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OUVRAGES
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dition 2004
ralisations
La force et la grce
unies contre les lments
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ditorial
La russite de louvrage dart vient
dabord de la symbiose originelle entre lingnieur et larchitecte. Elle vient aussi de lapport des autres concepteurs associs : que serait le pont reliant Rion Antirion sans la performance de ses fondations ? Elle vient enfin des constructeurs et des spcialistes de matriaux qui ont apport, ces dernires annes, une volution remarquable du matriau bton. Les progrs considrables du bton ont permis une audace toujours plus grande des formes grce la matrise de la maniabilit et lamlioration du comportement mcanique, et des avances dterminantes pour la durabilit et la maintenance des ouvrages grce sa compacit. Mais je mettrais en avant lamlioration considrable de la qualit des parements ; jy vois la cl lumineuse du renouveau actuel de lintrt du public pour ce matriau. Continuons dans cette voie dexcellence, elle rpond aux critres du dveloppement durable. YANN LEBLAIS,
prsident de Syntec Ingnierie
Un pont autoroutier
Vinci
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>>> En couverture :
le pont Harilaos-Trikoupis reliant Rion Antirion en Grce. Vinci
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solutions bton
LES BFUP
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PUGET-THNIERS Pont
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DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Anne Bernard-Gly DIRECTEUR DE LA RDACTION : Roland Dallemagne CONSEILLERSTECHNIQUES : Philippe Ggout;Patrick Guiraud;Serge Horvath
Une innovation
pour les ouvrages ferroviaires
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7, place de la Dfense 92974 Paris-la-Dfense Cedex T l . : 0 1 5 5 2 3 0 1 0 0 F a x : 0 1 5 5 2 3 0 1 1 0 E-mail : [email protected] internet : www.infociments.fr
tmoignages
Lart du dialogue
entre ingnieur et architecte
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La revue Construction moderne est consultable sur le site www.infociments.fr Pour les abonnements, fax : 01 55 23 01 10, E-mail : [email protected] CONCEPTION, RDACTION ET RALISATION : LAGENCE PARUTION 41,rue Greneta 75002 Paris RDACTEUR EN CHEF : Norbert Laurent RDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Maryse Mondain MAQUETTISTE : Sylvie Conchon Pour tout renseignement concernant la rdaction, tl. :0153007413
bloc-notes
Livres
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La force et la grce
unies contre les lments
Le pont Harilaos-Trikoupis tendu entre les villes de Rion et dAntirion, ouvrage monumental
imagin depuis plus dun sicle, rattache dsormais le Ploponnse la Grce continentale. Les contraintes du site, ainsi que la ncessit de rpondre aux importants risques de tremblements de terre dus la prsence dune faille tectonique, ont constitu un dfi technologique sans prcdent. Cet ouvrage dexception, dont les qualits architecturales ne le cdent en rien aux innovations techniques, a transform le rve en ralit.
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laos Trikoupis (1832-1896), Premier ministre grec lu en 1880, eut la vision dun pont franchissant le bras de mer entre le Ploponnse et le continent. Ce projet,
vritable dfi la technologie, dut attendre le dbut du XXIe sicle pour tre ralis. Et cest deux jours avant louverture des Jeux olympiques dAthnes, le mercredi 11 aot 2004 11 heures, quil a t inaugur et baptis Harilaos-Trikoupis. La construction du pont a fait lobjet dun concours international. Il sagissait de dsigner un concessionnaire qui aurait choisir lentreprise,le bureau dtudes et larchitecte, et cest Gefyra qui a t choisi pour une priode dexploitation conjointe avec ltat grec fixe 42 ans. Elle sachvera le 24 dcembre 2039, remettant lexploitation aux mains de la Grce. Le projet de construction est complexe, comprenant la conception, le design, la ralisation et la maintenance de louvrage. Les conditions de ralisation sont tellement exceptionnelles que les tudes techniques ont t prioritaires, relguant au second plan laspect architectural,explique larchitecte Berdj Mikalian. La ligne gnrale de louvrage est donc directement issue de la somme des contraintes lies sa ralisation : une
zone sismique et une hauteur importante de franchissement au-dessus des flots. Ces impratifs ont conduit la conception dun ouvrage multihauban dune longueur totale de 2883 m constitu de quatre appuis poss en mer et surmonts de quatre pylnes monumentaux : un ensemble destin la transmission verticale des efforts. Mais une fois la technique dfinie, larchitecte reprend la main et dcide de la forme finale, de manire crer un ouvrage harmonieux sinsrant dans son environnement naturel, ajoute Berdj Mikalian. Pour aboutir un quatre mts ancr en mer.
exigences ont impos ltude dun systme de fondations original. Au droit des piles, linclusion de 120 194 tubes mtalliques battus permet de renforcer le fond marin. Dun diamtre de 2 m, ils descendent une profondeur de 25 30 m selon un maillage de 7 X 7 m. Ces inclusions nont pas pour rle premier dassurer la portance. Chacune des zones renforces une surface circulaire de 90 105 m de diamtre est recouverte dune couche de gravier 10/80 parfaitement nivele dune paisseur de 3 m mise en place dans une fouille amnage au fond de la mer. Les semelles des piles composent la seconde partie du systme de fondations. Elles sont poses sur le remblai,mais aucune liaison physique ne les relie au sol. Ces travaux de renforcement ont ncessit la mise au point dun quipement off-shore spcifique. Ainsi, le groupement Gefyra qui a comme directeur gnral Jean-Paul Teyssandier et comme directeur du chantier Gilles de Maublanc a reconditionn la barge Lisa, dj utilise pour la construction du pont sur la Severn, au RoyaumeUni. Cette barge, pourvue dune grue dune capacit de 140 tonnes 50 m, a fait lobjet dune transformation en barge dite pieds tendus qui autorise son utilisation en eaux profondes.Le principe repose sur la mise en tension de quatre chanes verti-
CHIFFRES CLS
Longueur du franchissement : 2 883 m, dont 2 252 m pour le pont (rpartition des traves : 286 + 3 X 560 + 286 m), 239 m pour le viaduc daccs Sud et 392 m pour le viaduc daccs Nord. Hauteur maximale dun pylne : 227,20 m, dont 163,7 m au-dessus du niveau de la mer et 63,50 m sous leau. Largeur du tablier : 27,2 m (2 x 2 voies de circulation). Diamtre des semelles : 90 m. Volume de bton : 250 000 m3, y compris les viaducs daccs. Armatures passives : 80 000 tonnes. Nombre de haubans : 368 units (8 x 23 paires) pour un poids de 4 500 tonnes. Dragages : 350 000 m3. Remblais : 22 500 m3.
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cales fixes un contrepoids de 750 tonnes reposant au fond de la mer. Un systme de ballastage compense, en continu, les variations du niveau de la mer (+/- 40 cm) lies aux mares. Enfin, un catamaran semi-submersible est associ la barge. Il supporte le systme de guidage pour le battage des inclusions, ltalement de la couche de gravier et son rglage. Quatre pylnes quidistants constituent la structure porteuse de louvrage. lments monolithiques, ils se dcomposent en cinq parties embase, pile tronconique, ft octogonal,chapiteau pyramidal et jambes suprieures inclines et slvent jusqu 165 m au-dessus du niveau de la mer. Leur construction a dbut terre, labri du dry dock (cale sche), o les semelles de fondations et les amorces des piles tronconiques ont t ralises. Ces embases les plus grosses jamais conues pour un pont sont des caissons en bton arm de 90 m de diamtre pour une hauteur maximale de 13,50 m, surmonts de lamorce de la pile tronconique : un voile circulaire 32 facettes de 3,25 m de haut. La construction des pylnes se poursuit dans le wet dock (cale humide), zone deau abrite de la
de deux des quatre semelles des pylnes du pont : embase pour lune et amorce des piles pour lautre.
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Acheminement de
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lembase dune pile en direction du wet dock. dune des piles tronconiques.
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Ralisation
prs de la berge Nord du dtroit de Corinthe ont rejoint leur position dfinitive o leur construction se poursuit.
houle et des courants. Chaque embase, une fois acheve dans le dry dock, y est achemine par remorquage. De par leur forme, les embases prsentent une stabilit trs mdiocre en flottaison. Do la mise en
place dun systme de ballastage dynamique qui garantit la verticalit de lensemble. Compltant le dispositif, trois chanes disposes 120, ancres en mer ou fixes terre et tendues entre 100 et 160 tonnes, permettent damarrer chaque embase, limitant ainsi les mouvements dus la houle. Dune hauteur de 53 m, la pile tronconique est ralise au moyen dun coffrage autogrimpant sans tiges traversantes. Les btonnages sont effectus par demi-cercles au rythme dune leve de 1,80 m tous les deux jours. Les armatures, qui atteignent dans cette zone une densit de 250 kg/m3, sont constitues de plusieurs nappes de HA 40. Un diamtre qui interdit des recouvrements chaque leve. Cette contrainte a conduit mettre en uvre des sous-ensembles prfabriqus dune hauteur correspondant quatre leves. Vient ensuite ltape du dplacement, de lchouage et du positionnement (avec
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des tolrances trs faibles de +/- 10 cm en plan et +/- 2 en azimut) de lembase et de la pile tronconique sa place dfinitive. Lchouage de la base immerge des pylnes (semelle circulaire + pile tronconique) intervient lorsque les courants sont minimaux. Un systme GPS assure le guidage et le contrle des oprations. Une fois en place, le sommet de la pile tronconique merge 3 m au-dessus des eaux. section, par leves de 5,60 m au maximum. Lapprovisionnement en btons (200 m3 environ par plot) se fait par barge transportant jusqu quatre camions-malaxeurs en mme temps. Couronnant le ft, le chapiteau pyramidal invers constitue llment le plus complexe de louvrage. Ferraill lextrme 475 kg/m3 avec des densits locales de plus de 700 kg/m3 , il prsente une gomtrie sophistique et des dimensions imposantes (15 m de haut et 38 m de ct en son sommet) qui interdisent la prfabrication des cages darmatures. De fait, les 18 nappes de HA 40 sont assembles barre par barre. Les 4 060 m3 de bton sont mis en place en six leves, labri dun coffrage de 2 400 m2 et dun poids de 475 tonnes. La partie suprieure du pylne se compose de quatre jambes inclines 23 qui convergent pour former une structure monolithique au niveau + 230 m au-dessus du fond marin.De section carre de 4 m de ct,elles sont creuses. Lpaisseur des voiles varie de 70 cm 1,80 m. Se dveloppant sur une hauteur de 35 m, la tte du pylne est constitue de deux coques en bton arm qui enserrent un noyau mtallique creux. Les extrmits hautes des haubans viennent sy ancrer. Un ensemble de 368 haubans dont la longueur varie entre 77 et 293 m,
Dune
longueur totale de 2252 m, le tablier est construit par encorbellements successifs partir de voussoirs de 12 m de long prfabriqus terre.
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soit quatre groupes de 23 cbles par pylne, supporte le tablier dans son intgralit. Les haubans comportent 43, 55, 61 ou 75 torons de type HD 15 dont la rsistance ultime la traction atteint 1770 MPa, prcise Benot Lecinq, directeur technique de Freyssinet International. Les cbles bnficient dun systme de fixation qui permet de filtrer les efforts de flexion naturels (mouvements latraux). Une garantie de prennit supplmentaire pour louvrage. Le tablier se dveloppe sur une longueur totale de 2 252 m,soit trois traves centrales de 560 m et deux traves de rive de 286 m. Il est constitu dune structure mixte compose de deux poutres longitudinales en acier de 2,2 m de haut entretoises tous les 4 m. Dune largeur de 27,20 m pour une paisseur de 24 cm,le hourdis suprieur,en bton arm, est connect cette charpente por-
teuse mtallique. Sa particularit : il est formul sur la base dun ciment de type CEM III. Prfabriqus terre, les voussoirs des lments de 12 m de long sont achemins par barge jusquau lieu de pose. Leur mise en uvre se fait par encorbellements successifs avec assemblage par clissage et haubanage lavancement. En effet, loriginalit de ce tablier est dtre suspendu dans sa totalit ses haubans, ce qui en fait une structure isole du reste de louvrage qui se comporterait comme une gigantesque balancelle en cas de sisme.Toutefois, dans les conditions normales dutilisation, des bracons-fusibles assurent la tenue transversale du tablier au droit des pylnes. Ce dispositif permet dviter les phnomnes de balancement sous leffet du vent.Aprs tout, le confort et la scurit des usagers doivent tre la finalit de toute ralisation.
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Durabilit et simplicit
Un ouvrage contre-courant
Le second paramtre recherch tait celui de la facilit de mise en uvre. Les btons devaient rpondre une double problmatique, rsume Franois Cussigh. Avoir un long maintien de rhologie, et ce, quelle que soit la temprature extrieure. Dans ce contexte technique, cest un superplastifiant de nouvelle gnration qui a apport la solution attendue : une ouvrabilit
garantie et constante durant trois heures. Ainsi adjuvants, les btons pouvaient aussi bien tre pomps quachemins par les toupies embarques sur des barges. Les granulats locaux taient dorigine calcaire, concasss en 0/20 mm. La carrire a galement fourni un sable spcial qui permet de rguler le taux de fines autour de 9 %. Nous navons pas utilis de granulats alluvionnaires pour prvenir tout risque dalcali-raction, reprend Franois Cussigh. lments complexes, arms lextrme, les jambes inclines demandaient un bton ultra-fluide. Le matriau mis en place, de classe de rsistance C 60/75, prsentait un talement de 55 cm la table secousse. Il est formul partir
dun mlange de CEM I 52,5 PM (1/3) et de CEM III 42,5 PM ES (2/3). Le premier garantit une rsistance jeune ge, tandis que le second offre une faible exothermie et une rsistance la pntration de chlorures. Rsultat concluant puisque celle-ci ne dpasse pas 1000 coulombs 90 joules, soit une migration trs faible. Pour la prfabrication du tablier (hourdis suprieur), la logique de durabilit et de limitation exothermique a t pousse jusquau bout. Le bton est en effet formul avec un CEM III. Nous avons ralis un C 60/75 qui prsente une rsistance 28 jours sur cylindre de 82 MPa avec un cart type de 5 MPa, souligne Franois Cussigh. Lunique bton base de CEM I est utilis pour le clavage des voussoirs du tablier.
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Dispositifs antisismiques
dommages tout en le rendant rparable, poursuit Alain Pecker. Le dispositif le plus impressionnant est le principe des fondations flottantes associes des renforcements locaux du sous-sol par inclusions de tubes mtalliques.Une premire mondiale.
Protections multiples
Ce dispositif sert en priorit empcher les courbes de rupture de passer dans le sol lors dun sisme, explique Alain Pecker. Et il pallie une ventuelle perte de rsistance du sous-sol par liqufaction. Louvrage est galement quip de joints de dilatation de 2,50 m de souffle en service et de 5 m sous sisme. linterface des deux systmes de fondations: une couche de granulats calcaires. Le gravier joue le rle de fusible calibr, reprend Alain Pecker. Le choix du matriau dtermine le coefficient de frottement des semelles, qui doit tre trs prcis pour limiter au minimum les dplacements des piles. Le tablier constitue le second amnagement antisismique dimportance. Suspendu dans
sa totalit ses haubans, il ragirait comme une balancelle en cas de sisme. Seuls quatre amortisseurs le connectent chacun des pylnes. Ces lments de 12 m de long et 1 m de diamtre autorisent une course de 3 m, limitant les mouvements du tablier en cas de secousse, tout en dissipant lnergie transmise dans la limite de 5 mgajoules. Derniers lments de protection, des dviateurs parasismiques, dits IHD (Internal Hydraulic Damper), quipent les haubans, reprenant les dviations des cbles lies aux sismes dans une limite de +/- 5 10. Avec ce systme, Freyssinet International garantit des mouvements infrieurs 10 cm mi-longueur des cbles. Le dispositif IHD sert aussi de fusible, sa rsistance tant calcule pour cder avant de surcharger les goussets dancrage des cbles. Enfin, les haubans utilisant des mors dancrage bloqus, il nexiste aucun risque de voir une clavette ou un toron se librer du bloc dancrage, mme en cas de distension complte du cble.
TEXTE : ANTOINE VAVEL PHOTOS : VINCI CONSTRUCTION
Concdant: tat grec Concessionnaire: Gefyra (Vinci et cinq partenaires grecs) Constructeur: Kinopraxia Gefyra (Vinci et cinq partenaires grecs) Architecte: Berdj Mikalian tudes: Vinci Construction Grands Projets, Ingerop,Godynamique & Structures,Domi (Grce) Consultation tudes: Buckland etTaylor
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Un pont autoroutier
au palmars des records
lgant, lanc, lger, presque transparent, le viaduc de la Sioule russit le pari difficile
de se fondre dans son environnement naturel : un site protg, vallonn, aux pentes boises. Il impose pourtant par ses dimensions : 150 m de haut et 990 m de long. Cest lun des ouvrages exceptionnels de lautoroute A89, au mme titre que le viaduc du pays de Tulle ou le pont suspendu du Chavanon. Le viaduc de la Sioule peut tre considr comme lun des plus importants ouvrages dart actuellement en construction en France.
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tudes ont t menes dans le cadre dun concours runissant architecte et bureau dtudes techniques. La volont dintgration maximale de louvrage dans un site naturel vallonn aux collines boises et couvertes de vgtation a naturellement dict la recherche du design gnral du viaduc. Notre souci tait de bien dgager le fond de la valle o serpente la Sioule, explique larchitecte. Do le choix dun ouvrage ne comportant quun nombre limit dappuis. La partie centrale du tablier est supporte par trois piles
double ft distantes de 192,50 m, ce qui donne au viaduc sa silhouette lance. De part et dautre, les traves dites dapproche sont soutenues par quatre piles monoft implantes deux deux, sur les versants est et ouest de la valle de la Sioule. Dans ces deux zones, lentraxe des piles est variable.
CHIFFRES CLS
Longueur du tablier : 990 m. Longueur maximale des traves : 192,50 m. Nombre de piles : 7. Pile la plus haute : 135 m (P5). Bton : 49 000 m3. Armatures de prcontrainte : 1 200 tonnes.
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Les piles sont bton est formul sans agent entraneur dair : cest sa compacit ltat durci qui permet de rsister ce phnomne. Pour atteindre les caractristiques souhaites, la formule prsente un rapport eau efficace/ciment infrieur 0,4 et comprend lajout de fillers calcaires qui amliorent la compacit et la maniabilit du bton ainsi que laspect esthtique du parement. La maniabilit du mlange et son maintien rhologique sont assurs par lutilisation dun superplasfiant. lexception des piles P1 et P7, qui sont contigus aux cules et ralises
construites raison dune leve par jour pour les piles double ft et dune leve tous les deux jours pour les piles monoft.
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espacs de 10,50 m leur confre une grande inertie en flexion transversale et en torsion et permet dassurer un encastrement efficace du tablier. Il leur offre en mme temps la souplesse longitudinale ncessaire pour encaisser les dplacements imposs par les variations linaires du tablier, mouvements rsultant des dilatations thermiques, des phnomnes de retrait-fluage ainsi que des variations de temprature. En partie basse, les fts de chacune des piles centrales sont relis entre eux laide de coques de liaison de 40 cm dpaisseur coules en place, ce qui permet daugmenter la rigidit de lembase des piles. La hauteur de cette liaison dite embase varie de 23,50 m sur P3 47,71 m sur P5. La hauteur libre des fts ddoubls nest donc pas identique sur les trois piles. Sur P4 et P5, elle atteint 87,30 m, tandis que sur P3 elle est de 59,30 m.
Les piles centrales double ft sont construites raison dune leve par jour. Les outils mis en uvre se composent de deux coffrages intrieurs (un par ft) et dun coffrage extrieur (un pour deux fts). Deux jeux complets de coffrages ont t utiliss pour lensemble des trois piles centrales. Quant aux quatre piles dextrmits, elles ont des hauteurs comprises entre 14 et 70 m. Leur construction suit le rythme dune leve tous les deux jours et est ralise laide dun coffrage semi-grimpant autostable constitu de deux demi-coquilles.
EMPLOI FORMATION
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TECHNIQUE
sur semelles superficielles, toutes les autres piles sont fondes sur des puits marocains. Les trois piles centrales P3, P4 et P5 reposent sur un ensemble de quatre puits de 5 m de diamtre descendant une profondeur de 10 17 m. Les deux dernires piles P2 et P6 sont fondes sur monopuit de 7 m de diamtre, dune profondeur de 14 m environ. Les semelles prsentent une paisseur de 3 m sous les piles simple ft et de 4 m sous les piles double ft.
Construction en encorbellements
Le tablier du viaduc surplombe le fond de la valle ainsi que le lit de la Sioule de prs de 140 m. Dimensionn pour accueillir une chausse 2 x 2 voies de circulation, il stend sur une longueur de 990 m avec une courbe en plan de 1900 m de rayon.Douest en est,sa pente longitudinale est de 0,7 %, tandis que transversalement la chausse a une section en toit avec des pentes de 2,50 %. Le tablier du viaduc prsente deux profils en long diffrents. Dans sa partie centrale, il est de hauteur variable, passant de 10 m au droit des piles
double ft 5,50 m mi-trave. Dans les zones de rive par contre, le tablier a une hauteur constante de 5,50 m. Il est construit selon la technique des encorbellements successifs, encorbellements raliss depuis chaque pile laide dquipages mobiles. Quant aux voussoirs (250 voussoirs de flau), ils ont une longueur courante comprise entre 2 m et 3,50 m. Les voussoirs sur piles (VSP) mesurent 15,50 m de long au niveau des trois piles double ft et 8,50 m de long au droit des piles monoft. Le tablier est constitu dun monocaisson prcontraint mes inclines avec un hourdis suprieur de 19,50 m de largeur. Lpaisseur des mes varie de 350 700 mm dans les tabliers hauteur constante, et de 350 550 mm pour le tablier central hauteur variable. Le bton du tablier est un Bton Haute Performance (BHP) de classe de rsistance C70/85. Sa formulation est base sur les mmes principes que le bton des piles, fume de silice en plus, ce qui permet dassurer la compacit et la rsistance au gel du matriau une fois durci. La valle de la Sioule dans laquelle est implant le viaduc est situe dans une zone sismique dactivit tellurique trs
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Dans sa obligatoires. Ainsi, il stipule quaucun rejet, quel quil soit, nest autoris dans la Sioule ni dans le milieu naturel, quaucun dchet ne peut tre laiss sur le sol, quaucun feu ne peut tre allum sans autorisation et quil ne peut tre procd aucun dfrichage sauvage.
partie centrale, le tablier est de hauteur variable, passant de 10 m au droit des piles double ft 5,50 m au niveau de la clef de vote.
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faible mais non ngligeable. Ct gologique, le fond de valle prsente une faille non active du point de vue du risque sismique qui constitue la zone de contact entre les gneiss, lest, et les migmatites, louest. Compte tenu de son implantation, le viaduc rpond donc aux rgles de construction parasismiques des ponts dits risque normal.
monoft et les cules, ces lments guident un tenon solidaire des voussoirs sur piles, bloquant ainsi tout mouvement transversal du tablier tout en autorisant son dplacement longitudinal. La valle de la Sioule constitue une zone naturelle d'intrt cologique, faunistique et floristique (Znieff). Consquence : le site est sensible tous les types de pollution et dagressions extrieures. Le site de construction du viaduc bnficie de mesures de protection de lenvironnement, au mme titre que lensemble des chantiers de lautoroute A89. Les entreprises travaillant sur ce chantier se sont engages rduire au minimum limpact de leurs travaux, un engagement qui sest traduit par la mise en place dun Plan de Respect de lEnvironnement (PRE). Ce document dtaille les interdits et les dispositions
Matre douvrage: ASF (Autoroutes du Sud de la France) Matre duvre: Setec TPI Architecte: Berdj Mikalian Entreprises: Campenon-Bernard TP (mandataire), Dodin et CampenonBernard Rgions Freyssinet (prcontrainte) BET structures: Jean Mller International Prcontrainte: Freyssinet
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Un arc parabolique trs fin, tendu entre deux falaises de plus de 100 m de hauteur.
Cest ainsi quapparat le pont du Bras de la Plaine, rcemment construit dans le paysage grandiose de lle volcanique de la Runion. La structure ne travaille pas en vote, mais en encastrement sur ses cules. Constitue de deux hourdis en bton hautes performances relis par des diagonales mtalliques prcontraintes, elle symbolise la dernire gnration des connexions acier-bton dans les ouvrages de gnie civil.
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exceptionnel, ouvrage site exceptionnel.Comment imaginer construire un ouvrage de facture classique quand on doit franchir, dans lenvironnement tropical et volcanique de lle de la
Runion, une ravine de 170 m de large, encadre par deux falaises inclines 70 et hautes de plus de 100 m ? Financ par le conseil gnral, le franchissement de la rivire du Bras de la Plaine pour assurer la desserte de la commune de lEntre-Deux depuis Le Tampon conduisait forcment un pont original. Selon la volont de larchitecte Alain Amedeo, deux doigts tendus face face relient aujourdhui les deux rives, dans un site beau et fort, la montagne en fond, un plateau qui avance vers la mer, entaill par la rivire trs profonde, pour reprendre ses termes. lchelle du gigantisme de la brche qui descend de lun des trois grands cirques de lle, louvrage est un vritable travail
dorfvre dans lequel a t opre une chasse aux kilos inutiles. Pourtant, vu de prs, le pont du Bras de la Plaine en impose, avec pas moins de 17 m dpaisseur ses extrmits et une trave unique de 280 m!
soumise un effet darc par vrinage au moment du clavage. Mais la grande originalit du pont du Bras de la Plaine rside dans son paisseur. En effet, un tablier classique a t prfre une solution sans prcdent, faisant du projet une innovation incontestable pour les experts en ouvrages dart. Ce pont reprsente la dernire gnration des connexions acier-bton, explique JeanPierre Viallon, directeur au bureau d'tudes de Bouygues Travaux Publics.Allusion aux poutres treillis en bton, avec diagonales en bton arm, du pont de Bubiyan, au
CHIFFRES CLS
Volume de bton : 8 200 m3. Prcontrainte : 225 tonnes. Armatures passives : 1 450 tonnes.
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construit par encorbellements successifs laide de deux quipages mobiles partir des cules, par tronons de 12,70 m.
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franchit une ravine de 170 m de large, plus de 100 m de haut, au moyen de deux flaux construits par encorbellements successifs.
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Kowet (1983), qui avait t suivi du treillis diagonales en bton prcontraint du viaduc de Sylans sur lautoroute A40 (1990), puis des treillis diagonales mtalliques, mais sans prcontrainte, des viaducs du Boulonnais sur lautoroute A16 (1998). Nous avons construit une structure constitue alternativement de diagonales tendues et comprimes, qui font monter et descendre les efforts tout au long de louvrage, prcise lingnieur. La nouveaut, cest que les diagonales tendues sont prcontraintes, alors que jusqu prsent les treillis mtalliques taient relis au bton par de simples connexions passives.
constitues de tubes en acier. En ralit, hormis la taille de la brche, la seule contrainte pour les bureaux dtudes et les entreprises de construction tait darriver reconduire leffort tranchant dans le sens longitudinal. Au final, lpaisseur moyenne du pont a pu tre divise par deux par rapport aux structures classiques, observe Jean-Pierre Viallon, pour qui cette structure lgre, qui permet de dgager des conomies sur les fondations, demande maintenant tre exprimente sur des viaducs plusieurs traves. Le but tant de pouvoir un jour concurrencer les ouvrages dart haubans. La prcontrainte des diagonales est assure par une paire de cbles comprenant 10 17 torons. Les ancrages sont situs dans les hourdis infrieur et suprieur. En contrepartie de cette conception, le chantier sest rvl complexe. Les mthodes de construction ont t excep-
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tionnelles, convient Jean-Pierre Viallon. Nous avons conu deux quipages mobiles dimensionns pour les lments de rive les plus importants de louvrage. Le poids de loutil coffrant (150 tonnes) reprsentait environ 80 % du poids du bton quil devait porter.
En raison des difficults daccs en rive droite, le plus gros du chantier sest install en rive gauche, notamment la centrale bton. Lalimentation des coffrages tait assure par un blondin dune porte entre mts de 415 m, les mts mesurant 35 m de haut et le tout offrant une capacit de
charge de 8 tonnes. Pour les cules, les oprations taient assez simples : excution des voiles par leves de 6,90 m de haut par plots horizontaux de 10 m, coulage de la dalle suprieure par prdalles poses mi-porte sur des appuis provisoires. Pour le tablier, les quipages mobiles
ont permis de progresser symtriquement partir des rives, par trames de 12,7 m. L encore, les ingnieurs ont fait preuve dimagination. Avant deffectuer lultime coule de bton, huit vrins horizontaux ont t positionns sur une poutre transversale construite cet effet. Lide tant
suspentes de btonnage bridage avant bridage arrire bridage arrire suspentes de transfert
Le tablier du pont a t construit au moyen de deux quipages mobiles dun poids unitaire de 150 tonnes. Aprs la mise en place dune paire de diagonales comprimes, loutil coule
dabord 12,7 m de hourdis suprieur. Une paire de diagonales tendues est alors son tour mise en place, puis loutil coule 12,7 m de hourdis infrieur. En partie haute, lquipage mobile
fonctionne comme un tiroir, le coffrage et la charpente venant sappuyer sur le bton ralis. En partie basse, le coffrage et la charpente se translatent laide de suspentes de transfert.
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discontinu en son milieu, encastr sur ses cules. Il travaille en arc. Le cintrage de louvrage a t obtenu par lintroduction
de dvelopper 5 500 tonnes de compression dans les flaux pour les redresser et provoquer un effet darc compatible avec les dformations diffres du bton. Procder par cintrage naurait pas permis de rsoudre le problme des dformations horizontales, et concevoir des poutres pour assurer la continuit aurait, linverse, cr un effort horizontal supplmentaire, prcise Jean-Marc Tanis, directeur de Jean Muller International. Grce la solution choisie, provisoire puisque les vrins ont t par la suite retirs, le tablier du pont est correctement cintr, les efforts de compression introduits artificiellement avant le clavage venant compenser les efforts ultrieurs de flexion et de fluage.De cette manire,louvrage est finalement soumis un moment de basculement plus faible et, par voie de consquence,les cules reprennent des moments dencastrement moins importants.
TEXTE : PHILIPPE GURARD PHOTOS : SERGE GLABERT
Matre douvrage : Conseil gnral de la Runion Matre duvre (conception et contrle dexcution) : JMI et Scetauroute Architecte : Atelier Alain Amedeo, Padlewski et associs Entreprises : Bouygues Travaux Publics, DTP Terrassements Sous-traitant : VSL
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B T O N
Suisse
Lauterbrunnen, la rfection dune passerelle au cahier des charges trs contrl p. 21
Les BFUP:
des structures lances qui laissent place
Soul, Core
Une passerelle remarquable relie la capitale une le amnage en jardin p. 22
limagination
Calgary, Canada
Des abris en forme de coquilles dans une gare futuriste
p. 23
CE
Sakata-Mirai, Japon
Une passerelle pitonne dune grande finesse de 50 m de long p. 24
DES ARCHITECTES .
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ces. Rudy Riciotti, lun des premiers architectes avoir utilis ces btons de nouvelle gnration, est sduit par la possibilit qui soffre lui de rduire la matire. Dautant quen ce qui concerne la qualit des parements, les BFUP prsentent dexcellents rsultats, en particulier grce la finesse de leur granulomtrie. Enfin, et ce nest pas le moindre de leurs avantages, les BFUP ne redoutent pas lpreuve du temps, mme dans un environnement agressif. Leur secret, nous y reviendrons, est un coefficient de permabilit extrmement faible, dix fois moindre que pour un bton classique.
BFUP. Prononcez B-Fup. Cet L es acronyme dsigne les Btons Fibrs Ultra Hautes Performances. Ultra hautes performances? Jugez plutt: leur rsistance caractristique la compression est suprieure
150 MPa; elle peut atteindre 250 MPa! ce niveau de performances, les BFUP dpassent largement leurs prdcesseurs les Btons Hautes Performances (BHP) , dont la rsistance en compression tait en gnral comprise entre 50 et 80 MPa. En cho ces rsistances hors du commun, les structures ralises en BFUP sallgent. Pour larchitecte, cest la possibilit de crer, dinventer de nouvelles formes plus fines et lan-
nuclaires de Cattenom et Civaux, et au Qubec, Sherbrooke, avec la construction dune passerelle pitonne. En quelques annes, les performances des btons se sont considrablement amliores, tout dabord intrinsquement (rsistance, durabilit), mais aussi parce que leur tude des chelles toujours plus rduites a permis de mieux apprhender leur comportement. Surtout, comme le fait remarquer lexpert international anglais Adam Neville, les recherches ne tendent plus seulement atteindre un nombre record de mgapascals (MPa). Certes, cette recherche dune rsistance en compression toujours plus grande a conduit la cration de matriaux exceptionnellement rsistants. Vu au microscope, un BFUP prsente une matrice granulaire trs fine associe des lments encore plus fins, les ultra fines, fumes de silice par exemple. Rsultat : le matriau est dune compacit extrme et les
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en BFUP. La poutre infrieure prsente une section de 18 x 40 cm. Le hourdis suprieur est une dalle nervure dont lpaisseur en partie courante est de 30 mm.
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de Monaco. Sur les pidroits de la vote des quais, la compacit des panneaux de BFUP autorise une densit importante de perforations : de quoi absorber les surplus acoustiques.
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PROJET
pores rduits leur strict minimum. Si le dosage en ciment est lev (plus de 750 kg/m3), le rapport E/C (eau/ciment) est fortement rduit. Il atteint 0,15 (contre 0,45 pour un bton classique) grce aussi lutilisation de superplastifiants. Reste alors introduire la ductilit ncessaire aux matriaux de structure. Et cest le rle que jouent les fibres, notamment utilises dans les BFUP, qui sont longues de 12 20 mm et ont un diamtre de 0,1 0,3 mm. En quantit suffisante, savoir 160 240 kg/m3 de bton, elles ne se contentent pas de rendre au matriau un comportement ductile; elles augmentent significativement sa rsistance la traction. Avec des valeurs comprises entre 8 et 10 MPa, il devient possible de saffranchir darmatures passives classiques, et donc des contraintes de forme et de mise en uvre inhrentes au ferraillage.
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des civilisations de lEurope et de la Mditerrane Marseille conu par larchitecte Rudy Riciotti, avec RCT Architectes. Lutilisation de BFUP permettra dhabiller dune mantille ajoure trois des faces du btiment. lique corrode des arorfrigrants des centrales nuclaires de Cattenom et de Civaux, saccommodent trs bien de cet environnement extrmement agressif. Mieux. En cas de faible fissuration, des expriences montrent que les BFUP sont capables de sautocicatriser du fait de la prsence dans le matriau dun rservoir de particules de ciment non hydrat. En cas de pntration deau, celles-ci shydratent, entranant lautocicatrisation des fissures.
Durabilit exceptionnelle
Les BFUP possdent des caractristiques de durabilit remarquables. La raison est simple : ils prsentent une porosit capillaire extrmement faible grce leur microstructure trs compacte. Un seul chiffre: le coefficient de permabilit leau dun BFUP est de 1,5 %, soit dix fois moins quun bton classique. Et les rsultats sont tout aussi loquents, quil sagisse de la permabilit loxygne ou de la diffusion des ions chlorures. Si, pendant longtemps, aucune mthode normalise ne permettait de quantifier la durabilit du bton, ce nest plus le cas aujourdhui, grce, en particulier, aux travaux raliss dans le cadre des recommandations provisoires pour lemploi des BFUP labores sous la matrise de lAFGC et du Setra (voir encadr p. 20). Les premiers retours dexpriences confirment les orientations prises dans ces recommandations. En particulier, les poutres en BFUP, qui ont remplac la structure mtal-
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TECHNIQUE
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Michel Herbert. Lorsque tous les lments sont assembls, la structure prsente une section entirement gauche. Elle est en forme daile de parapente gante.
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loccasion de
la rnovation des structures internes des arorfrigrants de la centrale nuclaire de Cattenom, 270 poutres et 2 376 poutrelles prfabriques en BFUP ont t mises en uvre.
on peut dire quils bnficieront dun moulage de haute prcision. En effet, la consistance des BFUP est telle quelle permet de reproduire fidlement les plus petits dtails : finesse des artes, prcision des courbes et des arrondis, impression des formes, mise en relief De plus, rien nempche de recourir des techniques de traitement de surface plus traditionnelles telles que le sablage.Ajoutons cela un bon comportement antigraffiti du fait de labsence de porosit capillaire et lon comprend que les BFUP sadaptent toutes les situations.Ainsi qu toutes les imaginations.
seur ! Lorsque tous les lments sont assembls, la structure prsente une section entirement gauche, la fois courbe dans le sens transversal et torsade longitudinalement. Elle est en forme daile de parapente gante telle que la imagine larchitecte. Les Btons Fibrs Ultra Hautes Performances slaborent partir dun premix, mlange granulaire-cimentultra fines, auquel on adjoint la stricte quantit deau ncessaire. Le tout en respectant des temps et des conditions de malaxage bien prcis. Seul point surveiller : celui du retrait, en particulier celui dit endogne. Gnr par lhydratation du ciment, ce phnomne se produit dautant plus facilement quand le rapport E/C est faible, ce qui est le cas des BFUP. Lexprience a montr quun traitement thermique compense ce retrait. Cest pourquoi les BFUP ont une prdilection pour la prfabrication. Bien entendu, un BFUP peut tre coul en place sur chantier. Ainsi, il a t utilis pour raliser des colonnes composant la structure des trois nouveaux btiments du Muse national de la Reine Sophie Madrid, conu par Jean Nouvel et Julio Medem. Il remplit des colonnes mtalliques creuses de 16 m de haut et de 32 cm de diamtre qui supportent les planchers des btiments. Preuve que lutilisation des BFUP na comme limite que limagination des architectes. Les qualits esthtiques, les performances exceptionnelles des BFUP et leur durabilit offrent la possibilit de nouveaux domaines dapplication et de nouvelles structures pour la construction douvrages de Gnie Civil.
TEXTE : STAN GETZEN PHOTOS : 1 ET 2, DR 3, R. RICIOTTI 5, EIFFAGE TP 6, DR
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Construite en 1930, elle nen est pas sa premire opration de rfection. Le bureau dtudes Huggler Ingnieurs SA a labor un cahier des charges draconien dont les quatre points principaux sont : raliser un revtement prsentant une paisseur rduite et un gain de poids, de faon prserver la structure existante et permettre le recouvrement du bton par une couche dtanchit ; quil bnficie dune haute rsistance mcanique ; et que les lments prfabriqus soient suffisamment courts et lgers pour permettre une mise en
uvre aise. La rponse ces contraintes a consist raliser des lments en BFUP de 1,76 m de largeur, 76 cm de longueur pour seulement 4 cm dpaisseur. Neuf mtres cubes de BFUP contenant des fibres mtalliques et des fibres organiques ont t ncessaires la ralisation de ces dalles. Lgers, ces lments nont pas ncessit de moyens de levage particuliers.
PHOTOS : DR
Matre douvrage : commune de Lauterbrunnen Bureau dtudes : Huggler Ingnieurs SA (Interlaken)
Une rfection
trs contrle
De mmoire dhabitant de la petite commune suisse de Lauterbrunnen, lancienne passerelle a toujours t l. Sa structure se fond dans le paysage alpin pur et naturel de lOberland Bernois. Plbiscit par les amateurs dair pur, le climat dans la rgion de Lauterbrunnen nen est pas moins rude.
Rsultat : ces tabliers en BFUP ont t poss en trois jours ! Intressant donc dans le cas dun franchissement dune ligne ferroviaire ou dune autoroute sous circulation.
PHOTO : DR
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grecque et le BFUP a permis de limiter la matire son strict minimum pour plus de finesse. Pour preuve, le tablier comporte une dalle de 4,30 m de large et seulement 3 cm dpaisseur, raidi tous les 1,225 m par des nervures transversales. Le hourdis sappuie sur deux mes de 1,30 m de hauteur dont les angles ont t arrondis en partie infrieure. La passerelle de la Paix est constitue de six lments, six voussoirs prfabriqus de 20 m de longueur dont la mise en uvre seffectue laide de tours dtaiement. Sur chaque rive, on assemble trois lments une demi-arche en somme que lon met en prcontrainte. Une fois les deux demi-arches en place, un clavage de 52 cm de longueur assure la continuit de louvrage. Larche est prcontrainte longitudinalement par un cble 12T15 en partie haute de chaque me et deux cbles 9T15 en partie basse. Malgr son lancement, elle ne comporte aucune armature passive. Ni en partie courante, ni mme dans les zones
dites de frette, zones o les cbles de prcontrainte viennent sancrer. Les essais ont montr que la rsistance en compression atteignait 203 MPa pour une rsistance en flexion suprieure 44 MPa ! Les 22,5 m3 de BFUP ncessaires chaque voussoir sont couls en une fois dans un moule muni de vibreurs o sont disposes des pices de polystyrne pour obtenir les formes attendues. Le BFUP permet de rpliquer fidlement la micro, voire la nano structure du moule, do un tat de surface de grande qualit. Le bton subit un traitement thermique. Lintrt de ce traitement est triple : dabord, il augmente les caractristiques mcaniques du bton, ensuite, il densifie sa microstructure pour une meilleure durabilit et enfin, il limite le retrait (particulirement le retrait dit endogne), voire lannule.
PHOTOS : Lafarge/Philippe Ruault
Matre douvrage : ville de Soul Architecte : Rudy Riciotti
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matriau et conues pour supporter le poids dune personne. Car outre la grande libert artistique octroye par ce matriau, les concepteurs ont optimis le projet pour tirer pleinement parti de la grande rsistance structurelle. La mise au point des coques tait sans conteste le point le plus dlicat de la conception de la gare. La double courbure de chacune delles a ncessit une fine analyse aux lments finis, la gomtrie dfinitive ayant t obtenue en jouant sur les rayons de courbure, les paisseurs Pour vrifier les rsultats obtenus, des tests minutieux ont t mens linstitut de technologie du Massachusetts, aux tats-Unis, avec des outils de calcul habituellement rservs laronautique. Ensuite, un prototype de coque grandeur relle a t soumis divers tests au centre des technologies innovantes de Calgary afin de comparer son comportement aux prvisions des modles numriques. Car de par leur situa-
tion gographique, les coques doivent rsister une charge leve de neige ainsi quaux efforts de soulvement du vent. Rsultat : des lments de 5,1 x 6 m, extrmement fins avec seulement 20 mm dpaisseur. La trs faible porosit du matriau, qui le rend virtuellement impermable, a sduit lquipe de conception, soucieuse de laspect maintenance du projet. Par exemple, les coques de Shawnessy, trs faciles nettoyer, ncessitent peu dentertien et offrent aussi une remarquable longvit. La ncessit dun matriau naccrochant pas les salissures se justifie dautant plus que, de nuit, les coquilles participent lclairage indirect de la gare en servant de rflecteurs la lumire mise partir des quais.
PHOTOS : Lafarge, DR
Matre douvrage : ville de Calgary Architecte : cabinet CPV Group Architects and Engineers Ltd.
tance aux chocs des lments ainsi que par le bon comportement de ce type de bton en cas dapplications de graffitis. Non pas quil soit antigraffiti, mais parce quil prsente de bonnes caractristiques de nettoyabilit du fait de sa trs faible porosit.
PHOTOS : Eiffage TP
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Design innovant
et qualits techniques
La passerelle pitonne Sakata-Mirai, situe dans la rgion de Yamagata, remplace un ancien pont en bton qui franchissait depuis quarante ans la rivire Niita dans la ville de Sakata. Cet ouvrage franchit en une seule trave la rivire. Construite en octobre 2002, la passerelle pitonne de Sakata-Mirai peut tre considre comme une immense poutre caisson inertie variable de 50 m de long. Elle est constitue dlments prfabriqus perfors de 2,40 m de large qui ont t assembls par une prcontrainte extrieure. Les perforations ne sont pas le fruit du hasard. En effet, elles permettent de rduire sensiblement la prise au vent de la structure. De plus, le BFUP utilis a permis des paisseurs beaucoup plus fines. Par exemple, le hourdis suprieur des caissons ne mesure que 5 cm dpaisseur. L'alliance du bton fibr hautes performances et de la prcontrainte extrieure confrent la structure une lgret certaine : un ouvrage similaire en bton ordinaire aurait pes trois fois plus lourd. noter que le matre douvrage a particulirement t sduit par les qualits de durabilit du BFUP utilis. La communaut scientifique japonaise ne sy est dailleurs pas trompe. En reconnaissance de son design innovant et de ses qualits techniques, la passerelle pitonne Sakata-Mirai a t rcompense par
Matre douvrage : Maeta Construction Industry Conception : Taisei
plusieurs prix dont celui de linstitut japonais du bton et de lassociation japonaise de lingnierie du bton prcontraint.
PHOTO : DR
louvrage en Bton Fibr Ultra Hautes Performances en trois lments de 8,85 m couls dans un moule en bois. Premier avantage : le poids de louvrage est divis par trois puisquil natteint plus que 42 tonnes, do une plus grande souplesse de pose, sans aucun taiement. Les lments sont assembls sur le site laide de cbles de prcontrainte. Lensemble est alors mis en place en une seule opration laide dune grue. Compte tenu des qualits intrinsques des BFUP, en particulier leur trs faible porosit, cette solution a permis de saffranchir dune tanchit. Loption BFUP a permis de rduire significativement les dlais du chantier. Conformment au souhait de larchitecte, le BFUP devait offrir une cou-
Marne devait tre ralise une poutre pont-canal en bton arm de 27 m de longueur destine faire traverser le canal aux eaux de ruissellement en provenance de la plate-forme ferroviaire. La solution de couler en place un bton arm solution tout fait classique aurait ncessit des moyens de coffrage lourds, placs laplomb du canal de lOurcq. Car le poids de louvrage aurait approch les 150 tonnes. Loption retenue par RFF a consist prfabriquer
leur de bton brut, proche de celle des corniches de louvrage contigu. Pour assurer lhomognit de lensemble, la poutre pont-aqueduc a bnfici du mme principe de modnature que les corniches courantes, en loccurrence trois inclusions filantes de couleur noire.
PHOTOS : DR
Matre douvrage : Rseau Ferr de France (RFF) Architecte : Alain Spielmann
Chantier rapide
et sobre
Sous limpulsion du matre douvrage RFF (Rseau Ferr de France), le chantier de la ligne ferroviaire grande vitesse LGV Est a donn lieu plusieurs exprimentations. Ainsi, sur le lot 18 hauteur dAnnet-sur-
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Le nouvel ouvrage qui franchit le Var hauteur de Puget-Thniers, dans les Alpes-Maritimes,
doit rpondre une rgle incontournable : aucun appui en rivire en raison de son caractre imptueux et imprvisible. La solution haubane sest rapidement impose. Mais si le dessin du pont privilgie la simplicit architecturale au regard dun site trs contrast, plusieurs traits techniques le caractrisent, la fois sur son fonctionnement structurel et sur la conception de ses haubans. Construit en rive, le tablier a ensuite t tourn au-dessus de la rivire.
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PUGET-THNIERS Pont
route de Digne SaintRaphal, un site urbain, un climat rude, une rivire capable de crues soudaines et dangereuses comme celle de 1994 Le cahier des charges
du pont de Puget-Thniers, dans les Alpes-Maritimes, tait pour le moins trs particulier. En 1999, le conseil gnral a dcid de raliser un nouveau franchissement du Var, en remplacement dun ouvrage datant de 1888 treillis mtallique voie unique de circulation, limit 3,5 tonnes et dcompos en trois traves reposant sur deux piles implantes en rivire. Ouvrage dont la structure en acier commenait, de surcrot, montrer des signes inquitants de corrosion. Do la ncessit de reconstruire un pont en dgageant compltement le lit du Var.
des Routes et Autoroutes (Setra) du ministre de lquipement.Avec deux objectifs : des formes simples et un cot raisonnable. La valle est situe en zone sismique, une attention toute particulire devait donc tre porte aux appuis et aux fondations, relate Philippe Vion, directeur de projet au Setra. Des incertitudes sur la gologie du site ont ncessit des investigations afin de dterminer trs prcisment o se trouvait le substratum rocheux sous le lit du Var, et de reprer dventuelles failles. Cest la socit EEG Simecsol qui sest vue confier cette mission. Rsultat : le sol se compose dune couche de limons argileux denviron 10 m dpaisseur qui repose
sur des marnes calcaires fractures, inclines entre 50 et 80. Ce profil imposait des fondations sur pieux.
La solution haubane
En 2001, en rponse au concours, cinq projets ont t rus par la matrise douvrage, dont un arc et plusieurs solutions haubanes, sans aucun appui en rivire. Le conseil gnral des Alpes-Maritimes a opt pour le tablier en bton prcontraint hauban asymtrique propos par larchitecte Laurent Barbier : une trave principale de 66 m, une trave latrale de 16 m dite de dcharge encastre dans une grosse
cule arrire implante en rive droite, et deux pylnes de 25 m de haut. Mon projet est la fois trs ordinaire et truff de petites astuces, explique le laurat du concours. Il fallait introduire la fois de la force dans louvrage, en raison du site trs contrast qui lentoure, et du raffinement, pour quil saccorde avec la ville de Puget-Thniers qui est en plein dveloppement. Vritable talon visuel, le dessin retenu est justifi par lquilibre, sur le modle dune querre, entre une rgle horizontale reliant les deux rives (le tablier) et deux crayons verticaux (les pylnes). Le site tait dj trs dtermin, mais il fallait malgr tout apporter une sorte de double
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ENTRETIEN
une querre, dont la trave principale mesure 66 m de long. Le haubanage du tablier est repris par deux pylnes conus
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parallles dessinent des harpes convergentes vers le sommet des pylnes. En arrire, elles sont retenues par huit haubans eux-mmes ancrs dans une cule faisant contrepoids.
dtente, un lan sur la rivire, estime Laurent Barbier. Pour viter au maximum de faire obstacle la rivire en crue, le tablier est extrmement fin.Il se caractrise par une pente longitudinale de 4 %, ce qui est trs lev pour un ouvrage routier. La trave principale est porte par deux nappes latrales comptant chacune sept haubans dessinant des harpes convergentes vers le sommet des pylnes. Ces nappes sont retenues, en arrire, par deux groupes de quatre haubans, parallles cette fois, et ancrs dans la cule. Le tablier est entirement port en rive droite par lintermdiaire des pylnes qui reportent tous les efforts dans la cule, rsume Michel Placidi, directeur technique du groupe Razel, lentreprise qui ralise actuellement les travaux. Cette cule est une grosse bote en bton pleine qui fait office de lest ou de contrepoids et, sur la rive oppose, on ne trouve
quun appui simple. En thorie, le nez de la trave principale, en rive gauche, ne transmet mme aucune charge verticale. Ainsi, lesthtique et leffort se confondent, et la lecture de la structure, comme disent les spcialistes, est vidente.
chaque hauban augmente le long du profil en long, du pylne jusqu lextrmit de la trave principale, pour atteindre le chiffre de sept paires, ce qui permet dhomogniser leffort de compression dans le tablier d au haubanage.
Les haubans de Puget-Thniers marquent lune des principales innovations du projet. En association avec leur fournisseur, les entreprises ont propos de recourir des cbles toron unique. Le principe est simple : au lieu de torsader six fils autour
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PUGET-THNIERS Pont
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dun fil central pour constituer un cble T15, comme cest habituellement le cas, puis dassembler ces cbles par groupes de 15 37 pour former un hauban, chaque hauban est ici obtenu directement par torsion de 60 90 fils galvaniss. Cest la premire utilisation de ce type de hauban en France, se flicite Michel Placidi. PugetThniers, la protection des haubans est assure par une injection la cire ptrolire effectue en usine. Et contrairement aux ancrages traditionnels clavette, lextrmit des haubans toron unique est traite sous forme dun panouissement, toron par toron, au moyen dun culot conique rempli ultrieurement de rsine.
dissimul le passage des cbles lintrieur de la structure en bton prcontraint. Les pylnes ont t excuts par coffrage grimpant.
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au-dessus de la rivire par rotation autour de lun de ses pylnes : 4 000 t tourner de 90, une opration spectaculaire !
TECHNIQUE
et lutilisation dun cintre et dun platelage en encorbellement pour couler le tablier en place, avant de le prcontraindre puis de le haubaner. Les entreprises ont dcid doprer paralllement la rive, o le tablier de 4 000 tonnes au total est btonn et hauban, avant dtre mis en place par rotation au-dessus du Var. Cette opration dlicate et trs spectaculaire sest droule autour du pylne amont qui a servi daxe de rotation, le pylne aval tant pendant ce temps-l translat sur des appuis en Tflon, le long dune longrine circulaire. Cette mthode est celle qui avait t employe en 1991 pour le pont haubans de Gilly-sur-Isre (154 m), dessin par larchitecte Jean-Vincent Berlottier et construit lentre dAlbertville pour les Jeux olympiques de 1992. lpoque, Razel tait dj aux commandes, en groupement. La rotation de 90 avait dur moins de six heures.
TEXTE : PHILIPPE GURARD PHOTOS : OUVERTURE ET 5 CHRISTIAN HAMON,DR
Matre douvrage : Conseil gnral des Alpes-Maritimes Matre duvre : Direction des services techniques du dpartement des Alpes-Maritimes Conception et contrle : Setra Architecte : Laurent Barbier Entreprises : Razel (mandataire) et Carillon (ex-Nicoletti)
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la Bresle est le fruit dun vritable partenariat entre architecte et ingnieur. Dans un site sensible, louvrage franchit une valle de plus de 700 m au moyen dun caisson monocellulaire en bton prcontraint, dont les encorbellements sont repris par des bracons latraux extrieurs. Port par douze piles oblongues panouies en tte de ft, le tablier est prfabriqu en rive puis mis en place par poussage. Un projet inspir par le viaduc du Scardon, construit en 1997 par la mme entreprise.
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ne change pas une O n quipe qui gagne ! Sept ans aprs son inauguration, le viaduc du Scardon (1 km de longueur) construit sur lautoroute A16 entre Paris et Calais , voit slever, mois aprs mois, son petit frre: le viaduc de la Bresle
(756 m de longueur). Comme en 1997, cest lentreprise Razel qui est aux commandes du chantier, sous matrise douvrage de la Socit des autoroutes du nord et de lest de la France (SANEF). quelques dizaines de kilomtres de la valle du Scardon, le viaduc de la Bresle est situ sur le trac de lautoroute A29, entre Neufchtel-en-Bray et Amiens, la limite des dpartements de la Seine-Maritime et de la Somme sur la commune de Lafresguimont-Saint-Martin. Comme son an, il traverse un environnement exceptionnel marqu, selon les responsables de la SANEF, par le calme, la quitude, la srnit et labsence dagressivit. Cette particularit est lorigine du lancement dun concours europen en conception-ralisation imposant des contraintes dimplantation et de protection de lenvironnement (protection de la zone Natura 2000) aux cinq quipes concourantes qui runissaient entre2
Calais, le viaduc de la Bresle stire sur 756 m de longueur. Ses neuf traves se succdent 38 m au-dessus du terrain
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naturel.
prcontraint renforce de bracons latraux et ses piles, de section oblongue, spanouissent en tte.
prises, bureaux dtudes et architectes. Une dmarche conceptuelle particulirement efficace pour adapter louvrage son site et aux contraintes environnementales, dans le respect de lconomie gnrale du projet.
CHIFFRES CLS
Surface : 14 800 m2. Volume de bton : 7 700 m3. paisseur moyenne : 46 cm. Prcontrainte longitudinale dfinitive : 162 000 kg. Ratio de prcontrainte longitudinale : 21 kg/m3. Prcontrainte transversale (4T15) : 68 700 kg.
Chron, architecte associ Charles Lavigne. Do lide dune structure en caisson prcontraint avec des bracons latraux, qui permet une ralisation par poussage absolument respectueuse de la valle, conomique par la reconduction dun module de base coule en rive, et idalement proportionne tant par llancement que par le balancement des traves. Le profil en long du viaduc de la Bresle passe 38 m au-dessus du terrain naturel et aligne neuf traves courantes de 61,2 m de porte. Laccostage sur les versants est assur chaque extrmit par deux traves de rives de longueur dgressive, respectivement 57,8 et 44,2 m. En fond de vallon, le terrain est trs marcageux et prsente des caractristiques de portance assez mdiocres. Chacune des douze piles du viaduc est donc fonde sur quatre pieux de 1,60 m
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de diamtre fors sous boue bentonitique sur des profondeurs comprises entre 15 et 33 m. Semblant jaillir du sol avec lan, conformment aux vux de larchitecte, les piles dessinent des formes rondes et souples qui enrobent la lumire et font rfrence au caractre humide de la brche. Leur pure est largement inspire, l encore, de celle du viaduc du Scardon. Toutes identiques, sur des hauteurs variant de 12 38 m, les piles prsentent une section oblongue la base et spanouissent en tte par un lger
vasement qui rappelle les deux branches dun arbre et ressemble une tulipe. Il est constitu de plots en bton qui mergent progressivement du chevtre, en scartant progressivement vers le haut. Lexcution des fts de pile seffectue au moyen dun coffrage outil mont sur galets, form de deux demi-coquilles et dun noyau central. Les cages darmatures, entirement prfabriques au sol, sont mises en place la grue. Le btonnage est ralis par leves de 4 m de haut. Et en tte de pile, souligne Paul Aublanc, direc-
teur des grands ouvrages de gnie civil chez Razel, un outil coffrant spcifique a t conu, compos de quatre ptales pour raliser le btonnage de ces formes originales.
circulation avec une hauteur constante de 4 m, comprenant deux mes en bton verticales de 35 cm dpaisseur et deux hourdis suprieur et infrieur en bton. Les encorbellements du hourdis suprieur sont supports par des bracons en bton. Le tablier reprsente une paisseur moyenne de bton de 0,46 m. Il est prcontraint dans le sens longitudinal par des cbles 27T15 extrieurs au bton, complts en trave par des cbles clisses 12T15 intrieurs, ainsi que par une prcontrainte transversale. Dj prouv avec le viaduc du Scardon, le principe gnral de construction est simple. Le tablier est prfabriqu en vingt-six tronons unitaires de 30,6 m sur une aire amnage cet effet derrire la cule ouest de louvrage. Chaque tronon est excut en cinq phases successives, souligne David Boutry, ingnieur mthodes chez Scetauroute : coffrage, ferraillage et btonnage du hourdis infrieur et des deux mes latrales pour dessiner un U ; mise en place des bracons extrieurs en bton prfabriqus; coffrage, ferraillage et btonnage du hourdis suprieur ; mise en tension des cbles de prcontrainte transversale et longitudinale, puis pose des quipements.
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Point particulier: la liaison entre les bracons et les hourdis. En partie basse, les bracons sont scells avec un coulis dinjection base de ciment et prennent place dans des vents rservs dans les mes. En partie haute, ils sont repris dans le hourdis suprieur lors de son btonTECHNIQUE
nage grce des aciers en attente. Au final, ils travaillent en compression, encastrs sous lencorbellement et simplement appuys en pied sur lme verticale du caisson. Sur le viaduc de la Bresle, le poussage est relativement plus simple en raison dun trac en plan recti-
ligne. Lopration est ralise dans le sens de la monte, le viaduc tant inclin selon une pente longitudinale de 1,5 %. Elle se droule au fur et mesure de la fabrication des tronons du tablier et reprsente au total une longueur de poussage de 756 m et un poids de 19 800 tonnes. Une fois en place en position dfinitive sur les piles, le tablier repose sur des appareils dappui.
Matre douvrage : Socit des Autoroutes du Nord et de lEst de la France (SANEF) Matre duvre : Scetauroute Architectes : AOA Architectes, Charles Lavigne et Christophe Chron Entreprise : Razel
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Cot:
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Une innovation
pour les ouvrages ferroviaires
PRAD, vient enfin de faire son entre sur le rseau ferroviaire franais. Cinq ponts-rails sont en cours de construction dans le cadre de la ralisation de la ligne grande vitesse Est europenne. Ladoption de cette technique est le fruit dun long processus danalyses, dtudes et dessais qui a confirm lintrt conomique du principe PRAD pour les ouvrages ferroviaires de rseau ferr de France.
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presque une rvoluC est tion. Cinq ouvrages de la nouvelle ligne grande vitesse Est europenne adoptent la technique des poutres prcontraintes par adhrence dites PRAD. Pour Rseau ferr de France
(RFF ), matre douvrage des oprations, lapproche est indite. En effet, si la technique PRAD est souvent utilise pour la construction douvrages routiers et autoroutiers, deux cas seulement ont t recenss dans le domaine ferroviaire. Datant de 1946, ces ouvrages poutres prcontraintes par adhrence sont situs dans le secteur dAchres (78). Jusqu aujourdhui, ils constituaient les seuls exemples de ce type, sur un total de 29 200 ponts-rails en France. Les sollicitations auxquelles sont soumis les ouvrages ferroviaires, en particulier ceux du rseau grande vitesse, sont autrement plus importantes que les efforts appliqus sur les ponts routiers, rappelle en substance Grard Lebailly, expert technique RFF. Une contrainte qui imposait lapplication du principe de prcaution dans lattente dessais et
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paississement rectangulaire aux abouts, ncessaire pour la reprise de calculs permettant le dimensionnement et la vrification de cette famille douvrages de franchissement. Le premier pont voussoirs sur une ligne TGV nest autre que le double viaduc dAvignon sur la LGV Mditerrane, avoue Grard Lebailly. Ce qui prouve bien que loprateur ferroviaire franais nest pas oppos aux technologies modernes, mais seulement prudent vis--vis delles. des efforts tranchants.
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treize poutres PRAD contre sept sur les tabliers monovoie du lot 18.
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Pendant
toute la phase de construction, les poutres sont poses sur des appuis provisoires : botes sable ou crics.
Analyse de la valeur
Lvolution de la solution PRAD trouve son origine au milieu des annes quatrevingt-dix. lpoque, la SNCF a men une tude approfondie sur la standardisation douvrages dart courants tels
que les ponts-rails, dont la fabrication navait jusqualors bnfici daucune industrialisation. La rflexion sest organise autour de la mthode danalyse de la valeur. Lobjectif tait damliorer les conditions de ralisation, de raccourcir les dlais dtudes et de travaux et de rduire le cot global des lignes nou-
velles en y incluant les frais lis la surveillance, la maintenance et la rparation des ouvrages dart. Aprs avoir confirm lintrt conomique douvrages constitus de poutres PRAD, la SNCF a confi la Fdration de lIndustrie du Bton (FIB) et au Centre dtudes et de Recherche de lIndustrie
1. Lentit RFF (Rseau ferr de France), qui assure la construction et lentretien des lignes ferroviaires, a t cre en 1997.
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du Bton (CERIB) le soin de raliser des essais statiques, dynamiques, de fatigue et de rupture sur des ponts-rails intgrant ce type de structure. Le cahier des charges de loprateur ferroviaire exigeait des ouvrages multitrave hyperstatiques, souligne Pierre Passeman, ingnieur au dpartement conception des ouvrages du CERIB.
50 millions de cycles
Les ouvrages ferroviaires PRAD ont t valids par un essai de comportement sous effet dynamique qui a t ralis pendant 72 jours sur un pont-rail test compos de deux traves de 5,35 m mises en continuit. Nous avons soumis le corps dpreuve une srie de 50 millions de cycles, correspondant une dure de service pour louvrage de 100 ans, rsume Pierre Passeman. Les rsultats des essais ont dmontr un trs bon comportement en service et la fatigue ainsi quune scurit structurelle satisfaisante : la rsistance la rupture est 2,8 fois suprieure aux contraintes appliques en service. Le principe valid, la SNCF a souhait pousser plus avant sa rflexion afin de quantifier prcisment lconomie glo-
bale de la solution PRAD. Pour ce faire, elle a pass commande dun outil daide la conception de tabliers de ce type auprs du CERIB. Andr de Chefdebien, ingnieur au CERIB, a coordonn cette tude paramtre dont Pierre Passeman a assur la ralisation pendant une anne complte. RFF dispose prsent dun guide de dimensionnement complet des ouvrages PRAD runissant prs de deux cents ponts-rails, rsume Pierre Passeman. Ces ouvrages sont constitus de une six traves dont les longueurs unitaires varient de 12 30 m pour une longueur totale de tablier toujours infrieure 90 m.
TECHNIQUE
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de 1,20 m de large permet la reprise des efforts tout en assurant lhyperstaticit du tablier.
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la valle de la Throuanne. Ici, la technique PRAD trouve sa parfaite justification compte tenu dun environnement marcageux o il tait difficile de mettre en place des taiements lourds, rsume Yves Coquel,chef de ce lot pour la matrise duvre SNCF. En mme temps, la construction respecte la loi sur leau qui limite les emprises de travaux, cest--dire un hectare au total pour les besoins daccs du site de la Throuanne.
dans la continuit directe du viaduc, prcise Yves Coquel. Considr comme une cule creuse, il assure le rtablissement du chemin rural dit des Vaches. La section transversale des tabliers est consistue de treize poutres PRAD de 1,35 m de hauteur et surmontes dun hourdis en bton arm de 27 cm coul en place sur plaques de bois-ciment. Au droit de chaque appui, une entretoise de continuit de 1,20 m de large permet la reprise des efforts tout en assurant leffet hyperstatique.Seules exceptions,les entretoises implantes au niveau des joints de dilatation : elles se divisent en deux lments de 80 cm spars dun vide de 25 cm. Lun des avantages de la technique PRAD hyperstatique est de permettre la rduction du nombre dappareils dappui, souligne Yves Coquel. En transversal sur ce viaduc, il ny en a que sept pour treize poutres. Claye-Souilly (77), le lot 18 constitue le carrefour dinterconnexion avec la ligne ferroviaire reliant les rseaux TGV Nord, Mditerrane et Atlantique. Com-
plexe, ce lot compte dix-huit ouvrages diffrents, dont les estacades contigus qui permettent la traverse de la valle de la Beuvronne en majeure partie constitue dun marais protg.Au nombre de quatre, ces estacades prsentent des longueurs respectives de 135 m, 310,24 m, 404,48 m et 296,48 m, soit un dvelopp de 1 146,20 m. Comme pour le viaduc de la Throuanne, leurs tabliers sont diviss en tronons ne dpassant pas les 90 m entre joints, avec un maximum de traves standards de 22,50 m de long. Les entretoises de continuit, larges de 1,20 m, sont hautes de 1,62 m, tout comme lensemble poutres + hourdis. Chaque tablier supporte une seule voie ferre, do leur section transversale rduite sept poutres PRAD et un nombre dappareils dappui limit quatre par pile. La technique de construction utilisant des lments prfabriqus offre plusieurs avantages (matrise des dlais et des cots, aspect de parement). Et Grard Lebailly de conclure : Les tabliers poutres PRAD peuvent prsent tre considrs comme une solution supplmentaire intgre au catalogue des ponts types de RFF.
TEXTE ET PHOTOS : ANTOINE VAVEL
Matre douvrage : Rseau Ferr de France (RFF) Matre duvre : groupement SNCF-Arcadis Entreprises : Lot 12 : GTM Terrassement, Deschiron, Campenon Bernard, Chantiers Modernes, Weiler, Eurovia et GTM gnie civil. Lot 18 : Eiffage (mandataire), Fougerolle Ballot, Appia Est et Eiffel. Cot des travaux (terrassements et gnie civil):
80,5 M 64 M
Lot 18:
Lot 12:
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Lart du dialogue
entre ingnieur et architecte
artiste mprisant la technique, sont ranger au rayon des caricatures. Le numro spcial Ouvrages dart 2003 avait dj mis en lumire les rapports troits entre architectes et ingnieurs. Trois autres architectes, spcialistes des ouvrages dart, racontent ici les enjeux de leur mission et voquent les rapports quils entretiennent avec leurs diffrents partenaires. Ils parlent galement de leur passion pour les ouvrages dart. Car il sagit bien de passion.
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truction moderne, trois architectes spcialistes des ouvrages dart clament que le dfaut serait den faire trop. Un ouvrage dart doit
donc rester modeste, savoir sadapter, mais sans tre mdiocre. On ne doit pas avoir rougir de ce que lon va laisser aux gnrations venir, avance JeanLouis Jolin, architecte-urbaniste Metz. Un principe simpose: comprendre le site pour savoir ce que lon peut y placer. Lobjectif tant dintgrer et non de raliser des pices majeures. Au dpart, on sattache marquer le paysage, puis on apprend aller lessentiel, enchane Laurent Barbier, architecte Vanves, prs de Paris. Cest une dmarche dapprenti. Et dajouter: Louvrage dart est la fois un contenu et un contenant ; il se lit de lintrieur et de lextrieur. Il donne des chelles, cre une dimension. Larchitecte est l pour donner ce ct symbolique.
les ouvrages daujourdhui sinscrivent dans une tradition. Une tradition qui nous a laiss nombre douvrages anciens que lon apprcie pour leur puret. Ds lors, la question est comment faire pour durer, pour viter la pice rapporte. Au dire des architectes, il semble bien que llgance se gagne par la recherche de ces mmes trames fondamentales. On essaie de sculpter le travail de lingnieur, poursuit Laurent Barbier. Le dpouillement serait donc un gage de lisibilit. Le dialogue de larchitecte et de lingnieur est manifestement la cl de toute russite. Au fond, les ingnieurs apportent ce qui est ncessaire, tandis que les architectes apportent lessentiel, cest--dire que louvrage soit satisfaisant, poursuit Jean-Louis Jolin. Car on voit louvrage dart plus quon ne le regarde. Et du fait quil est destin durer, le pont, exemple mme de louvrage courant, est notre bien tous : il appartient aux gnrations prsentes comme aux gnrations venir. On comprend, ds lors, que les architectes recommandent de ne pas insister sur laspect dcoratif, au risque de proposer une mission rductrice, loppos de larchitecture au sens classique. Pierre Million, architecte Lyon, estime mme
que la signature de larchitecte na pas dintrt, lintrt tant de bien rpondre la question : On est l pour apporter un supplment dme, cest tout. Mais comment larchitecte en vient-il se consacrer aux ouvrages dart ? Pour larchitecte lyonnais, loccasion sest prsente aprs six annes passes concevoir des btiments. Il partage alors ses bureaux avec un paysagiste qui se voit confier lintgration dun ouvrage. Le paysagiste oriente le projet vers larchitecte qui ralise cet ouvrage, puis dautres, jusqu ne plus faire que cela. Ctait il y a vingt-cinq ans. Jai toujours regrett de navoir pas fait les Ponts et Chausses, avoue Pierre Million. Lune des difficults de larchitecte dans ses premires annes, cest de trouver sa place. Avec louvrage dart, jai trouv la rigueur qui me manquait dans larchitecture. Pour Jean-Louis Jolin, tout commence en 1969. Il travaille lpoque en compagnie dun urbaniste auquel est confi un projet de pont sur la Sarre. Lurbaniste propose laide de larchitecte son client. Quelques centaines douvrages courants jalonneront ainsi la carrire de Jean-Louis Jolin, notamment sur lA26 Chalon-Troyes, sur lA16
Paris-Boulogne, pour la LGV Est. Au moment de mes tudes, loral dadmission, on ma donn les ponts pour sujet, prcise larchitecte messin. Ctait inattendu lpoque. Cela le serait encore aujourdhui. Car la dmarche des coles darchitecture ne semble pas aller dans le sens des ouvrages dart.
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et
dire quil a trouv la rigueur qui (lui) manquait dans larchitecture avec louvrage dart.
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absolue de larchitecte. Et il peut le sduire comme le rebuter, en raison de laspect technique. Pour dompter cette technique, Laurent Barbier recommande dapprivoiser lanatomie de lobjet, sans quoi lon ne fait que de lhabillage. Do lobligation du travail avec lingnieur pour comprendre ce qui est fondamental. Do aussi ces aller-retour jusqu louvrage final: On ne sait plus la fin qui a apport les grandes options de dpart et cela na pas dimportance.
de concert, confirme Jean-Louis Jolin. Et les uns comme les autres ne doivent pas tre trop figs. Si on menlevait le dialogue avec les ingnieurs, jarrterais, renchrit Pierre Million. Cest ce tour de table qui mintresse. La relation humaine est donc la cl de toute russite. Encore faut-il que la problmatique exprime par la matrise douvrage soit suffisamment prcise. Dautant quune dmarche intellectuelle se fait jour et tend modifier la donne. Car lre est la communication et la volont se fait plus pressante chez les matres douvrage, le plus souvent aussi chez les lus, de laisser une trace de leur passage. Cest lune des raisons pour lesquelles on fait appel aux architectes Le phnomne tendrait samplifier. Charge alors larchitecte de faire comprendre ce quil faudrait faire et ne pas faire pour louvrage. Les lus ne doivent pas voir en louvrage dart une vitrine, reprend Laurent Barbier. Cest la source dune ambigut : on sollicite larchitecte mais on ne lcoute pas forcment quand il prne la discrtion, surtout dans les projets urbains. Au passage, on se flicitera du chemin parcouru, car larchitecte na plus dfendre lintrt de sa mission. Il ne lui reste
donc plus qu convaincre la matrise douvrage, qui fonctionne souvent par rfrence : on a t sduit par un ouvrage, et lon souhaite avoir le mme. larchitecte de montrer quil ne faut pas retenir le seul aspect cosmtique et quil faut au contraire satteler une dmarche personnelle, un scnario propre. Avant dtre un architecte douvrages dart, on met en scne un espace, on raconte une histoire, rsume Laurent Barbier. La formule verbale, lide, devient donc aussi importante que le dessin. Raison pour laquelle Pierre Million recommande larchitecte de se demander quel est le sens de louvrage par rapport au trac, et qui regarde quoi. partir de l, daprs lui, larchitecte saura aussitt comment lorienter. Puis revient la question de lhumilit: Il ny a pas de petits ni de grands ouvrages. Quand un ouvrage fait apparatre une prouesse technique,
cela devient autre chose. Les vraies prouesses ont permis de faire parler des ponts, mais tous les ouvrages ne sont pas le pont de Normandie ou le viaduc de Millau. Quand on fait Clermont-Bziers, il y a prs de cent cinquante ouvrages et pourtant, personne ne sen souvient. Mais cette discrtion ne semble pas entamer lintrt de lintervention.Et Pierre Million de conclure: Si cest une simple question dhabillage, je passe mon chemin. Mme enthousiasme pour Laurent Barbier: On est dans le symbole. Mais quel plaisir quand le message passe, quand lobjet gagne en me sans nul besoin de discours explicatif ! Et sil restait une raison de douter: Quelles que soient les contraintes, louvrage dart est plus intressant. Je ne me vois plus du tout faire du btiment, tranche Jean-Louis Jolin.
TEXTE : PHILIPPE FRANOIS PHOTOS : DR
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bloc-notes
Livres
Conception des btons pour une dure de vie donne des ouvrages
Collection Documents scientifiques et techniques
Ce document vise une meilleure connaissance des proprits relatives la durabilit du bton arm et de ses constituants et des moyens mis en place pour matriser cette durabilit. Il propose une mthodologie pour la mise en uvre dune dmarche performantielle, globale et prdictive de la dure de vie des structures en bton arm.
ditions de lAssociation Franaise de Gnie Civil (AFGC), juillet 2004
Cet ouvrage retrace prs de trois sicles dhistoire des Annales des Ponts et Chausses.
ditions Presses de lcole Nationale des Ponts et Chausses (ENPC)
Ce livre prsente les grands travaux raliss en France depuis le XVIIIe sicle grce la collaboration entre ltat et le Conseil gnral des Ponts et Chausses.
ditions Dcouvertes Gallimard
Rdig par des experts du Syndicat National du Bton Prt lEmploi (SNBPE) et de lindustrie cimentire, ce fascicule prsente en deux parties cette nouvelle norme, avec dun ct des commentaires et des informations pratiques, et de lautre, la retranscription du texte de la norme.
ditions Syndicat National du Bton Prt lEmploi/ Cimbton, 120 pages, septembre 2004
Ce joli livre vous donnera envie de dcouvrir ou de redcouvrir les trente-six ponts, passerelles et viaducs parisiens travers des clins dil historiques, littraires ou artistiques : pontsbracelets, ponts-virgules, ponts de peintres ou ponts de potes, ponts de cinma Ainsi que quelques curiosits.
ditions Bonneton
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Les ponts
Angia Sassi Perino et Giorgio Faraggiana
Ce livre raconte l'histoire dun chantier exceptionnel, celui de la construction du pont qui, entre Rion et Antirion, enjambe le golfe de Corinthe. Ce rcit d'une utopie ne au XIXe sicle et devenue ralit au dbut du XXIe sicle est nourri de quatre-vingts photos de Nikos Daniilidis. (Voir galement notre article en page 1).
ditions Textuel
Ouvrages dart et ncessits de communication, les ponts, tout en faisant partie de notre environnement, transforment les paysages dans lesquels ils sinsrent. Cet ouvrage propose quelques-uns des plus beaux exemples de ces difices travers le monde, depuis lAntiquit jusqu nos jours. Extrmement complexes dans leur conception, agrments dune profusion de dcorations, des ponts de pierre aux ponts suspendus, ils sont tous reprsentatifs de leur poque et des civilisations qui les ont conus.
ditions Grnd
Ce livre prsente au public ce pionnier de lutilisation du bton arm lesprit cratif qui travailla plus de quarante-deux ans pour des collectivits locales de province et btit plus de trois cents ouvrages.
ditions Presses de lcole Nationale des Ponts et Chausses (ENPC)
Ce guide est destin aux gestionnaires douvrages confronts aux consquences des cycles gel-dgel, associs la plupart du temps aux sels de dverglaage. Fruits de recherches rcentes, ces recommandations proposent des spcifications adaptes lenvironnement des diffrentes rgions franaises. (Voir galement larticle sur le viaduc de la Sioule et lencadr page 10).
ditions du Laboratoire Central des Ponts et Chausses (LCPC)
Les atouts de loffre industrielle pour des ouvrages sobres, conomiques et prennes
Cette brochure permet une premire approche des ponts PRAD : leur dfinition, les diffrents types de poutres, les caractristiques des ciments et les intrts lis ce choix. De nouvelles perspectives sont ouvertes avec les nouveaux btons que sont les BHP, les BAP et les BFUP. Rfrence T 80, 24 pages, gratuit.
Le choix de la dure
Ce document technique constitue une synthse indispensable des connaissances actuelles et sadresse aux concepteurs et gestionnaires douvrages en bton arm. Il est consacr lutilisation des armatures inox, en substitution totale ou partielle des armatures acier, afin de concevoir des ouvrages destins durer plus longtemps et de saffranchir des phnomnes de corrosion, principale pathologie des ouvrages, et ce, avec des cots de maintenance rduits au plus strict minimum. Rfrence T 81, 112 pages, gratuit.