Musique À Voir
Musique À Voir
Musique À Voir
LAACDUNKERQUE
C ompositeur de musique lectro exprimentale et
musicologue, musicien nomade, Jean-Yves Bosseur,
tmoin direct dune grande partie de lart du XXe sicle, a
tudi avec Karlhein Stockhausen, a travaill avec John Cage et
Merce Cunningham, Pierre Henry... Ces rencontres nourrissent
la conviction de Jean-Yves Bosseur quaucune cloison entre
les disciplines nest respecter ou subir. Les tensions, les
chocs issus de la coexistence des arts permettent linvention, la
surprise et vitent limitation.
En concevant lexposition Musique voir, prsente au LAAC
du 29 avril au 17 septembre 2017, il nous propose une approche
des relations entre les arts plastiques et la musique, partir
des productions artistiques de Jean Tinguely, Yves Klein, Nam
June Paik, John Cage, Vasarely, Pierre Bastien, Cleste Boursier-
Mougenot... soit 150 uvres visuelles, sonores et installations.
Le Conservatoire de Musique et dArt Dramatique de
Dunkerque, linitiative de ce projet, est naturellement
le partenaire essentiel du LAAC pour offrir une riche
programmation musicale qui accompagne lexposition.
Musique voir se prolonge au Frac Nord-Pas de Calais avec
lexposition Le son entre, propose du 29 avril au 31 dcembre.
2|3
dito
Les rapports sons/images Certains sont capables de
nous concernent tous, et percevoir nettement un son
naturellement de nombreux en voyant une image, dautres
plasticiens ou musiciens. associent les consonnes et
Musique voir ou comment
Depuis plus dun sicle, des voyelles des colorations trs
se laisser dborder par le
travaux sur les perceptions prcises... La synesthsie nest
syndrome Bouba Kiki
ont donn lieu des exp- pas une pathologie mais une
Dans nos socits hyper- riences sur les correspon- simple caractristique phy-
rationnelles, peu de place dances harmoniques entre sique qui largit le champ des
est laisse la sensibilit. son et couleur. Le visuel perceptions et de ce fait les
Pourtant, nos sens nous investit ainsi la musique, et le facults cratrices.
guident, nous tiennent en son: le visuel. Certains artistes
Wassily Kandinsky voyait
veil, nous alertent Ils sont le ont voulu crer une unit
des couleurs en mouve-
vecteur des plus grandes sur- polysensorielle, cherchant des
ment lorsquil coutait de la
prises et du monde ordinaire. donnes objectives comme
musique.
celles de la thorie vibratoire
Ils saccordent, se compen-
des couleurs ou au contraire Auguste Herbin associait
sent et se combinent naturel-
purement subjectives, auto- naturellement des phonmes
lement.
suffisantes et singulires. des couleurs et des formes
Dans le but de comprendre De nouveaux mdias telle la do son alphabet plastique...
mme ce qui semble vido ont investi ce champ. Le LAAC, Lieu dArt et Action
irrationnel et particulier Les rflexions sur le rythme Contemporaine et le Conser-
chacun, les neuroscienti- comme une organisation de vatoire de Musique et dArt
fiques tudient leur facult lespace mais aussi du temps Dramatique de Dunkerque
dinteragir. Ils ont dcouvert sont dterminantes. Des se sont tout naturellement
Sommaire des standards mais aussi des
exceptions.
machines-uvres ont vu le
jour. Les systmes dcriture
associs pour vous proposer
Musique voir, une exposition
Le syndrome Bouba Kiki du son deviennent aussi un tonnante, en invitant Jean-
toucherait 98% de la popu- terrain de cration visuelle. Yves Bosseur, compositeur et
Musique voir
P. 4 lation. Il dmontre que la Mais plus encore, pour vous, musicologue, spcialiste de
majorit des personnes sou- le bruit est-il par nature ces questions.
Entretien mises aux tests associent invisible? Une image est-elle Musique voir: un voyage au
avec Jean-Yves Bosseur les mmes sons aux mmes sonore? cur des sens, pour se laisser
P. 8 formes: bouba une
Laudition colore est un don dborder par des syndromes
forme arrondie etkiki qui pourraient vous rendre
L'exposition un peu trange mais parfai-
P. 14
une forme anguleuse. heureux!
tement naturel pour une part
Dautres tudes parviennent
infime de la population. La
La cration sonore la conclusion quune musique Sophie Warlop
synesthsie est une particula-
contemporaine: une double rapide et rythme est gn- conservatrice/directrice
perspective rit neurologique involontaire,
ralement associe des cou- des muses de dunkerque
P. 26 consciente, permanente et
leurs chaudes (jaune, orange,
immuable. Elle justifie une Rgis Kerckhove
rouge) et une musique lente
Le son entre forme de subjectivit de la
P. 30
des couleurs froides ou directeur du conservatoire
perception. de musique et d'art dramatique
sombres (bleu, violet, bleu-
Remerciements & crdits vert). de dunkerque
P. 34
Couverture: From here to hear Cleste Boursier-Mougenot. Courtesy Museum of Old and New Art (MONA), Hobart, Tasmania. ADAGP, Paris, 2017
3
Musique voir
JEAN-YVES BOSSEUR, COMMISSAIRE DE LEXPOSITION
4|5
lorigine la fois de la musique exprimentale et des arts sonores, source dinspiration de nombreuses
pratiques performatives actuelles, la musique Fluxus ralise lanti-art de Dada et le dpassement
de lart des situationnistes en abolissant la frontire entre le crateur et le spectateur
et en proclamant lquivalence entre la musique, lart et la vie.
Fluxus et la musique, Olivier Lussac, Les presses du rel, 2010
6|7
En-de des conjonctions sensorielles, dautres artistes ont travers la pluralit des dmarches signales ici, des notions
tent dexplorer les relations entre musique et arts plastiques pivots viennent sinsinuer la manire dune basse continue:
au niveau mme de leur structure formelle, de leur nombre. le jeu (avec la flexibilit et le risque qui lui sont inhrents),
Ce troisime axe prsente par consquent des uvres dont lcart par rapport aux systmes conventionnels et aux cat-
le paradigme sinscrit dans la proximit de la pense musicale, gories artistiques convenues, linterrogation sous-entendue par
ctoyant par exemple lesprit sriel. Dans ce cas, laspiration des projets saisir en tant que processus dynamiques plutt
ultime nest plus tant daboutir une fusion de tous les arts, quuvres immuables; et le plus souvent, loin dtre valorise
une communion polysensorielle, que de trouver une loi gn- en tant que telle, la technologie fait elle-mme partie de ce
rale suprieure, apte passer outre les contraintes matrielles questionnement.
propres chaque art et tendre vers dauthentiques correspon-
dances structurelles. Les uvres correspondant aux premier
et troisime axes ont t runies dans la salle 1.
Nous aurions pu articuler un quatrime axe autour des diverses
facettes de la reprsentation visuelle de la musique. Toutefois,
il y aurait l matire une exposition entire et nous avons
donc pris le parti de nous en tenir cette facette trs particu-
lire de la transcription visuelle du son et de sa transmission
quest la notation.
Si les compositeurs ne se sont pas privs, en particulier partir
de lessor des notations graphiques depuis les annes cin-
quante, de jouer sur limpact visuel de leurs partitions, de nom-
breux plasticiens, notamment ceux qui pratiquent le collage
ont eux-mmes tir parti, leur manire, de cet espace codifi
de signes spcifiques (destin rester partiellement secret
pour les non-initis) que reprsente la partition. Entrecroisant
donnes symboliques et graphiques, la notation musicale pr-
sente un intrt trs particulier pour le peintre, dans la mesure
o il nest pas ncessairement familier avec son code de lecture.
Sans que lon puisse proprement parler dceler une fracture
entre les intersections pluri artistiques du dbut du sicle et
celles de ces dernires dcennies, il est manifeste que les pro-
blmatiques se posent de manire diffrente pour les artistes
qui ont assimil lexprience de luvre ouverte, dfrich les
territoires encore trs partiellement explors des mixed-media,
se sont confronts aux problmes des nouvelles formes de
notation et de communication. Si, au cours de la premire
partie du XXe sicle, les associations entre plusieurs disci-
plines sont souvent demeures gnralement ltat virtuel (
lexception bien sr des formes traditionnelles de confrontation
audiovisuelle que reprsentent lopra ou le ballet), limaginaire
contribuant tisser des liens suggrs de manire plus ou
moins indirecte, dans un certain nombre de cas plus rcents,
cest une coopration effective de diverses formes dexpres-
sion que nous sommes convis. La plupart du temps, lambition
dune uvre dart totale, selon les vux de Richard Wagner
deviendra par consquent hors de propos. Certains mouve-
ments artistiques, tels le futurisme et le dadasme reprsentent
les prmices de telles dmarches.
Cest ainsi que se profile un cinquime axe, prsent dans
les salles 4 et 5, qui tend se situer par-del les catgories
artistiques traditionnelles. Plusieurs artistes dcident en effet,
pour certains de leurs projets de cration, de changer dins-
trument, selon lexpression de Kandinsky, de sengager dans
des actions dont le statut devient ambigu, polyvalent (comme
celles des membres du mouvement Fluxus). D'autres prouvent
le besoin dune collaboration avec un artiste pratiquant une
autre discipline; ces interactions voient galement lavnement
de la sculpture sonore, plus rcemment encore, des installa-
tions, les dveloppements technologiques des multimedias
jouant un rle de catalyseur cet gard.
Auteur, titre, Anne
Entretien
ENTRE JEAN-YVES BOSSEUR ET RICHARD SCHOTTE,
RESPONSABLE DU DPARTEMENT ART ET MDIATION.
Vous avez dit quen tant que compositeur Le voyage, le nomadisme et lacceptation
vous vous considriez comme un voyageur et de se perdre comme autant de conditions
vous voquez galement le nomadisme. Pouvez- de cration nous interrogent sur une certaine ide
vous nous dire ce que cela signifie pour vous? de la carte, du territoire. Est-il possible de faire
carte et donc de marquer un parcours, de placer
Cela veut dire que, sans vouloir me disperser pour autant, je des repres, dinscrire un relief tout en consid-
souhaite rester lafft de tout ce qui peut me permettre de rant le dsir de la surprise, et dun parcours
mouvrir sur les territoires artistiques et culturels qui soffrent que lon voudrait perptuellement originel?
mon attention; le voyage implique pour moi la qute de la
dcouverte; mais cela ncessite aussi dadopter une manire de Il me semble que certaines stratgies permettent prcisment
discipline et de rigueur personnelle, afin de ne pas se contenter de concilier une part de prvisibilit et une autre susceptible
de papillonner superficiellement dune exprience une de laisser survenir toutes sortes de surprises, dpassant, voire
autre. transgressant ainsi tout ce que lon pouvait avoir pressenti
lorigine dun projet. Cest mme le sens profond que jaccorde-
rais au phnomne de luvre ouverte qui reprsente pour
Que diriez-vous de cet adage selon lequel pour moi un des apports majeurs du XXe sicle, et dont les cons-
dcouvrir une uvre, il faut ne pas matriser quences sont loin davoir t puises de nos jours.
mais accepter de se perdre? Ne diriez-vous pas
que le travail de composition peut se construire
sur un principe quivalent? Pouvez-vous nous en dire plus sur cette ide
duvre ouverte?
Tout fait. Se protger derrire des dogmes ou des systmes,
avec lambition ou la prtention de matriser le terrain que lon Cette notion a notamment t dveloppe, au dbut des
explore mest toujours apparu comme un risque majeur lorsque annes soixante, par Umberto Eco dans louvrage qui porte
lon choisit de se confronter la problmatique de la cration. prcisment ce titre. En fait, cest du dpassement de luvre
Selon moi, composer, cest ne pas cesser de questionner et, en tant quobjet fig, aux contours fixs une fois pour toutes,
ce propos, je rejoins totalement Woody Allen lorsquil la fois vis--vis de son crateur et de son rcepteur, dont il
proclame: Jai des questions toutes vos rponses. est question. Et ce phnomne ne concerne pas seulement
la musique mais galement la littrature, les arts visuels,
larchitecture. Cest ce qui ma dailleurs amen lui consacrer
rcemment un ouvrage, Luvre ouverte dun art lautre
(d. Minerve). Et cette thmatique se nourrit de rflexions sur
dautres notions qui jouent un rle crucial dans lesthtique
contemporaine tels lalatoire, lindtermination, la mobilit;
celles-ci ne sauraient tre confondues et suscitent, bien au
contraire, des dclinaisons tout fait spcifiques qui refltent
le statut que lartiste accorde lacte individuel de cration
et les rapports de complicit quil souhaite dvelopper avec
le spectateur.
8|9
Marcel Duchamp dit: Cest le regardeur Une des questions que pose lexposition Musique
qui fait luvre. Entre le regardeur et lauditeur, voir dont vous tes commissaire concerne
il semble y avoir des nergies diffrentes. la monstration. Comment montrer la musique?
Comment parleriez-vous de la dimension Cette question est prsente dans les uvres
participative et du rle du visiteur? mmes. Elle est prsente galement dans lide
Quels sont les enjeux de cette rencontre? dune exposition. Comment mettre la musique
en lumire?
Il existe dsormais une infinit de nuances en ce qui concerne
les relations entre le regardeur (parfois simultanment audi- Nombreux sont les peintres qui ont tent de concrtiser
teur) et luvre. Cela va de la facult d interprtation qui visuellement leur prdilection pour un compositeur, ou bien
lui est implicitement offerte jusqu lventualit dune action un modle structurel, comme la fugue; ainsi, tout au long du
effective, cest--dire en intervenant dans son fonctionnement XXe sicle, on ne compte plus les hommages Jean-Sbastien
mme; cest ce que lesthticien Frank Popper a qualifi de Bach, ainsi que les fugues labores par des artistes plasti-
participation du spectateur , une notion centrale de son ciens (citons seulement Kandinsky, Kupka, Klee, Albers, Henri
ouvrage Art, action et participation (d. Klincksieck). Lexposi- Nouveau, Ayme, Reigl). Par ailleurs, un lieu dchanges trs
tion devrait justement favoriser ces modalits dapproche trs vivifiant rside dans le phnomne de la notation musicale, qui
diversifies, avec dinpuisables rebondissements depuis a suscit une vive curiosit de la part des artistes visuels alors
le sonore jusquau visuel et vice versa. que, pour leur part, partir des annes cinquante, plusieurs
compositeurs, notamment John Cage, Earle Brown, Cornelius
Cardew, Sylvano Bussotti, Louis Roquin ont dlibrment
Vous avez toujours t passionn par le lien cherch mettre en relief les qualits graphiques de leurs
troit qui peut exister entre la musique et les arts partitions, inventant de nouveaux corpus de signes et visant
plastiques. Comment expliquer cela? La relation ainsi stimuler de faon indite limaginaire de leurs interprtes.
entre ces deux domaines de la cration rvle
une volont de favoriser la cration dun nouvel
espace qui serait le fruit de la rencontre entre Si nous revenons au processus de cration et
les deux premiers. Comment pourrions-nous cette libert que vous affirmez dans lexprience
le nommer? Le qualifier? ouverte et nourrie de linspiration, des influences,
des expriences, faut-il considrer que cette
Avez-vous le sentiment que la musique seule ne
dimension est apparue avec les avant-gardes
suffit pas, que les arts plastiques seuls ne suffisent
du XXe sicle ou en trouvons-nous des traces
pas? Sclairent-ils lun lautre? Se rvlent-ils
dans la cration plus ancienne?
lun lautre? Sadditionnent-ils?
On peut trs certainement trouver des prmices dune telle
Depuis de nombreuses dcennies, la division acadmique dimension dans les uvres du pass (je pense par exemple
opre par certains esthticiens entre les arts du temps, au Menuet aux ds attribu Mozart) dans la mesure o, dans
de lespace et du mouvement sest rvle de plus en plus le domaine de la musique notamment, jusqu la fin du XVIIIe
caduque. Cest dailleurs ce que tienne Souriau1 a parfaitement sicle, la notation, qui laissait alors de nombreuses initiatives
su dmontrer dans son ouvrage La correspondance des arts. aux interprtes, tait beaucoup plus flexible que ce quelle est
Les frontires entre les diffrentes disciplines sont devenues devenue partir de lpoque romantique. Toutefois, si lon envi-
des plus poreuses, mme sil savre ncessaire de reconnatre sage la ralit artistique plus globalement, cest tout de mme
la spcificit de chaque domaine. Du reste, Kandinsky lavait au cours des premires dcennies du XXe sicle, avec les avant-
parfaitement compris lorsquil crivit, il y a maintenant un peu gardes historiques (futurisme, dadasme, suprmatisme) que
plus dun sicle: Un art doit apprendre dun autre art lemploi lon assiste une remise en question, parfois des plus radicales,
de ses moyens, mme des plus particuliers et appliquer ensuite, de la notion duvre dart et de la place assigne son auteur.
selon ses propres principes, les moyens qui sont lui et lui Lavnement de luvre ouverte est trs certainement un
seul . En effet, la confrontation entre les arts ne prsente des avatars, des bouleversements quont provoqu de tels
aucun caractre dvidence, mais suppose de mettre en branle mouvements, branlant en profondeur les certitudes que
des formes de tension capables dviter les vagues mta- daucuns jugeaient acquises.
phores (pour reprendre une expression de Souriau) sur les-
quelles reposent trop souvent les tentatives pluridisciplinaires.
Le problme nest pas que chaque art ne se suffirait pas lui-
mme, mais quil existe un certain nombre de facteurs aptes
favoriser de fertiles rebondissements dun moyen dexpres-
sion un autre, tels le rythme, les proportions numriques, les
notions de variation, de srie Deux exemples parmi dautres:
la temporalit a t ressentie comme un lment dterminant
pour de nombreux peintres qui se sont engags dans la voie de
labstraction, tandis que la dimension de lespace a t prise en
Ma peinture, cest une peinture spontane
compte de manire trs active par les compositeurs, en parti- faite dimprovisations, de hasards contrls.
culier depuis la seconde partie du XXe sicle. Daniel Humair
Aujourdhui, nous ne sommes plus dans la logique Pouvez-vous nous parler plus en dtails
des avant-gardes voques prcdemment. de vos collaborations avec les artistes?
Les grands mouvements ont disparu au profit Jan Voss et Pierre Alechinsky, que vous citez,
de postures individuelles mais il faut constater sont prsents dans nos collections.
que la cration contemporaine affirme comme
Au moment de la conception dun disque qui devait tmoi-
un principe le croisement des disciplines et
gner de diffrentes interventions organises en Ardche, jai
des techniques. Quelle approche et quelle vision imagin que le peintre Pierre Alechinsky pourrait concevoir un
en avez-vous? contrepoint plastique en troite relation avec le projet. Jai alors
Il est vrai qu distance dun sicle, ces mouvements artistiques trouv un petit recueil contenant un ensemble de mlodies
destin tre fix sur la lyre des instruments vent. Je lai
peuvent nous paratre quelque peu lointains. Toutefois, ils nont
mon tour remis Pierre Alechinsky, vivement intress par les
pas cess de nous apporter de prcieux enseignements; aprs processus de dtournement, de palimpseste. Quinze des pages
tout, entre eux et nous, il y a eu le Bauhaus, Fluxus, mme sil ont servi de base un assemblage lithographique, redistribu
faut bien admettre que les exprimentations relvent dsormais en quinze images. Pierre Alechinsky a effectu, sur des papiers
plus dinitiatives individuelles que de dmarches de groupe. report, des recouvrements partiels, caviardages, enlumi-
Les croisements des disciplines sont devenus dautant plus nures..., superposs chacune des quinze pages de partition. Il
incontournables que les nouvelles technologies ont considra- ma laiss plusieurs espaces avec des portes musicales vierges
blement nourri les modalits dinteraction entre les arts. Encore pour intervenir en rponse au matriau musical dorigine, dj
convient-il bien sr de savoir les interroger et ne pas y voir mtamorphos. Cest donc une srie dchanges qui sest ainsi
par trop navement une forme de progrs. Les technologies opre entre nous.
offrent en effet des outils pour dvelopper de tels croisements partir de la lithographie, jai entrepris un dchiffrage de len-
mais, mon sens, ne constituent nullement une fin en soi. Et semble, me servant de ses ajouts et commentaires graphiques,
je persiste penser quil existe de multiples entres possibles de ses effets de masque, comme de clefs pour transformer le
pour aborder cette question, aussi bien par le biais du rapport matriau originel. Enfin, jai report certaines de ces variations
lcriture et la notation, certains modles formels gnra- dans les espaces laisss vides. Jai obtenu de la sorte une suite
teurs, que de celui de la conception et de la ralisation dobjets de squences destines un orchestre dharmonie, en raction
chacune des pages ainsi traites par Pierre Alechinsky. Le
et despaces tout la fois sonores et visuels.
livre-partition La Plume (d. Actes Sud) est devenu un des l-
ments de ce projet entrepris en Ardche partir de 1990.
Venons-en lexposition Musique voir. Jan Voss, qui a ralis plusieurs ouvrages en collaboration
Quel a t votre point de dpart? Comment avez- avec des crivains (Peter Handke, Jean-Christophe Bailly, Jean
vous procd pour dfinir les grandes orientations,
Frmon...), avait mis lide que nous concevions ensemble un
livre-partition dchiffrable par tout amateur disposant dun
les grandes questions qui structurent ce parcours
minimum de connaissances musicales... et dun piano. Nous
et nous propose votre point de vue?
avons imagin que ce livre puisse tre plac sur le pupitre de
Cette exposition est pour moi une manire de concrtiser une linstrument, et quil invite toutes sortes de trajectoires et de
rflexion que jai entreprise il y a plus dune vingtaine dannes vitesses de lecture pour le futur interprte; nous avons tout
dabord labor chacun un ensemble de petits fragments musi-
et qui sest traduite sous la forme de trois ouvrages, Musique,
caux et plastiques isols, indpendants, qui seraient ensuite
Passion dartistes (d. Skira), Le sonore et le visuel (Dis-Voir) agencs les uns en regard des autres. Cest ainsi que J. Voss a
et Musique et arts plastiques, interactions, ce dernier ouvrage distribu mes lments de partition par rapport lespace de
ayant donn lieu deux rimpressions augmentes. Sans chaque planche. Puis il a demand Jean-Christophe Bailly
compter les collaborations que jai eues, en tant que com- dintervenir sous la forme dun texte que jai mon tour utilis
positeur, avec plusieurs artistes tout au long de ces annes loccasion dune relecture de lensemble pour voix chante
(Jan Voss, Pierre Alechinsky, Claude Melin, Tom Phillips). et piano, Im Irrturm (d. Lelong, 1991).
lorigine, passionn conjointement par ces deux domaines et
constatant non sans quelque apprhension au dpart la pro-
lifration des changes entre les deux au XXe sicle, jai voulu
en quelque sorte canaliser ce trop-plein dinformations en pro-
posant quelques axes autour desquels pourraient sarticuler
les dmarches en question. Je navais nullement lintention
ni la prtention de dfinir des catgories figes, ce qui aurait
t contraire ce quil y a dambigu, voire de paradoxal en
elles, mais juste desquisser des points de repre relativement
fluides et susceptibles de sentrecroiser parfois. Plutt que des
catgories, ce sont donc de prfrence comme des ttes
de chapitre qui sont la base de ce parcours: quivalences
sensorielles et synesthsie, correspondances structurelles, le
rythme en tant que dnominateur commun aux diffrentes
disciplines artistiques, les connotations visuelles de la notation
musicale, les pratiques pluri artistiques.
10 | 11
Comment rendre compte, sans tre dmonstratif
ou didactique, de la relation entre ces deux
domaines que sont la musique et les arts visuels?
Les croisements entre les arts du temps et
de lespace nous plonge dans un dsir
dexpriences sensibles et sensorielles.
Lexposition le permettra-t-elle?
E n 2004, le premier cyborg est reconnu par un gouvernement. Il sappelle Neil Harbison,
et son eyeborg lui permet dentendre les couleurs grce une camra implante dans
son crne, qui transforme le spectre lumineux en frquences sonores. Atteint dune
forme de daltonisme aussi extrme que rare, ce dispositif technologique devait en premier lieu
lui permettre de distinguer les couleurs. Le phnomne est all beaucoup plus loin. En plus den-
tendre les couleurs, il rendait capable dassocier instinctivement les musiques aux couleurs pour
devenir un vritable prolongement de ses sens. Neil Harbison, alors le seul tre au monde atteint
de sonochromatisme, met son humanit augmente au service de lart et peint des portraits
sonores.
Avance technologique et sociologique, dans cinq, dix ou vingt ans peut-tre serons-nous tous
greffs, et regarderons-nous travers notre eyeborg le passage au cyborgisme comme nous
regardons aujourdhui larrive du Walkman. Alors, dans la perspective dun futur peupl de
sonochromathes, une exposition comme Musique voir est-elle en voie dextinction? La rponse
serait oui, sil ne sagissait que dassocier couleurs et sons. Heureusement pour nous, les relations
entre la musique, les sons et les arts visuels sont bien plus varies et complexes que a, et cest
exactement ce que Musique voir nous raconte. Parfois synesthtes, parfois non, musiciens,
plasticiens, tous les artistes prsents ici se sont appropri de manire unique les deux disciplines
et cela va souvent au-del de la transcription colore dun son. Certains artistes retiennent de
la musique une logique structurelle transposer sur un autre mdium. Dautres lenvisagent
comme une force expressive. Le rythme est-il simplement une pulsation rpte, plus ou moins
rgulirement? Comment lcriture musicale influe-t-elle sur les musiciens et la musique elle-
mme? Avez-vous dj entendu la mlodie des mathmatiques? La musique urbaine de Berlin?
Des oiseaux jouer des solos de guitare? Pensez-vous que la musique nexiste pas sans le son?
Musique voir met mal la conception commune de la musique, du musicien et de lauditeur.
16 | 17
Rythme entre
temps & espace
18 | 19
Signes & notations
20 | 21
Interaction
22 | 23
24 | 25
Il faut voir la peinture abstraite comme on coute la musique, sentir lintriorit motionnelle de luvre
sans lui chercher une identification avec une reprsentation figurative quelconque. Ce qui est important,
ce nest donc pas de voir labstrait, cest de le sentir. Si une musique me touche, mmeut, alors jai compris
quelque chose, jai reu quelque chose... Dans ce que je considre comme une volution naturelle,
jai surtout apprci la thorie surraliste de la libration du subconscient. Labstrait cest la libration
de tout conditionnement extrieur, cest laboutissement dun processus de cration individuelle,
de dveloppement personnel dont les formes nappartiennent qu moi-mme.
Grard Schneider
26 | 27
9 Evenings: 9 Evenings: 9 Evenings: 9 Evenings:
Theatre & Engineering Theatre & Engineering Theatre & Engineering Theatre & Engineering
David Tudor, Lucinda Childs, yvind Fahlstrm,
Fruit de la collaboration Bandoneon! Vehicle Kisses Sweeter than Wine
dartistes et dingnieurs,
9 Evenings est une srie de 2009, 39', couleur, documentaire 2010, 38', couleur, documentaire 1996, 71', couleur, documentaire
performances donnes en Les 14 et 18 octobre, David Prsente les 16 et 23 Prsente les 21 et
octobre 1966 l'Arsenal du Tudor, qui fait partie avec octobre, Vehicle est une 22 octobre, Kisses Sweeter
69e Rgiment de New York. John Cage et Gordon Mumma performance musicale et than Wine est une perfor-
Organises par Billy Klver du pool de compositeurs de chorgraphique de Lucinda mance thtrale dyvind
et Robert Rauschenberg, la compagnie de danse de Childs mettant en scne trois Fahlstrm qui propose
les neuf soires qua dur Merce Cunningham, trans- danseurs, un systme de une critique aussi radicale
lvnement furent lorigine forme la vote de lArsenal du mobiles et de projecteurs, quextravagante de lidologie
de vritables dcouvertes 69e Rgiment de New York en un metteur ultrasons et du bonheur dfendue par la
technologiques et scniques. immense caisse de rsonance. une cabine sur coussin dair. socit amricaine. La tech-
La preuve que la science a Une exprience lectroacous- Rminiscence des machines nologie des ingnieurs de Bell
bien sa place dans la cration tique haletante et chaotique, lumineuses du Bauhaus, est ici mise au service dune
artistique contemporaine. conduite par les soufflets dun ce dispositif repose sur la machine de scne explosive
Ralisation: bandonon connect un cration du son par le dont lartiste est le Monsieur
Barbro Schultz Lundestam rseau damplificateurs. mouvement. Loyal.
Production:
EAT, B. Schultz Lundestam,
Billy Klver & Julie Martin
Participation: 9 Evenings: 9 Evenings: 9 Evenings:
Daniel Langlois Foundation Theatre & Engineering Theatre & Engineering Theatre & Engineering
for Art, Science and Techno- Deborah Hay, Robert Rauschenberg, Robert Whitman,
logy, Robert Rauschenberg Solo Open Score Two Holes of Water-3
Foundation, ministre de la
Culture et de la Communica- 2012, 41', couleur, documentaire 1997, 32', couleur, documentaire 2013, 38', couleur, documentaire
tion (CNAP).
Solo de Deborah Hay, repr- Open Score est une perfor- Two Holes of Water-3 de
sent les 13 et 23 octobre, mance thtrale de Robert Robert Whitman fut prsent
nest pas proprement parler Rauschenberg qui fut donne les 18 et 19 octobre. Dans
un solo mais une pice chor- les 14 et 23 octobre. Elle cette variation sur le drive-in,
9 Evenings:
graphique pour 16 danseurs, souvre sur un match de sept voitures venues se garer
Theatre & Engineering 8 plates-formes tlguides tennis entre un homme et sur le plateau projettent diff-
Alex Hay, et leurs oprateurs. Chaque une femme, dont le bruit des rentes squences tout autour
Grass Field danseur semble toutefois balles heurtant les raquettes de la scne: documentaires
suivre une dambulation est amplifi. Peu peu le animaliers, programmes de
2008, 38', couleur, documentaire
solitaire qui ne rencontre couple plonge dans lobscu- tlvision, films raliss par
Grass Field fut prsente les qupisodiquement celle rit, laissant apparatre une lartiste ou tourns en direct
13 et 22 octobre. Cette perfor- des autres, quand il nest pas foule fantomatique projete depuis le balcon de la salle.
mance dAlex Hay relve isol sur une plate-forme. sur trois crans suspendus
la fois du dispositif scno- au-dessus du public.
graphique et de lexprience
scientifique. Couvert dlec-
trodes qui amplifient les sons
les plus intimes de son corps,
assis devant un grand cran
sur lequel apparat son visage,
lartiste repousse les limites
perceptibles de lindividu.
9 Evenings:
Theatre & Engineering
Steve Paxton,
Physical Things
2013, 29', couleur, documentaire
Les 13 et 19 octobre, Steve
Paxton investit la grande
salle de lArsenal du 69e
Rgiment de New York avec
une gigantesque structure
gonflable en polythylne: un
ensemble compos de longs
tunnels, dune salle et dune
tour, travers lesquels les
spectateurs sont invits se
dplacer. quip dune petite
radio de poche, chacun peut
saisir les ondes dune bande
sonore compose par Robert
Ashley.
Auteur, titre, Anne
9 Evenings:
Theatre & Engineering
Yvonne Rainer,
Carriage Discreteness
2008, 38', couleur, documentaire
Prsente les 15 et 21 octobre,
Carriage Discreteness est
une performance chorgra-
phique dYvonne Rainer, qui
juxtapose diffrents lments
livrs linterprtation du
public: le dplacement
dobjets et de personnes
au niveau du plateau, la gravi-
tation de mobiles dans les
hauteurs, une conversation
propos dun film et des
projections sur cran.
28 | 29
Charlemagne Palestine, Eliane Radigue, Gense d'une uvre Tony Conrad:
the Golden Sound l'coute virtuose Quatuor IV DreaMinimalist
2011, 70', couleur, documentaire 2011, 65', couleur, documentaire
Pascal Dusapin, 2008, 27', couleur, documentaire
Ralisation: Anne Maregiano Ralisation: Anas Prosac discours sur la musique Ralisation et production: Marie Losier
Production: Atopic, Petite Pousse Production, Production: La Huit, Vosges Tlvision Images Plus 1998, 55', couleur, documentaire Participation: New York State Council of the Arts,
Normandie TV Participation: CNC, Sacem, Procirep, Angoa Conception: Georges Zeisel Experimental Television Center for Finishing
Participation: CNC, Sacem, Procirep, Angoa Ralisation: Michel Follin Funds, FIAF
Compagnon de route des
Dans les annes 1970, Nouveaux Ralistes, collabo- Production: Point du Jour Production, ProQuartet Tony Conrad par lui-mme.
Charlemagne Palestine, ratrice de Pierre Schaeffer et Production, MCM classique jazz-Muzzik. Devant la camra de Marie
carillonneur de lglise Saint- de Pierre Henry, la composi- Participation: CNC, ministre de la Culture et de Losier, le violoniste amricain,
Thomas sur la 5e Avenue trice Eliane Radigue sinitie la Communication (DMD), ministre des Affaires membre fondateur, avec La
New York, frquente lavant- la musique lectroacoustique trangres, Procirep, Sacem Monte Young et John Cale, du
garde artistique et dveloppe dans les annes 1950 pour se Pour le festival de musique Dream Syndicate, compagnon
sa propre expression musi- tourner ensuite vers le synth- de chambre Proquartet, le de route du minimalisme,
cale: le strumming. Chez tiseur. Aprs des annes compositeur Pascal Dusapin complice de Charlemagne
lui, entour de ses instru- dexprimentation solitaire, a travaill durant quatre jours Palestine, expose deux
ments (et de ses peluches), elle dlaisse aujourdhui les l'interprtation de sa dernire autres facettes de son talent:
images d'archives l'appui, machines pour exercer son art pice avec le quatuor Prazak. celles du performeur et du
portrait de cette personna- de la modulation avec divers En donnant aux musiciens cinaste exprimental. Dans
lit excentrique, chercheur instrumentistes. des indications sur chaque une suite de mises en scne
dor sonore, performeur et mesure, Dusapin tente de truculentes, il rejoue lhistoire
vidaste, devenu l'une des communiquer le sens profond de sa vie.
figures de l'underground de sa musique. Devant la
new-yorkais. John Cage, camra de Michel Follin, entre
I have nothing to say doutes et certitudes, il livre
and I am saying it ses rflexions sur la cration.
(Je n'ai rien dire
Confrence sur rien
et je le dis)
2002, 52', couleur, documentaire
1990, 54', couleur, documentaire
Ralisation et production: Jean-Jacques Palix
Conception: Vivian Perlis
En 1949, John Cage donne Ralisation: Allan Miller
une confrence lArtists Production: Music Project for Television Inc.,
Club de New York. Son texte, American Masters, WNET-New York, Lola Films
Lecture on nothing, adopte
John Cage (1912-1992) est
la structure de ses rcentes
l'un des hommes qui ont le
compositions musicales.
plus contribu remodeler
Cest la fois un manifeste
la pense esthtique de ce
artistique et une exprience
sicle. Plusieurs artistes,
dcoute proche de lhypnose.
crivains et critiques en
De la traduction et de linter-
tmoignent dans ce film
prtation dve Couturier,
consacr la vie et l'uvre
Jean-Jacques Palix a tir un
du compositeur. Des
film qui donne entendre ce
entretiens et des extraits
message toujours vibrant.
de concerts compltent
ce portrait d'un musicien,
philosophe, peintre, crivain,
qui n'a jamais cess d'tre au
cur de l'avant-garde.
Le son entre
COMMISSAIRES: KEREN DETTON & PASCALE CASSAGNAU
Exposition partir des uvres du Centre national
des arts plastiques et du Frac Nord-Pas de Calais,
au Frac Nord-Pas de Calais du 29 avril
au 31 dcembre 2017.
30 | 31
32 | 33
Cette temporalit vcue nous ramne au corps et la percep- radio des vents solaires correspondant au phnomne des
tion du temps qui passe. Comment le son et singulirement aurores borales. Cette matire sonore agit acoustiquement
la voix altrent-ils nos reprsentations de lautre et de nous- tant sur lespace que dans le corps mme des visiteurs.
mmes? Franois Curlet et Michel Franois rpondent avec
La dimension sonore est celle qui permet denvisager
humour par lexagration des formes et le dtournement dob-
nouveaux frais lespace entre les uvres. Loin du fantasme
jets dans Les Loquaces. Autre dtournement, Doro Bibloc de
de luvre dart autonome, les uvres de lexposition Le son
Martin Le Chevallier est un tlphone mural reli un serveur
entre saffirment comme des zones de contact poreuses aux
vocal qui tente de nous rconcilier avec notre condition de
interfrences tant physiques que mentales. En parallle des
consommateurs. Parce que le son possde un caractre din-
pices qui se dploient dans lespace, une slection duvres
dice ou de trace qui lui permet de convoquer simultanment
radiophoniques est propose pour une coute au casque.
le pass et le prsent, lenregistrement rend lcho du lointain
Certaines ont t produites pour les Ateliers de cration radio-
mais il affecte aussi les corps. Dans la vido Blanche-Neige de
phonique diffuss sur France Culture partir de 1969, dautres
Pierre Huyghe, cest le sentiment dalination de la chanteuse
sont des objets sonores ou narratifs dmatrialiss. Parmi eux,
Lucie Dolne qui sexprime travers son tmoignage. Cette
Le son des Dunes de Rainier Lericolais a t produit en 2013
interprte raconte son combat pour recouvrer ses droits sur
loccasion de la construction du btiment du Frac Nord-Pas
sa voix auprs de Disney. Entre un moi intime et un moi social,
de Calais. Cette exprience sonore, qui scoute chemin faisant
Somniloquie de Laurent Montaron enregistre des dormeurs en
dans le quartier du Grand Large, nous plonge dans lhistoire
train de murmurer du fond de leur inconscient. Linstallation
fragmente et recompose de Dunkerque, entre le FRAC
compose dune photographie et dun dispositif de diffusion
et le LAAC.
audio opre une triple capture: celles de deux personnages
alanguis, de lenregistrement sonore, et du visiteur invit
mettre en marche le disque dubplate programm pour
seffacer au fil des coutes.
Croisant diffrentes histoires, les uvres choisies dans lexposi-
tion Le son entre examinent galement la place de la musique,
de la voix et de la parole dans nos environnements quotidiens.
Joseph Grigely, devenu sourd lge de onze ans, reproduit
un coin de cuisine parsem des bouts de papiers qui lui ont
permis de communiquer avec autrui. Kitchen Conversation
est une nature morte qui sappuie autant sur des objets que
sur les paroles changes pour rappeler le temps qui passe.
Rvaluant limportance de nos environnements sonores, les
artistes rclament notre attention. Dans un geste de partage,
Sadane Afif utilise des enregistrements de bruits de fond,
auxquels il donne le premier rle dans un montage alatoire.
De son ct, Jean-Baptiste Ganne enferme une chanson popu-
laire, Esperanza, dans un bloc dacier qui fonctionne lnergie
solaire. Soulignant la dpendance du son son environnement
atmosphrique, il suscite par son choix musical lempathie de
lauditeur. Le son a cette facult pntrante qui agit physique-
ment sur nos corps et nos motions. Dominique Blais et Kerwin
Rolland sont intervenus lchelle du btiment du Frac; leur
uvre est compose partir denregistrements des frquences
34 | 35
PIERRE ALECHINSKY - KAREL APPEL - ALBERT AYME - PIERRE
BASTIEN - TIENNE BETHY - JEAN BERTHIER - STPHANE
BLANQUET - CHARLES BLANC-GATTI - ANDR BOUCOURECHLIEV
PIERRE BOULEZ - CLESTE BOURSIER-MOUGENOT - PASCAL
BROCCOLICHI - GEORGE BRECHT - PIERRE BURAGLIO- SYLVANO
B U SS OT T I - J O H N C AG E - JACQ U E S C A LO N N E - S E R G E
CHARCHOUNE - VONNICK CAROFF - BRIGITTE CORBISIER
OLIVIER DEBR - FLIX DEL MARLE - JEAN DUBUFFET - MORTON
FELDMAN- MILAN GRYGAR - KURTG GYRGY - ROMAN
HAUBENSTOCK-RAMATI - AUGUSTE HERBIN - JACQUES HUE
DANIEL HUMAIR- TOM JOHNSON - MAURICIO KAGEL - JIRI KOLAR
FRANTISEK KUPKA- YVES KLEIN - JEAN LEGROS - THIERRY
LE SAEC - CLAUDE LAGOUTTE - CCILE LE TALEC - CHARLES
MARTIN- CLAUDE MELIN - CARSTEN NICOLAI - LAURA & RICARDO
NILLNI- LADISLAV NOVAK - YAZID OULAB - NAME JUNE PAIK
PAUL PANHUYSEN - KRZYSZTOF PENDERECKI - GIUSEPPE PENONE
TOM PHILLIPS- GASTON PLANET - JROME PORET- JACQUES
POURCHER- BERNARD POURRIRE - HENRI POUSSEUR- JUDIT
REIGL- LOUIS ROQUIN - ERIK SATIE - GRARD SCHNEIDER
KARLHEINZ STOCKHAUSEN - FREDERICK SOMMER - TORU
TAKEMITSU - DOMINIQUE THIOLAT - JEAN TINGUELY - HENRY
VALENSI - VICTOR VASARELY - BERNAR VENET - AUGUST VON
BRIESEN - CHARLOTTE VON POEHL - PETER VOGEL - WOLF VOSTELL
CHRISTIAN WOLFF - FABIENNE WYLER - IVAN WYSCHNEGRADSKY