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La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest
La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest
La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest
Livre électronique438 pages6 heures

La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest

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À propos de ce livre électronique

"La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest", de Romuald Dejernon. Publié par Good Press. Good Press publie un large éventail d'ouvrages, où sont inclus tous les genres littéraires. Les choix éditoriaux des éditions Good Press ne se limitent pas aux grands classiques, à la fiction et à la non-fiction littéraire. Ils englobent également les trésors, oubliés ou à découvrir, de la littérature mondiale. Nous publions les livres qu'il faut avoir lu. Chaque ouvrage publié par Good Press a été édité et mis en forme avec soin, afin d'optimiser le confort de lecture, sur liseuse ou tablette. Notre mission est d'élaborer des e-books faciles à utiliser, accessibles au plus grand nombre, dans un format numérique de qualité supérieure.
LangueFrançais
ÉditeurGood Press
Date de sortie6 sept. 2021
ISBN4064066337469
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    La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest - Romuald Dejernon

    Romuald Dejernon

    La vigne en France et spécialement dans le Sud-Ouest

    Publié par Good Press, 2022

    [email protected]

    EAN 4064066337469

    Table des matières

    CHAPITRE PREMIER

    § I er

    § II.

    § III.

    § IV.

    CHAPITRE SECOND

    § I er .

    § II.

    § III.

    CHAPITRE TROISIÈME

    § I er

    § II.

    § III.

    CHAPITRE QUATRIÈME

    § I er .

    § II.

    § III.

    § IV.

    § V.

    CHAPITRE CINQUIÈME

    § I er

    § II.

    § III.

    § IV.

    DEUXIÈME PARTIE

    CHAPITRE PREMIER

    § I er .

    § II.

    § III.

    § IV.

    § V.

    CHAPITRE DEUXIÈME

    § I.

    § II.

    § III.

    § IV.

    § V.

    § V.

    § VII.

    § VIII.

    CHAPITRE TROISIÈME

    CHAPITRE QUATRIÈME

    § I.

    § II.

    § III.

    § IV.

    CHAPITRE CINQUIÈME

    § I.

    § II.

    § III.

    § IV.

    CHAPITRE SIXIÈME

    CHAPITRE SEPTIÈME

    § I er .

    § II.

    CHAPITRE HUITIÈME

    CHAPITRE NEUVIÈME

    CHAPITRE PREMIER

    Table des matières

    § Ier

    Table des matières

    CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES, BUT A ATTEINDRE

    Parmi les plantes si nombreuses dont la production constitue la science de l’agriculture, il en est une, la vigne, que nous avons observée partout où elle s’est présentée à nous; nous en avons étudié, autant que nous l’avons pu, les diverses aptitudes; nous l’avons envisagée sous toutes ses faces et dans tous ses rapports; et aujourd’hui nous venons exposer les principes de sa culture, les présenter au public, et chercher à les propager dans nos contrées.

    Fille du besoin et de l’observation, la viticulture a été d’abord abandonnée à des préceptes et à des pratiques populaires, que la tradition seule conservait religieusement; mais les hommes que l’ignorance tenait isolés et séparés les uns des autres, se rapprochèrent bientôt sous l’impulsion du commerce et des nouvelles lumières; et la viticulture grandit avec la civilisation et suivit ses progrès. Aujourd’hui, riche de tous les trésors du passé, et fécondée par les nouvelles sciences, elle peut enfin réclamer le grand rôle qu’elle est appelée à jouer dans l’agriculture de notre nation; et elle est à même de justifier le mot de Voltaire écrivant à d’Alembert: «Je ne connais de sérieux ici-bas que la culture de la vigne.»

    Il ne nous appartient pas ici de nous étendre sur l’histoire de la production viticole dans le monde, d’en signaler la marche et le progrès, sous l’influence tant du climat et du sol, que des institutions politiques ou civiles; nous ne voulons qu’exposer les règles consacrées par l’expérience et par la science, pour maintenir aussi longtemps que possible dans leur intégrité les éléments vitaux de la vigne, afin d’en prolonger et d’en accroître l’action et les produits.

    Jusqu’à nos jours, des méthodes prétendues régénératrices, ont trop souvent porté le désordre et la ruine dans les vignobles de France: aussi, n’est-ce qu’avec une extrême prudence, et en nous basant sur les résultats de notre propre expérience, que nous conseillerons de sortir des ornières frayées pour en ouvrir de nouvelles: — trop souvent aussi des hommes imprudents, cédant à l’attrait menteur du paradoxe, ont couvert de défaveur des systèmes qui, sainement appliquès, eussent cependant produit les effets les plus heureux: — nous: ne céderons pas au désir de l’innovation brusquée, et avant d’exalter ou d’attaquer un systéme, nous en aurons assis la vérité ou l’erreur sur des preuves multipliées, sur des essais longtemps répétés; car, à nos yeux, la théorie ne doit être que le résumé ou la synthèse des faits fournis par l’expérience; là seulement est la voie du progrès.

    Parmi les nouveaux modes de culture qui surgissent de toutes parts, nous ne parlerons que de ceux qui sont avancés et soutenus par des hommes dont les connaissances théoriques et pratiques doivent inspirer toute confiance; et nous rechercherons si ces systèmes, excellents dans certaines conditions données, ne présentent pas, quand on les généralise, des résultats souvent indifférents, quelquefois pernicieux; — et, quoique l’un de ces systèmes ait été accepté par nous avec la plus chaleureuse reconnaissance, nous espérons que l’impartialité nous garantira d’enthousiasme, et dirigera toujours nos jugements.

    Nous conserverons, dans ce que nous a légué le passé, les principes consacrés par l’expérience, principes qui ont élevé la qualité de nos produits à une hauteur telle, que la France est devenue la patrie des grands vins; mais nous oserons aussi combattre les erreurs de nos devanciers, et montrer combien elles peuvent devenir funestes au XIX siècle, en face des lois économiques qui nous régissent; nous aurons donc pour adversaires tous ceux qui tenteraient d’enrayer le progrès, et qui voudraient nous rendre stationnaires, en soutenant, comme ils le font, qu’il n’y a rien à faire après les anciens; ce qui rappelle la réponse d’Ampère à quelqu’un qui s’adressait à lui ainsi: «Que dire après les écrivains du grand siècle? Tout est dit». «Oui, reprit Ampère, tout est dit, pour ceux qui n’ont rien à dire.»

    Nous espérons indiquer des moyens surs, longuement éprouvés qui, consacrés par la théorie comme par la pratique, sont appliqués dans quelques grands vignobles depuis un temps immémorial: — les vieux usages, les vieilles habitudes ne sont pas toujours de mauvais guides. L’expérience de ceux qui nous ont précédés dans la vie, nous aide à prendre une résolution, là où nos aînés n’ont su qu’hésiter, et bien souvent nous empêchent de nous égarer ou de nous perdre dans de nouveaux sentiers qu’il nous aurait fallu tracer.

    Enfin, au lieu de présenter à chaque vigneron le moyen à employer pour les faits particuliers qui l’intéressent, et dans les circonstances toutes spéciales où il se trouve placé, ce qui est impossible, nous ferons l’exposition des principes généraux qui devront être modifiés dans l’application, selon, les conditions économiques, climatériques et géologiques des divers pays vignobles.

    En un mot, fixer le point atteint par la viticulture dans nos contrées, et tracer la route qu’elle doit suivre pour dépasser ce point, et satisfaire aux besoins toujours croissants de la consommation intérieure, comme d’une exportation dont rien ne doit plus arrêter l’essor; choisir dans tous les modes de culture les principes les plus conformes aux terrains, aux climats, aux plants du sud-ouest, et en composer un système qui lui soit essentiellement applicable; rechercher les procédés qui peuvent, en simplifiant et perfectionnant, améliorer la qualité et la quantité ; abaisser ainsi le prix de revient; et, par l’excellence des produits, comme par les prix auxquels ils pourront être livrés, maintenir ou faire naître en France comme à l’étranger, une réputation de supériorité qui en assure l’écoulement; tel est le but que nous voulons poursuivre, avec l’espoir de l’atteindre.

    Nous ne pouvons plus nous immobiliser sous le courant des lois économiques et sociales qui emportent notre époque, et la poussent à une marche forcée; nous ne pouvons plus rester stationnaires, aujourd’hui que tous les peuples sont en concurrence commerciale, que les distances sont supprimées par la vapeur, et les conditions de la production nivelées par les débouchés; Nous devons améliorer sans cesse, produire à bon marché et de bonne qualité , ne fût-ce même que pour détruire cette habile falsification qui s’attaque à tout, aux vins comme aux autres produits fabriqués, et à laquelle l’imagination féérique de certains commerçants, tend à donner les apparences les plus séduisantes en même temps que les plus honnêtes.

    Des essais calmes, raisonnés, sur une petite échelle, voilà ce que nous demandons dès le début. Ainsi exécutés, ils servent l’intérêt général comme l’intérêt particulier; ils entraînent les masses, tout en faisant la fortune de l’expérimentateur; tandis que des entreprises fougueuses, ou des opérations faites dans de trop larges proportions, n’amènent trop souvent après elles que des ruines: et l’abattement ou le dégoût succédant alors à cette sorte de fièvre qui s’était emparée des novateurs, conduit au découragement qui immobilise les mauvaises habitudes et éloigne pour longtemps toute idée progressive. Peut-être trouvera-t-on quelques procédés un peu hasardés; mais qu’avant de les rejeter complètement, on les expérimente, et qu’on se rappelle qu’il faut savoir être hardi, quand on marche à la découverte de la vérité. Du reste, une erreur est-elle dangereuse, quand il est permis à tous de la contredire?

    § II.

    Table des matières

    LA FRANCE, LE SUD-OUEST, LE BÉARN AU POINT DE VUE VITICOLE

    La France est viticole, et sa fortune doit surtout venir de la viticulture: je ne crois pouvoir mieux abriter cette vérité qu’en la plaçant sous les paroles suivantes de Michel Chevalier, paroles remarquables comme tout ce qui sort de sa plume, et qu’il avait écrites avant l’inauguration du libre-échange; l’éminent économiste s’exprime ainsi: «La France est quand même assurée de pssséder dans la viticulture une source de fortune, inépuisable comme les besoins illimités de la consommation, variée comme la diversité de ses terroirs, de ses expositions, de ses températures. Entre ses multiples aptitudes, aucune n’est plus conforme à son génie séculaire et à sa vocation naturelle; aucune n’est plus fructueuse, tant pour les populations laborieuses que pour les propriétaires: des terres impropres par leur aridité à toute autre plante, deviennent lucratives grâce à la vigne, et celles qui étaient déjà fertiles, voient presque toujours s’accroître leurs revenus: l’économie sociale toute entière gagne à cette transformation; car la vigne retient et appelle les populations au sein des campagnes, dans les hameaux et les villages: sur une surface donnée, elle nourrit une population plus dense qu’aucune autre branche de l’industrie agricole: en pénétrant dans les habitudes régulières des populations; l’usage du vin donne du ressort au corps et à l’esprit: il contribue puissamment à dissiper l’ivrognerie, qui nait presque toujours des excès qui suivent les privations. Enfin, le vin étant, d’après les lois des climats, le privilège de la zône tempérée, devient un précieux moyen d’échange avec les zônes boréales et tropicales; si l’on considère que l’on compte par dizaines de millions les habitants du Nord et du tropique qui ne se privent du vin qu’à cause de sa cherté, on reconnaîtra que la France peut, sans aucun péril, tripler et peut-être quadrupler les deux millions d’hectares qu’elle possède en vignobles, et les 50 millions d’hectolitres qu’elle récolte, à la condition de conserver sa supériorité pour les hautes qualités, de mettre ses prix, pour les qualités moyennes, plus à la portée de toutes les classes, de conquérir enfin, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur, les débouchés qui lui sont aujourd’hui fermés.»

    Ainsi, c’est par la culture de la vigne que la France doit voir s’élever sa solide grandeur; elle seule peut commander aux richesses des pays lointains et industriels, et nous mettre à même de jouir de tous les avantages qu’elles emmènent avec elles: c’est elle encore qui, stimulant l’activité de production et d’échange, doit surtout caractériser la différence entre l’agriculture du passé et celle de l’avenir, et nous faire comprendre que si la première a pu vivre avec beaucoup de terre et peu de capital, la seconde ne peut prospérer qu’en s’appuyant sur le capital,

    Sortie enfin de la torpeur où elle était plongée depuis longtemps, la viticulture est aujourd’hui en grand honneur; tous les regards sont fixés sur elle, et les esprits les plus élevés ne dédaignent plus de lui consacrer leur sollicitude et leurs veilles; c’est qu’on a enfin compris que même élevée au milieu des rochers et des sables brulants, qui par leurs reflets redoublent les ardeurs du soleil, la vigne, cette vieille gauloise, donne à ces pays déshérités de tout autre faveur, une liqueur salutaire et fortifiante, et le bien-être basé sur un travail qui captive en même temps qu’il est peu fatiguant; c’est qu’on a enfin compris qu’elle seule peut assainir et enrichir les terres incultes aussi bien que les landes, y élever et y nourrir une population nombreuse et florissante.

    Si les tendances actuelles vers la viticulture n’étaient que superficielles, une question de mode qui ne miroite un moment que pour disparaître ensuite, ce mouvement se serait ralenti et éteint devant l’oïdium et ses ravages; en vain, on aurait institué des concours et décerné des primes, ces concours auraient disparu, sans laisser même une trace de leur passage; le contraire a eu lieu, parce que la viticulture a implanté ses profondes racines dans les mœurs et les habitudes de la France, et qu’elle répond à un besoin essentiellement national.

    Par la richesse de ses produits, par l’étendue des terrains qu’elle occupe, par l’étendue de ceux qu’elle occupera dans l’avenir et qui, en l’attendant, demeurent infertiles et improductifs; par le nombre des travailleurs qu’elle fait vivre, en s’adressant à tous les âges et à tous les sexes, la viticulture est bien la première industrie de la France; c’est elle enfin qui, tout en donnant une valeur aux terrains les plus stériles, y puise l’aliment du commerce le plus grand qu’il y ait au monde, et qui, après avoir ainsi créé des villes et des flottes, donne plus de 800 millions à son propriétaire et à celui qui la travaille.

    Et cependant, malgré les résultats heureux produits par la vigne, combien de départements qui la cultivent sans la comprendre, et qui ne savent pas encore qu’elle seule peut les sortir de la misère traditionnelle dans laquelle ils sont plongés. — Tandis que l’agriculture et l’industrie ont jeté dans quelques parties de la France comme une surabondance de vie, dans d’autres tout languit et meurt faute d’intelligence, de débouchés et de population; ici, l’émigration règne, et, loin d’utiliser leurs forces sur le sol natal, les enfants de ces contrées l’abandonnent à la bruyère, et vont associer leurs efforts à ceux des habitants de contrées plus favorisées. Ainsi, d’un côté, l’instruction, la richesse, le bien-être; de l’autre le dénument et l’ignorance; d’un côté, une civilisation qui fait notre force et notre gloire, de l’autre une misère qui fait notre honte. — Il faut à tout prix rétablir l’équilibre de production et de richesse; là est le seul principe éminemment national, qui peut assurer à la France la grandeur à laquelle elle doit atteindre; il ne suffit pas pour cela de défricher des terrains plus on moins étendus; il faut encore affranchir par l’instruction et le crédit la masse ignorante et pauvre de ces contrées presque abandonnées, et, pour nous aider à atteindre ce but, la vigne est merveilleusement douée, puisque, tout en donnant la richesse, elle fixe les populations dans les pays qui la cultivent.

    Si, de la France prise dans son ensemble, nos regards se portent sur une de ses parties, sur la zône pyrénéenne et le sud-ouest, nous voyons les mêmes différences caractéristiques se dessiner nettement; et comme souvent on saisit mieux les ressemblances sur un croquis fait en peu de temps, que sur un portrait étudié, où les conventions de l’art ont trop souvent fondu et adouci les nuances, voici ce qu’un coup d’œil rapide a pu nous faire remarquer.

    On trouve dans la zône pyrénéenne, chacune avec sa physionomie fortement accentuée, d’un côté, la viticulture du passé vivant d’habitudes surannées, de traditions et même de légendes; d’un autre, la viticulture du XIX siècle, venant demander à l’alliance du travail, de l’intelligence et du capital sa richesse et sa dignité, et cherchant par tous les moyens à se rendre industrielle; à ne considérer que ces tendances opposées, on dirait que dans ces contrées, la civilisation et le progrès ont inégalement répandu leurs bienfaits; car les uns marchent toujours du même pas et mécaniquement, sans essayer même de satisfaire au développement des besoins locaux, tandis que d’autres plus hardis, mieux favorisés, osent procéder par l’intelligence et les capitaux, et envisager un horizon inconnu des premiers.

    Que les habitants de ce littoral se réveillent de leur engourdissement, et qu’ils comprennent que dans leur pays si pittoresque et si accidenté par les soulèvements volcaniques, la vigne est la plante providentielle qui doit transformer les terres incultes et leur donner une immense valeur; qu’ils comprennent enfin, que leur contrée, par le relief de son territoire, par ses magnifiques coteaux, peut devenir une seconde Bourgogne, supérieure peut-être à la première, de toute la fécondité native de ses terrains, et de la chaleur généreuse de son soleil méridional. N’ont-ils pas à côté d’eux de grands et de salutaires exemples dans le Bordelais, et déjà depuis longtemps, n’auraient-ils pas dû les suivre.

    Dans le sud-ouest se trouvent réunies toutes les chances du succès; un sol accidenté que la mer et les montagnes semblent embrasser avec amour; un climat tempéré, et un soleil qui sourit à la terre en la fécondant; et là, ce n’est pas seulement un ciel clément qui se prête bien à la culture de la vigne et à la qualité si élevée de ses produits, c’est encore un terrain privilégié ; dans ces contrées se rencontrent des surfaces d’une immense étendue merveilleusement constituées pour la viticulture, des terrains coupés, ondulés, continuellement tourmentés, des sols aridés, brûles par le soleil et la sécheresse, et auxquels la vigne seule peut donner une valeur.

    A un autre point de vue, le perfectionnement de la culture de la vigne et son extension deviennent pour ces contrées d’une nécessité absolue. On paraît oublier trop facilement la révolution que vont produire dans le Sud-Ouest les voies ferrées, quand elles le relieront d’un côté à l’Espagne et de l’autre au midi de la France; avec l’économie et la facilité des transports que la vapeur amène avec elle, ces deux contrées vont déverser sur la zône pyrénéenne le trop plein de leurs récoltes exubérantes, et, si elle ne se hâte, elle peut perdre les avantages que le climat et un sol privélégié lui ont départis: car le commerce une fois établi de vins communs, mais à bon marché, il lui sera difficile de lutter contre les habitudes qu’il fait naître, et de détruire des relations qui auront eu le temps de faire d’assez profondes racines. La zône pyrénéenne est donc dans l’obligation de tendre, par tous ses efforts, à abaisser le prix de revient, tout en conservant la qualité et augmentant la quantité de ses vins; en dehors de cette voie dans laquelle elle doit s’engager vite et d’un pas résolu, il n’y a pour les propriétaires des coteaux ou des terrains en friche de ces contrées, c’est-à-dire pour plus des trois quarts de cette zône, que géne et que misère.

    Le département des Basses-Pyrénées a tardé beaucoup à s’engager dans une voie progressive: — c’est que pour beaucoup d’hommes de ce département, industrie agricole est synonime de pauvreté et de détresse: et, en effet, l’agriculture qui est aujourd’hui l’art d’obtenir de la terre la plus grande somme de produits possible, a été pour le Béarn et est encore bien souvent pour lui, il faut le reconnaître, l’art de se ruiner honnêtement. Le Béarn est considéré par tous comme ingrat et infertile, et cependant il est le pays vignoble par excellence: encadré dans les lignes grandioses de ses montagnes, il présente des conditions géologiques qui n’appartiennent qu’à lui; ses collines, ses coteaux, ses montagnes entrecoupées de vallées, qui se succèdent les unes aux autres, et dont les pentes dénudées sont stériles, deviendraient avec la vigne la source d’une immense richesse: enfin, les chemins de fer qui vont relier le Béarn aux deux mers lui offriraient tous les moyens d’exportation. Comment la France, et spécialement le Sud-Ouest et le Béarn, ne s’apperçoivent-ils pas qu’ils ont été chargés par la providence de fournir de vins toutes les contrées du monde qui en sont privées.

    § III.

    Table des matières

    CE QUE PEUT RAPPORTER UN HECTARE DU SUD-OUEST COMPLANTÉ EN VIGNES

    A une époque de spéculation comme la nôtre, où la fureur d’acquérir parait être le seul mobile des actions; où les entreprises les plus hasardées, comme les combinaisons les plus honteuses, sont ouvertement acceptées, pour peu qu’elles offrent quelques chances de succès; où chacun cherche la fortune à la Bourse, dans l’agiotage, dans les spéculations, partout; et demande à une vie agitée et fiévreuse des ressources incertaines, toujours soumises au caprice de la vogue, à la variation des transactions, comme aux combinaisons politiques, comment n’a-t-on pas pensé à la vigne? Comment n’a-t-on pas vu qu’à cette existence aventureuse et tourmentée, qui ne regarde pas toujours les chemins qui peuvent la conduire au but, la vigne peut substituer une vie en plein air, libre et intelligente, qui ne relève que d’elle-même, et assure le bonheur par les services rendus.

    Les plus magnifiques résultats financiers doivent s’obtenir par sa culture; et, ce n’est pas seulement l’intérêt privé qui verrait s’accroître le revenu du capital employé, et aurait ainsi son travail largement rénuméré, mais encore la fortune publique grandirait dans une vaste mesure par une perception augmentée de l’impôt foncier, comme par l’extension de l’impôt indirect, dont les recettes sont toujours proportionnelles à la consommation et au bien-être général.

    La viticulture est au plus haut degré une entreprise industrielle et commerciale; et le vigneron, comme l’industriel, travaille pour faire des bénifices; aussi, loin de s’immobiliser dans des pratiques séculaires, doit-il s’adresser à toutes les connaissances humaines qui peuvent hâter le progrès, et le mettre à même de réaliser le plus de profit possible. En suivant cette voie, il sera vite prouvé pour lui que la culture de la vigne doit faire produire aux capitaux qu’elle emploie, des intérêts plus élevés que ceux produits par les capitaux placés sur toute autre culture, ou même sur une industrie manufacturière.

    Devant l’abaissement des frontières et la facilité des transports, il semble que la viticulture française aurait dû secouer les habitudes stériles du passé, et, se dégageant des anciens préjugés sociaux qui leur avaient donné naissance, aider les tendances modernes, en s’imposant la tâche de produire plus, de produire mieux, de produire à meilleur marché ; il n’en est pas malheureusement ainsi, et ce qui se passe dans une grande partie de la France nous prouve qu’Ovide a raison de dire, que l’homme se débat beaucoup plus énergiquement contre le progrès du bien que contre le progrès du mal. — Sans doute aujourd’hui les premiers pas sont faits, l’élan est donné, les avantages démontrés; mais cela ne suffit pas pour la grande majorité des vignerons praticiens. Renfermés dans leur méfiance naturelle, ils rejettent les raisonnements les plus évidents, et ne consentent à modifier leurs systèmes que devant des avantages clairs et incontestables; il faut que la voie qu’on leur montre, soit largement ouverte et aplanie, qu’ils y puissent circuler librement. Il faut, pour ne pas réveiller leur incrédulité et une opiniâtre controverse, ne puiser ses preuves que dans des faits bien constatés et connus d’eux tous, et rejeter toute supposition, pour rationnelle qu’elle soit, dont la valeur pourrait être contestée.

    . C’est avec l’espoir d’atteindre ce but, et en face de cette méfiance armée, pour ainsi dire, que nous allons faire le compte d’un hectare de mauvaise terre planté en fins cépages, et essayer d’établir que, dans les conditions les plus défavorables, l’intérêt du capital employé doit atteindre le chiffre de 20 0/0, bénéfice dépassant de beaucoup celui fourni par les industries les plus florissantes.

    1° Prix d’un hectare de terre en coteau ou plaine inclinée, terre aride et sans valeur, désignée sous le nom de vagues, incultes, landes, patis, terre stérile qui compose une si grande partie du sud-ouest; des terrains de cette nature sont essentiellement infertiles et ne peuvent produire des céréales ou des paturages qu’avec des capitaux et des avances qu’ils ne rembourseront que

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    Etudions maintenant ce que doit coûter chaque année le travail nécessité par un hectare de vignes; et, joignant le chiffre obtenu à celui produit par l’intérêt du capital de 3,665 fr., nous retirerons la somme ainsi composée, du chiffre représentant le produit brut de la vigne pour en avoir le produit net.

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    L’hectare de vignes complanté en fins cépages, ayant dix mille pieds, travaillé, fumé, soufré, donnera au moins en moyenne 50 hectolitres qui, à 25 fr. l’hectolitre forment la somme de 1,250 fr.; le prix de 25 fr. l’hectolitre de vin produit par de fins cépages, est loin d’être exagéré ; car un mois après la vendange, la moyenne des ventes des vins des environs de Pau, a été en 1863, de 33 fr. 33 c. par hectolitre, et en 1864 de 40 fr. également par hectolitre. En 1865, les vins se sont vendus en moyenne 26 fr. 66 c. l’hectolitre; et l’on doit observer que tous les vignobles de ces contrées renferment en grande quantité des plants communs: ce qui a diminué la bonté et par suite le prix des vins.

    Si le vignoble est planté en cépages donnant des vins bons ordinaires, ou même en cépages grossiers, le chiffre de la production dépassera dans les deux cas celui de 50 hectolitres, et malgré l’infériorité du prix de vente de l’hectolitre, on arrivera sensiblement au même résultat par la quantité produite.

    Tous intérêts et frais payés, l’hectare de vigne donnera donc à son propriétaire un bénéfice net de 646 fr. 75 c.

    En déduisant du produit de la vigne, ou de 1,250 fr. les impôts, assurances, travaux de l’année, fumure, détérioration du matériel, ou la somme de 420 fr. il reste comme intérêts du capital employé, ou de 3,665 fr. la somme de 830 fr. ou un peu plus 22 1/2 pour cent de ce capital.

    Comme on le voit, ces chiffres sont loin d’être exagérés; et, en admettant que quelque erreur se fut glissée dans nos appréciations, ne serait-elle pas compensée et au-delà par les rendements certains de la jeune vigne pendant ces cinq dernières années, par ses sarments, par ses fruits qu’elle commencera à donner dès sa troisième feuille, et dont il n’a été tenu aucun compte.

    Dans tout ce compte, nous avons pris une moyenne de production d’une période de 10 ans. La moyenne des prix de vente est également calculée sur la même période de temps; on comprend que si, à suite d’intempéries, la vigne ne donne pas le chiffre d’hectolitres avancé par nous, le prix de l’hectolitre s’élèvera proportionnellement, comme aussi, si la récolte est très-abondante, les prix peuvent baisser; toutefois, on doit observer que dans ce dernier cas, un moyen certain de conserver aux vins une valeur élevée, c’est de les garder en cave pour ne les vendre que dans l’année qui suivra une récolte peu abondante: en agissant ainsi, on réalisera même des bénéfices sensibles, le vin augmentant chaque année de valeur dans une grande proportion.

    Entre les mains de certains auteurs, la nature est toujours animée et féconde; autour d’eux, tout vit, tout respire; et leur imagination qui nous fournit sans cesse des tableaux variés à l’infini, voudrait nous faire partager les illusions de leurs rêves, et l’espoir de succès toujours nouveaux. Ils oublient trop facilement que les propriétaires viticoles se laissent peu diriger par des œuvres de fantaisie ou le caprice supplée à chaque instant aux notions scientifiques et aux faits d’expérimentation; aussi, pour qu’on ne puisse pas nous confondre avec eux, nous allons essayer d’expliquer et de légitimer le chiffre de 50 hectolitres à l’hectare, seule base de nos calculs qu’on peut encore considérer comme une supposition.

    Il ressort clairement du livre du docteur Guyot et de tous ses écrits, qu’avec des engrais et une culture intelligente, on peut toujours obtenir 10,000 kilos de raisins par heetare, et que la vigne ainsi traitée doit donner, avec les fins cépages, une récolte presqu’égale à celle qui serait produite par les plants les plus communs en même temps que les plus abondants; en asseyant, comme il l’a fait, ce principe sur des bases irréfutables, le docteur Guyot a donné à la viticulture française une impulsion immense et a établi l’influence du capital venant en aide à une culture judicieuse.

    Ce résultat seul serait suffisant pour qu’on ne contestât pas nos 50 hectolitres à l’hectare; aussi, parmi les faits qui abondent et qui viennent à l’appui de notre assertion, nous n’en citerons que quelques-uns.

    Tout le monde sait que la Suisse récolte jusqu’à 200 hectolitres à l’hectare, et dans une communication intéressante, qui a profondément ému le monde viticole, et qui est insérée au numéro du 5 mars 1862 du Journal d’Agriculture Pratique, M. de Guimps, président de la Société d’agriculture de la Suisse Romande, a établi que, pendant les 39 dernières années, un hectare de vignes avait donné en moyenne, et par an, pendant ce laps de temps, 1,682 fr. 57 c. au propriétaire et autant au vigneron, ou la somme énorme de 3,365 fr. par hectare, et cette culture, qui est sensiblement la même, pour les procédés comme pour les rendements, que toutes celles qui l’avoisinent, est loin de présenter des conditions plus favorables que celles dans lesquelles se trouvent les vignobles de France. — La maison du vigneron est à plus de trois kilomètres du centre des vignes; tous les travaux sont exécutés à la main et à la houe; le fumier est transporté à dos d’homme; enfin, la main. d’œuvre comme les engrais sont, dans cette contrée, à des prix très-élevés; et dans un article de M. Guyot sur les vignes de cet heureux pays, l’éminent viticulteur s’exprime ainsi sur la nature des terrains:

    «Ces vignes si précieuses sont plantées en fendant vert et en fendant roux, et produisent des vins qui ne se vendent pas 25 fr. l’hectolitre, mais elles en produisent de 200 à 300 hectolitres; et qu’on n’aille pas croire en France que ces cultures sont établies sur des terres promises, dont la fertilité naturelle dépasse tout ce que l’imagination peut concevoir de plus fertile; non, elles sont établies sur la stérilité la plus absolue, sur la roche nue, sur le granit qu’il faut étonner à coups de masse, faire sauter à la mine, et cela dans la proportion de 4,000 mètres cubes par hectare, pour y former des gradins de 10 à 12 mètres de largeur sur 3 à 4 mètres d’escarpement, gradins dont il faut border la saillie d’une muraille d’un mètre d’épaisseur pour asseoir et maintenir le peu de terre recueillie sur la rampe et beaucoup de terre apportée des vallées voisines; voilà ce qui, planté en vigne, vaut plus de 30,000 fr. l’hectare, voilà ce qui n’en coute pas 15; voilà ce qui rapporte brut plus de 3,500 fr. et ce qui rapporte net plus de 1,800 fr.»

    D’après les chiffres relevés dans une correspondance entre MM. Guyot et Marès, correspondance insérée au Journal d’Agriculture Pratique, comme d’après ceux qui ressortent du rapport de la prime d’honneur de l’Hérault en 1860, la vigne donnerait en moyenne dans ce département 150 hectolitres à l’hectare, et l’on sait que cette fécondité existe dans la Charente et dans l’Anjou, partout enfin où une culture intelligente se joint à des fumures judicieuses.

    Les statistiques de l’Auvergne, rappelées dans un article de M. Du Breuil, inséré au Journal, d’Agriculture Pratique, numéro du 20 septembre 1864, établissent pour ce pays, une moyenne de 75 hectolitres par an et par hectare; et les modifications conseillées par M. Du Breuil, doivent, en augmentant le rendement, porter le produit net à plus de 50 0/0 du capital employé, et cela en effectuant tous les travaux à bras d’homme.

    A Orthez, dans les Basses-Pyrénées, avec le cépage appelé Tannat, cépage qui produit les bons vins toniques de Madiran, on récolte en moyenne de 90 à 100 hectolitres sur des terres qui sont loin de valoir, au point de vue de la culture de la vigne, celles qui forment la généralité des terrains vagues ou incultes du Sud-Ouest; et les rendements sont sensiblement les mêmes dans vingt villages de nos contrées, à Madiran, à Castetnau-Rivière-Basse, à St-Lanne, à Arrozès.

    Enfin, dans les vignes bien tenues de la Bourgogne, de la Champagne et du Bordelais, la moyenne de production des vins est de 70 à 90 hectolitres, et dans le rapport fait pour la prime d’honneur de la Gironde, on trouve, ent’autres faits très-intéressants, que M. Montaugou a récolté sur une étendue de 6 hectares 80 ares, 1,310 hectolitres en 1858.

    Nous avons les mains pleines de faits de même nature; mais ceux que nous avons cités suffiront, pour qu’on ne nous conteste pas le chiffre de 50 hectolitres à l’hectare, dans un pays comme le Sud-Ouest, où avec des soins, des engrais et quelques modifications dans le mode de culture, le soleil et la nature des terrains doivent si merveilleusement venir en aide à notre précieux arbrisseau.

    § IV.

    Table des matières

    RAPPROCHEMENT ENTRE LA VIGNE ET LES AUTRES CULTURES SPÉCIALEMENT LE FROMENT

    Si l’on étudie l’économie rurale du sud-ouest, on s’aperçoit que sa culture se compose de pratiques et de théories qui, pour la plupart, ont été puisées dans l’agriculture étrangère; or, les rapports économiques de la zone Pyrénéenne se trouvant en opposition directe avec ceux des peuples auxquels nous avons fait ces emprunts, il parait évident que nous devons nous débarrasser de ce génant bagage de principes, aussi antipathiques à nos terrains et à nos climats que les lois économiques qui nous régissent sont différentes de celles des autres nations. Ainsi, loin de chercher à répandre, comme on le fait trop souvent, ces idées systématisées, devrait-on au contraire, par l’étude des procédés et des relations économiques de nos contrées, montrer comment la vérité d’un pays est souvent l’erreur d’un autre, ouvrir de nouvelles voies à notre activité, et venir ainsi en aide au praticien découragé qui n’a trouvé dans la route qu’on lui a tracée que gêne et mécompte, et qui espère que celle qu’on va lui présenter, doit le conduire au succès, et rémunérer son travail; — et, à ce point de vue, quelle plante plus que la vigne peut aider à cette transformation, elle, qui donne sur les plus mauvaises terres des produits quatre ou cinq fois plus rémunérateurs, que ceux des autres cultures sur les meilleurs terrains; elle qui, par le commerce que les deux mers favorisent,

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