Outil Des Managers Des Vrais Pas Des MBA
Outil Des Managers Des Vrais Pas Des MBA
Outil Des Managers Des Vrais Pas Des MBA
MINTZBERG
DES MANAGERS
DES VRAIS !
HENRY MINTZBERG
ditions dOrganisation
1, rue Thnard
75240 Paris Cedex 05
Consultez notre site :
www. editions-organisation.com
Ce livre est ddi aux Pourquoi pas? qui ont mis au monde lInternational Masters Program in Practising Management :
Les trente-deux dirigeants de la premire promotion qui ont
dbarqu avec nergie et enthousiasme sur notre terra incognita :
Pierre Arsenault, Gerhard Bhm, Marc Boillot, Jane Davis, Luc
DeWever, Massar Fujita, Jacques Gautier, John Geoghegan, Kevin
Greenawalt, Abbas Gullet, Kentaro Iijima, Vince Isber, Rocky
Iwaoka, Terry Jenkins, Thierry Knockaert, Gabriela Kroll, Narendra Kudva, Silke Lehnhardt, Y.B. Lim, Steve Martineau, Jane
McCroary, Brian Megraw, Edme Mtivier, Kazu Mutoh, Hiro
Nishikawa, David Noble, Harald Plkinger, Morten Ramberg,
Nagu Rao, Roy Sugimura, Alan Whelan et Torstein Wold.
Les entreprises qui ont accept de se lancer dans laventure alors
que nous navions gure que des ides leur offrir : Alcan, BT (en
partenariat avec Telenor), EDF et Gaz de France, Fujitsu, la Fdration internationale des Socits de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Lufthansa, Matsushita et la Royal Bank of Canada.
Mes collgues du noyau original, la bande des six, que je remercie de navoir jamais montr ni gosme ni timidit, dcids quils
taient russir notre commune entreprise : Roger Bennett, Jonathan Gosling, Hiro Hitami, Ramesh Mehta et Heinz Thanheiser,
soutenus par Bill Litwack.
SOMMAIRE
Prface .......................................................................................................
IX
Introduction ............................................................................................
XV
19
77
91
137
165
191
ditions dOrganisation
233
283
333
353
377
395
421
481
Index ..........................................................................................................
505
513
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PRFACE
Je ne suis pas vraiment titulaire dun MBA la Sloan School of Management du MIT, lpoque, cela sappelait un masters of science. En
revanche, jai vraiment enseign en MBA, environ quinze ans, jusqu
ce que, au milieu des annes 1980, nen pouvant plus, je demande au
doyen de McGill de rduire ma charge denseignement et mon salaire
en consquence. Je trouvais rellement le gouffre trop bant entre la
pratique du management, dont javais une ide de plus en plus claire, et
ce que lon faisait dans les salles de cours, y compris la mienne, pour
former des dirigeants.
Et jai constat que je ntais pas le seul le penser. Au fil des annes,
javais demand des collgues, un peu partout dans le monde, en particulier aux tats-Unis, ce quils pensaient des tudiants classiques de
MBA auxquels ils faisaient cours. Jamais je naurais cru quils fussent si
nombreux partager mon point de vue. Un secret jalousement gard
des coles de management, cest la proportion de professeurs qui ne
peuvent plus voir les MBA en peinture. (Gageons que nous entendrons
parler des autres, si ce nest de ceux-ci.)
Ainsi, dans les annes 1980, ai-je commenc fulminer, dire ce que
je pensais des programmes de MBA en particulier dans le chapitre
intitul Former des dirigeants, pas des MBA, dun un livre publi en
1989. Cest alors que lon sest mis me poser une question embarrassante entre toutes : ne pouvais-je pas faire quelque chose pour que a
change? Les universitaires ntant pas censs se poser ce genre de questions, jai mis un certain temps laborer une rponse. Ensuite, McGill
a mis un certain temps rpondre ma rponse. Nous avons cependant fini par constituer un groupe charg de faire effectivement quelque chose pour que a change : il sagissait en loccurrence de crer un
mastre rellement fait pour les dirigeants en place, ceux qui pratiquent
le management.
Comprenant que nous aurions de meilleures chances de russir en
partenariat, nous avons approch lInsead, o jenseignais galement
lpoque. Mais cela ne nous a pas mens trs loin, cest pourquoi jai
appel Jonathan Gosling, luniversit de Lancaster, pour voir si notre
projet pouvait intresser son cole. Il fallait quil en parle une ou deux
Prface
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Prface
XI
Prface
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XII
XIII
Prface
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HENRY MINTZBERG
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INTRODUCTION
Ce livre traite de lenseignement du management, cest--dire de la
direction des entreprises ou des organisations. Je crois profondment
que les deux connaissent de graves difficults, mais on ne peut changer
lun sans changer lautre.
Le problme de lenseignement du management, cest quil enseigne surtout la pratique des affaires, faussant ainsi lide que se font les
tudiants du management au sens propre. Celui-ci suppose de conjuguer une bonne dose de mtier (lexprience), une part dart (la clairvoyance) et une autre de science (lanalyse). Un enseignement qui place
exagrment laccent sur la science encourage un style de direction que
jappelle calculateur, ou, si les diplms se considrent comme des
artistes, comme le font un nombre croissant dentre eux, un style que
jappelle hroque. Arrtons ces simagres! Nous navons pas plus
besoin de hros que de technocrates dans les postes influents. Ce dont
nous avons besoin, ce sont des hommes et des femmes quilibrs,
dvous leur tche, pratiquant un style de management que lon
pourrait qualifier dengageant. Ces personnes croient devoir laisser
derrire eux une entreprise plus vigoureuse et non pas simplement une
capitalisation boursire accrue. Elles ne confondent pas leadership et
ego surdimensionn.
Pour former de tels dirigeants, il faudra introduire une nouvelle
approche de lenseignement du management, une approche engageante, elle aussi, qui encourage les dirigeants en poste tirer les leons
de leur propre exprience. Autrement dit, il nous faut rintgrer le
mtier et lart du management dans son enseignement, afin de les rintroduire dans sa pratique.
Si vous vous laissez guider par les titres des chapitres de ce livre, vous
lirez un texte portant sur lenseignement du management la premire
partie tant consacre ses dfauts, selon moi, la seconde ce que lon
pourrait faire pour que a change. Mais si vous lisez lintrieur des chapitres, vous lirez un texte qui porte sur le management lui-mme et
encore une fois sur les dfauts que je lui vois et ce que lon pourrait faire
pour que a change. Pour reprendre le sous-titre, nous portons un
regard critique sur une pratique critique, celle du management, en
Introduction
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XVI
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Introduction
XVII
Premire partie
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Il est temps de reconnatre que les MBA classiques ne sont que ce quils
sont ou de les fermer. Ils offrent une formation spcialise dans les
fonctions de lentreprise et non une formation gnrale la pratique du
management. Utiliser la salle de classe pour contribuer dvelopper les
personnes qui pratiquent dj le management est une excellente ide,
mais prtendre crer des dirigeants partir dindividus qui nont jamais
dirig quoi que ce soit, cest une imposture. Il est temps que nos business schools consacrent au management lattention quil mrite.
Cette affirmation peut paratre surprenante un moment o les
programmes MBA sont au sommet de leur popularit, les diplms au
fate de la russite, et o les entreprises amricaines, qui ont fait une
telle confiance ce titre, semblent avoir atteint le stade ultime du dveloppement. Je dirai quune bonne part de ce succs est illusoire, que
notre approche pour former les leaders fragilise notre leadership, ce qui
entrane de lourdes consquences conomiques et sociales.
Dcennie aprs dcennie, rien quaux tats-Unis, prs dun million
dindividus arms dun titre nomm MBA sabattent sur lconomie, et
la plupart dentre eux nont des clients, des salaris, des produits et des
processus quune connaissance directe limite. Une fois en poste, ils
trouvent tout naturel de diriger dautres individus qui, eux, possdent
cette connaissance, acquise de la seule faon possible la faveur dune
exprience personnelle intensive. Mais, faute de possder ce ssame,
ceux-ci sont de plus souvent relgus sur la voie lente, o ils sont
soumis au leadership dhommes et de femmes qui ne sont pas des
dirigeants lgitimes.
Si on les considre comme une formation la direction de lentreprise, les MBA classiques ne forment pas les bons candidats,
nemploient pas les bonnes mthodes, et cela entrane des consquences graves. Telle est la thse que je dvelopperai dans la premire partie
de ce livre. Elle contient sept chapitres. Le premier porte sur le fait que
ce ne sont pas les bons candidats, le second sur celui que les mthodes
employes ne sont pas les bonnes, et les quatre suivants sur les consquences qui sensuivent. Le chapitre 7 voque les changements rcents
apports aux programmes MBA pour en conclure que, la plupart du
temps, ils sont de pure faade. Une formule dominante sest tablie
dans les annes 1960 et continue simposer fermement la majeure
partie de cet enseignement. Les exceptions notables se situent essentiellement en Grande-Bretagne, et les innovations qui y ont t introduites
constituent la charnire entre les deux parties de cet ouvrage.
Pour commencer, il convient de clarifier la terminologie. Premirement, quand je parle de MBA classiques, je pense des cours plein
temps qui sadressent des gens relativement jeunes (moins de trente
ans en gnral) et les forment principalement aux fonctions de lentreprise, mais hors contexte, cest--dire indpendamment de toute exprience spcifique du management. Cette description convient la
plupart des MBA actuels, aux tats-Unis et dans le reste du monde.
quelques rares exceptions prs, les autres (que lon appelle en gnral
EMBA), prennent des individus possdant davantage dexprience, les
font venir temps partiel et font plus ou moins la mme chose. Autrement dit, ils forment les bons candidats, mais pas avec les bonnes
mthodes, ce qui entrane galement des consquences indsirables.
Pourquoi? Parce que la plupart du temps, ils nutilisent pas lexprience
que possdent leurs tudiants.
Deuximement, jutilise les mots management et leadership de
faon interchangeable. La nouvelle mode (depuis Zaleznik 1977)
consiste les distinguer. Le leadership est cens recouvrir des responsabilits plus hautes et plus importantes. Je rejette cette distinction, tout
simplement parce que les managers doivent diriger et les dirigeants doivent grer. Le management sans leadership est strile; le leadership sans
management, coup de la vraie vie, ouvre la voie au dveloppement
dun ego surdimensionn. Il ne faut pas laisser le management le cder
au leadership, ni dans les programmes MBA ni ailleurs.
Troisimement, je fais rfrence aux coles en question de trois
manires : en gnral, je parle de business schools, ce que sont la plupart dentre elles; mais je parle aussi parfois dcoles de management,
ce quelles pourraient devenir; et, spcifiquement dans le dernier chapitre, dcoles de management et de gestion, pour bien montrer le double
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rle que la plupart devraient, selon moi, assumer, en partageant harmonieusement leur attention entre le management et la gestion.
Le MBA a t cr en 1908, et les dernires rvisions srieuses quil a
subies remontent la fin des annes 1950, aprs la publication de deux
rapports. Les business schools se flattent denseigner le dveloppement
des nouveaux produits et le changement stratgique, mais leur titre
phare, le MBA, est un diplme de 1908 proposant une stratgie de
1950. La premire partie de ce livre dveloppe cette conclusion, la
seconde propose un changement rel.
La premire partie critique lenseignement donn en MBA. Je le fais
longuement car je crois que le procs du MBA en tant que formation au
management doit tre instruit de manire exhaustive, afin de battre en
brche certaines convictions profondment ancres et leurs consquences. Lun des articles les plus intressants qui aient jamais t consacrs
au MBA est paru en 1968 dans le magazine Fortune. Sheldon Zaleznick
y affirmait que lon a laiss simposer sans la remettre en question
lide selon laquelle les graduate schools of business sont la principale
source de dirigeants (169). Cette ide na toujours pas t conteste1 Sauf ici.
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best way), et que Henri Fayol (1916) a dclar pour sa part que la
capacit diriger peut et doit tre acquise, de la mme manire que la
capacit technique sacquiert lcole, et plus tard latelier (14), nous
sommes la recherche de ce saint Graal le management, vu comme
une science et une profession. En Grande-Bretagne, un groupe baptis
Management Charter Initiative a tent de mettre en place la certification des managers (en commenant par postuler, sans prendre la peine
de le prouver, que le management tait une profession). Le MBA, confiait un journal le directeur de cette initiative, est la seule qualification
rellement mondiale, la seule licence de faire des affaires par-del les
frontires (Watts 1997:43).
Cette affirmation ne tient pas la route, et les efforts de ce groupe se
sont solds par un chec. Il est temps de regarder les faits en face : aprs
quasiment un sicle de tentatives, il ne serait pas raisonnable de dire
que le management soit devenu une science, pas plus quune profession. Il reste profondment ancr dans les pratiques de la vie quotidienne. Cest un fait il ny a pas lieu de sen rjouir ou de sen
plaindre, mais den tenir compte, de former des managers profondment ancrs dans la vraie vie, celle de la direction de leur entreprise, et
non des professionnels coups du rel.
Les activits dont nous avons parl plus haut se divisent entre celles
o la personne qui agit en sait rellement plus long que ceux qui bnficient de son action, et celles o le fait de se poser en expert, sachant
tout mieux que les autres, peut faire obstacle au bon droulement des
oprations. Rares sont ceux dentre nous qui, arrivant au bloc opratoire sur une civire, seraient enclins donner des conseils leur chirurgien (Vous ne pourriez pas couper un peu plus bas, sil vous
plat?). Cet homme se comporte peut-tre de faon dtestable quand il
vient nous rendre visite aprs lintervention, mais nous sommes
convaincus quil sait ce quil fait. En revanche, un instituteur qui se
poserait en puits de science face des ignorants risquerait fort de ne pas
leur transmettre ses connaissances. Lenseignement est une activit de
facilitation il est pratiquement plus important dencourager les lves
que denseigner stricto sensu.
Le management, lui aussi, est largement une activit de facilitation.
Bien entendu, les managers doivent savoir beaucoup de choses cest
sur ces connaissances quils doivent souvent fonder leurs dcisions.
Mais, en particulier dans les grandes entreprises et celles qui vendent
essentiellement du savoir, ils doivent avant tout se montrer dexcellents leaders, pour que leurs subordonns, mieux arms intellectuelle-
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suivant sa partition, totalement orchestre. Nous aurons un management professionnel ds que dautres organisations seront aussi programmes quun orchestre symphonique et quelles joueront leurs
stratgies comme des partitions de Mozart, les employs et les clients
sagement assis en rangs bien aligns et obissant au moindre signal.
La pratique du management est caractrise par son ambigut.
Cest la raison pour laquelle, quelque populaire quelle soit, la mtaphore du chef dorchestre sur son podium est totalement inadapte (au
moins pendant lexcution de luvre, si ce nest pendant les
rptitions; voir Mintzberg 1998). Il y a certes des tches qui se prtent
la programmation, dans lentreprise, mais la plupart dentre elles ne
concernent pas directement les dirigeants, ils peuvent les dlguer des
spcialistes. En revanche, ils doivent assumer eux-mmes le plus ardu
les problmes inextricables, les connexions compliques. Et cest ce qui
fait que la pratique du management est, par essence, infiniment subtile,
ce qui explique quon lassocie si souvent des qualits comme lexprience, lintuition, le jugement et la sagesse. Voici comment une femme
qui occupait avec succs un poste de direction dans une grande compagnie arienne ma dcrit son mari, titulaire dun MBA : Il a la technique, il croit tout savoir mieux que tout le monde. Mais il se heurte au
fait quil ne comprend ni les complexits ni les intrigues de couloir. Il
est profondment contrari dtre incapable de rgler ce type de
problmes. Cet homme avait un MBA, mais il navait jamais appris le
management.
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rer des postes de direction. Mais avec quelles consquences? Tel est le
sujet des chapitres 3 6.
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Lenvie
de diriger
(selon
Livingston)
Non
Oui
Non
Oui
Envisager le secteur
public ou social :
acqurir de lexprience un poste de
direction, puis tudier
le management
FIGURE 1.1
Diriger ou faire des affaires
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PA S T R S E NV I E D E C O M M A N D E R,
MAIS UNE VRITABLE PASSION
DES AFFAIRES !
Le diplme MBA nest pas une baguette magique qui transforme des
tudiants immatures et inexpriments en managers patents. Ainsi
sexprime Arnoud de Meyer (et al. 1992:28), directeur de lInsead. Ses
homologues ne partent en gnral pas ce point de vue. Ce programme
est conu pour dvelopper des managers fort potentiel, affirme le site
web de la Darden School, de luniversit de Virginie (2003). Quant la
Baruch School, New York, elle dcrit les business schools comme des
incubateurs pour les chefs dentreprise de demain. Et un professeur du
MBA rcemment cr en Inde daffirmer : Nous conduirons nos entretiens de slection des candidats en pensant toujours que nous nous prparons en faire des dirigeants (Gupta, 2000:53-54).
Les business schools prennent cette rhtorique trs au srieux. Elles
accueillent des gens qui ont le got des affaires ou du pouvoir, ou de
largent , partent du principe quils ont aussi le dsir de diriger, les
gavent de cours sur la finance, le marketing, etc., assaisonnent le tout de
quelques remarques concernant le management (sans aborder la fonction de dirigeant en elle-mme), et leur disent ensuite quils sont prts
prendre des postes de direction. Si les coles le prennent srieusement,
pourquoi les diplms nen feraient-ils pas autant? Mais le plus grave,
cest que nombre dentreprises, du moins leur direction des ressources
humaines, trop heureuses de disposer dune source de cadres dirigeants, prennent elles aussi ces affirmations pour argent comptant. Je le
rpte, cest une imposture.
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Je ne savais pas quoi faire quand jai quitt la Marine. Je nai rien
trouv de mieux que de faire un MBA, dclarait un jour un titulaire de ce diplme, obtenu Stanford (cit par Crainer et Dearlove
1999:78). Il navait apparemment pas un got du commandement
trs affirm. Mais il avait sans aucun doute le sens des affaires. Sil
na pas termin grand patron, il a russi dans son domaine de prdilection, conquis la clbrit et gagn beaucoup dargent. Cet
homme, cest Tom Peters.
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En conclusion, nous avons besoin de dirigeants dots de comptences humaines et non de professionnels bards de diplmes. Dans les
grandes entreprises, en particulier, la russite dpend moins de ce que
font les dirigeants eux-mmes, en gros affecter les ressources et prendre
les dcisions cls, que de ce quils aident les autres faire.
Dans ces conditions, que dire Robert, jeune homme venu me trouver pour parler du MBA quil envisageait de faire? Cest sur cette question que je conclus ce premier chapitre.
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Il est impossible de donner une bonne formation des gens qui ne sont
pas en mesure de lassimiler. Nous pourrions nous arrter l, nous
aurions un joli petit chapitre, vraiment trs court. Mais le problme,
lui, ne sarrte pas l ce chapitre et les suivants non plus. Non seulement les MBA ne russissent pas former dauthentiques dirigeants,
mais ils faussent lide que leurs tudiants se font des responsabilits
qui les attendent et, une fois mises en pratique, ces conceptions errones fragilisent nos entreprises et notre socit. En outre, les traditions
du MBA tant du point de vue du contenu du programme que des
mthodes pdagogiques employes sont graves dans le marbre, on
les applique donc rgulirement (dans le cadre des Executive MBA et
des cursus plus courts) aussi aux bons candidats cest--dire aux dirigeants en place. Avec des consquences similaires.
Je me propose de parler dans ce chapitre du contenu et des mthodes des MBA. Nous en verrons les consquences dysfonctionnelles sur
la pratique du management dans les chapitres suivants. Commenons
cependant par un bref aperu de leur histoire, car elle les explique.
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Naissance du MBA
Dartmouth College a t le premier offrir un masters degree in business (matrise de gestion) en 1900, anne o cet tablissement autorisa
quelques undergraduates prolonger leurs tudes dun an (Schlossman et al. 1994:6). En 1908, Harvard proposait son tour le premier
programme intitul Master of Business Administration (titre que le
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On considre gnralement luniversit de Pennsylvanie comme le berceau de lenseignement du management ds 1881, elle crait en effet
sous limpulsion de lhomme daffaires Joseph Wharton un bachelors
program in business (licence de gestion). J.C. Spender (1997) parvient,
dans une tude sur les origines de cet enseignement, une conclusion
diffrente (voir aussi Redlich, 1957). Pour lui, cest dans lcole prussienne de formation des hauts fonctionnaires quil faut en chercher les
vritables racines. De fait, les traits dominants de cette institution rappelaient fort les coles de management actuelles : Lapplication de la
mthode scientifique, ce qui se traduit par une mesure rigoureuse, la
collecte des donnes, larchivage, lanalyse statistique et le dveloppement de modes la fois rationnels et juridiques dordre, de prise de
dcision et de contrle des activits sociales (13). On y employait galement quelque chose qui ressemblait fort aux tudes de cas et de terrain. On commena trs vite se demander si une telle formation
serait utile aux techniciens administratifs, aux cadres ou aux chefs
dentreprise. La question est encore dactualit, y compris dans ces
pages.
Joseph Wharton, homme daffaires amricain, avait appris lallemand et stait rendu en Allemagne. On pense quil en a rapport les
ides fondatrices de lcole qui porte son nom. Il critiquait la mthode,
trs rpandue dans les coles de commerce amricaines de lpoque,
qui consiste apprendre les choses en les faisant (Sass, 1982:22), et il
tenait ce que le programme de lcole de luniversit de Pennsylvanie
comporte de la comptabilit, du droit commercial et de lconomie,
auxquels sajouteraient peu aprs la finance et les statistiques. Quand
Edmund James, qui avait pass son doctorat en Allemagne, en fut
nomm doyen en 1887, la Wharton School tait lance (Spender
1997:20), dans la ligne de la tradition prussienne. Les priorits ont
chang dans les annes suivantes, mais Sass (1982:294) note que
lorsquil en accepta la direction en 1972, Donald Carroll adhrait la
vision initiale de James (Spender 1997:21).
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obligatoires en principes de la comptabilit, droit commercial et ressources conomiques des tats-Unis, ainsi que des cours optionnels
portant sur des domaines comme la banque et les chemins de fer
(Schlossman et al. 1994:13, 14).
Harvard, on pratiquait de prfrence la mthode des cours magistraux, sauf en droit commercial o lon sappuyait sur des exemples
puiss dans la jurisprudence. Peu peu, lhabitude de donner des
exemples, qui passe pour avoir donn naissance la mthode des tudes de cas, sest rpandue. Un homme daffaires de Chicago, Arch Shaw,
allait donner limpulsion dcisive pour gnraliser cette mthode. Il a
commenc lutiliser pour les undergraduates (tudiants de licence)
la Northwestern University, avant dapprocher Gay (Gleeson et al.
1993:15). Les tudes de cas ont fait leur entre Harvard dans un cours
obligatoire de seconde anne, intitul Politique des affaires, inscrit au
programme officiel en 1912. Des hommes daffaires y taient invits
venir prsenter un problme pris sur leur bureau. Deux jours plus
tard, chaque tudiant devait rendre un devoir crit dans lequel il donnait son analyse du problme et la solution quil recommandait,
lhomme daffaires venant par la suite en discuter avec la classe (Copeland 1954:33). Apparemment, les tudiants aimaient bien cela, mais le
recours aux cas ne sest gnralis quaprs la Premire Guerre mondiale, sous lgide dun nouveau doyen, Wallace Donham, banquier
dorigine.
Donham remarquait plus tard, parlant de son arrive Harvard : Je
navais aucune connaissance thorique des affaires et jai constat que les
enseignants navaient, eux, gure de connaissances de leur pratique. Conjuguer ces deux lments tait un rel problme (Gleeson et al.
1993:17). Si lide dArch Shaw rglait le problme de Donham, elle en
rglait aussi un autre : la pression des tudiants, qui tapaient des pieds
quand ils jugeaient les cours magistraux trop ennuyeux. Donham confia
Copeland, notoirement pitre confrencier, victime frquente de ces
bruyantes protestations, la direction de la recherche, en lui demandant
de transformer les donnes statistiques en cas dentreprise. Copeland
transforma aussi son cours de marketing et, miraculeusement, ses tudiants cessrent de taper du pied (18).
Donham nobligeait personne dautre employer cette mthode,
mais les efforts remarquablement fructueux de Harvard pour produire dinnombrables cas incitaient fortement les autres professeurs
les utiliser et, vers le milieu des annes 1920, les cas staient infiltrs
dans la plupart des cours (Gleeson et al. 1993:18); ils y sont encore
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Partant de ces origines, les business schools ont connu un grand essor
aux tats-Unis. Il y en avait une quarantaine en 1915, et les dix annes
suivantes virent la cration de 143 nouvelles coles (Cheir 1975:91);
110 diplmes de master furent dcerns en 1920, 1 017 en 1932 et 3 357
en 1948 (Gordon et Howell 1959:21).
Mais la qualit acadmique ne suivait pas. Harvard persista sur la
voie des tudes de cas (en 1949, cette institution avait dcern plus de la
moiti des diplmes de MBA [Aaronson 1992:168]), mais la plupart
des coles sombraient dans le mme temps dans une sorte de moyen
ge de lenseignement des affaires. la fin des annes 1930 une
bonne partie du programme de second cycle de Stanford tait dangereusement proche des tudes de premier cycle (Gleeson et al. 1993:35),
tandis que Columbia vivait le triomphe de la spcialisation on y
enseignait en effet des savoir-faire spcifiques (Aaranson 1992:163164). Wharton, des professeurs plus intresss au consultanat qu la
recherche conspiraient avec les proccupations pratiques des tudiants soucieux des dbouchs pour aller lencontre des grandes ides
de Joseph Wharton (Mast 2001:297). Le management lui-mme tait
enseign dans les MBA comme une collection de principes vagues, proches parents de la sagesse populaire par exemple, quun dirigeant ne
devait pas exercer son autorit sur plus de sept personnes. (Voir la critique que fit Simon de ces principes [1957].) la fin des annes 1940,
lincapacit dinstitutions aussi litistes que Harvard, Stanford, Columbia et Chicago de rpondre la demande dun nouveau type de manager tait vidente. Le monde des affaires changeait trs vite, mais pas
les connaissances offertes aux tudiants par les manuels et les tudes
de cas (Schlossman et al. 1994:3).
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Institute of Technology (qui sappelle maintenant universit CarnegieMellon). Le GSIA ne sest pas content dentretenir les lumires acadmiques, il les a bel et bien rallumes dans les annes 1950.
Lvnement qui a dclench cette renaissance fut le recrutement, en
1946, dun conomiste, George Leland Bach, qui avait servi la Federal
Reserve pendant la guerre. Il avait pour mission de relancer le dpartement dconomie de luniversit. Bach fit venir William Cooper, spcialis dans la recherche oprationnelle (applications mathmatiques des
problmes de systmes), domaine qui venait gagner ses lettres de
noblesse dans les applications militaires pendant la guerre, et le duo
recruta Herbert Simon, jeune et brillant spcialiste des sciences politiques, pour prendre la direction du programme dadministration des
affaires de premier cycle. Zalaznick (1968) devait crire plus tard dans
le magazine Fortune que larrive de Simon signalait la communaut
universitaire quune cole de management pouvait se prter au travail portant sur des problmes profonds dune pertinence moins
immdiate (206).
La ncessit se fit plus pressante, pendant la guerre froide, damliorer les capacits du management amricain, et quand William Morrimer Mellon fit un don de 6 millions de dollars pour financer la cration
dune nouvelle cole dadministration industrielle Carnegie, Bach en
devint le premier doyen. Il y apporta son dpartement dconomie.
La vision tait trs claire, ds le dbut (et non sans liens avec les
efforts initiaux, influencs par lAllemagne, de Wharton, et mme certaines des convictions non ralises de Donham) :
1. La recherche systmatique joue un rle primordial, lenseignement
vient ensuite. La recherche tait leurs yeux le premier moteur du
progrs (Gleeson et Schlossman 1995:14).
2. La recherche devait avant tout tre descriptive, en particulier pour
mieux comprendre la vie des affaires et le fonctionnement des
entreprises; la prescription pouvait suivre, dans la pratique.
3. Une telle recherche devait reposer sur un ensemble de disciplines
sous-jacentes, notamment lconomie, la psychologie et les mathmatiques. Ces matires devaient occuper une place essentielle dans
les cours de niveau master; elles devaient galement servir de socle
aux fonctions de lentreprise comme la finance, le marketing et la
comptabilit.
4. La salle de cours est un lieu o lon doit former les tudiants aux
comptences de rsolution analytique des problmes, la manire de
la recherche oprationnelle, ou science du management.
5. Une attention particulire devait tre accorde aux tudes de doctorat, afin de stimuler la recherche et de faire en sorte que les diplms
apportent ces ides dautres coles.
Une chose, cependant, brillait par son absence : la formation des
dirigeants. Le GSIA se proccupait davantage de mettre de lordre dans
le monde universitaire et de veiller ce que ses professeurs bnficient
du respect qui leur tait d. Le problme ntait pas tant ignor que
rput inexistant : on partait du principe (comme on le fait encore
aujourdhui) que des coles respectables ne pouvaient manquer de produire des dirigeants dont la pratique serait satisfaisante. En outre, si
diriger une entreprise consiste prendre de bonnes dcisions, le fait de
dvelopper les comptences analytiques des tudiants ne pouvait
quamliorer la pratique du management.
Les professeurs de GSIA tudirent un ensemble remarquablement
vaste de problmes et de questions intressantes, mais jamais celui que
nous venons dvoquer. Ils ne vrifirent jamais la validit de leurs propres hypothses. Pour dire la vrit, au fil du temps, ils se retranchrent
dans les disciplines et le management (quils appelaient administration
des affaires), objet des premires tentatives dintgration, disparut
purement et simplement.
Pendant cette priode, le GSIA eut des professeurs de tout premier
plan, forms pour la plupart dans les disciplines des sciences sociales.
Bach tait conomiste, Simon, spcialiste de sciences politiques, Cooper, statisticien. Ils devinrent tous clbres, ainsi dailleurs que nombre
des enseignants quils recrutrent ensuite : Richard Cyert en conomie,
James March en sciences politiques; Harold Levitt en psychologie;
Allan Newell en mathmatiques; Franco Modigliani et Morton Miller
en conomie et en finance. (Ces deux derniers devaient se voir attribuer
ensemble le prix Nobel dconomie, que remporta galement Simon,
sparment.) Bach dcrivait le GSIA (in Gleeson et Schlossman
1995:13, 23) comme un lieu exigeant, o il ny avait pas de place pour
un travail mdiocre et o tout le monde discutait de tout. Enfin, de
presque tout.
Surtout, les professeurs du GSIA travaillaient ensemble, sintgrant
autour des disciplines et de la technologie de linformation alors mergente. Certaines de leurs recherches les plus importantes portaient sur
les organisations. Dautres recherches srieuses leur avaient dj t
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Le tournant de 1959
Deux grandes tudes ont t commandes la fin des annes 1950 il
sagissait danalyser les problmes des business schools amricaines
lune par la Fondation Ford (Gordon et Howell 1959), lautre par la
Carnegie Corporation (Pierson 1959). Le GSIA leur servait de modle,
on ne sen tonnera pas. En fait, Bach tait associ de prs aux deux
rapports (Gleeson et Schlossman 1995:26), il signa mme un chapitre
du rapport Pierson dans lequel il prsentait la prise de dcision
analytique, rationnelle, comme la cl de vote de lenseignement du
management (Bach 1959).
Gordon et Howell dcrivent ce dernier comme rong de doutes,
harcel des pointes cruelles dcoches par des critiques acerbes, se
retrouvant au bout de la table acadmique avide de respectabilit,
mais restant engag, la plupart du temps, dans une formation troitement professionnelle (4). Solution propose : la matrise raffine
doutils danalyse et de recherche drivs des disciplines fondamentales,
ainsi quun formation approfondie en sciences physiques et humaines,
aux mathmatiques et la statistique, conjugue la capacit dappliquer ces outils aux problmes de management (100, les italiques sont
de moi); viendraient sy ajouter les tudes de cas et techniques apparen-
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FIGURE 2.1
Le concept de la business school hrit du GSIA
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1. Quand je suis arriv la Sloan School du MIT, en 1963, pour y passer mon master, il ny avait ni professeur, ni chaire, ni cours rgulier de management. Mais Ned
Bowman, professeur respect de gestion des oprations, venait juste de rentrer
dune anne passe travailler aux cts du patron de Honeywell Computers, et il
offrait un cours facultatif en Management Policy (politique de management),
auquel je me suis inscrit. Par la suite, jai propos de faire mon doctorat sur ce sujet,
et Ned a propos de me superviser esprant ainsi voir si ce domaine avait le moindre avenir, me dit-il. Un jour, il me confia quil ne le croyait pas. Je lui ai rpondu
quil changerait davis. (Des annes plus tard, il deviendrait titulaire de la chaire de
stratgie de Wharton.) Ned quitta le MIT lanne suivante et ma thse fut supervise par un autre professeur de gestion des oprations (Don Carroll, cit plus haut
quand il fut nomm doyen de Wharton), ainsi que par un professeur de comptabilit, et un professeur de relations sociales. Quand je suis all passer un entretien au
GSIA en 1967, mes interlocuteurs napprciaient ni ma thse ni la nature du travail
managrial (Mintzberg 1973), et ils ne mont pas offert de poste.
2. Quand je suis entr McGill en 1968, jy ai cr un cours intitul Management
Policy (politique de management), conu pour tre compatible avec lapproche du
GSIA que McGill avait adopte. Jai enseign ce cours une quinzaine dannes. Il se
voulait intgrateur et visait enseigner le management, mais je ne sais pas quel
point ces deux objectifs ont t atteints, au moins avec les tudiants les moins expriments.
3. Dans son histoire de Wharton, Sass (1982:298-337) dcrit assez longuement les
efforts varis que lon y a dploys pour articuler plus ou moins lenseignement
autour du management gnral. Par exemple : Quelle que soit leur valeur scientifique il tait devenu clair, ds le milieu des annes 1970, que des disciplines comme
les sciences de la dcision et le comportement organisationnel ne seraient jamais la
cl dun management russi (323). Un professeur voulait mme faire de ltude
de la ngociation collective le fondement de ltude du management en gnral
(289). En 1982, quand il a crit son livre, aucun champ dtude n[avait] russi
capturer lessence du management moderne (333).
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Ces cours sur le management ne furent pas tant limins que convertis
en quelque chose de plus compatible avec le reste du programme des
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MBA. Et, curieusement (ou peut-tre pas tant que a) leur transformation, qui sinscrit dans le droit fil des business schools privilgiant traditionnellement la thorie, est venue de Harvard.
Michael Porter, MBA de la Harvard Business School en poche, avait
travers la rivire Charles pour faire son doctorat dans le dpartement
dconomie avant de la retraverser pour devenir professeur la business school, en 1973. En 1980, il publiait Choix stratgiques et concurrence, o il offrait un cadre analytique troit mais solide, qui dclencha
une vritable tempte sur lenseignement du management. Cet ouvrage
ne tarda pas supplanter le populaire manuel Business Policy du collgue de Porter ( lorigine Learned et al. [1965], qui allait inclure Porter
dans ldition de 1982 par Christensen et al.). Ce manuel tait surtout
fait de cas, auxquels sajoutaient quelques textes de base remontant
presque tous 1965.
La stratgie combine les missions et les marchs, les produits et les
processus, pour en faire une thorie des affaires cohrente, selon
lexpression de Peter Drucker (1994). La synthse devrait donc y tenir
une place de choix. Mais pas du point de vue de Porter. Je suis favorable un ensemble de techniques analytiques pour dvelopper la
stratgie, crivait-il dans le magazine The Economist en 1987. Des
techniques analytiques pour analyser la stratgie, peut-tre, ou pour
faire pntrer linformation dans le processus de la stratgie. Mais des
techniques analytiques pour dvelopper la stratgie? Les principales
dentre elles taient ce que Porter appelait lanalyse sectorielle et
lanalyse concurrentielle. Louvrage contenait beaucoup de textes de
nature remarquablement rductionniste (ctait une succession de
check-lists). En outre, pour Porter, dans cet ouvrage, les stratgies
ntaient pas tant des ides quil fallait inventer que des catgories entre
lesquelles il fallait choisir. Il consacra de longs dveloppements aux
stratgies gnriques.
Le rsultat de tout cela fut, bien entendu, de mettre la stratgie exactement l o les initiatives prcdentes avaient mis le marketing, la
finance et les autres fonctions dans un lieu compatible avec ce que les
business schools taient en gnral devenues. Porter leur apprit donc
former des analystes, pas des stratges.
Pour des raisons videntes, les business schools adoptrent le point
de vue de Porter. Mme Harvard (non sans un conflit retentissant, qui
obligea Porter et ses adeptes se sparer de ce qui sappelait alors le
Groupe de management gnral pour en former un nouveau, baptis
Concurrence et stratgie). Les tudiants du MBA adoraient eux aussi :
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schools amricaines se concentre sur une seule question : la rsolution analytique des problmes (Leavitt 1989:37).
On pouvait sattendre ce que Carnegie et ses adeptes rduisent le
management la prise de dcision. Mais Harvard a fait exactement la
mme chose. Par exemple, le manuel de Business Policy, dont nous
avons parl plus haut (Christensen et al. 1982), utilisait frquemment
les mots choix et dcision pour dcrire le processus de la stratgie,
comme si laborer une stratgie tait lquivalent de prendre une dcision (ce qui est vrai, bien sr, dans une tude de cas ralise dans une
salle de cours). Mme la Harvard Business Review sest longtemps
dcrite comme le magazine des dcideurs. Nous lavons dj fait
remarquer : sil est vident que les dirigeants doivent prendre des dcisions, il apparat incomparablement plus important, surtout dans les
grandes entreprises en rseau constitues essentiellement de travailleurs du savoir, de voir ce quils font pour amliorer les capacits de
prise de dcision des autres.
Sil est dj hautement regrettable de rduire le management la
prise de dcision, il est plus grave encore de rduire la prise de dcision
lanalyse. Formellement, au moins, le processus de prise de dcision
comporte plusieurs tapes : on commence par identifier le problme,
on en diagnostique ensuite la nature, puis on trouve ou on invente des
choix possibles, on value ces derniers pour en slectionner un seul,
enfin on passe laction. La plupart de ces tapes relvent de lintangible (voir Mintzberg et al. 1976), elles ne se prtent donc pas lanalyse
systmatique. La seule exception, cest lvaluation des choix possibles,
cest donc sur ce point prcis que se concentre la prise de dcision traite en analyse. Approche troite sil en est.
Dans son article The Myth of the Well-Educated Manager,
Livingston crivait ceci :
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Le manager mathmatique?
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1. Whetten et Cameron (diverses ditions 1998, 2002) ont rdig lun des meilleurs
manuels en la matire. Pour un ensemble dexercices en cours particulirement
imaginatifs (pour sensibiliser les tudiants certains aspects de la culture et des
pratiques dentreprise japonaises, voir Van Buskirk (1996); et pour un programme
assez ambitieux profondment enracin dans les comptences soft Case Western
Reserve University, voir Boyatzis et al. (1995b).
2. Notre propre exprience McGill est peut-tre reprsentative. Aprs avoir termin ma thse de doctorat sur le travail managrial, qui comportait une discussion
de lenseignement des savoir-faire (Mintzberg 1973:188-193), jai remu ciel et terre
pour que nos programmes comportent un cours de dveloppement des savoir-faire.
Il est devenu obligatoire pour les seconde anne (voir Waters 1980), mais il na
jamais eu de prolongement; il ntait dailleurs gure apprci des autres professeurs, en gnral, et quand il ny a plus eu personne pour faire ce cours, il a t supprim.
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Jai rencontr un jour quelquun qui travaillait dans une grande compagnie daviation. Il ma dit la chose suivante : Chaque fois que nous
avons un problme, nous crons un dpartement charg de sen occuper.
Si vous voulez voir tous les problmes auxquels nous avons t confronts
au fil des annes, vous navez qu regarder toutes les directions que nous
avons au sige! Les MBA ont souvent le mme rflexe : vous entendez des
rclamations, vous ajoutez un nouveau cours. Et elles croient avoir rgl la
question. Tony Watson a parl dans un essai sur la motivation (1996) du
contrat de cynisme pass entre les tudiants et leurs professeurs : Un
tudiant me dit quelque chose comme : Oh, oui, nous avons fait le
taylorisme! Dans ces cas-l, en gnral, je rponds : Ah bon? Alors vous
savez tout sur la question? et, ordinairement, on me rpond quelque
chose comme : Ben, non, mais on ne va pas revoir tout a, si?. (448).
Des efforts remarquables ont manifestement t faits pour enseigner
certaines comptences managriales soft dans les MBA1. Et certaines
dentre elles pourraient potentiellement tre enseignes, car elles permettent de faire appel une exprience managriale que possdent les
jeunes tudiants le travail en quipe, par exemple, ou la ngociation.
(On trouvera chapitre 9 un tableau rcapitulatif de comptences utiles
aux dirigeants.) Mais mme celles-l ont rarement une place importante dans les programmes MBA2.
Susan Aaronson a tudi la faon dont est enseign le plus populaire
de ces savoir-faire, le leadership. Elle en tire la conclusion quil nexiste
aucun consensus [entre les coles prestigieuses] concernant la meilleure
faon denseigner le leadership, toutes ne sont mme pas daccord pour
estimer que cela puisse senseigner, ni mme sur le sens de ce mot
(219, citation dune publication de lAACBS).
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Infiltrer lthique
On peut pratiquement en dire autant de lenseignement de lthique
qui, pour ntre pas un savoir-faire, relve du moins de laspect soft du
management. Des voix nont cess de slever pour demander que les
tudiants de MBA apprennent lthique, des cours nont cess dtre
crs pour couvrir la dontologie. Voici ce quen dit un jour le doyen
dune clbre business school (Darden) dans un panel du New York
Times (Kurzman 1989:34) : Nous sommes parvenus la conclusion
que lthique est une discipline, tout comme le marketing. Mais quoi
sert un cours dthique perdu dans une myriade dautres cours vantant
les charmes de la cration de valeur pour lactionnaire? Un tudiant qui
parlait de lthique comme du truc le plus nul du MBA, ajoutait quil
avait entendu dans dautres cours quil tait toujours dsagrable de
payer des impts, et que lon pouvait toujours arbitrer entre les devises
en choisissant celle dont le pays crasait le plus efficacement les soulvements populaires (Applebaum 1993:1,2).
Mais, ici encore, comment des tudiants nayant pratiquement
aucune exprience professionnelle pourraient-ils apprcier les dilemmes
moraux srieux? Dans une tude intitule Can Ethics Be Taught? (Piper,
Gentile et Parks 1993), les auteurs ont interrog les tudiants dune promotion qui arrivait au MBA de Harvard. Ils en ont conclu quils taient
gns par leur manque dexprience concernant la prise de dcisions
fonde sur des valeurs, le manque de comprhension concernant les
consquences de leurs actes sur la socit, et lincapacit de formuler
leurs propres valeurs dans le contexte dun rle de leadership (72).
Ainsi, on finit par se demander sil faut vraiment inclure les comptences humaines et les problmes intangibles par nature dans le contenu
des programmes MBA, non parce quils nont pas dimportance, mais
parce que le reste du contenu et la nature des tudiants les marginalisent.
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chose, les tudiants sont censs lavoir ingurgit (au moins jusqu ce
que les examens soient termins). Cest ainsi que lon remplit ces rcipients vides que lon appelle des tudiants.
Les business schools ont eu le grand mrite de ne pas sarrter l.
Elles ont cherch vaillament dautres mthodes pdagogiques, leur propre saint Graal tant le monde rel de lentreprise dont leurs lves
taient appels prendre les commandes.
Le problme, cest que ce monde rel nest pas si facile trouver, ce
nest pas comme sil suffisait de le cueillir sur larbre de la pratique. Il
faut quil existe, non seulement dans la salle de cours, mais surtout dans
la tte de llve. Le monde rel, autrement dit, existe en tant quexprience vcue. Allez voir une classe o des dirigeants en poste se prennent
rflchir leur propre exprience, vous apprcierez immdiatement
quel point une situation dapprentissage peut tre relle. La solution
dpend donc des gens, pas uniquement de la pdagogie. Il me semble
cependant utile de passer en revue les diverses pdagogies pour voir ce
quelles peuvent accomplir sinon ce quelles ont accompli.
La simulation dun problme dentreprise, autrement dit le jeu, est particulirement populaire depuis que les ordinateurs traitent de vastes quantits de donnes. Les tudiants forment des quipes pour prendre des
dcisions trimestrielles concernant les prix et la production; ce faisant, ils
saffrontent en termes de rentabilit et de parts de march. Ces jeux sont
parfois utiliss comme pierre angulaire pour intgrer le programme
MBA, parfois aussi ces cours sont intituls cours de management.
Pourquoi? Parce que les tudiants jouent les dirigeants et ont souvent des
titres ronflants, ceux des membres dune quipe de direction.
Ainsi, dans le jeu de management de Carnegie-Mellon, des quipes dtudiants agissent en cadres dirigeants et prennent des dcisions
stratgiques en matire de marketing, de finance, de production et de
recherche-dveloppement. Chaque quipe rencontre trois fois un
conseil dadministration afin de lui parler de ses activits et de faire
approuver ses nouveaux projets (site web 2003). Cest ce que lcole
dcrit (dans une brochure de la fin des annes 1990) comme
apprendre par laction relier les connaissances acquises par linstruction aux situations du monde rel, et appliquer les savoir-faire nouvellement acquis un environnement du monde rel. Un tudiant cit
affirme : Le jeu du management ma ouvert une perspective fantasti-
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Lapproche ludique
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que sur la direction dune entreprise. Les rles que lon joue et les interactions entre les membres de lquipe vous exposent tous les aspects
de la direction dune entreprise et vous permettent de comprendre tous
les domaines que vous allez grer.
De telles affirmations sont dune btise vidente. Le seul fait de les
publier tmoigne de la distance qui spare les coles de la pratique du
management. Prendre une srie de dcisions faciles partir de paramtres
fixes un intervalle de quelques minutes pour quune machine puisse vous
dire instantanment si vous avez t bon, ce nest pas tout fait la mme
chose que dassumer des responsabilits de direction dans le monde rel.
En fait, cela ne fait quaggraver les problmes crs dans les autres cours en
donnant limpression que le management est nettement plus mthodique
et analytique quil ne lest en ralit. Si les vrais managers, lextrieur, travaillent dans un chaos calcul et un dsordre matris (Andrews
1976), les tudiants, ici, crivent des chiffres dans des formulaires fixes.
Jouer au management, ce nest pas du management. Le management
est une responsabilit, pas un jeu auquel on joue en classe. Dans la vraie
vie, il ny a pas de rgles claires, pas de grand ordinateur l-haut dans le
ciel pour dterminer qui gagne et qui perd. Certaines entreprises
gagnent parce quelles inventent de nouvelles rgles du jeu, dautres
parce quelles appliquent les rgles existantes plus attentivement que
leurs rivales. (Jai particulirement apprci la faon dont un groupe
dtudiants que je connaissais au MIT jouait au jeu du management
quils prenaient pour un jeu en soi. Ils ne cherchaient pas tant gagner
par les rgles qu infrer ces dernires deviner les paramtres programms dans la machine. Le premier groupe le dcouvrir gagnait le
jeu [les deux jeux]. Ceux-l taient destins russir dans les affaires!)
Reconnu pour ce quil est, le jeu peut avoir un rle appropri dans
une business school. Cela peut tre une faon efficace dapprendre
appliquer les concepts de la comptabilit et dillustrer des concepts de
marketing, de finance et dexploitation. De ce point de vue, le business
game est rellement une pierre angulaire, prcisment pour ce que les
MBA enseignent. Mais cela nenseigne pas le management.
du train-train des cours et des tudes de cas, ils ont loccasion de voir
de leurs propres yeux le dsordre du monde rel, et ils doivent chercher
eux-mmes les donnes dont ils ont besoin. Les professeurs, eux aussi, y
trouvent loccasion de voir une espce de monde rel, au moins travers les yeux de leurs tudiants. Mme les entreprises sont contentes, en
gnral : elles ont rendu service, accueilli des jeunes frais et pimpants;
elles ne marchandent donc pas les compliments. Elles en tirent
dailleurs parfois de bonnes ides. Aprs tout, ce sont des tudiants
intelligents aux comptences analytiques aiguises.
Mais prenez un peu de recul, demandez-vous ce qui se passe, dans
cette affaire. Ce nest certainement pas du management. Pas tout fait
du conseil non plus (mme si jai vu des recommandations de consultants qui ntaient gure plus ancres dans la ralit). Et si cest une
exprience authentiquement relle, pourquoi la faire partir dune
universit? Les gens qui ont un vrai mtier font sans cesse ce genre de
projets. Une fois leur diplme en poche, la plupart des MBA en auront
leur content. Ds lors, pourquoi ces projets, mens pendant les tudes,
seraient-ils suprieurs ceux que lon traite pendant sa vie professionnelle ou permettraient dapprendre quoi que ce soit?
Il y a une rponse vidente en principe. Luniversit est un endroit
o lon rflchit, o lon prend du recul par rapport lexprience
vcue et o lon en tire des enseignements. Mais, avec ce genre de projets, la chose nest pas simple. Il faut procder attentivement, en creusant, exprience par exprience, quipe par quipe, avec laide et
beaucoup de temps de professeurs qualifis. Pour une classe, disons,
de deux cents lves divise en groupes de cinq, cela peut mobiliser la
totalit des heures denseignement de plus de deux professeurs1. Combien de business schools ont accept un tel investissement? Combien de
leurs professeurs ont-ils accept de sy impliquer, combien en ont t
capables? Or, faute de la participation du corps enseignant, les projets
ne sont que des projets et ils nont rien voir avec de lenseignement.
Joe Raelin (1993a), lun des meilleurs universitaires amricains en
matire de pdagogie des affaires, est parvenu la conclusion que tout
agrables que soient ces activits, elles ne font pas grand-chose pour
faire avancer le besoin quont les tudiants de rflexion critique, de
reformulation et de mise lpreuve (5).
1. Je suis parti de lhypothse que le debriefing prendrait dix heures par groupe et
aussi du fait que, nayant plus besoin de prparer ses cours comme il le ferait pour
un enseignement classique, chaque professeur pourrait faire le double des 160 heures denseignement par an habituellement exiges.
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ET PENDANT CE TEMPS,
HARVARD CONTINUE AVEC SES CAS
1. Ce commentaire est rest pratiquement inchang jusqu ldition 1982, la modifications la plus marquante tant que la recherche commence rclamer notre
attention (Christensen, Andrews et Porter 1982:6). Le texte prcisait ensuite que
les livres auxquels nous faisons rfrence [dans les notes de bas de page] constituent une source de connaissances pertinente, mais accessoire. Il est instructif de
regarder ces sources. Sur trente-neuf rfrences des ouvrages thoriques dans les
notes de ldition 1982, trente et une renvoient des travaux de professeurs ou de
doctorants de la HBS. Les autres recherches, apparemment, ne rclamaient encore
que trs modestement lattention des auteurs!
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vard continuait non seulement mettre laccent sur les cas, mais aussi
prtendre former de futurs membres de directions gnrales, lanant
parfois des piques aux autres coles, qui se proccupaient davantage de
former des spcialistes.
Tout ceci donne limpression que lenseignement du management sest
scind en deux camps dans les annes 1960, beaucoup dcoles, entre
autres celles qui allaient devenir les plus prestigieuses, comme Stanford,
Wharton et Chicago, adoptant lapproche acadmique de Carnegie,
tandis que dautres copiaient la mthode plus pragmatique des cas
invente Harvard, laquelle elles devaient rester fidles1. En un sens,
les coles Carnegie traitaient le management comme une science, tandis quHarvard le considrait plutt comme une profession. Je voudrais
tout de mme montrer, en tudiant et en critiquant la mthode des cas,
que ces diffrences se sont avres plus apparentes que relles.
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Un cas, cest une liasse de papier de dix vingt pages, compos essentiellement de mots dans le corps du texte et souvent de chiffres dans les
annexes, avec parfois quelques images; le tout dcrit une situation,
habituellement dans une seule entreprise, le protagoniste, la croise
des chemins, tant contraint de prendre une dcision. Les investigations prparatoires et la rdaction sont parfois ralises par un professeur, mais le plus souvent cest un assistant qui sen charge, et il se
contente de superviser son travail. Un article du magazine New Yorker
dcrit les cas de Havard comme ayant une apparence uniforme. Ils ont
aussi tendance appliquer tous la mme formule ils commencent en
particulier tous comme une chronique de magazine (Atlas 1999:43).
1. Le rapport Pierson, par exemple, a attir lattention sur ce phnomne en 1959
(247-248). En fait, Fraser faisait dj cette distinction, au moins en termes de pdagogie, ds 1931 : Les mthodes denseignement des business schools aux tatsUnis commencent se diviser en deux systmes radicalement diffrents, tant en
thorie quen pratique la mthode du prcepte, ou le systme des cours magistraux, et la mthode de lexprience, ou le systme des cas (The Case Study Method
of Instruction Book, cit dans Dooley et Skinner 1975:1). Et Carnegie, dans les
annes 1950, Cooper et Simon se montraient inflexibles dans leur critique du
recours exclusif la mthode des cas pour dvelopper les capacits des tudiants
rsoudre des problmes; leurs yeux, toute la tradition de Harvard tait un anachronisme dans lenvironnement daprs-guerre. Cooper affirmait quen lisant cent
pages de cas, un tudiant napprenait que cent lments dinformation pars, mais
pas de connaissances gnralisables susceptibles dinformer leur action dans une
situation nouvelle (Schlossman et al. 1994:118).
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nez plus jamais mon cours sans avoir pris de dcision. Quand vous
serez dans les affaires, vous vous trouverez souvent dans une situation
o vous aimeriez avoir davantage dinformations. Cela ne change rien.
Vous devez tre capable dagir en fonction des donnes dont vous disposez au moment o vous devez prendre une dcision (20). Mme si elles
consistent en une vingtaine de pages crites par quelquun dautre sur
une situation dont vous navez pas la moindre exprience.
Dans les cours obligatoires, aujourdhui, quatre-vingt huit tudiants
sont assis sur des gradins en forme de U, afin de se voir mutuellement le
mieux possible, mme sils convergent tous sur le professeur, en bas.
Celui-ci est debout dans lespace ouvert que lon nomme parfois la
fosse. Derrire lui, de grands tableaux noirs sur lesquels il pourra inscrire les points quil veut conserver. Ils ont tous quatre-vingt minutes
pour discuter de la situation et dcider ce que lentreprise doit faire.
Cette mthode incite les tudiants avoir bien prpar le cours du
mieux quils le peuvent, du moins, sachant quils ont dautres cas prparer pour le mme jour car ils savent quil incombera lun dentre
eux douvrir la discussion en prsentant le cas de faon assez dtaille
(cest ce que lon appelle le cold call). Cest ainsi quHarvard fait en
sorte que les quatre-vingt huit tudiants de la classe prparent leurs
cours. Malheur celui qui arrive mal prpar.
Aprs ces propos liminaires, en croire un livre rdig par deux autres
anciens lves, vient la foire dempoigne, cest qui criera le plus fort
pour expliquer pourquoi il traiterait autrement le problme et pourquoi
cela marcherait mieux (Kelly et Kelly, 1986:14). La participation, telle
que la juge le professeur, constitue une composante importante de la note,
mais avec moins dune minute par tudiant et par cours, en moyenne,
personne na beaucoup de temps pour faire bonne impression. Nos managers-aspirants doivent donc se jeter leau et faire preuve dintelligence :
Un professeur ma racont quun tudiant de sa classe tait venu la voir
au milieu du trimestre. Je lui ai dit quil ne participait pas. Il a essay
dexpliquer quil levait la main et que je ne le voyais jamais, quil avait
souvent t sur le point de donner son point de vue quand un autre
lavait coiff sur le poteau, etc. Je lui ai rpondu que ses excuses ne
mintressaient pas. Vous participez, ou vous ne participez pas, cest
simple! Il na jamais modifi son comportement et, la fin du trimestre, je lai mis en catgorie quatre (recal). (Ewing 1990:38)
La discussion est surveille-guide-dirige-conduite par le professeur cela dpend de son style et de votre point de vue par rapport au
processus. En gnral, le professeur pose une srie de questions certains les prfrent rapides, faon tir la mitraillette, dautres une
approche plus rflchie afin de mener la discussion son point
culminant; cest alors quil fera des commentaires afin de rcapituler. Il
y a en gnral quelque chose prouver, quelque enseignement tirer,
dcid lavance par le professeur en fonction du cas.
Voici les hypothses censes sous-tendre la mthode denseignement
par les cas :
1. Cela permet de faire entrer dans la salle de cours la ralit de la pratique
du management. La principale forme dinstruction la Harvard
Business School est la mthode de ltude de cas, qui incarne lessence
du leadership. Les participants analysent et discutent des situations de
management relles en se mettant la place des dirigeants concerns
(tir de la brochure 1999 du General Manager Program de Harvard;
les italiques ont t ajouts).
2. Cela permet aux tudiants davoir une vision globale des problmes,
de prendre du recul. La vision que HSB veut que ses tudiants puissent dvelopper, cest la vue densemble. Ewing, rdacteur en chef
de la Harvard Business Review, est all plus loin dans son livre de
1990, demandant ses lecteurs de penser une pyramide mihauteur, vous avez les experts, qui en voient une section, en plan rapproch, tandis quau sommet, la vue change compltement, on voit la
pyramide dans son ensemble (79).
3. Cela dveloppe les savoir-faire du directeur gnral. Les tudes de cas
permettent aux tudiants de rflchir, de parler et dagir comme le
ferait le vrai directeur gnral de la socit tudie; de se sentir
laise dans toutes les situations de management et de savoir immdiatement comment prendre le problme; de participer la prise de
risque; dapprendre par laction; dassumer la responsabilit des
dcisions; et de proposer des solutions permettant damliorer les
choses sans attendre des annes pour que lexprience quotidienne
vous imprgne (interview ralise par Christensen dans la Harvard
Business School Newsletter, 1991; Christensen et al. 1982:6; Christensen et Zaleznik 1954:213; Kelly et Kelly 1986:15; Ewing 1990:272).
4. Cela remet en question les ides toutes faites (citation de la brochure
du General Manager Program, Harvard, 1998).
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56
des de cas que la plupart [des directeurs gnraux quil avait tudis]
nen prennent en un mois (80).
Les comptences dveloppes dans les amphis o lon pratique les tudes de cas sont celles de la prise de dcision exactement comme dans
les coles qui privilgient une approche thorique. Et, une fois encore,
ces comptences sont trs circonscrites : les paramtres informant la
dcision sont donns, mais il manque une chose importante, la
connaissance tacite de la situation, qui est donc ignore. Les tudiants
analysent les donnes absorbant de vastes quantits de donnes
dsordonnes et les mettant en ordre plus vite quun ordinateur, commente un consultant parlant dun de ses collgues form Harvard
(cit dans Cohen 1973:43) et ils dbattent leurs conclusions coups
darguments exprims avec soin. Tout ceci porte sur une situation que
tout le monde, dans lamphi, connat par la lecture, mais que personne
ne connat par exprience, car on peut prendre des dcisions, mais
jamais les mettre en uvre! Belle prise de dcision! Beau management!
Lutilisation des cas en droit, o elle est ne, est en fait une simulation plus raisonnable de la ralit. Cest que les avocats, particulirement en salle daudience, ne traitent pas des vnements eux-mmes;
ils traitent des compte rendus qui en sont faits. On peut donc les
reconstruire en cours de droit, essentiellement par les mots les arguments logiques. Une simulation en salle de cours de la simulation inhrente la pratique du droit semble tout fait raisonnable.
Mais le management est quelque chose de trs diffrent, ou du moins
devrait ltre. Les dirigeants efficaces font davantage que parler, convaincre et prendre des dcisions; ils crent des vnements en sortant de leur
bureau, en simpliquant, en stimulant les autres; ils voient, sentent, vivent
et testent en direct. Harvard sarrange peut-tre pour faire parler les garons (et les filles), mais une pratique efficace suppose que les dirigeants
coutent et regardent. (Lhistoire de la pyramide dEwing est particulirement intressante car, de si haut, cest peine si lon voit ce qui se passe
au sol. Quant la vue densemble, on ne voit pas non plus de l-haut la
forme de la pyramide et encore moins ce qui est dedans.)
Parvenir une conclusion logique et savoir convaincre les autres de
son bien-fond, voil sans aucun doute deux aspects importants du
management. Et la mthode des cas peut certainement contribuer affiner ces comptences. Mais ds linstant o on lui accorde une importance exagre, comme cela se produit dans les amphis dtudes de cas,
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Les mots, cest la vie rduite des catgories; les chiffres rduisent
les mots des catgories ordonnes. Ces dernires nont de sens quins1. Ceci est comparer avec laffirmation du doyen Donham, en 1922, selon laquelle
il y a beaucoup trop de [faits], il est donc bon de prsenter la fois des lments
pertinents et dautres qui ne le sont pas, afin dhabituer les tudiants slectionner
les premiers; Donham disait aussi que le cas ne suppose gnralement pas que
ltudiant aille chercher de nouveaux faits ne figurant pas dans les documents quil a
reus, mais bien plutt quil tudie les faits connus (60).
58
VO I R L E S C O L O N N E S
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ltude des cas. Tout le monde peut se prononcer sur lavenir stratgique
dune entreprise quand celui-ci se rduit une dcision. Mais comment
voulez-vous enseigner lexcution quand personne ne peut rien excuter, alors que tout le monde peut formuler tout ce qui lui passe par la
tte? Do ce texte du manuel de Business Policy de Harvard, qui dcrivait lexcution comme essentiellement administrative (Learned et al.
1969:19), tandis que nos deux diplms de Harvard, Kelly et Kelly
(1986:32), la rduisaient donner les ordres.
Il est peut-tre commode pour lenseignement (sans parler des cabinets de consultants et des directions de la planification) de sparer lexcution de la formulation, mais cela viole souvent les besoins de la
pratique. La stratgie est un processus interactif et non une squence en
deux temps; elle exige un change continu entre la pense et laction.
Autrement dit, les stratgies qui russissent le mieux ne sont pas conues
au cordeau, elles voluent mesure quelles avancent. Lide que
quelquun se prononce du haut de sa gloire pendant que tout le monde se
dmne pour excuter ses ordres sest souvent rvle la voie express vers
le dsastre (dont on accuse automatiquement lexcution). Les personnes
qui laborent les stratgies ne peuvent pas se permettre dtre coupes du
monde, elles doivent savoir sur quoi porte leur stratgie; elles doivent y
rpondre, y ragir, sy adapter, permettant ainsi souvent dautres stratgies dmerger, pas pas. En un mot, elles doivent apprendre1.
La formulation est lie lexcution de deux faons. Ou bien le
formulateur contrle directement lexcution, comme le font souvent les entrepreneurs, de sorte quils peuvent adapter leur stratgie
mesure quils lexcutent. Ou bien les excutants jouent un rle cl
dans la formulation, ce qui arrive frquemment dans la haute technologie et dautres situations de cration dentreprise. Ici, le rle du
management est moins de formuler que de faciliter pour encourager
les initiatives stratgiques des autres, couter attentivement leurs rsultats et aider consolider les meilleurs au sein de stratgies mergentes
et de visions cohrentes. En un sens, le management est plus cratif
dans la premire approche, plus gnreux dans la seconde. Dans le
cadre de lapproche de ltude de cas, on encourage au contraire les tudiants tre analytiques.
1. Pour la stratgie en tant que processus dapprentissage, voir Mintzberg, Ahlstrand
et Lampel (1998: chapitre 7). Cest en effet un processus de conception, de planification et de positionnement, voir chapitres 2, 3 et 4. (Le chapitre 2 contient une critique
dtaille de la sparation de la formulation et de lexcution.) Voir Mintzberg (1987a)
et Mintzberg et Waters (1985) pour une discussion de la stratgie mergente.
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Un apprentissage indirect
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Ce chapitre souvrait sur une citation de 1929 de Whitehead : Les intellectuels napprennent rien directement, cest le secret de leur mdiocrit.
Le caractre plus indirect encore des coles privilgiant lapproche thorique ne justifiait pas le fait que celles qui prfraient les tudes de cas proposent un enseignement indirect. (Le site Harvard 2003 dcrit ses cas
comme des compte rendus directs de situations relles. Ils reposent certes sur une exprience directement vcue par les protagonistes, mais celleci devient indirecte ds lors quelle est consigne dans un cas et encore plus
indirecte lors de la discussion entre tudiants et professeurs.)
Sterling Livingston a utilis la mme citation de Whitehead dans son
article de 1971 The Myth of the Well Educated Manager. Cet ex-manager devenu professeur Harvard jugeait svrement ce quil voyait autour
de lui. Ceux qui apprennent le plus vite au MBA sont souvent ceux qui
apprennent le plus lentement dans leur grand bureau de PDG, crivaitil. La raison en est que pendant leurs tudes, on ne leur enseigne pas ce
quils ont le plus besoin de savoir pour tenir avec succs les commandes
dune entreprise, cest--dire, pour tre plus prcis, tirer les enseignements de leur propre exprience (79, 84). Au lieu de quoi ils tudient
des cas crits dcrivant des problmes et des opportunits dcouverts par
quelquun dautre, et ils en discutent, mais ne font jamais rien de
concret. Mme ce quils apprennent concernant la supervision de leurs
subordonns, ils lapprennent largement de faon indirecte cest ce que
quelquun dautre devrait faire pour rsoudre les problmes humains de
bonshommes de papier. Privs de responsabilits et doccasions de
passer laction, ils ne peuvent pas dcouvrir par eux-mmes ce qui
marche et ce qui ne marche pas en pratique (84)1.
1. McNair a reconnu certains de ces problmes dans louvrage quil a consacr en
1954 la mthode des cas, tout en affirmant que les avantages de cette dernire
lemportaient sur ces inconvnients :
Si la mthode a du ralisme, un cas ne saurait tre identique la ralit. Lauteur a
slectionn les faits lintention des tudiants et ces derniers napprennent donc pas
rechercher et identifier les faits et les rapports pertinents au sein de la succession continue des dtails dont est tisse la vie quotidienne en entreprise. La page crite est un carcan restrictif, incapable dexprimer toutes les nuances subtiles mais importantes de la
personnalit et de la conduite humaine. Enfin, ltudiant est confront relativement
peu de temps un problme donn, il nassume aucune responsabilit oprationnelle.
Dans la situation relle, bien entendu, le personnel oprationnel doit vivre avec les
problmes. (86)
Si tout ceci lui semble rvler un manque de ralisme, il conclut tout de mme que
la mthode des cas rend mieux que toute autre lessence de ladministration des
affaires je prsume quil fait ici allusion aux cours magistraux.
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Le monde politique est dcrit comme un domaine o les hauts fonctionnaires, ordinairement extrieurs lorganisme, traitent des problmes troitement dfinis. Le contexte historique et social ny est gure
pris en considration. Laction y est individuelle plutt quancre dans
la socit, et le conflit plus frquent que la collaboration. Les hros solitaires sarrogent un rle prminent pratiquement sans demander
laide ou la participation des hommes politiques, du public ou des
organismes subalternes. (286)
65
telle est limpression que cela donnait. Quel responsable pourrait esprer apprcier lavenir sans sappuyer sur une connaissance approfondie
du pass?
Le problme, ce nest pas tant les cas que lusage que lon en fait
Pour conclure cette discussion, je tiens souligner que je nai rien
contre les cas en eux-mmes. Vus comme lhistoire, la chronique du
vcu, ils peuvent se rvler trs utiles, condition de respecter la
richesse de la situation, y compris son arrire-plan historique. Cest
souvent un moyen remarquable pour faire dcouvrir toute une palette
de situations du monde des affaires, mais il ne faut jamais oublier quils
viennent complter lexprience vcue et non la remplacer. (Lencadr
ci-joint donne un point de vue comparable et montre ce que lon peut
faire des cas.)
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Mais quand les cas sont censs remplacer lexprience vcue, privs
de leur contexte historique, et quils consistent contraindre les tudiants prendre position sur des questions dont ils ne savent pas
grand-chose, je considre pour ma part quils sont dangereux. Jai concoct un cas afin dillustrer cette menace.
Dans les cours magistraux, cest le professeur qui fait tout le travail :
les lves savent bien quon ne leur demandera pas de passer
laction. Avec la mthode des cas, nous leur disons : coutez, je sais
bien que vous ne disposez pas de suffisamment dinformations
mais partir de celles que vous avez, que comptez-vous faire? (Lieber 1999:262, citant Roger Martin, doyen du MBA de luniversit de
Toronto.)
Jack, voil, tu es chez Matsushita. Quest-ce que tu fais,
maintenant? Le professeur et quatre-vingt sept condisciples de
Jack attendent impatiemment ce quil va dire. Jack se sent prt, il
a mrement rflchi depuis quon lui a dit que la mthode de
ltude des cas tait cense battre en brche les ides reues. On
lui a dit et rpt que les bons dirigeants ont le sens de la dcision
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L E T O U R D E JA C K
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La leon de Bok
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1. Les auteurs affirmaient navoir trouv aucune preuve convaincante quun dirigeant gnraliste ait besoin, dans le prsent ou dans lavenir, du niveau de connaissances quantitatives et thoriques enseignes dans les autres coles. Pour vrifier
ce point dune faon limite, nous avons enqut auprs des anciens lves de Harvard directeurs ou administrateurs de socit pour savoir sils lisaient des publications ayant un contenu quantitatif. Sur les 25 ayant rpondu, presque aucun nen
lisait rgulirement et seuls quelques-uns en lisaient de temps en temps, alors que la
plupart lisaient rgulirement la Harvard Business Review (21). Une enqute
auprs des administrateurs de Harvard, dont la plupart avaient un MBA de Harvard et avaient donc peu de formation quantitative, rfute la thse de Bok selon
laquelle les lves de Harvard auraient besoin dune meilleure matrise de la technique analytique!
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1. En fait, le chapitre de Bach, dans le rapport Pierson et al., commenait par imputer Harvard et lusage des cas que lon y faisait la prminence absolue de la
prise de dcision dans lenseignement du management (319). Il ne faut pas oublier
non plus que les citations, en dbut de chapitre, de deux des approches les plus
ouvertement analytiques de lenseignement du management le travail de Michael
Porter sur la stratgie et lapproche de Beer et al. sur le comportement organisationnel viennent de professeurs de Harvard et non des coles privilgiant la thorie.
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La mthode
de ltude
des cas
Le MBA daujourdhui
FIGURE 2.2
Le passage du tmoin : lvolution des business schools
74
1. Les managers sont des gens importants, suprieurs leurs semblables, coups des tches quotidiennes que sont la fabrication
de biens ou la vente de services. Plus ils grimpent dans la hirarchie, plus ils gagnent en importance. Tout en haut de
lchelle, au sommet, sige le PDG, qui est lentreprise
(mme sil est arriv la veille).
2. Le management consiste prendre des dcisions fondes sur
lanalyse systmatique. Cette fonction demande donc beaucoup de rflexion. Plus proche de la science que de lart, on ne
saurait en tout cas dire que cest un mtier.
3. Les donnes ncessaires aux prises de dcision de ce type se
trouvent dans de courts paquets de mots et de chiffres, trs
commodes, qui sappellent des cas ( lcole) et des rapports
(dans la vraie vie). Pour prendre des dcisions, on masse les
chiffres et lon dbat coups de mots, en prenant parfois en
considration une dose dthique.
4. Ces managers coiffent une entreprise spare avec ordre et
mthode, linstar des programmes MBA, en diverses fonctions comme la finance, le marketing, la comptabilit, etc.
chacune appliquant son propre rpertoire de techniques.
5. Pour coordonner les efforts de ces fonctions, les managers
dictent des stratgies, aussi gniales que mystrieuses, que
les individus qui lon a enseign lanalyse sectorielle et donn
loccasion de formuler de nombreuses stratgies dans les
amphis dtudes de cas sont cependant en mesure de comprendre.
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LA DGRADATION
DU PROCESSUS DUCATIF
ducation, n. Ce qui rvle aux
sages et cache aux sots leur manque
dintelligence.
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autres attentes des tudiants, il faut plus quune business school ordinaire, en particulier lapprofondissement de la comprhension intellectuelle de la relation entre les activits du monde des affaires et les
grands problmes de lexistence humaine. Noble intention, nen pas
douter, mais les lments rassembls ci-dessous et dans les chapitres
suivants tendent prouver que les coles les plus clbres aboutissent
en fait un effet exactement inverse. Reste les deux autres points de
March, savoir tablir que vous tes lun des lments les plus
brillants de votre gnration, ou vous mettre en contact avec dautres
brillants esprits afin de vous permettre de tisser un rseau international
de contacts personnels (58). Selon moi, ces deux objectifs corrompent
eux seuls lensemble du processus ducatif.
Plus loin, dans lentretien en question, March parlait de la business
school en disant que ctait moins une usine quun temple tmoin
de la faon dont elle symbolise ce quoi nous attachons le plus de
prix. Dans ces conditions, on peut se demander quoi les acolytes de
ces temples, les tudiants en MBA, attachent du prix.
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nes fait figure [depuis les annes 1980] de sujet brlant du vrai
monde des affaires. Les dirigeants ont compris que gnrer des profits
dans un environnement marqu par une concurrence toujours plus
farouche dpend des ressources humaines [Cest cependant] lune
des tches les plus difficiles qui incombent aux dirigeants. Comme
pour toute dcision, ils procdent des arbitrages (143).
Le couple Kelly suggre ses lecteurs une batterie de cinq ou six
questions cls qui, appliques nimporte quelle entreprise, permet de
faire une analyse simple, rapide, la manire HBS, de leur secteur
dactivit et de la situation de leur propre entreprise. Et de prciser
que telle est lessence de ce que la HBS cherche donner ses
tudiants (26, 27). Par exemple, voici la question tire du cours de
politique de lentreprise : La stratgie globale de lentreprise et sa position sur le march peuvent-elles se rsumer en deux ou trois phrases?
(49). Et voici une question plus gnrale, pose plus tt dans le livre :
Comment vrifier rapidement, avant sa mise en application, quune
dcision est la meilleure possible? (11). Jespre que ceci nest pas
lessence de ce que la HBS cherche donner ses tudiants, mais il
semble bien que cela soit bel et bien ce quen ont tir ces deux-l.
Stanford (o enseigne le professeur March), un tudiant a crit un
livre intitul Snapshots from Hell (En direct de lenfer) (Robinson
1984). Portant surtout sur la premire anne, il voque peu le contenu
des cours, mais beaucoup de lattitude des tudiants. Dans lensemble,
cela fait davantage penser lcole primaire qu une grande cole, les
lves paniquant avant les examens et sortant bruyamment des cours
quils naiment pas. (La critique du New York Times, intitule Camp
dentranement pour Yuppies, insiste sur la btise de certaines tendances amricaines modernes transformer des tches pratiques en
disciplines acadmiques [Lewis 1994:7]).
La vrit tait apparue cet tudiant pendant un cours de marketing
qui tait descendu au niveau de la vie des gens, au niveau des chips
Pringles et et des produits dentretien Cinch (257). Cinch avait t un
fiasco, comme lavait reconnu un directeur de Procter & Gamble venu
assister au cours. Mme les grandes entreprises comme Procter &
Gamble font des erreurs, avait-il dit aux tudiants. Cela avait t une
rvlation pour Robinson, qui reprenait cette phrase en expliquant :
Ces mots furent les plus exalts que jaie jamais entendus Stanford.
Ce fut mon piphanie. partir de l, tout a t diffrent pour moi.
Nous sommes peut-tre loin de March et de ses grandes questions sur
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lexistence humaine, mais cest ce que cet tudiant a retir de ses tudes en business school.
Un livre plus ancien, The Gospel According to the Harvard Business
School (Lvangile selon Harvard) de Cohen (1973), est la fois
beaucoup plus labor et beaucoup plus ngatif que les deux prcdents. Par exemple, parlant de lanalyse crite de cas, remettre un
samedi sur deux, Cohen crivait : Les rgles incroyablement contraignantes de lexercice billonnaient la pense. Aucun saut dans
linconnu ntait permis, aucune hypothse grandiose. Il fallait se
dbrouiller en couvrant ses arrires (48). Le jour o le professeur rendait les devoirs, on cherchait frntiquement le petit bout de papier
blanc en se fichant pas mal de ce que Petra Cement [entreprise faisant
lobjet de ltude de cas] aurait d ou pu faire, des erreurs que lon avait
commises ou des dfauts de largumentation propose tout ce quon
voulait voir, cest si ce petit bout de papier portait la lettre P (pour Pass,
reu), ce qui voulait dire que lon avait franchi lobstacle, le cinquime,
et que, Dieu merci, il nen restait plus que six (53).
Le livre de Cohen rend bien latmosphre exigeante, stridente, individualiste, de la Harvard Business School. Quoi quil arrive, jetez-vous
dans la bagarre comme si ctait une question de vie ou de mort. Mettez
au point une manire unique de lever le doigt. Et, surtout, soyez sans
scrupule (21). Un tudiant raconte que lon a limpression dtre
dans une foule, pas un groupe. Quand nous bavardons dans les couloirs, nous sommes des tres humains. Et, tout coup, quand nous
entrons dans lamphi et nous asseyons notre place, nous nous transformons en lions, en btes sauvages. Aux yeux de lauteur, rien ne
justifie dutiliser la peur pour faire travailler les lves (133-134).
Un vnement majeur se produisit durant le sjour de Cohen Harvard, concernant la guerre au Vietnam, coup sr un grand problme
de lexistence humaine. Les tudiants de Harvard College, de lautre
ct de la rivire Charles, avaient organis une manifestation monstre
au stade, juste ct de la business school. De lautre ct de la rue,
dix mille personnes se demandaient o allait leur monde, et pendant ce
temps-l, nos tudiants se demandaient comment accrotre leurs bnfices Corporation 7 [un jeu de stratgie dentreprise]. Cohen notait
que ses condisciples dsassocis talaient un mlange de ddain et de
peur de ne pas vraiment comprendre une foule ou une motion. Plus
tard, il note que lcole refuse dentendre le tumulte extrieur Elle
ne peut pas lentendre, car il la confronte au pire obstacle sur la voie du
progrs le succs. Elle a peut-tre augment le nombre des cas
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LA TYRANNIE DU CLASSEMENT
Un autre facteur aggrave sans doute le problme : les business schools
sont classes par la presse spcialise, rgulirement et sans piti. Crainer et Dearlove (1999:178) ont dnombr trente-quatre classements
diffrents.
On peut voir la chose sous deux angles diffrents, qui mnent je
crois la mme conclusion. Le point de vue favorable, cest quils obligent les coles ragir davantage aux besoins de leurs tudiants et des
recruteurs, que les enquteurs interrogent sans cesse. Ceci peut certainement contrebalancer la tendance au splendide isolement des institutions acadmiques, surtout celle qui consiste prfrer la recherche
lenseignement. La question est de savoir si ces valuations font progresser les coles dans la bonne direction.
Laspect ngatif de ces classements, cest quils encouragent une standardisation des programmes qui va au-del des exigences des agences
daccrditation. Par exemple, lUS News & World Report utilise les
moyennes obtenues au GMAT par les tudiants comme dterminant de
la slectivit des coles, renforant ainsi le poids dun talonnage qui
na, nous lavons vu, que de lointains rapports avec le potentiel managrial des candidats. En outre, les classements ne jouent pas en faveur
de linnovation puisque les premires places sobtiennent plus en se
conformant aux normes tablies quen sen loignant. Faute dentrer
dans les catgories prexistantes, les programmes rellement novateurs
ne sont mme pas classs. Mme les petites variations sont sanctionnes. Stanford a ainsi perdu deux rangs, se retrouvant la neuvime
place, notait Business Week en 1998, en partie cause de lire des
recruteurs, furieux que les tudiants les aient abandonns pour aller se
faire embaucher par de minuscules start-up de Silicon Valley (Reingold 1998:87).
Le plus grave, sans doute, cest que ces classements, comme tous les
classements, tiennent parfois plus de la manipulation que de lillumination. Je peux vous dire, affirmait John Byrne, qui fut le premier
faire ces classements Business Week, que les coles mentent (in Mast
2001a:23). linstar des tudiants, elles sont prtes tout pour obtenir
de meilleures notes. Business Week a racont la faon dont Chicago a
ragi lorsque les recruteurs, deux ans plus tt, lui avaient fait grise
mine : lcole avait non seulement recrut de nouveaux professeurs,
mais elle avait aussi mis la disposition des tudiants un concierge et
des voituriers (Reinfold 1998:90).
Il y a aussi un indicateur des salaires obtenus par les diplms frachement moulus. Malheur lcole dont un tudiant entre dans une
ONG dun pays en voie de dveloppement ou dont un tudiant venant
dun de ces pays accepte un poste dans une entreprise locale. Nous pouvons rgler ce problme, affirment les magazines. Cest certain. Ils peuvent rgler tous les problmes; ils passent leur vie en rgler. Et les
doyens passent la leur les manipuler. (Si vous voulez les conseils dun
ex-doyen particulirement franc, lisez lencadr suivant.) Le vrai problme, cest peut-tre la notion mme de classement, qui consiste
mesurer les choses au lieu de les juger. Exactement comme dans le
management lui-mme.
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1. Les lecteurs que cela intresse peuvent consulter la liste tablie par le Financial
Times des critres utiliss par les cinq grands classements de MBA : le sien, celui de
lEconomist Intelligence Unit, celui du Wall Street Journal, celui de Business Week et
celui de Forbes. Sur le classement de la recherche, le journal observait dnormes
variations.
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LA DGRADATION
DE LA PRATIQUE
MANAGRIALE
Malheureux le pays qui n'a pas
de hros!
Malheureux plutt celui qui en a
besoin!
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dentre eux, un MBA navait que des rapports lointains avec la performance et ne changeait pas grand-chose au mrite et aux aptitudes des
salaris. Les mmes dirigeants reconnaissaient cependant que,
lorsquelle cherchait toffer son vivier de futurs dirigeants, leur entreprise naccordait dentretiens qu des MBA (McGill 1988:76). Si vous
souhaitez dautres exemples de ce genre de raisonnement, je vous incite
lire lencadr ci-aprs intitul Qui trompe qui?.
86 %
10 %
4%
33 %
64 %
3%
63 %
25 %
12 %
78 %
18 %
4%
78 %
17 %
5%
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Ne se
Daccord Pas daccord prononcent
pas
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Dans une article intitul The End of Business Schools? Less Success
Than Meets the Eye (La fin des business schools? Moins de succs quil
ny parat), Jeffrey Pfeffer et Christina Fong, de la Stanford Business
School, parviennent des conclusions intressantes. En contraste frappant avec les chiffres de retour sur investissement cits plus haut, calculs
partir des salaires que les jeunes diplms dclaraient recevoir pour leur
premier poste, les auteurs affirmaient ne constater aucune retombe
conomique positive, sauf pour ceux qui sortaient des tout premiers
MBA (82). Ils se demandaient si lon y apprenait rellement plus
quailleurs, sachant que les programmes, et mme les manuels utiliss,
sont remarquablement similaires dans des coles dont la slectivit varie
beaucoup (82). Ils constataient galement que les notes obtenues ne
semblaient pas affecter beaucoup les performances ultrieures en
entreprise (83). Les tudiants doivent faire preuve de comptence pour
entrer dans les business schools prestigieuses, mais pas pour en sortir
(83, citant Armstrong 1995). De fait, Pfeffer a confi un journaliste que
lobservation rvle que lenseignement lui-mme napporte pas grandchose (in Sokol 2002). Pfeffer et Fong en concluent que ce nest pas
lenseignement, mais la slectivit quapprcient [les employeurs] (82).
Clairement, les recruteurs obtiennent plus quun titre. Ils obtiennent
des gens qui ont choisi de faire une cole de management et ont eu le
courage dy consacrer deux ans de leur vie. Normalement, ces individus
sintressent aux affaires et cooprent activement aux vtres, au moins
jusqu ce quils vous quittent.
Mais si cest vrai, pourquoi prendre la peine de leur donner un
enseignement aussi coteux? Pourquoi les entreprises ne se contenteraient pas de payer les business schools pour slectionner, leur place,
les meilleurs candidats? Imaginez un instant, comme la fait Samuelson
dans Newsweek (1990), que tous les MBA aient disparu. Les entreprises devraient alors apporter beaucoup plus de soin la faon dont elles
recrutent et forment leurs futurs dirigeants (49).
Un dirigeant japonais particulirement franc, lui-mme titulaire
dun MBA amricain, prsente les choses sous un angle diffrent :
En pratique la seule chose que nous attendions immdiatement des
jeunes Japonais ayant obtenu un MBA amricain, cest quils parlent
bien anglais; nous leur demandons souvent de servir dinterprtes
quand nous avons des visiteurs trangers. Ils ne reviennent pas chez
Nissay avec des comptences tellement suprieures en gnral, ils
napprennent pas grand-chose en MBA quils nauraient pu apprendre
sur le terrain (in Linder et Smith 1992:30).
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Ces messieurs couverts de dettes, mais arborant des costumes trois-pices, ont pris lhabitude de courir aprs le dernier job tendance, sur le
point dtre survalu, dans le dernier secteur la mode et dj survalu. Cette quation, on lobserve sans cesse, dans tous les secteurs, les
uns aprs les autres. Plus ils connaissent une priode florissante longue
et spectaculaire, plus les salaires y sont levs, plus les MBA sy prcipitent, et plus dure est la chute.
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Mais pas dans les boules de cristal. Sur un cours de tennis, on peut
mme se demander sils voient la balle, tant ils ont les yeux rivs sur le
tableau de score. Leurs coles sont-elles plus clairvoyantes? Un doyen
associ a confi au journaliste de Fortune : Nous devons absolument
changer et mme prendre les devants, nous placer en tte de cortge
si nous voulons continuer attirer ces brillants jeunes de 25 ans. Mais
Harvard, cens tre le Monsieur Loyal de la parade, ne semble pas
savoir mieux que les autres o entraner ses troupes.
tre leader, cela veut dire avoir une pense personnelle, se distinguer
de la masse, linciter vous suivre, autrement dit, la diriger. Un leader
nimite personne. Les gens qui prennent les trains en marche ne sont
pas des leaders. Pas plus que les coles qui les forment1.
Alors, o veulent-ils travailler, les MBA?, demandait le magazine
Fortune en 2001 (Koudsi 2001:408). Larticle reposait sur une enqute
qui relguait le secteur Internet/commerce lectronique en troisime
position ( galit avec les biens de grande consommation, sur lesquels
nous reviendrons plus tard), et derrire qui let cru? le conseil stratgique et la banque dinvestissement2. Sauf quen loccurence, une fois
encore, ils ont peut-tre encore un train de retard.
Et tu, BCG
1. Le jeune diplm MBA cit plus haut avait crit son article dans le New York
Times pour montrer que si Harvard tait follement enthousiaste lgard du
commerce lectronique et considrait que ce changement plaait lcole la pointe
du progrs de la nouvelle conomie [rpondant ainsi] la demande de ses
clients. Pour conclure personnellement et rtrospectivement que le client na
pas toujours raison car il na pas assez de recul pour avoir une vision densemble Aujourdhui, je me rends compte que javais besoin daffirmer ma connaissance de lconomie traditionnelle avant dessayer de comprendre la nouvelle
mme si lpoque jexigeais quelque chose dautre (Buchanan 2000).
2. Les firmes de ce secteur dactivit comptaient quatre des cinq employeurs les
plus recherchs par les jeunes diplms lexception tant Cisco Systems, la
veille de connatre ses propres problmes! Deux ans plus tard, en 2003, toutes les
cinq figuraient dans la liste Fortune des cinquante employeurs les plus recherchs
(28 avril), dont les firmes daudit taient absentes suite aux scandales Enron,
Anderson et Homeland Security et la CIA y faisait son entre!
ditions dOrganisation
Nous avons vu plusieurs reprises, de la raction de Harvard au rapport Bok la discussion ci-dessus, que le conseil et la banque dinvestissement ont toujours t non seulement les partisans les plus chaleureux
de lenseignement dlivr par les MBA, mais aussi, en un sens, ses
piliers. Si daventure ils se mettaient vaciller, cela rvlerait coup sr
un problme grave. Cest prcisment ce qui sest pass au cours des dix
99
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100
Les activits qui sduisent traditionnellement les MBA ne sont pas vraiment au cur de lconomie. Les entreprises ne font gnralement que
deux choses vritablement importantes : elles fabriquent et elles vendent. Ce qui compte, ce nest ni le marketing, ni lanalyse, ni la planification, ni le contrle. Tout cela ne sert qu soutenir la fabrication
physique de biens ou la prestation de services, puis les efforts ncessaires pour que le client final les achte ou les utilise. On peut donc affirmer sans exagrer beaucoup que les MBA prennent des gens qui nont
pratiquement jamais rien fabriqu ni vendu et mettent tout en uvre
pour quil en aille de mme toute leur vie durant.
Mme quand des MBA entrent dans des entreprises qui fabriquent
et vendent la plupart du temps des biens de consommation, pour des
raisons dont nous parlerons plus loin cest rarement pour participer
la fabrication et la vente. Ils prfrent prendre des postes dans la planification stratgique, la technologie de linformation, les ressources
humaines, etc., ou dans les fonctions spcialises du marketing et de la
finance. Autrement dit, ils sont attirs par les activits o lon ne se salit
pas les mains, car cest l quune exprience antrieure dans le secteur
est le moins indispensable et o les abstractions dagrgats largent
dans la finance, les objectifs dans la planification, les statistiques pour le
marketing les mettent labri du dsordre des gens et des produits. Ils
tendent ainsi au monde du travail le caractre indirect de lenseignement reu en business school.
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101
La production (ou, comme on dit aujourdhui, la gestion des oprations) occupe, depuis fort longtemps, une place marginale dans beaucoup de business schools, ne suscitant gure dintrt auprs des
tudiants et souvent gure davantage auprs du corps enseignant.
Quant la vente, elle en est totalement absente. Je dis bien la vente, pas
le marketing; ce nest pas du tout la mme chose. Dans la premire,
deux individus se trouvent face face. Cest une activit inductive,
enracine dans le spcifique, le concret : les commerciaux se retroussent
les manches pour affronter les clients. Ils vivent donc de leur astuce, en
faisant appel leur exprience. Le marketing, au contraire, est coup de
tout, mme des marchs, sans parler des clients et des produits. Il fonctionne par agrgats, met en scne un individu face une foule. Il est
donc en gnral plus gnrique et plus dductif, sappuie davantage sur
la technique et lanalyse. Rsultat, les MBA prfrent en gnral le marketing la vente. Comme le font sans doute les entreprises quils dirigent.
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Faire un MBA ne vous transforme pas automatiquement en mercenaire. Mais les business schools attirent un nombre disproportionn
dindividus dots des caractristiques suivantes : impatience, agressivit
et gosme quils lancent ensuite sur les voies rapides menant aux postes dinfluence. Comme lenseignement donn nest ancr ni dans un
secteur dactivit, ni dans une entreprise, ni dans un contexte prcis, il
encourage un style de management qui, linstar de ceux qui le pratiquent, est impatient, agressif et goste, obsd par le dsir dtre aux
commandes pour pouvoir manipuler les rsultats, de dgraisser
pour accrotre la valeur pour lactionnaire. Cest peut-tre du management, mais ce nest pas du leadership.
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105
LART
(vision)
nb
ges
nne
tio
n
illo
rou
Style
visionnaire
tio
ges
dc
on
nec
te
Style
narcissique
Style
hroque
Trop
dquilibre ?
Style rsolution
des problmes
Style
calculateur
LA SCIENCE
(analyse)
Style
engageant
Style
tatillon
gestion terne
LE MTIER
(exprience)
FIGURE 4.1
Le triangle des styles de management
ditions dOrganisation
106
processus visionnaire pour lart, planificateur pour la science, exprimental pour le mtier.
TABLEAU 4.1
Les trois ples du management
Art
Limagination
(le visuel)
Mtier
Fond sur
La logique
(le verbal)
Lexprience
(le viscral)
Sappuyant sur
Proccup de
Reproductibilit
Nouveaut
Utilit
Inductive
Itrative
Par la planification
Par la vision
Mtaphore
La Terre
(rationnelle)
Risque de senliser
Lair
La mer
(spirituel)
(sensuelle)
Risque de se per- Risque de driver
dre
Apport positif
Apprentissage
dynamique sous
forme dactions
et dexprimentations
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Science
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107
les nuages; le mtier, qui fait davantage appel aux sens, flotte sur la mer
mais peut driver; et la science, si rationnelle, repose fermement sur le
sol, o elle peut senliser.
La figure 4.1 qualifie les styles de management sur chacun des trois
cts du triangle de faon galement ngative, puisque chacun de ces
cts combine deux dimensions en excluant la troisime. Faites aller de
pair lart et le mtier si vous ny ajoutez pas lexamen systmatique de
la science, vous aboutirez sans doute une gestion brouillonne. Prenez
le mtier et la science, mais pas la vision crative de lart, vous aurez
vraisemblablement une gestion terne, attentive et ancre dans la ralit,
mais sans gnie. Enfin art et science forment un tandem cratif et systmatique qui, faute dexprience acquise sur le terrain, risque hlas de
dboucher sur une gestion sans racines, impersonnelle, dconnecte des
ralits. La figure 4.1 montre aussi un cas particulier driv de cette
dernire, que nous appelons le style hroque, plus proche de la science,
mais avec une pointe (ou lillusion) dart, style important sur lequel
nous reviendrons.
Le management efficace se situe donc lintrieur du triangle, matrialis dans la figure par un second triangle au sein du premier, o
coexistent les trois approches, mme si une ou deux caractristiques
dominent. (Un troisime triangle, plus petit, au centre, indique quun
quilibre trop parfait entre les trois peut aussi tre dysfonctionnel,
aucun style ne pouvant alors simposer.)
Plusieurs styles de fonctionnement sont possibles au sein du triangle
intermdiaire. La figure en montre trois en particulier. Lun, proche du
sommet mais vers la droite, est qualifi de visionnaire. Largement artistique, il est ancr dans lexprience et soutenu par un certain niveau
danalyse (faute de quoi il chapperait tout contrle). Ceci suggre
que la vision densemble de lart ne surgit pas la manire dune
sorte dapparition, mais quil faut la peindre, touche aprs touche,
partir des expriences tangibles du mtier. Le style visionnaire semble
particulirement rpandu parmi les entrepreneurs qui russissent.
Un second style, que nous appelons rsolution des problmes, combine le mtier et la science. Il prvaut apparemment parmi les hommes
de terrain, comme les contrematres et les chefs de projet. Ce style peut
tre assez analytique, mais il est aussi fortement ancr dans lexprience
et suppose une certaine imagination.
Enfin, en bas droite du triangle, on trouve un style orient sur les
hommes, que nous appelons engageant cest celui des dirigeants qui
sattachent tout particulirement accompagner et faciliter le travail de
108
Le MBA dsquilibr
Nous avons conclu le chapitre 2 sur le constat que les MBA dlivrent un
enseignement dsquilibr, pour reprendre le terme exact. Il ne fait
aucune place au mtier, je dirais mme quil dnigre lexprience en
faveur de lanalyse. Les tudiants eux-mmes ont peu dexprience, et
quand ils en ont, ils sont incapables de lutiliser dans une salle de cours
totalement coupe de la pratique. Cet enseignement ne fait pas non
plus la part belle lart. Non quil le dnie de nombreux cas glorifient
le leadership visionnaire simplement, il ne peut pas en faire grandchose. Les ides, la vision et la crativit prennent vie dans laction, pas
dans ladmiration. Lart et le mtier sont fonds largement sur le tacite,
alors quun amphi de MBA sattache exclusivement lexplicite, sous
forme danalyse et de technique, ainsi que de thorie1.
La conclusion dveloppe jusquici, dans ce chapitre, est que beaucoup de MBA transposent ce dsquilibre dans leur carrire : ils choisissent des postes qui privilgient lanalyse coupe de lexprience du
mtier, et cest dans le mme tat desprit quils arrivent dans les directions gnrales. L, comme nous allons maintenant le voir, ils sont
enclins pratiquer deux des styles dysfonctionnels que nous venons de
prsenter. Des annes durant, le style calculateur, reflet exact de leur
formation MBA, la emport. Plus rcemment, le style hroque a
connu une grande faveur. Ce que je veux dmontrer, cest que non seulement beaucoup de PDG forms sur les bancs des business schools ont
exhib ces deux styles dysfonctionnels, mais quen vertu de leur nombre, ils ont contribu les mettre la mode. Avec des consquences telles que chacun mrite une discussion approfondie, ainsi que des
exemples de personnes clbres les ayant pratiqus.
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Le manager calculateur
109
de ce quil appelle le nouvel homme de raison, le manager calculateur qui met toute sa foi dans le systme dans la technique et les
calculs numriques obsessionnels indispensables pour la soutenir. Mais
quand il saventure en-dehors des remparts du systme et se retrouve
dans le monde rel, le monde du bon sens, cet homme nouveau est
perdu (89).
Saul, et dautres, font de Robert McNamara, le diplm le plus clbre, son poque, de la Harvard Business School, laurat de son premier Alumni Achievement Award (199), le symbole mme de cet
homme nouveau. Zalaznik dcrivait ainsi ltudiant MBA de 1968 :
Son intelligence est aigu, son ambition sans borne, et son gourou,
Robert McNamara (169). Si McNamara nest plus le gourou de personne, lencadr ci-joint, qui montre comment il est tomb de son pidestal, contient peut-tre un message dune importance vitale sur les
consquences de lenseignement prodigu par les MBA.
ditions dOrganisation
LE MANAGEMENT CALCULATEUR
DANS LE BOURBIER
Robert Strange McNamara a reu son MBA de Harvard Business
School en 1939, deux ans aprs avoir achev son premier cycle. Il
y enseigna ensuite trois ans, avant de servir, durant la Seconde
Guerre mondiale, comme officier au Bureau de contrle statistique de lArme de lair amricaine (Shipler 1997). Ensuite, il fit
quipe avec un groupe de camarades dmobiliss, destins
devenir clbres sous le nom de Whiz Kids (jeunes prodiges), qui
se mit en qute dune entreprise diriger. Henry Ford II, qui
venait juste de succder son grand-pre dans une situation difficile, les recruta, et deux dentre eux, dont McNamara, finirent par
accder la prsidence de Ford. Les Whiz Kids ont accompli la
mission pour laquelle ils avaient t recruts, devait crire McNamara. La valeur du titre fit un bond spectaculaire (12).
Mais cest plus tard, comme secrtaire de la Dfense pendant
la guerre du Vietnam (1961-1968), que McNamara devint clbre
pour le meilleur et pour le pire.
Il apportait ce poste, comme il le dit lui-mme, une
connaissance limite des affaires militaires et encore plus limite
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rieure, formuler une stratgie militaire pour lappliquer, puis rassembler les forces militaires pour conduire cette stratgie avec
succs (cit par Smalter et Ruggles 1966:70). Cest ce quil a fait
au Vietnam, sauf que le succs sest transform en droute.
McNamara, qui lavait formule, tait assis dans son bureau de
Washington pendant que sa mise en oeuvre tournait la catastrophe en Asie.
en croire son conseiller principal en matire de PPBS, le
secrtaire de la Dfense tait tenu parfaitement au courant des
vnements. La machinerie du systme y veillait. Le flux systmatique dinformations y jouait un rle de premier plan, prcisait Alain Enthoven (1969), et nous sommes organiss pour
fournir cette information (273). Pendant ce temps-l, dans les
rizires du Vietnam, lennemi regroupait ses forces et se prparait
envahir le pays. Voici comment Wilensky (1967) dcrivait ce
quil appelait les statistiques macabres du Vietnam :
Lanalyse des variables facilement mesurables (les pertes subies
par le Viet Cong et le Sud Vietnam) faisait passer au second plan les
variables difficiles mesurer et les cots long terme (la nature du
soutien populaire du gouvernement du Vietnam du Sud, les effets de
la guerre sur lAlliance Occidentale et sur la population civile
amricaine; les effets des bombardements sur la volont de rsistance Le pourcentage de morts et les autres statistiques du mme
genre sont un ilt de fausses certitudes dans un monde terriblement
incertain (188).
Le colonel Harry Summers, de larme amricaine, concluait
dans son livre sur la guerre du Vietnam (1981) que tout ceci
reprsentait une incapacit cultive de voir la guerre sous son
vrai jour (29). McNamara, prcisait-il, vouait un culte la
cohrence, et la guerre nest pas cohrente. [On peut rapprocher cette observation de la citation du dbut du chapitre 2 :
Le secret de la russite, cest la constance dans la poursuite dun
but. Cest sans doute vrai quand on comprend la situation.]
McNamara prparait ses plans et laissait le gros du reste ltatmajor. Mais ces plans rduisaient nant la marge de manuvre de ltat-major et, en croire Saul, transformaient les officiers
en bureaucrates ngligeant le sacrifice de soi au profit de
lintrt personnel (82).
Harold Leavitt (1989), de la Stanford Business School, a crit
que McNamara navait pas laiss le souvenir dun grand
112
La plus populaire de ces feuilles de vigne porte le doux nom de planification stratgique. Le systme est conu pour faire ce dont limagination
des dirigeants se rvle incapable : synthtiser une stratgie. Le problme, cest que la technique noffre quun seul et unique outil, lanalyse.
Lanalyse apporte de lordre, ce qui, comme on le voit figure 4.2,
peut tre utile avant et aprs la cration dune stratgie : avant, pour
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Analyses
stratgiques
Cration de stratgies
(et non planification
stratgique)
Programmation
stratgique
(cest--dire planification
stratgique)
FIGURE 4.2
Lanalyse stratgique qui entoure la bote noire
de la cration dune stratgie
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LE VENTRE MOU
DES DONNES DURES
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possible que si ce dernier respecte les autres styles que le sien. Ce que ne
font pas les managers calculateurs, selon elle. Serait-ce prcisment ce
que nous avons vu lorsque tant de nos dirigeants taient des solitaires
agressifs forms exclusivement lanalyse?
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rir. Mais la pratique a enfonc un coin entre les soi-disant leaders, assis
sur leur pidestal, coups du reste de lentreprise et gnreusement
rmunrs, et le reste du personnel, attendant fivreusement la prochaine dcision spectaculaire. Tous les progrs accomplis depuis les
tudes de Hawthorne, dans les annes 1930, pour impliquer les salaris
dans leur entreprise, ont t rduits nant dans les annes 1990.
Mais comment ces PDG, qui ne sont aprs tout que des tres de
chair et de sang comme le commun des mortels, peuvent-ils satisfaire
des attentes si ambitieuses? Il a fallu pour cela poser un autre postulat
facile et norme : ils sont tout simplement devenus hroques. On
attend des PDG quils chevauchent leur blanc destrier et, pleins de
panache, signent les exploits spectaculaires qui assurent le triomphe
(phmre?) de lentreprise et entranent le cours vers de nouveaux
sommets. phmres, eux aussi.
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La consommation de hros
Dans ce mythe, les conseils dadministration et les actionnaires ont t
rejoints par une presse on ne peut plus complaisante, dote dun apptit insatiable de hros. Les managers calculateurs, et mme les patrons
issus du terrain qui font tranquillement leur boulot, ne donnent pas
matire la chronique, que dfraient si facilement ceux qui sengagent
dans daudacieuses fusions et dnormes trains de licenciements. (Voir
lencadr ci-aprs.) Bien sr, les vrais artistes feraient remarquablement
laffaire, eux aussi, mais il ny en a gure se mettre sous la plume, je
veux dire de vrais artistes que les conseils dadministration traditionnels acceptent de nommer la tte de lentreprise. Il faut donc se contenter de prtendus artistes : on a alors le ct spectaculaire de lart,
mais pas la beaut. Ou de managers de chair et de sang, qui essaient
simplement de faire leur travail perchs sur des pidestaux hroques.
Un ou deux exemples tirs du magazine Fortune, pourtant lun des
organes les plus srieux de la presse spcialise, donnent une ide du
phnomne (14 avril 1997 et mars 1998) : En quatre ans, Lou Gerstner
a ajout plus de 40 milliards de dollars la capitalisation boursire
dIBM. Tout seul, comme un grand! Quand, il y a quatre ans, les
administrateurs de Merck ont propos Gilmartin, g de 56 ans, la prsidence de leur socit, ils lui ont assign une mission cruciale : crer
une nouvelle gnration de mdicaments se vendant comme des petits
pains afin de remplacer des produits importants dont les brevets taient
sur le point dexpirer. Gilmartin ne les a pas dus. Dans les labos, ou
dans son bureau? En quatre petites annes? Un vrai record, pour le sec-
122
teur ou pour un journalisme imbcile. (Fortune se garda bien dvoquer cet article en crivant, trois ans plus tard [Nee 2001], que Merck a
ce que les analystes de Wall Street appellent un problme de pipeline.
Cette anne, cinq de ses mdicaments les plus vendus tomberont dans le
domaine public. Quand cela arrivera, le chiffre daffaires seffondrera.)
DONNEZ-NOUS DU SPECTACLE,
PAS DES RSULTATS
Et o en taient les business schools, par rapport tout ceci? Complices, encore une fois, ouvertement et secrtement. linstar de la
presse, leurs tudes de cas mettaient des individus sur un pidestal,
tenant pour rien les efforts de leurs collgues (comme nous lavons vu
chapitre 2) et donnant souvent croire que cest le PDG qui fait tout.
Parfois, elles allaient jusqu le dire carrment : ainsi, Harvard, le Harvard General Manager Program se penche sur les leaders en action
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LE MANAGEMENT HROQUE:
UN CAS DCOLE
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tat de choc que la socit natteindrait pas les prvisions du quatrime trimestre. En trois jours, la capitalisation boursire de la
compagnie perdit 23 milliards de dollars, et cela sanctionnait
davantage sa crdibilit que son chec (53). Tout ceci malgr
un marathon de plusieurs jours au cours desquels madame Fiorina avait tent de prsenter les rsultats financiers sous le
meilleur jour (Business Week 2001:76). Mais elle ne se dmoralisa pas pour autant : elle informa les analystes quelle augmentait
les objectifs de croissance pour lexercice 2002. Au blackjack,
expliqua-t-elle aux salaris de HP au cours dune mission de
radio, on double la mise quand la probabilit de gagner est plus
forte. Et nous allons doubler la ntre (71). Deux mois plus tard,
la compagnie annonait que la croissance du chiffre daffaires et
des rsultats du trimestre suivant se situerait autour de 5 %.
Puis vinrent des licenciements considrables, alors que
lentreprise avait toujours vit les licenciements importants
(Poletti 2001). Ils suivaient de peu des promesses qui ne furent
jamais tenues Carla Fiorina ayant demand au personnel
daccepter des rductions de salaire pour viter des licenciements.
Plus de 80 000 salaris avaient donn leur accord, ce qui permettait lentreprise dconomiser 130 millions de dollars. Un mois
plus tard, Carla Fiorina supprimait 6 000 emplois. Beaucoup de
salaris eurent limpression davoir t trahis (Poletti 2001).
Arriva ensuite McKinsey, pour tudier les options stratgiques,
suivi de la grande fusion la plus importante de lhistoire de la
haute technologie (Burrows 2001a), avec Compaq. Cette dcision
supposait la suppression de quinze mille nouveaux emplois, estimation prudente des synergies, disait Carla Fiorina aux analystes
dans un communiqu. Walter Hewlett et Dave Packard, les fils des
fondateurs, se dclarrent opposs la fusion, qui violait leurs yeux
lhritage de leurs pres; il sensuivit une farouche guerre par procuration. En un sens, elle dressait les gardiens de la vieille Nouvelle conomie contre les champions de la nouvelle Vieille conomie.
Hewlett et Packard ont perdu. Carla Fiorina a gagn : des rumeurs
circulrent alors sur le bonus faramineux que lui avait valu la
fusion (pas ses consquences). Et Hewlett-Packard a-t-elle gagn?
Carla Fiorina annonait vers la fin de 2002 (Musgrove 2002) que la
fusion se prsentait bien : on avait pris 2 500 personnes davance
sur lobjectif den mettre 10 000 sur le pav avant le premier
novembre! Restez lcoute.
126
1. Cest lun des sujets o les chercheurs universitaires coupent les cheveux en quatre avec le plus de bonheur. (Voir, par exemple, Andrade et al. 2001.) Un spcialiste
en la matire, Maurizio Zollo, de lInsead, conclut (dans une correspondance particulire) que les observations empiriques ne permettent pas de trancher : les acqureurs nobtiennent pas des retours sur investissement anormaux [suprieurs ceux
de la concurrence], mais on ne peut pas dire non plus quils dtruisent tous de la
valeur Les estimations [perceptuelles] dchec varient de 50 % 75 %. La presse
populaire, au vu des checs spectaculaires, sest en gnral montre plus ngative,
comme en tmoigne cet article de Business Week (en ligne, le 14 octobre 2002) :
Dix-sept des vingt et une entreprises sorties gagnantes de la folie des fusions qui
marqua le printemps 1998 furent un fiasco pour les investisseurs qui en dtenaient
des titres (Henry 2002); quant au Wall Street Journal, on pouvait y lire que dans
lconomie morose que nous connaissons actuellement, les titres des 50 plus gros
acqureurs ont baiss trois fois plus que la moyenne des valeurs industrielles du
Dow Jones (cit par Sonnenfeld 2002).
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sous le feu des projecteurs (Hilton 2003). Si cela vous semble bel et
bon, lisez lencadr suivant.
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Des raisons videntes expliquent que les MBA obtiennent des postes de
PDG. Ce sont des individus intelligents, agressifs, extrmement motivs. Ils ont appris le langage des affaires, quils manient brillamment et
vite talent plutt utile dans un monde o il faut savoir convaincre
pour atteindre des objectifs toujours plus ambitieux. Comme la dit un
tudiant de Harvard, on nous apprend vendre notre camelote (in
Atlas 1999:47). Ajoutez cela la confiance en soi que leur inculquent
leurs tudes, ce qui les rend plus agressifs encore. Laspect si rationnel
des cas de Harvard et de la thorie de Stanford se rvle souvent terriblement sducteur, laissant le sentiment quil ny a rien que lon ne
puisse faire, si on le veut vraiment (Cohen 1973:21). Dcrocher le
diplme, pour commencer! Ensuite, au moins dans les coles prestigieuses, le rseau des anciens lves entre en jeu. Ce qui permet Harvard de placer tant de ses diplms la tte des entreprises, cest que
tant de ses anciens y sont dj.
Mais que se passe-t-il une fois au sommet, quand on ne peut plus
aller ailleurs (sauf marcher en crabe)? Cette rationalit coupe des
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Dcrocher le poste
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ditions dOrganisation
Sy montrer performant
Cest la raison pour laquelle, vers le milieu des annes 1990, jai commenc une petite enqute personnelle. Au dbut, cela navait rien de
trs acadmique : je demandais toutes les personnes que je rencontrais et qui connaissaient bien les business schools amricaines de me
nommer ceux qui mritaient leurs yeux le titre de grand PDG, ceux
qui avaient fait ou faisaient une vraie diffrence, sur la dure.
Si vous connaissez bien le monde amricain des affaires, interrompez un instant votre lecture et posez-vous la mme question.
Ensuite, jai pris les noms recueillis et je me suis mis en devoir dtudier les CV correspondants pour constater que les MBA brillaient par
leur raret. Les noms qui revenaient le plus frquemment, part ceux
de Sloan et de Watson, qui appartiennent une poque rvolue, taient
ceux de Bill Gates, de Galvin, dAndy Grove et de Jack Welch (respectivement patrons ou anciens patrons de Microsoft, Motorola, Intel et
GE). Les deux premiers navaient jamais termin leur licence (le Galvin
de ma liste, je le signale en passant, est le pre du PDG de Motorola qui
a rcemment donn sa dmission et qui, lui, est titulaire dun MBA de
Northwestern). Des tas de MBA ont bien sr dirig des entreprises clbres McNamara, Agee, Sculley, pour nen citer que quelques-un au
hasard (ou presque). Mais, comme vous limaginez aisment, on ne me
les a jamais cits dans la liste des grands.
130
Il faut galement tenir compte de ce quavait dit Time , il y a quelques annes, un MBA de Harvard : dans les tudes de cas, on prend
lhabitude de croire que lon peut rsoudre tous les problmes toute
vitesse. Dans la vraie vie, on ne peut pas soffrir le luxe faire passer les
dtails la trappe (4 mai 1981:44).
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132
TABLEAU 4.2
Les dix-neuf toiles de 1990 aux yeux de David Ewing :
la performance de la fine fleur de Harvard?
Socit
Performance
William Agee
Morrison Knudsen
Warren Batts
Premark
Apparemment bonne.
Roy Bostock
DArchy Masius
Benton & Bowles
Robert Cizik
Cooper Industries
Lou Gerstner
Bonne.
Robert Haas
Levi Strauss
Robert
Hauptfuhrer
Richard
Jenerette
Equitable Life
Victor Kiam
Remington
Frank Lorenzo
Eastern Airlines,
checs retentissants dans ces trois compaTexas Air, Continen- gnies; lune dentre elles a t vendue, deux
tal Airlines
se sont mises en faillite; conflits trs durs
avec le personnel.
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Nom
133
Robert Malott
FMC Corporation
Joseph
McKinney
Tyler Corporation
Contestable : sa gestion tait peut-tre astucieuse compte tenu des circonstances, mais
la socit, en crise aprs son dpart, subit
des pertes normes trois ans plus tard et fut
vendue lanne suivante.
Richard
Thomson
Toronto Dominion
Bank
Bonne.
William
Tinken
Timken
Note : dans de nombreux cas, comme ceux dAgee, Lorenzon, Pearlman et Robinson, les problmes ont t largement voqus dans la presse conomique (et certains plus haut dans ce
chapitre). Sources utilises pour raliser ce tableau : Laing (1995), OReilly (1995), Nudd
(2002), Adweek : magazine Newswire (2002), Marketing Week (2002), Norman (1994), Mergers & Acquisitions (1998), Santoli (2000), Button (1992), Forbes (1997), Sutter (1999), Munk
(1999), Himelstein (1998), The Economist (1997), Bloomberg (1996), DiNardo (1995), Rudnistky (1992), MacFadyen (2003), Ivey (1990), OReilly (1999), Time (1990), Castro (1990), Roeder (1999), Jaspen (1998), Byrne (1992), Machan (1994), de Rouffignac (1997), Yoshida (1996),
Peterson (1995), Button (1993), Dolan (1999), Saporito (1993), Investment Dealers Digest
(1993), Stedman (1992), Wall Street Journal (1993), Dorfman (1993) et Mitchell (1992).
Ainsi donc, sur les dix-neuf anciens de Harvard prsums les meilleurs,
cinq seulement avaient quitt leur poste sans avoir rougir. Si un bilan a
jamais reflt la vritable performance des MBA, cest bien celui-l!
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136
1. Voir Business Week (23 septembre 2002) sur The Good CEO (Le bon PDG),
celui qui travaille davantage pour son entreprise que pour lui-mme. Quatre sur six
de ceux que cite cet article ont un MBA, mais, fait remarquable, ce sont tous des
inconnus ne dirigeant pas des entreprises glamour. Lun dentre eux, Reuben
Mark, de Colgate-Palmolive (Harvard, 1963), navait mme pas souhait rpondre
au journaliste, auquel il avait expliqu que parler la presse ne fait rien pour amliorer les performances de sa firme. (De la mme manire, il navait pas voulu cooprer avec Fortune [ loccasion dun autre article, Schwartz 2001], prcisant quil
prfrait que le feu des projecteurs se porte sur les trente-huit mille salaris de Colgate.) Ces hommes ntaient pas non plus des agents du changement se sentant
investis de la mission de rinventer la culture dentreprise ou sa stratgie. En
moyenne, ils taient rests dix-huit ans aux commandes de leur entreprise!
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LA DGRADATION
DES ORGANISATIONS
Le problme, quand on est dans une
course de rats, cest que si lon gagne,
on reste un rat.
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LILY TOMLIN
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de grande consommation, auxquels ils vouent une certaine prdilection. Nous nous demanderons ensuite sils font de bons entrepreneurs
pour constater quils brillent moins dans les start-up que les business
schools naiment le croire et nous terminerons par les technologies
de pointe, o leur prdominance croissante des postes de PDG est
sans doute particulirement problmatique. Ce chapitre conclut que
nous assistons peut-tre la propagation dune nouvelle forme de
bureaucratie dysfonctionnelle, favorise par les MBA.
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EXPLORER ET EXPLOITER
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ditions dOrganisation
certains moments dcisifs, les dirigeants nont pas mobilis les ressources indispensables pour conserver leur comptitivit technologique
leurs entreprises mettaient trop lentement sur le march leurs dveloppements existants et ne parvenaient pas entretenir un environnement organisationnel propice linnovation. Il faut reconnatre que ce
nest pas facile. Mais les chances dy parvenir samenuisent quand la
direction ne possde ni la motivation ni les comptences ncessaires
pour innover. Nos analyses statistiques indiquent que lentreprise soutient davantage la R&D et ragit plus vigoureusement la concurrence
trangre quand les dirigeants ont une formation scientifique ou dingnieur. Sachant cela, il est dconcertant de constater, au moins pour les
entreprises orientes sur la R&D de notre chantillon, que dans les
annes 1980, on a eu tendance bouder les dirigeants de formation
technique et leur prfrer les MBA (leur nombre tant pass de
24 % en 1971 42 % en 1987 pour notre chantillon de socits). (182)
140
logy. Aucune autre entreprise amricaine ne figurait sur cette liste amricaine. Les sept autres taient japonaises, la huitime corenne1.
Considrons, de ce point de vue, un secteur o lexploration joue un
rle privilgi les laboratoires pharmaceutiques. Comme le notait le
magazine Business Week le 10 dcembre 2001 : Les producteurs de
mdicaments ont augment leurs dpenses de recherche ces dernires
annes mais les rsultats se sont avrs dcevants. Les grands labos
produisent de plus en plus de mdicaments en achetant des licences aux
entreprises de biotechnologie. De fait, le PDG de Merck, cit ci-dessus
pour ses problmes en matire de recherche, a confi un journaliste
de Fortune (le 30 octobre 2000:91) que, daprs son exprience, la
taille du laboratoire nest pas un indicateur de sa capacit dcouvrir
des mdicaments rellement novateurs. Dans notre cas, je constate
quelle nous a en fait gns. Les laboratoires pharmaceutiques sont
pourtant de plus en plus gros. Serait-ce quils privilgient lexploitation
aux dpens de lexploration? Henry McKinnel, MBA Stanford 1967, a
exprim juste avant daccder aux commandes de Pfizer sa conception
de la recherche. Plutt spciale : Nous venons de doubler notre bibliothque de molcules. Nous pouvons dsormais en passer deux millions
au crible pour chercher des combinaisons mdicamenteuses nouvelles.
Nous avons donc deux fois plus de chances de trouver un candidat de
qualit au processus de dcouverte (87, les italiques sont de moi).
Lexploration par le calcul, cest pas mal!
1. Business Week notait en 2001 que Carla Fiorina avait donn un coup de fouet
linnovation chez HP grce un programme incitatif qui a doubl le nombre de
brevets dposs cette anne par la socit (Burrows 2001). Une lettre, publie sur
Internet, claire cette pratique dun jour particulier (www.interesting-people.org/
archives/interesting-people/200203/msg00106.html) :
Les dirigeants de HP annoncent une augmentation de 67 % 100 %, du nombre
des dpts de brevets le chiffre dpend de la personne qui vous lannonce. Comment ce miracle a-t-il pu se produire? Trs simple : HP a court-circuit le processus
interne normal. Dbut 2000, les cadres ont reu la directive daugmenter substantiellement le nombre de dpts de brevets on encourageait les gens dposer
toutes les ides qui leur passaient par la tte, laissant lUS Patent Office dcider si
elles taient recevables ou non. Rsultat : plus de brevets, mais cela ne prouve pas
grand-chose sur linventivit de HP.
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ditions dOrganisation
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Dans un article (1996b; voir aussi son livre, 1984), Locke traite trois
questions. Premirement, les business schools amricaines et leur
MBA ont-elles contribu la bonne rputation du management
amricain? Sa rponse est brve : Pas beaucoup (4). Locke souligne
que lexcellence du management amricain tait tablie dans les annes
1940, bien avant que les MBA ne simposent et mme une poque
o les business schools taient, dans lensemble, considres comme
faibles. Ce furent, affirme-t-il, les ingnieurs et autres techniciens qui
construisirent le paysage industriel amricain, grce leur savoir-faire
en matire de logistique. Locke fait mme remarquer que si les MBA
ont connu une grande expansion dans les annes 1960 et 1970, la
rputation du management amricain connut alors une clipse,
cependant que les conomies allemande et japonaise opraient leur
bond en avant. Il dcrit le management, en ce sens, comme une
particularit culturelle de lAmrique, qui na jamais jou le rle
que lui assignaient les managers dans la russite conomique (1).
Ceci nous amne la seconde question de Locke : Les conomies capitalistes rivales de lconomie amricaine les plus florissantes, lallemande et
la japonaise, ont-elle fond leur russite, aprs la guerre, sur limitation
dun systme denseignement du management lamricaine? Tous deux
ont certes t de bons lves et lAmrique un professeur de management particulirement enthousiaste (6), mais aucun de ces deux pays na
dvelopp de cursus comparable au MBA (nous reviendrons sur ce point
au chapitre 7). Comme Locke (1959) la not ailleurs, les innovations de
nombreuses firmes allemandes de haute technologie ont sans doute, contrairement celles des entreprises amricaines de lpoque tudies par
Scherer, rsult du fait que les managers allemands nhsitent pas participer au travail de la communaut technique et scientifique (276).
La troisime question de Locke est la suivante : Peut-on dire que
lenseignement inspir des business schools amricaines a fait plus de
mal que de bien au management? Sa rponse est plus suggestive que
dfinitive. Il souligne, par exemple, que la recherche et lenseignement
des business schools amricaines nont pratiquement pas contribu
lvnement le plus important ayant marqu le monde des affaires
durant les cinquante dernires annes la rvolution de la qualit
(1996b:17). Il affirme galement que la cration dune lite managriale est prjudiciable la cohsion au sein des diverses entits de
lentreprise condition sine qua non de la russite au niveau
oprationnel, or cest prcisment l, selon lui, que les entreprises
amricaines excellaient auparavant. Ceci nous ramne aux MBA de la
promo 1974 tudie par Kotter, qui nimaginaient pas pouvoir tre
ailleurs qu un poste de commandement.
Larticle de Locke a, lui aussi, t rdig avant que lconomie amricaine ne retrouve la prosprit, les conomies allemande et japonaise
entrant pour leur part en rcession. tait-ce la revanche des MBA, donnant enfin le plein de leur talent dans ce quil est convenu dappeler la
nouvelle conomie?
Ce nest pas lavis de Locke. Dans un article plus rcent (1998), il se
penche sur les semi-conducteurs et les micro-ordinateurs, tudiant tout
particulirement la tendance des MBA prendre la succession des
inventifs fondateurs de start-up.
Les managers ont toujours tent de convertir les connaissances
tacites en connaissances thoriques, prcise-t-il (1998:20-22), cela a
commenc par les tudes de Frederick Taylor sur la rationalisation du
temps et sest poursuivi par des efforts plus sophistiqus. Cest ainsi que
les business schools proposent un programme standard (comptabilit,
finance, marketing, thorie de la dcision, etc.) cens tre utile une
lite oprant dans lenvironnement familier des entreprises de la liste
Fortune 500, qui fait la part belle un modle hirarchique, privilgiant la production et met laccent sur le volume et la taille, le
contrle, et la rduction des cots autrement dit, sur lexploitation.
Il est intressant de constater que les entreprises de semi-conducteurs et de micro-informatique qui ont connu une croissance trs
rapide dans les annes 1980 ont, elles aussi, succomb cette tendance,
adoptant les divers systmes de contrle lhonneur dans les entreprises traditionnelles budgets, systmes de reporting financier, instruments de contrle des cots. Et cela a sembl marcher jusqu ce
que linattendu ne vienne jouer les trouble-fte. Pour commencer,
la concurrence japonaise leur a port des coups trs durs, leur part
du chiffre daffaires mondial des semi-conducteurs tombant de 80 %
33 % entre 1983 et 1990. Ensuite, les semi-conducteurs ont chang de
nature, passant de produits banaliss et interchangeables des produits
hautement technologiques, personnaliss, forte valeur ajoute, que
seuls les fabricants spcialiss de microprocesseurs pouvaient raliser
(7). Rsultat, les dirigeants, contraints dadopter des comportements
exprimentaux faisant appel aux savoir-faire tacites et aux aptitudes
innes des salaris, ont d abandonner la pense analytique
dconnecte (il cite ici une tude dEliasson 1998:6-8).
Locke parvient une conclusion trs semblable celle Scherer : Les
fondateurs des start-up Internet nauraient jamais pu apprendre ce
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ENTRE EXPLORATION
ET EXPLOITATION, APPLE BALANCE
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apparemment aux antipodes de ces dernires (par exemple lagro-alimentaire, le commerce de gros, les produits de consommation; ces derniers, soit dit en passant, ne reprsentaient que 2,5 % des anciens lves
propritaires de leur entreprise, ce qui montre que les MBA crent rarement celles quils aiment tant diriger).
Une enqute mene plus rcemment par Bhid (1992) auprs des
anciens lves de la HBS confirme ces conclusions. Parmi ceux qui
taient sortis de lcole depuis 10 ans, 18 % se dclaraient fondateur ou
propritaire majoritaire, le chiffre correspondant slevant 31 % pour
ceux qui taient sortis de lcole depuis 25 ans. Bhid y voit une
migration progressive vers la cration dentreprise, mais reconnat
que les secteurs dactivit choisis par ces entrepreneurs sont peu prs
les mmes que ceux quavait identifis Stevenson. Bhid lui-mme commentait ainsi ses chiffres : Les anciens lves de Harvard sont attirs par
les secteurs dactivit peu concentrs et demandant peu dinvestissements en capitaux 25 % 30 % dentre eux se sont tourns vers le
conseil ou dautres services similaires rclamant peu dimmobilisations
(71).
Bhid sest galement pench sur les cent personnes ayant fond les
entreprises amricaines ayant elles-mmes enregistr les croissances les
plus rapides, telles que les a identifies le magazine Inc. Si 81 % dentre
eux avaient un diplme universitaire, celui-ci ntait un MBA que pour
10 % (1; voir aussi Bhid 2000:94). Une tude plus rcente parue galement dans Inc. et portant sur la liste complte des cinq cents premires
entreprises de croissance montre que la proportion de fondateurs MBA
se situe 15 % (Greco 2001; un article paru dans Fortune en 2001 sur
les quarante amricains de moins de quarante ans les plus riches ne
recensait quun seul MBA encore tait-il directeur dans son entreprise, quil navait pas fonde [Dash 2201]). Ainsi, sil y a certainement
de remarquables entrepreneurs MBA, ils sont nettement moins nombreux quon ne pourrait le penser compte tenu du nombre total de
MBA et de la proportion (40 %) de ceux qui dirigent des entreprises
figurant dans le palmars des cent premires entreprises du magazine
Fortune.
Il est plus intressant encore de constater la lecture dune autre
tude que les entrepreneurs titulaires dune licence dadministration
des affaires taient plus de trois fois plus nombreux que les titulaires
dun master (Updike 1999). Bien entendu, les tudiants qui dcrochent
une licence sont plus nombreux que ceux qui dcrochent un master
dadministration des affaires les chiffres du ministre amricain de
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VOLUTION RAPIDE
Ce sont videmment les checs comme celui de Steve Jobs premire
priode qui chassent les entrepreneurs de leur propre affaire. Les artistes sont parfois trop passionns, poussent trop loin lexploration, mais
pas assez les calculs, cest--dire lexploitation. Il arrive alors quil faille
les remplacer.
Mais par qui? La rponse semble vidente, comme dans le cas du
remplacement de Jobs par Sculley : par des gens capables de corriger ces
dfauts, des gens bien organiss, aimant les chiffres, pas indment passionns, motifs ou intuitifs autrement dit, des spcialistes de
lexploitation. Et, comme nous lavons galement vu avec Apple, la
rponse vidente est parfois la mauvaise.
Nos donnes Nasdaq indiquent que cest souvent aux managers
MBA que lon fait appel pour remplacer les fondateurs de start-up en
difficults. Nous avons regard la formation des dirigeants de nos quatre-vingt treize entreprises le 14 fvrier 2003 : vingt-quatre dentre eux
avaient un MBA (26 %). Ils occupaient sans doute une place moins
minente dans ce classement que dans celui des cent premires entreprises amricaines de Fortune (40 %), mais manifestement plus importante que celle quils tenaient parmi les fondateurs des entreprises de
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Jen tire la conclusion que nous avons toutes les raisons dtre sceptiques, voire svres, lgard du phnomne croissant des MBA reprenant la direction dentreprises tablies dans le secteur de la haute
technologie. Passer des chips aux boissons fruites est une chose, se
mettre aux puces de silicone en est une autre, et cen est encore une
autre de passer aux racteurs nuclaires ou la gestion dun hpital. Le
magazine Fortune a publi un article intitul CEOs Who Manage Too
Much (Ces PDG qui en font trop) : Dans leur ancienne entreprise
du Fortune 500, ils savaient mener leur barque. Mais quand ils prennent les commandes dune start-up Internet, les transfuges de la grande
entreprise saperoivent que leurs rgles de conduite habituelles ne
fonctionnent plus (Gimein 2000:235).
Ces habitudes, hlas fort rpandues, faisaient la part belle au calcul,
mais gure lengagement personnel. Aux yeux de ces dirigeants, la
technique de management est plus importante que la technologie du
secteur concern. En outre, comme le note larticle de Fortune, la mentalit du commandement et du contrle ne fonctionne tout simplement pas dans un monde o la prise de dcision est partage (Gimein
2000:240). Si le leader nest pas personnellement engag dans la technologie, peut-il faire le poids par rapport des experts qui le sont?
Un PDG passionnment attach son mtier peut facilement se
faire pauler par des individus connaissant bien la technique du management. La question est de savoir si linverse est vrai, si un PDG matrisant les techniques du management peut sen sortir aussi bien en
sentourant de collaborateurs frus de technologie. (Souvenez-vous du
mot de Rumelt, faisant remarquer quil tait facile denseigner la stratgie des experts en moteurs de moto, mais pas de faire comprendre
comment fonctionne la moto aux experts s stratgie.) Autrement dit,
les explorateurs trouvent facilement des spcialistes de lexploitation,
mais ces derniers prouvent les plus grandes difficults recruter des
explorateurs.
Il semble que les gens qui dirigent des firmes de haute technologie doivent avoir la technologie dans le sang, la vivre. Il est impossible de tricher,
la manire dun Sculley sautoproclamant directeur technique ou
dune Carla Fiorina tentant un remake du fameux HP Way rebaptis Rules
of the Garage. Ce nest pas parce que la direction ordonne dinventer (la
dernire des rules of the garage) que les inventions jaillissent comme par
enchantement, surtout quand cet impratif est dict par les personnes les
plus distantes du garage. Les trouvailles sont stimules par des leaders qui
sentent les choses, pas par ceux qui raisonnent.
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Il est de bon ton de considrer les MBA comme modernes, progressistes, adeptes du changement. Et il est certainement vrai que la plupart
des business schools font de grands efforts pour vivre avec leur temps.
En contraste complet par rapport limage de la bureaucratie, symbole mme du vieillot, de la routine, de la rsistance au changement.
Les MBA sont effectivement censs en tre lantithse; les coles les
lchent mme dans le vaste monde avec la mission de rosser la
bureaucratie.
Dans la ralit, mon avis, cest exactement linverse qui se produit :
sils appliquent consciencieusement le management ingurgit lcole,
les MBA finissent presque automatiquement par se transformer en
bureaucrates.
Je nemploie pas ce terme pour crer un effet de choc. Le mot bureaucratie possde la fois un sens pjoratif et un sens technique; je le prends
ici, littralement, sous ces deux significations. Au sens pjoratif,
dinnombrables reprises, jai vu des managers MBA se comporter exactement comme le patron de Dilbert. Cela ne les concerne pas tous, certes,
mais cela en concerne beaucoup trop. Au sens technique, la bureaucratie
classique a deux grandes caractristiques : la formalisation et la centralisation (voir Mintzberg 1979, 1983). Les programmes MBA promeuvent
les deux, nombre de leurs anciens lves en font donc autant.
Contrler le comportement humain par le truchement de la formalisation des activits, tel est le principe directeur central de la bureaucratie classique. Il saccomplit par lintermdiaire de plans, de systmes
et de mesures de la performance tout cela tant lhonneur dans les
programmes MBA et donc particulirement apprci de nombre de
leurs anciens lves. Contrler, au royaume de la bureaucratie, cela veut
dire tout coucher sur le papier. Un march est contrl si, dans le rapport annuel, un chiffre lev apparat ct de la mention part de
march; la qualit, si un chiffre faible apparat ct de la mention
dfauts; les hommes, sils sont tous connects un patron sur un
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organigramme; lensemble du systme, si toutes les actions sont anticipes dans un document nomm plan du plan stratgique, tout
en haut, aux budgets prvisionnels plus dtaills, au bas de la feuille.
Le contrle, la formalisation ou mme la bureaucratie ne sont pas
mauvais en eux-mmes. Il est difficile dimaginer une organisation sans
un minimum des trois. Qui, par exemple, monterait dans un avion qui
naurait pas de procdures de vol standardises, ni de partage clair des
responsabilits? Le problme se pose et le mot bureaucratie prend
alors son sens pjoratif quand une entreprise ou un organisme penche trop dans cette direction. Elle devient alors impersonnelle et
inflexible, ses dirigeants tant pour leur part distants, coups du personnel. Je suis convaincu que les formations dispenses en MBA penchent trop dans cette direction. Ainsi que les entreprises diriges par
leurs diplms qui ne parviennent pas dpasser, dans la pratique, la
formation reue et savrent incapables de contrebalancer leur formation analytique par la mise en uvre quotidienne de lart et du mtier.
Quant la centralisation, dont limage nest ni moderne ni progressiste, je ne connais aucun programme MBA qui y pousse ouvertement.
Mais y en a-t-il un seul qui ne lencourage secrtement en laissant
limpression que les dirigeants sont des gens importants, loin du terrain, qui restent dans leur fauteuil pour prendre des dcisions calcules
avec soin et prononcer des stratgies impeccablement conues quils
laissent le soin dappliquer tous les autres membres de lentreprise?
(Laissez-moi vous rappeler la critique que jai faite au chapitre 2 de la
mtaphore de Ewing, qui plaait le dirigeant au sommet dune
pyramide : de l-haut, tout parat incroyablement petit, sauf la pyramide elle-mme, dont on ne voit pas du tout lintrieur.)
Jai cit plus haut John Ralston Saul (1992) faisant remarquer, au
sujet de Robert McNamara, que cest un truisme applicable tous les
technocrates que daffirmer quils sont indissolublement lis la
centralisation (87). Ils ont de bonnes raisons de ltre. Les managers
qui sattachent aux chiffres et non aux nuances, aux systmes et non
aux subtilits, surtout quand ils sont parachuts dans des contextes
quils ne comprennent pas, se sentent fragiliss et se jettent sur tous les
contrles dont ils disposent. Ils aboutissent une centralisation exagre dans certains domaines, car ils prennent des dcisions quils
auraient d dlguer, et une formalisation excessive dans dautres, du
fait quils comptent sur les systmes pour contrler ce qui ne peut pas
ltre par la prise de dcisions directe. De tels dirigeants contrlent trop
et de trop loin, la manire de ces parents qui ne parviennent pas
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Le concept de chane plat beaucoup, actuellement, tant dans lenseignement que dans la pratique du management. Bien sr, ce nest pas la
chane verticale qui est la mode, cette chane du commandement qui
descend les chelons dune hirarchie, mais la chane horizontale, celle
des oprations, popularise sous le nom de chane de valeur dans le
livre de 1985 de Michael Porter, Lavantage concurrentiel. Il faut savoir,
cependant, que cette nouvelle chane ostensiblement horizontale renforce en fait lancienne chane verticale.
Lide de prendre limage dune chane horizontale pour dcrire les
oprations dune entreprise nous vient de la sphre la plus classique de
la production de masse, la chane de montage de lindustrie automobile. Toutes les tches sy suivent en une squence linaire, de linstant
o les pices arrivent dans les ateliers celui o les automobiles en ressortent sur leurs quatre roues, un mcanicien au volant. Depuis que
Porter a conu ses gnralisations sur la chane de valeur des fonctions
squences dans lordre, logistique des entrants, oprations de production, logistique des produits sortants, marketing, commercialisation et services aux clients toutes sortes dautres oprations ont, elles
aussi, t prsentes comme des chanes.
Allez dans un aroport ou un hpital, un laboratoire de recherche
ou une quipe de projet, voyez si vous y trouvez de telles chanes. Vous
trouverez, certes, des processus secondaires qui prennent cette forme
linaire. Mais lactivit, dans lensemble, ny ressemble gure. On a pris
1. La discussion suivante puise aux sources dun article sign par moi-mme et
Ludo van der Heyden (1999).
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161
lhabitude dutiliser le mot hub (le moyeu dune roue, souvent traduit
par le mot plateforme) pour parler des aroports (voir figue 5.1), car
ils sont moins organiss en squence dactivits que comme des points
focaux, vers lesquels convergent les gens, les choses et linformation, et
do tout cela repart dans toutes les directions. Les hpitaux, eux aussi,
peuvent tre considrs comme des hubs, et cela non seulement
lorsquon pense au btiment vers lequel convergent les patients, leurs
visiteurs et le personnel soignant, mais aussi, lintrieur, au niveau de
chaque patient, vers qui convergent divers types de services.
a. Lorganisation en chane
c. Lorganisation en rseau
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FIGURE 5.1
Les trois types de schmas organisationnels
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LA DGRADATION
DES INSTITUTIONS
SOCIALES
Des moyens toujours plus perfectionns au service dobjectifs toujours
plus confus, tels sont selon moi les
caractristiques de notre poque.
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ALBERT EINSTEIN
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ditions dOrganisation
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tion afin de vrifier que le candidat a su sen faire respecter. Une telle
dmarche pourrait apporter une perspective nouvelle dune importance vitale au processus de slection en y impliquant des personnes
ayant travaill aux cts des candidats. Sachant que la slection des
dirigeants, souvent confie des personnes extrieures nayant quune
connaissance superficielle de lentit en question et mme des candidats eux-mmes, est loin de donner satisfaction, consulter leurs collgues et leurs futurs subordonns pourrait se traduire par une
amlioration fantastique de la qualit du management.
Une tude ralise avant leffondrement dEnron et dautres grandes
entreprises montrait que 47 % seulement des salaris dentreprises
amricaines considraient leurs dirigeants comme tant dune grande
intgrit personnelle (The Gazette, 9 octobre 2000). Une tude plus
rcente, conduite par la Rutgers University of Connecticut, constatait
que 58 % des salaris pensent que les grands patrons ne cherchent
dfendre que leur propre intrt, mme si cela porte prjudice lentreprise, 33 % pensant pour leur part que les dirigeants ont cur de bien
servir leur entreprise (in Greenhouse 2002). Pouvons-nous rellement
continuer tolrer cette situation?
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dership dconnect de laristocratie terrienne. LAmrique se prpare-telle renouveler, sa manire, cette exprience? (Voir Kelly 2001.)
Au fil des annes, certaines cultures ont rcompens des comportements qui ont fini par se rvler ruineux pour lensemble de la socit
le dsir de la haute socit britannique de ne pas se salir les mains en
faisant du commerce en est lexemple le plus clbre, crivait Fallows
dans The Case Against Credentialism (1985). Lauteur se demandait si
une volution tout aussi perverse ne serait pas en cours en Amrique,
non en raison dun refus de faire du commerce, mais par dsir de
lexploiter des fins personnelles (52).
Une socit peut-elle se permettre dtre deux niveaux, lun fond
sur les diplmes, lautre sur lexprience? Le parcours individuel des
futurs leaders ne devrait-il pas tre vari et mme idiosyncratique, permettant ainsi de juger chaque candidat sur ses qualits personnelles,
dpassant ainsi les titres universitaires et les affiliations, et encore plus
les aptitudes superficielles impressionner la galerie? Je reproduis ici la
rponse dune femme cadre suprieur une lettre que je lui avais moimme adresse. Elle dcrit si bien ce grave problme que jai laiss sa
lettre pratiquement intacte.
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Limmoralit analytique
Lauteur de lun de ces rapports en impute les rsultats au manque
dexprience : Les tudiants aiment que les choses soient claires et nettes, pas embrouilles et compliques. Ils veulent concentrer tous leurs
efforts sur la rentabilit et refusent de se laisser mettre des btons dans
les roues par la ralit quotidienne. Cela changera, pense-t-il, quand
ces tudiants commenceront acqurir de lexprience (in Keily, p.
13).
Robert McNamara a acquis beaucoup dexprience aprs son MBA
mais, comme nous lavons vu, il a continu vouloir que les choses
soient claires et nettes, pas embrouilles et compliques. Son cas est
particulirement instructif, car McNamara se considrait comme un
homme bon, moral, et de nombreux points de vue il ltait sans
doute. Pourtant, les consquences de la faon dont il a acquis ses responsabilits les plus importantes ont t manifestement immorales.
Y a-t-il quelque chose de fondamentalement mauvais dans la formation intellectuelle quavait reue McNamara? Il la voque dans son
autobiographie, The Tragedy and Lessons of Vietnam :
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McNamara faisait allusion ses premires annes dtudes suprieures, mais les implications pour les annes suivantes et sur la faon dont
il a men sa carrire sont videntes. Se pourrait-il que le fait de rflchir
en termes prcis, logiques, mathmatiques, une bonne partie de
lactivit humaine soit contraire aux valeurs thiques, malgr les cours
dispenss en la matire?
David Halberstam a crit une histoire fort bien documente du
conflit du Vietnam (1972). Sa lecture rvle clairement que lerreur
danalyse de McNamara ntait pas banale, pas plus que lon ne pouvait
en imputer lchec une mauvaise excution. La formulation et lanalyse elle-mme taient errones. En loccurrence, les meilleurs et les
plus brillants, pour reprendre le titre du livre de David Halberstam
(The Best and the Brightest) non des hommes politiques ou des hauts
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Limmoralit conomique
Il y a une autre rponse ce problme, et elle a eu beaucoup plus
dinfluence car elle justifie admirablement les comportements gostes.
Il sagit de considrer, comme le faisait dj lconomiste Milton Friedman (1962, 1970), que les entreprises industrielles et commerciales
nont pas se proccuper du social. Cest laffaire de ltat. Chacun son
mtier et les vaches seront bien gardes.
Le monde rel nest hlas pas tout fait aussi manichen que ce petit
bout de thorie conomique. On le constate chaque fois quil faut prendre une dcision : lconomique et le social ont une fcheuse tendance
semmler. Quel conomiste affirmerait srieusement que les dcisions
sociales nont pas de consquences conomiques? Elles supposent toutes dengager des ressources, aucun dentre eux ne lignore. Lequel
pourrait prtendre que les dcisions conomiques nont pas de consquences sociales? Elles en ont toutes. Les hommes daffaires qui adoptent le point de vue de Friedman prennent des dcisions dont les
consquences sociales sont dsastreuses. Ils agissent selon leur bon plaisir et surtout leur intrt conomique, tout en sachant, ce qui est bien
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commode, que la note sociale ne grvera pas leurs comptes. Les conomistes ont trouv un joli terme : les externalits autrement dit les
entreprises crent des cots, et la socit paie la note.
Quand un chef dentreprise prend une dcision, il a toujours le
choix entre fermer les yeux sur les besoins sociaux ou les prendre en
considration. Certes, lentreprise nest pas l pour les satisfaire, mais
elle ne saurait perdurer en les ignorant totalement. Alexandre Soljenitsyne la montr avec beaucoup de lucidit dans un texte rdig aux
tats-Unis (1978) :
Jai pass toute ma vie sous un rgime communiste, et je vous dirai
quune socit ne possdant aucun repre juridique objectif est vraiment terrible. Mais une socit sans autre repre que ses textes juridiques nest pas tout fait digne de lhomme non plus. Une socit
fonde sur la lettre de la loi, qui ne slve jamais plus haut, ne tire pas
vraiment profit du niveau lev des possibilits humaines. La lettre de
la loi est trop froide et formelle pour avoir un effet bnfique sur la
socit. Quand le tissu de la vie nest tiss que de relations juridiques, il
rgne une atmosphre de mdiocrit morale qui paralyse les pulsions
plus nobles de lhomme.
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La corruption lgale
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Enron a donc fini par tre livr au bon vouloir de dirigeants narcissiques,
alors que ces individus font de trs mauvais dirigeants, qui refusent
dcouter les conseils et tendent sarroger indment la paternit de
toutes les russites (citant Hogan et al. 1990:29, 30, 31).
Et si les grosses ttes taient survalues? demande Gladwell. Et si
Enron tait all la catastrophe non pas malgr la prsence de tous ces
beaux esprits mais cause delle? Le mythe du talent repose sur
lhypothse que ce sont les hommes qui font la valeur de lentreprise. La
plupart du temps, cest le contraire qui se produit. Et de donner un
exemple : Wal-Mart est une organisation parfaitement huile, pas une
quipe de superstars (29, 32, 33).
Il faut bien comprendre que ce nest pas laspect pnal du dossier qui
nous intresse ici. Ce nest que la pointe de liceberg, et il est facile de
rgler la question en justice, une fois laffaire rvle au grand jour. Le
vrai problme, cest la corruption lgale ce comportement antisocial,
linsu du public, mais respectueux de la lettre de la loi. Cest grave,
trs contagieux (lpidmie a dj fait des ravages) et beaucoup plus
insidieux quun crime ou dlit normal, car plus difficile identifier et
corriger.
La notion dexternalit rejette le problme sur la socit. Quand les
entreprises ne sont tenues responsables que des comportements antisociaux qui peuvent leur tre imputs sous forme chiffre, cest nous tous
qui payons le reste. Quand les salaris quils ont mis sur le pav tombent malades et que leur famille se dsagrge, ce sont les victimes et la
socit qui paient la note. Quand des effluents industriels polluent
latmosphre, nous souffrons tous des consquences. Et quand les
grands laboratoires pharmaceutiques calculent le prix de leur produit
par rfrence ce que le march peut supporter le march, en
loccurrence, tant constitu de malades, souvent pauvres, qui nont
dautre choix que de mourir , alors la socit, aux deux bouts de la
transaction, en est lse. En loccurrence, on ne peut plus dire que
lanalyse qui sous-tend ces dcisions soit amorale : elle pousse les dcideurs, mme bien intentionns, faire des choix dlibrment immoraux.
Singer et Wooton (1976) ont tudi la gestion apparemment claire
de la machine de production militaire nazie dAlbert Speer. Voici leur
conclusion : Ce ntaient pas les managers eux-mmes qui taient
tyranniques, mais le processus de management (100). La distinction
revt une importance vitale, au moins concernant les styles de management qui dominent lheure actuelle. Il y a quelques annes, Albert
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Lexpression lean and mean (littralement maigre et avare) est tellement la mode, dans le monde des affaires, que cela devrait veiller
notre mfiance.
Sommes-nous en passe de crer des conomies boulimiques, tellement productives quelles finiront sans doute par seffondrer sous le
poids de leurs managers puiss, de leurs salaris rvolts et de leurs
technologies dpasses? Sommes-nous en passe de crer une socit
dune duret impitoyable? Et, dans ce cas, dans quel but? Pour que certains dentre nous puissent tre conomiquement riches et tous les
autres socialement malheureux? Dans une socit dmocratique, nous
nexistons pas pour nos institutions conomiques et sociales, ce sont
elles qui existent pour nous.
Le 4 fvrier 2002, Fortune publiait sa liste des cent entreprises considres comme les meilleurs lieux de travail celles qui tentaient de traiter correctement leurs salaris (Levering et Moskowitz 2002). La liste
rsultait essentiellement denqutes auprs de leur personnel. Il fallait
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1. Pendant les annes 1990, la rmunration des PDG a augment de 570 %, tandis
que les rsultats des entreprises progressaient de 114 % et les salaires moyens de
37 % (Anderson et al. 2001). En 1999, le retour sur investissement moyen pour les
actionnaires a diminu de 3,9 % la rmunration directe des PDG, elle, a augment encore de 10,8 %.
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UN MBA UNIVERSEL ?
La discussion a jusquici port essentiellement sur les consquences
sociales, dans les entreprises, de la prise du pouvoir des MBA. Mais leur
influence pernicieuse se propage dautres sphres savoir ladministration et le secteur social (associations but non lucratif, organisations non gouvernementales, etc.). Comme les organismes de ces
secteurs sont censs travailler la ralisation dobjectifs sociaux, les
effets pervers des MBA risquent dentraner beaucoup plus de dgts
pour lensemble de la socit. Et, en loccurrence, les business schools
sont trs directement coupables.
De toutes les ides fausses quelles rpandent, aucune nest plus flagrante que de prtendre que ce diplme dadministration des affaires
prpare ses tudiants diriger nimporte quelle organisation, quelle
quen soit la nature. Citons deux anciens lves reprenant leur compte
les prtentions de leur cole : Les savoir-faire et les perspectives acquises lHBS sont transposables : on peut passer de la direction dune
entreprise commerciale celle dorganismes publics, semi-publics et
dassociations but non lucratif (Kelly et Kelly 1986:30). Il y a toutefois des exceptions. Il existe un secteur non commercial qui continue
choisir et former ses dirigeants de faon traditionnelle. Cest peut-tre
parce que les gens qui y travaillent en savent trop. Son exprience,
dcrite dans lencadr ci-dessous, est instructive.
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dre un hpital ferait mieux daller travailler ailleurs.) Un tel comportement est particulirement dvastateur dans le secteur social, qui devrait
compter moins sur la hirarchie, comme on le fait dans le secteur
public et dans les affaires, que sur la vocation et le dvouement des personnes qui y travaillent. Dans les coopratives, par exemple, les personnes les plus concernes les travailleurs peuvent tre les propritaires;
dans les organisations dites bnvoles, certaines personnes offrent leur
temps. De sorte que lorganisation deux niveaux promue par lenseignement des business schools, qui spare les managers des autres, est
antithtique avec le plus clair de ce secteur1.
1. Mirabella et Wish (2000) ont publi A comparison of Graduate Education Programs for Nonprofit Managers. Ils ont identifi quatre-vingt trois programmes sur
lensemble des tats-Unis, dlivrs soit dans les business schools, soit dans ladministration, soit dans des tablissements vocation sociale. Ceux des business schools taient, dans lensemble, les plus proches des programmes MBA classiques et les
moins bien adapts au secteur social, malgr la prsence de quelques matires supplmentaires. (Par exemple, 7 % seulement des programmes de MBA destins aux
organismes but non lucratif avaient des cours Philanthropie et Secteur social,
alors quil y en avait le double dans les MNO [masters dorganismes but non
lucratif vocation sociale]. En revanche, ils avaient un plus grand nombre de cours
fondamentaux typiques des MBA classiques, comme le marketing ou la science de
la dcision.) Si les auteurs citent les arguments qui militent pour une convergence
du secteur social avec le secteur industriel et commercial par exemple,
lorientation de plus en plus commerciale des organismes but non lucratif ils
constatent que les diffrences sont importantes par exemple le contexte juridique,
conomique et social; les fonctions assumes par les organismes en question; les
structures de gouvernance; linfluence de la communaut; le recours au bnvolat;
les sources de financement; les critres de performance; enfin, ils notent que la collaboration revt plus dimportance que la comptition. Rsultat, les programmes
de management du secteur non lucratif se sont perdus dans la business school, qui
se caractrise par une prfrence conceptuelle implicite pour le business dans la
plupart des cours de management (221). En outre, une enqute ralise auprs des
enseignants, des anciens lves, du personnel et des fondateurs associs chacun de
ces MBA spcialiss a rvl que 43 % des personnes ayant rpondu, pour les MBA
destins former les dirigeants du secteur non lucratif, affirmaient que les organisations de ce secteur devaient se rapprocher du modle de lentreprise industrielle
et commerciale, tandis que les personnes parlant des autres MBA spcialiss mettaient laccent sur la collecte des fonds, la gestion du bnvolat, le travail avec les
conseils dadministration, etc. (226).
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(Wood 2001). Ainsi, sans doute, que des fonctionnaires. Quand ltat est
dirig par des individus ayant cette mentalit, il ne nous reste plus qu
subir les problmes de politique publique (par exemple la pollution) en
attendant que soient rassembles les preuves de leur cot (sans doute,
comme au Vietnam, le compte des corps, par exemple!).
Grce ce genre de logique, une bonne partie du secteur public,
dsorient, erre, tel un amnsique, en tentant de se faire passer pour une
entreprise prive. Quand un haut fonctionnaire de lquipe du Prsident
Bush, la Maison Blanche, a t interrog en septembre 2002 sur le lancement tardif dune offensive de propagande en faveur de la guerre en
Iraq, il a rpondu : En marketing, on ne lance pas un nouveau produit
au mois daot! La guerre est devenue un nouveau produit. Quand
Bush a nomm son ministre de lArme, ce dernier a promis dy introduire une gestion des affaires rigoureuse et prouve. Lhomme venait
de chez Enron.
Ces dernires annes, le nouveau management du secteur public,
tiquette recouvrant en ralit les valeurs les plus cules du monde de
lentreprise, a joui dune influence flatteuse. Les administrations sont
censes traiter les gens comme des clients, valuer les performances de
leurs managers, prendre des dcisions fondes sur le calcul des cots et
des bnfices. Cest tellement simple! Cela fait partie intgrante du
managrialement correct dominant et destructeur. Le gouvernement,
ce nest pas du business. Le traiter comme tel, cest le rabaisser.
Responsabiliser les managers permettra, nous dit-on, de dbarrasser
certaines administrations publiques de la pagaille qui va de pair avec la
politique dmocratique. En fait, en autorisant ostensiblement des officiels non lus prendre des dcisions publiques, on aboutit souvent
leffet inverse, celui daccrotre la pagaille qui rgne dans le monde politique. Il faudrait nous traiter comme on traite des clients? Jen attends
bien plus de mon gouvernement, merci! Je suis un citoyen, pas un simple client. (Voir Mintzberg 1996.)
Venons-en maintenant lvaluation de la performance dans le secteur public : cela ne vous a pas suffi, le compte des cadavres de McNamara au Vietnam? Il faudrait tout de mme en tirer les enseignements.
Le problme ntait pas que lon ne comptait pas ce qui fallait : ctait
de croire que la mesure pouvait remplacer le jugement, lanalyse gnrique se substituer la connaissance situationnelle. De nombreuses
activits chappent au domaine du business prcisment parce quelles
apportent des bnfices qui ne se prtent pas la mesure par exemple,
ce quun enfant apprend en classe, ce qui constitue un traitement en
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UN S T Y L E D E M A N A G E M E N T
PAS TOUT FAIT UNIVERSEL
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DE NOUVEAUX MBA ?
Changez lenvironnement, nessayez
pas de changer lhomme.
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R. BUCKMINSTER FULLER
annes, jai jet un coup dil sur les manuels utiliss dans un clbre
MBA europen. Celui de finance en tait sa quatrime dition, celui
de comptabilit financire la sixime, celui de marketing la septime
et celui de comptabilit de gestion la neuvime.
Cette standardisation est en partie due aux agences daccrditation,
comme lAssociation to Advance Collegiate Schools of Business
(AACSB); au point que Jerry Wind (1999:24), de la Wharton School, a
dcrit cet enseignement comme une industrie rglemente. Une universit que je ne nommerai pas a publi une brochure luxueuse pour
annoncer son accrditation par lAACSB. Elle y confirmait que ses
enseignants figuraient parmi les leaders mondiaux de lenseignement
de ladministration des affaires. Il et t plus juste de substituer le
mot suiveur au mot leader.
Il y a bien entendu des diffrences par exemple, comme nous
lavons vu, Stanford met laccent sur la thorie, Harvard sur les cas.
Mais il y a aussi une diffrence entre une cinq portes et une berline, ce
qui ne change pas grand-chose au reste du vhicule. a et l, on trouve
certes des MBA qui chappent au conformisme ambiant, comme on
trouve des voitures lectriques. Les premiers ne sont pas plus rpandus
que les secondes.
Ce chapitre passe en revue les changements et innovations intervenus rcemment dans lenseignement du management; le suivant portera sur autres mthodes mises en oeuvre pour prparer les cadres
suprieurs assumer des fonctions de direction gnrale. Ces deux
approches peuvent se combiner pour promouvoir une relle amlioration de la formation des dirigeants.
Nous ouvrons ce chapitre sur les nouveauts autour desquelles les
business schools et la presse spcialise, toujours avide de nouveauts,
ont fait le plus de battage ces dix dernires annes pour en conclure
quelles nont pratiquement rien chang de fondamental. Tmoin
lanecdote suivante : au dbut des annes 1990, le doyen de luniversit
Carnegie-Mellon a invit lun de ses plus clbres anciens lves, Paul
Allaire, PDG de Xerox, venir faire une confrence. Avant quil ne
prenne la parole, son adjoint avait commenc par prsenter le programme enseign cette anne-l et Allaire avait fait remarquer que
ctait exactement le mme que celui quil avait suivi en 1966 (in Crainer et Dearlove 1999:95). Jai le sentiment que si lon renouvelait
lexprience, les titulaires dun diplme quivalent parviendraient
aujourdhui une conclusion identique.
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LE MODLE DOMINANT
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tudiants avaient entre vingt et un et vingt-cinq ans.) La brochure prsentait le programme comme ambitieux et novateur ctait mme
le tournant le plus passionnant de lenseignement du management au
cours des annes 1990. Les faits dcrits dans la brochure permettaient
de penser exactement linverse (et aussi de se rendre compte que ses
auteurs ntaient pas au courant des ides nouvelles effectivement passionnantes mises en uvre par dautres coles britanniques). Des cours
intgrs comme la gestion des ressources financires et celle des
services et des produits ntaient sans doute, au bout du compte,
quune simple juxtaposition des cours de finances, de comptabilit, de
marketing et de gestion des oprations; il y avait dautres cours de
management stratgique et dconomie, ainsi que des cours optionnels
et un projet dentreprise. Toute cette nouveaut ostensible (plus le nom
dOxford, mentionn seize fois sur la premire page de la brochure) a
permis au nouvel MBA de franchir la barre des cents tudiants en 2001
(The Economist 2001)1.
E POUR EXECUTIVE ?
1. Cette brochure faisait grand cas de la diffrence entre le MBA dOxford et la tradition amricaine, tout en prcisant que Dan Quayle et O.J. Simpson figuraient
parmi les intervenants invits!
2. Les programmes plein temps Sloan Fellows, destins aux managers expriments, existent depuis plus longtemps. Ils ont commenc au MIT en 1931, linitiative
dAlfred Sloan, prsident de General Motors. Deux autres ont suivi, Stanford et
la London Business School, qui continuent ce jour, ceux du MIT et de Stanford
tant rservs des tudiants parrains par leur entreprise.
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les mmes raisons : attirer les acheteurs et grignoter des places dans les
classements de la presse conomique. Mais rien de tout cela ne saurait
se confondre avec une rvolution, autre mot dont on nous rabat les
oreilles depuis quelques annes.
Business Week a justement dcrit le dbut des annes 1990 comme
ayant marqu la rvolution des MBA, les programmes ayant t
modifis en profondeur pendant cette priode (Dunkin et Enbar
1998:64). Cest Wharton qui avait ouvert la voie. Comme lavait confi
quelque temps auparavant Fortune son doyen prcdent, nous
devons procder des changements radicaux. Jusqu prsent, nous
navons fait que du bricolage (Main 1989:78). Effectivement, en 1991,
Wharton a modularis son programme, ce qui consistait faire
intensivement, en quelques semaines, ce qui demandait auparavant
plusieurs mois. Lcole est alle jusqu ne donner quune seule note par
semestre en premire anne (Byrne et Bongiorno 1994:64). En parallle, une fois encore, elle sadonnait lintgration afin, si faire se
pouvait, denseigner le business comme un tout complexe et non
comme une srie de fonctions disparates sans oublier les savoir-faire
soft (travail en quipe, leadership, qualit, etc.).
Mais Business Week notait galement qu certains points de vue, le
changement a t trop ambitieux. Il fallait donc faire marche arrire.
Dautant que lintgration des cours fondamentaux, autour de
laquelle on a fait tant de battage, a rencontr de srieux obstacles du fait
que le corps enseignant est divis en 12 dpartements et 21 centres de
recherche (Byrne et Bongiorno 1994:66). Les efforts de Wharton pour
promouvoir le changement ont nanmoins t rcompenss, mme si
elle ny a pas tout fait russi : en 1994, elle se retrouvait la premire
place du classement de Business Week. Pour cette fois, prcisait le
titre du journal.
Esprant voir venir leur tour, les autres business schools se sont jointes la rvolution. Lhistoire ne dit pas combien dentre elles sont
alles jusqu ne plus donner quune seule note par semestre, mais les
modules faisant tenir en quelques semaines ce que lon faisait auparavant en quelques mois se sont effectivement rpandus, ainsi que les
efforts dploys pour enseigner les comptences soft et intgrer lenseignement des diverses matires. Les business schools nont jamais cess
de faire le plus de tapage possible autour de ce quelles sont le moins
capables de raliser. Le MBA nest pas soft, le MBA nest pas social, le
MBA nest pas managrial, le MBA nest pas intgr. Il privilgie le tangible, lconomique, lanalytique et le dcompos.
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LA VOIX DE DRUCKER
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Le lieu et lespace
Wallace et al. (2003:3) opposent le lieu lespace autrement dit
lenseignement qui se droule dans un lieu prcis et les changes virtuels rendus possibles par la technologie, en effaant la distance. Ils
dcrivent deux approches de ce dernier : les cours par correspondance, dans lesquels les tudiants travaillent tout seuls, et lapprentissage distance, o ils se rassemblent pour suivre des cours quils
reoivent sur des liens vido.
Wallace et al. combinent ces deux approches dans leur modle Lieu
et Espace. Par exemple, les transferts dinformations sont plus faciles
dans lespace. Le dialogue et la discussion peuvent commencer dans un
lieu et se poursuivre dans lespace (3). Lespace permet la participation
dun public plus nombreux, tandis que le lieu fournit un contexte affectif ncessaire pour apprendre ensemble. Conjuguer le lieu et lespace,
selon eux, rend possible une cole rellement mondialise (6).
En Angleterre, lOpen University, fonde en 1983, est un MBA bien
tabli dans lespace renforc par des composantes lieux. Elle se targue
de dlivrer une gamme trs complte doutils pdagogiques afin de
satisfaire les besoins de ltudiant, en particulier des manuels, des exercices, des vidos, des cassettes audio et des banques de donnes (brochure, 1999-2000), renforce par un tutorat personnel et des groupes
dtudes collaboratifs dont les membres se rencontrent pour des priodes de deux cinq jours. (Elle offre aussi un MBA uniquement en ligne
lintention des tudiants amricains.) Au Canada, luniversit Queens
offre un EMBA national par vidoconfrence, dont les participants
prennent place autour dune table en divers lieux du territoire, tout en
tant relis avec leur instructeur par des connexions vido double
sens. Ils reoivent les cours magistraux et peuvent poser des questions
et discuter avec leurs collgues autour de la table. Ces sessions, alternativement le vendredi et le samedi, sont compltes par deux modules de
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Le plus ambitieux, au sens technologique, cest sans doute le programme GEMBA de la Duke University, auquel sont affilis les auteurs
de larticle sur le lieu et lespace1. Ce programme a t mis en place
lintention des managers expriments du monde entier (do le G,
pour global). Son contenu est structur comme un MBA classique, en
gros. Comme la fait remarquer lun de ses concepteurs, Bill Sheppard,
le GEMBA na pas dclench de rvolution au niveau du contenu.
Mais dans la faon dont il dlivre ce quil appelle lapprentissage par
ordinateur interpos, il est radicalement diffrent (mme si linitiative
appartient encore au corps enseignant).
Chacun des cinq semestres commence par le lieu : sessions de deux
semaines en rsidence (deux Duke, en Caroline du Nord; les autres en
Europe, en Asie et en Amrique du Sud). Les quinze dix-huit heures
de cours, visant nouer des contacts personnels, sont apparemment de
type MBA classique, ceci prs que le mot global figure dans le titre
(et, on peut lesprer, dans le contenu). Ensuite, le semestre se poursuit
par onze douze semaines despace dans le format Internet. L, les
instructeurs prparent des cours, qui sont enregistrs pour tre tlchargs par les tudiants en fonction de leurs convenances personnelles. Ils ont des devoirs toutes les semaines et passent des examens.
Pour renforcer tout ceci, il y a les discussions entre tudiants (en
temps rel ou non), tandis que les forums du cours, auxquels participent les enseignants, sont consacrs des sujets prcis. Les instructeurs
ont galement des heures de prsence en ligne. Ils peuvent aussi donner
des thmes dtude des quipes virtuelles qui envoient les rsultats
de leur recherche par voie lectronique afin den discuter en classe
entire, toujours par voie lectronique. Inutile de dire que la mise en
place et la coordination de tous les liens lectroniques, qui supposait de
donner tous les tudiants un portable contenant les logiciels ncessaires, na pas t une mince affaire.
Le GEMBA reste, sans doute, un MBA assez conventionnel en termes de structure et de contenu, sous la frule denseignants travaillant
1. Le passage suivant est fond sur des discussions que jai eues Duke avec lun des
concepteurs du GEMBA et avec le directeur technique du programme en mai 1997,
conversations qui ont t suivies dun change de correspondance en 2003.
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Le GEMBA
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LA DIMENSION INTERNATIONALE
Les mots international et surtout global font dsormais partie du vocabulaire incontournable dans les business schools. Aucune brochure ne
saurait apparemment tre imprime, aucune interview accorde la
presse, sans quils ny apparaissent. On ne travaille plus lchelle
nationale, mme si cela reste fort rpandu, mais lchelle globale, tellement plus tendance, mme si lon ne sait pas toujours trs bien ce que
cela veut dire.
Comment peut-on dterminer si un MBA est rellement international?
Quatre critres, au moins, permettent den juger :
Les tudiants je dirais quune promotion est internationale si ses
membres se reconnaissent des racines dans diverses cultures, par
opposition des individus de nationalits diverses, mais attirs
par une culture dominante.
Le corps enseignant international si ses membres le sont dans
leur tte, et non juste par leur nationalit dorigine.
Le contexte, la philosophie et la culture peuvent tre internationaux
(cest--dire clectiques, le contraire du fameux global).
Limplantation gographique et le contrle sont internationaux sils
sont disperss (et non domins par un seul pays).
De ces divers points de vue, ma connaissance, il nexiste aucun
MBA international1.
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1. Une brochure de Wharton pour 1997-1998 prsentait lcole comme une communaut rellement internationale en tayant cette affirmation par les chiffres
suivants : la sortie, 25 % des diplms acceptaient des postes ailleurs quaux tatsUnis mais 90 % de ces derniers ntaient, en fait, pas citoyens amricains. Il semble donc que moins de 4 % de diplms amricains acceptaient de sexpatrier.
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Le corps enseignant, surtout dans les meilleures business schools amricaines, est souvent assez international. Il faut leur reconnatre le
mrite dtre trs ouvertes aux trangers. Mais pas aux traditions intellectuelles trangres : presque tous ces enseignants ont pass leur doctorat aux tats-Unis et se sont par consquent imprgns des
traditions acadmiques amricaines. Rsultat, les enseignants ns
ltranger ont en gnral moins diffus leur culture aux tats-Unis par
lintermdiaire de leur enseignement quils nont ramen des convictions amricaines dans leur pays dorigine quand ils y revenaient. (Voir
lencadr ci-dessous.) Autrement dit, les enseignants trangers des
business schools amricaines nont jamais fait preuve dune mentalit
particulirement internationale. Personnellement, jai toujours constat quils ont plutt tendance promouvoir la globalisation, sorte
dhomognisation du monde.
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tudier une langue asiatique (six dentre elles sont enseignes lcole).
Les tudes thoriques sont suivies dun stage dun an en Asie. En 2002,
en croire le directeur, 73 % des tudiants staient vus offrir de rester
chez leur employeur lissue de ce stage.
Il y a aussi les coles qui installent des clones ltranger ou incitent
une business school locale les imiter en tous points. Harvard avait
ainsi mis en place plusieurs petites surs jumelles il y a quelques
annes, mais elles ont plus ou moins disparu entre-temps, soit quelles
aient ferm, soit quelles aient pris leurs distances. On assiste actuellement une seconde vague, lInsead ayant rcemment cr un campus
Singapour. Jy reviendrai, car je crois que ces efforts sont contestables.
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sont des clones. Sils le restent, ils seront toujours de second ordre, car
ils nattireront pas les meilleurs tudiants. Si, en revanche, ils deviennent des centres dexcellence intellectuelle ayant leur propre personnalit, ils finissent automatiquement par chercher prendre leur
indpendance. En effet, quel corps enseignant qui se respecte accepterait de se plier aux dcisions, concernant le programme, du vaisseau
amiral? Les professeurs se satisferont-ils dassister des runions
denseignants virtuelles? Combien de temps attendront-ils pour se
rebeller? Cest la raison pour laquelle les meilleurs clones dcoles
comme Harvard, en particulier lInsead, ont fini par prendre leur indpendance, tandis que les rares coles ayant accept de rester dans le
rang ne sont pas renommes pour leur excellence acadmique.
Les hauts lieux de lducation, de la Grce ancienne au Cambridge
contemporain, ont toujours brill de feux particulirement extraordinaires lorsquils constituaient des communauts gographiquement
troites dintellectuels passionns. La collgialit est une forme de communaut, le lieu y joue un rle essentiel; elle franchit mal les grands
espaces.
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La troisime tentation de ces pays consiste dvelopper leurs propres solutions. Mendoza cite lexemple dun institut de management
dAmrique centrale qui a encourag un dialogue constructif entre les
institutions les plus importantes du monde des affaires, du gouvernement, des syndicats, de larme et de lglise, ainsi que celui dcoles
africaines qui ont contribu la renaissance de lagriculture locale. Son
message, cest que chaque pays a des enseignements tirer de ses propres comportements en termes de management et de pratique des affaires, quil peut transmettre ailleurs.
Regardons donc certains pays qui lont fait ou pourraient le faire.
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de faire tourner les forts potentiels dans leurs divers dpartements pour
quils connaissent plusieurs aspects de lentreprise, les allemandes ont
tendance les promouvoir sans les changer de spcialit fonctionnelle.
Locke pense (1989:276) que cela explique peut-tre le talent novateur
de nombreuses entreprises allemandes de haute technologie, dont les
directeurs de dpartement participent activement au travail de la communaut scientifique et technique. Il contraste ceci avec les systmes
ducatifs anglais et franais, quil accuse de former une lite
orgueilleuse de gnralistes totalement coupe des cadres ayant une
formation technique problme peut-tre dsormais plus srieux
encore aux tats-Unis (comme nous lavons vu chapitre 5).
En France, cest encore autre chose et, en un sens, la situation, diffrente de celle du Japon ou de lAllemagne, est pire encore que celle des
tats-Unis. Deux sortes dcoles enseignent le management, les IAE et
les coles de commerce. On y trouve de plus en plus de programme
MBA accrdits, trs proches du modle amricain.
Mais, dans ce pays, le vrai prestige reste lapanage des grandes
coles de commerce, dingnieurs ou autres, qui, une exception
notable prs, recrutent leurs lves lissue de deux annes dtudes
particulirement intensives, les classes prparatoires, qui ont lieu
juste aprs le bac. linstar des MBA amricains, les diplms des
grandes coles connaissent des progressions de carrire rapides, ce qui
entrane des consquences comparables celles voques aux chapitres
5 et 6 propos des MBA. En France, les futurs PDG sont slectionns
ds lge de 15 ans, sur la base de leur niveau en maths! lana un jour
Pierre Batteau, professeur lIAE dAix-en-Provence (dans un discours
prpar pour lAcademy of Management, en 1998). Un grand patron
franais a exprim la chose en termes plus srieux : Nous sommes
toujours la recherche dindividus capables de se hisser rapidement
des postes de responsabilits Les grandes coles produisent des
diplms fort potentiel, capables dtudier un problme et dy trouver
rapidement une solution.
La plus prestigieuse de ces grandes coles (avec lcole Polytechnique,
qui forme des scientifiques), cest lcole nationale dadministration, ou
ENA, dont linfluence est telle que ses diplms sont surnomms
narques. Ils y entrent pour la plupart aprs avoir obtenu un premier
diplme, gnralement dune autre grande cole; ensuite, leur carrire
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ferait plir denvie mme les anciens lves de Harvard. Malgr leur petit
nombre cinquante cent par an, la discrtion du gouvernement franais ce sont les aristocrates de la France moderne : ils reprsentent une
proportion incroyablement leve de lestablishment, y compris (assez
souvent) le Prsident de la Rpublique et le Premier Ministre (ce nest pas
le cas lheure o jcris ces lignes, puisque ce dernier est justement
diplm dune business school, mais cest la premire fois depuis des
dcennies), ainsi que nombre de hauts fonctionnaires et de dirigeants des
plus grandes entreprises (ce sont souvent les mmes individus, qui se font
parachuter de lune lautre). Le manager hroque franais le plus
emblmatique des annes rcentes, Jean-Marie Messier, qui doit sa clbrit Vivendi, est prcisment la fois polytechnicien et narque
Jai connu de nombreux diplms des grandes coles : souvent
brillants, ils sont nettement moins cratifs. Mais leur niveau intellectuel
reflte-t-il la qualit de lenseignement reu ou la svrit de la
slection? Certains recruteurs reconnaissent acheter avant tout ces
concours dentre (Barsoux et Laurence 1991:63).
Le processus de slection fonctionne peut-tre trop bien, car en
favorisant lintelligence analytique non accompagne dune exprience
professionnelle, il suscite les mmes critiques que celles que nous avons
formules lgard des MBA aux tats-Unis : ces diplms sont trop
cartsiens, trop dtachs, trop arrogants. Comme la fait remarquer un
grand patron franais, galement prsident de la Fondation nationale
pour lenseignement de la gestion des entreprises, ils ont du mal
grer les hommes La comptition farouche que supposent leurs tudes les rend terriblement individualistes et nombrilistes (in Handy et
al. 1988:101, 102).
Dans son livre Voltaires Bastards, John Ralston Saul (1992) attaque
la rationalit troite au pays de Voltaire et au-del, pinglant en particulier ces fournes dnarques dots dambitions personnelles sans
point dapplication ne connaissant rien du monde rel et qui lon
donne nanmoins rapidement un pouvoir trs rel (127). Saul tablit
un parallle entre lENA et la HBS, les deux produisant une lite privilgiant des vrits abstraites coupes du rel (192). La France est
alle beaucoup plus loin dans ce sens : en sortant de Harvard, cest chacun pour soi, mme si laide du rseau danciens est prcieuse; mais le
systme franais travaille pousser ces gens en avant dune faon qui
voque nettement les privilges de lAncien Rgime. Tout se passe
comme si le pays entier se comportait comme une entreprise troitement contrle, dplaant les hauts potentiels comme des pions.
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De nouveaux MBA?
215
Dans un pays de langue anglaise, avec des liens si troits avec les tatsUnis, les dveloppements de lenseignement amricain du management
attirent bien entendu rapidement lattention. Les coles britanniques adoptent donc rapidement les changements qui surviennent dans la pratique
amricaine. Mais, curieusement, cela semble plus frquent parmi les plus
clbres, la London Business School et Oxford, que parmi les moins connues qui, comme nous allons le voir, font toutes sortes de choses intressantes. dire vrai, en juger par ces dernires, on peut affirmer que
lAngleterre est une serre chaude dides nouvelles pour lenseignement du
management et de ladministration des affaires. Il est triste que si peu de
professeurs et de journalistes amricains le sachent1.
Je prsente ci-dessous deux tendances importantes en Angleterre,
assez diffrentes mais potentiellement complmentaires. La premire,
partage avec de nombreuses coles sur le continent europen, cest
lexistence de MBA extrmement spcialiss. La seconde, les MBA destins aux managers en activit.
LA DIFFRENCIATION EN EUROPE
Je pense que le MBA formerait les bons candidats en employant les
bonnes mthodes, ce qui entranerait des consquences positives, sil
tait reconnu comme une formation spcialise pour des postes spcialiss. Et cest ainsi que lon voit souvent les choses en Europe (de plus en
plus souvent sous le label MBA, mais pas toujours); comme nous allons
le voir successivement, on y pratique un enseignement spcialis par
fonctions, mais aussi parfois par secteur dactivit.
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Tandis quun tudiant MBA, aux tats-Unis, suit en gnral une srie
de cours fondamentaux la premire anne et des optionnels la seconde,
1. Cest parfois vrai mme en Grande-Bretagne. Sur Careerpoint, dans le site
FT.com, jai trouv une remarque selon laquelle les MBA destins aux managers
en activit taient enseigns le soir et le week-end jusqu ce que le moule ait t
bris par la cration en Angleterre du GEMBA. En fait, des programmes modulaires dune ou deux semaines existaient en Angleterre au moins depuis les annes
1980, une bonne dizaine dannes avant le GEMBA. Je vous rappelle aussi la citation, ci-dessus, de la brochure dOxford. Il est vraiment triste que les prtendus
experts puissent tre plus au fait de changements mineurs aux tats-Unis que
dinnovations srieuses dans leur propre pays.
216
1. Les statistiques de lAASCB (2002:9) concernant ses membres montrent que 245
coles dclarent offrir des masters spcialiss, la comptabilit tant de loin la
matire la plus reprsente (avec 192), suivie par les systmes dinformation (92), la
finance (67), la fiscalit (63) et lconomie (51).
2. Gosling a attribu cette tendance un pass historique diffrent, au moins en
Angleterre : les business schools ont man des dpartements fonctionnels des universits, qui avaient dj leurs propres programmes spcialiss (interview publie
dans la Management Review de la HMB, 1998:168). Muller et al. (1991:85) ont aussi
montr que les coles de management europennes ont chapp luniformisation
quentrane le processus daccrditation amricain.
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De nouveaux MBA?
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encore, etc.) On fait venir des confrenciers des grandes firmes du luxe,
affirme la brochure, et les tudiants y font des stages.
Du fait quils se concentrent sur un secteur spcifique, ces programmes, comme ceux qui se spcialisent sur une fonction bien prcise,
peuvent sloigner du modle dominant du MBA ce nest pourtant
pas toujours le cas 1. Tournons-nous maintenant vers des programmes
qui, bien que ntant spcialiss ni par secteur ni par fonction, ont namoins russi saffranchir de ce carcan, ce qui leur a permis de faire un
grand pas vers le management.
LINNOVATION EN GRANDE-BRETAGNE
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LE MANAGEMENT CRITIQUE
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1. Un article du Wall Street Journal (Scannel 2001) dcrit un MBA Babson offert
chez Intel avec des cas et des projets spcifiques lentreprise intgrs au sein du
programme. Un autre programme, chez Lucent, qui existe depuis quatre ans, permettait aux salaris dobtenir un MBA Babson en finance.
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Comme nous lavons montr dans les chapitres 2 et 3, le cadre dominant du MBA traditionnel articul autour des fonctions de lentreprise est un vritable carcan pour la plupart des MBA. Pourtant, de
nombreux managers expriments souhaitent reprendre des tudes
prcisment au moment o ils sortent de ces silos que forment les
fonctions. Cest la raison pour laquelle un certain nombre de business
schools britanniques ont abandonn la structure traditionnelle pour
sorganiser autour de thmes plus proches de la pratique managriale.
Par exemple, certains modules du programme dAshridge taient intituls Environnement mondial des affaires, Efficacit oprationnelle, Entreprise et socit, et Mettre en uvre le changement
(brochure 1995-1996). Ici et l, de par le monde, on trouve galement
dautres formules intressantes. Luniversit de Capetown, en Afrique
du Sud, offre un EMBA remarquable qui ambitionne de synthtiser la
pense systmatique et lapprentissage par laction. Les managers sy
intressent aux problmes qui se posent sur le terrain tout en apprenant
les uns des autres en salle de cours. Les activits managriales, dveloppes en six modules, sont considres comme relevant de trois
domaines : la cration de valeur (grce une utilisation efficace des ressources et des capacits), linnovation ou la stratgie (afin de faire perdurer la capacit de crer de la valeur), enfin le normatif (lgitimit,
identit et viabilit long terme). Dans le mme ordre dides, le MBA
de luniversit Sabanci, Istanbul, divise sa premire anne entre la
mondialisation, la concurrence, le travail en rseau, le management du
sens, la structuration organisationnelle, la gestion de produit, le management de la recherche et le management de la cration de valeur (description pour 2001-2002).
Une autre approche thmatique, moins cohrente mais plus
concrte, articule les activits autour des problmes qui se posent
dans la pratique. Au milieu des annes 1990, lEMBA de lcole Suprieure de Commerce de Paris, autre grande cole franaise, avait
prvu seize ateliers dun week-end, autrement dit dix heures de
travail sur des sujets comme la dbureaucratisation de lentreprise, la
dfinition des relations entre le sige et les filiales, ou encore llaboration dune stratgie europenne.
Limportance de ces reconceptions thmatiques, cest quau lieu
dimposer une structure commode pour les universitaires, elles se placent dlibrment dans la perspective des praticiens. Cela reprsente
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225
cependant un double danger. Dune part, les thmes choisis sont parfois trop gnraux (par exemple, la prospective) : il nest que trop facile,
surtout pour les enseignants, de proposer des thmes aux intituls flatteurs1. Mais ils peuvent aussi tre trop appliqus (par exemple : le
management de la qualit totale), trop proches de la pratique pour
pousser les tudiants creuser au-del de lvidence. Le chapitre 10
prsente un cadre thmatique conu pour viter ces deux dangers.
Toutes ces caractristiques collaboration de lentreprise, modules
priodiques et thmes propres aux praticiens facilitent le passage de
lenseignement du business celui du management, mais une quatrime caractristique, concernant la pdagogie, savre indispensable
la transition du premier au second.
ditions dOrganisation
intgrer dans sa propre exprience, tablir des liens, les replacer dans le
contexte, les utiliser naturellement.
De ce point de vue, on trouve dans diverses business schools anglaises deux approches diffrentes. La premire utilise une forme dapprentissage par laction, essentiellement en interne, sur le terrain. Nous en
avons dj vu des exemples avec les projets du MBA de British Airways
et les tudes dentreprise ralises luniversit de Bath. Les participants choisissent ce quils veulent approfondir, parfois aprs avoir consult leur patron, et ils le font, dans leur entreprise. Mais, comme la fait
remarquer Thirunarayana (1992), cela ne veut pas dire quils doivent
ncessairement se faire les agents du changement : ils apprennent dj
normment en se penchant sur les problmes auxquels leur entreprise
est confronte.
Les projets dapprentissage par laction raliss par des quipes de
praticiens sont, bien entendu, trs priss dans les programmes non universitaires de formation des dirigeants, en particulier aux tats-Unis,
lexemple le plus clbre tant sans doute le fameux Work Out de
General Electric. Mais, comme nous le verrons au chapitre suivant, ces
programmes se traduisent souvent par plus daction que dapprentissage.
La seconde, parfois nomme self-managed learning (apprentissage
autogr), consiste confier aux participants eux-mmes la responsabilit de leur apprentissage et cela ne se limite pas au choix des thmes
ou des projets. Dans son Management MBA (intitul rvlateur), la
City University de Londres a pouss, il y a quelques annes, la personnalisation assez loin. Notre centre dintrt, cest le lieu de travail,
affirmait la brochure (1994), pas le campus. Les cours sont [donc]
aussi mobiles que ses participants. Pour commencer, chaque tudiant subit un processus dvaluation rigoureux afin dadapter la formation ses besoins individuels. Ensuite quelques projets, en gnral
trois, servent dpine dorsale au programme, et cest par leur intermdiaire que les connaissances et les savoir-faire nouveaux sont
immdiatement mis en pratique. La brochure affirmant en outre que
les enseignants nont pas le monopole des connaissances indispensables dans les affaires, mais que les praticiens sont souvent les mieux
placs pour contribuer dvelopper les comptences ncessaires, nous
sommes rellement mille lieues des cours de Stanford sur la thorie
des jeux, sans parler des cinq cents cas de Harvard!
Comment marchent ces nouvelles faons denseigner, si du moins
elles marchent, seuls les participants peuvent le dire. Je nai trouv
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226
De nouveaux MBA?
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aucune recherche systmatique l-dessus. Mais elles peuvent certainement nous aider envisager des faons plus efficaces de former les dirigeants, comme nous le verrons plus en dtail dans plusieurs chapitres
de la partie suivante de ce livre.
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ment dans la priode dincertitude sans prcdent qui a suivi le 11 septembre et en avait tir les conclusions au niveau professionnel et
personnel.
Dans lensemble du programme, on met laccent sur lapplication
des acquis lentreprise, et en particulier au poste de lapprenant.
Chaque mois, les participants prsentent un rapport qui utilise les ides
puises dans leurs lectures pour dcrire leur travail et leur entreprise. Il
y a aussi un certain nombre de sminaires, de deux jours en moyenne,
tals sur deux ans, sur la stratgie, lanalyse financire, les structures
organisationnelles, la gestion du changement, etc. Entre les sminaires,
les participants bnficient dun tutorat intense, sur une base individuelle.
Jai trouv stimulant de travailler dans ce cadre. Je me souviens dun
tudiant particulirement loquent, bourr dides intressantes et
parfaitement au fait de la thorie il tait numro deux dans une
grande entreprise irlandaise. aurait t merveilleux de lavoir dans
une promotion de Wharton ou de Stanford. Mais est-ce que cela lui
aurait apport autant quil y aurait lui-mme apport?
Le MBA de luniversit de Cambridge nen tait pas trs loign,
gographiquement, au moins, au dbut des annes 1990. Fruit dides
novatrices, mais moiti appliques, ctait donc un espce dhybride
entre le MBA classique et celui que nous venons de dcrire.
Cambridge sadressait lui aussi des cadres en activit, mais des jeunes, autour de vingt-cinq ans. Et, au dbut, ils devaient quitter leur
lieu de travail pour de longues priodes de neuf dix semaines pendant chacune des trois annes. Ce MBA avait lui aussi une composante
dapprentissage par laction, mais la faon dont il tait dcrit laissait le
sentiment dune certaine hsitation, puisque lon prcisait que la plupart des tudiants participant ce programme nauront pas encore de
responsabilits de management importantes, et que mme une part
de responsabilits constituait dj une composante managriale
dont on pouvait commencer tirer des enseignements. La brochure
prcisait ailleurs que lon attachait une grande importance aux projets, dont chacun serait fond sur une situation de management relle.
Dublin, cette prcision et t inutile! Le programme tait structur
autour de thmes, intituls Fondements du management, Management
intgrateur et Management en contexte, qui faisaient la part belle
ltude des fonctions classiques.
Ce MBA se heurta des difficults pour des raisons videntes : les
tudiants devaient quitter leur travail pendant de longues priodes, en
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De nouveaux MBA?
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B OU A?
Ce chapitre en gnral, et ses deux derniers lments en particulier,
indiquent que les MBA sont coups en deux par une espce de muraille
de Chine : dun ct, ceux o prime le B, autrement dit la spcialisation
dans les fonctions du business, essentiellement destins aux jeunes
ayant peu dexprience, quils soient reconnus comme tels dans les programmes europens spcialiss, ou non dans les MBA traditionnels. Et
de lautre ct, le A, pour administration, au sens de management : ces
programmes sont conus pour former les managers en activit, et ce, en
contexte; ils adoptent donc une approche totalement diffrente.
Non seulement il semble nexister aucun intermdiaire entre les
deux, mais les innovations rcentes dcrites dans ce chapitre semblent avoir creus encore le foss qui les spare. Dun ct, les nouvelles
pdagogies technologiques, les efforts dinternationalisation et lenseignement de comptences humaines ont, si cest possible, pouss les
programmes traditionnels accuser leur orientation analytique en les
loignant encore de la pratique du management. Et de lautre ct, les
innovations srieuses des programmes destins aux managers expriments ouvrent la voie une authentique pdagogie du management.
Nous y reviendrons au chapitre 9; la conclusion du prsent chapitre
sy articulera dans un ensemble de propositions pour la formation
intellectuelle des managers en activit. Ensuite, les chapitres 10 14
dcriront une famille de programmes conus pour donner vie ces
propositions. Mais, tout dabord, il nous faut commencer par un petit
voyage de lautre ct du processus, pour passer en revue diverses activits ne relevant pas de lenseignement proprement parler qui permettent nanmoins de former les dirigeants. Nous verrons ensuite les
avantages quil y a combiner les meilleures ides de ce dveloppement
des dirigeants sur le terrain avec les relles innovations de lenseignement du management.
Deuxime partie
ditions dOrganisation
Dans la seconde partie de ce livre, nous passons des programmes proposs par lenseignement traditionnel, axs sur les savoir-faire spcialiss, aux activits visant dvelopper et amliorer la pratique du
management. Nous passons galement dun ton critique un ton constructif, des problmes que nous connaissons aujourdhui aux opportunits que nous saisirons demain si tout va bien.
Cette seconde partie comporte huit chapitres. Le chapitre 8 passe en
revue les diverses dmarches, en interne et en externe, proposes aux
managers que lon souhaite prparer assumer des responsabilits de
direction. Il y a l une richesse qui ne demande qu conjuguer ses
avantages avec ceux de lenseignement plus classique du management.
Le chapitre 9 montre comment ce mariage pourrait se faire, en
principe; les chapitre 10 14, comment il a parfois dj t consomm,
donnant mme naissance une famille de programmes dvelopps par
une quipe de collgues et par moi-mme. Nous terminons par un
appel au renouveau des business schools un rel dveloppement, de
lintrieur afin quelles deviennent dauthentiques coles de management.
LA FORMATION
DES DIRIGEANTS
DANS LA PRATIQUE
Nous voulons tous voir se gnraliser
des formations par laction personnalises pour les individus.
HEINZ THANHEISER
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234
La formation
au management
(concepts ancrs
dans la thorie)
(techniques
et savoir-faire relier)
Enseignants
Consultants,
formateurs, instituts
tudiants
Participants
Managers
FIGURE 8.1
Les diverses composantes de lenseignement du management
et de la formation des dirigeants
ditions dOrganisation
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235
lautre bout du spectre, droite, on voit que les entreprises forment leurs dirigeants en pratiquant le mouvement inverse, le pull, puisant l o elles le peuvent ce qui leur parat pouvoir le mieux contribuer
leur dveloppement. la recherche dune authentique personnalisation, elles ont tendance prendre elles-mmes linitiative.
Entre les deux, il y a la formation au management, offerte par des
formateurs indpendants, des consultants et divers instituts. Ils dveloppent souvent leur propre arsenal de techniques, de savoir-faire, etc.,
empruntant loccasion certains lments aux business schools.
Un article du Financial Times (Wood 2000) dcrit les formations
donnes par les consultants comme orientes sur la connaissance
tactique, tenant plus de la formation professionnelle que de lenseignement acadmique. Parmi les organismes proposant ce type de formation, certains, par exemple le Center for Creative Leadership et
lAspen Institute, tous deux aux tats-Unis, dpassent la formation,
saventurant parfois dans des voies assez inhabituelles, et vont jusqu
lenseignement.
Les meilleurs prestataires de service de la partie centrale de notre
diagramme agissent comme des courroies de transmission ou les truchements dune fertilisation croise entre les concepts et la recherche
dun ct, et les besoins de lapplication de lautre. Mieux placs pour
voir ce qui se passe dans la pratique que beaucoup duniversitaires, ils
en ont une vision plus large que beaucoup dentreprises. Aux ides conceptuelles des premiers, ils ajoutent une plus grande facilit manier la
technique et une plus grande aptitude dvelopper des savoir-faire. Les
pires senferment dans une espce de no mans land, prnant une technique idalise, coupe du rel, prsente comme lunique et la
meilleure (one best way).
De la mme manire, lenseignement du management, dans ce quil
a de meilleur, trouve des points de contact avec la formation des
dirigeants : le mouvement qui consiste pousser des connaissances vers
les tudiants (le fameux push), la gauche du diagramme, rejoint ainsi
celui des entreprises et des dirigeants allant chercher ce dont ils ont
besoin (le pull), droite. Certains des programmes anglais prsents au
chapitre prcdent en sont de bons exemples. Mais, pour lessentiel,
comme nous lavons vu au chapitre 2, lenseignement du management
est des annes lumire de la formation des dirigeants. On peut en tirer
une conclusion gnrale, savoir que si les activits de formation
nenseignent pas grand-chose, lenseignement du management, de son
ct, nest pas trs formateur. La chose est dautant plus regrettable que
236
ces deux approches fonctionnent infiniment mieux quand on les conjugue en jouant sur leur complmentarit.
Cette seconde partie fait passer notre attention du push au pull, plus
exactement du push de lenseignement classique du management, critiqu dans la premire partie, la combinaison de push et de pull qui
sincarne dans les meilleures approches de formation des dirigeants.
Comme on le voit dans lencadr suivant, lide nest pas nouvelle.
ditions dOrganisation
Platon propose, dans La Rpublique, sa propre vision de la formation des leaders de ltat politique idal. Il avait le sentiment
quil tait essentiel, pour la russite de son programme, de partir
dune bonne matire premire Mais il tait galement
convaincu de limportance vitale de la formation et de lexprience. Ses candidats devaient sastreindre de rigoureuses tudes darithmtique et de gomtrie, ainsi, par souci dquilibre,
qu une saine dose dathltisme. Venait ensuite lexprience,
acquise dans ladministration ou dans larme. Ceci tait accompagn dtudes srieuses de philosophie Tout au long de leurs
nombreuses annes de prparation, Platon recommandait de les
tester pour dterminer lesquels pouvaient se hisser au niveau
suprieur dtude et dexprience. Enfin, lge de cinquante ans
je dis bien, cinquante ans! les candidats de Platon taient
prts gouverner. (Conger 1992 :37-38)1
Le rve de Platon ne sest jamais ralis. Mais on continue
dessayer!
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ditions dOrganisation
A PASSE OU A CASSE
Demandez un groupe de managers, comme je lai souvent fait, ce qui
sest pass le jour o ils ont accd ces nouvelles responsabilits. Leur
raction sera presque invitablement la mme : ils auront lair tonn,
hausseront les paules, et vous diront : Rien!1 Je leur demande en
gnral si on leur a au moins fait lire un article sur le management.
Non. Le management est trait comme le sexe : vous verrez bien. Et les
rsultats initiaux se caractrisent, de la mme manire, par toutes sortes
de consquences lamentables et inattendues.
tre promu de la conception des produits la direction du bureau
dtudes, passer du statut daccoucheur celui de chef du service dobsttrique, cest un changement de premire grandeur. Les tches sont
totalement diffrentes. Je navais pas la moindre ide de ce que lon
attendait de moi. Je suis arriv tout heureux davoir t promu, mais je
ne savais ni sur quels principes guider ma conduite, ni quel style adopter. Le premier soir, jai eu limpression que jallais droit dans le mur.
Ce petit rcit, je lai tir de Becoming a Manager, de Linda Hill
(1992:15). Notons en passant que ce livre intelligent porte sur un sujet
aussi rare dans les livres de management que lest, dans lentreprise, la
formation des nouveaux managers croire que tout le monde sen
fiche. On nous rabat les oreilles du management, mais sur les points qui
comptent le plus, on ne fait et on ncrit pratiquement rien. Diriger une
entreprise demande certes de lintuition, mais cela sapprend aussi, et
pas seulement par laction il faut tre capable de mener simultan1. Constable et McCormick (1987) estiment que sur les 13 000 personnes qui
accdent, chaque anne, un poste de direction au Royaume-Uni la plupart ne
bnficient daucune formation spcifique, dautres attendant pour leur part dtre
mi-carrire pour complter leur formation, et qu ce stade, le tiers dentre eux
continue passer travers les mailles du filet (Mayon-White 1990:xiii).
238
ditions dOrganisation
239
Bien sr, on ne part jamais de zro. Les nouveaux managers ont tous
eu des patrons, et sils nont pas envie de les prendre pour modle, ils
peuvent au moins les prendre pour exemple. Mais ce nest pas la mme
chose de voir les choses de lextrieur que de les vivre de lintrieur. En
outre, la plupart du temps, les nouveaux managers continuent avoir
un patron, qui peut les aider plus ou moins en leur servant de mentor. Cela se fait parfois de faon trs srieuse, et mme tout fait officielle, la limite de lapprentissage. Mais, le plus souvent, on se
contente de glaner ce que lon peut o lon peut.
Ajoutons que tout manager doit contribuer lui-mme sa propre
formation, que ce soit en achetant une cassette, en lisant un livre, en
suivant un cours ou en passant un diplme. Aux tats-Unis, on considre de plus en plus que cest une affaire de responsabilit personnelle.
Dans un monde o lon entre et sort de lentreprise comme dun moulin, si vous perdez votre job et nen retrouvez pas, vous ne pouvez vous
en prendre qu vous-mme. Alors il vaut mieux prvoir.
Lennui, cest quen sparant lapprenant de son entreprise, ce quil
apprend se dissocie du mme coup de la pratique, tant au plan affectif
que conceptuel. Le management devient alors un job comme un
autre, comme programmer un ordinateur; on finit par perdre de vue
que cest en fait le ciment qui donne sa cohsion lentreprise.
Tous les managers doivent bien entendu fonctionner dans un
monde o a passe ou a casse. Mais il y a des faons daider ce que
cela se passe mieux. Nous allons en voir quatre en particulier : la formation sur le tas, la formation dans des cours, lapprentissage par laction
et la formation plus formelle dispense dans les universits dentreprise.
MUTATIONS SYSTMATIQUES,
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MENTORAT ET VALUATIONS
Puisque le management est une pratique, on peut penser que devenir
manager suppose un apprentissage, sous une forme ou sous une autre.
Autrement dit, certaines choses sapprennent sur le tas, sur le terrain.
Il en va de mme pour dautres formes complexes du travail. Les chirurgiens, par exemple, font certes des tudes extrmement longues,
mais cela ne les empche pas davoir besoin dapprendre galement
beaucoup par la pratique.
240
Dune manire gnrale, lheure actuelle, les entreprises nencouragent plus lapprentissage, au moins au sens formel du terme. Mais, en
matire de formation sur le terrain, il se passe vraiment des choses intressantes. Nous allons nous intresser deux en particulier : les changements de poste systmatiques des hauts potentiels, destins
maximiser leurs chances dapprendre par eux-mmes, et le mentorat,
ou coaching, o des managers plus expriments interviennent pour
faciliter le processus.
ditions dOrganisation
Morgan McCall (1988; voir aussi McCall et al. 1988) trouve indispensable de dplacer les gens au sein de lentreprise, de les faire tourner
pour les prparer assumer davantage de responsabilits. Selon lui et
ses collgues, les enseignements que lon tire de lexprience jouent
un rle crucial dans la formation des managers (97). Ohlott (1998) partage ce point de vue et cite des recherches selon lesquelles les dirigeants
considrent leur exprience professionnelle comme la premire source
laquelle ils ont puis pour appendre leur mtier Les enquteurs
avaient demand des dirigeants didentifier les vnements cruciaux
dans le parcours qui les avait conduits leur poste. Dans lensemble, ils
disaient avoir appris plus de collgues influents et des challenges inhrents leur travail que des programmes de formation et autres expriences non professionnelles (128).
McCall (1988) prcise quil est important davoir relever des dfis.
Il renvoie une enqute conduite dans une grande entreprise qui avait
fait ressortir une relation trs nette entre le fait davoir surmont des
obstacles difficiles en dbut de carrire et la russite ultrieure des
postes de direction (2) :
241
ditions dOrganisation
ment diffre cependant des autres arts dans la mesure o il ne studie pas ds lenfance, sous la frule dun matre. Boettinger citait
cependant une exception, quil considrait comme constituant un
idal : les dbuts de ladministration indienne, o les nouveaux fonctionnaires travaillaient de conserve avec des collgues chevronns qui
les instruisaient de leurs devoirs. Ces mentors leur confiaient progressivement des missions de plus en plus difficiles, les paulaient
quand ils taient dpasss par les vnements, rdigeaient des rapports
optimistes sur leurs progrs, et prconisaient pour de nouveaux exercices conus pour dvelopper leurs points forts et liminer leurs points
faibles (59).
Boettinger fait cependant une distinction entre certains de ces
autres arts et le management qui le conduit une conclusion inverse
de celle de McCall. Quand les outils et les matriaux dun art sont
inanims, comme dans la sculpture le dveloppement est une activit personnelle, mais le management, lui, implique la personnalit,
le talent et les efforts des autres la formation de ses membres
devient [ds lors] une responsabilit sociale de linstitution ellemme (57). Comme le dit Raelin (2000), apportant ainsi de leau au
moulin de Boettinger, le seul fait dtre souvent mut laisse le travail
dapprentissage lindividu, alors que le mentorat le transforme en un
processus social, ce qui peut en accrotre lefficacit. Il souligne, par
exemple, que nommer des cadres des postes qui paraissent relever de
la mission impossible est peut-tre un challenge, mais que cela ne
donne pas ncessairement au manager loccasion de rflchir avec
dautres aux enseignements quil peut tirer de cette exprience.
Autrement dit, lexprience tend enseigner en priv, ce qui renforce
la notion que lapprentissage [dans lentreprise] se fait individuellement et non collectivement (18).
Si le mentorat existe depuis longtemps de faon informelle, on a
assist au cours des annes rcentes au dveloppement dun coaching
plus formalis. Le mot, en tous cas, est dsormais la mode, ainsi que
des programmes destins lencourager. Comme le note Cappelli
(2000:22) dans un excellent article sur limplication des salaris, on a
assist un dclin du mentorat en interne, accompagn dune augmentation explosive du nombre de coachs et de mentors qui vendent leurs
services, personnellement, aux managers. Il y a pourtant des exceptions
intressantes, dont vous trouverez un exemple dans lencadr ci-dessous.
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LE MENTORAT LA CROIX-ROUGE
Il y a quelques annes, nous avons organis une runion sur le
dveloppement des managers avec les DRH des entreprises participant notre mastre. Nous avons commenc par un tour de
table, et les reprsentants de ces diverses grandes entreprises ont
expliqu ce quils faisaient pour prparer leurs cadres suprieurs
des responsabilits plus leves. Quand ce fut le tour de la reprsentante de la Fdration Internationale des socits de la CroixRouge et du Croissant-Rouge, elle a eu lair navre de ne pouvoir
nous parler ni dun arsenal de cours, ni dactivits au sige.
Il se trouve que javais rcemment pass un certain temps dans
un de leurs camps de rfugis en Tanzanie, et jai dit que je ntais
pas daccord. La Croix-Rouge, de mon point de vue, en faisait
certainement plus que toutes les entreprises reprsentes dans la
pice pour contribuer au dveloppement de ses managers; simplement, cela prenait une forme trs diffrente. Chacun de ses
dlgus, en Tanzanie et souvent ailleurs, travaille en binme
avec un homologue de la socit locale de la Croix-Rouge, quil
forme. Les dlgus que jai observs passaient beaucoup de
temps travailler ainsi avec leur homologue. Cette forme de
mentorat tait certes informelle, mais elle tait personnelle et trs
efficace. (Voir Mintzberg 2001, mais aussi Depressing is hardly the
word dans la rubrique Short Stories sur henrymintzberg.com.)
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concernent jusqu 500 personnes la fois. En-dehors de laspect formateur [cette rotation] permet aux individus de se faire un prcieux
rseau de relations personnelles au sein de lentreprise (72). OkazakiWard pense que le dpartement du personnel prvoit deux ou trois permutations davance. Une tude du katzo (les cadres moyens) a constat
que 78 % des firmes envoyaient mme leurs jeunes cadres passer un
certain temps dans une firme dun autre secteur (140).
Cela peut paratre excessif aux Occidentaux, qui y voient mme une
manie. McCall crivait ainsi en 1988 :
Les systmes formels lgants ne garantissent pas une pratique efficace
du dveloppement des dirigeants. Des tracs de carrire rigides, des
programmes de mentorat et de coaching obligatoires, des plans de permutation mens tambour battant, des catalogues de programmes de
formation, et une succession labore de tableaux de succession se
rvlent parfois, en fait, contre-productifs. Nos tudes montrent que le
dveloppement des comptences de direction est une affaire extrmement personnelle, individualise. (11)
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mets (Meister 1994:19). Il y a quelques annes, jai regard le prospectus des formations offertes aux fonctionnaires du gouvernement britannique. Cela ressemblait lannuaire tlphonique dune petite ville :
il y avait plus de trois cents pages, rpertoriant des centaines de cours,
de lconomtrie Donner un cap lorganisation.
Avant de regarder quelques pratiques communes dans ce domaine,
en particulier les cours de leadership en gnral et les offres des business schools en particulier, une clarification de quelques termes cls
simpose.
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La personnalisation
Voil encore un terme qui exige une clarification. Certains cours sont
destins un usage individuel, par exemple sur le support de cassettes,
de CD-ROM ou sur Internet. La plupart des autres sont dlivrs devant
des groupes. Cela ne veut pas forcment dire que les membres de ces
derniers apprennent ensemble, mais seulement quils sont assis ensemble. Nombre de ces cours traitent encore lapprentissage comme une
activit personnelle.
Les cours que lon suit chez soi, tout seul, dits distance, sont en
gnral conus pour tre gnriques : leur structure, leurs supports et la
faon dont ils sont dlivrs, tout cela est prdtermin sans tenir
compte de la personne assise devant le livre ou lcran. Cela correspond
leur nature mme. Mais il en va de mme de beaucoup de cours enseigns dans les coles, et cela ne correspond pas leur nature je dirais
mme quils refusent ainsi de saisir une immense opportunit.
On appelle parfois lapproche gnrique Plug and Play, que ce soit
littralement dans le cas dune cassette ou figurativement sil sagit dun
instructeur en chair et en os dbitant un cours, un exercice ou un cas
en conserve. Cela arrive souvent quand le cours est conu pour un
groupe bien prcis par exemple, les commerciaux ou les cadres de
lindustrie arospatiale. Tous ces participants reoivent passivement la
mme chose. Cest lquivalent de la segmentation des crales pour le
petit-djeuner : vous choisissez la bote, mais ce qui est dedans est standardis.
Le contraire de ceci, cest la personnalisation, qui, son vrai sens,
suppose que le contenu de la bote sajuste vos besoins prcis, immdiatement. Ce nest peut-tre pas trs pratique pour les crales, mais
cela convient particulirement bien laccompagnement des cadres
suprieurs se prparant prendre de plus hautes responsabilits, pour
deux raisons.
La premire, cest que leurs besoins varient, non seulement dun secteur dactivit lautre, dune entreprise lautre, dun poste lautre,
mais aussi en fonction des individus concerns et du moment. Autrement dit, toutes les personnes qui se trouvent dans une salle de cours en
train de suivre un cours de formation des dirigeants ont des besoins qui
leur sont propres ce moment prcis. Il y a aussi, bien entendu, des
besoins plus gnraux, que partagent tous les membres du groupe et
mme tous les managers, et ces besoins mritent doccuper une place
de premier plan dans tout cours de management. Mais ce ne sont pas
les seuls que lenseignement doit prendre en compte : il doit aussi tre
personnalis pour satisfaire les besoins que seuls lindividu peut apprcier, et par consquent incorporer dans son apprentissage.
La seconde raison qui rend indispensable de personnaliser lenseignement nous renvoie une remarque faite ds les premires pages de
ce livre, savoir quau fond, la direction dune entreprise ou lacquisition de connaissances nouvelles dpendent de lengagement personnel
et non dune expertise dtache. Cest donc quand ils assument une
responsabilit significative de tous les aspects du processus dapprentissage, y compris sa conception, que les managers assimilent le mieux.
Nous avons cess denvoyer nos cadres en business school. Il est
frustrant dapprendre tout sur le marketing du bain de bouche Listerine alors que ce qui vous intresse au plus haut point est trait comme
la cinquime roue du carrosse, confiait un dirigeant au magazine Strategy and Business (Crainer and Dearlove 1999:38). Il y a par consquent
une demande importante pour les formations personnalises programmes conus en vue datteindre non la masse critique, mais un
tout petit nombre dindividus appels jouer un rle critique.
Les business schools ont longtemps tent de rsister. Comme lont
montr Porter et McKibbin dans leur rapport de 1988, rares taient celles qui leur avaient dit tre prtes tenter de satisfaire toute demande
raisonnable de cette nature ce qui ne dnote pas un enthousiasme
dlirant pour la personnalisation tandis que certaines coles
avaient rpondu quelles refusaient de faire du sur-mesure pour des
entreprises seules, prfrant offrir un vaste ventail de programmes
prdtermins et laisser les socits dcider si elles leur envoyaient leurs
managers ou non (332). Aucune cole noserait exprimer aussi franchement leur rticence aujourdhui. Mais elle na pas disparu pour
autant. dire vrai, une bonne partie de la personnalisation quelles
offrent est, en fait, une forme de standardisation diffrente les composantes, standard, sont assembles sur commande. Cest exactement
la mme chose que quand vous achetez une chane Hi-Fi : la socit
choisit tel et tel cours magistral, telles et telles tudes de cas, y ajoute un
ou deux exercices sur le terrain. Mme les cours conus pour rpondre
aux besoins dune seule entreprise par exemple, toutes les tudes de
cas portent sur ses propres problmes ne vont pas assez loin en
matire de personnalisation car tous les participants se voient offrir la
mme chose. Rptons-le : ce nest que lorsque la dynamique de la salle
de cours ragit en fonction des personnes prsentes que la personnalisation devient une ralit. Un peu comme une maison conue par
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UN E E X P R I E N C E P E R S O N N A L I S E
Jai dcid il y a quelques annes que, lorsquon me demanderait
dintervenir dans le cadre dune formation en entreprise, je suggrerais un atelier portant sur les problmes auxquels elle tait
effectivement confronte. Je trouvais en effet que tout le monde, y
compris moi-mme, apprenait mieux ainsi. Quand jai formul
ma demande David Frances, qui travaillait avec Don Young au
groupe Thorn-EMI, au Royaume-Uni, jen ai eu plus que je
nattendais.
Les participants taient un groupe de praticiens du dveloppement organisationnel de diverses divisions de lentreprise.
Comme ils staient servi de mon livre sur les structures des organisations, nous avions une base conceptuelle commune. Trois
directeurs de division (respectivement logiciels, clairage, musique et distribution) avaient prpar chacun une espce de cas
rel, essentiellement une collection de donnes concernant des
problmes structurels quils devaient effectivement rsoudre. Les
252
participants avaient lu ces textes lavance puis, au dbut de chacune des trois sessions dune demi-journe, le directeur de division prsentait son problme en terminant par une srie de
questions. Le groupe se divisait ensuite en plus petits groupes qui
en discutaient, puis prsentaient leurs recommandations au
directeur de division et moi. Nous en discutions ensuite tous les
deux, lui puisant dans sa connaissance du problme et moi dans
les concepts utilisables pour le rsoudre. Il en sortait une combinaison tonnante dapprentissage et de consultation qui contribuait faire assimiler le matriel conceptuel, montrant comment
on pouvait lappliquer, tout en progressant vers la solution des
problmes eux-mmes.
Regardons maintenant de plus prs certains types spcifiques de programmes, commencer par loffre foisonnante de formations au leadership. Notons, dentre de jeu, que, mme parmi les plus intressantes
prsentes ci-dessous, rares sont celles qui sont vraiment personnalises
au sens que je viens de dcrire.
Le leadership, a na rien dvident. Il en est peut-tre ainsi parce que
personne ne sait vraiment ce que cest, et aussi parce que, bien exerc, il
varie normment, dans la pratique, dune situation une autre. Mais
cela ne semble pas dcourager tous ceux qui proposent des formations,
cours et autres programmes en 1994, Fortune dnombrait dj six
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au feedback, et enfin une dimension dveloppement personnel, qui stimulerait les imaginations et laisserait sexprimer les motions. On peut
donc penser que les futurs dirigeants doivent se former en continu et
non de faon ponctuelle, de prfrence aux moments de transition les
plus importants de leur carrire, tout ceci tant renforc par les conseils
dun coach ou dun mentor.
Ce que Conger ne dit pas mme si ses observations incitent le
penser cest que suivre des cours nest en gnral pas le meilleur moyen
de prparer les hommes assumer de hautes responsabilits. Personnellement, je suis convaincu que cest trs tt dans leur vie quils sy prparent, par leurs convictions et leurs valeurs. On peut certainement
entretenir plus tard les qualits de leadership, en crant les conditions qui
leur permettent de spanouir par exemple, en leur proposant des
dfis, comme le note McCall. Je suis galement convaincu que certains
types de cours dveloppent les capacits managriales cela va
dapprendre se faire un carnet dadresses et lutiliser, apprendre
lire un bilan et influencent aussi les attitudes, renforant du mme
coup le potentiel de leadership. Mais je suis de plus en plus persuad
qu vouloir crer des leaders dans une salle de cours, que ce soit par le
biais de programmes courts ou de cursus diplmants, on aboutit trop
souvent crer des gos surdimensionns. Quand ils en sortent, les gens
se croient investis du droit quasi divin de diriger leurs semblables.
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Avec le mme manque dintgration. Un mmo publi il y a quelques annes par une business school connue pour ses programmes de
formation des dirigeants contenait les directives suivantes : Il est
essentiel que le directeur soit prsent sur le campus pendant toute la
dure du programme, quil coopre avec les professeurs pour en suivre
lvolution, que les participants puissent le rencontrer trs rapidement
chaque fois quils en ressentent le besoin Pendant toute la dure du
programme, le directeur ne doit pas tre absent plus de 48 heures.
Cela voulait dire absent de lcole, pas des salles de cours! Prsenter
lintervenant du jour, puis disparatre, suffisait apparemment bien
remplir son rle. Sauf le soir : le directeur devait tre prsent toutes
les rceptions et festivits! part ces dernires, un programme est
apparemment la somme de tous les enseignants qui se succdent pour y
dlivrer la bonne parole. On ne sait comment, mais tout cela sintgrera, vraisemblablement par magie. Pourquoi une seule entreprise
tolre une telle situation, javoue ne lavoir jamais compris!
Les plus clbres de toutes les offres des business schools sont les
dnommes Advanced Management Programs (AMP). Harvard et
Chicago ont cr les leurs au dbut des annes 1940 (quant au MIT, il
avait un programme de ce type ds 1931); en 1958, on en recensait une
quarantaine (Gordon et Howell 1959:294).
Platon estimait peut-tre avoir besoin de cinquante ans pour former
un bon chef, mais Harvard vous le promet sur son site web : au bout de
neuf petites semaines, vous quitterez le programme avec une vision
mondiale. Bien entendu, Platon ne demandait personne de cesser
toute activit pendant cinquante ans, mais Harvard demande bel et
bien ses participants dinterrompre leur vie professionnelle neuf
semaines durant. Cela permet certainement de se concentrer sur les
cours, mais on peut se demander si une aussi longue absence facilite
vraiment ltablissement de liens entre lenseignement et lexprience
du management, et si elle est compatible avec le rythme actuel des affaires.
Ces programmes AMP ressemblent souvent des MBA, en plus court.
Ils sont en effet composs dlments ayant des intituls similaires et utilisent les mmes mthodes denseignement. Ainsi, lAMP de Harvard
commence par une srie de cas au cours desquels les participants acquirent une vision holistique dune entreprise multinationale mesure quelle
monte en puissance en vingt ans. Les participants dcrivent leurs propres
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Les AMP
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Peu dvelopps
Les programmes de formation aux postes de direction en business
school apparaissent donc comme peu dvelopps ou avancs. Comme
le rapportait Business Week dans une enqute ralise en 1997 auprs de
quarante-quatre entreprises sur les grandes tendances du dveloppement des dirigeants, moins de 25 % des personnes ayant rpondu
estimaient que les universits, dans lensemble, avaient satisfait leurs
attentes. Larticle en concluait que les business schools avaient perdu
leur aura de crdibilit et quelles taient en passe de se faire supplanter, au centre de lunivers de la formation des managers, par les entreprises elles-mmes (Vicere 1998:538, 539, 541). Et aussi par les cabinets
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Le programme du CCMD
Lune des meilleures activits de formation des responsables auxquelles
jaie jamais assist est un programme cr par le Center for Management Development du gouvernement canadien (CCMD). Il sadressait
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Revans a publi en 1983 The ABC of Action Learning, dans lequel il critiquait lenseignement abstrait et affirmait que cest en agissant que lon
apprend. Il ne peut y avoir aucune action sans connaissances et
aucune connaissance sans action (16). Il voyait cette dernire sous une
forme particulire : Poser des questions tout simplement en demandant aux managers de sattaquer des problmes rels non encore
rsolus (11). Ils le feraient dans un programme qui confierait chaque participant un exercice pris dans la vraie vie, auquel il travaillerait plein temps ou temps partiel (16, 19). Ainsi, si les problmes
taient sans doute rels, la faon de les aborder ne ltait pas loin
dtre naturelle, elle tait ajoute (autrement dit, impose artificiellement).
Dans ces programmes, Revans rejetait moins linstruction formelle
quil ne la considrait comme un adjuvant pour sattaquer ces problmes un stimulant pour la rflexion exploratoire (12). Et la rflexion
partir de lexprience vcue y jouait un rle prpondrant. Un changement durable de comportement a plus de chances de soprer aprs la
rinterprtation dexpriences passes que par lacquisition de connaissances nouvelles, surtout quand elle se produit la faveur dchanges
avec dautres managers eux-mmes trs dsireux dapprendre en rordonnant leurs propres perceptions.
Cela dit, pour Revans, lintervention dexperts est, dans le meilleur
des cas, ambigu; en gnral, borne; au pire, ractionnaire (14). Il
appartient donc aux enseignants qui assurent la formation des managers
de crer les conditions grce auxquelles ils apprendront avec les autres et
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les uns des autres (15; Revans critiquait vertement les moniteurs qui
ne simpliquent pas, en particulier les enseignants qui pratiquent ltude
des cas [16]). Les groupes de rflexion sur les pratiques de direction
jouent un rle essentiel dans cette action-formation. Les tudiants y
apprennent rflchir leurs propres expriences, dmasquer les prsupposs, les reformuler sur la base de la thorie et de la pratique, puis
tester de nouvelles actions en associant les comptences de tous les
membres du groupe (Raelin 1993a:6).
Tout ceci repose sur un raisonnement trs juste et forme, en fait, la
base de lapproche dcrite dans les chapitres suivants : lapprentissage
en lien avec laction, de faon inductive et mme exploratoire.
Revans allait hlas intgrer tout ceci dans une mthode scientifique
assez rigide, les tapes russies de son processus dapprentissage par
laction tant lobservation, ou tude; suivie dune hypothse de travail
ou dune thorie provisoire; de lessai, du test ou de lexprimentation;
de laudit et enfin dun bilan gnral (16, 17-18). Il soulignait limportance de respecter cette squence (31), ce qui obligeait les managers
planifier leur emploi du temps (33), alors mme quil a t dmontr
que la solution crative des problmes est un processus itratif, laction
informant la rflexion autant que la rflexion informe laction (Weick
1979). Une fois de plus, le management se trouvait rduit lanalyse.
Lattitude de Revans face aux directions gnrales tait plus curieuse
encore. Elles imposaient, disait-il, des projets peut-tre dj clairement
identifis par plusieurs factions puissantes au sein des entreprises afin
de rsoudre un problme embarrassant quelles ne pouvaient plus se
permettre dignorer. De son point de vue, lapprentissage par laction
na rien voir avec de telles diversions, mais se proccupe dencourager
des personnes relles traiter des problmes rels en temps rel (62),
comme sil y avait quelque chose de non rel dans les proccupations de
la direction gnrale, tandis que lapprentissage par laction lui-mme
ne connatrait pas les luttes pour le pouvoir.
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Le MiL
Comme nous lavons dit plus haut, ce type dapprentissage dans
laction sest surtout rpandu en Europe, grce aux efforts de Revans, il
sest en particulier introduit dans certains MBA (voir Gosling et Ashton
1994). Linstitut MiL (Management in Lund), en Sude, fondation
indpendante cre en 1977, en emploie une version quil appelle
Lapprentissage par laction et la rflexion (voir figure 8.2) qui
266
sappuie sur un rseau denviron 150 entreprises membres et 100 associs professionnels. Dans ses programmes ouverts, en partenariat
et en interne, de petites quipes de participants mlangs conduisent
des projets impliquant un changement dans dautres services de leur
propre entreprise ou dans dautres socits, avec le soutien dun coach.
Lensemble est renforc par une srie dateliers en rsidence au cours
desquels les participants mettent en commun ce quils ont appris et o
des experts viennent faire des prsentations.
RFLEXION
Soyez
ACTEUR
de lapprentissage
ACTION
Description par le participant de
SITUATIONS PROBLMATIQUES
(et responsabilit dinitier
le processus du changement)
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FIGURE 8.2
La philosophie de lapprentissage au MiL (tir de Rohlin 1999:8)
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celle de la responsabilisation et de la confiance (9). Le type de formation des dirigeants quutilise une entreprise influence donc sans doute
lide mme quelle se fait du management (comme nous lavons vu
chapitre 5 et comme nous le verrons nouveau dans les chapitres suivants).
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Revans aurait sans doute t ravi de voir le succs remport aux tatsUnis, dans les annes 1990, par le Work-Out, application dune philosophie quil avait longtemps pouse. Mais il aurait peut-tre aussi t
dconcert que cette initiative ait t conduite par un PDG et axe
davantage sur laction que sur la rflexion.
Aprs avoir pris la prsidence de GE en 1982, Jack Welch a trs vite
dcid de sattaquer ses procdures bureaucratiques et de supprimer
des chelons hirarchiques et les cloisonnements qui sparaient les
diverses fonctions. Comme nombre de PDG qui lui ont embot le pas,
Welch a commenc par laguer fortement vendant des divisions
entires, supprimant des chelons hirarchiques, diminuant les effectifs
des cadres du sige, etc. au point quil sattira le surnom de Neutron
Jack pour avoir limin les hommes tout en laissant les btiments
intacts.
Mais comme peu dautres PDG, Jack Welch a ensuite pris des initiatives extrmement diffrentes. Dtermin amliorer la productivit, il
tait convaincu que les gens les plus prs du terrain avaient un rle cl
jouer dans cet effort il suffisait de leur donner loccasion de sexprimer. Ainsi, en 1988, avec Jim Baughman, auquel il avait confi la direction du centre de formation des managers de GE Crotonville, il cra
son Work-Out.
Au fil des annes, il semble que diverses ides soient venues sagrger
sous cette tiquette, au moins sil faut en croire les articles et les rapports qui y sont consacrs. En ralit, si le Work-Out avait un usage
spcifique au dpart, il a ensuite servi de concept-parapluie pour
dautres initiatives GE (Dave Ulrich, correspondance personnelle),
dont je me propose de citer ici deux exemples.
Lvolution du Work-Out
Dans sa forme originale, le Work-Out tait cens voquer une runion
des habitants dune petite ville de Nouvelle-Angleterre, o les citoyens
dialoguaient avec les pres fondateurs il consistait faire se rencontrer
les membres de la direction, les cadres, la matrise et les ouvriers, en
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[Le Work-Out] est encore utilis, mais il a subi une srie de changements. Dans sa premire version, il tait organis de faon formelle,
consciente. Nous parlions alors dactes non naturels dans des lieux
non naturels parce que laction se situait en dehors du domaine
normal des affaires et que nous lorganisions ailleurs que sur le lieu de
travail Pour la deuxime tape, nous avons pris lhabitude de former
les formateurs le faire au sein de leur branche. Nous parlions alors
dactes non naturels dans des lieux naturels Quand une transition
sopre correctement, linitiative doit finir par passer la troisime
tape, des actes naturels dans des lieux naturels. Les gens le font alors
naturellement, cela fait partie de leur vie quotidienne. Nous norganisons plus que rarement de Work-Out dune faon formelle, explicite,
centralise. La plupart de nos entits en font rgulirement Et si un
grand patron me demandait combien de Work-Out ont lieu chez GE, je
lui dirais que jai le plaisir de lui annoncer que je nen sais rien. Ce nest
pas orchestr. Cest devenu une suite dactes naturels Aujourdhui, il
est devenu politiquement acceptable de ne pas faire de Work-Out, ou,
1. Dans lentretien quil a accord Hodgetts en 1996, Kerr distingue les trois
approches, en qualifiant la seconde de CAP pour Change Accelerating Process
qui, dit-il, avait remplac le Work-Out (assez rapidement, semble-t-il, au moment
mme o toutes sortes dautres entreprises le copiaient). Et il dcrivait la troisime,
les Meilleures pratiques, comme encore diffrente. Kerr disait que le Work-Out original tait, au moment o il accordait cet entretien, tellement ancr dans le quotidien de lentreprise que personne ne prenait la peine de lvaluer.
270
au moins, on ne risque pas sa tte ne pas en faire, car personne nvalue cette activit. Je pense que les gens le font maintenant parce que a
marche (72, 73; les italiques sont ajouts).
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Suffisamment daction?
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Pedler, cest que dans la pratique, il est souvent difficile de servir simultanment les deux priorits (256). Lheure est donc peut-tre venue de
reconnatre quil ne faut pas mlanger lapprentissage et laction. Il vaudrait sans doute mieux sorganiser pour que la formation des dirigeants
utilise tout simplement laction laquelle ils se livrent dj.
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sont conues pour former les gens, pas pour faire de la recherche et
dcerner des diplmes1. Il est donc triste que les entits cres par les
entreprises tentent de se faire passer pour des universits, exactement
comme les business schools font semblant de servir leurs clients alors
que dans un cas comme dans lautre, cela les loigne de leur vocation
premire. Les mots acadmie, institut, ou centre, utilises respectivement par LG, GE et Boeing, paraissent plus appropries2.)
Dans son livre Corporate Quality Universities (1994), Jeanne Meister
dcrit cette nouvelle tendance dans la formation des dirigeants comme
tant fonde sur un apprentissage en continu, vie, des salaris, tous
les niveaux, des manuvres pays lheure aux cadres dirigeants et, audel, aux membres de la chane des fournisseurs et des clients. On y
porte un grand soin au dveloppement de comptences lies au poste et
la diffusion de la culture dentreprise, elle-mme lie ses besoins
stratgiques. Ainsi, comme dans le cas des coles militaires, les programmes sont en gnral conus pour lentreprise. Les cours proposs
aux salaris ont tendance se concentrer sur des programmes visant
1. En fait, les entits de formation tablies, lorigine, au sein dune entreprise qui
ont ensuite volu et fini par dlivrer des diplmes, comme Arthur D. Little School
of Management et le General Motors Institute, ont fini par prendre leur indpendance et mme par changer de nom.
2. Le livre de Jeanne Meister sur les universits dentreprise (1994) en dnombre
trente, dont la moiti utilisaient le label universit (et une uniquement la lettre U).
Quatre sappellent institut, quatre autres centre, et trois, collge. Il ne faut pas
oublier que la premire fois que lon a utilis le mot universit dans ce genre de
contexte, ctait pour rire. McDonald a cr dans les annes 1960 son Hamburger
University, cette dernire offrant un Bachelors en hamburgerologie (site web,
2003). Plus srieuse, la Motorola University, qui a ultrieurement popularis le mot, a
quasiment disparu au moment o jcris ces lignes. Dans un article paru en 1990 dans
la Harvard Business Review, Bill Wiggenhorn, son fondateur, dit trs franchement ce
quil pense de lutilisation de ce terme, notant : Je craignais que le mot universit ne
fasse trop prtentieux. Nous nallions pas tre un centre de recherche libre et ouvert.
Aprs tout, notre ambition se bornait complter la formation de notre personnel et
de nos cadres (80). Mais le PDG aimait bien le mot universit, il pensait que cela
crerait une attente, que cela nous inciterait nous dpasser pour ne pas la dcevoir
(81). Wiggenhorn prcisait trs clairement que son unit ntait pas une universit
par exemple, les enseignants taient en gnral des salaris de Motorola ayant rcemment pris leur retraite, ou bien des femmes maries, titulaires de bons diplmes,
dont les enfants avaient quitt la maison (82). Le mot universit est cependant rest,
et a rencontr un vif succs, comme en tmoigne la cration, ensuite, de Ford Heavy
Truck University et de beaucoup dautres (Meister 1994). Peter Huston, le directeur
de Hart Schaffner & Marx University, pense que dans son cas, le mot a plu parce que
le public cible nest pas les salaris de lentreprise, mais plutt les vendeurs qui vendent les costumes de la marque dans les magasins cela leur donne un prestige et un
cachet quils nont pas normalement chez Macys ou chez Dillards (46).
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en croire Okazaki-Ward, au moins depuis 1993, le processus commence par une initiation groupe : Le 1er avril, la plupart des entreprises organisent une crmonie spciale pour accueillir les nouvelles
recrues. Le prsident fait un discours de bienvenue, au cours duquel il
dcrit la vision, la philosophie et lidal de lentreprise. Ensuite, les
nouveaux venus subissent une premire formation destine engendrer un sentiment dappartenance au groupe (244). Cette formation peut durer jusqu un an ou plus et comporte en gnral une part
dexprience sur le terrain et dautres postes temporaires, par exemple
en usine, le stagiaire travaillant coude coude avec un frre an
(246-247).
Vient ensuite le bloc dune dizaine dannes, en milieu de carrire, durant lequel, mesure quelle grimpe progressivement les chelons de la hirarchie, la personne se voit confier la responsabilit
dquipes de plus en plus nombreuses; dans le mme temps, on lui
demande de cultiver lhabitude intellectuelle de chercher rsoudre
les problmes (248). Un article du magazine The Economist notait que
les valuations formelles sont particulirement frquentes, jusqu
trois fois par an.
Paralllement, le jeune cadre sadonne des exercices de dveloppement par exemple, laborer un plan, en consultant un suprieur
hirarchique, pour atteindre tel ou tel objectif. On lui confie galement
des projets demandant davantage dinitiative, visant toujours dvelopper un point de vue holistique. En complment, il a droit une formation spcifique aux savoir-faire fonctionnels comme la comptabilit,
avec de plus en plus de cours lextrieur (313).
Au total, cette formation est remarquablement complte; elle est
remarquable aussi pour la faon dont elle combine les diverses pratiques de la formation des dirigeants dcrites dans ce chapitre : les
cadres japonais sont trs souvent muts, conseills par des mentors,
valus frquemment, donc suivis de trs prs; invits suivre des
cours; ils bnficient de lquivalent de lapprentissage par laction (et
ctait vrai longtemps avant que cela ne devienne une mode en
Occident); enfin tout ceci est intgr dans une gestion attentive de la
carrire (comme dans les universits dentreprise). La seule approche
qui soit absente du tableau, cest le a passe ou a casse! et encore,
je nen suis pas sr!
Je ne sais pas si les entreprises japonaises ont jamais utilis lexpression cole des cadres ni mme pens au concept, mais ce quils font
en est peut-tre le meilleur exemple, au moins dans le domaine de
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LES CATGORIES
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Mutations systmatiques
Mentorat
Suivi par les valuations
a passe ou a casse
Executive MBA
MBA traditionnel
Formations courtes
Formations en interne
AMP
(apprentissage)
BUSINESS SCHOOLS
Zone de lducation
CONSULTANTS ET
INSTITUTS
DE FORMATION
Zone de la formation
Apprentissage
par laction
(action)
ENTREPRISES ET
LEURS ACADMIES
Zone de la pratique
sur le terrain
Dveloppement personnel
Dveloppement des dirigeants
Dveloppement du management
Dveloppement de lentreprise
Dveloppement social
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FIGURE 8.3
Les diverses approches de lducation
et de la formation au management
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DVELOPPER
LENSEIGNEMENT
DU MANAGEMENT
Cest si simple, Anjin-san. Il suffit de
changer ta conception du monde.
JAMES CLAVELL, Shogun
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DRLE DE MTHODE :
QUE FAIT-ON LE DOUZIME JOUR ?
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les enfants masas En lobservant faire ses premiers pas hsitants lcole, il nous arrivait souvent doublier quil avait vcu,
jusqu la fin du mois daot, une vie radicalement diffrente de
celle quil devait dsormais mener au sein de notre grande classe
canadienne, bruyante et complique.
Pendant tout le mois de septembre David a trs peu parl
Jusquau jour, au dbut du mois doctobre, o il a apport un
norme livre sur les Masa et o il a demand sil pouvait le montrer ses camarades. Il offrait ainsi la classe entire, pour la premire fois, de partager un peu de ce quil avait vcu et de nous
apprendre ce quil connaissait le mieux, la vie chez les Masas.
Debout, face au groupe, il sest mis feuilleter quelques pages en
parlant doucement ses camarades ont t captivs. Les questions fusaient, ils voulaient savoir tant de choses Ctait loccasion rve dintroduire David au centre de la vie de la classe.
Laprs-midi, sa maman est venue proposer de nous aider.
Nous lui avons demand si elle voulait bien nous parler des
Masas. Elle a accept, sest assise sur une petite chaise, devant le
groupe, et a ouvert le livre de David. Pendant quelle parlait,
David se tenait sagement derrire elle, caressant doucement sa
longue chevelure. Il paraissait se dtendre en se remmorant ces
lieux tranquilles et familiers Nos regards se sont croiss pardessus les ttes des enfants, et nous avons compris que ctait ce
que nous attendions, sans le savoir, depuis le dbut : que la vie
africaine de David sanime devant nous David nous a prouv
depuis quil ne demandait qu sintgrer au groupe.
Nos efforts pour considrer tous les enfants comme des membres de la communaut ayant chacun quelque chose apporter
la classe sont une sorte dinvitation permanente, mais nous ne
savons jamais qui va y rpondre, ni comment. Apparemment,
David avait dcid que le moment tait venu pour lui, et cest lui
qui a fait le premier pas, le pas dcisif La classe dbordait de
curiosit et, pendant toute lheure, le flot de questions na pas
tari Le lendemain, David nous a apport Bringing the Rain to
Kapiti Plain Ce fut le dbut de nombreuses histoires sur lAfrique David nous a apport dautres livres, ainsi que des objets
quil voulait nous montrer, comme des colliers de perles finement
ouvrags et des couteaux servant saigner le btail
Nous nous posons constamment la question suivante : combien de ce qui est vcu compltement en dehors de lcole
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Comment notre nation peut-elle le mieux duquer et former des individus qui ont ds prsent et auront lavenir la responsabilit de
conduire, de grer et de diriger nos entreprises? Comment, en bref,
faire le meilleur usage des ressources disponibles mais manifestement
limites en matire dducation et de formation pour amliorer la
qualit de nos dirigeants? Telle est la question centrale du projet prsent dans les pages qui suivent. (3)
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Quand slectionner?
Si, la question Qui slectionner? je rponds : des dirigeants en activit, et celle de savoir qui doit faire cette slection, je rponds : ceux
avec qui ils travaillent, nous pouvons passer la question suivante :
Quand slectionner? La carrire dun manager comporte trois grandes tapes : le moment o il devient manager, celui o il est en milieu
de carrire, et celui o on lui confie des responsabilits de direction.
Comme le montre le schma 9.1, cela suppose un arbitrage. Plus les
managers avancent dans leur carrire, plus ils ont dexprience et plus
celle-ci claire un ventuel travail ultrieur de perfectionnement. Leurs
employeurs sont galement plus enclins investir dans leur formation
lorsque, au fil des annes, ils se sont fait une ide prcise de leur potentiel et de leurs propres chances de les retenir. Dun autre ct, les jeunes
managers profitent parfois davantage de ces formations : ils ne sont pas
encore prisonniers de leurs habitudes, ils ont toute leur carrire devant
eux, sont souvent plus disposs sinvestir dans leurs tudes et ont plus
dnergie. Le diagramme ci-dessous rvle que le moment idal est sans
doute le milieu de carrire : assez tard pour que lon puisse les slectionner en connaissance de cause et assez tt pour quils tirent le
meilleur profit de leur formation. Les jeunes managers manquent parfois de lexprience ncessaire; les anciens en ont parfois trop.
el
a ir e
Tem
ps
on
sac
re
Milieu de carrire
(meilleur moment ?)
ve
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ud
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ce
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l
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n
e nt
e ll
Jeunes
managers
tu
Propension bnficier
dun enseignement du management
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Dirigeants
confirms
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FIGURE 9.1
Quelle est la priode idale pour prendre des cours de management?
293
ENRICHIR LA FORMATION
GRCE LEXPRIENCE DES MANAGERS
Il serait aberrant de slectionner des candidats assumant, sur le terrain,
des fonctions de management, puis de leur prodiguer un enseignement
qui nen tiendrait aucun compte. Cela reviendrait refuser de se servir
du plus puissant levier dont nous disposions : leur propre exprience
naturelle. Comme le montrait si bien lencadr du dbut du chapitre
sur le douzime jour, partir de cette exprience est essentiel au processus de formation, de faon ce que cette dernire sarticule autour
de ce que les tudiants connaissent le mieux. Si le systme permet aux
managers de ninterrompre leur activit professionnelle que pour de
courtes priodes de cours, leur exprience peut sintgrer au cur
mme de la formation, dont les bnfices se rpercuteront trs vite sur
le lieu de travail.
Conserver son poste tout en suivant une formation cre naturellement une tension. Mais il y en a dautres, et plutt que de chercher les
viter, il faut y faire face si lon veut que les acquis senracinent profondment.
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DANS LA PRATIQUE
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meilleurs dentre eux pensent deux-mmes exprimant ainsi lindividualit dont parlait Livingston. Les moins bons copient les autres ils
napprennent pas leur contact, ils se contentent de les singer sans
rflchir. Ils cherchent lextrieur de lentreprise un secret susceptible
dassurer la russite managriales, une recette ou une technique magique, sans se rendre compte que cest la faon la plus sre de courir
lchec. Autrement dit, la mission profonde de lenseignement du
management, cest dencourager le dveloppement de la sagesse. Cela
suppose de crer en classe une atmosphre rflchie, o lindividu, stimul par des ides, des thories ou des concepts intressants, puisse
sonder sa propre exprience.
Le mot thorie a fort mauvaise presse dans certains cercles managriaux. Cest plutt curieux, car aucun dentre nous, surtout les managers, ne pourrait vivre sans thories pas plus quune bibliothque ne
pourrait fonctionner sans catalogue. Pour la mme raison : les thories
nous aident comprendre les informations que nous recevons.
Lexprience ne suffit pas. On nen tire gure denseignements,
moins davoir les moyens de la classer et de lanalyser (Sims et al.
1994:284).
Il serait agrable de pouvoir emmagasiner la ralit dans notre tte,
elle pourrait alors informer nos dcisions. Aucune tte nest hlas assez
vaste pour cela. Alors, la place, nous emmagasinons des thories, ou
des modles : des cadres conceptuels qui simplifient la ralit pour
nous aider la comprendre. Cest la raison pour laquelle ces thories
doivent tre bonnes! Luniversit est linstrument que sest donn la
socit pour dvelopper et diffuser de bonnes thories.
John Maynard Keynes a dit un jour : Les hommes pratiques, qui se
croient totalement exempts de toute influence intellectuelle, sont en
gnral esclaves dun conomiste dfunt. Autrement dit, que nous en
ayons conscience ou non, nous utilisons des thories. Ce nest donc pas
tant entre la thorie et la pratique quil faut choisir, mais entre diffrentes thories susceptibles dinformer notre pratique. Pour les managers,
cest l quintervient un enseignement srieux.
Quelles sortes de thories informent le mieux la pratique? Je crois
que cinq caractristiques sont essentielles :
Des thories surprenantes. La thorie est enrichissante quand elle
permet aux gens de considrer la pratique avec imagination et originalit, douvrir les yeux sur de nouvelles perspectives. La thorie
qui renforce les convictions conventionnelles la thorie banale,
largement rpandue napporte pas grand-chose car elle ne
change gure le comportement. La thorie utile est celle qui surprend, non pour le plaisir de surprendre, mais parce quelle
apporte un clairage nouveau sur une ralit que lon croyait
connatre, par exemple quil ny a pas un seul, mais plusieurs
modles de capitalisme en place dans diffrents pays. Une telle
thorie est littralement subversive : elle va lencontre des convictions habituelles et, de ce fait, pousse une rflexion plus
approfondie. Imaginez, par exemple, un cours intitul : Le leadership par les questions1 !
Les thories fausses. La thorie, en elle-mme, est neutre. Mais prsenter une thorie comme la vrit, cest dicter un dogme, transformer du mme coup lapprentissage en endoctrinement.
Pourquoi? Parce quaucune thorie ne saurait tre vraie. Toutes
consistent en un ensemble de symboles, en gnral des mots sur
du papier. Ce nest pas la ralit, mais une simplification de la ralit, qui ne peut donc pas tre vraie. Un exemple simple suffit
lexpliquer : la thorie selon laquelle la terre est ronde. Nous avons
dcouvert cette vrit en 1492 : la terre est ronde, pas plate. Eh
bien! cela vaut la peine dy rflchir deux fois. La terre a un
bourrelet au niveau de lquateur. Et elle a des bosses, qui sappellent des montagnes. De sorte quelle nest pas plus parfaitement
ronde quelle nest parfaitement plate. La thorie selon laquelle
elle est ronde sest, bien sr, avre suprieure pour la navigation
voile. Mais pas pour la construction des bateaux connaissezvous un chantier naval qui corrige le profil de la coque pour tenir
compte de la courbe de la terre? Pour construire des bateaux, la
thorie de la terre plate fonctionne admirablement, de mme que
la physique de Newton fonctionne pour toutes sortes dapplications, malgr la dcouverte de la relativit par Einstein.
Des thories alternatives. Ceci entrane une implication profonde
pour la pratique du management : cette dernire fait appel des
thories non parce quelles sont vraies, mais parce quelles sont
utiles dans certaines circonstances. Ds lors, nous ne devons pas
promouvoir une seule thorie dans nos classes il ne saurait y
avoir one best way (une seule faon de faire, la meilleure), merci, le
managrialement correct, a nexiste pas. Les situations varient
normment. Par consquent, ce que nous devons faire dans nos
cours de management, cest dvoiler les thories implicites que les
1. Carlo Bramar, doyen de la Duxx Graduate School of Business Leadership de
Mexico en a parl la confrence de lAspen Institute (11 avril 1999).
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TABLEAU 9.1
Des modles alternatifs pour les managers
Modles dindividu
Lindividu acteur rationnel (modle conomique)
Lindividu acteur motionnel (modle psychologique, modle cratif)
Lindividu acteur social (modle politique, modle sociologique, modle
administratif)
Modles dentreprise
Lentreprise machine
Lentreprise cerveau
Lentreprise individu (lentrepreneur)
Lentreprise rseau
Lentreprise groupe dexperts, etc.
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Processus systmatiques
Processus dirigs
Processus organiques
Modles de socit
conomique
Sociologique/anthropologique
thique, etc.
Politique/juridique
Historique
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UN O U P L U S I E U R S M O D L E S
DU COMPORTEMENT HUMAIN ?
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Il est clair que les postes levs doivent tre confis des hommes
daction. Encore faut-il quils soient capables de rflchir au cur
mme de laction, comme le dit Schn, (1983:60), pour vaincre une
vision trop troitement borne.
Tout manager, aujourdhui, a la tte farcie de concepts. commencer par toutes ces thories, tous ces modles, inconscients pour la plupart, et toutes ces techniques autour desquelles on mne grand battage
tout ce managrialement correct auquel nous sommes tous censs
souscrire. En outre, chaque secteur dactivit a ce que Spender (1989)
appelle ses propres recettes ensemble de convictions et procdures
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qui se sont imposes et dictent la faon dont les choses sont censes y
fonctionner. Si vous additionnez tout ceci et le reste, vous apprcierez la
raison pour laquelle une rflexion attentive est si importante dans la
formation des managers.
Nature de la rflexion
Rflchir, cela ne veut pas dire rvasser, cela na rien de dsinvolte. Cela
veut dire se poser des questions, creuser, analyser, synthtiser, tablir
des rapports mditer attentivement et constamment le sens [dune
exprience] pour soi. En outre, il ne suffit pas de se demander ce qui
est arriv, mais pourquoi cest arriv et comment cette situation est la
fois similaire dautres problmes et diffrente deux (Daudelin
1996:41).
Cela ne se fait pas sans efforts. Comme nous lavons not plus haut,
il faut faire remonter la surface les thories ou les modles implicites,
et suspendre son incrdulit afin de pouvoir les examiner ce nest pas
facile. Cela fait, il faudra envisager dautres modles possibles. Pour y
parvenir, il faut faire preuve de curiosit intellectuelle, tre alerte,
simpliquer dans une ambiance enthousiaste. Et ceci suppose non pas
le recours aux nouvelles technologies pdagogiques (par le truchement
dInternet, de CD-Roms etc.), qui peuvent entraner lapprenant exactement dans la direction inverse de celle o il souhaite aller, mais aux
bonnes vieilles mthodes lancienne, pauvres en technologie, mais
intenses et riches au plan personnel. Il ny a, autrement dit, pas de raccourci possible pour parfaire rellement la formation des dirigeants.
Cette approche peut paratre coteuse, mais le management lui-mme
lest plus encore. Quant au management rat, il est carrment ruineux.
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La classe
Lindividu
FIGURE 9.2
Lengrenage trois niveaux de la rflexion
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Le groupe
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1. Mes collgues Kanungo et Misra (1992), par exemple, ont dcrit les comptences
comme requises pour des tches peu habituelles et non programmes (ils pensaient au fonctionnement intelligent et aux aptitudes sengager dans des activits
cognitives), tandis que les savoir-faire concernaient plutt les tches de routine,
programmes, pour une tche et un contexte spcifiques (dclenches par les exigences de tches spcifiques) (1321). Les deux semblent nanmoins constituer un
continuum dans ces deux dimensions plutt que deux catgories distinctes. Jajoute
que le dictionnaire Random House utilise chacun de ces termes pour dfinir lautre.
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Enseigner des concepts est une affaire relativement simple. Mais dvelopper des comptences ce qui relve plus de la formation ne lest
pas. Cela peut tre difficile, prendre beaucoup de temps, car cela suppose dapprendre les ides de base, dexprimenter, dtre accompagn, de savoir ce que les gens ont pens de ce que vous avez fait, puis
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1. Un dbat nourri sest cependant lev sur la question de savoir si lon peut
mlanger la formation aux comptences et lenseignement des concepts. McKnight
(1991), par exemple, estime que les savoir-faire sont un produit de linconscient
humain et, en tant que tels, ne peuvent sacqurir par lapprentissage
conceptuel. Il critique le manuel de Whetten et Cameron, quil considre comme
le meilleur, estimant quil tombe dans le pige qui consiste tenter de rendre trop
conceptuel le dveloppement des comptences (207). Pour lui, ce dernier doit tre
centr sur ltudiant, le professeur jouant le rle du coach qui surveille de trs
prs son lve pendant que ce dernier sentrane (212, 213). Cela serait raisonnable
si linclination faire ce genre de choses ntait si faible dans les business schools.
2. Ceci nest pas forcment vrai dans dautres secteurs de luniversit. Comme le
notent Serey et Verderber (1991), lenseignement des savoir-faire se pratique couramment dans toutes sortes de domaines, des langues vivantes au laboratoire scientifique, en passant par le dessin, la musique et la mdecine.
3. Y compris dans la mienne : Les coles de management ninfluenceront rellement la pratique du management que lorsquelles seront capables denseigner un
ensemble spcifique de savoir-faire associs lexercice des fonctions de direction
(Mintzberg 1973 :188). McGill, nous avons pris laffaire au srieux; plusieurs
annes durant, nous avons propos un cours de dveloppement des comptences
dans le cadre de notre MBA (voir Waters 1980). Il passait dun professeur lautre,
jusqu ce que plus aucun ne veuille plus lassurer, il est alors mort de sa belle mort.
Curieusement, en la matire, le manque dexprience des tudiants nest pas gnant.
Pour certains savoir-faire, comme mener des ngociations, la plupart dentre eux ont
une exprience naturelle. En loccurrence, ce qui est gnant, cest le manque dexprience des enseignants!
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LA CONCEPTION, COMPTENCE CL
POUR LE MANAGEMENT
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310
TABLEAU 9.2
Liste des comptences managriales
A. Comptences personnelles
1. Comptences internes (rflexion, pense stratgique et +)
2. Comptences externes
(gestion temps, informations, stress, carrire et +)
B. Comptences interpersonnelles
1. Direction dindividus (slection, enseignement/mentorat/coaching,
savoir inspirer, traiter avec experts et +)
2. Direction de groupes (mise en place dquipes, rsolution/mdiation
de conflits, processus de facilitation, conduite de runions et +)
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D. Comptences oprationnelles
1. Organiser (division des tches, tablissement des priorits,
fixation des ordres du jour, gestion du temps, urgence et +)
2. Administrer (affecter des ressources, dlguer, autoriser, systmatiser,
fixer des objectifs, valuer des performances et +)
3. Concevoir (planification, fabrication, vision et +)
4. Mobiliser (traitement des urgences, gestion de projet et +)
Note. Ce tableau sinspire dun modle du travail managrial que jai dvelopp (Mintzberg,
1994). Jai galement consult plusieurs autres listes publies ainsi que des textes manant des
entreprises. Beaucoup de ces listes (jespre que la mienne ne tombe pas dans la mme
erreur) mlangent comptences, valeurs, traits de caractre et mme souhaits, de faon souvent assez trange (par exemple une liste communique par une entreprise met sur le mme
plan le coaching, lorientation client et limplication, tandis quun manuel trs connu fait de
mme pour la gestion financire, la capacit de travail, une pense claire et le respect).
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Le partage de comptences
Charles Lindblom (1968) a montr que la formation est particulirement adapte aux pratiques qui ont t codifies. Mais celles-ci,
comme je lai soulign ds le dpart, sont rares dans la pratique du
management. Faut-il, ds lors, abandonner toute ide de dvelopper des
comptences dans le cadre de lenseignement du management, acceptant ainsi ce quun collgue ma dit un jour : On dresse les chiens, pas
les managers? Autrement dit, faut-il laisser cela lentreprise, qui aura
recours, comme elle le fait de toute manire, aux mutations systmatiques et au mentorat sur le terrain, ainsi qu ces formations courtes qui
enseignent tout de mme quelques comptences?
Pas tout fait. Je crois quen matire denseignement du management,
nous pouvons en faire plus que nous ne le croyons, mme si cest moins
que certains ne le pensent. En dehors de la notion de formation, il y a un
312
1. Un certain nombre dauteurs de management ont plaid pour une approche trs
similaire, entre autres McKnight (1991:205), Kotter (1990:4), Conger (1992:49) et
Lee (1989), qui distingue une cole de leadership fonde sur la sensibilisation
dune autre qui serait fonde sur le renforcement des savoir-faire, et cite le directeur dun programme au Center of Creative Leadership : Une fois que les managers ont pris conscience de ce qui se passe, ils savent assez bien ce quils doivent
faire (23, 24).
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rflexion stratgique. Il est difficile dimaginer un adulte qui se transformerait, dans une salle de classe, en penseur stratgique. Mais le partage des comptences peut certainement permettre chacun de se faire
une ide plus claire de la rflexion stratgique ce que cest, comment
a fonctionne, qui sy livre, quand elle se rvle indispensable et ainsi
damliorer lusage quil en fait lui-mme.
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TABLEAU 9.3
valuation de ce que les participants ont appris au CEDEP
Question
Pourcentage de
rponses affirmatives
(n=246)
98
97
86
84
89
85
73
73
50
23
19
La premire chose que jai dite dans ce chapitre, cest que ce sont les
entreprises qui doivent choisir les managers qui viennent suivre des
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Connaissances
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cours de management. Ceci suppose un engagement fort entre lindividu et lentreprise, qui doit tre double sens : lentreprise sengage
envers lindividu, et ce dernier a lobligation de rapporter ce quil a
appris dans son entreprise et de ly diffuser.
Cest ce que nous appelons limpact, et nous lintgrons dans la
conception mme de notre programme. Nous souhaitons en effet tendre lensemble de lentreprise les bnfices quen retirent ceux qui le
suivent, de sorte que lon puisse parler non seulement de dveloppement des managers, mais aussi de lentreprise.
Grce la faveur dont jouissent lapprentissage par laction et le
Work-Out, un aspect de limpact a pris une grande importance : vous
apprenez quelque chose, puis vous lutilisez pour optimiser le fonctionnement de votre entreprise. Appelons cela limpact de laction. Mais un
autre aspect devrait prendre une importance plus grande encore. Nous
lappellerons limpact de lenseignement.
Les managers ont tous vocation enseigner. Mentors ou coachs, ils
ont le devoir de faire progresser leur personnel et daider leurs collgues
en partageant avec eux leurs ides et leur exprience. Ceci devrait tre
particulirement vrai des managers ayant eu le privilge davoir suivi des
cours de management : de retour dans leur entreprise, les apprenants
doivent se transformer en enseignants. Cela peut prendre des formes
trs diverses, des plus simples, comme faire lire autour deux les articles
ou les livres quils ont trouvs intressants, raconter certains cours
leurs collgues, des formules plus ambitieuses, comme organiser des
rpliques en miniature de modules entiers, comme lont fait certains des
managers ayant particip nos programmes. Chaque aspect du processus ducatif peut tre ramen dans lentreprise pour y concrtiser
limpact de lenseignement reu (nous y reviendrons au chapitre 13).
Les deux sortes dimpact exigent un changement radical de la part
la fois des coles et des entreprises qui y envoient leurs managers. Les
premires doivent faire preuve dune plus grande ouverture se montrer plus ractives face aux besoins des managers et de leur entreprise
les secondes attendre davantage des programmes o elles envoient leurs
managers et le faire savoir.
En gnral, cest tout seuls que les managers retournent sur les bancs
de lcole, de sorte quils se sentent isols quand ils en reviennent. Ils
ont appris des choses et souhaitent faire des changements. Mais personne ne semble motiv pour les suivre. Ils finissent donc par tre frustrs. Cest un problme connu, auquel les programmes, certains livres
316
Ensemble, tous les lments dont nous avons discut dans ce chapitre
donnent un processus denseignement du management assez nouveau,
que nous appellerons la rflexion exprientielle. Comme lillustre la
figure 9.3, les managers apportent leur exprience au cours, o le professeur introduit divers concepts, thories et modles. On pourrait dire
que les managers vivent dans un territoire dont les enseignants dressent
la carte. La rflexion nat au point de rencontre de ces deux apports :
elle considre lexprience la lumire des ides conceptuelles. Les
enseignements tirs de cette rflexion reviennent ensuite sur le lieu de
travail, o ils influencent les comportements et donnent lieu des
expriences nouvelles qui donneront leur tour matire rflexion, et
reviendront donc en salle de cours. Ceci constitue un cycle rcurrent :
comprhension tacite sur le terrain, apprentissage explicite en cours,
application tacite sur le terrain, et ainsi de suite.
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317
Concepts
(fournis par les enseignants)
Rflexion en salle
de cours
Ides, en
s e ig n e
Expriences
(apportes par les managers)
m e nt
s ret
enu
s
Rflexion en salle
de cours
Impacts
(sur le terrain)
FIGURE 9.3
La rflexion exprientielle dans lenseignement du management
La rflexion nourrie dexprience, en classe, confronte ides nouvelles et convictions tablies, et cela individuellement, par petits groupes,
et en classe entire. Comme cest une pdagogie du partage et de
ladaptation, les apprenants doivent savoir sorganiser eux-mmes et
prendre le temps de suivre, parfois spontanment, les chemins naturels
de la dcouverte.
Rptons-le, tout ceci se fait sans recours aux technologies de pointe,
car le cerveau nest pas une machine hi-tech. Il absorbe et traite linformation exactement comme il la toujours fait, quelque perfectionn
que soit le dispositif au moyen duquel il lobtient. Ds linstant o ces
informations frappent les yeux ou les oreilles, les bons vieux processus
humains se mettent luvre. Le goulet dtranglement, comme pour
toute ducation authentique, cest donc le cerveau humain. Mais ce
dernier a le pouvoir de synthtiser et de crer. Aucun ordinateur nen
est capable, tant sen faut. Si ce type denseignement du management
est efficace, cest prcisment parce quil fait appel au cerveau.
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Rflexion exprientielle
(expriences naturelles
dindividus expriments)
Authenticit
FIGURE 9.4
Les pdagogies du management, par ordre dauthenticit
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320
Cours magistraux
(apport conceptuel)
Rflexion
(pour comprendre
le sens de toutes les
expriences)
Exprience naturelle
Bien entendu, chaque manager, dans une telle classe, na vcu que
ses propres expriences. Le contexte, en dernire analyse, est rellement
personnel et mme individuel. Dans une discussion de cas, au contraire, tout le monde partage une seule exprience. Mais cest une exprience de seconde main. Et dans le travail par projets, chaque groupe vit
une exprience. Mais cest une exprience force. Lavantage de lexprience naturelle, cest quelle est robuste, profondment ressentie par la
personne qui la vcue, mais facile partager avec des collgues ayant
vcu des expriences similaires. Par exemple, tous les managers partagent lexprience davoir ngoci des contrats ou davoir t contraints
de prendre des dcisions importantes dans des situations stressantes.
Dun certain point de vue, tous les managers de la classe ont vcu les
expriences des autres; ils sont tous protagonistes, et voient dans ce que
leurs collgues leur racontent le reflet de ce quils ont vcu eux-mmes.
On peut comparer la faon dont les divers managers ont vcu leurs
expriences et celle dont ils y ont ragi pour encourager un apprentissage assez sophistiqu. En outre, dans un programme modulaire, les
managers reviennent lcole plusieurs reprises, ils finissent donc par
connatre assez bien le contexte dans lequel travaillent leurs collgues.
Les expriences collectives du groupe deviennent en ensemble de cas
rels dont on discute pratiquement en temps rel.
Ajoutons que les histoires peuvent, elles aussi, tre dexcellents outils
dapprentissage. Sims et al. (1994:281) ont montr que les managers
prfrent lanalogue au numrique. Il en va de mme des meilleurs
apprenants, y compris les coliers de Calgary. Do limportance des
anecdotes : elles sont porteuses de connaissances analogiques, mlent
les ides au vcu.
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FIGURE 9.5
Conjuguer diverses pdagogies
321
APPRENDRE ET ENSEIGNER
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Je suis toujours prt apprendre, mais je naime pas toujours que lon me fasse la leon. (Winston Churchill)
Cela ma intress de voir tout ce que les gens apprennent
quand on les laisse tranquilles (Nancy Badore, parlant
dun stage de formation au management)
Pour moi, parler un groupe de quelque chose qui me
plat, cest presque une drogue. (Un professeur cit dans
un article de Business Week [Bongiorno 1994:45] sur les
meilleurs professeurs de business school aux tats-Unis).
Par sa nature mme, lenseignement homognise la fois
ses sujets et ses objets. Apprendre, au contraire, libre.
(Bennis 1989:70).
Apprendre, cest un processus de construction. Autrement
dit, lindividu qui apprend quelque chose en rassemble luimme les lments. (Gaskins et Eliot 1991:41)
Nous avons horreur denseigner, mais nous adorons
apprendre. (rponses une enqute de satisfaction mene
auprs des participants notre International Masters Program in Practising Management)
322
les sujets traits. Mais, pour rpter ce que je disais dj dans le premier
chapitre, les professeurs qui croient tout savoir sont ceux qui transmettent le moins bien les savoirs.
Se placer du point de vue de lapprenant suppose de ne regarder que
les progrs accomplis. En dernire analyse, lacte dapprendre doit donc
tre ractif, individuel, intgr au sein dun mouvement de dcouverte
tout fait comme le management lui-mme, o les expriences
vcues, les concepts et les rflexions se mlent mesure que le manager
assume ses tches. Cela devrait donc tre vrai aussi de lenseignement
du management, qui devrait tre fond sur des allers et retours entre
lcole et le terrain.
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323
comme une voiture qui sort de la chane de montage. On case tout avec
ordre et mthode. On case le marketing. On case lthique. On case
mme la pierre angulaire, le cours de stratgie, aprs tous les autres.
Mais laddition de tous ces lments ne fait pas un enseignement
valable au sens plein du terme. Si, dans leur propre travail, les managers ne peuvent pas se concentrer longtemps sur des problmes isols,
spars les uns des autres, sils ont besoin dapprendre synthtiser
de linformation partir dune multiplicit de sources diffrentes, et
apprcier linterconnexion des phnomnes et des dcisions (Whitley
1989:220), alors lenseignement du management ne devrait-il pas tre
conu pour en tenir compte?
Par exemple, si lthique est rellement importante aux yeux dune
entreprise, elle doit inspirer tout son comportement. Il serait stupide de
nommer un directeur de lthique, comme si une personne pouvait en
assumer la responsabilit au nom de toutes les autres. Tout le monde
doit se comporter conformment aux rgles thiques que lon se fixe.
De la mme manire, si les business schools attachent une grande
importance lthique, dsigner un cours pour couvrir la question
est tout aussi stupide. Lthique doit inspirer tout ce qui se passe
lcole, porter sur toutes sortes de problmes, chaque fois quils se
posent, quil sagisse de dvelopper une activit ou de fixer le prix dun
mdicament. De la mme manire, la stratgie et les ressources humaines ne sont pas des disciplines isoles, mais des phnomnes lis tout
ce que fait lentreprise. Le management nest pas un lphant rsultant
de lassemblage de pices dtaches lenseigner ne saurait ds lors
consister le dcouper en morceaux, comme un boucher, pour faire un
beau programme.
Imaginez donc un programme tiss de valeurs et dattitudes, mlant
les histoires et les ides, employant des mthodes dapprentissage fondes sur limplication de chacun pour faire en sorte que les participants
soient responsables de rflchir ensemble aux expriences des uns et
des autres. Imaginez des professeurs toujours prsents, toujours prts
aider les participants faire le lien entre les ides exprimes au cours de
la journe, entre un module et le suivant. Tout sintgre alors en toute
fluidit, au lieu de se succder conformment ce qui a t prvu
lavance.
Cela ne veut pas dire que les enseignants soient passifs. Cest mme
exactement linverse : ils sont impliqus et sengagent plus profondment, comme les tudiants, dans la dynamique mesure quelle se
droule. Pas de surprises dans la salle de classe, cela veut dire que le
324
professeur napprend rien et les tudiants pas grand-chose. Lenseignement du management devrait tre moins contrl, faire davantage
appel la collaboration.
ditions dOrganisation
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325
discussions de cas, mais cela fait porter lattention sur lindividu, pas
sur le groupe, surtout si lindividu est sur le devant de la salle, dans ce
quon appelle la fosse aux lions. Ces salles sont agences plus pour la
comptition que pour la collaboration, plus pour dmontrer des choses
que pour partager son exprience. Loin de ralentir le rythme, elles
lacclrent.
Regardez les photos des professeurs dans les brochures des business
schools. Jen ai rassembl une petite collection, tire des brochures de
Harvard pour ses Executive Programs : le professeur, bien net, est toujours en train dexpliquer quelque chose (souvent lindex en lair!), tandis que les managers, un peu flous, le regardent docilement. Cela
ressemble-t-il un dcor adapt des cadres dirigeants?
Nous savons, grce de nombreuses recherches, que les managers
travaillent essentiellement en face--face, avec un seul interlocuteur ou
en petits groupes. Il est rare de les voir aligns dans des groupes nombreux. Nous savons galement quils passent une grande partie de leur
temps avec leurs pairs. Or dans les amphis des business schools, il
regardent, den haut, la figure incarnant lautorit, sur le devant de la
pice. On dirait une caricature de la hirarchie! Nous savons galement
que, malgr limmense dveloppement de linformatique, les managers
continuent apprcier particulirement la prsence physique. Dans
leur travail, la dimension humaine joue un rle essentiel. Pourquoi
vouloir les faire sortir de la salle de cours, les loigner les uns des autres
dans le seul but de leur faire utiliser cette technologie?
La salle de cours nest peut-tre pas le lieu de travail, mais les deux
doivent au moins tre compatibles. Une salle sans gradins, garnie de
tables rondes, facilite la discussion naturelle entre petits groupes, et se
prte galement trs bien des prsentations plus formelles. Il ny a
jamais besoin dclater le groupe en sous-groupes qui vont travailler
dans dautres salles plus petites : il suffit dun instant pour que les
managers changent de table pour entrer dans une discussion qui leur
semble intressante. Chaque table devient une petite communaut
dapprentissage au sein de la grande communaut que forme lensemble de la classe. Et, en variant la faon dont les gens sinstallent par
entreprises, par type de problmes rencontrs, en mlangeant diverses
cultures dentreprise, etc., on varie du mme coup les sujets de conversation des diverses tables. Si lagencement traditionnel des salles de
cours est manifestement conu pour satisfaire les besoins des enseignants, celui que je viens de dcrire permet aux managers davoir, eux
aussi, sur les lieux, un sentiment dappartenance. Je reviendrai sur la
326
ditions dOrganisation
327
teur qui facilite les changes, stimule la participation, fait ressortir les
conclusions les plus intressantes.
Un jour, au cours dun module, nous avons constat quune erreur
tait survenue dans la rdaction de lemploi du temps de la journe, qui
sarrtait trop tt dans laprs-midi. la dernire minute, nous avons
donc dcid de prolonger certaines sessions. Les enseignants sont arrivs, ayant soigneusement prpar leur cours, et nous leur avons dit
quils disposaient dune heure de plus. Cela sest rvl parfait! Ils ont
assoupli leur cours, donnant beaucoup de temps aux tudiants pour
rflchir ce quils venaient de leur exposer. Cest pourquoi nous avons
ajout la rgle 4 la liste, reproduite dans lencadr ci-dessous, des
directives que nous destinons aux professeurs qui souhaitent former
de vrais managers.
ditions dOrganisation
Tout ceci, nous lavons constat, exige non pas des animateurs professionnels, ni mme des amuseurs publics, mais tout simplement des
gens intelligents, dots des talents quil faut pour animer un groupe.
Nous navons que faire de bons animateurs incapables de bien matriser
les concepts, ni de professeurs chevronns et reconnus, mais passant
leur vie scouter et incapables de susciter des discussions autres que
strictement encadres par leurs soins. En revanche, nous avons remarquablement russi avec des individus intelligents, capables de faire un
cours qui se tienne et acceptant danimer une bonne discussion. Partout o nous avons implant notre programme, y compris au Japon et
en Inde, o lon nous avait mis en garde contre les mthodes traditionnelles denseignement (pas si diffrentes que cela, finalement, de ce qui
se passe dans les pays occidentaux!) nous avons russi convaincre de
bons universitaires je veux dire ayant une grande ouverture desprit
dadopter cette pdagogie. Jen connais la raison : les professeurs vraiment bons aiment nettement mieux apprendre quenseigner. Ils ont,
certes, lhabitude de faire des cours mais, grce la recherche, ils nont
pas perdu celle dapprendre. Pourquoi ne le feraient-ils pas en classe,
avec leurs tudiants? Aprs tout, leur cerveau continue fonctionner
lorsquils sont debout, et cest un savoir-faire trs prcieux pour encadrer une rflexion nourrie de lexprience des participants.
Je me souviens dun conomiste, en Inde, qui avait fait une excellente prsentation, tt le matin, dans le cadre de notre programme.
Ensuite, il avait invit les participants lui poser des questions, avant de
proposer une pause. En regardant ce quil avait prvu pour la seconde
partie de la matine, jai vu quaprs la pause, ce serait peu prs la
mme chose. Cela ma inquit : nos participants risquaient de protester. Ils ont pris lhabitude de sapproprier ce quon leur prsente.
Il est revenu, a crit une question au tableau, et leur a demand den
discuter leur table. La classe sest anime. En fin de session, il a rcapitul en sance plnire les conclusions des divers groupes.
Comment ce miracle a-t-il pu se produire? ai-je demand un
collgue aprs la session. Cest facile. Je lai pris part et je lui ai souffl la marche suivre. Et il ma dit : Daccord, pourquoi pas?
Je suis absolument aux anges lorsque je vois des gens qui (comme
moi) ne staient jamais tellement intresss aux mthodes de lenseignement, se laisser gagner par lenthousiasme de ces classes en voyant
leurs concepts prendre vie dans le contexte de lexprience. Dans ce
type darchitecture, avec ce type dtudiants, beaucoup ont accept
dessayer. Bien entendu, jusqu prsent, les professeurs cratifs se sont
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328
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montrs particulirement enthousiastes, car ce genre de cours correspond exactement leurs talents. Ils nont plus besoin de se battre
contre le courant. Mais quand il sagit de revenir aux programmes classiques, ils sont moins chauds.
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sentant plus quen restant dans leur fauteuil. Ils sont plus enclins inspirer qu donner des responsabilits, collaborer qu contrler. Lide
est de sassurer que dautres matrisent parfaitement leur travail. Ainsi,
ces managers se considrent moins comme investis de la tche daffecter les ressources, y compris les fameuses ressources humaines, que de
la mission de renforcer les liens entre les tres humains.
Dune manire gnrale, ces managers prfrent les soins prventifs
aux traitements curatifs, ils ne se comportent pas comme des chirurgiens qui coupent droite et gauche, mais plutt comme des mdecins attentifs viter que le recours la chirurgie ne devienne
ncessaire. Ils considrent leur entreprise comme un rseau et non
comme une hirarchie, eux-mmes oprant partout, et non du haut de
leur grandeur. Et cela veut dire qu leurs yeux, la stratgie ressemble
plus, par exemple, au projet de faire planter des arbres par de nombreuses personnes qu un clair dchirant un firmament obscur. Si le je
pense donc vous faites est la devise implicite du manager hroque,
celle du manager engageant serait plutt : Nous rvons, donc nous
faisons. Ces hommes sengagent eux-mmes pour engager les autres
plus prcisment pour faire ressortir lnergie positive quils ont naturellement en eux. On fait ainsi franchir une tape au vieil adage sur le
leadership, selon lequel les salaris, bien dirigs, croient avoir tout fait
eux-mmes : ils ralisent maintenant quils font effectivement tout euxmmes, et cest important.
Le tableau 9.4 met en contraste les deux styles de management prsents ci-dessus. Lenseignement prodigu en MBA penche dun ct de
ce tableau; je pense pour ma part que lenseignement du management
devrait pencher de lautre.
331
TABLEAU 9.4
Deux conceptions du management
Le management hroque
Le management engageant
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7. La direction de lentreprise
revient ceux qui russissent
imposer leur volont aux autres
332
ditions dOrganisation
Lenseignement du management est un champ quil va falloir creuser, fouiller et bcher inlassablement.
10
LE PROGRAMME IMPM
Nallez pas l o le chemin peut
mener. Allez l o il ny a pas de chemin et laissez une trace.
RALPH WALDO EMERSON
ditions dOrganisation
Quel conseil donner Vlade na? Elle a dexcellents diplmes une matrise de philosophie dune universit tchque rpute et un mastre en
affaires internationales dune bonne universit amricaine. Elle a galement une excellente exprience : elle a travaill dans un cabinet international de conseil, puis dans une start-up Internet, avant de devenir
manager dans une entreprise de tlcommunications tchque. Elle y
pratique le management en faisant appel son exprience et son bon
sens. Cest tout ce dont elle dispose, outre le fait quun collgue expriment lui sert de mentor. Vladena est intelligente et sympathique. Elle
veut faire une business school.
Quest-ce que cela lui apportera? Elle sera mieux place pour ngocier un emploi sur le march international, cest certain. Elle comprendra probablement mieux aussi le monde des affaires, elle acquerra entre
autres le vocabulaire ncessaire pour faire face dautres managers titulaires dun MBA. Mais cela fera-t-il delle un meilleur manager?
Au fil de plusieurs des chapitres prcdents, jai dj donn la
rponse : non, ce sera mme le contraire. Je voudrais maintenant
dcrire non ce que Vladena pourrait faire tout de suite, mais ce que toutes les Vladena pourront faire dans un avenir proche.
LINTERNATIONAL MASTERS
IN PRACTISING MANAGEMENT
Cela fait prs de dix ans quun groupe de collgues du Canada, de
Grande-Bretagne, de France, dInde et du Japon et moi-mme
ditions dOrganisation
334
Le programme IMPM
335
ditions dOrganisation
ainsi que je les ai rfrencs.) Nous offrons tout ceci dans lespoir que
dautres sinspireront de notre exprience, comme nous nous sommes
inspirs de celle des autres, de sorte que lon avancera enfin sur la voie
dun enseignement du management plus satisfaisant.
La figure 10.1 montre la structure de lIMPM : cinq modules de
quinze jours dans les cinq universits qui nous accueillent, chacun
tant consacr un tat desprit du management (rflexion, analyse,
cosmopolitisme clair, collaboration et action). Dautres activits
sarticulent autour de ces modules, dont beaucoup se droulent dans
lentreprise des participants. La rdaction de mmoires de rflexion est
destine tablir un lien entre ce que le participant a appris dans chaque module et le contexte dans lequel il travaille. Leur effort, ce
niveau, est soutenu par le tutorat (T sur la figure). Ce que nous appelons travail personnel permet dacqurir la langue des affaires en
marketing, en finance et en comptabilit, afin de prparer le module II.
Les changes de managers ont lieu entre les modules II et IV : les participants forment des binmes et passent chacun une semaine dans
lentreprise de leur condisciple. Le projet et les impacts sont des activits
dbouchant sur un changement dans lentreprise du participant. Tout
ceci stale sur prs dun an et demi, dont dix semaines en salle de
cours, tapes dun parcours ducatif de seize mois. Une fois le voyage
achev, ceux qui souhaitent recevoir notre mastre rdigent un grand
mmoire de fin dtudes qui est une sorte de petite thse.
336
Rflexion
Mmoire 1
T = tutorat
Rflexion
Lancaster
Quinze jours
II
Rflexion
Mmoire II
Analyse
McGill
Quinze jours
Rflexion
Mmoire III
Cosmopolitisme clair
Bangalore
Quinze
Rflexion
jours
IV
T
Mmoire IV
Collaboration
Japon
Quinze jours
V
III
Travail personnel
changes de managers
dune entreprise lautre
(2 fois une semaine)
Action
Insead
Quinze jours
Mmoire de
fin dtudes
Projet
Impacts
Validation
16 mois
Diplme
+ 6 mois
ditions dOrganisation
FIGURE 10.1
Structure de lIMPM
Le programme IMPM
337
ditions dOrganisation
Notre ambition tait de crer non un programme de tel ou tel pays dot
dactivits ltranger, comme il en existe tant, mais une exprience
authentiquement internationale, incarnant un quilibre entre diverses
parties du monde, nayant son centre dans aucune, de sorte que chacun
de ses lieux daccueil donne le sentiment dtre la fois local et tranger.
Les entreprises qui nous ont envoy des participants sont implantes
dans les cinq pays qui nous accueillent, parfois galement ailleurs. Si
nous leur avons demand de ne sengager que sur un cycle la fois, la
plupart dentre elles ont particip la plupart de nos cycles, voire tous.
Ces entreprises, ce sont Fujitsu et Matsushita (Japon), LG (Core), lectricit de France, Gaz de France, la Fdration Internationale des Socits de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dont le sige est Genve,
British Telecom (Grande-Bretagne), Lufthansa (Allemagne), Alcan et la
Royal Bank (Canada). Nos participants indiens sont pour la plupart
patrons de PME, ce qui a trs bien fonctionn (mais certaines grandes
entreprises, comme Hewlett-Packard, Coca-Cola et Bharati Telecom
nous ont envoy plus rcemment des managers). Pour donner un exemple du caractre quilibr de notre public, le Cycle 3 comportait quinze
Asiatiques, quinze Europens, six Nord-Amricains, deux Africains, et
un Sud-Amricain.
International, notre programme na pas la prtention dtre
global. Comme la plupart des managers des entreprises qui travaillent le plus linternational, nos participants sont enracins dans la
culture de leur pays1. Loin de vouloir les en arracher, nous souhaitons
quils conservent intactes ces racines tout en apprenant connatre
dautres cultures. Pourquoi sacharner mettre tout le monde dans le
mme moule, alors que la diversit permet dexplorer des perspectives
diffrentes? Dans cet esprit, notre intention a t de crer des managers
ouverts sur le monde, et non mondialiss (voir tableau 10.1).
1. Un sondage men dans un de nos cycles pour savoir qui, parmi les participants,
avait un passeport diffrent du pays o son entreprise avait son sige, est assez rvlateur, non seulement pour le groupe en question, mais probablement de la
mondialisation en gnral. Seuls les collaborateurs dAlcan et ceux de la CroixRouge et du Croissant-Rouge ont t plusieurs lever le doigt. Presque tous les
autres participants avaient la mme nationalit que leur entreprise, mme sils
avaient dans certains cas une grande exprience internationale et taient alors expatris.
338
TABLEAU 10.1
Mondialis ou multiculturel
MBA amricain Budapest
LIMPM
Ainsi, lIMPM est devenu le point de rencontre de diffrentes cultures nationales et dentreprise dans un cadre dtendu. Cela donne
lieu un apprentissage plus ouvert et remet en question les notions
mmes de mondial et de local. Les strotypes seffacent vite dans ce
genre de classe, mesure que les gens dcouvrent des points communs
l o ils attendaient de la diversit et vice versa. Cela arrive bien entendu
dans tous les programmes ouverts des participants de diverses nationalits, mais lIMPM est aussi japonais quil est britannique, aussi canadien quil est indien, etc., et cela fait toute la diffrence. En outre, dans
un module sur cinq, les participants sont natifs du pays daccueil, ils
peuvent donc servir dhtes leurs collgues, de sorte que le sjour
ltranger de ces derniers tient moins du voyeurisme.
ditions dOrganisation
Le programme IMPM
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340
Lun des dfis que nous avions dcid de relever consistait laborer un
cadre transcendant la structure fonctionnelle qui a si longtemps
domin lenseignement des business schools. Sil tait facile de critiquer
cette structure, en trouver une autre pour la remplacer navait rien
dvident. Nous avons donc normment rflchi afin de dvelopper
une structure rellement managriale.
Dans le cadre des fonctions traditionnelles de lentreprise, on voit le
monde comme constitu de diverses catgories de problmes concidant, comme par enchantement, aux corpus de connaissances spcialises des coles le marketing, les finances, les ressources humaines, etc.
Toujours dans cette perspective, le monde, objectif et non subjectif, se
prte lapplication dun savoir systmatique. Il suffit ds lors de donner les outils aux managers pour quils rsolvent les problmes.
Les managers, hlas, ne vivent pas dans ce monde-l mais dans un
monde confus, droutant. Si les problmes qui se prtent au dcoupage
par fonctions peuvent tre dlgus aux spcialistes fonctionnels, les
ditions dOrganisation
LE CADRE CONCEPTUEL :
LES DIVERS TATS DESPRIT DU MANAGER
Le programme IMPM
341
dirigeants se retrouvent seuls face aux plus difficiles. Cest mme prcisment parce quil est impossible de les ranger dans des catgories bien
prcises quils se retrouvent sur leur bureau.
Comme nous lavons vu au chapitre 8, certains programmes ont
adopt une structure thmatique, articule autour de la mondialisation, la gestion de la chane dapprovisionnement, etc. Cest dj un
progrs, puisque cela permet dapprocher les problmes comme ils se
prsentent aux managers. Mais ces thmes sont troits et temporaires.
Nous devions absolument trouver un cadre plus stable, plus largement
conceptuel.
Comme le montre la figure 10.21, tout ce que fait un manager efficace se situe entre laction, sur le terrain, et la rflexion, dans sa tte. La
rflexion sans action est passive, laction sans rflexion irrflchie. Les
managers efficaces fonctionnent donc linterface de ces deux tats
desprit, dans la zone o ils se chevauchent, o la pense rencontre
laction pratique. Nous avons calqu notre programme sur ce schma,
en commenant par un module sur la rflexion et en terminant par un
module sur laction.
sprit de la r
t de person flexion
ne)
(L a
esprit douvertu
re
at d
t sur le monde
(Le contexte)
ta
sprit analytiq
t d e
ue
ta (Lentreprise)
tat desprit de
la collaboration
(Les relations)
ditions dOrganisation
FIGURE 10.2
Cadre pour lenseignement du management
Rflchir et agir, cest trs bien, mais sur quoi? Nous avons dtermin trois niveaux : les hommes et leurs relations, lentreprise que dirige
le manager, et le monde autour de cette entreprise son contexte. Cela
nous donne deux tats desprit et trois sujets.
Mais, son tour, chacun de ces trois sujets dtermine un tat desprit
bien prcis. Pour les hommes et les relations, cest notre avis la collaboration tout ce qui se fait en cooprant avec dautres personnes, par
exemple la ngociation. Au niveau des entreprises, selon nous, cest
lanalyse qui prdomine. Elles ne cessent de dcomposer et de recombiner leurs activits lanalyse nest pas autre chose. Quant au contexte,
nous pensons quil appelle un tat desprit non pas mondialis, mais
cosmopolite, cest--dire ouvert sur le monde, ce qui suppose une
profonde apprciation de la ralit dans ses nombreuses formes.
De la mme manire, la rflexion et laction ont chacune leur point
dapplication. Pour la rflexion, cest la personne. Les managers, en fin
de compte, rflchissent en tant quindividus. Pour laction, cest le
changement, ce dernier sappliquant tous les niveaux la personne, les
relations, lentreprise et le contexte.
Au total, cela donne cinq perspectives quil sagit de combiner dans
la pratique du management :
Grer la personne : la rflexion
Grer lentreprise : lanalyse
Grer le contexte : louverture sur le monde
Grer les relations : la collaboration
Grer le changement : laction
Nous avons rparti ceci sur nos cinq implantations, de faon ce
que chaque partenaire puisse dvelopper son module par rfrence
lun de ces cinq tats desprit pas exclusivement, mais essentiellement.
Ces affectations ont parfois t fortuites. Nous avons attribu la
rflexion lAngleterre, patrie dindividus qui y sont souvent trs
enclins; lanalyse McGill, en Amrique du Nord, o lapproche analytique du management a connu le dveloppement le plus pouss;
louverture sur le monde lInde, o tant de mondes se heurtent; la
collaboration au Japon, pays o lon y accorde la plus grande
importance; et laction la France et plus prcisment lInsead, qui
sest fait une spcialit de lenseignement du changement. En fait, il
sest avr passionnant de voir la faon dont chacun de ces modules a
t marqu par le pays daccueil par exemple, la rflexion, en Angleterre, sest teinte dune grande curiosit intellectuelle, et laction,
lInsead, dune certaine duret.
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Le programme IMPM
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Nous rflchissons entre les quatre murs de nos salles de cours, mais
aussi lextrieur. Jy reviendrai plus loin. Commenons par voir ce qui
favorise la rflexion en salle.
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Le programme IMPM
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JE V O I S
CE QUE VOUS VOULEZ DIRE !
Tomo Noda, de lInsead, voulait se mettre lenseignement faon
IMPM, mais il navait jamais mis les pieds dans une de nos salles.
Nous lavons donc invit louverture dun nouveau cycle Lancaster le jour de la rentre.
Jonathan Gosling, directeur du programme, a commenc par
prsenter brivement ce qui attendait les participants. Au bout
dune dizaine de minutes, il a demand sil y avait des questions.
Il ny en avait aucune tout le monde tait nouveau, trop intimid pour commencer. Jonathan a donc parl quelques minutes
de plus, en terminant par la suggestion suivante : Je pense que
vous pourriez maintenant en discuter autour de votre table et
voir sil y a des questions.
La classe se mit immdiatement bourdonner dactivit.
Tomo sest approch de moi, les yeux brillants. Je vois ce que
vous voulez dire! Nous lui avions expliqu notre dmarche
lavance, il avait compris tout ce que nous lui avions dit. Mais en
quelques minutes, dans cette salle de cours, mme avec un
groupe tout neuf, il avait vu la diffrence.
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Le programme IMPM
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Rflexions du matin
Le vritable cur de lensemble du processus dapprentissage, cest ce
que nous appelons les rflexions du matin, dont lide nous a t souffle par Ramesh Mehta, directeur du module de Bangalore lors de notre
Cycle 1. (Jutilise les chiffres arabes pour dsigner lanne du cycle [Par
exemple, Cycle 6 signifie le sixime, historiquement], les chiffres romains
pour dsigner les modules eux-mmes [par exemple, le Module IV est
celui qui porte sur la collaboration, au Japon].) La premire chose que
nous faisons, le matin en se retrouvant, quand on a encore lesprit tout
frais, ce qui nempche pas davoir eu de nouvelles ides depuis la veille
au soir, cest de demander tout le monde de rflchir. Lobjectif et de
profiter de ce moment privilgi et dtendu pour prciser, partager, renforcer et tendre les enseignements tirs de ce qui a t dit la veille.
Nous commenons par donner quelques minutes de temps libre
pour que tout le monde puisse noter ses rflexions dans le cahier
dides remis chacun. (Lune de nos diplmes a brandi le sien
durant une runion, dans son entreprise, en clamant que ctait le
meilleur livre de management quelle ait jamais lu.) Il est assez remarquable de voir une salle de cours pleine de managers, normalement
dbordants dactivit, assis dans un silence recueilli.
Cet exercice est suivi dune discussion, table par table, pour partager
ces rflexions Ces dix quinze minutes permettent de faire remonter
les ides de chacun et de les passer en revue. Suit une discussion ouverte
en sance plnire, alimente par les changes en petits groupes (cette
discussion est gnralement conduite par le directeur du module ou du
cycle, parfois par les participants). Inutile de dire que cela se prolonge
quelquefois longtemps, pendant quun professeur attend impatiemment de commencer le cours prvu pour la matine. La solution de ce
problme est simple : il na qu attendre (il en profitera pour apprendre quelque chose, lui aussi). Cela peut bien entendu affecter lemploi
du temps de la journe. Mais, rptons-le, nous sommes l pour
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LA SPIRITUALIT
DANS LA SALLE DE COURS
Il tait une fois un professeur de thologie qui navait encore
jamais t confront une classe de managers. Il devait, dans le
cadre du Module I sur la rflexion, leur parler de la spiritualit
et la pratique du management, puis monter avec eux un petit
sketch. Nous avions prvu, pour lensemble de cette activit, une
journe entire et le lendemain matin.
Quand il sest mis parler, avec des phrases contenant chacune
au moins trois mots que je navais jamais entendus de ma vie, je
me suis un peu inquit. Entre des rfrences aux grands
narratifs (comme la Gense) et les petits narratifs (comme
des histoires personnelles), son propre grand narratif tombait
dans les sourdes oreilles dindividus que nintressait que leur
propre petit narratif. Mais la classe a cout poliment. Un certain
temps. Puis, une main sest leve : Pourriez-vous euh! clarifier ce dernier point? Au bout dun certain nombre de questions
similaires, notre homme sest mis sur la dfensive. Lui et la classe
formaient dsormais deux camps bien distincts. Quelques instants de tension ont suivi. Je me demandais comment nous
allions nous sortir de cette journe.
Puis, une jeune femme est intervenue : Jai du mal suivre ce
que vous essayez de nous expliquer. Ces mots exprimaient parfaitement son sentiment : loin de se dsintresser de ce quil
disait, elle essayait de saccrocher. Il avait de toute vidence normment bch sa prsentation trop, en fait et avait de toute
vidence des choses intressantes dire. Lintervention de cette
femme le reconnaissait et exprimait sa bonne volont. Le professeur sest dtendu et a adopt un ton plus pragmatique et, la fin
de la matine, les participants avaient appris des choses utiles.
Laprs-midi a t trs diffrente. Le professeur a dirig un
exercice, un ttonnement la recherche de spiritualit, puis a
divis la classe en groupes, chacun prparant son petit sketch
parodiant les ractions au module. Cela a trs bien fonctionn.
Ensuite, nous nous sommes tous assis en cercle pour rflchir
la journe qui sachevait. Il y a eu une bonne discussion, dans
une ambiance chaleureuse et dtendue. lissue de celle-ci, lun
des participants japonais, dont langlais ntait pas encore trs
rod (nous tions dans les tout premiers jours du premier
module), a pris la parole pour dire que, trs honntement, il
navait rien compris ce qui stait dit le matin. Le reste du
groupe, trs sensible aux difficults dun condisciple, a dcid de
voir ce que lon pouvait faire, dans lheure qui restait, pour quil
en aille diffremment le lendemain matin. Quelquun a parl de
se cantonner aux religions occidentales, en particulier le christianisme, mais le professeur a mal compris, croyant quon lui
demandait de parler de religion compare. Tout le monde a dit
que non, ce ntait pas cela. ce moment-l, je suis intervenu et,
me tournant vers le professeur, je lui ai dit : Vous devriez prsenter une description du christianisme, comme vous aviez commenc le faire ce matin, mais de faon ce que vous (en me
tournant vers le participant japonais) compreniez de quoi il
sagit. Et (me retournant vers le professeur) je vous demande instamment de ne rien prparer. (Je le voyais sa table de travail
quatre heures du matin!) Tout le monde est tomb daccord.
Le lendemain matin, nous avons eu lune des plus remarquables prsentations quaucun de nous ait jamais entendues.
La classe avait permis au professeur de donner toute sa
mesure. Un bon manager ne se contente pas de tirer parti des ressources dont il dispose, il en fait quelque chose de grand. Ceux de
cette classe ont suspendu leur incrdulit et, en faisant honntement leffort ncessaire, ils ont dcouvert la spiritualit en religion et dans leur salle de classe.
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11
Nous allons maintenant passer au cur de lIMPM, aux activits organises en salle de cours autour des cinq tats desprit du manager. La
nature distinctive de chacun, jointe notre pdagogie particulire, a
constitu un vrai dfi pour chacune des quipes de module, les obligeant une rflexion novatrice. Je dcris dans ce chapitre le rsultat de
ces cinq cheminements, aprs avoir prsent les problmes quil nous
fallait rsoudre pour la conception gnrale des modules. Notre intention tait de crer cinq expriences uniques appeles se fondre dans
un seul programme intgr.
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usio
ncl
Co
Lectures
imposes
et devoirs
Thme
Rflexions
sur lavenir
Dernier jour
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FIGURE 11.1
Conception gnrale du module IMPM
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surgissent systmatiquement de faon inattendue pendant les programmes de management. Il est vraiment dommage de ne pas tre en
mesure de leur consacrer le temps quelles mritent. Nos plages vierges
nous permettent prcisment dy revenir.
Les gens qui laborent les emplois du temps ont toujours une peur
bleue de ce que les prsentateurs, la radio, appellent des blancs. Et
si personne navait rien dire? Je nai pas souvenir quun tel silence se
soit jamais abattu sur lune de nos classes. Les managers ne manquent
pas de sujets de conversation intressants, ils manquent seulement du
temps et de la libert de sy engager. Malgr nos bonnes intentions, en
particulier la rflexion du matin et la rgle du 50/50 (quil nous arrive
de violer), les participants de lIMPM ont un sujet de contrarit
constant : ils se plaignent de ne pas avoir suffisamment de temps pour
discuter entre eux. Les plages vierges peuvent y pallier (voir lencadr
suivant sur les forums IMPM).
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dans une autre entreprise); ils dcident donc la question qui va tre
tudie, celle-ci tant associe au thme du module, puis ils divisent la
classe en groupes de quatre ou cinq personnes qui conduiront leur
recherche dans diverses parties de lentreprise (de prfrence en allant
un peu partout, de la direction gnrale aux oprations sur le terrain),
organisent ces recherches et expliquent lensemble de cette activit la
classe.
Les groupes passent une journe entire dans lentreprise visite. Le
lendemain matin, tous ceux qui sont alls dans une socit se retrouvent pour mettre leurs conclusions en commun, ils les prsentent
laprs-midi lensemble de la classe, aprs quoi il y a une discussion
ouverte et les participants de lentreprise visite ragissent.
Apparemment, les prsentations marchent mieux quand elles ne
sont pas trop peaufines. Nous navons besoin ni de Powerpoint ni dun
mmo en bonne forme. Ce quil faut, cest que les conclusions intressantes remontent pour stimuler des discussions spontanes. Lide nest
pas de prescrire un changement, mais doffrir des ides descriptives.
Autrement dit, il faut y voir des enqutes rflchies et non des tudes de
consultants, ces recherches contribuent lier les activits du module.
Dailleurs, croyez-vous quun manager bnficie souvent des commentaires de collgues en qui il a confiance, qui sont dans une situation
comparable la sienne, nont aucun compte rgler, rien vendre, et
nont pas besoin de faire bon effet devant leur patron?
Jai not au chapitre 8 que javais t surpris du succs des visites
dune journe quorganisait Sumantra Ghoshal lInsead. Cest ce qui a
inspir nos tudes de terrain et, l encore, je trouve que cela fonctionne
remarquablement bien. Les participants des entreprises admirent souvent la perspicacit de leurs collgues; quant aux personnes quils ont eu
loccasion dinterroger sur place, elles disent souvent avoir beaucoup
appris du simple fait quon leur a pos telle ou telle question. Pourquoi
ne nous posons-nous pas nous-mmes ces questions toutes simples? a
fait remarquer un jour un manager de Matsushita.
Ces tudes de terrain semblent, au premier abord, assez semblables
des tudes de cas, mais plusieurs diffrences importantes les distinguent :
les premires sont des expriences visuelles, voire viscrales, et pas simplement verbales comme les secondes. Les participants sont dans les
locaux dune entreprise quils connaissent dj force den entendre parler par leurs collgues et ces derniers, ayant vcu ces cas, peuvent les
entraner une rflexion plus approfondie. Je me souviens dun manager
de British Telecom qui avait visit un centre dappels la Royal Bank of
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FLEXIO
R
N
Culturelle
Personne
Historique
Travail
Relations
Entreprise
Socit
FIGURE 11.2
Configuration du module de rflexion
Pour dvelopper une tournure desprit propice la rflexion, nous
proposons nos participants de se pencher vers leur propre personne,
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Commerciale
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leur travail, leur univers, pour apprcier la faon dont ils pensent, agissent et sacquittent de leurs responsabilits; celle dont ils grent les tensions invitables et apprennent par lexprience tre plus perspicaces
plus critiques au sens constructif de ce mot. Jonathan Gosling, qui
a dirig ce module lors de nos deux premiers cycles, explique trs
srieusement que rflchir, cest comme plucher un oignon pour rvler successivement des couches de plus en plus profondes :
la socit (histoire, conomie, thique, spiritualit);
lentreprise (culture, structure, savoirs);
les relations (avec les autres, avec les groupes);
le travail (travail managrial, le moi du manager, le temps pass
manager);
la personne (exprience, style).
Les trois premires pelures de notre oignon correspondent aux trois
premiers modules du programme. linstar de louverture dun opra,
le Module I lance lensemble et en introduit tous les lments; son
second rle, non moins important, consiste tisser des liens entre les
participants pour former un groupe-classe soud. Cela ne veut pas dire
que les participants perdent leur identit nationale bien au contraire,
ils la renforcent en apprenant sen servir pour approfondir leur apprciation du monde. Une jeune femme nous a dit avoir dcouvert l, au
nord de lAngleterre, quel point elle tait Amricaine!
Rflchir, en latin, signifie replier, et cette tymologie montre bien
que lattention doit dabord se tourner vers lintrieur afin de pouvoir
se tourner vers lextrieur et porter un regard diffrent sur ce qui nous
est familier. Cest largement ce qui se passe au cours de ce module.
Les dtails des activits de tous nos modules sont dcrits dans un document accessible sur www.impm.org; je me contenterai donc den donner
les grandes lignes. Comme le montre la figure 11.2, les quatre dimensions
du contenu (spirituelle, historique, culturelle et commerciale) sont intgres au sein des sessions sur la personne, le travail, les relations, lentreprise et la socit. Les sessions portent sur le travail et la pense du
manager; sur lentreprise apprenante et linvestigation positive; sur la
moralit et le rle de la religion; sur le sens du travail et la nature de la personne. Tout cela est repris au cours des ateliers de rflexion. Le thme du
module, tel quil a volu, est dapprcier la faon dont le contexte faonne
la personne par lentremise du travail et de la culture.
Le module propose galement un certain nombre dexpriences
vcues : activits sportives ou lextrieur pour encourager les liens; atelier de thtre amateur pour apprcier la nature des interactions
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nous avons pens quil fallait faire plus, beaucoup plus par exemple,
soumettre lanalyse lexamen auquel elle soumet tout le reste. Telle
tait notre mission McGill : prendre suffisamment de recul par rapport
lanalyse pour pouvoir sy engager plus profondment. Autrement dit,
il nous fallait pntrer au cur mme de ltat desprit analytique : qui
sy livre rellement, pourquoi, comment, et avec quels effets.
La cl de la conception du module tait de trouver un cadre porteur
de sens. dire vrai, le fait mme den choisir et den utiliser un peut tre
considr comme lessence de lanalyse. La figure 11.3 montre la configuration de ce module, similaire celle, gnrique, de la figure 11.1,
mais avec des lignes droites, afin de faire ressortir la nature structure de
lanalyse, qui consiste dcomposer un tout en lments constitutifs.
Cadrage
Cadres fonctionnels
Les techniques
les plus avances
Travail
personnel
Perspectives
sur lanalyse
Fusion
Organisation
Innovation
Forums
Faire son
tudes travail de
manager
de
terrain au milieu
de tout
cela
Complexit
etc.
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FIGURE 11.3
Configuration du module danalyse
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Autres mondes
Politique
Monde e
Social
conomique
n v o i e d e d v e l o p p e m e n t M o n d e d v elo p p
Monde
intrieur
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Sagesse de
louverture
sur le monde
FIGURE 11.4
Configuration du module de sensibilisation au contexte
Nous vivons sur un globe qui, vu de loin, semble aussi lisse et uniforme quune balle de ping-pong. La globalisation consiste dailleurs
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voir le monde dune distance telle que lhomognisation des comportements parat simposer. Mais est-il rellement souhaitable que
tous les dirigeants de la terre soient couls au mme moule, soumis la
pense unique?
Un regard plus attentif rvle tout autre chose : notre globe est fait
de toutes sortes de mondes. Ne devrions-nous pas, ds lors, encourager
nos managers un cosmopolitisme clair? Pour paraphraser T.S. Eliot,
il leur faut explorer sans cesse afin de revenir chez eux avec, pour la premire fois, limpression de connatre leur propre pays. Tel est ltat
desprit de notre module de Bangalore.
Il est certes ambitieux de vouloir faire tout cela en quinze jours. Mais
il est tonnant de voir le chemin que lon peut parcourir, leffet que
peuvent crer quelques expriences simples dans un nouveau contexte.
Parmi les ractions notre Cycle 1 qui nous sont parvenues, un participant dcrivait ceci comme un module dimmersion totale, un autre
notant pour sa part que cela avait t extrmement rvlateur, et
mme choquant Bangalore a chang le regard que je porte sur le
monde. LInde est un pays totalement diffrent de tout ce que nous
connaissons, idal pour former des managers internationaux cest un
pays rellement en dveloppement, dot dune robuste infrastructure
acadmique, o la langue anglaise est largement parle.
Porter et McKibbin (1988), dans leur valuation de lenseignement
du management, rclamaient que lon porte davantage dattention
lenvironnement extrieur les relations gouvernementales, les tendances socitales, le climat juridique, le dveloppement international, entre
autres car, selon eux, ces vnements extrieurs lentreprise la
pntrent de plus en plus et affectent son efficacit et sa productivit
(318). Telle est prcisment lintention de ce troisime module de
lIMPM, en mettant laccent sur ltat desprit dattention au contexte
(voir encadr).
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1. On peut penser que cela recoupe les sujets abords dans dautres modules, mais
le centrage de chacun des diffrents modules fait en ralit ressortir le caractre unique de ltat desprit qui lanime. Par exemple, on aborde le marketing et la finance
dans le Module II en sattachant laspect analyse et application de techniques, et
on les aborde nouveau dans le Module III en sattachant mieux comprendre le
comportement des consommateurs et les marchs financiers dans diffrents
contextes.
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OU LA COLLABORATION
Le terme japonais ba dsigne un espace partag rserv aux relations
mergentes, particulirement pour crer du sens (Nonaka et Konno
1998). Ce thme tient une place privilgie dans le quatrime module,
trs diffrent des autres non seulement par le contenu, mais aussi par
lambiance et le ton.
Le ba exprime sans quivoque la vision du monde des Japonais.
Comme nous avons dj eu loccasion de le dire, le Pays du Soleil levant
est lun des seuls navoir jamais t enclin se plier la pense unique
mondialise en matire de management. Si le sjour en Inde ouvre nos
participants dautres visions du monde en gnral, leur sjour au
Japon leur ouvre des perspectives sur une autre vision du management
en particulier. Et cela ne vient pas uniquement des enseignants de
lIMPM : le module tire son efficacit du fait que ce monde diffrent est
prsent aux participants par ceux qui le vivent les managers japonais
du groupe-classe l o ils le vivent par le truchement des visites sur
le terrain, dans les entreprises nippones. Un banquier canadien, observant les collaborateurs de Fujitsu installs dans un vaste espace paysag,
le bureau du manager un bout de la pice, a ragi avec horreur : le
patron ne pouvait-il pas, tout moment, voir ce que faisaient tous ses
collaborateurs? Mais qui vous dit, lui a fait remarquer une participante
japonaise, quil se comporte comme un matre dcole? Il considre
peut-tre que son rle est de les aider!
Hiro Itami, directeur de ce module pour les Cycles 1 et 2, le rappelait
inlassablement : Le management ne consiste pas contrler les gens. Il
sagit plutt de les laisser collaborer. Ainsi, ce module se proccupe-til essentiellement de grer les rseaux humains. Quant la valeur
pour lactionnaire, Itami confiait la classe, au nom du monde japonais des affaires : On a les actionnaires que lon mrite! Des annes
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Domaine de
limplicite/social/
informel
Nature
humaine
Confiance
Organisation fonde
sur volontariat
Ba
NATURE
DE LA
COLLABORATION
Cration
de savoirs
Gouvernement
dentreprise
Collaboration
direction/personnel
Collaboration
internationale
Alliances/
joint-ventures
Domaine de
lexplicite/rationnel/
formel
Gestion des
ressources
humaines
Gestion
de projets
Collaboration
entreprises/
gouvernement
Nation/Socit
CHAMP DE LA COLLABORATION
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FIGURE 11.5
Configuration du module collaboration
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LESPRIT DU CHANGEMENT
Changement socital
Changement organisationnel
Contenu
Processus (projets, tudes de terrain)
Changement personnel
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FIGURE 11.6
Configuration du module action
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LE TUTORAT
Nous utilisons le tutorat lIMPM, le vieux tutorat langlaise et sa
manifestation plus rcente, lapprentissage par laction. Les membres
du corps enseignant (surtout les directeurs de module) travaillent avec
de petits groupes de participants situs dans une rgion gographique
commune (afin de minimiser les dplacements). Les groupes se rencontrent lors du premier module et se retrouvent quatre autres fois,
entre chacun des modules suivants.
Le tutorat personnalise et prennise le processus dapprentissage. En
outre, il cre des liens entre chaque participant et plusieurs de ses condisciples, ainsi quavec un professeur. Les membres du groupe de tutorat partagent leurs expriences mutuelles, tandis que le tuteur joue le rle du coach
et les aide sintgrer dans cet environnement nouveau et parfois trange.
Cela revt une importance particulire pour les premiers mmoires de
rflexion (qui sont dabord soumis au tuteur et, quand ils sont considrs
comme acceptables, transmis au directeur du cycle et luniversit).
Une runion de tutorat nest parfois quun rendez-vous dans un lieu
commun afin de discuter du travail personnel des participants, du programme et des enseignements quils en ont tirs. Mais, au fil du temps,
ces runions ont pris beaucoup plus dampleur, se prolongeant une
journe entire, voire plusieurs, dans lentreprise de lun des participants. Elles comportent dsormais souvent des visites, des runions
avec des collgues et des sances de remue-mninges afin de rgler tel
ou tel problme. Les participants de la Croix-Rouge ont fait preuve
dune crativit particulirement remarquable, organisant des runions
de tutorat dans les lieux o ils interviennent, ce qui a profondment
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Mercredi
Second jour de tutorat avec les managers de la Croix-Rouge
Nairobi. Nous regardons les rapports quils ont rdigs : la diversit culturelle au sein de la Croix-Rouge, la dfense des causes
humanitaires lre de linformation, et le bilatralisme au sein
de la Croix-Rouge. Aprs quoi nous nous dtendons dans la nuit
tropicale en regardant des danseuses dune beaut tonnante,
vtues de soie blanche, dans un restaurant thiopien.
Lever trs matinal pour nous rendre Kisumu, sur le lac Victoria,
o intervient la Croix-Rouge. Jai besoin de voir ce que font ces
quipes pour bien faire mon propre travail de tuteur. Je suis
accueilli par la section locale, qui mexplique la situation : un
taux dinfection au VIH/Sida de 30 %.
Jacqueline, infirmire qui soigne 600 patients dans leur village
avec des mdicaments et des produits alimentaires de base,
rpond mes questions avec une autorit bien informe.
Nous rendons une visite de politesse un maire asiatique trs
dynamique et un commissaire provincial fort inquiet. De l,
nous nous rendons Kabuor, village minuscule. Nous rencontrons un groupe de patients qui nous expliquent le problme : ils
nont ni sant, ni nergie, ni travail, ni nourriture, ni famille. Frederick, qui a organis la runion, est mort la veille. Irons-nous lui
rendre hommage? Esther, jolie petite fille de huit ans, arrive en
courant : ses parents sont morts tous les deux, elle est sropositive.
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Jeudi
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Vendredi/samedi
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LE TRAVAIL PERSONNEL
Le travail personnel, cest la prparation que nous demandons aux participants avant le Module II, afin de se mettre au niveau en marketing,
en comptabilit et en finance. Ils doivent aussi, pensons-nous, acqurir
le langage des affaires. Nombre de participants le possdent dores et
dj et pourraient mme lenseigner (ce quils font parfois). Nous proposons ceux qui ne le matrisent pas dy remdier et nous les y aidons
en leur fournissant des instructions dtailles, des manuels et des exercices, sur papier ou sur cran. (Daprs notre exprience, en comptabilit, ce sont les exercices qui fonctionnent le mieux, en marketing, cest
le manuel, et en finance, les deux sont utiles.)
Nous ne prtendons videmment pas faire tenir lquivalent du programme dun MBA dans les quarante heures de travail personnel (environ, tout dpend de la formation et de lexprience du candidat) que
nous recommandons. Notre dmarche se rapproche plutt de celle des
grands cabinets de consultants qui, comme nous lavons dit chapitre 4,
font suivre leurs nouvelles recrues un stage de formation acclre de
trois semaines avant de les lancer dans le grand bain. Comme nous le
verrons plus loin, un IMPM pour nouveaux managers supposerait vraisemblablement davantage de travail personnel, ce qui rapprocherait ce
programme du MBA.
Cet lment de lIMPM, qui a connu un immense succs, a t introduit presque par inadvertance. Avant le dbut du programme, nous
tions tombs, en lisant un magazine, sur un article relatant une exprience similaire chez Hewlett-Packard1. Mais une premire tentative de
regarder laffaire de plus prs ayant chou, nous avions abandonn
1. Les deux meilleurs jours de ma carrire cest ainsi que George Sparks, directeur du dpartement des quipements de mesure de Hewlett-Packard, dcrivait le
temps quil avait pass suivre Francis Hesselbein. HP propose en effet ses cadres
dirigeants de suivre lun de leurs collgues dou de qualits remarquables (Fortune, 27 novembre 1995:68).
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cette ide. Initialement, notre second module, sur lanalyse, durait trois
semaines. Cette dure se traduisait par une absence trop longue du
bureau et de la maison, et nous avons dcid de la rduire quinze
jours. Mais comme nous nous tions engags, vis--vis des universits
participantes, une certaine quantit de travail pour quelles puissent
dcerner le diplme, il nous fallait ajouter quelque chose pour compenser la semaine supprime. On pourrait proposer nos participants
daller voir leurs condisciples dans leur entreprise, a suggr Jonathan
Gosling lors dune runion, et tout le monde est tomb daccord. Pourquoi pas, en effet? Les participants nont-ils pas normment de choses
apprendre les uns des autres?
Cest ainsi que la composante la plus apprcie et, avec les mmoires
de rflexion, peut-tre la plus efficace, a vu le jour. Et, comme nous
lavons constat, cest une chose de travailler dans une salle de cours
avec dautres managers venus du monde entier, cen est une autre de
quitter le bureau de la banque o lon travaille, Toronto, pour pntrer dans le monde des technologies de pointe Osaka.
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Notre bureau est agenc sur les principes du clbre oo-beya (grande
salle unique). Cest totalement diffrent de ce que vous avez chez vous,
mais cest notre culture. Jespre de tout cur que vous vous y plairez.
Si je ne parviens pas vous installer un bureau proche du mien, nous
partagerons le mien; sinon, vous aurez un bureau dans un bloc de dix.
(Vous vous souvenez, dix bureaux forment un bloc et mon bureau est
face ce bloc.) Je suis dsol si cet agencement vous gne, mais, une fois
encore, cest notre culture.
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Je reconnais bien volontiers que pendant les semaines et les jours qui
ont prcd mon dpart chez Zeneca pour y retrouver Mark Jones, jai
beaucoup rl, car jtais rellement dbord Exprience faite, je nai
aucun regret, au contraire! Combien de fois, au cours dune carrire,
peut-on prendre ce que lon sait, ce que lon tente dapprendre, pour
lappliquer dans une entreprise et un secteur dactivit dont on ne sait
pas grand-chose? Cest comme de prendre ses jouets et daller jouer
dans le bac sable du petit copain
Mark tait chez nous, la Royal Bank, la semaine dernire et je pense
quil a trouv, lui aussi, lexprience positive. Ses observations taient
pertinentes et ses ides et points de vue rafrachissants. Il nous a donn
quelques trs bonnes ides sur lesquelles nous allons travailler Je ne
peux que le remercier de sa franchise et des perspectives nouvelles quil
nous a ouvertes.
Les participants ont parfois du mal coucher ce quils ont vcu sur
le papier : Lchange comporte une dose de il faut y tre pour comprendre que lon ne peut absolument pas rendre par crit de faon
satisfaisante, nous a crit un participant. Cela ne veut pas dire quils
napprennent rien mais quils apprennent autrement. Si lapprentissage
par laction est viscral, les changes managriaux sont visuels les
invits sont l, avant tout, pour observer. Le tacite lemporte sur lexplicite, cest la raison pour laquelle il est si difficile de rendre cela par des
mots. Mais nos participants affirment avec insistance avoir trouv
lexprience profondment enrichissante.
Ces changes de managers incarnent lessence mme de lIMPM,
pousse lextrme. Cette activit est en effet la fois minemment
personnelle, fonde sur la collaboration et lengagement, personnalise,
ancre dans la rflexion, et authentiquement internationale1.
LES PROJETS
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Les projets prvus dans le cadre de lIMPM nont rien de trs original.
Cest une sorte dapprentissage par laction, visant introduire un
changement dans lentreprise des participants.
1. Pour plus de dtails sur les changes, voir www.impm.org/westerngosling. Inutile de dire que le potentiel dchanges est norme, tant au sein des programmes de
formation de dirigeants existants que comme activit autonome de perfectionnement des dirigeants. Western et Gosling ont mis en place, sous les auspices de Lancaster University, une structure ddie leur organisation (voir www.lead2lead.net)
au profit dautres entreprises.
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Les projets sont guids par les tuteurs et superviss par le directeur
du cycle, qui reoit des rapports priodiques et le rapport final. Comme
nous lavons dj not, un debriefing gnral a lieu pendant le dernier
module. Nous demandons aussi nos participants de rflchir leur
aptitude raliser un changement et celle de leur entreprise laccepter.
Certaines entreprises ont montr normment denthousiasme
lgard des projets, qui se concrtisent par un rsultat tangible. Zeneca
avait prcis chaque groupe le sujet auquel il devait sattaquer et leur
avait demand de prsenter leurs conclusions la direction gnrale,
tandis que Lufthansa avait tendu cette activit en interne, assignant un
parrain de la direction gnrale chaque projet. Dautres entreprises
ont cependant exprim le sentiment que la mission de lIMPM consiste
perfectionner leurs dirigeants, quelle y russit fort bien et que cela
leur suffit. (Nous y reviendrons.)
Alexei Gartinski, de la Croix-Rouge (Cycle 2), a crit que son projet
a t le maillon manquant entre laction et la rflexion. Il travaillait
lui-mme la formation des managers de la Croix-Rouge et a consacr
son projet au recentrage des programmes de formation de la Fdration [de la Croix-Rouge]. Il a comment plus tard :
Je pense que, grce au projet, nous avons travaill dune faon plus
consciente Nous avons introduit des lments supplmentaires
danalyse et structur notre rflexion, ce qui ne fait pas de mal dans une
entit comme la ntre! Lun des principaux enseignements que nous en
avons tir est simple : il est toujours bon de comprendre ce que lon fait.
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fois aux managers de se perfectionner tout en bnficiant de la discipline qui va de pair avec le diplme. Jen conclus que les programmes
ducationnels srieux ont un grand rle jouer dans le perfectionnement des managers en activit. Do ces chapitres, et ce livre!
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13
L I M P A C T
Vous voyez les choses telles quelles
sont, et vous demandez : Pourquoi?
Moi, je rve des choses qui nont
jamais t, et je demande : Pourquoi
pas?
GEORGE BERNARD SHAW
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LIMPact
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Dvelopper de meilleurs managers, cest une chose; amliorer les entreprises tout en amliorant les managers, et non pas parce que lon a amlior les managers, cen est une autre. Autrement dit, des programmes
tels que le ntre doivent tre conus pour que le dveloppement de
lentreprise rsulte directement de celui des managers, car les participants y rintgrent tout ce quils y apprennent.
Limpact peut prendre deux formes diffrentes. La premire, au
niveau de laction, se traduit par une amlioration au sein de lentre-
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LIMPACT
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prise. Tel est le but des projets que nous demandons nos participants
dy entreprendre, tel est galement celui dautres mthodes comme
lapprentissage par laction et le Work-Out. Mais, rptons-le, si le but
de lentreprise est dagir, celui de lenseignement est damliorer sa
capacit agir. Et cela exige souvent de prendre du recul par rapport
laction.
Limpact peut prendre une seconde forme, qui passe par lenseignement, cest--dire la transmission de ce que lon a appris lIMPM.
Nous lavons dj dit, tous les managers doivent galement tre professeurs, autrement dit aider leurs subordonns et leurs collgues en leur
communiquant ce quils ont appris. Cest le rle du mentorat. Et qui
peut mieux lassumer que les managers qui participent eux-mmes
un programme de perfectionnement?
Lun de nos participants a dit un jour que cela reprsentait une mine
dopportunits. Cest vrai, mais leur exploitation prsente quelques difficults. Si lapprentissage se fait en groupe, ce sont des individus qui
sont censs en rapporter les fruits lentreprise. Do le syndrome de
lapprenant solitaire, dont les effets se font particulirement ressentir
lorsque lon revient au bercail. Javais beaucoup chang quand je suis
revenu, mais tout le monde sen fichait. Il serait agrable de penser
que nous vitons ceci dans notre programme du fait que les entreprises
nous envoient plusieurs personnes la fois. Mais ce nest pas si simple :
quand les modules se terminent, la plupart dentre eux disparaissent
dans des services diffrents. Comment est-ce que je fais pour apporter
tout ce que jai appris une fois rentr mon poste? nous a demand
un participant. Je retrouve mes collgues exactement l o je les avais
laisss. On nous a mme dcrit un problme identique rencontr dans
un programme interne de formation des cadres, o tout le monde
appartient la mme entreprise!
Il parat que lon ne devrait jamais renvoyer une personne change
dans un environnement inchang (Raelin 2000:21). Mais cest toujours
ce qui se passe. Les programmes sont conus pour changer les participants, pas leur environnement. Cest peut-tre donc cela quil faut
changer. Nous y travaillons, avec les entreprises participantes.
Quand nous avons commenc rflchir ce problme, nous avons
ralis que le programme avait dj toutes sortes dimpacts, tant au
niveau de laction que de la diffusion des enseignements. Ils taient
souvent modestes, mais ils sadditionnaient. Avec quelques encouragements de notre part, ne serait-ce quen faisant prendre conscience aux
400
Devoirs
Tutorat de rflexion Projets
Entit du
participant
Autres
entits
Entreprise
entire
Socit
ent
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S (c
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FIGURE 13.1
Situer les IMPacts
ditions dOrganisation
RCIPIENDAIRES (o)
tudes
de
Module
(et lectures) terrain
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LIMPact
401
mes yeux, cet ordre est ascendant. Le partage de documents suppose de laisser linitiative au rcipiendaire, tandis que lapplication de
mthodes modifie les procdures tablies et que le changement de comportements modifie dautres gens. Ce qui entrane limpact le plus fort,
cest de provoquer une modification des perceptions, puisque cela
encourage dautres personnes voir les choses diffremment et, de ce
fait, dans le meilleur des cas, susciter un changement denvergure.
Vous remarquerez que si le second et le troisime sont largement des
impacts daction, le premier et le dernier tiennent essentiellement de
lenseignement. Diffuser ce que lon a appris grce au programme peut
donc entraner un impact plus fort que de lutiliser pour provoquer un
changement direct. Les exemples suivants montrent la varit
dimpacts qui ont rsult de lIMPM :
Jack Donner, participant du Cycle 2 qui venait de chez Motorola,
impliquait ses collgues en leur envoyant rgulirement des cartes
postales lectroniques rsumant ce quil apprenait nos modules.
(Partage)
Francine Dyksterhuis et Wendy Youzwyshyn, de la Royal Bank of
Canada (Cycle 2), tenaient maison ouverte pour les membres
de leur quipe, afin de leur faire partager les expriences vcues
lors de nos modules. Matsushita a, pour sa part, organis des
Forums du vendredi, afin de permettre aux participants de discuter avec leurs collgues les questions voques lors des modules.
(Partage)
Jeff Guthrie, de la Royal Bank (Cycle 3), est parti pour crer son
Projet dune ide trouve dans une lecture impose, celle dun
livre de Jay Galbraith (1995). Il a donc cr une organisation
distribue, affectant la responsabilit de diverses fonctions de
support diverses entits rparties sur lensemble du territoire
canadien. (Application)
Un groupe de chez Motorola, trs frapp par la visite dun participant venant de chez Lufthansa dans le cadre de nos changes de
managers, a saisi la balle au bond et organis son propre change
avec Lufthansa. (Application)
Gorur Gopinath, qui avait cr plusieurs entreprises avant de
venir lIMPM, a conu, dans le cadre de son projet, le premier
service dhlicoptres par charter en Inde, puis en a fait une compagnie arienne bas cots. (Changement)
Simon Cooper, de British Telecom (Cycle 3), a rdig son devoir
de rflexion pour le Module III sous forme dun discours quil
402
C O M P T E R E N D U D E L I M PA C T
Lettre de Simon Herriott, Avecia, Cycle 4, deux enseignants de
lIMPM, 3 mai 2001.
Messieurs,
Je viens de terminer mon mmoire de fin dtudes, le voyage
est maintenant rellement termin. Si lon pouvait tout justifier
dans la vie sur la seule base du plaisir de la bonne compagnie et
de la stimulation intellectuelle, je recommencerais ce parcours
avec joie. Jai pens utile de rflchir brivement, comme dautres
lont fait avant moi, la question difficile de limpact, une fois
rentr au bureau.
ditions dOrganisation
Changements rels
LIMPact
403
ditions dOrganisation
Les implications
Deux grandes conclusions se dgagent : la premire, cest quil est
plus facile de changer les choses quand on est dcisionnaire. Il y a
deux ans, jaurais eu beaucoup plus de mal avoir un impact.
La seconde, cest que je nai pas rellement dcid dutiliser les
connaissances acquises lIMPM cela sest fait tout seul. Autrement dit, chaque fois que je me suis trouv devant un problme
managrial ou stratgique, jai constat que jtais infiniment
mieux arm pour le rsoudre. Cela reflte peut-tre un style personnel ractif, mais je prfre penser quil sagit plutt de la
rponse invitable et correcte aux changements survenus dans
notre environnement et que, linverse, nous servirions mal
notre entreprise si nous nous acharnions appliquer des techniques slectives tires dun menu prt lemploi. Vous nous avez
404
ditions dOrganisation
assez rpt que vous naimiez gure la gestion tire dun manuel
de business school, prsentant lIMPM comme un anti-MBA.
Si, comme vous le souhaitez, les anciens de lIMPM rentrent au
bureau riches dun bagage de connaissances tacites (et non munis
dun manuel clair et net), il est, et cest normal, beaucoup plus
difficile de prouver limpact de cette formation, comme vous
avez toujours tent de le faire.
Je crains que vous deviez poursuivre vos efforts. De notre ct,
nous, vos tudiants, nous en ferons autant, cest la raison pour
laquelle jai tabli la liste ci-dessus. Mais si vous me demandez
dans quel domaine de ma vie professionnelle ou prive lIMPM
va faire la prochaine diffrence, je vous rpondrai que je nen sais
rien! Ce que je sais, cest que cela arrivera.
Je crois ne pas tre le seul regretter que ces deux annes de
recherche stimulante se terminent. Merci tous les deux, ctait
aussi sympathique que passionnant!
Bien vous,
Simon Herriott
405
LIMPact
son entreprise. Le second, que nous appelons changement induit, suppose de porter lattention moins sur la ralisation de projets de changement que sur lutilisation de ce que lon a appris pour provoquer le
changement. Il serait sans doute bon que les grands chantiers laissent
la place des volutions qui naissent naturellement au sein des entreprises.
Work-In
Work-Out
Apprentissage
individuel
Apprentissage
partag
Changement
induit
Changement
par laction
participant
= tudiant
participant
= professeur
participant
= provocateur
participant
= acteur
FIGURE 13.2
Les points dancrage de limpact
ditions dOrganisation
406
Slection
Prparation
Grer le retour
aprs chaque module
Progrs
Encourager
les impacts
des activits
du programme
Dveloppement
de carrire
Grer le
retour dfinitif
ditions dOrganisation
FIGURE 13.3
Les rles de lentreprise dans un programme de formation
ditions dOrganisation
LIMPact
407
408
les entreprises, les programmes destins aux managers en poste, en particulier les programmes diplmants, deviendraient leur principale activit ducative.
ditions dOrganisation
ditions dOrganisation
LIMPact
409
ditions dOrganisation
410
LIMPact
411
faute dtre prsent pour apprcier ces lments, il faut bien nous contenter des commentaires, surtout lorsquils manent des participants.
Nous en avons heureusement beaucoup, exprims par une grande
varit de personnes impliques dune manire ou dune autre en
effet, sagissant dune chose aussi novatrice que lIMPM, tout le monde
passe son temps lvaluer, non pas numriquement, mais par le jugement.
ditions dOrganisation
1. Par exemple, Motorola tait au Cycle 2, avec cinq cadres, et est revenu au Cycle 5,
avec trois personnes. Je nai pas compt le fait quune personne de chez Motorola a
suivi le Cycle 8, car ctait plutt une dcision personnelle (soutenue par la socit).
412
TABLEAU 13.1
La participation des entreprises aux cycles IMPM
Cycle
2
Cycle
3
Cycle
4
Cycle
5
Cycle
6
Cycle
7
Cycle
8
19961998
19971999
19982000
19992001
20002002
20012003
20022004
20032005
Alcan
BT
51
EDF/GDF
Fujitsu
Lufthansa
Matshushita
Croix-Rouge
Royal Bank
of Canada
Motorola
Zeneca
LG
Autres3
Total
32
36
4
3
Marconi
Inde2
5
(un
affili
Alcan)
40
37
1
(un
affili
BT)
33
7
(dont 4
Via Rail)
41
29
314
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Entreprise
Cycle
1
LIMPact
413
ditions dOrganisation
414
Lun de nos anciens, Kerry Chandler, affirme que tous ses condisciples
du Cycle 2, sauf un, avaient trouv que leur passage lIMPM leur avait
chang la vie. Ceci se retrouve dans de nombreux commentaires
crits plusieurs annes aprs le diplme par exemple : Cela ma compltement transform (participant au Cycle 3); et aussi : Cest trs
bizarre, il ne se passe rien de spectaculaire, mais quelque chose change
lintrieur. Cette seconde remarque mane de Taizoon Chinwalla, de
chez Motorola (Cycle 2), qui a dfendu la cause de lIMPM devant le
conseil dadministration de Motorola University, afin de convaincre
cette entit de maintenir la participation au programme IMPM.
Mon argumentation tait entirement fonde sur des remarques
dordre personnel. Je leur ai dit quel point javais chang en tant
ditions dOrganisation
LIMPact
415
ditions dOrganisation
Jai expliqu plus haut que nous avions russi convertir bon nombre de professeurs la mthode de la rflexion exprientielle. Cest normal, au fond. Un professeur brillant, mme trs traditionnel, apprcie
toujours une bonne discussion. Pourquoi pas avec des managers expriments, dans un cadre propice la rflexion? Sils enseignent ordinairement par le biais de cours magistraux, ce nest pas parce quils aiment
cela, mais tout simplement parce que cest ce que font normalement les
professeurs. Pourquoi, ds lors, ne pas impliquer les participants et en
profiter pour apprendre, eux aussi, des tas de choses?
Ludo van der Heyden, directeur de module des Cycles 3 et 4
lInsead, a dit lors de la confrence IMPM de 2000 : Auparavant, je
voyais mon rle de la manire suivante : Je sais ce qui est bon pour
vous, ce que vous avez besoin dapprendre, comment je peux juger de
vos connaissances. Aujourdhui, jestime quil se rsume ceci : Comment puis-je vous aider? Quant moi, qui ai t professeur de management vingt-huit ans durant, je dirais que je suis enfin devenu
professeur s management. Cest lIMPM qui nous a appris notre
mtier!
Dans ce programme, nous avons besoin de professeurs chevronns,
ouverts aux proccupations des praticiens, connaissant fond le management et le monde des affaires en gnral (sauf pour les sessions spcialises). Il faut aussi quils soient capables de rflchir debout, ce qui
veut dire quils doivent possder une solide culture et accepter de se
laisser entraner par les participants, avoir suffisamment confiance en
eux pour changer de cap quand quelque chose dintressant se prsente. Cest beaucoup demander, nen pas douter, mais les rsultats
sont plus que probants. Je crois quaucun dentre nous navait os esprer que nous russirions aussi bien attirer des enseignants classiques
au cur du dveloppement du management.
Il se passe des choses blouissantes dans le monde de la formation
des dirigeants; ce nest pas souvent le cas lIMPM, dont la spcialit
serait plutt de creuser les problmes quotidiens. Si vous entrez
limproviste dans lune de nos classes, vous serez peut-tre accueilli par
un silence total, chacun tant occup prendre des notes dans son
cahier de rflexion. (Ce sont vraiment des managers?) Ou bien, vous les
trouverez en train de discuter autour de leurs tables. (Oui, ce sont bien
des managers!) moins quun participant ne soit en train de dire un
professeur son propre sentiment sur lapplication de tel ou tel concept.
(Une vraie rvolution!) Pas de paillettes, chez nous, pas desbroufe.
Mais, au-del des parties videntes, il y a le tout, infiniment plus subtil,
ditions dOrganisation
416
LIMPact
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ditions dOrganisation
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LIMPact
419
420
ditions dOrganisation
nous avons bien russi. En qualit, mais pas en quantit. Nous pouvons
largir un peu lIMPM nous avions dailleurs prvu un second cycle
par an, jusqu ce que les vnements du 11 septembre 2001 bloquent
temporairement ce projet. Mais, si nous voulons rellement diffuser,
comme le disent les gens du mtier, cette innovation, il faut quelle
sorte de notre partenariat. Cest la raison pour laquelle jai crit ce livre.
Et cest sur ce point que je conclurai cette discussion dans le prochain
chapitre.
14
DIFFUSER LINNOVATION
La plupart des technologies mettent
vingt ans devenir des succs du jour
au lendemain.
ditions dOrganisation
PAUL SAFFO
422
POSITIONNER LE MASTER
OF PRACTISING MANAGEMENT
Le MBA vise amliorer les dcisions en formant les futurs managers
lanalyse en gnral et non dans tel ou tel contexte particulier. Le
management y est considr comme une profession, ou une science; le
travail que lon y fait est donc gnrique. Les stages de formation et de
perfectionnement des managers, eux, sattachent des savoir-faire spcifiques, souvent lis au leadership. Dans cette perspective, on voit le
management comme un art et un mtier. Le diplme MPM diffre de
ces deux approches en ce sens que son ambition est damliorer le jugement en contexte, daider les managers consacrer davantage de
rflexion la situation dans laquelle ils se trouvent quil sagisse dun
problme prcis, de leur entreprise ou du contexte.
Le MPM sarticule entirement autour du management pas la
connaissance de ce qui touche au management ou aux fonctions de
lentreprise, ni au leadership per se, mais la pratique du management
en contexte.
Ce que nous esprons pour nos diplms, ce nest pas de devenir des
managers hroques, mais tout simplement quils remplissent mieux
leurs fonctions de manager, au mme poste ou ailleurs. Nous lavons
dj dit, ce programme vise mieux sacquitter de ses fonctions, non
en dcrocher de plus prestigieuses. Nos participants obtiendront un
meilleur job sils font mieux leur job. Et cest ce qui se passe.
ditions dOrganisation
423
Diffuser linnovation
Compression
(programmes plus
courts pour
managers seniors)
Infiltration
IMPM
Expansion
(cycles plus nombreux)
Extension
(programmes similaires)
(EMBM)
Diffrentiation
(autres secteurs,
autres communauts,
y compris les jeunes cadres,
en interne et dans des
programmes de consortium)
ditions dOrganisation
FIGURE 14.1
Accrotre la diffusion de lIMPM
EMBA, destins des cadres en activit qui suivent souvent les cours
temps partiel. Il serait manifestement souhaitable de hisser ces programmes un niveau rellement managrial lIMPM a ouvert la voie.
Cest la raison pour laquelle notre partenariat a cr une initiative intitule E Roundtables, destine aux EMBA existants, que je dcris dans
ce chapitre.
Vient ensuite la diffrentiation, qui consiste appliquer dautres
secteurs et dautres communauts ce que lon apprend lIMPM.
Nous y reviendrons.
Il serait particulirement utile de mettre en place un MPM pour jeunes cadres. Un certain nombre dentreprises nous en ont parl, mais
rien ne sest encore concrtis. Je pense que ce programme devrait, plus
que nous, mettre laccent sur les fonctions quil est indispensable de
connatre, dont une grande partie peut faire lobjet dun travail personnel. Nous aurions donc un hybride de lIMPM et du MBA, comportant
la plupart des aspects de lIMPM (tats desprit, rflexion, changes,
tutorat, etc.). Il pourrait tre particulirement intressant de permettre
aux jeunes managers de partager leur exprience, leurs problmes et
leurs frustrations, surtout si cette dmarche est complte par un mentorat en interne. Jai le sentiment quun tel programme ne peut que
donner de bons rsultats et quil verra bientt le jour, probablement
sous forme de consortium entre plusieurs entreprises, peut-tre appartenant des secteurs spcifiques, comme les services financiers ou la
haute technologie.
Un certain nombre de personnes qui connaissent bien lIMPM ont
suggr des diffrentiations plus larges : pourquoi ne pas proposer la
formule des crateurs dentreprise ou des patrons de PME, ou
encore des francs tireurs qui ne seraient pas envoys par leur entreprise, des cadres dont lentreprise refuse de financer la formation,
voire des individualistes?
Je nai quune seule rponse, tout ceci. Lide fondatrice de
lIMPM, cest que cest en restant dans leur contexte naturel que les
managers tirent le plus grand profit dune formation. Il y a certainement mieux et pire que lIMPM, mais seules sont acceptables les voies
qui permettent aux managers de ne pas se couper de leur contexte.
Comme nous lavons vu plus haut, certains de nos participants indiens
taient patrons de PME, ils venaient seuls lIMPM, et cela a march,
mais il est prfrable de pouvoir travailler avec plusieurs collgues de
son entreprise. Un groupe-classe IMPM constitu dentrepreneurs
devrait bien marcher cela devrait mme tre passionnant car ils ado-
ditions dOrganisation
424
Diffuser linnovation
425
ditions dOrganisation
Niveau de management
426
FIGURE 14.2
Les programmes correspondant aux diverses tapes
de la carrire dun manager
ditions dOrganisation
Diffuser linnovation
427
ditions dOrganisation
428
LES E ROUNDTABLES
1. Le succs que rencontrent les modules dune ou deux semaines proposs par les
business schools britanniques montre que leurs consoeurs amricaines pourraient
facilement marcher sur leurs traces. En outre, on pourrait rassembler en classe les
participants par secteur dactivit ou par type demploi, et il nest pas indispensable
que leurs tudes soient finances par leur employeur; ce qui compte surtout, cest
quils arrivent avec suffisamment dexprience et dancrage dans le contexte.
ditions dOrganisation
Diffuser linnovation
429
En fait, les E Roundtables sont conues pour tre la composante internationale des programmes EMBA nationaux, et peut-tre aussi leur
composante managriale intensive. Nous pensons commencer par
offrir cette formule en option, elle remplacerait alors plusieurs cours
facultatifs et finirait par devenir une composante intgre de ces programmes. En ralit, nous esprons que cela permettra de diffuser dans
ces programmes dautres aspects du concept IMPM, puisque les enseignants et les tudiants de chaque pays dcouvriront cette occasion la
dmarche IMPM.
Dernier point, pas entirement trivial : le E de E Roundtables ne
reprsente pas le mot Executive mais le mot Expriment. Nous aurons
russi cette infiltration lorsquon pourra en dire autant du E
dEMBA!
ditions dOrganisation
430
De lanalyse laction
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ditions dOrganisation
Diffuser linnovation
431
432
rieurs
Module II
LEADERSHIP
CONNECT
Regarder autour
de soi (Asie)
ns internes
io
Proccupat
FIGURE 14.3
La configuration de lALP
Module III
LEADERSHIP
CATALYTIQUE
Regarder plus
loin (Amrique)
ditions dOrganisation
Module I
LEADERSHIP
RFLCHI
Regarder vers
lintrieur (Europe)
Problmes
de
lentreprise
Diffuser linnovation
433
Le leadership rflchi, qui se droule dans la rgion de Lake District, en Angleterre, porte sur la personne, il analyse le comportement individuel, le style de leadership et la culture. Chaque
groupe prsente son problme lensemble de la classe, on en discute ensuite autour des tables. Celles-ci formulent leur interprtation et suggestions et, vers la fin du module, chaque groupeentreprise prsente sa nouvelle faon de voir le problme.
Le leadership connect, Singapour et Bangalore, considre
lentreprise sous langle de ses rapports avec son environnement,
le chef dentreprise, enracin dans les deux, faisant le lien. Certains sujets sont choisis au Module I en fonction des problmes
voqus. On les aborde nouveau en ateliers, sous ce nouvel
angle, pendant le Module II.
Le leadership catalytique, Montral, voit le leader comme agent
du processus de changement, que ce dernier soit initi par la base
ou par la direction, cette dernire devant dans tous les cas de
figure galvaniser les hommes et formuler la stratgie. Dans ce
module, nous passons beaucoup de temps couter ce que disent
les participants sur la faon dont le changement est mis en uvre
dans leur entreprise.
ditions dOrganisation
434
IMPM
(depuis 1996)
Mastres secteur
associatif
BAE Strategic
leaders
RB of Canada
Analysis to Action
E Roundtables
(en cours de
dveloppement)
TABLEAU 14.1
Diffusion actuelle de linnovation IMPM
5 de 2
semaines
5 de 2
semaines
5 de 5 7
jours
1 de 3
jours et
demi
3 de 8 jours
3 de 7
jours
5 de 2
semaines
tats desprit
(5)
(6)
(5)
(1)
(3)
(3)
(5)
Pdagogie
rflexion
exprientielle, tables
rondes
Groupes
entreprise
Un seul
secteur
(quipes)
Possible
Un seul
pays
Un
module
Participation internationale
Modules
dans plusieurs pays
Mmoires de
rflexion
Tutorat
Travail personnel
tudes de
terrain
changes de
managers
Projets
(thmes intgrs)
Mmoire de
fin dtudes
Impact
managrial
Possible
Coaching
Possible
(multiples)
Possible
(problmes
pineux)
(problmes de
lentreprise)
ditions dOrganisation
Modules
Diffuser linnovation
435
Sil est vrai quil faut vingt ans pour quune nouvelle technologie
devienne un succs immdiat, nous avons encore douze ans devant
nous! (Jespre bien quil nen ira pas ainsi!)
ditions dOrganisation
436
Il y a souvent des tensions dans les zones frontalires. Pensez-y trs trs
fort, concentrez-vous sur ces lignes imaginaires Vous les voyez? Bien,
alors tirez dessus, soulevez-les de terre! Vous comprenez pourquoi je
tenais la mtaphore de la corde raide? Les MBA ont, semble-t-il, les
pieds bien sur terre. Mais un authentique enseignement du management doit prendre un peu de hauteur, au risque de vaciller parfois.
Cest mme le signe quil est bien fait. Les vrais problmes que doivent
rsoudre les dirigeants se situent l-haut, au niveau de lambigut, de la
complexit et de la nuance, et non pas au ras des pquerettes, au plan
des recettes, des techniques et des systmes.
Quand on travaille dans un programme comme lIMPM, on a souvent limpression de marcher sur la corde raide et mme sur plusieurs
cordes raides la fois. Il y a les tensions entre le global et le local; entre
les participants et leurs entreprises; entre le temps consacr au programme et celui qui doit ltre la vie professionnelle sans parler de
celui quil faut rserver la vie prive; les tensions entre les approches
tacites de lOrient et celles, tout fait explicites, de lOccident. Toutes
ces tensions sinvitent dans nos salles de cours. Celles-ci sont galement
tirailles par les tensions intrinsques aux tats desprit tudis par
exemple, entre laction et la rflexion (le besoin de faire et le besoin de
penser); lanalytique et le relationnel (besoin dexplicite, besoin de
tacite); le changement et lorganisation (ncessit dadaptation, ncessit de stabilisation). Plus gnralement, il y a les tensions entre la thorie et la pratique, entre le conceptuel et le concret, entre lacte
denseigner et celui dapprendre, et mme entre lapprentissage solitaire
ou collectif, entre le confort et le dfi. Il peut aussi y avoir une tension
entre lenseignement du management et la formation des dirigeants.
Pour prendre un exemple, imaginez un manager avanant sur sa
corde raide, un balancier sur les paules dun ct, les exigences lies
ses responsabilits professionnelles, de lautre, celles du mastre quil a
entrepris. Il est au milieu de la corde. Si lun des deux contrepoids est
trop lourd, la chute est fatale. Il faut trouver le juste quilibre, toujours
prcaire. Mais comme la fait remarquer Frank McCauley, de la Royal
Bank of Canada, il faut que la corde soit trs tendue pour que lon
puisse avancer dessus. Il nous faut donc accepter lexercice, et non tenter de lviter. Pour ce faire, il faudra peut-tre y porter un regard nouveau, une fois de plus.
ditions dOrganisation
Diffuser linnovation
437
ditions dOrganisation
15
DVELOPPER
DAUTHENTIQUES
COLES DE MANAGEMENT
Tout changement semble impossible;
mais, quand il est fait, cest ltat o
lon nest plus qui semble impossible.
ditions dOrganisation
Lheure est venue de rnover les business schools il est temps que
les agents de changement changent eux-mmes. Vraisemblablement
au fate de leur russite, puisque les tudiants, srs de dcrocher, la
sortie, des rmunrations leves, ne reculent pas devant le cot prohibitif de ce type de scolarit, les business schools produisent en
outre dnormes quantits de recherche. Mais elles naccomplissent
par leur mission essentielle, qui est damliorer la qualit du leadership.
bien des gards, les business schools se fourvoient. Elles prtendent dvelopper des managers, mais produisent des cadres spcialiss
dont le style de management favori se rvle manifestement dysfonctionnel. Ces institutions censes promouvoir lrudition et la
rflexion sadonnent dsormais sans vergogne au battage promotionnel. Les domaines o les business schools excellent les fonctions de
lentreprise, et surtout la recherche sur celles-ci sont rassembles
dans des formations baptises management , mais qui excluent prcisment le management. Pour reprendre la terminologie de March,
les business schools versent trop dans l exploitation et pas assez
dans l exploration .
Voil prs de cinquante ans que nul ne sest pench srieusement sur
lenseignement de la gestion, et celui du management na jamais fait
lobjet dune rflexion approfondie. Il est temps que les coles appliquent leurs propres prescriptions savoir, quil faut savoir changer
440
1. Philip Whitney a tir un parallle entre les business schools britanniques des
annes rcentes et les constructeurs automobiles des annes 1950, qui vendaient
tout ce quils pouvaient produire et taient par consquent peu enclins investir
dans le changement. Le vieil adage selon lequel, long terme, rien ne conduit
mieux lchec que la russite hantera sans doute un jour les professeurs de management du Royaume-Uni (Keep et Westwood 2002).
ditions dOrganisation
Aux yeux de Karl Weick (1995), les institutions acadmiques taient des
lieux conus pour crer du sens (21); Alfred North Whitehead (1932)
crivait pour sa part, en pensant aux business schools : Luniversit
transmet de linformation, mais elle la transmet avec imagination
faute de quoi elle na pas de raison dexister (139). Les business schools
qui conquirent de nouveaux marchs, chouchoutent leurs clients
et sacrifient au pratique nont aucune raison dexister.
Le but dune institution acadmique est de crer et de transmettre
des ides susceptibles daider les apprenants porter un autre regard,
plus profond, sur leur monde. Le critre discriminant, pour valuer
chacune des activits entreprises dans ces institutions, est donc de
savoir si elles contribuent promouvoir la pense, soit en crant de
nouvelles connaissances, soit en les transmettant de faon rflchie.
Dans cette perspective, il est important de prendre du recul et de rflchir aux problmes importants, en salle de cours ou par le biais de la
recherche. Plus la vie est trpidante, plus il est important davoir des
havres de tranquillit o lon puisse faire le point. Rares sont les autres
institutions bnficiant de ce privilge, crivait Robert Chia (1996:417).
En matire de recherche, sinon denseignement, les universitaires
sont pays pour faire ce quils aiment. Au pire, cela mne la complaisance. Mais au mieux, cela produit les ides qui changent le monde. En
Europe de lEst, la coutume voulait une poque aujourdhui rvolue
que les jeunes gens les plus rudits de la communaut juive pousent de
riches hritires afin de pouvoir consacrer leur vie ltude et, ainsi,
prserver et enrichir le patrimoine culturel. Les universitaires sont
lquivalent actuel de ces rudits. Ils sont entretenus par la socit, en
441
ditions dOrganisation
LE M, LE B ET LE A
Il y a une convergence remarquable dans loffre des business schools,
toutes calques sur le modle dominant du MBA, qui a infiltr tous les
niveaux de lenseignement suprieur, du premier cycle au doctorat. La
premire partie de ce livre visait dmontrer que cette approche nest
pas satisfaisante pour les MBA eux-mmes, nous allons maintenant
voir pourquoi elle naurait jamais d se propager dautres cursus.
Je suis convaincu quil faudrait sparer le M, le B et le A et proposer
un ensemble de programmes axs respectivement sur le Business, sur
lAdministration (ou gestion) et sur le Management.
Non seulement les business schools proposent toutes la mme
chose, mais elles le font toutes (mme les programmes doctorants) au
mme moment, en dbut de carrire. Leur offre, comme le montre le
portefeuille de suggestions ci-dessous, pourrait tre plus quilibre :
prparer les jeunes leur dbut de carrire, mais aussi les perfectionner
mi-parcours et en fin de carrire. Outre la formation intellectuelle,
elles pourraient permettre la spcialisation et le perfectionnement
mais chacune sa propre manire, pour ses propres participants. Elles
pourraient, comme nous allons le montrer, offrir un vaste ventail de
programmes, refltant ainsi la varit des entreprises, des secteurs et
des pays. Il ny a pas une seule meilleure faon de faire, en management, ni mme dans un pays donn, et encore moins dans le monde
entier. Les jeunes entreprises nont pas les mmes besoins que celles qui
sont tablies de longue date, de mme que les pays en voie de dveloppement nont pas les mmes besoins que les pays dvelopps. En outre,
la production de masse, dont les systmes et les techniques continuent
influencer profondment toutes les formes denseignement ainsi que
la pratique de la gestion et du management, ne saurait constituer un
modle valable pour les entreprises de haute technologie, le travail du
savoir ou mme pour les start-up. Ce qui est vrai dans le domaine des
affaires lest plus encore pour les autres secteurs de la socit. force de
442
tout standardiser, dans le monde entier, les business schools affaiblissent la pratique du management.
Le portefeuille de propositions prsent ci-dessous comporte cinq
volets : les mastres spcialiss, les mastres plus gnraux pour managers en activit, des programmes de perfectionnement (non diplmants), galement destins aux managers en activit, les premiers
cycles vocation ducative et les programmes doctorants destins aux
adultes. Je parlerai ensuite de la recherche des business schools, avant
de voir comment on pourrait leur faire subir une mutation salutaire.
ditions dOrganisation
443
seconde anne, par le biais des cours optionnels. Nous proposons ici de
donner la priorit la spcialisation, puis de la complter par des cours
portant sur les autres fonctions et sur le management, mais dans loptique dinformer des spcialistes, non de former des managers.
MBA classique
Premire anne
Seconde anne
Comptabilit
Stratgie
}
}
Finance
Marketing
Comportement organisationnel, etc.
Le MBX tel que nous le proposons
MB Finances
MB Aronautique
Etc.
Comptabilit
Organisation de lentreprise
Etc.
Cours optionnels
spcialiss
(ex. finances)
Programmes
spcialiss
Cours gnraux
obligatoires
ditions dOrganisation
FIGURE 15.1
MBA classique ou MBX?
444
formule est viable (certains programmes, comme celui de Bath, sur les
achats, sont particulirement cratifs). On en trouve galement de nombreux exemples en Amrique du Nord, surtout en comptabilit. Notre
proposition vise gnraliser ce type dinitiatives.
Lentreprise a clairement besoin de managers connaissant bien ses fonctions spcialises. Mais il est galement vident que lenseignement du
management ne saurait se cantonner ces fonctions. Et comme, dans la
pratique, le management concerne dautres domaines que le Business,
cest maintenant le B de MBA qui pose problme. En fait, pour satisfaire
les besoins, il faudrait crer toutes sortes de Masters of Practising Management (MPM). Cela intresserait vraisemblablement, nous lavons vu,
des milliers de personnes.
Ces programmes pourraient se situer deux niveaux. Lun serait destin aux managers en milieu de carrire, entre trente-cinq et quarantecinq ans, ayant une exprience managriale significative, en gnral attachs un secteur dactivit et un employeur, ce dernier finanant leurs
tudes. Cest le modle de lIMPM, que nous avons longuement dcrit,
et il marche. Lautre serait destin un public plus jeune de participants
occupant leur premier poste de management. Cela pourrait ressembler
lIMPM, mais avec une plus forte dose de fonctions, dont une bonne
partie pourrait tre tudie sous forme de travail personnel.
Je pense que lon pourrait les diffrencier galement par secteurs
(sans oublier la sant et le secteur social) et par type dentreprises (on
pourrait par exemple proposer des programmes spcifiquement destins aux PME). En fonction des besoins, ils pourraient tre internationaux, linstar de lIMPM, ou locaux, comme le programme McGillMcConnell pour le secteur associatif au Canada.
Je lai dj dit au chapitre 14, mais je tiens ritrer ici : les EMBA
existants devraient, en toute logique, tre rorients de cette manire.
Ils sadressent en effet aux individus les plus mme de tirer le meilleur
parti de ce type de formation : les managers en activit qui ninterrompent pas leurs activits professionnelles. Rien ne saurait justifier que ces
programmes continuent imiter un concept dvelopp lintention
dtudiants dpourvus dexprience et coups du contexte professionnel. Lexplication, cest que les EMBA refusent du monde : ils ne voient
donc pas la ncessit de changer. Pour le moment, les managers qui sy
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446
Extrait dun article de journal de Thomas Hurka, professeur de philosophie luniversit de Calgary.
Quel type dducation un pays comme le Canada doit-il donner ses tudiants pour quils tirent leur pingle du jeu dans le
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VO U S V O U S I N T R E S S E Z
AU BUSINESS ?
TUDIEZ LA PHILOSOPHIE
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448
Les business schools, o lon enseigne plusieurs disciplines, pourraient prodiguer elles-mmes ce type denseignement. Nombre dentre
elles ont parmi leurs professeurs des conomistes, des statisticiens, des
psychologues, des historiens et des spcialistes de diverses autres matires, qui pourraient dvelopper des cours substantiels faisant le lien
entre la discipline tudie et la nature de lentreprise industrielle ou
commerciale. De tels cours, sils taient bien faits, stimuleraient sans
doute bien plus efficacement le got des affaires que ceux qui portent
sur la technique du marketing et la stratgie.
Joseph Wharton et Alfred North Whitehead (1932:142) rclamaient
dj ce type denseignement en premier cycle, respectivement dans les
annes 1870 et 1930. On en trouve encore lcho dans les trois grands
rapports publis en 1959 et 1988 :
Les coles accueillant des premier cycles devraient mettre laccent sur
les matires fondamentales [comme la littrature et la linguistique, les
mathmatiques, la psychologie et lconomie] et accorder beaucoup
moins dattention aux spcialits fonctionnelles et aux dtails de la performance managriale. (Pierson 1959:xiv)
Nous recommandons quau moins la moiti des quatre annes du programme soit consacre lenseignement gnral et nous croyons quil
serait prfrable de lui laisser encore plus de place. (Gordon et Howell
1959:133; les italiques sont dans le texte original.)
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Au cours de notre recherche, nous avons constat que beaucoup, surtout parmi les dirigeants du monde des affaires, regrettent que les tudiants des business schools reoivent un enseignement plus spcialis
quil ne devrait ltre En premier cycle, lducation doit viser la personne entire [En fait], les business schools devraient se tourner pratiquement vers tous les secteurs de luniversit pour enrichir leur
propre enseignement. (Porter et McKibbin 1988:316, 317.)1
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CU L T I V E R L I M A G I N A T I O N
ENTREPRENEURIALE
Robert Chia (1996:409, 411, 415)
La contribution la plus importante que les business schools
des universits peuvent apporter au monde des affaires, cest de
cultiver limagination entrepreneuriale. Au lieu de mettre
laccent, comme on le fait gnralement, sur des programmes de
business et de management toujours plus proches de la formation
professionnelle, rputs plus pertinents, les business schools
des universits devraient adopter une stratgie privilgiant dlibrment laffaiblissement des processus de pense afin
dencourager et de stimuler limagination entrepreneuriale. Cela
suppose de changer radicalement les priorits pdagogiques; au
lieu de tout miser sur lenseignement des comptences analytiques de rsolution de problmes, on tenterait dsormais de cultiver la mentalit du changement de paradigme. Cela suppose
aussi que les professeurs de management eux-mmes sengagent
dans ce que jappellerai ici lentrepreneuriat intellectuel Et
ceci implique une tentative consciente et dlibre dexplorer le
monde des ides avec audace, en saffranchissant des inhibitions
indues des contraintes des disciplines, afin de cultiver le sens
intime de la puissance et de la beaut des ides
Je crois que le recours la littrature et aux arts est le meilleur
moyen de stimuler les capacits dassociation desprits jeunes
et fertiles Si la mentalit scientifique traditionnelle met laccent
sur la simplification de la multiplicit complexe de nos expriences, rduites des principes, des axiomes, etc., la littrature
et les arts ont toujours prfr la tche qui consiste complexifier
les processus de la pense, nous sensibilisant ainsi aux nuances
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Le modle amricain
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conu non par lui, mais par lcole; il na gure de contrle sur son contenu et sans doute moins encore doccasions de faire un travail original.
Et voil que surgit une anomalie intressante : on lui rpte inlassablement quil faut absolument publier, faute de quoi il nobtiendra pas
un bon poste aprs le diplme les doctorants des autres coles ont
galement t avertis de cet impratif. Ainsi, dans vos tudes de doctorat, on vous demande de composer louverture avant davoir crit la
premire note de votre opra. Mais comment faire quand on ne vous a
pas appris composer un opra, et encore moins une ouverture? La
solution simple, cest de sabriter sous un projet de recherche existant
dun professeur. Lide nest pas mauvaise si cela constitue un rel
apprentissage, mais elle est plus que contestable si elle constitue un
moyen pratique, pour les professeurs, dallonger la liste de leurs publications.
Lopra, cest la thse, cense dmontrer une recherche et une pense
indpendantes, pinacle des tudes universitaires. Si tant de thses,
aujourdhui, manquent doriginalit et de profondeur, cest parce que
les programmes doctorants laissent trop peu de place lindpendance.
En revanche, elles ne manquent pas de rigueur, au contraire, nombre
dentre elles ne contiennent que de la rigueur.
Les programmes doctorants nimposent pas tous lintgralit du
processus que je viens de dcrire, mais un grand nombre le font, et la
plupart en retiennent une bonne partie. Il faudrait tout mettre plat et
partir dans la direction inverse promouvoir une recherche crative,
indpendante. Les futurs doctorants devraient tre slectionns sur le
critre de leur originalit intellectuelle, ils devraient dmontrer de la
crativit dans leur travail, faute de quoi ils ne seraient pas autoriss
poursuivre ce ne sont pas les professeurs pdants qui manquent, inutile den former dautres; en outre, ils devraient pouvoir laborer leur
propre programme dtudes avec leur directeur de thse, dsignant au
passage lobjet spcifique de leur recherche, quil sinscrive ou non dans
les catgories classiques. Autrement dit, chaque tudiant devrait avoir
un programme sur mesure.
Les doctorants sentendent rpter quils ont tout intrt choisir un
sujet bien circonscrit, par exemple un petit aspect dun grand problme. Je ne partage pas ce point de vue. Les thses vraiment intressantes sattaquent de grands problmes. Pas en essayant de tout
tudier par le menu, mais en braquant le projecteur sur un lment
important. Ces tudiants en doctorat sont inspirs. Ils taillent dans le
vif, vont au cur du sujet. Trop dtudiants se contentent den tudier
452
La tradition europenne
Traditionnellement, les tudes de doctorat, dans de nombreux pays
europens, se situent lautre extrme. la limite, il ny a ni programme, ni cours, ni examens. Ltudiant se prsente un professeur,
disparat quelques annes pour rdiger sa thse, et refait surface pour la
soutenir. Sous linfluence des business schools amricaines, cette
approche a laiss la place celle que je viens de dcrire. Mais il y a de
merveilleuses exceptions, lencadr suivant en dcrit une.
Il y a quelques annes, jai reu une lettre dun certain Lars Groth,
consultant norvgien dont je navais jamais entendu parler. Il
venait de terminer sa thse de doctorat mais, se trouvant
confront un problme, mappelait laide. Flairant quil y avait
l quelque chose dinhabituel, je lui ai donc pass un coup de fil.
Et comme je faisais escale, quelques jours plus tard, laroport
dOslo, nous avons pris rendez-vous. Il ma envoy un extrait de
sa thse, que jai lu dans lavion. Elle portait sur limpact des systmes dinformation sur la structure de lentreprise. De nombreuses publications plus ennuyeuses les unes que les autres
avaient trait ce sujet depuis les annes 1950 toutes taient aussi
bourres de promesses que vides de faits; mais le document que
javais entre les mains avait lair intressant. Ce ntait pas un travail quantitatif; bien au contraire, Lars avait puis dans sa
riche exprience de consultant prenant rsolument contrepied les respectables programmes doctorants.
Lars ma expliqu son problme. Il avait suivi la mthode
europenne classique, et avait pour directeur de thse un professeur de sociologie de luniversit dOslo. Lennui, cest quau
moment prcis o il allait lui remettre sa thse, laquelle il avait
consacr tout son amour et huit annes de sa vie, le professeur
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Les thses de doctorat leuropenne ne sont sans doute pas toujours aussi bonnes que celle de Lars, de mme que certaines thses
lamricaine se rvlent en fin de compte remarquablement cratives.
Mais il faut trouver le juste milieu, guider le doctorant tout en lui laissant la responsabilit de la conception et de la ralisation de son programme. Je crois que nous y sommes parvenus Montral.
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455
LE RLE DE LA RECHERCHE
Depuis les changements intervenus dans les annes 1960, les business
schools sont devenues des centres de recherche dbordant dnergie o
se retrouvent une grande varit de chercheurs. Dix ans ne staient pas
couls que le magazine Fortune publiait larticle de Zalaznick (1968)
sous-titr Les diplms sont sans doute surestims, mais les coles
sont souvent sous-estimes (p. 168) :
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Les chercheurs des business schools ont travaill dans deux grandes
directions. La premire concerne divers aspects de la conduite des affaires et, comme nous lavons dj not, des progrs impressionnants ont
t raliss dans certains domaines fonctionnels, comme la finance et le
marketing. La seconde, moins clairement reconnue, cest lorganisation. Pas tellement le management, mais lorganisation.
Un certain nombre de sciences sociales, notamment lanthropologie,
la sociologie, lconomie et les sciences politiques, sintressent de
vastes questions de socit, et lune dentre elles, la psychologie, lindividu. Mais aucune ne porte une attention srieuse au niveau important
de lactivit humaine qui se situe entre lindividu et la socit savoir
les organisations, qui influencent pourtant beaucoup notre vie quotidienne. Nous vivons dans un monde dorganisations, du jour de notre
naissance, lhpital, celui de notre enterrement, o intervient une
socit de pompes funbres. Lconomie elle-mme contient des organisations de toutes sortes. Le gouvernement est autant un rseau interactif dorganisations publiques quun systme de politiques lgislative
et excutive. Le reste de la socit, dite socit civile, est elle-mme un
vaste arsenal de toutes sortes dorganisations, portant des tiquettes
456
diverses, quil sagisse dorganisations non gouvernementales, dassociations but non lucratif, de trusts, de coopratives, etc. Nous avons
un besoin vital de comprendre ces phnomnes, et cest dans les business schools quils bnficient dune attention particulire.
Le potentiel est donc immense. Et je crois que la production est
impressionnante cest hlas lun des secrets les mieux gards du
monde acadmique.
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Allez la runion annuelle de lAcademy of Management, vous y trouverez des milliers duniversitaires travaillant sur toutes sortes de questions relevant des organisations. La discussion est souvent pdante,
parfois lamentable, mais, au bout du compte, les meilleures communications forment un corpus de connaissances tout fait respectable.
Lennui, ces runions, cest que lon y voit surtout des chercheurs
parler dautres chercheurs, comme ils le font galement dans la plupart des revues spcialises o ils publient le rsultat de leurs recherches. Certains praticiens se glissent parfois dans la conversation, mais
cest ailleurs que la plupart vont chercher leurs ides, estimant en gnral que la recherche universitaire ne leur apporte strictement rien. En
revanche, si vous citez un Michael Porter, un James Brian Quinn ou un
Edgar Schein, la raction est diffrente. Car cest un fait : bon nombre
des auteurs de management les plus influents daujourdhui penseurs
srieux largement lus sont des universitaires1.
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que ce soit la socit qui paie la note. Cette extraordinaire dmonstration darrogance na dgale que lacquiescence de ceux qui financent
nos travaux. Bien sr, nous affirmons haut et fort quil est indispensable de protger nos ides dlicates, et aucun dentre nous navouerait
que cette manie du secret constitue parfois un cran de fume bien pratique quand notre travail est mdiocre.
Les chercheurs en business et management ntudient pas la fission
nuclaire. Leurs sujets relvent de la vie quotidienne. De sorte que toute
dcouverte intressante devrait tre facile faire comprendre des praticiens intelligents (cest mme presque cela quon reconnat une
dcouverte intressante). Certes, le jargon sinterpose parfois, mais
cest, l encore, un cran de fume destin masquer le mauvais travail.
Il y a quelques annes, Bill, un bon ami, ma invit dner avec sa
collgue Barbara. Tous deux sont des managers intelligents, qui sexpriment bien. Bill dirigeait lpoque la distribution de lOffice national
du film au Canada, dpartement de trois cents personnes, dont la plupart taient sous lautorit directe de Barbara, responsable de la distribution sur le territoire national. Elle souhaitait me rencontrer pour
parler leadership.
lpoque, je me prparais assister une confrence acadmique
qui portait prcisment sur ce sujet. Je devais commenter un certain
nombre de travaux dont nous devions discuter. En les lisant, je me suis
demand ce que Bill et Barbara en penseraient. Et jai dcid dorienter
mes commentaires en ce sens. Bill et Barbara trouveraient-ils a
intressant? demandais-je concernant la conclusion dun compte
rendu. Inutile de dire que les chercheurs nont pas apprci. Cest pourquoi, en prparant la publication de mes commentaires, jai demand
Bill et Barbara ce quils pensaient rellement de ces recherches et jai fait
figurer leurs ractions ct des miennes (in Mintzberg 1982). Finalement, je mtais montr plus indulgent queux. Les quelques paragraphes suivants montrent le niveau intellectuel de managers qui nont
jamais t en business school :
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[Cette tude] tente de mesurer des choses intrinsquement non quantifiables au moins de faon prcise. Cest exactement comme si un critique dart disait que si le plafond de la chapelle Sixtine tait cinquante
centimtres plus haut, lintervalle entre lindex de Dieu et celui dAdam
cinq centimtres plus large, limpact de luvre serait diminu de deux
pour cent. Une telle approche est totalement dnue dimagination et
tombe ct de la plaque dune faon rellement monumentale. (Bill,
p. 246)
Les conseils pour bien grer les rapports humains, cest sans doute trs
bien, mais les bons leaders nen ont pas besoin (cest mme pour cela
quils sont devenus leaders!) et les autres sont incapables den tirer profit. (Barbara, p. 247)
Bill parvenait la conclusion gnrale que beaucoup de prsentations se noient dans des explications alambiques, interminables, pour
finir par enfoncer des portes ouvertes, tandis que Barbara crivait
pour sa part : Ce qui ma le plus gne, en lisant les prsentations, cest
que javais le sentiment que toute cette recherche tait une fin en soi
(p. 243).
Les chercheurs pourraient se plaindre, juste titre, qu en juger par
le niveau et le ton de tant douvrages de management qui se vendent
comme des petits pains, les managers qui les lisent nont pas critiquer
leur propre travail. Seulement il y a beaucoup de Bill et de Barbara, de
praticiens qui rflchissent, ne lisent pas ce genre de livres, mais
seraient ouverts aux ides intressantes manant de la recherche (cest
mme la raison pour laquelle Barbara avait pens organiser ce dner).
Il y a dailleurs des Porter, des Quinn et des Schein qui sont trs heureux de leur en apporter. Ce genre de managers, nous en rencontrons
sans cesse dans notre programme IMPM. Cest la raison pour laquelle
jai conclu mon article en proposant un test Bill et Barbara :
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Annoncez que toute demande de financement de recherche, toute soumission une publication spcialise devra tre soumise lexamen
dun praticien intelligent. La demande ne sera approuve que sil trouve
pertinente la recherche envisage. Observez ensuite ce qui se passe Si
vous ne pouvez pas servir les leaders, comment pouvez-vous esprer
servir le leadership? (p. 258-259)
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Rigueur ou pertinence?
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res thories, de regarder comme jamais choses vues toutes choses qui
sont au monde (Paul Valry) afin de mieux le comprendre. Cela suppose de se battre : le premier pas, pour apprendre quelque chose, cest
ltonnement; le second, cest de suspendre son incrdulit; le troisime et dernier, de travailler comme un damn afin dincorporer la
nouvelle vision. Si ce processus exige tant defforts, cela montre que ce
qui semble pertinent de faon un peu trop vidente est souvent compltement ct de la plaque.
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La loupe et le marteau
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APPEL LA PASSION
(Rsum de la prsentation de lauteur la confrence de lAcademy
of Management, 1996)
Mprisez la chaire. Il vaut mieux pouvoir se regarder dans la
glace sans rougir quavoir ses entres au club des professeurs
duniversit.
Ne publiez que quand vous avez quelque chose dire. Vous
serez un lecteur plus heureux.
466
Dites tout, tout de suite, dites-le bien et entirement. Donnezvous une chance de devenir clbre et non dbit en petits
morceaux.
Nayez jamais lambition dtre le meilleur. Donnez le
meilleur de vous-mme.
Crez du savoir. Dcouvrez quelque chose de nouveau; tous
les autres, pratiquement, ruminent du vieux. Il y a sans
doute quelque chose de nouveau qui vous crve les yeux
(comme Fleming et sa moisissure). Le courage du petit garon du conte dAndersen, a ntait pas de dire que lempereur tait nu. Ctait de le voir. Aprs, le dire tait facile.
crivez pour le praticien rflchi. Vous vous attirerez ainsi le
respect des plus raisonnables de vos collgues.
Nhsitez pas passer laction. Surprenez-vous. Vous pourrez peut-tre, alors, surprendre les autres.
Passionnez-vous pour ce que vous faites. Sinon, faites autre
chose.
Nos coles de management et de gestion nous offrent mille occasions de nous passionner. Nous abordons des problmes fascinants, au
centre de la socit contemporaine. La psychologie et lconomie font
lobjet dune attention considrable, mais ni lune ne lautre ne suffisent
expliquer ces animaux tranges que sont les entreprises. Ds linstant
o nous aurons dpass la rigueur et la pertinence, nos attirerons les
foules dans nos muses et dans nos galeries.
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Universit connexion
La discussion prcdente a port essentiellement sur la ncessit dtablir des liens entre les coles de management et la pratique. Il est au
moins aussi important de les connecter aux universits.
Considrons les coles les plus rputes pour leur recherche. Elles
sont presque toutes rattaches des universits puissantes. Il existe, certes, des coles qui, linstar de lInsead, sadonnent activement la
recherche sans tre rattaches une universit. Mais, en gnral, cela
savre difficile. Mme la Harvard Business School, la recherche a sans
doute souffert du fait que lcole soit si indpendante du reste de luniversit. Cela va beaucoup mieux depuis que des liens se sont tisss grce
aux programmes doctorants.
Dpendre dune universit entrane certes des lourdeurs. (Rien que
pour McGill, lIMPM a par exemple d obtenir lapprobation de onze
comits diffrents!) Mais cela offre lavantage immense dancrer lcole
de management et de gestion dans le sillage intellectuel de sa maison
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Tche
Pourcentage
denseignement
Pourcentage
de recherche
Pourcentage
de travail
administratif
Chaire classique
40
40
20
10
90
Titulaires dune
chaire aux tatsUnis
20
60
20
Chefs de clinique
aux tats-Unis
(temps partiel)
40
10
Titulaires dune
chaire en Europe
20
30
50
Dirigeants en
rsidence (temps
partiel)
40
10
40
10
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TABLEAU 15.1
Le corps enseignant des coles de management et de gestion
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car ils abandonnent la recherche ds quils ont leur chaire. Ils devraient
voir leur salaire amput des 40 % correspondants ou doubler leurs heures denseignement (80/0/20). Faire de la recherche nest pas un don
gratuit, cest d luniversit par quiconque bnfice dun poste plein
temps ne demandant quun enseignement temps partiel.
La Sude a un systme intressant. Elle propose aux jeunes titulaires
dun doctorat une priode probatoire de six ans au cours de laquelle ils
font peu denseignement, mais beaucoup de recherche (la formule
serait sans doute proche de 10/90/0). Ensuite, ils postulent pour des
postes de recherche ou denseignement (de lordre, respectivement, de
30/50/20 et 70/10/20), en fonction de leur performance. Bien entendu,
les titulaires dune chaire, aux tats-Unis, font en gnral moins dheures denseignement, cela se situe autour de 20/60/20; les chercheurs
ayant fait leurs preuves peuvent en faire encore moins. En revanche, la
pratique la plus courante, en Europe, veut que dtenir une chaire
entrane la direction dun dpartement. Pour les rcompenser de
lexcellence de leur recherche, les imptrants sont surchargs de tches
administratives!
Je suis trs favorable la formule 40/0/10, parfaite pour les praticiens rflchis, souvent des consultants ou des dirigeants en
rsidence, qui apprcient le monde universitaire et sont particulirement dous pour lenseignement. Ils peuvent beaucoup apporter aux
coles de management et de gestion, mais ils prfrent le faire temps
partiel, en parallle dautres responsabilits. Cela ressemble aux chefs
de clinique, dans le domaine de la mdecine, sauf quils ne font pas de
recherche. Jai eu de nombreuses occasions de voir, surtout en Europe,
lapplication russie de cette formule.
Du point de vue de lcole, ces individus peuvent tre trs forts prcisment l o les universitaires classiques sont en gnral plutt faibles
par exemple, pour animer la classe ou enseigner des savoir-faire. Ils
peuvent aussi apporter des liens utiles avec la pratique. De leur propre
point de vue, ils jouissent du prestige dune affiliation universitaire, ce
qui nest pas pour nuire leur carrire, surtout sils font du conseil.
Dailleurs, leur rmunration, en tant quenseignant, est presque de
largent de poche, ce qui veut dire que les coles peuvent ngocier avec
eux des contrats assez favorables.
Un tel arrangement ne vise pas diminuer la place de la recherche.
Bien au contraire, il la renforcerait sans doute dans la mesure o il permettrait ceux qui prfrent la recherche de faire moins denseigne-
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INDEX
A
Bach 26, 31
Badore Nancy 321, 344
BAE Systems 429
Bangalore 368-369, 371
Bank of Canada 398
Banque mondiale 247
Barbara 457-459
Basu Kunal 354, 366
Bath 444
Batteau Pierre 212
Batts Warren 132
Baxter International 132
BCG 98-100
Bendix 113-114
Bennis Warren 114, 321
Bettignies Henri-Claude de 260-261
Bharati Telecom 337
Bhid 152
Bill 457-459
Bishop Grosseteste College 217
Bloom 326
Boeing Leadership Center 274
Boettinger Henry 241-242, 244
Bok Derek 68
Bostock Roy 132
Bower Marvin 69
Boyatsis 277-278
Bracken Paul 163
Brecht Bertold 91
Brigham Alexander 198
British Airways 222, 226
British Telecom 305, 337, 359, 360, 401,
417
Index
Brown Charlie 5
Buckminster Fuller R. 191
Business Roundtable 179, 180
Business Week 146
Busu Kunal 301
Byrne John 88
C
Cambridge 228-229
Cameron 307
Canadian Parents for French 426
CAP (Change Accelerating Process) 269270
Capilano College 205
Carnegie Corporation 24, 27, 31, 40
Carnegie-Mellon 25, 46, 192
Carroll Donald 20
Carroll Lewis 284
CEDEP 220, 313-314
Center for Creative Leadership 235
Center for Management Development
(CCMD) 261-262
Centre de formation professionnelle des
journalistes 217
Chambers 156
Chandler Kerry 390, 414
Charan Ram 130
Chase Manhattan Bank 447
Chetkovich et Kirp 64
Chia Robert 440, 449
Chinwalla Taizoon 404
Churchill Winston 321
Cisco Systems 156, 179
City University of London 221, 226
Cizik Robert 132, 135
Clark 71
Clavell James 283
Cleghorn John 122
Clifford Patricia 284
Coca-Cola 337
D
Daimler-Benz 260
Darden School of Virginia 45, 344
Dartmouth College 20
De Wever Luc 393
Dearlove 299
Digital Equipment Corporation (DEC)
258-260
Dimnik Tommy 415
Donham Wallace 22-23, 58
Donner Jack 401
Drucker Peter 35, 198
Duke University 200
Dyksterhuis Francine 401
E
E Roundtables 428-429
Eastern Airlines 132
cole nationale dadministration (ENA)
212
ditions dOrganisation
506
Index
cole Suprieure de Commerce de Paris
206
cole Suprieure de Commerce de Toulouse 217
EDF 388
Einstein Albert 165
lectricit de France 337
Eliot T.S. 302, 321, 368
Emerson Ralph Waldo 333
Enron 176-177
Equitable Life 132
Essec 217
tats-Unis 275
EuroDisney 259
Ewing David 56-57, 62-63, 77, 131-132
Executive Forum 259
Exeter 425
ditions dOrganisation
F
Fallows 168
Fayol Henri 329
Fdration Internationale des Socits de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge 337, 393
Fiorina Carla 123-125, 140
FMC Corporation 133
Foamex 132
Fondation Ford 27
Fondation McConnell 426
Fong Christina 95
Ford 344
Foss Ron 388
France 212-214
Frances David 251
Free University dAmsterdam 217
Friedman Milton 175
Friesen Sharon L. 284
Fujitsu 337, 359, 368-369, 372, 388
Fulmer Robert 248
507
G
Gartinski Alexei 391
Gaskins 321
Gay Edwin 21
Gaz de France 337
GE 270
Gendreau 186
General Electric 226, 263, 267
Gerstner Lou 121, 132, 156
Ghoshal Sumantra 258-260, 360
Gilmartin 121
Gladwell Malcolm 176-177
Global Business Consortium 260
GMAT 12, 447
Gopinath Gorur 401
Gordon 27, 293
Gordon et Howell 42
Gosling Jonathan 11, 204, 222-223, 289,
345, 363, 385, 415, 425
Graduate School of Business (de Columbia University) 446
Graduate School of Industrial Administration (GSIA) 24
Grande-Bretagne 218-223
Gratton Lynda 260
Groth Lars 452-453
GSIA 31-33, 197
Guthrie Jeff 401
H
Haas Robert 132, 135-136
Halberstam David 173
Handy Charles 244, 277, 280, 393
Harvard 20-24, 33, 35-36, 40, 50, 84, 122,
131, 149-152, 188, 203, 206, 208, 256257, 277
Harvard Business School 79-80, 109, 278,
467
Harward 181
Index
I
IBM 121, 132, 139, 144, 156, 447
IMD 84-86
Inde 367-369, 371
Indian Institute of Management 339
Insead 206, 208, 258-259, 339, 345, 360,
374, 467
Institut dadministration des entreprises
dAix en Provence 216
International Masters in Practising Management (IMPM) 334-336, 338-340,
343, 350-351, 353, 355-357, 361-362,
364, 366, 371, 376-381, 383-384, 389391, 393, 395-408, 410-434, 436
Irish Management Institute 227
Itami Hiro 210, 371
J
James Edmund 20
Japanese Advanced Institute of Science
and Technology 339
K
Kelly Francis et Heather 79-80, 84
Kerr Steve 268-270
Keynes 462
Kiam Victor 132
Kidney Foundation 426
King John 417
KKR 99
Knoll International Holdings 132
Knudsen Morrison 114-115, 132
Korean Development Institute 339
Kotter John 101-102, 118, 278
Kravis Henry 99
Kuhn 474
L
Lampel Joseph 162
Lancaster University Management School
216, 220, 362, 339
Lauder Program 205
Leavitt Harold 111-112
LeGoff Franoise 386
Leland Bach George 25
Levi Strauss 132
Levitt Harold 26
LG 337, 372
LHSB 407
Lietka Jeanne 65, 344
Lindblom Charles 311
Livingston Sterling 13, 40, 61, 102, 117,
294
ditions dOrganisation
508
Index
Locke Robert 140-143
London Business School 85, 203, 215,
258, 260, 277
Lorenzo Frank 123, 132
Loucks Vernon 132
Lufthansa 337, 359, 390-391, 401, 407,
413, 421
ditions dOrganisation
M
Malott Robert 133
Manzoni Jean-Franois 403
March James 26, 29, 78-79, 138, 439
Mark Reuben 136, 148
Martin Roger 39
Matsushita 337, 360, 390, 401, 406, 413
Maugham Somerset 462
Maynard Keynes John 297
Mayo Elton 23
McCall Morgan 240-241, 245, 303
McCardell Archie 143
McCauley Frank 348, 398, 408, 414, 436
McGill 290, 364-365
McGill-McConnell Master Management
for National Voluntary Sector Leaders 426-427
McKibbin 207, 287, 296, 368
McKinnel Henry 140
McKinney Joseph 133
McKinsey 99, 125
McKinsey & Company 12, 69
McNair Malcolm 58
McNamara Robert 109-112, 115-116,
173-174
Meckling William 171-172, 178, 301
Mehta Ramesh 347
Meister Jeanne 273
Mendoza Gabino 209
Merck 121-122, 140
Messier Jean-Marie 213
Meyer Arnoud de 16
509
N
Narayanswamy Rammath 343
Newell Allan 26
Nobeoka Kentaro 349
Noda Tomo 345
Nonaka Ikuro 372
North Whitehead Alfred 440, 448
Northwestern 205
Northwestern University 22
Norwegian School of Economics and Business Administration 453
O
Office national du film au Canada 458
Okazaki-Ward 244-245, 276
Onyx Energy 132
Open University 199
Oxford 206, 215
Oxford University 87
P
Parsons Talcot 23
Pascale Richard 259, 261
Pearlman Jerry 133
Peters Tom 16
Pfeffer Jeffrey 95, 97
Pfizer 140
Index
Pierce Ambrose 77
Pierson 27, 30
Pitcher Patricia 118
Platon 236, 256
Platt Lewis 124
Policano Andrew 89
Porter Michael 35, 149, 160, 207, 287,
296, 368, 456, 459-460
Premark 132
Procter & Gamble 80
Purdue 206
Purves Sue 247, 413-414, 418
Q
Quelch John 203
Quinn James Brian 456, 459-460
R
Raelin Joe 48, 271, 280
Ralston Saul John 213
Raphael 370
Remington 132
Revans Reg 263-266, 270-271, 304
Reve Torge 453
RJR Nabisco 132
Robinson James 80, 133
Rochester 39
Rohlin Lennart 266
Rollwagen John 133
Royal Bank 122, 337, 401
Royal Bank of Canada 348, 360, 401, 408,
413, 429
Royal Dutch Shell 260
Royaume-Uni 214-215
Rumelt Richard 11, 361
S
Saffo Paul 421
Sad Wafic 87
Sayles Leonard 33
Schein Edgar 456, 459-460
Schendel 460-461
Scherer Frederic 139
Schumpeter Joseph 23
Sculley John 123, 145-146
Shapero Albert 177
Shaw Arch 22
Shaw George Bernard 395
Sheppard Bill 200
Simon Herbert 25, 27, 31, 308-310, 473
Smith Klein Beecham 260
Soljenitsyne Alexandre 176
Sorrell Martin 188
Spender 302
Stanford 21, 24, 28, 34, 80
Strategic Leaders Programme 429
Strauss Levi 135
Sugimura Roy 390
Summers Harry 111
Sun Exploration and Production 132
T
Taylor Frederick 41, 142
Templeton College 87, 206
Templeton John 87
Texas Air 132
Thanheiser Heinz 233
Thirion Philippe 388
Thirunarayana 226
Thomson Richard 133
Thorn-EMI 251
Tilburg 206
Timken 133
Tinken William 133
ditions dOrganisation
510
Index
Tomlin Lily 137
Toronto Dominion Bank 133
Toshiba 277
Toulouse Jean-Marie 454
Toyota 210
Trinity College 227
Tuck 206
Turner Arthur 62-63
Tyler Corporation 133
Tzu Lao 362
U
UCLA 361
United States Army National Training
Center (NTC) 261
Universit dOxford 193-194
Universit Dauphine 217
Universit de Bath 217, 226
Universit de Capetown 224
Universit de Chicago 85, 88, 205
Universit de Kobe 339
Universit de Lancaster 219, 222
Universit de Liverpool 217
Universit de Pennsylvanie 20, 205
Universit Keio 210
Universit McGill 339
Universit Queens 199
Useem Michael 447
511
X
Xerox 143, 192
Y
YMCA 426
Young Don 251
Youzwyshyn Wendy 401
Yukitake Takeshi 388
ditions dOrganisation
W
Wallace 199
Wal-Mart 177
Z
Zalaznick 25, 455
Zeneca 247, 388, 391, 406, 413-414, 418
Zenith 133
Zimmerman Brenda 358
TA B L E D E S M A T I R E S
Sommaire ..................................................................................................
VII
Prface .......................................................................................................
IX
Introduction ............................................................................................
XV
PREMIRE PARTIE
ditions dOrganisation
6
7
9
10
11
12
13
Chapitre 2
Erreur sur les mthodes ........................................................................
19
19
20
20
21
23
24
24
24
27
29
30
31
31
32
33
34
36
37
38
39
41
42
43
45
45
45
46
47
50
51
55
56
59
61
62
64
65
68
72
Chapitre 3
La dgradation du processus ducatif ................................................
77
Quelques ractions des tudiants leurs tudes sur les bancs des
MBA .........................................................................................................
79
83
85
87
ditions dOrganisation
514
ditions dOrganisation
515
Chapitre 4
La dgradation de la pratique managriale ......................................
91
92
92
93
96
96
98
100
101
103
104
105
108
108
112
115
117
118
119
120
121
126
Second rsultat : la priorit des priorits, pour les MBA, cest dtre
aux commandes ......................................................................................
128
128
129
133
Chapitre 5
La dgradation des organisations .......................................................
137
138
139
140
144
147
149
149
151
153
154
155
158
160
Chapitre 6
La dgradation des institutions sociales ............................................
165
166
167
171
171
173
175
176
178
181
Le nouveau secteur public dans les vieux habits du monde des affaires ......
184
188
Chapitre 7
De nouveaux MBA? ................................................................................
191
193
194
195
197
199
200
201
201
202
204
206
207
ditions dOrganisation
516
517
208
209
210
211
212
214
La diffrenciation en Europe..................................................................
215
215
217
218
220
223
224
225
227
B ou A?.....................................................................................................
229
DEUXIME PARTIE
LA FORMATION DES DIRIGEANTS
Chapitre 8
La formation des dirigeants dans la pratique ..................................
233
ditions dOrganisation
237
239
240
241
243
244
245
246
249
252
255
256
257
258
258
260
261
261
263
264
265
267
267
270
272
275
275
277
278
Chapitre 9
Dvelopper lenseignement du management ...................................
283
287
288
289
291
293
Une salle de cours ancre dans la vie professionnelle des participants ........
Exprience naturelle ou cre de toutes pices ..........................................
Un enseignement sur mesure ...............................................................
293
294
294
296
302
303
303
306
ditions dOrganisation
518
ditions dOrganisation
519
306
308
311
313
316
317
321
322
322
324
324
326
329
Chapitre 10
Le programme IMPM ............................................................................
333
333
337
339
340
343
344
346
347
348
349
Chapitre 11
Cinq tats desprit bien diffrents ......................................................
353
Les impratifs qui ont dict la conception des modules de lIMPM ...
353
355
356
359
361
362
364
367
371
374
Chapitre 12
Apprendre sur le terrain ........................................................................
377
377
Le tutorat .................................................................................................
381
Le travail personnel.................................................................................
384
384
385
386
387
388
389
391
394
Chapitre 13
LIMPact ....................................................................................................
395
395
395
397
LIMPact ..................................................................................................
398
405
408
408
411
413
414
415
417
ditions dOrganisation
520
ditions dOrganisation
521
Chapitre 14
Diffuser linnovation .............................................................................
421
422
422
426
Les E Roundtables...................................................................................
428
429
429
430
430
433
435
435
436
437
Chapitre 15
Dvelopper dauthentiques coles de management .......................
439
440
Le M, le B et le A......................................................................................
441
442
444
445
446
450
450
452
453
455
456
457
457
459
460
460
461
462
463
464
464
465
466
467
468
468
472
472
476
477
Bibliographie............................................................................................
481
Index...........................................................................................................
505
ditions dOrganisation
522
Des managers, des vrais ! Pas des MBA est une pierre
dans le jardin souvent complaisant des coles de
gestion. Quiconque a ce diplme, veut lavoir, ou se
demande juste pourquoi on en parle tant, devrait
imprativement le lire. THE ECONOMIST
Beaucoup de professeurs sont dous pour trouver
des questions pertinentes. Ce qui distingue
Mintzberg est quil sait mettre au point des
rponses.
FAST COMPANY
Tout le monde court aprs les MBA : les recruteurs, les candidats, les coles de
commerce Mais que vaut vraiment ce diplme ? Forme-t-il des managers,
ou plutt des arrivistes inadapts aux exigences concrtes des postes de
direction ?
Henry Mintzberg mne une immense enqute dans le monde des dirigeants
et conclut la ncessit den nir avec les MBA. Il ne sarrte pas l et
sinterroge sur les moyens de former les dirigeants. Des programmes adapts
et utiles existent dj ; il est possible et souhaitable de les dvelopper.
Son livre, unique par son ampleur et sa profondeur, est la fois un pamphlet
impitoyable contre la folie de la mode des MBA, et un guide pratique pour
ceux qui veulent faire autre chose.