Musiciennes
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Artiste des mots, Natacha Karl Bezsonoff sème des graines de poésie dans chacune de ses créations – peinture, calligraphie, compositions de chansons et contes musicaux, sans oublier ses ateliers d’écriture –. Dans "Musiciennes", elle réunit avec brio toutes ses facettes artistiques sous forme romancée, laissant éclore son amour profond pour la musique et la danse.
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Aperçu du livre
Musiciennes - Natacha Karl Bezsonoff
Chapitre 1
La classe de danse
Je m’appelle Nina ! Nina Ruska. Rien que ça, allez-vous penser. Mais comment faire autrement quand nos grands-parents sont russes et nos parents des Russes assimilés français ? Voilà pour mon nom, mais je le porte avec fierté.
Certains m’ont dit parfois : « Nina ? Nina ? Mais ce n’est pas un prénom ça ! » Tiens donc ! Et Sainte Nina ! Qu’est-ce qu’ils en font ! Encore des gens qui ne savent pas lire un calendrier ! Maman, qui se prénomme joliment Clara, me devine sans doute bien, car elle a remarqué très tôt mon goût pour la danse. Elle veut m’inscrire à un cours depuis mes six ans déjà, mais je refuse toujours farouchement. Et puis, à neuf ans, lasse de faire de l’opposition systématique, je dis oui !
Il y a un petit examen de rentrée au conservatoire. J’ai un peu les jambes en coton à cause de l’émotion devant les deux professeurs de danse et le directeur ; en fait ils regardent surtout notre morphologie, notre souplesse. Cette année, j’ai de la chance, car ils ont décidé d’ouvrir une nouvelle classe pour les grands débutants ; une lubie du directeur peut-être, mais à neuf ans, je ne décèle pas encore toutes les petites combines.
Pour cette classe, ils ont recruté douze filles et trois garçons. Je vais avoir trois heures de danse et une heure et demie de formation musicale « danseurs » réparties sur toute la semaine. Comme je suis heureuse en découvrant avec maman mon nom inscrit sur la liste des élèves admis en classe de danse. Je serre sa main avec émotion tout en me mordant la lèvre inférieure.
Aujourd’hui, samedi 25 septembre, c’est mon premier cours de danse. Ma prof porte le classique chignon bas des danseuses, elle s’appelle Madame Léna ; son sourire n’est pas naturel, on a toujours l’impression qu’elle joue un rôle. Elle se tient comme une danseuse. Avant de nous installer à la barre que je fixe du regard en me demandant ce que nous allons y faire, cette dame aux yeux clairs nous décrit avec minutie notre future tenue : justaucorps jaune pâle, chaussons demi-pointes du même jaune que le justaucorps, collant chair, cheveux attachés de rigueur, ni frange, ni queue-de-cheval, mais chignon bas de danseuse, les cheveux disciplinés au gel.
Toutes ces instructions me rebutent un peu ; je n’ai d’yeux que pour la salle, les miroirs, la barre, le parquet de bois et le piano à queue. Madame Léna nous détaille notre coiffure avec précision : elle parle maintenant d’un ruban jaune à accrocher à notre chignon. Elle nous veut comme des gravures de mode, des petites filles modèles sorties des pages de Martine petit rat de l’Opéra, un livre que maman m’avait acheté quand j’étais petite.
C’est au deuxième cours que nous avons vraiment commencé à apprendre à danser. Un pianiste est là pour nous accompagner et rythmer nos exercices. À partir du moment où le pianiste s’installe au piano, je ressens comme des fourmis dans les jambes, un besoin impérieux de retransmettre physiquement les émotions ressenties. C’est comme si les vibrations du sol sur le parquet de bois se communiquaient à moi. J’entends comme dans un brouillard la voix de Madame Léna qui parvient à peine à traverser mon émotion profonde. Je regarde devant moi dans le miroir et je reproduis les gestes des autres. C’est magique, la danse m’habite et même les éclats de voix de Madame Léna quand elle corrige les postures ne m’impressionnent pas ; je suis ailleurs, au Pays de la danse.
Au bout d’une heure, il faut redescendre sur terre et je traîne toujours dans les vestiaires pour prolonger la magie. Quand je retrouve maman dans le grand hall du conservatoire, un sourire discret illumine mes yeux. Je crois que maman comprend mon émotion, car elle ne me pose pas de questions sur le cours qui vient de se passer.
Cette magie dure deux mois. Je n’entends guère la voix de Madame Léna pour me corriger. Puis il y a un cours public, pour que les parents rencontrent les professeurs et visualisent les progrès de leur enfant. Madame Léna nous fait répéter nos exercices, d’abord au sol, puis à la barre. Ensuite, chaque parent qui le souhaite peut venir lui poser des questions. Maman, qui sait bien comme je suis heureuse depuis que j’ai commencé la danse, s’approche de Madame Léna pour connaître son impression sur moi.
Je vois maman commencer à parler à ma prof ; pendant ce temps-là, avec mes copines, je suis en train de faire des clowneries devant la glace. Soudain, j’entends cette phrase qui me glace : « Nina n’écoute pas la musique. Il faut qu’elle s’applique à davantage caler son mouvement sur la musique… »
Que je n’écoute pas la musique ! J’en reste saisie, moi qui suis si heureuse de venir en cours ! Moi qui suis passionnée et fascinée par tout ce qui s’y passe ! Maman ne s’est pas aperçue que j’ai surpris cette phrase de leur conversation et elle ne m’a rien dit, sans doute pour ne pas me faire de la peine, car elle sait comme je suis sensible. Mais cette phrase me poursuit tout le reste de l’année scolaire. Il y a quelque chose qui sonne faux dans cette phrase, comme un jugement hâtif et un peu péremptoire ; j’ai l’impression d’une cassure.
Quand Madame Léna retouche le mouvement d’une élève, je la trouve dure, cassante presque. Elle nous dit qu’il faut aller jusqu’au bout de chaque mouvement, jusqu’à la souffrance, car sinon, on ne sent pas son corps et on n’est pas dans la danse. Je trouve ces phrases-là effrayantes, loin de mon rêve de danse… Et sa voix qui dans les enchaînements scande : « et un, et deux, et un, et deux… » résonne comme un métronome agressif. Un air martial souffle sur la classe de danse.
Chapitre 2
Mademoiselle Angeline
Heureusement, il y a Claudia ! Une fille pleine de vitalité et très très rieuse. On pique des fous rires dans le vestiaire en essayant de faire nos chignons et de discipliner nos cheveux rebelles. En plus, on est dans la même classe à l’école.
Après la classe, en allant au conservatoire, on s’arrête souvent chez le marchand de journaux et on s’achète la revue Danser. On découpe des photos de danseurs et de danseuses et on les colle sur les pages de garde de nos cahiers. Notre rêve, c’est d’aller à l’Opéra de Paris voir Le Lac des Cygnes. À la maison, je me passe le disque en boucle.
« Pourquoi tu passes toujours ce disque ? » me demande Juju, ma petite sœur. On partage la même chambre. Le soir, je lui raconte mes rêves de danse et elle, elle me parle des chevaux. Elle a commencé l’équitation en même temps que moi la danse. Elle va dans mon ancien club. Depuis que j’ai commencé le conservatoire, il a fallu choisir. J’aime toujours les chevaux bien sûr et je les aimerai toujours, mais avec les trois heures de danse et l’heure et demie de FM, ça faisait trop. Alors Juju me raconte, elle me donne des nouvelles du centre équestre : Alizée va avoir un poulain ; Cadichon, l’âne mascotte du club, devient de plus en plus gourmand.
Juju me regarde faire des exercices le soir face à la psyché que nous avons dans notre chambre. Je m’applique à prendre des positions que j’ai vues dans les magazines de danse, et même si je n’ai pas encore appris, je tente de tenir une arabesque ! Je me rêve cygne ou fée sur un lac gelé et je « m’allonge » en équilibre sur une jambe. Juju s’esclaffe ! ça ne doit pas être très réussi ! Ce n’est pas grave, je continue de rêver.
Claudia et moi passons dans la classe supérieure. Nous serons avec Mademoiselle Angeline. C’est une jeune femme très mince, avec de très longs cheveux et des yeux noisette. Elle a l’air très douce. Avant d’être professeur, elle était danseuse dans une compagnie en Allemagne. Avec elle, la classe de danse, ça change !
D’abord, elle ne nous jette pas des regards glacés si notre coiffure n’est pas parfaite ! Du coup, on la réussit mieux ! On a tellement hâte d’arriver dans sa classe qu’on ne perd pas de temps en mettant les épingles dans nos cheveux. On dirait que tout s’est assoupli ; elle nous fait sentir le lien entre la musique et la danse.
Elle nous dit qu’un danseur ressent la musique dans son corps, que la musique appelle en lui le mouvement, c’est comme une vibration de son être. L’important, c’est cette vibration qui monte en nous et que notre corps va devoir exprimer.
Elle nous apprend la danse en mouvement, pas une danse arrêtée sur la souffrance, mais une danse fluide. Parfois, elle danse devant nous une petite variation. Chaque fois qu’elle veut nous expliquer quelque chose, elle nous le montre, elle nous le fait voir et entendre, sentir et ressentir. Elle nous apprend que même les sourds peuvent ressentir les vibrations du sol et aiment danser. C’est même leur seule façon « d’entendre » la musique. Avec Mademoiselle Angeline, on comprend bien le lien entre musique et danse, l’expression d’une ligne, le martèlement du rythme. Ce n’est plus le sinistre métronome ! C’est le battement du sang, le rythme de la vie.
Ah ! Mademoiselle Angeline ! Avec elle, la danse, c’est vibrant, c’est merveilleux ! Je ne l’ai dit à personne, pas même à Claudia, mais j’ai décidé que je serai danseuse, comme Mademoiselle Angeline !
Chapitre 3
Poupée russe
Claudia et moi sommes tout excitées ! Mademoiselle Angeline vient de nous parler du spectacle que nous allons préparer pour la veille des vacances de Toussaint. Elle a choisi des petites pièces enfantines pour piano de Tchaïkovski. Nous allons les illustrer par la danse comme autant de petites scènes. Il y aura de vraies pantomimes : le petit cavalier, les soldats de bois, la sorcière dans la forêt, le paysan jouant de l’accordéon, l’orgue de Barbarie, des danses russes, une polka et une mazurka.
Et puis, il y a la poupée ! Mademoiselle Angeline m’a choisie pour jouer la poupée ! Je rêve, la poupée revient dans trois scénettes : d’abord La poupée malade, puis L’enterrement de la poupée et La nouvelle poupée. Nous serons deux pour danser les trois scènes : Tatiana, une grande de 4e année dansera la petite fille et moi, je serai la poupée. Mademoiselle Angeline m’explique bien mon rôle ; ce n’est pas très difficile techniquement, mais ce