CHAPITRE PREMIER : LES ORIGINES D OLIVIER

La seigneurie de Termes Le cadre gographique Le o nat Olivier de Termes vers 1200, commande un petit pays appel Termens, au c ur du massif des Corbires. Ce massif ancien situ au nord des Pyrnes n est pas trs grand. Dlimit l est par la Mditerrane, au nord et l ouest par la valle de l Aude, au sud par la valle de l Agly, il forme un quadrilatre d environ 60 x 40 km, cheval sur les dpartements des Pyrnes-Orientales et de l Aude. Mais il prsente un relief trs complexe et une grande varit de paysages. Tentons toutefois d en donner les grandes lignes. Le massif se compose d un ensemble de chanes ou serres en occitan et de sillons globalement orients ouest-est, puis s arquant vers le nord-est en s approchant de la mer. Le relief culmine 1230 m au Pech de Bugarach, puis s abaisse et s adoucit progressivement en suivant la mme direction. Les rivires ont morcel ce relief en y creusant de profondes gorges principalement nord-sud et souvent difficiles d accs. Si l altitude moyenne du massif n est pas trs leve, les pentes fortes dominent. Les reliefs plats se limitent quelques petits bassins situs surtout dans la moiti nord-est comme le Val-de-Daigne et la plaine de Tuchan-Paziols et quelques plateaux situs dans l autre moiti du massif comme ceux de Lacamp, de Mouthoumet ou de Bouisse. Le cadre gopolitique Si les Corbires constituent un massif facile contourner, leur pntration reste difficile, particulirement dans le sens nord-sud. Comme pour beaucoup de zones de montagnes, leur gographie a marqu leur histoire. Pendant les priodes d autorit publique forte et centralise, les Corbires du fait de leur relief constituent souvent une frontire entre diffrentes entits politiques rgionales, installes dans les centres urbains situs dans les plaines en marge du massif. Sous l Empire romain la limite entre les cits de Narbonne, Carcassonne et Elne passe

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au centre des Corbires. Par son nom Termes rappelle probablement cette limite1. Ce dcoupage va servir de base l organisation politique mise en place par les Wisigoths et les Carolingiens. Les trois cits deviennent sige d un vch et d un comt, tandis qu un quatrime comt, le Razs, comprenant la majeure partie de ce qui sera le Termens, est cr. Ce comt centr sur Rennes-le-Chteau et la haute valle de l Aude est lui-mme divis en vicomts ou pays parmi lesquels le Fenouilleds (bassin de l Agly) et le Perapertuss (bassin du Verdouble). cette date cependant il n est nullement question du Termens. la fin du Xe sicle lorsque l autorit royale s est efface au profit de celle des comtes, le Razs est disput entre deux branches de la mme famille, celle des comtes de Cerdagne et de Carcassonne. l issue de la guerre du Razs en 980, le comt se trouve divis en deux. Les deux comtes fortifient alors leur frontire en crant ou remettant en tat des forteresses publiques. Au sud, le rseau des comtes de Cerdagne est connu par un acte de 1021. Il comprend notamment les chteaux de Puilaurens, Fenouillet, Peyrepertuse, Quribus et Aguilar. On est moins bien renseign sur le rseau mis en place au nord par les comtes de Carcassonne. Il comprenait vraisemblablement les chteaux de Rennes, Albedun, Auriac, Durfort et Termes. Des chtelains issus pour la plupart de la haute aristocratie et apparents aux familles comtales sont installs pour diriger les garnisons de ces chteaux2. La formation de la seigneurie Mme si elle a laiss des traces monumentales et toponymiques, la frontire entre les tats des comtes de Cerdagne et de Carcassonne s efface vite. L affaiblissement des pouvoirs des comtes vers 1020-1060 permet l mergence de nouveaux pouvoirs plus ou moins indpendants, particulirement dans les zones montagneuses isoles en marge des comts. Les chtelains vont s manciper de l autorit comtale et s approprier le chteau et les droits publics 3 dont ils taient investis . C est ainsi que vont apparatre les seigneuries et familles de Termes, Auriac, Peyrepertuse, Fenouillet, etc. Mis devant le fait accompli, les comtes vont restaurer une partie de leur autorit en recevant comme vassaux leurs anciens agents et en leur concdant officiellement en fief hrditaire les chteaux et biens publiques dont ils s taient empars. Les hommages et serments de fidlit prts par les nouveaux matres des chteaux leurs anciens matres ne sont pas trs contraignants. Ils imposent surtout au vassal de ne pas faire la guerre son seigneur, de lui remettre le chteau sur simple rquisition et de l aider, principalement en cas de guerre. Mais ces obligations sont vites thoriques lorsque le vassal a plusieurs matres. C est prcisment le cas des seigneurs de Termes. Vers 1064-1067 Olivier de Termes prte serment l archevque de Narbonne Guifred de Cerdagne. Suivant une formule en usage l poque, il lui promet qu il ne le tromperait jamais en rien, ni en sa personne, ni en ses biens, que s il y avait un homme ou une femme qui voulait lui ravir ses biens, il serait son aide et dfenseur contre ces personnes sans tromperie, sauf et except contre le comte Roger, sa mre Rangarde et leurs successeurs comtes de Carcassonne et Razs ; le comte de Barcelone [Raimond Brenger Ier] et sa femme [Almodis de la Marche], et

1. G. Langlois, tymologie et orthographe de Termes (Aude), et des noms drivs , Bulletin de la Socit d tudes Scientifiques de l Aude, t. LXXXXIII, 1993, p. 167-169. 2. Voir P. Ponsich, Le comt de Razs des temps carolingiens au trait de Corbeil , tudes Roussillonnaises, Revue d histoire et d archologie mditerranenne, t. IX, 1989, p. 33-54. 3. P. Bonnassie, La Catalogne au tournant de l an mil, Paris : Albin Michel, 1990, 498 p. ; C. DuhamelAmado, La famille aristocratique languedocienne. Parent et patrimoine dans les vicomts de Bziers et d Agde (900-1170). Thse de doctorat d tat es lettres, Universit de Paris IV - Paris Sorbonne, 1994. ( paratre).

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les vassaux d Olivier. 4 Les seigneurs de Termes grce leur position la limite de plusieurs dominations multiplient les matres et serments de fidlit contre remise de fief, mais chaque fois avec des rserves de fidlit. Si bien que si l un de leurs matres (archevque de Narbonne, comtes ou vicomtes de Carcassonne-Razs, Cerdagne, Roussillon, Barcelone ) est en guerre contre l autre, ils n ont aucune obligation. Cette politique habile permet en fait aux seigneurs de Termes d accrotre leur patrimoine et de bnficier d une quasi-indpendance. Cette situation perdure jusqu au dbut du XIIIe sicle grce au contexte politique rgional. Entre 1067 et 1070 le comte de Barcelone avait rachet les comts de Carcassonne et Razs. Mais leur vicomte, Bernard-Aton Trencavel, galement vicomte d Albi et Bziers, profita la e fin du XI sicle de la rivalit entre les maisons comtales de Toulouse et Barcelone, pour riger ses vicomts en principaut presque indpendante. Jusqu la croisade albigeoise la seigneurie des Trencavel constitue un tat tampon entre les deux principales puissances mridionales, le comt de Toulouse et le comt de Barcelone. leur chelle les seigneurs de Termes constituent aussi une seigneurie tampon et pratiquent une politique comparable celle de leur seigneur principal. Une politique patrimoniale et matrimoniale tout aussi habile permet aux seigneurs de Termes d accrotre encore leur patrimoine5. Grce des mariages avec les seigneurs voisins (Peyrepertuse, Fenouillet etc.) les seigneurs de Termes reoivent en dot diverses possessions qui viennent accrotre le Termens. La pratique de la primogniture masculine, la limitation des naissances, permettent d viter l clatement de la seigneurie entre divers hritiers. l an on rserve le chteau de Termes et la seigneurie du Termens. Aux cadets et aux filles on laisse les possessions les plus excentres situes hors du Termens comme les chteaux de Belcastel prs de Limoux et Salses en Roussillon. La seigneurie au dbut du XIIIe sicle : le paysage monumental et vgtal Au dbut du XIIIe sicle, dans son extension maximale, la seigneurie s tend sur une trentaine de kilomtres d est en ouest et une vingtaine d autres du nord au sud. Elle comprend une soixantaine de villages, hameaux ou domaines dont 28 sont qualifis de castra*, c est 6 dire possdent un chteau ou une enceinte villageoise fortifie . C est une seigneurie rurale, ne comprenant aucun centre urbain, en grande partie montagnarde et l cart des grandes voies commerantes. Ce n est cependant pas le dsert vert tel qu est le Termens aujourd hui. Le nombre de villages et d carts, la densit de population, y sont beaucoup plus levs qu aujourd hui. Le paysage vgtal y aussi est sensiblement diffrent. Aujourd hui la culture de la vigne domine en plaine, le maquis et la garrigue ont envahi les collines et les sapins issus du reboisement ont colonis les massifs les plus hauts ou les plus arross. L espace cultiv, l ager, a considrablement rgress. Au XIIIe sicle au contraire, l ager est encore en expansion. La culture dominante, celle des crales, associe parfois la vigne et l olivier, occupe toutes les plaines et les fonds de valles, mais aussi nombre de coteaux au prix d importants travaux de terrassement. Les plateaux et les collines sont parcourus par de nombreux troupeaux, surtout
4. Bibl. mun. Narbonne, Inventaire Rocque, tome I, fol. 88. 5. G. Langlois, Diversit des pratiques familiales et patrimoniales. L exemple de quelques familles aristocratiques du Languedoc (Xe-XIIIe sicles) , Les socits mridionales l ge fodal, Espagne, Italie et sud de la France, (Xe-XIIIe sicles), Hommages Pierre Bonnassie, Toulouse : UMR 5591 FRA.M.ESPA. CNRS - Universit de Toulouse-II-le-Mirail, 1999. 6. G. Langlois, La formation de la seigneurie de Termes , Heresis, n 17, dcembre 1991, p. 51-72 et n 18, juin 1992, p. 71.

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de moutons, comme celui de l abbaye de Fontfroide. D importants massifs boiss subsistent, particulirement l ouest, c est dire dans la partie la plus leve et la plus arrose du massif des Corbires, mais aussi l est, o on ne trouve aujourd hui que de la fort mditerranenne. Ce sont des forts de feuillus o dominent le chne pubescent, le htre et le noisetier, comme en tmoigne la toponymie. Elles sont le domaine du cerf, de l ours et du sanglier, e abondamment chasss au XIII sicle. Mais ces forts rgressent sous l effet conjugu de la recherche de nouveaux espaces cultivables, de nouveaux terrains de pacage pour les animaux domestiques et de la consommation de bois pour les besoins domestiques et mtallurgiques. La prsence d importantes mines de fer et de cuivre argentifre, principalement autour de Palairac, compensent la pauvret en espaces agricoles de la seigneurie. Mme s il comporte encore de nombreux espaces sauvages, le paysage du Termens est plus humanis, plus humide, moins mditerranen que de nos jours7. Tel est le cadre de vie d Olivier de Termes.

7. Cette description du paysage vgtal s appuie sur des observations toponymiques, archologiques et archivistiques. Ces observations sont en accord avec les travaux d Aline Durand, Les paysages mdivaux du Languedoc (Xe-XIIe sicles), Toulouse : Presses universitaires du Mirail, 1998, 491 p.

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Gnalogie : la ligne de Termes

Sigles et abrviations p.: pouse. av.: avant. ap.: aprs mort. cathare. F faidit. crois. En gras : les seigneurs de Termes Famille de Gurb-Queralt ? Notes (1) Veuve de Peire d Auriac dont elle a un fils, Bertrand d Auriac. (2) Se remarie ap. 1210 avec BernardHugues de Serralongue, baron de Cabrens, avec lequel elle a sept enfants. (3) Petit-fils de Rixovende de Termes. (4) Fille de Pons de VilleneuveMontral.

Bernard I ? p. Chicor Olivier I Bernardi 1061-1067 p. Rixende

Peire Oliveri I senior seigneur de Termes, Salses, Belcastel 1070? 1095 p. Garsen [de Peyrepertuse] 1112 Olivier II 1095-1113 ( 1118 Saragosse ?) p. Estria 1110-1118 av. 1139 Raimond II 1121-1163 p. av. 1163 Azalas

Raimond I ? 1062 ?

Bernard II Petri Guilhem Petri Brenger Petri Gaucelm Petri

Benot I moine de Lagrasse 1095

Guilhem Raimund i 1118

Alairand 1118

Bernard III 1118

Guilhem III 1128-1163 p. ap. 1142 Adalmurs [de Fenouillet] 1141-1163 (1)

Rixovende 1163-1210 p. av. 1163 Bernard II de Montesquieu av. 1172 p. av. 1191 Guilhem III de Minerve 1145-1191
Guillem III de Guilhem IV Montesquieu, de Minerve dit Guerrejat, F F 1210-1219 . ap. 1217 p. Batrice

Peire Olivier II 1163-1208

Raimond III 1170 ap. 1210 Carcassonne p. av. 1197 Ermessende de Corsavy 1197-1255 (2)
Bernard IV 1210-1228 F ( 1229 Majorque ?)

Benot II 1207-1230 vque cathare du Razs depuis 1226

Olivier III 1207 12 aot 1274 Terre Sainte F p. av. 1237 Thrse 1237-1257

Blanche 1210 av. Raimonde de 1279 p. av. 1253 Laroque-de-Fa Guilhem V de 1210-1262 p. av. 1236 Guilhem Minerve F (3) 1240-1262 av. 1266 Jourdain de SaintFlix 1213-1262 Raimonde de Minerve 1253-1279 av. 1309 Bernard Pons de de Saint- SaintFlix Flix 124612461287

Bernard IV. vers Guillem IV 1229 Majorque ? 1248 vers 1261 p. . p. Ermessende Blanche ? 1257

Guilhem V de Minerve p. Blanche de Termes (voir Blanche)

Raimond IV 12531303 p. av. 1256 Guilherme de Saissac 1256-1257 (4)

1287

Ermessende 1262

Bernard V 1262 vers 1291 Guillem (illgitime)

Loup (fils batard) av. 1289.

Guilhem IV 1288-1320

Guillem 1352-1358 consul de Palma-deMallorca Termes de Majorque

Arnaud 1352 consul de Palma-deMallorca

G. LANGLOIS, 16/02/2001

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L hritage spirituel : une famille hrtique Ce n est partir de 1224, c est--dire un ge o Olivier est dj adulte, que les sources font connatre pour la premire fois son existence. Olivier n apparat dans la documentation que quand il sort de la vie prive pour devenir un homme public, un guerrier. La documentation laisse donc dans l ombre toute l enfance d Olivier. Cette situation n a d ailleurs rien d exceptionnelle : les douze premires annes de saint Louis, n en 1214, ne sont pas mieux connues8. C est cependant une lacune malheureuse car l enfance est la priode o Olivier va recevoir une ducation et se forger un caractre qui vont le marquer toute sa vie. Cette lacune peut pourtant tre partiellement comble. En confrontant ce que l on sait de la personnalit d Olivier l ge adulte avec ce que l on sait de son entourage pendant son enfance, on peut en dduire l origine de certains traits futurs des caractre et comportement d Olivier. Il nous faut donc passer en revue tous les membres de sa famille qui ont pu participer son ducation, commencer par son pre Raimond. Les parents : Raimond de Termes et Ermessende de Corsavy Second fils de Guilhem, frre cadet du seigneur de Termes, Raimond de Termes n tait pas promu un grand avenir dans une famille o la primogniture masculine ne laissait que peu de place aux cadets. Comme bien des cadets des familles aristocratiques il semble avoir t relgu au second plan, sous la tutelle plus ou moins contraignante de son an, Peire-Olivier de Termes. De fait, alors que Peire-Olivier de Termes apparat ds 1163 associ son pre dans un hommage au vicomte Trencavel, il faut attendre 1191, soit 28 ans, pour voir Raimond associ son frre dans la gestion de la seigneurie. Sa position de cadet le condamnait aussi rester indfiniment jeune, c est--dire ne point s tablir en prenant femme et seigneurie. Mais par chance pour Raimond, Peire-Olivier n avait pas d enfant. Il fallait assurer la descendance du lignage. Raimond se marie donc en 1197, c est dire quand il apparat nettement que son an n aura pas d hritier. Il a alors plus de 41 ans, peut-tre mme 50. C est donc un homme dj mr. Son pouse est par contre fort jeune cette date. Peut-tre est-elle peine pubre, car elle vivait encore en 1255 aprs avoir donn naissance 11 enfants. C est le sort de beaucoup de jeunes filles de se retrouver maries des vieillards et de devenir de jeunes veuves. C est ce qui lui arrivera. La femme de Raimond, la future mre d Olivier porte un joli nom : Ermessende de Corsavy. Mais ce n est peut-tre pas cela qui intressait Raimond. Ermessende est en effet une riche hritire : depuis le dcs de son oncle et de son pre aprs 1194, elle se retrouve la tte d une petite baronnie du Vallespir. Sa jeunesse et sa condition fminine en font une proie facile, expose toutes les convoitises. De fait, peine mari, Raimond de Termes prend en main le destin de cette seigneurie. En 1197 il conteste le testament de Bernard junior de Corsavy, l oncle d Ermessende, qui avait lgu un certain nombre de ses biens l abbaye d Arles-sur-Tech. Un compromis intervient, sous l arbitrage de l vque d Elne, Guillem de Cret et du vicomte Jofre II de Rocabert. Ermessende, seigneur de Corsavy, du consentement et de la volont de son mari Raimond, abandonne l abbaye trois des cinq mas contests, situs pour la plupart autour d Arles9. Dans cet acte Raimond apparat encore au second plan. Le mariage est rcent et il convient de sauvegarder les apparences juridiques. Raimond n est que le mari du seigneur de Corsavy. Dans la ralit, Ermessende est vite relgue son rle d pouse et de mre. En 1207, Raimond a la mainmise
8. J. Le Goff, Saint Louis, Paris : Gallimard, 1996, p. 39. 9. Marca Hispanica, col. 1386-1388, n CCCCLXXXIX.

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totale sur les biens de sa femme, il s intitule seigneur de Corsavy et se passe de son consentement pour agir comme tel. Raimond avait ressuscit son profit un vieux contentieux qui existait entre l abbaye d Arles-sur-Tech et les seigneurs de Corsavy : ces derniers avaient recherch mettre la main sur la paroisse Saint-Martin de Corsavy, possession d Arles et dont l existence faisait concurrence la chapelle Saint-Jacques construite sous le chteau de Corsavy. Cette mainmise est chose faite en 1207, date laquelle Raimond se voit oblig de donner (ou plutt rendre) le droit de nomination du cur de Saint-Martin l abb d Arles10. Raimond de Termes tait aussi en conflit avec l abbaye de Lagrasse dans les Corbires. Ce conflit qui n avait connu que de brves accalmies durait depuis le XIe sicle et Raimond en avait hrit de ses anctres. Il portait principalement sur la possession des mines de fer et d argent du Termens. Les mines d argent avaient t remises en exploitation vers 1175, sous l impulsion de Peire-Olivier, de son frre Raimond et leur cousine Rixovende qui s en partageaient les revenus avec les chevaliers de Palairac, en spoliant l abbaye de tous ses droits. Ces revenus taient notamment rinvestis dans la construction de chteaux et de villages fortifis regroupant des populations jusque-l disperses dans des fermes ou des hameaux. Le regroupement permettait en effet aux seigneurs de Termes de mieux contrler et surtout de mieux ponctionner les paysans. Pour s tablir sur les terres de l abbaye de Lagrasse situes en Termens, les seigneurs de Termes usaient du droit d albergue* qu ils y possdaient. Ce droit consistait pouvoir loger et nourrir des chevaliers aux frais des habitants des villages. En change les seigneurs de Termes et leurs chevaliers taient chargs de la scurit des possessions de l abbaye. Sous le prtexte de cette scurit, ils faisaient construire en partie par corve des tours et des fortifications qui servaient plus assurer leur domination sur les paysans qu les protger des malfaiteurs. C est ainsi que dans la seconde moiti du XIIe sicle, Rixovende, Peire-Olivier et Raimond firent construire les castra* (chteaux ou villages fortifis) de Palairac, Trviac, Montrouch, Lairire ou Quintillan. L abbaye de Lagrasse qui voyait lui chapper tous ces revenus restait impuissante. Elle se contenta de faire excommunier plusieurs reprises les seigneurs de Termes et leurs vassaux de Palairac par les archevques de Narbonne Pons d Arsac et Brenger II11. Mais ces excommunications restrent sans effet : c est prcisment cette poque que les seigneurs de Termes et leurs principaux vassaux adhrent la religion cathare et rejettent donc l autorit de l glise catholique. La possession des revenus miniers avait aussi entran un conflit des seigneurs de Termes avec leur seigneur principal, le vicomte de Carcassonne, Bziers et Albi, Roger II Trencavel. l avnement du vicomte en 1167 et jusqu en 1191, les seigneurs de Termes ne rendent aucun hommage leur seigneur et semblent donc pratiquement indpendants. Peut-tre ont-ils profit de la guerre entre le comte de Toulouse et le roi d Aragon dans laquelle Roger Trencavel joue 12 un savant jeu de bascule ? Mme en mai 1191, alors que la paix vient d tre faite entre
10. Arch. dp. Pyrnes-Orientales, Fonds Franois de Fossa, Inventaire d Agullana, 12 J 24, n 237. Sur Corsavy voir A. Catafau, Les celleres et la naissance du village en Roussillon. (Xe-XVe sicles), Perpignan : Editorial Trabucaire/Presses Universitaires de Perpignan, 1998, p. 305-311 et Catalunya Romnica, 25, el Vallespir, el Capcir, el Donas, la Fenolleda, el Perapertuss, Barcelona : Enciclopdia Catalana, 1996, p. 115-121. 11. Voir G. Langlois, L exploitation minire de l Antiquit nos jours dans le canton de Durban , Opration Vilatges al Pas, canton de Durban dans les Corbires, Narbonne : Fdration Lo Lagrange, 1999, vol. 1, p. 92-107 ; o nous exploitons principalement une enqute indite ralise en 1214 par les croiss (Arch. dp. Aude H 102). 12. Voir H. Dbax, Structures fodales dans le Languedoc des Trencavel, (XIe-XIIe sicle), thse de doctorat nouveau rgime sous la direction de Monsieur le professeur P. Bonnassie, Universit de Toulouse II le Mirail, 1997, 660 p. et J. Dovetto, La politique trangre des Trencavel , Bulletin de la Socit d tudes

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Toulouse et Carcassonne, les seigneurs de Termes ne font pas partie des 63 vassaux runis Sauzens et au chteau de Carcassonne qui promettent amour et fidlit Roger Trencavel et son fils Raimond-Roger13. Cependant les seigneurs de Termes doivent composer avec leur suzerain. Un accord intervient en novembre 1191 sous l arbitrage de Bertrand de Saissac. Roger Trencavel se considre comme dpositaire des droits rgaliens et notamment des droits sur le sous-sol. Se fondant sur des accords prcdents passs avec d autres seigneurs sur les mines d argent de Villemagne et de Cabrires dans l Hrault, il rclame la moiti des revenus et de la seigneurie des mines. Le vicomte obtient seulement le quart des revenus des mines et le contrle des routes et des chemins des mines. Les trois quarts restants et les droits de justice sur la population minire sont conservs par les seigneurs de Termes14. Raimond, comme son frre et sa cousine, apparat donc au niveau religieux comme un anticlrical convaincu et au niveau politique comme anim d une grande volont d indpendance. Cela correspond parfaitement au portrait qu en fait Pierre des Vaux-deCernay, le chroniqueur officiel de la croisade. Celui-ci dclare : le seigneur de Termes tait un vieillard livr un sens rprouv et hrtique avr. En un mot il ne craignait ni Dieu ni les hommes. Il avait une telle confiance dans sa forteresse qu il combattait tantt le comte de Toulouse, tantt son propre suzerain. 15 Le chroniqueur affirme donc que Raimond tait hrtique. Certes il accuse facilement d hrsie tous ceux qui ne sont pas dans le camp de Simon de Montfort ou qui protgent les hrtiques, mais les Annales de Cologne et les Annales de Rainier de Lige confirment que Raimond mourut en prison sans avoir reni sa foi16. Une enqute de 1214 le qualifie, lui et sa cousine Rixovende, de fauteurs (partisans), receleurs et dfenseurs d hrtiques17. Les relations de Raimond de Termes confirment cette adhsion l hrsie : on le rencontre aux cots des Cabaret, Saissac, Minerve, Niort, Montral, Foix, Vernet, familles largement acquises au catharisme. Selon Pierre des Vaux-de-Cernay, l adhsion de Raimond au catharisme tait dj ancienne, antrieure 1180 : Pour ne rien dire de ses autres mfaits, disons qu il y avait plus de trente ans qu on avait offici dans l glise 18 du chteau de Termes, selon le rcit de personnes dignes de foi. Comment expliquer l adhsion au catharisme de ce chevalier qui ne semble gure se soucier d affaires spirituelles ? Sa croyance ou tout au moins sa sympathie pour le catharisme s explique sans doute parce que la religion cathare est peu contraignante quand on n est qu un simple croyant ; qu elle laisse les biens matriels aux laques et donc aux chevaliers. Raimond peut donc spolier l glise catholique et notamment l abbaye de Lagrasse sans problmes de conscience. La naissance d Olivier Du mariage de Raimond et d Ermessende vont natre entre 1197 et 1210 quatre enfants :
scientifiques de l Aude, tome XCVI, 1996, p. 77-84. 13. Cartulaire des Trencavel, acte 586 ; H.G.L., t. VIII, col. 411-412, preuve 74. 14. C. Amado, La seigneurie des mines en pays de Bziers et en Razs. Analyse de trois documents de la 2e moiti du XIIe sicle , Mines et mineurs en Languedoc-Roussillon et rgions voisines de l Antiquit nos jours, Actes du XLIXe congrs de la Fdration Historique du Languedoc mditerranen et du Roussillon, Montpellier, 1977, p. 125-144. 15. Vaux-de-Cernay, 172. 16. Monumenta Germaniae historica, vol. XVII, p. 825 et vol. XVI, p. 663. 17 Arch. dp. Aude H 102. 18. Vaux-de-Cernay, 182.

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deux garons, Olivier et Bernard et deux filles, Raimonde et Blanche. La tche d Ermessende tait d abord de fournir un hritier masculin, mais c est semble-t-il une fille dont elle accoucha pour la premire fois. L an des quatre enfants est sans doute Raimonde, ainsi nomme pour rappeler le prnom de son pre. C est en effet la premire des quatre enfants apparatre dans les sources comme marie et c est elle que doit se rapporter la seule mention d un enfant de Raimond prsent au sige de Termes. Les Annales de Cologne parlent en effet de la fille vierge de Raimond de Termes qui fut capture dans le chteau en 1210. Ensuite vint un garon, qu on prnomma Olivier pour bien marquer qu il tait appel tre l hritier du lignage. En effet le premier membre connu de la famille de Termes, Olivier Bernardi, portait dj ce prnom au milieu du XIe sicle. Cet Olivier Bernardi apparaissait sans doute comme l anctre du lignage plusieurs titres. C est sans doute avec lui que la famille s enracine en Termens, il est le premier faire suivre son prnom d un nom qui va devenir celui de la famille, celui du chteau de Termes : en 1061 il est appel Olivarus Bernardi de Termino. C est aussi l un des premiers porter en Languedoc et en Catalogne le prnom d Olivier, jusque l inconnu19. Par la suite ce prnom sera port dans la famille de Termes peu prs une gnration sur deux par l an des garons. Ce prnom tant par ailleurs rarissime et presque exclusivement aristocratique jusqu au XIIIe sicle, il constitue pratiquement lui seul une marque d appartenance la famille de Termes. C est le prnom de l arrire-grand-pre de notre Olivier. C est aussi le second prnom de son oncle, Peire-Olivier. Il est d ailleurs possible que Raimond ait laiss son an Peire-Olivier l honneur de choisir le prnom de son fils. Olivier porte donc un prnom qui vhicule une forte conscience lignagre. Mais ce prnom est aussi au Moyen ge porteur d une forte charge symbolique. Olivier est en effet le prnom de l un des plus importants hros des chansons de geste, celui du compagnon et du beau-frre de Roland20. la fin du XIIe sicle ou au dbut du XIIIe, au moment ou nat notre Olivier, la lgende de Roland et d Olivier est connu de tous, elle est chante dans les cours aristocratiques de toute l Europe. En tmoigne par exemple la Gesta Karoli Magni ad Carcassonam et Narbonam, rcit compos Lagrasse au dbut du XIIIe sicle et racontant les origines lgendaire de l abbaye. Dans cette uvre Charlemagne, Roland et Olivier rivalisent d exploits contre les Sarrasins et de faveurs envers l abbaye21. Plus gnralement, Olivier, compagnon de Roland dans les chansons de gestes est le symbole de la sagesse, de la modration et de la ruse : il prfre viter les batailles perdues d avance mais n hsite pas s y lancer quand il s agit de sauver son compagnon. En face, Roland est un fanfaron, fougueux et emport : il se lance dans les batailles qu elles qu en soient les consquences. Cette description du caractre du compagnon de Roland s applique parfaitement Olivier de Termes. Il est fort possible qu Olivier, dont la jeunesse a du tre berce par les chansons de geste ait consciemment ou non cherch par la suite imiter son modle littraire. D autant que la lgende s enracine dans le territoire mme o volue Olivier de Termes. Carcassonne, Lagrasse, les Corbires, Narbonne, le Roussillon constituent dans le

19. P. Aebischer, L entre de Roland et d Olivier dans le vocabulaire onomastique de la Marca Hispanica , Estudis Romnics, volum V, 1955-1956, p. 55-76. Barcelona : Institut d Estudis Catalans. 20. Voir R. Lejeune, La naissance du couple littraire Roland et Olivier , Mlanges Henri Grgoire, II, Annuaire de l Institut de Philologie et d Histoire Orientales et Slaves, X, 1950, p. 371-401 ; P. Aebischer, op. cit. note 19; R. Lafont, G. Gouiran, Le Roland Occitan. Roland Saragosse ; Ronsasvals, dition et traduction de , Paris : Christian Bourgeois diteur, 1991, collection 10/18, p. 14 ; R. Lafont, La geste de Roland, Paris : l Harmattan, 1991, 2 vol. 21. .-J. Simmonet, dition critique du roman de Notre Dame de Lagrasse, thse de 3e cycle de lettres sous la direction de Madame Thiolier, Universit de Paris IV - Sorbonne, 1988. Version en ligne (sans les notes, les cartes, la bibliographie) <http://www.multimania.com/simmonet/sitfen/tabsom.htm>.

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Roman de Notre Dame de Lagrasse le thtre des exploits d Olivier, Roland et Charlemagne. Quelques lgendes locales, recueillies plus rcemment mais dont l origine mdivale est probable, font de l pope imaginaire de Roland et ses compagnons une ralit historique inscrite dans le paysage. Par exemple Castelmaure, une localit limitrophe du Termens. La chapelle Notre-Dame de l Olive y abrite une statue de la Vierge qui portait autrefois un rameau d olivier charg de fruits. Ce rameau rappelait dit-on le nom du fondateur de cette chapelle. La lgende raconte que le comte Olivier, lieutenant de Ppin-le-Bref ou de Charlemagne selon les versions, combattait les Maures dans les environs de Castelmaure. L issue de la bataille demeurant trop longtemps incertaine, il fit le v u d lever un oratoire la Vierge si le combat aboutissait la dfaite des ennemis. Ont l espada tombar, una capela s i bastir . Le lendemain, les sarrasins furent vaincus par l arme chrtienne. Le comte Olivier lana son pe et fit construire une chapelle l o l arme retomba22. Si cet enracinement de la lgende existait dj au XIIe sicle, il a certainement contribu faire passer les membres de la famille de Termes pour les hritiers et successeurs lgitimes du compagnon de Roland. En choisissant le prnom Olivier, ils se plaaient dans la parent mythique du paladin pour mieux en faire rejaillir la gloire sur la famille. Ce prnom constituait donc pratiquement pour Olivier de Termes un programme d ducation et de comportement. Il se devait de se montrer digne de ses anctres rels ou mythiques en devenant lui aussi un grand guerrier, pourfendeur de sarrasins. Une fois sortit des jupes de sa mre, Olivier devait donc recevoir une solide ducation militaire. Ce rle tait sans doute dvolu en partie Peire-Olivier, en tant qu oncle, chef de famille et principal seigneur de Termes. Peire-Olivier tait sans doute encore vivant en 1208 mais dj dcd en 1210, l anne du sige de Termes. L incertitude qui pse sur la date de naissance d Olivier ne nous permet pas de savoir si Peire-Olivier a pu jouer son rle d ducateur. La grande cousine : Rixovende de Termes Olivier a sans doute mieux connu sa grande cousine, la cousine germaine de son pre, Rixovende de Termes, car celle-ci tait encore vivante fin 1210. Rixovende tait la fille de Raimond II de Termes, l an de deux frres seigneurs de Termes. ce titre et conformment une sentence arbitrale de 1163, elle aurait du hriter des deux tiers de la seigneurie23. Mais en raison des pratiques familiales privilgiant l an des mles, elle semble avoir laiss la direction de la seigneurie son cousin Peire-Olivier. Elle avait pous en premires noces, avant 1163, un petit seigneur du Roussillon, Bernard II de Montesquieu, auquel elle donna un fils, Guillem. Aprs la mort de Bernard vers 1172, elle pousa en secondes noces le vicomte Guilhem de Minerve, auquel elle donna aussi un fils prnomm Guilhem. Il faut voir l l origine de l alliance entre les familles de Termes et de Minerve qu Olivier et sa s ur Blanche perptueront. Le second mari de Rixovende, Guilhem de Minerve, tait probablement cathare. Il est connu en tout cas comme protecteur des hrtiques car il hbergeait Minerve les centquarante parfaits brls au terme du sige de 1210. Il est mme fort possible que ce soit lui qui introduisit la religion cathare dans la famille de Termes. Rixovende tait sans doute elle-mme hrtique mais elle s est peut-tre rallie un temps l glise catholique. En 1208 Rixovende possde un ge o l on se proccupe de son passage dans l au-del. Peut-tre a-t-elle t
22. J. Giry, A-F. Mare-Vene, M. Bouille, Les Corbires, Rodez : Imprimerie Coopim, 1989, p. 174. F. Poudou, (dir.), Opration Vilatges al Pas, canton de Durban dans les Corbires, Narbonne : Fdration audoise Lo Lagrange, 1999, p. 284. 23. Cartulaire des Trencavel, n 549, fol. 213-214 ; H.G.L., V, preuve 79.

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sensible la prdication qui a remport quelques succs auprs des femmes du Carcasss. Peut-tre a-t-elle au contraire t effraye par les menaces de l glise qui se prcisent (le pape Innocent III vient, en mars 1208, de lancer la croisade contre les Albigeois). Si l on en crot un acte de juin 1208, Rixovende, se repentant des violences commises par elle et ses cousins sur l abbaye de Lagrasse, aurait restitu l abbaye sa part des biens mal acquis en Termens. Aprs avoir reu l absolution de l abb, elle se serait donne comme s ur du monastre o elle dsirait tre enterre. Son intention aurait donc t de finir sa vie dans l un des trois monastres fminins dpendant de Lagrasse, probablement Sainte-Marie et Saint-Radolin des Palais, dont le prieur est signataire de l acte. Mais cet acte n est peut-tre qu un faux e 24 confectionn Lagrasse au milieu du XIII sicle . Quoiqu il en soit, si cette conversion a t relle, elle fut de courte dure. Car une enqute de 1214 nous apprend que Rixovende et son fils n du premier lit, Guillem III de Montesquieu dit Guerrejat, avaient t dclars faidits* l arrive des croiss : ils ne s taient donc pas rangs dans le camp des croiss et du monastre de Lagrasse25. Cette mme enqute affirme que Rixovende a t prise avec Raimond dans le chteau de Termes comme fauteur, receleur et dfenseur d hrtiques. Benot de Termes : l oncle cathare Parmi les membres de la famille qui participrent peut-tre l ducation d Olivier figure enfin son oncle Benot de Termes, futur vque cathare du Razs. C est en effet souvent l oncle ou au parrain qu est confi l ducation spirituelle de l enfant. Mais avant de voir quelle a pu tre l influence de Benot sur Olivier, il faut rgler une question. Benot est-il bien l oncle d Olivier ? Il y a d abord le nom qui fait souponner l appartenance la famille de Termes. Que Benot soit appel de Termes marque peut-tre seulement son origine gographique26, mme s il est rare de porter le toponyme de son origine en dehors des aristocrates et des serf. Le cas se rencontre surtout chez des gens qui sont partis de leur rgion d origine et qu on repre dans leur rgion d adoption par un nom qui rappelle leur origine. C est ainsi qu on trouve par exemple dans la seconde moiti du XIIe sicle Montblanc, entre Poblet et Tarragone, un certain Bernard et un certain Guillem de Termens. Ces deux personnes sont manifestement des colons occitans venus mettre en valeur les terres nouvellement conquises par les Catalans sur les Musulmans. Comme la plupart des autres colons, ils se font identifier par un nom de lieu connu de tous et rappelant leur origine audoise27. Or Benot de Termes ne semble jamais tre sorti trs loin des limites du Razs, rgion qui comprenait le Termens. Son origine devait donc tre connue de la plupart des gens qu il frquentait, il n tait donc pas utile de la rappeler. Si les chroniqueurs et les tmoins des tribunaux inquisitoriaux l appellent Benot de Termes,
24. Cet acte n est connu que par une copie authentique de 1253, authentifie des sceaux de l archevque de Narbonne et de l vque de Bziers. Arch. nat. J 343, n 1. C. Pailhs suspecte un faux car des copies d autres actes, copies dates elles aussi de 1253 et authentifies par les mmes sont des faux manifestes. C. Pailhs, Recueil des chartes de l'abbaye de La Grasse, tome II, 1117-1279, Paris, ditions du Comit des Travaux historiques et scientifiques, 2000. 25. Arch. dp. Aude H 102. Ce fait est confirm aussi par un acte de 1259 : Arch. dp. Aude, H 26, n 12 ; C. Pailhs,op. cit. note 24, acte 210. 26. A. Termens, L vque cathare du Razs : Benot de Termes , Cahiers d tudes cathares, XXXVIIIe e anne, printemps 1987, II srie, n 113, p. 44-59. 27. A. Altisent, Diplomatari de Santa Maria de Poblet, vol. I, anys 960-1177, Poblet : Abadia de Poblet ; Barcelona : Generalitat de Catalunya, 1993, actes 270, 352, 374, 392 ; dats de 1165 1170. Voir aussi G. Langlois, op. cit. note 1.

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c est que son nom fait explicitement rfrence au lignage des Termes. De plus, une grande partie des dignitaires cathares de cette poque appartiennent la noblesse. C est le cas par exemple de Guilhabert de Castres. Mais il y a mieux. Benot est un prnom qui appartient au stock anthroponymique de la famille de Termes. Avant sa mort en 1095, Peire-Olivier I de Termes qui avait eu de graves dmls avec l glise et l abbaye de Lagrasse28 avait donn cette abbaye l un de ses quatre 29 fils, Benot, pour qu il devienne moine et vive sous la rgle de Saint Benot . Il tait d usage dans l aristocratie d liminer les cadets de la succession en les faisant entrer dans les ordres avec une petite dot. Voici donc un sicle de distance deux ecclsiastiques du nom de Benot de Termes. Le prnom Benot est alors trop rare dans la rgion pour qu il s agisse d une concidence. Si l appartenance de Benot de Termes la famille du mme nom est peu prs tablie, il reste le situer dans cette famille. L hypothse la plus probable est qu il soit le frre cadet de Peire-Olivier et Raimond de Termes, donc le fils de Guilhem. Troisime des fils de Guilhem, il n tait pas destin une carrire militaire. Selon l usage de la famille, on l aurait appel Benot pour le placer comme moine l abbaye de Lagrasse. Sans doute y fut-il plac enfant et y resta au moins jusque vers 1175-1180, date laquelle les relations de la famille de Termes et de l abbaye se dgradrent nouveau. Il y suivit des tudes pousses, peut-tre mme alla-t-il jusqu prononcer les v ux et devenir moine, car assurment Benot devait tre un lettr avec une solide formation thologique pour tre l un des adversaires cathares de saint Dominique lors du colloque de Montral. Le fait que Benot de Termes soit un ancien moine de Lagrasse n est bien sr qu une hypothse. Mais elle s appuie sur de nombreux exemples comparables de prtres ou de moines convertis au catharisme. Le colloque de Montral (1207) Sa premire apparition dans les sources date de 1207. Il est alors cette date un diacre cathare, c est dire qu il appartient dans la hirarchie de l glise cathare un niveau intermdiaire entre l vque et le simple parfait. Peut-tre est-il diacre du Razs, rgion dpendant alors de l vch cathare de Carcassonne. C est sans doute ce titre qu il participe la plus importante des disputes thologiques entre catholiques et cathares. On est encore au temps o l glise catholique cherche persuader les cathares de leur erreur par la prdication et non par la force. Elle a pour cela dlgu deux espagnols, l vque Digue d Osma et le moine Dominique de Guzman (le futur saint Dominique), assists du lgat du pape Pierre de Castelnau et de son collgue Raoul, qui parcourent le Languedoc en prchant. De passage Montral, village la limite des diocses cathares de Carcassonne et de Toulouse et o la majorit de la population ainsi que son seigneur, Aimery, sont acquis l hrsie, les prcheurs sont invits par les cathares une dispute thologique la manire scolastique. Les cathares dlguent comme champions Arnaud Oth, diacre du Cabards et Benot de Termes, qui reprsentent le diocse de Carcassonne ; Guilhabert de Castres, fils majeur de l vque de Toulouse et Pons Jourda, qui reprsentent le diocse de Toulouse. Les catholiques choisissent comme champions l vque d Osma et le futur saint Dominique. On possde plusieurs rcits de ce colloque. L un des plus fiables est celui de Guilhem de Puylaurens, catholique modr qui
28. Gallia Christiana, t. VI, Instrumenta Ecclesiae Narbonensis , pr. XXXII, col. 27-28. 29. . Magnou-Nortier, A.-M. Magnou, Recueil des chartes de l abbaye de Lagrasse. Tome 1, 779-1119, Paris : Comit des travaux historiques et scientifiques, 1996, acte 148, p. 211.

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crit la fin du XIIIe sicle :

On discuta par crit plusieurs jours devant les arbitres choisis par les parties, savoir les chevaliers Bernard de Villeneuve et Bernard d Arzens et les bourgeois Raimond Gout et Arnaud Rivire, auxquels les parties remirent chacune ses crits. Du chef des hrtiques, la base de la dispute fut qu Arnaud Oth dit que l glise romaine, dfendue par l vque d Osma, n tait pas l pouse du Christ ni sainte, mais l glise du diable et la doctrine des dmons, et qu elle tait cette Babylone que Jean dans l Apocalypse appelle la mre de fornication et d abomination, ivre du sang des saints et des martyrs de Jsus-Christ ; que son institution n tait ni sainte ni bonne, ni instaure par notre Seigneur Jsus-Christ, et que jamais le Christ ni les aptres n ont institu ou dfini le rite de la messe tel qu il se clbre aujourd hui. Pour prouver le contraire, l vque se prsenta avec les autorits du Nouveau Testament. Quelle douleur de voir que parmi les chrtiens l tat de l glise et de la foi catholique tait descendu un tel degr d avilissement qu il fallt s en remettre au jugement des lacs sur de tels outrages ! On remit donc de part et d autre des crits ces lacs, auxquels on avait donn le pouvoir de trancher. Ils ne voulurent pas dlibrer, et l on se spara ainsi, en laissant l affaire inacheve. Bien des annes aprs, je demandai messire Bernard de Villeneuve ce que l on avait fait de ces crits et si la discussion avait t tranche. Il me rpondit que rien ne fut tranch, car les crits furent perdus l arrive des Croiss, quand tous fuyaient, de cette ville et des autres. Il dit nanmoins qu ayant compris ce qui avait t dit, environ 150 hrtiques se convertirent. Pour ma part, je souponne que certains de ses collgues favorables aux hrtiques s taient empars de ces crits30.

Les sources diffrent quand la conclusion de ce colloque. Pierre des Vaux-de-Cernay et sa suite divers chroniqueurs dominicains affirment que les manuscrits des deux parties furent soumis l ordalie* (ou jugement) par le feu. Le manuscrit catholique aurait jailli plusieurs fois du feu sans jamais se consumer, tandis que le manuscrit cathare aurait brl entirement. Ce miracle bien connu a t maintes fois racont et reprsent. Mais juste titre on a fait remarquer que l ordalie* n avait aucune valeur pour les cathares qui ne se sont sans doute pas prt cela. Au contraire, deux sources sans doute d origine hrtique et exploites par des historiens protestants du dbut du XVIIe sicle affirment que les catholiques furent confondus. L vque d Osma n ayant pas russi prouver que la messe avait t institue par Christ et visiblement embarrass quitta l assemble avec ses compagnons sans que les juges aient pu arbitrer31. Le concile de Pieusse Les registres d inquisition ont gard quelques traces de l activit de Benot de Termes. Son passage est par exemple signal Villefloure vers 1222 dans la maison du chevalier Raimond de Cazals o il procda sans doute au consolament* d un mourant : Raimond Aolric32. En 1226 il assiste au concile cathare de Pieusse, village du Razs situ prs de Limoux, qui runit une centaine de parfaits des diocses de Toulouse et Carcassonne. C est cette occasion qu il devient vque cathare du Razs. En voici le rcit qu en fait Raimond Jean d Albi en 1239 devant les inquisiteurs de Carcassonne :
(...) Les dits hrtiques et moi-mme allmes Pieusse et nous entrmes dans la maison des hrtiques. Nous y trouvmes de nombreux hrtiques runis, jusqu cent, parmi lesquels il y avait Guilhabert de Castres, Pons Bernard, Benot de Termes, Bertrand Marty de Cailhavel, Raimond Agulher 30. Guillaume de Puylaurens, Chronique, dite et traduite en franais par J. Duvernoy, La Chronique de Guillaume de Puylaurens, Paris : C.N.R.S., 1976, rdite Toulouse : Le Prgrinateur, 1996, chapitre VIIII. 31. Sur les autres sources de ce colloque voir M. Jas, Cathares et protestants : le colloque de Montral , Heresis, n 26/27, 1996, p. 23.42. 32. C. Douais, Documents pour servir l histoire de l inquisition dans le Languedoc, t. II, p. 289.

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et Bouffil des Casss, et d autres que je ne connaissais pas. Ils firent alors un concile gnral, dans lequel les hrtiques du Razs demandrent et requirent qu il leur ft donn un vque, disant qu il n tait pas commode pour eux, dans leurs besoins, d aller trouver des hrtiques du Toulousain ou du Carcasss ou de s adresser eux, car ils ne savaient pas qui ils devaient soumission ou obissance. Parmi eux, les uns allaient auprs des hrtiques du Toulousain, les autres auprs de ceux du Carcasss. Il fut dcid qu on donnerait un vque aux hrtiques du Razs, et qu on prendrait une personne parmi les hrtiques du Carcasss, et qu cette personne on confrerait le consolament* et l imposition des mains selon l ordination de l vque des toulousains. Cela fait on donna ces gens du Razs Benot de Termes comme vque, auquel Guilhabert de Castres, l vque des hrtiques toulousains, confra le consolament* et l imposition des mains ou ordination. Aprs quoi on fit Raimond Agulher Fils majeur et Pons Bernard Fils mineur. Je prcise encore qu il y avait l Guilhem de Villeneuve le vieux chevalier, et plusieurs autres dont je ne me rappelle pas les noms, et l Guilhem de Villeneuve et les autres adorrent les hrtiques33.

L vch de Benot devait comprendre le Razs proprement dit, ses annexes (Termens, Perapertuss, Fenouilleds, Pays-de-Sault, Quercorb), mais aussi la rgion de Mirepoix. Il tait donc bien moins tendu que les vchs cathares d Albi, Carcassonne, ou Toulouse. Ce nouvel vch apparaissait sans doute ncessaire en raison de la grande densit de cathares dans l ouest du Razs et aussi des difficults de circulation de cette zone essentiellement montagneuse. Si les parfaits du Razs affirmaient ainsi leur indpendance vis vis des glises de Carcassonne et Toulouse, Benot de Termes poursuivait alors dans le domaine du religieux le projet d indpendance que ses frres Peire-Olivier et Raimond concrtisaient eux dans le domaine du politique. Pourvu du titre d vque, Benot de Termes poursuit son ministre. La dposition de Bernard-Othon de Niort, seigneur de Laurac, devant l inquisiteur Guillaume Raimond en 1245 nous donne voir ce qu tait le travail d un clerc cathare comme Benot. Ici Benot administre un consolament*, c est dire un baptme cathare, qui n tait confr aux simples croyants qu l article de la mort. Puis Benot et les autres parfaits sont adors par les croyants. Mme si Olivier ne se trouvait pas l, c est le genre de crmonie hrtique auquel il a trs certainement assist voire particip lors de sa jeunesse. La scne se passe Couiza dans la haute valle de l Aude dans la seconde moiti de l anne 1227 :
Alors que mon frre le chevalier Raimond de Roquefeuil, grivement bless, tait malade de la maladie dont il mourut, au fort de Couiza dans le Haut-Razs, chez Batrice, femme du chevalier Guilhem de Barres, je suis all le voir. J ai trouv l Benot de Termes et son compagnon hrtique, qui l hrtiqurent et le consolrent de la manire suivante : mon frre se remit d abord Dieu, l vangile, et aux Bons-hommes c est dire aux hrtiques. Ensuite mon frre promit que dornavant il ne mangerait plus de viande, ni d ufs, ni de lait, ni d aucune matire animale, il ne mentirait plus, il vivrait chastement tout au long de sa vie, il ne quitterait pas la secte des hrtiques par peur du feu, de l eau, ou de tout autre moyen de donner la mort. Et toutes ces choses promises, les hrtiques lui imposrent leurs mains et le livre sur la tte, et rcitrent avec mon frre l oraison du Ntre Pre la faon des hrtiques. Puis ils adorrent mon frre et lui firent plusieurs gnuflexions. J ai assist ce consolament*, ainsi que le chevalier Pons de Villeneuve, Raimond Gout, de Montral, le chevalier Peire del Pech, de Montral. Aprs le consolament*, moi-mme et tous les autres, nous avons ador les hrtiques, et reut d eux le baiser de la paix. Je crois que le malade leur lgua trois cents ou cinq cents melgoriens* ; je devais les leur payer, mais je ne l ai pas fait. Moi-mme, ceux que j ai nomm et plusieurs autres, nous assistmes aux obsques du consol, qui fut dpos dans un cercueil, parce que toute la terre tait en interdit. C tait il y a dix-huit ou vingt-deux ans34. 33. Doat, vol. 23, fol. 260-273 v. Traduction partielle dans J. Duvernoy, L Histoire des Cathares, Toulouse, Privat, p. 262. 34. Doat vol. 24, fol. 99 v-100 v. Traduction partielle dans M. Roquebert, L pope Cathare, tome III, p. 351-352.

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Benot est signal pour la dernire fois Quribus en 1230, o il donne cinq deniers melgoriens* un certain Guilhem Cabiblanc, originaire de Labcde-Lauragais pour un pt de poisson35. Sans doute rsidait-il dans le chteau de Quribus sous la protection de Chabert de Barbaira, farouche dfenseur des hrtiques. Il y mourut peut-tre, avant 1233, date laquelle son fils majeur, Raimond Agulher est signal comme vque cathare du Razs36. Si l on analyse les frquentations de Benot de Termes : Niort, Barbaira, et surtout Villeneuve-Montral, on retrouve des personnes et des familles avec lesquelles Olivier va tre en relation, en particulier Pons de Villeneuve qui deviendra son ami. Mais l influence la plus importante de Benot sur son neveu a sans nul doute t religieuse : Olivier tait-il cathare ? 37 Tout d abord il faut dfinir ce qu on entend par cathare. Ici il s agira d une personne qui adhre en partie ou en totalit aux pratiques ou aux croyances du catharisme. C est une dfinition largie dans ce sens o l on peut tout en tant cathare adhrer aussi en partie aux pratiques et aux croyances de l glise catholique. Les registres d inquisition donnent de nombreux exemples de cathares qui ont conserv aussi des rites ou des croyances catholiques. Le parfait Blibaste en fait par exemple le reproche son ami Peire Maury. Tel autre sur son lit de mort fait des legs pieux la fois l glise cathare et l glise catholique. Pour beaucoup de croyants, la recherche du salut pouvait amener sincrement participer des deux rites. Cette dfinition a l avantage d tre galement celle des inquisiteurs mdivaux qui traquaient la moindre petite croyance ou pratique dfinie comme hrtique. Ces mmes inquisiteurs distinguaient plusieurs degrs de fautes spirituelles38. Olivier est accus plusieurs reprises de protection ou de recel d hrtique ; mais cela n implique pas ncessairement son adhsion au catharisme. Nombre de seigneurs mridionaux ont protg leurs vassaux hrtiques comme Raimond VI de Toulouse ou Raimond-Roger Trencavel, sans obligatoirement adhrer leurs ides, mme s il s agissait d une faute aux yeux de l glise. Rien n atteste qu Olivier de Termes ait assist, mme de manire passive, une adoration de parfaits ou une consolation, ou ce qui serait plus grave pour lui, qu il ait ador des parfaits, partag leur repas ou reu de leurs mains le baptme du consolament*. Il semble que, pour des raisons essentiellement politiques, l Inquisition n ait pas runi de preuves d hrsie contre Olivier de Termes. tout le moins ces tmoignages ne nous ont pas t conservs et il n existe donc aucune preuve formelle qu Olivier ait t cathare. Cependant un faisceau d indices concordants permet d en savoir plus. Olivier fait partie de ceux qui ont reu le catharisme dans leur berceau. Son pre Raimond, son probable oncle Benot, futur vque cathare du Razs, sa s ur Blanche de Termes et son mari Guilhem de Minerve, sont attests comme croyants cathares. Nous ne

35. Dposition de Guillem Cabiblanc devant les inquisiteurs Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre, 1245. J. Duvernoy, Le manuscrit 609 de la bibliothque municipale de Toulouse. Transcription par Jean Duvernoy. Dactylographi. (Centre d tudes cathares), p. 210. 36. M. Roquebert, op. cit. note 34, tome IV, p. 461, notes 30 et 31. 37. Une premire tude de la question avait t faite par A. Termens, Olivier de Termes fut-il cathare ? , Cahiers d tudes cathares, XXXVIIe anne, t 1986, IIe srie, n 110, p. 36-44. 38. J. Duvernoy, Le catharisme, Toulouse : Privat, 1976-1984, 2 vol.

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Olivier de Termes, le cathare et le crois

connaissons pas les croyances des autres membres de la famille, en particulier de la mre d Olivier, mais il y a fort parier que beaucoup taient aussi cathares. Dans sa jeunesse Olivier n a pu qu tre imprgn des rites et des croyances de cette religion qui tait professe au sein mme de sa maison et de sa famille39. Mais si Olivier a pu difficilement chapper dans sa petite enfance aux croyances de ses parents, il a pu, parvenu l ge de raison, revenir dans le giron de l glise catholique. Un autre cadre familial, celui de son beau-pre Bernard-Hugues de Serralongue aprs 1210, un nouveau contexte social et politique, ont pu favoriser une conversion d Olivier. Cependant dans son attitude Olivier, au moins jusqu en 1240, ne manifeste aucun zle vis--vis de l glise catholique tel qu on en attendrait d un converti. Au contraire comme ses anctres il est en conflit ouvert avec l archevque de Narbonne et l abbaye de Lagrasse. Mieux, ses frquentations en Languedoc et en Roussillon appartiennent en majorit des familles notoirement hrtiques : Mazerolles, Niort, Roquefort de Montgey, Villeneuve-Montral, Durfort de Fanjeaux, Minerve, Barbaira, Vernet, Saissac-Fenouillet Enfin quelques actes font allusion au pass probablement hrtique d Olivier. Dans l acte de remise aux reprsentants du roi du chteau de Termes en 1228, il est prcis qu Olivier et Bernard sont reus dans la Sainte glise romaine et s engagent ce que leurs hommes soient rconcilis. Olivier et ses vassaux taient donc sous le coup d une excommunication dont le motif n est pas prcis. Mais dans ce contexte, il y a fort parier que c est parce qu ils taient considrs comme hrtiques. Quand saint Louis ordonne son snchal en 1250 de restituer Olivier le chteau d Aguilar, il se mfie encore de la foi du chevalier occitan et prcise que cette restitution serait nulle si Olivier tait convaincu d hrsie. Enfin, en 1265, le pape Clment IV qui connaissait fort bien Olivier, parle de lui en dclarant qu il a t arrach un tison enflamm. Allusion l enfer qui l attendait pour ses pchs ou au bcher auquel tait promis l hrtique qui persistait dans le mauvais chemin ? Sparment tous ces indices ne permettraient pas de conclure. Mais l ensemble donne l intime conviction qu Olivier tait bien cathare dans la premire partie de sa vie. Cependant, l image de son pre, il ne semble pas avoir pour autant t anim d une grande pit religieuse. Contrairement plusieurs de ses compagnons, Peire de Fenouillet, Chabert de Barbaira, Peire de Mazerolles, il ne semble pas avoir frquent Montsgur o s tait rfugi l glise cathare. Sympathisant des cathares, Olivier tait avant tout un guerrier. L hritage spirituel Faisons le bilan de ce que Olivier a reu de ses parents. De son pre et son oncle, Olivier a hrit de la conscience d tre le chef d un lignage ancien et enracin, d une volont d indpendance vis vis des pouvoirs civils et religieux. Plus gnralement de son entourage aristocratique il a reu une ducation militaire, un modle, celui d Olivier le compagnon de Roland, et un code honneur chevaleresque qu il s efforcera plus souvent que les autres de respecter. De son oncle et des autres cathares de la famille Olivier a sans doute hrit de croyances hrtiques, mais plus encore d un certain nombre de valeurs morales comme le rejet du luxe, le got des choses simples et pratiques. Cette sobrit lui vient peut-tre des cathares, mais elle est partage aussi par les cisterciens dans les valeurs desquels Olivier se retrouvera
39. Des travaux rcents ont montr le rle de la famille dans le catharisme. Celle-ci apparat comme un mode privilgi de diffusion de cette religion. Quand on nat dans une famille cathare, il est rare qu on ne soit pas cathare. Voir A. Brenon, Le catharisme dans la famille en Languedoc aux XIII et XIVe sicles d aprs les sources inquisitoriales , Heresis, n 28, 1997, p. 39-62. G. Langlois, Note sur quelques documents indits concernant le parfait Guilhem Blibaste et sa famille , Heresis, n 25, dcembre 1995, p. 130-134.

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Gauthier LANGLOIS

plus tard. Olivier hrite enfin d un rseau d alliances et d affinits notamment avec les Villeneuve, Minerve rseau qu il maintiendra et mme dveloppera.

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