Le Môme de Fouesnant: Capitaine Paul Capitaine - Tome 12
Par Bernard Larhant
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À propos de ce livre électronique
Une protection rapprochée à ses risques et périls...
Quand un ado frappe à la porte de sa tanière de Bénodet pour se placer sous sa protection car ses parents, morts depuis peu, lui ont expliqué qu’il ne pouvait avoir confiance qu’en ce policier, Paul Capitaine n’a qu’une seconde pour prendre sa décision. Et à peine a-t-il accepté qu’il sait qu’il va au-devant de gros ennuis.
Dans quelles circonstances exactes les parents de Loup, l’adolescent, sont-ils morts aux confins de la Terre de Feu ? Qui sont ces agents des services secrets qui veulent à tout prix récupérer le môme ? Pour qui travaillent-ils ?
Enfin, existe-t-il un lien entre cette affaire et le « gang des loups noirs » qui profite d’enterrements en Pays Fouesnantais pour piller les maisons vides ?
Ce 12e tome des enquêtes du capitaine Paul Capitaine vous entrainera dans une affaire saisissante qui suit les traces de gangs énigmatiques et de faits mystérieux.
EXTRAIT
"C’était un samedi de grisaille de la fin mars comme la pointe bretonne nous en réserve quelques-uns, de ceux qu’on passe à la maison, autour du feu crépitant de la cheminée, un bon livre entre les mains. Il pleuvait un crachin pénétrant sur Bénodet, comme sur l’intégralité de la côte cornouaillaise, qui interdisait la moindre balade jusqu’à la pointe Saint-Gilles. On ne distinguait même pas le sémaphore de Sainte-Marine, de l’autre côté de la baie, c’était pour dire ! Comme tous les week-ends depuis que nous vivions ensemble, Dominique avait quitté son appartement de Quimper pour passer les deux jours auprès de Sarah et moi. Nous prenions tous deux lentement nos marques dans notre vie de couple, sans brusquer les choses, tant nous étions attachés, l’un comme l’autre, à notre indépendance. Mais comme nous étions avant tout attachés l’un à l’autre…"
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
"Entre immunité diplomatique et le Chili de Pinochet des années 70, on va surfer à travers le temps et l'espace. L'occasion une nouvelle fois pour notre auteur d'infiltrer son petit polar breton dans la grande histoire du 20e siècle." - collectifpolar
À PROPOS DE L’AUTEUR
Bernard Larhant est né à Quimper en 1955. Il exerce une profession particulière : créateur de jeux de lettres. Après un premier roman en Aquitaine, il se lance dans l’écriture de polars avec les enquêtes bretonnes d’un policier au parcours atypique, le capitaine, Paul Capitaine et de sa fille Sarah. À ce jour, ses romans se sont vendus à plus de 110 000 exemplaires.
À PROPOS DE L'ÉDITEUR
"Depuis sa création en 1996, pas moins de 3 millions d'exemplaires des 420 titres de la collection « Enquêtes et suspense » ont été vendus. [...] À chaque fois, la géographie est détaillée à l'extrême, et les lecteurs, qu'ils soient résidents ou de passage, peuvent voir évoluer les personnages dans les criques qu'ils fréquentent." - Clémentine Goldszal, M le Mag, août 2023
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Avis sur Le Môme de Fouesnant
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Aperçu du livre
Le Môme de Fouesnant - Bernard Larhant
Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.
Le blog de l’auteur : http://motsdebernard.canalblog.com/
À Loup, de la part de Christian,
son grand-père,
qui marchera toujours à ses côtés.
REMERCIEMENTS
- À André Morin pour ses précieux conseils et son expérience de la procédure policière.
- À Lorraine, Brigitte et Domi, pour leurs relectures de mon manuscrit.
PRINCIPAUX PERSONNAGES
PAUL CAPITAINE : La cinquantaine, capitaine de police, ancien agent des services secrets français. Natif de Quimper, il connaît bien la ville et la région. Il trouve au sein de la Police Judiciaire de Quimper une seconde jeunesse, grâce à Sarah, sa partenaire mais aussi sa fille. Il est le compagnon de la magistrate Dominique Vasseur, même si rien n’est simple dans leurs relations intimes.
SARAH NOWAK : 31 ans, d’origine polonaise, lieutenant de police. Engagée dans la police pour retrouver son père breton, elle va le découvrir en son partenaire Paul Capitaine. Dotée d’un caractère fort et généreux, elle cultive des rêves d’absolu. Le plus souvent attachante, parfois irritante, toujours franche et sincère.
DOMINIQUE VASSEUR : 47 ans, substitut du procureur de la République, compagne de Paul Capitaine. Elle a échoué à Quimper après une affaire confuse à Marseille. Intelligente, opiniâtre, loyale, elle a refusé une promotion pour demeurer en Bretagne.
ROSE-MARIE CORTOT : 29 ans, d’origine antillaise, enquêtrice de police. RMC pour tout le monde. Le rayon de soleil de l’équipe par sa bonne humeur permanente, le plus de la PJ par son génie de l’informatique. Et aussi la meilleure amie de Sarah.
RADIA BELLOUMI : 36 ans, commissaire de police. Une surdouée qui se trouve parachutée à la tête du commissariat de Quimper. D’origine maghrébine, malgré son jeune âge, elle va obtenir le respect de ses effectifs par son sang-froid et sa baraka.
CAROLE MORTIER : 43 ans, divorcée, une fille de 15 ans, Priscilla. Capitaine de police et chef de groupe. Un excellent flic, mais une femme au parcours tortueux, souvent empêtrée dans des soucis familiaux. Elle vient de renouer avec son ex.
Blaise JUILLARD : 29 ans, célibataire, lieutenant de police. Son père est l’un des pontes du Quai des Orfèvres, le fils ne possède pas la même étoffe. Sous ses airs nonchalants qui lui ont valu le surnom de Zébulon, il n’est pas dénué de flair ni de vivacité d’analyse.
RONAN FEUNTEUN : La cinquantaine, patron de l’agence locale d’Ouest-France. Camarade de jeunesse de Paul Capitaine. Entre eux, un accord tacite : le journaliste transmet ses informations au policier qui lui réserve la primeur du résultat des enquêtes.
PAULINE : Jeune fille au visage de madone, morte noyée dans l’Odet alors qu’un miracle a sauvé Sarah. Celle-ci la considère depuis comme son ange gardien. In memoriam Anne-Sophie Deval.
PROLOGUE
C’était un samedi de grisaille de la fin mars comme la pointe bretonne nous en réserve quelques-uns, de ceux qu’on passe à la maison, autour du feu crépitant de la cheminée, un bon livre entre les mains. Il pleuvait un crachin pénétrant sur Bénodet, comme sur l’intégralité de la côte cornouaillaise, qui interdisait la moindre balade jusqu’à la pointe Saint-Gilles. On ne distinguait même pas le sémaphore de Sainte-Marine, de l’autre côté de la baie, c’était pour dire ! Comme tous les week-ends depuis que nous vivions ensemble, Dominique avait quitté son appartement de Quimper pour passer les deux jours auprès de Sarah et moi. Nous prenions tous deux lentement nos marques dans notre vie de couple, sans brusquer les choses, tant nous étions attachés, l’un comme l’autre, à notre indépendance. Mais comme nous étions avant tout attachés l’un à l’autre...
Depuis la mort de mon père, j’avais compris la nécessité d’un point d’ancrage affectif et je savais que mon havre, c’était le substitut du procureur auprès de qui je me sentais si bien. Et comme elle m’avait ouvert les portes de son cœur... Elle avait chaussé ses lunettes pour lire Ouest-France dont elle me faisait profiter des grands titres et de ses commentaires. Elle arriva sur la page de Bénodet et, au bout d’un moment, m’interpella :
— Tu as vu cette bande de petits voyous qui profite de l’absence des habitants, partis à un enterrement, pour cambrioler la maison d’un voisin du défunt ? Ils appellent cela « Le gang des loups noirs », car les petites crapules laissent un masque de velours noir sur le lieu de leur forfait.
— J’ai entendu parler de cette affaire, mais ce sont les gendarmes qui s’en occupent ! Pas idiots, les gars, non seulement la maison est vide, mais celles des voisins également, puisque tout le monde dans le coin a voulu accompagner la famille du défunt, donc pas de témoins... À force de former des Bac plus 4 ou 5
et de ne pas leur trouver de boulot, voilà ce que ces petits génies nous inventent pour survivre !
— Cela fait le cinquième en un mois, et toujours en Cornouaille : Pleuven, La Forêt-Fouesnant, Gouesnach, Saint-Évarzec et cette fois Bénodet, dans le secteur de Poulpry ! La brigade de Fouesnant doit être sur les dents... Il s’appelait comment, déjà, le grand chef ?
— Le lieutenant Pierre Morteau, il est toujours en poste !
— Je sais, j’ai eu l’occasion de le revoir pour une affaire de vols de moteurs sur des bateaux, un homme charmant et courtois. Je me mets à la place de ces gens qui se rendent à un enterrement et qui, à leur retour, trouvent une vitre de leur maison brisée et constatent que les objets de valeur ont disparu...
— On est raccord, je viens de lire qu’à Marseille, ce sont les joueurs de foot qui se font cambrioler pendant qu’ils tapent dans le ballon ! Tu as bien fermé ton appartement ?
— Oui, bien sûr, et de toute manière, je ne suis ni à un enterrement ni à un match de foot... Et il s’appelait comment le jeune gendarme dont s’était entichée ta fille ?
Assise en tailleur sur un pouf, près de la cheminée, ma fille Sarah dévorait une BD, les écouteurs de son baladeur MP3 sur les oreilles, droite et superbe, dans un pull mohair. Elle aurait bien passé ces journées de repos auprès de Quentin, son nouvel amoureux, un jeune pompier de Quimper, seulement il se trouvait de permanence. Ils avaient passé plus d’une demi-heure au téléphone, et cela aurait pu durer davantage, si le soldat du feu n’avait pas été appelé sur le terrain pour un début d’incendie dans une maison. Cependant, le portable ne faisait pas tout, ou plutôt tout ne pouvait pas se faire par portable interposé...
Sarah avait invité sa copine Rose-Marie à Bénodet, celle-ci avait prétexté une grosse fatigue pour décliner l’invitation et rester à Quimper. Entre elles, le ressort d’amitié s’était lentement distendu depuis la liaison sérieuse entre ma fille et Quentin, et même un peu avant. Je le regrettais vivement, pour l’une comme pour l’autre. Mais je ne me serais jamais hasardé à me mêler de ces relations de nanas, ce domaine répondant à une logique qui m’échappait totalement, comme à la plupart des hommes, certainement... D’un bond inopiné, Sarah se leva en s’ébrouant, retira ses prothèses auditives et demanda à Dominique si elle souhaitait l’accompagner pour une infusion, avant de se tourner vers moi pour me demander si je souhaitais une rousse, une brune ou une blonde.
— Si tu parles de bière, une rousse ; comme fille, la blonde Sarah me convient très bien et pour l’amour, rien ne vaut ma brune magistrate !
— Paul, tu sais bien que j’ai horreur de ces allusions graveleuses qui ne te ressemblent pas ! me tança vertement Dominique sans se distraire de son travail. Tu vaux bien mieux que cela et tu le sais parfaitement... Je veux bien une infusion aux fruits rouges, s’il te plaît, ma grande !
Si le football français connaissait parfois des soucis d’arbitrage, comme je le lisais dans France-Football, ma lecture favorite, je me sentais aussi victime d’injustices dans la distribution des cartons jaunes, depuis qu’elles se mettaient à deux pour juger mes interventions. Ce que l’une laissait passer, l’autre ne le loupait pas. Et réciproquement ! J’allais finir par devenir un peu plus philosophe et un peu moins humoriste, petit à petit, à force de me trouver coincé entre deux feux, le temps que Quentin, le pompier de service, ne vole à mon secours...
Pas un seul de nous trois n’avait vu qui que ce soit pousser le portail d’accès à notre maison enveloppée dans le crachin tenace, pourtant, la sonnerie retentit à plusieurs reprises. Sarah cria de la cuisine qu’elle allait ouvrir et je l’entendis courir jusqu’au vestibule de sa foulée qui se voulait légère. Une voix juvénile, haletante, l’interrogea aussitôt :
— Je suis bien chez Paul Capitaine ? Puis-je lui parler, c’est très urgent !
— C’est à quel sujet ? Tu pourrais au moins avoir la politesse de te présenter ! asséna Sarah de sa voix la plus sèche, alors que la mystérieuse personne devait continuer à se mouiller dehors. Je te rappelle qu’on est samedi et que les flics, eux aussi, ont le droit à un peu de repos ! Bon, que lui veux-tu, à Paul Capitaine ?
— Je m’appelle Loup Nevet, balbutia la voix grelottant de froid ou de peur. Je suis le fils de Thibaut et Patricia Nevet. Mon père était consul de France en Tunisie. Mes parents sont morts la semaine dernière en Terre de Feu et, avant de partir pour ce voyage, Papa m’a dit que, s’il leur arrivait malheur, je ne pouvais faire confiance qu’à une seule personne sur la planète, le capitaine Paul Capitaine. Il m’a laissé une fiche de renseignements sur lui, que j’ai rentrée dans mon iPhone. J’ai pris le premier train du matin pour Quimper, puis à la gare un bus pour Bénodet et, arrivé sur le port, j’ai marché jusqu’ici sous la pluie. Je suis épuisé...
Je me levai et vis un gamin d’une quinzaine d’années blotti dans les bras de Sarah qui peinait à le supporter. De taille moyenne, ses cheveux châtain clair étaient ondulés, et il portait un sac à dos qui semblait assez lourd. Il avait à la main son téléphone, qui avait dû faire office de GPS, par la magie d’un progrès jamais à court d’inventions. Je ne l’avais vu qu’une fois, il devait y avoir sept ou huit ans, en compagnie de ses parents, lors d’une réception donnée à la préfecture de Nouméa. Effectivement, je me souvenais de Thibaut Nevet, un homme intelligent et très humain, avec qui j’avais eu une discussion passionnante sur l’évolution de la diplomatie française dans le monde, mais aussi sur les paramètres nouveaux du rapport de force entre puissances sur les différents continents.
Dominique s’était levée et se tenait dans mon dos, tandis que je m’approchais de l’entrée et que Sarah me questionnait du regard.
— Effectivement, j’ai connu tes parents quand ton père se trouvait en poste en Nouvelle-Calédonie et que j’accompagnais le Président, pour un voyage officiel, expliquai-je, soucieux d’apaiser le môme. Grâce à lui, j’ai pu mener à bien une mission qui me tenait à cœur¹. Il avait compris les raisons humaines qui motivaient ma démarche : révéler à des parents anéantis la vérité sur la mort de leur fille, après en avoir prouvé le lien avec les essais nucléaires français à Mururoa. J’ai un souvenir, vague, je l’avoue, de ta présence à la soirée de gala donnée en l’honneur du Président. Tu étais naturellement plus jeune et plus petit. De plus, j’assurais le service d’ordre...
— J’avais horreur de ces moments interminables pendant lesquels je me faisais bisouiller par des inconnus à qui je devais sourire en répondant poliment à leurs banalités, répliqua le jeune garçon avec beaucoup de lassitude dans la voix. Enfin, si j’avais su que j’allais perdre mes parents aussi tôt, j’aurais fait un effort pour leur faire plaisir...
— Je suis passé à côté de la nouvelle de leur mort, je suis désolé, ce doit être terrible pour toi ! compatis-je, mains posées sur les épaules du môme. Surtout si loin de la France... Tu avais des grands-parents maternels, si mes souvenirs sont exacts... Je crois même que ton grand-père est ambassadeur plénipotentiaire...
— C’est de chez ma grand-mère que je me suis enfui ce matin, à peine arrivé de Tunisie, dès que j’ai appris la terrible nouvelle ! répliqua le garçon, révélant un tempérament déjà très fort. Je crois que c’est d’eux dont mon père voulait me protéger, avant tout ! J’ignore ce qui se trame autour de moi, je suis complètement perdu, j’ai l’impression de vivre un abominable cauchemar... Je vous en prie, Monsieur, hébergez-moi, protégez-moi ! Aidez-moi à prouver que mes parents ont été assassinés, car sinon, pourquoi Papa m’aurait-il mis en garde avant de me laisser derrière lui, à l’aéroport ? Et pourquoi Maman m’aurait-elle serré si longuement contre son corps, comme si elle pressentait que nous ne nous reverrions jamais ?
Que pouvait-on attendre d’autre d’une journée aussi sinistre, qu’un coup de tonnerre comme celui-là ! Un jeune orphelin réclamait mon aile protectrice, pour y trouver refuge, et mon concours, pour l’aider à y voir clair dans une ténébreuse affaire qui risquait de me valoir pas mal d’ennuis. Une telle situation se serait déroulée en semaine, au commissariat, j’aurais été en condition pour réagir ; là, en pleine détente, hors du contexte du travail, je n’étais qu’un homme avec un cœur, face à un môme privé de ses parents et qui avait franchi une mer et traversé la France pour m’appeler à l’aide ! Je lui devais donc assistance, même si j’allais devoir affronter son grand-père que je savais un individu guère commode à pratiquer.
Dominique me regarda, dans l’attente de ma décision qu’elle aurait sans doute espérée plus rapide. Le môme était encore à la porte, un peu plus écrasé par son sac à dos, le blouson de cuir dégoulinant des reliquats de l’averse qui venait de le tremper de la tête aux pieds, les yeux tournés vers moi, en quête d’une réponse favorable. Et Sarah, imperturbable chienne de garde de notre vie privée, lui bouchait le passage, prête à le renvoyer, sans ménagement ni état d’âme, vers le premier arrêt de bus, pour un retour à la case départ. Parfois, en certaines circonstances, elle me sidérait par la froideur de son comportement...
— Allez, entre, mon grand ! l’invitai-je d’une parole chaleureuse accompagnée d’un sourire. Tu vas te détendre avec une boisson chaude, j’entends la bouilloire qui siffle, dans la cuisine. Ensuite, tu iras te réchauffer sous une douche ou dans un bain, à ta convenance, puis nous prendrons le temps de discuter entre hommes.
Docilement, Loup Nevet me suivit dans le salon après avoir serré la main de Dominique, sans réellement lui prêter attention. Il se libéra du poids de son sac, se débarrassa de son blouson qu’il plaça sur le dossier d’une chaise, réalisa que le reste de ses habits était aussi mouillé et s’approcha du feu de bois pour tendre les mains au-dessus des flammes.
— Je vais aller te faire couler un bon bain tiède, proposa Dominique en se dirigeant vers le couloir menant aux chambres. Il sera prêt à te recevoir dans ses bulles, dès que tu auras avalé ton infusion.
— Tu n’as peut-être pas prévu de pull chaud, si tu arrives de Tunisie, enchaînai-je, je vais aller te chercher l’un des miens. Tu vas nager dedans, mais il est confortable. Tu as quel âge, au fait ?
— 16 ans, mais je vais sur mes 17.
— Nous allons devoir alerter la gendarmerie de ta présence chez nous, car tes grands-parents doivent te chercher, précisa Dominique, en parfaite représentante de la loi.
Le jeune garçon baissa les yeux, bouche bée, retenant un cri avec une grande maîtrise de lui-même. Ce n’était visiblement pas l’issue qu’il attendait. Quand il releva le visage, ce fut pour me fixer, comme ces jeunes chiots sans collier en recherche d’un maître pour les protéger. Exactement le genre de situation face à laquelle je devais convenir que je n’avais rien d’une brute dépourvue de sentiments.
Sarah revint de la cuisine avec un plateau, des tasses, la boîte de sachets de tisane et un pot d’eau chaude qu’elle me demanda de lui prendre des mains. Elle se fit plus douce avec Loup, lui demandant ce qu’il désirait boire et s’il prenait du sucre. Mais le môme avait la tête ailleurs et ne répondit pas aussitôt. Et comme, chez ma fille, le feu suivait souvent de près la glace, elle m’étonna une fois de plus, s’approchant de lui et lui posant les mains sur les épaules, avant de prendre une serviette de toilette pour lui sécher les cheveux.
— Tu vis certainement un moment abominable et nous ne pouvons même pas imaginer le dixième des souffrances morales atroces que tu endures ! On ne va pas t’abandonner, tu sais, tu as frappé à la bonne porte. Tu as raison de faire confiance à mon père ; si tes parents ont été assassinés, il saura découvrir par qui et pourquoi. Je suis moi-même lieutenant de police, tu peux avoir confiance en moi aussi. Et puis je suis sa fille. De plus, Dominique, ma future belle-mère, est substitut du procureur, elle te sera de bon conseil, elle a de l’expérience, sur le plan juridique. Ne te fie pas à sa première réaction de prévenir la gendarmerie, elle n’a pas toujours un Code civil à la place du cœur, tu sais... Allez, approche, je t’ai préparé une infusion aux fruits rouges, elle va te réchauffer. Cela fait longtemps que tes parents avaient quitté la Tunisie ?
— Juste après mes 16 ans. Leur voyage s’est décidé rapidement, cela ne leur ressemble pas. Ils m’ont expliqué qu’ils allaient y fêter les vingt ans de leur rencontre et qu’il s’agissait pour eux d’un retour aux sources de leur amour. Ce voyage en Patagonie semblait tellement important pour eux ! Jamais ils ne m’avaient parlé de descendre jusqu’à la Terre de Feu.
— Allez, mon grand, bois tant que c’est chaud, nous verrons cela plus tard, lui intima Sarah en posant un baiser sur la joue fraîche du voyageur.
En parfaite maîtresse de maison, Dominique revint vers nous en précisant qu’elle avait posé une serviette sur le tabouret de la salle de bains et suspendu l’un de mes pulls les plus confortables à la patère. Loup remit sa tasse sur le plateau et suivit ma compagne qui s’inquiétait de savoir s’il possédait des affaires de rechange. Il assura que oui et se pencha au passage vers son sac à dos pour en tirer quelques effets personnels. Puis il s’enferma dans le cabinet de toilette pour plonger dans les bulles du bain, nous laissant en famille. J’interpellai aussitôt ma fille à voix basse :
— Quelle idée a germé dans ta tête pour lui promettre que nous allions l’aider et réagir comme si le meurtre était une évidence ? Je connais Hugues de Valeuil, son grand-père. S’il avait eu le moindre doute sur les circonstances de la mort de sa fille et de son gendre, il aurait diligenté une enquête. Il s’en est dispensé, voilà bien la preuve qu’il s’agit, hélas, d’un accident, comme il s’en produit des milliers tous les jours sur la planète. Surtout en des lieux aussi lointains et hostiles. Même si la réalité est dure à accepter pour leur môme, il ne faut pas laisser croire à ce gamin des histoires sans fondement.
— Cela ne coûte rien d’écouter sa version et les arguments qui lui font penser qu’il s’agit d’un crime ! s’emporta Sarah, émoustillée par la perspective d’une nouvelle enquête hors norme, comme si elle se complaisait dans les embrouilles. Il possède peut-être des preuves tangibles, qui nous permettront d’entamer des investigations... Tu ne vas tout de même pas le décevoir, il compte sur toi, mince ! Et puis son père t’a rendu un service, à ton tour de lui renvoyer l’ascenseur en exauçant l’une de ses dernières volontés !
— Ton père a raison, Sarah, ajouta Dominique pour me soutenir, ce garçon est mineur, il a fugué de chez ses grands-parents qui doivent se faire un sang d’encre, à cette heure. Peut-être ont-ils déjà réclamé l’appui de la gendarmerie pour retrouver sa trace. Imagine un instant qu’on se retrouve complices de sa cavale... Une magistrate du parquet et deux officiers de police, belle brochette de kidnappeurs, en vérité ! Il est parfois difficile d’accepter un pareil coup du sort, la perte de ses parents, alors on se monte la tête avec des histoires sans fondement, on échafaude des scénarios romanesques ! C’est humain, on se raccroche au moindre espoir...
— Jeune, donc forcément mytho ! répliqua Sarah, hors d’elle. Je n’arrive pas à le croire ! Pas vous ! Pas vous deux ! Des raisonnements de vieux réacs. Vous me donnez envie de gerber, tiens ! Et la non-assistance à personne en danger, Dominique, tu n’as pas cela dans les textes de tes lois ? Tu préfères oublier ce bon principe de la République, quand cela t’arrange. Tu m’avais habituée à mieux, vois-tu ! Et pour ce qui est de toi, mon papa...
On s’expliquait encore lorsque Loup sortit de la salle de bains, vêtu d’un pantalon de survêtement noir et du pull bien trop grand pour lui. Il réclama juste de se reposer quelques heures et nous promit de repartir le lendemain matin, pour ne pas nous déranger davantage et surtout ne pas