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L’Aiglon
L’Aiglon
L’Aiglon
Livre électronique360 pages3 heures

L’Aiglon

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À propos de ce livre électronique

"L’Aiglon" d’Edmond Rostand est un drame en six actes et en vers, représenté pour la première fois au Théâtre Sarah-Bernhardt, le 15 mars 1900.

L’action débute  en septembre 1830, au palais de Schoenbrünn en Autriche. L’Aiglon est le fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche, appelé à sa naissance roi de Rome et maintenant duc de Reichstadt. Il a été élevé à la cour de son grand-père autrichien, l’Empereur Frantz, après l’abdication de Napoléon en 1815. L’Aiglon a 19 ans.  Autour de lui, et malgré la vigilance du Prince de Metternich, des alliances se nouent, des complots s’organisent pour le ramener en France afin qu’il succède à son père. Mais le spectre héroïque de Napoléon hante et écrase le jeune homme, idéaliste et rêveur. Il a une santé fragile et ne se sent pas prêt : il craint de ne pas être à la hauteur. Quand il est enfin convaincu par Flambeau, un ancien grognard de l’armée napoléonienne, de fuir l’Autriche pour rejoindre Paris...

Les 6 actes ont des titres symboliques : Les ailes qui poussent – Les ailes qui battent –Les ailes qui s’ouvrent – Les ailes meurtries – Les ailes brisées – Les ailes fermées.
LangueFrançais
ÉditeurE-BOOKARAMA
Date de sortie3 mai 2023
ISBN9788835844396
L’Aiglon
Auteur

Edmond Rostand

Edmond Rostand (1868–1918) was a French poet and dramatist, best known for his 1897 play Cyrano de Bergerac.

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    Aperçu du livre

    L’Aiglon - Edmond Rostand

    L’AIGLON

    Edmond Rostand

    L’Aiglon

    D RAME EN SIX ACTES, EN VERS

    On ne peut se figurer l’impression produite… par la mort du jeune Napoléon… J’ai même vu pleurer de jeunes républicains.

    HENRI HEINE.

    A MON FILS MAURICE,

    ET A LA MEMOIRE DE SON HEROIQUE ARRIERE-GRAND-PERE MAURICE, COMTE GERARD, MARECHAL DE FRANCE.

    Grand Dieu ! ce n’est pas une cause

    Que j’attaque ou que je d éfends...

    Et ceci n’est pas autre chose

    Que l’histoire d’un pauvre enfant.

    PERSONNAGES

    F RANZ, DUC DE REICHSTADT

    SERAPHIN FLAMBEAU

    LE PRINCE DE METTERNICH

    L’EMPEREUR FRANZ

    LE MARECHAL MARMONT

    LE TAILLEUR

    FREDERIC DE GENTZ

    L’ATTACHE FRANÇAIS

    LE CHEVALIER DE PROKESCH-OSTEN

    TIBURCE DE LORGET

    LE COMTE DE DIETRICHSTEIN, pr écepteur du duc .

    LE BARON D’OBENAUS

    LE COMTE DE BOMBELLES

    LE GENERAL HARTMANN

    LE DOCTEUR

    LE COMTE DE SEDLINSKY , Directeur de la Police

    UN GARDE-NOBLE

    LORD COWLEY, ambassadeur d’Angleterre

    THALBERG

    FURSTENBERG

    MONTENEGRO

    UN SERGENT DU REGIMENT DU DUC

    LE CAPITAINE FORESTI

    UN VIEUX PAYSAN

    LE VICOMTE D’OTRANTE

    PIONNET

    GOUBEAUX

    MORCHAIN

    BOROKOWSKI

    LE VALET DE CHAMBRE DU DUC

    L’HUISSIER

    UN MONTAGNARD

    UN TYROLIEN

    UN FERMIER

    LE PRELAT

    MARIE-LOUISE, Duchesse de Parme

    LA COMTESSE CAMERATA

    THERESE DE LORGET, soeur de Tiburce

    L’ARCHIDUCHESSE

    FANNY ELSSLER

    LA GRANDE MAITRESSE

    PRINCESSE GRAZALCOWITCH

    QUELQUES BELLES DAMES DE LA COUR

    LADY COWLEY

    LES DEMOISELLES D’HONNEUR DE MARIE-LOUISE

    UNE VIEILLE PAYSANNE

    La famille impériale

    La Maison militaire du duc

    Gardes de l’Empereur : Arcières, Gardes-nobles, Trabans, etc.

    Masques et Dominos Polichinelles, Mezzetins, Bergères, etc.

    Paysans et paysannes Le Régiment du Duc.

    1830 1832

    I PREMIER ACTE

    LES AILES QUI POUSSENT

    A Baden, près de Vienne, en 1830.

    Le salon de la villa qu’occupe Marie-Louise. Vaste pièce au milieu de laquelle s’élève la montgolfière de cristal d’un lustre empire. Boiseries claires, murs peints à fresque, d’un vert pompéien. Frise de sphinx courant autour du plafond.

    A gauche, deux portes. Celle du premier plan est celle de la chambre de Marie-Louise. Celle du second plan ouvre sur les appartements des dames d’honneur. – A droite, au premier plan, une autre porte : au second plan, dans une niche, un énorme poêle de faïence, lourdement historié. — Au fond, entre deux fenêtres, une large porte-fenêtre, par laquelle on aperçoit les balustres d’un perron formant balcon, qui descend dans le jardin. Vue sur le parc de Baden : tilleuls et sapins, profondes allées, lanternes suspendues à des potences en arceaux. Magnifique journée des premiers jours de septembre.

    On a apporté dans cette banale villa de location un précieux mobilier. A gauche, près de la fenêtre, une belle psyché en citronnier chargée de bronzes ; au premier plan une vaste table d’acajou, couverte de papiers ; contre le mur, une table étagère à dessus de laque, garnie de livres. – A droite, vers le fond, un petit piano Erard de l’époque, une harpe ; plus bas, une chaise longue Récamier auprès d’un grand guéridon. Fauteuils et tabourets en X. Beaucoup de fleurs dans des vases. Au mur, gravures encadrées représentant les membres de la famille impériale d’Autriche ; portraits de l’Empereur François, du duc de Reichstadt enfant, etc.

    Au lever du rideau, au fond du salon, un groupe de femmes très élégantes. Deux d’entre elles, assises au piano, dos au public, jouent à quatre mains. — Une autre est à la harpe. On déchiffre. Rires ; interruptions.

    Un laquais introduit, par le perron, une jeune fille de mine modeste, qu’accompagne un officier de cavalerie autrichienne, un merveilleux hussard bleu et argent. Les deux nouveaux venus, voyant qu’on ne les remarque pas, restent un moment debout dans un coin du salon. – A ce moment, par la porte de droite, entre le comte de Bombelles, attiré par la musique. Il se dirige vers le piano, en battant la mesure. Mais il aperçoit la jeune fille, s’arrête, sourit, va vivement à elle.

    1 SCENE PREMIERE

    T HERESE, TIBURCE, BOMBELLES, MARIE-LOUISE, LES DAMES D’HONNEUR.

    LES DAMES, au clavecin, parlant toutes à la fois, et riant comme des folles.

    Elle manque tous les bémols. – C’est un scandale !

    — Je prends la basse. – Un, deux ! – Harpe ! – La… la !… – Pédale !

    BOMBELLES, à Th ér èse .

    C’est vous ?

    THERESE

    Bonjour, Monsieur de Bombelles.

    UNE DAME, au clavecin.

    Mi… sol…

    THERESE

    J’entre comme lectrice aujourd’hui.

    UNE AUTRE DAME, au clavecin.

    Le bémol !

    THERESE

    Et grâce à vous. Merci.

    BOMBELLES

    C’est tout simple, Thérèse

    Vous êtes ma parente et vous êtes Française.

    THERESE, lui pr ésentant l’officier.

    Tiburce.

    BOMBELLES

    Ah ! votre frère !

    Il lui tend la main, et montrant un fauteuil à Th ér èse.

    Asseyez-vous un peu.

    THERESE

    Oh ! – je suis très émue !

    BOMBELLES, souriant.

    Et de quoi donc, mon Dieu ?

    THERESE

    Mais d’approcher tout ce qui reste sur la terre

    de l’Empereur !

    BOMBELLES, s’asseyant aupr ès d’elle.

    Vraiment ? C’est de cela, ma chère ?

    TIBURCE, d’un ton agac é .

    Les nôtres détestaient Bonaparte jadis !

    THERESE

    Je sais… Mais voir…

    TIBURCE, un peu d édaigneux.

    Sa veuve !…

    THERESE, à Bombelles.

    Et peut-être… son fils ?

    BOMBELLES

    Sûrement.

    THERESE

    Ce serait n’avoir pas plus, je pense,

    D’âme… que de lecture, et n’être pas de France,

    Et n’avoir pas mon âge, enfin, que de pouvoir

    Ne pas trembler, Monsieur, au moment de les voir.

    Est-elle belle ?

    BOMBELLES

    Qui ?

    THERESE

    La duchesse de Parme !

    BOMBELLES, surpris.

    Mais…

    THERESE, vivement .

    Elle est malheureuse, et c’est un bien grand charme !

    BOMBELLES

    Mais je ne comprends pas ! Vous l’avez vue ?

    THERESE

    Oh ! non !

    TIBURCE

    Non ! on nous introduit à peine en ce salon.

    BOMBELLES, souriant.

    Oui, mais…

    TIBURCE, lorgnant du c ôt é des musiciennes.

    Nous avons craint de déranger ces dames,

    Dont le rire ajoutait au clavecin des gammes !

    THERESE

    J’attends Sa Majesté, là, dans mon coin.

    BOMBELLES, se levant.

    Comment ?

    Mais c’est elle qui fait la basse en ce moment !

    THERESE, se levant, saisie.

    L’Imp…

    BOMBELLES

    Je vais l’avertir.

    Il va vers le piano et parle bas à une des dames qui jouent.

    MARIE-LOUISE, se retournant .

    Ah ! c’est cette petite ?

    Histoire très touchante… oui… vous me l’avez dite…

    Un frère qui…

    BOMBELLES

    Fils d’émigré, reste émigré.

    TIBURCE, s’avan çant, d’un ton d égag é.

    L’uniforme autrichien est assez de mon gré :

    Puis, il y a la chasse au renard, que j’adore.

    MARIE-LOUISE, à Th ér èse.

    Le voilà, ce mauvais garnement qui dévore

    Tout le peu qui vous reste !

    THERESE, voulant excuser Tiburce.

    Oh ! mon frère…

    MARIE-LOUISE

    Un vaurien,

    Qui vous ruina ! Mais vous l’excusez, c’est très bien.

    Thérèse de Lorget, je vous trouve charmante.

    Elle lui prend les mains et la fait asseoir pr ès d’elle sur la chaise longue. Bombelles et Tiburce se retirent, en causant, vers le fond.

    Vous voilà donc parmi ces dames. Je me vante

    D’être assez agréable… un peu triste depuis…

    — Hélas !

    Silence.

    THERESE, émue.

    Je suis troublée au point que je ne puis

    Exprimer…

    MARIE-LOUISE, s’essuyant les yeux.

    Oui, ce fut une bien grande perte !

    On a trop peu connu cette belle âme !

    THERESE, fr émissante.

    Oh ! certes !

    MARIE-LOUISE, se retournant, à Bombelles.

    Je viens d’écrire pour qu’on garde son cheval !

    A Th ér èse.

    Depuis la mort du général…

    THERESE, étonn ée.

    Du général ?

    MARIE-LOUISE, s’essuyant les yeux.

    Il conservait ce titre.

    THERESE

    Ah ! je comprends !

    MARIE-LOUISE

    … Je pleure !

    THERESE, avec sentiment.

    Ce titre n’est-il pas sa gloire la meilleure ?

    MARIE-LOUISE

    On ne peut pas savoir d’abord tout ce qu’on perd :

    J’ai tout perdu, perdant le général Neipperg !

    THERESE, stup éfaite.

    Neipperg ?

    MARIE-LOUISE

    Je suis venue à Baden me distraire.

    C’est bien. Tout près de Vienne. Une heure. – Ah ! Dieu ! ma chère,

    J’ai les nerfs !… On prétend, depuis que j’ai maigri,

    Que je ressemble à la duchesse de Berry.

    Vitrolles m’a dit ça. Maintenant je me frise

    Comme elle. – Pourquoi Dieu ne m’a-t-il pas reprise ?

    Regardant autour d’elle.

    C’est petit, mais ce n’est pas mal, cette villa.

    — Metternich est notre hôte en passant. – Il est là.

    Il part ce soir. – La vie à Baden n’est pas triste.

    Nous avons les Sandor, et Thalberg, le pianiste.

    On fait chanter, en espagnol, Montenegro ;

    Puis Fontana nous hurle un air de Figaro ;

    L’archiduchesse vient avec l’ambassadrice

    D’Angleterre ; et l’on sort en landau… Mais tout glisse

    Sur mon chagrin ! – Ah ! Si ce pauvre général !…

    – Est-ce que vous comptez ce soir venir au bal ?

    THERESE, qui la regarde avec une stup éfaction croissante.

    Mais…

    MARIE-LOUISE, imp étueusement.

    Chez les Meyendorf, Strauss arrive de Vienne.

    — Bombelles, n’est-ce pas, il faudra qu’elle vienne ?

    THERESE

    Pourrai-je demander à Votre Majesté

    Des nouvelles du duc de Reichstadt ?

    MARIE-LOUISE

    Sa santé

    Est bonne. Il tousse un peu… Mais l’air est si suave

    A Baden !… Un jeune homme ! Il touche à l’heure grave :

    Les débuts dans le monde ! – Et quand je pense, ô ciel !

    Que le voilà déjà lieutenant-colonel !

    Mais croiriez-vous – pour moi c’est un chagrin énorme ! –

    Que je n’ai jamais pu le voir en uniforme !

    Entrent deux Messieurs portant des bo îtes vitr ées. Avec un cri de joie.

    Ah ! c’est pour lui, tenez !

    2 SCENE II

    L ES MEMES, LE DOCTEUR et son fils, portant de longues bo îtes vitr ées, puis METTERNICH.

    LE DOCTEUR, saluant.

    Oui. Les collections.

    MARIE-LOUISE

    Déposez-les, docteur !

    BOMBELLES

    Qu’est-ce ?

    MARIE-LOUISE

    Des papillons.

    THERESE

    Des papillons ?

    MARIE-LOUISE

    J’étais chez ce vieillard aimable,

    Le médecin des eaux. Ayant sur une table,

    Vu ces collections que son fils achevait,

    J’ai soupiré tout haut «Ah ! Si le mien pouvait

    S’intéresser à ça, lui que rien n’intéresse !… »

    LE DOCTEUR

    Alors, j’ai dit à Sa Majesté la Duchesse

    « Mais on ne sait jamais. Pourquoi pas ? Essayons ! »

    Et j’apporte mes papillons

    THERESE, à part.

    Des papillons !

    MARIE-LOUISE, soupirant, au docteur.

    S’il s’arrachait à ses tristesses solitaires

    Pour s’occuper un peu de vos…

    LE DOCTEUR

    Lépidoptères.

    MARIE-LOUISE

    Laissez-les-nous, et revenez. Il est sorti.

    Le docteur et son fils sortent apr ès avoir dispos é les collections sur la table. Marie-Louise se retournant vers Th ér èse.

    Vous, venez, que je vous présente à Scarampi.

    C’est la grande maîtresse.

    Apercevant Metternich qui entre à droite.

    Ah ! Metternich !… Cher prince.

    Le salon est à vous.

    METTERNICH

    Il fallait que j’y vinsse,

    Ayant à recevoir cet envoyé…

    MARIE-LOUISE

    Je sais.

    METTERNICH

    … Du général Belliard, l’ambassadeur français,

    Et le conseiller Gentz, et quelques estafettes.

    A un laquais qu’il vient de sonner, et qui para ît au fond sur le perron.

    Monsieur de Gentz, d’abord.

    A Marie-Louise.

    Vous me permettez ?

    MARIE-LOUISE

    Faites !

    Elle sort avec Th ér èse. Tiburce et Bombelles les suivent. – Gentz para ît au fond, introduit par le laquais. Tr ès él égant. Figure de vieux viveur fatigu é. Les poches pleines de bonbonni ères et de flacons, il est toujours en train de m âchonner un bonbon ou de respirer un parfum.

    3 SCENE III

    M ETTERNICH, GENTZ, puis un officier fran çais attach é à

    l’ambassade de France.

    METTERNICH

    Bonjour, Gentz.

    Il s’assied devant le gu éridon à droite et se met à signer, tout en

    causant, les papiers que Gentz tire d’un grand portefeuille.

    Vous savez que je rentre aujourd’hui.

    L’empereur me rappelle à Vienne.

    GENTZ

    Ah ?

    METTERNICH

    Quel ennui !

    Vienne en cette saison !

    GENTZ

    Vide comme ma poche !

    METTERNICH

    Oh ! ça, ce n’est pas vrai, car, soit dit sans reproche,

    Le gouvernement russe a dû…

    Il fait, du bout des doigts, le geste de glisser de l’argent.

    GENTZ, avec une indignation comique.

    Moi ?

    METTERNICH

    Soyez franc :

    Vous venez de vous vendre encore.

    GENTZ, tr ès tranquillement, croquant un bonbon.

    Au plus offrant.

    METTERNICH

    Mais pourquoi cet argent ?

    GENTZ, respirant un flacon de parfum.

    Pour faire la débauche.

    METTERNICH

    Et vous passez pour mon bras droit !

    GENTZ

    Votre main gauche

    Doit ignorer ce que votre droite reçoit.

    METTERNICH, apercevant les bonbonni ères et les flacons.

    Des bonbons ! des parfums ! Oh !

    GENTZ

    Cela va de soi.

    J’ai de l’argent : bonbons, parfums. Je les adore.

    Je suis un vieil enfant faisandé.

    METTERNICH, haussant les épaules.

    Pose encore,

    Fanfaron du mépris de soi-même !

    Brusquement.

    Et Fanny ?

    GENTZ

    Elssler ?… Ne m’aime pas. Oh je n’ai pas fini

    D’être grotesque.

    Montrant un portrait du duc de Reichstadt.

    C’est le duc dont elle est folle.

    Je suis un paravent qui souffre, – et se console

    En songeant qu’après tout il vaut mieux, pour l’Etat,

    Que le duc soit distrait. Je fais donc le bêta

    J’escorte la danseuse en ville, à la campagne.

    Elle veut que, ce soir, ici, je l’accompagne

    Pour surprendre le duc.

    METTERNICH, qui pendant ce temps continue à donner des signatures.

    Vous me scandalisez !

    GENTZ

    Ce soir la mère sort. Il y a bal.

    Il lui tend une lettre prise dans son portefeuille.

    Lisez.

    C’est du fils de Fouché.

    METTERNICH, lisant.

    « Vingt août, mil huit cent trente… »

    GENTZ

    Il s’offre à transformer…

    METTERNICH, souriant.

    Bon vicomte d’Otrante !

    GENTZ

    … Notre duc de Reichstadt en Napoléon Deux.

    METTERNICH, parcourant la lettre.

    Des noms de partisans…

    GENTZ

    Oui.

    METTERNICH

    Se souvenir d’eux.

    Il lui rend la lettre.

    Notez !

    GENTZ

    Nous refusons ?

    METTERNICH

    Sans tuer l’espérance !

    Ah ! mais c’est qu’il me sert à diriger la France,

    Mon petit colonel ! Car de sa boîte – cric ! –

    Je le sors aussitôt qu’oubliant Metternich

    On penche à gauche, et – crac ! — dès qu’on revient à droite,

    Je rentre mon petit colonel dans sa boîte.

    GENTZ, amus é.

    Quand peut-on voir jouer le ressort ?

    METTERNICH

    Pas plus tard

    Qu’à l’instant.

    Il sonne, un laquais para ît.

    L’envoyé du général Belliard !

    Le laquais introduit un officier fran çais en grande tenue.

    Bonjour, Monsieur. Voici les papiers.

    Il lui tend des documents.

    En principe,

    Nous avons reconnu le roi Louis-Philippe.

    Mais ne donnez pas trop dans le quatre-vingt-neuf,

    Ou bien nous briserions la coquille d’un oeuf…

    L’ATTACHE, imm édiatement effray é.

    Est-ce une allusion au prince François-Charles ?

    METTERNICH

    Duc de Reichstadt ?… Je n’admets pas, moi qui vous parle,

    Que son père ait jamais régné !

    L’ATTACHE, avec une g én érosit é ironique.

    Moi, je l’admets.

    METTERNICH

    Je ne ferai donc rien pour le duc. Mais… mais…

    L’ATTACHE

    Mais ?

    METTERNICH, se renversant dans son fauteuil.

    Mais si la liberté chez vous devient trop grande,

    Si vous vous permettez la moindre propagande,

    Mais si vous laissez trop Monsieur Royer-Collard

    Venir devant le roi déplier son foulard ;

    Si votre royauté fait trop la République

    Nous pourrons – n’étant pas d’une humeur angélique !

    Nous souvenir que Franz est notre petit-fils

    L’ATTACHE, vivement.

    Nous ne laisserons pas rougir nos lys.

    METTERNICH, gracieux.

    Vos lys,

    S’ils savent rester blancs, ignoreront l’abeille.

    L’ATTACHE, se rapprochant et baissant la voix.

    On craint que malgré vous l’espoir du duc s’éveille.

    METTERNICH

    Non.

    L’ATTACHE

    Les événements ?

    METTERNICH

    Je les lui filtre.

    L’ATTACHE

    Quoi ?

    Ignore-t-il qu’en France on a changé de roi ?

    METTERNICH

    Oh ! non ! Mais le détail qu’il ne sait pas encore,

    C’est qu’on a rétabli le drapeau tricolore.

    Il sera toujours temps…

    L’ATTACHE

    Cela pourrait, c’est vrai,

    L’enivrer !

    METTERNICH

    Oh ! le duc n’est jamais enivré.

    L’ATTACHE, un peu inquiet.

    Je trouve qu’à Baden sa garde est moins sévère.

    METTERNICH, tr ès tranquille.

    Oh ! ici, rien à craindre il est avec sa mère.

    L’ATTACHE

    Comment ?

    METTERNICH

    Quel policier aurait plus d’intérêt

    Qu’elle à le surveiller ? Tout complot troublerait

    Son beau calme.

    L’ATTACHE

    Ce calme est peut-être une embûche !

    Elle ne doit penser qu’à l’aiglon !…

    La porte des appartements de Marie-Louise s’ouvre.

    MARIE-LOUISE, entrant en coup de vent, avec un cri de d ésespoir.

    Ma perruche !

    4 SCENE IV

    L ES MEMES, MARIE-LOUISE, un instant , et LES DAMES D’HONNEUR qui la suivent affol ées, puis BOMBELLES et TIBURCE.

    L’ATTACHE

    Hein ?

    MARIE-LOUISE, à Metternich.

    Margharitina, prince, qui s’envola !

    METTERNICH, d ésol é .

    Oh !

    MARIE-LOUISE

    Margharitina ! Ma perruche !

    Elle remonte vers le perron. Les dames d’honneur se dispersent dans le parc à la poursuite de l’oiseau.

    METTERNICH, froidement, à l’attach é qui le regarde avec stupeur.

    Voilà.

    L’ATTACHE, remontant vers Marie-Louise et faisant l’empress é.

    Si Son Altesse veut que je cherche ?

    MARIE-LOUISE, s’arr ête, le toise,

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