L’Aiglon
Par Edmond Rostand
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À propos de ce livre électronique
L’action débute en septembre 1830, au palais de Schoenbrünn en Autriche. L’Aiglon est le fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche, appelé à sa naissance roi de Rome et maintenant duc de Reichstadt. Il a été élevé à la cour de son grand-père autrichien, l’Empereur Frantz, après l’abdication de Napoléon en 1815. L’Aiglon a 19 ans. Autour de lui, et malgré la vigilance du Prince de Metternich, des alliances se nouent, des complots s’organisent pour le ramener en France afin qu’il succède à son père. Mais le spectre héroïque de Napoléon hante et écrase le jeune homme, idéaliste et rêveur. Il a une santé fragile et ne se sent pas prêt : il craint de ne pas être à la hauteur. Quand il est enfin convaincu par Flambeau, un ancien grognard de l’armée napoléonienne, de fuir l’Autriche pour rejoindre Paris...
Les 6 actes ont des titres symboliques : Les ailes qui poussent – Les ailes qui battent –Les ailes qui s’ouvrent – Les ailes meurtries – Les ailes brisées – Les ailes fermées.
Edmond Rostand
Edmond Rostand (1868–1918) was a French poet and dramatist, best known for his 1897 play Cyrano de Bergerac.
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Aperçu du livre
L’Aiglon - Edmond Rostand
L’AIGLON
Edmond Rostand
L’Aiglon
D RAME EN SIX ACTES, EN VERS
On ne peut se figurer l’impression produite… par la mort du jeune Napoléon… J’ai même vu pleurer de jeunes républicains.
HENRI HEINE.
A MON FILS MAURICE,
ET A LA MEMOIRE DE SON HEROIQUE ARRIERE-GRAND-PERE MAURICE, COMTE GERARD, MARECHAL DE FRANCE.
Grand Dieu ! ce n’est pas une cause
Que j’attaque ou que je d éfends...
Et ceci n’est pas autre chose
Que l’histoire d’un pauvre enfant.
PERSONNAGES
F RANZ, DUC DE REICHSTADT
SERAPHIN FLAMBEAU
LE PRINCE DE METTERNICH
L’EMPEREUR FRANZ
LE MARECHAL MARMONT
LE TAILLEUR
FREDERIC DE GENTZ
L’ATTACHE FRANÇAIS
LE CHEVALIER DE PROKESCH-OSTEN
TIBURCE DE LORGET
LE COMTE DE DIETRICHSTEIN, pr écepteur du duc .
LE BARON D’OBENAUS
LE COMTE DE BOMBELLES
LE GENERAL HARTMANN
LE DOCTEUR
LE COMTE DE SEDLINSKY , Directeur de la Police
UN GARDE-NOBLE
LORD COWLEY, ambassadeur d’Angleterre
THALBERG
FURSTENBERG
MONTENEGRO
UN SERGENT DU REGIMENT DU DUC
LE CAPITAINE FORESTI
UN VIEUX PAYSAN
LE VICOMTE D’OTRANTE
PIONNET
GOUBEAUX
MORCHAIN
BOROKOWSKI
LE VALET DE CHAMBRE DU DUC
L’HUISSIER
UN MONTAGNARD
UN TYROLIEN
UN FERMIER
LE PRELAT
MARIE-LOUISE, Duchesse de Parme
LA COMTESSE CAMERATA
THERESE DE LORGET, soeur de Tiburce
L’ARCHIDUCHESSE
FANNY ELSSLER
LA GRANDE MAITRESSE
PRINCESSE GRAZALCOWITCH
QUELQUES BELLES DAMES DE LA COUR
LADY COWLEY
LES DEMOISELLES D’HONNEUR DE MARIE-LOUISE
UNE VIEILLE PAYSANNE
La famille impériale
La Maison militaire du duc
Gardes de l’Empereur : Arcières, Gardes-nobles, Trabans, etc.
Masques et Dominos Polichinelles, Mezzetins, Bergères, etc.
Paysans et paysannes Le Régiment du Duc.
1830 1832
I PREMIER ACTE
LES AILES QUI POUSSENT
A Baden, près de Vienne, en 1830.
Le salon de la villa qu’occupe Marie-Louise. Vaste pièce au milieu de laquelle s’élève la montgolfière de cristal d’un lustre empire. Boiseries claires, murs peints à fresque, d’un vert pompéien. Frise de sphinx courant autour du plafond.
A gauche, deux portes. Celle du premier plan est celle de la chambre de Marie-Louise. Celle du second plan ouvre sur les appartements des dames d’honneur. – A droite, au premier plan, une autre porte : au second plan, dans une niche, un énorme poêle de faïence, lourdement historié. — Au fond, entre deux fenêtres, une large porte-fenêtre, par laquelle on aperçoit les balustres d’un perron formant balcon, qui descend dans le jardin. Vue sur le parc de Baden : tilleuls et sapins, profondes allées, lanternes suspendues à des potences en arceaux. Magnifique journée des premiers jours de septembre.
On a apporté dans cette banale villa de location un précieux mobilier. A gauche, près de la fenêtre, une belle psyché en citronnier chargée de bronzes ; au premier plan une vaste table d’acajou, couverte de papiers ; contre le mur, une table étagère à dessus de laque, garnie de livres. – A droite, vers le fond, un petit piano Erard de l’époque, une harpe ; plus bas, une chaise longue Récamier auprès d’un grand guéridon. Fauteuils et tabourets en X. Beaucoup de fleurs dans des vases. Au mur, gravures encadrées représentant les membres de la famille impériale d’Autriche ; portraits de l’Empereur François, du duc de Reichstadt enfant, etc.
Au lever du rideau, au fond du salon, un groupe de femmes très élégantes. Deux d’entre elles, assises au piano, dos au public, jouent à quatre mains. — Une autre est à la harpe. On déchiffre. Rires ; interruptions.
Un laquais introduit, par le perron, une jeune fille de mine modeste, qu’accompagne un officier de cavalerie autrichienne, un merveilleux hussard bleu et argent. Les deux nouveaux venus, voyant qu’on ne les remarque pas, restent un moment debout dans un coin du salon. – A ce moment, par la porte de droite, entre le comte de Bombelles, attiré par la musique. Il se dirige vers le piano, en battant la mesure. Mais il aperçoit la jeune fille, s’arrête, sourit, va vivement à elle.
1 SCENE PREMIERE
T HERESE, TIBURCE, BOMBELLES, MARIE-LOUISE, LES DAMES D’HONNEUR.
LES DAMES, au clavecin, parlant toutes à la fois, et riant comme des folles.
Elle manque tous les bémols. – C’est un scandale !
— Je prends la basse. – Un, deux ! – Harpe ! – La… la !… – Pédale !
BOMBELLES, à Th ér èse .
C’est vous ?
THERESE
Bonjour, Monsieur de Bombelles.
UNE DAME, au clavecin.
Mi… sol…
THERESE
J’entre comme lectrice aujourd’hui.
UNE AUTRE DAME, au clavecin.
Le bémol !
THERESE
Et grâce à vous. Merci.
BOMBELLES
C’est tout simple, Thérèse
Vous êtes ma parente et vous êtes Française.
THERESE, lui pr ésentant l’officier.
Tiburce.
BOMBELLES
Ah ! votre frère !
Il lui tend la main, et montrant un fauteuil à Th ér èse.
Asseyez-vous un peu.
THERESE
Oh ! – je suis très émue !
BOMBELLES, souriant.
Et de quoi donc, mon Dieu ?
THERESE
Mais d’approcher tout ce qui reste sur la terre
de l’Empereur !
BOMBELLES, s’asseyant aupr ès d’elle.
Vraiment ? C’est de cela, ma chère ?
TIBURCE, d’un ton agac é .
Les nôtres détestaient Bonaparte jadis !
THERESE
Je sais… Mais voir…
TIBURCE, un peu d édaigneux.
Sa veuve !…
THERESE, à Bombelles.
Et peut-être… son fils ?
BOMBELLES
Sûrement.
THERESE
Ce serait n’avoir pas plus, je pense,
D’âme… que de lecture, et n’être pas de France,
Et n’avoir pas mon âge, enfin, que de pouvoir
Ne pas trembler, Monsieur, au moment de les voir.
Est-elle belle ?
BOMBELLES
Qui ?
THERESE
La duchesse de Parme !
BOMBELLES, surpris.
Mais…
THERESE, vivement .
Elle est malheureuse, et c’est un bien grand charme !
BOMBELLES
Mais je ne comprends pas ! Vous l’avez vue ?
THERESE
Oh ! non !
TIBURCE
Non ! on nous introduit à peine en ce salon.
BOMBELLES, souriant.
Oui, mais…
TIBURCE, lorgnant du c ôt é des musiciennes.
Nous avons craint de déranger ces dames,
Dont le rire ajoutait au clavecin des gammes !
THERESE
J’attends Sa Majesté, là, dans mon coin.
BOMBELLES, se levant.
Comment ?
Mais c’est elle qui fait la basse en ce moment !
THERESE, se levant, saisie.
L’Imp…
BOMBELLES
Je vais l’avertir.
Il va vers le piano et parle bas à une des dames qui jouent.
MARIE-LOUISE, se retournant .
Ah ! c’est cette petite ?
Histoire très touchante… oui… vous me l’avez dite…
Un frère qui…
BOMBELLES
Fils d’émigré, reste émigré.
TIBURCE, s’avan çant, d’un ton d égag é.
L’uniforme autrichien est assez de mon gré :
Puis, il y a la chasse au renard, que j’adore.
MARIE-LOUISE, à Th ér èse.
Le voilà, ce mauvais garnement qui dévore
Tout le peu qui vous reste !
THERESE, voulant excuser Tiburce.
Oh ! mon frère…
MARIE-LOUISE
Un vaurien,
Qui vous ruina ! Mais vous l’excusez, c’est très bien.
Thérèse de Lorget, je vous trouve charmante.
Elle lui prend les mains et la fait asseoir pr ès d’elle sur la chaise longue. Bombelles et Tiburce se retirent, en causant, vers le fond.
Vous voilà donc parmi ces dames. Je me vante
D’être assez agréable… un peu triste depuis…
— Hélas !
Silence.
THERESE, émue.
Je suis troublée au point que je ne puis
Exprimer…
MARIE-LOUISE, s’essuyant les yeux.
Oui, ce fut une bien grande perte !
On a trop peu connu cette belle âme !
THERESE, fr émissante.
Oh ! certes !
MARIE-LOUISE, se retournant, à Bombelles.
Je viens d’écrire pour qu’on garde son cheval !
A Th ér èse.
Depuis la mort du général…
THERESE, étonn ée.
Du général ?
MARIE-LOUISE, s’essuyant les yeux.
Il conservait ce titre.
THERESE
Ah ! je comprends !
MARIE-LOUISE
… Je pleure !
THERESE, avec sentiment.
Ce titre n’est-il pas sa gloire la meilleure ?
MARIE-LOUISE
On ne peut pas savoir d’abord tout ce qu’on perd :
J’ai tout perdu, perdant le général Neipperg !
THERESE, stup éfaite.
Neipperg ?
MARIE-LOUISE
Je suis venue à Baden me distraire.
C’est bien. Tout près de Vienne. Une heure. – Ah ! Dieu ! ma chère,
J’ai les nerfs !… On prétend, depuis que j’ai maigri,
Que je ressemble à la duchesse de Berry.
Vitrolles m’a dit ça. Maintenant je me frise
Comme elle. – Pourquoi Dieu ne m’a-t-il pas reprise ?
Regardant autour d’elle.
C’est petit, mais ce n’est pas mal, cette villa.
— Metternich est notre hôte en passant. – Il est là.
Il part ce soir. – La vie à Baden n’est pas triste.
Nous avons les Sandor, et Thalberg, le pianiste.
On fait chanter, en espagnol, Montenegro ;
Puis Fontana nous hurle un air de Figaro ;
L’archiduchesse vient avec l’ambassadrice
D’Angleterre ; et l’on sort en landau… Mais tout glisse
Sur mon chagrin ! – Ah ! Si ce pauvre général !…
– Est-ce que vous comptez ce soir venir au bal ?
THERESE, qui la regarde avec une stup éfaction croissante.
Mais…
MARIE-LOUISE, imp étueusement.
Chez les Meyendorf, Strauss arrive de Vienne.
— Bombelles, n’est-ce pas, il faudra qu’elle vienne ?
THERESE
Pourrai-je demander à Votre Majesté
Des nouvelles du duc de Reichstadt ?
MARIE-LOUISE
Sa santé
Est bonne. Il tousse un peu… Mais l’air est si suave
A Baden !… Un jeune homme ! Il touche à l’heure grave :
Les débuts dans le monde ! – Et quand je pense, ô ciel !
Que le voilà déjà lieutenant-colonel !
Mais croiriez-vous – pour moi c’est un chagrin énorme ! –
Que je n’ai jamais pu le voir en uniforme !
Entrent deux Messieurs portant des bo îtes vitr ées. Avec un cri de joie.
Ah ! c’est pour lui, tenez !
2 SCENE II
L ES MEMES, LE DOCTEUR et son fils, portant de longues bo îtes vitr ées, puis METTERNICH.
LE DOCTEUR, saluant.
Oui. Les collections.
MARIE-LOUISE
Déposez-les, docteur !
BOMBELLES
Qu’est-ce ?
MARIE-LOUISE
Des papillons.
THERESE
Des papillons ?
MARIE-LOUISE
J’étais chez ce vieillard aimable,
Le médecin des eaux. Ayant sur une table,
Vu ces collections que son fils achevait,
J’ai soupiré tout haut «Ah ! Si le mien pouvait
S’intéresser à ça, lui que rien n’intéresse !… »
LE DOCTEUR
Alors, j’ai dit à Sa Majesté la Duchesse
« Mais on ne sait jamais. Pourquoi pas ? Essayons ! »
Et j’apporte mes papillons
THERESE, à part.
Des papillons !
MARIE-LOUISE, soupirant, au docteur.
S’il s’arrachait à ses tristesses solitaires
Pour s’occuper un peu de vos…
LE DOCTEUR
Lépidoptères.
MARIE-LOUISE
Laissez-les-nous, et revenez. Il est sorti.
Le docteur et son fils sortent apr ès avoir dispos é les collections sur la table. Marie-Louise se retournant vers Th ér èse.
Vous, venez, que je vous présente à Scarampi.
C’est la grande maîtresse.
Apercevant Metternich qui entre à droite.
Ah ! Metternich !… Cher prince.
Le salon est à vous.
METTERNICH
Il fallait que j’y vinsse,
Ayant à recevoir cet envoyé…
MARIE-LOUISE
Je sais.
METTERNICH
… Du général Belliard, l’ambassadeur français,
Et le conseiller Gentz, et quelques estafettes.
A un laquais qu’il vient de sonner, et qui para ît au fond sur le perron.
Monsieur de Gentz, d’abord.
A Marie-Louise.
Vous me permettez ?
MARIE-LOUISE
Faites !
Elle sort avec Th ér èse. Tiburce et Bombelles les suivent. – Gentz para ît au fond, introduit par le laquais. Tr ès él égant. Figure de vieux viveur fatigu é. Les poches pleines de bonbonni ères et de flacons, il est toujours en train de m âchonner un bonbon ou de respirer un parfum.
3 SCENE III
M ETTERNICH, GENTZ, puis un officier fran çais attach é à
l’ambassade de France.
METTERNICH
Bonjour, Gentz.
Il s’assied devant le gu éridon à droite et se met à signer, tout en
causant, les papiers que Gentz tire d’un grand portefeuille.
Vous savez que je rentre aujourd’hui.
L’empereur me rappelle à Vienne.
GENTZ
Ah ?
METTERNICH
Quel ennui !
Vienne en cette saison !
GENTZ
Vide comme ma poche !
METTERNICH
Oh ! ça, ce n’est pas vrai, car, soit dit sans reproche,
Le gouvernement russe a dû…
Il fait, du bout des doigts, le geste de glisser de l’argent.
GENTZ, avec une indignation comique.
Moi ?
METTERNICH
Soyez franc :
Vous venez de vous vendre encore.
GENTZ, tr ès tranquillement, croquant un bonbon.
Au plus offrant.
METTERNICH
Mais pourquoi cet argent ?
GENTZ, respirant un flacon de parfum.
Pour faire la débauche.
METTERNICH
Et vous passez pour mon bras droit !
GENTZ
Votre main gauche
Doit ignorer ce que votre droite reçoit.
METTERNICH, apercevant les bonbonni ères et les flacons.
Des bonbons ! des parfums ! Oh !
GENTZ
Cela va de soi.
J’ai de l’argent : bonbons, parfums. Je les adore.
Je suis un vieil enfant faisandé.
METTERNICH, haussant les épaules.
Pose encore,
Fanfaron du mépris de soi-même !
Brusquement.
Et Fanny ?
GENTZ
Elssler ?… Ne m’aime pas. Oh je n’ai pas fini
D’être grotesque.
Montrant un portrait du duc de Reichstadt.
C’est le duc dont elle est folle.
Je suis un paravent qui souffre, – et se console
En songeant qu’après tout il vaut mieux, pour l’Etat,
Que le duc soit distrait. Je fais donc le bêta
J’escorte la danseuse en ville, à la campagne.
Elle veut que, ce soir, ici, je l’accompagne
Pour surprendre le duc.
METTERNICH, qui pendant ce temps continue à donner des signatures.
Vous me scandalisez !
GENTZ
Ce soir la mère sort. Il y a bal.
Il lui tend une lettre prise dans son portefeuille.
Lisez.
C’est du fils de Fouché.
METTERNICH, lisant.
« Vingt août, mil huit cent trente… »
GENTZ
Il s’offre à transformer…
METTERNICH, souriant.
Bon vicomte d’Otrante !
GENTZ
… Notre duc de Reichstadt en Napoléon Deux.
METTERNICH, parcourant la lettre.
Des noms de partisans…
GENTZ
Oui.
METTERNICH
Se souvenir d’eux.
Il lui rend la lettre.
Notez !
GENTZ
Nous refusons ?
METTERNICH
Sans tuer l’espérance !
Ah ! mais c’est qu’il me sert à diriger la France,
Mon petit colonel ! Car de sa boîte – cric ! –
Je le sors aussitôt qu’oubliant Metternich
On penche à gauche, et – crac ! — dès qu’on revient à droite,
Je rentre mon petit colonel dans sa boîte.
GENTZ, amus é.
Quand peut-on voir jouer le ressort ?
METTERNICH
Pas plus tard
Qu’à l’instant.
Il sonne, un laquais para ît.
L’envoyé du général Belliard !
Le laquais introduit un officier fran çais en grande tenue.
Bonjour, Monsieur. Voici les papiers.
Il lui tend des documents.
En principe,
Nous avons reconnu le roi Louis-Philippe.
Mais ne donnez pas trop dans le quatre-vingt-neuf,
Ou bien nous briserions la coquille d’un oeuf…
L’ATTACHE, imm édiatement effray é.
Est-ce une allusion au prince François-Charles ?
METTERNICH
Duc de Reichstadt ?… Je n’admets pas, moi qui vous parle,
Que son père ait jamais régné !
L’ATTACHE, avec une g én érosit é ironique.
Moi, je l’admets.
METTERNICH
Je ne ferai donc rien pour le duc. Mais… mais…
L’ATTACHE
Mais ?
METTERNICH, se renversant dans son fauteuil.
Mais si la liberté chez vous devient trop grande,
Si vous vous permettez la moindre propagande,
Mais si vous laissez trop Monsieur Royer-Collard
Venir devant le roi déplier son foulard ;
Si votre royauté fait trop la République
Nous pourrons – n’étant pas d’une humeur angélique !
Nous souvenir que Franz est notre petit-fils
L’ATTACHE, vivement.
Nous ne laisserons pas rougir nos lys.
METTERNICH, gracieux.
Vos lys,
S’ils savent rester blancs, ignoreront l’abeille.
L’ATTACHE, se rapprochant et baissant la voix.
On craint que malgré vous l’espoir du duc s’éveille.
METTERNICH
Non.
L’ATTACHE
Les événements ?
METTERNICH
Je les lui filtre.
L’ATTACHE
Quoi ?
Ignore-t-il qu’en France on a changé de roi ?
METTERNICH
Oh ! non ! Mais le détail qu’il ne sait pas encore,
C’est qu’on a rétabli le drapeau tricolore.
Il sera toujours temps…
L’ATTACHE
Cela pourrait, c’est vrai,
L’enivrer !
METTERNICH
Oh ! le duc n’est jamais enivré.
L’ATTACHE, un peu inquiet.
Je trouve qu’à Baden sa garde est moins sévère.
METTERNICH, tr ès tranquille.
Oh ! ici, rien à craindre il est avec sa mère.
L’ATTACHE
Comment ?
METTERNICH
Quel policier aurait plus d’intérêt
Qu’elle à le surveiller ? Tout complot troublerait
Son beau calme.
L’ATTACHE
Ce calme est peut-être une embûche !
Elle ne doit penser qu’à l’aiglon !…
La porte des appartements de Marie-Louise s’ouvre.
MARIE-LOUISE, entrant en coup de vent, avec un cri de d ésespoir.
Ma perruche !
4 SCENE IV
L ES MEMES, MARIE-LOUISE, un instant , et LES DAMES D’HONNEUR qui la suivent affol ées, puis BOMBELLES et TIBURCE.
L’ATTACHE
Hein ?
MARIE-LOUISE, à Metternich.
Margharitina, prince, qui s’envola !
METTERNICH, d ésol é .
Oh !
MARIE-LOUISE
Margharitina ! Ma perruche !
Elle remonte vers le perron. Les dames d’honneur se dispersent dans le parc à la poursuite de l’oiseau.
METTERNICH, froidement, à l’attach é qui le regarde avec stupeur.
Voilà.
L’ATTACHE, remontant vers Marie-Louise et faisant l’empress é.
Si Son Altesse veut que je cherche ?
MARIE-LOUISE, s’arr ête, le toise,