Abdallah Harsi 2
Abdallah Harsi 2
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Abdallah HARSI Professeur la facult de droit de Fs Parmi les vertus que lon prte communment la dcentralisation et la dconcentration, il y a celle, fondamentale, de rapprocher ladministration des administrs. Plus exactement, la dconcentration vise rapprocher
ladministration dEtat des administrs ; la dcentralisation a pour objectif de faire participer les habitants, travers leurs reprsentants lus, la gestion des affaires locales. On considre que des organes proches des citoyens sont plus mme de dterminer leurs besoins et de les satisfaire en connaissance de cause. Ensuite, la dcentralisation ayant t mise lhonneur, notamment en raison de son caractre dmocratique, lide est apparue que la dconcentration doit laccompagner afin de la renforcer. Des rapports entre les deux modes dorganisation administrative sest dveloppe une certaine articulation organique et fonctionnelle, le tout pour une meilleure gouvernance locale. Lide de proximit administrative a donc toujours exist, mais le terme na t utilis que rcemment dans les discours politiques, dans les usages administratifs et dans certains textes lgislatifs (nouvelle charte communale). Ce n'est donc pas sur l'existence du concept de proximit administrative qu'il faut s'arrte, mais la manire de sa mise en uvre. L'examen de la dcentralisation et de la dconcentration comme instruments de la proximit administrative doit se faire un double point de vue : celui des structures de proximit et celui du contenu juridique de cette
Texte de la contribution prsente au colloque maghrbin sur : Ladministration de proximit : concept et implications organis par la R.E.M.A.L.D. et lEcole Nationale de lAdministration (avec le concours de la Fondation Hanss Seidel, le jeudi 24 et vendredi 25 novembre 2005 au sige de lE.N.A., Rabat.
proximit, c'est--dire les diffrentes comptences dvolues aux organes dconcentrs et dcentraliss pour raliser la proximit administrative. Section 1. Les structures de proximit : les circonscriptions
administratives, espace de proximit. Les diffrentes circonscriptions qui rsultent de la division administrative du territoire constituent la base de l'application de la dconcentration et de la dcentralisation. Le dcoupage administratif prsente une importance capitale dans la mesure o il commande l'tendue de l'espace dans lequel les autorits administratives sont appeles agir, ainsi que l'importance du groupe humain auquel cette action est destine. J'examinerai ce niveau les paramtres qui prsident au dcoupage territorial. Pendant longtemps, le dcoupage administratif sest fond sur des donnes politiques et sociales ; paralllement, les proccupations d'ordre conomique n'taient pas absentes. 1. Le souci du maintien de l'ordre et de la scurit 2 Une fois l'indpendance acquise, les divergences entre les tendances politiques de l'poque ont provoqu l'inscurit dans plusieurs rgions du royaume. Ensuite, des problmes d'ordre conomique ont t l'origine d'explosions sociales et dmeutes graves : Casablanca en 1965, dans certaines zones rurales en 1970, puis de nouveau en 1985 Casablanca, dans plusieurs villes du Nord en 1984, et en 1990 Fs en particulier. Ce sont ces donnes, li aux paramtres scuritaires, qui ont dtermin les principales phases du dcoupage administratif. C'est ainsi que le dahir du 10 dcembre 1959 relatif la division administrative est promulgu. Texte fondamental toujours en vigueur, il a donn naissance 16 provinces et 2 prfectures. Depuis, toutes les modifications dont il a fait lobjet sont alles dans
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Sur lensemble de la question, voir : Basri (D.), Ladministration territoriale, Lexprience marocaine, Collection droit Public, Bordas, Paris, 1990.
le sens d'un meilleur contrle de l'espace et de la population, grce un mouvement de cration et de suppression de provinces. Voici les grandes dates en matire de dcoupage administratif : - en 1965, la province de Casablanca est scinde en trois provinces (dcret royal du 11 dcembre) ; - en 1973, suite au discours royal du 8 juillet, de nouvelles modifications interviennent avec l'objectif principal suivant : rduire l'tendue de provinces pour que les gouverneurs soient plus prs des populations quils sont chargs de contrler et d'assister. Dans une premire tape, trois provinces sont cres (dahir du 13 aot 1973), puis une autre province en 1974, cinq nouvelles provinces en 1975, et en 1976 avec la rcupration du Sahara, trois provinces sont cres, en 1977 trois autres provinces et en 1979 la province de OuedEddahab. - en 1981, nouveau dcoupage pour Casablanca, pour des raisons la fois conomiques et scuritaires : cinq prfectures sont cres et regroupes dans une wilaya (28 juillet) ; ce systme est tendu Rabat en 1984, qui voit natre de nouvelles circonscriptions. - en 1991 : extension du rgime des wilayas Fs, Marrakech et Mekns, puis en 1994 Oujda, Agadir et Layoune. Aprs la cration des rgions collectivits locales, le systme des wilayas a t gnralis. Actuellement, chaque rgion correspond une wilaya, sauf la rgion de Tanger-Ttouan qui en comprend deux. En mme temps, les provinces sont subdivisaient dans le monde rural en cercles afin de rendre les reprsentants du pouvoir central (chefs de cercles) plus proche des administrs. Les communes ont galement t multiplies, surtout depuis la charte communale de 1976 mais beaucoup plus dans un souci de dveloppement conomique et social
2. La proccupation de dveloppement conomique3 Les proccupations dordre conomique sont apparues en mme temps que l'affirmation de la politique de l'amnagement du territoire. Le point de dpart est constitu par le discours royal du 24 octobre 1984 Fs, fixant les orientations du plan de dveloppement conomique 1988-1992. Une note est adresse par le ministre de l'Intrieur aux organes de l'tat et aux lus demandant leurs avis pour la prparation de la rvision du dcoupage communal, avec pour objectifs principaux : - mettre en place des units plus rduites pour constituer des cadres maitrisables de dveloppement local ; - promouvoir la dmocratie en largissant les chances de participation des citoyens la chose publique ; - tendre vers l'idal d'une administration proche du citoyen. Il s'agit d'pargner les contraintes des longs dplacements et l'incommodit des attentes et des lenteurs ; - maximiser la spatialisation de dveloppement en multipliant les agents administratifs et conomiques et en attendant les chances d'quipement aux parties les plus reculs du territoire. Ce projet sest concrtis dans le dcret du 30 juin 1992 fixant le nombre de communes 1540 au lieu de 859, soit une augmentation de 79,4 %. Les municipalits sont passes de 59 247 avec une augmentation de 318,64 % ; les communes rurales de 760 1297 avec une augmentation de 70,65 % ; les centres autonomes, collectivits mdianes, sont supprims. La population moyenne par commune selon le recensement de 1989 tait et de 13 432 habitants. Ensuite, avec la promulgation de la nouvelle charte communale de 2002, le systme de l'unit de la ville est appliqu. Il comporte la fusion des communes qui taient groupes en communauts urbaines, et la cration darrondissements
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Voir : Basri (D.), La dcentralisation au Maroc, de la commune la rgion, Nathan, Paris, 1994.
dans celles dont le nombre dhabitants dpasse 500 000. La division administrative a donc subi de nouvelles modifications importantes : 16 rgions, 17 wilayas, 49 provinces, 12 prfectures, 8 prfectures d'arrondissement et 1497 communes urbaines et rurales.
Lorganisation administrative au Maroc Repres historiques Annes Dconcentration Acte I Deux dahirs du 20 mars 1956 esquissant les futurs statuts respectifs des gouverneurs et cads Dahir du 2 dcembre 1959 relatif la division administrative du Royaume 1re charte communale, dahir du 23 juin 1960 : conseil lu au suffrage direct, prdominance du reprsentant de lEtat. 1re charte provinciale et prfectorale : 12 septembre 1963 : assemble lue au suffrage indirect, lorgane excutif est le reprsentant de lEtat (gouverneur) Dcentralisation Acte I
1956
1959
1960 Dahir du 1 mars 1963 fixant le statut des administrateurs du ministre de lIntrieur (diffrents agents dautorit)
1963
1971
Dconcentration Acte II
1976
Dcentralisation Acte II Nouvelle charte communale, dahir du 30 septembre 1976 : partage des pouvoirs de police entre lautorit locale et le prsident du conseil communal qui en devient lorgane excutif
1977
1993
Dahir portant loi du 15 fvrier 1977 qui fixe le statut fonctionnel du gouverneur qui devient le reprsentant de S.M. le roi et le dlgu du gouvernement Dahir du 6 octobre 1993 compltant celui du 15 fvrier 1977 et qui renforce les pouvoirs du gouverneur Dahir du 20 octobre 1993 relatif la dconcentration administrative Dconcentration : Suite Acte II Dcentralisation Acte III
1996
Constitution rvise le 13 septembre 1996, article 102 : le gouverneur devient le reprsentant de lEtat et responsable de la gestion des services locaux des administrations centrales Loi du 2 avril 1997 relative lorganisation de la rgion (collectivit locale depuis la rvision constitutionnelle de 1992) Nouvelle charte 5 mars 2002 : un dcret et plusieurs communale : loi du 3 arrts portant dlgation de pouvoirs aux octobre 2002 walis des rgions Nouvelle charte provinciale et prfectorale : loi du 3 octobre 2002
1997
2002
REGIONS
WILAYAS
PROVINCES
PREFECTURES
CERCLES
CADATS
COMMUNES RURALES
COMMUNES URBAINES
COMMUNES URBAINES
LEGENDE : RECTANGLES A ANGLES DROITS : CIRCONSCRIPTION CENTRALISEE RECTANGLES A ANGLES ARRONDIS : COLLECTIVITE DECENTRALISEE
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Section 2. Les organes de proximit et leurs comptences Il sagit successivement des organes dconcentrs et des organes dcentraliss. 1. Les organes dconcentrs et la proximit Ils sont constitus par les services extrieurs et les agents dautorit. A). Les services extrieurs La plupart des ministres ont des services extrieurs implants en rgle gnrale dans chaque province ou prfecture. Concrtement, ce sont les diffrentes dlgations provinciales ou prfectorales qui permettent la ralisation de la dconcentration administrative. Mais aucun texte lgislatif ou rglementaire n'utilise l'expression services dconcentrs . La constitution, rvise en 1996, les dsigne par l'expression services locaux des administrations centrales (art. 102). La mission de services extrieurs est dfinie par l'article 3 du dcret du 20 octobre 1993 relatif la dconcentration administrative. Ils sont chargs, au niveau territorial, de l'excution de la politique gouvernementale et de toutes les dcisions et directives des autorits comptentes . Les ministres peuvent donner dlgation aux chefs des services extrieurs et aux gouverneurs pour agir en leur nom. Enfin, les chefs des services extrieurs peuvent tre institus ordonnateurs des dpenses pour tout ou partie des crdits mis leur disposition. La coordination de l'activit de services extrieurs est exerce par le gouverneur. Le premier colloque national sur la rforme administrative organis les 7 et 8 mai 20024 a permis de relever les insuffisances de l'organisation des services extrieurs comme moyen de dconcentration administrative. Daprs le diagnostic tabli, il est apparu que malgr le nombre lev des services extrieurs, le rle qui leur est dvolu na pas atteint le niveau souhait
La rforme administrative au Maroc, Actes du 1er Colloque National sur la rforme Administrative, sous le thme Ladministration marocaine et les dfis de 2010 , R.E.M.A.L.D., Collection Textes et documents n68, 1re dition, Casablanca, 2002.
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pour rpondre aux demandes des collectivits locales pour raliser un vrai partenariat en matire de dveloppement local, et aux besoins des divers citoyens. Des obstacles divers existent : laccaparement des comptences au niveau central (notamment en matire de gestion du personnel et du budget) ; mfiance pouvoir central ; dsquilibre quant la rpartition des services extrieurs au niveau de national. Quant la couverture gographique, la cration de services extrieurs na pas suivi le rythme du dcoupage territorial : absence de services extrieurs dans certaines prfectures et provinces malgr l'existence de besoins locaux qui doivent tre satisfaits. Si l'on excepte le ministre de l'intrieur de certains autres ministres, d'autres administrations centrales ne couvrent selon le cas quenviron 40 60 % de l'ensemble du territoire national. Exemples : la pche maritime, la culture et la communication. En outre, les services extrieurs ne sont crs quau niveau des chefs-lieux des prfectures ou provinces. Il na pas dannexe administrative dans le reste du territoire de la prfecture, d'o l'loignement de l'administration des administrs, notamment dans les hypothses o un service extrieur couvre 2 prfectures ou plus. Dautre part, il a t constat une inorganisation des services extrieurs, ainsi quun dsquilibre dans la rpartition des ressources humaines : en 1999, 12 % des fonctionnaires cadres se trouvent an niveau central (en France 3 % seulement) et 88 % pour l'ensemble du territoire classs dans les chelles de rmunration de 1 9. B) Les agents d'autorit : gouverneurs et walis 1. Le gouverneur, organe dconcentr par excellence
Le gouverneur, agent d'autorit, est lorgane principal de l'administration territoriale. Dsign comme le reprsentant du pouvoir excutif dans la province ou la prfecture (Dahir du 1er septembre 1963), puis comme le reprsentant du Roi et le dlgu du gouvernement (Dahir du 15 fvrier 1977), il est dsormais qualifi par la constitution comme le reprsentant de l'tat dans la province, la prfecture ou la rgion. La constitution dfinit les attributions du gouverneur comme suit : Dans les provinces, les prfectures et les rgions, les gouverneurs reprsentent l'tat et veillent l'excution des lois. Ils sont responsables de l'application des dcisions du gouvernement et, cette fin, de la gestion des services locaux des administrations centrales . D'autres textes, notamment le dahir portant loi de 1977, prcise ces attributions, en particulier : a) La fonction de reprsentant de l'tat Concrtement, le gouverneur reprsente le premier ministre et les ministres. Il est le dlgu du gouvernement. Il veille l'application des lois et rglements et l'excution des dcisions et directives du gouvernement. cette fin, il est habilit, dans la limite de ses comptences, prendre les mesures d'ordre rglementaire ou individuel ncessaires. Il peut en outre tre institu sous-ordonnateur des dpenses
d'investissement par les ministres. Il les informe sur ltat d'avancement de ces investissements. b) La gestion des services locaux de l'tat Cette prrogative constitutionnelle du gouverneur renforce son autorit sur les services extrieurs. Mais le dahir de 1977 ne parle que de la coordination de leur activit. cette fin, il est institu auprs du gouverneur un Comit technique provincial ou prfectoral compos du secrtaire gnral de la province ou prfecture, des chefs de cercles, des chefs des services extrieurs et des directeurs des tablissements publics. Ce comit se runit au moins une fois par mois sur convocation du gouverneur.
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2. La gestion dconcentre des investissements et le rle des walis des rgions 5 L'volution de la politique de la dconcentration a t marque au Maroc par deux tapes principales, et montre le rle important attribu rcemment aux walis. a) Aperu historique 1) Suite une lettre royale au ministre de l'intrieur, relative la dcentralisation et la dconcentration, trois sries de mesures ont t prises. En premier lieu, la cration auprs des gouverneurs d'un Comit technique provincial ou prfectoral destin renforcer le rle de coordination du gouverneur de l'action des services locaux dans la province ou la prfecture (Dahir du 6 octobre 1993 modifiant le dahir du 15 fvrier 1977 relatif aux attributions du gouverneur). En second lieu, comptence est donne aux ministres pour dlguer aux gouverneurs la signature ou le visa de tous les actes concernant les activits de leurs services extrieurs (dahir du 6 octobre 1993 compltant le dahir du 10 avril 1957 relatif aux dlgations de signature des ministres, secrtaires dEtat et sous-secrtaires dEtat). Enfin, et pour la premire fois, un texte gnral est dit : c'est le dcret du 20 octobre 1993 relatif la dconcentration administrative. Ce dcret fixe les principes gnraux de la rpartition des attributions et des moyens entre les services centraux et les services extrieurs. Il cre galement une commission permanente de la dconcentration. Prside par le premier ministre, cette commission est charge de proposer la politique gouvernementale en matire de dconcentration et assurer le suivi de l'excution de cette politique. L'ensemble de ces mesures n'ayant pas donn les rsultats escompts, une autre initiative importante a t prise rcemment par Sa Majest le Roi.
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La gestion dconcentre de linvestissement, R.E.M.A.L.D., Collection Textes et documents n66, 1re dition, Casablanca, 2002.
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2) Il s'agit de la lettre royale du 9 janvier 2002 relative la gestion dconcentre des investissements adresse au premier ministre. Elle comporte la dcision de crer, sous la responsabilit des walis de rgions des centres rgionaux d'investissement, ayant deux fonctions essentielles (chacune correspondant un guichet) : laide la cration d'entreprises et laide aux investisseurs. La seconde dcision est relative au transfert des pouvoirs ncessaires de la part des ministres aux walis de rgions pour conclure ou tudier au nom de l'tat des actes lis aux secteurs conomiques (dont la liste est donne par la lettre). Enfin, la lettre prvoit le transfert au profit des walis d'une partie du pouvoir de tutelle ont approuv certains actes des collectivits locales. b) Le rle des walis de rgion La rgion, collectivit locale la plus tendue, sert galement le cadre d'action de l'tat. sa tte, le wali de rgion, nest autre que le gouverneur de la prfecture ou la province chef-lieu de la rgion. ce titre, il exerce les attributions dvolues aux gouverneurs dont celles qui viennent d'tre exposes. En tant que wali de rgion, son statut nest dfini par aucun texte particulier ; ses attributions rsultent donc de la pratique et de quelques textes lgislatifs et rglementaires. Ses principales attributions sont les suivantes : - il est charg de la coordination de l'action de services rgionaux de l'tat (pour les ministres disposant de dlgations rgionales) ; - il bnficie de dlgations de pouvoirs dans le cadre de la politique de la dconcentration des investissements, initi par la lettre royale du 17 janvier 2002. ce titre, il agit au nom de l'tat pour conclure ou tudier certains actes qui relvent du pouvoir central. Plusieurs textes rglementaires ont t pris dans ce sens dans les matires suivantes : les contrats de vente ou de location des immeubles du domaine priv de l'tat, les autorisations d'occupation du domaine public et du domaine forestier, les autorisations d'exploitation des activits industrielles et touristiques entre
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autres ; - enfin, le wali de rgion exerce dans certains cas le contrle de tutelle sur le conseil rgional, dont il est l'autorit excutive.
2. Les collectivits dcentralises et la proximit Il y a lieu dexaminer les collectivits locales selon le degr de dcentralisation quelles reprsentent. A). Les limites de la dcentralisation rgionale, provinciale et prfectorale. 1. La place de la rgion dans la dcentralisation territoriale Limportance de la rgion est due au fait quelle constitue en mme temps un cadre de reprsentation et dexpression des intrts rgionaux, et -surtout- un outil du dveloppement conomique et social. La fonction conomique de la rgion dcoule des comptences gnrales quelle exerce dans ce domaine, et de son rle dans la planification. Les comptences de la rgion en matire conomique et sociale sont
particulirement importantes puisquelles sont relatives des domaines qui taient considrs jusqu une date rcente comme des affaires nationales, relevant uniquement de lEtat. Dsormais, le conseil rgional peut dcider, notamment, de toutes mesures lies la protection de lenvironnement, la formation professionnelle, la promotion des investissements privs, la promotion de lemploi, du sport, des activits socioculturelles et de toute action de solidarit sociale. Le conseil rgional labore galement un plan de dveloppement conomique et social, et cest sur la base des plans rgionaux, et suivant les priorits tablies, que le plan national de dveloppement est dfinitivement arrt. Depuis lentre en vigueur de la loi sur la rgion en 1997, les missions de la rgion nont pu tre valablement accomplies du fait de labsence au dbut du moins- de textes dapplication ou daccompagnement. La remarque est valable pour des attributions aussi importantes que la formation professionnelle (qui
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demeure encore une affaire nationale), ou la promotion de lemploi. Pour cette dernire comptence, titre dexemple, la rgion ne peut pas encore, juridiquement, entreprendre des actions pratiques dans dautres pays, comme laide aux entreprises en difficult, loctroi de prts ou de primes dencouragement la cration demplois. Sans ce genre de mesures, les
comptences de la rgion risquent de demeurer thoriques, et la dcentralisation rgionale sans aucun contenu rel. 2. La province et la prfecture, un chelon intermdiaire comptences rduites. La province ou la prfecture constitue la division administrative de droit commun au Maroc. Elle est dabord un chelon de dconcentration, au sein duquel sont implants les diffrents services extrieurs de lEtat. A sa tte, se trouve le gouverneur reprsentant de lEtat. Il est charg, comme il vient dtre expos, dune mission gnrale dexcution des lois et des rglements, ainsi que du maintien de lordre public. La province ou la prfecture est galement une collectivit locale, au niveau de laquelle est pratique une dcentralisation trs limite, en fait et en droit, et cela pour trois raisons principales. Tout dabord, lassemble provinciale ou prfectorale organe dlibrant est lue au suffrage indirect. Elle comprend des membres lus par un collge lectoral form par les conseillers communaux de la collectivit concerne, ainsi quun reprsentant pour chacune des quatre chambres professionnelles : dagriculture, de commerce et dindustrie et de services, dartisanat, des pches. Ensuite, et bien que la loi dispose que lassemble lue peut rgler toute question dordre administratif ou conomique intressant la collectivit, les attributions exerces sont trs rduites dans la ralit. On peut citer, en particulier, lapplication de plans ou programmes de dveloppement ou dquipement rgional, la constitution ou la participation des socits de dveloppement ou dquipement rgional et damnagement du territoire, les
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projets de dcentralisation industrielle, les programmes de travaux neufs, le classement, lentretien ou lextension des routes. La porte limite des interventions de la prfecture ou la province sexplique par le fait que ce sont les communes qui exercent lessentiel des activits dintrt local qui leur
reviennent soit de droit, soit de fait en raison du monopole quelles ont sur le territoire, qui appartient en principe aux communes. Enfin, et contrairement ce qui a lieu pour les communes, lorgane excutif de lassemble provinciale ou prfectorale nest pas le prsident lu par lassemble, mais le gouverneur, agent de lEtat, par application de la technique du ddoublement fonctionnel.
B). La dcentralisation communale : instrument privilgi de la proximit Parmi les nouveaux apports de la charte communale, on trouve les dispositions particulires aux communes urbaines de plus de 500.000 habitants. Tout dabord, il est mis fin lorganisation des agglomrations urbaines en deux ou plusieurs communes urbaines et en communaut urbaine. Ensuite, toute commune urbaine dont le nombre dhabitants dpasse les 500.000 habitants, est soumise, en plus du droit commun, des dispositions particulires dictes galement par la charte. Concrtement, ces communes sont gres par un conseil communal et par des conseils lus au niveau darrondissements dpourvus de la personnalit juridique, mais dots dune autonomie administrative et financire. Il est clair que la charte opre un retour lunit des villes qui avaient t dcoupes auparavant en plusieurs communes, puis regroupes en communauts urbaines, tablissements publics territoriaux charges dexercer des comptences limites. La conscration de la runification des villes est une consquence de lchec du systme appliqu dont il apparat que les objectifs quil visait nont pas t atteints.
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En effet, dans les annes 1990 notamment, la division des principales villes marocaines avait t justifie par lide de rapprocher ladministration des administrs. En ralit, il sagissait dune politique scuritaire visant un meilleur contrle du territoire. En pratique, cela a port atteinte de manire inacceptable au prestige de villes importantes comme Fs, Mekns ou Marrakech par exemple, avec en outre la cration de communes portant des dnominations sans aucun fond historique. De plus, la multiplication des communes dans une mme ville a entran un vritable dsquilibre entre elles, tant du point de vue financier que du point de vue des ressources humaines ou foncires. Cela a entran galement une augmentation des dpenses de fonctionnement au dtriment des dpenses dinvestissement. De mme, les communauts urbaines nont pu raliser convenablement les tches qui leur incombaient, et souvent elles entraient en contradiction avec les communes qui en dpendaient en raison des nombreux conflits de comptences. De ce point de vue, la suppression des communauts urbaines et la runification des principales villes marocaines constitue un simple retour la situation prcdente. La seule nouveaut rside dans le statut particulier des grandes agglomrations, statut sur lequel on ne peut porter actuellement de jugement valable, mais dont on peut dire que cest un systme compliqu, qui exige du temps pour tre bien assimil de la part de la population et des acteurs politiques. Ce systme est appliqu actuellement aux villes suivantes : Casablanca, Rabat, Sal, Fs, Marrakech et Tanger. Il concerne une population de 6.686.394 habitants, selon le dernier recensement gnral de la population de 2004. Les grandes agglomrations sont gres par un conseil communal lu dans les conditions de droit commun au niveau de lensemble de la commune qui bnficie seule de la personnalit morale, qui est en outre divise en arrondissements, simples circonscriptions administratives. Dautre part, au niveau de chaque arrondissement est lu un conseil dont le prsident est choisi
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parmi les membres du conseil communal lus au niveau de larrondissement. Il existe ainsi un lien organique entre le conseil communal et le conseil darrondissement, qui permet au premier de contrler le second. Il existe galement un rapport fonctionnel entre les deux conseils, dans la mesure o le conseil darrondissement exerce les comptences qui lui sont attribues pour le compte et sous le contrle et la responsabilit du conseil communal. Un mcanisme de rpartition des comptences est prvu, ainsi quune rpartition des biens et des ressources humaines et financires avec une primaut tablie au profit du conseil communal. Il y a lieu dexamine successivement les attributions du conseil communal et de son prsident, et les attributions des conseils darrondissements propres aux villes statut particulier. 1. Attributions du conseil communal et de son prsident a) Les attributions du conseil communal Elles sont identiques pour toutes les communes. Cest par analogie avec la loi sur la rgion que la charte communale a fix les comptences des conseils communaux, en les distinguant en trois catgories : les comptences propres, les comptences transfres (cest--dire qui peuvent tre transfres par lEtat) et les comptences consultatives. Les comptences propres sont intressantes tudier, en raison des observations dordre thorique et pratique quelles soulvent. Ces comptences concernent sept domaines, classs en rubriques comprenant leur tour plusieurs chefs de comptences. Il sagit des domaines suivants : le dveloppement conomique et social ; les finances, la fiscalit et les biens communaux ; lurbanisme et lamnagement du territoire ; les services publics locaux et les quipements collectifs ; lhygine, la salubrit et lenvironnement ; les quipements et laction socioculturels ; la coopration et le partenariat. Sans entrer dans le dtail des articles de la loi, on peut dire que leur contenu comprend plus de cinquante types de dcisions ou mesures couvrant
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presque la totalit des matires pour lesquelles ont peut imaginer une intervention communale. Les observations suivantes peuvent tre mises tant en ce qui concerne le mode de dtermination de ces comptences quen ce qui concerne leur contenu : 1) Bien quelles soient cites sous forme de liste, les comptences propres ne le sont qu titre indicatif, comme il ressort de la lecture de larticle 35 de la charte, qui utilise le mot notamment , la comptence gnrale du conseil communal tant par ailleurs affirme par lalina premier du mme article. 2) En outre, lexpression comptences propres doit tre entendue ainsi par rapport aux comptences transfres et consultatives. Les comptences propres des communes ne sont pas exclusives des interventions des autres collectivits locales portant sur les mmes matires. Ces autres collectivits demeurent galement comptentes pour agir dans des secteurs comme le dveloppement conomique, linvestissement, lemploi ou les quipements socioculturels. Ce qui pose le problme, non encore rsolu par le lgislateur, de la dlimitation des affaires communales, provinciales et prfectorales et rgionales. 3) Malgr le nombre lev des comptences attribues aux conseils communaux, seule une infime partie a un caractre obligatoire, en vertu de textes spciaux (hygine, sant publique et autres services administratifs). Le reste, cest dire la majeure partie, regroupe les domaines possibles dintervention, qui reste tributaire des moyens financiers disponibles. 4) Dautre part, certains modes de gestion de service publics comme la coopration et le partenariat sont cits comme attributions. Or, il sagit l de concepts imprcis et dont le cadre juridique nest pas dtermin. Il faut signaler cependant le vote par le parlement dune loi relative la gestion dlgue des services publics, ce qui est de nature combler un vide juridique trs important. 5) Enfin, llargissement des comptences na pas t accompagn dun allgement du contrle. La tutelle administrative est maintenue dans sa forme
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classique : contrle a priori, couvrant la lgalit et lopportunit ; seuls les dlais dapprobation ont t rduits, ce qui renforce lide que la rforme communale de 2002 a un caractre plus technique que politique. b) Les attributions du prsident du conseil communal Il sagit en particulier des attributions du prsident du conseil communal en matire de police administrative. Cest ainsi que la charte communale opre une meilleure prsentation et une dfinition plus claire de ces attributions par rapport celles de lautorit locale, ainsi quun largissement certain, couvrant tous les domaines de la tranquillit, de la salubrit et de lhygine publiques, introduisant des domaines nouveaux comme la protection de lenvironnement. Cependant, le principal grief que lon peut relever ce niveau est labsence dune force publique proprement communale. Le prsident du conseil doit, pour faire excuter ses dcisions, faire appel lautorit locale qui, seule, dispose de lusage de la force publique, et qui peut le refuser. Malgr les justifications qui peuvent tre avances ce propos, cette situation entrane souvent des consquences inacceptables : une dcision administrative par dfinition excutoire peut ne pas tre excute. 2. Les attributions des conseils darrondissements dans les villes runifies Daprs larticle 99 de la charte communale de 2002, le conseil darrondissement rgle par ses dlibrations les affaires de proximit dont la connaissance lui est reconnue par cette mme loi, en particulier : - il mne en accord avec le conseil communal toutes actions de nature promouvoir le sport, la culture et les programmes destins lenfance, la femme, aux handicaps ou aux personnes en difficults ; - il participe la mobilisation sociale, lencouragement du mouvement associatif et linitiation de projets de dveloppement participatif ; - il dcide du programme damnagement, dentretien et des modes de gestion des quipements suivants, lorsquils sont destins aux habitants de
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larrondissement : halles et marchs, places et voies publiques, parcs, squares, jardins publics et espaces verts (dont la superficie est infrieure 1 hectare), les crches, les jardins denfants, les maisons de jeunes, les foyers fminins, les salles de ftes, les bibliothques, les centres culturels, les conservatoires de musique, les infrastructures sportives, notamment les terrains de sport, les salles couvertes, les gymnases et les piscines. Le conseil darrondissement peut galement mettre des avis et faire des propositions.
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