chromatismes 16gendaires. sur Ie couchant."

Lee formes ttsur Ie couchant" se disBolTent, se font


'vanescentes s"tirant en fils d'harmonic (I). Remarquons 10
proc4d6 synesth'sique unifiant Bons et eouleurs I

les saintB les chromatisme8


-+
les 01les
t sur Ie couchant
r -_....;>~ les fi18 d' harmonie

La syn.estb&s1e n'est-elle point justement un ud.'reglement


do tous 108 sens"?

1t Il f'r1ssonne au passage des chasse" et des hordes. 1I

"r1" repr'sente peut-etra "Ie tourist narf" aiD 11


nous semble que la tournure est plutot imporsonnelle pour aarquer
1a dominance de 1& sensfttion - sensation unique que nOUD
reneontronD r~gu.l.ierement dans les ILLUMIlUT10NS t (2) ains! dans
PROMONT01RE I "la soiree friGsoanante", dans VEILLEES , uLe
I
rave fr !.chit." "I
!
' Soit encore que Ie texte Qxprime une vision d'apocalypse
(3) , et oe serait alors 1a mort qui passe. La Mort ~st aOUTent
ff~~ee a cbeval (Apocalypse, DUrer) J dams ORNIEBES il Y a
"des oer neila dressQllt les panachaa c1' ebene, filD.ll~ au "trot
,. ,
d e grW1ds j uments bleues et noires." Dans ce meme poem., cett
derniera i mage est aa6oci~e comme 101 aux comediens. Avec leurs

--------------------.----~------..----------------------------------
(I) cf. dans PONTS : "les acoorda minoura ae croiaent, at filent tU
(2) cf. :BEING BEAUTEOUS
H
FAIRY
(3) DenG l'&tat de re e evaill~ qui est caIu! du poets - croyons
nOUB '"" UUG sensat1.on pout produ~.:ce 1e r~V'e et ~ '1' int~gr~rt :par
'~r~due t:!.on Oll p .,:r condensa. tion comrae da1).fIJ 1 C1 m6 t.ol'lymie.
costumes bar101es g leurs chars, leurs chevaux, leur troupe peut
'Toqu0r quo I que "horde" barbara , fIla. com4diG goutt. sur les
tr4to Qux de g zonon Remarquone I'afret stylistique de eon-
cantration produit par Is. ~blo ato~ymie - la com4dia goutte
log treteaux de gazon .
Prooessu8 d'amalgame at de fusion des elements qui donne
,
naissanc a una image neuve at 8urprenaute.

It .00 Et l'embarras des p uvres et ~ao faibles eur


cas plans stupidest "

"Ces plane" indique une projection dans un eapaee


visionnaire comme Ie montra I' encha.:lnement du tex'te' n.A. sa.
Tision osclavs H 0" D'ja.
dans VIES --r Ie poete proclaLlai t :
"Je voie 1 suite!", et 11 dressa.it Ie mama'cons tat navrant I
"Qu'eat mon n&ant aupres de 1& stupeur qui vous ttend?" - II
est remarquable que la '"stupeur" ee situe au carrefour Q~mantique
de "l!embarras" (des pauvres) et (des plans) "stupides ." Les
"pauvres lt et les faiblea" s'opposent iei aux conqueranta (les
hordes, l'Allem&gne, "les deserts tnrtares", "les r'voltes
an.iennGa").

IiQuant au mondo, qU8l1d tu Bortiras que aera.-t .. il deTenu.? En


touo cas rien des apparonees aotuelles" prevoyoit Rimbaud dQn8
JEUNESSE IV D Et en affot Ie monde qui va Burgir est "un petit
monde bleme ot plat ... ,
II
pla.ce doubl ement BOUS J.o signe lune-ire :
"l'.A1lemagnCi s"chafaude vers des lunes" ; ltadjecti! "bleme fl
appartiont a la meme constellation eemaatique : "108 blames
f'i,"lU'es lunairea ou" (I) qui apparait encore dans ENFAlWE V !
"OVast peut-etre sur ces plans que se rencontrent 1-~e9 at
cometea, mers et fables 0 . 0 Pourquoi una appar6nce de Boupirail
blemiraitBe11e u coin de Is. voftte?" Un monde siniatre, donc,
sanu vie o morne V'plat")" mesquin. 6triqu6 ("petit li) que 1e poete

(I) NOCTURNE VUL~AIRE


,r4sum' en un seu1 mot I bou,rgeoia. Cf) r6trdeisaement de
l'espa.ce eDt eo-extens if at 11 expansion du capi talieme conqu~ran~.
tlLa. m8me Magie bourgeoise ',a ,tous les points ou 1a mal1e noua
d6poaera&" Cette "ma.gie" a. l aq\l.alle i1 faut 08 ooumettrel ' :
"les blanca d~barque .nt . Le oanon~ II faut ae soumettre au
bapt$me t s'habille:r, tro.vail1er." , tI)

On reeonnait tous lea maux imput'e par Rimbeud 1& a


soci&tA bourgeoiee s Ie "bapt~me ~ est Ie symbols de la 'naiasanee
t1 1& cu1pebi1it' chr'tienne (2) " J "s'habi1lor" aignifie 1a
pert. de l'innocence, l'hypoeriaie bourgeoise entretenu8 Bur la
aoxualit' , "travaillGr lt dana cotte soci't& clest Ie eigne dG
l'ali6nation car 1& vision du tra.vail est "eac1ave". "Travailler
maintenant j ama.is, jamais ; je suis en gr~vell .~crit Rimbaud
dans soa programme de yoyance (;). On reconnait Ie jugement
impitoyab1e porte sur notre civilisation par Nietzsche dans ee
passage para1le1e de MAUVAIS SANG I nLa ra.ce inf~rieure a tout
couvert - Ie pauple, comma on dit, la raison ; 1a nation et Ie.
soienoeo"

Comment echapper a 1 t enserrement de la "magie bourgeoise",


A 1 'ennui (ttun petit monde ; bleme et plattt) e1; .. l' angoiss8
("eette atmo5ph~re personne11e, brume (4) de remords physiqueg")
qu'el1e secrete'partout avee elle? La po~te r~pond implicitement
mais par 1a negative : "puis (spree Ie monde bleme et plat)
un b&llet de mers et de nuits connuea, une chimie"oans valeur, at
das m6l6dieo impo8siblee. n Ce qui doit suee'der &In magi.
bourgeoise, olleet Une autre magie, une "ohimie SMa valeurt19
clast a dire Dans pouvoir r~e1 de transformer Ie monde . Cl eat
une ohimie qui opere done a
bon march~ sur l'ennui et l'angoiase

(I) MAUV..uS SANG I UNE SAISOIT EN ENFER


( 2) "Je euis sel aTe de mon bllptem19" (WIT DE LtENFER)
(;) Lottre 8. IE&..l11bard du I; mai I87I . ' .' ,
( 4) ~Nous cu1tivons 1a brume .Qo Yo Prudhomme est n& avec 10
Christ n d~olQ.r e Rimbaud dans l' IMPOSSIBLE (UNE SAISON Ell
F.!NFER) ~
236.

c&:r al10 ne at etta.que pas aux eondi tiona qui los ausei tent.
R1mb aud fait tr~a probab1ement 1e1 a11u~ion aux droguos qu'i1 \ .
connait , "un ballet de !ll~rl3 at de nuits connues del!J
m61odios impoBsibles n d6crivant ainsi los fantasmes de leura
etfets, at 1& d~si11u8ion qui s'ensuit.

SOIR EISTORIQUE s t aell(~ve sinsi sans 180 Illoindre lueur


dteapoir pour 1thumanit~. "1s. race inf'rieure a tout couvert" J
la fin du Illonde bourgeois n'a pas d'autre perspeotive que
1tApoca1;ypse dont i1 convient de "surveil1er" 108 "certitudes
si pou ma1ignement indiqu6es dans 1& Bible et par lee Homos n
Remarquons que pour Rimbaud 1e catae1;ysme final ne fait pas de
doute, i1 stagit d'une "certitude" at conc1ut-i1 ttce ne sera point
un effet de l~gendo ln
2370

MOUVEMENT

nt'air oat immobile. Que les oiseaux at 1es sources


-Bont loint Ce ne pent ~tre que la fin du mondQ en
&Tanfanto" (I) at le podte ajoute I
'~Po\\rquoi -une apparenoe de eoupirail blOmirai t.81le
au coin de 1& vo'dte?tt (2)

Nous mettona en exergue ces extraits des poemee dtENFAlTCE


pour relever le chemin parcouru par Rimbaud depuis Ie debut des
ILLUMINATIONS. Ces deux poemes ont en commun Ie theme de 1&
Demeure , 10 "salon Bouterrain" au centre de 1& terre (ENF~{CE IV)
Ita une distance -enorme tl.u.. dessus -de mon salon souterrain tt, et
"Ie soupirai~ tt d 'EliFANCE V. Le po~he accompli t un "voyage au
bout de 1& nuit" - , "ville monstrueuse, mdt sa.ns fin." (~)
Le terme de ce voyage -doit etre l'enseveliesement dans Ie neant ,
"Qu'on me lou. ce tombeau Je Buis maitre du silence." (2)
Immobilit&, repli sur Boi, enfouissement au sain de la terre at
rupture avec Ie monde, noua trouvons dans ENFANCE V lel5 el~ments
d'un d~sir de regression thalassale - c'est a dire que le poete
est .habite par des pulsions de .mort.

UOUVEMENT au contraire obe1t a


la dynnmique de la volont~
de puias&nce : l'e~pace claustrophob1que d'ENFANCE fait place aux
nouveaux horizons qui s'ouvrent devant ulaa conqu~rants du monde."
Ceux-ci sont nen prise'" avec tous ul es influx de viguaur. tt (~.).J
comma Ie 8uggdre "1'6norme passade ' du couranto" La n~e.nt - de lfennui

(I) ENFANCE IV
(2) ENJniliCE V -
(3) ADIEU s UNE SAISON EN ENFER.
("oes livreo sans interet"d' ENFANCE V) devient "lthero'ieme
tie 1& decouverte" at le silence so fait "extas9 harllonique."
Ltangoisse (lila boue eat rouge ou noiretl)(I) et l'oppression
("nui t sans fin" (I) ) se dissipent dev8l'lt lila lumiere diluvienne."
Voila donc deux poemes des ILLUMINATIONS en rapport diam~trnl.ment
epposes S deux momenta dans l' evolution de Rimbaud, dOl'lt
HOUVEMENT est un sommet , par l'optimiame et 1e dynamisme qui
l'animent.

Au centre du poeme , oe substituant &l'image pesante du


tombeau , se dresse 1a haute et nobl e figure du "Vaisseaue" Ce
vaisse au est l'archetype de l'Arche , i1 emporte les nouvelles
fondations du monde I "1 t6ducation des raoes~~. dGS olasses et
des betes" at effectivement 1e cataclysme du D6luge est present I

i
.I
dane 1& premiere strophe avec 08S " voyageurs antour6s detS
I
I

trombes du val at du strom." La ciel at 1& t erre semblent i


oonfonduo dans 1e deversement des Q8.UXo (Strom pourrait etre
d'ailleurs l'abreviation du "mai1stro II pour respecter la
sym&trie de la fi gure semantique, trombo .. strom avec rime
I
I

orois' )
I
CeQ mysterieux voyageurs n' ont cepeno.ant rien 8. craindre II
au milieu des elements decha1n6s s "Ie sport et Ie comfort
voyagent avec eux." (2) Ce sentiment de securite et de Bup~riorite
est 1a pure expression de la victoire de Ithomme sur lea forces
naturolles. MOUVE~{T est un poems scientista et humaniste s
foi dans In seience et confianoe illimi tee dellS le glmie humain.
"Ces c onqu~ran t s du monda n 11e aont que lea heritiere des grands'

(I) ENFAL"iCE V

(2) of .. :B&tud~laire s "bonheur de savant a t de 801i taire


amouraux du ,9,!ilfort . s una belle b1bliothequo et
l' hiver fe,isant rage dans la montagne. 11 in "Les Paradis
Artifieiels ll : opo eit. p o 356 I Tome I. La Plarad s
On llotera~ B,U dElla. de la parant& clo ton , l'orthogr 'Phe
~~glai8e t - reprise deux Oi3 par Rimbaud ( of. SOLDE) .
I'
I

I
1
voy-o.geurs de 1& Renaissance.. 118 eontinuent 1a tradition I
I
humanimte. (I) Rimbaud a l'intuition de l'immense parti qu~
l'homme pourrait tirer de l'energie enohaln'. dans 1a nature.
I'
!
Sans 1a noumer precisement, il definit l'energie hydro-eleotrique :
nUlle digue ... la route hydraulique motrioe H O " et "les chutes

du f1euve, . 0 . 10. ce1erite de 10. ramps. l'enorme po.ssade du


courant 000" Lo poeme oharrie dono les qua1it's de son humanisme :
dy-nami sme vital. esprit de eonquete. optimisme, confiance dane
les ressouroes il1imi tees de l'intelligenoe humaine pour "changer .
10. vie,," Cetta confianoe eat plac&e dans Ie so.voir prodigieux
des voyageurs I "Monstrueux, s'eolairant sans fin, - leur stook
d'&tudes." (2) Chose curieuse , oe Savoir semble alli6 a ls. magie
puisque les "oonquerants" sont en quite de "10. fortune chimique
personnelle." Ne sorait-co point lB.. "l e lieu et 1& formule de
VAGAl30NJ.)S?

Une autre observation s'impose : clest le oontraste


entre 1& puissance sauvage et formidable des 'lements liquides,
et le ca1me azureen, voire Ie flegme britannique, qui regnant sur
Ie Vaisseau. Celui- oi est bien Ie symbole de 1& Demeure, de 1&
s,"ourite au milieu de 1& tempete . Symboliques Aussi des g~n6rationlil
futures, c'est a dire de l'homme nouveau , 1a figure de proue de oe
"couple de jeun&sse (qui) ehante et se poste. 11 Image d'Epinal
du realisae socialistel II est possible que le Vaisseau qu'est
1e poeme ait &t' lance par un concouro d' naccidents atmosph6riques"s

(I) efo de mama Nietzsehe in l'ANTECHRIST tU~E J 1967 ; Paris ).


p. 79 s "1& Bciance est Ie premier p~ch', Ie germe de taus lea
peches, 1e peche original. Cela, at rien d'autre, est
1& morale."
1'.10'1 f "A_t_O!l enfin compris, veut-on comprendre ee qu'6tait
1& Renaissance? La transvaluation dee V'aleura chr&-
tienlles, Is. tentative pour f,aire triomph0r les
valeurs opposecs, las vs.1eurs disti.ngu&es ~ II n'y
aut pas jusqu'a pr6sent de prob16matique plus d~cisiv.
que celIe de la Renaissance - ~a question eat-!!
gueatio~tI

(2) cf~ Daude1~ire : "ces bib1iothequ9s o~ sent 8.coumul~e , leo


travaux de In science n irs.. tiLes Pa.radis Artificie1a".
240.

nous songeons a
ur.. orage viplent ("lea lumi~re8 inoutes")
acoompagn~ de pluies diluvionnos (d'ou le soheme du D&luge, la
route hydrau11que motrice signifiant l'inondation).
NOlle retrouvona par example la memo constellation s~man

tique dans ces lignes d'ENFAHCE IV s

ftJe flIuis le 89:Vrult au fc.uteuil sombre. Lee br6U1choB et


le pluie se jettent a la crois'e de la bibliotheque~n
qui, A elles seuleB auraient la foroe motrice n~ce8s&ire pour
d6marrar le vaisseau de mOUVEMENT.

Noua reconn3iesons en effet , 1. theme du "saToir"o 1e


"stock d t etudes", Ie tlcomf'ort" de 1a. bibliotheque. Et le c'ontraste
de la Demaure chauda et confortable bravant les BSS&uts des &l~ments
d~eha1n$s, ne peut manquer de fsire nattre chez Ie poete le senti-
ment de sa propre p,dss~~ce &inai qutune certaine jouissance.

Demarre dans cas conditions, le VaiBseau de MOUVEMENT


serait ainsi 1& projection d'un reTe eveill~. Ne serait-il pas 1&
frui t d 'un de cee I1terribles soire d' etude" a
la "lumiere
diluvienne" ? ftL 1 extase harmonique~! n'eot-e11e pas Ie signe de
os ravissement des sena provoque par les excitants?

"Car de la causerie parmi lea appareils, - le sang~

1es fleurs, 1e feu, leo bijoux - "

On remarquera que l' on re'trouv'e encore une fois (I) los


termes de l a physique des quatra elements, aTec une l~gere tr~nSa
l atiouG Dans l'ordxe : l'~l~ment liquide ot l'&l ement aerienJ :
le feu at 1& terre (les bijoux). Leirruption de la matiere brute
fed t contrasto a.vec 18 haute cduoation et lao disti.nction (de ces
Toyag(:urs)que nous assccions a. lila causerie parmi lea appareils".

----------------------------.. -
(I) f" MARINE
241.

L'image est symbolique d~


1& ma1triae de l'homme Bur 108
force s nature lIes il est significatif .qu'el1e s'ach.ve
Bur la vision "sana fin" de "leur stock d'6tudee."

Le po~me s'arr ~te sur 1a promesse de ce "couple de


j eunesae (qui ) a 'iao1e sur l'arche". Rappe10ns en effet qu'une
selection de to us les animaux est entree par 90uples dans l'arche
de NoB. L'ancien monde et see couples menteurs sont laisses loin
derriere (cl est Ie sens du pardon : l'effacement du pasB~).
La jeunesse s'eat d~ja reconcili8e avec el1e-meme 1 'amour
est retrouve et avec lui 1& joie de l'action :

"Est-co ancienne sauvagerie qu'on pardonne?


Et chante et se poste."

Cet optimisme de Rirubaud fond~ sur une philosophie


scientiste est particulierement vis~ par SOLDE, poeme qui brade
tout es les conquetes de MOUVEMENT .

Ainsi : "A vendre 1es habitations et le8 migrations, sports,


f eeries et comforts parfaits , (I) et Ie bruit, Ie
mouvement et l' avenir qu'il s font!"

(I) Remarquer l'orthogrl1phe anglaise deja signalee ici memo .


242.

BOTTOM

"La r&alit' ~tant trop 6pineus8 pour mon grand


caraotere, - je me trouvai n~&nmoins chez Madame,
en groB oiseau gris bleu 0 "

11 est signifieatif que les premiers mots du poem.


soient I "la realit~1I ; car "elle" est bien le point de
d~pa.rt oli il eonvient de ne point trop sfattarder, "6tant trop
&pineuse" pour le taet de l'auteur. Le poeme s'annonee done 4eo
1& premiere ligna comme una evasion hors du reel. Nous sommes
Ainsi convies aaccepter sans surprise excessive les &Tatars du
poet , tOUD a tour oiseau, ours etane.
,
La marque de cette evasion, nous en Toyons Ie signe dane
1& suspension du diseours ( Qpres l'affirmation preliminaire)
suivie immediatement de la localisation de l e.illeurs avec "Je
me trouvai 0 tI - suspension qui est la trace 6erite du hiatu8
qui s'introduit entre l'ospace-temps du 1'601 at Ie lieu po~tique
dans l oquel le poete se trouve transport6o La forme verbale
passive indique l'absence de continuit' entre 1es deux espaces I
1e passage de I'un a l'autre se fait sans lien interm~diaire.
Simplement on "se trouve" dans un ail1eurs qui n'est pao situe.ble
sur 1GB eoordonnees de notre r'el d~fini par Is. physique.

Nous reconnaiasons 1a configuration du mame lieu po~tiquo


que hante 1e poete dans PROMONTOlRE ("l'aube d'or et Is 8011"0
jirouvent notre briok ... ") ou dana SOIR HI?TORIQUE (\ton quelque
~ que se trouve Ie touriste "). La structure spatials
0St fidelement reproduite avec la lOC8~i8ation d'un silleurs ( 3S
trouv ) ' et l'environnement qui sembi indimpensabl a l'$vasion s
le soir {la nuit) 0 Ici encore "les ombres de 1& soirE1e" font
partie du decor. Univers familier de la veilltSe dont Ie point
de concentration est "la plaque du fo~or noir" (I) tandis que
"Ie groB oiseau grie bleu s'cs30rant vers les moulures du
plafond" evoque les battemente dee tttourterelies de la veillde" (2).
Rappelons encore du meme poeme les "groupes sentimentaux", ai pro-
eminents dans J30T.rOM (3), comme cas , netres de tous les caracterea
parmi toutes les apparencee" (4) dontnous &8sistons ici a quel-
,
ques metamorphoses.

Dan.s 1& veill~e I' espa.ce est ainsi rddui t Ii un point


par Ie oentre duquel Itesprit s'~chappe, 1ibre alors de se
~incarner "en grOB oiseau gria bleu" ou "en groB ours aux
gencives violettea. 11 Ltinsietance mise sur l'adjectif "groan
peut etra prise comma un signe de f amiliarit6, Toira un lien
d'habitude entre Ie martre at l'animal. Noue voyons ici un
scheme i mage des relations entre Ie poete et "Madame" (sa mElre) :
relations, on ne aaurait etre plus explicite - de domestication.
Clest bien 1a fi gure imposante de Madame Rimbaud qui se dreGee
sur oe baldaquin 9 "supportant ses chefs d'oeuvres physiques",
tandis que Ie filo -est "au pied ll dans Ie. position du qu6mandeur.
Ce bon IIgros ours (de foire) au poil ch.enu de ohagrin" eemble
quater ltaffeetion de eOB maitre (5) II n'en est pas moins 0

probablement rive a
sa chatne, tout comma "l'oisellugriB bleu"
est prisonnier de sa cage dont il explore lea limites (6). On
notera que "8 t eesorant" se di t d 'un \'Oi808.U S t 6cartant et reven&Jlt

~ ." # ..

(I). VEILLEES III


(2) VEILLEES III
Cf. aUB8i Baudolaire I "Lea peinturea du plafond prennent une
vie effrayante" in "Du Yin et dUo Haschi ech" o
t'lJ e fue, au p.ie~ du ba.ldaguin n
Vf!!ILLEES, II
Comme l'enfant Rimbaud la recherche du coeur maternal.a
of. Baudelaire 3 $lIe plafond eat dorlh\ oe eel& ressemblo v.n
&une cage trs8 diBtingues, ~ una tree belle cage pour un
tree-grand oiseauo" : IOLea Paradis Artificiela" opo cit.
po ,297 Tome I La Pler ~de.
I,
,I

diffici ~ement sur 1e poing" (I) ,on transpODer& aan8 forcer I


i

le texte, en "dressage maternal".

La relation de martre ~ ::. ! eoolave est aussi perceptible


sur Ie pl~ oexuel s Madame deviant la Femme chez qui Ie poete
passe le. l3oir~ell " u pied du baldaquin." ":BijoU% adores" et
"cbefs d'oeuvre phys iqu9s U oni une connotation eexuel1e evidente
- relation 8exuel1~ qui tendrait a
s'etablir selon le type
sado-masochiste, sur le modele maitre-esclaveo

En touta hypothese, a la frustration affeotive que nouB i


aTone not~Cl, s'ajoute la "frustration sexuelle qui s'exprime I
&TeC v'b'm nee dans 1$8 dernieres lignes : "je courus aux
champs, ine, claironnant et brendissant mon grief " ; e11e
:I
8e transforme dans Ie langage en agresaivit& , l'aube de juin
est "ba.tailleuse" ; il B' en ira "olairennant at brandiasant 1/
"son grief, 1& poitrille devient "poi trail". Les ttSabines de 1& I
banlieue '".r eppell ant " 1es ":Bacchantes des ban1ieues" (2).
Toutefois, a
1& fr~n'8ie sexua11e est superposee la notion de
:I
.. . ...
rapt, co qui correspond bien a l'humeur guerriere du peete.

On conc1uera par une observation concernant la temporalit&


au poeme. La Teill ~ Sf 'tend des "ombres de Is. 8oir{$e tt jusqu' "au
mat in" : 0ependant son U:G temporel nteat pas du tout continuo
La cassura est aio~me nt rep4r a ble, elle ost fix~e dans cet 'nonc' s "
"Tout se fit ombre et aqueriml ardent. 1t :Nou8 avons parI' d'un
j
hiatus de 1 t espeee ; il f aut reconnaftre QUssi une beance dana "
le tempa, ouverte par. cette derniere phrase. Au aortir de eette
~tempora1it4, commo d'u~ 90mmeil p o'eat Ie matin. I I
.I
f I,
11 semble que oe Boit par la vision que 1e po ate entre
i
dans oette a-tempo ralit~ ella est en affet precedee par la

(I) Li ttr~
(2) VILLES I
fix &.tion du regard : "lea yeux e.ux cristaux et aux argenta dOli I"

consoles." On connait l'attraction irr'sietible exerc6e par 1&


, ,
lumi~rQ sur 10 veilleure Hais ioi Ie phenomene TO. beancoup plus
loin, i1 s'apparente ~ 1a magie : l'esprit du poete ]longe dan.
Ie miroitement de 1& lumiere oomme dana un "aquarium ardent." L'ad~ ' (
jectif "ardent n souligna la fusion des sens qui 8'op~re Bur Ie
ontalyseur lumi~rejtenebres. If Tout" se oonfond en lu.i. C'eat
oetta fusion des Gens qui introduirait Itexparience de la-temporali ~ ,
II est enfin remarquable que 10. vision soit anim'. par une dynamiquG
interne t !!-Tout se fi t 0" La forme verbale r'flechie in-
diqua que l'image 'oha.ppe au controle ou i 1& creation du poete t
elle ob&it a sa dynamique interne. Nous reconnaissons 1& Ie reglmg
personnel de l'halluoination. L'intention de a'evader hors du reel,
&ffirmde des l'introduction du poeme, prand d~s lors tout 80n senG &
Ie po ~te a r ecours aux substances ha11uoinog~nes.

Ceci eat eonfirn~ par la critique interne du texte s noue


avona not& l i effacement de l'espaoe reel devant un espaee int~rieur
dans lequel Ie poete se trouve tranapor~' ; - : espaee int~rieur
au.sci t4 par Ie. m.agie ("Ie chemin mysterieux va. vers l' interieur"
notait Novalis), mals tout aussi reel que l'univers physique, plus
vivant mame par sa mObilito, Ie flux inepuisable de see metamor-
phOSBS .

La rupture de l' axe temporel ost ausei significative :


l'exp~rienee de l'a-tempora1it~ est une oonstanta majeure
couramment attribu4e al'aetion des excitants. La critique Gxterno "
du poeme vient corroborer notre affirmation. Rimbaud a emprunte
Ie titre de Bon poeme au persomlage dtune eomedie de Shakespeara
"A Midsummer Night's Dream-II.

On a relevl 10 paralle16 entre Ie soua-titre donn' par


<.
Rimbaud a son poeme , METAMORPHOSES (I) at Ie sort de BottOM dont

tI) ef. Baehelard , "L'im.agina,tj.on pU.rc d~signa sos form0~ pro-


jet&es oomma l'es99nce de la realisation qui lui convient. Elle
jouit aturellement d l imag1ner)dono de changer de formes.
La ~~tamorpho8e deviGnt ainai la fonotion sp~eifiquG de
l'imagtnation. " in "Lautr6amont" p. 195 = J o Cortiv
246.

la tete est m6tamorphos6e en celIe d'un Ana. L'image a du


impreo,sionner Rimbaud puisqu'il 1a reproduit I "Jet courus
8,UX champ5, ana 0" Mais beaucoup p1ue qu'une image, clest
Ie rapport d'ana1ogie aTec 1& eom~die de Shakoupeare qui eDt
rvelateur I la gagie est en arfet au centre de 1& pi~oe.
Et clest par Ie charme d'une potion magi que que 1a Reine des
F&es, Titania, tombe amoureuse de Bottom ohang6 en ane. {I)
Comma dans 1e po~me de Rimbaud, 1'amour apparait oomme l'artifica
de le. magie9 11 J).'est pa.s r6e1. 11 semble bien que Ie "grief"
du pocHe 80it en rapport aveo l'il1usion dont il a 6t6 viotime.
Dans 1& com6die de Shakespeare comme dans notre poAme t ItilluGion
a probablement sa souroe dans une substanoe hallucinogene (pent.
etre 1 t opium qui serait 1& potion magique). Quand Ie charme
est rompn les per50nnages sont incapables de reconna1tre o'ils
ont reve ou veou ce qui leur est arriv'. Un theme important
de 1& pi~oe est 1a difficuIt& de distinguer entre l'i1lusion
(ou Ie reve ) ot 1a r'alit6 (dtou Ie titre de 1a com~die).
Titania stexclame ainsi :
"My Oberon, what visions I have seen!
Methought I BO enamoured of an ass."
(IV, I, 70)

tandis que Demetrius h'site enoore I

"Are you Bure


That we are awake? It seems to me
That yet ve gleep, we dream 0"
(IV, 19 188)

Le critere fondamental d. l'hallucination est bien cette in-


capacit' pour Ie ~ujet 0n &tat de veil1e apparent, de discBrner
entre I t illueion de Ges oeha et 1& r~alit~ objective. Absence

(I) Transformation qui reste inooneciente des act9urs de 1.


piec90
de diacernement qui constitue una menace pour 1a raison I "A
chaque Aetre, p1usieura autres vies me semb1aient dues
Davant plusi uxs hommes 9 je cnusai tout hant avec un moment d'une
de leurs autres vieao - Ainsi j'ai aim~ un pore.
Aucun des sophismes de 1a folie, - la folie qu'on enferme , - nQ a
$te oublie par mo1 : n (I)

(I) ALCHIMIE DU VERBE s UNE SAISON EN ENFERo


2480)

Le 'potHe noue invite en conclusion j trouver "Hortense. 1t


Ceei n'a de s.ens que dans l'll.ypoth~se ou Hortense a.ssume un
eignifi& different de son signifiaat. Si, en affet, comme Ie
pr~nom l'indique, "Hortense" etait uno femme, Ie questionnement
devient un exercice gratuit. Qu'importe au leoteur l'identit~
de cette "passante" qui lui restera a jamais inconnue? Puis que
nous ignorons donc Ie signifie de ce'prenom feninin, Ie plus
simple est de prendre Ie signifiant comme "Actant." En Ie
TOyant .onc
&' t ionner d ans 1 ''
e poeme, ''
peut-etre ,
pourrons-nou8 pre-
ciser Is. figure de sens qu I iI' recouvre. -. Cette m'thode a de autre
part l'avantage de ne pas presumer du resultat.

LtActant est identifie dans Ie poeme a "I t ardente


hygiene des races." Compte tenu des limites imposees alafro
semcmtique d' investiga.tion par Ie contexte t cette "hygien&1t
entretient un rapport avec la eexualit~~ Quelle eat la -nature
,
de Ge rapport? Nous trouvono plusieurs systemes possibles de
lecture s

Dans Ie premier systems on identifiera aseez naturellement


11Act an~ a l'onanisme o A l'appui de cetto lecture du poeme t 11 ;
1 I
1 a cette ' affirmatio~ tr&~sparente s "sa solitude eat 1&
m'oanique ~rotique", ainai que la presence d t "una enfance." !
I
I
I
Mais 1a cl art~ 10i ntest pourtant pas simplicit& : cette i

leoture ee heurte en affet a de multiples difficultes &manant


I
I
.
du texto, ot laisse nombre de questions sana reponse . Notons . I!
un8 di.vergenco de ton dtabord : les gostee "lI.troces", "les
DOftstruosits" s'accordent mal avec Ie caraetere de l'onanis e.
2490

Comment oonei1ior eneuite oette nhygi~ne des races" avec 1a


, ' I I
preciBion "a dGS apoques nombreus6s. lt ? .Enfin oomm.ent integrer
1 t actant oomme fonction dans oette affirmation z tt1a morali t'
des etres actuels se decorpore en sa passion (I) ou en Bon
action. 1t La ttpassionu semble incompatible avec la lectura
propo 9~e . (2)

L8 deuxieme eysteme de lecture e t appliquant a


It 1 ardonte

hygi~ne des raoes", c'est 1& prostitution. On' saly en affet que
Ie. prostitution a bien souvent et& legalieee (uS. dos &poques
nOlilbreus9s"). Et ce sent des consid~rations drhygiene qui ont
pr&valu , aussi bien que d'ordre public, notamment de controle
eanitaire at de po1ioe. Mais la precision euivante : "sous
1& surveillance d'une enfance It 6tablirait un lien obscur
entre la prostitution ot "une enfance." La suite du poeme
pourre.it~ suggerer un rapport avec les "amours novices" il
pourrait s'agir d'adolescents inities a
l'acta sexuel par des
prostitu&es. La "surveillance" aerait slors non plus un signe
d'hoc.4tilite mais dtattraotion s 1e jeu d'approche de la
"machine desirante." "Une enfance" pourra.it encore designer 1&
partie noble et pure qui surveille l'homme en noua.

"Sa porte est ouverte a


1a misere" I voila. qui ne
sou1$ve pas de difficultes. II est bien oonnuen affet que
1a mis~re est Ie pourvoyeur de 1a prostitution,

"LA, la moralit~ des etres ctuels se decorpore en


' sa p as8i~n ou en son action "

Dans1'aote sexual meroantile, i1 nty a pas union de


deux stree mais p1utot fiissolution do l'individu dans Bon instinct

(I) Nous soulignons.


(2) En outre, Ie rapport d'Rortense a
ltonaniame n'est pan
6lucid', at Ie my-otero du monogx-QWIle "R" reate entier.
250.

sexual. Le n~ologiame de Rimbaud nae d~corpore" est emprunt~


au vocabulaire de la chirnie comme Itexpresaion plus courante
"moeurs dissolues." On ~eut Ie rapprocher et l'opposer ~
l'incorporation : 11 signific la d~oagr~gation (de Ie.
moralit').

"0 terri ble fri sBon des amours novices sur Ie sol
sanglant et par l'hydrogene clarteux~"

Dans Ie langage courant, noue informs Littr~, l'hydro-


gene d~signe "le gaz de l~clairage." Le n~ologisme clarteux .
parait etre la contraction de "clart~" et "laiteux". "Hydrogene
clarteux" designe ainsi une lumiere blanche et laiteuse et place
done "les amours novices" aous Ie signe lunaire. Dana NOCTURNE
VULGAlRE Rimbaud etablit 1& mSme serie de correspondances
"les blemes figures lunaires , feuilles, seins ."
t

"Les amours novices sur Ie sol sanglant" evoquent la


perte de la virginite dont Ie sang est revelateur. Ltapprentissage
sexuel effectue dans un lieu de prostitution expliquerait Ie c6te
lugubre de l'experience (elle est aSBociee a l'influence lunaire).
A l'appui de cette lecture noua pouvons citer ce texte de VILLES I
"lea Bac chantes dea banlieues sanglotent et la lune brtlle et ::
hurle". Son aire semantique recouvre la meme experience faite
par Ie poete celIe de la prostitution (les Bacchantes). Elle
est aSBociee comme ici (sur Ie 801 sanglant) a l' animalite de
l'instinct sexual : el1 99 "sanglotent" et la luna Ithurle",
comme "la Luna entendit 1es chaca,ls piau1ant It et "les
'glogues grognant dans 1e verger." (I) Lo signe lunaire eat
'vident dans les deux cas ( lt l'hydrogene clarteux"). Present
aussi 1e s~ntiment de terreur dont l'origine ne serait autre que
Pan - ique . A ces indices s'ajoute un ~lement ext6rieur au texte

(r) APRES LE DELUGE


25Io

"
du poeme , BOTTOM et H sont ecrits Bur 1a me me page maau8crite,
dana l'ardre ; orpBOTTOM qui prec~de ainei imm'diatemont H,
s'acheve de mema sur une figure de la prostitution , ce Bont
n1ee Sabines de la banlieue" dont nous avona mon tr' Is. parent6
avec "les B cchantes cie 18. banlieu00 il

On pourrs.it objecter a cetta "lecture " de l'Actant l'incom-


patibilit6 du ra.pport avec , lisa solitude est 1a m6canique
&rotique." Mais OD pourrait a.ccorder cette "m6canique ~rotiqu011
Ie. prostitution: elle eerait les lois de fonctionnement de Is.
"machine d&airante" dans l'aota sexuel ieol' de tout sentiment.
D'ou "sa. solitude", puisqu'il s'agit d'un acte accompli m6canique-
ment non par inclination mais par fonctiono

Et eependant ce syeteme de leoture n'emporte pas la


oonviction oar il pr'sente des f aiblesses 6videntes : tout dtabord
on voit mal 1& raison d'etre du masque dans Ie poems si Hortense
d'signe simplement la prostitution . Le monogramme du titre n'est
pas &lucid~. On romarquo 180 meme distorsion (I) de ton entre la
prostitution et "lee monstruosit'a t' at les "gestee atroces." La
systeuo a du mal a
absorber certaines pr~cisions comma nsoua
Ie. surveillance dtune enfance " et "a
des 6poquea 1i1ombr(iluses')n
La prostitution a toujours exist~, meme ehez\lle peuple saint: (efo
histoire do Joseph). Enfin, et c'est la critique Ie. plua decioive,
1& prostitution ne saurait s'aceommoder de la passion. (2)

Examinons encore un troisieme systems de lecture dans


lequel ItAetant signifie l'homosexualita, dont H eat In lettre
initials. Lo recours a un l811gage voile davlent elora oompre ...
hensible , (,). Subaist;c; Ie mystere d'Hortens9 , Ie pourquoi du

(I) qui avec l'onanismGo ero supra


(2) cfo nee decorpor~ en S8. pasaion 41
It

(3) Rimbeud at Vo:!'lo.ino ont toujoura ni' avoir eu uno relation


homoaexue11oo
252.

pr6noz f~minino Pent-etre Ie sobriquet de calui qui tient


Ie r6le de 1& femme d&lS la relation homosexuel1e

Quelle est In eoh'rence de ce sy8t~me par rapport au


texte? L'homosexualit4 idontifi'e a
"l'ardente hygidne des
races" t Ita des 'poqus nombreuaes # est en effet un fait
l

hiatorique. On sait par exemple qu'elle ~tait de regIe, et


qu'elle remplissait una fonction importante dans l'~ducation
des enfants 'Sparta. L'amoureux de l'enfant 6tant la fois a
Bon mentor at Bon h'ros. Le lien entre 1& p~d~r&stie et
Itenfance est mis en 'vidence par l"tymologie. (I) "Los
monatruosit~sn at "les gestes atrooes" peuvent etre attribu6a
a 1& p'd~restie. lIs renvoient implicitement a une experience
contre-nature (monstruosit&s). Lt~tat de disharmonie qui la
reflete provient justement de 1& nature fore&e , c'est ce que
signifie "violer"o LOaspect "monstrueux" de Pacte est pour-
Buivi dans Ie "m&can.:i.gue &rotique", qui ajoute 1& figure de
I'atre-robot p crest a. dire la deahumanisation. A l'union
smoureuse s'oppose "sa solitude."

La structure de la phrase est remarquable par 1&


symotrie des formes, (solitude/lassitude : m6canique/'rotique)
at du rythme ttinstinctiflt. (2)

H 00' Sa porte est ouverte a Is. mis~re."

11 stagit de misere moralo puisque 10 encha1ne s


po~te

"La, Ie. moralitll des ~treB actuels se d6corpore en sa passion eu


en ' Bon actiono n nse .. d~corporen signifie 1& d6sa.gr~gation de la
~oralit~ eelon -leadeux palos d'attraction de l'homosexualitb,

pa.is
: enfant, cf. Bloch-Wartburg:
paidoa "Dictionnaire ~tymologique de 1a
~~gue francaiae."

(2) efe LtALCHIMIE DU VERBE s UNE SArSON EN ENFER, "Je ~~glai


1 forms at Ie mouvement de chaque consonne 0.0 &T0C des
rythmes instinctii's.tt
25~o

actifs at pas Bifs. La "passion" a.6eigne Ie pOle f~minino


Rimbaud r&active 1& r~8oIlanc9 paseive du le x~~e en poaant 1&
contigult' dana l'espac0 scriptural de "lt action". I I en
rtSDul te un lieu de sona du lexeme t'pusion", aeaociant les
8~mea de - Ie passivito, la soumission, l'attraction amoureU8e O
.Co lieu de sens pourrai oj; l$tre d6f:l.ni comma une tendanoe maso-
chiste, tandis que Ie p61e "acti1''' de la relation homoaexue lle
serai t oecup6 par lea '~endances sadiqu8s. La misere morale
~'8ult erai t ainsi d'un type de relation sado-masoohiste.

La lecture du dernier paragraphe du poeme ne comporte


pas de diff'rence notable dans I e prllaent systeme avec Ie
Bysteme fond' sur Is. prostitution. tiLes amours novices sur Ie
Bol sanglant""'voquent de mema l' a..nimal it~ de I t acte (n sur Ie
80l n ), son cot' barbara ( "sanglant" ). L'influence lunaire
(UI'hydrogene clarteux") Ie "terrible friB Bon" indiquent bien
Itaspe~t traumatique de l'exp&rience pour Ie "novice".

La poeme H appe..raitrai t finalement comme un regard sur


Ithomosexualit&o Mieux qu'un rebus, Ie poete nous livrerai t
une d~finition math~matique de Ithomosexualit~ dans uno eerie de
propositions axiomatique so A nous de r&soudre I t 'quation.

On peut s'arreter sur eo fait remarquable : ce qui


noue apparai t comma langage chiffr~ at ,'pour Rirabaud une sui to
d'5vidences o Cette transparence des choses et des etres nest.
elle pas r~v~l'e au poete gr~ce a sa m6thode de voyrulce? Le
Tooabulaire Ie lai~serait supposer . Nous y reconnaisaona en
effet lea ~ntrances ( monstrueslt~a, atroces) at Ie symptome
(friason f sensation de froid) aseooi~ regulierement (I) au
"poison". Ce qui rend l'hypothese de I'influence du hascbisch
la plus probable cleat l' asoimiletlon de ItAct~lt ~ nne eubstanoo

(I) BEING BEAUTEOUS


PROMONTO I Jll~
SOIR HISTORIQUE
:FIAIRY
ME'1~ROPOLIT liN
VEILLEES
254.

chimiquo qui agit Bur l'individu. Noua avona d~j' rema~qu~

Is. presence "du neologisme verbal "ae decorpore", emprunt au


vocabulaire de la chimie. On parle aueei de l'action ("son
action" ) d'un corpe sur un autre. On observera en1'in que
1& presence d'une enfance ("sous Ie. surveillance dlune en-
fance") etait deja associ'e au haachisch dans MATINF~
DtIVRESSE. . "Rire des enfanta, discretion des eaclaves "

Si noua acceptons l'hypotheee du haechisch, il reate


a concilier cette donnee nouvelle avec l'un des trois eystemes
que noue avona examin~s. Le plus favourable noua parait etre
celui de l'onanisme : la "passion" pouvant etre attribuee auX
effete passifa de llexcitant (etat d'engourdissement) et les
"geates atroces" et "monstruositea" 6tant redevables B. la vision
deformante du haschisch. La monogramme "R" ne fait alors aucune
difficulte : cleat 1& lettre symbole designant l'excitant.
255.

DEVOTIO N
------.--------.----
o

Salon Li t1;r~ 1 Ie. d~votion


est "1' attachement aux
pratiquea religieuaea". (I) Ella S8 manifeate dana Ie culte
que Pon rand a.
la Divinitll. La. D~yotion chez Rimbaud est une
attitude instinotive, un besoin m~meo Dans MAUVAIS SANG i1 nous
dit , "Ah! je Buis te11ement d~laiss~ que jtoffre t n'importe
quel1e divino image des 'lans vers 1& perfeotion." ~2)
~

A 1& Divinit6 at nux sainte interceaseurs, Rimbaud


Gubs titue son panth60n personnel . ])e qui est-il eompo s6? Nous
trouvons en apparence un assemblage h&teroolite ;
lima aoeur" , o'est'le nom que leon donne couramment
aux religiellses . Dans ce sens, le. "corne tte" de Louise Vanaen
de Voringhem d~signe la coiffe que portaient los soeurs do St.
Vincent de Paul, dont Ie costume ~tait effeotivement de couleur
bleus (ftcorne tte bleue lt marquerait ainsi un glissement de sens)
u "Tourn~e a. Ie. mer du Nord" eat Ie prolongement de 1& meme
figure de eens , Ie. corne"tte evoque les ai1es d6ploy~ea d tun
oisee.u des mers, par exemple la. mouette. "Pour 10. fi(}vre des m~r0'"
et des enfants" est empreint de sollicitude matornelle at 6voque
cas vera I (3)

"Quand Ie front de l'enfant, plein de rouges tourment es


I mplore l'essaim blanc des reves indistincts
II vient pres de Gon lit deux g~andos Bo~ura t4)char~antes
Aveo de freles doigts 0 06 "
r

(I) La. notion d' ff attachement" t.1. son origine dans Ie. r oino
etYIll.ologique "voeu" dtlt dSTo1;ion o
UUE SAISON EN ENFER
LES CID"1RCHEtsES DE FOUX
Lea "so(!n.'l.rs lO sont les demoiselles, parentee d tl zambard, qui,
aeeuGillir nt Rimba.ud aprea sa premiGre fugue a. P",ria.
2560

Le nom aristocratiquo de Leonie Aubois d'Ashb~ s'oppose


de toute sa longueur a
1& brieTot' familiere de "Lulu" I "Lulu,.
d4mon 0 qui a oonserv6 un go~t pour lee oratoires du temps des
Anties at de son &ducation incomplete." Les "oratoirea du temps
des Amies" ddsignent peut-etre Ie lieu sur et tranquille ou les
col14giennes dchangeaient leurs seorets. Si Lulu est une pros-
titu'e, comma Ie suggere 1& promiscuit~ impliqu~e par le sobriquet,
son "go~t pour les oratoirea" serait plutot un signe de perversion
(I). Dtou l'oxclamation du poete & "d'monl". Oratoires a
I'usage "des hommea" comme le texte l'indique : "Pour 1es hommed"

"A Madame ***H. contreste encore avec la familiarite de


"Lulu" par la. rt$serve et 1& distahce respectueuso qui est imp1iquJef
Cette figure lointaine maie chere pourrait etre, avec sa nU~lce de
myst~re, l'archetype de 1& Femme. C'est 1& meme distanciation
, dans !PRES LE DELUGE ou" Ie culte est manifeste , n:Ma.da.m~
exprimee
etablit un piano dans les Alpes. La messe et les premi~res
" .
communions se ce1ebrcrent ,
aux eent mille autels de 1& catbedrnle."

La pr~sence, dans Ie panth'on de Rimbaud, de "l'a.dolesoent


qu' (il) fut" prouve, s'i1 en est besoin, sa. sincerit&. S'il
s'incline devant 1es figures qui ont traverse son existence ce
nCest pas par d'rision I olest qu'e1les representa1ent una
valeur humaineo Et l'on sait 1a place speeiale, berolque. occup~e
par Bon adolescence : "N'eua-je pas ]Lne 01s une jeuneese aimab1e,
heroique, fa.buleuse, aecrire sur des feuilles d'or u.? " (2)
L'a.dolaacence est aBaoci~e a.
l s. haute figure de "ce saint v~illard,
ermitage ou mission" Cl'..1" i1s ont en commun 1a noblesse du cceur ,
Ie d'sint&ressement. "Sobre ~urnaturel1ement, plus d'aint'ress6
que Ie meilleur des mendiants, fier de n I avoir ni pays, ni amis ... t,
nous dit L'IMPOSS1BLE (~).

(I) ilLes Amiee" pourra.it ~tre une reference al.\x poemes de Verlaine
grollpos SOllS ce tii;re ~ que Rimbaud. conn.aiasait) tel
"PenSiOWlQirea". De marle It A ~.ta.dame" semble 8tre repria juaqu&
d.a na sa forme (aat~risque s) au poeme de Verlaine du mame t itrec
0.0 Un Elouvenir eOmIrl.u n sana doute ." 0
(2) MATIN s UNE SArSON EN ~WFER

(~) m~E SAISON DN IDfFER


2510

Ce que Rimbaud ado10scent partage avec le vieil


'ermite cleat la saiD,tete de sa solitude J qUfon se 80uvienne
du mouvement d'adoration exprim6 dons PHRASES I "Qulil n'y
ait ici-baa qu'un vieillard seul, calme at beau at je Buis
avos genoux." (I)

"A ltesprit des pauvrea. Et a un tres haut clerg~~"

D'votion ~ premiore vUe contradictoire et dont l'antagonisms


mime 'tait f~rocement charg' dans Ie po~me LES PAUVRES A L'EGLISE I

"o~o tous leurs yeux vers Ie choeur ruisselant dforrie

Heureux, humili6s eo
Les Pauvres au bon Dien
Tendent leurs oremus risibles et t~tuso"

Cfeot en fait devant cette foi natve at tetue dee


"pauvres " que e'inc1ine le poete dont i1 place "tree haut U 1es
vrais repr'eentants.

ftAussi bien a tout cu1te en te11e place de culte


m~moriale at parmi tela ~venements qu'i1 faille se
rendre, suivant 1es aspirations du moment ou bien
notre pro pre vice s~rieux.u

"Te1le place de culte memoriale " doit etre rapproche de


ceo "jeunes meres et grandes soeura aux regards ' plains de
p6l&rinages" (2) - p~l~rina.ge dont Ie lieu est dana Ie pass6

------------------------------------------------------------------
(I) D&nB ENFANCE IV, Ie poete sidentifie au "Btlint? en priers,
Bur Ie. terrs.sse."
cfct Itt'reneontre avec 1e vieillard chez Nervel a "Ja rna
tro~ve.1 sur une cote 6clair~e de ce jour Dana soleil, ~t ja
vis un vieillard qui cultivait Is. terre ... u n : AURELIA,
OP9 cit. po ,67 : La Ple!ade Tome 10

(2) El1FANCE 10
258.

("place" , "m~morial....!.") (I) et auquel 11 faut "ee ren4re" en


remontant Ie 1'il des "'vdnements" I c'est t1 dire en retrouvant
1es souvenirs qui y sont"aBsoci~s. Le po~te ' fnit ainei r~f~rence
nux objets (peraonnea ou ideaux) auxquels ' o'adrcss8 S& d~votion
et qui appartiennent a son exp~rience pass'eo Ainsi Ita
l'adolescent que je iUS" eat un de ces lieux de sens appartenant
au pass' vers lequel se tourno Ie poete.

L'~num~ration s'arz~te &in8i sur une gen~ra11sation


("al tout cuI t en ) qui englobe "" tous les objets possibles de cuI te
dont l'enonc eat encore informu1e o

11 est int~res6snt de remarquer que 1& d'votion de


Rimbaud a deux motivations bien distinctes I -

10 "les aspirations du moment" d'signent Ie mouve-


ment del~vation de l'ama dont MAUVA1S SANG (2) nous donne dee
exemplea , "le cu1tede Marie, l*s.ttendrissement sur Ie crucifi'
s'eveillent en moi parmi mille feeries profanes." "" et encore
"Ahl je Buis tellement delaissb que j'offre a
n'importe quella
divine image des &lana vers la perfectiono" ' Clest 180 meme note
d~8osp~r~e qui est perceptible dane cette maniere de "jeter" sa
d'votion "a tout cultee" (;) Elle signifie en "tous cas l'attitude
fond amentalement religieuse du poete dans son besoin d'adorer, -
la d~votion 6tant mouvement d'adorationo Cette attitude n~&l~
moins est d'tourn& e de son but natural qui est Dieu. Elle est
profana , at mame profanation du sentiment re ligieux, en stadressant
a deB etres comme "Lulu" qui est ausai "d~montl. (4)

(I) On observera que l' E'.djec:tif eat au.femi~in.


(2) UNE SAISON EN ENFER
(;) Dans A UNE RAISOn noua trouvons un example d'une similarit6
f re,ppa.nte : ""Eleva n'importe oU. Is. 8\lbste.nee de noe
fo rtunos at de nos voeux" on t'en prie."
(4) cfo "quelle bate fe:ut-il adorer?tI ,l.4.AUVAlS SANG , UNE
SArSON l~ IDIFER.
2596

20 C'est "Ie pro pre vioe s~rieux" du po~te qui est


4 l'origine de oette oorruption du sentiment religieux qui a
nom idol~trieD oomme nous Ie dit d'ailleurs Rimbaud I "D'eux
(lcs Gaulois) jtai I ltidolatrie et l'amour du sa.crildge; -
oh~ tous les vioes, coldre, luxure - magnifique 1& luxure ; .0.
"( I)
Plus loin i~ reoonnait avec sa lucidit~ habituelle J "eans doute
ln d~bauche est bete, le vice est b@teo II faut jeter la pourriture
a l'~oa.rtoU \2) La "vice ~~rieux" du poete, entre tenant un rapport
intima avec l'idolatrie ne peut Gtre que 'la luxureo (~) Nous
trouvons de multiples examples de cette association sexua1it~
divinit~ ( 4) dans ltAntiquit' et notamment dans les f@tes
Dionysiaques, les Bacchanales (5) et Lupercales. La. "d'votion" de
Rimbaud ne saurait nous surprendre de 1& part de celui qui s'est
vou' a. Ie. conqu@te de la'tat (primitif) de "fils. du 80l9illlo La
oulte de Dionysos s'int~gre tout naturellement dans la pratique
du poete, comma I'indique les lignes qui suivent, a lC~rotisme
appuy& 1

"Ce soir aCiroeto des hautes glaoes, grasse comme Ie


poisson at enlumin&e comme ., les dix mots de 1& nui t
rouge "" (son coeur ambre at spunk) _ oi.... ft (6)

11 est frappant de conetater que la sexualit& ("grasse


comme Ie pOisson n ) est assooi~e a. des images frigidea : lea
uha.u~es glacGfi" 9 "Ie cha.os polaire", "ma. priere muette". Cettc

MAUVAIS SANG I. UllE SAISON EN EN]'ER


idem
Dtou l'on peut inf~rer l'onanisme de Rimbaud.
of. la prostitution 6aor~eo
olo IILeG- Sabines ds 1a banlieue u : BOTTOM
"Les Ba.cchantes des banlieues" : VILLE I
(6) cf. Baudela.ire I ttJe orus entrer dans un monde de tllnGbreSf
qui d'ailleura B'('paisoi ssaient graduellemollt, pendant que je
rsvais nui t pol a ire at hi.ver 6terllol." r ilLes Paradis
Artificie la" opo oito p. 292 : L& Pletade '.rome Ie
260 0 i!
I
j

confi~~ration s~mantique etait d~j~ pr~sente dans BARBARE , I


"et In VOilI r6minine arriv'a au fond {des voleans) et des srottes
a.retig~" Q"Cireeto" sera! t 1& grotto marine auIs. magicienne
Circe aurait pris sa demeure on Bait qu'elle transforma en
pores les compagn.o ns d 'Ulysse (I) : n!est-ee point une al16gorie
choisie par celui qui veut se vautrer dans Ie vice, la d6bauche?
Car "Circeto" o'eat sans doute la femme prostitli\&e (2), "graase tf ,
"enlumin6e" (Ie visage peint)t 6voquant de lourds parfums orientaux
(ambre et spunk) ma.is aussi ~"la. nuit rouge N > oas yeux flh~b~t's a
1", fa.~on de lai,nuit d'6t&, rouges et noire . 0 0 " (3) et ces "facies
d'formes, blemis, incendi's.u (3) Dans VILLE I "les Bacohantes des
banlieues sanglotent at Is. lune brUle et hurle" ; plue explicite- . i

l
ment encore que Circe, Venus symbolise Ie d6sir qui s'empare du f

solitaire (4) z "Venus entre dana lee ca.vernes des forgerons et It


des ermites." Les "dix mois de la nuit rouge" signifient, - par i
1
ane.logie avec la "nut sane finn de ls. Ville (ses spectres, "son I
I
6ternelle fum6e de charbon" (5), 18. nuit polair~. Ce sont cas 1
,I
"regions de nuitt! sur lesquelles regnent tiles parfume pourpres du
soleil des pales." (METROPOLITA1N)o Dans ce dernier poeme nous
I
1
reeonnaissone une figure de eena qui nous eat familiere" I 1a
sexuali t6 associle B. la frigidi t~ I "Ie matin ou avec Elle 0 vous I
vons d~batt1tes parmi lee clats de neige, 0 les glaces,"_ Comme I,
I

Ie Buggexe Ie ehoix verbal (Be d&ba.ttre) l'acte sexual est plutot


un acte de bravoure, lltprec ~dant dee bravoures.plus violentea 000 I~)
presque d~sesp~r'. (6) D'ou t~la priere muette" qui Ie pr~cadeo i
!

,I
1I
(I) en leur faisant absorber une drogue. Or celle-ci s. ~t~ identifi ~o
\
A 1 'opium a ttthe Ciroean cup" d&signe par m&tonymie 1e Btup~fia.nt
~fo Coleridgeo opo cit. A. Haytero po 1970 Leo ~t3nduea glao~ea
qui auiv'ent appartiennent aussi aux" paysages opiac6s ( tJ these
visions are paL~aded with a diamond brilliance of polar wastes
and Northern lightso" : ido OPe cit. po 1690
(2) Si Ie chs.rma de Circ~est so.no affet, i1 lui reate Ie :pouvoir d
seduction I "Mais allons! c'ast asaez , rentre au fourre~u ton
gle.ive et montone sur mon lit s qu~unis Bur eette coucha at
devenua amants nous puissions d'sormaia noua fier 1 tU.n ~ l' autre!l' :
Odys'e X : ;~5 - 340
PARADE
cf. JEUNESSE IV & "Tu ea~encore a 1& tentation dt1L~toineoH
I
VILJ.E 1
I
of .. aussi dans VILI.E I : "leo Rolanda aO:c.l1ellt l eur bro.von.r eo n I
26I.

ttA tous prix at avec tous les airs, mf)me dans des
voyagea m'taphysiqu6So - Mais plue alora~"

"elore" renvoie aun temps ind~termin' dont le contenu est


repouss& , ( tfplustf:ete,nt relie e. tlru.ors". eat n'cessai:cement
un nege.tif.) Est-cs une allusion a
ltexp~rience ecxuel1e
J;1anqu~e e;ymbolie~e par co "chaoe polaire tf ? , PluB vraisemblable-
mont, 18 auteur se r8[oro a
l'ennui et al ' angoiss8 qui nourris-
aaient ses ~tats dtam& a.vant le. "Devotion". II eat propesa I
de rappeler (I) l'attraction semantique mutuolle qui 's'exeree
entre les lexemes "drogue" et ffd~votiontt (2)0 Ceux-oi releve nt
I
de 1a meme attitude fondamentale, manifest'e par l'engagement
.1
corps et ama de 180 pe~sonneo (3) Attitude r~sum&e dans oes
vera de "0 Saisons, 0 oh~teaux" a
liCe CharmeB il prit ame et corpsp
Et disperse. tous efforts."

Rimbe.ud a:vouerai t ici sa dependance psychique des excitants ;


i1 en connait Ie prix, mais quel qu'il soit ("e.
tout prix") tout
est pr'i'erable e.
I' ennui quotidien qu' il a connu ("Ma.is plua
alor!!") (4) Le ' poate se dit mame pret e. toutes les exp&riences :
"avec toue les airs"j aussi psychotiques soient-elles s ainai
"les voyagos metaphysiques" font songer 8. cas prodigieus8s
'lucubrations enfant~e par ' la drogue dans un cerveau aseoupli a
toutes les gymnastiques.

(I ) cf~ \~ES II : ".eo ja suis d~vou' a un trouble nouveau "


(2) a:ttQ.chement - engagement total
accoutumance
(~) efo le a rapportm de De Q,uineey avec Ie "Mighty Opium"o
( 4) efG ENFANCE V : "La lampe 6claire tree vivement ces journaux
que j e lJuio idiot de relil'e, oeD livrea, sa.ns int&ret./I
cfo aua i Eo Po5: n1'opium avait produ1t son &ffet accoutum~
qui sst de revetir tout I e manue Gxt~rieur dtune ~n8i!!
dlint6 r~t off opo cit!; in lea "Paradis Artifioiels tf p~ I30.
262.

I
DE1!OCRAT1E I
I
I

c. Dont 1GS Iteonscrits du bon you1oir lf qui par1ent,


d'ou l'emp1oi de guillemets dans Ie texteo La point de d~part
du po~ma serait "la ao~ne v111ageoilge 0 0 . d'un d~pa.rt de conscrits,
vu an chef-lieu de canton tt (I). C'eat tr~a vraisemblable si l'on
se reporte au texte : Ie "patois" de ces ' jeunes' hommes, Ie
fo1kl orG vil1ageois (Ie drapeau, Ie tambour). 1es aooents mil!-
taires ("En avant, route!) signalent bien un d~part de cOllacrita
lids 1 t ana.10gie ne va pas' plus loin que 180 "coulaur 100a1e" 0' Des
1& premi~re ligna Is. transmutation des ~l~ments est operee :

"Le drapeau va au paysage immonde, et notre patois


I
touffe Ie tambour".
I
II
I
Ce "paysaga immonde" est d~crit dans S01R HISTORIQUE I "Un
petit monde blame et plat, Afrique et Oocident, va s'6difier."
L' "immonde"est Ie domaine de 19, corruption et de Is. pourriture
i1 engendre l'image de la vermine. COmIlle ces "rvo ltea anciennes
(qui) ,grouillent dans Ie ..Q.entre du C~leste Empireo tl (2) La
parent ~ avec le s lignea Buivantea n t 6ehappera pas I
"Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution
Nous mass acrerons lea revoltea logiqueso"
Et plus loin Ie poete ajoute I
"Conacrits du bon V'otlloir, nous aurOllS Is. philosophie
ferocQo H

Nous ~eeonna18sons dana cas gaillards sana fo1 ni 101, les "dralea
tree Bolides" de PARADE, dont Ie cyniame Bemble etre l a profession
de foi~

(I) Op e cit. DQluhaye : Lea ILLUMINATIONS : po 103: Ed.Measein,


Parian i
,I
(2) SOIR IIISTORIQ.UE.
Cos aventuriers se comportent en mercenairee "au
servioe des plus monatrueusea exploitations industrielles ou
mili taires tl L& poete ne peut s' emp~cher de r~v(ner Bon
horreur deTant Ole mecanisme broyeur du capitalieme conqu6rant.
se
La. seule maniere dtintegrer Ie monstruGux,c'est de"faire soi ..
meme monstrueux J ausai doit-il etouffer en lui tout sentimont,
,
touto esperance a
"Je parvinea [aire s'~vanouir dans mon esprit toute
esp~rance humaineo Sur touto joie pour lt~trangler jtai fait
10 bond Gourd de 1& bete feroce je me ouis sach' a I'air du
u
crimeo (I)
N'est-ce pae 1& Ie portrait du poete-aventurior? Nous Ie
reeonnaissons encore eous les traits de ces "desperados (qui)
19n9uissent apres l'orage, l'ivresse et lea blessurea." (2) N'eat-
09 paa Ie nom qui lui convienne Ie mieux?

Le deaeapoir- du poete est perceptible, malgr~ son


eynisme apparent, derriere sa volont~ farouche de 8tint~grer !
la societe moderne (meme ai "la crevaiaon" est sa prochaine
&tape). II s'engage dans Ie monde tel un joyeux troupier ("con-
scrits du bon vouloir") maia il aura. fIla philosophie f~roce".
N'a-t-il pas du 'eraser en lui toute jOie et touto esperance?
Les "revoltes logiques" qu'il maasacrera dehors sont les memes
qulil a du mater en luio II ne fait rien qulil n'ait d'ja
accompli sur lui-memo : voila qui justifie en quelque sorte
une "philosophie feroce"o L'amoralisme et Ie cynisme du poete
naissent deB mutilations qulil a du operer sur lui-memee La
.. " ; c I eet 1 t aventurier 6MS aerupules, Ie mercenaire
poe"te-mutile
(3) de DEMOCRATIE o II ne fait aucun doute que Rimbaud associc

tI) "JAnIS 00." I UNE SAISON EN EN~'ER


(2) JEUNESSE I
t3) MAUV".AlS SANG I UNE SAISON EN ElH'ER ,itA qui me louer.?
Quelle beta f aut-il adorer? Dans quel sang marcher?"
"-
ioi n'moeratie a Bourgeoisie. Dans SOIR HISTORIQUE encore, i1
a
noua di t son 'coeurement lila. m3me magic bourgeoise tOUB les
points oli 18. malle nOUB d'poseral" Des lora qu'importe Ie lieu,
ici ou a.illeurs, ctest indiff6rent I
"Au revoir ici, n 5 importe ou t1

DF..MOCRATIE est un poeme nietzsch~en dans son inspiration,


remarquable par Is. haine at 1e m6pris des va,leurs bourgeoises_
Rimbaud a pris Bon parti de hurler a'V'ec les loupso DE~MOCRATIE
est un poeme qui n'a rien de d~mocratiquet maia Rimbaud nta
jamsis pran' 1"galitarisme : "la race inferieure a tout couvert ~
Ie peuplep eomme on dit, la raison ; la nation et la Bcience". (I)

(I) MAUVAIS SANG : UNF. SAISON Ell ENFER.


I
I

I
l
I
I
I
1
"On the a.fternoon of l8th March l8l9, KEATS
joined in a gage of cricket, was hit in the
t',flce by a ball and got a black eye. He
I
I

perhaps took laudanum (mixture d'opium) that


evening to deaden the pain he certainly
had an unusually good night's sleap, and
v'oke very late next morning to a delightful
sensation of indolence." (I)

La matin Buivant lui apparurent lea figures pereonnifi~Gs de :i


1a Po6sie, de ItAmbition et de IAmour au cours dune sorte
de rva 'veill' :
!II,
i
I
"His physical state was such a happy one that
pleasure had no show of enticement and pain no
unbearable frown."

et lta.uteur eonclut en sugg'rant l'influence de l'opium I

"Some potent physical agent may have contributed to


the change.,"

L t "Ode on Indolence" de Keats reprend 10 theme des trois ,'muses


sur Ie d~eor d'un vase grec s

If In placid sandals, and in white Tobes graced they


passed, like figures on a. marble urn It

Ce poeme de Keats entretient daD rappor.ts ~troits avec FAIRY ,


Ii
I
1
c t
1
(I) Ao Hayter - "Opium and the Romsntie Imagination": OPe cit. p-315 I
I
I'
266. I

par Ie theme dtinspiration, par Ie decor, at par Don atm.osph~re


lourde et 'opiac~e :

"Ripe was the drowsy hour


The blissful cloud of summer indolenoe
Benumbed my eyes 0
Pain had no sting and pleasure's wreath no flower "

Dans FAIRY nous retrouvons la meme epaiaseur de l'atmosphere avec


les "parfwns aff ais s~a ll t til' ardeur de 1 t~te" et ses "oiseaux muets" t
et surtout "llindolence requise". La po~te a.ttaint ansai une
B~r~nit~ au-dela du plaiair et de 180 douleur $

"Et Bes yeux et aa da.nae 8uperieurs au plaiair


du decor et de l'heure uniquea!"

Le d~oor de ~Iairy e B t certa.inement cons trui t a partir d' WlO


oeuvre dlart immorta.lis~e dans un vase grec ("l'heure unique fl )
qui rendrait compte aUDsi du plaisir unique. linsi s'expliqueraient
. "1ea saves ornamentales", "les clart~B impassibles u , 1I1 e silence
a.stral it , "les ans ae dtu.ours morts".
"La barque de deuils" ~voque lee barques funeraire s de Is.
mythologie grecque qui emmenaient les mortels vers leur dernier
voyage
. La theme d'inepiration eot incarn& par 1a figure l~gendaire
d'H~lene de Troie, symbole de la beaute etarnelle : "5es yeux , I
et sa danse" tele qutils sont representeE'! sur c o vase grec~ ;1
En fa.it, FAIRY semble avoi:t.' at' inspir~ a. Rimbaud pa.r 1a leoture !
de plusieurs poemes de Keats de 1& m~ma p'riode. On relevc t I
notamment de nombreux para,11eles a.vec "L'Ode on a. Grecian Urn". II
Ainei l as "ombres viergoa" et les 'clartes i mpassi bles" at he..rmonisent .
avec : 1
1
I
"(Thou) still unra.viohed bride of quietnwos
Thou fo ster child of ailence 000 " I
,I
I
1
1
j
j

1
1
et nous reliverons encore lea rapprochements suivants I

(The ) IJdalGs of Aroady" avec "l't'cho des va.la "


(the) "Sylvan historj.a.n" et t i l l air des bGcheronnes"
(the ) "heifer lowing" f et "la. sonneria des bestiaux"
(the) "pipes and timbrels
(the ) "leaf... fr1nged legend" ' et "lea l6gendes du ciel n
( the) "silent fo rm" et "Ie silence astra.l"
(the) "Cold PaetoraP' et "les influenees froides"

La moment qui est saisi sur Ie vase eat unique, i1 est fix' pour
I t eternit& , 1& beaute d'Hs1ene est sinai immorta1is~e dana
l'oeuvre d'a..rto
Mais peut-atre par Ie ma.gie de l'opium, H~lene est plus
qu'une oeuvre d'art ( c'eat adire "Ie plaisir du dcor at de
l'heure uniques")o Elle est rendue a 1s. vie, e11e continue a
enchanter Ie poete par Ie regard (uses yeux") at 1a gr~ce de
son corps ( "aa danse" ) comme elle enchants. sea contempora.ins.

Rimbaud serait-:l.l tomb' amoureux de la beaut~ d I H~lene ?


Se serait-il ausai aventur6 dans 1e royaume des Meres? (1)

"Pour celui qui slest a.ventur~ chez l es Meres


II n'est plus rien d'insurmonJliableo" ( 2)

Rimbaud s.'Vai t lu en effet Ie J!'AUST de Goethe oJ, 11 a pu done


seen inspirer aueB~o (,)

(I ) Bien que probablement il ne connut pae encore Goethe , Rimbaud


expriroait dans SOLEIL ET CHAIR des intuition3 dont 1a
r'sonance attire notre attention I
"(l' Homme ) NSombre-t-il da.ns l'Oc~an pro fond
Dee germes, des ]'oetus, des Embryons t au fond
De l'immense Creul3et d' ou la M~re-Ne;t\1re
La ressuscitera, vivantg cr~aturc; o. /I
( 2) La SECOlf.D FAUST, Aota II (La Pleiade) Goothe:Th6atre Complet
(, ) cf$ Lettre a Delahaye, mai 1873 : "Prochaine~ent je t'en-
verrai. des timbres pour mt8.cheter at ~'ellvoyer 1e F~UST
de Goetheo U
268.

Faust descend dans Ie royaume des Meres a la recherche dtH~lene


at reneontre Ie- paaseur Chiron a

UTu es sur Ie rive, je Buis pr@t d. to porter de


l'autre e6t~ du fleuve"

Dans FAIRY nous avons d~ja. not&la barque fungraire (!fune barque
de dGuils sans prix").
Rimbaud contraste "l'indolence requise" aux "friBsons", c'est
a dire aux ~motions. Et de m@me faust d~clare I

"Maia dans 1& torpeur je ne cherche pas mon salut


Le fr~mi6sement est 10. meilleure part de l'homme tt (I)

Nous avons di t a propos de :FlAIR! qu' H~l~ne 6tai t plus qu tune .


oeuvre d'art, qu'elle apparaissait vivante au po~te. Et c'est
exactement Ie d&air qui ~peronne Faust I

"Helene est mon unique passion" s'exclame-t .. il, et


quand Chiron loue l'oeuvre poetique qui ressuBcite ~ la vie J
en ceo termea I "Ie poete en un mot, ne se 1a.iasa -pas enchainer
par Ie temps"9 Faust 1uireplique :

"Qutelle (Helene) ne soit donc paa non plus soumiae


au tempsl
Tu 1e. vis~ jadis ; je l'ai vue AUJOURDtHUI
Aussi belle que oharmante, aussi d~siree que belle
Mes sens$! mon etre en sont desormais pOfJs~d~a" (2).

Dans cet "aujourd'hui" souligne par Goethe, reside touto 1&


difference entre la magie at I'art , seule Is magie eat
ca.pable de faire franchir au vivant Ie fleuve qui s~pare du sejour

lI) l!'AUST IIa Acts If.


(2) FAUST II, a Acte II.
des morts, de restituer les apparences de 1a vie d des ombrea I

"Quel rare bonheurl (dit Faust)


Avoir oonquis l'Amour contre Ie Destin"

Si Ifoeuvre dtart immobiliae Ie "d60or at l'heure uniques" pour


19~ternit~ , 1a magic seula peut l'animer at lui rendre la vie
de l'instant pr&sent, (I) oar l'hal1ucination n'$st qu'une autre
fo rme d'existence a 1a r6alit~.

Dans sa Pr~f ace ~ la premi~re 'dition des ILLUMINATIONS, Verlaine


fera justement 1a comparaison entre Rimbaud at Ie Seoond Faust s

ULe Faust, du Seoond Faust, ing~nieur de g6nie aprds


avoir 6t' l'immense poete vivant ~l~ve de M&phistophe1es
et possesseur de cette'blonde Margu~rite.n

Nous rappe11erons ioi l'intuitloll de Garard de Nel.'val z

"S'il est vrai, dit-il dans sa Pr~face a sa traduction


' de Faust l2), oomme ls religion noua l'enseigne, qu'une
partie immortelle Burvive a
l'etre humain d~compos6, si
elle ae oonserve ind~pendante at distincte, at ne va
pas Be fondre au sein de l'ame universclle, il doit
exister dans l'immensit~,des r~giona ou des planetes,
od oes mes oonservent une orme perceptible aux ' regards
des autres ames at de oel1es memes qui ne se d~gagent
des liens terrestres que pour un instant, par Ie reVet
par Ie magn~tiBme l3) ou par la contemplation asc'tique .. '

Du point de vue de l'a-temporalite, qui eat, croyons-nous celui


de Rimb&ud t les figures du passe coexistont avac celles de

lI) cfo BEING BEAUTEOUS


l 2) Go de Narval : OEUVRES COMPLETES : Ed. Bernouard Paris.
( ;) et lion songe a Rimbaud ,La mot lUi-merne at employ6 dans
lea ILLU1ITNATIONS. tCl'. P.ARADE)o
210.

de l'avenir dans un ~ternel pr~8ent. Citona en ce sens Ie


fragment de NOVALIS :

"Lo chemin myst~rieux va vera l'int6rieur. En nou89


ou nul1e pe.rt est 1 t~ternit' avec Bes mondes, Ie
pass' et l'avenir."

at encore I

"Le Royaume de la ~rui t ne conna! t ni Ie temps" ni


1 f spa.ce o" tI)

Peut-~tre oonvient-il de mentionner aUDsi Andr~ BRETON loraqu'il


dit I

"'lIOu.t porte a croire


qu' j ,l oxiste un certa.in point
de I t espritd t ou
1a vie et Is. mort, Ie r~e1 at
Pimaginaire p 19 pa.SB~ et Ie fut1.l.r uo ce ssent d'@tre
perguB oontradictoirement."
(Seoond Manifeste Surreal1ste).

(I) Mo Bessot I opo aito p. 890


271.

GUERRE

Ctest un des rsres po~mee des ILLUMINATIONS qui soit


"subjectif", c'est 1 dire dont ' le sujet soit 1a personne m~me du
pootoo La structure du poome est 1in6airo at temporelleG -Con-
sid~rations sur 1e pass' a n![,nfant, certains cie1s ~ ", sur
1e pr~l3ent : "A present l'inflexion ~terne11e 0 . . " et sur
1 t avonir : It J e Bange a. une Guerra ... tt. Ce tte derniere pro-
posi tion donne 1e titre'du poeme 0

"Enfant, certains cie1e ont &frin' mon optiquo s


tous 1es earacteres nuancerent ma physionomia".

Rimbnud invoquo souvent la maltrise de 1& psycho1ogie humaine


qulil affirms ici, des 1 g enfanoe. Et dane VIES III en afiet, le
poete nous dit : If! douze &18 j'ai connu le mondep jlai il1ustr~
la 'com~die humaineo" Dans PARADE il monte cette oom~die en
spectacle dana VEILLEES lui apparaissent "des stres de tous
les caracteres parmi toutes 1es apparencea."

ldnsi Ie prise de conscienoe de Is. vanite du monde a


ete faite tree toto Rappelons "l'Ecclesiaate moderns" (ltEclaix")
dans unE SAISON. ' "La vie est Is. arce a. mener par tous" dit
encore MAUVAIS SANGo

Ltapprentissage de la vie a It~cole de Hme Rimbaud est


Bana doute impliqu& ici : "Enfant t certains cio18 ont ~'lffin~
mOll optiqueo" Ces ciels peuvellt etre I'horizon du regard de
10, mere : "Ella avait Ie bleu regard p ... qui ment!" lit ... on dans
LES POETES DE SEPT ANS. Ce sont aussi sans doute lea dramev
conjugaux des parents qui ont impressionn6 la aensibilit6 delioate
2720

de l'enfant.

Enfin n'oub1ions pas Ie conformiame rigide de l'~ducat1on


(I) onrtout quant 11 est impos~ avec une vigilance s'vere .;
c'est alors eurtout que I'enfant doit cultiver Ie "paraftre",
porter Ie ~a8que de 1a soumiDsion : "Tout Ie jour i1 8uait
d'ob'iseanco quelques traits semblaient prouver en lui
d t acro8 hypocrisies." Quand Ie poete affirme: "tous les
earacteres nuancerent ma. physionomie" i1 met en avan{'sa racul t6
d'assimi1ation du jeu pBychologique et ses qUalit&a d'acteur
qUi lui permettent de Ie reproduireo "Caractered'a ainsi Ie
double sena de 1a com~die 2 "ltexpression etant Ie signifiant, ...
comma l'on ditd'une physionomie sans caracter~ - et l'expr1me
qui est Ie signifi~t clest a dire Ie portrBito

M&ia au-dela du contenu psycho1ogique du discours priG


dans son d&Teloppement lin~'aire, 11 analyse de sea semes montre
1& relation d'osmose qui i n tervient entre l'enfant et 1es "cio1s lt o
Le poete . &tend aussi Ie champ s'mantique de son exp~rionce 1a a
nature (cie1 s, nuances) avec laquel1e i1 a v~cu en affinit~ ("ont
affine mon optiquelt)o Affinite r~v~16e par Ie regard qui sait
voir et par une sensibi1it~ qui saisit la nature dans ses moindres
nuances 000 et sait 1es reproduirco !insi, plus profond~ment
que 1a comedie a jouer, c'est 1a vocation po~tique qui est ~ la
source de 1lexp~rience de l'enfant. (2) Ceest l'enseignement
sans ~gel de son contact privi1egi' avec la natureo Temoins de
son pouvoirp "lea Phenomenes 8'~murento" La. nature en effet
I' \ , l' , ... It '
obait a 1a voix du "poete et lui reve1e son arne , 1a premiere
entreprise fut 0" une f1eur qui me dit son nom" (3) et "les
pierreries regarderento" Da.ns APRES LE DELUGE, un 1ievre tldit
sa priere a larc ... en-ciel" dans ENFANCE encore. "les fleurs

(I) nEt la mere , f ermant 1e 1i vre du devoir 00 " LES PO:E'J~ES DE


SEPT ANS.
(2) ofo "Tu vate erie"
(3) of.. AUBE
r

de rIve t1ntentt 6clatent~ ~clairent" "lea talus Ie bercaient


I'
at 180 "haute mer" est Ufaite d'une ~ternite de chaudea larmes."
"Les Ph'nomEln.es s '~mureut" manifeste ainsi 1 t admission de 1 t enfant
dane Ie domains du merveilleux. A eon approche, "les ailes se
leverent e ns bruito" (r)

tf.A, pr6sant, l'inflexion 6ternello des moments et


l'inrini dee math~matiqueB me che-ssent par ce monde eo" (2)

"L~inflexion ~ternelle des momenta"


: l'expression eat complexe"
et m6rite una analyse s~mantique I "l'inflexion" a pour 8~me
contextuel Ie changement, mesur~ par It~cart A la ligne droite.
Mais cette modification n'est pas assez marqu'o pour heurter'la
continuit& de la trajectoire d~crite : la figure g~ometrique
ad~qu at e est donc celIe dtune courbure de lteapaceo Par chaque

po!si de la courbe on peut en effet construire la tangente et


meaurer ainsi l'~oart tangen"tiel de cette courbe - 0

Chaque point represente un "moment" d~nt la succession


d'orit la courbe fugitive du temps (3) : eourbe par ailleurs
infinie puisque sa courbure (son 6cart tangentiel) est constante,
ce que traduit Itadjectif "eternellono Ceci amene "ltinfini des
math&matiques"0 Seules celles-oi apparaisaent en effet aptes a
exprimer Ie tempa 000 at Is. situation limite dane laquelle se
trouve 1e poete o Le pre sent dane lequel il vit Ie porte constamment
en avant de par Ie monde : "me chasse (nt) par oe monele ... "(4)

(I) cf. AUBE


(2) cfo Be.udelaire I tile temps pr6sent se r~duit 4 un point
math&matique at meme ce point perit mille fois avant que nous
ayons pu affirmer sa naissance. Dans Ie pr~sent tout est fini
et aussi bien ce fini: est infini dans Ie. v~locit& de sa fuite.~
"L138 Paradi s Artificiels" op. oito po 399 a La Plerade Tome I.
(}) of. Boileau I tlHa.tona-l'lOU8, Ie temps fui t at noue tra,1no a.prda
soi
La moment ou
je parle est d~ja loin de moi.
Epo III
(4) cf GENIE : "Et noua nous Ie r.appelons at i1 voyage . 0 0 tI
2140

("Chasser" signifie 101 pousaer en avant, comma 1& mer chasse


inlassablement soe vaguea au rivage (le pr~sent). Celui qui
sinsi chevauche Ie tempa nous apparait comme une figure formidable
(c. A UNE RAISON s "arriv98 de toujours, qui t'en iraa partouta")

" .eo Ou
je eubis toue les succ~a civils, reepect6 de
l'enfance 'trenge et des. Affections 6normas. fI

Figure proche encore de celle de GENIE, au magn~tisme


universe1 at quasi messianique Z "11 est l'affection et le
pr~sentUo A cet ~gard, ls. oonnotation de l'adjectif "'norme"
est concluante I

tr1~nol.'me
passade du courant" (MOUVEMENT )
"les migrations plus ~normea que les anciennes inva.sions"
(GENIE)
"0 les 'normes avenues du pays saint e tJ (VIES I)

On rel~ve sane peine Ie caractere messianique des deux dernierea


citations (pays saint, migrations provoqu~es par ce1ui qui doit
soul~ver les foules). Dans MOUVEMENT, It~norme" s'inscrit dans un
"champ megil~tique". Enfin dans Ie poeme 1!'LEURS, nous contemplons
"un dieu &ttx ~normes yeux bIens", dans "Ie. mer et Ie ciel (qui)
attirent"9 ( champ d'attraction).

Ici mme , Ie poete subit "tous les EUCCSS oivi1s" c'e st..
Ii dire qu'il n'y a auoun mouvement de sa part pour les obtenir
il s se portent vers lui oomme un du, qu t 11 reco;. t avec 1 f orgueil
naturel de oelu:i qui eet investi dtun droit divin. Figure tutclaixe
dOlle p respect~e de \'It eniance ~trange"/ = "Change nos lots, ori ble
les fl~aux a commencer par Ie temps" te ohantent cee enfantsh(I)~
at des affections ~normes, potentiellement P!6sentes at qui
attendent dttre misee en oeuvrea "Fiez-vous done ~ moi, .0.Tous

------------------------.---------------------------------------------
(I) A UNE RAISON
275.

venez - m~me les petits enfants que je vous console, quton


r~p ande pour vous son coeur , - Ie coeur merveilleuxl - Pauvres
hommes , travaill eurs l" (I)

"Je Bonge d une Guerre , de droit on de force, de


logique bien imprth'1Ule "

Cette guerre, quelle qu'en soit 1& logique, doit avoir un


lien, d' apres l e "t ex te, avec ce qui pr~cdde puisqufalle en est
l' e.djonction. Lee "affections 'norme s" ne seraien", -elles pas le
potential de cette ~lerre "impr~vue" dont GENIE sarait Ie catalyseur,
porteur de "Ie. grElce croi 8~e de violence nouvelle." Et I'on voit
d~ferler derriere lui "las migrations plus 'normae que les"ancienne s
invas ionB " 0 N'e st-il pas Ie Sauveur, celui qui tire derriere lui
toute Ifhumenit ~, c alui qui est "l'affec tion at l'avenir, Ia forc~
at I'amour que nous 0 voyons pass er dans Ie ciel de t emne te at las
a"rape!~ d 'extase n ?

Des lors, 10. conclusion la.pidaire du poeme prend tout son


sens : "C f est aussi simpl e qu'une phras e mus1.cale". GENIE est
en effet l'amour, mssure parfaite et r~invent~ e , r a ison merveilleuae
et impr~~~te 0 ; . 0 " (UneGuerre .00 de logique bien impre~~)

Ltamourp raison impr~vue de cette Guerre proph~tique z


"Un pa.s de tOi 9 c' es t la l evlle des nouveaux hommes at leur en...
marehe tl (2)0 Guerre de droit ou de force? mais la force et Ie
droit ne font que ref l~ chir "la dana e et Is. voix a. pr6sent ssulement
appr~oi6eaQ" (;)

----_.----------------------------------------------------------------
(I) NUl T DE L ENb'ER UNE SAISON EN E!iFER
(2) A UNE RAISON
t }) JETJIm SSE II
276.

G E N I E

I
1111 est It affection et Ie pr~sent puioqu'il e. fa.i t Is.
I
I'
mBison ouverte A l'hiver. ~cumeux et ~ 10. rumeur de l'~t~ " I
Qui est "G~nie" ? Le po~te d~ploie sous nos yeux les tr~sore J
de son savoir, et nous restono saiaia, &merveilles devant la aim- I
I
plicite ~blouiss ante de sa science. Cg es t dans cette simplicit' I
meme que r~side la difficult& d'entrer dans Ie texte. Celui qui 1I
nous a devance p a l aisse c ependant des signaux p a notre charge de
los r~p~rer : ainsi Ie dete1~inant "puisqu'il" ' de l'affirmation j
!I

,1
primordialo I "i1 est l' affection et Ie pr~s en ttfo Examinone 13. i

proposition qu'il introduit


, .1
ffLa. maison" c'est ltespace familier ou l'on est chez soi. I
I
Plus eymboliquement, la maison d~signe Ie monde int~rieur de l'e go (Ik'
l'espace Cl08 et bien defendu de notre moio C'eat a Itinterieur de
ses limites memes que nous nous d6finissons, que seforme notre
"imago N dont Ie reflet est plus ou moins pergu, selon 1a perception
que nous avona de nous-meme,; "La maison" fait ainsi allusion a.
l'espace familier qui nous fait et auquel noua nous identifions p at
particu.lierement decrit par nos ha.bitudes I cCest l axch~type
spatial de l'individualit6o Mala c elle-ci n'est pos sible que dans
. Ie double mouvement de diff~renciation et dtidentificat ion de 60i I
voila introd.ui t 1 0 ~tat de separation en meme temps que 10. fictio n de II
I
I

1 'egoc. !!
It

La premier acte de GGnio clest de chesser cette fiction at


dj
I
de replonger l' etre dans Ie flux de Ie. vie (:oamique I nil a. fait
II
la. maison onverto ! Ithiver l:cumeux at a. 1& ruL10ur de l'et6". !

(I) c:'o. JEUNESSE I I "1a deID.9J-!.~.!.r.. 10. t~to et Ie monde de Ite oprit'l
2770

L'~cume et la rumeur appaxtielment au champ e~mantique de Ie. mer,


qui a valeur purificatrice (I) : pr~lude ~ la naissance de l'howna
nouveauo Les barrieres de la peur, de li ego1 ame , qui retenaient
It~tre priaonnier de lui-meme ont ~t~ lev~es et plus rien ntempache

1& libra interp'n~tration de It6nergie individuelle avec lt~nergie


cosmiqueo G~nie opere (2) Ie dissolution de liindivi dualit~, dans
1 va.bandon de ses propres limi tea, non par un's rupture violente mais
par osmose. Genie cr~e ainai un ~tat d'harmonie essentiells, r~cep
tif 8. "tous les influx de vigfleur et de tendresse r~eIlefl C~) ; il
est "l'affection", r~ceptivit~ du coeur, et "Ie pr~sen t", ouverture
aux courants de l'exis tence I sonsibilisation! la vie done.

" eoo lui qui a purifi6 lee boissons et lee aliments 000"

Nous avions not& la valeur purificatrico de la mer s voila


qui est confi rm~ par Ie texts. Les boissons et les aliments -
(physiologiquement, co qui oat ing6r6 dana ltestomac), "purifi6s" v
deviennent symbols de la purifica.tion du corps &
II .00 L'eau verte pl!n~tra ma coque de sapin
Et des taches de vina bleus et des Tomissuree
Me lava, "dispersant gouvernail et gr a.pp in
0 "

Dans ces vers du BATEAU lYRE en harmonie aveo GENIE, Ie lien entr~
la purification int~rieure et llabandon de l'ego est d~ja preesenti.
Gouvernail at grappin ont un sens allegorique & Ie grappin c'est
ce qui concerne notre identit~, ce qui noue attache a l'ego s Ie
gouvernail ~te..nt bien sur Ie "je", la machine d~siranteo I I apparait
bien dans OOB deux poemes, quo l'ego est senti comme une entrave ;
nous sommes retenuB par llillusion de la r~alit6 de notre "m01"p
qui fait ~cran entre notre etre st Ie mondeo GENIE comma Ie

(I) "Is. roar que ~j' airoais comma 8i elle eut 'du me laver d tune
80uillure tf & DELlRES II, ALCHIMlE DU V:SRBE : UNE SUSON EN
ENF'EB.
(2) II y a unelointnine pexent6 avec la pr~dicatiou (l'illuaion du
moi) at ltilluwination du Bouddhao
(3) AUIEU r tS)
278.

BATEAU lYRE lave l'obatacle at Ie poete retrouV6 la sant'


essentielle I
"Et dcta lo ra t je me Rula baigne da."ls Ie poemo
De la m~r9 i nfus& d'aBtxes, et lactescent,
D&vorant l ea azure verts"

Ces tlretrouvsilles" ne sont possibles que par I'abandon de l-in-


dividualite at Ie renoncement au nje" egocentrique, c'est dire a
au deair : Is. purifica tion des ooissons et des aliments ne
peut avoir d' autre Bene a d'opaque, Ie corps deviant transparent.

Le troisieme trait distinctif de GENIE z "lui qui eat


I e charme des lieU%. fuy-ants et Ie d~lice surhumain des stationsU,
doit etre rapport~ a
P affirmation : "II est Ie pr~sen tlt. La
pr~sent eat Ie "lieu fuyant U par excellence oomme Ie souligne Ie
poeme GUERRE : '. "l'inflexion eternelle des moments et I'infini des
mathematiques me chassen t par ce monde 000 " . . 0 Ie charms eat
oelui de pratiquer Ie "eurfing" sur 1& crete du temps ' Lieu
ruyant, paree qU'insaisiasable, 1e pr~sent sait aussi etre
i~~o bileo Au coara de ltinstant se d~oouvrent les plages infinie s
de l'('terni te : les "stations" du Tempso "les arrets de la
vie" (I) 0 Alors 1e present "dure une minute, ou des mois entiers '1
(2) ; "des millenaires stenfuirent a
l'ho r izon pareil a. des
nuees dtorages" selon l'image gra.."1diose de Novalis (3). Le
para.doxa du pr~ael1t est formule avec simplic1 t~ dana A m.TE RAISOn s
".arriilfede toujours, qui t'en iras partout tl , integrant les images
de Is. s;ation' dans .l'etern1ts et du d~plaoement dane l'espace-
t amps Q ToS o Eliot rejoint 10i Rimbaud(4).

( I) DEPART '
( 2) PARADE
( 3) HYMNE A LA NU1T (III ) p. 870 l~ovs.lis ( Ed o Aubier)
( 4) At the still point of the turning world. Neither flesh nor
f10shle ss:
Nei ther from ncr torwards ; at the still poi.nt, there the dance
ia,
But neither arrest nor movement 90 00
I oan only say, there e have bean s bu t I eanno t say where,
And T cannot say how long t for that i s to place it ir! time e
~' hQ" N1r-!'" f,.",ArlOl'l f1"l"m Tn"l'l~t,; "nl nARi "t'A .
279.

"I1 est l'aff ection e t l'avenir, 1a force at l'amour ~ "

Asoocie a l'amour, ( I ) 1a f orce do1t tre comprise comme


puis sa.nce d' action, capa.ci t~ de cr~er o S1 G~nie eat notre avenir,
ctest pa~ce qu'il ras$emble cetta anergie cr~atr1ce que no us
lai ssona dormir en nous ( 2)0 Et cet te puissance vitale ne peut
se developper harmonieusement et connattre sa pl~ni tude qu.e dans
Itamour o On se souvient de la devis e s ouveraine de St. Augustin,
"Aime, at iBi s co que veuto tt

" 0 que nous~ debout dans les rages at 1es ennuis,


nous voyons passer dans Ie ciel de tempete et 1es
dra.paa.ux d' extase. 'f

nL'ennui" qui fait que nous ne sommes pas au monde,


coup6s des coura.."lts de Is. vra,ie vie ; les "rages 19 qui sont
l'express ion de notre insatisfactiont de notre f1~8tration devant
1e desti.n qui nous est imparti. Rimbaud s' est pla.int a.merement de
son xe j et du monde : tll'horrible quantit' de force et de science
que I e Bort a toujours ~loignl e de moi lf (3), et de l'impuissanoo
A l a.quel1e i1 a 6t~ r6duj.t : ItSe peut-i1 qu t E11e me fasBe par-
donner lea ambitions continuel1ement 6cras6es ooo?" ( 4) G~nie
coneontre ainsi toutes l es promesses d'avenir f il est Ie
complement i ndispensable de nOB manques il comb1a 1e vide de
no t~e ennui par la pl~nitude de l' amour et rempl aca Ie. rage dele
f'r-Ilstration par Ie triomphe de l'i;nergie er~at ric0 0 11 symbo lise
1e pluB haut ach~vement de lthomme I Is r 'alisation de 60i par
la toute~puiss~~ce de l' amour o

La double metonym.:te "oie1 de tempetc" 9 ttdra.peaux d 'extasel1


ma.nifeste cette puissance conquerantet que u nous vo yons passer" (5) ,

(I) cf. ANGOI SSE , "0 pall1Jes 1 diamanU .. Amourp forcel"


(2) L'IMPOSSIBLE = . tfJe mta.pergois que mon esprit dort U ( s)
(3) OUVRIERS
(4) AN\.OISSE:
(5 ) 110 mema, Za.rathoustra. &volue dana l'air ra.refi~ at 1umineux
des c~mee, inaccessible au commun des mortels.
280.

Le dynamisme de ce11o ~oi eet re1ev~ par 1e contraste avec 1a


pOfli tion statique "debeuI;. Sana aucun doute II oetta prdcision est

dejEt signe d'~mergence, e11e ~voque 1& vigie de ce "couple de


jeunea se tt (I) fa.ce ft aux accidents atmoaph~ riqueBIt (I). Elle est
Ie pr~lude au "d61ice Burhumain des stations" et au ravissement
annonc' par les ftdrapeau.x dfextase tt a Ie pa3sage en nous de
It amour et de la fo rce nous sai8it, nous transporte, maia nous
1ai08e IS. ou. noua semmes. Nous ret:r.ouvons "LV enfant a.ba.ndonn~ sur
la jet~e ' partie a. la haute merit d 'ENF'ANCE IV G Plus loin, Ie poete
ft '
dire. "et noua nous Ie rappa10na et 11 voyage 0

Chaque affirmation du poete est reprise et d~pass~e dana


l'affirmation suivante tandia que ' lthymne enfle sa voix avec plus
de puissance :
II est I'affection et Ie pT.~Bent
II est 1 t a.ffection et 1 t avenj.r
I I est I t amour, mesure parfaite et r~invent~e

Rimb aud noua livre dans une progression dialectique Ie mystere de


Genie :

"II ltamouT., mesure parfaite et r~invent~e, raison


es't
mer~eilleuse et impr~vue, et lt~ternit~ : machine
aim6e des qualites fatales."

Nous reprendrons dans sea grandes lignes notre d~monstratio n

ant'rieure (2) : 13a "meaure paraite et r~invent6e" de lf amour


est en r~sona.nce avec ce tte affirmation de VIES II t "je suis un
inventcllr' eao unmusicien merna qui ai trouve quelquechoso comme la
clef de 1 t fllllour", et plus ellcore avec ceIle ... ci de L 'EPOUX INFERN.AL :
Itl 'amo1..tr eat a reinventar , on Ie sait"o (:~) A r~inventer ( 4) pares

( I) MOUVEMEli'11
(2) ero A UNE RAISON supra.
(3) DELIRES I c (5)
( 4) ofo "Le nouvel : a!I1our" dans A UNE RAISON
281.

quail a :perdu son origine, ccrArompu sa. nature., "Mesure


parfai ten It amour as'~ synonyme d' a.ccomplissement, de pl~ni tude
aussi bien que d tharmonieo t~Ra1S1on mervei lleuse at im:pr~vu.eu
signifie la d~oouverte d' un sens derriere l'app arence chaotique
et absurdeo L' amour &tant cette "raison", cetto loi cach6e qui
donne son sens a la viao

Clest I e. m$me n~ceosit~ prodigieuse ou tout a'accomplit


selon l'ordre co smique de Itamour qui caracteriee Ie champ de
If~ternit~, "machine aim~e des qualitea fa.tales"" Ordre
n'ceasaire dont on ne veut se d~gager (machine aim~e) parce que
nous Ie portons en nous-mSme comme 11 nous porteo En decouvrant
les loia de sa. destines (l es que.1i t6a fatales) 9 1 t homme. rejoint
i
1& loi de la cr~atio nt il participe ! l'6ternit~ de I l univers
cr~b et 6chappe au temps et a la morto Si C~nie est affirm6 . 1 I
I

comme "l'amour 0 0 0 0 et lt~ternit6 " crest que 1a loi de 1a cr~etion


est auasi 1a 10i d' amouro I
:I
"lIous avons tous eu Itllpouvante de sa. concession et d~ i
I

1a notre " !
G~ni0 ~tant 1t amour~ est amen~ a rencontrar Ie destin
,I
de che..cun .: "lious avona tOllS eu 1 t ~pouvan tetl 0 Mais pourquoi I
I
eette ~pouvante? Parce que l'amour comporte una exigence fo r w !!
midable : Ie don de soi {cle st 1& double "oon60asion tl ) . Comme
Ie dit Ie poete p ce don comportc l' abandon de not re ~gocentrisme : j
1
,I
"0 jouiasance de notre sant~, lIen de nos facu1tes, l
affection ego'iate at passion pour lui 6 U U
I
II
1
1
Lo dernier signe de eet bgocentrismG ~tant l' amour invers' qu!eat
1a passion oa
I e d'air de possession est la n6gation du don de aoi~
i
Lt~~gois8e de se perdre drulB llautre nait de notr~
attachement e. llego, calui Q.ui dit "jeff 1 80 parte ciE: oonscienoe
2820

de notre identita a pour noue uno connotation de mort. Et ctest


pr~cis~mant cette mort ~ soi~mume qutentrarne 1& concession de

G~J.lie a l'abEUldon de notre amoi" dana loc~a.n de "S& vie iufinia" I

"Lui qui noua aimo pour sa vie infinie /iJo... tt I

gretuite, immensit~ at unit~ de Itamour comme de la vie , notre


~pouvante eot celle dt~tre engloutis par l'appel de 1& vie. Mourir
~ Boi pour rena~tra a la vie, red~couvri r l' amour I G~nia a des
accents ~Tangeliques quton ne saurait nier, sana atre pour autant
diminu6 dans son originalit~.
I
UEt nous nous Ie rappelons et il voyage 0 . 0 Et si
I
i
l eAd.oration s t en va, sonne, sa promesse sonne : .i
"Arri~reces superstitions, ces anciens corps, C08
.j
m6nage s et cas ages."
I
ttIl voyage" : car en effet; I'amour est libre, "i1 passe" si
!
I

nous Ie rencontrons, nou.s ne Ie poss~dons jamais, puisque Ie


poss~der c~est Ie d~truire. II nous reste toutefois I t empreinte
de notre rencontre avec l'amour (noue nous Ie rappelons).

Avec la majuscule, "l'Adoration" designe 1& relation de


I
I

l'ho~~e a Ie. divinit6 : relation qui est done religieuse, I


( appuy~e ' :pa:r: l'6tymologie~ semble ... t .. il)o Da.ns GENIE, Rimbaud do~e
une nouvelle approche du conoept lIlliau" (I) t mais son originalit~ 1I
.
I

meme p son caraetere unique interdiaent de lui donner dtautre nom que
!
calui qutil a ehoisi lui~meme : GENIE 0 I
! I
I
Ains:i. l'Adol:'ation qui Iblen ''la", cOest l'absellee de l'amour i,
1
dana ls. vie,llo d~tourllement de sa. raison d tetre : a.lora appara:tssant
les faux-dieux (lea superstitions), Ie. corruption (cas anciens co rps )
"les vieillea amov.rs meneongares" (2) de ces tlmlma.geslto Ltexoreisme

(I) Ceei rcsulte du moins de ses attribute puisqu'il est 6ternel,


ulliversel et a Ie. vie infinie. Maia nous pr6f6rons ma.intenir
sa qualit6 I forae vj.ve.nte de 1 C amour.
(2) ADIEU : (S) at DELIRES I t "d:r.ene de mbnage ff 0
26;.

1
I
!,

de GENIE (fArri~re", rf:lDODrle comme Ie "va de retro Satanas") sera.


repris pluso tard da.na caB paroles d' ADIEU , "j t ai vu 1 t enfer des
f emmes l A.-bas tl

"Il ne s t en ira pas 9 11 no redescendra pas d 'un ciel,


11 n'accomplira pas Ie. r~dempt ion
des col~reB de
femmes et des gait~s des hommes et de tout ce p6ch&
car c'est fait, lui ~ta.nt et ~tant aim6".

Les r6f6rencea A It Evangile sont ici transparentes a ainsi dans


St. Jean 7,33 -: "Je no Buis plus avec vous que pour peu de
temps puis je aten irai vera celui qUi mea envoy!tt ; et dana
St. Luc 21, 27 : nEt a10ra on verra le OFils de lthomme venir dans
une nu~e avec puissance at grande gloire lf Concernant Ie. r~demption
dee PQCh~B" Matthieu 26, 26 , "Voici mon sang, Ie sa.'1.g' de I' allio.nce
qui va etre r~pandu pour une multitude en r~mission des p~ch~slt.
Sans aucun doute pos sible c'est Ie Christ, sauveur meesianique qui
est ici vise par Rimb aud . Non sans quelque agacement pour ce qu'il
semble consid~rer comme mythologie , ("i1 ne redescend_ra pa.1:! d tun
ciel ll ) , i1 annule purement et simplement Ie. n~cessit~ - et donc
I s. valeur redemptrice - du sacrifice de 1s. croixo La Christ
mediateur es t un d~tour inutile pour nous 1ibhrer du pech6 car
I
"ct eat fait, lui (Genie) ~tant, at stant aim~"o Catta Formule
d'une concision 000 toute biblique, demande un d~veloppement
l'etre de G~nie ("lui stant") u nous aime pour sa vie infinie" cl ea t
I
-I
s a uconcession" .. Si noua r~pondonB a. Bon appel (lflui etant aima"),
I
noua sommes done, selon Rimbaud, delivre de 14 corruption du poche.
c amet que pour I'aut eur, l'amour agit c omme un feu purifieateur9 i1
t ransforme l'homme. La mort du vie!l homme (c'est ce que signifi e I
I
flC' est cette epoque-ci qui a sombre" ) s I accompagne d tune renaissance f I

o'est "la levee dee nouveaux hommee" saluee dans A UNE RAISON, du J
i
"nouvel amour", de le. "nouvelle harmonie"o La decouverte de ce j
I

nouve l amour delivre done du poio.s du passe (I) par Ie, participation II

(I) Dans MATINEE D'IVRESSE t il y e. 18. promesse "dtenterrer dans


l' ombre l' arbre du bien e-~ du mal 0 at-in que n0US ameniona
notre t:ces pur amour" .
e. Ie.. vie ~ terne IIe at inl:"inie de G6nie : II 0 Tout mon fardeau est
d~p08 ' .. .flppreeiona se.nsvertige 1 'etandue de mon innocence"
stexclame ra Rimbaud dans MAUVAIS SANG reprenant po sses sion de lui-
mama. (I) II est evident que Rimbaud parle maintenant dtexp~riencft
pui squ 'il nous rapporta dans la suite du. poeme sa rencontre aveo
GeniEh Vision inefts.ble d~nt temoigne Ie sou1'1'Ie extraordinaire de
Bon Verba N euspendu ent re des e1~l osi ons d'enthousiasme :

"0 sea soufrles, aes t&tes, ses courses Ie. terri ble
o~l~rit& de Ie. perfec tion des formes at de l'actiono
"0 1econdit& de l'esprit at i mmensit6 de ltuniverst
"Son corpsl Ie degagement rev' , Ie bris cment de Ie.
gr~c e croisee de violence nouvel le l"

Cetta derniere ~vocation n' est p as sans analogie avec file corps
mervei lleux ft de MATINEE D'IVRESSE, ttl'~l egance , lao sCience, 18,
violence~1t

Et voiei Ie tfclimax" de cet hymne cosmique :

"Sa. vue, sa vuel tous les agenouillages anciens at lee


,"
. re_ evee s a sa suite " (2)
pe1nes

Leapparition mess ianique de G&nie marque la fin du monde ancie n I

ltirradiation qui ~mane de sa. presence d~livre lthumanite de sa


condition mis~!rableo ctest la fin dee superstitions (cro I e. nuance
m~pri6ante contenue dans "agenouil1ages lt ) et du carc an de 1a f aute.
Lthomme "rele v~n est rendu a. sa vraie nature de ufile du soleil ft $
La mal sous tout es S 0S formes est aboli &

"Son jourt L' aboli '~io n Cia toute s souff'rances sonores et


mouvantes dans I e. musiq\.'.e pl US intenseo tf

(I) miE SArSON EN ENFER


(2) Souli gn6 par Rimbaud.
285

Et o'est "la levee deB nouveaux hommes et leur en-marche" (I)

"Son pas! lea migrations plua ~normes que lee


anciennes invasions."
"0 lui et nousl Lorgueil plus bienve111o.nt que les
charit6s perduea" (2)

Voi01 encore une allusion directe au christianisme : l'humilite


chr&tienne , l'abaissement at Ie renoncement 1 soi, font place i
. Itexaltation de l'homme , nux nobles sentiments. G~nie est l'annonce
de la royaute de l'homme nouveau (3). Et cependant la note finale
de oat hymne a. la gloire de l'homme lais6e pr~sager des futurs
moins enohanteurs la luoidi te du poche percoi t deja "Ie chant
claire des malhe urs nouveaux". Rimbaud ~voque peut-etre la l'im-
possibilite du temps, notre impuissance 1 lui (G~nie) donner "notre
vie tout entiere tous les jours",bien qu'il nous ait "tous aimes".
D~8 lora~ la s~paration est inevitable il aerait meme vain de
vouloir retenir l'amQur puisqu'il es t dans sa nature d'etre libre
(4) a achone Ie reconnaitre ("I e h6ler et l~ voir") mais aussi
ul e renvoyer". II nous reste la trace lumineuse de Bon passage,
"Sachons suivre ses vues, ses souffles, son corps, son jour",
et 1& certitude qu'il est.

( I) A UNE RAISON
(2) Cetta Bienveillanc e noua parai t devoir que1que chose a, la
munificence de l'Opium :
cf. Baude laire "une bienveillance singuliere appliqu6e me me
aux inconnus, una espece de philantropie plutot faite de piti6
que d'amour 0: ilLes Paradis Artificie1s" OPe cit. p. 309,
"

La Pleiade Tome I.
et encore, "1' expansion des sentiments bienveille,nts causee
par Ifopium n'est pas l1U acces de fievre ; c'est plutot l'homme
primitiveroent bonet juste restaur~ et reintegre dans son etat
nature l" ide po 346.
( 3) Le m~pris envers la morale ehr~tienl1e et l' exal tatiOl'l de l' homme
font de "Genie" un precurseur de Zarathoustra.
( 4) cf. "noua nous Ie rappelons et i1 voyage 00. " supra.
286.

J E U N E SSE I

.DnrANCHE

"1es oalcula ete c~t~, l'inevitable descente du ciel,


' et la visite des souvenirs et la seance des rythmes
occupant la demeure, Is. tete et Ie monde de l'esprit."

L'esprit c'est Ie foyer des facultes cerebrales "en


action tt 9c'est pourQ.uoi Ie poete noue dit "la tete". Dans Ie
mema Dena~ oitons lea "fanfares d'heroisme - qui nous attaquent
encore Ie coeur et Is. tete ... " (I) !I'ous avona ajout~ "en
0

action" en fait "lemonde de l'esprit" c'eat celui de la vaille,


d~fini par l'etat de "repos eclaire" (2) alf6cart de Pagitation
et de Ie.. reverie t "Ni fievre, lli langueur". Cet lltat stacquiert
par Ie d~tachement interieur at la disponibilite de tout l'etre s
"cependant ciest la veilleo Recevons tous les influx de vigueur et
de tendre sse reelleo Et a l'aurore, arm~s d'une ardente patience
noua entrerons aux splendides villas". (3) Ltesprit esaentiellement
est done vision" de 18. simple clarte a. l'illumination de l'aurora.
Clest dans une ttmagnifique demeure cernlle par l'Orient entier" que
Ie poete a "accompli (son) immense oeuvre et paese (son) illuRtre
retrB.ite" (4). L'esprit est donc encore d~couverte: "s'i1 etait
bien eveille toujours 0 nOUG serions bientot a la verite"9 est-il
reeonnu danB LiIMPOSSr:BLE o Sa demeure est la sagesse s "S'11

~ .
(I) BAR BARE
(2) VEILLEES
(3) ADIEU (s)
(4) V1ES III
avait toujours dt~ bien ~vei11d, je voguerais en p1eine sagessel "
. (I)
..
II

Pour l'heure, I'esprit du poete est Itoccupc!tt (2), c'est


a dire qu'il n'est pas disponib1e : ce qui Ie distra.it de son
but oe Bont d'abord "les calcu1s de cote" : peut-etre des
suppute.tions int~resaees sur son travail, qui s'ecs.rtent de sa
1igne de recherche (trop) abso1ue. Et puis 11 y a "l'inevitable
descente du cie10" Les figures de 1s. montee et de 1a descente
du cie1 apparaissent deux fois 1iees a1a. narration evange1ique.
dans DELlRES I (;). Is. Vierge folle s'exclame : "que je voie
un peu l~as aomption de mon petit ami!" : dans GENIE, "i1 ne s'en
ira pas9 i1 ne redescendra p~s d'un cie1 . 0 0 "9 et i1 semble la
que le poete vanille surtout ecarter Itimagerie populaire pour
reatituer9 par dela le. figure, le senso Tout ga c'est en efiet
inutile, sembla ... t .. i1 nous dire, puisquc "C'est fe.it9 lui 6tant
et etant .aimeo" (4)
La texta de GENIE s'oppose ainai preoisement a "ltin~vi
table descente du cie1 Ii 9 avec son double mouvement : ascensj.onnel
(1a. phase tld'elevation") et "deElcensionne1". Nous ne pouvons
qu'induire 1a phase d'elevation, mais nous savona qutelle est
. suivie immanquablement g apres un temps indetermine, par une
"re tomb'e" de le;treo 11 nous parait difficile de ne pas re-
connaitre en l'espece Ie "systeme" de Ie. drogue : ltexaltatioIi
de It;tre qutelle produit est toujours suivie, apr~s un laps de
temps variable p par une retombee due al'epuisement de Bon action
I
excitante. N'est~ce pas justement a oel1e-c1 que Rimbaud fait
d.
,
!j

(I) L'IMPOSSIBLE (s)


(2) ~eo 6ccupent la demeure n

( ;) UNE SAISON EN ENFER


(4) GENIE
2880

allusion? II s'agirait done dtune phase de d4'pression tlsBoci4e


'a des penoees eombrcs qui. enl'a.hissent 1 tel:1pri to Ainsi "ls. visi te
dee Bouvenire tt ma.ussadeB et trictes comme ceu:!: rapport~s dnns
OUVRIERS "noa souvenirs d'indigents absurdest notre jeunc
mieere 0 0 . Laa miserablea incidents de mon enfance ~oo n
Rappelons qu~ Ie soua-titre du poeme eat DIMANCHE et que le theme
d 'OUVR1ERS est une promenao.e .<tom.;inica1e dans ls. ban1ieue par une
jeune couple "d t orphe1ins fiances tt Enfin, i1 semble que Rimbaud
a.it garde de Bon anfa.nce une aversion pour ce jour fatal : nil
oraignai t les b1e.! ards dimanches de aecembre" nous di t le PoeJce
de Sept Ans.

Qu'eat-ce que tl1a' a'ance des rythme~"? Probablement


ltactivite poetique elle-merna, comme 1e suggere lea "D61ires"
d'ALCHIM1E DU VERBE : It avec des rythmes instinctifs, je me
f1attai d'inventer un verbe poetique a.cceasible, un jour ou
l'autre, a. tous 1es BOnSc. tt (I) Notons sous cet aspect, le 1.'e-
doublement incantatoire M ~ 1a visite, et 1a seance .eo qui
elance 1e rythme dans sa sphere magique, comme les proportions
6ym~triques de 1a phrase contribuent a
1a perfection math~matique
de l'enonceo

"Un cheval d~te.le 000


Une mie~rable femme de drame 0 00
Les desperadoes languiesent 0 o
De petite enfants &touffant des maledictions
.". "
Ces lambe~ux de r~alite dont Ie poetenous fait Ie
rappoxt t montrant un univerB heurte et diecontinu sur 1equel plane
une mena.ce de mort. 1tatmosphere en est lourde, pesant&, irrespi-
rable meme t t e11e qutell e se degage avec insistance a travers la
dispersion s.'mantique : ainsi fila peete carbonique tl 0 los soupira ~
la langueu~p Itivress e , lee maledictions etouff'eso Climat

(I) Th"E S.ltISON EN E:t\T]'ER.


2890

oppressant de ce dimanche donc~ qui se situe assez bien dans


1& oonnotation que noue connaiBsons a
cs jour particulier. Le
poete peut siidentifier aMS peine d ces "petito enfants ~ui)
~touffant des mal~dictiQnB Ie long des rivieres" cat (ltat
de revolte rentre~ contre Is. tute11e maternelle ~st 6TOqU~ dans
Ie poems ~iOIRE (I) dans un contexte familiar s

"Mon canot, toujours fixe ; at sa chaine tir~e


Au fond de cat oeil d'ea.u sans bords, eo a quel1e boue?PI

at encore :

"Jouet de cet oeil d'eau morne , je n'y puis prendre 6 ,


canot immobile& ohl bras trop courts! ni l'une ni
l' autre i'leur \I 0 U

image plus pr~ci8cment de Itimpuissance dans ce dernier caso

Les ttdesperadoeo u comma leur nom l'i ndique ~ sont l'ilTiagc


du d~sespoir qui oonduit a
tous les exces (orages , ivres see,
blessurea ) 0 On rotrouve aussi Ie gout de Rimbs.ud enfan'b pour
1's.venturo "A sept ans, :1.1 faisait des romans, sur Is. vie
du grand desert It (2) et dans Is. confession de la Vierge
000

]'0110 (3) : "Oh& la vie d t aventures qui existe dans l es Ii vree


des enfants U 0 me Is. donneras .. tu?" (3)

Les bruits epars de la vie qui noue parviennent


(vi enne~t ) au monde exteriet~, tele Ie trot de ce Cheval sur Ie
.
"turf auburbain lt et les l amentations de cette "mis&rable femme de
drama", Gont tra.n8form~a par Ie poete en images de eauchemare
Ainsi 9 l'image dtun cheval fringant s'achevc dans celIe d'une
cha.:r:ogne en, putr ilfaction : uperc~ par Is. peate carbonique tt II

(I) Con~e bien s~r dans lea Poetes de Sept Ans~


( 2) LES POE~ES DE SEPr ANS
( 3) DEI,IRE I , ( S)
( L'emp1oi de lamlHonymie justifie I'adjectif "(:arbonique" qui
&VOqu0 lea exhalaiaons de gaz puiride dmanant dtune charogne ( r) )0
Ca.uchemar Burgi de 1 0 8.ppari tion du vide r "perc$" est signa d. 'UllG
,
beance au milieu de 1a vie. La vie encoret ce spectacle mediocre
( o t est 1e sena ~e "femme de d.rnme tf ) qui serait presque comedie a'i1
ne devoi l ai t .le. misers de Is. v:i.e quotidienne 0 3i oette fe mme
"soupire apres des a.ba.ndons impro'bablcs", c' est qu t el1e mGne SMS
doute una existence f aits de platitudes dont e11e attend 1a
d~livrance de quelqu.e h~ iL'O B de roman au d tun de oee aventurie rs
semblab1es aux "desperadoeso"

Touies oes images composent un univers d esesp&r~, min~ 9


a.ngoissa.nt p dont 1e. vraie vie est absente.. II est 18. marque de
l'etat de s$paration~ dtexil du poete qui 600ute Ie maude des con ....
fi ns au11 demeure , pour se replonger aussitSt dans son espace
e
interieur : "Reprenona 1g tude au bruit de l'oeuvre devorante qu.i
se raseemble at remonte dans l es masses o" Cotte reprise est dono
Ie signa d tune i nterruption momentanee de til t e-'Gude ll " Oa sont pout ...
etre 1es echoa du monde exterieur pe~enus jusqu ' au poete qui out
,
oocupe un instant Bon esprit, qui Iont ainsi distrait de sa recherche

Che z Rimbaud p "l Vetude" est reve tua d iun sacre personnel :
dans MOUVEMENT l e poete evoque les "terribles soire dtetude". CV ast
l' esprit concentrant tous lee influx de vigueur dans la "vail13a""
Dans "0 Saisons, 0 ch~teauxn, Ie poete r&sume cette experience e
"Jv ai fait 1s. magique ~tude
du Bonheur 9 que nul n'eludeo tl
,
Le poete s e met a.'\ 1 tecoute
' ,.
de lui-meme , ( "au bruit d.e
1 oeuvre devol:B.l'lt0 1t ) plonge at aiabsorbe dana los profondeurs de
son inconsciento (2) Et voici ttPocu.vrc devorante ( qui) Be

------------------------------------------~---------------------------
(r) Probablement a'llssi par analogie ( r6ecnance phon6tique) av .o
"peste bubonique"o

cf. IIA LETTRE DU VOYANT : "La. premiere 'tude de J. t homme qui veut
etre poete est sa propre connaissBnoe, elltiere ; 11 chercha son
arne, i1 l'inspeete 000 l'apprendo"
291.

rassemble et remonte dans les IlltA6Sea It Peut ... etre assiaton8-


noua ici au processus merna de la oreation po~tique (r).

L'image est cara.ct6risee dtabord par sa fluidit'. Ce aerait 1a


pha.se encore inoons oiente du ntravail lt poeti que dont 1es ~l~mentB
diBpers~s se recherchent at s'agregent : I'oeuvre "se rassemble".
La. deuxi eme pha.so serait nettement aacensionne11ep l'oeuvre "remonte"
c'est a dire qu t a1Ie signifie Ie m~canisme positif de 1a prise de
conscience qui est en merne tempa crista11isationo Les "maases u bien
sur~ 6tant Ie milieu mouvant de l'inconaciento Ltoeuvre prend forme.

~I) ~f. LA LET/rRE DU VOY1,J~T: "Ce1a mR sst 6vident : j t assiste


a l' 6closion de rna pens6e? je Ie. regarde, je le 6coute 000 1a
symphoniG fait eon remuOIDcnt da.ns les profondeurs. n
2928

J E U N E SSE I I

SONNET

,
Se10n Ie philoBophe Marmonte1 Ie sonnet eat "Ie cercle
Ie plus parfait quton ait pu donner a
une grande pens~e et Ie
division la plus regu1iere que l'oreil1e ait pu lui prescrire.."lI)
Ouvrol1s done ce carole z

".!!omme de conl!ltitution ordinairet tt

"Homme n en ite1ique d~signe sana doute Ie sexe masculin. Dot6


d une It cons t i tu tion ord inaire ", c' e 8 tadire de s a.t tri bu t s nature 1 s
de Ie. viri1iteo

tt .0. 1a chair ntetait-elle pa.s un fruit pendu dana


Ie vergerg "

Ma.lgre sa connotation chretienne (concupiscence charnelle,


Ie peche de 1a chair) et Ie contexte biblique (Ie fruit d~fendut Ie
verger synonyme de peradis). il ne no us semble pas que Is. chair
80it associ~e ici au complexe de la Faute, au sens chr~tien.
Rimbaud entretient plutot un culte de In chair dont BEING ]EAU~EOUS
serai t 18. d~i t& ~e Itcorps adore", ces 1' chairs Buperbes" ne
sont-ils pas Ie "fruit pendu dans Ie verger"? II n'eBt d'ailleuro
pas indifferent que ce dernier poema auccede a
l'image du satyre,
telle qu'el1e appara1t dans ANTIQUE. Le satyre est une Figure
typiquement dionysiaquop alliant l'ivresse et l' appetit sexue1 :
aes joues Bont "t-achees de 1iaa brunea", e~a "croes luisent".
NOlls reneontrons eneore cotte figure dans APRES LE DELUGE l'on ou
-----------------------------------------------------------------
( I) Littree
entend : abots G'rognant dana Ie verger." La
"les 'gloguea en E'

paganisms de oetta sCxY.lalite It6 fait done pas de doute s cleat


en ce sens qu'elle est libre et denuee de tout sentiment de
oulpabili te. E11e eat done innocente et joyeuee.J It . . . . $

journ~ea enfanteeS Ie corps un trleor a prodiguer ;", parce qutel1 ~


ignore les ce.t~gories de Ie. morale chr..<tienneo ( I) Sa divinoi t4
tuteleire serait bien DionySODG

Noua percevons dana ce retour Bur soi que fait Ie poete


("0 journJes enfantes~tt), 1e regret de cette a.dolescence radieuse
at harmonieusc.. Mais ce regret sfaccompagne dtun doute : no
aimer. Ie peril ou la force de Psyche?" Ltamour pris dana ce
oontexte est centr~ sur la sensualite : la jouissance serait~elle
Boeur de la mort? Psyche est associee a. Eros da.ns Ie. mytholog:i.e
grecque. Le IIp~ril" de Psyche c'est Ie. menace qui plane sur Bon
amour, sous forme dtinterdit : elle ne peut contempler Eros sans
dispara1tre quand elle Ie voit. Mais l'amour est QU8si sa Itforce"p
Bon audace qui lui permet d~ braver l'interdiction~

Il semble toutefoia que chez Rimbaud l'amour ail1e plutot


de pair avec la force pour exprimer la vitalite at la jeunesoe de
l'etre : ttAmour~ force! plus haut que toutes joiee et gloiresl"(2)
L'amour se situe par dela le bien et Ie mal : "de toutes faC011.13 0
demon, diou - Jeunesse de cst etre-ei s moil" ( 2) affirmation
N

qui emporte Ie doute~ quel qu'il soit.

It
La terre avait des versants fertile a en princes
000

et artistes ~ etlla deocendance et la ra.ce noua pouBsaienot


aux crimea at e.ux deuils : Ie monde votre fortune et votro
perilo"

11 a'e.git toujours d!un temps revolu (cf" lfimparfaj.t),

(I) "Je me aouviena, nous dit Ie po~te, des heurea dVargent at d6


80loi1 vera lea fleuvos 0 et de nos caresses debout dana les
pla.ines poivr~ea~1l VIES I
(2) ANGOISSE
l ' age d' or des "journ~es enfantes" s ttJa.dis t si je me Gouviens
bien, ma vie 'tait un festin od s'ouvraient tous los coeurs, od
tous lea :vins coul aiellt etl (I) La monde atait noble 9 riche at
bea.ut et oependant 11 etait oondamne, car la mort t les crimes,
les douils) ~tait d~ja en lui. La mort pour le poete ole s t Is.
Fata.lit\~ qui nou.s porte tl aux orimes et aux deuils lt ~"vous
poussaient") et qui demeure en ohacun de nous I "Ie monde
votre fortune et votre p&ril. tt Celui qui parle na.ppartient pas
en efl'et l"votre") a, notre lI.londe, i1 noua le di t souvont t "Je
n'si jamais et~ de ce peup1e-ci ; je ntai jamaie $t& chretien ;
je Guis de la race qui chantait dans Ie supplice : je ne comprends
pas les lois 000 "(2) at encore s "ma. vie n ' est pas aSBOZ
pesante 000 "(3) Le monde, notre fortune car no us nous accrochons
a., sa rea
, l't'
1 e rugueuae
,
: la vie ; et notre peril , car nous
oublions Is. "vraie vic" qui sOrru::leille en noue 0 Asaez courageux
pour vrep mais pas 8SS8Z pour etre desinteress& : Ie. seule
nobless e! : "Ahl cette vie de mon enfanoe 0 . 0 plus d~sintereS6~
que 1e roeilleur des mendiants 000 II ( 4)

It Mais p
0<>0 a
pr~sent, ce labeur comble , toi, tea
calculs, ted_I) tea impat:tences - ne sont plus que
votre danae et votre voix 0 U "

Le tllabeur" du poete c'est Ie travail qu t ll a exerc~ sur


lUiameme, Ie connaissance de son ameo
Sa oonclusion, c'est la
reconnaissance de l8inanite de sa problematique pGraonne11e que
designent les "oalculs" et los "impatiences", at 19 redoubleme:nt
egocentrique du "toi" .. Ltunivers olos du "moi" qui stenfe:rme d.ans
ses problemas est bien ls. marque d'un etat s~pare9 dtune communica-
tion xompue avec 1e monde des autres o II est plausible que Rimbaud
a.it fait Pexp~rienee de 1a verite du "moi", de son neant nourr1

(I) J ADIS .,.~. : (s)


(2) MliUVAIS SA.NG .
(s)
(3) ADIEU (s)
(4) L'1MFOSSIBLE : (s)
295"

d'illusionso En toua cas Ie. prise de conscience de cotte fiction


Ie d~livr e de sa. prison, comma elle l1bere Ie flot des forces de
.
vie o Ie po~te<.:-individu. se resorbe usn l'humanite frs.ternelle"
participa.ll.t a sa. tfda.nse" at 8. ss. "voix tl 0 (I) La "labeur'" du poets
Ita ainsi conduit de It~tat de s~paration, qui eot notre lot depuie
Is. Chutc p a. I t 'tat dfharmonie qu'exprj.mcnt la fraternit~ dans un
"univers sans images" Ie "moi" ~ta.nt peut .. etre "1'imago" par
excellence~ noue verrona dans cat univers sans images Ie signe

de la. communication directs (2) eomme aux premiors temps de la


er~ation9 u Is. transparence des coeurs oi chere a Rousseau. La
disparition des "image s tl peut encore signifier Is. fin des super ...
stitionso (;)

n oo~ Totre danse et votre voix, non fix~es et point


f'orc~es.n

CVast P orgueil de sa propre el~vs.tion qui as~ lci con...


damne par Ie poete car l'orgueil est d'abord demesure. Ay~~t
ainsi redecouvert In mesure de lui-merne et de l'homme, Ie poete
peut S8 reconcili6r avec l~humanite dont i1 a.ppr~cie maintenant les
rythmes instinctifs. Ce theme de la r~conciliation eat contanu
dans "l' humanite fraternel1e et discrete tl dont il fait Ifexperience
nune saison"o Ce nteat que maintenant que Ie poete est en meoure
,
d'appreeier le rythme secret de la vie qui est essentiellement una
danseo Lteffort merne de l'homme, sa volonte de puissanee traduite
en actes et n reg-lea (lil a force et Ie drOit"), fait partie in ...
t~grale du rythme vita.l z il reflechit tile.. danae ct Is. voix"o

---------------------------------------------------------------------
(I) PlUB axactement, Ie poete ~crit vot~. danae et votre vo!x, Ie
rsdoublement pluriel 'taut Ie contr~point de la double in-
sistance sur 16, personne I ..!Q3::il tea calculs ~ .toi, tea im-
patiences. Ce eontrepoint soull.gne 10 double mouvement opcr~
par Ie poete : effacemont de soi \ "hum.a ni te discrete") et mise
en v'aleur de 1 t .AiJTRE (al truisme contenu dane "I I humani t~
Ira te r.~") 0
(2) Sasl5 1 t intermCtdiaire d.es .~bf,,-tr.Q.etio n s que sont lee images.
(3) efo VILLE: tllci voua ne aisnalerioz lea tra.ces d'aucun
monument de fJuperstition" o
t c'est a. t ravers e otte danae que Rimbaud red~couvre l'huIDanit'
pour l ' appre cier.

Le i1doubl~ bVlbeme nt .d.' j nvcnt:f.o,!!. ot de SUCC~G e " C te a t


une a.llusion a l'aboutlssoment de son lI~tudell. C'est I e succes
de la d~couvo:rte dont nou a av"ions deja.
eu quelquos echof! AinsiQ

dana VIES I I a "Je 8\1.1a un inventeiUJ: bien au"l:i rement meri tan t
que tous ceux qui m'ont preced~ " et dana GUERRE Ie poete
" subit tous l ea SUCC~6 eivilse" Red~couverte de I v humanit& done,
de "sa danse et de sa voixlt, des rythmes instinet i fs qui I e. gou-
verne a sOn i nau. En prenant part a
cette he.rmonie secrete qui
des sine l' architecture de nos des ti ns, Ie po ~te a.ssume la redemption
de l'humani te qu.i devient IIfraternelle rt L'univers devie nt une
symphonic cosmique, "l'eveil frat ern el de tout e s lea energies
cho ral es et orcheatrales." (I)

La conclusion de ce "Sonnet" pourrait reprendre In finale


de GUERRE : "C'est aussi simple qu'une phrase mu.sicale" (2) avec
cette res triction que "l a. musique savante manque a. notre desir". ( 5)
Maia e t est j us tement cell e-c i qui I!letamorphoae la vie p qui In rend
16gerc a t gai e comme la danse. (4) II est remarquable de trouver
reunis dana c e poeme les themes dionysiaques de In jouissance
( Eros/Psyche), de l' anergic vi ts,le, de 1& fet e (l a clanse), de
l'innocence, de 1& 1ib ~ration (lci de In culpabilit6). C' es t
Dio nysos qui meut notre danse e t emeut notre voix, qui redime
1thuma.nit~ des "crimes et des deuils" pour lao restituer son a
har monie p remi~re~ qui opere le fu sion de l'individu au scin de
lthumanit~ fraternellee S'i1 y a c1'autre raison que t l!chni qu el au
titre du poeme SONNET , c'est c ertainement ce tte harmonie retrouv~e
par l ~ poete qui en r~nd compte.

(I) SOY..DE
(2) GUERRE
(3) COWl'E
(4) efe Zarathoustra
2970

I I I
_ _ _ _ _ _ _ _~_-w _ _ _ _ _ _ _ _ ~ _ _ _ _ _ _

Observons W~ pr~aIabIe que Ie titre du po ~me pout


donner Ij.en a une interpl.'~tation rigoureuae : auquel cas
VINGT MfS d~signe l'ann6e 1874 - 1875 (I e poete ~tant n~ en
Octobr .)o Mais cetta lecture stricte nous parait contredite par
cette affirmation d'mi'E SArSOn En ENFER tI 0 a11er raes
vingt ana, 8i les au tree von"G vingt ans 0.,. n (I). Loraqu f i1
~cr.it ces lignasp Rimbaud en affet nta pas oncore I9 ana . Ce
qui est an~!iicipa.tion ici 9 pourrait bien l '~tre IS. encore, at i1
serait done hasardeux dQen tirer des conclusions strictes Bur la
date du poeoeo (2)

"Les voix instructives exilees e .. Lting~nuit~ physiqu.e


amerement raBsis! OV. tI

\
Le poete .
reprend certa~n8 th'
.emes d"cja enve 1.oppes
t d ana
VIES 0 Ai.nsi P exil % "E:x:j.le ici,j t ai au une sceno ou j ouer
1es chefs-d'oeuvres 068 " (3)t at Ie. transmission dtun savoir
"Qu t a-t-on fait du brahmane qui m'expliqua lee Proverbes?" ( 3) at,
II 000 dans un vieux passage a Paris on mta ens ei gn~ les sciences
classiques." (4) lI.insi~ la' sa.gasse orientale nOll plus que Ie.
cuI ture occidsn'tale (les Bciences c1asaiques) n 1 apportsnt de
rcponses nux exigences d'un poete de vingt ans o

( r) L'ECLAIR ' : Ce podme pourrait a1nsi bien Gtra oontemporain


de 1& SAISON, 01.1 16g~remen~ post6rieuro
t 2) Meme anticipation d.ans Ie inti tu16 ROMAN. m.1rnbaud
poeme
y decle.ra : "On n' est pa.s s{)xoieux quand 011 a nix sept ana" If
Or, Ie po~me ~tallt dat~ 29 septembre 1870, i1 nia pas encore
16 ans(;
( ; ) "VIES I
(4) VIES r I
2980

Le~ "voix exil~cslt sont 8ynon~e8 ds silence. L'eaprit eot d~s ..


ompa.re et 1e corps a. perdu son innocence, sa frafcheur naive :
il y a desol.'mais Ie tristc savoil.' que donne la maturit~. compris
dans ttl ting~n\lit~ ameremen.t rassiseo" C'est Ie constat douloureu::
fait par Ie poete au seuiJ. de l'age adulteo Est-eEl lteffet de cetta
douleur qui fai t vi brer sea fibres sensi bles? L' arne du poche dsvient
musicale, engendre une symphonie dont nous suivons les lois de
composition 1

Un premier mouvement a.vec : "les voix exil~es"


Lt a.dagio a.vec : "les airs mourant"
at enfin 111 Finale : des nchoeurs" "pour calmer
I'impuissance at ltabsence. u

Viennent les regrets exhales sur un t emps ravolu :

"!h! IVegofsme infini de l'adolescence, l'optimiame


atudieux : que Ie monde etait plein de fleurs cet
ot~ltt

C'est une phase de la vie du poete qui disparait, l'adolescence


lumineuse et ses ~ta.ts d t rune, qui impre'gnent "les airs" et sa
vision nafve ("les formeslt)o "A 1 9 adoleaoent que je fus" reconnait
Rimbaud dans Ie poeme DEVOTION.
"Que Ie monde etait plein de fleurs cet ~tel Les airs et les
formes mouxant 000 H Dans I'air baignJ de lumiere~ le s contours se
font fluides, les formes se dissol~ent, Itadolescent se fond dans la
Nature : uJ t ecart&.i 'du ciel l ' azur, qui est du noir, et je v'ceue 9
!3tincelle dfor de la lumiere nature 0 0 . "(I)

C' est Ie meme pri v:Uege de communion avec la na.ture que nous
rencontrons dans AUBE et que Ie poete semble avoir irremediablement
porduo On comprend des lore aquel point i1 en est affecte ,

"Un choeul:'p pour ca.lma:r: Itimpulsaance at leabsencel"

(I) !LeHIMIE DU VERBE 1 (s)


Vadolescent, ncette idole" Clui r~gnai t orgueilleusement Bur IIson
dome,ina, azur et verdu~ce inso lents () " ' (I) est maintenant
d~chu Cia sea pou,voirs et exil~ 0 Avec la ma'~uri te, - c test ce
Clue signifie d t abord. Ie '~i tre du poeme VINGT ANS la fin de
l'adolescence .. l'hoD'lmo est chass& du royaume de l'enfance, du
monde d.e la' transparence et de 1 harmonie 0 Desormais il n I est
plua au monde en cs sens Clue "1e. vraie vie est a.bsente." (2)

Les seu1s remedes qu'il appe1le pour calmer sea tourments


sont en fait destin~a a maaquer
son vide interieurp a~touffer s~
revolte et sondesespoir. Pour 1a premiere fois peut~etre, Ie
poete ne peut plus faire face a
la rea,lite, il doit Ie. Itnoyerll dans
un "choeur", l'oublier. (3) Les choeurs stenflent jusClu1a remplir
tout Ite epace int~rieur, apaisent la douleur et adoucissent la
peine t on oonnait Ie pouvoir de la musique sur I t arneo

Que Ie poete ait besoin de strieuees "oonsolations"


ne fa.it aucun doute : "En erfet, conclue ... t-i1 9 les nerfs vont
vi to ohaosero n "Chasser lt signifie iei partir a. la d~ri va.

C'e s t bien done Ifeffondrement nerveux Clui guette Ie


,
poetee

(I) ENFANCE I
(2) DELIRES I : ( s)
(3) Un "choeur de yerres" pourrait etre aussi une r!f~ral1ee ~
1'a1coo1, par m~tor~ie.
J E U N E SSE I V
----------

"Tu en 'ee encore a. 10. tcntation dtAntoineo"

I1 eat possible que I'auteur fasee ref~rence a "la.


Tentation de Saint Antoine" de G., Fla.ubert publi' dana Itt
vingtirJme ann~e du poete (1874). ( r) Dans' SONNET, l'image
arch'type de la tent ation &tait d6ji pr6 0ante : "Ie. chair
n'etait-elle pas un fruit pendu dana Ie vG!rger oo.?" Serait-
c e done Ie. sexualite qui tourmente Ie poete, comme Antoine dans
sa. th~baide eat &86ailli par des visious lascives? f "Ie.
posseasion de Ie. moindre pla.ce de mon corps ttemplira d'une
joil! plua v~hemente que Ie. conquete d'un empire lt lui dit Ie.
"RGine de Sa.ba". (2) Dans VILLES I, encore, flV~nl-\B entre dans
1 s cavernes dea forgerons et des ermiteso"

La. r6f~rence a Ie. "tentation d'Antoine " revet une


autre signification cleat la notion de lutte int0rieure, Ie
fameux ll com bat spirituel" d 'UNE SAISON ( ,), Ququel Ie concept de
"tontation" introduit directement. L'oxistenco m~me de cettc

(I) Maia des Ie. SAISON (1873) Rimbaud avouait son admiration pour
"les anachorthee, des artistes comme i1 n ten faut plus .. "
MAUVAIS SANG : (S)
PIUB d!cisive, nous semble-t-il cette ref&rence au "Club des
g"'13chischine" "Je voynis luire des ~paule6 de satin,
~tinceler des seine d'argent , ondul er des hanches
opulentea, sane ~prouver 18. moindre tentation. Lee spectres
charmants qui troublaiont Saint Antoine n'eussent eu aucun
pouvoir ur moi." p. 60. (Th .. Gautier). uLe Club dco
HaschiechinB" ayant et~ publi6 des 1846, puie de nouveau en
I86, dans "Romans et Contes", i1 est fort probable que Ri;:;lhaud
en ait pris cOnJ'lsissance. On sai t qulil classait Gautier parmi
les "Voyants" . La r~f~rence a
la tent a.tion d'Antoine nleat
done pas Is. preuve que Rimbaud ait Iu Itouvrage de Flaubort.
( 2) p. 55: "La Tentation de St. Antoine'~ G. Flaubort :
E. FasqueIle, Ed. 1919. (Premiere ~dition : mars 1874)
. <:~) Rappelona MAUVA!S S.QNG I t'magnifiqu8, Ie. luxure $"
I~tto iAontr~ bi n qu Rimb ~ud eat toujours prioonnier des
oo.t&gorioa de I e. ~oralo ehr~t1onn.e. COeat juotel'llent ce consta.t
qui l.~ amono a
r0col:lnai tre son deheo porsonnel : "Tu 11 em
ncoro 0 (l.
n 11 nO a pas dlp8.3S4 la cons cience chrdti , nne, . i1

reate priaonnior de la mora16 du bien et du mal, qualifi60 pour-


tent d ataiblesae de l~ [email protected] (I)

llemarquonra encoro qu. Ie. formulation Tu en e ncar,.! ~


~st 1oxpre sion dtune t ntativo de situQtion d Goi par 10 po to
( ce que 1'on,appe11o communement nfaire 10 pOint"). Ce r~gnrd
6ur 80i nous apporte deux pr6c1aioDa i nt ressantes s ce 80 t lea
eoordonn&es du podte. 11 nous pormet dtaftirmer ainsl 1a ~
tinuit~ do I'axe s~mantique personne1 u poete ; c'eet dire
la eertitud a'un projet int ri ur. D' abord 1nd ~tormin4b1~
puisqu'il renvoie a
un ngn.. dit a.voc flen n , 11 est cnelluite d~sign'
comme "travail". Obs rvons quo a1 Ie projC9t n t Gct (1,0 e.bord paD
pr6Cia.~ ( e 0 Of nil ) ee p at "'tre que la prcoiBion n'&tait pag
n'oGssnirc I O'o3t a
dire qu'i1 renvoyait a
un t ~xto 1e pr~~
e&do~t, levant l' amb1guit&. Ce pourr~t fort bion "'tre la con-
olugion de DIMANCHE : "Repr~non8 l" tudo " Quel que soit
Bon nom : &tude, travail, ontreprioc, oeuvre, 1e projot d
Rimbeud eat bien 't~bli : i1 s'agit de lib&rer 1~homma du
chri~ti aniBme, c~e e t ' dire de In notion de p6c h~ . Il fQut 10
rondre aGS vraie natur de fila du Solei1, retrouver In vr~ie
vie par de1a 1e Bien et llel ( 2) : "moi qui me Buis dit Ll&gO
ou ange, di panao de to~te morale fl est-i1 dit d no ADIEUo
Dans 1e mama poeme ( ADIEU ) nous reconnaiasona 1& pr' nee de
lOubre du Bien et " du Mal dono "l'horrib1e arbrisseau". Ctast
l ui en arfet qui eat ~ 1'origino de notre dichotomis, notr~ &t t
, ,, ,
Bop~ra de la creation.

(I) DRLlRES II ( 6) s
I
11&ia n~ (lC roeonna!t-il pe.o PM' nillollra ( mrI~ DE L' ENFER )
H6f'Jcl va de son baptime" ?
( 2) l!ATlNEE D'IVPJL'SSE :
le ombro l'exb:=EiI du biell et du mal .c. "
"On nous a promis d a nterr r d. nD
laqu~l l!Je meut 10 "moi" da poet~. L(;t pr'ciaion nGnooro" (ttfi'
0U es encore ) nOUG donne Itl mea'Ol:'O de sa progression 10
long de BOU axe temporel. En fait cGlle .. ci st ~ stab1lig~e
( ella pi~tine m~mo) et Ie po~te en reate au niv0au du projot .
Et pourtnnt Ie aper~u oxtr~,ordinCl.ires qui Buivont r&velont une
, ,. '\
conaaisD nee cprouvee du but a atteindrc. Le monde qu'il d6-
couyro alors ne lui est pas inconnu : 11 semblo que Rimb&ud
eache oa 11 ail10 et ce qu ' il va trouver. Ce nOest pas non plu~
un r Avs , maio Ie r#l3ultat d'un travail.. fI Ca travail" e!OJt M.agique. -
comma i1 nOUB I-est augg&r6 dans I e passage ~uivant : 'toutes 1 e
POB ibi1it&a harmoniques at architectural~8 B9~mou~ront utour d
t on icge."

Noua faiaons ioi, i1 taut bien Ie constater, un seut dano


l ' i neonnu , " 00 traV's.il" opere oommo un chl.U'I!le . Reprenant Ie
l angage meme de PARADE, "11 ( 0) trnnsforoe ( nt ) Ie l ieu et lea
psrsonnos. n !ins1 ndas etreo p~fa1tD, 1mprevuD9 s ' otfrironta
tea Gxp~fioncea . " Le poete 'nono~ des promess0s etonnantes sur
un ton de part ita oertitude : nul donte qu Ill ntait deja
" , t.
penetre dens oa t un1vera fabuleux . NOUG sommeD ainsi amoneS au
pr obleme eentl.al I qlilelle est 1& nature de "oe travai l It qu:f.
o.m.tnerll, Ie poete nw: "portes d t 1 o1re at de corne"? L~ ref&renee
A l tanachorate nouo se1~ira encore de til conduoteur. R~pp01 o n
ncore l' admiration de Himbaud pour ceux dont i1 parle comma en
conn istJaur s "1GB saints! des i"ortn! l es Q,ChorOte8, deo
artistes oomma il nten raut plu"!" ( I ) Quell e eat done IOannlogio
pr~sum'9 t.\Tee l es "artistes U ? Rimbnud 1ui-m0m$ ne stest.. il p ,e
1dontifi' au "oQ.int , en priere Bur 10. te:j:r Gse"? ( 2) V ocuvro
d'art de Itanachorete n'sst'autre que lui-m~me at 0g es t a 3 douto
l ' oeuvre d or~ation Ie. plus ha.ute car lIlt est esaent1elloment
ivnnteo Danc oette optique Ie titre d'ertiate lui app~tient
plua qU~~l tout ntre cr~a.teur, puisqu ' il eat maitre de 1ui ...memth
On eompre~d &lore quo Rimbaud sit pu ~tro'raGcln6 par oes fignr~a
U.gendairec I "'" (lEt saint vieillard, ami tage ou mi ai.on n di t-il
dana DEVOTION ..

( I) tUUVAIS SANG (6)


( 2) ENFANCE IV
81 Rimbaud P0Ut pt,l..rlor &1\ conn isaeur de rJ anaohor~t es .
o'est qtl'il on eot proche :par In dtmarcho suiTiG ; le tra.Y 11
ur soi qu '!l op~re 69t on crist ana sorte d'aseeec a rebourD ( I)
qui engage touteo les fs.culteo de 8011 ~tre. Et Up\li qu'il a
cult1v& on ~e plum qui noun e 11 arriT8 d linconn In ( 2)
Nons reprehonB leo ter~~3 de 1a LETTRE DU VOYANT C4r 1ls oemblent
e'impos~r ieio CQ0St b10n a
cet inco~u que le poate nous intra-
duit par un travail id~ntiqu0 &Qelui des ascdteo mais de s en5
eontrairo . La discipIin~ qutil a'impose, c'est l~ "d'rdglement
de toue l~ c 5cno o Toutea fOl~e s d'amour, de Gouffranee, de
folie. 11 &puiae en l ui t ous lea Roisons ineffable tortu~
ou i1 a beaoin de toute la!2i, de toute 1a force ~humaina , ou
11 deviant ... I e supreme ..~'!.a!U l n (3) A C9 "tra.va.il nest
attaehee 1a r'co~penoe d' une npromesse surhumaine" (4) : "Toutea
les poa 8ibilit ~s.\ harmoniques at architeotura1eo s'6mouvront
~tour de ton Gi~geo Das 0tres parfnits, impr~ vuD sloffriront a
tea exp~rienceso u 1Po t ... ee poiut la
le "promesae curhumaine f&i te
Q. notre oorps et ' l'I.otre a.me ere~a"? (4) Le tttra.'V'ai1" de
J Em:'ESSE IV nouB~emble etre l' 'vocation de 1& "m&thodo U do
MATnmE D' I VRESSE.

Nous avons d6j ' reIev& (supra) une parente d'in pirBtion
entre l~a deux po~me8 : a1 Ia vr4ie vie eat par deis Ie Bien
et 10 ll~l, i1 taut selon 1& promes5e de MATINEE D'IVRESSE
'anterrer dems lllo~bre l' arbro du bien at du mal." Co faio eeau
'indices eemble done bien indiquer une convergence entre l eo
deux pod~s. A que1 c ,11 f &ut admettre un umage 8y8t~matiquG

(I) Un critique en
( 2) Lettre ' P. Dene 1 (I5 ai 1871)
(:~) 1deDl

(4) of~ MATINEE D'IVRESSE


~' exe1tant par Rimbaud. (I)

Au tormo de co "travcil M , qual ost l'inconnu auquel


arr1vara Ie poete?

G . 0 toutea Ie. POB8ibilit~s harnoniquee at arohitec~


turru. eQ~llO\'l.Vr(1),t autou.r do ton 01580."

L po'sia du Voyant est remarquabl~ment aus i ffplein ( o) du !2mbr~


st da l'harmonie . Q (2) Lee aath~mutiqueG mont la m~re de l'hnr~
~onie at de 1a muoique salon la Tieille ~oole PythQgoricionnG~
th'orie reprise par Noveli= : "tout plaisir~ dit-il) e t musioal
I
PBl: oona&quGnt l!lath&matiqueo H i
I
tl
h

II
(I ) 81 noua rapprochons les te1~C8 de la LETTF~ DU VOYANT de
oeux de MATINEE D'IVRESSE, una &vidence saute aux y ux :
'I!
I
Ie lengage recouvre une r6alit6 commune nux deux textoa . II
suffit de l eo nettre en vIs -a
vis pour en ~voir l a certitude :

Lettr..!. du VO-ZW'lt

Le poete so fai t Voyant par un long


raiso~& d~r~gloment do t oue les oens . 0
Toutea les formes d'amour , de soufrancc, cetto prom0aas, e~tt
de~. d'm nea l
II 'puise en l ui t ous leI ~oioon.9 . . ..... Os ~pi c~J! va rsoter dans
toute e nag veinea
I
I
Ineffable t~rture o maintenant nous si di gne I
de 00 jor~ar~ :
I;
au 11 a b.~l!Jo in de toute 1a !9.! Hou
do touts 1a force aurhnmeine cette promo8se Bu-hum&iac
L " l~ganoo, 1& s~ience , 1m. i
violenc e~
1i I
( 2) LETTRE DU VOYANT
ct. auesi B~udelairo : "1~ha~on1e 1e balanc ament dss lignes
appnr:dosent c omma d0S n~Clcl3ai tea (au reveur) dou& d 9 une mer-
..... i

veil10use apti' :ude pour eOUlprondr 1e rythrue ill'.mortol '" t


uniV'erse l~ "LeE; PlU'adio .A rtificie1:J" OPe eit. po ;07 :
I,D. Plei:e.do Toma 10
VEIL1EES II est po i-tare une illul1rtration de ceD "possibiltt6s" s
"L t 6cleirQge rev1 nt a
l'arbre de batisee. Des deux extr~mit' s
de l a se.l1a, decQrsqueloonquoG, deG'~l~vationlD harmoniqu!lg se
joignent", possib11i t~3 qui sont 611ormsa. La pOfhe appar""i t CQmDlO
un d&miurge ordonnant lOB oymphoniea de ses ereationa ; il semble
qutil eonnaisse 10 moyen de forcer 10 ecre t de le vie ( I) pu1eque
motions et motions ("st emouvront") concourent ' eon ex ltation .
Tout, aut~ur d~ lui, apparcit 1ntiniment riohe,'vari~ ot vivant.
C'est peut-etre una amplification de la vision de It~nianoe einsi
que le B ggere GUERRE : "Enfant, certains ciele o~t arfin' mon
optique o Le a Ph'nomenes t6murent . H C'est en tout cas unQ
vision magi-que I

It
Deo ~tre. parfaits, imprevus, s'offriront teG a
exp'riGncea . Dana tea environs affluera reve~Be ment
1& curios ite dtanoiennes roules et de luxes oisioo"

Les correspondances avec l es deux poemes oit's sont trop etroites


poar ne pas etre relevees ; ainsi VEILLEES II I "Reve inten~e
et rapide de 'groupes senti cntwx av c des etref! de ..!:.2!.! Ie
caractere6 ppz.mi tout 8 le s apparences. Q Et GUERRE S Hoe monde
ou je subia tous l aB succeo civils, r espect' de l'enfance etrange
at des ~fections 6norme8 .~ - passage qui restituo deux &l~mentD
elefs du texts z l'attrection oxercee par le poete at 10 en.timent
dtetra fireconnu n La notion qui noua parait Ie Rieux oonvenir a
la' situation est e~l le de ~~etiama . Leu foules ~ont attire08' vero
Ie poe a eomm~ 1e8 papi110napar 1a 1umiere (2) : eeraitaoe paree
qu'il detient d 08 oeoret pour changer 1& vi0?

" 6.0 Te m~moi~e at teB Bens ne seront quo la nourriture


de ton impulnion er'atrice.~

Souo-entendu : &u lieu de 1 gouverner& NOU8 reCOnBai090na

,. .. . . . . . . . . . . .
(I) "Il a peut-3tro des Becre~ s ~our chunger l~ TiQ?" dit la
V1crge Fol1e, UNE SArSON EN ENFl~R.
( 2) Lee "anciennot'l9 ioulse :peuvent &tre nne r~f~renee a i' Antiquit&
Ot\ vers at 1Y1:'I)0 rythm\s,ient ) 1 9 Action'" at dont If) po~tt) e.t
lQ ~ontinuat ur direot ( of. LETT~ DU VQYANT).
/
neoro ie1 10 progr&mme de In Voyaneo z nOfeet faux de dire z
Je ponae on devrai t di re : On me pe~ee . 0 0 Je est un nutreo M
"On" est pensct, reJ:ilarque Rim.batl,d , beaucoup pluB qu 'Qn ne penB~h
L'enchainement des pons~e~ est Ie plus aouvant command& par notre
m'moire et nom een~ 2 "Lfhom~e ne S6 trava11lant pao , nO'tant
pas encore ~veil1~ .o f) ft , ( I) Memo:f.re at BeDa Bont rwne1l6G au
role de D&teriaux t "nourr1tnre" ) du proceeDua cr~ateurt dont 11s
ne sont plua que les serviteurs o Le "travail u du poet le
d&livrera ains1 du joug de l~eapaee ( Gene ) et du temps ( m~moire).
Ceux-ci ne seront plus que les instruments de eon ttimpu1c:i.on
cr~atrice" dont i1 est &l'~coute, comma d'une voix univereel1e.

11 est curiaux que pour co nol~re , Rimbaud s'int&rease


au destin de ce moude qu l 11 net t ant de ze1e a effacer . Peut~etre
dernier re gard que Ie voyageJur jett'e derriere lui au d~ tour de
aa route. La poete DOUS donne bien lt~~g9 de co "pessEmt con-
oid'rablo u (2) qui na fait que travcrner notre monde : Qur~t 6U
monde p quand tu sortiras , que sera-t-il devenn? ED tout caa rion
des apparencea actuolleo." La queotion cem& nOUD montre que le
poete ntect plus p roi nous : 11 est &tranger eu monde de 1tho~mo ~
i1 a choisi leo "promess8s Burhumainee"e HJ'ai eu raison de tou~
mea dedains : plltiaque je mt 6vadeltt nous dit 1e poete dans
L'IMPOSSIDLE . (3)

------'- --
(I) LETTRE DU VOY1U~T
(2) Ua.lls.rme
(; ) UNE S:.USON Ell ENFER
sot D E

Rimbaud procedc ~ l~apurement de sea comptca I nouo


Q.saistona dans ce poeme a-la liquida.tion de 1 t expa:denee dell
ILLUMINATIONSG Lo r~cours a
dOB metaphoros commcroia10s est
loard de sens. III r~v~l~ dabord l'amertume et la d'eeption du
poete aIt'gard de pouvoirs exceptionnels qu'il cro1ait en sa
possessiono Salon Bon habitude p Rimbaud r6agit a la d6ception
par Ie m'pris at Itironie cinglante. Le m&pris est manifest6
par I t emprunt d'un vocabulaire mercantile at la r~f~rGnce ( in-
sultante) aux "Juifa t9 LOironie cst rev~l'e dans l'exclam~tion
finale z fiLeeJ vendeurs ne sont pa.s a. bout de soldeS Lea
voyageurs n tont pas a
rendre leur commission de si tot!"
Nous croyons entendre dans ceamota Ie xicanement sardonique
qui dut accompagner cette conclusion ; anssi, "In vie est 13
faroe amener par tous ll effirme Rimbaud dMe lUUVAIS SANG ( I).

Une entreprim~ eomma 00118 des ILLUMINATIONS dane


l aquelle Rilllbaud O'lOst dOlUl.e si tota,lement, nt Bt pas ai8~m(!)nt
r~cuperable~ surtout lorsqu t el1e a oonduit son auteur au bord de
1& fail1 i te 0 Sa liquidation a. bas prix (c ~st ce que eign:l.fie
dtabord SOLDE) est I'ultimo tentative de redrecaement dtun
Rimbaud au bord du gouff rea Ef.ort~ '"
hero1que ..
pa~ lequel Ie pocte

ehoisit de ~e mutiler en ~ crifiant una experience a


Inquelle-il
et~tait voue corps ct imeo (2) SOlDE apparBit ~nsi comma l'anti-
th~aa de DEVOTION dont- 'il reprend d t ailleurs 1a stneture n
contrepo1.nt. Ce qui et3t brado main-~enant, trouva.it alQra aequ~reu.r
"1 tout prizo" (2)

----~-------------~----------------------------------------------
(X) TINE SArSOn EN E...'i]'ER
(2) cf. DEVOTION
Pourquoi Ie. po~te 8~erifi~-t-il
eon oxp4riene~? 1a
r'porlsG gtimpOS9 ~ il 'e'aglt d'uno amputation necesaoir~ a
84'. Burvis. Rimbe.ud r.ejott'(1} eon cz:p0rience C()ll1me 1 '011 00 eepllX'!
dtun. mem.bra mt.\.lade (I) ; C'GirC fillalemen"jj un SllI:saut de
vi t&.11 ~~ qui 1@mporte z n,issez! Des erreuro qu won me aou:tf16
(>"

magiae. pariums fawr.:, muoiquea pti.c2:'i1es. p (2) Ltironie dirig6e


oontre soi peut avoJr &.1.n91 1 trsnchl.:Ult dtun scalpell

On rem3rquera enfin que lO experience des ILLUMINATIONS


eat doublement devaloris~e dans SOLDE. D'valQrio&e perea qu'el1e
est commercialisQQ (Na vendre") at - ee qUi cat impliquc par lQ
titr3 ~ qu'el10 st eonsider&e oomma une march3ndioe au r~~aiD.

11 roaio ~ montrer que co Golde monstre coneerno bien


1 'expez.'i nce deB ILLUYINA',rIOllS. Entrons done dana 1e t0xte meae 3

"A vendre OOG ; I'eve!l


frat~ rnelde toutoo les energiea chorales et orchoatral -c
at leurs applioAtions instantan&es ;~ (3)

Leo uVoiz reoonstitu~eBn Bont symboliques de l'harmonie qui regno


entre lea hommeo (l' adjeeti "reoonstitu&6S" rappelle lee diD-
cordanc6a de l'homme divim~p eepare des eourants da la vie)o Avec
l'harmonia, l~unit~ eDt re~rouv'e S ella est ezprim'e par Ie
ehant des hommeBp 108 ohoeurs de cette symphon1e du nouveau monde
(les anergies chorales at orehestrales ). L' accent eat rois 1ci sur.
la renaissance de l'homme a
travera la communauto traternelle .o
olest sinsi qu'il reprand possession de sa force originelle. La
signe de cette renaias ne 6 est "1' ~veil U ; qu.tw:t &\1 aignal f! i1
est donn& dana A UNE RAISON ~ "un pas de toi, O'~9t la 1evea des
llouveQ,l;l.% hommes at leur en,.,marche" II "nn. coup de ton doigt 0.
eommeno~ 1a nou~elle harmonia ,," Voila pour laB "applicatione

--_....- .- ...... -------~--------

(I) On eonnait Ie. formule de Ma.11arm6 a propos du poete "op~r'


vivant de 1a po&ail31>u
(2) NUIT DE LOENF~R z (3)
(:~) cf .. :Baudelaire ~ " H . parmi las jouisaancolJ octroy6~G par Ie
ff6n~r~mx opim"\, 0" G' e~t espri 't. de cnR.ri t6 Gt de fr terni t&
Utl:li varselleso ~ I'Les Par&dis J.xtif1oiel " op" c1. to pa 335
La Pl~:rtr,d.e Tome I I)
inatantan~ee"9 prome Gee contenues oncore dano JEUNESSE IV :
"toutes leo pOBsibili t5c ~; harmoniqueo at archi teoturales
s'6mouvront aut~ur de ton ai ge."

Lt&cho de cas choeurs fratornels est encore sensible


dans cae AGroupes de bef'froi!l ( qui) ehantent les ideea deo
peuple fJ.(I) at cao ncompagnip-s (qui) ont ch:.nt~ 1 joie du
travail nou elau". (2) Peut ... etre l'application Ie. plus pro-
digieuse se trouve-i-elle dans GEIITE I Rl'abolition d0 tanie8
aourfr611oe. aonores at mouvantes dans 1& &1usiquf) plus intenaco U
Ntest-ee pas Ia
"ltoeeasion , unique de d~gager nOB sens!" ?
Dans Ie eme poems nous relevona una eonnot~tion cimilaire I
"son carpal La ' d&gagement rev~ eo~ n La notion de d~g gement
s'oppoae iei a
la notion do rfsanteur. II o'agit dono de
Alib&rar d l ea'sens . Maio de quoi? De leur gangue d'habitudes ,
du Ud&ja VU U ; nous reoonnaieaons 1a
uno pr&oeeupation identique
a eella'oxprimee d$ns 1& LETTRE DU VOYAN~o D6paoser 10 donn&
8GllBariel pour arri"l3'er G. ItineorulU I "oar il (Ie Voyant ) arrive
A l'inconn, t" (;)

DanB l' ALCHIMIE DU VERIiE (4) Rimbaud declarl! : nje


m'habituai a l' hallucj.nation simple t je voyais treo fre.nel!.I11ent ..
un salon au'fond d'un lao." II ajoute plu!! loin ~ ,ttje dua
vOY&ger~ diatraireles ~nchente~ aseemb16s sur mon cerveau. (5)

MaiD comment done degager nos sens de l' empriae et du


contr8le de In Raison eo qui suppose oommc Ie reeonnait Rimbaud,
la pratique de l'hallucination? II n'y Q guere q'll' un moyen , Q
notre COllnQi6Sanee, qui parMette a volonte d'attoindre l'&tat'
hallucinatoi~e : l' ab8o~~tion de substances Qxoitantes at

{I} VILLES I
( 2) idem
(}) LETTRE DU VOY ANT
( 4) un SArSON ruT ENFER
( 5) DELlRES II z ALCBIIUE DU VEBl3E2 ( S )
Noug soulignoDCl
;10.

~p~cialement de stup'fiants, c0u~-ci eemblant particulierement


impliques dans ces " onch~ltements ~8sembl &s sur (Ie) ce rve au"
du poe t e , cee "sommeils df! pluei(1jura joursli (I), et l'etat de reve
6v~il1e qui est generalement le si0n I "l e v~ , je continuaia les
rovelS l es plus tri stes. ft (I) On ra.ppe l1era qu'une hallucination
consist , brievement, dans Ie revG des aena exterieurs. (2) Salon
1es terme o memes de Rimbaud , on'\roi"t franchement" une r~ Q.lit&
sensibl qui ne repond pas au cri ture dG l'obj octivit&, qui n ' est
done paD partage e.

Les interfer ~noe e ) du "rive 'veill'" dans lee ILLUMINATIONS


Bont nombreuses : dans ENFANCE I "les fleurs de r~ve
tint<tnt u " ; dana PARADE, deo drol a surgiasent "dans des costumes
i mprovie 's avac Ie gout du mauvaie reve " at l ' on peut pour-
euivre l' ~numera tion VIIJLES I a.vec "ces A11egharlYs at ces Li bans
de reve", LES PONTS, ave c son r~veil b~~tal : "un rayon blanc,
tombant du. haut du ci el ~ aneanti t cette com'die", AUBE ou "au rev~i1 t
11 etait midi .. " L'on peut citer encore Ie c auc hernar de VAGABONDS
"pr0s que chaque nuit, auasito t .9n~, 1e pauvre frere Be levait "
et c~ "rAve i nt ense ~t rapide de groupes sentimentaux aveC d~s etr~e
de tous l C!ls c arac tEhes It de VEILLEESo La. premiere partie de ce
m:me po~mc noua r'v~l e lC'tat du poate : "ot 1e r~ve fralchit"p
comme e'il Bor t a it d'un reve. II faudrait encore citer los
"postillons et betes de aonge 't de NOCrrURNE VlJLGAIRE, mais une t ell o
li ste ne saurai t etre exhausti ve c ar i1 faudrait y adjoindre toue
l ea poe mes structures et fonctionnant (r'gime Qasociatif ) comme Ie
rOvG.. Des exemples'? : 1 11 "Viaiol'l" de BEING BEAUTEOUS, et par
excellence BARBARE.
,
Revenant au poeme SOLDE , "1 t occaBion, unique" qui perme '~ de
"degager llQS eo.ns " n 6 Pelut que reaider dans 106 vertus hallucinog~ l1eB
de la drogue . Noue aongeons plus precis~ment a l'opium. ( 3)

--------------.---------------------------------------------
(r) DELlRES II : ALCHIMIE DU VEREE (S)
(2) Se l on I e mot de Ta"ine : "la perception Qxt6rieure est une
hallucination vraie."
(3) cf ~ JADIS 0 (s) t tIle d~mon qui me couronna de 8i
aima,bles ll;'.l.vots. It
3II.

" A vendr 108 COrpO sans prix, hors de toute race,


de tout monda , de tO~i.t file%e, do touts deDeendance~ "

La degngement des sene eo prolonge dana le d4gagement du


corp2, comm le Bouligne Ie taxte ue GENIE s "son eorps! Le
d~gagcment rev', Ie brioement dG la grace croisee de iolence
nouvelle! (I) L majusoule (~orps ) souligne l'annobl1ssement quo
lui attache R1abaud. C' est unconp~ epiritualis6 ( hors de tout
saxe), allegd (de tout mondo ), I1b'~~ du poids de la dcstin~c
( la race, la dOBcendenco ) s et done de 1a Faute. ( r'f~renee i
J EUNESSE II, "la descendanoe et la race YOUS pou8saient aux
crimas et aux deuil " ) . II.,
'l
Loin de oes anciens oorps, ces m~nagea tt (2). 'i
'j
l'homme est tirevetu d'un nouveau corps amoureux" selon l'expresBion
do BEING BEAUTEOUS ( 3) dont l~s r6sonances paulinionnec at
mys tique B n t echapperon-~ pg,llJ. Rappelons 1 f on thouBin.sma de MA'l'INEE
D'IVRESSE : QHourrQ pour l'oeuvro inoure at pour Ie corpe mar m
veilleux, pour le. premiere foisl"- nL'occasion unique" de SOLDE
n'est-elle pas cotte "pro~eB8e surhumaine faite a notre corps at
.. notre be cre~s" (4) dont "10 poison ll ( 4) est a l ' o:Y:igine?

" 0" Les richesoes j&illiEoa.nt do chaque d~marehel


Solde de diruaa.nts sana contralel "

Dans VIES Iv 1 poate promet de nous indiquer "l es


riehoBsea inouies ; dans HUIT DE L~ENFER ( 5) Ie poete'se targue

11
! i
( I) Le textG de SOLDEfait ~&nS aucun doute r6f~renc , 'entre autr~s I
au texte de GEl~IEe Leur r~pproehemont. particulicrement iei,
emporte 1& convio-tion. GENIE 1'1S peut done Gtre 18. "finalel'l
dec ILLUMINATIOUS. I

GFJUE ~j j
"nOB oa Bent rev~Hus dCu.n nouveau oorps amour UX.,U
cf. Paul I Cor. ~5, 50-54 S "Ie chair at le sang no pe~vent j
heri tar du Roye.ume de Dian .. ~. Il faut en arfet quo cet atr~
corruptibl0 re Gte l'incorrup'tibili t~. Il noua faut re et1~
Qussi l'image du c&lef$to. II
MaTINEE D'IVRESSE
UNE sarSON EN ERFEE !
~
)12.

do pos8~der des pouvoirs oxtraordi naires t "Veut-on que je


plonge .l la recherche de I~ t anneau"? J e fera! de 1 f or, dCFJ
r emede s ." La m ~tapho re de la sou r c e (tlj aillisaant") 6ignifi 0 Ie
. pouvoir luagique qui appartient au mond! 6voqu 6. Pouvoir de faire
nait re de rien, sinon de I e. simpl~ pr~s0nee en mouvement la
:'d'm6).xche" 10i peut etl'E!: llG80ci6e a ilIa pe rfection des formes at
de l'a-etton" de GENIE .. Toutes l ea promesses sont attach~es aux
"Corps sans prix" : "1"16gance, la science , la violence" (I),
1ma.ges que semble porter quelql.1.e vaisseau du desert ....

" : 00 Solde de diamants sans controlel tl

N'est~ce point M'phistopheles propos ant son march"de


dupes ? L' exces meme du lengage t~motgne de Ie. d!rision et de
I t a..'!lertume qulil dis8imule. I1Moil moi qui me suis dit mage ou
ange, je auis rendu au sol.,.. It stecrie Rimbaud da.ns ADIEU ( 2).
Le t r~s or s'est avere plUA apparent que monnayableo

" eflO A vendre It anarchie pour l es masses Ie.


s atisfac tio n irrepressible pour l ea amateu.rs 8uperieurs; "
( 3)
"J~ es l~fl ames
frust es par oppoa i tion aux
masses" c e sont
espri ts cultiv6s de s " a.m8.teur.s superieurao t1 Les "amateurs " ce sont
c "ux qui U8cnt de la drogue pour leur jouiasance pers onne l1e, qui
sont a
la rech.erche d I "thats ~lev's" e L' "anarchie ll pour lea
masses a'explique aisement par l' inc o mpatibilit~ qu ' il y n entre
l a drogue et l es piliera tradi t~ionnelfJ de 1 fOrdre trava.il,
f amilIa t patrie 0 Comment C}ccepter l' effo rt, lea co ntrain:tes , Is.
vie dure at If absurdite du quotidien quand l'on croit deteni.r l eB
scer6ts de I s "vraie vie" ? L'Ordre dont l a v:t'llie vie eat absente
ne doit-il pas etre renverse?

(I) MATINEE D'IVRESSE


(2) ONE SArSON EN ENFER
(3) cfo B udalaire s "Jamaio u.n Etat raiaonnable ne pourrait
subsiste r avec l'us age du ha achiBch. Cela ne fait ni den
guerrier5, ni de~ citoy ne ." linn Vin ~t du Haschisch lt p .. 91 I
CoIl. Fol :i.e.
Et plus gdn4ra,lement, lea substances axei tantes ont
pour effet d.e d:socialiser 1 I.lindivid.t! , n lui dOnn0.Dt Itimpression
de trouver Ie bonheur en lui-memo$ COest ce que semble annonoer
lila mort atroce pour lfl,ls f1deles at lea amantslrt LtiaolGmeni de
l'ihdividu dans son mcndo interieur condamne l' amour a
1a mort,
par l'absence do ' be~oin mutu01 st de~change. Au beaoin de l'Autre
eo aubstitue Ie be90in de Ie d~oguef esclavage dont Ie poete Toit
1& fin vec lucidit~. On peut dire que Rimbaud en ces t rois
lignee, n reeonnu los danggra majeur~ Buecit&s par lineage des
aubs tancea hallueinogenes.

Poursuivous Itinventaire de SOLDE I


!. j
!I'
n .oe A endre le3 habitations et les migrations, sports, I
, I
feeries. at CO~f~t9 parfnits r at le bruit, Ie m~uve.
ment at lesTenir qulils font. u
:' II
II
On reconnait le style et 10 dynamiame du poe e MOUVENENT : 1
nOe sont les eonqu0reata du monde 0 Le sport at le 'somf orn1 t I

YOlagent avec au. 0" (On relevera l"criturQ anglaise deja t I


:1,
presente dans SOLDE). ' Rimbaud &tait aacin& par les pOBaibi11t~B ,I
I

infinies de 1& Deienoe qu'il ma t en action dans plusieurs poemes ; ,! I

sinsi les voyageuro de MOUVEMENT eireulent par "les lumi~res ' in- 1
I
hsrmonique r 1
,
Sur leur "Vaiss0au tt on remal.'qu9 p "st&cla.irant sans fin, - l eur
stock d'&tudos." Bmns l e poeme ANGOISSE, llimbaud s.ssocie lea ! I
"acoidents de fe erie scientifique"aux migrations I leo "mouve- II
ments de fraternite Boeiale"e (I) (Ct eat eneora Is. "marohe dee .j.
peuplssn de UATIN ( 20 OUest peut$etre que eGtt~ f~ erie acienti-
rique Gst 1a condition n6eess&ire qui OUTre A Ithu~anit~ In voio I'l
f

do 1a lib'~ation.
d
Un example de 008 ocidents de f'er1t11 Bc i ent:1.fique ce I
------------------------~-----.~.=-----------.~--.----.-.-._.------------------
II
j
(1) .AI~GOISSE f
!

(2) maE SAISON EN rmFER i


f
I
I
j
i

Hoat lea poamos VILLES I at II voio! leurs "chsleta de


I
I
I'
criatal t1 les "pa.6s\3rallsB de el.livre~, u1'6cla.t impSrial des
bltioBI':Hil" ; mais auasi lOil "diligencos de diamsnto U t lea
Uohatea,ux en 08 n d t OU Aort "la musiquEl inconnue. n "La. llsture
primiti' e (est) 'i iravai116o avec un art cuperbe o" Un "dome uo
d'acier artistiquc de I5tOOO pieds de diametre environ" domine
"l'acropola officiel1s." 111sion do r~alisme Gcientifique et de
conte a do fees, qui m'ontoure d'une atmosphere messiGnique :
ainai udes gronpes de beftrois chantent las ' id&es des peup1es",
at co boulevard ( I) de Bagdad no~ dCB compsgnies ont ch nt6 1&
j oie du travail nouvean."

Toutes ees promesses dta.venir Bont r~gumee8 en una ligna


de DEPART : "Depart dana lla-flection at Ie 'bruit nettf-l!ll ", dont
l' axe a~mantiqn0 eat repria par "Ie bruit, Ie mouvement et lOevenir
.I
I

qu'ils fonto" j

n .o~ A v0ndre l~D applications de ealeul et los a ~ t 8


:II
d'harmonie inouIm. Les trouveflles et l ea termea non II
I!
soupgonn~8t pOGsQsaion imm~diateo"
.1
" pOBseSBion imm~aiate~ est nne variante des "applioations
j
instantan'es" ( 2)0 Rimbaud insiate sur Ie oaractere tangible, 1
I
r~aliaable de aes doeouvertee ; 11 a devoil& une r~alit~ qui 1
etait Ie, e. notre porti!~g mais jamais "soupgol'l1'1&e" ; tout, sou4ain,
!

J
semble a 5 \;tre ~olaiL'G devan'~ sea yeux ( }) : 11 comprend ce qui, I
I
j usque la.-jlui reete.it eaoh'e Des oorrespondllUoos s.udnci~uBea at
etonnantea se r~' alent Alui, il d6cou~'e las rapports du Hombre at
I ~

de l'Harmonie ( 4)9 It lenra applioations architeeturalee (5) at


'II
I

I
(I)
(2)
oro ~AETROPO~ITAIN at aea boulevards -de oristalc
cf. Supra.
of ... ]To~a.lis : "Tout m' appaxaiasai t avec nne elart6,
;I
(3) intenai te, i
una intimi t~ que je n t av'o..is jamaia connues f9
Heinrich dtOfterdingen. Ch. It p. I. ! I

ef., LETTIm DU VOl ANT


!
l
cf~ JEUNESSE IV : Htou~ea loa posaibilit'c ha1~oniqu.8 (!It ~chi ..
teo"i;ur'lell JJo~mouTront s.utnur de ton siege. c,
ida VILLE.'S II , "Co dome est une e.rmn:~Ul:'C d 9acial!' utistique d@
15~OOO pi0ds de dif.:!.lll~tre enviroll."
musioales (I). Ce regard neuf Gur l'univers, p~ut-etre en
trou,vons-nOUG 10. "raison" dana GENIE , "11 oat l' a.1nour, . CBure
parf~i t e et reinvent'~, rp.,ison me;y! illeuae et im:Q.revue .... ", at
dana VIES II s "je suia un inventour un mUBici0n me me qui a1
trouv& quclCiue chose comme Ill. olef de l' amour." "me sure parfai. ,t e"
r~8um. Ie Nombrc .et l'Harmonie ; "r~inventee" fait echo l\UX
"trouvai1Isa " "ra.ison ( ) imprevlte" est l' exacte eymetrie
dee "termCB non soupconncs"o Quant a l'&morvei1lement contollu
dane "raison merveil1euse", 11 est apparent dans Ie langage de
SOLDE (inoure~t trouvailles). bion que ce lang~gc Goit recuse par
Ie leitmotiv implacable du po'tc : "~vendre .0. 1". Emerveillement
deva.nt cet "autre monde" (2) qui transcende nOB limitea spatio-
temporellee

Elan insense et infini aux splendeure invisibles


aux delices insel1sibles "

La transgresaion do nOB donn~ sensi bles est indiquee


par l' insistnnce du poete e. sa servir du prefix negat1f ',' 1n".
A1nsi : inouIe, insense, infini, inv16ibles, insenaibles. Lea
morveilles de cet autre monde ne nous parv1ennent &1n81 quo
n~gat1vement, comme un au-dela de toute experience sensible. Peut-

i~re parce qu'il est justement ind1c1bIe, 10 "v6cu" 'tant irr'duc-


t1bla au langage. "L'autre mOl).de" c'est Ie domaine de l'ineffabl~
dans leque1 les ILLUMINATIONS se meuvent librement. Ains1 dans
CONTE, ' ''un Genie apparut, d 'une beaut' ineffable tl
toe. ci tons
l'Etre de Beaute de BEING BEAUTEOUS, le cheva1et feerique de
MATINEE D'IVRESSE, "1'habitat1on b~mie par Ie ciel et les ombragea",
d'OUVRIERS, leo angas de MYSTI~UE, Ie poeme AUEE qui est l'exp6rienc~
de l'ineffable. Mais placons avant tout GENIE, ou le poete s'eat

(I) cf. "La mu's ique 1nconnue" de VILLES I.


cf. Baudelaire : "lea notef':' musicales Bont des nombres et vous
resolvez aVC!c une rapidlte effrayante de prodigieux calcula "
"Du Vin et du Hasc hisch".
(2) cf. OUVRIERS
vraiment fait "valeur de feu~a

On peut eVinterroger sur le vole BuiTie par I e po~t


pour pp...rverlir /loct ~in~ff&bleu , I e fait que sa "poosession
( sait) imf!1cdiate f! Bugtore l ' absAnce d'6tapea 1nt~rm'd ia.1ra th
Foroe eGt de eonBtater' lm. colncidence a&mantiquf) avec lem 8t appli...
catioD,6 inL~t&Ul t Qll~o~ 1t des sUbstanoes hal lucinog~no8 ., L$ tranmport
d t:Uls 'ilOautre monde"se fait par una libez,tA.ti on des senB. (I) Noue
retrouvons le soheme aecensionnel (2) dans "19ilan inseno6 et in~
tini 0" ; (inscna6, paree qut!l cst j ue tement un d6fi au bon
senal) Lea "d01ices insensible a" d6notent un d6iail int&re aaant :
l'exp&rienee du v6eu est si dense qutelle domine 1& prise de oon-
scienoe de s oi ; celle-ci ntintervient que pour oonstater, ou q

plut& t a 06merveiller. Ltintuition eat toujours en avant de larrot


que eonstitue 1e retour sur 80i o

" 0.0 et 80S 00erets afolants pour chaqua vice - "

Lt affo1ement de l a eenaibi1ite est 1e oigne de son cXw


citation port~e a son comb1a ; &insi dans COI~E , 1e tG6nio" ports
1a promesse dtun'"bonheur indicib1e, i nsupportable meme. u Lea
"secrets" eignitient 1a connaiss8nce approfondie de notre seneibi-
. 1i t6 qui nou.a est soudain r~vel'e : lile bois se trouve vio1ontt
selon l es termes d0 l~ premiere lettre du Voyant (3). On aura sanG
doute remnrqu& que Ie poete utilise 1e possessi! (soo ) : 11 Gst
peu vraisembla'bls qu G11 B0 r&f'ere a.u subste.ntif H~l6Wn. En f ait ,
tout 16 1'0'1'0.0 SOLDE S6 refore a un non-dit toujouxa present bien que
jameis exp~im' . Le p08sesseur'des tt3ecrets~ et Ie lieu g~ometrique
de SOLDEJcst Gans _ueun aoute 1e pui ssanoe magique des BubatanCeG
hal1ueinog~n6so Peut=etre Ie haachiooh pu1sque Rimbaud semble
fai re allusion ie1 &un symptome qui lui eat sp~elfique : net sa

______________________________________~___~'_'r_____________________*w_ _

(I) COest a.dire que Ie [email protected] 'a.vec ole monde cxt&r:1,Gur f:H!! to.it
par IUTUITIONo
(2) cru "l'occneion , uniqu$, de d~gagar DOB eena N : Supra.
(;) Lottre a Izembard o (mai X871 ).
I
I
ga~t6 errrayant~ pour la foule." (I) Noua v0uloms parler des
acoes de rire qui sont provoqu~e par 1a diffumion de l'excitant
I
dans 1e eyot~m3 nervouxo Ctest una r~actioa connue, qU0 rapport~
d, f ai11eurs Rimbs.ud dans MATINEE D'IVRESSE . "oela eOmIlfH'1;o. SOUB leo
rirea deB enfGlltts .~o IS

Obacrvona que lQ proposition Met sa gatt' effr~ante poar


Ie. fO"1l1e" eat atructur'e comme Is. pr'c'den'te s ..

Oonjonetion "et", groupe nominal < SGS secrets affo1ants

sa 8&ft' effrayante
chaque vice
at un de~tinataire

1a foule

(Cette structuration interdit 1a 1ecturo I at sa gatt4 Qui ~


etfrayante pour 1& foule.)

Ea qu@i la goit& suscit6e par l'e~oitant eet-elle


Ueffrayante"? La riro peut causer de l'effroi quand i1 eat
immotive oe qui est Ie cas. (Le rire gratuit passe ais'ment PO\\r
un eigne de derangement mental.) Rappe10ns los uenrou~ments
fole.tres" de PARADE et ces ItjeunGs pourYUa de voix effrayantae."
N'anmoinB on peut proposer une lecture plus extensiTe : 1& gaitS
etfrayuto pour Ia. .!Q.ule est a.uEsi comp1&menta.ire de "1' anarehie
pour lea masses 0 lY (2) S1 I' on peut trouver eon bonheur en dehors
iu cadre aocio.,.&conomlquG an place, alors 1 f ordre n' e. plue d vautorj. t
L'eeprit de l'individu est liber~ de I'instance morale, de l'8Utoo
r~pr SIdon qu.lll GX0rC~ sur see dcs:i.re a c'est e~tte liberation
du d~sir qui consti tUG nne Iilena.ce tbffrayantet~ pour I t Ordre etab1:1.e
I
l
.j
!
(I) of. Baudelaire 2 "au des~oua do lui, la troupe des humains t
simule les gri.l1laees de la jouissance et pousse des hurlements I
!
que lui arrache la morsure du poioon .eo 1& magie los dup ." j
~
uLes Paradis Artif:loiels".
1
( 2) ef. Supra.
l,
( ;) On rotrouV0 II! fe.o~eur a.naroh:i.sant que la drogue introduit
dana toute eoci~t6. J
U CI eHt A venc!.re loa Corps t les voix, l' immense QPulence
inquestionablo (I), co queon ne vendra j amnis."

Pourquoi j&mais? Rimb&ud nO~B l'axplique s parce que lOB stocke


Bont .!.!!Gpui.B e.bl!!, 3 "103 vendeurs ne sont paa do bout dG soldei"
Soide astici synonyms ue march~diaoB.

On peut encore :I.nterpreter Ie paradoxe difft$remmell.t I "a


t
vendra oe qu 'on ne vondra jamais reflete Ie paradoxe meme delJ
Bubstanceo hallueinogenes. Avec Is. drogue; on acbete en affet Ie
bonheur (2) deB paradis artif'iciels ("la satisfaction hr~pressible"f
"les dalicea ill~onBible/]fI) comme una marcha.ndise. La paradoxe
repose sur Ie contraste entre la materialit& du moyen, son earactere
v~nal, at 19~1&vation oublima - Ia spir1tualioation de tout lt 6tre

qui 'chappe pr~cia6ment a la oontreinto d~ 1a matiere (3) sous


l'influenee de lOe%oitnnt.

F1d~le a son
titre, Ie po~me s'aoheve sur la tourn&e do
voyageurs de ' commerce I "les voyagtntra n'ont pt.W a r"ndre leur
commission de ai totS" L'exclamation est 6vidamment ironiqu~. CO~ot
que css 'f'oyageuro B I en 'font dans des "yoy ages It bien particul iers :
oe que notre "frenglaio" hippy a adopt' sous Ie nom de "trip". (4)
Paa de oommission a rendre de si tot doit etre compris dans oe sen
ironiq~e sc'eat une allusion a des "voyages m&t.a.physiquee. u (5) j

DEVOTION n t o6t d f ail1eura pas Ie seul exemple de cet amploi part1~


culier du vocabloo Ainai MOUVEMENT o~ noue retrouvona nos
voyageurs "ontour5s des trombes du val at du strom." (Ute sport ot
Ie comfort voyagent ay~c 0UX. u ) No~s leg reneontrons enCore dana
I
I
1 j
PR0110NTOlRE ou "les terrssses .0.
plaines .0.
de bri/30s riches II I
I

BOl'ilt ou.vertes a. l'esprit dee V'0YBgeurS. u
I
I
---------------------------------------------------------------------
(I) anglioisDl8. I 'qu'on 'ne as.ura-it met-b:e en doute
,!
(2) La bonh~ur e'o t uee; quton ne vendra jamc.iBtfo
If
(;) ef$ Supra I ' "le -tempa, Ie sciene~oH
(4) oto BaudelQire : "VOUB etes msintenant auffi@amment lestes pour
un lOllg at singulior VOZBg~ .n~ Vous avo~ sur lee vox genra
ord1n~i reG d'ignorer od vons ~11ez."
Pr6f ~eo aux Paradis Ar. ~ifioi~lB.
( 5) DEVOTlOi~ ,.
TROISIEME PAR/rIll! ~

LA "
PROBLEMATIQUE DES ILLUMINATIONS .
1A DA!fE_jP~S I~~t~4IliATI ONS ~ L~ signification du d6bat
ehronologiquo.

Les ILLUMINATIONS ont-ellas 't'


'crites aTant on apres
UNE SArSON Ell EllFER? C'est un pen Itenigmo du Sphinx a
1aquellc
tout let~ur de Rimb ud. do it r~pondre pour 1ui-mam60 C'est que
ls r'ponse en effet .'ost pas ind1tf&rente I e11e nous engage
dena le sens que noue donnons &1 t sntreprise rimbaldienne, en
nodifiwit son issue.
,
Qu e11e se tcrmine sur l~ADIEU dtUlfE SAISON EN ENFER -
t

ot~tait 1& version traditionnelle soutenuo par 1Dabe11e Rimb~ud -


Paterna B~rrichon et reprise par Claudel (r) - et e11e deTient
&lora 1 e illus,:I;ration exemplaire du triomphe des valeurs chr'-
tiennese Rimbaud reoonnait s'etre tromp~, Toir 'to
induit en
erreur9 11 est rendu ala "r'alit~ rugueuse" de l'existence, 4yeO
l1un devoi t- aoheroher" : "Yoil moi qui me 8u18 dit mage Oll
an,ge, Aisena& de toute Dorale n (2). Nous soulignoDs ear
cat aveu semble bien inire r~ferenee a
Iv~cheo essentiel de
Rimbaud I Gon ineapacit' a
s'&lever ' au-dsssus de 1a 10i m0ralec
Oello-01 fin&lement aOimpoae 8. lui avee la forc~ des n&cesoites
quotidiennoBo

Qu. ' el1& s~ach~ve au contraire sur I t exp&rienee


eblonissanto de GEHlE 0t I'Homme est de1ivr~ du complexe de la
Fauta, de la morale du bien et du mal I "Sa vue, D& vaal TOU3
les agenouillagos anciens at lea peines re1ev~~s a
sa Buite."
La ohristianiaae est relegu& au rang des "superstitions" du monde

(I) cf. 1a HJourn~l" de Gide ( Annee I912), p. 384 La p1or~de ,


"Co~a je Ini l. (Claude1) reproche dtavoir dans son ~tudc
senmot@ 10 cote r~roo~ du ctU'actEh~e de Rimbaud~ 11 dit
n' a.vcdr 'Vou1u peindre que Ie Rimbaud de Ie. Saieon en Enfer
ou levait about1r P~lUteur des I11uminati0nfh "
( 2) of. ADIEU: UllE SliSON EN EUJi'ER
32Io

enoi .11..L"lIomme 1:f.b6r~ rQtrouve sa vraie nature de "fils du


so~ei1n J GENIE eat einsi pc~tour d'~normes prome see, oetto
fam~use transoutation de toutea leo valeurm (I), la r6aliaation
apergue du " hanger la vie tt 0 Et bien sir 1 e 0Xe.l tation de
It Homma qui ct le co~ollaire de cette transmutation eat l'anti-
thes0 de 1& h ertu" ehratianne par exc~llenc~ i l'hum11it6.

Ainsi clore l'exp&rience de Rimbaud sur l'ADIEU on


GENIE eat ~ cho1x qui a teadance a
etre d'termia' - s'11 est
conseient (at 8urdetermine, s'1l n8 l'est pas) par notre position
personnelle en face du eysteme de valeurs ehretiennes. D no un
cas oomma dans l' ntre le poete est recup&re ades fins parti-
sanes s Rimbaud deviant 10 lieu ous'affrontent les tenants
et lea adTersaires de 1& Foi ohretienne, et c'est bien ce qui
stest pess' eTeo Claudel at son ennemi jur~ Etiemble, combat
singulier entre l'Eglise at la Sorbonne, l'all160 t'hier (2)
btant devenue l'ennemi dta~jourd'huie

Aujourd'hui on veut nOUD f'aire croiro que 1& dQ.te deliJ


ILLUMINATIONS est un fauxaprobleme, renvoyant Ginsi semb1out-il
lea a.dversairea dos a doso 1l. nty Q.ur~t plus de nproblem~tf dee
ILLUlJIUATIONS puiaqu'elles auraient ete
oompoaooo en effet a ant,
pendant, t pres Ie SAISONe La que8tion "avant ou apres H est
done aduque. Le premiere formulation methodique de cette
tb&orie sa trouvc dans une atude de P. Guiraud parue au Meroure
de France (3)~ au titre prometteur s "Evolution statistiqu!l
du style de Riobaud u On reoonnait l'approcha objectiva de Ia
Linguis tiqueJmaia 1e probleme cst-il resolu pour auiant? D'ebord
1& m~thode statistiquo ne peut noue donnor qu' unc probabilit& Qt
non une certitude. Eneui te le r'sul te.t de eette enquet n9

(I) La formula est de NietzHcha, je crois.


(2) On se rappolla Ie role de In Sorbonne au 18e sieele, elors
t oap1e de 1a th601ogie at foudrea de 1 Censure .
(3) ootobre I954, oentenaira de la naisnanco de Rimbaud .
d~montrc en f t qu'Ulle chone t ILLmrrlUTIONS
c'est q\\G l~e

sont un reou i1 disparata ce que nous s&vions d~j~. On ignoro


tota1oment en Gffe~G qi.\ellas etaient les int ntiona de leur
auteur a~eur aujot: l'arrangament des poemes sous ce titr~
est I'oeuvre de manipulations successives ( I). Qu'ile appar-
tiennent a des p&riodca diveraca ne saurait done surprendre.
n'aillenrs la raia quostion n'eot pas 1&. Car Ie projet qui
fai t 1'0.11:1. t& de la. po~sie riLlbaldi.enne c 'est In reconquote de
l"ta:t de "fils du soloil u , clest 1& lib&ratiQn de l'Homme de
tous lee jougc qui lui sont impos&s depuis dcux mille ane de
civilisation jud'o-ehr~tienne dont GENIE est a 1 fo18 Itabous
tissem nt at le point d~clatement. La seule'queotion est done
de S8 oir 81 GENIE a 'te &crit avant ou apres le SAISON, 1&
ohronologie deB autres ILLrrMINATIONS ~t&nt relativement moine
impor'tante l)

La critique universitaire recente ~ontra qutell a fort


bien comprie 1 rSle a.e GENIE d ,&nB oe d8ba.t puisqu' ~llo lui
&ccorde une position privil~giee dana 1& derniere edition de
"La Ple!ade" des OeuTres de Rimbaud : GENIE en efret, ost 16
poems final deG ILLUllINATIONS, car, chose curieuse at inexpliqu60j
le 'poems SOLDE qui conclueit lea ILLUMINATIONS dana l'&dition
tradi tionnelle e retrouve relegue Bur le "limes t des poemes
intitules FAIRY et GUERRE qui pr~cedant GENIE.

Dans celui-ei reaide d'eormais Ie verbe ultimo du poete avant


son silence deflnitif. car comma chacun sait l'editionAntoine
Adam (2) place objectivement toutes los ILLUMINATIONS npres l~
SAISON EN ENFERo GENIE deviant sinsi le dernier mot du poete.

DeD
lors nous sommes doublement fond~8 a
arfirmer quo,
"volens, ~o10no". 1& critique universitaire nteat pae neutr~ d a
le debate Lea conditions objectives Bont r~unies (GENIE apr$o

(I) cf. Foreetter s "Plus grave 0 on ignore jusqu'a 1a atuno-


ture que , P&uteul!' urait dOID16e tl ses oeuvreuo" p. 228
1 .: . Oeuvres Ed. Gallimard.
( 2) comme eell~ de Louia Forestior.
SOJ~DE, les ILLUMINATIOl1S (tin toto" apros 1 SAISON) ell. eontra-
diotiol'l f1a.greonte avec co quenouo savonts)' pour conclur8 a. 130
prise de position partisane do cette critique. Par ~ tour de
pa.sse... paaee habile on escamote le. question our 1& date es
ILLUMINATIONS pour ananite dana les faits agir exactement oomma
a1 e11em aveient 6t' eoritea ~Rr~8 Ie SAlSON avoc GENIE pour cen-
01 sion.

Les deux 'ditiens majeures de 1& P1e~ade illuBtrent


exemplairement notre d~monGtration pr6o~dente sur l'enjeu qui
est en cause I

L'6dition qui repose our la tradition Inabe110 Rimbaud


reprise par Claudel qui place les ILLUMINATIONS Ttmt 1& SAtSON s
el1e favori&e l'interpr6t~tion chretiennso Le dernier pOGme de
Rimbaud est ADIEUo

L'&dition de la SorboJl.n& qui placo les ILLUMINATIONS


!-'Ore@. 1& SAISOJif ; e11e a. une large audience aupres de 1&
critiquo rat1ona11ste et miaux memo, ella a Ie vent on poupe
ayant au Ie flair, de clore le recueil sur GENIE, g~gnant d'un
coup a sa oause tout un courant de pensGurs et poetee qui puisent
l~urs'valeurs cbez Nietzsche (GENIE est en de nombreux points~
una fi~\re nietzsoh&enne), dont l'audience comma on Bait est
largement r'pandue anjourdhui.

,Nous nfavions done pas tQrt de circonserira Ie dabat


Bur Rimbaud entre ,jt?nante 'et adversaires de 1a Foi chretienne".
II stagit bien d'une affairG partisane entre las heritiere do 1a
tradition chr~tienn. derriere ADIEU et lea h~ritiers de lOhumsnism~
&nthropocsntrique de Is Renaissance (I) derriere GENIE. On con2oii
....

(I) cfo Nietzsche: nVent ... on comprendre ce qu~6to.it la Rendeeance:?


L tranavalu&tion des valeurs chrbtiennea 11 n'y eut
pac juaqu1a p~6aent de probl~mutique plus d6eieiYc qua e~115
d~ In Ren~gBance. Ms Question est sa quoation~a
L'Antachriet : 'op . .. oiio 'po 101 1 UGE
l'imFortQnes de l'enjeu aelon que lion fasse pr'valoir l'ane ou
I'autre chronologie puisquG e~la touche a
1& oonception que lion
so fait de lthomme~

Noua avono CHUH..,.' d t ~clairoir Ie d0bat en simplifiant


seo terce . Mais not ~ ne croyons pas qu'il 80it n'eessaire de 1~
ciroonscriro Q la question I "GENIE ou ADIEU , lequel pr'cede
l'autre?1:

Av~t
de 8e lais8er enfermer dans ce dilemma, il est
legitime de se demander si GENIE a bien ~t' 'crit apros Ie poame
SOLDE, oomma Ie veulent le8 derni~res 'ditions de Rimbaud. (I)
Or oe class~ment n;est pa.s du tout "inuocent" comm:o on l'a. lIlo11tr6
pr~c~de1llIlent, 11 eat objeetivGment "charg'''.

Pour notre part, nous croyons avoir montr' avec vraio


semblance dane notre analyse de SOLDE (2) que ee poeme rait
reference
I ,
a'GENIE
(
entre ~tree ) , dont i1 enterre 100 b011ea &m-
bitiona. II noue par&it done diffioile de conclure l~s ILLUMINA~
T1Ol~S par GENIE &lors que SOLDE constate pr'cis'ment leur 'chec.
p
Qualles sont 1e8 consequences de cet av~u? Rimbaud reconna1t
Itimposeibi11te do Ie lib'r&tion de 1 t Homme par se8 propres moyons.
La liberation qu t il avoit pressentie dana GENIE eat jugee i11u~
soire ; It ontreprlse de voyance q~i deTait Ie rendre 80. a
ancien.ne divinit~ de fils du soleil est condamn'e. Les revolu-
tiona de moeurs qu 9 il avait entrevues sont r~duiteg d~ doueoe a
reveries inoffensives.

A
Quand hi n mama GENIE. serait posterieur
"
a utm SAISON EN
E1WER. Ie bilan de SOLDE nOU8 inJ"erdi t d' en faire 1 t nul tima
,
erbau du poate. Plu.cer GENIE en oonclu5i.on dos ILLUMINATIOl S

( I) of. Ai) Adam t Le ]'orestier. Ce dernier admot qu' "on ne


possclc1e alloune e~rtitud6 ... c; " quant 8. IIllit dn.te d'un0 tello
piece" OPe cito noieG p. 291.
( 2) po 307-et ~UiT.
_c'est forcer I e silence de Rimbaud en lui donnant un sens niet,zBch~en
au'il n'a p a s . Bien au contra:i. rc, s on combat spiritue l marque Ie.
fin de I' anthropocentrif..lme de la Renaissance, la fin done de notre
culture humani ste. On peut compreudre done les r~BistanceB oppo sees
par 1& critique universitaire, h~ritiere de cette culture , a lire
Rimb aud "tel quel It. II nous reate a ~tudier main tenant Ie couple
GENIE-ADIEU .

La critique externe des textea ne nous apporte aucun angu-


ment d~cisif Bur le pl an chronologique Marcel A. Ruff apres une
,
recherche minutieuse et impartiale conclut quI "il est impossible,
,
dans 11~tat present de nos connaissances de d~terminer leur (des
ILLUMINaTIOnS) date exacte de composition." (I) II rejette
notamment la these de Bouilla.ne de Lacoste qui "ne saurait etre
considerea comme decisive"G (2) Les t~moignages que nous
poss~dons sont contradictoires et donc s'annulent : dans sa
Preface aux ILLUMI NAT IONS, Verlaine les pr~sentait comme ayant ete
ecrites "de 1873 a. 1875 " (3) mais parait se contredire quand

(1) M.A. Ruff : Rimbaud Ed. Hatier 1968. p. 193.


(2) cf. ide p. 203 et''1 a graphologie nlest pas une science." Que
les'lJ.ois tl de Ie. graphologie soient un tantinet suspectes, B.
de Lacoste nous en administre lui-mema la preuve: N'affirme-
t-il pas en effet dans sa these que PROMONTOIRE If date des
tous derniers mois de 1873, ou plus vrais emblableme nt des
premiers mois de 1874." Et il ajoute p6remptoirement: "il
ne peut etre. . Qu estion (c'est noua qui soulignons) d'attribuer
un tel graphisme J. l'annee 1872." Or clest tree temerairemen t
ce qu'il avait fait dans L9 Mercure de France du I er novembre
1936: tfCe texte ( PROMONTOlRE) se date sans aucun dout e
(ctest nous qui soulignons) de 1872, ou du debut de 1873".
II a d'ailleu rs Ie merite de re connaitre son erreur dans une
note en bas de page (cf. p. 166 "Rimbaud at Ie Problema des
Illuminations note in fine).
Pr~face a
la premie re odition des ILLUMINATIONS :
La Vogue 1886.
il ajout~ I que "ellea cant un peu post4rieur0s" au portrai~ de
Fantin-Latour ( I). Per c~ntre Ie t6moignage de ltemi du po~te,
E. Delahaye as veriera jamais sur ce point & "lsa ILLUMINATIONS
sont nt~riGures a avril 167~p
cu moins pour la plus grande par-
tie" (2), at dans Bon "RIMBJ.UD~ : r'Jo me sOl1viens d'en ",voir
entendu lira quelques UDes par leur auteur qui lea appelait &lors -
n 1872 ... "po'mes en prose"o (,) . Les te:z:tes que nous venont3 de
oiter prouvent que Dslahaye &vait dem souvenirs pr~eie at Iton
.ue saurait en dire ~utant de Verlaine dont le t~moignage est pour
le moins flottant sinon oontradiotoire. Le cr~dit que l'on pe~t
ace order a Delan~e tant sur 1e plan des faits que sur c0lui d~ la
8inc~rit& nous parait cr~Qr una pr6aomption positive en feveur de
son t'moiguageo Notons qu'il admet que oert ins po~meD aient pu
etre ecrits apres la SAISON, oe qui conoorde avec l'opinion de la
critique dominante aujourd'huio Citons Yyes Bonnefoy (4) qui re-
connait "quo l'&poque de leur composition (des ILLUMINATIONS) n.t&
pas ncore 't& d'termin~e du fa;on pr~ciso ais quelques iefts
paraissent garantir que deux ou trois pour Ie moins des poemca
controver 'a furent &eritl!J spraB II. SAlSON." L.. Forestier con..
state que "le probl~mG des ILLUMINATIONS existe Je pense qu 'une .
partie de ILLUMINATIONS est post&rioure a la SAISON n (5).
Cortes, mais lesquellea? L9 auteur ne se prononoe p 8. Quant aux
"quelques faita" mentionn~8f leur axgmen a'est guere conoluant.
Ainoi; si Ie sous-titre de cJEUNESSE III oet bien ftVingt Ans" $I 11
serait pracipite dian conelure que le poete ~ vingt ans (9).

(I) de 1872
(2) Manuaorit DelQh~e a C ~alz - feuillet 22. Cit' in "Delahay
Temoin de Rimaaud" p. 20,.
Rimb ud 1905 p. 108. Cit' in a idem.
"Rim baud par lui ..memo" a Seuil
Ritab ud J Po'si. GalliIluxd I p. 272
Rimbaud 0st habituellement g~n~raux Bur son &ge I ain~i dane
1 po~me intitul~ ROMJJ~ Rimbaud deolare ; ~On n'oat pAa
s~rieu quand on a dix sept tUlB"~ Or ee pooce 6tant datS 29
D ptembre 1870, i1 aen paB encor~ aei~o ans~ Dana L'ECLAIR ( 8)
onoore i1 dt)clar~ I " eo. slIer mea vingt ans, 6i 108 cutrfis
vont vingt ana 00 n 0.18 lerilJq~':U ~crit I()es lign~s il n'a pas
~))leo]~e I.9. ans:.
Quand dans JEUNESSE IV i1 ae refero a
"lao tentation d'Antoine",
11 est encore hatif d'cn conclura qu'il a oonnaiessance de
l' ouvrage de Flaubert du mame t;i trc po.ru en mars 1874: le
saint 'tai t deja au:r. pris6s avec sec visions dans le If Club des
H&80hisohins" de Th. Gauti r, pub116 d~8 1846. Leu faits Be
pre tent ainsi trop souvent dana 1es ILLUMINATIONS a
des extra-
po1Qtions contradictoirea. Que tous les efforts pour situer oes
poames par Ie moyen de donn&ea spatio-temporelles donnent des
resultats incertains, no fait qu~ confirmer l'originalit' irre-
ductible a notre monde d'un present insaisissable. AUBsi noue
limiterons notre ohamp d'inveatigation a. la critique interne des
textes et il elagit prinoipalement, rappelon8-le~de GENIE et
ADIEU.

Voici dans ADIEU tout d'abord de nombreuses references


&des poemes des ILLm~INATIONS :
"loin des gens qui meurent sur las saieons" ADIEU
et
"Bien apr~s les jours et les oaiaons" BAR BARE

"1 port d~ la misere, la cite 'norme au oiel


tach' de feu et de boue" ADIEU
et
"le. metropole", "un joli Crime piaulant dane
la boue de la rue VILLES
"La bouc est rouge ou noire. Ville monstrueuse
nui t sane fin. II EN1!'ANCE V

"cetto goule reine de millions d'amea et de


corps morts " ADIEU
et
liLa Vampire qui nOU6 rend gentils 0 " ANGOISSE;

"jtex~cre 1a ~isire" ADIEU


et
"notre jeune mis~re" ... OUVRIERS
328 ..

Nous ne pours uivons pas la liete de ces confrontations,


c ar ' comme on Ie constate. elle ne fllvorise guel.'e la solution de
no tre probleme, chaque argument pouvan t etre retourne. Crest
plutot dana 1e sens de l'entreprise qui eat Ia suite de la LETTRE
DU VOYANT qu'il nous f aut rechercher des indic es . L0 8 ILLUMINATIONS
s ont en effet, noua l' avons montre pr cedemment, 1& realisation du
pro gramme de Voyance s l a confrontation des termes de la LETTRE
DU VOYANT avec I e texte de MATINEE D'IVRESSE cree a cet egard un
fai t nouveau , a part ir
duquel 11 faut accorder la chro nologie. Or
il est invrai semblabl e qu'entre la formulation de la methode et son
application il se 80it &coule trois ane, puisque "MATINEE" eat con-
sid&re comme posterieur a
1& SAISON. (I) Quand Rimbaud annonce
dans Ia LETTRE DU VOYANT son intention de recourir aux excitants
opium ou haachisch, et ceci es t confirm~ par Ie temoignage de De l a-
haye (2), on peu t s'attendre a
ce qu ' 11 explore methodiqueme nt
(selon ses propres termea) l ea pos sibi lites de ces sub 9 t ances~ II
est difficile de faire admettre que Rimbaud ait miatrois ana pour
realiser ieur potentiel, puisqu 'il dit "Ie corps merveilleux, pour
la premiere fois " (3)

En fait des les poeme s de l;'t& 1872, nous trouvons deB


,a llusions a 1a magie de la drogue :

"J'ai fait la magique ~tude


Du Bonheur, que nul n'~lude

Ce charme ! i1 prit &me at corps


Et dispers a tous effortso" (4)

(I) cf. Y. Bonnefoy s "Rimbaud t1 .. p 158.


0

(2) cf. Supra s l Q m&thode de voyance


( 3) MAT I NEE D'IVRESSE
noue s oulignons.
(4) o SAISONS, 0 Cl~TEAUXo
et "ceo chers Anciens v~ulent
ce phil tr~ Bournoi: .;. It (I)

flPuisque de voua s1!lu108


Brais"es de sE\otin
Le Devoir s'exhale tI
(2)

Or a
partir de catta date Is. production po'tique de
Rimbaud s'eteint brusquement, pour ne r~a.pparaitre ausai soudaine-
ment qu' avec l8s premiers r~cits de 1& SAISON EN ENFER, huit
mois plus tarde Enid Starkio avait deja remarque c e tte anoma11e.
De touta evidence ce vide a du etre occupe par 1a composition de
nombreux poemes des ILLUMINATIONS. Le programme de Voyance
appe1ait une action urgente at effieace a
travers Ie "dereglement
de tous les sens .... II quo seule Ie. drogue pouvait procurer. " Lee
ILLUMINATIONS nous donilent l'accee a
cet "inconnu" dont il avait
eu l'intuition genia1e dans 1e. LETTRE DU VOYANT. Et a "
cet agard,
MATINEE D'IVRESSE marque 1e premi~r BUCC~S de l'entrepriee de
voyance, 1a premiere conquete, saIu'e par 1es IIhourrah tl eu poete,
du royaume de l'interi eur. Lo rapprochement presque mot pour mot
avec la methode j de vOYllllce nous fonde a placer ce poeme a.vant
Ie. SAISON.

Or entre "MATINEE" at GENIE, comme l'a remarqu' Y.. Bonnefoy


"les parel'ltes sont nombreusea,t : 1 'oeuvre inouie, Ie corpa mer-
veilleux, Is. tlpromesse" : "arri~re cee superstitions, ces anciens
corps, ces menages et ees 8,ges 1" (GEIUE) 8. laquelle correspond la.
promesse surhumaine de M.llTINEE D'IVRESSE ; "au-dela de la morale
chr&tienne, c'est bien 1& meme id~e dfun avenir de force et de
gloire." (3) note l'auteur maienOU8 ne Ie BUiV!rP~8 pas dans
ses conclusions lorsqu'il declare : .
Illes ILLUMINATIONS du

(I) EN~ENDS CO~U!E BRAME ~


(2) L'ETERNITE &.-b
cf '~La Rei.ne qui allum& 88. braise" dana APRES LE DELUGE
CI

(3) Y. Bonnefoy : Ii Rimbaud" p. 1560


""

' haachisoh Gont t rop e.p:pc..rCl'lt~ O EI m. GENIE, a SOLDE, t.l JEUb"ESSE 0.

pour ne pa evoir et~ l'oouvro des moia 'qui ont suivi UNE
SAISON El~ ENFERe Ie (I) Lf pparentement de GENIE fl MATINEE
DtIVRESSE est pour nous le s igna de son appartene..l.'l.ce aux !aois
qui pr~ oOdent U:t>.TE SAISON EN E1~]lER, puiaque nous avona monto~
que 1'usage des substanoes h allucinog~nea 'tait cone'cutif au
programm0 de voyan,ee, et affecti, dana 10. grande majori des t'
poemes des ILLUMINATIONS.

A Itappui de sa th~se qui place GENIE apr~o UNE SAISON


EN ENFER, l' &utel.U' L\vanca encore que ncertai11eS ILLUMINATIONS
semblent bien, soua le signe explioite de GENIE, dans 1& lumiere
/
de sos concepts, nous decouvrir une ~volution au del! des pages
II
dCADIEU. Et d'abord !PRES LE DELUGE ( 2). Toujours solon l'au-
teur, ce po~me est "le reniement a
li6gard d-un, pa.ss~ qui ne
peut etre que 10. SAISON." (3)

,
Noua avons montr~ quant a
noua dans notre 'tude de ce
poeme, que l'image arch6typique du D'lug~, par S6 dioponibilit'
meme aux sollicitationo de 1 t inconacient, pouv&it s'appliquer a
de multiples 'Tenements sourc. Dans las DESERTS DE Lt AMOUR
d

dat's de juin 1872 par


la critique ( 4) 1 po~te dit "J'D.i
laisa finir toutes lea lar es d~ mon co~~s aTOO cette nuit o "t
nuit qui ~grque eon 'chec, d~finitif s emble-tuil t avec la Femn&o
!PRES LE DELUGE pourr~it treo bien se r~f'rer s'eette triste
exp'rionc. Ceoi d' utant plus que noue trouvons une ~arent6
fr ppanie entre c~ PQemo et certaines image~ deB parqbole
eurr6alimtes, EN GALILEE at BETH-SArDA compoaees a Londreo, ou

(I) Y. BonnefoY' * "Rimbaud" po 158


(2) ide " p. 15~
(3) ide U It

(4) ero Supr Rimbaud at les substances hllucinogenotlCl


11 eo trouvait depuia B~ptembra 1872 selon P. Petitfils (I). Dono
avant 1a SAISON. Voiei lea textas I

APRES LE DELUGE ~ nUn lievre B t arrGta dana lea sainfoinfJ ot


lea c~ochettes IDouvantes at dit sa pridr~
tl I' axe en cielal travers Ie toile de
et l: f araign.~e . ct

EN GALILEE : nEnl'in, II 11 (Jesus) Tit au loin Is. prairie


poussior use at les boutens d'or et lea
me.rgue,::i tea demandant grace au jouro"

BETH-,SAIDA I "les me.rches interieuroB blemies par des


lueurs dtoraga pr&cuxoeurs , des 'clair~
d'enfer."
et
!PRES LE DELUGE I "Dans lea cirques o~ Ie secau de Dieu blemit
les fenetres."

La rapprooho~ont des textes, tendrait ainsi a


sugg're~ une date de
composition ~'APRES LE DELUGE qui soit proche des parabolo8
surr6alistes c'est ~ dire excluant una date uIt&rieura la SAISON. a
Nous avons oon8id~r' juoqu'a pr~sent le8 ILLUMINATIONS et
Ie poeme GE!UE d"unpoint de vue If QX '0.Ut0 U , e g est a.
dire ~ pe.rtir
du programme de v07&nce r'alia& dans MATINEE D'IVRESSE o Pl~ionen
noua maintenant dane I~ perspeotive du point de vue "ez-post" :
ce point est ADIEU. ADIEU se rGfere a
un lieu qui est nonadit a
" - jtai vu I'anfor des femmes J,a.,;.bas", atlleurs qui ne nous ost
pas ~trangen. :; puisqu'il figurait d~jA dans Ie. LETTRE DU VOYANT, et
qu' il renvoie 1 eet i ncol'lnu qui eat le liou m@mtt des IL1UMINA'rrO"[S :
"a1 ee qu t :i.1 rapporte de J.. - b.M (Boulign& pa.r l' e.u te~r) a. f'ormo t il
donne forme 000 " (LETTRE DU VOYANT )G it, en efiet, s'11 y e des
passages dana ce po-me qui peuvent prQter 1 discussion (2), d'autrem

(I) Etudes Rimbaldiennea (Noe '2) I Lea Manuserits de Rimb ud PG 47.


Lottro8 ModGrnos I970.
(2) Aiasi ~ "nous sommes enge.g's a Ie. d'couverte de Ie. clute d:tvine"
ot encore ClEt 8. It aul:'(')re, arm's d~u.ne udente pe.tiencf), nou.o
entre~onG aux ~pl~ndides villes."
B~!ieamment nOmbreux/pr~ci8 et coneordants expriment 1a eon-
damnation de It entrepriel0 de vOYrulce qui est au eo ur des
ILLUMINATIOnS. Noue nous OOllCElntrerons sur ees lignea eOlien-
tiallea ( I ) I

"Moil moi qui me 8u18 dit mage ou &nge, dispens'de


,
toute moralee je suis rendu au sol, aveo an deToir
eheroher, et 13 r'alit~ rngueuae a
~treindret Pal.ant"

A lui seul co dernier mot est la r'futation de toutee lea


ILLUMINATIONS, Itantith~8e du visionnairo. Les visions formidab1es
du mage sont ~er 5~eo BOUG 1e poida de 1& ur~a1i t~ rugu.euse". Le
, "11 ,.
Porteur de 1a Lum10re a ete preoipite du firmament dans lea
tell~bres du sol quotidien. (2) Qui peut rester sourd au or! d'-
chirant de ee "Moil" sur 1e point de bascu1er dans la mort de
l' ancanti.ssement J 0 teat bien l' angoisse qui serre tout ltetre
sur Ie point du noamretour I "1a. oharite serait-e11e soour de
, , une t01a mais elora la
' .' eprouvee
1n mort pour mot? " Angoisse deJa
volonta" de puissance etnit 1& plus torte: .
- de toutes tnJons,
partout, e n'mon, d1cu - jeunes80 de cct etre-oi : moil" (~)
I
Volente aetanique que oravach main tenant l'apostrophe cing1ante I
uPey-sanl" (4) O~t enfin~ mieux que dans GENIE Rimbaud a-t-il on.

(I) Retenone quand m~me cette indication supp1~menta!re: quand


Rimbaud veut r6sumer 80n experience po'tique pass6e, i1 a
e:rstematiquement recoure a 11adjactif nnouve :a" s ftJ'ai
ess &y~ d~inventer de nouvelles flours, de n&uv~~~QgtreB,
de n~uve1).es, eha::!.ra, de nquvel1~ l angues . 1I Or cet adject!!
n'apparai t pas ooins d'une quinzaine de fois dans lee ILLUMI~
NATIONS dont i1 est pour ainsi dire un 1e1tmotiv~ Citono
entl!'e \utres "lOB nouve aux hommes li tA nNE RAISON), Ie nou..,
yean corps Gmourcntx" (BEIlIG BEAUTEOUS ), Ie CD tra a.il nouveau"
(VI1LES I), ff1~ nouvello harmonia" (A UliE R.USON~t 1&
unouvea.u.t' ehimique" (UOuv:E1mNT) 0 Quant a. "invent~rfl Ie poete
ne a 'est....il .'Pas affirm& "Ul1 inventellr bietl tl.utr0n1ent m~ri tant
que taus eeux qui m' ont pr&oed~.ft (VIE:> II)
(2) cf. L'iliage est d'ailleurs tres proche du. p00mo "Crimon
.Amoris" de Vorlaina.
(~) ANGOISSE
(4) ADIEU ..
riUBsir 1a transmutation des velcuro morales. : quand il affi rmai t
"1'or8u~il plus bienv0illant qi2.0 lea oharit4s perdue o" ? La

"dispense de toute lI1orale" (I) est pour ainai di.re, 1& marque de
fabrique do~ ILLUMINATIONS J oitona encore u~e fois cette
affirmation p~remptoire , " - Demon, dieu - jGunesae de cet etre-
ci : moi l" (2)

Et en oonclusion "Enfin, je demanderai pardon pour mf@trc


nou,rq de e.l1.@onge lf (nous Boulignons ) : elluuion l1mpide a
l'usage de 180 dro~~e, tenue pour "ma!tresse d t i11uaion". Celui
qui se nourrit de mensonge est bien par exoellence 1e msngeu~
deop ~um ou de haachiseb.

D~vons noua eonclure que 1& totalit& des ILLUMINATIONS


furent oompo8~ e8 avant 1& SArSON? Pour l'essential, ce qui inclu0
GElUE , oui. Hais nous devons recQnnaitre au Po4lte un droit im-
pr~acriptible oe f ameux droit a180 contradiction revendiqu&
" par Baudelaire. 11 faut faire ioi ' la part &1& faiblo Bse humaine,
cas "quelques petites l achetes, en retard" pres seuties par Rimbaud
dana le Prologue de 1& SArSON (,). Peut-etre n 'a-t-il pu se
resoudre arompre brutelement avec ce1ui qui ltavait aery! avee
t~~t dOardeur at de prescience : 1e puissant Opium. Que 1 que a
poemes seraient le t'moin de ces reehutes, dernieres visions
arrach&os au maitre magicien mais obscureiea d'j& par de sombres
pressontimenta ~ SOIR HISTORIQUE, SCENES, PROMONTOIRE, DEMOCRATIE.
FAlRYI GUERRE at JEUNESSEo 11 oonviendrai t d' adjoindre 8. cetto
liste les poemes des VILLES dont lea lignos onchevetr'es , los
pl ans Buccessifs, les dimensiono coloesalea at Itatmospbere

(I) ADIEU
(2) ANGO I SSE
(;) UNE SArSON EN ~~. Prologue qui ne peut gu~re avoir &t6
'erit apres 1& SAISON, ce qui sera1t l itt&rature. En fait 1
poete viol';lt d.'absorber une doee ma.ssive dtopiulD., selon son
pX'Qpre a;nm I "All t J' en ai trop pris." Paa que 0 tioD done,
de fa1ra de lB l;tt&rature.
ol auatropbobiqu s ugg~rc.mt for-tement l'opium au tr&'Yors d 'une
vision poxf ait rl8nt wu,t tre de ses moyenso Et enfin Ie poeme
VAGAlONDS , vu s a r~ f6r~nc enun paas' r~volu. celui du "pitoyable
f rore" .. Verl rdneo Cee -trois der ni era poemes forment d' ailleuxa
un sui t~ sur Ie manuacrit.

On n ' aur a pas mauqu~ dtobaorver que l'ordre par nous


suivi ne tient p s compte des r~ s erve8 ioi fait.s. COaot que naU8
ntevons pas czu 1 ~g1t imG de s ubs tituer unilat6rslement un cla8se-
ment a un utreo Notre pport se limite A montrer la pr~oe8sion de
GENIE 'our 10. SAISON Eli EllFER par l l. cri tiquo interne. Pour Ie
r eate , c'esta dire l es cas-limi t es des po~mee pr'c~demment cit's,
11 neus semble que Ie travail de ola8sement est p1utSt du rees0rt
d'une 6quipe de chorcheurs que dtune enquete individualle.

En tous C Bs i1 ne pouvai t etre qu etion de se ranger e


ltordre :i,rapo ae par I e. critique uni versitaire puiequ'il est en
contradic tion lngre~tc avec la these que nous Boutenono. Nous
sommee done revenua ~ t en 1 'absence 'de criteres sup~rieurst a l'ordre
initial propos' par l 'dition de 1a Ple~ ad0 & Ia SAlSON EN ENFEE
suivant l es ILLUMINATIONSo Lea raisons de notre choix sont claires :
maIgr' aes lactUl s p OQ classement est pr~eantcment Ie seul com-
patible &VOC notre t hese. II rea t e , at no us en convenon~t que ce
cles sement pp lIe des corrections import antes, dont 1 premiere
serait da &t ablir 1a lis ts des poemes compos '; apres SOLDE, oteat
a dire .pr es Ill. SAlSOR 0
APPENDICE
..... I

On n'a pas bien estim& jusqu'ici l'emprise de l'Opium Bur


Ie fameux combat spirituel de In SAISOn EN EN"?ER : l'antagoniate
Ie plus 8~rieux, Ie demon a exorciser qui a'abrite derriere 1&
figure aatanique, pourr ait bien empruntcr so. puissance a. la magie
d~ l' opium merna. Car Satan est d' a.bord Ie s~ducte'\lr "Satan,
farceur, tu voux me disBoudre, avec tee charmes Et ce poison,
ce baiser mille fois maudit1 Ma faibleese It Que ce poison
ait nom : Opiumjnous en trouvons la confirmation dans l'ouverture
de NUIT DE L'EUFER : "J'ai avale une fameuse gorgee de poi son "
La liquide dont i1 s'agit est tres probab1ement Ie laudanum , mix-
ture d'opium qu'on pouvait facilement obtenir a. l ' &poque ( I ) ,
dont lee effwts a forte dose ("une fameuse gorgee" ) sont decrits
enauite "les entrailles me brulent. La v-iolence du veni n tord
mea membres, me rend difforme c'eat l'enfer, l 'eternel1e
peine!" ( 2) Plus loin, 1e poete se rebel1e contre Ie pouvoir du
maitre-magicien : "Assez! Des erreurs qu t on me souffle , magies,
parfums faux, musiques pueriles Lea hallucinations s on t
i nnombrables. u ( 2) R~volte qui alterne a.vec l' ivresae en-
gendree par Ie sentiment de sa propre puissance : "J e 8 U ~S
mattre en fantasmagoriee. Ecoute:l Jtai tous lea talent s ! 0.
Fiez vaus done a moi, la foi sou1age, guide, gu'rito Tous t
venoz ( 2)
It Nous retrouvons pracisement cetttj all iance
satanique entre Ie "demon" et l'opium dans Ie Prologue 8. Is.
SAl SOIl s "Ie demon qui!. me COl).ronna de ai aimables pavots", at
cot aveu Bupplementaire "J'en ai trop pris I - Mais, ober Satan,
j0 voua en conjure If II eemblerait que Ie, part du feu , nous
voulons dire du Diable dana 10. SAISON n' ai. t guelr$ 't6 reconnue
juoqu'a prsento En fait, a. notre sens, 10. vrllie liquidation de

( I) A Londres.
II n' est passe au "Codex" qu' en 188411 en l!'rlUlc~'h
( 2) i.WIT m~ L 'EUFER
cf. suss! :Baudelaire : " lea grima.ces de 1& jouissanc:;" (!t
lea "hurlements que lui arrnche la morsur~ du pOison " in
"Lea Parad:i.s Artificiels ~"
l'entrepriae d~m1urgique des ILLUMINATIONS n'est pas dans
SOLDE, mads dans 18. SAISON. Car a' il Y' a un article qui
brille pax son absence dans SOLDE c'est bien le po~te
d'biteur. Nt o'est d C~ poste qu 1 !l conviendrait d'imputer
lt ~norme dette cont ract~e par Rimbaud envers l'opium. Ce
n'ost que dans la Sl~SON EN ENFER que la dette va r'appar&itre,
"SatAn" fera valoir son em.priae sur celui ql.1i lui appart1ent
de droit : Rete st 1e feu qui se rel~ve avec Bon damn'" (I)
dira I e podte.

------._---------------------------------------,-------------
(I) NUIT DE L' ENFER
CON C L U S ION
*_......_c.___
_ _ ______ _ __

LE SILENCE DE RIM13AUD
338.

Dans "CRIMEN AMORISt! Verlaine a compris


la nature du projet rimbaldien lorsqu'il fait dire au poete

"Oh!'" je serai celui-la. qui cr~era Dieti.!tt

La nature de ce projet est essentiellement diabolique


puisqu'il e'agit de se faire l'egal de Dieu : Ie projet
de Rimbaud est bien luciferien. II est done n'cessairement
vou~ 8. l"chec. S1 "par l'esprit on va a. Dieu" comme dira
Rimbaud dans UNE SAISON EN ENFER, l'homme n'est pas qu'es-
prit, il est ausai un corps at une arne. Et ceux.-ci dans
I'entreprise de voyance vont etre d~natures : Ie corps
par . 1 'usage des substances hal1ucinogenes perd son identit~
pour se fondre dans l'univers de la sensation ; l'rune est
denaturee de meme par la pratique de tous les vices, la
culture monstrueuse: Le voyant aboutit ainsi a l'eclate-
ment de la personna Ie corps et I'rune sont s().crifi~B
a 1'ambition de l'esprit de s e 8ubstituer a Dieuo (I)

(I) nC e Charme! i1 prit ime et corps 9 A

Et diapers8 tous efforts." : 0 SAISONS. 0 CH.ATEAUX


(Nous Boulignons)
Si le poete accepte cette s~paration radicale entre l'e sprit
et l'ame cleat qu'elle doit l'a.mener a cet "Inconnu", la
source de vie d'ou provient tout art et toute invention.

Que va-t-il se passer arriv' "la-ba.s"? Rimbaud


a consci ence que Bon entrepriae est dfmiurgique et qu'a.
ae faire "voleur de feu" i1 risque de "s'y brUler"

net quand, affole, il finirait par perdre


l'inteIIigence de ses Visions, 11 lea a
vuea~ Qu'il creve dans son bondissement par
lea choses inouies et innommables n (I)

II accepte Ie risque au nom de 1s. Conna1asance, a raison


de la glorification de son humani"te s "i1 les a vues". (2)
Et; "a t i1 creve" dans Bon effort, "viendront d'autres horribles
travailleura" (3) qui ramasseront Ie flambeau de Is. connaissance,
symbole de la marc he en avant del'humanit~ vers Ie progree
mais aussi vera une conscience toujours p1uB ~lev&e.

Essayons de cerner Ie risque pris par Ie voyant, Ie risqu~

de"1' Inconnu tl
dont If examen apportera peut-etre des lumier~s

sur 1& zone d'ombre que demeure 10 silence du poete. Ce risque

(I) Lettre a P. Demeny (15.5.1871).


(2) Et beaucoup d'ILLUMINATIONS &ont d'abord "des choses
vuee",des tableaux.
(3) ofo Note I.
340.

a ~t~ d&fini par Daudelaireo (I) I

"II est defendu a l'homme soua peine de mort


intellectuell ~ de deranger lea conditions
primordiales de son exiatence 0 de deranger
son Destin,,"

Deranger son destin c'est tres preoisement c e qu'a fait Rimbaud :


11 a refuse d'acoepter son destin tel qutil est donn&, a
travers
Itenergie cr ~atri oe de l' "intelligence universelle".11 s'est
empare de son des tin, a voulu sten rendre maitre en annexant la
puissance c r~atrice. Et ce faisant, i1 stest ooupe de son
hum ani t& et s I est retranch~ de la communaut& huma.ine. Dans
NUIT DE L' EN:&'ER, Rimbaud dira "Un homme qui veut se mutiler
est bien damne : . ". En se shpara,nt de son humani te, il a tue
en lui 1'&panouissement de ses possibilites, 11 a etouff' son
destin tel que I e "pI,an de Ie. creation Ie lui assignai t. "Supreme
Savant" oertes .mai s cond amn~ a. l'incomprehension de ses freres
humains incapabl es de oomprendre sa parole. Le voyant n~ parle
plus Ie. langue de l'homme : Ie lieu d'ou il parle clest l'a-
t t:mporalite alors que l'homme rest e prisonnier de son univers
rationnel spatio-temporelG

Celui qui avait rev~ de definir "la quantite d 1 inconnu


steveiliant .~. dans l' ame universelle", de dire Ie. marche de
l'humani te. est ains1 r~duit au silence. Le drame de Rimbaud
est cclui de l'i nc ommunicabilite. Baudelaire qui avait bien

(I) Baudelaire definit ainsi la probl~matiqu~ in~rinseque a


I'util isation de la drce;ue o cf. tiLes Para.dis Artificicls"
La Plei ade Tome I po 3I4.
34,10

~ompriG 1e danger de 1a Drogue dira &

"Un rei que les pa.ssante m~connaiS8ent et q.ui


. vit dan~ la solitud~ de sa oonviction." (I)

Rimbaud p&ssaoutre a cet vertissement de Don a!n' I

"Son pouvantablo BoUfranc~ git dans 13 dioproportien


entre sea mervei1leuses f&cult~9t scquises instantan'-
ment par un pacte satanique, et Ie milieu ell i1 est
condamn' a
vivreo" (2)

Ce milieu ou
i1 est condamn& a
rester I'&temel ineompria eomm.
i1 1e realisera dana 1e po~me'VIES (3) :

"Je TOUS indiquer~~s los riohesees inoules mA


.&gesse Gst AnSS i d e'd"
a1gnee que 1 e c h aoe.
mOD noant 0 . . u

Dans VIES II i1 ajouta :

"J'attends de devenir un tros m~chant fou 000 n

et encore I
,
"Je Buis reeI1ement d'outre-'~ombe, et p s de
oommissiono" (3)

Rimbaud s 'est heurt6 au mur in1'ranchissable qu.i s6pare 1&


puissance du Verba du langage humain s
"Je oomprends t et ne oaohant mtexpliquer sans
paroles paIennes, je voudrs.is me t e.ir~ort (4)

... . ..
tI) ilLes Par dis Artifioiels" 01'0 eit~ p. 3IOo
(2) idom po 315
(3) Lea ILLUMINA'rI OUS
(4) UNE SAISON EN ENFER , ),{AUVAlB SANG
342"

C'est la distance entre 1& langue 8scr e I Ie Verbe, at 10


1angage humain borne par lea sena : paien. Leo mystiques
ont fait l'experienoe de cotta i mpuissance ~ resoudre en mota
1e oontact avec 10 surnaturel"

II reste a
~lucide~ 1e myst~re de "la mort inte11ec-
tue11c" I que1 sens Baudelaire attache-tail ~ co jugement?

L~ crime comml0 par Rimb&ud (tile grand criminel") et


qui va entrainer cotto mort, es t un crime c~nt re la 101 divine
qQi r~git notre destin. Ce dont Rimbaud est conscient pui quill
l'appose a la 10i humaine a

"Un crime, vite, que je tombe au n'ant, de par 1a


loi humaineo" (I)

C'est done qu t i1 reconnait &tre d'ja tomb' au u~&nt de par 1a


loi divine o Quolle est cette loi? C~est que chaque homme en
toute libert~ choisisse at remplisse le destin pour 1equel il
a 't& or" dans 1e Plan divin, destin qui donnera ' son exis-
tenco son sens et sa pl'nitude.

En refusant son destin, Rimbaud s'est mis de l'~cart

l'humanit' , s'est p1ac& en dehors du Plan divino D'eormaia, en


quelque sorte 9 aa vie a perdu Ie sens pour leque1 el1e 6tait
II I
creee , e11e est dovenue inutile : ainsi s'eclaire lterrance
qui suivit, Ie vide perpetuel dana 1equel se meut son existenoe
I
et qui a frappe tous 1es obaervateuro. Rimbaud au Harrar n'eat
I ,
deja plus au monde, 11 accomplit Bon "purgato:lre" s i1 ne
lui recte qu~ 1es apparencea de 10. vie, i1 ~ot condamn' ngir a
ft oomme s til" ~tait vivs.nt.

Comment Rim-::'aud a,...t ..11 enfreint 1a loi? En forran',

(I) IroIT DE LtENFER I UNE SArSON EN ENFER o


, "
"
les portes du ciel

"0 juste, subtil et pu:tssan t opium! tu pOElsedes


lea clefs du paradisl" s'exclamait DE Q:UINCEY.
~)

C'est vrai sans dout e, et Rimband, y est entre .. contre la


volont~ de Dieu. Lui n'a pas voulu interf~rer avec s& libre
d~ci8ion. Mals Ie voyant ignora 1 tavertj,ssement contenu dans
1& Bible a l'entree du jardin d'Eden, Dieu "posta les
ch&rubins et la fla~me du glaive fulgurant pour garder Ie
chemin de l'Arbre de Vie". (I)

Quel est done Ie chatiment divin encouru par Rimbaud?


C'est ce1ui-la meme qui frappa Ie premier Homme :

"Maudi t soi t Ie 801 a cause de tot!


A force de peines tu en tireras subsistance
Tous lca jours de t& vie.
II produira pour toi epines et chardons II
Genese III, 17 - 18.

N'est-ce pas exactement Ie lot de Rimbaud en Abyssinie?


Cl eat aussi d'etre r~duit au silence, a l'incomprehension, a
Ie. soli tude.. De realiser qu' il a trahi i' rrem~ diable ment Ie
destin pour lequel i1 ~tait cr6e, en changcant xadicalement sa
course. Rimbaud a bris ~ les sceaux de sa destinee et desormais
celle-ci est done forclose .
a:u.trement dit i1 a perdu Ie.
liberte de creer son destin qui "Gat maintenant ferm~o
r

"Mon devoir m'est remis, j'a1 braDS' mon sang" dira-t.


11 (2) en pleine conscience de son acte. A qui ~-t-il abandonn6

(I) G~nese III, 24.


(2) VIES III
344.

Ba 1ibert~? II nous Ie revele da.ns UNE SAISON EN En~~R

"6 sorcidres, 6 mis~re, 6 heine c'est a voua que


mon tr' aor a ~t' confi'l"

Rimbaud a. renouvel~ Ie pa.ct ~ de M~phistopheles, il a. vendu son


ame, comme l'avait bien pr6T~ Baudelaire .
"Tout homme qui n'accepte pas lea conditions de la
vie, vend aon arne." (I)

Rimbaud a ni~ les limites sEatio-te~porelles imnosees a Is.


condition humaine en rejetant cette condition : i1 a nie la
culpabi1it~ humaine qUi est a. l'origine de 1a. Morto II est
'crit en effet dans la Genese (2), que Is. mort est la con-
sequence de la Faute origin elle , l'homme ayant mang~ du fruit
de l'Arhre de Is. connaissance du Bien et du Mal. En volant lea
fruits de l'Arbre de Vie (cf. "voleur de feu") Rimbaud transcende
Ie temps et la mort et conna.it la vie ~ternelle de l'esprit. un
temps. Mais ~tant et restant un etre physique, il est n~cessaire
ment condamne a. reprendre la charge de sa condition humaine, crest
a. dire a. retrouver sea 1imites : Ie temps et la mort. Et re-
trouvant "Ie vieil homme" la ou il l'avait laiss~, il realise
d~sormais Ie vide de son existence puisgu'il a ~rdu 1fe8sentiel :
son &.me. Et avec son ame, i1 a perdu Ie.. Po~sie,ee ve!.'be qui
devait etre "de l'ame pour I'ame". Voila. "la mort intellectue1le"
annoncee par Baudelaire Rimbaud est devenu sec comrue une
trique, et selon la syruetrie des correspondances, i l choiait Ie
desert. a'est Ie calvaire qulil devra endurer pOUT. avoir brav6
I'interdiction divine.

(I) "Lea Paradis Artificiels" : Ed. G9.1limard (Polio) p. 143


(2) Genese III, 3
Rimbaud a nie Ie Temps, c'eat a dire la Faute 11
a ain8i rejete comme un detour inutile Ie sacrifice de la
Croix, et plus encore la rfsurrection du Christ. Car en effet
a. quoi sert Ie. Resurrec.tj.on si 1 f homme peut se deli vrer du
Temps par s a propre volont~ at acc~der a la V1e ~ternelle, a'
Itl~bre de Vie, - commo Ie fit Rimbaud par l'usage de substances
hallucinogenes? Drogues que Ie poete idt!ntifie (I) a juete
titre au pouvoir seducteur de Satan. Ne portent-elles pas en
effet la tentation de la promesse originelle : "Vous serez
comme dee dieux"o (2) Cette co!ncidence a~mantiquen'est pae
accidentelle puisqu'elle s'appuie sur des categories operat6ires
dont la fonction est de produire Ie meme r~8ultat : I'exaltation
prodigieuse de l'ego remarqu&e d~ja par Baudelaire : "Arriv~
a ce degr~ de joie et do ser&nite (Ie Bujet) eat contraint
de a'admirer lui-meme. Toute contradiction s'efface. La pleni-
tude de sa vie actuelle lui inspire un orgueil demesurb " (3)

La premiere cat~gorieoperatoire de Ie Drogue est bien


connue c'est celIe qui agit sur la structure apatio- tempore11e
de Ie r~alit' physique. Elle ~tend Ie limit' ~ Itinfini et
elargi t 10. duree aux dimensions de I' &terni t~ .t dont elle ouvre
lea pprtes. C'est ainsi que, selon lea mots de Baudelaire,
elle "d'range lea conditions primordiales de (l')existence" qui
sont bien en effet t l'espace et Ie temps.

La deuxi~me cat~gorie op~ratoire. moins remarqu~e, est


, ,
li~e a
la premiere par un lien de cause a
effet : l'evasion du
Temps, l'entr~e dans Ie royaume des ttparadis Artificiels"
e'accompagne nt dlun retour a l'~tat d'innoccnce originelle. Noue

(I) cf. Supra Appendic eIa. la Pro blematique des Illuminations.


(2) Genese 1IIp 5
(3) "Les Pa r a dis Artifici Is" opo eit. p_ ;10.
voulons dire a la condition ~remi ~ ~a de l'homme cr~et avant
If.\. Chute "1 'expansion des senJt;irnents bienveillants cQ.uB~e
par l'Opium n'est pas un acces de fievre ; cleat plutot
l'homme primitivement bon et just~, restaure et reint~gr~ dans

son 'tat naturel." (X) Rimbaud dira. J "1'~tat primitif de


fils du 801eil". (2) La drogue efface ainsi Ie complexe de la
Faute originelle, Ie syndrome del' AngoisSG" en repla,gant l' homme
par dela Ie bien et Ie mal. On comprGnd que cette promeese de
' lib'ration int~rieure exerce nne puiseantellttraction sur une
6poque caracteris~e par l'fcroulement de toutes les valeurs.

Mais ce qui retient surtout notre attention ici c'est


la formulation tout a fait extreordinaire decette Magie .; nous
retrouvons en effet lea termes memes de Ie dialectique de la
Chute tels que nous les lisons dans Ie Genese (3)

"Mais de l'Arbre de connaissance du bien et du ma.l


tu ne mangeras pas, car Ie jour ou" tu en mangeras,
tu mourras certainement."

Selon Ie Genese la connaissance du bien et du mal enferme l'Homme


dans Ie cycle du temps (c'est ce que signifie la Mort biblique).
La puissance magique des substances hallucinogenes confirme cette
proposition - a. savoir Ie lien entre Ie Temps et la Faute 'tab1i
dans la Genese - en apportant la d~monatration de Be reciproque
Bupprime3 1a conscience du temps et vous supprimez Ia conscience
de la Faute, et par la-meme vous retrouvez l'~tat pr~-adamique.
C'eat du moins la certitude affirm~e aussi bien par Baudelaire
que Rimbaud, a travers leur exp~rience personnel1e, dans des
termea identiques
"l'etat primitif de fils du soleil" Rimbaud
"l'pomme primitivement bon et juste" - Baudelaire

---------------------------------_.__.----------------------------
(r) "Lea Paradis Artificiels op. cit. p .. 346.
l1

(2) VAGABONDS
(3) cfo ~~ndic~ in fine.
La contrepar tie de cette "promesBe 8urhumaine faite a notre
corps et ~ notre arae cr~~a" ( 1) n'avait pas 'chapp~ la a
lucidi te dU poetl'l des Para.dis Artificie ls. 11 y di t en effet:
"Tout homme qui n'ace epte pas lea conditions de la vie, vend
80n tIDe." (2) ' Nbus retrouvons encore une fois le caractere
diaboliqu e) s1 'p ersi stant et inqui~tant, attach& a la magif') de
1a Drogue c'eat Ie pacte de M~phistopheleB qui est evoque
ici par Baudelaire. En quoi concerne-t-il le champ d'action
deB hallucinogenes? La repol1se e st cat~gorique : en tout,
puisqu'il Ie recoupe exaetement. Les conditions primordiales
de l'existence c'eat notre univars spatio-temporel sur Ie plan
physique, et la conscience morale sur Ie plan spiri tue1", in-
culqu~e, ne serait-ce que par osmose, par la civilisation judeo-
I
chretienn~. Liberer l'homme de l'emprise du temps, on reconnait I

derriere son imager1e le peet e du Dr. Faust. Le Temps, Ie '1


premier des fleaux eomme Ie fait dire Rimbaud : "change n06
lots, erible les fleaux. a commencer par Ie temps." (3)

Quant a "ltarbre du bien et du maIn (4) s'il est


pass& provisoirement dans lea ILLIDaINATIONS, il est encore
de- ,I
Ii
1
present dans l' ADIEU d 'une SAISON : "Ie sang Beche fume sur :1
rna face, et je n'ai rien derriere moi, que cet horrible arbrisseau! " .
II remplit donc une fonction esaentielle, bien que negative, I
dana Ie projet rimbaldien.

Rimbaud a done bien refus' lea donnees fondamentales


de l'exiatence en alt&rant Bes coordonn&ea de base le temps

(I) MATINEE D'IVRESSE


(2) of. Suprae p. 342
(3) A UNE RAISON
(4) MATINEE D' IVRESSE
at 1e complf)xe de I n. Fo.uta. U'ori 11 st~mouit, comma noua
I'avona dit pr~c~d ~mme nt, que refU86.D.t J.o. condition huma.ine i1
e. perdu Itame qui fait cette condition :

"Ce Cho.rme 1 11 pri t ..me et corps,


Et dispersa tous efforts." (I)

"Et disperse. tous efforts" comment ne pas songer au contra,ate


avec 10. Voi~ ~troite trac~e par Ie Christ t

nCar large et spo.cieux est Ie chemin qui mene a 10.


perdition mo.is ~troite est 10. por~e et resserr~

Ie chemin qui mene a 10. Vie." (2)

Rimbo.ud a e6say~ 10. plus formidable n~go.tion du Christ qui ait


et~ entreprise par l' homme : par J.a conquete de l' that de
fils du solei1, i1 montrait implicitement que Ie Ca1vaire eto.it un
detour inutile, et 10. R~demption une invention de theo1ogiens.
Cette negation n' est po:i.nt seulement theorique mais experim~ntale
et elle a un n01;1 GENIE, "l'abolition de toutes souffrances,
sonores et mouvantes dans 10. musique plus intense." (3)

te Christ a dit : "Je euis 10. Voie, Ia V~rit', 10. Vie" et


II ce lui qui n'entre pas par 10. porte dans 10. bergerie, mais

(I) 0 SAISONS, 0 CHATEAUX


Nous y reconnai s sons les termes "du pacte satanique". II
~ICe Charme" c: Satan, Le S~ducteur - 10. Magie d~ 10. drogue)
prit rune et corps en bchange d~ quoi il "disperse. tous
efforts".
(2) Mt. VII, I3 - 14.
(3) Nous ne voyons gu.ere que Ie Bouddha, "1' EveiI1~1t, pour s' etre
hiss~ a. pareill e hauteur liberer l'humanite de Is.
souffrance, c' e st bien l a recherche fondamentale du prince
Gau tainao
349

p~ netre par une a'-1 tre v.Q..ie, cehti ... la est Ie voleur , et Ie
pillardG" (I)

Rimb aud tombe tres pr~ci s~mentsQus Ie coup de cet s.vertissement.


II a voulu entrer frauduleuaement Gens l'Eden de 1'~tat pr&-adamique
annulant par magie la connaissance du bien et du mal et donc Ie
joug de la Faute originel1e qui pese sur chacuD4' l'emprisc du
TempsOt

Par son sacrifice sur la Croix et sa R~8urrection, Ie


Christ a ouvert les portes de "I'ancienenfer tl
ctest 11 dire
l'humanit~ prisonniere de la Faute originelle, de Is. loi morale,
de la Mort . Rimbaud reconnaitra trop tard cette mission lib~ra-
trice du Christ .
"Je ne sais plus parler , pourtant aujourd 'hui je
crois avoir fini la relation de mon enfer. C'~tait
bien l'enfer, l'ancien, celui dont Ie fils de
lfhomme ouvrit les portes." (2)

St. Paul dira "il n'y a done plus maintenant de condamnation


pour ceux qui sont dans Ie Christ .e.
car la Loi de l'Esprit qui
donne la vie dana Ie Christ t'El- affranchi de la loi du p~ch~ et
de la mort 0190 tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de
DieuG" (3) La r'surrection, la mort 1& R~surrection est
au centre de la Foi chr~tj.enne puisque sans elle Ie Christ n test
rien de plus qu'un prophete lumineux dont Is. mission a ~chou~
malgr~ Ia foi et Ie zele de ses disciples. Croire en Is. R~
surrection cleat donc essentiellement croire en 1& D1vinit& du
Christ Fils de Dieu, et flqui croit en moi a la vie 'ternelle"
(Jean 6~ 40) cle st a
dire des ~aintenanto Or i1 est bien ~vi
dent que celui qui a 1a vie eter.nel1e ne peut pas etre soumis a
(I) J ean Xp I
( 2) llATIN : UNE SArSON EN EN"FER
(3) Romains VIII, I
350.

la mort Bon etre opirituel persiste comme unit' par-dela Ie


ph4nomene biologique de la mort (qui n'est qu'une variante de Ia
10i universelle de la degradation ne l"nergie).

Rimbaud est-il mort dana la Foi chr~tienne (1)7 Est-i1 retourn~


B. Ia source de toute vie? Ce sont des questions auxquelles on
n0 peut r~pondreJa notre sens, que personnellement. La Foi ne
Be d~montre pas "more geometrico", ni ne a'impose a coups d'argu-
ments eo massue.
Voici pou rtant un document bouleversant I i1 s'agit d'une
lettre adressee par Mme Rimbaud a
sa fille Isabelle, (en I899.1
cteat a
dire huit ans apres la mort de son fils Arthur) :

"Hier pour moi, jour de grande emotion, j'ai ver8~


bien deB larmes, et cepcndant, au fond de ces larmes,
je aentais un certain bonheur que je ne sauraie ex-
pliquer. liier donc. je venais d'arriver a la mease,
j'~tais encore a
genoux faisant ma priere; lorsqu'-
arrive pres de moi quelqu'un, a
qui je ' ne faisais pas
attention' ; et je vois poser ' sous mee yeux contre
I e pilier une bequille, comme Ie pauvre Arthur en

o (I) Un texte de P~gv.y suggere si.mplement Ia possibili d de cette


conversion : It .0.
les honnetes gene, ou enfin ceux qu'on
nomme tela, et qui aiment a
se nommer tela, n'ont point de
d~fauts eux-memes dans l'armure. lIs ne sont pas bles8~8o
Leur peau de morale constamment intacte leur fait un cuir et
une cuiI'asso sans faute. lIs ne pr~sentent point. cetteou ..
verture que fait une affreuse blessure, une inoubliable d&-
trease, un regre t invincible, un point de Buture ~ternelle
m~nt mal ferme . lIs ne pr~sentent point cette entree !l la
la grace qu'est essentiellement Ie pech6."
in\\Hote conjointe sur M. Descartes."
" 0 "une inoubliable d~tressettg n'est-ce pas l'~cho meme des
DESERTS DE 1,' Al1QUR? : "j t ai lai88~ finir toutea les larmes de
mon co rps avec cette nuit - Et mon epuisement me 1.'evenait
pourt ru1t toujours Elle n'est pas revenue, et ne reviendra
jamais. l'Adorp.ble qui st~tait renduechez moi - Vrai
cette foi.s, j t ai pleur~ plus que tous les enfants du monde."
ava.:i.t une. Je tourne ma tete et je .reate an~antie .
ct~ta1t bien Arthur lui-meme . m@me taille, m$me age,
meme figure t peau blanche 8:rise,tre, poihnt de barbe mais
de petites moustaches et pu.is une jambe de moins
et ' ce gar~on me regardait avec une sympathie extra-
ordinaireo Il , ~e mta pas 6t6 possible malgr~ tous mea
efforts de retenir mes larmes, larmes de douleur bien sur,
mala il y avait au fond quelque chose que je ne saurais
. expliquero Je croyais bien que ct'tait mon file bien-
aim~ qui ~tait pr~s de moi. II y a plus encore : une
dame, en tr~s grande toilette, passe pr~s de nous
elle s'arrete et lui dit en souriant : !tViens donc
pres de moi tu seras beaucoup mieux quticio" II lui
r~pond : !tJe vous remercie, ma ta.nte, je me trouve
tr.s bien ici et j~ vous prie de m'y laisser." Cette
dame a in8i8t~ 11 a pref~re rester. II &tait tr~s
pieux et paraiesait au courant de toutea lea parties
de l'officeo

Mon Dieu? e6t~ce done mon pauvre Arthur qui vient


me chercher? .o~ (r)

Vieille croyance populaire qui voit la un signe de


mauvais augure ce qui inciterait a penser que Ie christianisme de
Mme Rimbaud est enracin~ dans Ie paganisme, comme c'~tait souvent
Ie cas dans les campagneso En fait ~kme Rimbaud vivra encore de
longuea anll~e6.

Comment interpr~ter un .tel document? Deux points ne


pr~tent pas a
discussion son authenticit~ ct la bonne foi du
narrateur. A partir de la Ie texte souleve de multiples questions4
Nous ne nous attacherons pourtant pas au point de vue subjectif

------------------------------------------------------"--------
(I) IJettrs du 9 juin 1899' ftRimbaud ll La. Pletatieo po 794
Ed .. Ao Adam.
qui cons iaterait a
faire :pr~ valoir une interprt4tation I depuie
l'illusion simple jusqu t d I' appa:.d tion, en pll.ssant par Ie r~ve
~veill~. Nous nous int~resse ron6 plut6t au fonctionnement
po~tiqu e du texte a
travers s e s locutcura : Mme Rimbaud, Ie
jeune homme, la dame.

I. La relation du jeune homme ~ Mme Rimbaud : quelle que


soit son identit~ et Ie concoura de circonstances, - a vrai dire
stup~fiant - ce jeune homme ~tablit une relation directe avec la
mere du po~te : "ce garf~n me regardait avec une sympathie
extraordinaire u dit-elle. Q.u t elle ait pu se . tromper Bur la nature
de ce regard, est difficilement concevable ~tant donne Ie con-
texte : et cleat certainement la rencontre de ce regard, appuy~e
par Ie contexte qui provoque un instant une breche dans la r~alit~,
l'irruption foudroyante du surreel. Le fait eat que Mme Rimbaud
"reate an~antie"o

Deuxie'me irruption du surr~el dans 1 t episode de la "dame" I


son interventionret Ie refus hautement manifeste du jeune homme-
vient renforcer Ill. surr~alitl de la situation en ~branlant une
nouvelle fois un sens de la realite deja fortement 6prouv6
ttil y a plus encore oe " dit Mme Rimbaud. Le jeune homme manifeste
ainai~apparemmentt son desir de rester pres dlelle, ce qui vient
confirmer la realite du regard.

2. La relation de Mme Rimbaud au jeune homme. EIIe ~volue


en plusieurs phases
dans un premier temps, llirruption du surreel la saisit
de plein fouet : p.r~par~e par I'episode de Ia b~quille (I), 1&
vue du jeune homme est per~ue comme ce11e de eon pro pre fils. Le
surr6el, profitant a. plein de l'effet de surprise, opere alors

(I) On se rappalle que Ie po~te avait du etre ampute ~ Bon


retour d'Aby ss in i e~
avec sa plus grande force Mme Rimbaud est litt~ralement
fou droyce, "ane entie"o Vego, pris au d~pour.vu pendant quelques
instants, est incapable de projeter ses 8ch~mas rationnela :
o'est alors pr~cis~ment que la vision po~tique, innocente t
"surrealistc" a lieu dans III vo.cance des m~canisme6 rationnels,
dans Ie faille de la r~alite apatio-tcmporelleo C'eat a catte
jonction du surrt:':el et du r~el, - Breton dit "Ie hasard objectif" .,
que Rimbaud apparait a
sa. mere . Car, Bans l'ombre d'un doute,
ella a bien ~ son fils~ dane l'innocence de la Vision po~tique I
"c'~teit bien Arthur lui ...mme U dit-elle a sa fille, Isabelle.

dans un deuxi~me temps, Ie sena de la r~a1it~, - la


ration alit~- reprend Ie contrale de la situation Iciest, du
moins la signification probable de ce passage I nil ne m'a pas
~te possible 000 de retenir mes larmes, larme s de douleur bien

sur 0 .. " C t est dono qu' il n t y a plus identification, que Ie


jcune homme n'est pas Rimbaud. L'additif "bien sur" signifie oe
retour au -rationnel : nee nt~tait ~videmment qu'une illusion"
eemble-t-elle dire a
sa fille. Phase, donc, de refoulement.

- dana un troisieme temps, noua assistone un retournement a


apparemment incompr~hensible : immediatement apres avoir admis,
implicitement p eon illusion, elle affirme t

t'Je croyais bien que 0' ~tai t mon fils bien-aim~ qui 'tai t
pres de moi"
C'eat Ie retour. en forc e . du refoul'. MIne Rimbaud nous donne
elle-meme un d~but d 'explication : elle vient en effe't de re-
oonnaitre qu'il y a dans son exp'rience quelque chose d'irreductible
a la rationalite t

"ma.ia i1 y avait au fond quelque chose que je ne saurais


expliquero tt (I)

On observera quo Ie "maia" vient en opposition avec ce qui precede,

(I) cf" supra. de meme : "un certain bonheur que je ne saurais


expliquer".
354.

Ofest ~ dire Ie retour a. Ie. rationali t~ exprim~ dans Ie "bien sur".


C01ltre 1 t apparence, lIme Rimbaud continue ainsi 8. oroire que "e 1 ~tai t
(son) fils bien-aime qui ~tait pres d' (elle)"o En conclure qu'el1e
prend son d~sir pour la r~alit~ serait a. notre avis un contre-sene,
ou 8. tout Ie moins simpliste. Contre cette lecture vient s'opposer
vivement 18. personnalit~ de Mme Rimbaud, et Ie soli de bon sens
de pays anne qui en fait Ie fond. Elle n'eut pas acoept~ de se
laisser aller ~ la Uaentimentalite fadaase", solon l'expression de
, ,
6.on f11so .Il noue semble enfin que cette approche ecrase la poesie
du texte.

Comment alors accorder cette pers~v~re.nce a. "croire",1el1


contradiction avec Ie retour au rationnel inclus dans la proposition
II I,
Pour rendre compte de cet inexplicable - selon les
termes de Mme Rimbaud -, il faut s'arreter ici sur Ie verbe croire
et lui donner la plenitude de son sens, clest a
dire sa dimension
po~tique. L'acte de croire se rev~le etre fond~ non pas sur une
cr~dulit~ aveugle mais sur une conviction intime nee de l'intuitl.on
du coeuro II s'enracine ici dans l'amour maternel, assez fort at
audacieux pour d~passer les apparences, les limites ou s'arrete la
logique t en quelque sorte malgre elle, N~e Rimbaud sent la pr~-
\ ,., f
sence de eon fils a cote delle, en la personne de ce jeune horo~e.

R'aliete comme elle I' est ' " elle ne tarde d' ailleurs pas a
accepter
cette pr~sence intuitive d'Arthur comme un fait : c'eat 1e sens
implicite de la conclusion du texte. Le surr~e1 comme un fait :
n t eta1t-ce pas Ie langage meme du poete dans SOLEIL ET CHAIR? :

"Notre pale ra.ison noua cache l' infini 1


Nous voulo!ls regarder : Le Doute nous punitl
Le doute, morne oise&.u 0 0 .
Qu t elle (la Pense~ bondisse libre et l'Homme aura Is. Fo1~"

lil est-ce pas pr~cisement 18. mame "Foi" que nous rencon trons chez
Nme Himbaud dans ce bond audacieux (audacieux parce qu'il ne
steppuie plus sur l.'ien de tangible) qui l'amene a la rencontre de
3550

60a fils, par dele. "les jours et lea aaisons et lee tres et lea
paya"6? (I)

Quand Mme Rimbaud eroit Bon fils vivant, huit ane apr~s
sa mort, i1 ne atagit pas dtulle foi dogmatique maie d'une intuition
poet:i.que dont on ne peut exclu.re 1a port~ e religieuse I'in...
tuition que son fils ~tait pr~ sent, done vivant d'une maniere ou
d ' une autre 6

N'eet-ce pas ce fondement commun entre l'attitude po~tique et


l'attitude re1igieuse que perxoit Verlaine quant i1 ~crit a son
ami (2), apr~s sa conversion I

"Ce m'est un si STand chagrin de te voir en des voies


idiotesp toi 8i intelligent, s1 pret (3) (bien que fa
puisse t'btonnerl).

(r) BARBARE
(2) Lettre de Verlaine a Rimbaud, I2/I2/I875o in La Plefade t
"Rimband" po 30r. Ed. A. Adam.
(3) Sou1ign ~ par Ver1 aine.
356.

A P PEN D ICE r I

A propos de l'arbre du bien et du mal, ou introduction ~ la


SArSON EN ENFER .

Est-il possible de pousser plus loin ltanalogie


jusqu'a identifi er Ia Magie de la drogue avec "I'arbre de 1&
connaissance du bien et du mal", Ie "fruit d~fenduH ? Introduisons
cette hypothese dans Ie "oystem~n de la Chute et suivons Bon
fonctionnement :

No us avons d~ja not~ la corncidence du champ s~mantique

avec In promesse du serpent : "voua serez corome des dieux t1 Le


point de d~part de Ie dynamique de la Chute qui lui donne son
impulsion initiale, suppose ainsi un Actant dont Ie pouvoir pro~

duit des effets identiques ~ ceux d~ la drogue. Rappelons Ie


chapitre des Paradis Artificiels consacr~a a "l'Homme-Dieu",
cette ra.cuIt~ si particuliere a la drogue d'~lever l'ego a. une
hauteur vertigineuse, ce lieu d'ou "toute contradiction 8tefface.~
(I)dans la plenitude d'une contemplation tourn~e vers sa propre
perfection. C'est la meme exaltation inouie de l'ego qu.e noue
avona sentie a travers GENIE o
Entre la "promesae surhumaine tf (2) de la Magie et la promesse du
serpent de Ia Genese :i.l y a bien ainsi confusion des spheres
d'attraction.
"La femme vit que It arhre ~tait desirable pour
acquerir l'entendemento" (Gene se III, 6)

Ici encore, les aires semantiquee recquvrent Ie meme champ d'action :

(I) Baudelaire
(2) MATI1~ D'IVB}~SE
noue avona souli~le tout au long deB ILLUMINATIONS l'impo r tance
des themes de l'otude, de l'invention, la decouverte. Le
voyant 'est "doue dtune merveilleuse aptitude pour comprendre Ie
rythme immortel et universel" (I), pour saisir les rappo rts du
Nombre et de ItHarmonie~ embrasser "l'infini des mathematiques."(2)
Son domaine est Ie royaume de l'esprit. L'esprit! Son ambition
luciferienne de ae passer de Dieu de se substituer au C r~ateur (3).
I-esprit saisi de vertige par l'ivresse de sa propre puissance:
on voit que nouE sommes en plein dans notre sujet. L'adequation
entre lee deux problematiquee - celles de laChute et de 1a
Drogue - est rigoureuse jusqu'icio

Noue avons ~tabli Ie paralle1isme d'une dynamique


ascensionnelle entre les deux "systemes" ; l'exaltation de l'ego
qui leur est communeo

Nous apercevons imm~diatement Ie para11e1isme de la


dynamique comp1ementaire I "descensionne11e", incorporee dane
Ie mecanisme de la Chute et dans "1'inevitab1e descente du cie1" (4)
qui clot 1a sphere magique de 1a Drogue.
"Ltaire d'atterrissage" est definie par lea memes parametres
puisque c'est tree precisement notre condition humaine dans lee
deux cas :

- pour Rimbaud nous sommes alors" rendu8 a l'ancienne inharmonie" (5)


qutest cette condition depuis l'exi1 de ' l'Eden. Inharmonie I
l'&tat B~pare de la Vie~ 1a perte du langage po~tique.
- pour Ie premier,,' Homme t C 'est la prise de conscience de la
Differenc e , la. rupture de l a totaliU innocente du "nous" entre un

(I) Baudelaire p. ,07 opo cit. Lea Paradis Artificiels


(2) GUERRE
(3) Incidemme nt, l'antithese de cette ambition e st sans doute
donn~e par la Prenliere J36ati tude : ItIIeureux lea pauvres en
esprit " Mt. V, 3
(4) J EUNESSE I
(5) MATINEE D'IVRESSE
358.

"Je" et un "Autre", Itapparition du D~Bir :

"!lars leurs yeux a


to us deux s'ouvrirent et i1s
connurent gutile etaient nus;" Gen~se llI,7.

"lIs connurent q,utils etaient nus tt : c'eat done qu'avant ils


l'ignoraient . Comment? pi1.rce qu'il nay avait pas encore la
differenciation sujet-objet mais ltunite harmonieuse e~ dynamique
du "nous"o Le f~tichiBme de l'objet (1) n'avait pas encore
d~vie la aexualite de la force de vie qui traverse toute 1a

creation.

Avec Ie D~sir ~pparaisaent a1nsi Ie sujet et l'objet, et de l'un


a l'autre, la "distance a"
vide Bur leque1 repoaent l'E"space et
Ie Temps (conscience de la dur~e ou de l'absenee).(2)

II nous reste encore ~ montrer que, 8i telle est bien


1a logique de la Chute, el1e est en fait la resultante du para-
metre nouveau que no us avona introduit : la drogue. tCeei nous
amene a~tudier Ie. relation entre Ill. Magie et 1'~tat pr~-adamique,
- ~tat dont nous venone de donner une approche : Quel est Ie
motif e.ssez puissant qui a incit~ Ie premier Homme a
riaquer Ie
bonheur de l'Eden, a braver Ill. d~fense expresse qui lui ~tait
faite? La r6ponse tient ~videmment dans Ill. promessc d~miurgique
qui lui est faite ."vous serez comme des dieuxo" C'<est en
effet .la seule restriction ("tu peux manger de ~ les arbros du
jardin" dit la Genflse II, 16) qui lui ~tait pos6e, qui 1imitat sa
liberte. En niant cotte limite , l'Homme Bubstitue un Ordre nouveau
au Plan de la cr~ation", se posant ainsi lui-meme comme Ordonnateur
supreme 1 'Homme-Dieu selon Ie mot de Baudelaire, et effective-
ment il se substitue a Dieuo Voila l'unique motif qui "put mouvoir
Ie premier homme de sa condition originelle : se fair e l'~gal de
~.

(1) On a encore aujourd'hui I'expression "femme-objet tl


...
(2) Quand. on est .tpr~sent", Ie temps 'eha.ppe a 1a conscience.
Clest a ce point prtcia que nous retrouvons notre
p' aram~tre 00 0 la Drogue 6' identifio en tous points au "fmi t

d~fendu'i I par la n~gation des limi te~ pOB~es a 1 t existence,


posees aux "conditions de ls. viell (I), et par l'exe.ltation de
l'ego, Ie. sublimation divine de l'etre qu'elle engendre. Le
Nom de la Drogue n'eat autre que Ie. jouissance de Boi-memo
port~e ' aux plus extremes raffinements : et ce ne peut etre
que ltexp~rience de cette jouissance premiere de soi (2) qui
ait pu Busciter Ie D~air d'utiliscr I'autre comme objet de
satisfaction ; rappelons le texte de la Genese I

"Alors leurs yeux &tous deux s'ouvrirent et ils


connurent qu'ils ~taient nus".

Ceest cette exp~rience de la jouissance de .s oi qui, selon la


~

Iigne d'argumentation d~velopp~e, "ouvre les yeux". Exp~rience


qui est encore a l'origine de I'ego p Ie retournement narcissique
sur Boi'o
Le premier. ' Homme, en Be d~tourn~nt de son Cx~ateur, a d~tourn~
ses actes de leur finalit' : Ie produit de ce detournement,
qui ramene tous sea actes a lui-meme, c'est Ie Desir.
Con6~quence de cette scission au Createur, l'Homme a perdu sa
cr~ativit~, l'enthousiasme de la cr~ation a fait place au
travail I "a force de peines .0." Le Desir a engendre 1a
sphere de l'aetion, la "Distance an l'objet, l'Espaee-Temps.

Dans l'etat d.'innocence originelle, l'Homme vivait


spontanement, dans ~a perfection de son corps et de son Sme
ereeso Qtland cette harmonie a et~ rompue, l'adequation de Is.
vo10nt~ humaine a
celle du Cr~at~ur nta pluB &te de fait. La
10i morale nait pr~cis~ment de cette dichotomie entre la volonte
divine et Itambition humaine de se 8ubstituer au Cr~e.teur/qui

(I) Baudelaire
(2) Satisfaction autarcique qui a pour corollaires la solitude
et l'inco mmunicabilit~. "la mort atroce pour les fideles et
les aruan tsfl reconnaitra Rimb aud dans SOLDE.
~60.

est l'essence du mal (cro Ie projet lucif~rien) et l'oeuvre


m~me de la Magie : l'Homme w Dieuo Cons6quences de cett~
dichotomie, cleat la division interieure exprim~e dans la
double aspiration de 1a cr~ature vera son Cr~ateur tIe Bien)
et do la divinisation de l'Homme (Ie Mal, Ie p~ch~ cardinal de
l'orgueil) dont l'origine ne aerait ainsi autre que magique. (I)

On aper~oit maintenant Ie rapport des "Paradis Artificiels"


au "Paradis Terrestre" a c'est litt~ralement un rapport dtex_
clusion ; en niant la limite de ItOrdre cr~e par Dieut I'Homme M

Dieu detruit cette harmonie premi~re. C'eat bien Ia signification


de I'exil de l'Eden , Ia perte de ltharmonie originelle.
Que lea extremes se ressemblent est dans la nature meme de leur
antagonisme : 1a ressemblance ici c'eat Ie retour a l"tat
d'innocence - par dela Ie bien et Ie mal-qui rapproche lea
Paradis Artificiels de l'~tat pr~-adamique. Qui a pu 9~ener meme
ales confondre. Cette confusion cependant ne resiste pas a
1 'analyse ai l"tat pr~-adamique transcende en effet lea
categories morales dans la perfection de sa spontaneite, il n'en
est pas de meme, loin de la, de ltirr~sistible ascension de l'ego
se .
qui a'empare de l'Homme-Dieu. EnAchoisissant 1ui-meme comme
totalite, en niant 1a limite pos~e par Ie Cr~ateurt 1tP.o~~e-Dieu
s I affirme c~ntre Dieu, affirma,tion-n~gation qui eat precis~men t
1e Mal. Cleat la Totalit~ mema de ce double mouvement qui exclue
la possibilite de la conscience morale : Ie chois total de soi
fait eclater la division. int'rieure, les aspirations contradic-
toires verB Dieu (Ie Bien) et vera I'Homme-Dieu (Ie Mal)e
L'Homme-Dieu retrouve une uni te int~rieure et donc une harmonj.e
certes, maia au prix de aa damnation i c'est ce qu'implique

(I) On notera en passant que Ie Fils de l'Homme, condamn~ pour


s'etre fait Dieu, avait toujours montr~ Itexemple de la plus
grande humili t~, humi1i t ~ dont i1 faisai t 18. clef du
Royaume des Cieux.
I'option. de l'Homme-Dieu a le ehoix aoaolu du Malo Damnation
qui eerait &ternelle 6i ee ehoix ~tait irr~verBibleo

Rimbaud nous laiasera Bon "earnet de damn6" (I) 1/


UNE SAISON EN ENFER : "sommes-noua assez de damn~s iei-basl
Moi, j'ai tant de temps d~ja dans leur troupe! Je lea eonnaia
tous. Noue nous reconnaissona toujours nou~ noua d~go~tons.
La. charit~ noua est ineonnueo lt (2)

(I) JAnIS .00 I (8)


(2) L'IMPOSSIBLE : (S)
BIB L lOG RAP HIE
RIM BAUD OEUVRES

Call. La Pl er ade : R. do Reneville/J. Mouque t : 1963


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Banville. Th. de p. 16 / 37
Baudelaire. C. r p. 62,6},64 / 88 / 95,96,97 / 100 / 120/
13 0 ,,137, 139 / 141, 144,I46,147 / I5I
I75 I 180,188 / 191,I96 / 217,219 / 230,
238,239 / 243 I 259 / 273 / 285 / 304,308 ,
3I 2,315,3 17,3 18/ 339 / 340, 342, 345,346.
Beguin. A. s p. 58 / 63 I 231
13ernard. J. M. : p. 179
l3esseto M. : p. 270
Bonnefoy. Y. p. 1 / 66 / 326,328,329 / 330
Borg. G. : p. 57 / 62
130uillane de Lacoste p. 60 / 152 I 325
Bouthoul. B. p. 152
13raqlle. G. p. 102
13reton. A. I p. 21 I 270

Claudel. P. s p. 321, 323


Coleridge p. 62 I 218

Delahaye. E. : p. 153 / 174 / 262


Deleuze. G. : p. 50
Do Quincey p. 95 / 169 / 26I / 342
D~soa.rtes s p. 6 / 33,39
Desoille. R. . I p. 5 / 77 / 194
368.

Dubreuil. J. I p. 2 / 23 / 32
Du.rand. G. I p. 74,75,76,77

Eigeldinger. M. I p. 178 / 326

Eliot.T. S . I p. 278

Eti~lIlble. R. I p. 2 / 3 / 321

Faure. E. I p. 100

Ferenczi. s. p. 229
Flaubert. G. I p. 223 / 300
Forestier. L. : p. 522,324,326
Foucher. A. s p. 47,48
Freud. s. : p. 53

Gardet. L. p. 64

.., Gautier. Th. : p 87,88,89 / 90,91 / 139 / 300

Gide A. I p. 320

Goethe : p. 63 / 261,268,269

Greimas. A. I po 108 / 114


Guiraud. P. I p. 60 / I52 / 32I

Hayter. A. I p. 60,61 I 222/ 260,265


Hegel : p. 40 ,I 46
Helvetiu8 p. 26 / 165,3:66

Holderlin : p. 16,I7

Homere : p. 260
Huxl ey o Ao : p. 62 / 92 / I2I

Iaambard : po 6 / 39 / 40 / 78

Sto Je an de laCroix:'l I p. 41 - 48

Jungo C. : p. 78

Keatso Jo : po 62 / 265,266,261

Laconte de Lisle I .po 169


Lapla.nche : p. 66

Mallarme I po 308

Mauroiso Ao I po 189

Moreau de Tours : p. 6I / 186 i I81,I88,I89 / I92 / 206,201 I


225,226
Munier. Ro a p. p. I

llerval. Go de I po 38 / I23 / I77 / 23I / 257 / 269


Nietzsche I p.I8,I9 / 26 ./ 38 / 40 / 85 / 235,239 /
219 / 285 / 323
Nouveauo G. I po I6I,I68
Novalis : p. 34 / 45 / 62 / 196,198 / 27 0 ,278 /
304 / 3I4

: p. 345
Pierquino Lo I p o 67

\,
Piraneai a p. 62 / 164 / 188
.' PoH. E. a p. 62 / 261

R&cine , p. }9
Random. M. t p. "186
Richer. J. t p. 78
Rousseau. J. J. , p. 26 / 33 / 107 / 220
Ruff. M. A. I p. 325
Ruysbroeck l'Admirable , p. 37 / 47 / 48 / 150

Shakespeare a p. 245,246
Staro bineki. J. : p.}3 / 107

'l'aine I p. 310
Thomas d'Aquin :; p. I / 180

Val~ry. P. : p. 90
Van Gogh. V, t p. 87

Verlaine. P. a p. 161,165 / 175 / I82 / 325 / 352,338


371.

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION
A. Questions de Methode
:B. Plan

PREMIERE PARTIE : GENESE des ILLUMINATIONS


Titre I : Une Charte poetique : "Credo in Unam" p. 10
Titre II: Le Programme de Voyance :
Chapitre I : Le Lieu des Illuminations
l'inconnu .o~ p. 37
Chapitre II: La Methode de la Voyance ....... .. p 49
Titre III: Rimbaud et lea ~ubBtauces hallucinogenes p 59

DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES POEMES DES ILLUMINATIONS


, ordre sui vi : Manuscrit Lucien-Graux . Puis:
BAR BARE 0 0.0.0 p. 223
SOIR HISTORIQUE 0.0 p. 230
MOUVEMENT 0 0 000 p 237
BOTTOM 0 0 . 0 00 p 242
H 000 0 p. 248
DEVOTION 0 0 . 0 0 . 0 00 00 p. 255
DEMOCRATIE 000 0 0 . 0 0 0 0 p 262
FAIRY 0 0.000 p 265
GUE~ 0 000.000 0 0 p. 271
GENIE oo.o ooo , ~. p 276
JEuNESSE " o.ooO OQQO ~ p 286
SOLDE 000 p 307

TROISIEME PARTIE: LA PROBLEAIATIQUE DES ILLUliINATIONS .0 0 p. 3I9

CONCLUSION .~o ooooo.oo.o oooo ooooo.o.o.ooc.o.o o o p. 337


BIBLIOGRAPHIE 0 . 0 0 0 . 0 0 0 00 0 0 . 0 0000 0000 00 p. 362

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