Les Cultures Africaines À L'épreuve de La Colonisation
Les Cultures Africaines À L'épreuve de La Colonisation
Les Cultures Africaines À L'épreuve de La Colonisation
4159 Conseil pour le dveloppement de la recherche en sciences sociales en Afrique & Association des historiens africains 2002 (ISSN 0850-3079)
Abstract
Through its negative thoughts about Africa and through the scale of value it ascribed to human societies, the nineteenth century civilising ideology resulted in the inferiorization of the black peoples and in a relegation to the sideline of history. This study aims at showing that if field work research in anthropology has made a contribution to improving how black Africa is perceived, the African elites struggle in the wake of World War II to push the perception struggle further oriented towards a nationalist and anti-colonialist agenda because they were convinced that only the recovery of the historical initiative would allow them to revalue and renew their cultures.
Introduction
Au XIXe sicle, et particulirement au moment de lexplosion de limprialisme colonial, le discours et la vision des Europens sur lAfrique et les Noirs ont t trs ngatifs. Lidologie civilisatrice a t lori_________________________________ * Cet article est tir de la communication prsente au colloque Historiens Africains et mondialisation, 3e Congrs de lAssociation des historiens Africains, Bamako, 10-14 septembre 2001. ** Dpartement dhistoire et archologie, Universit de Ouagadougou, Burkina Faso.
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gine de toutes les supputations et de toutes les imageries sur le Noir africain. La connaissance quon avait de ce dernier tait fonde sur les clichs dformants dresss par les voyageurs et les missionnaires et largement diffuss dans lopinion par les publicistes. LAfrique tait prsente comme un monde de mystres, dhostilit et de peur avec des traits culturels choquants comme les coutumes sanglantes et le sacrifice humain. cela il fallait ajouter la honte de lesclavage. Ces aspects firent lobjet dune forte contestation surtout de la part des missionnaires, venus remplacer le ftichisme porteur de superstitions par la vraie religion, vincer lIslam et rpandre les lumires de la civilisation europenne empreinte de christianisme (Laverdire 1987: 70 et ss.) Lidologie civilisatrice a mme ni lexistence de cultures en Afrique et a tabli une hirarchie des valeurs dans laquelle celles de lAfrique occupent le bas de lchelle. Ces considrations ngatives ont conduit au sortir de la seconde guerre mondiale une raction des lites africaines, dcides rhabiliter les cultures et la personnalit ngro-africaines. Mais il faut le souligner, les Africains sont entrs dans un processus de mondialisation de lhistoire o ils jouent un rle passif dans les changes conomiques et culturels. Les canons des institutions europennes simposent comme un systme universel en dehors duquel il devient impossible dvoluer.
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La pense anthropologique, qui se construit autour des descriptions des voyageurs et qui sinspire de la thorie darwinienne de lvolutionnisme, corrobore le concept fondamental dune hirarchie des cultures et des civilisations humaines. Pour atteindre la civilisation, les socits humaines doivent suivre une ascension continue et franchir des degrs dvolution allant du stade primitif la sauvagerie et la barbarie (Idem: 140). Les thories anthropologiques faisaient une large part au systme de classification des socits humaines au dtriment de ltude de leurs systmes sociaux et politiques. Elles niaient toute valeur spcifiquement africaine et pensaient que le Noir africain ne pouvait rien apporter lEurope, du moins sur le plan moral et spirituel. Les Europens taient unanimes sur le caractre primitif du Noir mais ils le jugeaient diversement suivant leur famille de pense. Les philanthropes et les missionnaires le considraient avec une certaine piti et sattachaient dvelopper des ides assimilatrices et conversionnistes selon lesquelles les Noirs ne pouvaient tre sauvs que sils adoptaient le christianisme occidental. Leur conversion leur permettrait de combler leur retard en rattrapant lEurope. On refusait ici de leur reconnatre une altrit ou du moins on pensait que leur altrit allait cesser avec la christianisation qui les rachterait du pch originel (Salvaing 1994: 309-310). Les Rpublicains, lexemple dEdmond Louveau qui fut administrateur suprieur de la Haute Cte dIvoire au cours des annes 1930, pensaient que les Noirs taient si arrirs quils ne pouvaient pas accder aux ides abstraites diffuses par le christianisme. La thse dun Lvy-Bruhl sur la mentalit prlogique des primitifs confortait le jugement des Rpublicains pour qui les Noirs ne pourraient jamais comprendre le christianisme qui est une religion dont le dogme et la morale sont trop levs pour leur comprhension. Il fallait donc du doigt dans sa diffusion pour ne pas dstabiliser et dmoraliser les socits africaines (Louveau 1920: 72). Une certaine opinion tait favorable la mthode de la civilisation graduelle consistant convertir les Noirs dabord lIslam avant de les convertir au christianisme. Cette tendance fut combattue au dbut des annes 1920 par des observateurs avertis comme Delafosse (1921) et Brvi qui pensaient que lanimisme ngre rsistait lislamisation et quune telle politique provoquerait une prise de distance des coloniss vis--vis du colonisateur franais. Il tait nanmoins possible de les faire voluer en les duquant travers un systme lac et de les amener ainsi franchir le stade religieux de lvolution par lequel ils restaient enfoncs dans la superstition et la xnophobie pour les hisser au
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stade de la philosophie. Cette conception rejoint celle des philanthropes qui affirmaient que les Noirs pouvaient brler les tapes de lvolution et rattraper lEurope. Brvi soutenait ainsi que la mthode ducative permettra au naturisme, par le processus de sortie de la religion, de dpasser les socits musulmanes et daccder au niveau des civilisations occidentales (Brvi 1923: 299). Les racistes, limage de Gobineau, semparaient de la thorie biologique de lvolution, voyant dans les Noirs une excroissance du rgne animal et des tres qui ne seraient jamais civiliss. Ils faisaient remarquer quil fallait dissocier le christianisme de la civilisation occidentale et utiliser cette religion comme moyen de leur faire accepter leur situation darriration, ainsi quen Europe, on lutilisait pour maintenir le pauvre dans le calme (Salvaing 1994: 310). Ces ides dveloppes par lanthropologie et largement rpandues allaient servir les intrts de la colonisation. Lvolutionnisme anthropologique voyait dans la colonisation le moyen de civiliser les socits primitives de lhumanit. Proudhon a pu dfinir ainsi la mission essentielle de lEurope: la personne humaine reste sacre et tout ce que nous avons faire, nous, race suprieure vis--vis des infrieures, cest de les lever jusqu nous, cest dessayer de les amliorer, de les fortifier, de les instruire, de les ennoblir. Paul Leroy-Beaulieu, renchrissant sur le propos de Proudhon, affirmait quil est du devoir des peuples modernes de ne pas laisser la moiti du globe des hommes ignorants et impuissants (cit par Schnerb 1961: 99). Les premiers administrateurs coloniaux insistrent eux-mmes sur la sauvagerie des Africains et notamment sur le caractre primitif des socits animistes. Lexplorateur Binger, qui fut le gouverneur de la Cte dIvoire en 1894, faisait voir dans les socits africaines des formes primitives de communauts humaines profondment ruines par le flau de lesclavage. Il pensait que lIslam et le christianisme taient des facteurs de civilisation pouvant mettre fin ce commerce, mais prfrait le Christianisme qui, davantage que lIslam, rapprocherait le Noir de ladministration europenne (Binger 1891: 33). Lanthropologie de terrain qui se dveloppa la faveur de la colonisation permit, grce de vastes enqutes, de mieux connatre les socits africaines, mais elle donna lieu des interprtations bien opposes sur ces socits. Louis Tauxier publiait en 1912 un ouvrage intitul Le Noir du Soudan, consacr principalement des socits du Burkina Faso actuel et dans lequel il sattacha la critique de la mthode sociologique du XIXe sicle
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inspire du mythe biblique de la maldiction des fils de Cham et qui conduisit plutt des supputations qu la recherche de connaissances vritables sur les Africains. Lenqute de Tauxier avait port sur les systmes familiaux et le mode de production des socits tudies et avait abouti une distinction entre les socits agropastorales et les socits exclusivement pastorales, entre les socits tatiques et les socits non-tatiques. De cette distinction, il reprit le postulat de base de la thorie anthropologique du XIXe sicle en tablissant une hirarchie entre les socits du Soudan franais. La conclusion de son ouvrage est une justification de cette thorie, sinon son application sur le terrain. Au-del de la distinction, Tauxier classifia les Noirs du Soudan en socits communautaires, donc primitives, voluant ct de socits dcommunautarises, donc plus avances, le critre de dcommunautarisation tant le commerce et surtout la possession du btail. Replaant ce tableau lchelle plantaire, il tablit que les socits asiatiques taient plus dcommunautarises que celles de lAfrique, les socits europennes davantage que celles de lAsie. Les Yankeesle terme est de Tauxier lui-mmefurent prsents comme le modle le plus particularis et donc le plus achev de lvolution des socits humaines (Tauxier 1912: 722-726). Louvrage de Tauxier justifie lide du devoir de civilisation ayant sous-tendu limprialisme colonial du XIXe sicle finissant. Dautres en revanche, lexemple de Lopold de Saussure ou de Delafosse, avancrent des analyses plus profondes qui suscitrent la critique de la pense anthropologique fonde sur lvolutionnisme darwinien et qui contriburent attnuer la vision ngative de lOccidental sur lAfrique. Ds 1899, Lopold de Saussure remettait en cause le principe de la politique coloniale assimilatrice de la France. Il faisait remarquer que les socits humaines ntaient pas rductibles les unes aux autres, du moins dans le court terme, et que les lments dune civilisation se trouvent intimement lis une constitution mentale hrditaire et stable et ne sauraient tre universellement imposs sans graves dommages pour le colonisateur comme pour le colonis (cit par Girardet 1972: 229). Dans ces conditions, lassimilation pouvait se produire dans un sens inverse de celui qui tait officiellement prconis. Saussure, dans son analyse du phnomne de civilisation, aboutit cette ide essentielle selon laquelle le modle europen de progrs nest pas le seul que lon puisse concevoir, car il existe plusieurs possibilits de voies de dveloppement pour les socits humaines (Idem: 230). Delafosse publia, en 1912, son monumental ouvrage, Le Haut-SngalNiger, dans lequel il traita de lhistoire, des systmes sociaux et politiques,
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des rgimes matrimoniaux et des faits linguistiques qui lamenrent dfinir des proximits culturelles entre les populations du Soudan. Aprs cet ouvrage, il se montra sensible, dans le dbat sur la politique coloniale, la diversit des cultures et allait safficher comme un des partisans les plus convaincus du pluralisme de civilisations, quoiquil restt conscient de la supriorit culturelle de lOccident. Sil rclamait une spcificit africaine dans lAfrique franaise, il fut trs attach lide dune amlioration de la situation indigne (Balard 1999: 72). Lhumanisme colonial prit racine dans ces travaux aux qualits scientifiques indniables. Lentre-deux-guerres vit natre un dbat qui se situait deux niveaux. Au plan administratif le dbat se focalisait sur la ncessit ou non de faire voluer les cultures africaines au contact de la civilisation occidentale. Les attitudes des administrateurs divergrent et lon voyait apparatre des tendances favorables au respect des coutumes dont la dstabilisation entranerait des rvoltes dans les socits colonises et celles plutt favorables leur inluctable volution au contact de la civilisation occidentale. Sur le plan judiciaire, ladministration coloniale franaise reconnaissait un statut coutumier pour les populations animistes juges suivant le rgime de lindignat, un statut musulman en vertu duquel le tribunal prvoyait un assesseur musulman pour le justiciable de lobdience islamique, mais se refusait reconnatre un statut chrtien. Les missionnaires ragirent contre cette disposition quils considraient comme une injustice faite aux Noirs qui voulaient voluer en adoptant le christianisme. Ils dnonaient le principe de respect des coutumes qui signifiait le refus de constater lvolution du Noir au contact de la civilisation europenne (Benoist 1987: 287). Certains administrateurs comme Robert Arnaud se montrrent favorables cette ide dvolution des coutumes. Elle apparat comme un phnomne inexorable dans une situation de rencontre des cultures. Delafosse galement soutenait que lamlioration de la situation administrative et sociale des indignes tait une ncessit tellement vidente quil fallait gouverner lAfrique franaise avec le concours des Africains (Balard 1999: 72). Les partisans dune volution des coutumes ne remettaient pas en cause la vision dun Occident plus avanc techniquement. Simplement ils trouvaient de nouvelles lgitimations de la colonisation dbarrasses des ides pjoratives sur le Noir. LEurope devait aider les peuples les moins avancs progresser en apprenant delle sa technique et sa science. Lhumanisme colonial entrevoyait de nouveaux rapports entre le colonisateur et le colonis, appuys sur la volont de vivre ensemble et sur la concrtisation de la
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mission civilisatrice de lEurope, cest--dire la diffusion de sa culture, en prenant en compte laltrit du colonis. La position dun respect de loriginalit de lindigne devint la tendance conservatrice dune colonisation qui dbouche sur des ambiguts: si elle permettait dviter une dculturation prjudiciable aux intrts matriels de lOccident, les actions dexploitation conomique et de domination politique imposaient ncessairement des transformations au plan culturel et moral. Quon le veuille ou non, la colonisation avait fini par oprer une chirurgie sociale, mais noffrait pas la possibilit pour les socits colonises de faire des progrs notables. Dans cette rencontre des cultures, lanthropologie fonctionnaliste allait montrer que lOccident navait pas opr le transfert de civilisation affirm dans la littrature imprialiste du 19e sicle. La diffusion de la culture occidentale eut bien des limites dues la rticence mme du colonisateur faire de lAfricain lgal de lEuropen. Malinowsky a montr que llan civilisateur de lOccident impliquait certes la volont dassimilation de lindigne, mais que le souci de maintenir une position de domination avait amen le colonisateur faire un don slectif. Les colonisateurs entendaient se maintenir au haut du pav du progrs technique en refusant de diffuser aux Africains les lments de leur culture lis la souverainet: la technique de production et les lments de la puissance matrielle tels que les armes feu, les avions bombardiers et tout ce qui rend la dfense efficace et lagression possible; les moyens de la domination politique, le contrle de lorganisation conomique taient recouverts par la mise en place dun systme de discrimination dans lequel les Noirs ne sont point les gaux des Europens y compris dans les coles et les glises. Ainsi, si les Africains paient limpt, son contrle leur chappe (Malinowsky 1970: 94). Malinowsky a soulign notamment le caractre ingal des changes entre Africains et Europens et montr que ce que lEuropen donnait lAfricain tait, en terme de valeurs comparatives, bien infrieur ce quil lui prenait (Idem: 95). Dans son analyse du choc culturel, il a remarqu que les Africains taient victimes de racisme aprs leur adoption de la culture occidentale. Le don slectif dbouchait en dfinitive sur une dgradation morale et ne favorisait pas ladaptation culturelle des Noirs. Au plan anthropologique, cest la rvision du regard occidental qui introduit, souligne justement Raoul Girardet, la reconnaissance dun pluralisme de civilisations et dun relativisme des cultures. Ces acquis au plan thorique permettaient de rejeter lide dune civilisation absolue, unique et universelle. Dans lcole anthropologique de lentre-deuxguerres, le R. P. Aupiais se distingua par son uvre apologtique sur les
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socits africaines. Il dnonait la mthode des missionnaires pionniers qui ne prenaient pas en compte la dimension culturelle de lvanglisation, mais aussi la politique coloniale oppressive qui ne cherchait pas approfondir le contact avec lindigne par une tude de sa socit et de sa culture (Balard 1999: 270 et ss.) Lanthropologie suscitait de la sympathie pour les peuples africains, mme si elle nalla pas jusqu remettre en cause la lgitimit mme de la colonisation. Elle sattacha en effet tudier les structures familiales, les rgimes matrimoniaux et les systmes politiques et conomiques et porta la connaissance des Occidentaux que les socits africaines ne vivaient pas dans un tat anarchique, mais quelles taient bien organises, rgies par des rgles minutieuses et complexes et lentement faonnes par la tradition et par lhistoire (Girardet 1972: 232 ). La thorie du pluralisme des civilisations a conduit la reconnaissance de laltrit des Africains et la dfense de leur identit, en tant que des communauts ayant leur particularit. Le discours anthropologique sorientait donc vers la rhabilitation des socits colonises et nonait la ncessit dune protection de leurs valeurs menaces par le choc brutal de la domination europenne. Il se montrait accusateur de la colonisation considre comme une action dbranlement des structures sociales et de dculturation du Noir. Ce discours semblait rejeter ou nier le phnomne dvolution des cultures africaines au contact de la civilisation europenne. Laccusation la plus acerbe tait formule contre laction missionnaire qui reprsentait lacte de destruction et dculturation le plus profond. La stratgie missionnaire de conversion fonde sur la mthode paulinienne fut dnonce comme un processus savamment mnag vers une assimilation complte et apparaissait ainsi comme un procd de dgradation de laltrit (Mosmans 1958: 37). J. Howlett parodia de faon poignante cette mthode missionnaire:
Regardez comme vous me ressemblez, comme nos conceptions sont parentes pour peu que je fasse leffort ncessaire de les penser dans votre langue. Mais encore ! Ne suis-je pas plus proche de vous-mme que vousmme ? Alors, cest clair. Il ne vous reste plus qu devenir comme moi pour vous raliser pleinement (cit par Mosmans 1958: 37).
Au sortir de la seconde guerre mondiale, la philosophie du relativisme culturel, ne de lanthropologie de terrain, allait contribuer son tour la dconstruction de lidologie civilisatrice qui continuait de sous-tendre une politique coloniale encore assimilatrice. Jacques Macquet en prcisa
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les ides essentielles dans un article publi dans la revue pilote Prsence Africaine. Selon cette philosophie, aucune civilisation nest meilleure quune autre. Le relativisme rejette la valeur absolue de la culture occidentale, donc de sa prtendue universalit et rcuse tout jugement de valeur sur une culture trangre, car ce jugement est dnu de fondement objectif. Or, toute comparaison entre les cultures est futile et insense dans la mesure o chaque socit possde sa cohrence interne travers ses institutions et de la dfinition de ses stratgies de survie. La comparaison relve plutt de lexpression subjective de la prfrence. On a la conviction quil ny a pas de vrit transcendant les cultures, car la culture laquelle on participe apparat toujours diffrente de celle dautrui. En effet, chaque groupe a pu laborer au cours des sicles un ensemble dinstitutions et de rgles de conduite qui sont les instruments dducation et de socialisation de lindividu. Les prtentions des Occidentaux de rpandre la vrit absolue ne sont pas compatibles avec les exigences dune socit multiculturelle o il est essentiel que les diffrentes institutions des cultures composantes soient galement respectes et aient les mmes droits (). chaque socit sa vrit (Macquet 1959: 65). Loin de prner un cloisonnement culturel o les socits vivraient replies sur elles-mmes labri des influences susceptibles de les modifier, les relativistes affirment que tout groupe dhommes possde la double libert de refuser une culture quon voudrait lui imposer et de participer lchange des biens culturels en donnant et en empruntant. Limposition dune valeur culturelle autrui est une nave prtention et lexprience a montr que les innovations introduites et diriges dans une socit tierce ne produisent pas les effets escompts. En effet, cest par les apports extrieurs, les emprunts assimils quune culture, que toute culture change et se dveloppe (Idem: 66). Les relativistes prnent par consquent un mtissage culturel, car une culture nest riche que parce quelle est le fruit dun mtissage. Les cultures pures ne prsentent pas de diversit. Les cultures se dveloppent bien plus par diffusion que par invention. Cette conception rend condamnable une politique dapartheid qui met un obstacle lenrichissement mutuel de deux cultures. Les relativistes font remarquer dailleurs que dans les contacts culturels, la culture occidentale est tout autant rceptrice que donatrice, donc galement dbitrice des autres. Ils prnent par consquent des changes culturels, opration dans laquelle les Africains vont choisir ceux des lments culturels occidentaux susceptibles dtre assimils leurs traditions dhier et
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daujourdhui. Macquet pense quil faut prsenter lensemble de la culture occidentale dans sa riche varit et non des morceaux choisis (Idem: 67). Le courant philosophique du relativisme culturel, qui regroupe surtout des anthropologues, apparat comme une forme dhumanisme qui permet de rejeter la position radicale des biologistes.
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que cohrence et bonheur de vivre. Senghor allait sattacher montrer, dans un discours apologtique, la cohrence de la vision artistique, des systmes sociaux et politiques africains. Ces systmes se composent dinstitutions ou organismes communautaires comme la famille, la tribu et le royaume, ct desquels on retrouve les fraternits dge, sortes de mutuelles entre les confrries rites secrets. Celles-ci ont un rle social, voire politique, surtout religieux. En vrit tous ces organismes ont un fondement religieux, chez des peuples o la sparation du profane et du sacr, du politique et du social est un fait rare et tardif (Senghor 1956: 52). Prsent de la sorte, le monde ngro-africain na de pendant que la socit romaine antique. On reconnat donc implicitement le retard de lAfrique qui ne devra sa place dans le concert des nations que dans le processus de cration culturelle renouvele. Senghor insistait sur la libration du gnie crateur des artistes et crivains africains dont la profondeur et la qualit des uvres contribueraient la rhabilitation de la personnalit africaine, tout comme en Amrique o les artistes ont pu simposer grce la profondeur de leurs crations artistiques. Lgyptologie permit, au cours des annes 1950, de relier les cultures africaines au pass le plus ancien possible par le jeu de leur rattachement la racine gyptienne. Elle redonna confiance aux lites africaines en faisant natre le mythe de la grandeur africaine et lide dune antriorit des civilisations ngres allait dchaner ds lors les passions. La publication en 1956 par Cheikh Anta Diop, de Nations ngres et culture ouvrit une nouvelle perspective historique en instituant lensemble du continent africain comme objet dhistoire. Les lites allaient ngliger les petits faits historiques, les questions dhistoire locale pour ne sintresser quaux grands repres qui permettent le mieux de montrer la place de lAfrique noire dans lhistoire universelle. Ainsi recherchaient-ils souvent la promotion de la culture ngro-africaine au lieu de cultures nationales. Lvolution du continent dans le monde moderne tait surtout perue comme une dynamique qui sinscrivait dans un processus de renaissance culturelle. Les artistes taient en effet invits puiser dans le pass africain des lments ou sources dinspiration cratrices afin de renouer avec la grandeur du pass. La problmatique donc de lvolution se posait en terme de ressourcement, mais aussi de dynamique demprunts la faveur de la rencontre des cultures. La raction des lites africaines tait une rponse lidologie civilisatrice qui infriorisait le Noir et prtendait quil tait incapable de promouvoir des cultures historiquement valables. Ces intellectuels africains dnonaient le racisme qui rejetait le Noir au faubourg de lhistoire. Les
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travaux de Cheikh Anta Diop devinrent la rfrence du discours antiraciste des idologues de la ngritude et de leur contre-offensive au discours sur les hirarchies culturelles. Lgypte pharaonique, qui possdait une brillante civilisation fut noire, et qui plus est, inspira la civilisation occidentale. LAfrique et le Noir du 20e sicle sont ainsi replacs au centre de la civilisation universelle:
LAfrique naura pas t en marge, mais lorigine des civilisations peuttre jusque et y compris celles-l mme dont senorgueillit lOccident aujourdhui. Les Eurasiatiques en labordant par le nord, lest et louest se sont polis son contact pour lui porter ensuite des coups redoubls. LEurope ne peut tolrer que le rle primordial lui chappe. Mais les faits scientifiques sont ce quils sont et ils sont irrfutables. Le Ngre est au centre mme dun miracle quil faut avoir la loyaut de mettre sa place, cest le miracle gyptien, nous dirons le miracle ngre (Tidiany 1957: 21).
Non sans se poser des questions sur les causes du retard africain, on affirmait que les cultures indo-europennes ont bien une origine ngro-africaine et on reconnaissait que les Europens ont eu le mrite de se rapproprier les emprunts lAfrique afin de se faire lvolution culturelle particulire que lon connat aujourdhui. Cette lutte de rhabilitation du Noir tait inscrite dans la perspective de lmancipation des peuples africains, objectif qui permettrait la libration de la cration culturelle. Car lvolution culturelle africaine ntait pas possible en situation de domination coloniale. Les deux congrs de la SAC convoqus en 1956 et 1958 permirent de poser le problme culturel comme une condition de lvolution de lAfrique noire dans le concert des nations. Ce fut le lieu de faire le constat de la crise des cultures africaines et den attribuer lorigine au choc brutal de la domination europenne. Les critiques les plus acerbes furent faites lencontre de la colonisation dans tous ses aspects politiques, conomiques et culturels. Aim Csaire dnona le fait que la colonisation ait mis en place un mcanisme dassassinat ou de mise mort progressive des cultures et des civilisations des peuples coloniss. Le colonisateur occupe dans un premier temps le territoire, cadre dpanouissement de ces cultures, met sous tutelle la structure sociopolitique et provoque ainsi la disparition des lments qui structuraient la vie culturelle du peuple soumis ou abtardit ces lments du fait de sa domination. Ensuite, il dclasse la langue du colonis, vhicule de ses ides, ce qui contrarie le dveloppement de ce dernier et parfois mme son existence. La civilisation du peuple colonis ainsi limite dans son dvelop-
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pement perd la facult de son renouvellement (Csaire 1956: 194). Fanon, de son ct, accusait le colonisateur de figer les cultures autochtones qui finissaient par se momifier et entranait de ce fait mme la momification de la pense individuelle. Ainsi les peuples coloniss tombaient invitablement dans lapathie qui est la consquence logique de leur oppression:
la culture du peuple asservi est sclrose, agonisante. Aucune vie ny circule. Plus prcisment la seule vie existante est dissimule. La population, qui normalement assume a et l quelques morceaux de vie, qui maintient de significatives dynamiques aux institutions, est une population anonyme (Fanon 1956: 130).
La colonisation fut donc dnonce comme un phnomne de domination ayant mis en place un mcanisme de destruction des cultures des peuples coloniss. Menacs de disparition, ces peuples reprsents par leurs lites entendaient ragir afin de revaloriser ou de favoriser le renouvellement de leurs cultures. Dans le dbat qui se profilait depuis la cration de la SAC, il apparaissait que si les Africains revendiquaient lexistence et la cohrence de cultures et de civilisations africaines, ils ne voudraient pas dun enfermement jaloux de lAfrique dans ses traditions. La tendance tait de revendiquer lmancipation qui permettrait de reprendre linitiative historique et qui librerait en mme temps le gnie crateur africain. Alioune Diop en appelait la chrtient occidentale pour soutenir lmancipation africaine en critiquant les mthodes missionnaires qui avaient consist rpandre en Afrique un christianisme essentiellement europen, posant ainsi un problme dimprialisme culturel. Sa prise de position ferait penser une revendication du droit la diffrence dans le contexte dune colonisation dont un des objectifs tait lassimilation des peuples coloniss. En ralit, les lites semblaient ressentir dautant plus la crise de leurs cultures que le problme quelles posaient tait moins celui de laffirmation dune diffrence culturelle qui supposerait que lon revalorise les rfrents culturels du moment comme reprsentant les valeurs et la marque de lidentit africaines, que celui de la cration de nouvelles cultures par un processus demprunts lOccident. La vision de lvolution culturelle africaine tait donc celle dune ouverture au monde dans un contexte de mondialisation de lhistoire. Selon toute vraisemblance, les lites de la dcolonisation ne sengageaient pas dans la lutte pour une authenticit culturelle africaine qui signifierait une lutte contre la domination trangre dont le thme est pourtant prsent dans le discours anticolonia-
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liste. Elles recherchaient plutt un compromis qui vite le repli sur soi (Towa 1971: 14). Ce discours anticolonialiste prsentait la libration politique comme la situation idale dans laquelle les emprunts culturels seraient le rsultat dune dmarche consciente qui aboutirait losmose des cultures et lapparition dune nouvelle culture africaine. Un des points focaux du dbat tournait autour de ce que serait la culture africaine. Daucuns comme Senghor, sans doute, influenc par les relativistes culturels prnaient le mtissage des cultures. Dautres au contraire, reprsents par Aim Csaire, rejetaient lide dun mtissage culturel, puisque de leur point de vue, les cultures mtisses nexistent pas. La naissance dune nouvelle culture relve de la dynamique dintgration des lments culturels trangers dans la culture dorigine qui sen rapproprie selon son gnie pour en faire une valeur culturelle authentique (Csaire 1956: 200). Toutes ces deux positions se ramnent celle du compromis visant refaire une identit ngro-africaine. Dans tous les cas, ces dbats ont permis de condamner aussi bien la politique dassimilation relevant de lidologie civilisatrice que celle de la mise en quarantaine des cultures suivant le prtendu principe de respect des coutumes. Fanon avertit que, dans la colonisation franaise, le principe du respect des coutumes des populations autochtones ne signifiait pas une prise en considration des valeurs quelles portent, mais quil rpondait plutt la volont dobjectiver, dencapsuler, demprisonner et denkyster ces cultures pour en faire des objets dexotisme (Fanon 1956: 124). La complexit du nouveau contexte culturel africain auquel les lites taient confrontes expliquait sans doute leur attitude de conciliation consistant en une recherche du moyen terme, de la ngociation dnonce plus tard par Marcien Towa (1971). La culture occidentale, qui a cr de nouvelles institutions rapprochant les Africains, simposait dsormais comme une donne sur laquelle elles devaient se fonder pour promouvoir une nouvelle culture africaine. Se posait donc la question des conflits culturels qui traduisaient en mme temps lambigut de llite dsormais cartele entre deux cultures dont elle na pas pu faire la synthse. Que deviendraient les chefferies africaines dans lAfrique nouvelle? Peut-on accepter les revendications politiques caractre ethnique et dont le fondement ou le prtexte est la recherche dune originalit culturelle? En effet, la transition culturelle africaine se ressentait du problme des conflits culturels qui ntaient que la consquence du chaos dans lequel tait
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le continent dans sa situation coloniale. Trois niveaux de cultures se chevauchaient dans les territoires coloniaux. Il subsistait dans les campagnes une permanence de la socit traditionnelle avec ses institutions qui rsistaient plus ou moins au choc colonial. Dans les villes, on remarquait une sorte de sous-culture qui caractrisait la situation des lites; elle voluait ct de la culture occidentale qui dominait la vie politique et conomique de la colonie. Les conflits de culture taient invitables entre les lites et leurs parents de la socit rurale ambiante (Abrahams 1957: 108 et ss.). Deux constats simposent aux lites africaines dans la priode de la dcolonisation o elles sont associes la gestion de leurs propres affaires. Premirement, cest lobsolescence des institutions ancestrales aprs seulement cinq dcennies dacculturation. Ces anciennes institutions ntaient plus adaptes dans le regard mme des Africains lvolution du monde moderne. On tait conscient que les institutions traditionnelles taient troitement lies la vie des communauts quelles rgissaient et quelles devaient subsister encore longtemps pour viter un dsquilibre social et psychologique des populations. Toutefois nombre dlites politiques et intellectuelles prnaient une volution qui signifiait une rupture avec ces institutions traditionnelles, dsormais inadaptes au contexte de la modernit. Au contraire, ctaient ces institutions, limites souvent une ou plusieurs communauts nationales, qui taient invites sadapter aux nouvelles exigences de lpoque moderne. En Haute-Volta, on a pu noter la raction hostile, de la plupart des lites politiques, aux chefferies, notamment mossi, dont on souponnait des vellits monarchistes. En Gold Coast, Kwam Nkrumah dut affronter la mme situation des chefferies et se montra dtermin promouvoir un tat moderne inspir des institutions occidentales (Lombard 1967: 210 et ss.). La tche qui simposait maintenant aux lites, ctait de faire voluer les structures sociopolitiques traditionnelles, puisquil ntait plus question dtat tribal malgr laffirmation de particularismes ethniques dans certains pays. Lide dune dperdition culturelle devenait relative dans un continent tourn vers la perspective dune volution dans le monde moderne. Deuximement, les institutions europennes hrites de la colonisation simposaient comme des institutions universelles. Rien que par leur diffusion plantaire, elles apparaissaient incontournables. Leur adoption marquait le pas dune transition culturelle qui permettait de sortir de la
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crise des institutions anciennes. En effet, la situation de crise culturelle nexistait en ralit que dans une situation de domination politique et conomique marque par le choc brutal. Limposition de la culture du colonisateur avait provoqu la crise. Aprs quelques dcennies dacculturation, elle simposait comme la culture idoine dans la situation actuelle de mondialisation de lhistoire. La culture europenne est dsormais une culture mondiale, non une culture rserve aux Europens, remarquait Peter Abrahams (1957: 118). En fait, lespoir de la libert avait fait natre le dsir de seuropaniser. Et cest avec les indpendances que le processus de modernisation suivant une inspiration de lOccident devenait le plus significatif. Malraux avait dj fait cette observation pour les mondes musulman et asiatique. Ceux de ces mondes qui seuropanisaient ntaient pas les territoires coloniss, mais les nations libres tels le Japon, la Chine, la Perse, linverse de la Tunisie, du Maroc et de lAnnam qui restaient trs traditionnels. Malraux voulait signifier que la volont de souvrir la modernit, cest--dire de seuropaniser ne pointait que dans ces Nations libres qui, dlibrment, sorientaient vers ce choix. Lvolution politique, conomique et culturelle de lAfrique est inscrite dans la perspective dune mondialisation de lhistoire et des faits politiques o le centre de gravit terrestre reste lOccident. La communaut internationale, qui se met en place depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale, reste domine par lOccident. Les institutions onusiennes permettent aux anciennes nations colonisatrices de continuer de jouer un rle hgmonique sur les plans politiques et conomiques dfaut de continuer dexercer une domination de type colonial. Il apparat ainsi que la diffusion culturelle occidentale se fait suivant le processus nouveau de la colonisation claire. Les rflexions sur les programmes de dveloppement de lAfrique insistent toujours sur lintroduction dans les cultures africaines du progrs technique import de lOccident. On ne voit pas autrement lvolution de lAfrique dans le monde moderne que par lintroduction dans telle ou telle culture de lducation de base, de nouveaux procds agricoles ou industriels, de nouvelles rglementations dadministration sanitaire avec un minimum de bouleversement ou tout au moins en utilisant des fins constructives les bouleversements invitables (Mead, cite par Csaire 1956: 196). Le constat dArnold Toynbee selon lequel il se profile lhorizon international une unification du monde trouve ici toute sa pertinence. Lon pensait surtout pouvoir revaloriser la musique et lart africains. Le progrs technique inspir de lOccident devait insuffler une dynami-
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que dvolution de la technique de production de lart africain qui devait voluer la fois dans les techniques et dans sa destination. Il fut rituel et mystique et non commercialisable. Lvolution des techniques permettrait cet art de quitter son caractre purement fonctionnel pour conqurir une esthtique plus abstraite.
Conclusion
La question culturelle a constitu le point focal du dbat sur lide coloniale depuis que lanthropologie de terrain, ne de la colonisation, a rvl la richesse et la diversit des cultures africaines. Les humanistes coloniaux, qui mergrent alors, simposrent dans lentre-deux-guerres comme les dfenseurs acharns de la cause culturelle africaine, ceux qui dconstruisirent lidologie de la hirarchie des cultures. Les lites africaines, qui ds les annes 1930, travers le mouvement de la ngritude, puis au lendemain de la seconde guerre mondiale travers la SAC, semparrent du mouvement de dfense des cultures ngro-africaines, ninnovaient pas. Il leur revenait ce rle de dfendre leurs cultures afin de rhabiliter la personnalit ngro-africaine. Leur expression daffirmation culturelle, fortement teinte de nationalisme, se voulait rsolument anticolonialiste, mais renfermait ce paradoxe de la recherche du compromis dans le domaine culturel. En effet, ces lites savisrent dune vidence: on peut revaloriser les cultures, ou crer de nouvelles cultures, mais il est impossible de rejeter ipso facto la culture du colonisateur et lide du retour aux sources prne par les nationalistes les plus radicaux devenait ds lors un mythe. Les idologues de la ngritude seront pris partie par la nouvelle gnration des intellectuels africains des annes 1960 qui ont vu dans celle-ci une idologie narcissique et rtrograde (Ela 1993: 147) , un mythe, lui-mme gnrateur de mythes (Towa 197: 6). Cependant, certains responsables politiques limage de Mobutu et dyadma, allaient semparer de lide trs nationaliste dune renaissance culturelle pour lancer le mouvement du retour lauthenticit, qui saffirme comme une volont de rupture avec une domination occidentale alinante, mais qui reste superficielle dans son application puisquil se limite simplement un rejet des oripeaux occidentaux. Ni les idologues de la ngritude, ni les promoteurs des mouvements dauthenticit nont pu parvenir une vritable rhabilitation de la personnalit ngro-africaine. Les ngrologues lexemple de Senghor ont prsent des socits africaines dnues de rationalisme et faites simplement dmotion, ce qui incite la comparaison avec les socits antiques. Les seconds ont plus produit du folklore quils nont revaloris leurs propres cultures nationales.
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Limage quils ont donn des socits africaines travers leurs mouvements, correspond exactement celle du Bon Sauvage de Rousseau, le reflet de produits exotiques suscitant la curiosit du ct de lOccident. En dfinitive, dans linteraction culturelle entre lEurope et une Afrique libre qui est cense avoir retrouv linitiative historique, o chaque ple culturel est une source dinspiration pour lautre, cest cependant lOccident qui diffuse ses nouvelles crations inspires des autres cultures. Cette domination de lOccident sur les plans scientifique, technologique et mdiatique ne fait pas tellement voluer le jugement de lOccidental sur lAfricain et sa culture. Pendant longtemps encore, le jugement refltera toujours la mentalit coloniale avec cependant lemploi deuphmismes, de termes plus pudiques qui choquent moins la conscience mme des Occidentaux dabord, des Africains ensuite. On parlera de plus en plus des Pays les moins avancs, dont les arts ne sont plus primitifs, mais des arts premiers.
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