Manager Au Quotidien Pour Les N - Jeremy STUBBS

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Jeremy Stubbs

en collaboration avec Caroline Facy et Bruno Luirard

Manager au
quotidien

Nouvelle édition
Manager au quotidien pour les Nuls
© Éditions First, un département d’Édi8, 2015, 2022 pour la
présente édition.
Publié en accord avec John Wiley & Sons, Inc.

« Pour les Nuls » est une marque déposée de John


Wiley & Sons, Inc.
« For Dummies » est une marque déposée de John
Wiley & Sons, Inc.

ISBN : 9782412084212
Dépôt légal : septembre 2022

Correction : Isabelle Chave


Indexation : Servane Heudiard
Illustrations : Marty
Mise en page : Soft Office

Éditions First, un département d’Édi8


92, avenue de France
75013 Paris – France
Tél. : 01 44 16 09 00
Fax : 01 4416 09 01
E-mail : [email protected]
Site Internet : www.pourlesnuls.fr

Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle,


du contenu, de la couverture ou des icônes, par quelque
procédé que ce soit (électronique, photocopie, bande
magnétique ou autre) est interdite sans autorisation par
écrit des Éditions First.

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reproductions destinées à une utilisation collective. Toute
représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite
par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de
l’Auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une
contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants
du Code de la propriété intellectuelle.

Ce livre numérique a été converti initialement au format


EPUB par Isako www.isako.com à partir de l'édition papier
du même ouvrage.
À propos des auteurs
D’origine anglaise, consultant, universitaire et
écrivain, Jeremy Stubbs est intervenu à l’ESCE
Internation Business School (Paris), au CELSA (La
Sorbonne) et à l’University of London Institute in
Paris, ainsi qu’en entreprise sur les thématiques du
leadership et du management interculturel. Il est
l’auteur d’un MOOC pour la Banque Publique
d’Investissement et OpenClassrooms : Comment
développer son leadership. Il est également l’auteur
du Management pour les Nuls.

Bruno Luirard est entrepreneur social depuis plus


de 30 ans. Après avoir créé un premier cabinet de
formation, et rejoint CAP Gemini en tant que VP
secteur santé, il fonde en 2003 la voie des Hommes,
communauté d’indépendants. Il intervient en tant
que conférencier, conseil et executive coach auprès
des dirigeants et organisations sur les enjeux de
mutation du travail, l’impact sur nos systèmes de
solidarité et les modèles de gouvernance partagée.

Après 13 ans d’expérience de management dans un


grand groupe audiovisuel (M6), Caroline Facy se
forme au coaching à HEC. Elle monte sa structure
AtoutGenre en rejoignant La voie des Hommes
en 2012. Depuis, elle accompagne les managers,
individus, équipes et organisations, plus
particulièrement sur les sujets suivants : business
development, stratégie de communication,
accomplissement en travail des femmes, mutation
des sciences de l’éducation et de l’information,
sens donné à nos actions.
Contributions
Ont également contribué à cet ouvrage :

– Jérôme Bontemps

au chapitre 12 « Manager en mode projet »

– Alexandre Coudray

au chapitre 13 « Exploiter les mutations


technologiques »

au chapitre 20 « Dix classiques de la littérature


managériale »

– Carole Dolard

au chapitre 18 « Équilibrer la vie professionnelle et


personnelle »

– Florence Despras

Au chapitre 10 « Manager la diversité »

– Samuel Hennequin

au chapitre 14 « Gérer les situations


problématiques »

– Jean-Marc Lasserre
au chapitre 6 « Attirer les talents »

– Samuel Legrand

au chapitre 15 « Manager ses supérieurs »

au chapitre 16 « Manager ses clients, ses


partenaires et ses fournisseurs »

– Stéphane Mousset

au chapitre 14 « Gérer les situations


problématiques »

– Alexandre Okupny

au chapitre 13 « Exploiter les mutations


technologiques »

– Pierre Smilovici

au chapitre 7 « Motiver ses troupes »

au chapitre 11 « Conduire ou subir le


changement ? »

Praticiens en management et stratégie de


transformation

– Emmanuelle Butaud-Stubbs

au chapitre 17 « Manager dans le contexte de la


société civile »
Déléguée général du Comité français de la Chambre de
commerce international, ancien membre du Comité
économique et social européen
Introduction
Ce livre a été conçu pour permettre à tous les
managers – ceux qui sont très pressés et ceux qui
le sont moins – de bien comprendre l’ensemble des
aspects du management et d’adopter des approches
simples et pratiques pour s’en sortir dans toutes les
situations. Des méthodes à appliquer, exposées
étape par étape, sont complétées par des cas, des
récits et des témoignages. Le livre conduit le lecteur
à travers un panorama des différentes facettes du
management humain, mais le lecteur peut très bien
le consulter ponctuellement pour chercher la
réponse à une question précise.

Pourquoi lire un livre sur le


management ?
Certains lecteurs potentiels diront : « Je n’ai pas
besoin de lire un livre de management. Je suis déjà
manager et je m’en sors assez bien ! » D’autres
seront de l’avis que « la meilleure façon
d’apprendre le management, c’est sur le tas. La
théorie, c’est pour les étudiants ! » Les auteurs de
ce livre partagent la conviction que le management
est surtout une affaire pratique.

Pourtant, nous pouvons tous améliorer nos


capacités en profitant à la fois des expériences des
autres et des études scientifiques. Qu’il s’agisse
d’acquérir les gestes essentiels du management ou
de les perfectionner, le premier pas consiste à
prendre conscience de nos limites actuelles et à
nous entraîner pour les dépasser. Ce livre apporte
les éléments d’un tel entraînement, de même qu’il
apporte des solutions adaptées à des problèmes
spécifiques que le lecteur rencontrera
inévitablement au cours de sa carrière de manager.

Pourquoi lire ce livre sur le


management ?
Une autre réaction possible de la part d’un lecteur
consisterait à dire : « Je n’ai pas le temps de lire un
livre sur le management ! » Ce livre sur le
management a été fait pour être facile à feuilleter
et à consulter. Mais en plus, il va vous permettre de
faire des économies de temps appréciables.
Comment ? D’abord, grâce à des chapitres qui
traitent explicitement de la gestion du temps, que
ce soit au bureau ou dans les interactions entre
notre vie professionnelle et notre vie personnelle.
Ensuite, parce que s’en sortir mieux et plus
facilement dans nos tâches de manager implique à
la longue des gains inévitables de temps et
d’énergie.

Comment peut-on être si sûr du résultat ? Ce livre


est le fruit des expériences réelles sur plusieurs
décennies d’un groupe de consultants qui
accompagnent toutes sortes de managers dans la
plupart des situations imaginables, des plus
routinières aux plus dramatiques. Il est alimenté
aussi par la recherche la plus récente en termes de
management, ce qui permet notamment d’aborder
des questions relativement nouvelles comme le
leadership, l’intelligence émotionnelle, la diversité
et le contexte plus large de la société civile. Et
comme les auteurs sont bien conscients que, face à
une situation spécifique, on ne peut pas toujours
appliquer directement une recette générale,
l’accent est mis dans ce livre sur le pouvoir du
questionnement. Le manager qui se pose les bonnes
questions peut découvrir le moyen d’appliquer un
principe général dans le contexte spécifique où il se
trouve. Poser les bonnes questions constitue aussi
le meilleur moyen de stimuler, d’inspirer et de
guider les autres. On peut pratiquement dire que le
management, c’est l’art du questionnement.

Comment ce livre est


organisé
Le management et le monde de l’entreprise
connaissent un changement de paradigme. Dans la
vie professionnelle, le système de nos relations,
influences et interactions est en train d’évoluer,
donnant lieu à des problématiques nouvelles et à
des opportunités inédites.

Ce livre aidera les managers, actuels comme futurs,


à s’adapter à ces évolutions, grâce aux informations
contenues dans les cinq parties suivantes.

Première partie :
Manager la performance
Le manager est principalement concerné par la
performance : sa propre performance, celle de ses
équipes et celle de son entreprise. Ici, nous
découvrons le rôle fondamental, à tous les niveaux
de l’organisation, de la stratégie, comprise de la
manière la plus simple possible et exprimée de
façon inspirante. Car c’est seulement à la lumière
des objectifs stratégiques à atteindre que le
manager peut mesurer les progrès accomplis. Mais
pour mener ses troupes vers un but qui peut parfois
sembler lointain ou difficile, le manager a besoin
des qualités d’un leader, c’est-à-dire de courage et
d’intégrité, sans oublier la productivité personnelle
ni l’art de la communication.

Deuxième partie :
Manager ses troupes
Il est impossible d’oublier – du moins, on
l’espère ! – que le management s’occupe des êtres
humains aussi bien, sinon plus, que des systèmes
et des processus. Cette partie montre comment le
manager peut recruter et fidéliser ses équipes, les
motiver, les faire travailler efficacement ensemble,
pour finalement les évaluer de la manière la plus
juste, la plus sensible et la plus constructive.
Troisième partie :
Manager le changement
Si tout restait pareil, la tâche du manager serait,
sinon évidente, du moins beaucoup plus facile.
Aujourd’hui, les changements arrivent de tous les
côtés et de manière continue, rendant nécessaires
des transformations souvent très complexes. Cette
partie aborde les différentes questions soulevées
par ce monde en mutation. C’est bien sûr
l’environnement externe qui évolue, mais les
disruptions et les perturbations ont aussi des
sources internes à l’entreprise, parmi lesquelles
l’impact des nouvelles technologies sur nos façons
de travailler, et les difficultés qui sont toujours à
prévoir quand les êtres humains font face aux
rivalités qui existent entre eux, et aux différents
types de pression – psychologique et
professionnelle – qui pèsent sur eux.

Quatrième partie :
Manager son écosystème
Le périmètre du manager ne se limite pas à son
service ou même à son entreprise. Au-delà de ses
relations avec ses collaborateurs et ses collègues, le
manager doit s’occuper aussi de ses chefs, ceux qui
sont au-dessus de lui et qui lui transmettent leurs
instructions. En dehors de l’entreprise même, il y a
les fournisseurs, distributeurs et clients qui
l’attendent, sans parler de la société civile qui
l’observe, le critique, et souvent voudrait
l’influencer… Cette partie guide le lecteur à travers
ce paysage plus étendu, plus compliqué, plus
délicat à maîtriser.

Cinquième partie : La
partie des Dix
Pour qui voudrait réfléchir sur les grandes
transformations qui ont lieu actuellement dans le
management, cette partie propose des pistes
simples et quelques lectures choisies pour stimuler
la pensée du lecteur.

Les icônes utilisées dans ce


livre
C’est une des marques de fabrique de la collection
« pour les Nuls » : au fil de l’ouvrage, en marge du
texte principal, vous trouverez de drôles de petites
icônes. Ces balises ne sont pas là pour la
décoration : elles visent à attirer votre attention sur
certains passages.

Voici la signification de chacune de ces icônes :

Cette icône indique des informations à graver


absolument dans votre mémoire. Si vous n’arrivez
pas à mémoriser toutes les informations que vous
lisez, retenez au moins celles-là.

La théorie, c’est bien. La pratique, c’est mieux ! Ces


exemples vous aident à vous mettre en situation
pour gérer au mieux toutes les situations.

Cette icône signale un témoignage ou une histoire


illustrant une situation de management réelle, pour
ancrer la théorie dans la réalité.

En fin de chapitre, vous trouverez un encadré pour


tester vos connaissances des thématiques
développées dans les pages précédentes.

Il s’agit ici de petites astuces pour vous aider dans


votre rôle de manager, quelle que soit la situation.
Si vous voyez cette icône, c’est que l’information
qui suit est essentielle : elle vous évitera de tomber
dans un piège ou une situation délicate.

Cette icône vous donne les clés pour faire les bons
choix.

Et maintenant, par où
commencer ?
De même que le management peut prendre de
multiples formes, vous pouvez lire ce livre dans
l’ordre qui vous convient le mieux. Si vous
souhaitez connaître ou reprendre les bases du
management, nous vous conseillons de commencer
par la première partie, puis de continuer votre
lecture en suivant l’ordre des chapitres, afin
d’approfondir différentes thématiques.

Si vous souhaitez en revanche trouver des


informations à propos d’un sujet en particulier à un
moment donné, vous pouvez vous servir du
sommaire pour trouver le chapitre qui vous
convient, ou picorer les informations qui vous sont
utiles en recherchant un terme dans l’index.

N’attendez plus et plongez-vous dans ce livre !


Partie 1
Manager la performance
Dans cette partie…

Nous découvrirons les actions fondamentales du


management et du leadership, de la stratégie à
l’évaluation des performances. Nous
développerons les compétences indispensables à
la bonne exécution de ces actions, que ce soit le
maniement des questions ouvertes, la pratique de
l’intelligence émotionnelle ou l’art de la
communication.
DANS CE CHAPITRE
Le management : un élément incontournable de la vie
quotidienne

Le questionnement comme principe d’action et de
motivation

Management et stratégie : un lien indéfectible

Chapitre 1
Comprendre le management
S i vous voulez être un bon manager, il est normal
que vous cherchiez à mieux comprendre en quoi
consiste exactement le management. Pourtant, le
verbe « manager » ne désigne pas une activité
réservée aux seuls « managers ». Nous sommes
tous occupés à manager les autres.

Même si vous êtes situé plutôt en bas d’une


hiérarchie, vous devez d’une certaine façon
manager vos collègues, vos pairs. On peut aller
jusqu’à dire que, dans vos relations avec vos
supérieurs hiérarchiques, vous devez également les
manager eux. Si vous êtes parent, vous managez
vos enfants, ou du moins vous essayez de le faire.
Et ce n’est pas encore fini ! Afin de réaliser ce que
vous voulez faire dans la vie, quelquefois à
l’encontre de vos propres caprices momentanés ou
d’une certaine inclination pour la paresse, il vous
faut apprendre à vous manager vous-même.

Déjà deux conclusions s’imposent. D’abord, le


management est presque toujours présent à un
degré variable dans les relations humaines, sans
qu’il se confonde entièrement avec elles.
Deuxièmement, le management n’est pas une
simple affaire d’autorité et de subordination.
Hâtons-nous donc de découvrir l’essence de ce
phénomène aussi mystérieux que terre à terre.

Les composants essentiels


du management
Au fond, le management n’est pas seulement une
« théorie », bien que l’on puisse théoriser à son
sujet. Le management est d’abord une activité.
Cette activité consiste à :

• Étape 1 : définir des objectifs réalisables.

• Étape 2 : motiver les gens, afin qu’ils réalisent


ces objectifs.

• Étape 3 : organiser et coordonner efficacement


leurs activités pour qu’ils atteignent ces
objectifs, en contrôlant les résultats.

• Étape 4 : gérer prudemment toutes les autres


ressources nécessaires à la réalisation de ces
objectifs.

• Étape 5 : réagir et s’adapter aux événements


imprévus et aux changements significatifs
dans son environnement.

Si vous cherchez à réaliser cette série d’actions, que


ce soit en lançant une start-up dans le domaine du
développement des applications mobiles, en
creusant et exploitant un nouveau puits de pétrole
pour une multinationale, ou en organisant un
anniversaire pour vos enfants, vous êtes en train de
manager.
Une science de
l’imprévisible nature
humaine
Le management est souvent enseigné dans les
universités et les écoles comme étant une science.
Il faut certes une compréhension d’ordre
scientifique pour bien gérer les matières premières,
la logistique, les environnements réglementaires et
juridiques, la détermination et la coordination des
différents rôles et gestes dans une usine
d’automobiles ou dans un centre d’appels.
Cependant, le management est aussi un art, dans la
mesure où l’individu doit s’entraîner à sa pratique,
se familiariser avec les nombreux types de
situations que l’on peut rencontrer et constamment
ajuster son action aux spécificités de chaque cas qui
se présente. D’ailleurs, la variété et l’imprévisibilité
des circonstances qui entourent le manager
s’accroissent de manière exponentielle par le fait
que nous sommes obligés de gérer, non seulement
des ressources et des processus, mais aussi des
êtres humains. Bref, à chaque étape, nous sommes
confrontés à la nature humaine. Ah oui, la nature
humaine, si imprévisible, si frustrante, si
rationnelle à certains moments, si irrationnelle à
d’autres, si docile un jour, si rebelle le lendemain…

À l’époque actuelle, les scientifiques qui se


penchent le plus sur nos activités quotidiennes, les
économistes, abandonnent leurs théories fondées
sur la notion de l’« homme rationnel » (homo
æconomicus), l’homme qui connaît et poursuit ses
véritables intérêts en exploitant au mieux les
ressources dont il dispose. Ces chercheurs, adeptes
de l’« économie comportementale », préfèrent
étudier la nature humaine en scrutant les
comportements des groupes et des individus dans
des situations authentiques. Comme eux, le
manager moderne doit connaître ou mieux
connaître la nature humaine pour parvenir à ses
fins.
Origines et leçons du mot « management »

De nos jours, le mot très anglo-saxon de « management » a


évincé dans un certain nombre de contextes les termes
traditionnels en français de « direction » et de « gestion ». Et
pourtant, le mot « management » a été emprunté à la langue
française par les Anglais au XVIe siècle. Calqué sur un terme
italien, lui-même dérivé du latin, manus, « main », le français
mesnager signifiait « guider un cheval en tenant les rênes ».
Cette idée perdure aujourd’hui dans le terme « manège ».
Ensuite, le mot a désigné l’action de diriger une unité
économique, comme un « ménage ». Aujourd’hui le verbe
« ménager » réunit les sens d’« économiser », « gérer »,
« arranger » et « traiter quelqu’un avec égards ».

En cela, « ménager » et « manager » restent très proches. Le


terme français révèle beaucoup sur le management,
réunissant les deux perspectives scientifique et humaine. Il
s’agit de mesurer, d’organiser, de diriger quelque chose, mais
aussi de traiter quelqu’un avec tous les égards nécessaires.
C’est pour cette raison qu’on peut manager non seulement
ses subordonnés, mais aussi ses supérieurs : on s’occupe
d’eux de la bonne manière pour arriver à ses fins.

Que ce soit en entreprise, dans une ONG ou dans


l’administration publique, on peut avoir un plan
formidable, des notions très exactes des ressources
à mettre en œuvre, une connaissance précise des
besoins et des enjeux de la situation, mais tout son
projet peut échouer à cause du « facteur humain ».

Imaginons un technicien très galonné mais sans


trop d’expérience de la responsabilité et du
commandement. Quand il est promu chef de sa
division, on peut dire que sa nouvelle situation est
doublement préoccupante : il a perdu son meilleur
technicien et il a acquis un mauvais chef. Il s’agit,
bien sûr, dans les deux cas, de lui ! Pour être un
bon manager, il faut savoir influencer les individus
de sorte qu’ils fassent ce que vous voulez ou ce qui
est nécessaire au projet.

Les qualités requises


pour être un bon
manager
Nous savons que ce que fait le manager est
représenté par nos cinq étapes susmentionnées.
Mais pour qu’il parvienne à ses fins, confronté à la
nature humaine, quelles sont les capacités qu’il
doit maîtriser ? Autrement dit, que doit posséder le
bon manager ? Voici les six qualités humaines
fondamentales qui s’appliquent dans toutes les
situations :

❶ Vision du réel : il a une bonne idée de la


manière dont les choses se passent et vont se
passer.

➋ Autorité : quand il demande aux gens de faire


quelque chose, ils le font.

❸ Charisme : il inspire de l’enthousiasme aux


gens et leur donne l’envie d’agir.

❹ Empathie : il a suffisamment d’intelligence


émotionnelle pour comprendre les autres et
presque lire dans leurs pensées et leurs
sentiments.

❺ Clarté : il exprime clairement et de manière


persuasive ses idées, en bon communicant.

❻ Intégrité : il montre l’exemple et assume ses


responsabilités, même quand les choses
tournent mal.

Ces qualités, pour naturelles et innées qu’elles


soient dans une certaine mesure pour la plupart
d’entre nous, méritent toujours d’être cultivées et
perfectionnées. Dans ce livre, vous apprendrez à le
faire dans des situations quotidiennes. Pour
l’instant, portons notre attention sur celle qui
cristallise les autres et représente pour beaucoup de
managers le levier central du management :
l’autorité.

Après tout, il faut que les autres fassent ce que je


leur dis de faire, n’est-ce pas ? Et qui est mieux
qualifié que moi, leur supérieur hiérarchique, pour
leur donner des ordres ? Pourtant, on peut se
demander si la magie d’un titre est suffisante pour
se faire obéir ?

Le manager entre
autorité et motivation
Le cauchemar du manager, c’est l’impuissance :
lorsque les autres refusent de faire ce qu’il leur
demande de faire. Ils se révoltent ou font preuve
d’une inertie infinie. Cela peut arriver parfois
même aux managers les plus qualifiés, mais à notre
époque, la situation devient critique.

De nos jours, beaucoup de cadres supérieurs se


plaignent de leurs jeunes recrues, celles dites de la
génération Y, c’est-à-dire les travailleurs nés entre
la fin des années 1970 et le milieu des années 1990.
Ces dernières n’écoutent pas leurs chefs avec toute
la déférence requise. Pendant qu’on leur donne des
consignes, elles se concentrent plutôt sur leur
téléphone mobile en consultant leur compte
Twitter ou leur page Facebook. Elles demandent à
participer aux décisions plutôt que de les accepter
passivement. Que faire ?
Portrait-robot de la génération Y

Aux yeux de leurs aînés, de leurs professeurs et de leurs


managers, les adultes de la génération Y se montrent
particulièrement rétifs à l’autorité traditionnelle.

Tandis que les jeunes cadres d’autrefois reconnaissaient


implicitement le pouvoir de commandement du chef, ceux
de la génération Y n’en ont cure.

Ils respectent, non celui ou celle qui tient telle ou telle


position dans l’organigramme de l’entreprise, mais plutôt
celui ou celle qui sait retenir leur attention en leur proposant
des projets captivants.

Obéir les intéresse beaucoup moins que participer.

Habitués à zapper entre la tablette et le smartphone, la


durée de leur capacité d’attention est généralement plus
courte et plus imprévisible.

Ils s’attendent à dialoguer d’égal à égal avec tout le monde,


exactement comme dans leurs échanges sur les réseaux
sociaux.

Dans toutes leurs activités, ils font preuve de curiosité et


cherchent du sens et de la nouveauté.

Malgré leur attitude apparemment nonchalante, ils sont


prêts à s’impliquer dans de grands projets, voire de grandes
causes humanitaires et planétaires*.

* Voir Olivier Rollot, La Génération Y, Presses universitaires de


France, 2012.

Il arrive souvent que nous nous fassions obéir


seulement en apparence. Nous évitons ainsi de
perdre la face, mais au bout du compte, les
résultats ne sont pas ceux espérés. Dans ces cas, les
collaborateurs acquiescent devant nous, mais ne
font pas ce qui était demandé. Ou ils obéissent
consciemment, tout en désobéissant
inconsciemment, tellement ils sont peu inspirés
par nos instructions. Certains managers parlent des
vertus du bon vieux système du bâton et de la
carotte, l’univers du collaborateur se divisant entre
punitions et récompenses. Cependant, là encore, les
résultats de nos jours s’avèrent trop souvent
médiocres, à peine plus que suffisants…
Déclin du système du bâton et de la carotte

Action Conséquence Le Le vrai résultat


résultat d’amortissement
selon le annuel
manager

BÂTON Le salarié Le manager Le Le salarié


ne fait pas punit le salarié accumule du
ce que dit salarié apprend ressentiment,
le manager sa leçon se démotive
– ou le fait
mal

CAROTTE Le salarié Le manager Le Le salarié


fait ce que récompense salarié s’active pour
dit le le salarié est plus avoir une
manager – motivé carotte, quand
et le fait il y en a une,
bien mais pas plus

Pour en savoir plus sur la motivation humaine, voir Daniel


Pink, La Vérité sur ce qui nous motive (Leduc.s, 2011).

Parfois c’est à se demander s’il est vraiment


possible de motiver les êtres humains !

Nous aborderons la motivation sous d’autres angles


au chapitre 6, mais l’art du management apporte
déjà une réponse immédiate à ce double problème
de l’autorité et de la motivation : c’est l’art du
questionnement.

L’art du management, c’est


l’art du questionnement
La capacité à poser les bonnes questions constitue
l’arme la plus puissante, la plus simple et la plus
fidèle du manager. Les bienfaits du questionnement
sont concrets :

• Attirer l’attention des autres sur les sujets que


vous croyez importants.

• Faire participer les gens en éveillant leur


curiosité naturelle et en les challengeant.

• Valoriser les contributions des uns et des


autres et rehausser leur estime de soi par
l’intérêt que vous manifestez pour leurs
réponses.

• Indiquer la direction que vous croyez bonne à


prendre, grâce à un enchaînement habile de
questions.

• Faire voir à tous l’intérêt commun qui


réconcilie ou transcende les intérêts
individuels.

• Donner à tous l’envie d’agir ensemble dans le


bon sens et leur permettre finalement de se
motiver eux-mêmes.

Les êtres humains sont naturellement curieux,


naturellement stimulés par les énigmes et les défis,
portés à exprimer leur opinion sur tous les sujets.

Faisons une expérience très simple. Demandez à


quelqu’un de répondre à la question suivante en y
donnant toute son attention :

« Quel est le plus long des deux, le fleuve


Amazone en Amérique du Sud ou la Route 66 aux
États-Unis ? »

Votre interlocuteur ne pourra pas résister à la


tentation immédiate de chercher la « bonne »
réponse, avant de comprendre que cette question
est absurde et inutile. Imaginez maintenant
combien vous capturerez son attention en lui
posant une question qui porte sur ce qui l’intéresse
profondément.
Questions ouvertes et
questions fermées
Les questions se divisent en plusieurs catégories.
Celles qui sont les plus aptes à susciter la curiosité
et à challenger les individus sont les questions
« ouvertes ». Les questions ouvertes contiennent
des mots (pronoms, adverbes, adjectifs)
interrogatifs : « qui », « que », « quoi »,
« qu’est-ce que », « pourquoi », « comment »,
« combien », « quand », « où », « quel ». Elles
exigent des réponses plus développées qu’un
simple « oui » ou « non ». Des questions telles
que les suivantes focalisent l’attention et
l’intelligence de tous sur l’avenir et les enjeux
fondamentaux :

« Quel est notre véritable objectif ici ? »

« Comment l’atteindre ? »

« Pour quand faudrait-il l’atteindre ? »

Il suffit d’adapter ces formules à votre contexte


précis pour galvaniser votre équipe.

À côté des questions ouvertes, il y a les questions


« fermées ». Ce sont celles qui appellent une
réponse négative ou positive, « oui » ou « non ».
Elles servent à confirmer ou à infirmer une idée ou
une proposition qui a déjà été développée dans la
conversation.

« Ce projet est-il aussi important pour nous que


nous le croyons ? »

« Voulons-nous vraiment prendre un tel risque


dans les circonstances ? »

Les questions fermées peuvent mettre vos


interlocuteurs face à un dilemme à une étape
critique de votre dialogue ou les inciter à prendre
explicitement une direction déjà suggérée dans les
échanges antérieurs. De manière générale, les
questions fermées ont tendance à intervenir dans
une conversation après les questions ouvertes.
Celles-ci ouvrent des perspectives, mettent la balle
dans le camp de vos interlocuteurs et suscitent des
réponses créatives. Les questions fermées viennent
renforcer, préciser et pousser à la décision.

Une des erreurs les plus fréquemment commises


par les managers dans leurs conversations avec les
collaborateurs, c’est de poser une question fermée à
la place d’une question ouverte.
Considérez le dialogue suivant :

— Pouvez-vous nous représenter à la Foire de


Francfort le mois prochain ?

— Non, ce n’est pas commode pour moi.

La conversation arrive déjà à un point mort. Il faut


de l’énergie supplémentaire de la part du manager
pour la relancer. Essayons une autre approche :

— Qu’est-ce qui vous aiderait à nous représenter


à la Foire de Francfort le mois prochain ?

— Oh, je ne sais pas. Réfléchissons… Je ne suis


pas sûr de pouvoir y aller.

— Ce serait très dommage. Qu’est-ce qui vous


faciliterait le déplacement ?

— Je pense que si j’avais…

À chaque fois, c’est à votre interlocuteur de


réfléchir à la bonne réponse. Il est constamment
mis en demeure de trouver une solution positive.
S’il rétorque : « Est-ce vraiment nécessaire ? »
(question fermée), relancez la conversation avec
une question ouverte : « Qu’est-ce qui se passera
si nous ne sommes pas représentés à un événement
aussi important pour notre industrie ? » ou :
« Dites-moi qui d’autre que vous est mieux
qualifié pour nous représenter ? » Certains
protesteront ici en disant que c’est de la
manipulation du collaborateur. Que nenni ! Vous le
convaincrez à la fin seulement si vous avez de
bonnes raisons de croire que ce voyage est
nécessaire et que c’est lui la meilleure personne.
Vous faites triompher la logique, s’il y en a une,
face à l’inertie occasionnelle, toute naturelle, des
êtres humains.
Le management = une forme de
manipulation ?

Le mot de « manipulation » a la même origine que le mot


« management ». Les deux termes proviennent du latin
manus, « main », et désignent le fait de guider ou de déplacer
quelque chose avec les mains. Pourtant, la manipulation est
souvent considérée comme la face obscure du management.
Dans le langage courant, manipuler quelqu’un, c’est l’amener
à faire quelque chose qu’il ne veut pas faire ou qui n’est pas
dans son intérêt. Mais nous essayons presque tout le temps
de nous influencer les uns les autres. Déterminer si cette
influence va à l’encontre de la volonté ou de l’intérêt
véritable de quelqu’un n’est pas chose aisée. Les frontières
entre ce qui est dans notre intérêt et dans celui des autres
restent souvent floues. À la fin, les limites entre le
management légitime, éthique, d’un côté, et la manipulation
immorale de l’autre, sont établies par les lois et par les
cultures, tant nationales que d’entreprise.

En somme, les questions ouvertes et fermées


permettent de focaliser l’attention de tous sur les
véritables enjeux d’une situation et les véritables
intérêts communs des personnes concernées.
Questions alternatives et
questions rhétoriques
Deux autres types de questions méritent d’être
mentionnés ici. Il y a les questions alternatives :

« Faut-il lancer le produit maintenant ou


attendre pour voir les évolutions du marché ? »

Ces interrogations imposent un choix à vos


interlocuteurs. Attention, si vous avez de sérieuses
raisons de croire qu’une des alternatives est
vraiment préférable, ne posez pas une telle
question sans avoir préparé le terrain, pour que les
autres puissent identifier clairement le chemin le
plus logique.

Il y a aussi les questions rhétoriques – celles qui


n’appellent pas de réponse de la part des autres
parce que ces réponses sont évidentes ou
impossibles. Souvent, elles exploitent le pouvoir
des questions à stimuler le cerveau uniquement
pour asséner une évidence que les gens semblent
avoir oubliée :

« Voulons-nous vraiment sacrifier toutes ces


années de recherche technique uniquement parce
que la mode actuelle ne semble pas tout à fait
favorable à une telle innovation ? »

La plus puissante de
toutes les questions :
« pourquoi ? »
Si l’essence du management des êtres humains,
c’est l’art du questionnement qui fait ressortir
l’intérêt commun et implique les collaborateurs
dans un dialogue positif avec leur manager, les
questions les plus puissantes sont celles qui
commencent par « pourquoi ? ». Car, tandis que
s’effrite l’empire du bâton et de la carotte sur les
esprits, ces questions se révèlent être dotées d’une
force motivante à nulle autre pareille.

Nous l’avons déjà vu, la motivation est à la base du


management. Pourtant, il est terriblement difficile,
face à des collaborateurs, d’ouvrir le robinet de la
motivation collective, pour ainsi dire, quand on
veut. La motivation n’est pas quelque chose qu’on
apporterait à un individu qui en serait dépourvu. Un
être humain est habité par une multiplicité de
sources de motivation – d’ambitions, d’envies, de
besoins. Pour le manager, il s’agit de lui donner
l’opportunité d’exprimer sa tendance innée à
l’action. Bref, il s’agit de lui donner une raison
d’agir, de canaliser ses efforts. Et les questions qui
commencent par « pourquoi ? » invoquent
toujours des raisons.
Commencer par le pourquoi

Simon Sinek, dans sa célèbre conférence TEDx et son livre


best-seller*, explique de manière lumineuse l’importance
pour une organisation de poser la question primordiale du
« pourquoi » de ce qu’elle fait. Le « pourquoi » stimule
directement nos désirs et nos ambitions les plus profonds.

Cette question vous permet de galvaniser et de diriger vos


propres troupes. Les frères Wright ont effectué le premier
vol motorisé contrôlé, face à des concurrents mieux financés
et mieux qualifiés scientifiquement, parce que leur passion
pour la découverte plaçait le « pourquoi » de leur activité
plus haut que le « quoi ».

Cette question vous permet aussi d’enthousiasmer vos


clients et vos partenaires. Apple a largement dépassé la
plupart de ses concurrents dans le domaine de
l’informatique parce que, tandis que les autres se
définissaient comme des fabricants d’ordinateurs – le
« quoi » – la firme de Cupertino se définissait comme
créatrice d’expériences nouvelles pour le public – le
« pourquoi ».

Le succès d’une organisation, qu’il s’agisse des frères Wright,


d’Apple, ou de toute autre entité cherchant à réaliser un
projet commun, est toujours fondé sur sa capacité à trouver
la bonne raison pour agir.

* Voir Simon Sinek, Commencer par le pourquoi. Comment les


grands leaders nous inspirent à passer à l’action, Performance,
2014.

Toutes les études récentes ont tendance à montrer


que la plupart des salariés, à partir du moment où
ils trouvent leur niveau de récompense pécuniaire à
peu près satisfaisant, sont motivés par tout autre
chose que l’argent. Ils sont prêts à investir leurs
efforts, leur initiative, leur créativité, dans les
projets de l’entreprise s’ils y trouvent un sens. (Voir
Daniel Pink, La Vérité sur ce qui nous motive.)

Une raison collective d’agir qui ouvre une


perspective enthousiasmante sur un avenir où
chacun trouve un sens est ce qu’il y a de plus
motivant. Dans l’art du questionnement, la
première place revient donc aux interrogations qui
commencent par « pourquoi ? ».

Les règles d’or du


questionnement
Après des années passées à conseiller de nombreux
dirigeants, nous avons formulé cette double règle
fondamentale pour tous les managers :

Celui qui maîtrise les questions, maîtrise la


conversation. Celui qui maîtrise la conversation,
maîtrise l’action commune.

Pour bien manier l’art du questionnement, notez


bien ces conseils supplémentaires :

• Écoutez attentivement, en essayant, à travers


les réactions, de détecter les émotions et les
mobiles intérieurs de vos interlocuteurs.

• Valorisez toutes les réponses de vos


interlocuteurs, en donnant le plus de prix à
celles qui vous semblent servir la cause
commune du groupe ou de l’organisation.

Ne vous inquiétez pas ! Les capacités requises se


développent avec l’expérience et l’entraînement. En
tant que spécialistes, nous pouvons le certifier !

Notre règle, pour pratique qu’elle soit, provoque


inévitablement une interrogation supplémentaire.
Si la maîtrise des questions permet celle de la
conversation et ensuite celle de l’action commune,
qu’est-ce qui nous permet de maîtriser les
questions ? Comment trouver toujours la bonne
question ouverte à poser à ceux que nous
manageons ? À la fin, qu’est-ce qui, à part peut-
être notre titre et certaines compétences
techniques, nous distinguent dans la conversation
avec nos collaborateurs ? La réponse se trouve dans
notre dernière règle d’or du questionnement :

Celui qui maîtrise les questions, c’est celui qui


garde les yeux fixés sur les objectifs à atteindre.

Vous pouvez toujours garder la maîtrise des


questions, et affirmer votre rôle de manager, en
rappelant à vos collaborateurs les grands objectifs
ou les principes de base déjà communément
reconnus. Vous tirez vos interlocuteurs vers un peu
plus de hauteur de vues.

Considérons l’exemple suivant :

— Comment introduire ce nouveau système


informatique dans les meilleurs délais ?

— Ce système a été recommandé par Jean-Pierre.


J’ai toujours trouvé qu’il sous-estime les
difficultés. Regardez ce qui s’est passé l’année
dernière à Lyon…

— Mais Jean-Pierre est très qualifié. Ce qui s’est


passé à Lyon n’était pas de sa faute. Le sous-
traitant…

La conversation a déjà été détournée de son vrai


objectif. On s’empêtre dans des questions de
personnes et dans de l’autojustification. On parle
du passé et pas de l’avenir. Recommençons :

— Comment introduire ce nouveau système


informatique dans les meilleurs délais ?

— Ce système a été recommandé par Jean-Pierre.


J’ai toujours trouvé qu’il sous-estime les
difficultés. Regardez ce qui s’est passé l’année
dernière à Lyon…

— Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette


expérience ? Pour quelle(s) raison(s) avons-nous
choisi ce nouveau système ? Pourquoi est-il
nécessaire de l’introduire dans les meilleurs
délais ? Qu’est-ce que ce nouveau système nous
permettra de faire que nous ne pouvons pas faire
maintenant ? Pourquoi est-ce important pour nos
clients ? Sur quel principe stratégique étions-
nous tous d’accord lors du séminaire du mois
dernier ?

On n’est pas obligé de poser toutes ces questions à


la fois ! Il suffit d’en poser une pour braquer
l’attention de la salle sur le futur et les raisons plus
profondes qui motivent le groupe.

Pour prendre de la hauteur, il vaut mieux que le


manager comprenne les bases de la stratégie de son
organisation. Il pourra en partager les aspects les
plus saillants avec ses collaborateurs. D’où le lien
indéfectible, mais trop souvent sous-estimé, voire
ignoré, entre management et stratégie d’entreprise.

Management et stratégie
d’entreprise
Dans toutes les situations de management, même
les plus difficiles, c’est le « pourquoi » de toute
l’organisation qui va nourrir le « pourquoi » de
votre équipe et permettre au manager, quel que soit
son rang dans l’organigramme, de guider les
conversations et de mener l’action.

De la question du
« pourquoi ? » à la
stratégie d’entreprise
Si le questionnement provoque des visions
enthousiasmantes de notre avenir et de celui de
notre entreprise, s’il inspire des recherches de
solutions créatives pour réaliser lesdites visions
dans toutes les circonstances, que représentent ces
éléments sinon des composants essentiels de la
stratégie de notre organisation ? Une objection
immédiate pourrait être : « La stratégie ? Mais
c’est l’affaire des plus hauts dirigeants de
l’entreprise, c’est la chasse gardée du codir ! Inutile
d’imposer des concepts aussi ardus et abstraits à
nos collaborateurs… » Ou dans une PME : « C’est
le fondateur qui s’occupe de ça. » Certes,
déterminer la stratégie est la responsabilité de ceux
qui sont les mieux qualifiés pour analyser le
marché et faire de la prospective. Néanmoins, à y
regarder de près, une bonne, une vraie, stratégie
possède des vertus médicamenteuses qui, bien
dosées, tonifient et fortifient tout l’organisme,
permettant aux salariés de se projeter dans le futur,
d’accomplir leurs tâches de manière inventive et
efficace et même… d’écouter leurs managers avec
attention et intérêt.
Une contribution française à
l’histoire du management

Après la Seconde Guerre mondiale, les grands


pionniers du management aux États-Unis avaient
réussi à distiller l’essence du management comme
étant :

• la détermination par les managers des


objectifs de l’organisation ;

• la communication de ces objectifs à leurs


subordonnés qui étaient chargés de les
exécuter ;

• le contrôle de leur exécution.

C’était clair mais autoritaire, pyramidal même.


En 1968, tandis que la jeunesse manifestait dans
les rues de Paris, un monsieur très distingué et
diplômé, Octave Gélinier, alors directeur général de
la Cegos, leader français de la formation
professionnelle, publiait un livre intitulé – avec un
vocabulaire typique des Trente Glorieuses – La
Direction participative par objectifs. Nous dirions
aujourd’hui « Le management participatif par
objectifs ». Ici, il soutenait que la façon la plus
efficace de motiver et de manager une
organisation, c’était non seulement pour le
manager de communiquer les objectifs à ses
subordonnés, mais aussi de leur permettre de
comprendre la raison d’être de ces objectifs et de
collaborer avec eux dans la recherche des moyens
de les mettre en œuvre. Pourquoi ? Parce que le
collaborateur peut ainsi comprendre le sens ultime
de ce qu’il fait et se sentir impliqué dans un
partenariat avec ses chefs et son entreprise.
Malheureusement, au cours des années, cette
approche très positive a cédé la place à un
mouvement contraire, selon lequel le manager dit
à son collaborateur : « Je vous fixe vos objectifs,
mais je vous laisse toute la responsabilité pour les
réaliser – moi, je m’en lave les mains ! » Loin de se
sentir impliqué dans le système et dans son travail,
le collaborateur se sent abandonné par son
manager. Et trop souvent ses résultats s’en
ressentent. Maniant l’art du questionnement,
revenons plutôt aux idées d’origine de cette
initiative française, afin de galvaniser nos
collaborateurs.

Le fond du problème, c’est que l’idée de stratégie


est mal comprise, même parfois de ceux qui sont
censés concevoir et réaliser des stratégies.
Aujourd’hui, dans la bouche des managers, le mot
« stratégie », comme le mot « priorité », est
devenu trop souvent une étiquette que l’on colle à
un choix pragmatique qui marche à court terme
mais représente très peu à long terme pour la vie –
ou la survie – de l’entreprise. Justement, dans un
monde où l’incertitude et l’instabilité vont
grandissantes, où l’accélération du changement est
devenue si violente, les salariés et les dirigeants ont
plus que jamais besoin d’une stratégie commune.

“Il faut autour de soi, pour


exister, des réalités qui
durent.”
(Antoine de Saint-Exupéry)
Car la stratégie a au moins deux fonctions
importantes. La première consiste à identifier ce
qui reste stable – et doit rester stable – dans un
environnement où tout bouge sans cesse, c’est-à-
dire la finalité ultime et les valeurs fondamentales
de l’entreprise. La seconde consiste à anticiper
l’avenir et à préparer des actions qui permettront
de respecter les valeurs et de poursuivre la
réalisation du but ultime au milieu de toutes les
turbulences occasionnées par le changement. Nous
verrons que dans la construction d’une stratégie,
l’art du questionnement s’avère être là encore
d’une très grande utilité.
À la recherche de la stratégie : récit
d’un consultant en management

Voici le récit authentique de l’un des auteurs de ce


livre :

« En arrivant dans une entreprise, et en


interrogeant le personnel, depuis les cadres les
plus humbles jusqu’aux dirigeants, nous posons
souvent cette question aussi simple que
fondamentale : “Quelle est la stratégie de votre
entreprise ?” Les réponses sont à la fois variées,
prévisibles et révélatrices d’un certain malaise de
base.

Les cadres intermédiaires répondent normalement


en désignant un certain enchaînement d’actions.
Quand on leur fait savoir que la stratégie
d’entreprise ne peut pas être réduite à la seule
réunion de quelques gestes, ils disent : “Allez voir
mon supérieur, il saura vous expliquer notre
stratégie !”

Généralement, le supérieur apporte la logique


derrière ces quelques actions. Trop souvent il
ajoute que la stratégie se fonde dans quelque
nouvelle organisation “matricielle”* adoptée par
l’entreprise pour qu’elle puisse réagir plus vite que
ses concurrents aux changements du marché.

Ainsi, en guise de réponse à notre question, les


salariés décrivent ce qu’ils font. Leurs supérieurs
immédiats expliquent comment ces tâches sont
reliées entre elles pour permettre aux gens de
coopérer au sein de l’organisation. Mais si tout cela
a un léger parfum de stratégie, la plupart de ces
acteurs admettent volontiers que celle-ci leur
échappe. Nous sommes donc régulièrement
repoussés vers les strates altières de l’entreprise.

Là au moins on répond à notre question avec


confiance. Le directeur financier est convaincu que
la stratégie de l’entreprise est contenue dans le
plan d’affaires ou le modèle économique. Les
directeurs commercial et marketing sont tout aussi
convaincus que la stratégie réside entièrement
dans le positionnement de la marque ou sa
réaction aux nouveaux usages des
consommateurs. Tous ces éléments sont bien
entendu essentiels, mais apparaissent plutôt
comme des tactiques permettant à une partie de
l’entreprise de trouver une place au sein du
marché.
Parfois les plus éclairés, tout en haut de la
pyramide hiérarchique, affirment essayer
d’identifier – souvent à partir de signaux faibles – le
contexte économique et social dans lequel
l’entreprise devra évoluer et peut-être survivre à
l’horizon des 18, 24 ou même 36 mois à venir. Voilà
une facette importante de la stratégie : le
diagnostic prospectif permettant à l’entreprise de
trouver sa place au milieu d’un environnement
fluctuant.

Seuls quelques très rares individus nous répondent


que, outre le besoin d’anticiper et de dominer le
changement, la stratégie participe de manière
centrale à la création de l’identité de l’entreprise.
Qu’elle lui permet non seulement de rester à flot
au milieu de cet océan agité, mais aussi de savoir
où elle va et pourquoi. Autrement dit, d’avoir une
finalité ultime qui justifie tous les efforts pour
survivre et qui inspire tous ceux qui participent à
son aventure. »

* Une forme d’organisation adaptée à la gestion de


projets en entreprise.
L’art du questionnement
appliqué à la stratégie
d’entreprise
Quel est le bon questionnement conduisant à la
construction cohérente d’une stratégie – une
stratégie suffisamment claire et captivante pour
que les membres de l’organisation en question
puissent la partager, au moins dans ses aspects les
plus généraux ? Quatre questions résument tout le
processus :

❶ Quelle est la finalité ultime de notre


entreprise ? Autrement dit, si notre projet
réussissait complètement, que verrions-nous ?

➋ Quelles sont les valeurs fondamentales qui


guident notre conduite et qui nous distinguent
d’autres entreprises possédant une finalité
ultime similaire à la nôtre ?

❸ Quelles sont les activités que nous pouvons


sous-traiter et celles que nous devons toujours
garder afin de rester nous-mêmes ?

❹ Quels sont les obstacles et menaces à 360o qui


nous empêcheraient de conquérir notre finalité
ultime ?
La finalité ultime d’une entreprise :
trois exemples

Selon Henry Ford, le fondateur de la marque


automobile qui porte toujours son nom, la mission
globale de son entreprise était de faire en sorte
que chaque citoyen américain devienne le
propriétaire d’une voiture. À cette époque, entre
les deux guerres mondiales, c’était loin d’être le cas.

Pour Sony, le géant de l’électronique, la mission


ultime de l’entreprise était de transformer la
perception très négative des produits
manufacturiers japonais qu’avait le reste du monde
après 1945.

Remarquez que, dans les deux cas, ces finalités


sont simples et parfaitement compréhensibles
pour tous les membres de l’organisation. Elles sont
aussi tout à fait aptes à motiver tout le monde,
depuis le dirigeant le plus haut placé jusqu’à
l’ouvrier le plus modeste.

Apple se définit, nous l’avons vu ci-dessus, non pas


par ce qu’il fabrique, mais par l’impact qu’il a sur
ses clients. Les valeurs d’Apple – l’innovation
constante, l’ergonomie simple, une esthétique
épurée… – sont restées les mêmes à travers tous
les avatars de cette entreprise. Beaucoup de ses
activités sont sous-traitées à de nombreuses autres
entreprises, mais l’identité et la mission d’Apple
restent constantes.

La question 1 ci-dessus, en dépit de sa formulation,


représente le grand « pourquoi ? » de l’entreprise.
C’est une autre façon de demander : « Pourquoi
faisons-nous ce que nous faisons ? »

L’identité d’une entreprise est importante, non


seulement pour ses clients qui reconnaissent et
valorisent sa marque, mais aussi pour ses propres
collaborateurs qui ont tous besoin de savoir
pourquoi ils sont là.

Tout manager se doit de comprendre les grandes


lignes de la stratégie afin de pouvoir motiver et
guider les autres – et pour se motiver lui-même !

Place à la pratique !
Dans ce livre, nous ferons référence :

• aux cinq fonctions de base de l’activité de tout


manager, quel que soit son secteur ;
• aux six capacités essentielles du manager ;

• à l’art du questionnement ;

• à la définition de la stratégie ;

• et aux quatre questions clés permettant de


construire une stratégie cohérente.

Vous pouvez mettre en application les


enseignements de ce chapitre tout de suite en
réfléchissant aux questions suivantes. Les deux
premières portent sur votre « pourquoi ? »
personnel et sur celui de votre organisation :

• Quelle est ma motivation profonde dans mon


travail ? En quoi sert-elle l’intérêt collectif de
mon organisation ? Autrement dit, si je
gagnais le gros lot à l’Euromillions et que je
continuais néanmoins de venir au travail, ce
serait pour satisfaire quel besoin
fondamental ?

• Quelle est la finalité ultime de mon


entreprise ? En suis-je conscient(e) ? Mes
collègues et mes collaborateurs en sont-ils
conscients ?

Les quatre suivantes portent sur le maniement de


l’art du questionnement :
• Que puis-je faire pour répandre le plus
efficacement autour de moi la compréhension
de notre finalité ultime ?

• Lors de ma prochaine réunion avec mes


collaborateurs, quelles sont les trois questions
ouvertes les plus stimulantes que je puisse
formuler afin de nous faire progresser tous
dans la bonne direction ?

• Comment vais-je accueillir les réponses à ces


questions et ensuite m’en servir dans l’intérêt
de tous ?

• Comment puis-je mieux remplir ma mission


de manager en parlant moins moi-même et en
faisant plus parler les autres sur les thèmes les
plus pertinents ?
Testons nos connaissances

❶ Le but fondamental de tout manager, c’est de :

❑ développer sa propre stratégie.

❑ définir des objectifs réalisables.

❑ savoir utiliser Twitter.

❑ être charismatique.

➋ Les questions « ouvertes » sont celles qui :

❑ représentent un dilemme.

❑ n’ont pas besoin de réponse.

❑ contiennent des mots interrogatifs.

❑ confirment l’opinion de votre interlocuteur.

❸ Du point de vue du management, une stratégie


d’entreprise doit surtout :

❑ incarner un modèle économique.

❑ motiver tout le personnel de l’entreprise.

❑ réagir aux nouveaux usages des


consommateurs.

❑ promouvoir la marque.
❹ Afin de préserver notre identité à travers
toutes les mutations imposées par notre
environnement changeant, notre entreprise
doit surtout :

❑ trouver de nouveaux partenaires.

❑ faire plus de publicité autour de la marque.

❑ déterminer les activités que nous ne sous-


traiterons pas.

❑ soigner son image.


DANS CE CHAPITRE
La définition du leadership et pourquoi le manager doit en
faire preuve

Les sept actions fondamentales du leadership

Les différentes approches

Réussir une nouvelle prise de fonctions

Chapitre 2
Devenir un leader
Le chapitre 1 a présenté le rôle fonctionnel du
manager au sein de son organisation et les différentes
actions qui en découlent :

• la définition des objectifs ;

• la motivation des individus pour les réaliser ;

• la coordination des activités et le contrôle des


résultats ;
• la gestion des ressources ;

• l’adaptation aux événements imprévus.

Tout cela est très bien, mais qu’en est-il du vécu


intérieur de ce personnage très particulier qu’est le
manager ? Celui-ci se trouve face à une triple tâche :
se manager lui-même, manager ses relations avec les
autres et, dans la mesure du possible, manager les
relations entre ces autres. C’est ici que nous abordons
la question du leadership. Le leadership désigne cette
« présence » qui, dans un groupe, distingue d’emblée
quelqu’un comme un leader. Comment cerner cette
« présence » ? Comment l’acquérir ? Le leadership
n’est au fond qu’une série de gestes qui peuvent être
identifiés et que l’on peut apprendre à mettre en
pratique.

Quel motif nous pousserait à tenter de devenir un


leader ? Pour qui veut être un manager quelconque ou
pour qui ne craint pas d’être un mauvais manager, il
suffit de rester courbé sur ses tâches et de se réfugier
dans son savoir-faire technique. En revanche, pour
être un bon manager, il vaut mieux faire preuve de
leadership. Certes, la transformation n’est pas
évidente. En général, les managers ne reçoivent pas de
formation en leadership. Mais qui n’a pas envie de
remonter le niveau de son jeu ? De se faciliter la vie
dans ses interactions avec autrui ? De réaliser ses
objectifs plus rapidement et au moindre effort ? De
mieux s’acquitter de ses obligations envers les autres ?
Dans ce chapitre nous allons réduire le leadership à
ses facettes essentielles, en montrant comment
adopter les actions qui les incarnent, tout en évitant
les pièges les plus fréquents. Nous ne délaisserons pas
pour autant l’arme secrète du manager : le
questionnement.

Pourquoi le manager doit-il


être aussi un leader ?
Le management et le leadership ne sont pas
exactement la même chose. On peut être un leader
sans être un manager et vice versa. Être un manager,
c’est remplir une fonction dans une organisation,
c’est-à-dire dans une structure plutôt formelle, avec
des règles et un organigramme explicites. Être un
leader, c’est être une personne qu’on écoute, qu’on
suit, qu’on respecte, qu’on craint parfois, quel que soit
le contexte social.

Pensez, par exemple, à une bande de jeunes : sans


qu’il y ait une structure formelle, il y a souvent un
individu qui assume le statut de chef, qui influence les
autres, qui prend parfois des décisions au nom du
groupe. Il se trouve même que plusieurs individus
prétendent jouer ce rôle, d’où des rivalités, des
exclusions, une hiérarchie des chefs ou un partage ad
hoc des responsabilités. En l’absence de règles et
d’organigramme, ce sont les qualités personnelles, les
gestes et les paroles des uns et des autres, qui
déterminent les rôles.

Bien qu’il s’agisse d’un phénomène très complexe, le


leadership n’est au fond que notre capacité à
influencer les autres, à attirer et à maintenir leur
attention, à parler de ce qui touche tout le monde, et à
proposer des activités à la hauteur de l’ambition
collective.

C’est ici que le manager est attendu. Pour bien


accomplir sa mission, il doit avoir un impact sur un
certain nombre de personnes : autour de lui, au-
dessous de lui et au-dessus. Il doit aussi subir la
pression des attentes de toutes ces personnes qui pèse
sur lui. Ce n’est pas chose aisée. Tout le monde n’a pas
la même facilité naturelle pour se débrouiller. Même
les individus qui naissent avec des dons innés peuvent
toujours gagner à perfectionner leurs talents.
Le « leadership » : encore un mot d’origine
anglo-saxonne

Le verbe to lead et le substantif leader, ont pour origine une


racine germanique qui signifie, « aller, guider, naviguer ». To lead
correspond au français, « mener » ou « conduire ». Un
« leader », c’est littéralement un « meneur ». Il s’agit de
quelqu’un qui, investi ou non d’une autorité officielle, est
capable de montrer le chemin, d’y aller le premier et de prendre
des initiatives au nom du groupe. Son autorité est dérivée, non
pas de son rang ou de son titre, mais de son audace, de sa
sagesse, et de son souci du collectif. C’est à la fois un chef et un
éclaireur.

Le mot leadership, indiquant ce rôle et les qualités qu’il requiert,


n’est pas utilisé avant le XIXe siècle. Pourtant, au XXe siècle son
utilisation explose dans les pays anglophones. Une immense
quantité de recherche y est consacrée, surtout aux États-Unis.
Pourquoi dans ce pays et à ce moment-là ? Afin sans doute de
répondre aux besoins en termes de vision et d’initiative d’une
grande démocratie qui est aussi un important foyer de la
seconde révolution industrielle et qui, par la suite, deviendra la
plus grande économie mondiale. C’est sans doute également
pour tenter de comprendre le côté sombre du leadership, qui
s’exprime à travers ces dictatures fascistes et communistes qui
jalonnent l’histoire du XXe siècle.
Les premières réflexions sur le leadership se focalisent sur le
rôle et les caractéristiques des « grands hommes », de qui c’est
apparemment le destin de devenir leader. Ensuite, par réaction,
les théoriciens soulignent l’importance des situations
particulières qui réclament un certain type de personnalité
plutôt qu’un autre. Winston Churchill, par exemple, avant la
Seconde Guerre mondiale, était généralement considéré par le
public et son propre parti comme quelqu’un d’extravagant et de
peu fiable. Mais en 1940, son heure a sonné : la situation
exigeait quelqu’un de démesurément têtu et courageux.

Ces deux approches – la personnalité crée le leader ou la


situation crée le leader – sont devenues complémentaires.

Plus récemment, l’obsession initiale avec le « meneur » a été


tempérée par l’étude du rôle des suiveurs, en anglais followers.
Ceux-ci contribuent activement à la création des leaders, mais
en plus, c’est leur adoption de la posture de suiveurs qui permet
à l’effort collectif de prendre son essor. On parle aujourd’hui,
très logiquement, de followership. Une certaine tendance à voir
la mission du chef comme étant de se mettre au service des
suiveurs avec toute l’humilité appropriée a même créé le terme
paradoxal de servant leadership.

Aujourd’hui, invoquant la notion d’« identité sociale », on


considère que les leaders qui réussissent le mieux, en plus de
leurs qualités innées et de leurs talents acquis, sont ceux qui
amènent leurs suiveurs à se voir comme les membres d’un seul
groupe et à considérer les intérêts collectifs du groupe comme
étant identiques à leurs intérêts personnels. Le général
Eisenhower disait déjà que l’essence du leadership consiste à
définir quelque chose que vous voulez voir fait, et à le faire faire
par quelqu’un d’autre parce que lui aussi veut le voir fait.

Si le mot « leadership » est courant dans la langue française en


Europe, au Canada on préfère « chefferie ».

Le leadership est souvent associé aux grands


personnages historiques, comme Georges Clemenceau
ou le général de Gaulle, mais ce n’est pas l’apanage
des « grands hommes ». On n’a pas besoin de se
montrer digne d’être « panthéonisé » pour exhiber
les qualités d’un leader à une certaine échelle. Il n’est
pas nécessaire d’être Jeanne d’Arc pour être un bon
chef de section ; il suffit d’inspirer confiance, de
communiquer avec clarté et enthousiasme, de montrer
l’exemple avec courage – et de le faire à un degré
proportionné aux besoins de la situation.

Si le manager ne joue pas du tout le rôle de leader,


quelqu’un d’autre risque de le faire à sa place, peut-
être même un de ses propres subordonnés. Que le
manager partage certains des aspects du leadership
avec les autres membres de son équipe ne constitue
pas un problème en soi, surtout à notre époque où les
vieilles hiérarchies rigides se révèlent de plus en plus
inaptes à gérer les situations complexes. Pourtant, si
le manager abdique le rôle de leader, les personnes qui
l’assumeront à sa place ne seront pas forcément
motivées par les mêmes bonnes intentions que lui.
Découvrons donc les différents piliers du leadership
qui permettront au manager de jouer son rôle avec
assurance, aisance et même brio.

Qu’est-ce que le
leadership ? Les sept
actions fondamentales
Selon une définition très simple, le leadership est un
ensemble de rapports qui s’établissent entre les
membres d’un groupe. S’il y a des leaders qui
« mènent », il y a aussi des « suiveurs », et ces deux
catégories ont besoin l’une de l’autre. Quand le roi de
France Hugues Capet a demandé à Adalbert, comte de
la Marche et du Périgord : « Qui t’a fait comte ? »,
l’autre a rétorqué : « Qui t’a fait roi ? » Les leaders
s’imposent à leurs suiveurs, mais ceux-ci choisissent
leurs leaders et leur permettent de jouer ce rôle.

Que cherchent les suiveurs en confiant une part de


leur autonomie d’action et de décision à quelqu’un
d’autre ? Les membres d’un groupe ont certains
besoins essentiels :
Besoin Questions implicites du suiveur

1 Le sentiment Quelle est l’identité du groupe auquel j’appartiens ?


d’appartenance Qu’est-ce qui symbolise cette identité ? Qui est-ce qui
incarne cette identité ?

2 La sécurité Quelles sont les menaces qui m’entourent ? Qui va m’en


protéger ?

3 La Qu’est-ce que je fais ici ? Qu’est-ce qui nous arrive ?


compréhension
de leur
situation

4 La définition Qu’allons-nous faire ? Pourquoi ?


d’un projet

5 La Qui est-ce qui va endosser la responsabilité des


responsabilité décisions touchant notre groupe ? Qui est-ce qui va me
confier certaines responsabilités en retour ?

6 La confiance En qui est-ce que je peux avoir confiance ? Qui est-ce


qui va avoir confiance en moi ?

7 La Si je me montre à la hauteur de ce que le leader me


reconnaissance demande, si j’avance les intérêts du groupe, quel statut
et la dans le groupe cela me donnera-t-il ?
récompense Quel bénéfice en retirerai-je ?

Le leader répond à ces besoins tant bien que mal.


Quelqu’un qui est à la fois un bon leader et un bon
manager y répond de la manière suivante :
Comment répondre aux différents
besoins

1) Le sentiment d’appartenance

ACTION DU LEADER : il comprend l’identité du groupe


(une bande d’ingénieurs, de commerciaux,
d’Espagnols, d’Anglais, d’anciens de HEC, de femmes,
d’hommes…) et il sait incarner ou faire valoir cette
identité.

EXEMPLE MANAGÉRIAL : parfois des généraux en


campagne mangent la même nourriture que leurs
soldats pour afficher la solidarité qui unit le groupe.
Parfois des grands managers mangent dans la
cafétéria comme tout le monde pour montrer qu’ils ne
craignent pas de se fondre dans la masse de leurs
collaborateurs. Le message implicite : « Comme vous,
je suis là pour m’occuper de réalités pratiques et non
pour me bichonner. »

QUESTIONS OUVERTES POUR LE MANAGER : Comment


montrer aux autres que je reste proche d’eux malgré mon
rôle à part ? Aux moments clés, comment réduire la
distance qui nous sépare ?

2) La sécurité
ACTION DU LEADER : il veille au bien-être de ses
équipes et cherche à les protéger. Il gère les conflits
internes du groupe pour que l’harmonie générale soit
maintenue.

EXEMPLE MANAGÉRIAL : le manager, recevant une


plainte de sa hiérarchie ou d’un client qui implique un
de ses collaborateurs, ne sacrifie pas celui-ci à la
vindicte générale, mais cherche à ce qu’il soit traité
avec justice. Il arbitre les disputes entre collaborateurs
de manière compréhensive.

QUESTIONS OUVERTES POUR LE MANAGER : Comment


protéger mes collaborateurs ? Comment être juste avec
tout le monde et l’être de manière visible ?

3) La compréhension de leur situation

ACTION DU LEADER : il est capable d’expliquer avec


simplicité et clarté à tous ses collaborateurs ce qui
arrive au groupe, en recueillant préalablement toutes
les informations nécessaires.

EXEMPLE MANAGÉRIAL : lorsqu’une fusion est


annoncée avec une entreprise jusqu’alors rivale, tous
les collaborateurs craignent pour leur poste. Le bon
manager ne laisse pas ses troupes dans l’ignorance,
en proie aux pires spéculations. Il n’entretient pas non
plus de faux espoirs quand les mauvaises nouvelles
sont les plus probables.
QUESTIONS OUVERTES POUR LE MANAGER : Qu’est-ce
que mes collaborateurs ont le plus besoin de savoir ?
Comment le leur expliquer de la manière la plus simple –
sans incohérence, exagération ni mensonge ?

4) La définition d’un projet

ACTION DU LEADER : il est capable d’articuler une


vision de l’avenir à la fois réaliste et motivante aux
yeux de tous ses collaborateurs.

EXEMPLE MANAGÉRIAL : apprenant qu’un concurrent


réussit à traiter beaucoup plus de dossiers clients par
jour que son propre service, le manager sait présenter
cette nouvelle comme un défi à relever par son
équipe, et non comme un poids de plus à supporter.

QUESTIONS OUVERTES POUR LE MANAGER : Quels


sont les objectifs atteignables qui découlent de cette
nouvelle situation ? Quel est l’intérêt commun auquel la
réalisation de ces objectifs correspond ?

5) La responsabilité

ACTION DU LEADER : il accepte la responsabilité qui lui


est confiée ; il ne cherche pas à culpabiliser les autres
injustement ; il admet les erreurs qu’il a commises.
Mais il n’a pas peur de mettre d’autres personnes face
à leurs responsabilités.
EXEMPLE MANAGÉRIAL : ayant nommé un nouveau
membre de l’équipe qui est parti après avoir
« intoxiqué » l’atmosphère, le bon manager accepte
ouvertement sa part de responsabilité et essaie
d’apprendre la leçon de cette erreur. Si un autre
membre de l’équipe a envenimé la situation, il ne
craint pas de le lui faire savoir de manière à ce que
l’autre puisse s’améliorer aussi.

QUESTIONS OUVERTES POUR LE MANAGER : Comment


faire de nos erreurs les moteurs de l’apprentissage ?
Comment admettre mes propres erreurs afin de montrer
l’exemple ?

6) La confiance

ACTION DU LEADER : à travers les cinq actions ci-


dessus, le leader inspire confiance à ses troupes. Il
doit aussi montrer qu’il a confiance en eux en leur
déléguant des responsabilités qui les valorisent et les
stimulent.

EXEMPLE MANAGÉRIAL : un manager récemment


nommé a supervisé l’installation dans son service d’un
nouveau système informatique. Lui est un spécialiste
de ce système qu’il connaissait déjà dans son poste
précédent. Sa prouesse technique a vite inspiré
confiance à ses collaborateurs. Ceux-ci connaissent ce
nouveau système beaucoup moins bien que lui, mais
suffisamment pour l’utiliser. Le manager doit résister
à la tentation de contrôler tout ce qu’ils font, de
proposer des conseils superflus et de se prévaloir
indûment de son expertise supérieure. Bref, il doit
arrêter de micro-manager les autres.

QUESTIONS OUVERTES POUR LE MANAGER : Qu’est-ce


que je peux faire aujourd’hui pour mériter la confiance
des autres ? Quand les autres me font confiance,
comment montrer que c’est réciproque ?

7) La reconnaissance et la récompense

ACTION DU LEADER : il témoigne sa reconnaissance


aux autres et il les récompense à la hauteur de leurs
contributions. Il valorise le travail coordonné de toute
l’équipe.

EXEMPLE MANAGÉRIAL : le vendredi soir, après une


semaine de travail fou couronné à la fin par un succès
éclatant, le manager qui a défini la stratégie gagnante
n’oublie pas de remercier toute son équipe des efforts
qui ont permis la réalisation de sa grande idée. Il invite
tout le monde à le rejoindre au bar avant de rentrer
dîner. Après avoir remercié le groupe collectivement, il
réserve des remerciements plus détaillés et en tête à
tête pour deux collaborateurs qui, depuis longtemps,
font preuve d’une énergie et d’une initiative hors du
commun. Dans le cas d’un des deux, il médite sa
recommandation pour une promotion qui mènerait ce
collaborateur à un autre service mais en lui donnant
une chance méritée.

QUESTIONS OUVERTES POUR LE MANAGER : Comment


reconnaître et récompenser les efforts communs ?
Comment reconnaître et récompenser les efforts
individuels ? Comment conjuguer ces deux opérations ?

Il est évident que, pour réaliser ce programme, le


manager-leader doit faire preuve de certaines
qualités. Il faut d’abord avoir du courage : des nerfs
solides, une résilience face au stress et une grande
maîtrise de soi-même. Il faut être un excellent
communicant, ce qui n’est pas la même chose que
d’être quelqu’un qui parle tout le temps. La
communication n’est jamais vraiment à sens unique.
Pour bien parler, il est nécessaire de savoir bien
écouter. Il faut aussi être doté d’une capacité à
comprendre les autres, à repérer ce qui leur est cher, à
anticiper leurs réactions, à déchiffrer leurs
sentiments. Et finalement, il faut savoir être
exemplaire. Nous approfondirons l’apprentissage de
ces différentes qualités personnelles au cours des deux
chapitres suivants.
Le leadership, l’éthique et
le pouvoir
Dans tout ce qui a été évoqué jusqu’ici, les
considérations éthiques ne sont jamais loin. Les sept
actions fondamentales du leadership sont surtout des
gestes accomplis devant les autres et donc jugés par
eux – selon leurs valeurs et/ou selon les valeurs
affichées par le manager-leader. Celui-ci n’a pas
vocation à être un saint, mais il doit être en accord
avec les principes qu’il énonce. En outre, il doit être
capable d’identifier les valeurs et les normes qui
régissent les comportements au sein du groupe dont il
est le chef. Si nécessaire, il lui faut infléchir ces
valeurs et ces normes vers une version plus apte à
réaliser les objectifs qu’il a fixés au groupe.

Le leadership est une question de pouvoir dans la


mesure où le leader est à même de distribuer des dons
et des punitions. Nous retrouvons ici la vieille histoire
du bâton et de la carotte. Le manager est souvent bien
placé pour exercer le pouvoir. Il a l’autorité de
l’organigramme derrière lui. Il a à sa disposition un
système officiel de récompenses et de sanctions, qu’il
s’agisse de prix (« ingénieur du mois »),
augmentations de salaire ou promotions, d’un côté, ou
de réprimandes, avis négatifs, refus d’augmentation,
mutations ou licenciements, de l’autre. Pouvoir
s’appuyer en principe sur ce système est un grand
avantage. Mais au jour le jour, le bon manager laisse
ce tableau visible en arrière-plan, surtout le côté
punitif, plutôt que de l’invoquer tout le temps et à tout
bout de champ. Il met son pouvoir au service de son
leadership et non le contraire. En temps normal, le
premier plan est occupé par son exécution des sept
actions fondamentales. Et n’oublions pas que le
manager, comme le leader, a un autre pouvoir : celui
de pardonner !

La personne qui exerce un pouvoir peut en éprouver


un sentiment de fierté, mais celle qui abuse de ce
pouvoir, celle qui fait souffrir ses followers pour le
plaisir de jouir de sa puissance, est un mauvais leader.

Le bon, la brute et le truand :


comment nos collaborateurs
nous voient-ils ?
Que verrions-nous si nous pouvions contempler le
portrait global que nos collaborateurs et collègues ont
peint de nous dans leur esprit ? Serions-nous capables
de reconnaître ce personnage ? Serions-nous pris du
désir immédiat d’effacer cette image pour y substituer
une autre ? De nos jours, les évaluations à 360 degrés
peuvent être des exercices aussi révélateurs que
pénibles. Afin d’éviter les aspects potentiellement
désagréables de ces opérations, passons en revue les
bons et les mauvais comportements les plus typiques
du leadership des managers, dans le but d’éviter
consciencieusement les premiers et d’adopter
rapidement les derniers. Cela nous aidera non
seulement à être mieux appréciés, mais aussi à être
réellement plus efficaces.

Ce « Mon manager ne reconnaît pas la valeur de mon travail. » «


qu’on Quand on fait quelque chose, mon manager dit toujours “Super !”.
dit de On ne sait pas si c’est bien ou pas. Il dit ça à tout le monde. »
nous

Les La reconnaissance et la compréhension.


besoins
en
cause

La Si vous appréciez le travail d’un collaborateur, il faut le lui dire


bonne clairement. En saluant la réalisation des différentes tâches, il vaut
piste mieux varier vos louanges selon l’importance et le degré de la
réussite, plutôt que de flatter tout le monde de la même manière.
Pour être convaincant et donner à l’autre l’impression que vous
avez vraiment compris ce qu’il a fait de bien, ajoutez des détails et
des raisons, par exemple : « J’ai particulièrement apprécié la façon
dont vous avez gagné la confiance de la cliente. »

Ce « Mon manager ne cesse pas d’annuler ou de reporter les


qu’on entretiens individuels. » « Quand je suis au téléphone avec mon
dit de manager, il semble toujours distrait et j’entends comme le
nous claquement de ses doigts sur son clavier. » « Notre chef prétend
nous déléguer des tâches, mais il est constamment en train de
surveiller chaque geste qu’on fait. »

Le La confiance.
besoin
en
cause

La On ne gagne jamais la confiance des autres en ignorant ou en


bonne dévalorisant leurs besoins individuels. C’est encore pire si on ne
piste leur fait pas confiance non plus. Déléguer, ce n’est pas micro-
manager. Le bon manager prend très à cœur le développement de
ses troupes, s’intéresse de près à leur progression et leur permet
suffisamment d’autonomie pour qu’ils grandissent. Ses troupes le
lui rendront bien.

Ce « Quand quelque chose ne réussit pas, notre manager prétend


qu’on toujours que c’est de notre faute ; par contre, quand ça marche,
dit de c’est uniquement grâce à lui ! »
nous

Le La responsabilité.
besoin
en
cause

La Un leader qui ne prend jamais ses responsabilités et qui reste trop


bonne occupé à voler le crédit qui appartient de droit aux autres, n’est
piste guère apprécié. L’erreur symétrique arrive aussi : confondre « se
faire aimer » et « se faire respecter ». Quelqu’un qui évite tout ce
qui pourrait froisser les autres uniquement pour être dans leurs
bonnes grâces compromet sa mission et finit par être considéré,
non comme responsable, mais comme « mou ».

Ce « Mon manager est toujours en train d’annoncer une stratégie et


qu’on d’en suivre une autre. C’est la pagaille chez nous ! » « Notre
dit de manager rejette systématiquement toutes les idées qui ne
nous viennent pas de lui. »

Le La définition d’un projet.


besoin
en
cause

La Donner une impression régulière d’incohérence et d’indécision


bonne sape le leadership du manager, de même que la surdité totale face
piste aux idées des autres, quelle que soit leur qualité. Le but du
manager, c’est de mettre en place un projet réaliste et
enthousiasmant. Il n’a pas besoin d’en être à chaque fois
l’architecte unique.

Ce « Quand il y a des changements importants dans l’organisation,


qu’on notre service est toujours le dernier à en être informé. »
dit de
nous

Les La communication, la compréhension, la confiance.


besoins
en
cause

La Il y a des managers qui ne transmettent pas les nouvelles


bonne importantes à leurs équipes parce qu’ils ne daignent pas le faire
piste ou, plus souvent, parce qu’ils craignent leurs réactions face aux
changements annoncés. En fait, nos collaborateurs sont moins
rétifs au changement qu’on ne croit, pourvu que nous les tenions
régulièrement au courant de ce qui se passe.

Ce « Après ma dispute avec le technicien, mon manager m’a


qu’on engueulé dans son bureau au lieu d’appeler le chef de l’autre pour
dit de l’engueuler lui ! » « Dans les conflits, notre manager prend
nous toujours le parti de ses petits chouchous. »

Les La sécurité.
besoins
en
cause

La Les collaborateurs se tournent vers leur leader pour les protéger,


bonne surtout quand ils croient être dans leur droit. Crier est souvent le
piste signe de la faiblesse du leader, comme c’est le cas ici : le manager
n’a pas assez de courage pour défendre son collaborateur, mais il
en a assez pour décharger sa colère sur lui.
Le besoin de sécurité des membres d’un groupe passe
normalement par un besoin de justice. Dans un groupe, un leader
doit parfois reconnaître l’appui qu’il reçoit de ses alliés, mais trop
de favoritisme aliène les autres qui ne peuvent plus compter sur
lui pour appliquer des règles justes. C’est encore pire quand le
leader récompense la dévotion envers sa personne plus que le
talent et l’effort.

Ce « Mon manager m’a appelée “Sandrine” parce qu’elle et moi, on a


qu’on le même nom de famille ! » « Notre manager ne sait même pas
dit de que notre équipe a remporté le tournoi de billard face aux gens
nous de marketing jeudi dernier ! »

Les Le sentiment d’appartenance.


besoins
en
cause

La Il y a de ces plaintes qui semblent avoir très peu à voir avec la vie
bonne professionnelle. Pourtant, comprendre et respecter l’identité du
piste groupe est fondamental. Sinon, le leader paraît mépriser le besoin
d’appartenance que ressentent ses collaborateurs. Le même effet
est provoqué par le refus du manager de défendre ses équipes
face aux critiques moqueuses du chef d’une autre section.
L’honneur de son service est bafoué. Mais attention, on peut aller
trop loin dans la tentative d’afficher sa solidarité identitaire. Si le
leader met trop souvent la main à la pâte en faisant les mêmes
tâches que ses subordonnés, ou se mêle trop souvent à des
activités de loisir, il risque de négliger ses propres responsabilités.
Le travail du manager, c’est surtout de créer les meilleures
conditions possibles pour le bon travail de ses équipes.

Après la compréhension des sept actions


fondamentales du leadership, tournons-nous vers la
question des différents styles de leadership.

L’exploitation des différents


styles de leadership
Un grand nombre de publications sur notre sujet
évoquent les différents « styles » de leadership. Ces
styles sont souvent associés à différents types de
personnalité et nous sommes fréquemment invités à
découvrir « notre » style individuel. Certes, il y a des
approches du leadership qui nous viennent plus
spontanément que d’autres et qui correspondent
mieux à notre zone de confort personnelle. Pourtant,
les expériences engrangées et les capacités acquises à
tel ou tel moment de notre vie ne représentent pas
nécessairement la somme de notre potentiel. Sans
aller trop loin trop vite, nous pouvons toujours, dans
notre pratique du leadership au jour le jour,
développer et maîtriser différentes approches. Il est
important de ne pas nous limiter prématurément, car
les différentes situations où nous risquons de nous
trouver exigent des styles différents et nous obligent à
abandonner, peut-être temporairement, nos habitudes
familières pour acquérir de nouvelles pratiques.

Considérons un cas flagrant, celui d’un manager qui


quitte une entreprise avec une culture hiérarchique
pour un poste avec plus de responsabilités mais dans
une start-up dans le domaine de l’informatique. Il
sera probablement obligé d’adopter un style plus
collaboratif. Préservons, donc, cette notion de
« styles », mais en gardant à l’esprit le fait qu’un
seul leader peut explorer et pratiquer plus d’un style
au cours de sa vie professionnelle.

Le degré d’autoritarisme donne un premier critère


pour catégoriser les styles de leadership. Prenons
comme point de départ les fameuses « théories X et
Y », proposées en 1960 par un chercheur américain,
Douglas MacGregor. Son grand ouvrage a été traduit
en français en 1969 sous le titre La Dimension humaine
de l’entreprise. Selon MacGregor, les managers ont
tendance à se diviser en deux catégories, selon leur
théorie (explicite ou implicite) de la nature humaine.

Les managers tenants de la théorie X postulent que les


êtres humains sont naturellement paresseux et
terrifiés par la responsabilité. C’est au leader de
suppléer à leur manque de volonté en leur imposant la
sienne ; c’est à lui d’assumer cette responsabilité que
les autres sont incapables de supporter. À ces fins, il
utilise toutes les ressources à sa disposition en termes
de pouvoir, c’est-à-dire les récompenses et surtout les
sanctions. Il incarne une autorité centralisée qui se
déploie en sens unique – du manager vers les
managés. Si ceux-ci ont de la chance, l’autoritarisme
du leader sera pallié par sa bienveillance.

En revanche, les tenants de la théorie Y croient que


l’être humain est naturellement motivé et intelligent.
Il suffit de lui proposer des objectifs intéressants pour
qu’il les poursuive ; il suffit de le consulter pour
bénéficier des fruits de son intelligence. Ces leaders
sont plus démocratiques et collaboratifs.

Cette division bipartite est simpliste, mais elle


constitue un axe commode pour une première
taxonomie des styles.
En voici quatre exemples assez répandus. Chacun
représente un modèle abstrait dont tel ou tel manager
réel est une version approximative. Vous
reconnaissez-vous particulièrement dans un de ces
quatre portraits ? Chaque style peut se justifier dans
certains contextes ; chacun comporte des risques.

Plus X ← LEADERSHIP ➞ Plus Y

Type Le dictateur Le micro- Le Le coach


manager collaborateur

Approche Décide de tout Contrôle tout, Reconnaît Aime


personnellement. exige d’être l’utilité de construire des
Se fie à sa propre informé de l’input de ses équipes
expérience, à ses tout, au risque collaborateurs. soudées et
propres de faire perdre Ses réunions performantes.
connaissances, du temps à ses sont Distribue les
plutôt qu’à celles collaborateurs. participatives rôles selon les
de ses N’accepte pas et il cherche talents qu’il
subordonnées. d’autres activement les perçoit en
procédures inputs des chacun.
que les autres.
siennes.

Avantages Réponses rapides Intègre bien Exploite mieux Aide tous ses
en temps de crise les novices ; l’intelligence collaborateurs
quand son air épaule les collective ; à se
d’autorité et son équipes en encourage développer et
action décisive désarroi ; l’implication à grandir.
inspirent sécurise dans des
confiance. des contextes
où il y a un collaborateurs
règlement dans le travail.
strict à
respecter.

Risques Peut démoraliser Peut Peut paraître Peut donner


les collaborateurs démoraliser indécis ou l’impression
par son les faible dans des de ne pas
traitement des collaborateurs cas d’urgence mettre la main
erreurs, en en limitant ou des à la pâte ; peut
soulignant celles leur situations avoir tendance
des autres à la autonomie et tendues. à ne pas
place des en distinguer
siennes. dévalorisant assez les très
implicitement bons
leurs collaborateurs.
capacités.

Tout manager peut être amené à adopter des postures


de leadership différentes selon les circonstances où lui
et son équipe se trouvent. Ces circonstances peuvent
varier selon les cultures des différentes organisations
et des différents pays par lesquelles le manager passe
au cours de sa carrière. Il est nécessaire de garder à
l’esprit les avantages de chacune des postures et les
risques à éviter. Le style adopté devrait être celui qui
permet de mieux réaliser les objectifs du groupe au
sein de l’organisation.
Les entreprises libérées
À notre époque, on parle beaucoup de nouvelles
formes d’organisation, moins hiérarchiques, plus
« plates » (flat en anglais), plus souples. On qualifie
d’« entreprises libérées » celles qui adoptent ces
nouvelles approches. La traditionnelle pyramide
managériale est mise en cause au nom du bien-être
des employés, ce bien-être étant lui-même considéré
comme favorisant une productivité accrue. Tout
comme les managers tenants de la « théorie Y » de
MacGregor, les pionniers dans ce domaine considèrent
que les êtres humains sont naturellement
responsables. Si nous accordons plus d’autonomie à
nos employés, ils se sentiront valorisés et feront de
leur propre gré ce qui est nécessaire pour la réalisation
des missions que nous leur confions. Le pouvoir de
prise de décision n’a pas besoin d’être concentré vers
le haut d’une pyramide, mais peut être dévolu à
chaque équipe. Si on fait plus confiance aux gens,
ceux-ci feront plus confiance à leur firme. Pour les
mêmes raisons, on réduit le nombre et la longueur des
boucles de contrôle : on n’a pas réellement besoin de
vérifier et revérifier ce que font les employés. Non
seulement le niveau actuel de contrôle est
parfaitement superflu, mais c’est coûteux et
improductif pour l’entreprise.
Nous ne savons pas encore si ces nouvelles approches
s’installeront dans la durée ou se révéleront être des
modes éphémères. Dans le premier cas, il est certain
que les sept actions fondamentales du leadership, tel
qu’il a été présenté ici, seront encore plus nécessaires
pour le manager de demain, si jamais il porte encore
ce titre ! Celui-ci ne pourra plus se draper dans la
dignité conférée par l’organigramme. La vie
professionnelle consistera peut-être dans des prises
d’initiative pertinentes de la part des différents
membres d’une équipe, prises d’initiative entraînant
des « suiveurs » – des followers – parmi lesquels le
manager lui-même. Dans ce cas, ce sera à tout le
monde d’adopter dans une certaine mesure les
qualités et les gestes du leadership.

Prendre ses fonctions : les


cent premiers jours
Les cent premiers jours après une prise de fonctions
sont souvent considérés comme déterminants pour la
réussite future – ou non – du manager dans son
nouveau poste. Cette notion des cent premiers jours
décisifs proviendrait de l’exemple de la présidence de
Franklin Roosevelt qui, accédant au pouvoir au milieu
d’une grave crise économique en 1933, a dû
immédiatement agir de manière résolue pour éviter
les pires conséquences de cette situation.

En supposant que votre nouveau contexte soit moins


dramatique que celui de Roosevelt, pourquoi ces cent
premiers jours sont-ils si critiques ? La réponse est
que nos premiers gestes, nos premières paroles et
réactions vont ancrer dans les consciences de nos
collaborateurs, collègues et chefs une certaine image
de nous qui, si jamais elle est négative, sera plus
difficile à rectifier par la suite. Selon un proverbe
populaire :

“On n’a jamais deux fois


l’occasion de faire une bonne
première impression.”
Les pièges les plus fréquents consistent à :

• Mal calculer les effets de nos premières


déclarations.

• Rester trop à l’écart, trop distant, dès le départ.

• Donner une impression d’inertie.

• Prétendre tout connaître sur son nouvel


environnement avant d’avoir pris le temps de
l’apprendre.
• Investir beaucoup d’énergie dans des projets
grandioses, sans accomplir ce que les parties
prenantes voulaient voir fait en priorité.

• Essayer de s’imposer en dévalorisant tout ce qui


avait été fait par son prédécesseur.

• Faire preuve de mépris apparent pour la culture


et l’identité collectives de son nouvel
environnement.

• Brusquer les gens en leur imposant des


changements sans prendre le temps de gagner
leur confiance.

• Prétendre qu’il y a urgence à tout transformer


quand ce n’est manifestement pas le cas.

• Croire que ses propres intérêts sont les plus


importants ou même les seuls importants.

Il faut prévoir tous ces pièges un peu comme un


démineur trouverait son chemin à travers un champ
dangereux. Il est utile de se poser les questions
suivantes :

• Qu’attend-on de moi dans ce nouveau rôle ?

• Pourquoi m’a-t-on choisi pour jouer ce rôle ?

• Quels sont les principaux défis à relever au cours


de cette période de transition ?
• Qu’est-ce que je peux utilement garder de mon
rôle précédent et qu’est-ce que je dois
maintenant abandonner ?

Nous pouvons utilement nous demander ce que réussir


ses cent premiers jours veut dire au fond. Cela veut-il
dire être apprécié par les équipes dont on prend la
charge ? Par son nouveau management ? Réussir veut-
il dire être capable d’apporter un diagnostic limpide,
grâce au recul idéal et momentané dont nous allons
bénéficier ? Cela veut-il dire voir des résultats
immédiats, prendre des décisions structurantes, que
nous aurons plus de difficulté à prendre plus tard ? Ou
être capable d’apporter son savoir-faire, les
ressources clés qui nous sont attachées, les façons de
réussir qui nous ont permis d’atteindre nos objectifs
dans le passé ? Et de façon plus négative, ne pas
prendre les pieds dans le tapis ? Parce qu’on n’aurait
pas pris le temps de bien comprendre tout ce qui se
passe à 360o, de considérer les acteurs clés de
l’écosystème qui, par leur comportement, vont
déterminer le futur ? Parce qu’on aurait oublié qu’il
est toujours plus délicat de mobiliser les autres sur
nos propres idées que sur les leurs et celles qu’ils
auraient eues en notre présence ?

À la nomination, se produit un effet régulièrement


répété de lune de miel qui nous place dans un état de
projection souvent irréaliste. Nous apparaissons
comme une sorte de deus ex machina dont on dit :
« Ah ! celui-là va peut-être réussir là où ses
prédécesseurs ont échoué. » Nous sommes également
animés du désir de tellement bien faire et donc de
répéter ce qui nous a tellement bien réussi par le
passé.
Question pour un nouveau leader :
quelle est la seule chose que nous ne
pouvons jamais totalement déléguer ?

En répondant à cette question, chacun fera son choix,


que ce soit l’arbitrage des conflits, la fixation des
objectifs ou le contrôle final des tâches. En fait,
l’intérêt de cette interrogation provocatrice, c’est de
braquer notre attention sur le sujet le moins attendu,
un sujet dont presque tout le monde parle avec une
certaine difficulté. Lequel ? La promotion de soi-
même. Le rôle de la modestie excessive, gênée, chez
les uns, et celui de l’immodestie, peu subtile et
franchement contre-productive, chez les autres, nous
empêchent d’aborder cette question en toute
sérénité. Nous pouvons toujours bien nous comporter
dans la vie professionnelle, en espérant que quelqu’un
le remarquera et en parlera de la manière qu’on
voudrait et aux personnes qu’on voudrait. Après tout,
la bonne réputation n’est rien d’autre que cela.

Cependant, dans un environnement où les


évaluations sont omniprésentes, de façon explicite ou
implicite, on ne peut pas laisser trop de choses au
hasard. Il faut se préparer pour les moments où nous
sommes amenés à nous justifier, à passer en revue
nos qualités et nos réalisations. Les occasions de le
faire se présenteront : entretiens d’embauche,
feedback avec notre propre supérieur hiérarchique et
même certains moments de confrontation imprévus.
Le faire spontanément n’est pas chose aisée – avec de
la préparation non plus. Il faut tenir le bilan de nos
réussites et de nos échecs pour pouvoir en parler
simplement, factuellement et avec modestie.

Nous faisons partie idéalement de cette catégorie des


bons managers qui cherchent à surprendre leurs
collaborateurs en train de réussir quelque chose de
bien, afin d’accomplir ce geste délicat de l’évaluation
motivante spontanée. Et nous rêvons sans doute que
quelqu’un accomplira ce même geste à notre égard
aussi. Si nous sommes vraiment capables d’évaluer à
sa juste valeur le travail des autres, nous pourrons
tourner ce même regard bienveillant sur nos propres
œuvres pour les évaluer et en dire le bien qu’il faut,
avec lucidité.

De facto, attente du futur et recours au passé créent


une tension extrême dans le présent. Afin de mieux
vivre cet état de présent pendant ces cent jours, quatre
recommandations sont à suivre :

• Retrouver le plaisir d’être curieux et le plaisir de


reconnaître le meilleur de ce qui a été fait avant
nous par d’autres que nous.

• Écouter attentivement les autres, et bien


comprendre le cadre de référence (voir chapitre 1)
de sa nouvelle organisation, avant de vouloir
imposer notre propre vision.

• Être exemplaire sur les fondamentaux du


management participatif dès le départ. Selon
Albert Schweitzer, Prix Nobel de la paix en 1952,
« l’exemplarité n’est pas une façon d’influencer,
c’est la seule. » Tentons de fixer des objectifs
pour nos nouveaux collaborateurs en nous
assurant de leur engagement plein et entier.

• Nous montrer juste mais ferme dans le


traitement des écarts de performance ou de
comportement de nos collaborateurs, en leur
permettant de s’engager à faire mieux, ou encore
mieux.
Témoignage d’un follower

« Dans la vie j’ai rencontré deux catégories de


managers passionnants : ceux qui faisaient croire
qu’ils savaient tout et ceux qui faisaient croire qu’ils ne
savaient rien. Dans le fond, je crois que je préfère les
seconds, parce qu’ils sont curieux de moi, de mon
écosystème, de mes problèmes, de mes façons et
peut-être, de ce point de vue-là, ont-ils tout compris.
Le cheminement qu’ils proposent est toujours plus
drôle, plus enchantant, et à la fin, je me sens plus
intelligent, plus capable de prendre des décisions
intelligentes, utiles, pertinentes et de les faire
appliquer. Et au bout du compte, je crois que ce sont
eux les premiers bénéficiaires. »

Si nous pratiquons les sept actions fondamentales du


management et si nous nous rappelons les quatre
recommandations ci-dessus, nos nouveaux
collaborateurs deviendront volontiers nos
« suiveurs ».

Place à la pratique !
Si tous les aspects du leadership évoqués dans ce
chapitre sont bien appliqués dans votre
environnement, les différents éléments sur la liste
suivante devraient pouvoir être cochés :

• Les membres comprennent la finalité de leur


activité et l’assument.

• Les priorités sont évidentes pour tout le monde :


chacun sait quelles sont les tâches à faire – et
pour quand.

• La distribution des responsabilités est claire :


chaque membre sait quelle est sa responsabilité
dans l’accomplissement des tâches ; il est
suffisamment autonome mais ne craint pas de
demander de l’aide quand un autre niveau
d’expertise est nécessaire.

• L’ordre du processus de prise de décisions est


intelligible pour tout le monde.

• Les conflits sont gérés rapidement et selon des


règles établies.

• La valorisation des talents et des capacités des uns et


des autres fait que chacun se sent apprécié et
pleinement mis à contribution.

• Les règles, officielles et officieuses, qui régissent


la coopération entre les coéquipiers sont établies et
appliqués à tout le monde de manière homogène.
• Les réunions sont considérées par tout le monde
comme des moments productifs, et même
agréables, parce qu’il y a une écoute véritable.

• Les critères de la réussite collective sont connus


de tout le monde et les moments de réussite sont
clairement célébrés par tout le monde.

• Les besoins des uns et des autres en matière de


progression, de développement et de formation
sont satisfaits.

Qu’est-ce qui vous empêcherait de cocher tous les


éléments sur cette liste ? Qu’est-ce que vous pouvez
faire pour que cela soit possible ?
Testons nos connaissances

❶ L’essence du leadership réside dans :

❑ l’organigramme.

❑ la personnalité magnétique du chef.

❑ la capacité de punir.

❑ l’influence qu’on a sur les autres.

➋ Il n’y a pas de leaders sans le consentement


implicite ou explicite :

❑ de chefs encore plus haut placés.

❑ des personnes qui les suivent.

❑ de ceux qui parlent le plus fort.

❑ de l’âme collective de la foule.

❸ Lequel de ces éléments ne constitue pas une


action fondamentale du leadership ?

❑Prendre ses responsabilités.

❑ Reconnaître et faire valoir l’identité collective du


groupe.

❑ Imposer aux autres ses propres décisions.

❑ Communiquer clairement.
❹ Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire en prenant de
nouvelles fonctions ?

❑ Introduire des changements.

❑ Consulter son prédécesseur.

❑ Demander de l’aide.

❑ Mépriser la culture régnante.


DANS CE CHAPITRE
Se connaître pour se donner confiance

Gérer les interactions professionnelles de façon
optimale

Réduire les effets du stress

Améliorer sa productivité et celle de son équipe

Chapitre 3
Manager nos émotions et
notre productivité
N otre tour d’horizon des aspects essentiels du
leadership aura donné l’impression que le leader et,
du coup, le manager, est une sorte d’athlète des
relations humaines. Parmi ses nombreux objectifs :

• se maîtriser soi-même ;
• prendre ses propres responsabilités en
mettant les autres face aux leurs ;

• inspirer confiance aux autres en leur en


témoignant ;

• saisir et valoriser les mobiles profonds que


partage le groupe ;

• évaluer la part de reconnaissance qui revient à


chaque acteur.

Comment être à la hauteur de toutes ces


exigences ? De quelle étoffe sont faits ces héros et
héroïnes des temps modernes que sont les
managers ? Par quelle méthode peuvent-ils se
préparer psychologiquement pour être le point de
convergence de tant de regards, le carrefour de tant
de flux d’informations et le détenteur de tant de
responsabilités ? Comment peuvent-ils se prémunir
contre le stress, les critiques, les déceptions et les
revers qui jonchent inévitablement le chemin de
tout professionnel ? Nous allons maintenant
aborder ces questions. Il y va du rôle, fondamental,
des émotions dans la vie d’une organisation. Le
moral d’une équipe a une influence sur sa
performance. Nos sentiments personnels ont un
impact sur notre productivité. Pour optimiser notre
propre productivité et la performance de nos
équipes, il nous faut développer notre intelligence
émotionnelle.

De l’intelligence
émotionnelle à la
productivité
De plus en plus d’études et de statistiques rendent
compte des effets du surmenage. Les travaux
réguliers de l’Agence européenne pour la sécurité et
la santé au travail montrent que le stress en milieu
professionnel a un impact négatif significatif, non
seulement sur le bien-être et la santé des
employés, mais aussi sur leur productivité et même
le roulement du personnel. Si les effets de la
surcharge de travail sont déjà nocifs, ils sont
aggravés par les conflits, les affrontements et les
malentendus qui viennent si souvent perturber la
vie d’une organisation – et, ce de manière inutile.
Nous aborderons dans le chapitre 13 la délicate
question des risques psychosociaux. Ici, il sera
question du rôle ordinaire des émotions
quotidiennes. Car, loin d’être mises définitivement
au second plan, les émotions sont omniprésentes
au travail : dans les sources profondes de notre
motivation intérieure, dans nos relations avec les
autres, dans nos façons de communiquer et de
convaincre, dans notre capacité à encaisser des
chocs et à surmonter les épreuves, et dans notre
besoin de célébrer les moments de réussite.

Les émotions négatives peuvent empoisonner


l’atmosphère dans un service. Un individu avec des
intentions « toxiques » peut déstabiliser toute une
équipe. Cependant, un moral très positif peut
permettre à une équipe de triompher d’une
situation difficile. Un manager qui traite ses
collaborateurs, collègues et chefs avec
compréhension peut promouvoir une certaine
harmonie dans les relations et contribuer
efficacement au bon fonctionnement d’une
organisation. Comme elles font partie intégrante de
notre vie, les émotions sont toujours productives
dans un sens ou dans un autre.

Une des propriétés des émotions, c’est d’être


contagieuses. Celles d’un leader en particulier
peuvent facilement gagner les autres membres de
son équipe, pour le meilleur ou pour le pire. Le
leader se doit donc de bien canaliser ses émotions,
mais, pour ce faire, il doit bien les connaître. Il a
aussi besoin de s’intéresser aux émotions des
autres. Il ne s’agit nullement de « maîtriser » ou
de « dompter » ses émotions, au sens de les
refouler, mais bien plutôt de les écouter, de les
comprendre et de les utiliser au mieux. Bref, pour
vivre harmonieusement avec nos émotions, il faut
en avoir l’intelligence.

L’intelligence
émotionnelle
Ce terme, qui est devenu très à la mode mais qui
reste d’une importance cruciale, désigne les
aptitudes suivantes :

• Notre capacité à saisir ce qui se passe à


l’intérieur de nous-mêmes : émotions,
sentiments et impulsions, ainsi que leurs
causes.

• Notre capacité à capter tout ce qui passe à


travers nos relations avec les autres, en termes
encore une fois des émotions et de leurs
causes.

De ce dernier point de vue, on parle aussi


d’« intelligence sociale ». Voir et comprendre ce
qui arrive à l’intérieur de nous nous libère de telle
ou telle émotion qui, dans un contexte donné, nous
entraverait dans notre rôle de leader. Voici trois
exemples aussi simples que communs :

• La jalousie qui nous empêche de féliciter un


collègue pour un travail réussi.

• La colère qui nous incite à blâmer


excessivement un collaborateur après une
erreur.

• La peur qui fait monter notre niveau de stress


de manière à nous rendre improductifs ou
même à nous faire détester nos
responsabilités.

Afin d’être plus conscients dans nos relations


sociales, nous sommes obligés de faire plus
attention à tous ces signaux que les autres nous
envoient par leurs paroles, le ton de leur voix et
leurs gestes. Et de faire l’effort d’imaginer, par
exemple, ce qui passe par l’esprit d’un
collaborateur qui n’a pas été choisi pour une
promotion ; ou d’un n + 1, à qui nous voulons
demander un service, qui revient stressé et fatigué
d’un déplacement. Quand nous comprenons mieux
l’état d’esprit des autres, leurs attentes et leurs
besoins, nous sommes plus en mesure de les
rassurer ou de les calmer, de les motiver ou de leur
faire voir l’intérêt commun. Ce décryptage des
signaux est souvent complémenté par le recueil
d’informations. Quand nous arrivons à la tête d’un
service ou d’une entreprise, nous pouvons non
seulement déchiffrer les réactions sur les visages
lors d’une réunion, mais aussi nous documenter
sur l’histoire de l’entreprise ou du service en
question. Toutes ces actions nous permettront de
mieux cerner cette identité collective, ce besoin
d’appartenance, qui constitue un levier si puissant
du point de vue du leadership.

L’exemplarité productive
L’exemple est la meilleure façon d’influencer les
autres. La première chose que le manager demande
aux autres – collaborateurs et collègues – c’est
d’être productifs : d’arriver à l’heure, de terminer
les tâches à temps, de réagir à nos requêtes avec
promptitude… Pour justifier ces exigences, mais
aussi pour stimuler l’énergie des autres, nous leur
devons d’être exemplaires. Ce n’est pas toujours
facile. Vu le niveau de nos responsabilités, c’est
peut-être encore moins facile pour nous que pour
eux – et pourtant c’est à nous de montrer
l’exemple. Ainsi, la pression que nous subissons,
qui est déjà forte, ne cesse de monter, en
augmentant notre stress et sa cohorte de
symptômes perturbateurs de la santé. En réponse,
nous pouvons apprendre à accroître notre
productivité en prenant certaines mesures. Nous
pouvons aussi réduire le stress par des pratiques
très simples. C’est ici que nous sommes ramenés à
l’intelligence émotionnelle et à ce qu’elle révèle de
nous et de notre intériorité.

Comment augmenter son


intelligence émotionnelle ?
Pour vous sensibiliser à ce qu’est l’intelligence
émotionnelle, lisez chacune des phrases suivantes
en décidant honnêtement si elle s’applique à vous :

• Je suis conscient(e) de mes émotions ; je peux


me les décrire en détail ; je n’ai pas peur de le
faire.

• Je comprends toujours les causes des


sentiments que je ressens.
• Je peux maîtriser mes impulsions.

• Je reste calme dans les situations stressantes.

• Je fais des efforts pour saisir les raisons


derrière les paroles et les actions des
personnes avec qui je travaille.

• Je comprends volontiers le point de vue des


autres, même quand il est très différent du
mien.

• Quand les circonstances changent


brusquement, je n’ai pas de difficulté à
modifier mes objectifs en conséquence.

Quand on exploite pleinement son intelligence


émotionnelle, on peut cocher tous les éléments sur
cette liste.

Un peu de science pour


comprendre les émotions
Dans le monde du management, on éprouve
quelque gêne à parler d’émotions. Celles-ci ne
cadrent pas avec l’image traditionnelle d’une
activité censée être purement rationnelle et
calculatrice. Force est de constater qu’évoquer les
émotions ne vient pas aisément au manager
masculin, pour qui le registre émotionnel constitue
souvent un signe de faiblesse. Pourtant, nous avons
tous des émotions – et heureusement ! Les
émotions sont le fruit de notre évolution. Le
développement des émotions a permis à notre
espèce de survivre. Elles représentent une façon de
traiter les informations venant de notre
environnement ou de notre propre corps et de
donner ou de préparer une réponse : que ce soit la
colère pour faire face à un ennemi ; la peur pour
fuir un danger ; la jalousie pour protéger nos
intérêts ; ou la joie pour nous récompenser d’une
action réussie. Le problème dans la vie moderne,
c’est que nos réactions émotionnelles ne sont pas
toujours adaptées à des situations sociales plus
complexes. Par exemple, la colère et la peur,
quoique toujours utiles aujourd’hui, nous font dire
parfois des choses qu’on ne veut pas dire, brisant
ainsi une relation précieuse ou augmentent notre
niveau de stress face à un problème épineux alors
que nous avons plutôt besoin de calme.

L’évolution nous a apporté autre chose : le cortex


préfrontal du cerveau, qui est le siège, entre autres
choses, d’une grande partie des « fonctions
exécutives ». Ces dernières jouent un rôle
important dans la gestion des situations
inhabituelles – situations où les réactions
automatiques sont insuffisantes et où il faut
inhiber une réponse habituelle très forte ou résister
à une tentation. Les fonctions exécutives
interviennent en quelque sorte pour crier
« Halte ! » aux débordements d’émotions. Elles ne
peuvent pas prêter attention à tout ce qui se passe
en nous et elles ne peuvent pas triompher sur
toutes les impulsions. Mais elles constituent notre
meilleur recours dans beaucoup de situations, y
compris professionnelles. Elles sont cruciales pour
cultiver l’intelligence émotionnelle.

Pratiquer l’intelligence
émotionnelle
L’intelligence émotionnelle est divisée en cinq
composants :

❶ La conscience et la compréhension de soi, de


nos propres sentiments.

➋ La canalisation – et non le refoulement – des


émotions.
❸ La motivation de soi.

❹ L’empathie envers les autres, l’acte de se


mettre à leur place et d’essayer de ressentir ou
d’imaginer ce qu’ils ressentent.

❺ La résolution des conflits.

Découvrons tous ces éléments à l’œuvre dans une


situation réaliste. Les nombres, de (1) à (5),
permettront de les identifier.
Votre discussion avec Céline

À midi, à la cafétéria, vous apercevez Céline, une n + 2 que


vous avez toujours appréciée, qui déjeune seule. Vous vous
asseyez en face d’elle avec l’idée éventuellement de parler
d’une réunion prévue pour demain au cours duquel vous
allez présenter un projet qui vous est cher, projet pour
lequel vous comptez naturellement sur l’appui de cette alliée
de longue date : « Je peux me joindre à vous ? — Oui ! »
marmonne-t-elle du bout des lèvres. Déjà, cela vous douche
un peu.

Ensuite, votre question : « Ça va ? », provoque un « ça va »


sans enthousiasme en retour. Le regard de Céline reste fixé
sur son assiette. Aucune question de sa part ne vient vous
rendre la politesse. Vous avez passé une matinée dure.
« Avec des abrutis ! », dit une voix intérieure quelque part en
vous, en ajoutant : « Et en voilà une autre ! » Vous êtes tenté
de garder obstinément le silence comme elle. Vous lorgnez
vers un dossier que vous avez posé sur la table. Oserez-vous
le lire devant elle en mangeant ?

Ici, vous réfléchissez : vous sortez d’une série de réunions


assommantes ; et, jusqu’à présent, cette personne en face
s’est toujours montrée particulièrement bien disposée à
votre égard. (Ici nous avons le composant 1 : la conscience de
ses propres émotions).

Au lieu d’exprimer votre agacement, vous vous dites qu’elle


aussi a sûrement une raison d’être d’humeur grognonne. (Ici,
le composant 2 : la canalisation de ses propres émotions).
Votre irritation laisse la place à deux autres émotions
positives : la curiosité et le souci empathique de l’autre. (Ici,
le 3 : la motivation de soi, et le 4 : l’empathie). Et, droit dans
les yeux, simplement et doucement, vous lui dites : « Ça ne
va pas ? — Non… » répond-elle, d’un air soudain déprimé et
las. Ces expressions tangibles – le ton de sa voix, son visage
fatigué, ses épaules tombantes – trouvent un écho dans
votre propre corps. C’est une forme d’empathie automatique,
physiologique, qui provoque une émotion en vous, différente
de la sienne : la compassion, une forme forte du souci
empathique. (Ici, le 4 : l’empathie). Vous devenez encore plus
curieux et soucieux. Avant que ces deux émotions ne
débordent, quelque chose en vous dit « Halte ! » – les gens
en détresse n’apprécient pas toujours d’être pris pour un
objet de pitié. (Ici, les « fonctions exécutives » font bien leur
travail). Et vous gardez le silence un instant de plus, en la
regardant avec un air attentif. Là, elle vide son sac : « J’ai
appris ce matin qu’“ils” veulent que je parte en retraite
anticipée. Très vite. »
Vous ressentez deux émotions successives : d’abord de la
pitié pour elle ; ensuite, plus égoïstement, pour vous-même :
« Je vais perdre un mentor, une alliée importante. » Vous
prenez la parole : « C’est terrible !… Vous me manquerez
beaucoup… » Votre propre émotion trouve maintenant un
écho en elle, qui répond : « Allez ! Vous vous en remettrez. »
Elle esquisse presque un sourire amical. Mais soudain une
autre émotion chasse votre pitié qui devenait insupportable.
C’est le soulagement : au moins, ce n’est pas vous qui devez
partir ! De telles émotions, quoique difficiles à admettre,
sont fréquentes et naturelles. L’empathie peut vite se
fatiguer. Dans les professions soignantes, les spécialistes ont
identifié un problème que les Anglo-saxons appellent
« compassion fatigue ». Vous contemplez un instant ce
soulagement.

Elle continue en changeant soudain de ton : « En tout cas,


vous vous êtes toujours très bien débrouillé, vous ! Une
ascension fulgurante ! “Ils” vous adorent, là-haut, vous. » À la
fin de cette saillie, vous vous regardez tous les deux droit
dans les yeux, l’hostilité montant des deux côtés. Une belle
relation va mal se terminer. Et c’en est peut-être fini pour
votre projet demain ! Et là, au lieu de riposter pour vous
défendre, vous vous mettez à sa place. Quel effet cela fait-il
de voir sa carrière abrégée si brutalement ? D’avoir en face
un jeune ambitieux qui a tout son avenir devant lui ? Et qui, il
y a un instant, se sentait soulagé ! (Ici, une forme du 4 :
l’« empathie cognitive », fondée, non sur la physiologie ou la
pitié, mais sur la raison et l’imagination). L’hostilité dans vos
yeux, la tension de vos muscles faciaux, se dissipent. « Mais
j’ai toujours compté sur vous, sur vos conseils. (Très
posément.) Je serai sincèrement désolé de vous voir partir. »

Elle vous regarde un instant, cherchant dans vos yeux.


Apparemment, elle y a trouvé ce qu’elle cherchait : « Allez !
Ce n’est pas la fin ! La vie continue ! » Puis, en se levant : « On
se voit demain à la réunion ? Je serai moins sous le choc. »
Les relations se sont normalisées. (Ici, finalement, le 5 : la
résolution des conflits). Bravo !

Il est évident que notre intelligence émotionnelle


ne peut pas être perpétuellement en mode « veille
active » comme ici. Cela fatiguerait très vite notre
faculté d’attention. Mais quand on rencontre une
situation difficile, il faut se mettre rapidement en
alerte.

Cet exemple souligne une vérité fondamentale : les


deux processus consistant à prêter attention à nos
propres émotions et aux émotions des autres sont
étroitement imbriqués l’un dans l’autre. Être
vraiment attentif à soi, c’est être attentif aux
autres. Notez bien les étapes d’une interaction
difficile mais finalement réussie avec un collègue,
chef ou collaborateur :

• Nous devenons attentifs à nos propres


émotions.

• Nous remarquons les effets émotionnels que


les expressions d’émotion venant de l’autre
personne (voix, visage, gestes) réveillent en
nous. C’est l’empathie « automatique ».

• Nous devenons attentifs aux émotions que


cela engendre dans notre esprit (compassion,
rejet, soulagement, colère…), nous les
reconnaissons, au besoin nous les nommons.

• Nous cherchons des informations dans


l’environnement qui confirment et expliquent
ces émotions, surtout en questionnant les
autres (quoi ? pourquoi ? comment ?). C’est
l’empathie « cognitive ».

• Nos fonctions exécutives canalisent les


émotions les plus aptes à nous motiver dans la
recherche d’une solution à une situation
problématique.

• Nous résolvons un conflit ou évitons un


conflit potentiel.
Mais attention ! Cette forme de curiosité pour nos
émotions et celles des autres implique en même
temps une certaine distance. Posséder de
l’intelligence émotionnelle ne veut pas dire donner
libre cours à nos sentiments, mais en être
conscients. L’intelligence émotionnelle permet
d’être plus à l’aise avec nos émotions et d’en tirer
le meilleur parti.

Pour en savoir plus

Daniel Goleman, L’Intelligence émotionnelle. Intégrale (J’ai lu).

Daniel Goleman, Richard Boyatzis, Annie MacKee,


L’Intelligence émotionnelle au travail (Pearson).

Pour se mettre dans les


meilleures dispositions
L’intelligence émotionnelle montre que notre
attitude, notre humeur, influe constamment sur
notre performance. Il y a dans la vie d’un manager
de nombreuses situations où nous avons intérêt à
adopter la bonne disposition mentale pour réussir
notre action. Ici, il y a deux techniques utiles.
La première consiste à provoquer des émotions en
nous pour créer une attitude positive. Imaginez
que, dans trente minutes, vous devez présider une
réunion cruciale avec vos collègues, dont beaucoup
sont des personnalités fortes avec des opinions bien
tranchées. Y penser déjà provoque en vous le
sentiment de ne pas être à la hauteur. Vous
craignez de ne pas oser parler quand c’est
nécessaire ; de ne pas montrer assez de confiance
dans vos jugements ; de ne pas prendre
d’initiatives. Comment arriver à la réunion avec
une attitude tournée vers l’action efficace ? Des
chercheurs américains ont montré que, avant une
prise de parole importante en public, un entretien
pour une place dans une école de commerce ou une
négociation commerciale, les chances de réussir des
acteurs étaient considérablement rehaussées par le
fait, juste avant, d’écrire quelques paragraphes sur
leurs ambitions dans la vie ; sur un incident dans le
passé quand ils ont eu le sentiment d’exercer du
pouvoir ; ou sur un moment dans leur vie où ils se
sentaient heureux et stimulés. Si vous le faites
avant votre réunion, vous augmentez vos chances
d’être efficace, de vous comporter comme un
leader. L’effet est de courte durée, mais il est
appréciable1.
La deuxième technique nous aide à rester rationnel
quand nous sommes en train de délibérer
mentalement d’un problème. Dans le monologue
intérieur, le choix du pronom qu’on utilise, « je »,
« tu » ou « elle/il », peut avoir une influence
décisive. La première personne a tendance à
souligner l’aspect émotionnel ; la deuxième
personne introduit plus de distance pour permettre
une réflexion utile, et la troisième personne éloigne
encore plus nos sentiments pour laisser le champ
libre à la résolution de problèmes2.

Pour congédier le stress


Aujourd’hui, presque tout le monde se plaint du
surmenage. Les causes apparentes en sont un
agenda surchargé, un rythme de vie effrénée et le
manque de sommeil. Mais s’agit-il des causes ou
des effets ? Pourquoi sommes-nous stressés ?
Notre capacité à être stressé, comme nos émotions,
est le produit de l’évolution. Le stress a ses
fonctions. Si vous êtes confronté par un agresseur
dans la rue, le stress vous donnera une chance
supplémentaire de le distancer ou de l’affronter. Il
en va de même avec beaucoup d’animaux qui
doivent faire face à des prédateurs ou à des
dangers.
Se parler en disant « je », « tu » ou «
elle/il » pour résoudre nos
problèmes ?

Comparez ces différentes versions d’un monologue


intérieur :

« Qu’est-ce que je vais faire ? Je vois mon n


+ 1 demain matin et je vais devoir lui annoncer que
je n’ai pas atteint l’objectif prévu et lui expliquer
pourquoi ! Qu’est-ce que je vais faire ?… Qu’est-ce
que je vais faire ?… » Ici, le monologue conduit au
désespoir.

« Qu’est-ce que tu vas faire ? Tu vois ton n


+ 1 demain matin… Tu peux lui dire la vérité – et
avec dignité. Tu peux t’excuser – sincèrement et
sans trop d’à-plat-ventrisme. »

Déjà l’effet de distanciation conduit à autre chose


qu’au désespoir.

« Jean(ne) voit son n + 1 demain matin… Qu’est-ce


qu’elle/il va faire ? D’abord, elle/il va dire la vérité.
Simplement. Ensuite, elle/il va proposer un plan
réaliste pour rattraper le retard. Et elle/il va rester
calme tout le temps. Parce que le pire qui peut lui
arriver n’est pas si grave que cela au fond. » Cette
fois, la distanciation maximale permet de raisonner
de manière à la fois générale et pratique. Nous
sommes dans un état d’esprit propice à la
recherche d’une solution.

Le stress est donc une réaction physiologique


éphémère qui nous prépare pour une situation
dangereuse. Normalement, il se dissipe dans
l’effort pour surmonter cette situation, qui se
termine par la survie ou la mort. Mais dans notre
vie moderne, les menaces ne sont pas
instantanées :

• un rapport crucial à faire pour mardi matin ;

• un chef qui semble nous en vouloir pour des


raisons qui nous échappent ;

• une rivalité intense avec une autre équipe.

Dans ces situations, notre corps se met en mode


réactif, mais l’action qui devrait dissiper le stress
très vite n’arrive pas. Les situations se prolongent
dans le temps, pendant des jours, des semaines…
Le stress s’accroît dans notre corps et,
graduellement, commence à provoquer des
symptômes physiques nocifs. Les personnes qui
sont les plus stressées ne sont pas plus « faibles »
que les autres. Leur physiologie peut fonctionner
aussi normalement que celle des autres. Elles se
trouvent plus souvent dans des situations où leurs
réactions physiologiques naturelles sont
déclenchées à répétition, sans pouvoir se dissiper.

Dans le passé, on croyait qu’il fallait surtout


évacuer le stress par une activité sportive intense
ou quelque autre expérience cathartique. Mais
intégrer de telles activités dans la routine
quotidienne n’est pas toujours commode.
Maintenant, les experts préconisent plutôt
d’attaquer le problème à sa source, en dissipant les
effets du stress régulièrement au cours de la
journée. Si un leader célèbre comme Steve Jobs était
connu pour sa pratique du zen, le monde de
l’entreprise aujourd’hui connaît un enthousiasme
grandissant pour ce qu’on appelle en anglais
mindfulness, traduit en français par le terme de
« pleine conscience ». Il s’agit d’une forme de
méditation développée à partir de certaines
pratiques bouddhistes par un professeur de
médecine américain, Jon Kabat-Zinn, afin de
combattre le stress, l’anxiété, la douleur et les
effets des maladies. De nos jours, la pleine
conscience est utilisée dans des grandes entreprises
comme Google, Intel et Target, où elle permet de
réduire de façon significative le niveau de stress des
employés. Le vocable mindfulness ne présente pas
les connotations religieuses du mot « méditation »
qui cadreraient mal avec la culture managériale.

Certains exercices de « pleine conscience » très


simples peuvent réduire le stress et revigorer votre
puissance de concentration. Si, par exemple, vous
passez de longues périodes devant un écran, en
pianotant sur un clavier, l’attention focalisée sur
plusieurs opérations délicates à la fois, vous saurez
que, au bout d’un certain temps, votre attention
vacille, la nervosité s’accroît dans votre système et
votre efficacité se réduit. De temps en temps,
éloignez vos mains du clavier. Concentrez-vous,
non plus sur toutes ces tâches différentes, mais sur
une seule : l’acte de respirer, très lentement, en
inspirant par le nez et en expirant par la bouche. Le
stress se réduit, le bien-être s’accroît et l’attention
s’affine.
Mini-méditation de « pleine
conscience » en trois minutes

• S’asseoir droit sur sa chaise.

• Devenez conscient(e) de vos sensations


corporelles, agréables ou non. Ne les jugez
pas, acceptez-les, dans la mesure du
possible.

• Devenez conscient(e) de vos émotions du


moment. Ne les jugez pas, acceptez-les.

• Devenez conscient(e) de vos pensées.


Observez-les avec curiosité et une certaine
distance, sans vous laisser emporter par
elles.

• Focalisez votre attention sur votre


respiration.

• Si votre attention erre, pas de problème :


ramenez-la chaque fois à votre respiration.

Un aspect très important des exercices de pleine


conscience, et qui va dans le sens de l’intelligence
émotionnelle, c’est de ne pas chasser nos émotions,
mais de les laisser venir. Nous les observons
comme un phénomène quelque peu détaché de
nous. Les ayant reconnues et acceptées, nous
éprouvons de la compassion face aux émotions les
plus déstabilisantes, nous nous pardonnons en
quelque sorte. Considérons ce monologue
intérieur :

Reconnaître et « pardonner » nos


émotions

« Véronique a eu cette promotion à ma place. Suis-


je jaloux ? Pas du tout ! »

Ici, nous nions et nous refoulons l’émotion. Elle ne


s’en ira pas, mais reviendra par la suite avec plus
de force. Recommençons : « Véronique a eu cette
promotion à ma place. Suis-je jaloux ? En fait, oui.
Je voulais vraiment avoir cette promotion. Mais il
n’y a pas de honte. Ma jalousie est une réaction
normale. Elle est là, ma jalousie, elle flotte devant
moi, elle ne représente pas une partie essentielle
de moi. Je comprends pourquoi je ressens de la
jalousie et je me pardonne. »

La pleine conscience nous permet de reconnaître


des émotions fortes qui, refoulées, couveraient et
exercerait une influence déstabilisante sur nos
relations avec autrui et sur notre efficacité
productive.

Pour en savoir plus

Jon Kabat-Zinn, Au cœur de la tourmente, la pleine conscience


(J’ai lu).

Shamash Alidina, Hélène Felipe, Élisabeth Coulon,


Méditation : la pleine conscience pour les Nuls (First).

Comment être exemplaire


dans la productivité ?
Napoléon disait que « le temps est le grand art de
l’homme ». Pourquoi semble-t-il au manager qu’il
n’en a jamais assez ? Il y a, à chaque instant,
tellement de choses à faire et pas assez de temps
pour nous en occuper. Nous avons souvent du mal à
établir des priorités. La procrastination
improductive nous guette à chaque instant, et le
risque de tomber dans la démoralisation est parfois
grand. Et pourtant, en tant que leader, nous nous
devons, et nous devons aux autres, d’être
exemplaires. La vie professionnelle est une lutte
constante entre l’attention et la distraction.
Comment faire peser la balance du côté de
l’attention ?

Problème 1 : je n’ai pas


assez de temps
Selon La Bruyère, « ceux qui emploient mal leur
temps sont les premiers à se plaindre de sa
brièveté ». C’est un peu dur. Après tout, savons-
nous au juste comment nous employons notre
temps ? À quelles activités consacrez-vous le plus
de temps chaque semaine ? La vraie réponse à cette
question pourrait vous surprendre. À cette fin, il y a
un exercice simple à faire.
Pour savoir à quoi vous consacrez
votre temps

Faites un tableau avec, dans la colonne de gauche,


les jours de la semaine.

Dans la ligne en haut, dénombrez les différentes


activités dans lesquelles vous êtes normalement
engagés : gérer les clients, parler avec vos
supérieurs hiérarchiques, discussions ou entretiens
avec vos collaborateurs, réunions avec des
collègues, déplacements physiques…

Au cours de la semaine, inscrivez le nombre


d’heures que vous consacrez chaque jour à chaque
activité.

À la fin de la semaine, totalisez les colonnes et


faites un schéma visuel de la répartition de votre
temps.

Si cette répartition ne vous semble pas idéale, c’est


l’heure de réagir.

Il ne s’agit nullement de travailler plus dur, mais


de travailler plus malin.
Problème 2 : je n’arrive
pas à établir des priorités
efficacement
Commencez par utiliser la matrice attribuée au
président Eisenhower, le célèbre général qui a
planifié le débarquement en Normandie en 1944.
C’est dire s’il connaissait quelque chose à
l’organisation ! Le principe en est que ce qui est
urgent n’est pas toujours important, et ce qui est
important n’est pas toujours urgent.

Pas important Important

Urgent Urgent mais pas important – à Aussi important qu’urgent


déléguer ou supprimer – à faire tout de suite

Pas Pas urgent et pas important – à Important mais pas urgent


urgent différer, déléguer ou supprimer – à différer

Avec ces quatre catégorisations et les quatre types


de réponses – faire, déléguer, différer, supprimer –
il devient plus facile d’établir des priorités
rationnelles.

Voici quatre conseils pour tirer le meilleur parti du


temps dont vous disposez :
• Éviter de consacrer du temps à une tâche
seulement pour décider de s’en occuper plus
tard. S’il n’y a pas d’obstacle matériel à la
réalisation immédiate de cette tâche, vous
risquez de prolonger inutilement le temps total
que vous y allouez.

• Avant de quitter votre bureau le soir, préparez


votre journée de demain. Vous consolidez ainsi
ce que vous avez accompli aujourd’hui et vous
mettez en place le nécessaire pour le jour
suivant. Vous partez plus tranquille et, en
arrivant demain matin, vous commencez sur
les chapeaux de roues !

• Ne prolongez pas les entretiens ou les


réunions au-delà de l’heure fixée pour leur
durée. Annoncez à l’avance l’heure qui sera
respectée.

• N’acceptez pas qu’on vous impose des délais


que vous savez ne pas pouvoir tenir. Ne dites
ni « Oui », ni « Je ne sais pas… » Cette
dernière réponse fait croire à votre
interlocuteur que c’est faisable avec un peu de
pression de sa part. Répondez plutôt : « Vous
le voulez pour quand ? » Ou : « Je peux le
faire, mais pas avant de terminer X… Si ce
délai n’est pas commode pour vous, quelles
alternatives suggérez-vous ? »

Problème 3 : je suis
souvent en proie à la
procrastination
La tendance à la procrastination fait partie de la
condition humaine. C’est un immense problème qui
impacte trop souvent notre efficacité
professionnelle. C’est particulièrement grave pour
un manager quand la procrastination le conduit à
avoir l’air indécis devant ses troupes. Celles-ci
s’attendent à ce que leur leader leur inspire
confiance en se montrant décisif. Il peut toujours y
avoir des raisons logiques pour remettre une
décision à plus tard, mais si nous sommes motivés
uniquement par le désir de différer un moment
désagréable, nous sommes en proie à la
procrastination.

Cette tendance est en partie le produit d’une lutte


entre, d’un côté, le cortex préfrontal et les
fonctions exécutives, et, de l’autre côté, des
systèmes du cerveau (autrefois étiquetés du nom
unique de « système limbique » ou, pire,
« cerveau reptilien ») qui s’occupent du plaisir ou
d’autres facteurs comme la peur ou l’agressivité. Il
y a des moments dans la vie où il faut différer la
satisfaction pour avoir une meilleure récompense
par la suite. Devrions-nous économiser et investir
ou dépenser tout de suite ? C’est l’histoire de la
cigale et de la fourmi ! C’est aussi la leçon d’une
expérience célèbre conduite par le chercheur néo-
zélandais Walter Mischel, racontée dans son livre
Le Test du marshmallow (J.-C. Lattès). Il a proposé à
un grand nombre d’enfants un test : soit ils
recevaient un bonbon à la guimauve tout de suite,
soit ils attendaient 15 minutes pour finalement en
recevoir deux. À peu près un tiers a succombé
immédiatement à la tentation ; un autre tiers a
résisté un certain temps avant de succomber à leur
tour ; et le dernier tiers a réussi à avoir les deux
bonbons. En suivant la carrière de ces enfants à
l’âge adulte, le chercheur a trouvé que ceux qui ont
eu les deux bonbons étaient plus riches, en
meilleure santé et avaient moins de démêlés
judiciaires. Cette capacité à maîtriser sa volonté
était même un meilleur indicateur de la réussite
financière d’un enfant que son QI. Cette maîtrise de
soi, c’est précisément ce qui est cultivé dans
l’intelligence émotionnelle et la pleine conscience.

Comment fortifier le pouvoir de votre volonté ?

• Cessons de prétendre que nous sommes


« multitâches ». La recherche scientifique
montre que généralement nous nous dupons.
Nous sommes les victimes de la distraction, si
ce n’est pas de la procrastination. Focalisons-
nous sur une tâche à la fois.

• Commencez la journée en faisant une de ces


corvées antipathiques mais nécessaires. Vous
vous sentirez plus productif/ve après.

• Faites un contrat avec vous-même. Prenez


une décision qui vous force à travailler sur
quelque chose pendant un certain temps.
Victor Hugo ordonnait à un domestique de le
laisser nu dans son bureau chaque matin et ne
pas revenir avec ses vêtements avant une
heure désignée. Le grand écrivain et père de la
République ne pouvait pas sortir. C’est un peu
drastique pour le bureau, mais grâce à votre
créativité, vous trouverez votre propre façon de
vous obliger à travailler !
• Selon Piers Steel, un grand expert sur les
problèmes de procrastination, nous nous
laissons détourner de nos vrais objectifs par
des tentations que nous essayons de refouler
mais qui refont surface très vite avec plus de
force pour nous distraire. Pour les combattre, il
ne faut pas essayer de les chasser, mais plutôt
y penser en les situant dans un contexte
négatif.

Pour résister à la tentation

« J’ai ce rapport à rédiger. C’est toujours barbant…


J’ai envie d’appeler Fred. Papoter avec lui, c’est
toujours distrayant. Il ne m’a pas encore raconté
son congé parental. Je vais le faire. »

Décrochant le téléphone, mais se ravisant : « Avoir


l’oreille collée à ce téléphone, c’est tellement
désagréable ! Et puis la dernière fois il m’a gonflée
avec ses histoires de golf. »

• Toujours selon Piers Steel, nous nous laissons


distraire par des tentations visibles dans notre
environnement. Il faut identifier et enlever les
sources de distraction (« loin des yeux, loin du
cœur ») pour les remplacer par des objets ou
des spectacles plus aptes à nous rappeler ce
que nous avons à faire.

• Quand notre corps se fatigue, nous le


ressentons tout de suite dans nos muscles.
Quand notre volonté se fatigue, les effets sont
moins tangibles. Et pourtant, les travaux de
l’équipe du chercheur Roy Baumeister
montrent que quand nous faisons un grand
effort de volonté, notre volition peut s’épuiser
temporairement. La victoire est souvent un
moment périlleux pour la volonté : pensez à
une personne qui récompense un effort
continu pour suivre un régime en cédant à la
tentation d’un beignet. Nous devons ménager
le pouvoir de notre volonté. Il vaut mieux
diviser une tâche importante en étapes ; faire
une pause de temps en temps et ne pas fêter la
victoire trop tôt.

Problème 4 : je suis
démoralisé(e)
Il peut arriver au manager de se sentir franchement
submergé par toutes ses obligations, perdu au
milieu du chaos, sans pouvoir se motiver pour en
sortir. Dans ces cas, il faut retrouver le
« pourquoi » de notre présence dans cette
organisation (voir chapitre 1). Selon un des grands
gourous de la productivité, David Allen, la
métaphore de l’altitude nous aide ici : au jour le
jour, nous voyons les choses selon une perspective
très terrestre, qui ne permet de voir qu’un
fourmillement de détails banals. Il faut prendre de
la hauteur pour avoir une vue d’ensemble et
retrouver la logique qui explique et justifie nos
actions de base. Le schéma suivant, fondé sur les
idées de David Allen, est à lire de haut en bas et de
bas en haut. Après vous être familiarisé(e) avec le
tableau, adaptez-le à votre situation et remplissez-
le.

Altitude Niveau d’activité Exemple

6 Notre épitaphe : le but Je voudrais montrer que, dans


de notre vie ce monde, il est possible de
professionnelle, la négocier de manière humaine
raison pour laquelle et juste pour arriver à des
nous travaillons dans tel accords satisfaisants pour tous
ou tel secteur plutôt les participants.
qu’un autre. Dans la vie
quotidienne, cela
semble si loin.
5 Vision de l’avenir à 3 ou Je voudrais trouver un poste à
5 ans, représentant les l’étranger pour développer
grandes transitions mes capacités commerciales
stratégiques dans notre dans un contexte international
carrière. Dans la vie de et interculturel.
tous les jours, cette
vision surnage de temps
en temps comme une
chimère.

4 Objectifs à 2 ou 3 ans, Je voudrais devenir la


représentant des directrice de ce centre de
changements dans nos formation et faire reconnaître
domaines de au reste de notre groupe son
responsabilité. Nous y importance et sa valeur.
pensons de temps en
temps.

3 Domaines où nous En tant que directrice adjointe


exerçons des de ce centre de formation des
responsabilités selon commerciaux au sein d’un
nos capacités grand groupe, je suis
techniques et nos responsable du programme
talents. Ce sont des pédagogique, de la formation
sources occasionnelles des formateurs et du suivi de
de fierté au milieu du la progression de chaque
chaos de la vie. personne formée.

2 Les objectifs à court La refonte de notre


terme, après lesquels on programme pédagogique est
a tendance à courir. bien engagée mais doit être
terminée pour la fin du mois.
1 Actions courantes Entre autres choses, répondre
diverses – réunions, e- à cet e-mail très critique
mails… – dans lesquelles envoyé par mon prédécesseur
on s’embourbe trop qui ne comprend ni nos
souvent. besoins actuels, ni les
principes de base du nouveau
programme pédagogique.

Nous nous trouvons tous, de temps en temps, face


à une tâche aussi délicate que désagréable, à
laquelle nous ne nous attendions pas, qui vient
perturber notre routine et saper notre motivation.
C’est la goutte d’eau qui fait déborder la vase ! En
utilisant le tableau, il suffit de remonter du
niveau 1 au niveau 6 pour retrouver le
« pourquoi » ultime qui motive nos actes. Du
coup, nous nous rappelons l’importance centrale
pour nous de la négociation. Soudain, cet e-mail
malvenu se transforme en une excellente
opportunité de pratiquer cet art de la négociation
qui nous est si cher. De plus, nous pouvons situer
l’acte de répondre à cette personne dans
l’enchaînement des actions qui vont nous conduire
lentement mais sûrement vers les autres étapes aux
autres niveaux de notre tableau permettant de
réaliser un jour notre ambition ultime.
Place à la pratique

Voici une série de questions ouvertes pour vous


guider dans votre pratique du management au jour
le jour. En cherchant vos propres réponses,
inspirez-vous des méthodes et des conseils
proposés dans ce chapitre.

• Qu’est-ce que je peux faire pour mieux


comprendre le point de vue des autres ?

• D’un point de vue émotionnel, quel sera le


meilleur moment pour aborder ce sujet
avec X ?

• Me suis-je assez bien préparé(e), me suis-je


assez bien documenté(e), pour aborder ce
sujet avec X ?

• Quand la prochaine occasion se


présentera, qu’est-ce que je pourrai faire
pour résoudre un conflit plutôt que de le
prolonger ?

• Comment me préparer psychologiquement


pour cette réunion problématique ou cette
conversation difficile ?
• À quels moments de la journée insérer un
exercice de « pleine conscience » pour
évacuer le stress et refocaliser mon pouvoir
de concentration ?

• Par quelles actions puis-je devenir un


exemple positif pour les autres ?

• Quelles sources de distraction inutile puis-


je exclure de mon environnement ?

• Par quelle tâche que j’aurais préféré


différer, uniquement parce qu’elle est
désagréable à mes yeux, vais-je commencer
cette journée ?

• Pourquoi suis-je en train de faire cette


corvée ? Quel en sera l’effet positif, dans
l’immédiat ? En quoi contribuera-t-elle à la
réalisation de mes projets à plus long
terme ?

• Qu’est-ce qu’on verra à la fin de ce projet


quand on aura réussi ?

Le « pourquoi » a tendance aussi à agrandir le


champ des solutions possibles. Quand on a oublié le
pourquoi de quelque chose, on a du mal à en
envisager la fin.
En s’occupant de votre productivité personnelle,
vous devenez exemplaire. Au besoin, vous pouvez
répandre parmi vos équipes vos méthodes pour être
productif.

Pour en savoir plus

David Allen, S’organiser pour réussir (Alisio).

Stephen R. Covey, Rebecca R. Merrill, Priorité aux priorités. La


méthode pour s’organiser, gérer son temps et atteindre ses
objectifs (J’ai lu).

Piers Steel, Procrastination. Pourquoi remet-on à demain ce


qu’on peut faire aujourd’hui ? (Éditions Privé).

Roy F. Baumeister, John Tierney, Le Pouvoir de la volonté : La


nouvelle science du self-control (Markus Haller).

1 Adam Galinsky, Gavin J. Kilduff, « Be seen as a leader : A simple


exercise can boost your status and influence », Harvard Business
Review, 91, déc. 2013, p. 127-130.

2 Ozlem Ayduk, Ethan Kross, « Pronouns matter when psyching


yourself up », Harvard Business Review, en ligne, 6 février 2015.
DANS CE CHAPITRE
Augmenter la force d’impact de sa communication

Bien choisir les moyens de communication

Écouter les autres pour mieux communiquer

Gérer les conversations difficiles

Chapitre 4
Communiquer comme un pro
Si le manager est un vrai athlète des relations
humaines, son sport préféré est nécessairement la
communication. Un manager qui communique peu
ou mal est comme un grand sportif qui passe tout
son temps endormi. Comment inspirer les autres et
les motiver, comment fixer des objectifs et recadrer
des écarts de comportement, si on ne communique
pas ? Notre capacité à bien réaliser toutes ces
tâches est proportionnelle à nos capacités de
communicant. Certes, le management ne se réduit
pas à la communication, mais il est impossible sans
elle.

“Je parle. Il le faut bien.


L’action met les ardeurs en
œuvre. Mais c’est la parole
qui les suscite.”
(Charles de Gaulle, Mémoires de
guerre)
Il s’agira ici de toutes les capacités nous permettant
d’accomplir les actions suivantes :

• Attirer et retenir l’attention des autres pour


nous faire entendre d’eux.

• Faire passer nos messages aux autres le plus


clairement possible.

• Interpréter le plus exactement possible les


messages que nous recevons des autres pour
mieux y répondre.

Après tout, nos relations avec autrui passent


nécessairement par la communication et ses trois
formes :
• orale (en live ou dans une vidéo) ;

• écrite ;

• corporelle, gestuelle (en live ou dans une


vidéo).

Voici des exemples de situations les plus typiques


où un manager doit exercer ses talents de
communicant :

• Dans un entretien en tête à tête avec un


collaborateur.

• Avec une vingtaine de collègues autour d’une


grande table dans une salle de réunion.

• À côté d’un rétroprojecteur, face à un public


de quelques centaines de personnes, dans un
grand auditorium lors d’un séminaire
international.

• Face à un écran d’ordinateur ou de


smartphone, en réfléchissant à des
destinataires qui ne nous connaissent pas mais
qui vont recevoir notre message sous forme
d’e-mail ou de vidéo postée sur un réseau
social.

Autant de situations où nous pouvons réussir ou…


essuyer un cuisant échec. La communication est
souvent sous-évaluée par les managers, pour qui la
forme est secondaire et inférieure au fond. La
décoration est jugée futile face à la vérité
essentielle. Pourtant, à quoi cela sert-il d’avoir les
meilleures idées du monde, si notre public ne les
comprend pas ou n’est pas d’humeur à bien les
accueillir ? Puisqu’une bonne communication
implique de prendre en compte l’état d’esprit et la
réceptivité des destinataires de notre message, elle
dépend grandement de notre intelligence
émotionnelle.

N’est pas clair qui veut. Si nous nous retrouvons


fréquemment à nous exclamer : « Je n’ai pas été
clair là-dessus ? », il est probable que nous ne le
soyons pas autant que nous le croyons. Et
aujourd’hui, il y a de nouveaux médias qui
nécessitent une approche différente. Nous sommes
obligés de varier notre communication, non
seulement selon l’attitude de notre public, mais
aussi selon le canal par lequel nous voulons faire
passer notre message. Dans le monde de
l’entreprise, certaines formes et habitudes de
communication ont pris racine. Elles sont
aujourd’hui en train de changer. Le bon manager
sera à l’avant-garde de ces transformations.
« PowerPoint m’a tuer »
Lors de sa première apparition dans les entreprises,
PowerPoint a constitué une révolution magique.
Tout le potentiel de la représentation visuelle était
désormais à la portée de n’importe quel intervenant
qui, de surcroît, pouvait maintenant compter sur
ses diapos, plutôt que sur sa seule mémoire, pour
se rappeler le contenu de son discours.

Quelques décennies plus tard, le bilan est mitigé.


Les facilités qu’offre cet outil ont certes apporté
une nouvelle dimension aux présentations.
Malheureusement, elles ont provoqué aussi une
certaine paresse chez les conférenciers et formaté
jusqu’à notre pensée. Trop fréquemment, notre
audience écoute à peine, comprend encore moins et
s’ennuie à mort devant l’étalage des mêmes
phénomènes peu stimulants :

• Un discours qui suit le rythme hoquetant d’un


rétroprojecteur.

• Une voix monotone qui lit ce qui est déjà écrit


sur les diapositives.

• Des diapositives qui sont un méli-mélo de


mots, de flèches et de graphiques.
• Des phrases à puce qui saucissonnent la
pensée en petites tranches sans véritable
enchaînement logique.

• Une succession de principes abstraits sans


parfum, sans saveur et sans relief.
Témoignage d’un consultant en
management

« Je coachais Cédric, P.-D.G. d’une PME importante,


depuis quelques semaines. Il avait initié une
grande opération de changement et avait besoin
d’être accompagné pendant cette période de
transition difficile.

Un jour, je suis arrivé chez lui juste avant le début


d’un séminaire crucial avec ses collaborateurs. Il
semblait très anxieux. Interrogé, il m’a expliqué
que ce qu’il allait leur annoncer risquait d’être mal
accueilli par eux. Il avait préparé une présentation
avec pléthore de diapos, toutes surchargées de
tableaux et de graphiques pour justifier ce qu’il
avait à dire. Et pourtant, tout cela ne le rassurait
guère. Je lui ai dit : “Écoutez, Cédric, ne pensez-vous
pas que vous êtes en train de vous cacher derrière
toutes ces diapos ? Ne vaudrait-il pas mieux oublier
le rétroprojecteur, vous mettre debout devant vos
collaborateurs et leur dire, les yeux dans les yeux,
ce que vous avez à leur dire ?” Ce qui fut fait. La
discussion a été intense, mais les collaborateurs
ont été rassurés par la franchise de Cédric, et celui-
ci en est sorti avec le sentiment d’avoir été à la
hauteur de la situation et d’avoir joué franc jeu
avec son personnel. »

C’est sans enthousiasme, les neurones en état


d’hébétude, que nous entendons le signal de la fin :
« Y a-t-il des questions ? »

Il ne faudrait pas se défaire d’un outil aussi


commode et qui a beaucoup de potentiel pour qui
sait s’en servir de manière créative. Mais se reposer
sur lui continuellement, sans réfléchir, a souvent
pour effet de torturer nos collègues et d’altérer
sérieusement notre pouvoir de communication.

Quand nous avons une présentation à faire, il y a


deux questions essentielles : pourquoi utiliser
PowerPoint ou tout autre outil comparable ? Si son
utilisation se justifie, comment l’utiliser ? Voici
quelques conseils fondamentaux :

• N’utilisez pas PowerPoint comme aide-


mémoire : l’impression principale donnée à
votre public est celle de votre paresse.

• Pour impressionner son public par sa sincérité


et son dynamisme, un orateur fait face à son
public et le regarde. Un écran de projection
détourne l’attention de votre personne et sape
la force de votre impact.

• Ne surchargez jamais vos diapositives : une


seule idée par page.

• Privilégiez l’image sur le texte : si une image


est parlante, elle est plus immédiatement
compréhensible pour le public.

• Utilisez des listes à puces seulement quand


vous avez vraiment besoin d’une liste.

• Excluez de votre PowerPoint tout ce qui est


mieux dit verbalement. Et dites-le
verbalement, les yeux dans les yeux, face à
votre public.

• Surtout, faites simple !

L’exemple des atouts et des handicaps de


PowerPoint permet de définir un principe encore
plus large : dans la communication, les moyens
doivent toujours être adaptés aux fins.

Avec l’extension prise par le télétravail, les


managers ont souvent recours à des outils de
visioconférence, tels que Zoom ou Teams, pour
organiser des réunions à distance. Pour la meilleure
façon d’exploiter cette technologie, consultez le cha
pitre 9.

Le pourquoi et le comment
D’habitude, le plus grand obstacle à une
communication réussie, c’est notre obsession avec
ce que nous avons à dire. Cette obsession nous
conduit à commettre trois erreurs :

• Mettre l’accent sur nous-même en oubliant le


public qu’il s’agit de convaincre.

• Rester dans les limites de notre expertise en


oubliant le pourquoi de cette intervention.

• Ne voir que le sujet dont il faut parler, aux


dépens du choix des moyens les plus adaptés à
notre message.

Bref, le quoi nous fait négliger le pourquoi et le


comment.

Les dix étapes d’une


intervention réussie
Voici les étapes cruciales de toute prise de parole en
public et des recommandations appropriées à
chacune :

❶ Bien préparer votre discours :

a. Quel est le message fondamental que je


veux faire passer ? Si mon public ne
retenait qu’une seule idée essentielle, ce
serait laquelle ?

b. Quel est mon public ? Quelles sont leurs


préoccupations fondamentales ? Dans
quelles dispositions seront-ils quand je
ferai mon intervention ?

c. Pour faire passer ce message auprès de


ce public, quels sont les moyens (outils,
formats, images, tableaux) les plus
adaptés ?

➋ Le trac est normal. Il y a deux remèdes :

a. Bien avant l’intervention, exprimez vos


inquiétudes par écrit ou oralement. Votre
esprit aura moins tendance par la suite à
s’attarder là-dessus.

b. Rappelez des moments où vous avez


bien réussi vos interventions – ou relevé
tout autre défi.
❸ Dans la salle, juste avant de commencer le
discours :

a. faites face au public, calmement, avec


une posture droite (plutôt qu’avachi) ;

b. regardez le public un instant en silence


pour attirer leur attention.

❹ Ne commencez pas votre intervention par une


banalité ou des mots parasites (« Bien ! »,
« Écoutez ! »), mais par une phrase
relativement courte destinée à susciter
l’intérêt immédiat de vos auditeurs. Une
question, de préférence ouverte, serait l’idéal
ici. N’oubliez pas d’y répondre avant la fin de
votre discours !

❺ Au cours de l’intervention, évitez les mots


parasites, gardez une posture relativement
dynamique mais sans gestes exagérés ni
cabotinage.

❻ Relancez l’intérêt de vos auditeurs à des


moments stratégiques par des questions.

❼ Ne parlez pas seulement à l’esprit rationnel de


vos auditeurs, mais aussi à leurs émotions.
Souvent, pour parler aux émotions, il faut
parler avec les émotions. Non pas de manière
dramatique, mais authentique.

❽ Utilisez des métaphores frappantes et


appropriées, et des formules verbales
mémorables (comme celle du président
Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que
votre pays peut faire pour vous, mais
demandez-vous ce que vous pouvez faire pour
votre pays »).

❾ Utilisez des histoires (voir p. 92).

❿ Votre dernière déclaration doit :

a. être très claire ;

b. résumer votre idée essentielle ;

c. pousser votre public à agir au nom de


cette idée ;

d. laisser une bonne impression de vous


dans l’esprit du public.

Le rôle des émotions


Dans les situations qui comptent pour le manager,
la communication doit toujours être fondée sur
l’intelligence émotionnelle. La raison peut
convaincre nos interlocuteurs, mais ce sont leurs
émotions qui les poussent à l’action. Souvent, pour
parler aux émotions, une image ou un geste frappe
les esprits beaucoup plus que des paroles. Comme
dans l’exemple suivant :
Un geste manuel ?

Il s’agit de la célèbre histoire de ce cadre dirigeant


qui voulait réaliser des réductions importantes
dans les coûts d’approvisionnement de son
entreprise. Il a vite compris combien il est difficile
de changer les habitudes. Mais un jour, découvrant
que les usines de l’entreprise achetaient 424 types
de gants différents, il a adopté une nouvelle
stratégie de communication. Plutôt que de parler
uniquement chiffres avec ses collègues, il a
empilé 424 paires de gants avec leurs différentes
étiquettes de prix sur la table de la salle du conseil.

L’effet a été immédiat. L’« autel aux gants » a même


fait la tournée des usines pour que tout le monde
puisse apprécier le message. Les réductions de
coûts ont été effectuées*.

* John P. Kotter, Dan S. Cohen, The Heart of Change.


Real-Life Stories of How People Change their
Organizations, Harvard Business Review Press.

Quelquefois, les chiffres, bien qu’exacts, ont un


effet inhibant sur le public. Si vous annoncez qu’il y
a des millions de personnes qui meurent de faim et
qu’il faut donner de l’argent, le donateur potentiel
trouvera que sa contribution ne représente qu’une
goutte dans l’océan : dans ce cas, à quoi bon
donner ? En revanche, si vous expliquez qu’une
contribution peut sauver la vie d’un enfant – et que
vous montrez l’image de cet enfant – l’acte de
donner semble désormais aussi utile qu’urgent.

Quand nous nous trouvons face à un public ou à un


interlocuteur que nous n’apprécions pas, notre
langage corporel peut facilement trahir notre
malaise émotionnel et faire mauvaise impression.
De plus, nous ne sommes guère motivés pour le
convaincre. Très souvent, notre vision des choses
détermine notre comportement. Il faut donc réussir
à avoir une vision plus positive du public en
question.
Pour avoir une vision positive de
votre public

Si vous devez faire une intervention devant les


membres d’un autre service qui ont la réputation
d’être excessivement perfectionnistes, d’être de
vrais fignoleurs, dites-vous bien que cette
prédisposition, quoiqu’opposée à vos propres
qualités, leur permet de jouer un rôle essentiel
dans l’entreprise. Leur faire une présentation est
même une bonne occasion pour profiter du
feedback d’un groupe aussi attentif aux détails.

Si vous avez un rendez-vous avec un collègue


habituellement obstructionniste, et que vous y
allez à contrecœur, pensez à tout ce que vous avez
en commun, à tout ce qui le rendra plus humain à
vos yeux. Il a une photo de sa femme et ses
enfants sur son bureau : il est donc père de famille
comme vous êtes mère/père. C’est un défenseur
acharné des intérêts de son groupe : il présente
donc un admirable exemple de loyauté.
De la communication
écrite aux réseaux
sociaux
Bien que nous nous sentions généralement trop
pressés pour vouloir lire des messages écrits, la
communication textuelle est toujours d’actualité,
qu’il s’agisse d’e-mails, de tweets ou de posts sur
les réseaux sociaux. Ceux-ci sont désormais
incontournables en entreprise. La communication
écrite a ses propres règles. Compte tenu de la
surcharge des informations dans le milieu
professionnel et de la répugnance des gens à lire
encore un texte de plus, la concision représente une
qualité que le manager doit cultiver de toute
urgence. Faire une version préparatoire de notre
message s’impose, pour fastidieux que cela puisse
paraître, ainsi qu’une vérification du texte avant de
l’envoyer ou de le poster. Relisons notre
communication du point de vue de ses
destinataires, afin d’éliminer toute ambiguïté
fâcheuse ou pour éviter de dire sous le coup d’une
émotion quelque chose que nous regretterons par la
suite. Relire permet aussi de corriger grammaire,
syntaxe et orthographe. Pourquoi ? Parce qu’un
message mal écrit peut donner l’impression au
destinataire que nous considérons que
communiquer avec lui n’a pas une grande
importance et ne mérite pas que nous y consacrions
beaucoup de temps et d’effort.

Si Internet et les réseaux sociaux ont ainsi donné


un nouveau souffle à la communication écrite, force
est néanmoins d’admettre que, pour un message
destiné à un public un peu plus large, une vidéo
relativement courte (jusqu’à trois minutes)
constitue le média idéal. On n’a besoin ni d’être un
grand cinéaste, ni de louer les services d’un
cameraman réputé, pour tourner une vidéo
acceptable. Cela peut même être un avantage,
surtout pour la communication interne. Une
communication trop lisse, trop corporate, passe
parfois mal sur les réseaux sociaux où la
spontanéité apparente est considérée comme un
signe de sincérité. Sur les réseaux sociaux, il est
recommandé de privilégier une communication
participative plutôt que des messages à sens unique
(voir chapitre 13), et le storytelling plutôt que la
simple présentation de données.
« Il était une fois » : la
puissance des histoires
Le storytelling, l’art de raconter des histoires, est à
la mode dans les entreprises. Ce n’est pas
seulement un gimmick de marketing. Les grands
groupes multinationaux, tels que Proctor and
Gamble, Nike ou Costco l’utilisent. C’est une
technique de communication hors pair. C’est un
instrument puissant entre les mains d’un leader.

Le storytelling, c’est la transformation


d’événements, de données, d’objectifs, de résultats,
et de relations humaines en histoires, c’est-à-dire
en récits organisés dans le temps. Ces récits ont un
début et une fin, des personnages, des enjeux, des
défis et des conclusions. Tous ces éléments sont
organisés pour présenter le maximum d’intérêt
pour le public ciblé.

À bien des égards, le cerveau humain fonctionne de


manière narrative. Il a tendance à organiser
l’expérience en des séries de causes et effets qui
balisent le passage du temps. Raconter une histoire
est une activité traditionnelle pour l’humanité
parce que cela nous permet de comprendre ce qui
nous arrive. Un récit a le pouvoir de relier le passé,
le présent et l’avenir et, ainsi, de conférer un sens à
notre vie. En entreprise, on a autant besoin de sens
que partout ailleurs.

Les avantages du storytelling sont nombreux :

• Capter l’attention du public : tout le monde


aime une bonne histoire.

• Inclure l’auditeur : celui-ci s’identifie avec les


personnages et se projette dans leurs luttes.

• Présenter des faits de manière simple et


compréhensible.

• Rester dans les esprits : les histoires sont


mémorables.

• Se répandre : les histoires se racontent et


circulent d’une personne à une autre.

Très souvent, la direction d’une entreprise a beau


répéter des mantras comme : « Nous devons être
plus axés sur le client », en espérant que tout le
personnel s’y « alignera », ces phrases ternes et
prévisibles ne sont pas mémorables et sont loin de
se répandre comme une traînée de poudre. Une
histoire bien racontée, qui met en scène des
personnages comme nos collaborateurs en train de
surmonter des difficultés pertinentes, aura plus
d’effet. Quand de telles histoires sont partagées par
les collaborateurs eux-mêmes sur les réseaux
sociaux de l’entreprise, c’est encore mieux.
L’histoire de Paul Smith

Travaillant pour la section de Proctor and Gamble


qui fabrique les couches, Paul Smith a eu l’occasion
de présenter à la direction une recommandation
stratégique à long terme. Il aurait pu faire une
intervention traditionnelle, consistant à expliquer
sa recommandation et ensuite à la justifier par une
analyse des données. Mais il choisit l’approche du
storytelling.

• 1re étape : il a commencé par le connu. Il a


rappelé à son public que tout le monde
croyait dur comme fer que pour augmenter
les bénéfices, il faut augmenter le volume
des ventes. (Dans une histoire, le connu a
une espérance de vie limitée : la routine est
toujours bouleversée par les événements.)

• 2e étape : il a posé une question. « Est-ce


vrai ? » La question focalise l’attention et les
pensées des auditeurs qui se demandent :
« Mais comment cela pourrait-il être faux ? »

• 3e étape : il raconte une histoire


personnelle et en même temps remonte
dans l’histoire de l’entreprise. Il a analysé
des données sur une période de quarante
ans. Entre 1961 et 1982, le principe (pour
augmenter les bénéfices, il faut augmenter
le volume des ventes) s’appliquait
parfaitement. Mais entre 1983 et 2000, il n’y
avait pas de corrélation du tout. (Ayant posé
une question qui éveille de la curiosité, il
raconte sa quête de la vérité, créant du
suspense. La conclusion de cette quête est
époustouflante.)

• 4e étape : il montre un schéma, puis fait


une pause, pour que le public puisse bien
comprendre la nouvelle donne. Ensuite, il
relance leur intérêt et sollicite leur
participation en posant une question :
« Qu’est-ce qui a bien pu se passer
en 1983 pour que tout change ? » Après
bien des suggestions, les auditeurs ont
trouvé la bonne réponse : un changement
dans le comportement des consommateurs
qui, après 1982, n’étaient plus en train de
remplacer les vieilles couches lavables par
les couches jetables. (Il vaut mieux que le
public arrive par ses propres efforts à la
même conclusion que le raconteur de
l’histoire.)

• 5e étape : tout le monde a immédiatement


reconnu la nécessité d’une nouvelle
stratégie.

En général, les individus trouvent leurs propres


idées plus intéressantes que les nôtres. Pour les
convaincre de quelque chose, il faut les amener à
croire que nos idées sont les leurs. Une histoire, qui
raconte un voyage de découverte, est l’outil idéal
pour réaliser une opération aussi délicate.

Les entreprises sont des viviers d’histoires, aussi


bien individuelles que collectives. La personne qui
arrive à combiner et à fusionner les éléments les
plus importants de ces histoires en un récit collectif
peut expliquer ce qui arrive au personnel, motiver
ses collaborateurs et guider leur action. Un récit
peut avoir cette triple action :

• Rappeler les éléments dans le passé qui


expliquent pourquoi nous sommes là où nous
sommes aujourd’hui.

• Décrire le chemin que nous avons devant


nous.
• Nous faire voir le résultat positif qui nous
motive sur ce chemin.

Il ne faut pas se complaire dans des récits


triomphalistes. Une bonne histoire comporte des
tensions, des dangers et des luttes avant de mener
son public à bon port.

Relisez un des discours les plus célèbres et les plus


puissants de l’histoire – et un des plus courts : le
discours de Gettysburg fait par Abraham Lincoln
pendant la guerre de Sécession américaine. Son
allocation avait manifestement deux objectifs :
motiver les nordistes en vue de la victoire
militaire ; et préparer déjà la réconciliation avec les
sudistes après la guerre. Il commence par évoquer
le passé – la guerre d’Indépendance quatre-vingt-
sept ans auparavant – pour expliquer la guerre
actuelle, qui est une continuation de cette lutte
pour l’égalité. Ensuite, il rappelle que lui et son
public sont sur un champ de bataille où d’autres
ont récemment sacrifié leurs vies pour cette cause,
ce qui oblige les vivants à faire leur devoir comme
les morts ont fait le leur. Finalement, il évoque
l’idéal qui doit guider l’action future : « […] à nous
de décider que le gouvernement du peuple, par le
peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la
surface de la terre. » Peu motivant, cet idéal ? On le
retrouve cité comme principe fondamental dans
l’article 2 de la Constitution de la Ve République
française.

S’en sortir dans les


conversations difficiles
Il arrive à tout le monde de se retrouver dans des
conversations difficiles, où on n’a pas l’impression
d’avancer, où l’autre semble refuser tout ce qu’on
propose ou même y voir un prétexte pour se vexer.
Cependant, dans la plupart des cas, nous avons créé
ces problèmes nous-mêmes en engageant mal le
dialogue dès le début. Considérons certaines des
meilleures façons de surmonter ce type de
difficultés.

Poser les questions de la


bonne manière
Parfois notre intention est bonne, mais nous
posons notre question de façon à orienter déjà nos
interlocuteurs vers une vision négative des choses.
Avant de poser une question, pensez à ce que vous
voulez vraiment savoir. Comment la formulation de
votre question peut-elle amener les personnes
interrogées à voir les choses sous l’angle le plus
pertinent ?
Vision négative versus vision positive

Dans une grande école de commerce, le directeur


d’un programme voulait moderniser et améliorer
l’enseignement. Il a réuni tous les étudiants dans
un grand amphithéâtre. Flanqué de ses
professeurs, il a posé la question suivante à son
public : « À vos yeux, qu’est-ce qui ne va pas dans
l’enseignement actuel ? »

Une première plainte de la part d’un étudiant a


donné lieu à un flot continu de réclamations qui
s’est vite transformé en un déluge de remarques
négatives. La séance a engendré un énorme cahier
des doléances qui a démoralisé la plupart des
enseignants et en a traumatisé certains.

Si le doyen avait demandé : « Que pourrions-nous


faire mieux ? », il aurait amené les étudiants à
envisager des améliorations à faire plutôt que des
défaillances à critiquer. Chaque réponse aurait
déjà contenu un début de solution.

Le pouvoir des pronoms


personnels
Il suffit parfois d’un petit mot pour changer toute
l’ambiance. Le pronom le plus dynamisant, le plus
inclusif, c’est « nous ». Chaque fois que le
manager dit « nous », il renforce l’esprit d’équipe
et affaiblit l’esprit de division. Considérez ces
exemples :

Ce qui est dit Ce qui est compris

« J’ai un problème. » « Aidez-moi ! »

« Vous avez un problème. » « Vous êtes nuls. »

« Nous avons un problème » « Cherchons une solution ensemble ! »

Comment dire « non »


Très souvent, sans que nous le réalisions, la
réponse négative que nous donnons à une requête
de la part d’un collègue ou d’un collaborateur lui
fait l’effet d’une sorte de claque. C’est comme si
nous disions « non » à la personne, plutôt qu’à la
proposition. Dans nos réponses, prenons soin de
refuser l’idée plutôt que l’individu qui en est
l’origine :

La question : « Pourriez-vous me remplacer à la


réunion avec les fournisseurs demain matin ? »
Refus de la personne : « Non, j’ai autre chose à
faire. »

Refus de la proposition : « Je comprends. Cette


réunion est très importante pour nous.
Personnellement, je ne suis pas disponible demain
matin. J’aurais aimé l’être. Qui d’autre est
disponible ? »

Deux alliés puissants :


l’écoute et le silence
Dans les conversations difficiles, nous devons
combattre deux ennemis redoutables : une
tendance à ne pas vraiment écouter l’autre et une
tendance à l’autojustification. Tantôt c’est notre
souci de nous défendre contre des reproches
apparents qui nous empêche de bien écouter
l’autre ; tantôt c’est notre négligence dans l’écoute
qui nous fait imaginer des reproches dans ce que
l’autre semble dire. Il y a une excellente technique
pour remédier à ce problème :
La meilleure technique pour écouter

Se taire.

Tout manager, pour peu qu’il fasse preuve de


leadership, est constamment tenté, au cours d’un
dialogue ou d’une réunion, de prendre la parole. En
plus, il est la proie d’un besoin irrésistible de juger
immédiatement tout ce qu’il entend. Pour bien
écouter les autres, il faut se taire. Il faut ensuite
écarter momentanément la volonté de critiquer
pour laisser plus de place à l’esprit d’ouverture. Il
sera toujours temps de donner son avis par la suite.
En écoutant, donnons à l’autre l’impression que
nous l’écoutons : la position du corps et
l’expression du visage sont autant de signes qui
rassurent notre interlocuteur.

Un outil incontournable :
« la pince »
Cette puissance du silence se combine avec l’art de
manier les questions ouvertes (voir chapitre 1) dans
un outil fondamental qui s’appelle « la pince ».
Pourquoi ? Parce que cet outil nous permet de bien
rattraper la plupart des situations, au lieu de les
laisser déraper. La méthode d’utilisation est très
simple. Elle comporte trois étapes qui s’insèrent
dans un dialogue au moment où notre interlocuteur
nous dit quelque chose d’important, de dramatique
ou de très émotionnel :

❶ Une pause : avant de prendre la parole à notre


tour, nous attendons que notre interlocuteur
finisse de dire tout ce qu’il a à dire. Et ensuite,
nous attendons encore un instant, pour être
certain qu’il a fini et pour bien montrer que
nous l’écoutons et que nous réfléchissons. Le
silence est d’or.

➋ Un accusé de réception : la première chose que


nous disons indique très clairement que nous
sommes tout à fait conscients de l’émotion de
l’autre et que nous respectons ses sentiments.
N’en déplaise au général de Gaulle, un simple :
« Je vous ai compris » ne suffit pas ici. Il faut
un minimum de détails spécifiques dans la
réponse pour qu’elle soit crédible.

❸ La contre-question : nous choisissons une


question ouverte extrêmement pertinente qui a
pour fonction de tourner l’attention de l’autre
vers l’avenir, vers l’action et vers une solution
possible.

Pratiquer la pince nous permet de nous libérer de


cette fâcheuse tendance humaine à vouloir nous
justifier. La plupart du temps, l’autre ne s’intéresse
pas vraiment à notre justification, mais à la
solution de son problème. En général, nous justifier
concentre l’attention sur le passé plutôt que
l’avenir, et sur notre personne plutôt que sur la
difficulté de l’autre et les possibilités de la
surmonter. Une autre tendance fâcheuse que nous
avons presque tous, quand quelqu’un nous adresse
ce que nous considérons comme des reproches,
c’est vouloir l’interrompre avec des « Mais c’est
pas ça… », « J’essayais simplement de… », « Ce
n’est pas ce que je voulais dire… » L’effet en est
d’agacer encore plus notre interlocuteur, qui
n’arrive pas à terminer sa phrase et ne se sent pas
écouté. Nous n’arrivons pas non plus à développer
correctement nos raisonnements. Considérez ce
bout de dialogue :
Dialogue sans pince

— Ce que vous me demandez de faire là est très, très


différent de ce que je fais normalement…

— Oui mais…

— … Je ne sais pas si je peux le faire…

— Bien sûr, mais attendez un instant…

— … Je ne sais même pas si je veux le faire…

À la fin, le dialogue est en panne, et nous aurons un


plus grand effort à faire pour le remettre sur la
bonne voie. Reprenons, cette fois en utilisant la
pince :

Les questions posées ici auront de l’effet seulement


si elles sont vraiment pertinentes à la situation. Il
s’agit de braquer la lumière sur des réalités
importantes qui risquaient d’être oubliées si la
conversation s’embourbait dans l’autojustification
des participants. Il ne s’agit nullement d’entortiller
votre interlocuteur avec des fausses promesses. Il
faut essayer de comprendre l’autre, ses émotions,
ses mobiles profonds. Bref, il faut utiliser notre
intelligence émotionnelle (voir chapitre 3). Bien
utiliser la pince ne constitue pas une technique,
mais une attitude. Celle qui consiste à toujours
s’intéresser à la personne qui est en face de nous et
à toujours chercher les aspects positifs de la réalité
que nous partageons avec elle. Au fond, ce qui
compte le plus, c’est de créer et de maintenir une
vraie relation avec notre interlocuteur.

La pince peut s’utiliser dans des conversations en


tête à tête mais aussi dans les échanges qui ont lieu
au cours d’une réunion.
Dialogue avec pince

— Ce que vous me demandez de faire là est très, très


différent de ce que je fais normalement…

On regarde l’autre calmement, les yeux dans les yeux.

— … Je ne sais pas si je peux le faire…

On freine le désir de l’interrompre par nos protestations. On


le regarde avec une expression attentive sur le visage.

— … Je ne sais même pas si je veux le faire…

Un moment de silence. L’autre a bien terminé. Nous


montrons que nous l’avons écouté jusqu’au bout et que nous
méditons une réponse appropriée. Maintenant : l’accusé-
réception.

— Vous avez parfaitement raison. C’est très différent… Je


comprends que vous hésitiez. Vous faites bien de faire
preuve de prudence. Je ne m’attendrais à rien de moins de
votre part.

Ensuite, la contre-question : « Qu’est-ce que vous avez à


gagner en relevant ce nouveau défi ? »

Maintenant, nous mettons l’accent sur l’avenir, sur la


motivation du collaborateur. En posant une question au lieu
de faire une déclaration comme : « Vous avez beaucoup à
gagner… », nous l’obligeons à réfléchir et à imaginer pour lui-
même. Il pense, par exemple, à ses espoirs de promotion, ou
à la satisfaction qu’il a toujours eue à être le premier dans le
service à tester les idées nouvelles…

Un peu plus tard dans le dialogue, une autre question


ouverte : « Qu’est-ce que notre service a à gagner si vous
relevez ce défi ? »

Ici, l’accent est mis sur l’esprit d’équipe et l’honneur du


service. Au besoin, on pourrait souligner aussi la mission de
l’entreprise, sa vision inspirante, son devoir envers ses
clients : « Qu’est-ce que notre entreprise a à gagner si vous
relevez ce défi ? »

Au lieu de dire : « Je vous ai choisi parce que vous êtes le


meilleur », ce qui peut sembler peu sincère, posez une autre
question ouverte : « Pourquoi pensez-vous que je vous ai
choisi pour cette mission ? »
Pour en savoir plus

Chip Heath, Dan Heath, Ces idées qui collent. Pourquoi


certaines idées survivent quand d’autres meurent (Pearson).

Chip Heath, Dan Heath, Switch. Osez le changement (Leduc.s


Éditions).

Paul Smith, Lead with a Story. A Guide to Crafting Business


Narratives that Captivate, Convince and Inspire (American
Management Association).

Nancy Duarte, Vibrations. Transformez vos présentations en


histoires visuelles pour captiver et conquérir votre auditoire
(Éditions Diateino).
Place à la pratique !

L’aide-mémoire du communicant

• Quel est le média le plus adapté à mon


message ?

• Ai-je bien préparé mon intervention ?

• Quel est le message essentiel que je


voudrais faire passer, même si mes autres
messages ne passent pas ?

• Quel est mon public ? Comment réagira-t-


il ? Comment toucher ses émotions ?

• Si j’ai le trac, quand ai-je réussi une


intervention dans le passé (ou tout autre
exercice) ? Je me raconte cette histoire.

• Dans une intervention orale, comment


utiliser le silence à bon escient ?

• Comment transformer mon analyse, mes


données et ma recommandation en un
récit ?

• Comment utiliser les questions, surtout


ouvertes ?
• Quelle est la première phrase de mon
intervention ? Quelle en est la dernière ?

• Comment impliquer davantage mon public


dans mon intervention ? Comment le faire
participer ?

• Ai-je relu, vérifié et corrigé mon texte avant


de l’envoyer ? (Si applicable).

L’aide-mémoire des conversations difficiles

• Comment dire « non » à une suggestion


sans avoir l’air de dire « non » à la
personne ?

• Dans quelles circonstances vais-je dire


« nous » au lieu de « je » ou « vous » ?

• Comment éviter de me justifier ?

• Quelles sont les questions les plus positives


à poser ?

• Comment utiliser le silence à bon escient ?

• Combien de temps ai-je passé récemment


à écouter les autres sans parler ?

• Comment avoir le réflexe d’utiliser la pince


dans des situations qui la nécessitent ?
• Comment faire de mon utilisation de la
pince une attitude plutôt qu’un
mécanisme ?

• Comment être vraiment centré sur l’autre


quand il faut l’être ?
DANS CE CHAPITRE
Évaluer la performance à la lumière de la stratégie

Choisir les systèmes de mesure adaptés

Éviter de confondre objectifs et moyens

Adapter l’approche selon la culture d’entreprise

Chapitre 5
Évaluer la performance
É valuer la performance, c’est évaluer les progrès
accomplis en vue de la réalisation – ou non – des
objectifs de notre organisation. Comment donc
mesurer la performance ? Comment choisir les
éléments dont l’analyse nous donnera une idée
suffisamment exacte de notre réussite ou de notre
échec ? Comment interpréter les résultats ? Quels
seront les effets de cet acte d’évaluation sur nos
troupes ?

Ces questions s’appliquent de manière globale à


votre entreprise ou à votre institution. Elles
s’appliquent aussi à votre unité opérationnelle –
service, département ou équipe – précisément
dans la mesure où elle contribue à la performance
de l’organisation entière. Il en va de même en ce
qui concerne les contributions des individus qui
font partie de ces équipes. Nous aborderons plus en
détail les contributions individuelles dans le
chapitre intitulé « Diriger et évaluer les
collaborateurs ». Ici, nous nous occuperons de
manière générale de cet acte qui consiste à définir
des objectifs et à contrôler leur réalisation. Il s’agit
d’un des actes fondamentaux du management,
mais l’expérience montre que c’est aussi
potentiellement l’acte le plus problématique.

La première difficulté consiste, d’abord, à


transposer la stratégie de notre organisation en
objectifs et, ensuite, à traduire ceux-ci en une série
d’autres objectifs aux niveaux des unités
opérationnelles, des équipes et des individus. La
deuxième difficulté est de choisir le meilleur
système de mesure. Le manager a à sa disposition
une très large gamme d’indicateurs, appelés en
anglais key performance indicators ou KPI. En
français, on dit « indicateur clé de performance ».
Ces indicateurs offrent de nombreuses approches
différentes pour mesurer l’efficience de nos
procédures, processus et collaborateurs, et pour
évaluer nos résultats. La sélection des indicateurs
soulève de nombreuses interrogations. Quelle
approche est la plus adaptée à nos besoins ?
Comment l’appliquer sans perdre de vue la
justification initiale de cet acte de contrôle ? Dans
un environnement de plus en plus dominé par des
structures bureaucratiques, les opérations
d’évaluation peuvent facilement acquérir leur
propre logique, indépendamment du « pourquoi »
qui a motivé leur création. Et dans un monde où
l’exigence de la vitesse est de plus en plus
dominante, comment résister au court-termisme
qui risque si souvent de vicier la compréhension
lucide de notre situation ?

De la stratégie à la
performance : les critères
d’évaluation
Toute évaluation de la performance est
nécessairement liée, de près ou de loin, à notre
stratégie globale. Celle-ci doit être clairement
établie selon notre cadre de référence (voir
chapitre 1) et communiquée de manière simple et
efficace à tout notre personnel pour que chacun
comprenne son rôle dans le projet. Afin de mieux
définir les activités essentielles de notre
organisation et de ses unités opérationnelles, il faut
avoir une vision concrète de la manière dont nous
créons de la valeur à travers notre business model.
Le business model – on dit aussi en français,
« modèle d’entreprise » ou « modèle
d’affaires » – représente la manière dont une
organisation « crée, délivre et capture la valeur »,
selon la fameuse définition d’Osterwalder et
Pigneur1. Les entreprises les plus performantes
renouvellent leur modèle économique deux fois
plus souvent que les moins performantes. Les plus
grands obstacles à ce renouvellement sont :

• une incapacité à penser en dehors de la


logique dominante de son secteur ;

• la difficulté que l’on peut avoir à penser en


termes de modèle économique, c’est-à-dire en
termes de création de valeur, plutôt qu’en
termes de produits et de services.

Les neuf rubriques du « canevas » d’Osterwalder


et Pigneur nous aideront à mieux identifier les
facettes essentielles de notre création de valeur et
donc les différents objectifs prioritaires de notre
organisation :

• partenaires ;

• activités ;

• ressources ;

• offre ;

• relation client ;

• segments client ;

• canaux de distribution ;

• structure des coûts ;

• sources de revenus.

Les objectifs que nous fixons pour notre


organisation, pour notre unité opérationnelle et
pour nos équipes doivent correspondre aux
exigences de l’acronyme anglais, « SMART » :

Terme Description Exemple


Spécifique On évite l’idéal et on Réduire le nombre de nos
privilégie le concret. fournisseurs.

Mesurable Un chiffre obvie au De 40 %.


caractère subjectif de
nos jugements et
permet des
comparaisons.

Atteignable Réalisable. En anglais, On aimerait réduire le


achievable. nombre de 80 %, mais
dans les circonstances
actuelles, ce serait une
chimère.

Relevant, en anglais. Atteindre cet objectif Pour créer des gains de


En français : « doit servir notre temps et réduire nos
pertinent ». stratégie. coûts.

Time-bound, en Pour être utile, D’ici à six mois.


anglais. En français l’objectif doit être
: « en respectant un réalisé avant une
délai fixé d’avance certaine date.
».

Nos objectifs se divisent en deux grandes


catégories :

• Les objectifs de performance, par exemple


réduire les coûts de 10 %. Il est sous-entendu
ici que nous possédons déjà les connaissances
et les compétences pour le faire.
• Les objectifs d’apprentissage, par exemple
développer une méthode pour augmenter la
production de 25 %. Ici, il faut acquérir de
nouvelles connaissances et compétences afin
de réaliser de nouveaux objectifs de
performance.

Munis de notre liste d’objectifs, que ce soit ceux de


l’organisation ou ceux de notre équipe, nous
pouvons procéder à l’évaluation de nos progrès vers
leur réalisation. C’est ici que trois catégories
d’obstacles potentiels nous attendent : la
multiplicité des systèmes de mesure, la tendance à
oublier le but original du contrôle et son utilité et la
complexité qui guette toute action humaine qui se
déploie dans le temps.

Problème 1 : le grand
nombre des KPI
Il existe des centaines d’indicateurs clés de
performance. La sélection et l’application des
indicateurs doivent servir à autre chose qu’à
rassurer le bureaucrate qui est en nous. Il s’agit de
clarifier notre situation, plutôt que de créer ou
d’augmenter la confusion. Les plus importants de
tous ces KPI, dont certains sont plus techniques
que les autres, peuvent être rangés sous cinq
rubriques essentielles :

• Efficience des processus et procédures : par


exemple, le délai de traitement moyen des
tâches ; le temps de cycle entre commande et
livraison ; le temps moyen jusqu’à la
réparation ; le nombre d’erreurs dans le
traitement des dossiers ; le nombre de pièces
défectueuses ; le nombre de brevets déposés…

• Clients : les données commerciales ; le nombre


d’achats par des clients récurrents ; le temps
d’expédition d’une commande ; les
questionnaires de satisfaction ; le nombre de
plaintes ; le taux de fidélisation du client ; le
taux de recommandation net…

• Employés : le roulement ; la rétention ; la


satisfaction ; l’évaluation à 360o ; le taux
d’absentéisme ; la marge brute par employé…

• Financiers : la marge bénéficiaire brute ; la


marge bénéficiaire nette ; la marge
opérationnelle ; les coûts d’exploitation ; la
rentabilité des capitaux investis…
• Benchmarking : la comparaison avec le leader
sur le marché ; la comparaison avec la
moyenne des concurrents sur le marché…

Avec un aussi grand nombre d’indicateurs à notre


disposition, les deux erreurs les plus fréquentes
sont :

• d’avoir trop d’indicateurs, créant de la


confusion, de sorte que l’arbre cache la forêt ;

• de choisir les mauvais indicateurs, par


exemple ne mesurer que le taux d’absentéisme
des employés sans enquêter sur leur
satisfaction, ou mesurer le nombre de
nouveaux clients sans s’intéresser à leur
fidélisation.

Il y a trois questions pour guider et justifier notre


choix des indicateurs :

• Quels problèmes cet indicateur nous


permettra-t-il de détecter ?

• Quelles améliorations cet indicateur nous


permettra-t-il d’envisager ?

• Quelle action concrète résultera des


informations fournies par cet indicateur ?
Si vos réponses à ces trois questions ne sont pas
claires, la raison en est, soit que vous n’êtes pas au
clair sur votre stratégie, soit que vous n’avez pas
choisi les bons indicateurs.

Problème 2 : les
indicateurs font oublier
la stratégie globale
Une opération d’évaluation prend du temps et
requiert une attention particulière de notre part.
Cet effort peut se transformer facilement en une
distraction par rapport à notre but réel et à la
raison d’être de notre organisation ou de notre
équipe. Au fond, il s’agit d’une confusion qui
s’installe fréquemment dans nos activités,
confusion qui consiste à prendre les moyens pour
des objectifs. Considérons le cas suivant :
Témoignage d’un consultant en
management

« En 2007, nous avons aidé une agence de


communication à clarifier sa stratégie globale.
Cette agence n’avait pas de bons résultats. Son
métier souffrait beaucoup face à l’arrivée de l’ère
digitale. Le personnel était dans un état critique de
démoralisation. Un jour, nous avons passé tout un
après-midi à fabriquer leur cadre de référence dans
un séminaire. À la sortie, un des managers m’a dit :
“Monsieur, permettez-moi de vous remercier. Ma
vie vient de rebasculer vers le soleil. Depuis trois
ans, j’ai l’impression de passer tout mon temps à
créer de la valeur uniquement pour les dividendes
de nos actionnaires. Grâce à ce travail, je réalise
que le monstre qui semblait me torturer, c’est aussi
celui qui me donne les moyens de travailler. Car le
véritable sens de mon travail, sa finalité ultime,
c’est rendre le consommateur autonome et
responsable.” Il s’est soudain rappelé que les
actionnaires, en investissant leur argent, lui
permettaient de poursuivre son but véritable : faire
de sa maison l’agence de référence dans
l’information client. »
Mesurer la satisfaction que nous donnons à nos
actionnaires est une forme d’évaluation
parfaitement légitime et utile. En revanche, ne
mesurer que cette satisfaction, c’est nous détourner
de notre but principal et prendre les moyens, quelle
que soit leur nécessité, pour les objectifs. La
solution, comme dans cet exemple, c’est de revenir
à notre cadre de référence, à notre stratégie
fondamentale, pour retrouver la bonne hiérarchie
des objectifs et des moyens. Voici l’erreur d’optique
en question et sa rectification :

Objectifs Moyens

Erreur Créer de la valeur Devenir une agence de


d’optique actionnariale. référence.

Rectification Devenir une agence de Créer de la valeur


référence. actionnariale.

Nous n’avons plus cette impression négative d’être


les esclaves d’un système de mesure arbitraire.
Nous pouvons désormais repérer notre position sur
le chemin du progrès. Ici, comme c’est le cas très
souvent dans la vie, l’argent n’est qu’un moyen,
même si c’est un moyen essentiel.
Problème 3 : le temps
Quand nous fixons nos objectifs de performance,
nous ne sommes jamais sûrs de l’avenir qui se
prépare. Par exemple, un objectif de vente fixé en
début d’année peut se révéler irréaliste après six
mois de changements sur le marché. Comment
remédier à la nature incertaine du futur ? Une
première réponse, c’est de fixer des sous-objectifs,
comme : « Trouver vingt-cinq prospects sérieux
dans les trois premiers mois. » La réalisation de
ces sous-objectifs sera plus facile, s’échelonnera
sur une période plus courte, et nous renseignera à
mi-parcours sur la possibilité d’atteindre l’objectif
principal.

Le temps peut être la source d’autres formes de


pression résultant de conflits d’intérêts au sein de
notre organisation et d’horizons temporels
divergents. Considérez le cas suivant :

Les leçons de ce cas peuvent être transformées en


autant de questions pour nous guider dans notre
évaluation des performances :

• Quel est le bon horizon temporel pour juger la


performance ? Comment définir une période
représentative ? Comment conjuguer les
objectifs à court, moyen et long terme ?

• Comment réconcilier la mesure des


performances individuelles et leur contribution
à la performance collective ? Dans la course de
relais, ce qui compte, ce n’est pas la vitesse de
telle ou telle sprinteuse, mais la vitesse du
bâton qui est passé de main en main.

• Comment protéger nos collaborateurs de la


pression néfaste issue d’une urgence non
essentielle ?

• Comment entretenir la confiance des


individus et le moral de l’équipe, tout en
s’occupant à temps de tout ce qui a besoin
d’être corrigé ?

• Comment rester fidèle à la finalité ultime


définie par notre stratégie ?

• Comment ne pas perdre de vue l’objectif


auquel l’évaluation est censée contribuer
(réinvestir les sommes provenant de la
réduction des coûts dans l’innovation ou dans
l’amélioration de la qualité pour fidéliser les
clients…) ?
• Comment rester focalisé sur l’objectif global
de l’entreprise, sans que notre vision des
choses soit trop biaisée par notre corporatisme
professionnel (finance, marketing, ventes,
R & D…) ?
Étude de cas : récit d’un consultant

Nous avons aidé une équipe de football à clarifier


sa stratégie, avant de l’accompagner dans ses
premiers efforts pour la déployer. Le président, le
délégué général, le manager général, l’entraîneur,
le directeur sportif et éducatif, ainsi que le
conseiller technique et le directeur du marketing
ont réussi à définir, pour une centaine de salariés
et des dizaines de joueurs, des objectifs à cinq ans
sur les plans sportif, économique, commercial,
sociétal et éducatif.

Promu récemment en Ligue 1, le club ambitionnait


de participer au championnat d’Europe. Pour ce
faire, il fallait finir la saison parmi les quatre
premières équipes de la Ligue. Et pour cela, il fallait
gagner des matchs… C’est ici que la notion de
performance devient aussi évidente que
pressante : dans le football, il y a des résultats
toutes les semaines qui constituent autant de
mesures du progrès de l’entreprise. Comment
trouver un équilibre entre la pression
hebdomadaire du résultat et la concentration
requise par la réalisation des objectifs à moyen et à
long terme ?
Le président, qui avait investi des sommes non
négligeables dans l’achat de nouveaux joueurs,
avait le plus grand mal à résister à la tentation de
s’immiscer dans le travail de l’entraîneur, en
essayant d’influencer le choix des footballeurs
pour chaque match. Après une défaite ou un
match nul, il renouvelait la pression, préconisant le
remplacement de X, qui n’avait pas marqué cette
fois, par Y qui avait coûté cher.

Aux yeux de l’entraîneur, la bonne période pour


juger de l’efficacité de telle ou telle configuration de
joueurs, c’était entre six et huit matchs. De plus, la
valeur de tel ou tel joueur dépendait, non
seulement de sa performance individuelle, mais
aussi de sa contribution au travail de l’équipe : un
joueur qui accomplit peu d’actions spectaculaires
peut très bien exercer une influence des plus
positives sur la cohésion et de son équipe et sur la
bonne coordination des actions. Et des
changements trop fréquents dans la sélection des
joueurs déstabilisent l’équipe et sapent la
confiance des sportifs.

Finalement, pour résister à la pression, l’entraîneur,


sur nos conseils, a dû tenir le discours suivant face
à l’insistance de son supérieur hiérarchique : “M. le
Président, je comprends votre désir de faire jouer X
ou Y. J’ai moi-même longuement hésité.
Cependant, qu’avons-nous appris au cours de ces
huit derniers matchs qui fait contre-argument ?”
Remarquez son utilisation d’une question ouverte
pour faire réfléchir son interlocuteur. Le président
a enfin compris et a laissé l’entraîneur faire son
travail correctement. »

Ce qui est mesuré est ce qui


est fait
Le choix que nous faisons des systèmes de mesure
peut avoir des conséquences imprévues. Trop
souvent dans la vie, les conséquences imprévues
ont tendance à être négatives. Considérons le cas
suivant :
Le contrôleur contrôlé

Un nouveau manager est nommé à la tête d’une


équipe de consultants. Il affiche des ambitions
dans deux domaines : la vente et la qualité. Afin de
faire des économies, il exige que tous les membres
de son équipe tiennent le registre exact de leurs
frais selon des critères très stricts. Il convoque les
collaborateurs pour qu’ils justifient la moindre
dépense et remboursent tout ce qui n’est pas
conforme à ses nouveaux critères. Les
collaborateurs ne se sentent plus soutenus dans
leurs efforts commerciaux : « Le chef est plus
intéressé par nos dépenses que par notre
réussite. » La créativité et la prise d’initiative en
souffrent. Les résultats commerciaux et la qualité
en pâtissent. L’évaluation des ambitions du
nouveau patron dans ces deux domaines indiquant
un échec patent, il est remplacé.

Le plus souvent, la sélection des indicateurs clés a


pour effet de signaler aux collaborateurs ce qui
compte aux yeux du manager. Par conséquent, ils
se focalisent sur cet aspect de leurs activités aux
dépens d’autres aspects pourtant non moins
essentiels. Cela se voit très clairement dans le cas
suivant :

Cela paraissait bien sur le papier !

Dans une usine de papier, le P.-D.G. trouvait que le


travail était trop souvent bâclé : ses ouvriers
étaient devenus très inattentifs et ses managers
tout à fait laxistes parce qu’ils le toléraient. Et
pourtant, le slogan de l’entreprise était : « L’amour
du travail bien fait ! » Après une enquête, le P.-D.G.
a découvert qu’il avait tout faux. La cause de ce
laisser-aller était le nouveau système de mesure de
la performance. Celui-ci ne prenait en compte que
la rapidité de production. Pour les ouvriers, le seul
critère était désormais la vitesse. Ils sacrifiaient la
qualité dans leurs efforts pour être rapides.

Ce conflit entre la quantité et la qualité est


fréquent. Les effets en sont accentués si le système
d’évaluation est lié à un système de récompenses.
Considérez le problème suivant :
On ne prête pas qu’aux riches !

Une banque accordait à ses employés des primes


calculées selon le nombre de prêts que leurs
clients contractaient. Pourtant, au bout d’un certain
temps, la direction a constaté que la banque
perdait de l’argent sur ces emprunts. La cause en
était un grand nombre de défauts de paiement.
Que faire ?

La réponse à ce problème consiste évidemment à


évaluer et le nombre des prêts contractés et le
nombre des défauts de paiement. De cette manière,
les employés sont encouragés à veiller à la quantité
des prêts mais aussi à la qualité, au sens de la cote
de crédit des clients.

Au fond, tous ces problèmes relèvent des rapports


parfois mystérieux entre les causes et les effets.
Dans les cas les plus difficiles, seules l’expérience
et l’expérimentation peuvent montrer la bonne
voie.
Allô ? Non mais allô quoi !

Dans un centre d’appels avec trois mille employés,


l’indicateur clé utilisé par la direction était le temps
moyen de gestion des appels. Il fallait donc
exploiter au maximum le temps pour rendre le
travail le plus efficient possible. À cette fin, une
mesure semblait s’imposer : interdire que les
membres d’une même équipe prennent leur pause
en même temps. Les bavardages inévitables
avaient tendance à prolonger le temps de pause.
Quand, à la suggestion d’un chercheur, cette
mesure a été annulée, permettant aux membres
de certaines équipes d’être en pause en même
temps, on a constaté une réduction appréciable
dans le temps moyen de gestion des appels par
rapport aux autres équipes. Pourquoi ? Parce que,
pendant ces pauses collectives et au milieu des
bavardages, les employés échangeaient des
informations importantes sur le travail, sur la
meilleure manière de gérer certains types
d’appel*…

* Alex Pentland, « The New Science of Building


Great Teams », Harvard Business Review, 90,
avril 2012.
Ce n’est jamais une bonne idée que de choisir un
indicateur clé par réflexe automatique. Il faut
toujours considérer le contexte de son application
et ses effets probables.

Il n’y a pas de solution


universelle
Un aspect du contexte qui est souvent fondamental
est représenté par la culture organisationnelle, au
sens de l’ensemble des valeurs, croyances et
surtout comportements professionnels
communément partagés par les membres d’une
organisation ou d’une unité opérationnelle. Un des
systèmes les plus efficaces et les plus répandus
pour décrire et analyser les cultures d’entreprise,
c’est le competing values framework2. En mettant de
côté les histoires spécifiques et les particularités
individuelles des entreprises pour se focaliser
uniquement sur les comportements professionnels,
cette approche propose quatre types de culture
qu’on pourrait appeler en français :
« collaboratif », « compétitif », « structuré » et
« innovant ». Leurs caractéristiques peuvent se
résumer ainsi :
Type Ce qui est valorisé en priorité Exemple

Collaboratif Les relations interpersonnelles, l’esprit Une


d’équipe, les hiérarchies officieuses, la entreprise
progression des employés, le mentoring. familiale.

Compétitif Les relations clients, les gains immédiats, la Une salle de


compétition avec les autres entreprises, tradeurs.
l’émulation entre collaborateurs, un
système de récompenses très clair.

Structuré Des systèmes de contrôle très efficaces, le Une


respect des procédures, la standardisation compagnie
des meilleures pratiques, la partage des d’assurances.
informations pertinentes.

Innovant La recherche constante de nouveaux Une start-up


produits, un flux continu d’idées nouvelles, informatique.
la prise de risque, l’adaptabilité, des Une société
structures improvisées et changeantes. de
production
de films.
Je ne comprends pas les geeks !

À l’époque où Atari était leader dans la création des


jeux vidéo, l’entreprise a nommé un nouveau P.-
D.G. avec un background dans le marketing. Il avait
l’habitude de travailler dans des environnements
où les efforts des employés étaient stimulés et
récompensés par un système de mesure qui
évaluait leur productivité mensuelle. Sa culture
d’origine était donc « compétitive ». Il se trouvait
désormais face à un groupe peu structuré
d’ingénieurs et de concepteurs dont le travail lui
paraissait complètement désorganisé. Leur culture
était évidemment « innovante ». Ne comprenant
pas cette façon de faire qui lui était très peu
familière, il a introduit des systèmes de reporting
très clairs et un système de récompenses
compétitif et individualiste. Le résultat ? Ses
collaborateurs se sont démoralisés et certains des
meilleurs ingénieurs ont quitté l’entreprise.

Selon le type de culture, il faut mesurer et


récompenser des aspects très variables des activités
des employés. Considérons cet exemple, cité par le
grand gourou de la culture organisationnelle, Edgar
Schein.

Selon la culture d’entreprise, les priorités de


l’organisation et, par conséquent, les systèmes
d’évaluation, ne seront pas les mêmes. Il se peut
bien que le manager ait envie de modifier les
priorités et de transformer les méthodes de
contrôle et d’évaluation, mais il ne peut pas le faire
sans d’abord prendre en compte la culture
existante partagée par ses collaborateurs.

“Ce qui compte ne peut pas


toujours être compté, et ce
qui peut être compté ne
compte pas forcément.”
(Albert Einstein)
En nous inspirant d’Einstein, que notre ambition
constante soit de faire coïncider ce que l’on compte et
ce qui compte !
Pour en savoir plus

Bernard Marr, Key Performance Indicators. The 75 Measures


Every Manager Needs to Know (Financial Times Press).

Alexander Osterwalder, Yves Pigneur, Alan Smith, Business


model nouvelle génération. Un guide pour visionnaires,
révolutionnaires et challengers (Pearson).

Gary P. Latham, Becoming the Evidence-Based Manager. Making


the Science of Management Work for You (Davies-Black).

Edgar Schein, The Corporate Culture Survival Guide (Jossey-


Bass).
Testons nos connaissances

❶ Lequel des éléments suivants n’est pas un


« indicateur clé de performance » ?

❑ Le temps moyen de gestion des appels.

❑ Le taux de recommandation net.

❑ La marge bénéficiaire brute.

❑ Le modèle d’entreprise.

➋ Oublier la finalité de son organisation en


pensant uniquement à la création de valeur
pour les actionnaires, c’est confondre :

❑ l’évaluation et la récompense.

❑ les moyens et les objectifs.

❑ deux cultures d’entreprise différentes.

❑ l’organigramme et le cadre de référence.

❸ Lequel de ces adjectifs ne décrit pas


normalement un objectif « SMART » ?

❑ Atteignable.

❑ Spécifique.

❑ Rapide.
❑ Mesurable.

❹ Lequel des adjectifs suivants ne décrit pas un


des types de culture organisationnelle les plus
répandus ?

❑ Innovant.

❑ Compétitif.

❑ Répétitif.

❑ Structuré.

1 Alexander Osterwalder, Yves Pigneur, Alan Smith, Business model


nouvelle génération. Un guide pour visionnaires, révolutionnaires et
challengers, Pearson.

2 Kim S. Cameron, Robert E. Quinn, Diagnosing and Changing


Organizational Culture, Based on the Competing Values Framework,
Wiley.
Partie 2
Manager ses troupes
Dans cette partie…

La vie d’un manager est faite d’interactions


constantes, dans des situations spécifiques, avec
ceux qu’il manage. Dans cette partie, nous
découvrons ces situations, leurs modalités
particulières et les meilleures approches pour
atteindre nos objectifs communs.
DANS CE CHAPITRE
Recruter en fonction de vos besoins

Sélectionner les recrues les plus prometteuses

Intégrer un nouveau membre à votre équipe et à votre
organisation

Chapitre 6
Attirer les talents
S elon beaucoup de dirigeants d’entreprise, leur
personnel représente l’atout le plus précieux de
leur organisation. Par conséquent, l’acte de
chercher et de sélectionner de nouveaux
collaborateurs devrait revêtir une importance
cruciale. Pourtant, les efforts investis dans le
recrutement et la fidélisation des employés laissent
souvent à désirer.
C’est d’autant plus étrange que nous sommes tous,
par nature, des recruteurs. Nous recrutons nos
relations, nos amis, nos époux mêmes. Nous
décidons avec qui nous voulons faire équipe.
L’esprit de ces opérations n’est pas si éloigné de
celui qui nous inspirait quand, enfants, nous
lancions le cri, avant une partie de football ou de
tout autre jeu : « Qui veut être dans mon
équipe ? » Les plus pressés de nous rejoindre
n’étaient pas toujours ceux que nous voulions,
tandis que ceux que nous désirions recruter se
faisaient prier. Nous intégrions volontiers certains
individus, non parce qu’ils étaient particulièrement
doués, mais parce qu’ils avaient la bonne attitude,
remontaient le moral des autres et inspiraient
confiance sur le plan humain.

Dans le milieu professionnel, ce n’est pas très


différent. Nous avons besoin de trouver des
personnes avec qui nous voulons faire équipe.
Chacune de ces personnes possédera une
combinaison différente de compétences techniques
et de qualités personnelles qui apporteront une
contribution unique à l’effort collectif. Grâce à la
complémentarité entre nos apports respectifs et
entre les différents rôles que nous jouons, le
résultat final du travail de l’équipe vaut plus que la
somme des composantes. Selon la métaphore de
Marcus Buckingham, le manager d’une équipe joue
aux échecs et non aux dames : plutôt que de traiter
ses collaborateurs comme s’ils étaient tous
équivalents et interchangeables, il reconnaît que
chaque membre de l’équipe possède ses propres
atouts et ses talents spécifiques. Le manager lui
confie des rôles qui lui permettent de contribuer au
résultat collectif.

Dans ces conditions, recruter les personnes les plus


adaptées à notre équipe professionnelle n’est pas
du tout facile. Il faut qu’elles possèdent à la fois les
aptitudes requises par leur poste et une attitude
compatible avec la culture et les valeurs du groupe.
Si cette alchimie subtile des équipes est difficile à
trouver, le coût de l’échec est grand. Recruter une
personne inadaptée représente une perte de temps,
d’effort et d’argent, surtout si nous lui avons donné
une formation. En général, il est plus facile de
recruter que de licencier. Les licenciements doivent
être clairement motivés et sont toujours délicats
sur les plans judiciaire, financier et émotionnel. Le
pire consiste à introduire involontairement dans
son équipe une personnalité toxique, quelqu’un
dont les agissements sapent le moral collectif ou
portent atteinte aux valeurs éthiques du groupe.
Une telle personne peut augmenter le niveau de
stress des autres membres de l’équipe et même
provoquer le départ de certains.

Pour ces raisons, il y a des entreprises qui confient


le recrutement du personnel à des cabinets
spécialisés. D’autres investissent dans des
« centres d’évaluation » ou assessment centers
(l’idée vient des États-Unis) qui proposent aux
candidats une série de tests et de mises en
situation. De cette manière, la décision du recruteur
n’est pas tributaire uniquement de son propre
jugement subjectif après l’entretien d’embauche et
de l’auto-évaluation du candidat sous la forme de
son CV. Pourtant, quelle que soit la méthode
choisie, la question fondamentale reste la même.

La question essentielle

Comment définir et trouver la personne qui nous


conviendra ?

Savoir de qui on a besoin


Le profil du poste à pourvoir doit être défini avec le
plus de précision possible, afin de décourager les
candidatures inadaptées et de motiver nos refus des
candidats non retenus. Si le poste existe déjà, plutôt
que d’utiliser le descriptif officiel, il vaut mieux
s’informer de ce qui est fait réellement par la
personne qui occupe le poste.

Les critères
Ceux-ci sont d’ordre à la fois objectif – diplômes,
capacités techniques, années d’expérience – et
subjectif : avec quelle personne aimerions-nous
travailler ? Les deux catégories sont importantes.
Assumons ouvertement notre choix de critères,
objectifs et subjectifs, et exprimons-les clairement
dans notre descriptif du profil idéal. Ce travail nous
oblige à réfléchir, non seulement sur la personne à
recruter, mais également sur notre organisation et
sur nous-mêmes. Nous sommes amenés à poser les
questions suivantes :

• Qu’est ce qui a vraiment de la valeur dans


l’entreprise ? Qu’est-ce qui marche dans mon
équipe ?
• Est-ce la même chose pour moi que pour le
reste de l’équipe ? Pour la direction ? Pour mon
n+1?

Il vaut mieux que la nouvelle recrue, une fois


intégrée à l’équipe, entende la même définition des
valeurs chez toutes les personnes avec qui elle sera
en contact.

Les sept grandes catégories du profil à définir sont


les suivantes :

• Compétences. Qu’est-ce que le candidat devrait


savoir faire sur le plan technique ? Qu’est-ce
qu’il pourra apprendre à faire très vite ?

• Expérience. Qu’est-ce que le candidat devrait


avoir déjà fait de pertinent dans sa carrière ?

• Responsabilité. Quelles tâches techniques


seront confiées à ce candidat ? Et la gestion de
quelles relations humaines (clients,
partenaires…) ?

• Comportement. Quels sont les traits de


caractère visibles qui permettront au candidat
d’intégrer facilement notre équipe et d’épouser
ses valeurs ?
• Motivation. Quel est le niveau d’implication
dans le travail dont le candidat devra faire
preuve ?

• Engagement. Sur quelle période le candidat


s’engagera-il idéalement à travailler pour
nous ?

• Les exigences du candidat. Que sommes-nous


prêts à faire pour attirer et garder ce candidat ?
En termes de salaire et avantages en nature…

Considérons deux exemples de recrutement, le


premier raté, le deuxième réussi :
À la fin, la note était salée

Mme G., P.-D.G. d’une fabrique de salaisons au


cœur du Pays basque, recherchait un(e) contrôleur
de gestion, poste en création, dans le cadre de la
gestion de la croissance de l’entreprise. Utilisation
de l’attractivité du pays basque pour lancer un
recrutement national. Beaucoup de réponses… un
élu, marié, 38 ans, 4 enfants, basé à Cergy-Pontoise
(95). Déménagement dans le Sud : le bonheur !
Oui, mais quand on est basé loin, le pays basque,
c’est Biarritz, sa plage, son casino… alors que le
poste se situait à 55 minutes de la côte. Le
candidat retenu était face à un dilemme : installer
sa famille sur la côte et faire la route tous les jours,
ou faire venir femme et enfants sur place.

La première solution fut choisie, mais il dut faire


face à la gestion de l’intégration familiale dans un
nouveau lieu, en plus d’une route devenue de plus
en plus longue au fil des semaines… Démission à la
fin de la période d’essai, la pression familiale était
trop lourde à gérer pour le contrôleur de gestion :
attention au mythe de l’Eldorado, il faut intégrer
l’environnement du poste et la capacité à gérer des
périodes difficiles.
À la fin, c’était de tout repos

Une directrice de maison de retraite privée dans une petite


ville du Lot-et-Garonne recherchait un(e) agent des services
hospitaliers, après avoir « épuré » tous les profils locaux. Et
comment faire venir de l’extérieur des compétences à niveau
de rémunération faible ? En trouvant un travail pour le
conjoint ! La directrice s’est rapprochée de la direction des
ressources humaines de l’entreprise agroalimentaire voisine
pour répertorier les postes vacants : « magasinier matières
premières ». La recherche s’est donc portée sur un couple en
région parisienne, désireux de (re)trouver une qualité de vie,
avec un poste pour chacun, condition sine qua non de
l’attractivité.

La diversité
La tendance à vouloir choisir quelqu’un qui nous
ressemble par ses origines, son milieu social, son
éducation ou sa formation est une erreur fréquente
dans le recrutement. La loi interdit toute
discrimination fondée sur l’âge, le sexe, l’ethnie ou
la religion. Il faut se garder le plus possible de toute
préférence inconsciente qui puisse rendre injuste
notre processus de sélection. Mais si la diversité est
une exigence du point de vue de la justice, elle
relève aussi du bon sens. Quelqu’un qui nous
ressemble à bien des égards n’est pas forcément le
meilleur candidat, ni le plus sympathique. Quand
une équipe est composée d’une large majorité de
membres qui ont fait la même école, qui ont des
compétences similaires, qui ont les mêmes réflexes
professionnels, qui ont toujours fait des choix de
carrière identiques, cela peut être très positif sur le
plan de l’esprit de corps, mais très négatif pour
l’intelligence collective. Pour répondre à la
complexité croissante du paysage économique
contemporain, les équipes doivent considérer une
variété de perspectives avant de choisir la bonne
solution à tel ou tel problème. Face aux dangers de
la « pensée unique » qui nous guettent
constamment, la réponse, c’est la diversité.

Conseil

De temps en temps, il faut prendre le risque de


recruter un profil atypique.

Où chercher les candidats ?


Le premier endroit où chercher pour pourvoir un
poste, c’est dans notre propre entreprise. Dans
certains cas, la loi impose une telle approche.
Sinon, les recruteurs supposent trop vite que la
personne idéale se trouvera nécessairement
ailleurs. Il y a un certain nombre d’avantages si
quelqu’un de convenable est disponible en interne :

• Le processus de recrutement coûte moins


cher.

• On a plus d’informations fiables sur la


personne.

• La personne connaît déjà les valeurs de


l’entreprise et normalement a déjà donné la
preuve de sa compatibilité avec la culture de
l’organisation.

• On montre aux collaborateurs que l’entreprise


s’occupe activement de leur progression.

Pour trouver la bonne personne en interne, il faut


faire savoir très clairement qu’on cherche
quelqu’un. Cette exigence est plus évidente quand
on cherche à l’extérieur. Les possibilités pour faire
connaître nos besoins sont nombreuses :

• les annonces ;
• Pôle emploi ;

• les cabinets de recrutement ;

• des institutions ayant aujourd’hui une forte


présence en ligne, telles que Cadremploi.fr et
l’APEC (Association pour l’emploi des cadres) ;

• les réseaux sociaux professionnels, tels que


LinkedIn ou Viadeo ;

• les sites spécialisés, comme Monster.fr. ;

• les nombreux sites spécialisés par secteur, tels


que http://www.autorecrute.com ; http://www.em
ploi-assurance.com ; http://www.carrieresbancaire
s.fr ; http://www.emploi-evenementiel.fr.

Le « marketing RH »
Les entreprises déploient des trésors d’inventivité
et de ressources pour interpeller le client,
l’interviewer afin de mesurer sa satisfaction,
l’informer sur des opportunités, l’inviter à
découvrir des services… Et s’il en était de même
pour les candidats ? C’est ce qu’on appelle le
« marketing RH » qui, surtout sur des marchés en
pénurie de candidats de valeur, permet de
maintenir le lien avec les profils potentiellement
intéressants. En utilisant tous les outils
pertinents – Internet, blog entreprise, articles de
presse, newsletters – on publie régulièrement des
témoignages de salariés et des expériences de
recrutement racontées par les candidats. Il s’agit
surtout de donner envie aux recrues potentielles de
travailler pour nous.

Un processus de recrutement finit généralement


par l’embauche d’un candidat. Un seul élu pour
combien de « perdants » ? Que faire de ces autres
qui présentaient eux aussi du potentiel ? Comment
tirer le meilleur bénéfice du temps et des
ressources investis à connaître des dizaines de
personnes ? La réponse est de créer un vivier. On
reste en contact avec les candidats prometteurs
dans le cadre de notre politique de marketing RH.
Plus qu’un simple fichier, un vivier représente la
communauté de l’« entreprise élargie ».
L’antichambre de l’embauche, il entretient un
sentiment d’appartenance et nous permet, quand
nous en avons un nouveau besoin bien identifié, de
proposer un poste à quelqu’un que nous
connaissons déjà. Pour le candidat, faire partie du
vivier, c’est bénéficier par avance d’informations
sur les postes et connaître déjà la culture de
l’entreprise en question. Évidemment, il faut faire
des efforts pour entretenir un tel réseau, mais les
gains par rapport à des recherches qui doivent
toujours repartir de zéro sont appréciables. Voici les
étapes essentielles dans la création d’un vivier :

• Identifier les acteurs RH en interne pour s’en


occuper tous les jours : être réactif.

• Classer les CV dans un logiciel


« Recrutement » (sites spécialisés hébergés,
au rapport qualité prix performant, comme
Jobaffinity).

• Mettre à jour… tous les jours.

• Mener des opérations RH sur le terrain


(salons, job-datings) pour se rendre visible
auprès des candidats.

• Créer et entretenir une communauté d’experts


sur les réseaux sociaux autour d’une
thématique forte (agilité, commerce 2.0…)
pour identifier les experts les plus influents de
leur écosystème.

• Garder un œil sur ses stagiaires, savoir les


évaluer dès leur stage : ce sont les futurs
profils de demain.
Rédiger une annonce
L’annonce reste un outil puissant, à condition de
bien la rédiger, en intégrant à la fois les dimensions
objective et subjective. Un texte un peu plus long et
détaillé ne pose pas de problème, car les
informations supplémentaires constituent une
marque d’attention pour le candidat. Si celui-ci
s’essouffle à la lecture de l’annonce, tant mieux ! Il
n’était pas fait pour vous. Voici les règles de base :

• S’adresser au candidat avec des mots qui nous


sont propres, mais en évitant les termes trop
prévisibles du style : « dynamisme »,
« motivé », « équipe qui
gagne »« leader »…

• Parler de notre entreprise ou équipe, en


valorisant – sans survalorisation – ce que nous
faisons de bien.

• Expliquer nos valeurs et nos critères de


performance ; décrire les profils de ceux qui
réussissent bien chez nous.

• Donner les éléments objectifs : missions,


activités, compétences, formation, lieu,
rémunération.
• Donner tous les détails pour candidater : la
manière, le délai, un nom de contact.

• Éliminer toutes les fautes d’orthographe, pour


montrer implicitement le soin avec lequel nous
avons rédigé une annonce aussi importante.

Considérons deux exemples authentiques


d’annonce : le premier est vague et ne fait pas
envie ; le deuxième beaucoup plus précis et apte à
attirer des personnes avec un profil plus précis :

Figure 6-1 Exemple d’une mauvaise annonce.


Figure 6-2 Exemple d’une meilleure annonce.

Rencontrer les candidats


Très souvent aujourd’hui, la difficulté que nous
pouvons avoir à dénicher le candidat le plus adapté
n’a d’égal que le nombre pléthorique de
candidatures que nous recevons. Notre première
tâche consiste à en réduire le volume en excluant
les personnes qui ne conviennent manifestement
pas.

Trier les candidats


Un test en ligne – composé de questions pointues
portant sur les situations qui requièrent
l’expérience et les compétences demandées par le
poste – peut permettre d’écarter les candidats dont
le CV surévalue les compétences. De plus, un
décalage très marqué entre les capacités affichées
et les capacités réelles caractérise les personnes
toxiques qui ont tendance à travailler vite mais mal.
Exemple de question d’un test en
ligne

Dans le supermarché où vous travaillez, un client a


laissé tomber une bouteille. Des éclats de verre
sont éparpillés par terre et du lait est en train se
répandre. Un de vos collègues s’occupe du client.
Vous avez beaucoup de rayons à stocker avant
votre pause. Votre réaction consiste à :

• attendre pour voir si on a besoin de votre


aide ;

• venir à l’aide du collègue en appelant le


personnel de nettoyage ;

• rester concentré sur votre objectif de


remplir les rayons.

En général, les tests – que ce soit d’intelligence ou


de personnalité – ne sont pas utilisés à bon escient
dans les processus de recrutement. Les tests des
compétences sont utiles, mais la plupart du temps
on les fait passer aux candidats après le tri des CV,
tandis que c’est le contraire qui est utile1. Les tests
de personnalité, loin de nous fournir le sésame de
l’âme du candidat, servent surtout à alimenter
positivement les discussions entre le postulant et le
recruteur.

Préparer la rencontre
Un entretien d’embauche se prépare à l’avance. Il
faut étudier le CV des personnes présélectionnées,
en cherchant des lacunes dans la chronologie ou
des changements de direction inexpliqués. Cet
examen alimentera notre stock de questions qui
doivent être :

• formulées d’avance ;

• écrites ;

• dans la mesure du possible, spécifiques à


chaque candidat.

On ne « convoque » pas le candidat pour un


entretien, on l’« invite ». Il s’agit de préparer un
moment privilégié. Le soin apporté au premier
contact – que ce soit par téléphone ou message
électronique – est primordial.

Conduire un entretien
d’embauche
Il faut d’abord créer un environnement qui
permette à notre invité(e) de s’exprimer le plus
authentiquement possible :

• Un bureau qui offre des conditions de


confidentialité.

• Une table et deux chaises (à la même


hauteur) ; ces dernières sont disposées, si
possible, non en face-à-face mais sur les
angles perpendiculaires, afin de favoriser la
collaboration et non une opposition
inquisitoriale.

• Un sens de proximité, mais une distance


suffisante pour que nos notes ne soient pas
lues par le candidat.

• Des feuilles de papier vierges à l’intention du


recruteur et du postulant, pour que chacun
puisse noter les choses intéressantes qui
seront dites.

• Annoncer dès le début de l’entretien la durée


estimée, les contraintes attendues (appel
téléphonique…) ; pour le candidat, ce sera le
signe d’éteindre son téléphone portable.
Respecter l’heure donnée pour la fin.
Accueillons bien le candidat, la main tendue, en
l’invitant à s’asseoir assez rapidement, pour le
mettre à son aise.

Les questions que nous poserons seront strictement


en rapport avec le poste. Il faut exclure toute
question portant sur l’âge, le genre, l’orientation
sexuelle, la situation de famille (une maternité
éventuelle), les origines ethniques, la religion ou le
handicap du candidat, ainsi que toute question
pouvant constituer une forme de harcèlement.

Exemples de questions à ne jamais


poser

• « Êtes-vous enceinte ? »

• « Avez-vous un casier judiciaire ? »

• « Quelle est votre religion ? »

« Comment allez-vous ? » est la première


question à poser au début de l’entretien. Tout
commence par une expression d’intérêt pour la
personne du candidat. Après, nous pouvons passer
à des sujets plus pertinents pour le poste. Les
grandes catégories de questions sont les suivantes :
• Motivation. « Pourquoi voulez-vous un poste
de ce type ? Pourquoi voulez-vous travailler
chez nous ? »

• Compétences. « Quelles sont les aptitudes


techniques que vous apportez ? Qu’est-ce que
vous pourrez apprendre à faire très vite ? »

• Expérience. « Quelles sont vos expériences


professionnelles qui semblent vous préparer
pour ce poste ? Quelles sont les autres
expériences, moins pertinentes en apparence,
qui pourraient constituer un atout ?
Pourquoi ? »

• Responsabilité. « Pourquoi pensez-vous être


capable d’assumer le niveau de responsabilités
associé à ce poste ? »

• Comportement. « Qu’est-ce qui vous fait


penser que vous pourrez facilement intégrer
notre équipe et épouser nos valeurs ? »

• Engagement. « Sur quelle période êtes-vous


prêt à vous engager à travailler pour nous ? »

• Les exigences du candidat. Ici, il faut sonder le


candidat sur ses besoins et motivations en
termes de rémunération, d’avantages…
En écoutant les réponses, il vaut mieux prendre des
notes, puisque nous en aurons besoin par la suite
en comparant nos impressions des différents
candidats. Il faut essayer d’obtenir des réponses
factuelles de la part de notre interlocuteur. Quand
le candidat vante ses compétences dans un
domaine, il faut lui demander quand et dans quelles
circonstances il a fait preuve de ces capacités. Par
exemple :

— Quel est un de vos points forts ?

— Je suis très bon avec les clients.

— Racontez-moi, s’il vous plaît, un épisode où


vous avez fait la démonstration de cette capacité.

Il y a beaucoup de candidats qui ont bien préparé


leur discours. Il faut dépasser le stade des réponses
toutes faites pour rentrer dans des échanges plus
authentiques. Demandez toujours plus de détails
contextuels pour que votre interlocuteur concrétise
son histoire. Par exemple : « Vous travailliez chez
qui à cette époque ? » Les questions ouvertes
(pourquoi, comment, quand…) constituent la
meilleure façon de faire parler autrui. La réponse
amène naturellement un développement. Et
n’oublions pas que faire connaissance est un
processus réciproque : le candidat peut et doit se
voir offrir la possibilité de poser des questions à
son tour, sans diriger l’entretien pour autant. Nous
pouvons toujours juger de l’attitude professionnelle
ou non d’un candidat par ses comportements en
entretien : arrivée en retard sans motivation,
consultation de son smartphone pendant
l’interview, oubli du nom de notre entreprise ou
des détails du poste…

À la fin de l’entretien, il faut :

• remercier le candidat d’être venu et d’avoir


partagé ce moment de découverte réciproque ;

• donner des indications pour la suite (les


prochaines étapes ; quand et comment le
candidat en sera informé).

Après la rencontre
D’abord, il faut débriefer, si besoin est avec nos
collègues : comment avons-nous vécu cet
entretien ? Qu’est-ce qui nous a plu ? Déplu ?
Qu’est-ce qui a changé dans notre attitude envers
le candidat par rapport à notre opinion avant
l’entretien ? Faisons la synthèse si possible à la fin
de la journée.
Il s’agit ensuite de décider rapidement. Qu’est ce
qui pourrait empêcher la prise de décision ? Nous
commencerons par dresser la liste des candidats
acceptables par ordre de mérite. N’oublions pas
que, si les compétences peuvent évoluer
rapidement, les traits de caractère sont souvent
moins susceptibles d’une amélioration instantanée.
Il faut aussi vérifier les informations sur le CV : les
diplômes et les expériences. Ici, le mieux, c’est de
contacter directement les organisations en
question, mais on peut beaucoup apprendre sur
Internet.

Nous contacterons le premier sur notre liste pour


trouver un accord. Si cela ne marche pas avec lui,
on passera au deuxième, et ainsi de suite. Ce n’est
pas parce qu’on a jeté son dévolu sur un candidat,
que ce dernier va effectivement intégrer
l’entreprise. Il faut recevoir le candidat, après avoir
préparé les conditions du contrat, pour le faire
signer, et donner l’échéancier : les documents à
compléter, la date de réception de ces documents,
la date officielle et les modalités d’arrivée de la
nouvelle recrue, le planning de son intégration
(période d’essai, réunion bilan…).
Accueillir le nouveau
collaborateur
La venue dans l’entreprise d’une nouvelle recrue
mérite d’être bien préparée. Tous les salariés
doivent connaître son nom, la date de son arrivée
dans l’entreprise et le service qu’il intégrera. Une
présentation rapide de la personne et de sa mission
peut circuler par newsletter, intranet, e-mail ou via
les pages privées d’un réseau social. Assurons-nous
qu’il y a quelqu’un pour l’accueillir et lui fournir
tout ce dont il a besoin pour commencer son
travail.

Ayant fait tellement d’efforts pour recruter la


bonne personne, nous ne voudrions pas rater son
intégration dans l’entreprise. Ce processus
commence en fait dès les premiers contacts avec la
recrue, mais ses premières impressions le premier
jour comme salarié représentent une étape
importante. Au lieu de l’ennuyer ferme avec des
présentations remplies de données indigestes sur
l’entreprise, il vaut mieux lui donner des raisons
émotionnelles d’adopter notre culture et de rester
fidèle à nos valeurs. Le storytelling (voir chapitre 4)
constitue un allié puissant à cet égard. Plutôt que
d’afficher des descriptifs abstraits de notre
mission, pourquoi ne pas raconter notre mission
sous forme d’histoires aussi intéressantes que
véridiques ?

Si nous captons l’attention de nos employés dès le


premier jour, nous aurons plus de chances de les
retenir par la suite.

Pour en savoir plus

Marcus Buckingham, Curt Coffman, Manager contre vents et


marées. Développer les talents dans l’entreprise (Pearson).

Georges Lemoine, Recruter autrement. Le recrutement par


simulation (L’Harmattan).
Testons nos connaissances

❶ Laquelle de ces questions ne serait pas


totalement inappropriée au cours d’un
entretien d’embauche ?

❑ Quelle est votre religion ?

❑ Ne vous trouvez pas trop âgé pour ce poste ?

❑ Quelle est votre plus grande ambition ?

❑ Comptez-vous bientôt fonder une famille ?

➋ Lequel des mots suivants désigne la réponse


au besoin, dans l’entreprise, d’avoir des points
de vue multiples ?

❑ La sécurité

❑ La diversité.

❑ Le multiculturalisme

❑ Le bilinguisme.

❸ Lequel de ces termes désigne la politique qui


consiste à traiter les candidats avec autant
d’attention que nos clients ?

❑ La diversité.
❑ Le marketing RH.

❑ Un vivier.

❑ L’esprit d’équipe.

❹ L’avantage principal d’un « vivier », c’est de :

❑ entretenir une liste de candidats potentiels.

❑ encourager la diversité.

❑ décourager les candidatures inutiles.

❑ éliminer les jugements subjectifs.

1 John Bateson, Jochen Wirtz, Eugene Burke, Carly Vaughan, « When


Hiring, First Test, and then Interview, » Harvard Business Review,
version en ligne : https://hbr.org/2013/11/when-hiring-first-test-and-the
n-interview.
DANS CE CHAPITRE
Comprendre la motivation et l’implication des salariés

Créer les conditions où les personnes se motivent elles-
mêmes

Exploiter les trois grands leviers de la motivation

Chapitre 7
Motiver ses troupes
T ous les managers voudraient avoir des
collaborateurs « motivés ». Les personnes
motivées s’impliquent dans leurs tâches, travaillent
mieux et plus vite. Dans le rêve idéal du manager, il
suffirait de commander et des personnes
empressées se feraient un vrai plaisir de réaliser les
souhaits de leur leader. La réalité est différente,
parfois trop différente. On peut se trouver face à
des employés peu disposés à effectuer leurs
missions, apparemment paresseux, manquant
d’enthousiasme, démoralisés ou même rebelles.
Bref, ils sont « démotivés ». À qui la faute ? Peut-
être refusent-ils de se motiver ? Peut-être
quelqu’un d’autre a-t-il négligé de les motiver ?

Il y a une ligne de démarcation apparente entre la


responsabilité qu’a le manager de motiver ses
collaborateurs et la responsabilité qu’ont ceux-ci
de se motiver eux-mêmes. Certains managers
fixent cette limite à leur avantage : « Ce n’est pas à
moi de les motiver !… Ils n’ont qu’à faire ce que je
leur dis !… Ils sont payés pour ça !… S’ils ne veulent
pas être là, qu’ils partent ! » À part les coûts qu’un
tel roulement du personnel impliquerait, le
manager d’aujourd’hui a toutes les raisons de
vouloir des collaborateurs qui aiment leur travail.
De nombreuses études montrent que les entreprises
les plus performantes et les plus profitables sont
aussi celles qui se focalisent le plus, de manière
officielle et pratique, sur le moral et le
développement de leurs employés1. Avoir des
salariés motivés représente un avantage
concurrentiel. La productivité et la fidélisation des
recrues les plus talentueuses s’en ressentent. De
plus, dans un environnement commercial et
professionnel qui se complexifie sans relâche et où
la concurrence mondiale s’exacerbe sans répit,
nous avons besoin de toutes les ressources
d’intelligence, d’expérience et d’inventivité de nos
équipes. Comment exploiter ces ressources ?
Comment inciter nos collaborateurs à nous donner
toute leur attention, à nous livrer toute leur
créativité ?

Il y a, bien sûr, le vieux réflexe du bâton et de la


carotte : les récompenses pour le bon travail et les
punitions pour le mauvais. Pourtant, ces
mécanismes ne produisent pas leur effet dans la
durée s’ils ne sont pas accompagnés par d’autres
formes de motivation. Plus efficaces pour la
réalisation de tâches automatiques, ils marchent
beaucoup moins bien quand il s’agit de stimuler la
résolution de problèmes, la prise d’initiative et la
mise en œuvre des facultés créatives. En général,
les entreprises gaspillent beaucoup d’efforts et
d’argent dans le domaine de la motivation des
salariés. Soit parce qu’elles font trop peu et
souffrent donc de niveaux de productivité trop bas.
Soit parce qu’elles appliquent des mesures mal
adaptées et investissent ainsi pour peu de
bénéfices. Deux questions se posent : comment
motiver autrui ? Pouvons-nous motiver autrui ?

Motiver versus se motiver


La motivation décrit une raison ou un désir qui
déclenche une action et en détermine l’intensité
dans la poursuite d’un objectif. J’arrête de fumer
parce que je crains le cancer du poumon ou parce
que je veux faire plus de sport, ou parce que mon
ami(e) en a horreur. Chez telle ou telle personne,
une de ces raisons aura peut-être plus de force que
les autres. Nos collaborateurs, tout comme nous-
mêmes, ont des raisons et des désirs pour agir. Si
nous avons la prétention de les motiver, nous
devons faire appel à ces raisons et ces désirs.

De la « pyramide de
Maslow » à
l’« implication » des
salariés
D’habitude, quand on parle aux managers de
motivation, on leur montre la « pyramide de
Maslow », ce schéma de la hiérarchie des besoins
chez les êtres humains. Ici, nous nous garderons de
la reproduire une énième fois. Tout en bas, la base
de la pyramide représente les besoins
physiologiques immédiats, comme la faim, la soif,
le sexe… En remontant, on trouve ensuite le besoin
de sécurité : un logement, un environnement
stable… Plus haut, le besoin d’appartenance et
d’amour. Plus haut encore, celui d’estime, de
confiance et de reconnaissance. Au sommet, il y a
l’accomplissement de soi. On nous gratifie
habituellement de la révélation que, pour bien
s’occuper des besoins en haut de la pyramide, il
faut d’abord s’occuper de ceux en bas.

Certes, il est tout à fait normal qu’un employeur


s’occupe des besoins matériels de ses salariés qui
devraient au moins pouvoir se nourrir et se loger
décemment. Ce n’est pas toujours évident dans
certaines parties du monde. Mais cela représente
une évidence. De plus, le schéma de Maslow date
de 1943. Des décennies de recherche ont modifié ce
que nous savons de la motivation. Maslow lui-
même a stipulé que sa pyramide n’était pas à
prendre dans un sens rigide. On ne satisfait pas ses
besoins dans un ordre spécifique, strate après
strate. Des besoins « supérieurs » peuvent
perturber la satisfaction de besoins « inférieurs »,
comme chez un prisonnier politique qui fait une
grève de la faim, ou un chez un manager ambitieux
qui néglige l’affection familiale.

Si la pyramide de Maslow ne nous permet pas de


mieux comprendre les sources de la motivation de
nos salariés, elle ne nous renseigne pas non plus
sur la manière dont la motivation se manifeste en
entreprise. Ici, nous devons nous tourner vers ce
que les Anglo-Saxons appellent employee
engagement ou, en français, l’« implication » des
employés dans leur travail. Il s’agit de savoir dans
quelle mesure le salarié est prêt à investir son
énergie et son intelligence dans la réalisation des
tâches qui lui sont attribuées. L’implication du
salarié connaît différentes phases et facettes. Il y a
des périodes chaque jour, ou du moins on l’espère,
quand un collaborateur connaît ce que le
psychologue, Mihaly Csikszentmihalyi, appelle
l’état de « flow » : un état d’absorption dans une
activité, où les facultés de l’individu sont
concentrées sur la réalisation d’une tâche
stimulante sans avoir une sensation de difficulté
excessive ni de facilité ennuyeuse. Parmi les autres
aspects fondamentaux, on trouve l’empressement à
prendre des initiatives et la capacité à s’adapter
spontanément aux changements. L’implication et la
motivation des salariés ne sont pas identiques à la
satisfaction des salariés : on peut être très content
au travail sans être très motivé ou très impliqué
dans ses tâches. Être heureux quand on est au travail
n’est pas la même chose que d’être heureux dans
son travail.

Motivation
« extrinsèque » et
motivation
« intrinsèque »
On catégorise les sources de motivation dans deux
groupes, qui néanmoins s’influencent
réciproquement :

• La motivation extrinsèque représente des


influences qui viennent, non de l’individu,
mais de sources extérieures à lui : un salaire,
des récompenses, des pourboires ; des bons
points, de bonnes notes, des médailles ; une
autorité qui commande, conseille ou menace ;
les encouragements ou l’adulation d’amis ou
d’un public ; la désapprobation des autres, la
honte devant le regard d’autrui ; l’émulation
avec des rivaux…

• La motivation intrinsèque représente le désir


d’exploiter ses talents, de relever de nouveaux
défis, d’apprendre, de réussir.

Dans la majorité des cas en entreprise, on prend


des mesures pour stimuler la motivation
extrinsèque, en négligeant la motivation intrinsèque,
tenue implicitement pour acquise.

L’exemple le plus évident de cette tendance, c’est


l’argent. Certes, il faut que les salariés reçoivent un
salaire. Il faut aussi qu’ils aient le sentiment d’être
traités de manière juste. C’est ici que des questions
de comparaison, de jalousie et de rivalité peuvent
perturber les relations entre les employés et en
démoraliser certains. Mais les rapports entre la
rémunération, la motivation et la performance sont
tout sauf simples. Toutes les études témoignent de
la faiblesse du lien entre l’argent et la satisfaction
au travail2. Augmenter le salaire d’un collaborateur
n’entraîne pas une augmentation durable dans ses
efforts, même si une hausse initiale peut en
résulter. Le plus grave, c’est que, lorsque notre
système de récompenses est trop focalisé sur les
motivations extrinsèques, l’attention de nos
collaborateurs est détournée de leurs motivations
intrinsèques. Quand mes réussites sont
récompensées uniquement par des primes et des
bonus, j’oublie mes sources intérieures de
motivation. De nos jours, on parle beaucoup dans le
management de la gamification (on dit aussi en
français, « ludification »), c’est-à-dire de
l’application à l’activité des employés des principes
présidant à la création des jeux vidéo, notamment
les récompenses, les points et les titres. À part le
fait que la gamification est sûrement plus complexe
et plus riche qu’on ne croit, il faut beaucoup
réfléchir avant de multiplier les sources de
motivation extrinsèque, surtout à travers la
rémunération et la compétition.

On n’achète pas la motivation et l’implication – ni


avec de l’argent ni avec des médailles ! Ne
négligeons plus les motivations intrinsèques. Plutôt
que d’essayer de motiver les gens, créons les
conditions où ils peuvent se motiver eux-mêmes.
Les trois grands leviers de la
motivation intrinsèque
Lisez attentivement les phrases suivantes, en vous
demandant si elles vous décrivent :

• Je sais ce qu’on attend de moi au travail.

• On m’écoute quand j’exprime des opinions sur


des questions importantes.

• Le travail me donne chaque jour l’opportunité


de faire ce que je fais de mieux.

• Mes collègues sont investis dans la réalisation


d’un travail de qualité.

• Au cours des sept derniers jours, la qualité de


mon travail a été reconnue ou même louée.

• Mon n + 1 semble s’intéresser à moi en tant


qu’être humain.

• Au cours des six derniers mois, un supérieur


hiérarchique a discuté avec moi de ma
progression dans l’entreprise.

• Au travail, j’ai des opportunités chaque année


pour apprendre et avancer.

• La mission de notre entreprise m’inspire.


Les entreprises qui sont performantes et où
l’implication des salariés est grande sont celles où
les employés se reconnaissent volontiers dans ces
descriptions. Celles-ci sont utilisées régulièrement
dans des études sur l’implication des employés par
les instituts de recherche et les cabinets spécialisés.
Elles relèvent toutes d’un ou de plusieurs des
leviers fondamentaux de la motivation intrinsèque.

Le trio gagnant
Résumant les fruits d’une grande quantité de
recherches effectuées depuis trente ans, la
spécialiste de la motivation, Susan Fowler, attire
notre attention sur trois besoins fondamentaux qui
stimulent et guident les activités humaines. Tous
les managers doivent en tenir compte dans leurs
efforts pour tirer le meilleur de leurs
collaborateurs :

• L’autonomie : les gens préfèrent faire les


choses de leur propre volonté, et non parce que
quelqu’un leur a dit de les faire. Ce qu’ils font,
ils choisissent de le faire.

• La compétence : les gens ont besoin de se sentir


efficaces, d’exploiter leurs capacités, de
pouvoir relever des défis quotidiens, de
s’améliorer avec le temps, de trouver qu’ils
évoluent, d’acquérir de nouvelles formes
d’expertise.

• La sociabilité (relatedness, en anglais) : les gens


ont besoin de s’intéresser aux autres, de
s’occuper des autres, de sentir que les autres
font la même chose en retour et d’avoir le
sentiment de contribuer à quelque chose de
collectif, de plus grand qu’eux.

Si nous pouvons mobiliser ces trois éléments, nous


aurons plus de succès qu’en investissant dans un
système de récompenses extrinsèques et, par-
dessus le marché, l’approche intrinsèque nous
coûtera moins cher et créera potentiellement moins
de rivalités et de jalousies.

Au lieu de nous demander : « Que puis-je faire


pour motiver mes collaborateurs ? », posons-nous
la question suivante : « En leur fixant ce nouvel
objectif, comment mettre en valeur leur sens de
l’autonomie, de la compétence et de la
sociabilité ? »

L’autonomie
Le manager peut-il prendre le risque d’avoir un
peu moins l’air de commander aux autres ? Si oui,
les gains en termes de motivation seront
appréciables.
Une expérience d’économie
comportementale

On demande à un groupe de volontaires d’écrire


un numéro de loterie sur une feuille de papier et
ainsi de créer un billet de loterie.

À un autre groupe, dans une autre pièce, on donne


un billet de loterie avec déjà un numéro dessus.

Avant le tirage, on annonce aux participants qu’on


va racheter leur billet. Des négociations serrées en
résultent… Les gens qui ont écrit leur propre
numéro vendent leur billet au moins cinq fois plus
cher que ceux qui ont reçu le leur. Les résultats
sont systématiques, quel que soit le pays ou la
culture.

Les gens préfèrent toujours ce qui vient d’eux-


mêmes à ce qui vient d’autrui – au moins cinq fois
plus !

* Scott Keller, « Increase your Team’s Motivation


Five-Fold », Harvard Business Review, 26 avril 2012,
en ligne : https://hbr.org/2012/04/increase-your-te
ams-motivation.
Plutôt que de présenter la fixation des objectifs et la
distribution des tâches comme étant des ordres ou
des menaces, présentez-les comme des moyens de
réussir dans l’entreprise :

« Si vous voulez, comme nous tous, que ce projet


réussisse, la meilleure contribution que vous
puissiez apporter, c’est de… »

Parfois, après avoir expliqué le grand dessein avec


suffisamment de clarté et d’enthousiasme, on peut
confier aux autres le soin de décider pour eux-
mêmes quelle sera la meilleure façon de réaliser la
vision. On manage les autres en se taisant et en
écoutant.
Quand c’est le silence du manager, le
silence est d’or !

John Chambers, président et P.-D.G. de Cisco


Systems, raconte comment, dans les premières
réunions auxquelles il a assisté en tant que
dirigeant, il s’impatientait devant les discussions
des participants et finissait après dix minutes par
les interrompre pour leur donner la « bonne »
réponse au problème en question.

Pourtant, avec le temps, il a appris à laisser parler


les autres jusqu’au bout. Il a découvert ainsi qu’ils
arrivaient à des décisions aussi bonnes sinon
meilleures que celles qu’il prévoyait lui-même.

En plus, ils se sentaient plus investis dans les


tâches associées à ces décisions et les exécutaient
plus rapidement*.

Les personnes sont généralement plus enclines à


appliquer leurs décisions que nos décisions, même
quand il s’agit des mêmes décisions.

* Bronwyn Fryer, « Cisco CEO John Chambers on


Teamwork and Collaboration », Harvard Business
Review, 24 octobre 2008, en ligne : https://hbr.org/2
008/10/cisco-ceo-john-chambers-on-tea.

Quand les employés sont privés d’autonomie,


l’acquisition de celle-ci devient une source
puissante de motivation.
De la place en haut de l’échelle ?

Dans un grand cabinet d’audit, on a demandé aux


managers de faire du commerce, de trouver de
nouveaux clients. Ils ne comprenaient pas
pourquoi : « Vendre, ce n’est pas notre métier ! »

Mais ils avaient l’ambition de progresser, d’être plus


autonomes – en un mot, de devenir associés. Le
problème est que le cabinet avait une structure
pyramidale, et l’espace tout en haut, là où il y avait
les associés, était très petit.

Puis, un jour, ils ont compris que, pour qu’il y ait


plus de place en haut pour plus d’associés, il fallait
de la croissance. Tout de suite, ils se sont mis à
faire du commerce avec joie et allégresse. Leurs
propres intérêts étaient en jeu. Ces intérêts ne
tournaient pas tellement autour de l’argent, mais
autour du prix suprême : l’autonomie.

Une approche utilisée avec succès par certaines


entreprises consiste à faire valoir les raisons pour
lesquelles les individus se sont engagés dans un
projet. On met ainsi l’accent sur le choix autonome
des individus. Que ce soit sur le site de l’entreprise,
sur les réseaux sociaux, lors d’un grand séminaire
ou juste dans une conversation entre le manager et
un de ses collaborateurs, inviter les gens à raconter
leur engagement personnel souligne leur liberté et
leur motivation propre. On peut leur poser des
questions précises : « Pourquoi était-ce important
pour vous de contribuer à ce projet ? Quels étaient
les premiers signes de succès à vos yeux ? Que faire
maintenant ? » Mettons toute la puissance du
storytelling (voir chapitre 4) au service de
l’autonomie !

La compétence
Pour faire appel au besoin de nos collaborateurs de
se sentir compétents et d’exercer leurs compétences,
il y a plusieurs approches à conjuguer :

• Lancer un défi réalisable.

• Leur faire voir les résultats de leur travail.

• Reconnaître et valoriser les efforts investis.

• S’occuper de leur développement et de leur


progression.

• Exploiter le storytelling.
De la même façon que l’on ne présente pas les
objectifs comme des ordres venant de l’extérieur,
mais des conséquences de la volonté des
collaborateurs de réussir pour eux-mêmes et pour
le projet, on met l’accent sur leurs capacités
uniques pour remplir les missions en question. En
leur lançant un défi à la portée de leurs talents, on
fait appel à leur besoin d’exercer leur créativité sur
un problème stimulant et à leur amour du travail
bien fait. Comme toujours, les questions ouvertes
sont nos meilleurs alliés :

« Pour atteindre cet objectif, comment vous y


prendriez-vous, avec toute votre expérience de ce
genre de problème ? »

« Afin de tenir ce délai, je vois plusieurs options,


mais quelle serait la meilleure approche selon
vous ? »

« J’étais franchement admiratif/ve devant le


succès que vous avez eu avec le dernier projet. Je
suis très curieux/se de savoir comment vous
feriez dans le cas actuel ? »

Essayons ensuite de leur ménager des périodes


d’activité en état de flow, sans trop les interrompre
ou les déranger, afin qu’ils profitent de cette
sensation très particulière d’exercer leurs talents.
Pour que le sens du travail accompli, du défi relevé
avec succès, soit bien ancré dans l’esprit des
collaborateurs, il faut absolument qu’ils puissent
voir les signes tangibles de leur succès, même s’il
s’agit d’un domaine relativement abstrait comme,
par exemple, l’informatique.
Voir c’est croire

Une série d’expériences conduites par le


psychologue et spécialiste de l’économie
comportementale, Dan Ariely et son équipe, a
révélé combien les êtres humains sont motivés par
le spectacle de leurs propres réalisations.

Dans l’une d’entre elles, deux équipes sont payées


au même tarif horaire pour monter des
« Bionicles », ces figurines créées par Lego.

Dans le premier groupe, une fois que les figurines


sont assemblées, les chercheurs les laissent devant
les travailleurs, tout en les informant qu’elles
seront démontées à la fin de la séance.

Dans l’autre groupe, dès qu’une figurine est


terminée, les chercheurs la démontent
immédiatement en donnant aux travailleurs un
nouveau kit de montage. Les figurines démontées
sont rendues par la suite aux travailleurs sous
forme de nouveau kit.

Résultat : les équipes qui peuvent voir le spectacle


de leur réussite fabriquent en moyenne 50 % de
figurines de plus que les autres équipes – dans le
même délai et pour le même salaire.
Ici, la grande question que le manager doit
constamment se poser est : « Par quel (autre)
moyen pourrai-je faire voir à mon équipe les signes
tangibles de leur réussite ? »

Un projet est souvent divisé en étapes. Il faut donc


montrer à notre équipe les résultats de chaque
étape, pour qu’elle ait une idée claire des progrès
qu’elle a accomplis.

Il ne faut pas trop fêter chaque jalon. L’esprit


humain se convainc aisément, en imaginant la
réalisation d’un projet, que celui-ci est déjà
pratiquement terminé. « L’affaire est dans le
sac ! » Par conséquent, le niveau de motivation
baisse. Il faut donc éviter tout sentiment
d’accomplissement prématuré. En montrant les
preuves du progrès, il vaut mieux rappeler à nos
collaborateurs le but, en réitérant notre confiance
dans leur capacité à l’atteindre.

Une fois que le projet s’est concrétisé, ne


ménageons plus nos louanges. La reconnaissance
est indispensable pour valoriser les compétences.
Le grand défi à relever pour le manager est de
savoir qui féliciter, quand et de quelle manière. Dire
« bravo ! » et « merci ! » constitue un bon début,
mais cela ne peut pas suffire longtemps. Il faut
chercher à rendre les félicitations crédibles par des
explications : « Ce que vous avez fait m’a permis
de… /a permis à l’entreprise de… » N’oublions pas
de transmettre à nos collaborateurs les félicitations
d’un client, d’un partenaire, d’un dirigeant ou d’un
collègue dans un autre service. Et les grandes
réussites méritent des récompenses et pas
seulement pécuniaires : cherchons, par exemple, à
obtenir de meilleurs outils pour notre équipe. Lui
donner ce dont elle a besoin pour être productive et
efficace est la meilleure façon de stimuler sa
conscience de sa propre compétence.

Une autre façon de récompenser l’effort productif


est de confier à nos collaborateurs de nouvelles
responsabilités encore plus intéressantes. Nous
activons cette force de motivation qui est
galvanisée par l’idée de progression. Lésiner sur les
ressources pour la formation et le développement
personnel des employés a des effets négatifs sur la
productivité. Ne manquons pas, à des intervalles
réalistes mais réguliers, de leur donner des
opportunités de se former et d’avancer dans leur
carrière. Les interroger sur leurs ambitions et leurs
intérêts professionnels représente un pas dans la
bonne direction.

Discutons avec nos collaborateurs de leurs points


forts et de la meilleure manière de les exploiter.
Que personne ne marmonne, par exemple : « Je
suis très bon (ne) avec les clients, on l’a reconnu,
mais on me garde en back office… »

Donnons-leur non seulement des objectifs de


performance – « Remplissez n rayons par plage de
travail ! » – mais aussi des objectifs
d’apprentissage : « Pourriez-vous trouver le moyen
de traiter toujours autant de dossiers mais en
respectant ce nouveau règlement plus
compliqué ? » Et quelquefois, très simplement, au
lieu de demander à un collaborateur : « Qu’avez-
vous fait récemment ? », posons-lui la question
suivante : « Qu’avez-vous appris ? » Encore une
fois, nous pouvons exploiter le potentiel des
histoires. Comme pour l’engagement personnel,
invitons des équipes et des individus à raconter
leurs triomphes sur l’adversité, leurs découvertes
de nouveaux procédés ou leur transition réussie
entre différents aspects de leur métier.

Ainsi, aux yeux de ses collaborateurs, le manager


devient autant un coach à écouter qu’un chef à qui
obéir. Certes, il y a des managers qui n’ont pas
cette habitude ou qui n’ont pas été recrutés à
l’origine pour faire preuve des capacités d’un
coach. Pourtant, les gains en termes de motivation,
d’implication et de fidélisation des employés sont
appréciables.

La sociabilité
Pour tirer le meilleur parti de cette force motivante
qu’est le besoin de chacun de se sentir proche des
autres, de se soucier du bien-être des autres, et
d’être payé en retour, il y a trois recours
principaux :

• une noble cause qui inspire tout le monde ;

• un management de proximité ;

• la célébration des relations sociales.

La vision qui inspire notre entreprise, la grande


idée qui justifie tous nos efforts, le « pourquoi »
de tous nos projets (voir chapitre 1), représentent
un engagement collectif qui nous réunit tous
ensemble. En soulevant de nouveaux défis, le
manager fait bien de les présenter d’un point de
vue collectif. « Associez vos efforts à ceux de vos
collègues, en vous engageant à… »

Quand il s’agit d’appels adressés aux sentiments de


sociabilité et de solidarité, les managers ne
comprennent pas d’emblée que leurs collaborateurs
sont sensibles à différents groupes sociaux :

• la société et ses citoyens ;

• les clients ;

• L’entreprise ;

• l’équipe ;

• moi : l’individu.

Nos collaborateurs sont motivés, les uns par des


questions de société, les autres par le souci du
client, d’autres encore par l’esprit de corps de
l’entreprise. Pour certains, c’est la loyauté envers
l’équipe qui compte le plus, tandis qu’il nous arrive
à tous, à un moment ou à un autre, de ne penser
qu’à nos propres intérêts. Un message de
motivation qui ne fait appel qu’à une seule forme
de loyauté risque de ne toucher qu’une partie des
troupes3.

Expliquons les impacts de notre nouveau projet sur


tous les groupes concernés ! Pour savoir quels
sentiments animent le plus nos collaborateurs,
interrogeons-les, non de manière trop directe,
mais en papotant de temps en temps. Une bonne
conversation nous permet de consolider des
relations sociales et d’apprendre des informations
importantes sur les motivations de nos
collaborateurs, collègues et chefs.

Pour ce faire, il est nécessaire de pratiquer, dans


une certaine mesure, un management de proximité.
Nous ne pouvons pas passer tout notre temps en
compagnie de nos collaborateurs, mais nous ne
pouvons pas non plus garder une distance qui
serait mal interprétée. Il faut connaître les gens
qu’on prétend manager. Notre porte doit leur être
ouverte, non en permanence, mais à des heures
fixées par nous et que nous devons être les
premiers à respecter. Au lieu d’exhiber notre
portrait souriant sur le mur ou sur une page du site
Web, montrons-nous en personne devant nos
troupes et intéressons-nous à eux ! Les Anglo-
Saxons parlent de management by walking around –
on dit en français, « le management baladeur » –
et une présence aux côtés de nos collaborateurs
nous permet de voir comment les choses se passent
chez eux et de construire des relations de
confiance.

Quand l’hôpital ne se moque pas de


la charité

Un nouvel administrateur en chef a été nommé à


la tête d’un hôpital public en situation d’échec. Tous
les indicateurs de qualité étaient au plus bas. Le
personnel était démoralisé et très peu impliqué
dans ses tâches. Le besoin d’améliorer la
performance était urgent.

Au lieu de se concentrer ouvertement sur les


chiffres et les systèmes de mesure, le nouvel
administrateur s’est consacré à la construction de
relations avec ses collaborateurs, avec les patients
et avec les visiteurs. L’équipe de direction était très
visible dans l’hôpital, tous les jours.

En moins d’un an, la situation avait été redressée et


les indicateurs étaient au plus haut depuis des
années. Le personnel avait retrouvé le moral.

Fêtons de temps en temps et de manière appropriée


les relations sociales. Par exemple, un message
reconnaissant le premier anniversaire dans
l’entreprise d’une recrue récente peut avoir un
impact positif sur l’esprit de corps et la fidélisation
des employés.

N’oublions pas que les émotions sont collectives.


Celles du manager en particulier, parce que, aux
yeux de ses collaborateurs, il détient des
informations privilégiées et son attitude donne le
ton. Il ne faut donc pas montrer trop de
pessimisme parce que cela pourrait déteindre sur
les autres. Le manager, par déformation
professionnelle, est un être optimiste.

Pour en savoir plus

Daniel Pink, La Vérité sur ce qui nous motive (Leduc.s).

Mihaly Csikszentmihalyi, Vivre. La psychologie du bonheur


(Pocket).

Susan Fowler, Why Motivating People Doesn’t Work… and What


Does. The New Science of Leading, Energizing, and Engaging
(Berrett-Koehler).

William H. Macey, Benjamin Schneider, Karen M. Barbera,


Scott A. Young, Employee Engagement. Tools for Analysis,
Practice, and Competitive Advantage (Wiley-Blackwell).
Testons nos connaissances

❶ Lequel des besoins suivants n’est pas un des


grands leviers de la motivation intrinsèque ?

❑ La sociabilité.

❑ La compétence.

❑ L’argent.

❑ L’autonomie.

➋ Lequel des éléments suivants est le plus


important pour l’« implication » des employés :

❑ La satisfaction au travail.

❑ La rémunération.

❑ L’utilisation de leur créativité.

❑ Le respect des engagements auprès du client.

❸ En général, les gens exécutent plus volontiers


les décisions quand celles-ci ont été prises par :

❑ une autorité puissante.

❑ leurs meilleurs amis.

❑ un comité d’experts impartiaux.

❑ les gens eux-mêmes.


❹ Le but principal du « management baladeur »,
c’est de :

❑ espionner les autres services.

❑ faire des économies.

❑ mieux connaître ses collaborateurs.

❑ éviter le travail.

1 Voir par exemple l’étude Gallup, « State of the American


Workplace 2010-2012 », et l’étude « Global Workforce2020 »
d’Oxford Economics et SuccessFactors.

2 Tomas Chamorro-Premuzic, « Does Money Really Affect


Motivation ? A Review of the Research », Harvard Business Review,
10 avril 2013, en ligne : https://hbr.org/2013/04/does-money-really-affec
t-motiv.

3 Carolyn Dewar, Scott Keller, « Four Motivation Mistakes that most


leaders make », Harvard Business Review, 17 octobre 2011, en ligne : h
ttps://hbr.org/2011/10/four-motivation-mistakes-most/.
DANS CE CHAPITRE
Savoir déléguer à nos collaborateurs

Contrôler leur travail

Donner du feedback utile dans la sérénité partagée

Évaluer les systèmes d’évaluation

Chapitre 8
Diriger et évaluer ses
collaborateurs
S avoir déléguer des tâches aux collaborateurs offre
deux avantages au manager :

• Quand nos collaborateurs ont plus de


responsabilités et de pouvoir de décision, ils
sont plus motivés, ils exploitent leurs
compétences encore plus, et leur loyauté
grandit.

• Le manager lui-même a plus de temps à


consacrer aux objectifs à plus long terme et
aux questions stratégiques.

En déléguant, le manager n’est plus perdu dans les


détails de l’exécution, mais peut avoir cette vision
globale des opérations qui lui permet de
coordonner et de diriger son service ou son
entreprise et d’anticiper l’avenir. Bien entendu, en
confiant des missions à d’autres, il est quand
même nécessaire de contrôler ce qui se passe,
d’autant que nous ne pouvons pas être partout à la
fois !

La délégation connaît des modalités différentes, et


même opposées, selon les cultures
organisationnelles. Dans les structures à
l’organisation horizontale, où le management est
plus « plat », comme on dit – le flat management
des Anglo-Saxons – la délégation constitue la
norme. Ici, la difficulté pour le manager consiste à
ne pas savoir motiver et persuader les autres. La
solution réside dans le questionnement,
l’intelligence émotionnelle, la communication et la
motivation (voir les chapitres 1, 3, 4 et 7).
En revanche, dans une organisation verticale, les
collaborateurs s’attendent à moins d’autonomie et
à plus de contrôle, mais pour que le manager arrive
à déléguer, il faut qu’il sache lâcher prise, faire
confiance aux autres et se concentrer sur son
propre rôle. Comment donc déléguer en contrôlant
les résultats ? Et ayant délégué et contrôlé,
comment faire connaître à nos collaborateurs notre
satisfaction ou notre insatisfaction ? Autrement dit,
comment leur donner du feedback ?

Les managers investissent beaucoup de temps et


d’énergie dans des systèmes d’évaluation des
collaborateurs. Ces efforts se justifient-ils
totalement par l’amélioration des performances ou,
au moins en partie, par l’idée réconfortante que des
contrôles en tant que tels sont en place ? En
choisissant et en mettant en œuvre un système
d’évaluation des performances, les managers ne
doivent pas perdre de vue le but véritable de ce
système. Comment trouver le juste équilibre entre
la surveillance et la confiance, entre « fliquer »
nos collaborateurs et se fier à eux ?

L’art de déléguer
Le premier devoir d’un manager, c’est de diriger le
travail des autres. Mais il ne s’agit pas de se
comporter comme un marionnettiste qui
provoquerait chaque geste de ceux qu’il dirige. Il
faut déléguer aux autres des tâches et des missions
avec une certaine confiance. Pourtant, la tentation
est grande de s’occuper de tout et d’imposer à ses
collaborateurs son autorité et sa présence à chaque
opportunité. Bref, de faire du micro-management.

Pathologie du micro-
management
Le terme « micro-management » s’utilise pour
décrire la façon dont certains managers – hélas
trop nombreux ! – s’évertuent à contrôler de
manière excessive les moindres détails de toutes ou
de presque toutes les activités qui ont lieu dans leur
unité opérationnelle ou leur entreprise. Les
symptômes en sont les suivants :

• Le manager s’immisce partout dans le travail


qu’il est censé avoir confié à ses
collaborateurs.
• Il est rarement satisfait de ce que font les
autres.

• Il n’aime et n’accepte que ses propres façons


de faire.

• Il a peur de donner de l’autonomie à ses


collaborateurs.

• Il va jusqu’à faire les tâches de ses


subordonnées à leur place.

Le pire, c’est que, souvent, le micro-manager n’est


même pas conscient de son fanatisme. Il trouve
parfaitement normal ce qu’il fait et ne se considère
pas comme un micro-manager. Certes, il y a des
moments où il faut être très présent pour son
équipe, mais cette volonté d’omniprésence a deux
conséquences potentiellement très graves :

• Les collaborateurs sont stressés, démotivés et


finissent par ne pas apprécier le leadership de
leur supérieur hiérarchique.

• Le manager, en entravant l’efficacité de ses


subordonnées, néglige son propre rôle et la
nécessaire hauteur de vues qui y est associée.

Expliquer les dangers du micro-management a peu


d’effet sur qui souffrent de cette affliction sans le
réaliser. Il faut voir les dangers en question.
Regardons le cas édifiant d’Alain en nous
demandant si nous lui ressemblons ou si nous
voulons finir comme lui :
Portrait d’un micro-manager

Dès sa nomination, Alain était considéré comme


une étoile montante dans l’entreprise. Il avait les
meilleurs diplômes et les meilleures
recommandations. Il ne cachait pas son ambition,
mais on trouvait ça tout à fait naturel chez
quelqu’un d’aussi brillant.

Au jour le jour, Alain s’intéressait à tout ce qui se


passait dans son service. Il voulait tout savoir, tout
apprendre. Il était partout à la fois. Chacun de ses
collaborateurs était honoré d’une visite
personnelle, plusieurs visites même. Plutôt que de
se cacher dans son bureau, comme son
prédécesseur, Alain venait à la rencontre de tout le
monde. Quelle boule d’énergie ! Quel
investissement dans son travail ! Quel dévouement
à ses équipes !

Après quelques mois, la présence d’Alain devenait…


encombrante.

Il permettait rarement à ses collaborateurs de faire


leurs tâches sans expliquer préalablement, avec un
luxe de détails, comment il fallait procéder.
Quelquefois même, il les regardait faire, ce qui était
très gênant. Et quand il n’était pas là, il exigeait
qu’on l’informe régulièrement de tous les progrès
accomplis. Ses collaborateurs travaillaient toujours
aussi bien, mais se sentaient stressés et avaient du
ressentiment à l’égard de ce manager envahissant.

Les résultats d’Alain étaient très bons, meilleurs


que ceux de son prédécesseur. Pourtant, il
contribuait peu aux réunions avec ses collègues et
chefs : il n’avait pas le temps de penser à des
questions autres que celles portant sur son propre
service.

Ses supérieurs hiérarchiques ont fini par conclure :


« Nous nous sommes trompés sur Alain. Ce n’était
pas une étoile montante. C’est un bon manager
opérationnel. Mais il n’a pas ce qu’il faut pour
s’occuper des grandes questions stratégiques de
notre entreprise. Qu’il reste là où il est. Nous avons
maintenant de nouvelles étoiles montantes… »

Les sources d’erreur les plus fréquentes du micro-


manager et de toute personne qui répugne à
déléguer sont les suivantes :

• Il pense qu’il faut tout déléguer aux


collaborateurs ou rien. Il n’existe pas de moyen
terme entre ces deux extrêmes. Naturellement,
tout déléguer fait peur au manager.

• Il ne comprend pas du tout le rôle du


sentiment d’autonomie dans la motivation des
salariés. Si ceux-ci se démotivent, croit-il,
c’est qu’il leur faut encore plus de surveillance.
Par conséquent, les choses vont s’aggravant…

• Il sent obscurément que, si le collaborateur


réussit la tâche tout seul, le manager ne sera
plus indispensable à l’organisation. Ou, pire,
que le collaborateur aura tout le crédit de
l’action réussie et le manager rien.

Ce sont surtout des questions de confiance – en soi


et dans les autres. Gardons nos interventions pour
les moments où elles seront vraiment utiles.
N’essayons pas de déléguer trop de tâches. Il ne
faut pas surcharger nos collaborateurs. Mais ceux-
ci s’attendent à ce que nous leur indiquions quelles
sont les actions les plus importantes pour notre
unité ou pour notre entreprise. À la différence
d’Alain, focalisons-nous sur ce qui ne peut pas être
délégué à un subordonné : le long terme, la
stratégie, l’évaluation et la discipline, le rôle de
coach par rapport à nos subordonnés. Décidons
ensuite des tâches que nous pouvons déléguer, des
personnes capables de les réaliser et du système de
contrôle le plus adapté.

Pour guérir du micro-management ou pour réduire


le risque de devenir un micro-manager, voici les
mesures à prendre :

• Identifier les aspects du travail de nos équipes


où nous pouvons ajouter le plus de valeur : la
stratégie générale, la fidélisation des clients les
plus importants, l’innovation…

• Catégoriser les collaborateurs selon le degré


de responsabilité que nous croyons pourvoir
leur confier.

• Favoriser l’autonomie des collaborateurs,


même si c’est de façon graduelle, en leur
expliquant surtout les raisons des objectifs qui
sont fixés et en leur laissant le choix des
moyens de les réaliser.

• Bien choisir et doser les moyens de contrôle.

• Distinguer entre la qualité des résultats du


travail et la manière dont le collaborateur l’a
réalisé. Si la manière n’est pas la nôtre, la
qualité peut très bien satisfaire à nos
exigences.
Les étapes essentielles
de la délégation
Une fois que nous avons décidé de déléguer,
comment s’y prendre ? Avant de discuter avec le ou
les collaborateur(s) choisi(s), réfléchissons aux
questions ci-dessous. Nos réponses fourniront le fil
rouge de la conversation :

• À quoi sert la tâche qu’on délègue ?

• Quelle autorité confions-nous à notre


collaborateur pour réaliser cette tâche ?

• Avec qui le collaborateur devra-t-il travailler ?

• Quelles sont les étapes clés dans la réalisation


de cette tâche ?

• Pour quels aspects le collaborateur a-t-il


besoin de notre feu vert avant d’agir ?

• À quels moments et par quels moyens le


collaborateur doit-il nous informer de l’état
d’avancement du travail ?

• Quels sont les critères de succès dans la


réalisation de cette tâche ?
À certaines des réponses à ces questions, nous
pouvons, dans une certaine mesure, associer les
collaborateurs en question. C’est une façon de les
impliquer dans le processus, de leur montrer de la
confiance et de les motiver. Étant arrivé à un
accord, il faut obtenir un engagement clair des
collaborateurs, au besoin sous la forme d’un
document écrit, sans ambiguïté, signé par les deux
parties.

Fixer des objectifs de


manière concrète
Un élément essentiel de la fixation des objectifs
consiste à être le plus concret possible. Sinon, on
s’expose aux méfaits d’une certaine tendance
fondamentale dans les affaires humaines.

Figure 8-1 Schéma de la grande loi de la causalité humaine.

Il est absolument essentiel que les instructions


soient claires. Il faut donc que le manager et son
collaborateur ou son équipe partagent la même
compréhension de ce qu’il y a à faire, des moyens
pour y arriver et des délais en question.

Les objectifs SMART pour


un collaborateur
individuel
L’acronyme SMART, présenté au chapitre 5 dans le
contexte des objectifs d’une entreprise ou d’une
unité opérationnelle, est également pertinent pour
concrétiser un objectif qu’on fixe pour un
collaborateur ou une équipe. Commençons par un
objectif plutôt vague :

• Améliorer le système de communication


digitale de notre cabinet de consultants.

Cet objectif pose trop de questions : quelles sont la


définition précise et la portée de ce « système de
communication digitale » ? Quel est le sens exact
d’« améliorer » dans ce contexte ? Pourquoi
l’améliorer ? Quels sont les critères permettant de
définir une amélioration suffisante ? Pour quelle
date ?

Essayons de nouveau :
• Puisque notre cabinet de consultants a besoin
de mieux se faire connaître sur les réseaux
sociaux, afin d’attirer l’attention de nouveaux
clients et associés potentiels, il faut que nos
pages et groupes sur LinkedIn et Facebook,
ainsi que notre compte Twitter, soient
alimentés régulièrement par des posts ayant la
forme de récits intéressants (soit des textes,
soit des vidéos) portant sur nos activités
professionnelles, qui peuvent être commentées
et partagées.

Maintenant sous forme d’objectif SMART pour


notre collaboratrice, Sarah :

Critère Action
SMART

Spécifique Exploiter les réseaux sociaux afin de mieux faire connaître


nos activités auprès de nos futurs clients et associés
potentiels, pour que nous puissions développer nos
activités commerciales et de recrutement.

Mesurable Deux posts par semaine sur LinkedIn, un texte (de 400
mots) et une vidéo (de trois minutes), relayés sur Facebook
et Twitter, partagés par tous les associés sur leurs propres
réseaux personnels. Sarah doit solliciter deux associés
chaque semaine pour produire une vidéo.

Atteignable Nous avons 25 associés ayant chacun un réseau sur


LinkedIn comportant entre 250 et 750 contacts. Après deux
mois, nous visons 500 vues par post, 75 « likes » et 30
commentaires.

Relevant = C’est un impératif stratégique que de développer notre


pertinent présence sur les réseaux sociaux. Sarah a une formation
adaptée et est équipée du matériel technique nécessaire.
Elle devrait avoir accès chaque semaine à deux associés.

Time- À partir du 1er du mois prochain, deux posts par semaine,


bound = le le lundi et le jeudi. Sarah établira avant le 25 de ce mois un
délai fixé calendrier de rendez-vous avec deux associés par semaine.
Sarah m’informera chaque semaine du nombre de vues, «
like » et commentaires de nos posts. Nous revisiterons cette
politique après deux mois.

Il s’agit ici d’un objectif de performance, d’un


certain nombre de tâches à réaliser. On peut fixer
un objectif d’apprentissage – un processus à
apprendre ou à inventer – pour Sarah : maîtriser
l’utilisation d’une nouvelle caméra et d’un logiciel
de montage dernier cri.

Fixation d’objectifs
annuels
À part la fixation des objectifs qui arrivent tout
naturellement dans le cours des événements, au
jour le jour, l’entretien annuel entre le manager et
le collaborateur peut être aussi l’occasion de parler
de certaines missions à plus long terme qu’on
confie à ses subordonnés. Ici, la fixation des
objectifs prend la forme d’une sorte de contrat avec
le collaborateur sur la nature de sa contribution au
cours de l’année à venir. Les bienfaits de cette
approche sont les suivants :

• Permettre au collaborateur de renouer avec la


vision de l’entreprise et son propre
engagement au service de cette vision.

• Focaliser l’attention du collaborateur sur des


activités précises.

• Créer un défi stimulant pour ses compétences.

• Valoriser son potentiel.

• Réduire l’ambiguïté quant aux véritables


priorités du collaborateur, souvent une source
de stress pour lui.

• Améliorer la performance.

Quand un objectif a été fixé et que le résultat a été


contrôlé selon les critères établis en commun par le
manager et son interlocuteur, le moment arrive
d’apprendre à notre collaborateur ce que nous en
pensons : l’heure du feedback a sonné.
Donner du feedback
Qu’il s’agisse d’entretiens annuels ou de séances de
feedback plus spontanées, l’exercice en question est
presque toujours considéré comme :

• une épreuve à subir ;

• une corvée à supporter ;

• une combinaison des deux.

Ce point de vue est partagé autant par ceux qui


donnent le feedback que par ceux qui le reçoivent.
Pourquoi tant de préjugés négatifs ?

Les enjeux
psychologiques et
professionnels du
feedback
Le fait d’être l’objet de jugements – surtout quand
ces jugements peuvent avoir une influence sur
notre carrière professionnelle – déclenche presque
inévitablement chez l’être humain des réactions
psychologiques automatiques. Souvent, les
remarques négatives peuvent avoir plus impact que
les remarques positives, même quand celles-ci sont
qualifiées de « critiques constructives » ou de
« points d’amélioration ». On se sent mal compris,
pas apprécié à sa juste valeur, menacé. Le niveau de
stress monte. La réaction la plus immédiate
consiste à se défendre et en particulier à se
justifier : quand les choses vont bien, c’est grâce à
nos talents et compétences ; quand les choses vont
mal, c’est à cause des actions des autres ou des
circonstances défavorables. Nous rejetons donc la
faute sur d’autres, nous devenons acerbes,
agressifs même. Le manager ne peut pas se trouver
en face de quelqu’un qui trahit des signes de stress
sans que ces signes se communiquent dans une
certaine mesure à son propre corps. Il ne peut pas
être le témoin des réactions défensives de son
interlocuteur sans recevoir au moins une partie de
cette décharge émotionnelle.

Pour les deux parties donc, une séance de feedback


est rarement anodine. Trop fréquemment, le
manager essaie tellement de faire passer la pilule
en entourant ses critiques apparentes de
précautions oratoires et d’éloges forcés, que les
choses les plus importantes ne sont pas vraiment
dites. Quand il n’y a rien de dramatique à annoncer,
l’entretien annuel, par exemple, devient une corvée
dont il faut vite se débarrasser pour retourner au
« vrai » travail. Pourtant, on ne peut pas déléguer,
on ne peut pas manager, sans donner de feedback.
Les systèmes d’évaluation, annuels ou autres, ont
été institués pour une raison. Le manager finit dans
une situation paradoxale : pour éviter l’impact
apparemment désagréable d’un exercice, il est
obligé de priver cet exercice de son utilité réelle.

Comment sortir de ce
dilemme ?
La solution, c’est d’abord de redécouvrir tout le
côté positif du feedback, son rôle essentiel dans le
management, pour pouvoir mieux l’exploiter. À
cette fin, changeons d’attitude face à l’idée
d’« erreur ». Voici les bienfaits des erreurs et de
notre capacité à reconnaître les nôtres :

• Chaque erreur représente une opportunité


pour apprendre.

• Les erreurs préparent un meilleur avenir, en


nous apprenant ce qui marche et ce qui ne
marche pas.
• En acceptant nos erreurs, nous reconnaissons
que nous sommes faillibles, comme tous les
êtres humains : nous apprenons à faire face à
notre peur de l’échec.

• Reconnaître l’erreur nous permet parfois de


corriger quelque acte d’inattention dont nous
ne voulons pas parler et qui pourtant nous
ronge de l’intérieur, qui nous empêche peut-
être de bien dormir.

• Reconnaître l’erreur nous permet de faire face


à des responsabilités dont nous préférerions
nous cacher le reste du temps.

• Une erreur constitue une occasion de regarder


la vérité en face et d’être honnête.

• Reconnaître une erreur est une opportunité


pour gagner le respect des autres et nous
construire une réputation d’intégrité.

• Reconnaître une erreur nous permet


d’inspirer les autres.

Afin d’exploiter tout le potentiel du feedback, que ce


celui-ci soit positif ou négatif, le manager doit
considérer d’abord comment son collaborateur va
se sentir dans cette situation. Le manager doit
préparer les choses pour réduire le stress et
l’impact des émotions et permettre à tous les
participants de tirer le bénéfice pédagogique de cet
exercice. Voici quatre recommandations :

• Donner du feedback beaucoup plus


régulièrement, pour qu’il devienne quelque
chose de normal, de routine. Créer ainsi une
culture de feedback, où les gens s’attendent à
ces conversations et connaissent bien leurs
modalités.

• Se rappeler et rappeler aux autres que le but


du feedback, ainsi que des entretiens annuels,
est d’encourager les bonnes performances.

• La question fondamentale de toute séance de


feedback est : « Qu’avons-nous appris ? »

• Faire des séances de feedback et des entretiens


annuels, non une occasion où un supérieur
hiérarchique gratifie un subordonné de ses
jugements sur lui, mais une discussion entre
deux personnes.

Pour l’entretien, il y a des protocoles à suivre qui


sont relativement simples mais stricts.
Reconnaître l’honnêteté

Anecdote du professeur qui ramasse les copies lundi matin.

Élève (qui n’a pas de copie à rendre) — J’ai pas fait mon devoir !

Professeur — Attention à ce que vous allez répondre. Vous


aurez ou 10 ou zéro. Pourquoi n’avez-vous pas de copie ?

Élève — Je n’ai pas eu le temps.

Professeur — Vous aurez zéro, mais vous auriez pu


avoir 10 si vous m’aviez dit : « Je n’ai pas pris le temps ! »

Les règles du feedback


En général, le feedback doit être donné en temps
opportun et rester centré sur les comportements
que le collaborateur peut modifier. La discussion
met l’accent sur les analyses plutôt que sur les
opinions. Les remarques du manager, même quand
elles sont positives, doivent être mesurées. Le
manager invite son interlocuteur à s’exprimer sur
tous les faits soulevés et procède normalement par
des questions ouvertes. Voici les règles d’or :

❶ L’entretien se prépare : le manager recueille


tous les faits pertinents, rassemble les
documents nécessaires.

➋ La discussion a lieu à huis clos, jamais en


public.

❸ Le collaborateur est accueilli de manière


positive ou neutre mais jamais négative.

❹ Le manager commence en exposant des faits


spécifiques et documentés, qu’ils soient
négatifs ou positifs.

❺ « Faire » plutôt qu’« être » : on ne parle pas


de ce qu’est le collaborateur – « génial »,
« incompétent »… – mais de ce qu’il a fait :
son devoir, une erreur, une innovation…

❻ On évite les mots à la fois trop vagues et trop


formels ou définitifs : « ce n’est pas
professionnel ! », « toujours en retard ! »,
« jamais à votre poste ! »

❼ Après avoir évoqué un fait ou un témoignage,


le manager invite la réaction de l’autre – et
l’écoute !

❽ Le manager ne manque pas de valoriser ce qui


est bien.

❾ Quand une erreur est reconnue, le


questionnement ouvert du manager vise
l’amélioration des choses dans l’avenir, plutôt
que l’auto-justification du collaborateur,
tournée vers le passé.

❿ On invite son interlocuteur à faire des


propositions concrètes et réalistes pour
améliorer la situation. On peut les situer dans
le contexte des aspirations du collaborateur et
de son engagement en faveur du grand projet
de l’entreprise ou de votre unité
opérationnelle.

⓫ Dans la mesure du possible, le manager peut


proposer son aide dans la réalisation de la plus
concrète des propositions de son collaborateur.

⓬ Le manager obtient un engagement de la part


de l’autre, si nécessaire à travers un objectif
SMART.

⓭ Si c’est nécessaire et approprié, les


participants signent un compte rendu de la
discussion et des objectifs.

⓮ Le manager suit les développements


ultérieurs.

Que faire quand le manager n’a que du feedback


négatif à donner, peut-être après un incident
particulier ?
Donner du feedback
négatif
Quand nous avons à réprimander un collaborateur,
nous sommes presque toujours impatients d’être
débarrassés d’une tâche aussi désagréable. Le
résultat en est souvent que les choses se passent
moins bien que prévu, soit parce que la situation
devient émotionnellement très pénible, soit parce
que nous n’arrivons pas à faire passer notre vrai
message. Notre impatience d’en finir est fondée la
plupart du temps sur deux suppositions erronées :

• On imagine que le collaborateur ne sait pas


qu’il y a un problème. En réalité, il en est
souvent conscient mais a du mal à en parler et
à y remédier. L’objectif du feedback, c’est
précisément de l’aider dans son dilemme.

• On imagine que le processus sera moins


pénible pour le collaborateur (ou pour le
manager ?) si c’est vite terminé. Pourtant, il ne
s’agit pas d’annoncer à l’autre une mauvaise
nouvelle, mais de l’amener à comprendre
quelque chose, en lui donnant aussi
l’impression qu’il est écouté. Les employés
considèrent le feedback d’un manager qui les
écoute comme plus fiable que celui d’un
manager qui ne les écoute pas.

Voici les conseils les plus importants pour une


séance de feedback négatif :

• Le feedback négatif ne doit pas être la norme


mais il doit être donné chaque fois que c’est
nécessaire.

• Il faut agir vite et en temps opportun. Il n’y a


que deux raisons valables pour attendre : on a
besoin de temps pour documenter les faits ;
l’incident a provoqué de vives émotions et tout
le monde doit se calmer avant d’en discuter.

• N’accumulez pas des raisons de donner du


feedback négatif en attendant, par exemple,
l’entretien annuel ou un autre prétexte
commode. Submerger le collaborateur sous un
torrent de reproches risque d’empirer les
choses.

• Le feedback négatif ne doit pas être un


prétexte pour passer sa colère sur quelqu’un. Il
doit être donné à tête reposée.

• La préparation par le manager et sa


documentation sont irréprochables.
• Le feedback négatif est donné en tête à tête,
jamais par e-mail.

• S’il y a quelque chose de positif, commencez


par le dire, mais sans trop vous y attarder.

• Ne commencez pas en disant : « Il y a un


problème ! » On cherche la cause, pas la faute.

• Attirez l’attention de votre interlocuteur sur


des faits. Invitez-le à en considérer les
conséquences.

• Dans les moments difficiles, utilisez la pince


(voir chapitre 4).

• Demandez à votre interlocuteur de


paraphraser les choses les plus importantes
qui viennent d’être dites pour être sûr qu’il en
ait la même compréhension que vous.

Considérons un exemple de début d’entretien.


Un dialogue apaisé au sujet d’une
prise de bec

« Bonjour, Stéphane. Asseyez-vous.

— Merci, Madame Nguyen.

— Permettez-moi de dire d’abord que, en général,


les rapports de votre superviseur sont toujours
aussi élogieux à votre égard, Stéphane.

— Merci, Alice.

— J’étais donc étonnée de recevoir la plainte d’une


cliente. Avez-vous pris connaissance du texte de
cet e-mail ? »

Elle passe une feuille A4 à Stéphane, qui répond


sur un ton soudain stressé : « Oui, Madame.

— Rassurez-vous, Stéphane, nous sommes là pour


en parler et trouver une solution ensemble.
Rappelez-vous l’incident en question qui a eu lieu
mardi dernier ?

— Oui, mais ce n’était pas de ma faute. Il y avait


une affluence de clients à ce moment-là et
Monique avait pris sa pause… »
Stéphane ayant apparemment un fort besoin
d’extérioriser des émotions longtemps contenues,
Alice décide de ne pas l’interrompre. Puis, une fois
qu’il a terminé : « Je comprends votre émotion. Un
tel incident est stressant pour quelqu’un qui a
votre conscience professionnelle. Y a-t-il des
raisons pour croire que vous n’avez pas formulé
cette réplique très vive que, selon la cliente, vous
lui aviez adressée ?

— Non… Mais elle a été très mal polie avec moi…

— Oui, cela arrive dans notre métier Stéphane.


Quelles seront les conséquences si nous
réagissons à chaque fois de cette manière ?

— Il y aura plus de plaintes… encore plus de stress


pour moi et les collègues… Les gens ne viendront
plus dans notre magasin… Remarquez, des gens
comme elle, bon débarras !

— Et si elle, comme vous à ce moment-là, avait des


raisons d’être stressée ?

— Ah oui… C’est vrai… »

Ici, une véritable conversation a été engagée entre


le manager et son collaborateur. Celui-ci
commence à se sentir soulagé d’un poids qui pesait
sur lui depuis plusieurs jours et qui le faisait douter
de ses compétences professionnelles. Il est en train
d’apprendre quelque chose d’important pour son
métier. Il est prêt pour prendre un engagement
positif et concret.

Les systèmes d’évaluation


des salariés
Les managers ont à leur disposition toute une série
de systèmes d’évaluation. Ils doivent choisir celui
qui est le plus adapté à leurs besoins. En voici des
exemples très répandus :

• L’évaluation par le manager : hiérarchique,


pas très participatif ; peut provoquer des
résistances chez les collaborateurs.

• L’auto-évaluation par le collaborateur :


encourage les gens à se promouvoir et à
expliciter leurs capacités ; peut présenter des
différences intéressantes par rapport à
l’évaluation par le manager.

• L’évaluation du collaborateur par ses pairs,


c’est-à-dire par ceux qui font des tâches
similaires dans d’autres services. Il faut se
demander si les tâches sont vraiment
similaires et si les autres connaissent le
collaborateur en question.

• L’évaluation du collaborateur par son équipe,


par ceux qui travaillent avec lui mais font des
tâches différentes. Il faut se demander s’ils
comprennent ce que fait ce collaborateur.

• L’évaluation à 360o : on interroge tous ceux


qui interagissent avec le collaborateur. C’est un
processus qui peut coûter cher et qui est
normalement réservé à des personnes clés ou à
des environnements qui dépendent des
interactions entre les individus. Les personnes
qui donnent le feedback ont souvent besoin
d’une formation pour juger les compétences du
collaborateur plutôt que sa personnalité.

• L’évaluation par un assessment center, c’est-


à-dire par des spécialistes de l’évaluation
professionnelle.

• Le « management participatif par objectifs »


(voir chapitre 1) : on mesure la réalisation par
le collaborateur des objectifs fixés
préalablement avec le manager. Cette approche
présente l’avantage d’encourager un feed-back
régulier.
Simplifier le système : le cas de Deloitte

Selon le système d’évaluation traditionnel, les objectifs


étaient fixés en début d’année et les individus évalués par
leurs chefs de projet en fin d’année. Les scores étaient
totalisés et alimentaient un grand processus final de
délibération.

Le cabinet a calculé que chaque année ce processus


coûtait 3 millions d’heures de travail, consacrées à des
discussions entre les managers au sujet des modalités du
processus et de ses résultats. À part les efforts immenses
qu’il nécessitait, le système était tourné plutôt vers le passé
que vers l’avenir, ne donnait que des jugements annuels et
restait fondé néanmoins sur des appréciations subjectives.

La réponse était d’interroger moins de personnes – pour


chaque collaborateur seulement son supérieur
hiérarchique – et de poser moins de questions. Chaque
manager est désormais invité à réagir à quatre phrases, en
indiquant dans quelle mesure il est d’accord ou non avec elle
par rapport à tel ou tel collaborateur :

1) « Je donnerais à cette personne la meilleure


rémunération possible. »

2) « Je voudrais toujours avoir cette personne dans mon


équipe. »
3) « Cette personne présente un risque de sous-
performance. » Le problème est spécifié.

4) « Cette personne mérite une promotion aujourd’hui. »

Les données de ce questionnaire fournissent le point de


départ d’une discussion avec le collaborateur*.

* Marcus Buckingham, « Reinventing Perforamnce


Management », Harvard Business Review, avril 2015.

Parfois, on peut se demander si les entreprises et


d’autres organisations n’ont pas créé une culture
de contrôle excessive, une bureaucratie de la
mesure des performances qui à la fin se révèle
contre-productive ? Une réponse concrète à ces
interrogations consiste à évaluer son système
d’évaluation, comme cela a été fait par Deloitte, le
grand cabinet d’audit et de conseil.

Devant les doutes que nous pouvons avoir, il ne


s’agit pas d’abandonner toute forme d’évaluation,
mais de poser la question suivante : « Quel est le
système d’évaluation qui aura l’impact le plus
positif sur notre performance future ? »
Pour en savoir plus

John Beeson, « Stop Micromanaging and Learn to Delegate »,


Harvard Business Review, 25 octobre 2012, en ligne : https://h
br.org/2012/10/to-get-ahead-learn-to-delegate.

Carol Tavris, Elliott Aronson, Les Erreurs des autres.


L’autojustification, ses ressorts et ses méfaits (Markus Haller).

Ed Batista, « Make Getting Feed-back Less Stressful »,


Harvard Business Review, 8 août 2014, en ligne : https://hbr.or
g/2014/08/make-getting-feed-back-less-stressful/.

Jack Zenger, Joseph Folkman, « The Assumptions That Make


Giving Tough Feed-back Even Tougher », Harvard Business
Review, 30 avril 2015, en ligne : https://hbr.org/2015/04/the-a
ssumptions-that-make-giving-tough-feed-back-even-tougher.
Testons nos connaissances

❶ Laquelle des phrases suivantes représente la


meilleure façon de commencer une séance de
feedback ?

❑ « Il y a un problème. »

❑ « Je pense que vous avez déjà pris connaissance


de cet e-mail. »

❑ « Sur le plan professionnel, votre conduite laisse


toujours à désirer. »

❑ « Je vais vous demander de justifier votre


comportement. »

➋ Lequel des objectifs suivants est le plus


concret ?

❑ « Améliorer votre productivité. »

❑ « Améliorer votre productivité pour satisfaire aux


nouvelles exigences des clients dans un contexte
très concurrentiel. »

❑ « Être à même de traiter 10 % de dossiers en


plus par jour avant le 1er février. »

❑ « Pour satisfaire aux nouvelles exigences des


clients, et en profitant du nouveau système
informatique simplifié, arriver à traiter 5 dossiers
en plus par jour avant le 1er février. »

❸ Lequel des éléments suivants ne constitue pas


un des bénéfices de l’entretien annuel ?

❑ Améliorer la compréhension par le collaborateur


de ses missions.

❑ Consolider ce qui a été appris par le


collaborateur au cours de l’année passée.

❑ Relever toutes les fautes commises par le


collaborateur au cours de l’année passée.

❑ Préparer l’année à venir.


DANS CE CHAPITRE
Créer un climat de confiance

Intégrer tous les membres de l’équipe

Exploiter l’intelligence collective

Tenir des réunions productives

Chapitre 9
Travailler en équipe
P ourquoi travaillons-nous en équipe ? Pour
additionner nos efforts et nos compétences
spécifiques, mais aussi pour partager notre
intelligence, nos informations et nos perspectives.
Comment arrivons-nous à concrétiser ce panorama
idyllique ? En nous faisant confiance les uns les
autres, en communiquant entre nous d’une
manière aussi claire que polie, et en exploitant
notre sagesse collective pour prendre des décisions
éclairées. Avec un programme aussi positif, qu’est-
ce qui pourrait mal tourner ? Beaucoup de choses :

• Un climat de méfiance réciproque.

• Des individus qui ne semblent pas jouer le jeu,


qui sont trop individualistes, trop critiques des
autres, incapables d’écouter.

• Des formes d’interaction, notamment les


réunions (en face-à-face ou à distance), qui ne
permettent pas d’exploiter le potentiel de tous
les participants.

• Des pièges psychologiques et sociaux qui


entravent un raisonnement clair et juste.

• Des décisions erronées.

En dirigeant son équipe, le manager se doit de créer


les conditions de nature à éviter ces dérives.

Se faire confiance
La confiance, c’est très précisément notre attente
de comportements coopératifs de la part des autres.
Le manager, pour que chaque membre de son
équipe se sente en confiance avec son chef et avec
ses collègues, fait appel à toutes les ressources de
son leadership personnel (voir chapitre 2).

Le leader donne le ton


Dès qu’une équipe est constituée ou qu’une équipe
existante reçoit un nouveau chef, le manager doit
créer un climat de confiance aussitôt que possible,
en valorisant les compétences de tous les membres
et en fixant des objectifs qui sont clairs pour tout le
monde.

• Même le ton de la voix du manager, quand il


s’adresse à ses troupes, exerce une influence
directe sur l’ambiance. Inconsciemment, nous
pouvons projeter facilement de la tension ou
de l’arrogance par une tonalité mal maîtrisée.
Travailler sa voix n’est pas du tout du temps
perdu !

Deux aspects opérationnels des activités de l’équipe


méritent une attention particulière :

• La communication entre les membres : les


formes d’interaction (messagerie, face à face,
« webinaire », plateforme collaborative, ou
réseaux sociaux) et les modalités (horaires,
disponibilités ou temps de réponse) doivent
être clairement établies.

• Le « partage du pouvoir » : le manager


permet à des individus ou à des sous-groupes
de prendre le lead sur certaines questions et il
fait tourner ce privilège apparent pour que
tous les coéquipiers en aient l’expérience et le
bénéfice.

Les personnalités
apparemment difficiles
Tous les membres de nos équipes ne sont pas des
modèles de vertu ou des experts en intelligence
émotionnelle – loin de là ! – mais cela ne veut pas
dire qu’ils n’ont pas une contribution aussi vitale
qu’unique à apporter à l’effort collectif. Puisque le
manager est un joueur d’échecs et non de dames, il
ne traite pas ses collaborateurs comme des clones.
Il cherche pour chacun le rôle qui lui permettra de
s’épanouir en exploitant ses dispositions
particulières. Même avec des personnalités aux
extérieurs rébarbatifs, il suffit très souvent de
trouver la clé qui ouvre la porte sur leur valeur
ajoutée.
L’« esprit qui toujours nie » :
l’histoire de Jean-Pierre

Témoignage d’un consultant

J’accompagnais une banque dans la réorganisation


de ses services en back office.

On avait constitué un comité de pilotage dont les


membres se réunissaient tous les jeudis. Un des
participants, Jean-Pierre, ne manquait pas, à
chaque occasion, de torpiller toutes les
productions des autres, sans rien proposer lui-
même. Au bout de peu de temps, les coéquipiers
de Jean-Pierre étaient découragés, osaient à peine
produire de nouvelles propositions. Tout le
processus de changement risquait de se gripper
sérieusement à cause de l’attitude négative de
Jean-Pierre.

En m’efforçant de comprendre sa mentalité, j’ai


soudain réalisé qu’il était quelqu’un qui ne pouvait
s’exprimer qu’à travers la négation et la
controverse.

Désormais, la veille de chaque réunion, je passais


voir Jean-Pierre dans son bureau pour lui présenter
d’avance la dernière proposition dont on devait
débattre jeudi. Je lui disais : « Vous savez, Jean-
Pierre, je ne suis pas sûr que ça passe… » Et lui,
tout fier, me répondait : « Montrez-moi ça. Je vais
vous le faire passer, moi ! » Flatté par cet appel à
l’aide, il déployait toutes les ressources de son
esprit critique, non seulement pour relever tous les
points faibles de la proposition, mais pour
suggérer des solutions. Le lendemain, eh bien ! on
avait beau être à la banque, la proposition passait
comme une lettre à la poste.

Dans le célèbre drame de Goethe, Faust, le démon


Méphisto se présente comme étant « l’esprit qui
toujours nie. » En dépit de leur image
apparemment diabolique, les Jean-Pierre de ce
monde nous apportent une contribution précieuse,
pourvu que nous puissions aller au-delà de leur
extérieur un peu rugueux : ils nous empêchent de
commettre des erreurs monumentales.

Il y aura des rôles très importants pour les Jean-


Pierre lors des prises de décision. Quant à ceux qui
ne veulent vraiment pas jouer collectifs, ce sera au
manager d’en discuter avec eux dans une séance de
feedback selon les modalités décrites au chapitre 8.
Se réunir
Les réunions ont essentiellement deux buts :

• Délibérer ensemble et prendre des décisions


collectives.

• Être ensemble en tant qu’équipe (complète ou


incomplète) pour souder l’esprit de corps et
prendre plaisir à travailler ensemble.

Ces deux buts sont parfaitement respectables, et


peuvent être visés dans des réunions dans des
proportions variables : 80 %/20 %, 50 %/50 %… Si
le second est à 100 %, ce n’est pas une réunion,
mais une fête !

Malheureusement, les réunions représentent un


des aspects les plus décevants, pour ne pas dire les
plus assommants, de la vie en entreprise. Que ce
soit par leur nombre apparemment excessif – la
« réunionnite » – leur inutilité effective ou leur
tendance à donner libre cours à toutes les rivalités
mesquines, à toutes les querelles d’ego, les
réunions sont trop souvent source
d’incompréhension mutuelle, de frustration,
d’ennui ou de conflit. Pourquoi un si grand nombre
de réunions se solde-t-il par un échec relatif ou
absolu ?

Les causes des réunions


ratées
Les motifs de ces échecs multiples et répétés, pour
variés qu’ils puissent paraître, peuvent être
ramenés à un petit nombre de causes
fondamentales :

• Les attentes de l’organisateur sont


exorbitantes. L’organisateur pense que tel ou
tel problème sera résolu simplement parce
qu’il tient une réunion sur ce sujet – comme
s’il allumait un cierge à l’église… La
conséquence en est une absence d’équilibre
flagrante entre le résultat attendu et les
moyens mobilisés.

• Les contributions des uns et des autres ne


sont pas bien préparées, qu’il s’agisse des
managers ou des collaborateurs. Trop
d’informations sont données au cours de la
réunion, trop peu sont données préalablement.
L’ordre du jour, souvent formulé de façon
rébarbative et peu inspirante, est une liste de
thématiques plutôt qu’une série de problèmes
à résoudre. Les comptes rendus sont illisibles
et inexploitables.

• Les enjeux d’ego sont supérieurs aux enjeux


de la réunion, rendant impossible toute forme
d’alchimie constructive entre les participants.

• La pression extérieure empêche le cerveau de


trouver le calme nécessaire à l’intelligence
collective.

• Tout ce qui n’est pas de l’ordre strictement


intellectuel est ignoré – d’abord, la façon de
convoquer, de démarrer, de poser le problème ;
ensuite, les biorythmes, le temps (les pauses,
les fins), l’espace, l’ambiance…

• Il y a un manque d’entraînement dans l’art de


poser les bonnes questions et de motiver plutôt
que de démotiver les participants.

Les bons plans


Le manager donne le ton par son attitude et ses
émotions. Il faut donc qu’il fasse son maximum
avant une réunion pour en avoir une vision
positive, en considérant chacun des participants
comme riche à sa manière et en capacité d’apporter
une contribution unique au projet collectif. Voici les
conseils essentiels pour l’organisation et la
conduite des réunions :

À l’avance :

• Décider si une réunion est vraiment nécessaire


ou s’il n’y a pas d’autre moyen pour atteindre
les objectifs en question. Par exemple, si le
manager parle beaucoup dans une réunion, elle
devient une réunion d’information et pourrait
être remplacée par un e-mail ou une vidéo sur
les réseaux sociaux.

• N’inviter que les personnes strictement


nécessaires. Quand il y a beaucoup de monde,
les gens croient avoir besoin de faire moins
d’efforts et la réalisation des tâches s’éternise.
Pour une réunion très productive, essayer de
ne pas dépasser sept personnes. Avec un
nombre supérieur, appliquer des protocoles
pour faire travailler tout le monde (cf. par
exemple, la prise de décision ci-dessous).

• La réunion doit avoir un but : réaliser quelque


chose ou prendre une décision ensemble. Ce
but devrait être clair, annoncé avant la réunion
et réitéré au début de celle-ci.

• La durée prévue doit être annoncée à l’avance


et respectée. Il faut essayer de ne pas dépasser
une heure ou, au moins, de découper le temps
de la réunion en tranches supportables. Les
contraintes de temps encouragent les
participants à travailler plus efficacement.

• Le lieu doit être annoncé d’avance – et


réservé, ainsi que tout le matériel technique
nécessaire.

• Si la réunion doit durer plus d’une heure,


programmer une pause pour que les
participants puissent consulter leurs
messageries et téléphoner. Recommencer à
l’heure prévue. Sinon, ils seront tentés de
consulter leurs smartphones pendant la
réunion, en surestimant leur capacité à être
multitâches.

• Préparer la réunion et dire aux autres


comment ils peuvent faire de même.

• Tout document utile pour la réunion devrait


être distribué bien à l’avance et jamais au
début de la réunion. Les gens ne résisteront
pas à la tentation de le parcourir distraitement
pendant que le manager parle. Un tableau de
chiffres se lit plus facilement dans son propre
bureau sur une tablette ou une feuille de papier
que sur une projection PowerPoint au milieu
d’une réunion.

Pendant la réunion :

• Commencer exactement à l’heure, que tout le


monde soit arrivé ou non. Créer ou consolider
ainsi une culture du respect des horaires.

• La réunion peut très bien commencer par


quelques minutes (prévues dans l’horaire) de
conversation détendue pour cimenter les
relations. La transition vers une discussion
plus ciblée doit être claire.

• Une personne doit présider et être désignée


d’avance pour le faire. Une autre personne
pour en faire le compte rendu.

• La discussion de sujets autres que ceux prévus


est à décourager ; si un thème de discussion
imprévu se révèle important, annoncer : « Ça,
c’est une autre question. Programmons une
autre réunion courte là-dessus… »
• La réunion définit des actions à prendre et
affecte des individus à leur exécution : résumer
clairement ces décisions à la fin.

• S’il y a des personnes qui parlent trop, la


personne qui préside doit les interrompre
poliment ; s’il y a des personnes qui ne parlent
pas ou peu, il faut leur demander
régulièrement leur avis.

• Distribuer des rôles importants, par exemple


quelqu’un pour veiller sur le temps, quelqu’un
pour pousser à la prise de décision…

Pour le manager en particulier :

• Utiliser l’empathie, lire le langage corporel


des participants, afin de déchiffrer les tensions
latentes dans le groupe et réagir en
conséquence – avec doigté !

• Faire attention à ne pas trop encourager la


flatterie de ses propres opinions.

• Valoriser l’apport de chaque participant pour


nourrir les ego.

Décider ensemble
La décision peut être définie de la manière
suivante : « Décider, c’est penser à l’avance afin
d’agir en temps opportun au service de nos
intérêts. » Ne pas agir constitue aussi une décision,
soit parce que nous décidons d’attendre
délibérément, soit parce que nous abdiquons notre
pouvoir de décision, ce qui peut avoir des
conséquences très négatives. Notre pouvoir de
décision n’est rien moins que notre capacité à créer
notre avenir. Plus nous maîtrisons notre processus
de décision, plus nous maîtrisons notre avenir.

De grandes décisions s’imposent à nous tout le


temps : faut-il lancer ce nouveau produit, et si oui,
quand ? Pouvons-nous nous installer sur le marché
chinois ? Pour réussir un processus aussi vital mais
délicat, nous avons besoin du plus grand nombre
d’informations, de perspectives et d’expériences
pertinentes dont notre groupe dispose. La tragédie,
c’est que beaucoup d’équipes n’arrivent jamais à
mobiliser toutes leurs ressources et prennent des
décisions médiocres ou calamiteuses. Chaque
membre d’un groupe a accès à des données
différentes ou voit un aspect différent d’un
problème. Comment exploiter toute cette
intelligence collective ? Surtout quand nos
tentatives risquent d’être exploités par les « six
salopards ».

Les « six salopards »


Le terme est utilisé ici pour présenter un
échantillon des nombreux « biais cognitifs » qui
altèrent souvent nos prises de décision. Un biais
cognitif est une déviation du jugement que présente
quasi systématiquement le cerveau humain dans
certaines situations. Le paradoxe, c’est qu’un
« biais » est en même temps une « heuristique »,
à savoir une procédure simple qui nous aide à
trouver des réponses adéquates, quoique souvent
imparfaites, à des questions difficiles. Au cours de
l’évolution, l’esprit humain a développé ces
heuristiques – ces « raccourcis » dans ses
jugements, ses réactions et ses décisions – afin de
s’en sortir dans des situations difficiles mais
fréquentes. Mais des raccourcis qui marchent très
bien dans l’environnement des chasseurs-
cueilleurs ne sont plus toujours adaptés à
l’environnement complexe de nos sociétés
modernes avec leurs entreprises, leurs tribunaux et
leurs institutions politiques. Nos heuristiques,
normalement si utiles, deviennent des biais qui
déforment nos jugements et nos décisions.

Biais Effet Solution possible


cognitif

Ancrage Nous avons du mal à Mettre en question notre


mental dépasser notre première première impression, la
impression. comparer avec des celles
d’autres personnes.

Confirmation Nous ne relevons que les Faire tester notre idée par
d’hypothèse données qui confirment d’autres personnes ;
notre point de vue. demander aux autres de
l’attaquer.

Planification Nous sous-estimons de Considérer nos prévisions


manière optimiste les délais comme des sous-
et les coûts d’un projet. estimations.

Disponibilité Nous donnons trop de Comparer notre


poids à ce qui vient en perspective avec celles de
premier à notre esprit parce personnes qui n’ont pas eu
que c’est mémorable ou les mêmes expériences ou
récent. pas récemment.

Égocentrique On surestime combien nos S’ouvrir aux goûts et


préférences et opinions des autres.
préoccupations sont
typiques.

Sunk-cost Se laisser trop influencer Faire faire une évaluation


fallacy ou « par des coûts déjà investis. des progrès d’un projet par
coût Continuer avec un projet
irrécupérable malgré les preuves de son quelqu’un qui n’a rien
» inefficacité. investi dedans.

Il est évident que la meilleure façon de compenser


et de corriger nos propres biais individuels, c’est de
prendre des décisions collectivement. Voilà une
bonne leçon pour le manager qui voudrait garder
tout le pouvoir de décision pour lui-même. Mais il
y a un hic, dans la mesure où les groupes peuvent
accentuer les biais présents dans les individus. Par
exemple, les groupes sont souvent influencés par
les personnes qui ont parlé en premier parce que
celles-ci imposent un cadrage qui limite la
discussion. Il est parfois difficile de porter celle-ci
sur un autre terrain, même si on essaie de le faire.
Les participants peuvent taire leur avis ou le
modifier par crainte de déplaire à ceux qu’ils ont
identifiés comme exerçant un pouvoir sur leur
carrière. Le besoin de se faire aimer des autres peut
conduire au même résultat.

Les groupes ont tendance à se focaliser sur les


informations que la plupart savent déjà et à
marginaliser les informations détenues par une
minorité. La polarisation nous amène à prendre des
positions de plus en plus extrêmes au cours d’une
discussion, soit par solidarité avec d’autres ayant
des avis similaires, soit par opposition à d’autres
ayant des avis différents.

Comment donc éviter ce qu’on a appelé en anglais


le groupthink, ou en français « la pensée unique » ?
La réponse consiste à viser le plus de diversité
possible chez les membres du groupe et à choisir
les bons protocoles pour la prise de décision.

Pour prendre une


décision collective
Ce qui suit représente toute une panoplie pour
prendre une décision très importante. On peut en
sélectionner et en adapter des aspects pour des
décisions moins significatives et pour des
situations particulières. Il y a trois étapes
essentielles : la préparation avant la réunion, la
réunion elle-même (il peut y en avoir plus d’une)
avec ses différentes phases, et le suivi.

Avant la réunion
Une première grande erreur consiste à croire
qu’une décision significative se prend uniquement
en face-à-face. De même que n’importe quelle
réunion se prépare à l’avance, un processus de
décision commence avant de réunir tous les acteurs
pour la phase apparemment décisive. D’abord, il
faut nommer deux arbitres. Pour que, dès le début,
chaque participant à cette prise de décision puisse
s’exprimer librement, sans être inhibé par les
opinions des autres, les arbitres distribuent une
fiche à remplir, accompagné d’un résumé de la
situation. Des cases pour chaque réponse imposent
une limite à la prolixité naturelle de certains. Un
délai précis est donné aux participants pour le
retour des fiches aux arbitres. Les questions à poser
sont les suivantes :

• Quelles sont les sources d’information


essentielles dont nous devons absolument
disposer pour prendre cette décision ?

• Quel est votre avis général ?

• Quels sont les risques principaux associés à


cette prise de décision ?

• Si vous deviez faire une proposition à ce stade,


ce serait laquelle ?

• Quelles sont les raisons que vous entrevoyez


pour croire que votre première proposition
n’est pas la bonne ?

Les arbitres font un résumé anonyme des réponses


à ces questions qui est distribué à, et lu par, tous
les participants. Les arbitres identifient des
personnes qui seront responsables de rassembler
les informations pertinentes stipulées par les
fiches.

Pendant la (ou les)


réunion(s)
Il y a plusieurs phases distinctes :

• Le brainstorming : on discute librement, on


passe en revue les différentes propositions, on
les modifie, on choisit celles qui semblent les
plus pertinentes et réalistes.

• Le classement : on classe les propositions


sélectionnées par ordre d’éligibilité.

• Le consensus : on tente d’arriver à un


consensus sur la première proposition par la
méthode décrite ci-dessous. Si aucun
consensus ne peut être obtenu, on essaie avec
la proposition suivante, et ainsi de suite.
• Le challenge : une petite équipe est nommée
pour jouer les avocats du diable, c’est-à-dire
pour soulever tous les risques associés à la
proposition retenue (ils peuvent consulter le
résumé des fiches). Ensuite, tout le groupe
prépare des solutions pour faire face à ces
incertitudes.

• La ratification : la décision finale est


clairement formulée et tous les participants
s’engagent à l’exécuter.

• On identifie et on distribue les responsabilités


selon un tableau « RACI » (Responsable,
Acteur, Concerné, Informé) :

Action Responsable Acteur Concerné Informé

Actions Personne(s) Personne(s) Personnes sur Personnes


relatives à responsables directement lesquelles cette qui ont
l’exécution de l’exécution impliquées action aura un besoin d’être
de la de cette action dans impact direct tenues au
décision l’exécution courant

Action 1 Sandrine John, Paul George, Ringo Notre P.-D.G.

Action 2, Anne Mick, Keith Bill, Charlie Notre


etc. directeur
marketing
Arriver à un consensus
Un consensus peut être défini comme « un
processus pour trouver le plus haut degré de
concordance de vues au sein du groupe. »

• À la fin, chacun doit pouvoir dire : « Que la


décision retenue soit ou non celle que je
préfère à toutes les autres décisions proposées,
je l’accepte parce que le groupe y est arrivé par
un processus ouvert et juste. »

• Au cours du processus, chaque participant a le


droit de recevoir un résumé des points sur
lesquels on est d’accord ou en désaccord.
Chacun a le droit de revisiter des points déjà
débattus en prétextant l’arrivée de nouvelles
informations pertinentes.

• Chacun a le devoir, en exprimant un accord ou


un désaccord, de motiver son choix. En
exprimant un désaccord, chacun doit proposer
une alternative.

Afin d’évaluer le niveau de consensus sur une


proposition dans le groupe à tout moment, chaque
participant exprime à tour de rôle sa position selon
un des cinq niveaux suivants :
• Niveau 1 : « À mon sens, il n’y a pas du tout
de concordance de vues claire et nette ; nous
devons encore discuter avant d’envisager une
prise de décision. »

• Niveau 2 : « Je suis en désaccord avec la


proposition actuelle du groupe. Je proposerai
donc une alternative. »

• Niveau 3 : « Je ne suis pas enthousiaste, mais


je peux accepter la proposition. »

• Niveau 4 : « Je considère que cette


proposition représente la meilleure des options
qui nous ont été proposées. »

• Niveau 5 : « Je suis enthousiaste par rapport à


cette proposition et je considère qu’elle
représente le meilleur de l’intelligence
collective du groupe. »

Le consensus est atteint quand, pour une


proposition donnée, tous les participants sont aux
niveaux 3, 4 ou 5. À chaque fois qu’un membre du
groupe se dit au niveau 1, il doit soulever une
objection qui est discutée. Si après discussion des
objections de toutes personnes au niveau 1, il y a
des personnes au niveau 2, on discute d’une
contre-proposition de la même manière. Le
consensus n’est pas automatique, mais tout le
monde est obligé de contribuer à chaque étape de la
discussion et après chaque round de discussion, on
sait quelles sont les positions des uns et des autres.
À la fin, personne ne peut prétendre être lésé.

Après la réunion
On suit l’exécution de la décision en utilisant le
tableau « RACI ». Il faut être un peu philosophe :
même les décisions prises dans les meilleures
conditions possibles ne sont pas à l’abri de cette
incertitude qui guette toutes les affaires humaines.
Le processus de prise de décision comporte une
dernière étape. Si tous les signes indiquent que la
décision prise va conduire à un vrai désastre,
n’hésitons pas à la remettre en cause avant qu’il ne
soit trop tard. À notre époque, le management est
plus que jamais une question d’agilité.

Le télétravail
Le télétravail, ou travail à distance, est de plus en
plus répandu. Il fait souvent partie d’une
planification hybride, où un salarié passe un certain
nombre de jours par semaine en télétravail – chez
lui ou ailleurs – et un certain nombre au bureau. Il
y a aussi des entreprises qui pratiquent le
télétravail de manière quasi-permanente pour tous
leurs employés (ou la plupart). Ce mode
d’organisation s’appelle en anglais Work from
Anywhere, car le salarié peut travailler n’importe
où, même dans un pays autre que celui où se situe
le siège social de son entreprise. Dans ce cas,
l’avantage pour l’employeur est qu’il peut
embaucher des talents sans que sa recherche soit
limitée à une zone géographique spécifique, tandis
que la personne recrutée n’a pas nécessairement
besoin de déménager d’un pays à un autre.

Le travail à distance s’impose souvent quand


plusieurs structures collaborent sur un projet
interorganisationnel (voir chapitre 12). Que l’on ait
recours au télétravail dans le contexte d’une
planification hybride ou du mode Work from
Anywhere, les avantages sont les suivants :

• l’entreprise ou autre organisation n’a pas


besoin d’acquérir ou de louer des bureaux pour
tous ses salariés ;

• les salariés sont libérés, totalement ou en


partie, de l’aller-retour quotidien au bureau,
souvent chronophage et fatigant ;
• les salariés jouissent de plus flexibilité dans
leurs horaires de travail ;

• en général, la productivité des salariés


s’améliore de manière sensible.

Les équipes qui ont besoin de collaborer à distance


exploitent des outils de visioconférence tels que
Zoom, Skype, ou Microsoft Teams pour leurs
réunions, ainsi que des plateformes de
communication ou de gestion collaboratives,
comme Slack ou Trello, qui permettent des
conversations textuelles en ligne sur des sujets
précis et le partage de documents ou de listes. Ces
deux groupes d’outils correspondent à deux
manières de collaborer à distance :

• la collaboration synchrone : les membres


d’une équipe échangent tous entre eux
simultanément en temps réel, à la façon d’une
réunion traditionnelle, mais en ligne ;

• la collaboration asynchrone : les équipiers


échangent des messages et, surtout, travaillent
les uns après les autres sur des documents
partagés, en prenant en compte les
modifications et les contributions apportées
par les uns et les autres.
Pour réussir la collaboration à distance, il faut
trouver la combinaison de travail synchrone et
asynchrone la plus adaptée à vos besoins et à vos
circonstances.

Pourtant, l’expérience montre que travailler à


distance présente des défis et des pièges pour les
managers et pour les collaborateurs. Voici les
problèmes les plus fréquemment rencontrés et des
solutions possibles :

Problème Solution

Le manager a moins Le manager doit résister à la tentation «


confiance dans ses Big Brother » en ayant recours à des
collaborateurs quand ils sont outils de surveillance électronique : le
géographiquement dispersés résultat sera de miner la confiance
et qu’il ne peut pas les réciproque et par conséquent
surveiller directement comme l’implication des équipiers. Il devra
au bureau. plutôt montrer qu’il leur fait confiance
en évitant de s’immiscer dans tout ce
qu’ils font et définir un système et un
calendrier de reporting raisonnables.

Le manager peut avoir du mal Établir et partager avec ses


à évaluer la performance de collaborateurs des critères d’évaluation
ses collaborateurs à distance. clairs et cohérents adaptés au reporting
et aux échanges à distance.

Quand les coéquipiers se Intégrer plus de collaboration


trouvent dans des fuseaux asynchrone à la routine de travail de
horaires très différents, il est l’équipe. Éviter de fixer des heures de
difficile d’organiser des réunion qui désavantagent toujours les
réunions fréquentes pour mêmes équipiers dont les fuseaux
tout le monde. horaires sont très différents de ceux de
la majorité.

La communication est Un effort supplémentaire doit être fait


difficile, surtout lors des par tous les membres de l’équipe : voir
réunions à distance. ci-après les règles pour des réunions à
distance réussies.

Il y a le risque d’un nombre Intégrer plus de collaboration


excessif d’e-mails et d’appels asynchrone à la routine de travail en
téléphoniques pour régler demandant aux collègues, par exemple,
des questions spécifiques de modifier des documents partagés ou
de communiquer par des forums
spécialement dédiés à certaines
matières.

Les interactions plus ou Planifier des temps d’échange – mais


moins spontanées entre non de manière chronophage – entre
collègues que produit la vie des petits groupes de collègues afin de
de bureau (quand on tape sur parler de ce qu’ils sont en train de faire,
l’épaule d’un collègue pour lui de leurs difficultés, de leurs réussites…
poser une question ou quand Ces temps peuvent être organisés
on se croise devant la spontanément par des collaborateurs,
machine à café) sont mais sans créer des clans et des cliques.
absentes, ce qui limite la
circulation dans l’organisation
des savoir-faire non-écrits.

Le problème de visibilité : le Toujours contribuer aux réunions de


travailleur à distance peut manière pertinente ; tenir les autres
sentir – à tort ou à raison – informés de ce que l’on fait, de ses
que ses collègues ont oublié progrès sur certaines tâches (sans les
son existence ou que son n + embêter par des communications trop
1 n’est pas au courant de tout fréquentes) ; répondre aux questions
ce qu’il fait. envoyées par les collègues en temps
opportun.

Il peut être encore plus Il faut éviter que la vie personnelle en


difficile de fixer des limites vienne à prendre le pas sur la vie
entre sa vie professionnelle et professionnelle et vice-versa : établir
sa vie personnelle. une routine qui permet de bien séparer
le temps professionnel du temps
personnel ; si possible, créer chez soi un
espace de travail dédié et, dans la
mesure du possible, à part ; quand on
travaille à la maison, fixer des temps où
on peut être disponible pour la famille et
où on ne l’est pas.

Chacun peut se sentir isolé et Quand c’est possible, organiser des


souffrir du manque général activités sociales « non-virtuelles » – par
de sociabilité. exemple, sportives – permettant de
réunir les membres d’une équipe.

Le fait de travailler sans Planifier des pauses dans la journée de


bouger ou de ne pas voir les travail, faire de l’exercice régulièrement,
collègues très souvent peut organiser des activités sociales.
avoir une influence négative
sur notre santé physique et
mentale.

Les règles pour des réunions à distance réussies :


• Afin de créer du lien entre les membres d’une
équipe, ne pas limiter la réunion strictement à
l’ordre du jour, mais réserver un peu de temps,
de préférence au début, pour des échanges plus
personnels.

• Pour chaque réunion, tous les participants


doivent adopter les mêmes protocoles : garder
la caméra allumée pour rester pleinement
présent ; choisir une tenue vestimentaire
correcte ; rester attentif pendant toute la
réunion ; ne pas succomber à la tentation de
faire autre chose (comme vérifier ses e-
mails) ; veiller à ce que la parole soit distribuée
de manière égale.

• Pour celle ou celui qui préside une réunion :


inclure tout le monde dans la discussion
systématiquement et solliciter activement les
contributions des uns et des autres.

• Regalvaniser périodiquement les participants


en leur posant des questions et en recueillant
la réponse de chacun.

• Si une question secondaire commence à


monopoliser la discussion, suggérer
éventuellement une réunion séparée pour la
traiter.

• Avant une réunion, créer et distribuer des


documents simples, pertinents et utiles ; pour
le manager, attribuer aux participants des
tâches à accomplir en amont ou des rôles à
jouer pendant la réunion.

• Si une des personnes qui assiste à une réunion


est à distance, tandis que les autres se trouvent
réunies au bureau, il vaut mieux éviter de
marginaliser cette personne : demander donc à
tout le monde de se connecter à l’outil de
visioconférence.

Dans le cas où un travailleur à distance a besoin


d’avoir accès aux données confidentielles de son
entreprise, cette dernière devra sécuriser l’accès en
question.
Pour en savoir plus

Amy Gallo, « The Condensed Guide to Running Meetings »,


Harvard Business Review, 6 July 2015, en ligne : https://hbr.or
g/2015/07/the-condensed-guide-to-running-meetings.

Chip Heath, Dan Heath, Comment faire les bons choix


(Leduc.s).

Daniel Kahneman, Système 1/ Système2. Les deux vitesses de la


pensée (Flammarion).

Phil Rosenzweig, Left Brain, Right Stuff : How Leaders Make


Winning Decisions (Profile Books).

Alan Rowe et coll., L’Essentiel pour bien décider (ESF, « Harvard


Business Essentials »).

Cass R. Sunstein, Reid Hastie, Wiser. Getting Beyond


Groupthink to Make Groups Smarter (Harvard Business Review
Press).

Mikael Krogerus, Roman Tschäppeler, Le Livre des décisions


(Leduc.s).

Prithwiraj Choudhury, « Our Work-from-Anywhere Future »,


Harvard Business Review, novembre-décembre 2020.
Place à la pratique !

Utilisez la liste de questions suivante pour vérifier


la préparation et la conduite de votre prochaine
réunion importante :

1. Une réunion est-elle nécessaire ? Une réunion


constitue-t-elle le meilleur moyen d’atteindre
mes/ nos objectifs ?

2. Ai-je/avons-nous défini clairement les objectifs


de la réunion ? Si ces objectifs sont atteints, y a-
t-il une vraie volonté d’agir en conséquence ?

3. Cette réunion aura-t-elle un impact


psychologique particulier dont il faudra tenir
compte ?

4. Qui convoquer à cette réunion ? Qui omettre


de la liste des invités ?

5. Comment inviter les participants ?

6. Ai-je bien préparé la réunion en vue de mes/


nos objectifs ?

7. Qu’est-ce qui doit absolument être fait au


cours de la réunion quand nous sommes tous
ensemble et qu’est-ce qui peut être fait en
amont par les participants (par exemple :
distribution ou obtention de certaines
informations) ?

8. Suis-je bien préparé mentalement pour


conduire cette réunion, en tirant le meilleur de
chaque participant et en valorisant de manière
réaliste et juste la contribution de chacun ?

9. Ai-je fait le nécessaire pour développer une


vision positive de cette réunion et des
participants invités – même de ceux que j’ai
convoqués à contrecœur ?

10.L’ordre du jour est-il clair, stimulant, de nature


à susciter la participation, la créativité et/ou la
prise de décision ? Ai-je posé les problèmes
fondamentaux de la bonne façon ?

11.Quelles sont les questions de base que je vais


poser aux participants au cours de la réunion ?
Par quelles questions vais-je relancer la
discussion si celle-ci s’enlise ?

12.Suis-je prêt à laisser parler les participants et à


les écouter attentivement ?

13.Me suis-je débarrassé de mon envie toute


naturelle de me mettre en avant, d’occuper la
scène et d’écouter le son de ma propre voix ?
14.Ai-je préparé le meilleur dispositif pour
recueillir la production de cette réunion et en
garder la trace ?
DANS CE CHAPITRE
Comprendre le management interculturel

Combiner efficacité managériale et justice sociale

Pallier les effets néfastes des préjugés

Chapitre 10
Manager la diversité
P arler de la diversité réunit deux considérations
apparemment très éloignées l’une de l’autre : la
justice sociale et l’efficacité managériale. N’y allons
pas par quatre chemins, la « diversité » ici
implique l’inclusion, dans le milieu professionnel,
de toutes les personnes qui, jusqu’à présent, ne
correspondaient pas au profil traditionnel du
manager dans les pays occidentaux : l’homme
blanc, âgé de 40 ou 50 ans, essentiellement
chrétien mais aussi juif, agnostique ou athée, ayant
reçu une certaine forme d’éducation et restant
profondément, sinon presque exclusivement,
marqué par sa religion et par la culture nationale de
son pays.

Aujourd’hui, le monde professionnel, en Europe et


dans beaucoup d’autres pays (mais pas encore
assez) est ouvert aux femmes. En France, en
principe, le sexe, l’ethnie, l’âge ou le handicap ne
sont pas des obstacles à l’embauche. Des personnes
de différentes nationalités et cultures se déplacent
partout dans le monde pour intégrer des équipes
qui se moquent des frontières. L’homme blanc lui-
même est parmi eux et n’est plus aussi marqué par
son milieu d’origine.

Dans ces circonstances, et en dépit des inégalités


économiques, il est normal et juste que tout le
monde ait une opportunité égale d’exercer ses
talents et de progresser dans sa carrière selon ses
mérites. Le monde professionnel a besoin d’un
certain niveau de justice pour maintenir un niveau
crédible de confiance mutuelle. De plus, étant
donné le contexte actuel de plus en plus
concurrentiel, pourquoi nous priver de telle ou telle
candidature prometteuse à cause de préjugés
inconscients ou mal assumés ? Finalement, comme
les meilleurs processus de prises de décision le
montrent (voir chapitre 9), nous avons besoin
d’équipes dont les membres ont des formations,
des expériences et des vécus aussi diversifiés que
possible, pour étendre la portée de notre
intelligence collective.

Trois questions se posent immédiatement :

• Comment s’entendre aisément avec des


personnes d’autres origines et cultures afin de
les manager et d’être managé par elles ?

• Comment surmonter nos préjugés et nos


biais, notamment dans le domaine des
rapports femme/homme, pour pouvoir profiter
de la diversité ?

• Comment saisir les modalités des rapports


complexes entre le monde du travail et celui de
la religion (chrétienne, juive et musulmane,
pour ne parler que des plus répandues en
France), rapports situés eux-mêmes à la
croisée des différentes cultures ?

Le management interculturel
La « culture » est un phénomène social plutôt
qu’individuel :

• C’est l’ensemble des valeurs, normes et


habitudes propres à un groupe qui définissent
les attitudes et comportements généralement
acceptables dans le groupe.

• L’individu est souvent peu conscient de sa


culture : elle est implicite dans la mesure où
ses attitudes et ses comportements lui
semblent aller de soi.

• La culture ne dicte pas toutes les actions et


toutes les réactions des membres d’un groupe,
mais représente des tendances générales.

• Les cultures nationales sont celles qui sont


mises en avant le plus souvent, mais il y a
aussi des cultures régionales, professionnelles
(médecine, droit, finance…), linguistiques, et
ainsi de suite.

Le « management interculturel » est l’ensemble


des approches qui cherchent à comprendre et à
gérer l’impact des différences culturelles sur le
travail du manager. Plus précisément, il s’agit :

• d’acquérir des capacités conceptuelles et


comportementales nécessaires à des
interactions réussies avec des personnes de
culture différente dans un contexte
professionnel ;

• de prendre conscience de l’influence


omniprésente et souvent invisible de la culture
sur les comportements professionnels des
individus et des équipes.

Les situations qui nécessitent des compétences


interculturelles sont les suivantes :

• La collaboration avec des partenaires ou des


clients de pays différents.

• Une expatriation : le manager est nommé à un


poste à l’étranger ; parfois sa famille
l’accompagne.

• Le travail dans une équipe multiculturelle


regroupant des membres de pays différents.

À un niveau relativement visible, les différences


culturelles ont un impact sur le management à
travers les us et coutumes.

En rencontrant un partenaire chinois pour la


première fois, faut-il s’incliner profondément ? Ce
serait une faute grave : s’incliner est un usage
japonais. Comment accepter la carte de visite d’une
partenaire coréenne ? Il ne faut certainement pas la
glisser dans sa poche, mais la prendre avec les deux
mains, la lire attentivement et, si on est assis, la
placer sur la table devant soi, ou, si on est debout,
la garder dans un porte-cartes adapté. Pourtant, il
y a un niveau de différences culturelles qui échappe
au regard superficiel et provoque des quiproquos
apparemment inexplicables.

Dans un contexte interculturel, il est facile de mal


interpréter un geste, en croyant qu’il s’agit d’un
manque de respect ou de sincérité, quand, en
réalité, c’est que l’autre part de suppositions très
différentes. Comment, donc, prendre conscience de
ces différences et les surmonter ?
Non, ce n’est pas la guerre de Cent
Ans qui reprend

Témoignage d’un consultant interculturel

Je coachais un cadre supérieur d’une grande


banque française qui allait être muté sur un poste
à Londres, à la City. Il m’a dit qu’il avait toujours eu
un peu de mal à comprendre la mentalité anglaise.
Pourquoi ?

« À une époque, je faisais des conférences


téléphoniques avec une équipe à Londres. Chaque
semaine, je proposais une action et leur
demandais si elle leur convenait. Ils répondaient
toujours : “Oui.” Sans plus. Sans expression
d’enthousiasme ni aucun commentaire. Et je me
demandais ce qu’ils pensaient véritablement de
mes suggestions. Je me demandais même s’ils
n’avaient pas quelque chose contre moi, quelque
chose qu’ils ne voulaient pas dire ouvertement.

— Ce “oui”, est-ce que c’est ce que vous vouliez


entendre de leur part ?

— Tout à fait.
— Eh bien, pourquoi vous plaindre ? L’Anglais a
tendance à être très factuel dans sa
communication professionnelle, sans toujours
l’accompagner d’expressions de chaleur
personnelle, souvent réservées pour le pub après
le travail. Vos interlocuteurs ont dit exactement ce
qu’ils pensaient et, en même temps, exactement ce
qu’ils croyaient que vous vouliez entendre, ni plus,
ni moins. »

Les « filtres de
perception »
Quand nous regardons le monde, nous le voyons à
travers des suppositions, des habitudes et un
contexte qui nous sont propres. Prononcez le mot
« évaluation » devant un étudiant, un manager et
un antiquaire : le premier pensera en priorité aux
examens, le deuxième aux entretiens annuels et le
troisième à l’expertise d’un objet d’art. Ces
éléments qui encadrent et influent sur notre
compréhension des choses constituent des
« filtres », à travers lesquelles passent nos
perceptions des gens, des événements et des
institutions. Chacun voit donc le monde à travers
son filtre de perception. Même si la réalité devant
deux ou plusieurs personnes est la même, chacune
ne la verra pas de la même façon au même
moment. Ces filtres de perception sont composés
de :

• nos expériences passées ;

• notre éducation ;

• notre religion ;

• nos croyances du moment sur un grand


nombre de sujets ;

• notre culture.

Le fait que nos filtres de perception sont différents,


et ce, à des degrés variables, représente un premier
niveau de difficulté. Un deuxième niveau de
difficulté est constitué par le fait que nous sommes
beaucoup trop souvent inconscients que de telles
différences de perception et de compréhension
puissent exister.

Remédier à cette situation passe par quatre étapes


principales :

• Une prise de conscience : dans nos échanges


avec les autres, nous commençons à remarquer
les suppositions erronées, les quiproquos, les
sources de malentendu ; nous devenons des
observateurs curieux de ces phénomènes.

• La comparaison : on cherche à comparer les


filtres de perception, en identifiant des points
d’accord et de désaccord entre notre filtre et
celui de l’autre.

• Le dialogue : on interroge les autres


ouvertement ou indirectement sur leurs
sentiments, leurs réflexes, leurs croyances, en
explorant leur filtre de perception.

• L’auto-analyse : au lieu d’explorer les filtres


des autres, nous devenons plus conscients et
curieux de notre propre filtre de perception
dont les présupposées, jusqu’ici, nous
semblaient aller de soi.

Les orientations
majeures dans la culture
professionnelle
Les différences culturelles ont un impact très
significatif sur certaines orientations importantes
dans la vie professionnelle. Voici certains des sujets
où l’on trouve beaucoup de variations entre les
cultures :

• La communication : dans telle ou telle culture,


quand est-il approprié ou même nécessaire,
par exemple, d’exprimer une émotion ? Ou de
challenger un interlocuteur directement ?

• L’autorité : quelle est la relation spontanée au


pouvoir ? Si je suis le chef d’une équipe,
comment dois-je me comporter devant mes
troupes ?

• Le risque : quel est le degré de tolérance de


l’incertitude dans cette culture ? Quelles
actions sont considérées comme téméraires ou
imprudentes ?

• Le temps : si on dit que c’est pour le 6 juin,


faut-il que ce soit prêt bien avant, le jour
même, ou autour de cette date ?

• L’individualisme : si j’affiche certains signes


de ma réussite professionnelle, comment cela
sera-t-il reçu par les autres ?

Considérons un aspect qui est fondamental dans le


management et dans le commerce : la confiance.
Quand la négo, c’est no go !

Les représentants occidentaux d’une entreprise


multinationale conduisaient depuis pas mal de temps des
négociations avec un fournisseur chinois. Finalement, ils
pensaient être sur le point de finaliser l’accord. Soudain, les
négociateurs chinois ont commencé à poser des questions
que les Occidentaux croyaient déjà résolues depuis
longtemps. Ceux-ci ont compris que les Chinois les menaient
en bateau…

Au fond, il s’agit ici de différentes manières de créer la


confiance. En général, pour les Européens et les Nord-
Américains, on commence en supposant que l’autre sera
digne de confiance – jusqu’à la preuve du contraire. On lui
accorde le bénéfice du doute. Les traditions commerciales et
juridiques se combinent pour favoriser le développement
rapide des relations économiques. Le business précède, en
quelque sorte, la confiance et permet de la confirmer et de
l’accroître.

En Chine, en revanche, la confiance précède en général le


business. La culture est « relationnelle » plutôt
qu’individualiste. Il faut établir des relations de confiance
avant d’aller plus loin. Et il ne s’agit pas de les établir
simplement à travers des contacts sociaux, même si ceux-ci
ont leur importance. Il faut créer la confiance étape par
étape, en donnant des preuves de ses compétences et de sa
valeur ajoutée*.

* David De Kremer, « Understanding trust, in China and the


West », Harvard Business Review, 11 février 2015, en ligne : htt
ps://hbr.org/2015/02/understanding-trust-in-china-and-the-
west.

On pourrait objecter que toutes les personnes de


telle ou telle culture ne se comportent pas de la
même manière, ou qu’aborder quelqu’un en se
fondant sur des suppositions au sujet de sa culture
peut se révéler problématique. Pourtant, l’essentiel
ici consiste à rester conscient des différences
possibles et à être prêt, à tout moment, à les
explorer à travers l’observation, la comparaison, le
dialogue et l’interrogation de ses propres
préconceptions. Cette approche s’avère utile, non
seulement dans le contexte interculturel, mais
aussi dans toute situation où des préjugés,
conscients ou inconscients, peuvent altérer nos
interactions avec quelqu’un d’autre. On trouve de
telles situations notamment chaque fois qu’il est
question des rapports femme/homme.
Les rapports femme/homme
et entre les genres en
général
À la fin du XIXe siècle, on parlait de la « question de
la femme », comme si la femme représentait une
question spéciale, à part, sans lien avec l’homme.
En vérité, il n’y avait pas à l’époque, et il n’y a pas
aujourd’hui, de question portant uniquement sur la
femme. Il y a uniquement la question des rapports
entre les femmes et les hommes. Catégoriser cette
question-là, comme le fait ce chapitre, sous le titre
de la « diversité », peut être problématique si nous
oublions que la diversité, c’est aussi une question
de justice sociale. La création par une entreprise
d’un poste de « responsable de la diversité » peut
être problématique aussi, si la majorité des salariés
pensent que cette création suffit pour régler la
question, qui reste ainsi séparée des autres activités
de l’organisation.

L’important, c’est de modifier nos comportements.


Comment ? Il est désormais évident qu’il ne suffit
pas de légiférer sur un sujet comme l’égalité
femme/homme (ou les rapports entre les genres en
général) pour que cela devienne une réalité du jour
au lendemain. Les structures de nos institutions et
nos propres biais et habitudes de pensée ne se
transforment pas si rapidement. Mais à une époque
où nous découvrons comme jamais auparavant, non
la géographie du monde, mais toute la richesse de
ses cultures, une première action positive pour les
hommes consiste à tourner le regard interculturel
vers les femmes, en interrogeant nos différents
filtres de perception. Et vice-versa !

L’empathie homme-
femme
Commençons par une expérience destinée surtout,
mais pas uniquement, aux hommes.
Appel de Marge ?

Imaginez que vous êtes une des seules tradeuses


embauchées sur une grande salle de marché.

Le premier jour, votre entrée dans la salle, lieu


traditionnellement masculine s’il en est, est accueillie par des
huées et des chahuts sonores de la part de tous vos
nouveaux collègues.

Comment vous sentez-vous ? Flattée ? Amusée ? Seule ? Un


mélange des trois ?

Quel est le vécu de cette personne à qui on fait ressentir tout


de suite sa différence ?

En général, les femmes doivent supporter plus


d’incivilités sur le lieu de travail que les hommes. Il
y a d’autres faits que nous pouvons ajouter à ce
voyage, imaginaire pour les uns mais réel pour les
autres, à travers le vécu des femmes en entreprise :

• Les structures de carrière qui datent toujours


de l’époque où les hommes étaient de loin les
plus nombreux parmi les managers.

• La difficulté d’accès pour les femmes aux


promotions et aux viviers de hauts potentiels.
• Le cloisonnement différent, pour la femme et
l’homme, entre les rôles familiaux et
professionnels.

• Le besoin ressenti par beaucoup de femmes


d’avoir à faire encore plus d’efforts que les
hommes pour mériter leur salaire ou leur
promotion.

• Les écarts de salaire appréciables entre les


femmes et les hommes.

• La difficulté que l’on peut avoir à faire valoir


ses idées en réunion de travail quand sa valeur
ajoutée n’est pas estimée de la même manière
que celle de ses collègues.

• La façon dont l’assertivité est souvent


considérée comme une qualité négative chez
les femmes mais une qualité positive chez les
hommes.

Dans la mesure où les organisations finissent par


devenir ce que suggère leur système de
reconnaissance et de récompense, les entreprises
continueront à être dominées par les hommes.
Pourtant, en changeant la donne, les hommes ont
tout à y gagner – ils valent mieux qu’une société
masculine dont les limites étroites souffrent d’un
besoin énorme de diversité.

Si la diversité est cruciale pour notre intelligence


collective, il ne suffit pas pour l’entreprise d’y être
ouverte grâce à sa politique d’embauche. Il faut
adopter aussi une attitude inclusive qui satisfasse
au réel besoin d’appartenance des différentes
personnes qui l’intègrent. Il faut savoir comment
accueillir les minorités sans les obliger à
ressembler à la majorité. À cet égard, un cas
concret et très parlant est offert par le rôle de la
religion dans les entreprises en France, et en
particulier celui de l’islam.

La religion en entreprise
En entreprise, notre regard sur les minorités –
ethniques ou religieuses – est influencé la plupart
du temps par des préjugés. Ces préjugés peuvent
être largement inconscients. Ils ressemblent aux
biais cognitifs dont il était question au chapitre 9.
Notre cerveau a développé des réflexes pour décider
vite : la familiarité de quelqu’un et la ressemblance
avec nous-même constituent un signe immédiat de
fiabilité. Les préjugés nous rassurent, nous donnent
un sentiment de sécurité. Pour se libérer de ce
besoin de sécurité aujourd’hui exagéré, il est
nécessaire de dépasser nos réactions automatiques.

Dépasser les préjugés


Qu’est-ce qu’un préjugé ? C’est une représentation
caricaturale figée, une opinion toute faite véhiculée
sans réelle réflexion et qui concerne tel ou tel
groupe humain, classe sociale ou religion. Le
stéréotype est le plus souvent nourri par nos peurs,
et plus rarement par nos désirs. Il reste toujours un
raccourci qui ne représente pas la réalité en son
entier. Par exemple : les trains suisses sont
toujours à l’heure. Si nous voulons nous affranchir
des jugements trop hâtifs que sont les stéréotypes,
nous devons en prendre conscience et les
confronter avec la réalité qu’ils prétendent décrire.

L’islam est aujourd’hui porteur de beaucoup de


préjugés, comme le judaïsme d’ailleurs. Voici les
stéréotypes et jugements les plus fréquents au sujet
des musulmans, confrontés à la réalité :

• Un musulman est un Arabe ou bien un


Maghrébin. Or les Arabes ne sont pas tous
musulmans et les musulmans ne sont pas tous
Arabes. Il y a des musulmans en Asie ou en
Inde et de grandes communautés en Afrique.

• L’islam représente l’extrémisme religieux, le


terrorisme. Cette représentation est née après
le 11 septembre avec la guerre au terrorisme
menée par les Américains et leurs alliés. Les
musulmans radicaux voulant mener le jihad
sont devenus un stéréotype sur l’islam. Ils
véhiculent une image du musulman comme
quelqu’un de naturellement violent et
potentiellement extrémiste, image qui est très
loin d’être représentative.

• Les femmes musulmanes sont des victimes


soumises au pouvoir total des hommes ; elles
sont infériorisées, battues, en butte à toutes
les inégalités. Cela peut être vrai pour
certaines, mais bon nombre de musulmanes,
en France et ailleurs, ont une vie guidée par les
principes d’égalité des sexes.

Pourquoi laisser un préjugé nous empêcher


d’embaucher la meilleure personne pour un poste
ou nous empêcher d’appliquer une réelle politique
de la diversité dans notre entreprise ? Une fois que
des personnes appartenant à des minorités
religieuses sont dans l’entreprise, comment créer
un espace qui les accueille ? Comment leur laisser
suffisamment de place pour s’exprimer ?

Espace public / espace


privé
En France, l’espace public est soumis à la loi sur la
laïcité. Le service public et tous ses fonctionnaires
sont donc soumis à cette loi. En revanche, l’espace
des entreprises privées n’est pas considéré comme
un espace public. Le port des signes religieux
ostentatoires n’y est donc pas interdit, comme il
l’est, par exemple, chez les employés des écoles,
des ministères ou des mairies. Le principe de liberté
religieuse s’applique partout. Ce qui est délicat,
c’est la conjonction entre ce droit à la liberté
religieuse et les nécessités de la vie en entreprise.
Voici les questions les plus centrales à cet égard :

• Les fêtes religieuses : la demande


d’autorisation pour celles-ci doit être
compatible avec le travail et ses nécessités.

• Les temps de prière : ceux-ci doivent être


compatibles avec les horaires de travail.
• Les lieux de travail : les salles dans
l’entreprise ne peuvent être utilisées à des fins
religieuses que si cela ne gêne pas le
fonctionnement de l’entreprise.

• Les tâches : on ne peut pas refuser une tâche


liée à son contrat de travail pour des raisons
religieuses. Si on est serveur dans un
restaurant, on ne peut refuser de servir des
bouteilles fermées d’alcool aux clients pour
motif religieux.

• L’hygiène sanitaire : on ne badine pas avec les


contraintes qui pourraient nuire à la santé et
l’hygiène en matière de conditionnement de
produits, de fabrication dans l’alimentaire, la
cosmétologie, le médical…

• La santé : on ne peut pas refuser une visite


médicale sous le prétexte que c’est contraire à
sa religion. Ni, pour un homme, refuser de voir
une femme médecin.

• La sécurité au travail : il n’y a pas de


dérogation possible. Par exemple, le port du
casque en chantier est obligatoire, même s’il
faut enlever son turban pour cela. Les
équipements de protection sont obligatoires en
cas de risques mécaniques ou chimiques…

• La dissimulation du visage : oui et non. Une


réponse de Normand qui dépend des lieux et
des circonstances. Il n’est pas possible de
dissimuler son visage dans les lieux ouverts au
public, comme le cinéma, les banques, les
gares… C’est possible pour un(e) salarié(e) qui
travaille dans une entreprise dont l’accès est
réservé au personnel, sauf si cela met en cause
la santé, l’hygiène et la sécurité.

• Prosélytisme : on peut parler de sa religion


mais dans certaines limites. Sont considérées
comme prosélytisme les pressions ou
agressions sur d’autres salariés.

• La discrimination femme/homme : on n’a pas


le droit de refuser de travailler avec une femme
pour des motifs religieux. Cela peut être
sanctionné par la loi et peut être aussi un motif
de licenciement. Refuser d’être managé par
une femme pour motif religieux est
discriminatoire. Mais le fait de ne pas serrer la
main d’une femme dans l’entreprise, si cela ne
nuit pas aux intérêts par exemple
commerciaux de l’entreprise, ne peut pas être
considéré comme de la discrimination. En
revanche, cela peut jouer sur la vie et la
cohésion de l’équipe.

• La tenue de travail : d’une façon générale, on


est libre de s’habiller selon les critères
religieux que l’on veut, mais il y a toutefois des
exceptions. S’il y a atteinte à l’image de
l’entreprise, si la tenue est en décalage avec
l’image de marque, ou si cela nuit visiblement
aux intérêts commerciaux, l’entreprise peut
aller jusqu’à licencier son salarié. Mais il faut
vraiment justifier la nuisance ou l’atteinte
causée à l’entreprise devant les tribunaux.

Le manager doit naviguer entre ces deux écueils


que sont l’efficacité de son entreprise et la liberté
religieuse de ses employés. S’il réussit à le faire, il
pourra concilier, chez ces salariés, leur besoin
d’appartenance à l’entreprise et leur identité
propre. Il pourra ainsi bénéficier pleinement de la
diversité de ses équipes.
Pour en savoir plus

Stephen M. Frost, The Inclusion Imperative. How Real Inclusion


Creates Better Business and Builds Better Societies (Kogan
Page).

Geert Hofstede, Cultures et organisations (Pearson).

Howard J. Ross, Everyday Bias. Identifying and Overcoming


Unconscious Judgements in our Daily Lives (Rowman &
Littlefield).

Fons Trompenaars, Charles Hampden-Turner, L’Entreprise


multiculturelle (Du Mesnil).

Françoise Vouillot, Les métiers ont-ils un sexe ? (Belin).

Avivah Wittenberg-Cox, Mixité dans l’entreprise. Le mode


d’emploi (Eyrolles).

Dounia Bouzar, Laïcité, mode d’emploi. Cadre légal et solutions


pratiques (Eyrolles).
Testons nos connaissances

❶ Lequel des éléments suivants ne constitue pas


une justification pour la diversité au travail ?

❑ L’intelligence collective.

❑ La justice sociale.

❑ La négociation salariale.

❑ La parité femme/homme.

➋ Lequel des éléments suivants ne constitue pas


un sujet important pour le management
interculturel ?

❑ La confiance.

❑ L’autorité.

❑ La tolérance de l’incertitude.

❑ La philatélie.

❸ Laquelle des descriptions suivantes ne qualifie


pas un style de communication culturel ?

❑ Émotionnel.

❑ Factuel.

❑ Directement confrontationnel.
❑ Hiérarchique.

❹ Quels sont les salariés qui, sur leur lieu de


travail, ne sont pas soumis à la loi sur le port
ostentatoire des signes religieux ?

❑ Les professeurs d’école.

❑ Les médecins d’hôpitaux.

❑ Les salariés d’une entreprise privée.

❑ Les fonctionnaires d’un ministère.


Partie 3
Manager le changement
Dans cette partie…

La seule chose qui semble constante aujourd’hui


dans la vie d’un manager, c’est le changement. Il y
a des changements qui sont exaltants et d’autres
qui sont franchement déprimants. Il y en a qui
dépendent des innovations, technologiques et
autres, et il y en a qui sont imposés par les
marchés, par les grandes transformations sociales
ou par le hasard. Dans cette partie, nous verrons
comment accueillir les changements, les
comprendre, en pallier les effets négatifs et,
finalement, en faire des opportunités pour
progresser.
DANS CE CHAPITRE
Comprendre le changement et ses raisons

Guider les salariés à travers les différentes phases du
changement

Éviter les projets de changement trop fréquents

Chapitre 11
Conduire ou subir le
changement ?
S’ il y a bien une platitude de nos jours, c’est celle
qui consiste à déclarer que l’entreprise et son
environnement changent très vite. Certes, le
changement représente désormais un état
permanent. Certes, le rythme des mutations paraît
s’accélérer de jour en jour. Mais essayons d’être
plus précis. Ces bouleversements sont provoqués en
majorité par deux sources principales :
• La mondialisation, qui nous apporte de
nouvelles opportunités en termes de marchés
et de partenaires, de même qu’elle nous rend
vulnérables à de nouveaux concurrents.

• L’innovation, qui – qu’elle soit dans le


domaine technique ou un autre, comme celui
des business models – donne lieu à des
disruptions aussi nombreuses que difficiles à
prévoir.

Qu’est-ce qui doit changer en conséquence ? Voici


quelques exemples de changements typiques qui
nous poussent à faire des modifications plus ou
moins profondes dans notre organisation :

• Un nouveau système informatique qui


nécessite un autre fonctionnement de la part
de nos équipes.

• Le lancement dans toute l’organisation d’une


série de politiques pour favoriser la diversité.

• La nomination d’un nouveau chef ou P.-D.G.


qui veut tout de suite imprimer sa marque à
l’entreprise en la réorganisant.

• La nécessaire réaction à l’obsolescence rapide


et sans appel d’un de nos produits phares.
• La nécessaire réaction à l’arrivée sur notre
marché d’un concurrent dangereux.

• L’ouverture possible d’un nouveau marché sur


un continent qui, jusqu’ici, ne nous était pas
familier du point de vue commercial.

• Une fusion avec, ou l’acquisition par, une


autre entreprise.

La réaction à ces situations consiste normalement


en un remaniement significatif de notre structure,
notre personnel ou nos façons de faire, engendrant
des projets plus ou moins vastes et minutieux, plus
ou moins bien adaptés aux circonstances. Certains
de ces projets portent sur des sphères d’activité
très localisées et se déploient de manière limitée
dans le temps. D’autres, nécessitant la coordination
délicate d’un grand nombre d’actions différentes
sur une période plus longue, visent à réformer
notre organisation de fond en comble, souvent sous
la pression d’un renouvellement du business model.
Dans ces cas, il vaut mieux parler de « projets de
transformation », plutôt que de « changement »,
puisque les enjeux et les investissements humains
et financiers sont d’un ordre largement supérieur.
« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces
les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles
qui s’adaptent le mieux aux changements. » Il
s’agit d’une citation très souvent attribuée
faussement à Charles Darwin. En fait, elle est de
Leon C. Megginson, un professeur de management
américain, qui a ainsi résumé la théorie
darwinienne de la sélection naturelle. Elle n’en
reste pas moins une bonne description de la réalité
des entreprises.

Pourtant, de manière tragique, sinon parfois


absurde, un grand nombre des initiatives n’arrivent
pas à atteindre tous leurs objectifs – ou échouent
complètement. Soit parce qu’elles sont mal
inspirées, mal conçues et mal conduites ; soit parce
qu’elles étaient parfaitement inutiles dès le départ
et gaspillent des ressources en mettant à mal la
patience de tous les acteurs. S’il y a un mot qui
s’accouple fréquemment avec celui de
« changement » dans les discours des cadres
dirigeants, c’est bien « résistance ». Pour le
manager pressé de mettre en œuvre ses réformes,
tout obstacle, tout ralentissement, constitue une
forme de résistance à condamner immédiatement
et, si possible, à balayer de son chemin. A-t-il
raison, le manager, de penser que toute opposition
aux changements qu’il prône est répréhensible ?
Que cette opposition est la faute de ses
collaborateurs plutôt que la sienne ? Que toute
résistance a une motivation mesquine ? Et
finalement, qu’une grande campagne de conduite
de changement est la meilleure solution aux
problèmes auxquels il fait face ?

Résister au changement ?
Quand nos collaborateurs résistent au changement,
il y a généralement deux conclusions possibles :

• Ils ont raison : cette idée de changement est


mauvaise, entièrement ou en partie.

• Ils ont tort : cette idée est bonne, au moins en


partie. En revanche, cette opposition traduit un
véritable malaise dont le manager doit
s’occuper avec empathie et tact.

Les managers considèrent peu souvent la première


de ces possibilités. Quant à la seconde, ils préfèrent
y voir la mauvaise volonté de leurs collaborateurs.
Néanmoins, une mauvaise volonté apparente a
toujours des causes réelles que, une fois
découvertes, on peut traiter.
L’impatience du manager se fixe naturellement sur
l’attitude apparemment rebelle de ses subordonnés.
Et cette méfiance devient elle-même un nouvel
obstacle au changement qui s’ajoute à la liste des
autres.
Docteur Paresse et Monsieur Fatigue

Témoignage d’un consultant

Un jour, je parlais avec Charles-Édouard, un patron


qui venait de lancer une nouvelle initiative pour
modifier la structure de son entreprise. Il ne
semblait pas très content des résultats obtenus
jusqu’ici.

« Je ne comprends pas les gens. Ces trois dernières


années, nous avons conduit avec succès autant de
projets de changement. Mais là, mes employés
traînent les pieds. Ils ne veulent rien commencer
sérieusement. Pourtant, j’ai assez bien expliqué la
menace représentée par ces nouveaux
fournisseurs de services en ligne. Mes
collaborateurs sont devenus terriblement
paresseux… »

Je lui ai répondu : « Ne pensez-vous pas, étant


donné le contexte, que vos collaborateurs sont,
non pas “paresseux”, mais tout simplement
fatigués ? »

Un éclair de compréhension a passé dans ses yeux.


« Mais oui ! Ça explique tout ! Il faut que je ménage
cette fatigue… que je m’y prenne autrement…
Les raisons de la
résistance au
changement
Nos collaborateurs ont de nombreuses raisons de
ne pas accueillir à bras ouverts nos projets de
changement ou de transformation. Si le manager
désire modifier leur point de vue, il doit
commencer par comprendre ces raisons. Voici les
plus fréquentes :

• Les gens se sentent déjà débordés de travail et


voient donc d’un mauvais œil un projet qui, en
toute probabilité, alourdira la charge qui pèse
sur eux.

• Ils sont attachés à l’ancienne façon de faire.


Les gens ont besoin d’habitudes et de routines
pour s’en sortir, mais celles-ci seront
bouleversées par le changement.

• Ils ont déjà vu passer pas mal de projets qui


n’ont pas changé grand-chose et restent
sceptiques. Comme l’avait dit au XIXe siècle le
journaliste et romancier, Alphonse Karr :
« Plus ça change, plus c’est la même chose. »
Les changements ont l’air d’être des
phénomènes de mode destinés à amuser les
dirigeants.

• Dans le passé, les managers ont toujours


souligné le besoin impératif de changer, sans
que cette urgence semble se confirmer par la
suite. Pour les collaborateurs, leurs chefs ont
trop souvent crié au loup.

• La peur de l’inconnu et de l’épuisement.

• La peur d’être incompétents dans cette


nouvelle terre promise, de perdre en termes de
statut et de récompenses.

• Ils n’ont pas pu comprendre le message de


leurs chefs, ou ils ne leur font pas confiance.

Si on veut changer le point de vue de l’autre, afin


de changer ses habitudes, il faut commencer par
comprendre son point de vue. Le manager, une fois
encore, doit faire preuve d’empathie.

Les étapes
psychologiques du
changement
Les raisons qui amènent nos collaborateurs à
résister au changement peuvent donc être
nombreuses et variées. Leur puissance est souvent
telle que, quand les gens commencent à accepter le
changement, c’est comme s’ils suivaient les
différentes phases d’un deuil, depuis la perte de
l’ancienne vision des choses jusqu’à l’intégration
de la nouvelle vision :

Le devoir du manager consiste à comprendre les


sentiments de ses collaborateurs et à les
accompagner au fil de ce processus.
Les phases du changement
S’il y a tellement d’échecs, entiers ou partiels, dans
la conduite du changement, c’est parce que les
managers manquent trop souvent des compétences
nécessaires. Ces capacités sont largement celles du
leadership : inspirer les autres avec une vision
crédible ; comprendre les préoccupations des
autres ; communiquer clairement avec eux ; leur
inspirer confiance ; prendre ses propres
responsabilités de manière visible (voir chapitre 2).
Mais en plus de ces qualités humaines, il y a des
facteurs essentiels à évaluer, avant et pendant un
projet de transformation, afin de mesurer les
chances de réussite de celui-ci.

Les conditions sine qua


non du changement
Le Boston Consulting Group a identifié quatre
points clés qu’il faut mesurer pour déterminer si le
projet de changement qu’on envisage est viable, ou
si un projet de changement en cours avance
suffisamment pour atteindre ses objectifs. Ici, nous
pouvons traduire ces quatre éléments par des
questions que le manager doit se poser :

Aspect Questions clés Points de vigilance

La durée Quelle est la durée Un projet long nécessite des


prévue de ce projet bilans provisoires réguliers. Jamais
de changement ? plus de huit semaines entre deux
Si le projet est bilans. Chaque bilan devrait
long, quel est porter sur la réalisation d’un
l’échelonnement aspect important du projet. À
des bilans des chaque fois, il faut en tirer les
progrès accomplis leçons les plus utiles.
?

Les Les membres de Les personnes choisies doivent


compétences l’équipe du projet avoir les compétences requises. Il
possèdent-ils les faut les recruter et parfois les
capacités et libérer d’autres tâches. Les rôles
aptitudes adaptées des uns et des autres doivent être
à la réalisation de clarifiés, ainsi que les
ce projet ? Sont-ils responsabilités personnelles.
au courant de
leurs
responsabilités
précises ?

L’engagement Quel est le niveau Le projet a besoin du soutien des


d’engagement et cadres de direction les plus
d’implication dans influents, ainsi que de
le projet chez les l’enthousiasme des collaborateurs
cadres de direction les plus concernés par ce
et chez les changement. Ceux-là doivent
collaborateurs communiquer exactement le
touchés par le même message et fréquemment ;
changement ? ceux-ci ont besoin d’être
Existe-t-il une convaincus par ce message pour
volonté réelle de que leurs inquiétudes potentielles
réussir le soient dissipées.
changement ?

L’effort Quel est l’effort Si l’effort supplémentaire est trop


supplémentaire supplémentaire de grand, les gens résisteront au
la part des salariés, changement. L’augmentation de
en plus de la travail ne devrait pas dépasser 10
charge de travail %. Le moral des salariés est
normal, qu’exige ce crucial.
projet ?

Le besoin d’une communication claire, d’un


message cohérent porté par tous les managers et
d’un dialogue bilatéral avec le personnel est
particulièrement important quand le changement
peut faire encourir des mutations ou des
licenciements. Il ne suffit jamais d’annoncer un
changement, il faut initier et diriger une
conversation avec toutes les parties prenantes.

Les huit étapes de la


conduite de changement
classique
La méthode classique pour conduire un projet de
changement a été définie par la grande autorité en
la matière, John Kotter. Cette méthode comporte
huit phases essentielles qui doivent être abordées
avec toute l’attention possible. Tel ou tel projet
correspondra rarement et précisément à ce qu’il y a
sur le papier. Ce qui suit est un guide pratique qui
met en lumière les aspects fondamentaux du
processus de changement.

Phase Actions

L’urgence On crée un sentiment de l’urgence du changement par


une analyse lucide du marché et de la concurrence qui
identifie les crises et les opportunités.

La coalition On rassemble une équipe pour piloter un projet, en


recrutant des personnes influentes, susceptibles d’être
des ambassadeurs pour le projet et en leur confiant les
pouvoirs nécessaires.

La vision On définit et on exprime une vision ambitieuse mais


crédible pour inspirer ses troupes, en la traduisant en
une série d’objectifs concrets.

La On promeut et on explique cette vision autant que


communication possible, par les efforts concertés de toute l’équipe de
pilotage, en ciblant les personnes les plus aptes à
porter cette vision, mais sans négliger celles qui y sont
les plus opposées.

Le passage à Dans la limite du raisonnable, on enlève tous les


l’action obstacles possibles à la réalisation des objectifs et on
encourage les gens à prendre des initiatives qui vont
clairement dans le sens du projet.

Les premières On prépare et on célèbre les premières victoires qui


victoires récompensent les efforts initiaux et favorisent l’idée
que le projet en entier est réalisable, sans donner
l’impression que le changement est déjà accompli.

La poursuite de On profite de cette crédibilité pour instaurer d’autres


la finalité changements plus radicaux avec encore plus de
pertinence pour la réalisation finale du projet.

La On ancre le changement dans les habitudes et les


consolidation comportements des salariés, autrement dit, dans la
culture d’entreprise, et on en confie la gestion à des
personnes investies dans le projet.

Si ce schéma a un défaut, c’est qu’il représente une


approche très descendante (top down, en anglais) : la
justification du changement, la vision, le choix des
acteurs clés et les prétextes pour motiver les
autres – tout vient d’en haut. Il y a peu de place
pour des informations, des idées et des initiatives
qui remonteraient d’en bas. Pourtant, tous ces
collaborateurs à qui on s’évertue à expliquer le
cours des choses possèdent des connaissances et
des perspectives, eux aussi. Si on les mobilisait
plus, en les consultant plus souvent et en leur
confiant plus de pouvoir discrétionnaire pour
s’adapter aux événements, cela ne rendrait peut-
être pas caduques les grands projets de changement
et de transformation, mais ceux-ci auraient
beaucoup moins l’air de grandes machines qu’on
imposerait périodiquement par la force en
bouleversant les routines ordinaires.

Vers l’organisation
apprenante
Selon des autorités aussi qualifiées que Gary Hamel
et John Kotter lui-même, nos entreprises classiques
ont été développées pour atteindre leurs objectifs
avec efficacité et discipline, ces deux qualités étant
favorisées par une structure hiérarchique et un
traintrain bureaucratique. De telles organisations
ne se prêtent pas du tout facilement à des
processus de changement importants et rapides. À
ce manque de souplesse s’ajoute le fait que les
transformations sont initiées et imposées depuis le
haut. En général, l’intégration du changement par
l’organisation en entier est presque toujours à la
traîne par rapport à la réalité. D’où un certain
nombre de tentatives récentes pour concevoir une
organisation plus agile, plus adaptable, moins
pyramidale, qui ne penserait pas uniquement avec
sa tête, c’est-à-dire avec son comité de direction,
mais avec tout son corps. C’est ce que l’Américain
Peter Senge a appelé l’« organisation
apprenante » (en anglais, learning organisation).

L’organisation qui partage ses informations plus


librement et efficacement, et dont la « tête » prête
plus d’attention aux signaux venant du « corps »,
n’est plus obligée d’écraser ses employés sous de
lourds programmes de changement décidés
exclusivement par le comité directeur :
Les nouvelles technologies de partage des
informations et de collaboration facilitent cette
innovation. Quand des tentatives d’adapter les
entreprises de cette manière ne marchent pas, c’est
souvent parce que la technologie est mal appliquée,
et surtout parce qu’il n’y a pas de vraie volonté de
changer les bonnes vieilles méthodes pyramidales.
Pourtant, cette adaptation pourrait se révéler un
avantage concurrentiel significatif dans le paysage
actuel.

Le management par les


valeurs
Le « management par les valeurs » (management
by values) est une tendance récente qui consiste à
confier plus de pouvoir discrétionnaire aux salariés,
afin que, dans la mesure du possible, ils s’adaptent
eux-mêmes à leur environnement complexe.
Certes, beaucoup d’entreprises ont suivi la mode
des chartes de valeurs actuelles, listes indigestes
d’abstractions insipides et de clichés bien
intentionnés (« esprit d’innovation »,
« orientation client »…). Avec le management par
les valeurs, il s’agit de définir des contraintes
simples permettant aux collaborateurs de prendre
leurs propres décisions en conformité avec la
mission fondamentale de l’entreprise. L’« ADN »
de celle-ci devrait être défini à travers le « cadre de
référence » expliqué dans le chapitre 1. Il convient
ici de représenter cet outil sous forme d’un
schéma :

Plutôt que rester des principes abstraits, les valeurs


devraient être formulées de la manière suivante, en
ajoutant une contrainte appropriée pour limiter
l’action autrement libre des collaborateurs :
« Atteignez cet objectif de la manière qui vous
semble la meilleure, pourvu que vous ne fassiez
pas… »
Quand la valeur… n’a pas de valeur

Un cas d’école

Deux champions nationaux, l’un britannique,


l’autre néerlandais, ont décidé de créer une co-
entreprise afin de faire des économies d’échelle
dans leurs achats de matériel. La nouvelle société
avait trois populations différentes : deux venant
des maisons mères et l’autre ayant été recrutée
spécialement. Anticipant les difficultés qu’il y aurait
à aligner les pratiques de tous ces acheteurs, la co-
entreprise a défini quatre valeurs de base à
l’intention de ses collaborateurs : « la simplicité »,
« le partenariat », « parler d’une seule voix »,
« l’ambition ». Ces valeurs ont été diffusées à
travers l’entreprise avec un maximum de publicité.
Pourtant, le comportement des acheteurs ne s’en
ressentait pas. La promotion de trois substantifs
abstraits et une injonction métaphorique n’ont pas
le même effet que la définition des conditions
régissant les actions fondamentales des équipes.
Voici les objectifs clairs qui se cachaient derrière
chaque « valeur » :
• Simplicité = acheter au prix le plus bas (voir
« partenariat »).

• Partenariat = partager avec tous vos


collègues les infos sur les prix les plus bas
obtenus.

• Parler d’une seule voix = ne pas donner au


vendeur des signaux contradictoires.

• Ambition = tâcher de faire toujours mieux


(superflu, mais ça ne fait pas de mal).

Interrogés sur les valeurs, les collaborateurs


répondaient : « Les soi-disant “valeurs”, elles ne
s’appliquent qu’à nous, pas à la direction. » La
campagne sur les valeurs était déployée par les
ressources humaines. Les dirigeants de l’entreprise
gardaient leur distance et ne s’identifiaient pas
avec les quatre principes.

Le management par les valeurs n’a aucune chance


de fonctionner sans vrai leadership de la part de la
direction et sans contraintes claires pour guider les
actions des collaborateurs. Cependant, c’est dans ce
domaine qu’il y aura beaucoup de développements
dans les années à venir et certains sont déjà en
cours.
Pour en savoir plus

John P. Kotter, Holger Rathgeber, Alerte sur la banquise !


Réussir le changement dans n’importe quelles conditions
(Village mondial).

HBR’s 10 Must Reads. On Change Management (Harvard


Business Revew Press).

Harold Sirkin, James Hemerling, Arindam Bhattacharya,


Globality. En concurrence avec tous, pour tout et partout (Lignes
de Repères).

Peter Senge, La Cinquième Discipline. L’art et la manière des


organisations qui apprennent (Eyrolles).

David A. Garvin, Amy C. Edmondson, Francesca Gino, « Is


yours a learning organisation ? », Harvard Business Review,
mars 2008.

John P. Kotter, « Accelerate ! How the most innovative


companies capitalize on today’s rapid-fire strategic
challenges – and still make their numbers », Harvard Business
Review, novembre 2012.

Gary Hamel, Michele Zanini, « Build a change platform, not a


change program », McKinsey Insights, octobre 2014, en ligne :
http://www.mckinsey.com/insights/organization/build_a_cha
nge_platform_not_a_change_program.
Place à la pratique !

Avant de lancer votre prochain grand changement,


vérifiez vos réponses aux dix questions suivantes :

1. Le changement en question va-t-il apporter à


votre organisation des gains appréciables par
rapport à l’état actuel des choses ? Selon quels
critères en jugez-vous ?

2. Le changement et les gains qu’il apporte


méritent-ils vraiment le temps passé, l’argent
dépensé et la désorganisation occasionnée ?

3. Si vous ne réalisez pas ce changement, quelles


en seront les conséquences pour votre
organisation : pour vous personnellement, pour
les salariés, pour la réputation de votre
entreprise, pour ses clients et ses partenaires ?

4. Avez-vous considéré des alternatives possibles


à ce projet de changement ?

5. Ce changement est-il bon pour vous, pour


votre réputation, pour votre image de vous-
même, mais mauvais pour l’entreprise ?

6. Avez-vous suffisamment de ressources, de


soutien et d’alliés influents pour réaliser ce
changement ?

7. Vos collaborateurs sont-ils déjà submergés par


les changements ? Comment accueilleront-ils ce
projet ?

8. Vos collaborateurs seront-ils capables de


s’adapter à ce changement et d’acquérir les
nouvelles compétences nécessaires ?

9. Avez-vous laissé à vos collaborateurs une


marge de manœuvre suffisante pour qu’ils
puissent contribuer activement à la réalisation
de ce changement et se l’approprier ?

10.Serez-vous capable de stopper net le projet de


changement, si les premiers résultats en
indiquent la nécessité ?
DANS CE CHAPITRE
Comprendre le management en mode projet

Gérer les obstacles les plus fréquents

Choisir et appliquer les bons outils

Clôturer un projet

Chapitre 12
Manager en mode projet
L’ entreprise aujourd’hui est constamment obligée
de relever les défis proposés par les innovations
technologiques, l’apparition de nouveaux produits,
les menaces concurrentielles, les contraintes de
rentabilité ou l’évolution des comportements des
consommateurs. Les organisations classiques
conçues pour délivrer un service récurrent ne sont
pas forcément adaptées à ces fins. Elles doivent
donc adopter le mode projet. Désormais, nous
sommes tous, quel que soit l’emploi que nous
occupons, un acteur projet potentiel ou même un
chef de projet occasionnel.

Les exemples de projets sont aussi nombreux que


variés :

• Dans une grande entreprise de gaz industriel :


développer une nouvelle technologie sans avoir
dans sa propre entreprise toutes les
compétences nécessaires.

• Dans une grande compagnie d’assurances :


faire évoluer la relation avec ses clients à
travers un projet pluriannuel impliquant le
marketing, la vente, la gestion des sinistres…

• Dans un cabinet d’expertise comptable :


lancer un programme de refonte des processus
métiers avec une dématérialisation des flux
papier afin de réaliser des gains de
productivité.

• Dans une collectivité locale : adopter une


approche multicanal (accueil physique, accueil
téléphonique, services Internet) pour améliorer
l’organisation et le mode de fonctionnement
afin de répondre aux besoins des usagers.
• Pour un distributeur d’équipement industriel :
simplifier le processus de commande, apporter
de la valeur aux clients, en simplifiant la
conception et la mise en œuvre d’un outil d’e-
commerce.

Dans la plupart des exemples cités, les projets


peuvent être qualifiés de transverses, car ils
impliquent simultanément plusieurs métiers,
plusieurs directions et plusieurs services de
l’entreprise, voire des partenaires sous-traitants de
certaines activités.

Dans ce type de situation, le chef de projet ne peut


maîtriser l’ensemble des domaines. Son rôle n’est
surtout pas de se poser en expert. Un tel
comportement serait source de conflit. Il doit
coordonner une équipe hétérogène, tout en restant
exigeant sur le résultat à atteindre et suffisamment
souple pour assurer une réelle coopération. Il
cherche à conserver sa légitimité qui s’appuie
principalement sur la confiance qu’il inspire et sur
sa compétence d’animateur et de facilitateur. Pour
un programme complexe, on choisira de préférence
un chef de projet neutre, qui n’a pas d’implication
directe avec les sujets traités, pour éviter toute
connotation qui fragiliserait le chef de projet face à
ses interlocuteurs.

Et pourtant, la plupart des études sur les projets en


entreprise suggèrent un niveau de satisfaction
plutôt bas chez les acteurs concernés quant aux
résultats. Les causes d’échec les plus couramment
citées sont les suivantes :

• Un problème de gouvernance : l’impossibilité


de décider et d’arbitrer à un moment du projet.

• Un sponsoring insuffisant au plus haut niveau


de l’entreprise ; une absence de vision capable
de mobiliser les énergies.

• Un manque de ressources, que ce soit en


termes de quantité ou de qualité.

• La perte de l’alignement du projet sur ses


objectifs mais aussi sur la stratégie
d’entreprise.

• Le déséquilibre entre délai, budget et contenu.

• La non-anticipation des risques.

Quels sont les bons outils pour réduire le risque


d’échec dans la gestion des projets ?
Quels sont les attitudes et les comportements à
adopter pour mener un projet à son terme en
respectant les exigences de départ ?

Qu’est-ce qu’un projet ?


L’Organisation internationale de normalisation
donne la définition suivante, reprise par
l’Association française de normalisation : « Un
projet est un ensemble unique de processus,
constitués d’activités coordonnées et maîtrisées,
ayant des dates de début et de fin et entreprises
pour atteindre les objectifs du projet. La réalisation
des objectifs du projet requiert la fourniture de
livrables conforme à des exigences spécifiques. »
Un projet est donc temporaire, avec un début et une
fin. C’est une démarche focalisée sur un objectif, un
résultat à atteindre, avec des contraintes en termes
de temps, de ressources et de budget. Quand un
projet est transverse à l’organisation, l’équipe
projet sera composée de collaborateurs de
différentes directions, ce qui peut faire naître une
situation de concurrence avec le fonctionnement de
l’organisation habituelle. Sans compter qu’un
projet a pour objectif de faire évoluer les choses et
qu’il sera créateur d’attentes, voire d’illusions et de
résistances.

Le cycle de vie d’un


projet
Un projet est habituellement découpé en quatre
phases composées chacune d’activités et de
livrables spécifiques :

Dans un projet classique, les activités de conception


et de réalisation sont par nature séquentielles. Les
marges de manœuvre, importantes initialement, se
réduisent rapidement, alors que les choix engagés
ont des conséquences dans la durée.
Ce paradoxe a conduit à faire évoluer les méthodes
de management des projets. Le développement des
méthodes « Agile » pour le projet informatique en
témoigne. Ici, les activités de conception et de
réalisation sont parallélisées. Plusieurs itérations –
ou répétitions – sont effectuées pour couvrir
l’ensemble du périmètre fonctionnel.

L’objectif principal est de montrer – plus


rapidement que dans un mode de projet classique,
séquentiel – des résultats concrets aux futurs
utilisateurs, en évitant « l’effet tunnel ». On
conserve des marges de manœuvre et on colle au
plus près des besoins des utilisateurs. « Rational
Unified Process » et « SCRUM » constituent deux
exemples de méthodologies « Agile ».
La gouvernance et la
structuration du projet
La gouvernance du projet et sa structuration
dépendent de sa complexité. Contrairement à une
opinion reçue, tous les projets ne sont pas
complexes. Beaucoup sont seulement
« compliqués », dans la mesure où, en termes de
résultats prévus et d’accord entre les acteurs, il y a
plus de connus que d’inconnus. Un projet est
complexe quand :

• Les acteurs en jeu sont nombreux et ont


souvent des attentes divergentes et des
niveaux d’intervention différents. C’est le cas
des projets transverses nécessitant la
mobilisation de plusieurs directions de
l’entreprise.

• Un environnement changeant peut


déstabiliser tous les acteurs. S’adapter à cet
environnement impose de raccourcir le cycle
conception-réalisation-déploiement en
parallélisant les travaux, ce qui ajoute de
l’incertitude. C’est le cas des projets mettant
en mouvement plusieurs métiers de
l’entreprise.

Dans le cadre de ces projets complexes, qui peuvent


être pluriannuels, la notion de programme sera
employée. L’idée consiste à définir plusieurs projets
plus simples à piloter qui concourent à un objectif
commun.

Pour réussir un projet, il est capital de prendre en


compte l’ensemble de l’environnement interne et
externe. Le rôle de chaque acteur impliqué doit être
clairement défini dès le début et dépend de la
structuration du projet – par métier, par périmètre
fonctionnel, par chantier… – et de son pilotage.
Comme il n’y a pas de modèle unique, le choix de la
structure dépend des sujets à traiter (refonte d’une
organisation, déploiement d’un nouveau système
d’information, lancement de produit…). Une
organisation hiérarchique pourrait ressembler au
schéma ci-après.

La gouvernance du projet s’appuie sur deux piliers :


le comité de pilotage et l’équipe projet. Le comité
de pilotage est le garant des objectifs du projet. Il
décide des options majeures ; il valide les
orientations proposées par les équipes de travail et
il prend du recul sur les sujets stratégiques. Il suit
l’avancement des travaux, ainsi que les résultats
obtenus, et veille à la bonne allocation et aux suivis
des ressources humaines et budgétaires. Un comité
de pilotage devrait être organisé en trois temps :

❶ Une revue systématique de la « météo » du


projet qui précise en toute transparence
l’avancement et l’état d’esprit ambiant.

➋ Un travail sur les questions clés à trancher.

❸ Une mise en perspective des prochaines


étapes.

L’équipe projet est en charge de la mise en œuvre


de l’ensemble des chantiers. Piloté par le chef de
projet, le rôle de cette équipe consiste à « faire et
faire faire » et surtout à rendre compte au comité
de pilotage des avancées, des difficultés ou des
points de blocage rencontrés.

Un projet s’inscrit dans un cadre dont les axes sont


le périmètre fonctionnel, le délai, les coûts et la
qualité. Pour respecter un de ses axes, la solution
consiste à jouer sur les trois autres. L’équipe projet
et le chef de projet seront garants du triptyque
qualité-délai-coût. Le périmètre fonctionnel, qui
impacte directement les objectifs du projet, relève
de l’autorité du comité de pilotage.

Le rôle clé du chef de


projet
Quel que soit le projet, le chef de projet ne doit
jamais perdre de vue ses objectifs. Celui-ci est au
cœur d’un système de contraintes créées par les
attentes des autres acteurs :

• Le directeur de projet ou sponsor souhaitera


être informé sur l’avancement, éviter les
problèmes et garantir la satisfaction du client.
• Le client sera désireux de voir le résultat final,
de connaître l’impact sur son équipe, les
besoins de formation et les échéances, surtout
si le projet impacte directement son activité.

• Afin de garder la motivation dans la durée,


l’équipe projet, préoccupée par les sujets à
traiter et les délais de production à respecter,
aura besoin d’être soutenue, valorisée et mise
en situation de progresser.

La disponibilité et l’exemplarité du chef de projet


sont des points clés pour gagner et maintenir sa
légitimité. Il lui faut déléguer ou externaliser une
partie de ses activités afin de consacrer au
moins 20 % de son temps à une prise de recul
nécessaire, en conservant ainsi sa capacité à piloter
et à anticiper. Il a la responsabilité de répartir au
mieux les travaux en fonction des compétences, des
expériences et des souhaits de développement de
l’équipe. Il facilite la communication et le partage
des informations, protège son équipe et sait dire
« non » à toute exigence contre-productive du
comité de pilotage ou du client.
De l’opportunité au
lancement effectif du projet
La première phase a pour objectif d’explorer une
opportunité, afin de décider si l’on doit en faire un
projet ou tout simplement l’abandonner. Il s’agit
d’instruire un dossier et de recueillir l’ensemble
des données permettant aux décideurs de
prononcer un go ou no go. Les activités principales
de cette phase de cadrage comprennent :

• l’étude de l’environnement à travers la


collecte d’informations (étude de marché,
retour d’expérience, avis d’expert…) ;

• une première approche des options de


transformation à engager, surtout s’il s’agit
d’un projet complexe avec une forte
composante organisationnelle ou métier et un
premier macroplanning ;

• une évaluation des risques qui devra préciser


au regard de l’évolution de l’environnement
« qu’est ce qui se passe si on ne le fait
pas ? » ;

• une évaluation des bénéfices attendus et un


budget ;
• une formalisation claire des objectifs du
projet.

Normalement, la meilleure approche consiste à


confier cette phase à une équipe dédiée ; ensuite,
une autre équipe prendra en charge la phase de
déroulement du projet.

Les outils préparatoires


Un certain nombre d’outils sont essentiels pour
atteindre les objectifs de cette première phase. Pour
l’étude d’opportunité, voici les plus utiles :

• Le business case : un outil d’aide à la décision


qui fournit une évaluation des gains. Il ne
s’agit pas que d’une évaluation financière. Les
gains intangibles à court terme, tels que la
satisfaction client ou le confort des
collaborateurs, sont pris en compte. Il faut
quantifier les opportunités identifiées par
chaque chantier du projet, documenter la
logique permettant d’atteindre les bénéfices et,
enfin, valider l’écart entre l’état actuel et les
enjeux potentiels.
• La carte de transformation : elle sert à décliner
le macroplanning du projet et à mettre en
perspective les jalons et les changements
nécessaires pour atteindre la cible. L’intérêt de
la carte de transformation est triple : identifier
les principaux événements du projet, vérifier le
bon enchaînement des événements et leurs
interdépendances, et surtout construire une
vision commune de la transformation.

• La matrice des risques : outil le plus


couramment utilisé, il consiste à analyser les
risques selon deux axes, leur gravité et la
probabilité de leur survenance. La matrice sera
utilisée à chaque jalon clé du projet et lors des
réunions du comité de pilotage, qui se
focalisera sur les risques qui remettent en
cause les objectifs du projet.

Les outils de lancement


Maintenant que les objectifs sont connus, et afin de
caler le projet juste avant son lancement effectif, le
chef de projet désigné s’entoure d’une équipe
restreinte qui constituera ensuite l’équipe de
pilotage du projet. Il s’agit à ce stade de :

• planifier le projet, en définissant non


seulement les modalités de coordination mais
aussi les interactions et les interdépendances
avec les autres projets en cours dans
l’entreprise ;

• définir la composition de la gouvernance et


des instances, en particulier celle du comité de
pilotage ;

• valider l’objectif final du projet et décliner les


objectifs affectés à chaque chantier, avant de
sélectionner, former et mobiliser l’équipe et
les contributeurs ;
• finaliser le fonctionnement du projet et mettre
en place les moyens logistiques.

Ici, les outils les plus pertinents sont les suivants :

• Le planning projet : le planning présentera a


minima les principales phases, les objectifs qui
y sont associés, ainsi que les livrables clés. Il
devra être revalidé lors de la préparation de
l’étape de réalisation. Les outils couramment
utilisés sont le PERT, qui présente une vision
du chemin critique, et le GANT, qui permet
d’identifier simplement le passage d’un jalon à
l’autre.

• La charte de chantier : un projet étant souvent


découpé en chantiers, cet outil clarifie le
contrat entre un chef de projet et un
responsable de tâches. Outre les aspects
relatifs aux principales tâches et charges
associées, on veillera à y intégrer des objectifs
non financiers visant à améliorer la
coopération entre les différents chantiers et,
surtout, à repérer les interdépendances qui
peuvent être source de conflit durant le
déroulement du projet.
• Le séminaire de lancement : il a lieu à la suite
d’une réunion ou d’une revue de lancement qui
aura validé, avec l’équipe de pilotage et le
client, le dispositif projet, le planning et les
chartes de chantier. Pour certains projets de
taille significative (plus de 30 acteurs), un
séminaire de lancement est essentiel pour
créer la dynamique projet. Il permet de
développer l’esprit d’équipe, de partager les
objectifs et la trajectoire du projet, et surtout
de définir le plan de travail à court terme pour
lancer les travaux.

Du déroulement à la clôture
du projet
Piloter un projet est aussi bien une question
humaine que technique. Le chef de projet, en
s’appuyant sur le comité de pilotage et l’équipe
projet, doit concilier la gestion technique –
l’équation périmètre fonctionnel-coûts-délais-
qualité – et la gestion humaine, pour maîtriser et
anticiper le cycle émotionnel qui accompagne tout
projet. Après les certitudes créées par un lancement
réussi, les questions non résolues sont génératrices
de doute et impactent le moral de l’équipe. Le chef
de projet fera en sorte que cette période, souvent
peu productive, dure le moins longtemps possible.

Les outils de reporting et


d’évaluation des impacts
sur les individus
Les outils mis en place lors de la préparation –
charte de chantier, matrice des risques, planning,
budget – seront complétés par des outils de
reporting simple. Ceux-ci sont à utiliser à
fréquences régulières (hebdomadaire ou mensuelle)
en fonction du rythme du projet. Ce dispositif
permet d’avoir une vision synthétique, afin
d’anticiper toute dérive et d’apprécier la
performance du projet. Pour être efficace, le
reporting doit fonctionner dans les deux sens : ceux
qui fournissent les informations sont informés à
leur tour des décisions et des arbitrages du comité
de pilotage. À ce stade, deux outils sont
particulièrement adaptés :

• Le flash report : véritable outil de


communication entre un responsable de tâche
ou de chantier et le chef de projet, ce
document, qui tient en une page, synthétise
l’état d’avancement des travaux, les difficultés
rencontrées et les demandes d’arbitrage à
remonter au comité de pilotage, une vision des
étapes suivantes, et une appréciation du moral
des acteurs – un point crucial à ne jamais
négliger !

• Le tableau de bord du projet : une consolidation


des flash reports, complétée par les données
budgétaires et le suivi des risques, il sera
utilisé en comité de pilotage pour donner une
vision globale de l’avancement du projet.

Au moment de déployer le projet, deux questions


spécifiques s’imposent :

• Quelle stratégie de déploiement adopter ? Une


approche « big bang », qui porte sur tous les
fronts à la fois, ou un déploiement par métiers,
pays, services ou processus ?

• Comment accompagner les changements


induits par le projet pour les pérenniser ?

Alors que la stratégie de déploiement préoccupe en


priorité les équipes techniques, surtout quand il
s’agit de systèmes d’information, la question du
niveau de changement et des risques associés est
prédominante pour la réussite du projet et, du
coup, pour le choix de la stratégie de déploiement.
Évaluer les impacts du projet sur les collaborateurs
est indispensable. Qui sera réellement impacté et
comment ? Comment impliquer les acteurs dans le
changement ? À ces fins, nous disposons des outils
suivants :

• L’analyse d’impact OMOC pour qualifier les


changements : une façon d’analyser les impacts
du projet sur les individus selon quatre axes :
la méthode, les métiers, les rôles et les
cultures. Pour être efficace, cette analyse doit
être une co-construction.

• La carte des partenaires : cette approche permet


de positionner les acteurs par rapport au projet
selon leur degré de synergie ou d’antagonisme.
Elle définit sept catégories : les engagés, les
constructifs, les hésitants, les déchirés, les
passifs, les opposants, les irréductibles. Le
positionnement des acteurs n’est pas figé et
nécessite d’être actualisé. L’écoute et la prise
en compte de propositions émanant des
acteurs permettent d’augmenter la synergie.
Donner de l’information en apportant des
réponses aux préoccupations exprimées réduit
l’antagonisme.

La clôture d’un projet


Si par définition un projet a un début et une fin,
celle-ci représente le moment de faire un bilan
interne, de gérer le transfert au client et d’assurer
le devenir de l’équipe projet. Il y a cinq actions
majeures à réaliser :

❶ Identifier les leçons apprises.

➋ Revoir et documenter ce qui a été accompli.

❸ Rassembler et archiver les données du projet.

❹ Reconnaître les contributions exceptionnelles.

❺ Débriefer les acteurs avant qu’ils ne passent à


d’autres activités.

L’achèvement du projet passe forcément par une


phase de deuil : bien clore le projet nécessite de
marquer cette rupture. Une réunion de bilan,
permettant aux acteurs d’exprimer ce qui a été bien
réussi et ce qui aurait pu l’être mieux, facilite la
nécessaire rupture, pour que tout le monde soit
prêt à démarrer un nouveau projet. Un projet est
une aventure collective. Participer à un projet nous
apporte non seulement la satisfaction d’avoir
atteint un objectif important, mais aussi une vision
élargie de l’entreprise.

Pour en savoir plus

Frédéric Touvard, Le Manageur explorateur (Presses


internationales Polytechnique).

Ralph D. Stacey, Strategic Management and Organisational


Dynamics (Financial Times/Prentice Hall).

Jean-Jacques Néré, Le Management de projet (PUF, coll. « Que


sais-je ? »).

Gilles Garel, Le Management de projet (La Découverte).

Michael L. Young, « Un guide complet à la clôture des


projets » : http://leblogdumanagementdeprojet.com/
Testons nos connaissances

❶ Lequel des éléments suivants ne représente


pas un facteur d’échec dans la gestion d’un
projet ?

❑ Un problème de gouvernance.

❑ Un manque de ressources.

❑ Une charte de chantier.

❑ Une perte d’alignement par rapport à la


stratégie.

➋ La « carte des partenaires » permet de :

❑ mesurer le degré de synergie ou d’antagonisme


des acteurs.

❑ impliquer le client.

❑ trouver des partenariats.

❑ débriefer des acteurs à la fin d’un projet.

❸ Lequel de ces outils est le plus adapté à la


phase préparatoire d’un projet ?

❑ Une carte de partenaires.

❑ Une carte de transformation.


❑ Un séminaire de lancement.

❑ Un flash report.

❹ Lequel de ces outils est le plus adapté à la


phase de lancement d’un projet ?

❑ Une charte de chantier.

❑ Un business case.

❑ Un Flash Report.

❑ Une analyse d’impact OMOC.


DANS CE CHAPITRE
Identifier et se servir des outils de communication et de
collaboration les plus pertinents

Réussir la transformation digitale de ses équipes

Saisir l’opportunité qu’offrent les réseaux sociaux

Chapitre 13
Exploiter les mutations
technologiques
La révolution digitale, représentée par tous les
outils, réseaux et sources d’information rendus
possibles par Internet et le World Wide Web (ou la
Toile), a eu un impact énorme, autant sur nos vies
personnelles que dans le monde de l’entreprise.
Une des conséquences les plus évidentes, mais les
plus difficiles à maîtriser, c’est la rapidité de
l’information. Alors qu’il a fallu six semaines pour
apprendre la mort du président Abraham Lincoln à
travers les États-Unis, le décès brutal de Michael
Jackson était mondialement connu en moins de
vingt minutes !

Une autre conséquence majeure de la révolution


digitale, c’est qu’elle a tendance à déstabiliser les
hiérarchies. Les événements récents en ont fourni
un exemple flagrant. Lors du « Printemps arabe »,
les canaux d’informations les plus influents ont été
les réseaux sociaux, interfaces qui ont largement
contribué à la chute des gouvernements en place.
Nous sommes loin de la photo du reporter, figure
de proue mais témoin impuissant, de la place
Tiananmen en 1989. Le monde de l’entreprise est
également ébranlé par l’irruption du digital au
quotidien. Voici trois exemples de disruptions qui
mettent en doute les statu quo traditionnels :

• L’arrivée dans notre secteur de nouveaux


entrants plus agiles parce que plus forts dans
l’exploitation des possibilités offertes par
Internet.

• Les opportunités et les menaces représentées


par une nouvelle autonomisation des clients,
dont les opinions impactent plus que jamais
notre réputation et qui deviennent des
« consommacteurs » prêts à dialoguer avec
nous sur les produits et services qu’ils
désirent.

• La manière dont les réseaux sociaux et les


outils de collaboration en ligne contournent et
rendent caducs même les voies de
communication et les chaînes de
commandement des entreprises pyramidales.

Face à cet impératif de s’adapter au nouvel


environnement digital et de l’exploiter mieux que
ses concurrents, comment le manager peut-il se
repérer au milieu de la profusion des nouveaux
outils et des nouvelles plateformes ? Comment les
intégrer au travail régulier de ses équipes ?
Comment gérer de manière optimale sa propre
présence en ligne et celle de son entreprise ?

La transformation digitale de
son équipe
Une étude conduite par le MIT Center for Digital
Business et Capgemini Business montre que les
entreprises les plus en avance digitalement parlant
sont, en moyenne, 26 % plus performantes en
termes de profitabilité que leurs concurrents dans
le même secteur. Le digital permet de passer d’une
somme d’intelligences individuelles à une somme
d’intelligences collectives. L’exemple le plus
marquant en est Wikipédia qui arrive à faire deux
choses dont les encyclopédies traditionnelles
étaient incapables :

• Exploiter l’intelligence collective d’un très


grand nombre de personnes autour du monde
(on pense par exemple au nombre de langues
disponibles sur Wikipédia) dans la production
de ses contenus.

• Rendre ces contenus accessibles pour un vaste


public à travers le globe.

Les enjeux pour l’entreprise et ses managers sont


de taille :

• La concurrence est omniprésente et exacerbée


par le digital. Internet a été un effet de levier
quant à la mondialisation et aucune entreprise
ne peut se permettre d’agir sans être présente
sur le Web.

• Grâce à ce médium, le travail collaboratif est


favorisé à plus d’un titre. Le monde virtuel fait
partie de notre quotidien et nous incite à
échanger, partager et commenter les moindres
faits et gestes de nos contemporains.

• Internet casse donc les silos. Plus nos


collaborateurs parlent entre eux, plus c’est une
chance pour notre entreprise. Cette parole libre
permet de faire évoluer les mentalités et de
repérer les points faibles. On voit apparaître de
nouvelles pratiques collectives : l’« entreprise
libérée », beaucoup moins pyramidale, en est
une, fondée principalement sur la confiance.

Devant le flux incessant et immense de données et


de nouvelles – l’« infobésité », comme on dit – il
y a une seule règle d’or.

La règle d’or du monde digital

L’avenir appartient, non à celui qui possède


l’information, mais à celui qui sait la trouver, la trier
et la mettre en valeur.

La révolution digitale implique de profonds


changements dans la pratique de nos métiers.
Ainsi, le talent de demain disposera d’un savant
mix d’intelligence sociale, de pensée informatique,
de créativité, d’adaptation et de culture de l’auto-
formation pour pouvoir travailler efficacement de
manière collaborative et participative, que ce soit
en présentiel ou en virtuel.

Splendeurs et misères de
la révolution digitale
De nombreuses entreprises voient leur
transformation digitale échouer. La cause est à
chercher dans des freins managériaux au
déploiement, tels que la crainte de la perte de
contrôle, l’inquiétude sur le phénomène de « caisse
de résonance » des problèmes internes, ou le doute
quant au retour sur investissement réel de ce type
de projet.

L’idée centrale pourtant consiste à s’adapter aux


nouveaux modes d’organisation tout en maîtrisant
les modalités techniques. En cela, le réseau social
d’entreprise est un outil puissant et
incontournable. Et ce, pour plusieurs raisons :

• L’augmentation de l’efficacité opérationnelle


(réduction des e-mails, partage des
connaissances, promotion de l’innovation,
gain de temps).
• La mise en valeur de la motivation des
collaborateurs (responsabilisation accrue,
réduction des lignes managériales, proximité
et échanges plus ouverts).

• La constitution de forums ou réseaux externes


qui, si vous ne prenez pas l’initiative, se fera
sans vous ; ces forums constituent de vrais cas
d’école pour de nouvelles pratiques
collaboratives.

Le réseau social d’entreprise offre une grande


souplesse d’utilisation et de gain de temps, à
condition de :

• choisir la plateforme et le modèle en fonction


de son organisation ;

• former ses collaborateurs à l’utilisation de ce


dernier ;

• avoir un modérateur et/ou un animateur pour


une utilisation optimale.

Optimiser les systèmes de


facilitation du travail
Les nouvelles technologies vont en effet nous aider
dans notre rôle de manager au quotidien. Que ce
soit pour la prise de notes, le partage
d’informations, la transmission d’éléments, la
création de documents et bien d’autres, voici une
sélection d’outils qui nous permettent de
rationaliser notre temps de travail.

Le travail collectif
asynchrone
Le travail « asynchrone » désigne la collaboration,
sur un projet, de plusieurs personnes qui ne sont
pas disponibles en même temps. Certains outils
indispensables nous permettent de partager
rapidement les informations, de mieux gérer notre
temps, de communiquer efficacement, tout en
diminuant le nombre d’e-mails et de casser les
silos.

Pour le partage des fichiers :

• Google Drive. C’est une solution de stockage


en ligne, mais on peut aussi travailler sur un
fichier sur Internet ou hors connexion. On peut
également partager les projets en invitant ses
collaborateurs à écrire simultanément sur le
même document.
• OneDrive. Concurrent direct de Google Drive,
ce logiciel réalisé par Microsoft offre la
possibilité de synchroniser les documents avec
la fameuse suite de l’éditeur. On n’a qu’à
glisser son fichier dans OneDrive pour qu’il se
synchronise dans l’application. Les
changements se font automatiquement lors de
sa connexion.

• Dropbox. C’est un service de stockage et de


partage de copies de fichiers en ligne.

• Meeting Words. Moins connu, ce logiciel


apporte une nouveauté dans le monde de la co-
création, puisqu’il permet de voir l’apport de
chaque créateur de contenu dans une couleur
spécifique.

• WeTransfer. Un service de transfert de


fichiers volumineux (jusqu’à 2 gigas avec la
version gratuite) basé sur le Cloud.

Pour organiser des conférences à distance, il existe


des outils de visioconférence tels que Zoom, Skype
ou Microsoft Teams. Pour le meilleur usage de ces
logiciels, voir chapitre 9.

Traiter l’information
Pour recueillir des informations au travers d’un
questionnaire, parmi les nombreux outils, deux
méritent d’être cités :

• Google Forms, le plus connu ;

• SurveyMonkey, le plus professionnel.

Pour organiser un événement :

• Doodle, pour faire un sondage quant à la


disponibilité, sur certaines dates, de différents
participants.

• Eventbrite, qui simplifie l’organisation et la


gestion d’événements en offrant des services
d’une qualité professionnelle pour un coût
réduit.

Si la règle d’or du digital consiste à savoir trier et


présenter l’information, la « curation » en est
l’expression, puisque c’est la sélection, l’édition et
le partage les contenus trouvés sur Internet qui
sont les plus pertinents pour tel ou tel public qui
s’intéresse à une question donnée. Devant le
foisonnement de sites Web et de contenus dans
tous les genres, certains outils facilitent
énormément notre tâche :
• Scoop.it permet d’accéder à une multitude
d’articles relatifs à des mots-clés
préalablement enregistrés.

• Pearltrees permet de catégoriser les


informations.

• SlideShare permet de trouver des


présentations par mots-clés.

• Les sites Web de Harvard Business Review et


TedX constituent des sources d’articles et de
vidéos à connaître pour s’inspirer et inspirer
les autres dans son travail au quotidien.

Réaliser des
présentations et des
documents créatifs
Dans le domaine des présentations, les
sempiternels PowerPoint ou Keynote (pour les
utilisateurs Mac) sont des outils performants
lorsqu’ils sont maîtrisés. Mais comment faire
lorsque notre formation ne nous permet pas de
créer des présentations percutantes ? Certains sites
Web pallient notre manque de savoir-faire en
proposant des outils simples à appréhender, tels
que Prezi, MindMapping ou SlidesCarnival.

Ayant subi pendant des années des présentations


de diapos assommantes, le public d’aujourd’hui
préfère largement la vidéo comme le support
optimum pour des messages captivants et
mémorables. Des sites, tels que Moovly, Animoto
ou Explee, aident le novice à s’en sortir dans
l’exploitation de ce média.

Fini la bonne vieille lettre d’information imprimée.


Nous sommes passés en quelques années du
support papier au digital. Bien que n’étant pas
traduit en français, l’outil le plus complet et simple
demeure Mailchimp.

Se former en ligne
Internet bouleverse aussi le secteur de la formation.
Xavier Niel, instigateur de l’École 42 à Paris, l’a
bien compris ! Car à l’heure où l’intelligence
collective est un des leviers de la performance, l’e-
learning devient un nouveau mode d’éducation. Les
MOOC ou « cours en ligne ouverts à tous »,
développés par des institutions prestigieuses tels
que Stanford, Harvard ou HEC, vous permettent de
vous former gratuitement en rejoignant des classes
de milliers de personnes à travers le monde. Parmi
les plus intéressants : Coursera, Edx, mooc-
francophone, openclassrooms et la plateforme FUN
du ministère de l’Enseignement supérieur.

Les réseaux sociaux


Non seulement la population du monde n’a jamais
été aussi importante, mais elle n’a jamais été aussi
connectée, grâce au nombre toujours grandissant
des smartphones. Les plateformes qui rassemblent
le plus d’utilisateurs sont les réseaux sociaux.
L’entreprise doit y être présente, comme autrefois
elle devait être présente dans les rues et les centres
commerciaux, ainsi que sur les médias
traditionnels. Avoir un site Web ne suffit plus. Mais
cette présence de l’entreprise sur les réseaux
sociaux a besoin d’être gérée à bon escient, ainsi
que son image et sa réputation. Et ce qui vaut pour
une entreprise, vaut de la même manière pour les
managers individuels.

Pour ce qui concerne les réseaux sociaux de masse,


chacun a sa propre identité et sa propre utilité :
• Facebook demeure aujourd’hui le
numéro 1 avec un milliard d’utilisateurs. Il
touche les couches de population les plus
diverses. C’est le réseau grand public par
excellence. Autant vous dire qu’il est vital d’y
avoir sa page ou son groupe « entreprise ».

• Twitter est un outil fondé sur l’actualité. Avec


un public qui suit les leaders d’opinion, il sert
surtout pour communiquer en temps réel.

• YouTube est un service de partage de vidéos


tous azimuts. La référence en la matière,
devant DailyMotion.

• Instagram permet de partager des photos et


des vidéos en ajoutant des filtres.

• Pinterest permet le partage des centres


d’intérêt.

De nouveaux réseaux, tels que Vine, Snapchat, Jelly


ou Foursquare, émergent chaque année selon des
thématiques et des fonctionnalités différentes. Qui
peut prédire quel sera leur succès dans l’avenir –
ou leur disparition ?

Les organisations, mais aussi les managers


individuels, se doivent d’être présents sur les
réseaux sociaux professionnels, comme LinkedIn et
Viadeo. À l’origine, ces réseaux étaient destinés
principalement au recrutement et à la recherche
d’emploi. En plus de ces fonctions, ils permettent
aujourd’hui au manager de créer du lien avec ses
équipes, ses clients et ses fournisseurs, ainsi
qu’avec tous les autres professionnels et
institutions susceptibles de l’intéresser. Plus on a
de contacts, plus on a de visibilité. On peut aussi
faire de la curation sur LinkedIn et poster textes,
vidéos et présentations (LinkedIn est le propriétaire
de SlideShare) pour soigner son profil et étendre
son influence. Il existe aussi des réseaux sociaux
d’entreprise, tels que Yammer, Chatter ou
TalkSpirit, grâce auxquels on peut limiter le
nombre d’e-mails échangés à l’intérieur de
l’entreprise et stocker des informations
essentielles.

Réseauter, c’est aussi passer du virtuel au réel. Pour


ce faire, différents sites et différentes applications,
comme Meetup et UP Campus, permettent de
rejoindre des groupes de réflexion et autres
conférences pour s’informer et innover.
Créer de l’influence sur les
réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux, il est essentiel de créer, de
poster et de partager du contenu, ainsi que de gérer
les risques liés à la réputation. À cette fin, il faut
avoir des personnes compétentes et des outils
adéquats. L’attente des internautes est différente
pour chaque réseau. En fonction des internautes
que l’on souhaite toucher, on cherche à apporter
différents types de valeur ajoutée :

• Le contenu expert : il s’agit de mettre en


avant les compétences de l’entreprise afin que
les internautes leur fassent confiance.

• Le contenu émotionnel : ici, c’est le principe


du storytelling qu’il faut mettre en avant, pour
raconter une histoire afin d’attirer le
consommateur.

• Le contenu exclusif, promotionnel : plus terre


à terre, l’internaute accorde son « like »
seulement s’il a compris l’intérêt de suivre la
marque.

Les pièges à éviter


Chaque internaute est susceptible d’être l’étincelle
qui crée le bad buzz (on dit « ramdam » au
Canada) s’il répand une nouvelle négative pour
l’entreprise. Le bad buzz peut également provenir
de l’entreprise elle-même, si elle dit ou fait quelque
chose qui ne plaît pas. Il faut éviter à tout prix la
politique de l’autruche : le risque pour l’entreprise
en serait une dégradation de sa réputation, avec
toutes les autres conséquences que cela pourrait
entraîner. La pression et l’accélération du temps
n’arrangent rien à l’affaire. Pour remédier à cela,
quelques réflexes sont à prévoir :

• En amont, toujours être en veille pour


prévenir la crise.

• Analyser à froid la situation : qui est le


responsable ? L’affaire est-elle médiatisée ?
Quelles sont les victimes ? Qui est concerné ?

• Prévoir un plan média (communiquer dans les


faits, en détail).

Cependant, deux observations s’imposent :

• Attention à « l’effet Streisand » : essayer de


cacher un contenu négatif par la censure
augmente les chances d’attirer l’attention du
public.
• Il vaut mieux bien détecter la fin de crise et ne
pas lever le dispositif aux premiers signes
positifs. L’effet boomerang peut être
désastreux en cas de prolongement de crise.

Quand une mauvaise nouvelle se propage de


manière virale, le désastre nous guette. Mais quand
une bonne nouvelle fait de même, c’est le bonheur.
Le buzz qui fait peur et le buzz qui
rend riche

Le mardi 7 septembre 2010, dans une interview sur


Presse Océan, Éric Cantona demande à tous les
clients des banques à vider leur compte, afin de
créer une panique financière et faire comprendre
aux banques que ce sont les clients qui ont le
pouvoir. Cette interview sur une station locale
inconnue sera massivement relayée sur Facebook
et YouTube entre autres. On voit à quel point un
simple message apparemment insignifiant peut
par un effet boule de neige créer une crise
possible.

Le 30 mars 2015, Elon Musk, le flamboyant P.-D.G.


de Tesla, a publié un tweet annonçant le lancement
imminent d’une nouvelle ligne de produits (en
l’occurrence, ce sera une batterie électrique pour la
maison). L’emballement boursier a été immédiat,
faisant augmenter la capitalisation de l’entreprise
de 900 millions de dollars à la fin de la journée. Ce
message de 115 signes a été qualifié de « plus cher
tweet du monde ».
Gérer ses réseaux
sociaux
Maîtriser son image requiert temps, compétence et
savoir-faire. L’animateur de communauté
(community manager) est au cœur du système, car il
a pour mission de développer la visibilité de
l’entreprise sur les médias sociaux, d’assurer la
gestion relation clients et de veiller à l’e-réputation
de l’entreprise. Certains outils de gestion
disponibles sur le Web peuvent être très utiles à cet
égard.

Pour optimiser son temps de travail, deux outils


d’agrégation ont été développés dans le but de
rationaliser l’animation de communauté :
Hootsuite, une sorte de tableau de bord qui gère et
intègre les différents flux sociaux tels que
Facebook, Twitter, LinkedIn, MySpace ou
Foursquare ; et Tweetdeck, conçu pour la gestion
spécifique de plusieurs comptes Twitter.

La veille constitue la pierre angulaire de la gestion


des réseaux sociaux, car elle permet, d’une part, de
rechercher intelligemment les informations
exploitables par l’entreprise et, d’autre part, de
surveiller la notoriété de l’entreprise sur la toile.
Voici les outils les plus consultés qui scannent le
Web, les réseaux sociaux et les blogs sur un ou
plusieurs mots-clés :

• Google Alerts ;

• Mention ;

• Youseemii ;

• Hyper Alerts ;

• Boardreader, spécialisé dans la recherche sur


les forums.

Comme dans tout travail, un reporting est


nécessaire afin d’analyser la stratégie digitale de
l’entreprise, de manière à l’infléchir en fonction
des résultats obtenus. Parmi les outils les plus
pertinents ici :

• Skorr est une application qui mesure


l’influence sociale des utilisateurs des réseaux
sociaux, qu’il s’agisse de particuliers ou de
marques.

• LikeAlyser analyse et décrypte votre page fan


sur Facebook pour établir un diagnostic
complet de votre réseau social.
• Socialbakers est un tableau de bord
permettant aux marques d’analyser l’évolution
de leurs pages et de celles de leurs concurrents.

Les nouvelles règles organisationnelles et sociétales


alimentées par la transformation technologique
nous demandent une mutation en profondeur. Le
prix à gagner, c’est une forme inédite d’intelligence
collective.

L’intelligence artificielle
Il y a eu un grand battage médiatique autour de
l’intelligence artificielle, ou IA, conduisant souvent
à une surestimation de la rapidité avec laquelle les
formes les plus avancées de l’IA allaient faire leur
entrée dans l’entreprise et rendre obsolètes
managers et salariés. Certes, l’intelligence
artificielle fait partie de toute une série de
technologies en constante évolution qui sont de
nature à bouleverser à la fois le monde du travail et
la vie quotidienne. Parmi les autres, on peut citer la
réalité virtuelle, la réalité augmentée, la domotique
(les objets connectés), les nanotechnologies,
l’impression 3D ou les systèmes informatiques
quantiques. Mais l’intelligence artificielle
représente elle-même un ensemble de technologies
distinctes.

Si le grand public a tendance à se représenter l’IA


comme un tout et le produit typique de l’IA comme
un être aussi polyvalent dans ses capacités qu’un
être humain, en réalité l’IA représente un champ de
disciplines variées avec des applications assez
diverses.

• Le moteur de beaucoup des avances récentes


est l’apprentissage automatique (machine
learning) qui est l’utilisation d’algorithmes et
de modèles statistiques permettant aux
systèmes informatiques de tirer des
enseignements des vastes jeux de données
qu’Internet a permis de rassembler, afin de
prendre des décisions ou de prédire des
résultats.

• Grâce à l’apprentissage automatique, soutenu


par l’apprentissage profond (deep learning) ou
l’exploitation de réseaux de neurones
artificiels, les systèmes informatiques ont
« appris », pour ainsi dire, à accomplir
certaines opérations cognitives.
• Un des autres champs d’application de l’IA
actuellement est le traitement automatique du
langage naturel (natural language processing)
qui permet aux machines d’extraire des
informations de textes humains ou de discours
parlés humains, de rédiger des textes, de
traduire entre les langues, de convertir du
texte en discours parlé et vice versa, et, dans
une certaine mesure, d’interagir avec les
humains à travers des agents conversationnels
ou chatbots.

• Il y a aussi la vision par ordinateur (computer


vision) qui permet aux machines de reconnaître
et de classifier des images, comme des visages
humains, ou de détecter l’environnement
physique comme dans le cas des voitures
autonomes guidées par ordinateur. Sans
oublier la robotique : quand un robot physique
est capable de se déplacer dans un
environnement et d’interagir avec celui-ci à
travers des capteurs, on parle d’intelligence
artificielle embarquée.

Cet ensemble d’applications assez hétéroclite ne


constitue pas encore un rival pour l’être humain
compris dans la totalité de ses capacités. Les
différentes applications de l’IA, à l’heure actuelle,
ne peuvent réaliser que certaines fonctions
discrètes, qu’elles aient été réalisées jusqu’ici par
des êtres humains ou non. Les fonctions de l’IA
sont encore difficiles à combiner en un seul
système.

Les deux champs d’application de l’intelligence


artificielle à l’heure actuelle sont :

• les interactions cognitives, comme dans le cas


des chatbots ;

• les enseignements cognitifs, tirés de l’analyse


de jeux de données.

L’IA est-elle destinée nécessairement à remplacer


les êtres humains au travail ? Jusqu’à présent, l’IA
a surtout servi à automatiser les tâches les plus
routinières – souvent fastidieuses et
chronophages – des salariés. Désormais, l’IA sera
appelée de plus en plus à aider les managers dans
leurs prises de décision, en leur apportant des
enseignements et en permettant des simulations de
résultats. Mais, jusqu’à nouvel ordre, ce sera au
manager humain de prendre la décision finale. Il
devra savoir poser les bonnes questions à
l’intelligence artificielle et évaluer la pertinence et
la crédibilité de ce qui en sort. À cette fin, il lui
faudra apprendre non comment marche l’IA sur le
plan technique mais comment il peut l’exploiter
dans la vie pratique. Il collaborera avec les
spécialistes techniques pour explorer le potentiel de
cette technologie, en gardant à l’esprit que l’IA est
au service du manager et non le contraire. Il y a des
capacités humaines avec lesquels l’IA est loin de
pouvoir rivaliser :

• le jugement critique ;

• le sens éthique ;

• l’empathie ;

• la vision créative.

La plupart des postes de salariés ne disparaîtront


pas de sitôt mais évolueront. Car un poste peut être
décomposé un une série de tâches, dont certaines
sont susceptibles d’être automatisées et d’autres
non. L’important sera de décomposer l’ensemble de
tâches correspondant à un poste particulier afin
d’en automatiser certaines et de créer un nouvel
ensemble de tâches pour le salarié. Non seulement
celui-ci pourra jouer un rôle à plus haute valeur
ajoutée, mais l’automatisation lui apportera de
nouvelles opportunités. Bref, le destin immédiat
des machines n’est pas de nous remplacer, mais de
nous augmenter.

Pour en savoir plus

Guy Kawasaki, Peg Fitzpatrick, L’Art des médias sociaux


(DIATEINO).

Pascal Delorme et Jilani Djellalil, La Transformation digitale.


Saisir les opportunités du numérique pour l’entreprise (Dunod).

Bernard Marr, Matt Ward, Artificial Intelligence in Practice


(Wiley, 2019).

Klaus Schwab, La Quatrième Révolution industrielle (Dunod,


2017).
Partie 4
Manager son écosystème
Dans cette partie…

On ne manage pas que ses collaborateurs. On ne


manage pas que « vers le bas. » Il faut aussi
manager « vers le haut », autrement dit, s’occuper
de ses supérieurs hiérarchiques. Et le périmètre du
manager ne se limite pas à sa propre unité
opérationnelle ou même à son entreprise. Il y a
aussi les partenaires, les fournisseurs et les clients
qui, comme les collaborateurs, ont besoin d’être
managés. Les actions du manager se situent dans
le contexte de la société civile qui exerce une
pression constante sur lui, pression dont il vaut
mieux prendre conscience. Et en dehors de la
sphère professionnelle, il y a la vie personnelle du
manager. Celui-ci doit gérer les interactions
complexes entre les deux facettes de son
existence.

Cette partie emmènera donc le lecteur dans une


visite guidée de ce véritable écosystème au milieu
duquel le manager moderne évolue.
DANS CE CHAPITRE
Comprendre les difficultés de ses collaborateurs

Savoir créer un dialogue dans les situations
problématiques

Faire face aux risques psychosociaux

Chapitre 14
Gérer les situations
problématiques
De même que la sphère économique est
régulièrement en proie à des turbulences, le monde
de l’entreprise connaît son lot de pressions, de
mutations brutales et de bouleversements
foudroyants. Cette tendance du capitalisme, que
l’économiste Joseph Schumpeter a qualifiée de
« destruction créatrice », décrète que les marchés
se transforment, que les produits passent de mode,
que de nouvelles sources de concurrence émergent
et que des technologies nouvelles viennent
chambarder l’organisation du travail. Tous ces
événements peuvent avoir des conséquences très
négatives sur notre moral, en tant que managers et
collaborateurs, et jusque sur notre vie même.

Au cours de sa carrière, le manager doit, à un


moment ou à un autre, faire face à des décisions
difficiles à annoncer, décisions dont les effets ne
sont pas moins difficiles à gérer :

• l’arrêt d’un projet ;

• un plan social ;

• une délocalisation ;

• la fermeture progressive d’une usine ;

• la fin d’un métier ;

• le refus d’une augmentation de salaire.

Il y a aussi des situations qui se créent, sans que


quelqu’un en décide en toute connaissance de
cause :

• des conflits personnels entre des membres


d’une équipe, des conflits qui s’enveniment ;
• une accumulation de sources de stress qui
impactent la santé et l’efficacité d’un ou de
plusieurs collaborateurs ;

• des individus qui se sentent marginalisés,


trouvant que leur travail n’est pas valorisé ou
que leurs difficultés ne sont pas comprises par
leurs collègues ou leur manager ;

• des cas de persécution ou de harcèlement au


travail qu’il faut traiter au plus vite.

Toutes ces situations sont fréquentes et ont un


impact profond sur les entreprises et leurs
employés. Elles soulèvent des questions urgentes.
Comment concilier les aspirations individuelles de
chaque salarié avec les profondes transformations
auxquelles sont confrontées les collectivités ?
Quelles sont les marges de manœuvre du manager
entre sa responsabilité en matière de santé au
travail et la nécessité d’efficience des
organisations ? La question la plus immédiate de
toutes pour le manager, c’est peut-être celle-ci :
comment transformer les situations
problématiques en une opportunité pour faire
mieux ?
Méthodologie des situations
difficiles
Il y a deux principes essentiels pour guider notre
conduite envers nos collaborateurs dans tous les
contextes problématiques : le principe de
transparence et celui du dialogue.

Appliquer le principe de
transparence
Quelles que soient les décisions, elles sont toujours
prises en fonction de « raisons supérieures » que
souvent les dirigeants ne croient pas bon de
partager par crainte des conséquences sociales et
des réactions individuelles. Et, effectivement,
l’intérêt global et collectif de l’entreprise ne va pas
toujours dans le sens de l’intérêt individuel. Toute
la difficulté repose sur la prise en compte a priori
des conséquences individuelles par rapport à une
décision qui relève de l’intérêt général et collectif.
Pourquoi ne pas faire confiance à l’intelligence
collective ? Si les « raisons supérieures » sont
mises en perspective de l’intérêt général, pourquoi
ne seraient-elles pas acceptables ?
Certaines questions ouvertes constituent les
préambules essentiels à toute communication
transparente :

• Quels sont les enjeux collectifs ?

• Pourquoi la stratégie de l’entreprise a-t-elle


pris telle direction ?

• Quelle est la raison d’être de cette décision ?

• Collectivement, qu’allons-nous gagner dans la


mise en œuvre de cette décision ?

Créer le cadre du
dialogue
Pour amener nos interlocuteurs à se projeter
positivement dans l’avenir, il ne faut pas se limiter
à une communication centrée sur le contexte et
l’environnement, les enjeux ou la stratégie et les
objectifs qui en découlent. Une mise en perspective
est nécessaire, permettant à chacun de se sentir
impliqué dans la réflexion. Chaque collaborateur
doit pouvoir exprimer son point de vue pour
engager le processus d’acceptation de la décision.
La question devient alors comment engager les
collaborateurs dans l’action de l’acceptation de la
décision ? Pour ouvrir un dialogue constructif sur
les conséquences de la décision, celui-ci devra être
initié sur la base d’élaborations ou de propositions
de solutions. En procédant de la sorte, le dirigeant
ou manager prend ses responsabilités de décideur,
il valorise les rôles et apports de chacun et surtout
il met en place un cadre de travail clair et stabilisé.
Maintenir un dialogue ouvert, sans jamais couper
les ponts, quelle qu’en soit notre envie, est
indispensable dans ces situations.
Jeter la langue de bois au feu

Ses supérieurs hiérarchiques avaient annoncé à


Julie que, pour motif de coupes budgétaires,
plusieurs membres de son équipe allaient être
licenciés. Elle avait une semaine pour leur
transmettre la nouvelle.

Julie adorait son équipe. Entre ses collaborateurs et


elle, il y avait une relation très forte. Leur annoncer
une telle nouvelle lui brisait le cœur. Et pour eux,
cela apparaîtrait sûrement comme une trahison.
Pourquoi ses chefs ne pouvaient-ils pas leur
annoncer cette nouvelle eux-mêmes ? Pourtant, ils
avaient insisté là-dessus : c’était elle qui devait le
leur dire.

Le premier jour, elle a passé toute la matinée en


compagnie de son équipe, sans oser aborder ce
sujet. Elle se demandait constamment si son
désarroi intérieur n’allait pas se manifester à
travers ses gestes et le ton de sa voix. Le soir, son
anxiété était à son comble. Elle a passé 30 minutes
à rédiger un brouillon d’e-mail qui expliquerait
clairement toutes les raisons de cette décision,
avant de l’abandonner. Ensuite, elle a réfléchi à la
manière d’annoncer la nouvelle le plus
succinctement possible, afin que cet épisode se
termine au plus vite. À minuit, toujours pas
couchée, elle songeait à la meilleure manière de
faire ressortir le côté positif de la nouvelle et
d’édulcorer le côté négatif. À une heure du matin,
elle était convaincue que la meilleure façon de s’en
sortir, c’était de faire passer toute la responsabilité
sur ses propres chefs et, au moins pendant la
réunion, de prendre le parti de ses collaborateurs,
comme une vraie Louise Michel moderne !

À 6 heures du matin, après quelques heures de


sommeil, elle s’est levée. Quelque astucieuse que
soit la manière d’annoncer la décision, ses
collaborateurs n’en seraient pas plus heureux
qu’elle. Trêve de procrastination ! Elle s’est mise au
travail pour préparer la réunion, se documenter
sur les faits, trouver des phrases sincères et justes
et se préparer psychologiquement.

En arrivant au bureau, elle a annoncé une réunion


spéciale pour toute l’équipe dans l’après-midi. Et à
l’heure indiquée, elle a parlé à ses collaborateurs
avec simplicité et intégrité. Elle n’a pas fait de
suppositions sur leur attitude. Elle leur a demandé
de s’exprimer, en leur posant des questions
supplémentaires pour engager le dialogue. Elle n’a
pas cherché à mettre fin à la discussion, mais s’est
montrée prête à la prolonger autant que le
voulaient les autres. Elle a invité des questions et y
a répondu le plus clairement possible. À la fin,
personne n’était heureux. Mais tout le monde était
satisfait de cette discussion.

Le premier jour, quand ses chefs lui avaient


annoncé la nouvelle, Julie avait imaginé que, une
fois sa réunion avec ses propres collaborateurs
terminée, elle irait au bar pour boire un verre ou
deux. En l’occurrence, elle n’a rien fêté, ni ce soir-là,
ni les autres. De toute façon, l’épisode ne s’est pas
terminé avec l’annonce de la nouvelle. Pourtant,
Julie savait maintenant que, dans les situations
difficiles, le meilleur ami du manager, c’est le franc-
parler.

Le stress chez ses


collaborateurs et les risques
psychosociaux
Peut-on toujours faire plus avec moins,
indéfiniment ? Partout aujourd’hui, il s’agit de
gagner en efficience et de faire des économies, tout
en continuant à proposer des services ou des
produits de qualité supérieure. Comment faire ?
Car, quels que soient l’intelligence et le bien-fondé
des rationalisations de moyens, la logique des
mutualisations ou des réorganisations, celles-ci
s’appuient toujours sur les individus qui composent
les structures. Et, depuis le début des années 2000,
le paysage médiatique français s’est largement fait
l’écho du phénomène dit de « souffrance au
travail ». Qu’il s’agisse de stress, de harcèlement
ou de « risques psychosociaux », cette souffrance
est progressivement apparue comme un véritable
phénomène de société, questionnant aussi les
dirigeants et les managers sur leurs pratiques.

Définition et leçons des


risques psychosociaux
S’il n’y a pas encore de définition juridique des
risques psychosociaux, celle du Collège d’expertise
sur le suivi statistique des risques psychosociaux au
travail, créé à la demande du ministère du Travail
en 2008, considère que les « RPS » (selon
l’abréviation standard) sont « des risques pour la
santé mentale, physique et sociale, engendrés par
les conditions d’emploi et les facteurs
organisationnels et relationnels susceptibles
d’interagir avec le fonctionnement mental »1.

Que nous enseignent quinze années de recul sur le


sujet des risques psychosociaux ?

Invariablement, les constats, enquêtes et autres


diagnostics pointent qu’au-delà du strict registre
de la « santé au travail », les salariés expriment
quatre besoins fondamentaux :

• Se sentir reconnus dans leurs contributions.

• Se sentir entendus dans leurs propositions et


leurs attentes

• Voir que leurs compétences sont valorisées.

• Se sentir respectés en tant qu’individus au


travail.

En aucun cas, il ne s’agit pas de vouloir travailler


moins, mais bien de travailler mieux.

La thématique des risques psychosociaux a


initialement émergé grâce aux témoignages des
salariés auprès des psychologues et médecins du
travail. Ces risques ont été définis comme les
conséquences sur la santé des individus de
l’environnement de travail constitué par les
conditions matérielles, organisationnelles,
relationnelles et managériales. Ainsi, ce sont les
éléments caractéristiques de toute organisation de
travail qui sont devenus les facteurs de risque à
l’origine des troubles psychosociaux, ces derniers
étant les symptômes.

Traiter les causes et non


les effets
Comment constater des symptômes sans avoir une
représentation précise de la « bonne santé » ?
Comment déterminer ce qui est « anormal » sans
définir ce qui est « normal » dans le cadre du
travail, en matière d’organisation, de management
et de relations…? À cette question, l’encadrement
de proximité a aujourd’hui trop souvent donné la
réponse suivante : « On ne peut plus rien
demander aux salariés sans que cela soit du
harcèlement… » Plutôt que de multiplier les
dispositifs de reconnaissance du mal-être, qu’il
s’agisse d’assistance psychologique ou de cellules
d’écoute, peut-être serait-il temps de rétablir un
dialogue constructif, visant notamment à une
réappropriation des contraintes du travail. Pour
qu’un bureau soit propre, il faudra toujours passer
par la contrainte du nettoyage ; pour qu’un mail
soit envoyé, il faudra toujours appuyer sur la
touche « envoi ». Bref, au lieu de se focaliser sur
les symptômes du mal-être, cherchons-en les
causes.

Chaque salarié a sa propre représentation du travail


bien fait, de la manière dont le travail devrait être
réalisé. Et quel manager a un jour pris le temps de
se mettre d’accord avec chaque membre de son
équipe sur une définition commune de la qualité
des livrables, du bon usage des procédures, de ce
qui est acceptable et inacceptable dans les
comportements sociaux dans le cadre du travail ?
C’est du « bon sens », c’est de la « bonne
éducation », entendons-nous régulièrement, mais
par rapport à quelle norme ? Celle que chacun dans
sa culture, son éducation, son expérience s’est
forgée.

Finalement, derrière l’ensemble de ces « causes »


potentielles de risques psychosociaux se posent en
réalité les questions du management et de
l’accompagnement des changements vécus par les
salariés.
Instaurer une culture de
la confiance
L’idée selon laquelle les compétences du manager
dépendent de sa personnalité est encore très
répandue. Dans ce cas, comment répondre à toutes
les questions soulevées par les risques
psychosociaux et les attentes des salariés, si les
gestes fondamentaux du management sont laissés
au libre arbitre des intéressés, c’est-à-dire si le
management n’est pas professionnalisé ? Que
signifie concrètement impliquer les agents au
quotidien ? Quels sont les gestes, paroles, postures
et surtout relations qui restent à construire puis à
entretenir au quotidien ?

Il ne s’agit pas de rendre les managers


responsables des risques psychosociaux, mais bien
de pointer leur rôle essentiel comme rouage
incontournable de la prévention des risques
psychosociaux par la qualité de leurs gestes
managériaux. Ainsi, il s’agirait de passer d’une
culture du contrôle à une culture de la confiance.
D’une culture de la procédure à une culture de la
relation. D’une culture de l’exigence sur les moyens
à une culture de la valorisation des résultats. D’une
culture de la protection à une culture de la
responsabilisation. Au lieu de chercher à protéger
les salariés devant les incertitudes du contexte et de
l’époque, cherchons plutôt à les rendre capables d’y
répondre…

Les réclamations de la part


des collaborateurs
Comment voir une réclamation d’un collaborateur
autrement que comme une formidable chance de
construire un dialogue avec lui et ainsi d’identifier
une source d’amélioration ? Pourquoi accepterions-
nous le principe des fiches d’appréciation dans les
hôtels, par exemple, si ce n’est pour que les clients
expriment leurs sources de contentement et
également ce qui reste à améliorer ? Ne pourrions-
nous pas accepter dans le même esprit une
réclamation de la part d’un collaborateur ?
Question pour un champion

Quelle est la situation la plus facile à gérer ?

• Un collaborateur qui ne nous dit rien et se plaint à


un syndicat, voire dépose une plainte au
prud’homme ?

• Un collaborateur qui exprime ses récriminations ?

Dans cette situation, qu’est-ce qui est le plus


difficile à gérer ? Le fond de la demande ou l’état
émotionnel dans lequel s’exprime cette
réclamation ?

Dans un premier temps, le plus important, c’est de


faire en sorte que l’aspect émotionnel s’estompe
afin d’arriver à un niveau de dialogue constructif
sur la solution à trouver. Cette première étape est
essentielle pour poursuivre le traitement de la
réclamation. Prenons un exemple classique de
réclamation : l’augmentation de salaire. Si cette
dernière n’est pas justifiée au regard des résultats
et des comportements professionnels, elle peut être
justifiée par la diminution du pouvoir d’achat des
salariés. Ainsi, le premier temps de comportement
empathique et de compréhension de la demande
paraît réaliste et en cohérence avec la situation. Le
refus de donner une réponse positive à la
réclamation, s’il est justifié par des raisons
objectives, bien évidemment ne contentera pas le
salarié, mais si celui-ci s’est senti compris dans sa
demande, il acceptera plus volontiers la décision
objectivée. On pourra même lui demander : « Avec
ces éléments, vous comprenez que je ne peux pas
accéder à votre réclamation, mais peut-être puis-je
faire quelque chose d’autre pour vous, pour que
vous vous sentiez mieux au travail ? Et qu’est-ce
que ce serait ? »

Comment traiter la réclamation quand la décision


est de ne pas augmenter les salariés, même les plus
méritants ? L’approche est la même, avec une
recherche d’objectivation de la décision. Si cette
décision a été prise, c’est au regard d’un contexte et
d’une stratégie d’entreprise. La déception est à
prendre en compte car elle est émotionnelle ; en
revanche, la rationalité de la décision s’appuie sur
des éléments factuels indiscutables.

Les conflits collectifs et


unipersonnels
La logique de gestion du conflit individuel et/ou
collectif est la même que celle du traitement de la
réclamation. Il est essentiel de bien séparer les trois
temps : celui de l’écoute de l’expression
émotionnelle, celui de la rationalité de la décision
et celui de l’ouverture vers une proposition
réalisable qui ne répond peut-être pas directement
au conflit mais va dans le sens d’une amélioration.

Que faire face à la mauvaise foi, face au


collaborateur qui est « contre ce qui est pour et
pour ce qui est contre » ? L’engager à se
positionner, en lui demandant simplement son avis
sur la façon de se sortir de la situation. Conduire à
l’engagement ou à la verbalisation du paradoxe de
la situation permet d’isoler les éléments toxiques,
afin d’empêcher que ceux-ci ne contaminent toute
son équipe par un effet de contagion.

Que nous reste-t-il comme


marge de manœuvre quand
il n’en reste plus ?
Comment imaginer qu’il n’y ait plus de marge de
manœuvre avec l’être humain ? Si c’était le cas, la
communication n’existerait pas. Concevoir
l’impossibilité d’une telle marge de manœuvre,
c’est imaginer qu’une idée opposée à la nôtre est
plus résistante qu’on ne le souhaiterait. La
communication doit nous permettre de convaincre
notre opposant à aller à l’encontre de ses
motivations profondes, soit en restreignant ses
choix, soit en l’amenant à partager notre idée avec
l’impression du libre choix.

Le premier axe de réflexion porte donc sur le


sentiment de liberté, de libre arbitre, de chacun. Le
second axe concerne l’engagement et celui-ci
repose aussi bien sur le caractère public,
difficilement révocable, de l’acte se s’engager, que
sur la conviction de l’acteur que la décision a été
prise en toute liberté.

Ainsi, dans un acte préparatoire, si je conduis mes


opposants à un engagement peu coûteux dans une
situation où il y a possibilité d’exercer son libre
arbitre, il me sera plus aisé, dans un second temps,
de faire une autre requête en cohérence avec la
première pour obtenir un engagement plus coûteux
en acte. En effet, le sujet étant engagé dans ses
actes, puisqu’il a pris l’engagement en toute
liberté, sera plus à même de construire avec vous
que de s’opposer. C’est comme la technique du
« pied dans la porte ». Dans une expérience très
parlante, on a demandé à un premier groupe
d’étudiants de cesser de fumer pendant une
journée ; ensuite, de cesser pendant plusieurs jours.
À un autre groupe, on a demandé tout simplement
de cesser de fumer pendant plusieurs jours. Les
membres du premier groupe se sont montrés plus
ouverts à l’idée de cesser pendant plusieurs jours,
que les membres de l’autre. Un premier
engagement prépare le terrain pour un second, plus
important2.

À la fin, n’oublions jamais que, selon Laurent


Combalbert, ancien négociateur du RAID, « la
négociation, ce n’est pas de l’argumentaire ; la
négociation, c’est de la relation, c’est du lien ».
Pour en savoir plus

Bruno Lefebvre, Mathieu Poirot, Stress et risques


psychosociaux au travail. Comprendre, prévenir, intervenir
(Elsevier Masson).

Stéphane Mousset, Samuel Hennquin, Prévenir les risques


psychosociaux. Vers la qualité de vie au travail (Territorial
éditions).

Marie Pezé, Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés
(Flammarion).

Marie Pezé, Je suis debout bien que blessée. Les racines de la


souffrance au travail (Josette Lyon).

Gérard Valléry, Sylvain Leduc, Les Risques psychosociaux (PUF,


coll. « Que sais-je ? »).

Laurent Combalbert, Éric Delbecque, La gestion de crise (PUF,


coll. « Que sais-je ? »).

Laurent Combalbert, Négocier en situations complexes.


Résoudre les situations difficiles par la négociation influente
(ESF Éditeur).
Testons nos connaissances

❶ Les troubles psychosociaux en entreprise


constituent surtout :

❑ les symptômes d’une certaine façon d’organiser


le travail

❑ les conséquences inévitables d’un refus


d’augmentation de salaire

❑ les causes les plus fréquentes des mauvaises


relations sur le lieu du travail

❑ des problèmes relevant uniquement de la


responsabilité du médecin du travail

➋ Une réclamation de la part d’un collaborateur


devrait être considérée par le manager surtout
comme :

❑ une source d’ennuis inévitables

❑ une chance de construire un dialogue avec le


collaborateur

❑ une question à différer le plus longtemps


possible

❑ la fin de toute possibilité d’un dialogue


constructif
❸ La technique du « pied dans la porte », c’est
une façon de :

❑ communiquer par le langage du corps

❑ lutter contre la criminalité

❑ éviter une réclamation

❑ obtenir un engagement, en commençant par


obtenir un engagement moins important

1 Voir le site : http://www.college-risquespychosociaux-travail.fr/.

2 Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois, Petit Traité de manipulation


à l’usage des honnêtes gens, Presses Universitaires de Grenoble.
DANS CE CHAPITRE
Mieux communiquer avec sa direction

Dialoguer et négocier avec son n + 1

Gérer les comportements « toxiques » d’un supérieur
hiérarchique

Chapitre 15
Manager ses supérieurs
C ourroie de transmission entre le top management
et ses équipes, le manager est un interlocuteur aux
multiples casquettes. Sa capacité à bien
communiquer avec son n + 1 est aussi cruciale
qu’avec ses n – 1. C’est ici que les problèmes
peuvent commencer, surtout si on ne prête pas
suffisamment attention à la règle fondamentale ci-
dessous.
La règle d’or du management de nos
supérieurs

Attendre et recevoir passivement les instructions


de la direction est l’exact opposé de les
comprendre.

Pourquoi ? Dans le monde imaginaire, idéal, que


dans notre esprit nous substituons trop souvent au
monde réel, les consignes sagaces de notre
hiérarchie descendraient vers nous avec une
régularité parfaite, sous une forme limpide, sans
aucune ambiguïté, sans la moindre omission, et
toujours dans les meilleurs délais. Toute défaillance
dans ce système serait la responsabilité de nos
supérieurs qui reconnaîtraient leur faute le plus
volontiers du monde. En réalité, les souhaits
émanant de notre hiérarchie peuvent être mal
formulés ; leur statut – ordre, désir, suggestion ou
hypothèse – peut avoir grand besoin d’élucidation ;
les desiderata en question peuvent arriver au
dernier moment ou trop tard et mal coller avec la
réalité du terrain, que l’initiateur de ces ordres voit
de trop loin. Par-dessus le marché, si la nature
brouillonne des consignes et la manière cavalière
de les transmettre conduisent à des difficultés, la
faute sera probablement rejetée sur nous et sur
notre paresse ou notre manque d’intelligence.

C’est dire si les volontés de nos chefs, il faut aller


les chercher. Quelles sont les causes de cette
situation paradoxale ? C’est que nos supérieurs, en
dépit de leur position apparemment privilégiée, ne
sont que des êtres humains, tout comme nous. Ils
ont besoin d’être managés par nous, comme nos
propres équipes. Il faut donc garder constamment à
l’esprit le fait que les difficultés naturelles de la
communication s’appliquent autant à nos chefs
qu’au reste du monde. De plus, il faut faire preuve
d’empathie à leur égard, en essayant de nous
projeter dans leur situation. Il leur arrive, comme à
nous, d’être stressés, surmenés, en retard ou
induits en erreur par de fausses informations. Et si
ce qu’ils disent est peu clair, ils seront
naturellement les derniers à le voir.

Ces considérations sont également pertinentes


quand il s’agit de défendre nos équipes contre des
interventions intempestives de la part de nos chefs,
ou de négocier avec ceux-ci, au sujet par exemple
d’une augmentation de salaire. Toutes les
difficultés en question sont amplifiées quand notre
supérieur est excessivement autoritaire, satisfait de
lui, imprévisible ou hypocrite. Bref, quand il s’agit
d’une personnalité « toxique ». Comment s’en
sortir ?

Communiquer avec nos


supérieurs hiérarchiques
Les trois aspects fondamentaux de la
communication avec nos chefs, sont le « quoi », le
« quand » et le « comment ». Les prendre
systématiquement en compte nous permet d’éviter
la plupart des écueils évoqués ci-dessus.

Le « quoi »
Quand nos supérieurs hiérarchiques nous
transmettent des instructions, le plus important,
c’est de comprendre l’objectif ultime qui est visé.
Les questions suivantes guideront nos réflexions et
surtout notre action :

❶ Les demandes de la direction arrivent-elles


toutes aux oreilles du manager ?
➋ Lorsque c’est le cas, sont-elles suffisamment
documentées ?

❸ Sans dialogue sur l’objectif final, quels sont


les risques ?

❹ Quelle serait la conséquence pour le client


interne ou externe d’un objectif mal défini ?

❺ Quelle en serait la conséquence pour l’image


renvoyée par le manager à son n + 1 ?

La première de ces questions nous incite à


contacter notre direction si nous pensons que des
instructions sont nécessaires. Les questions (3) et
(5) nous motivent à le faire de la meilleure manière
possible. La (2) nous rappelle qu’il vaut mieux
garder une trace matérielle des consignes données,
en cas de dispute par la suite. Et la (4) nous invite à
mettre ce client final au centre de nos
préoccupations et, si nécessaire, à y attirer
clairement l’attention de notre chef.

Le « quand »
La direction a-t-elle toujours conscience de la
nécessité de bien communiquer ses objectifs et de
prendre le temps de les expliquer ? Très souvent,
c’est au manager de planifier des rendez-vous
réguliers avec son management qui, naturellement,
est comme lui débordé. S’il ne le fait pas, les
informations risquent d’être transmises n’importe
quand ou trop tard. Évoquons, à ce sujet, une
situation familière : un n + 1 qui transmet « en
deux mots » les décisions prises et ce qu’il attend
du manager au mieux dans un bureau, au pire dans
un couloir ou devant la machine à café… Et de
surcroît trois fois par jour ! Dans ce contexte,
comment conduire un dialogue productif avec son
supérieur ?
Une scène de la vie ordinaire

Notre n + 1 nous croise dans le couloir et nous interpelle :

— Laurence, je sors d’une réunion, voici ce qui a été décidé…

— Je comprends et je présume que c’est important. Pour


traiter efficacement ce sujet, que diriez-vous si nous en
parlions lors de notre point hebdomadaire ?

— Non, c’est urgent, il faut que nous en parlions aujourd’hui.

— C’est donc urgent et important. Ça mérite sûrement que


nous prenions le temps d’en parler dans les meilleures
conditions ? Je vous propose de passer vous voir en fin de
journée ou demain matin ; d’ici là, j’ai déjà des engagements.

S’il s’agit d’une question à la fois importante et


urgente, il faut délicatement mettre l’autre devant
ses responsabilités.

Circonscrire les temps d’échange formels (tout en


gardant un peu de flexibilité) c’est :

• créer de la rareté et valoriser son rôle et son


image ;

• s’assurer de bonnes conditions d’échange :


disponibilité, calme, préparation… ;
• offrir aux deux interlocuteurs la possibilité de
se préparer ;

• donner de la valeur à cet échange et donc à la


demande du n + 1 ;

• se donner une chance de bien comprendre


l’objectif ultime de ce qui est attendu par le
questionnement et la reformulation ;

• ne pas être dérangé constamment et maîtriser


aussi bien son emploi du temps que son
efficacité.

Le « comment »
Si un objectif est incomplet ou pas clair, c’est un
des plus sûrs moyens de ne jamais l’atteindre ! Les
anciens Romains en étaient déjà parfaitement
conscients :

“Pour celui qui ne connaît


pas son port, il n’y a pas de
vent favorable.”
(Sénéque)
(Pour le manager désireux d’impressionner ses
collègues, l’original en latin, est : Ignoranti quem
portum petat, nullus suus ventus est.)

Un objectif vague… Cela peut être le fait d’un


manque de clarté de la part de l’émetteur, d’une
incompréhension du récepteur ou le plus souvent…
des deux à la fois. Sans compter que le n + 1 peut
être tenté par la rétention d’information, symbole
de pouvoir. Pour toutes ces raisons, c’est au
manager de « percer la cuirasse ». Sa meilleure
arme ? Comme toujours, le questionnement :

• Qu’avons-nous (l’entreprise) décidé ?

• Dans quel but ?

• Quelle est finalement la promesse faite au


client final (interne ou externe) ?

• Quels sont les résultats attendus ?

• Comment le mesurerons-nous ?

• Dans quels délais ?

• Certaines solutions ont-elles déjà été


envisagées ou exclues ?
Autre scène de la vie ordinaire

Notre n + 1 nous croise devant la machine à café et nous dit :

— Au fait, j’ai besoin que vous me fassiez un point sur les


résultats du premier trimestre.

— Ok, je vous prépare ça pour demain.

Le lendemain, le n + 1 revient vers nous en se plaignant :

— Votre tableau fait quatre pages… Comment voulez-vous


que je présente ça lors du codir de demain ?

— Ah, je n’avais pas compris que vous vouliez en faire une


présentation. Je pensais que vous vouliez seulement savoir
où nous en étions.

— Non, c’est une synthèse avec les points les plus


importants qu’il me faut. Vous pouvez me préparer ça pour
ce soir ? Le codir est demain matin.

Cet exemple illustre la nécessité de bien clarifier et


comprendre un objectif avant de foncer tête baissée
dans sa réalisation. L’exigence de réactivité, le culte
de la vitesse, de l’efficacité, la volonté de satisfaire
vite, la recherche de reconnaissance peuvent
paradoxalement faire perdre beaucoup de temps et
d’énergie. Au-delà de la bonne compréhension de
ce qui est attendu, ce questionnement aura d’autres
vertus :

• montrer son intérêt pour l’entreprise et sa


stratégie ;

• valoriser son interlocuteur ;

• s’assurer du bien-fondé et de la faisabilité des


décisions prises.

Défendre nos équipes


Sans remettre en cause les décisions prises, n’est-il
pas du devoir du manager d’expliquer ce qui n’est
pas possible ou pas souhaitable ? La direction n’est
pas toujours consciente des conséquences des
décisions prises… ni demandeuse de contraintes.
Or, le manager de proximité détient des
informations essentielles : la capacité de
production, d’adhésion des équipes, leurs
compétences… Il se doit aussi de ne pas
surexploiter ses troupes, au risque de voir partir les
meilleurs.
La règle d’or de la protection de nos
équipes

1) Expliquer avant d’agir à son n + 1 ce que


peuvent faire ses équipes est une clarification.

2) Expliquer après l’action pourquoi les objectifs


n’ont pas été atteints… c’est se justifier.

3) La clarification vaut toujours mieux que la


justification.

Sans possibilité pour l’équipe de réaliser les


objectifs, les meilleurs projets peuvent se traduire
en vaines incantations aux résultats décevants ou
inexistants. Autant de raisons de défendre ses
équipes et de les protéger de l’épuisement ou de
l’insatisfaction d’un travail mal exécuté.
Encore une scène de la vie ordinaire

Notre n + 1 nous croise dans l’ascenseur et nous dit :

— Nous avons décidé de baisser les effectifs de 10 %.


J’attends vos propositions pour la semaine prochaine.

— Quelle est la raison ?

— Nous avons décidé de réduire les coûts fixes pour


augmenter nos marges, c’est une demande des actionnaires.

— Ils ont demandé de baisser les effectifs ou de baisser les


coûts ?

— De baisser les coûts, peu importe comment.

— Donc, si nous trouvons un autre moyen de baisser nos


coûts fixes nous atteindrons l’objectif.

— Oui.

— Mes équipes sont déjà sous pression et j’ai besoin d’eux, je


vais réfléchir aux différentes possibilités et je reviens vers
vous.

À tout moment, le manager doit :

• Rester positif et concret.


• Expliquer les moyens (notamment humains)
qu’il a et ceux qu’il n’a pas.

• Proposer des solutions et éviter de ne voir que


l’intérêt de son propre service, qui n’est qu’un
élément dans un ensemble plus important.

• Se souvenir que l’objectif est fait pour le client


final, entreprise ou client, presque toujours à
l’extérieur du périmètre du manager.

• Sortir du triptyque « victime-bourreau-


sauveur » : si le manager endosse le rôle de
victime, il accepte d’avoir un bourreau… et il
est peu probable qu’il trouve un sauveur.

• Avoir confiance en lui-même pour ne pas se


retrouver en dépendance.

Mener une négociation


salariale, de carrière
Une négociation salariale représente presque
toujours un exercice périlleux mais nécessaire
lorsque l’on sait que ceux qui obtiennent le plus
sont ceux qui le demandent. Comme pour toute
négociation, un des points clés est de ne pas la
subir. Préparer une négociation, c’est se préparer à
la réussir. C’est aussi ce qui va permettre d’aborder
la négociation avec sérénité. « Se faire battre est
excusable, se faire surprendre est
impardonnable. » Cette devise napoléonienne
résume bien la situation.

La préparation
L’enjeu d’une négociation salariale est plus de faire
prendre conscience de ce qui nous rend précieux
pour l’entreprise que sa traduction chiffrée. Les
étapes essentielles de la préparation sont les
suivantes :

• Connaître l’entreprise et sa politique salariale.

• Connaître sa valeur sur le marché du travail.


En se fiant aux études sur le sujet ou aux
éventuelles propositions qui vous ont été
faites.

• Attention : ces données sont à manier avec


précaution pour ne pas entrer dans une logique
de chantage, toujours mal perçue.

• Connaître son interlocuteur et son style de


négociation.
• Préparer ce que vous allez mettre en avant
pour justifier votre augmentation : efforts,
résultat, satisfaction de vos clients internes
et/ou externes…

• Identifier ce qui est souhaitable, ce qui est


acceptable et ce qui n’est pas négociable.

• Préparer les options possibles : autres


éléments que le seul salaire (primes, bonus…),
avantages en nature… et préparer des
propositions.

• Évaluer le rapport de force et notamment la


capacité de nuisance de son interlocuteur… et
la sienne.

• Se préparer à réussir : garder une vision


positive et son calme en toutes circonstances.

L’entretien
Un entretien peut commencer par deux questions à
poser à votre n + 1 (à adapter en fonction du
contexte) :

• De quoi êtes-vous satisfait ?


• Que pensez-vous que j’apporte le plus à
l’entreprise ?

Écoutez bien les réponses… jusqu’au bout. Ensuite,


idéalement, vous demanderez ce que votre
interlocuteur peut vous proposer – ça peut parfois
dépasser vos attentes ! S’il demande que vous vous
exprimiez d’abord, proposez plusieurs options qui
vous semblent satisfaisantes et raisonnables – et
que vous aurez déjà formulées dans votre esprit
lors de la phase de préparation. Il réfléchira alors à
la meilleure des options… plutôt que de refuser une
demande unique.

Si vous vous heurtez à un refus, rappelez le


contexte :

• « L’entreprise est en progression. Mes


équipes et moi-même avons contribué à
l’atteinte de ces résultats. » Prenez soin
d’appuyer votre déclaration sur des chiffres.

• Vous avez atteint les objectifs fixés lors de


votre dernier entretien annuel.

• Une augmentation est un pari sur l’avenir, pas


seulement le vôtre mais aussi celui de
l’entreprise. Que se passerait-il si l’on devait
se passer de vous ? Combien coûteraient le
recrutement et la formation d’un remplaçant ?
Il faut cependant jouer de ces arguments avec
précaution et tact. À défaut, vous pourriez
provoquer une réaction du type : « Si vous
n’êtes pas content, allez voir ailleurs ! »

Quoi qu’il arrive, rappelez-vous que votre recours


le plus sûr, c’est la force du questionnement :

• « Quelle est, à votre avis, ma part de cette


création de valeur ? »

• « Que proposez-vous comme traduction


chiffrée de cette contribution ? »

Considérons l’exemple d’un manager qui passe, en


cours d’année, de la direction de la communication
à celle du marketing. Le directeur du marketing lui
annonce une nouvelle peu enthousiasmante :
Une énième scène de la vie ordinaire

— Je suis désolé, vous n’aurez pas d’augmentation cette


année parce que vous n’avez pas été présente sur tout
l’exercice et je n’ai pas de marge budgétaire.

— Et qu’en dit mon ancien n + 1 ?

— Il m’a dit qu’il ne pouvait rien faire, puisque vous n’êtes


plus sur son budget.

— Si je comprends bien, mon erreur a été d’accepter les


nouvelles responsabilités qui m’ont été proposées
précisément parce que j’avais de bons résultats ?

— Je comprends votre déception, mais vous savez, je ne


peux pas faire ce que je veux. — Combien m’auriez-vous
accordé si vous en aviez eu la

possibilité ?

— Je vous aurais accordé 3 %, je crois.

— Je vous propose que nous nous tournions vers l’avenir.


Pouvez-vous négocier une prime équivalente à
l’augmentation que vous m’auriez accordée, versée en fin
d’exercice, si vous êtes satisfaite de mon travail ? Nous
réintégrerons cette prime dans mon salaire brut l’an
prochain.
— Ok, je vais voir ça avec le DRH.

Dans ce cas, le manager ne cesse de poser des


questions ouvertes à son interlocuteur, et se tient
prêt à faire des propositions là où c’est approprié.

Gérer un supérieur
hiérarchique « toxique »
Quand on se trouve en présence d’un n
+ 1 « toxique », les options les plus évidentes…
sont les moins efficaces :

• L’affrontement. C’est l’option la plus


naturelle : « Je supprime ce qui m’empêche
d’avancer. » Cependant, vous risquez de
perdre en crédibilité et en image. Dans un
contexte où vous n’avez pas le pouvoir, les
conséquences sont multiples et peuvent aller
jusqu’à la perte de votre emploi. Et surtout,
vous n’avez aucune chance de gagner !

• La soumission. En acceptant ce qui est


inacceptable, vous niez vos propres intérêts.
Vous vous mettez en danger à long terme. Vous
niez le problème et vous risquez de vous
adapter à une situation anormale. Le burnout
s’approche à grand pas. Vous allez de plus vous
construire une image de celui qui accepte
tout… à qui on pourra demander de toujours en
accepter plus.

• Refuser l’obstacle : c’est démissionner en


restant dans l’entreprise. Que deviendra votre
motivation ? Vous irez bientôt au travail sans
la moindre envie, juste pour gagner votre
salaire. Triste perspective.

Alors que faire ? En parler avec l’intéressé, bien sûr.


Mais attention ! Uniquement si cela est possible.
Certains cas (certes difficiles à évaluer) relèvent de
la pathologie et en parler à l’intéressé n’est pas
dans ce cas la meilleure option. Ne dites jamais à
un malade qu’il devrait consulter un psychiatre !

Beaucoup de managers peuvent se révéler toxiques,


non par choix ou par nature, mais parce que
personne n’ose leur donner de feedback. C’est
souvent le cas pour les autocrates despotiques. Pour
y parvenir, il faut faire preuve d’assertivité : oser
dire la vérité… sans se faire un ennemi. L’objectif
est de se préserver sans mettre l’interlocuteur en
difficulté. S’il est mis en difficulté, il en profitera
sûrement pour rentrer dans la spirale de
l’agressivité.
Voici le schéma d’une telle conversation initiée par
vous :

• Commencez par les faits : « Lorsque vous


nous dites : “Dépêchez-vous, bande
d’incapables !”… »

• Soulignez votre intention positive : « … Je


comprends votre volonté que le travail avance,
je sais que vous n’avez aucune intention de
nuire… »

• Passez ensuite aux conséquences pour


vous/pour l’équipe : « Voici ce que je ressens,
ce que ça provoque au sein de l’équipe… »
(mal-être, démotivation…).

• Terminez par une demande : « Que proposez-


vous ? Quelle solution pouvons-nous trouver
ensemble pour éviter cela ? »

Et si ça ne marche pas ? La direction a le devoir de


prévenir les risques psychosociaux dans
l’entreprise (voir chapitre 14) et, à ce titre, il est
possible de demander à être entendu. Il faudra tout
d’abord s’assurer de la confidentialité de l’entretien
(ce qui se dit ici ne pourra pas nous être opposé).
Une bonne pratique est de ne pas parler que de soi
et pour soi, mais plutôt des conséquences pour les
équipes et pour l’entreprise (démission,
démotivation, anxiété…). Sinon, cela pourrait
passer pour une vengeance personnelle. Aussi
faudra-t-il s’informer auprès des collaborateurs
des situations critiques rencontrées avec
l’intéressé.

Tant pour votre image que pour l’efficacité de


l’entretien, commencez-le avec une volonté de
résolution, plutôt que dans un esprit de vengeance
ou dans une logique de plaignant.

Admettre une erreur


Ici, la règle de base, c’est qu’il est inutile de se
flageller, de s’excuser ou de se justifier. Si vous
arrivez dans le bureau de votre responsable avec un
problème mais pas de solution, vous faites partie
du problème. Nous avons trop souvent besoin, soit
de trouver un bouc émissaire pour nous dédouaner,
soit de nous confesser afin d’expier notre
culpabilité. Notre n + 1 n’en aura probablement pas
cure. Sa préoccupation à lui sera ailleurs, comme le
dialogue suivant le démontre :
Dernière scène de la vie ordinaire

Vous voulez faire votre mea culpa devant votre n + 1 :

— J’ai fait une grosse erreur. En validant une facture, j’ai


versé trop d’argent à notre fournisseur. Je suis vraiment
désolé.

— Je m’en fiche !

— Comment ça ?

— D’accord, une erreur a été commise, mais c’est du passé,


et nous ne pouvons pas le refaire. Savoir qui est le coupable
ne m’intéresse pas. Si cela s’est produit, c’est que notre
organisation et nos procédures sont à revoir. Ce qui compte,
c’est de chercher une solution au présent et de préparer
l’avenir en trouvant le moyen que cela ne se reproduise pas.
Revenez me voir avec des solutions !

Si nous ne voyons pas la bonne solution, ne


remettons pas indéfiniment l’entretien avec le n
+ 1 : le problème risque de s’aggraver. Allons-y,
mais avec plusieurs possibilités. Le plus important,
c’est de ne pas arriver les mains vides. Après tout,
le management consiste surtout en la recherche de
solutions.
Testons nos connaissances

❶ Laquelle des actions suivantes représente ce


que le manager ne doit pas faire par rapport
aux instructions de sa direction ?

❑ Les comprendre.

❑ Les écouter.

❑ Les recevoir passivement.

❑ Les clarifier.

➋ Lequel des éléments suivants représente le


meilleur recours du manager dans une
négociation salariale avec son n + 1 ?

❑ Une baisse du pouvoir d’achat en France.

❑ Le questionnement.

❑ Une recommandation faite par son ancien


patron.

❑ Une attitude courageuse.

❸ Quand nous admettons une erreur devant


notre n + 1, celui-ci a normalement besoin :

❑ d’une solution au problème révélé par l’erreur.

❑ de nous absoudre.
❑ d’entendre notre confession.

❑ de jouir de notre déconfiture.


DANS CE CHAPITRE
Comprendre la relation fournisseur-partenaire-client

Cultiver les meilleures relations possibles avec
fournisseurs et partenaires

Faire du client un ambassadeur

Chapitre 16
Manager ses clients, ses
partenaires et ses
fournisseurs
A vec nos fournisseurs, nos partenaires et nos
clients, nous formons un écosystème complet dont
la nature fondamentale est constituée par
l’interdépendance. Pourtant, les relations effectives
ne reflètent pas toujours cette réciprocité. Nous
sommes les clients de nos fournisseurs et nous
avons notre propre client qui attend le produit ou
service final. Ce mot de « client » est dérivé du
latin cliens, dont la racine voulait dire « écouter »
ou « obéir ». Chez les Romains, le « client »,
c’était quelqu’un qui dépendait du patronage d’un
citoyen plus riche et plus influent. La relation
n’était pas du tout symétrique, d’égal à égal.
Aujourd’hui, nous avons interverti les termes –
dans nos langues modernes, c’est le « client » qui
a la main haute – mais il y a toujours cette notion
de dépendance à sens unique. Trop souvent, nous
voulons que les autres – partenaires et
fournisseurs – dépendent de nous ; et nous
souffrons fréquemment en pensant que nous
dépendons de nos clients. Comme le dit cette
célèbre citation de Sartre : « L’enfer, c’est les
autres. ».

Existe-t-il une meilleure façon d’aborder ces


relations, en contournant la notion de
« dépendance » ? Sûrement. Commençons par le
schéma marchand classique : nos fournisseurs, par
exemple, doivent nous vendre leurs produits ou
services au plus bas coût, avec la meilleure qualité,
dans les délais les plus courts… notre but étant de
proposer à notre client final un produit ou un
service au meilleur prix possible. Nous pourrions
baptiser ce schéma le « presse-citron » :

Dans cette vision des choses, on cherche à


introduire dans les relations un maximum de
dépendance à sens unique, en masquant le rôle
fondamental de la coopération entre les acteurs.
Tous, même ceux qui semblent les plus modestes,
apportent une contribution décisive à la valeur du
produit ou du service. Pourrait-on vendre un Airbus
si personne ne vidait les poubelles des bureaux
d’études, ou si personne ne fournissait les rivets
pour assembler la carlingue ? Comment pourrions-
nous améliorer la qualité de nos avions sans
demander à notre fournisseur de rivets ce qu’il
pourrait nous proposer comme produit plus
performant, plus léger…? De ce point de vue, le seul
véritable client, c’est le consommateur final. Afin
de satisfaire celui-ci, il faut que tous les acteurs en
amont collaborent entre eux le plus librement
possible et investissent toute leur intelligence
collective dans un véritable partage des projets.

La règle d’or de la relation client-


partenaire-fournisseur

Il n’y a pas d’autre client que le client final.

Tous les autres acteurs sont une communauté de


partenaires à son service.

Il convient donc de reconsidérer toute la vision de


la chaîne de valeur. Dans le nouveau schéma, les
notions de partenaire et de fournisseur ont tendance
à être supplantées par la notion de communauté –
celle qui réunit tous les acteurs dans la poursuite
d’un objectif commun : la satisfaction du client
final. Et même celui-ci peut être impliqué dans le
processus, si l’on trouve de nouvelles façons de le
faire contribuer à la quête de sa propre
satisfaction :
Comment cultiver cette véritable communauté
d’intérêt qui réunit tous les acteurs, qu’ils
s’appellent d’habitude « clients »,
« fournisseurs » ou « partenaires » ? Et si cette
approche nécessite évidemment un investissement
spécial de la part des services marketing et
relations clients, quel est le rôle spécifique réservé
au manager ?

Créer une communauté


d’intérêt
Il y a un certain parallélisme entre la manière dont
le manager traite ses partenaires et fournisseurs et
la manière dont il traite à la fois d’autres unités
opérationnelles au sein de son entreprise et ses
propres collaborateurs. Dans toutes ces relations,
nous retrouvons trop fréquemment le schéma du
presse-citron.

Le manager a tendance à privilégier les rapports de


force au détriment de la coopération. Pourtant, il a
besoin de manager ses partenaires et fournisseurs
de la même manière qu’il a besoin de manager ses
collaborateurs : en les inspirant à investir le
maximum de leur énergie et de leur intelligence
dans la création de valeur pour le client final. En
impliquant l’opérateur, celui qui fait, on ouvre des
portes à une création supplémentaire de valeur.
Celui qui fait, sait : qui est mieux placé que celui
qui est chaque jour sur le terrain pour trouver les
gains de productivité ? Si, en tant que manager, je
traitais mes collaborateurs comme un client traite
ses fournisseurs, je ne tirerais pas le meilleur parti
de leur expérience, de leur savoir-faire et de leur
inventivité. Il faut donc sortir de la logique
traditionnelle de la relation client-fournisseur. Le
rôle du manager est de créer des communautés
d’intérêt :

• au sein de son équipe ;

• avec les acteurs internes (les autres unités


opérationnelles de son entreprise) ;
• avec les opérateurs externes (les partenaires
et fournisseurs) ;

• avec les clients finals.

« Si tu veux construire un bateau, ne rassemble


pas tes hommes et femmes pour leur donner des
ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur
dire où trouver chaque chose… Si tu veux
construire un bateau, fais naître dans le cœur de
tes hommes et femmes le désir de la mer. »

Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle.

Pour résoudre un problème ou relever un nouveau


défi afin d’innover, les questions que le manager
doit se poser incluent les suivantes :

• Quels sont les groupes de personnes au sein


de l’entreprise et à l’extérieur qu’il faut mettre
en communication ?

• Quels moyens de communication – digitaux


ou en face-à-face – vont-ils utiliser pour
interagir et collaborer ?

• Quelle est la valeur qui sera créée ainsi ?

La recherche Gallup montre que les approches


managériales centrées sur l’implication, qui
améliorent le plus la performance à l’intérieur de
l’entreprise, sont celles qui améliorent la synergie
entre les partenaires. Avoir de bonnes relations
avec ses fournisseurs et d’autres partenaires
constitue un indicateur clé des revenus et de la
profitabilité des entreprises1.

L’intérêt d’avoir de bonnes


relations avec nos
fournisseurs
Selon le grand spécialiste de la qualité W. Edwards
Deming, une entreprise devrait toujours traiter ses
fournisseurs comme des partenaires. C’est loin
d’être toujours le cas. On croit trop souvent que,
parce qu’on signe le bon de commande, on peut
imposer des demandes exorbitantes à son
fournisseur. Le témoignage suivant est éloquent à
cet égard :
Un cas d’école ?

Point de vue d’un ex-partenaire sur un grand


constructeur d’automobiles américain : « À mon
avis, **** envoie ses cadres à l’“école de la haine”
pour qu’ils apprennent à haïr les fournisseurs. »

Pourtant, la coopération de nos fournisseurs – ou


son absence – a un impact direct sur la qualité de
nos produits ou services, leur fiabilité, leur prix et
nos délais de livraison. Par exemple, les fabricants
automobiles qui ont de bonnes relations avec leurs
fournisseurs arrivent à concevoir et à créer un
nouveau véhicule beaucoup plus rapidement que les
autres constructeurs. Une grande partie du succès
de Dell dans les années 1990 s’explique par sa
capacité à impliquer ses fournisseurs : le célèbre
constructeur d’ordinateurs a réduit le nombre de
ceux-ci, en persuadant ceux qui avaient été retenus
d’installer des entrepôts à 15 minutes de l’usine
Dell. Cela a permis de baisser considérablement les
coûts de stockage et de réduire le prix final pour le
consommateur.

Pour avoir de bonnes relations avec nos


fournisseurs, il faut :
• respecter scrupuleusement les délais de
paiement ;

• fixer des dates de clôture raisonnables pour


les appels d’offres et de propositions ;

• donner un feedback juste et honnête ;

• partager les informations nécessaires et en


temps opportun.

Le retour sur investissement en termes de bonne


volonté sera appréciable quand il s’agira de
demander à nos fournisseurs un effort spécial sur
une livraison urgente, sur une réduction de prix ou
sur le développement d’une innovation essentielle
pour notre stratégie.

N’oublions pas nos


distributeurs
Nos distributeurs, à l’instar de nos fournisseurs,
ont l’air d’être à notre solde parce que nous les
avons choisis pour vendre nos produits et nos
services. Pourtant, plus que de simples vendeurs, ce
sont des ambassadeurs de notre marque. Nous
avons intérêt à ce que leurs commerciaux soient
bien formés pour présenter nos produits ou
services et à ce qu’ils soient impliqués le plus
possible dans leur rôle. Bref, il faut traiter nos
distributeurs comme des partenaires.
Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas :

Témoignage de Jackie

« Un grand fabricant nous a contactés récemment


pour distribuer ses produits. On était
naturellement flattés. Mais quand ils nous ont
envoyé leurs termes et conditions… c’était un
véritablement manuel sur la manière de présenter
et de ne pas présenter les produits, qui détaillait la
punition attachée à chaque infraction à une de
leurs nombreuses règles. Le ton était autoritaire, le
dialogue à sens unique, les exigences non
négociables… On n’avait pas l’impression qu’il
s’agissait d’un intérêt mutuel. Ils ont beau être une
grande marque, on les a envoyés balader ! »

Pourtant, quelle est la dépendance d’un fabricant


de voitures par rapport à ses concessionnaires ?
Toyota est allé jusqu’à formuler le principe suivant
sur ses priorités : « Le client vient en première
place, ensuite le concessionnaire, et à la fin le
fabricant. » Le fabricant, c’est évidemment Toyota
lui-même.

Pour avoir de bonnes relations avec nos


fournisseurs, il faut :

• entretenir des relations très personnelles,


avec des réunions en face-à-face ;

• faire en sorte que les voies de communication


soient toujours ouvertes et partager les
informations les plus récentes ;

• toujours participer aux événements organisés


par le distributeur.

• Aider le distributeur à établir les meilleures


relations avec ses clients qui sont aussi nos
clients !

Impliquer le consommateur
final
Sommes-nous vraiment capables d’écouter nos
clients ? Quand nous les écoutons, entendons-nous
ce qu’ils nous disent ou ce que nous voudrions
qu’ils nous disent ? Ce n’est pas évident, comme
cette histoire l’indique :
Quelle est votre attente en matière…
d’attente ?

Un service public a dû faire face à un profond


mécontentement de ses usagers en matière de
temps d’attente. Il a réagi immédiatement en
investissant dans la réfection de la salle d’attente. À
la fin, la salle était toute neuve, toute belle. Qui ne
voudrait pas passer 45 minutes dans une salle
pareille ?

Ainsi, le service public en question est resté sourd à


la véritable demande du public : « Nous ne
demandons pas d’attendre dans un lieu plus
agréable : nous demandons de ne plus attendre du
tout ! »

Dans les entreprises aujourd’hui, on répète que tout


ce que font les collaborateurs doit être « axé sur le
client ». C’est apparemment beaucoup plus facile à
dire qu’à faire. Un des tests les plus simples pour
voir si une entreprise est vraiment centrée sur le
client, c’est d’observer sa réaction en cas de plainte
ou de conflit. Les entreprises qui invoquent
immédiatement leur « politique » et ses clauses de
sauvegarde, plutôt que d’essayer de satisfaire le
client, sont centrées très largement… sur elles-
mêmes.

Un autre indicateur clé est la capacité de


l’entreprise à céder au client une partie du contrôle
sur leurs relations. Encourager le client à être plus
exigeant devrait constituer une source
d’inspiration, mais beaucoup de managers trouvent
difficile de lâcher prise. En l’occurrence, de nos
jours, les consommateurs ont eux-mêmes saisi
l’initiative, grâce aux réseaux sociaux.

Co-créer avec le client


L’apparition des réseaux sociaux a fait naître des
communautés de consommateurs. Les clients sont
devenus ainsi des acteurs externes de l’entreprise.
Ces communautés construisent et véhiculent
l’image de marque, ce qui fait d’elles des armées
d’ambassadeurs… ou de détracteurs. Leur
importance n’a pas échappé à certaines entreprises.
Elles y ont vu un levier à la fois marketing,
commercial, relationnel et médiatique. En créant le
poste de community manager (voir chapitre 13), elles
ont concrétisé ce lien nouveau avec les
consommateurs. Quels seraient les risques de ne
pas les faire participer à la création de valeur ? La
co-création implique le consommateur au bon
moment dans un processus d’innovation et
beaucoup plus en amont par rapport à l’approche
traditionnelle. Celle-ci représente un processus
fondé sur la répétition et la reproductibilité, plutôt
que sur l’adaptation continuelle. Impliquer le
consommateur nécessite plus de souplesse, mais
permet à la fois une forme de crowdsourcing ou
« approvisionnement par la foule » et une forme
de feedback par anticipation. La marque de luxe
britannique, Burberry, en exploitant les médias
sociaux, invite ses clients à suggérer des dessins
pour le prochain imperméable. Face aux problèmes
soulevés par le transport de tissus vivants pour le
don d’organes, Fedex a développé, en travaillant
avec les patients, les chirurgiens et le personnel
d’hôpital, un logiciel sophistiqué pour contrôler les
conditions vitales du transport, comme la
température ou l’humidité.

S’il est essentiel de rester en lien avec ses


consommateurs, il ne suffit pas toujours d’écouter
les desiderata exprimés pour préparer l’avenir.
Henry Ford aurait déclaré : « Si j’avais demandé à
mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient
demandé un cheval qui va plus vite. » Et pourtant,
cela ne dispense pas d’une écoute des besoins
réels – ici, « se déplacer plus vite » – pour créer le
produit répondant à leurs attentes. Selon une étude
conduite par le spécialiste des questions digitales,
Brian Solis, 76 % des entreprises sont convaincues
qu’elles savent ce que veulent leurs clients, mais
seulement 34 % des services marketing leur ont
demandé ce qu’ils voulaient. Cet écart est
révélateur du regard quelque peu paternaliste que
trop d’entreprises, plus centrées sur elles-mêmes
que sur autrui, portent encore sur leurs clients.

Traiter les réclamations


La réclamation client est un exemple classique
d’une menace qui, en fait, constitue une
opportunité pour qui sait l’exploiter. Plutôt que de
considérer que les consommateurs sont forcément
des râleurs en puissance et qu’il faut se prémunir
contre leur capacité à jouer les trouble-fête,
l’entreprise devrait saisir la chance d’une plainte
pour combler le client. Car un client mécontent
dont la réclamation a été traitée efficacement
devient un ambassadeur de la marque plus actif
encore que celui qui n’a pas rencontré de difficulté.
Les convertis font les prosélytes les plus zélés.

Comment traiter efficacement les réclamations ?


Voici les étapes à suivre :

• D’abord, postuler que le client a raison et a ses


raisons, même si ma raison les ignore.
Répondre à l’attaque par une défense, pour
naturel que ce soit, est la pire réponse que l’on
puisse faire. Un autre écueil est la justification
personnelle : « Ce n’est pas de ma faute. Je ne
m’occupe pas de ça… » N’oublions pas que le
client ne s’adresse pas à nous personnellement
mais à l’entreprise.

• Un client mécontent est chargé d’émotion


négative. Il convient donc d’écouter. Écouter,
c’est d’abord se taire. Laisser le client
déverser, jusqu’à la dernière goutte, le flot
verbal qui exprime sa colère. Ce n’est
qu’ensuite que l’on pourra accuser réception :
« Je comprends votre mécontentement. Moi
aussi je serais insatisfait dans votre cas. »

• Dans un second temps, le message essentiel à


faire passer est que « son problème est mon
problème ». Chercher le coupable, c’est
s’éloigner de la solution. Il faut donc expliquer
que « je suis là pour trouver cette solution ».
Et que « non, le problème n’est pas entre
nous. Nous sommes tous les deux du même
côté. Notre intérêt commun est de trouver une
solution. Je suis moi aussi insatisfait de la
situation ». Il faut rassurer le client sur sa
capacité à mettre en œuvre tout ce qui est en
son pouvoir pour régler ce différend.

• La solution peut consister d’abord à promettre


d’agir pour résoudre le problème en informant
le client du résultat. Dans ce cas, il faut
absolument tenir parole.

• La meilleure solution consiste à dédommager


le client. Proposer une mesure commerciale est
un critère majeur de satisfaction.

En général, le manager doit trouver le courage


d’accorder à ses collaborateurs le pouvoir
nécessaire pour régler un problème avec un client
le plus rapidement possible et à la plus grande
satisfaction de celui-ci.
Pour en savoir plus

Jeffrey Liker, Thomas Y. Choi, « Building Deep Supplier


Relationships », Harvard Business Review, décembre 2004.

Jeffrey Liker, Le Modèle Toyota. 14 principes qui feront la


réussite de votre entreprise (Pearson).

Francis Gouillart, « Co-Creation : The Real Social-Media


Revolution », Harvard Business Review, 4 décembre 2012, en
ligne : https://hbr.org/2012/12/co-creation-the-real-social-m
e/.

Francis Gouillart Douglas Billings, « Community-Powered


Problem Solving », Harvard Business Review, avril 2013.

Brian Solis, What’s the Future of Business ? Changing the Way


Businesses Create Experiences (Wiley).
Testons nos connaissances

❶ Quel est le seul véritable client ?

❑ Notre fournisseur.

❑ Le consommateur final.

❑ Notre propre entreprise.

❑ Celui qui choisit son distributeur.

➋ Par son origine, qu’est-ce que le mot de


« client » implique ?

❑ Une relation d’égal à égal.

❑ Une communauté d’intérêt. ❑ Une forme de


dépendance.

❑ L’approvisionnement par la foule.

❸ Face à une réclamation client, il ne faut pas :

❑ écouter la plainte jusqu’au bout.

❑ proposer de dédommager le client.

❑ chercher une solution.

❑ se défendre immédiatement.
1 Jordan Katz, « Should You Treat Distributors Like Employees ? Or
Customers ? », Gallup Business Journal, 5 décembre 2014, en ligne : ht
tp://www.gallup.com/businessjournal/179873/treat-distributors-employee
s-customers.aspx.
DANS CE CHAPITRE
Comprendre l’impact de la société civile sur l’entreprise
et le manager

Répondre aux attentes de la société civile

Avoir recours à la veille et au lobbying

Chapitre 17
Manager dans le contexte de
la société civile
U n manager ne peut concevoir et mener à bien
l’ensemble de ses tâches sans intégrer les relations
avec la société civile. La société à laquelle il
appartient, les collectivités territoriales
responsables des régulations locales, les syndicats
de salariés, les ONG actives sur des sujets relatifs à
l’activité de l’entreprise qu’il dirige… l’interpellent,
formulent des questionnements, édictent des
normes et fixent des objectifs sociétaux à atteindre.
Ce sujet de la gestion des relations entre un
manager et des acteurs de la société civile est
relativement nouveau.

La question des relations entre des acteurs de la


société civile et l’État est apparue dans les sociétés
industrialisées dans les années 1970 avec
l’émergence, en Europe et aux États-Unis, de
mouvements d’idées, de protestations et de
revendications sociales d’émancipation. Il est
toujours d’actualité dans un grand nombre de pays
en développement qui ne sont pas encore
démocratiques. En revanche, la question des
relations entre des représentants de la société civile
et de la sphère marchande s’est affirmée plus
récemment, avec l’émergence des théories relatives
au développement durable et à la responsabilité
sociale des entreprises (RSE), ainsi qu’avec la
radicalisation des mouvements altermondialistes
nés d’une contestation des politiques conduites par
l’Organisation mondiale du commerce.

La plupart de ces organisations de la société civile


(OSC), catégorie générique qui comprend tous les
acteurs dont les ONG, groupes de pression et
associations, évaluent constamment, au travers des
réseaux sociaux, la capacité de l’entreprise à gérer
tous les enjeux susmentionnés. Comment le
manager peut-il se préparer à répondre à ces
demandes ? A-t-il un moyen de les anticiper ? Est-
il possible d’établir une sorte de mapping des
acteurs et des thématiques clés dans son
environnement ?

Comprendre la société civile


et ses acteurs
Si la définition de ce qu’est la société civile varie
selon les auteurs, la plus généralement acceptée est
celle de Larry Diamond (professeur à Stanford) :
« La société civile […] implique des citoyens qui
agissent collectivement dans un espace public pour
exprimer leurs intérêts, leurs passions et leurs
idées, échanger des informations, atteindre des
buts communs, interpeller les pouvoirs publics et
demander des comptes aux représentants de
l’État. » On pourrait compléter cette définition en
ajoutant que toutes ces interpellations et demandes
peuvent également être dirigées vers l’entreprise et
la sphère marchande au sens large.
La société civile est donc un espace auquel nous
appartenons en tant que citoyens, salariés,
responsables d’associations ou simples militants.
Le périmètre géographique peut varier : société
civile locale, nationale, européenne ou
internationale. Les organisations de la société civile
s’organisent librement dans un contexte où les
libertés individuelles et collectives sont garanties.
Elles ne poursuivent pas d’objectif visant un
quelconque profit mais œuvrent à la prise en
compte par les acteurs étatiques ou économiques
d’objectifs particuliers : insertion des handicapés,
lutte contre le harcèlement des femmes sur le lieu
de travail, lutte contre la disparition des espèces
animales…

Un ménage à trois
Il s’agit donc au total d’une interaction entre trois
ensembles :

Société civile Société politique Société


marchande

Syndicats de L’État et ses institutions Entreprises


salariés Justice Dirigeants
ONG Armée et ordre public Actionnaires
Associations Organisations Agriculture
Églises… internationales… Industrie
Services…

Les relations sont permanentes entre chacun de ces


ensembles : l’intérêt du manager porte surtout sur
le couple « société civile »/« société
marchande », mais il ne faut pas négliger
totalement le couple « société civile »/« société
politique » si l’on veut mieux comprendre
l’économie de leurs interactions.

L’entreprise, à la fois une


cible et un acteur
L’entreprise se trouve être à la fois un acteur à part
entière de la société civile, dont le point de vue est
tout aussi légitime que celui d’autres groupes, ET
une cible pour d’autres acteurs de la société civile
(comme les syndicats ou les ONG). Elle est parfois
même attaquée avec violence, comme en témoigne
la campagne médiatique employée par Greenpeace
en mai 2006 contre l’industrie chimique
européenne (CEFIC). Les débats étaient virulents à
l’époque entre la Commission européenne, qui
présentait le règlement REACH destiné à évaluer la
toxicité des substances chimiques avant leur mise
sur le marché, les entreprises de la chimie
utilisatrices de produits chimiques, et finalement
les ONG environnementalistes et les élus verts au
Parlement européen. Pour frapper les esprits et
susciter une réaction forte dans l’opinion publique,
Greenpeace a diffusé un photomontage avec le
président de la Commission européenne, Manuel
Barroso, et le commissaire allemand à l’industrie
de l’époque, Günther Verheugen, en train de
donner à boire à un nourrisson une éprouvette
remplie d’un liquide vert fluorescent avec une
étiquette sur laquelle figurait une tête de mort !

La légende était toute aussi agressive : « Lobby


toxique : comment l’industrie chimique est en train
d’essayer de tuer REACH. »

Comprendre le contexte
éthique de son action et les
attentes de la société civile
L’action du manager à l’égard de ses salariés,
actionnaires, fournisseurs et clients doit s’inscrire
dans un cadre éthique rigoureux et contrôlable par
des tiers. Il doit assurer non seulement la parfaite
et constante conformité des activités de l’entreprise
et des entités qu’elle contrôle avec l’ensemble des
lois juridiques, fiscales, sociales et
environnementales en vigueur, mais il doit
également être animé par le souci permanent de
mettre en œuvre de manière effective des mesures
concrètes répondant à des demandes de la société
civile :

• Lutte contre les discriminations liées à l’âge,


au sexe, à la race, à l’orientation sexuelle, à la
confession (embauche, accès à la formation,
rémunération, évolution de carrière).

• Politique active de lutte contre la corruption :


formation des acheteurs, transparence dans les
mécanismes de prise de décisions et dans la
composition des instances de décision.

• Véracité et fidélité des informations


comptables et financières.

• Rapport d’activité sur les démarches RSE pour


les entreprises concernées.

• Dialogue économique et social actif et


régulier.

• Insertion dans le schéma d’aménagement du


territoire et participation à l’animation
économique et sociale locale.

Les attentes de la société


civile et les réponses à
apporter
Les attentes exprimées à l’égard des entreprises
(indépendamment de leur taille) par des acteurs de
la société civile sont de plus en plus fréquentes,
diversifiées et incisives dans leur formulation
(tract, pétition, interview dans la presse locale,
caricature, photomontage agressif). Il peut s’agir,
par exemple, de demandes sur l’impact
économique, social et environnemental des
activités de l’entreprise et de ses filiales ou sous-
traitants à l’étranger, de questions sur la
composition de l’actionnariat et ses évolutions,
d’invitations à soutenir les entreprises locales
prestataires de services et fournisseurs. Comment
le manager doit-il se comporter vis-à-vis de ces
demandes ?

Il doit mettre en valeur la manière dont il respecte


toutes ses obligations légales mais il doit faire plus
en montrant qu’il va au-delà, en interrogeant les
représentants syndicaux sur leurs préoccupations,
en étant à l’écoute des acteurs du territoire
(associations, élus, parents d’élèves, riverains…).
Par exemple, en apportant des réponses dans les
trois domaines suivants :

• Social : subvention à une association caritative


pour faire partir en vacances au bord de la mer
des enfants de milieux défavorisés,
distribution gracieuse de fournitures scolaires,
organisation d’une collecte de sang en
interne…

• Environnement : participation aux campagnes


de nettoyage des berges, communication
publique sur ses consommations d’eau,
d’énergie et ses émissions de gaz à effet de
serre, actions de protection de la biodiversité
dans le canton…

• Économique : relations durables avec les


fournisseurs, valorisation des acteurs locaux,
opérations de mécénat en congruence avec les
valeurs de la culture d’entreprise…

Les entreprises peuvent, dans une certaine mesure,


prendre exemple sur la manière dont une
organisation internationale structure ses relations
avec la société civile :
Quand les Organisations de la
société civile (OSC) deviennent des
partenaires

Créée en 1990, peu après l’effondrement du


communisme, la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement (BERD) avait
comme finalité première d’aider au développement
des pays d’Europe centrale et de l’Est grâce à la
mobilisation de capitaux des secteurs privés et
publics. Depuis, elle a étendu ses opérations – qui
prennent la forme de prêts – à 40 pays, dont
plusieurs d’Asie centrale, afin d’investir dans les
secteurs de l’énergie, les banques, les
infrastructures, l’industrie et l’agro-industrie.

La BERD a décidé dès 2000 de structurer ses


relations avec les OSC, qui lui apportent de la
connaissance du terrain, des compétences
techniques, des idées novatrices et des solutions
aux problèmes locaux. En 2013, elle adopte le
cadre de renforcement des capacités afin
d’encourager la coopération et la collaboration
avec les parties prenantes de la société civile, en
particulier les groupes de jeunes, de personnes
handicapées, la population rurale, les autorités
locales concernées et les petites et moyennes
entreprises (PME). Cette initiative de renforcement
des capacités vise à favoriser le développement :

1. de véhicules de sensibilisation et de
stimulation de nouveaux modèles de
comportement social. Outils : formations et
ateliers à grande échelle pour un large éventail
d’acteurs de la société civile afin d’améliorer les
connaissances techniques et les compétences
en communication ; petites subventions pour
permettre aux stagiaires d’atteindre la
population générale ;

2. de « Centres d’excellence » pour le transfert de


connaissances et de compétences. Outils :
formation sur mesure et mentorat
d’organisations à but non lucratif individuelles,
y compris des groupes de réflexion et des
associations professionnelles, développement
de plateformes de dialogue, de consultations et
de mise en réseau multipartites ;

3. d’entreprises sociales qui utilisent les


mécanismes du marché pour remplir leurs
missions sociales. Outils : une combinaison de
conseil et de soutien institutionnel et financier
pour permettre aux acteurs de la société civile à
but non lucratif d’augmenter les revenus et de
les réinvestir dans l’amélioration des
opportunités économiques pour les
communautés défavorisées (actuellement à
l’étude).

Le cadre se concentre sur 4 domaines principaux :

• Énergie et ressources durables : il s’agit


de soutenir des projets contribuant à
l’efficacité énergétique résidentielle, à la
résilience climatique, au transport durable,
à la minimisation de la consommation
d’eau, d’énergie et de production de
déchets.

• Inclusion économique : la BERD aide les


acteurs de la société civile à promouvoir les
initiatives d’apprentissage par le travail, la
gestion participative des ressources,
l’entrepreneuriat social, afin d’augmenter les
opportunités économiques pour les jeunes
et les communautés rurales, tout en tenant
compte des considérations d’égalité des
sexes.
• Bonne gouvernance économique :
l’objectif est de renforcer les capacités des
OSC en matière de surveillance et
d’établissement de normes d’intégrité afin
de leur faire jouer un rôle dans l’élaboration
des politiques dans des domaines tels que
la transparence, la lutte contre la
corruption, l’amélioration du climat des
affaires et le suivi des marchés publics.

• Numérisation : les OSC ont montré leur


efficacité dans la réponse à la COVID-19 en
apportant des solutions de gestion des
urgences, de surveillance publique, de
financement d’équipements de protection,
de lutte contre la diffusion de fausses
informations. Le soutien à la transformation
numérique du secteur de la société civile a
été identifié comme un domaine critique
(plateformes numériques).

Depuis la mi-2013, 29 projets d’un montant total


d’environ 7 millions d’euros ont été financés,
et 13000 représentants des OSC ont bénéficié de
formation et de mentorat dans plus de 20 pays.
On constate que certains éléments de ce plan sont
très accessibles et permettent à une entreprise
même de taille modeste de structurer de manière
pertinente un dialogue avec la société civile
(rubrique sur le site Web, organisation de réunions
et d’ateliers…) sans aller bien sûr jusqu’à faciliter
l’ouverture de litiges contre des projets de
développement de l’entreprise que l’on dirige !

Régulation, société civile et


vie des entreprises
Même si, en théorie, la société civile est distincte de
la société politique à l’origine des régulations, du
point de vue d’un manager, les deux ensembles
peuvent se confondre. Ce dernier doit, en effet, se
conformer à un cadre réglementaire qui a été conçu
pour répondre à des attentes de la société civile et
dont les évolutions sont tributaires de celle-ci. On
peut dire que les organisations de la société civile
jouent un rôle de médiation entre les intérêts privés
et les intérêts publics.
L’impact de la régulation
sur le développement de
l’entreprise
Prenons le cas de la transition énergétique au
service de la lutte contre le changement climatique.
La loi adoptée par le Parlement le
22 juillet 2015 intègre des décisions sur l’évolution
du mix énergétique avec une réduction de la part du
nucléaire, mais elle contient également des
dispositions réclamées par des ONG
environnementales sur un sujet apparemment
trivial : faire de l’obsolescence programmée un
délit.

De quoi s’agit-il ? De « l’ensemble des techniques


par lesquelles un metteur en marché vise à réduire
délibérément la durée de vie d’un produit pour en
augmenter le taux de remplacement ». Lorsqu’un
plaignant est en mesure de démontrer, preuves à
l’appui, que telle était bien l’intention du fabricant,
ce dernier peut être sanctionné par deux ans
d’emprisonnement ou écoper d’une amende
pouvant aller jusqu’à 300000 €.
Cette définition du délit d’obsolescence
programmée a été modifiée par la loi sur
l’empreinte environnementale du numérique
promulguée le 15 novembre 2021 : « Est interdite la
pratique de l’obsolescence programmée, qui se
définit par le recours à des techniques, y compris
logicielles, par lesquelles le responsable de la mise
sur le marché d’un produit vise à en réduire
délibérément la durée de vie. » En supprimant la
condition d’intentionnalité selon laquelle le
requérant devait prouver que le responsable de la
mise sur le marché des produits avait pour objectif
d’augmenter leur taux de remplacement, le
législateur allège la charge de la preuve pour les
consommateurs, ce qui devrait conduire à une
recrudescence du nombre d’actions en justice.

Fabricants de batteries, de smartphones, de


consoles, d’imprimantes, tremblez devant ce
nouveau délit crée par la loi française ! Mais étiez-
vous au courant ?

Les bonnes réponses : la


veille et le lobbying
Le meilleur recours, c’est la veille et le lobbying.
Qu’est-ce que cela signifie pour un manager ? Il
doit assurer une veille sur les évolutions sociétales
et réglementaires dans le champ de ses activités,
par rapport à son profil d’entreprise (familial, ETI,
groupe), avec une couverture géographique adaptée
à l’implantation de ses sites. Si l’entreprise qu’il
anime exerce son activité dans la conception, la
réalisation, la sous-traitance ou la distribution de
vêtements, il doit, par exemple, être informé d’une
nouvelle obligation à laquelle il est soumis depuis le
décret no 2015-295 du 16 mars 2015 pris en
application de l’article L. 117-1 du Code de la
consommation. Le metteur en marché doit assurer
à un consommateur qui en ferait la demande que
les conditions sociales de fabrication des produits
qu’il commercialise en France sont conformes aux
huit conventions sociales fondamentales de
l’Organisation internationale du travail (travail
forcé, liberté syndicale, négociation collective,
égalité de rémunération, abolition du travail forcé,
lutte contre les discriminations, travail des enfants)
ainsi qu’aux pactes relatifs aux droits civils et
politiques, aux droits économiques, sociaux et
culturels, aux droits de l’enfant et aux droits des
personnes handicapées.
Un nouveau décret du 29 avril 2022 relatif à
l’article 13 de la loi AGEC (Antigaspillage pour une
économie circulaire), adoptée en février 2020,
complète cette obligation de transparence vis-à-vis
des consommateurs. Les metteurs sur le marché
devront désormais indiquer la traçabilité de chaque
produit, a minima depuis le tissage/tricotage
jusqu’à la confection, en passant par la teinture et
l’impression « sous un format dématérialisé,
accessible sans frais en amont et au moment de
l’acte d’achat ». Cette « fiche produit relative aux
qualités et caractéristiques environnementales »
permettra d’en savoir davantage sur la proportion
de matières recyclées, la présence de substance
dangereuses, et le rejet de microfibres plastiques
dans l’environnement lors du lavage. Dès le 1er
janvier 2023, les entreprises qui réalisent un chiffre
d’affaires annuel supérieur à 50 M€ et qui mettent
sur le marché au moins 25000 produits devront se
mettre en conformité avec la loi.

Comment faire ? Il faut par exemple :

• se doter en interne d’une équipe de veille et de


spécialistes des affaires publiques ;

• recourir à des cabinets spécialisés de manière


permanente ou ponctuelle par rapport à
l’anticipation d’une menace ;

• structurer et nourrir un dialogue continu avec


ses principales parties prenantes ;

• tenir à jour, en en informant ses équipes et


ses actionnaires, de l’état de mobilisation des
organisations de la société civile sur un
nouveau développement envisagé par
l’entreprise qui soulève une question éthique…

Un autre moyen peu coûteux pour être informé des


principales évolutions dans son secteur de
l’environnement réglementaire en France, en
Europe et dans le monde consiste à adhérer à une
organisation professionnelle de branche nationale
ou européenne. Ces acteurs, qu’ils relèvent des
réseaux MEDEF (Mouvement des entreprises de
France) ou CGPME (Confédération générale des
PME), sont des partenaires sociaux et des acteurs
systématiquement consultés par les pouvoirs
publics sur tous les projets de régulation dans les
domaines sociaux, fiscaux ou économiques.

Une méthode visuelle souvent utilisée par les


spécialistes de la veille consiste à établir un
mapping des risques auquel l’entreprise, du fait de
son activité, est exposée. On fait figurer sur un
graphique, qui doit être actualisé régulièrement
concernant l’évolution de la position des acteurs, la
répartition des intérêts en présence par rapport à
une évolution stratégique clé : fabriquer un
nouveau produit, changer de modèle économique
avec les réseaux de distribution, s’allier avec un
partenaire étranger…

Un tel mapping permet en un clin d’œil d’identifier


les acteurs clés afin d’élaborer une stratégie à leur
égard : une stratégie de coopération et d’alliance
avec les acteurs favorables et une stratégie de
cantonnement, d’opposition ou de neutralisation
vis-à-vis des « anti » les plus influents.

Au-delà de la veille, et lorsque l’entreprise


intervient durablement sur une thématique qui
soulève des oppositions fortes des organisations de
la société civile ou qui mobilise le régulateur, c’est
une véritable action d’influence qu’il faut
construire dans la durée, en élaborant une stratégie
de lobbying. Ce mot, dérivé du « couloir » ou de la
« salle des pas perdus » dans une assemblée,
désigne l’ensemble des actions qu’une entreprise,
une filière ou une organisation va mettre en œuvre
pour éviter, ou atténuer, l’effet d’une décision ou
d’une campagne pénalisante pour son activité
(lobbying défensif) ou, au contraire, obtenir un
avantage concurrentiel dans son environnement
par rapport à ses concurrents (prise de
participation, crédit d’impôt, nouvelle
réglementation…).

Pour en savoir plus

Gautier Pirotte, La Notion de société civile (La Découverte).

Jeanne Planche, Société civile. Un acteur historique de la


gouvernance (Charles Léopold Meyer).

Zaki Laïdi, « La société civile internationale existe-t-elle ?


Défaillances et potentialités », CFDT Cadres, 410-411,
juillet 2004, en ligne : http://www.larevuecadres.fr/la-société-
civile-internationale-existe-t-elle%C2%A0.
Testons nos connaissances

❶ Lequel des éléments suivants n’est pas un


acteur de la société civile ?

❑ Une église.

❑ Le ministère des Finances.

❑ Greenpeace.

❑ Un syndicat.

➋ Lequel des éléments suivants n’est pas


normalement lié à une demande de la société
civile ?

❑ La lutte contre la discrimination.

❑ La RSE.

❑ La veille.

❑ La lutte contre la corruption.

❸ Le lobbying défensif consiste à :

❑ obtenir un avantage concurrentiel.

❑ mettre en place un système de veille.

❑ atténuer les conséquences d’une décision


politique.
❑ identifier ses ennemis.
DANS CE CHAPITRE
Identifier les véritables priorités

Gérer son énergie

Gérer l’énergie des autres

Être cohérent avec soi-même

Chapitre 18
Équilibrer vie professionnelle
et vie personnelle
N ous entendons de la part de nos aînés qu’il est
« important de séparer la vie professionnelle de la
vie personnelle pour se préserver ». Qu’il faut
« s’endurcir », ne pas « tout mélanger », qu’il est
essentiel pour l’équilibre d’un bon manager de bien
« dissocier vie pro et vie perso », car les troupes
ne se fient qu’à des hommes et des femmes solides.
Quel paradoxe ! Il s’agit certes de deux univers
mais au sein d’une seule et unique vie, et c’est bien
un seul et unique être humain qui est aux manettes.

Comment faire en sorte que notre vie


professionnelle n’empiète pas sur notre vie
personnelle ? Comment maintenir une harmonie ?
Comment préserver ce qui est important pour
nous ? Peut-être déjà en commençant par ne pas
différencier vie professionnelle et vie personnelle
dans l’identification de nos facteurs de
performance.

Identifier nos véritables


priorités pour bien gérer
notre temps
La montre est souvent le seul paramètre que l’on
utilise pour réguler notre gestion du temps, mais la
vision globale de notre vie va nous permettre de
donner du sens à nos décisions. C’est une erreur de
se dire, par exemple, que si nous arrivons à finir à
temps notre journée de travail, nous irons à notre
cours de karaté. L’énergie est à répartir en amont.
Si, pour nous, aller au karaté le mardi soir est
important, il faut organiser notre journée en
fonction. En identifiant correctement nos priorités,
nous gagnons du temps sans entamer notre
productivité. Quelle est la différence ici entre une
montre et une boussole ? La montre représente le
séquencement et la durée de nos activités mais ne
dit rien quant à l’importance relative de ces
activités. En revanche, la boussole représente notre
orientation : elle indique la direction générale que
nous voulons donner à notre vie, le sens que nous
conférons à nos différentes activités. Dans
l’équilibrage des versants professionnels et
personnels de notre vie, il faut utiliser la boussole
autant que la montre.

Faire le deuil du
« manager débordé »
Le premier secret de la gestion du temps est encore
d’accepter de ne plus être débordé. Étrangement,
encore aujourd’hui, dans de nombreuses
entreprises françaises, être débordé, courir partout,
ne pas avoir une minute, ne pas être disponible est
quelque chose de valorisé. Dans l’inconscient
collectif, cela signifie que l’on est important, que
l’on a beaucoup de responsabilités. Encore plus
étrangement, gérer correctement son temps, être
disponible, trouver du temps au dernier moment,
être posé, finir sa journée dans les temps, n’est pas
vraiment valorisé alors que c’est la clé d’une
organisation optimale. De nombreux pays anglo-
saxons et scandinaves accordent déjà une grande
valeur à la « bonne » gestion du temps, et ces pays
ne comptent pas pour les moins productifs !

La « loi de Parkinson »
Selon la loi énoncée de manière à la fois
humoristique et sérieuse par l’historien britannique
Cyril Northcote Parkinson, tout travail d’un
fonctionnaire se prolonge pour occuper
entièrement le temps qui a été affecté à sa
réalisation. Nous pouvons reformuler ainsi cette loi
dans le contexte présent : « Plus on a de temps
pour une tâche, plus cette tâche prendra du
temps1. » La conséquence de cette loi pour nous,
c’est que, lorsqu’on ne fixe pas de limite horaire ou
calendaire dans la réalisation d’une tâche ou la
prise d’une décision, celles-ci s’éternisent. Il faut
donc borner son temps et celui des autres, en
faisant préciser les délais : « Avez-vous cinq
minutes ? — Oui, j’ai cinq minutes
précisément ! »« Répondez-moi dès que vous
pouvez » peut devenir : « Répondez-moi
avant 18 h 00. »

Nous pouvons utiliser la fameuse matrice


d’Eisenhower (présentée au chapitre 3) pour
catégoriser toutes nos activités, qu’elles relèvent de
notre vie professionnelle ou de notre vie
personnelle. Cela nous permet de distinguer entre
ce qui est urgent et ce qui est important et ainsi
d’identifier ce qui est à la fois urgent et important.
Les tâches importantes sont celles dont la non-
réalisation entraînerait des conséquences graves. Il
est étonnant de voir combien d’activités
représentent des tâches clés à planifier ou des
tâches parasites à repenser.

Moins urgent Plus urgent

Plus Tâches clés – à Tâches prioritaires – à faire


important planifier maintenant

Moins Tâches parasites – à Tâches « pompier » – à déléguer


important repenser si possible
Bien communiquer sur
son organisation
Selon une loi connue sous le nom de « loi de
Carlson », « le temps perdu à cause de
l’interruption d’une tâche est supérieur au temps
de l’interruption ». Car remobiliser son attention
demande du temps et de l’énergie, et la transition
peut se révéler beaucoup plus chronophage et
énergivore qu’on ne pourrait l’imaginer. Ainsi, les
interruptions non maîtrisées sont à limiter. Les
tâches parasites sont souvent liées aux
interruptions non programmées dans la journée :
différents collaborateurs qui font irruption dans
notre bureau pour des questions diverses,
différentes « urgences » que l’on nous demande
de régler rapidement.

D’où l’importance de communiquer clairement sur


ce qui est gérable ou pas dans notre mode de
fonctionnement. Il nous faut fabriquer un
référentiel commun avec notre entourage, ce qui
permettra de déterminer ce que nous permettons et
ce que nous ne permettons pas comme intrusion.
Par exemple, nous pouvons décider qu’un
collaborateur peut nous déranger hors permanence
si, et seulement si, la résolution est un arbitrage
qui vous prendra moins de 2 minutes : un simple
choix, par exemple, entre option A ou option B.
Pour toutes les questions de fond qui demandent
plus de temps, nous pouvons reprogrammer un
rendez-vous de travail. Communiquer sur notre
fonctionnement est impératif dans la mesure où
cela permet à notre entourage d’être responsable de
l’effet produit sur nous. Une communication floue
augmente les temps de justifications hasardeuses et
chronophages de la part de collaborateurs qui
voudraient nous imposer leurs priorités de manière
non planifiée.

Réduire les tâches parasites renvoie souvent au


problème de réduire les temps d’échanges
informels que nous trouvons utiles aussi pour créer
une bonne qualité de relation. Bonne nouvelle, ces
temps-là aussi sont programmables : pourquoi ne
pas accorder des temps privilégié aux uns et aux
autres à des moments de la semaine qui sont
pertinents dans notre agenda ? Le mardi et le jeudi,
une demi-heure après déjeuner ? C’est à nous
d’organiser un fonctionnement efficient pour
préserver nos objectifs pro et perso et la qualité de
nos relations en général. À chacun de mettre en
place le système le plus pertinent par rapport à ses
besoins.

Gérer notre énergie


Cette fois, c’est une loi attribuée au penseur
écologique Ivan Illich, la « loi d’Illich », qui nous
enseigne qu’« au-delà d’un certain seuil,
l’efficacité humaine diminue jusqu’à devenir
négative ». C’est la loi des rendements
décroissants. Au bureau, au-delà de 90 minutes,
l’attention est en chute libre. Alors, inutile de
s’acharner sur un dossier en négligeant le déjeuner
ou en restant beaucoup plus tard que prévu, la
journée à rallonge ne nous rendra pas plus
efficients. Si obtenir notre ceinture marron de
karaté est un objectif important pour nous, alors il
doit trouver sa place dans notre agenda. Sans quoi
nous allons nous retrouver dans un état de
frustration contre-productif et surtout
extrêmement consommateur d’énergie. Ne nous
cachons pas derrière notre travail pour ne pas
avancer sur la globalité de nos projets. Dans la vie
personnelle aussi, il va falloir arriver à identifier
nos priorités réelles, c’est-à-dire celles qui
génèrent de la véritable satisfaction et donc de
l’énergie. Ces arbitrages-là ne peuvent pas faire
l’économie d’une explication claire dans notre
entourage.

Rendre concrète la
notion de ressources
À quoi cela sert-il de stocker de l’énergie, de
l’emmagasiner comme un chauffe-eau solaire ?
Pour tous ces jours où il nous est impossible de
faire autrement, pour tous ces jours où la tâche ou
l’activité est subie, ou très fatigante car la
contrainte de masse de travail est trop grande. Il
faut donc rendre concrète la notion de ressources.
Prenons une analogie toute simple, en imaginant
que les ressources dont nous avons besoin chaque
jour pour être efficaces dans notre vie sont notre
carburant. Ce carburant, comme toutes les
énergies, peut être mis en stockage et renouvelé,
mais il n’est pas inépuisable.

Naturellement, et cela varie d’une personne à


l’autre, nous avons la capacité de stocker de
l’énergie pour faire face à différentes situations,
dont certaines demandent beaucoup de ressources,
d’autres moins, certaines pas du tout. Ce sont ces
dernières qui génèrent des ressources et alimentent
notre réserve.

Il est possible d’identifier au sein de chaque


univers, professionnel et personnel, ce qui nous
coûte plus ou moins d’énergie, afin de ne pas nous
retrouver à sec. Notre réservoir doit toujours être
suffisamment plein pour souffrir de variations
fortes. Nous ne sommes jamais à l’abri d’un
imprévu qui viendrait épuiser la quasi-totalité de
nos réserves : une énorme charge de travail ou un
problème familial.

Il y a une économie des flux : ne disons jamais que


tous les jours se ressemblent. Certains jours, nous
aurons plus d’entrées que de sorties et
inversement. Prenons un exemple : c’est le matin
du lancement d’un nouveau projet dont vous êtes le
pilote, vous allez devoir prendre des décisions et
mobiliser un maximum de ressources. Un jour
comme celui-ci est a priori « coûteux ». Pourquoi a
priori ? Car même sur un jour coûteux, nous
pouvons récupérer de l’énergie, par exemple si tout
se passe comme nous l’avions prévu. Si notre
travail est reconnu, alors la satisfaction que nous
allons en retirer nous permettra de trouver un
équilibre entre coût et bénéfice.
Parfois, il faut prendre le risque d’investir plus au
départ (en préparation, en gestion logistique, en
gestion de personnel, en clarification des objectifs,
en formalisation…) pour optimiser le retour sur
investissement. Il faut donc identifier avec
pertinence les temps qui peuvent générer de
l’énergie sur le plan personnel. Normalement, les
moments de plaisir, de partage avec ceux que l’on
aime (la famille ou les amis) sont générateurs
d’énergie.

La satisfaction
immédiate : un faux ami
En général, la satisfaction immédiate n’est qu’un
mirage pour notre bien-être et ne viendra remplir
notre cuve que d’une vapeur éphémère qui fera
monter la jauge fictivement le temps d’un bref
instant. Cette forme de satisfaction est à utiliser
avec parcimonie. L’important, c’est d’en avoir
conscience et de ne pas se laisser leurrer.

Prenons une image : vous pouvez tolérer d’avoir


cédé au plaisir intense d’une énorme cuillère de
Nutella une fois de temps en temps. Mais si cela se
répétait trop souvent, plusieurs fois par jour et par
semaine, vous seriez plus victime de culpabilité que
bénéficiaire du plaisir gustatif. Il en va de même
pour nos deux univers, professionnel et personnel.
L’équilibre passe par l’évaluation la plus subtile de
ce qui va nous nourrir de façon pérenne et de ce qui
nous rassure sur l’instant sans pour autant enrichir
notre leadership.

Vous ne supportez plus la lenteur ou le manque


d’investissement d’un de vos collaborateurs ? Ce
qu’il ne faut pas faire, pour votre survie, c’est
d’attendre en vous disant qu’il finira par
comprendre à force de petites insinuations. Non,
car dans ce cas précis, vous êtes en situation de
leurre : cela vous soulage sur l’instant de gérer la
situation en surface avec une petite réflexion. Vous
faites le calcul que c’est une période dense, que le
rythme de travail est soutenu, inutile d’en
demander plus à tout le monde, nous verrons plus
tard… Erreur ! Si vous prenez le temps de faire un
débriefing avec ce collaborateur, si vous l’amenez,
en plusieurs étapes judicieusement menées, à
comprendre que vous avez une réflexion à mener
ensemble, si vous l’accompagnez dans
l’incorporation de l’idée qu’il peut faire autrement,
alors vous aurez gagné sur tous les plans :
• Pour vous – une situation parasite en moins.
Une fois autonome, ce collaborateur ne vous
prendra plus d’énergie inutilement.

• Pour vous deux, dans la relation


managériale – une relation de qualité est
amorcée par la confiance et la co-construction,
ce qui nécessite moins de remettre le métier
sur l’ouvrage.

• Pour lui – la découverte d’une nouvelle partie


de ses compétences et l’acquisition d’une
énergie supplémentaire, probablement à
mettre au profit d’autres chantiers en cours.

Être aligné
Notre pire ennemi en matière d’énergie, c’est
l’inconfort du non-alignement. Il s’agit de tous ces
moments où vous êtes à un endroit ou dans une
tâche, tandis que le reste de votre esprit se
demande pourquoi vous êtes là, ou pourquoi vous
avez dit « oui ». Nous sommes alignés quand ce
que nous ressentons est en accord avec ce que nous
disons et avec ce que nous faisons.

Un collaborateur vous demande du temps une


énième fois alors qu’au fond de vous, vous trouvez
qu’il n’est pas très actif ? Il faut trouver un moyen
de vous aligner. Il y a deux façons :

• Soit vous refusez de lui consacrer du temps,


en trouvant un moyen diplomatique
d’exprimer votre refus.

• Soit vous acceptez, mais en vous persuadant


qu’il a de bonnes raisons de vous demander de
l’aide.

Dans les deux cas, l’objectif est que ce que vous


ressentez soit en accord avec ce que vous dites mais
aussi avec ce que vous faites. Il suffit d’utiliser le
tableau suivant :

Moi Alignement

Ce que je ressens Oui/non

Ce que je dis Oui/non

Ce que je fais Oui/non

Nous capitalisons lorsqu’il y a un alignement


parfait entre notre ressenti intérieur et nos paroles
et nos actes.

Imaginez que vous êtes convié à un repas de famille


un beau dimanche de printemps, et pour ne pas
blesser votre grand-tante, vous avez accepté de
vous y rendre alors que vos meilleurs amis sont
partis faire une randonnée qui vous faisait
beaucoup plus envie. Comment est votre tableau ?
Cet exemple met en évidence que, contrairement à
ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas
forcément les moments dits « de détente » qui
infléchissent le curseur vers le positif.
Évidemment, on ne peut pas systématiquement
aligner les trois dimensions, mais c’est très
souvent possible, ce qui nous laisse de l’énergie
pour toutes les fois où c’est impossible.

Voici six qualités qui nous permettent de gagner


systématiquement en ressources énergétiques :

• La clarté. Être clair avec soi, ses envies, son


positionnement, son engagement. Être clair
avec les autres et faire régulièrement des
points d’étape pour s’assurer qu’on est
toujours en accord, tant dans son équipe que
dans sa famille. Si une situation évolue, ne
laissons pas le trouble s’installer.

• L’anticipation. Rien ne se passe jamais comme


on l’a prévu. Lorsque c’est important pour
vous, cherchez à anticiper et à réduire l’impact
des pépins.
• La liberté. Donnez aux autres la liberté de
choisir, afin de ne pas porter par la suite la
culpabilité d’une situation. Donnez
suffisamment d’éléments à vos collaborateurs,
à votre entourage, pour qu’ils puissent choisir
en toute liberté de vous suivre ou non.

• La cohérence. Être cohérent évite de


déstabiliser votre entourage. La régularité dans
les actions et les réactions donne des repères
qui permettent à une équipe de s’assainir. Si
vous reconnaissez un temps de surcharge de
travail pour vos équipes, ne lancez pas dix
nouveaux projets le lendemain. Si vous parlez
de restrictions budgétaires, n’étalez pas votre
visite dans la filiale canadienne en
hôtel 5 étoiles.

• La neutralité. Ne prenez pas parti dans les


conflits des autres. Ne créez pas d’alliances
individuelles, même si vous avez des affinités
avec certains plus qu’avec d’autres. Cela
génère trop de non-dits et de tensions qu’il
vous faudra réguler à un moment ou à un
autre.

• Le cadre. Déterminez un cadre clair et tenez-le


fermement. À l’intérieur de ce cadre, la marge
de manœuvre peut être extrêmement grande.
C’est à vous de délimiter le périmètre que vous
vous sentez à même de contrôler. N’allez pas
au-delà.

Soyons justes et notre entourage le sera aussi. La


simplicité dans l’échange permet de travailler de
façon constructive, même si cela prend plus de
temps à mettre en place. Ne surjouons pas de notre
posture de manager. Faisons confiance aux
capacités des personnes qui nous entourent : elles
sont souvent simplement en sommeil du fait de ne
pas être suffisamment sollicitées. Pour un bon
équilibre entre vie professionnelle et vie
personnelle, il faut jouer collectif. Si nous
répartissons les actions dans le temps et dans
l’espace, alors les objectifs seront atteints.

Nous vivons des mutations sans précédent. La crise


sanitaire a remis en cause notre rapport à l’espace
et au temps, et a fait s’effondrer de nombreuses
frontières, notamment entre l’espace professionnel
et l’espace personnel. La société est pleine
d’injonctions, elle marque de plus en plus
d’attentes, et de plus en plus vite. Nos vies
quotidiennes se modifient, changeant
irrémédiablement les modes de vie des personnes
(individus, couple, famille), des organisations
(télétravail, école) et les processus de décisions.
Jusqu’où faut-il marquer nos différences ? En quoi
ces différences permettent d’entrer en résonance
avec l’autre pour être en relation ? Quels
frottements nous façonnent, nous transforment ?

Discutons les rôles historiques qui ont été attribués


à chacun des genres. Sont-ils encore acceptables
aujourd’hui ? Sont-ils adaptés ? C’est le moment de
s’affranchir de ce qui a été imposé culturellement
aux femmes et aux hommes, pour revisiter nos
aspirations, nos modes de fonctionnement, et
préparer un avenir qui a du sens pour nous, marqué
par une coopération plus juste entre les genres.

Pour en savoir plus

Roger Moyson, Une nouvelle gestion du temps ! Qualité de vie


et efficacité personnelle (De Boeck).

Christine Mirabel-Sarron, Nayla Chidiac, Bien gérer son temps.


Pour vivre mieux (Odile Jacob).

Lothar J. Seiwert, Prendre son temps pour en gagner. Gérez vos


priorités, rééquilibrez votre vie (Eyrolles).
Testons nos connaissances

❶ Une tâche qui n’est ni urgente ni importante


est une tâche :

❑ parasite.

❑ « pompier ».

❑ clé.

❑ prioritaire.

➋ La « loi de Parkinson » décrit une situation où :

❑ on nous interrompt constamment.

❑ les rendements sont décroissants.

❑ notre énergie doit être dosée.

❑ une tâche prend tout le temps qui lui est


attribué.

❸ Pour bien gérer son temps et son énergie, un


manager a besoin d’aligner les éléments
suivants, sauf un. Lequel ?

❑ Ce qu’elle/il ressent.

❑ Ce qu’elle/il dit.

❑ Ce qu’elle/il boit.
❑ Ce qu’elle/il fait.

1 Roger Moyson, Gérer son temps et son stress. Pour un nouvel humanisme,
De Boeck.
Partie 5
La partie des Dix
Dans cette partie…

Deux sections très courtes et faciles à consulter


vous aideront à approfondir votre propre réflexion
sur le management moderne.
Chapitre 19
Dix éléments en conflit dans
le management actuel
E n ce moment, le management et le monde de
l’entreprise connaissent un changement de
paradigme. Dans la vie professionnelle, le système
de nos relations, influences et interactions est en
train d’évoluer, donnant lieu à de nouvelles
propriétés émergentes. Le manager de l’avenir,
mais déjà le manager actuel, doit s’adapter aux
nouvelles exigences de son rôle au quotidien. Le
nouveau paradigme se décline à travers des conflits
entre les dix éléments suivants :

Le passé ? L’avenir ?

L’autorité contre Le leadership

La bureaucratie contre Les « 3U »


routinière

Le reporting simpliste contre La culture d’entreprise « apprenante »

La rente contre La création de valeur


L’attitude « chacun pour contre L’équilibre intérêts individuels/intérêts
soi » collectifs

L’autorité contre le
leadership
Le management fondé sur le commandement pur et
simple (en anglais command and control), où le
manager tire son autorité de son rang dans la
pyramide hiérarchique, cède la place à une autorité
fondée surtout sur la capacité d’initiative, la force
de persuasion personnelle et une compréhension
profonde des autres – leurs compétences, leurs
motivations et leurs besoins. Pour attirer et
conserver les meilleurs talents et pour relever les
défis des marchés d’aujourd’hui en constante
mutation, l’autoritarisme ne suffit plus.

La bureaucratie routinière
contre les « 3U »
La bureaucratie routinière, où l’on se contente
d’appliquer des procédés toujours identiques, se
révèle totalement inadéquate face à la complexité
de la vie quotidienne de l’entreprise. Si ses
collaborateurs doivent faire preuve de plus
d’autonomie et de jugement individuel, le manager
à son tour doit leur laisser plus de marge de
manœuvre. Il doit les encourager et les préparer à
être ainsi plus agiles. Il veillera désormais à ce que
tout procédé dans l’entreprise soit utile, utilisable et
utilisé (les 3U) – c’est-à-dire, a) pertinent par
rapport à l’objectif fixé ; b) adapté aux moyens
réels qui sont à la disposition des collaborateurs sur
le terrain ; et c) véritablement mis en œuvre.
L’origine des procédés – qu’ils soient décidés par la
direction de l’entreprise ou inventés et bricolés par
les collaborateurs – est secondaire pourvu qu’ils
répondent à ces trois critères.

Le reporting simpliste contre


la culture d’entreprise
apprenante
Les systèmes de reporting simplistes, qui
réconfortent le manager en lui donnant l’illusion de
contrôler la situation et en lui permettant de
désigner des « coupables » quand les choses se
passent mal, n’ont pas prise sur la réalité et
gaspillent des ressources. Les meilleures
entreprises d’aujourd’hui sont en train de
développer de véritables cultures « apprenantes »
(en anglais learning cultures) où on traite l’erreur en
la considérant comme une source de leçons
pratiques au lieu d’une faute à punir.

La rente contre la création


de valeur
Dans le monde traditionnel, la valeur ajoutée et les
récompenses sont très souvent calculées en
fonction surtout de chiffres (pour la valeur ajoutée)
et de situations (pour les récompenses).
Aujourd’hui, on reconnaît de plus en plus la
contribution à la valeur de la créativité immatérielle
et on respecte de moins en moins la part de rente
exigée par ceux qui se sont fait une « place au
soleil » dans la hiérarchie. Pour récompenser les
vrais talents dans nos organisations et les fidéliser,
il faudra savoir apprécier plus finement la création
de valeur dans l’entreprise.

L’attitude « chacun pour


soi » contre l’équilibre
intérêts individuels/intérêts
collectifs
Dans les organisations pyramidales qui ont
tendance à écraser les individus, l’attitude égoïste
peut acquérir une dimension positive dans la
mesure où elle semble constituer un acte de révolte
contre le système. Aujourd’hui, l’individu plus que
jamais réclame son autonomie face au
« Léviathan » organisationnel, mais plus que
jamais nous avons besoin de travailler en équipe.
Chaque acteur doit intégrer son équipe, y
contribuer, être disponible pour les autres et
respecter les objectifs communs ; mais l’équipe doit
s’adapter dans une certaine mesure aux
caractéristiques et aux besoins particuliers de ses
membres. Savoir faire la part du collectif et de
l’individuel est désormais une des capacités
fondamentales du manager.
Chapitre 20
Dix classiques de la littérature
managériale
V oici dix livres classiques pour vous permettre de
découvrir différentes approches du management. Si
ces livres présentent parfois des thèses
contradictoires, c’est au lecteur de trancher !

Bâties pour durer. Les


entreprises visionnaires ont-
elles un secret ?
Jim Collins, Jerry I. Porras. Éditions First.

Votre entreprise est-elle bâtie pour durer ? Jim


Collins et Jerry Porras, tous deux professeurs à
Stanford, nous montrent par leurs recherches
poussées que les entreprises qui perdurent sont
celles qui ont une vision. Un best-seller pour
appréhender le concept « d’entreprise
visionnaire ».
De la performance à
l’excellence. Devenir une
entreprise leader
Jim Collins. Pearson.

Votre entreprise est-elle performante ou


excellente ? Jim Collins explique les secrets des
entreprises qui réussissent mieux que les autres. Et
si ce n’était pas qu’une question de vision ou de
leadership charismatique ?

L’Entreprise consciente.
Comment créer de la valeur
sans oublier les valeurs ?
Fred Kofman. Éditions des Îlots de résistance.

Êtes-vous plutôt victim ou player ? Knower ou


learner ? Fred Kofman nous fait travailler sur nous-
mêmes et nous fait prendre conscience des
comportements parfois négatifs que nous pouvons
avoir dans l’entreprise. Une bible du management
pour créer de la valeur sans faire l’impasse sur ses
valeurs.
La Sagesse des foules
James Surowiecki. Éditions J.-C. Lattès.

Comment utilisez-vous l’intelligence collective


dans votre entreprise pour répondre à vos enjeux ?
L’économiste James Surowiecki nous montre que
les plus grandes décisions de l’histoire ont été
prises de manière collective et que cette notion ne
s’applique pas qu’à la politique. En effet, la somme
des intelligences non expertes sur un sujet peut
être supérieure à un celle d’un expert pour régler
un problème complexe.

Les Employés d’abord, les


clients ensuite. Comment
renverser les règles du
management
Vineet Nayar. Éditions Diateino.

Le client, toujours le client, encore le client. Tout


est fait dans l’entreprise pour le client. Expérience
client, stratégie client, fidélisation client… Pourtant
est-ce vraiment le client qui crée la valeur de
l’entreprise ? Dans son livre comme dans son
entreprise, Vineet Nayar pense à ses employés
d’abord, les clients ensuite. Un livre rafraîchissant
pour renverser les règles du management.

Alerte sur la banquise ! Réussir


le changement dans n’importe
quelles conditions
John Kotter, Holger Rathgeber. Village Mondial.

Quelle est votre expérience de la conduite du


changement ? John Kotter nous propose, à travers
l’histoire de Fred le Pingouin, la meilleure approche
pour réussir un changement face aux résistances
que l’on peut vivre. Une métaphore enfantine pour
comprendre un sujet qui est loin d’être enfantin !

Gamestorming. Jouer pour


innover. Pour les innovateurs,
les visionnaires et les
pionniers
Dave Gray, Sunni Brown, James Macanufo. Éditions
Diateino.
Comment rendre vos réunions, vos ateliers, vos
temps de réflexion et de créativité plus efficients et
plus plaisants ? Ce livre va vous permettre, à
travers plus de quatre-vingts jeux, de stimuler la
créativité de vos équipes. Qui a dit que plaisir et
travail n’étaient pas compatibles ?

Business model. Nouvelle


génération. Un guide pour
visionnaires, révolutionnaires
et challengers
Alexander Osterwalder, Yves Pigneur. Pearson.

Nous sommes passés d’une consommation de la


musique avec l’achat de cassettes et CD au droit
d’écouter de la musique par le paiement d’un
forfait (par exemple, Deezer). Aujourd’hui, nous
parlons d’ubérisation de l’économie. Et vous, quel
est votre business model ? Que faites-vous
aujourd’hui pour adapter votre business model à vos
clients ?

Ce livre va vous apporter de nouvelles façons de


penser et des outils pratiques pour innover et créer
de la valeur.
L’Intelligence émotionnelle
Daniel Goleman. J’ai lu.

Quel est votre niveau d’intelligence émotionnelle ?


Si pour beaucoup d’entreprises, émotions et travail
ne vont pas ensemble, les émotions sont pourtant
incontournables. Daniel Goleman nous permet de
mieux les comprendre pour les maîtriser et ainsi
améliorer nos compétences et aptitudes dans nos
relations.

Les vrais leaders se servent en


dernier. Pourquoi certaines
équipes se serrent les coudes
et d’autres pas
Simon Sinek. Pearson.

Afin de créer et de maintenir un esprit d’équipe


fondé sur la confiance mutuelle et un sentiment de
sécurité, les meilleurs leaders mettent l’intérêt de
leurs équipiers avant le leur. L’auteur du livre a
découvert cette leçon auprès d’un général des
marines américain qui lui a dit : « Les officiers
mangent en dernier », c’est-à-dire, après leurs
troupes. Cette leçon s’applique, non seulement sur
le champ de bataille, mais en entreprise aussi et
dans tous les types d’organisation.

En toute franchise. Adoptez la


sincérité bienveillante et
devenez un super chef
Kim Scott. Pearson, 2019.

Le manager est souvent tenté de ne pas dire à ses


collègues, collaborateurs et chefs ce qu’il pense
véritablement, soit par crainte de leur réaction, soit
parce qu’il les croit incapables de comprendre, soit
parce qu’il est de l’avis qu’il pourra exercer plus de
contrôle en gardant des informations pour lui. Mais
trop souvent, en adoptant cette attitude, le
manager crée de la méfiance, démotive les autres et
sape sa propre autorité.

Ce livre nous montre de manière pratique le lien


essentiel entre le leadership et une sincérité
bienveillante.
Sommaire

Couverture

Manager au quotidien pour les Nuls, poche


business, 2e éd

Copyright

À propos des auteurs

Contributions

Introduction

Pourquoi lire un livre sur le management ?

Pourquoi lire ce livre sur le management ?

Comment ce livre est organisé

Les icônes utilisées dans ce livre

Et maintenant, par où commencer ?

Partie 1. Manager la performance


Chapitre 1. Comprendre le management

Les composants essentiels du management

L’art du management, c’est l’art du questionnement

Management et stratégie d’entreprise

Place à la pratique !

Chapitre 2. Devenir un leader

Pourquoi le manager doit-il être aussi un leader ?

Le bon, la brute et le truand : comment nos collaborateurs


nous voient-ils ?

L’exploitation des différents styles de leadership

Prendre ses fonctions : les cent premiers jours

Place à la pratique !

Chapitre 3. Manager nos émotions et notre


productivité

De l’intelligence émotionnelle à la productivité

Comment augmenter son intelligence émotionnelle ?

Pour congédier le stress

Comment être exemplaire dans la productivité ?

Chapitre 4. Communiquer comme un pro

« PowerPoint m’a tuer »


Le pourquoi et le comment

« Il était une fois » : la puissance des histoires

S’en sortir dans les conversations difficiles

Chapitre 5. Évaluer la performance

De la stratégie à la performance : les critères d’évaluation

Ce qui est mesuré est ce qui est fait

Il n’y a pas de solution universelle

Partie 2. Manager ses troupes

Chapitre 6. Attirer les talents

Savoir de qui on a besoin

Où chercher les candidats ?

Rencontrer les candidats

Après la rencontre

Accueillir le nouveau collaborateur

Chapitre 7. Motiver ses troupes

Motiver versus se motiver

Les trois grands leviers de la motivation intrinsèque

Chapitre 8. Diriger et évaluer ses collaborateurs

L’art de déléguer
Fixer des objectifs de manière concrète

Donner du feedback

Les systèmes d’évaluation des salariés

Chapitre 9. Travailler en équipe

Se faire confiance

Se réunir

Décider ensemble

Le télétravail

Chapitre 10. Manager la diversité

Le management interculturel

Les rapports femme/homme et entre les genres en général

La religion en entreprise

Partie 3. Manager le changement

Chapitre 11. Conduire ou subir le changement ?

Résister au changement ?

Les phases du changement

Vers l’organisation apprenante

Chapitre 12. Manager en mode projet

Qu’est-ce qu’un projet ?


De l’opportunité au lancement effectif du projet

Du déroulement à la clôture du projet

Chapitre 13. Exploiter les mutations technologiques

La transformation digitale de son équipe

Optimiser les systèmes de facilitation du travail

Les réseaux sociaux

Créer de l’influence sur les réseaux sociaux

Partie 4. Manager son écosystème

Chapitre 14. Gérer les situations problématiques

Méthodologie des situations difficiles

Le stress chez ses collaborateurs et les risques psychosociaux

Les réclamations de la part des collaborateurs

Les conflits collectifs et unipersonnels

Que nous reste-t-il comme marge de manœuvre quand il


n’en reste plus ?

Chapitre 15. Manager ses supérieurs

Communiquer avec nos supérieurs hiérarchiques

Défendre nos équipes

Mener une négociation salariale, de carrière


Gérer un supérieur hiérarchique « toxique »

Admettre une erreur

Chapitre 16. Manager ses clients, ses partenaires et


ses fournisseurs

Créer une communauté d’intérêt

L’intérêt d’avoir de bonnes relations avec nos fournisseurs

Impliquer le consommateur final

Chapitre 17. Manager dans le contexte de la société


civile

Comprendre la société civile et ses acteurs

Comprendre le contexte éthique de son action et les attentes


de la société civile

Régulation, société civile et vie des entreprises

Chapitre 18. Équilibrer vie professionnelle et vie


personnelle

Identifier nos véritables priorités pour bien gérer notre


temps

Gérer notre énergie

Être aligné

Partie 5. La partie des Dix


Chapitre 19. Dix éléments en conflit dans le
management actuel

L’autorité contre le leadership

La bureaucratie routinière contre les « 3U »

Le reporting simpliste contre la culture d’entreprise


apprenante

La rente contre la création de valeur

L’attitude « chacun pour soi » contre l’équilibre intérêts


individuels/intérêts collectifs

Chapitre 20. Dix classiques de la littérature


managériale

Bâties pour durer. Les entreprises visionnaires ont-elles un secret ?

De la performance à l’excellence. Devenir une entreprise leader

L’Entreprise consciente. Comment créer de la valeur sans oublier


les valeurs ?

La Sagesse des foules

Les Employés d’abord, les clients ensuite. Comment renverser les


règles du management

Alerte sur la banquise ! Réussir le changement dans n’importe


quelles conditions

Gamestorming. Jouer pour innover. Pour les innovateurs, les


visionnaires et les pionniers
Business model. Nouvelle génération. Un guide pour visionnaires,
révolutionnaires et challengers

L’Intelligence émotionnelle

Les vrais leaders se servent en dernier. Pourquoi certaines équipes


se serrent les coudes et d’autres pas

En toute franchise. Adoptez la sincérité bienveillante et devenez un


super chef

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