Marie-Camille, tome 1
Par France Lorrain
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À propos de ce livre électronique
Avec Gabriel – déterminé à cacher ses convictions religieuses à ses camarades de classe – et Alice, son amie désœuvrée qui multiplie les mauvais choix et se voit confrontée à une épreuve inattendue, Marie-Camille cherche sa juste place dans le monde. À l’aube de la Révolution tranquille, toutefois, rien n’est acquis, surtout pour une étudiante aussi audacieuse et avide d’autonomie que Marie-Camille Gélinas!
Un roman captivant et touchant sur les répercussions des choix de vie, la persévérance et la résilience, qui nous fait découvrir une jeune femme forte sur qui veillent toujours Florie, Édouard, Adèle et Laurent de l’inoubliable série à succès La promesse des Gélinas.
Retrouvailles émouvantes en perspective!
France Lorrain
France Lorrain a écrit plusieurs livres pour enfants avant de devenir la nouvelle coqueluche des amateures de romans d’époque. Elle a encore plusieurs idées dans son chapeau ! Elle habite sur la Rive-Nord (Terrebonne) et son mari, illustrateur professionnel, crée les couvertures de tous ses romans.
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Avis sur Marie-Camille, tome 1
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Aperçu du livre
Marie-Camille, tome 1 - France Lorrain
Prologue
Marie-Camille Gélinas décida de s’établir à Montréal en 1956 après une jeunesse passée dans le village de Sainte-Cécile, dans les Hautes-Laurentides. Elle quittait ainsi un cocon familial constitué entre autres de son père Édouard, veuf depuis vingt-deux ans, et de sa tante Florie. Cette dernière avait été pour elle une figure maternelle de remplacement, après le décès de sa mère Clémentine, causé par une chute liée à son diabète, survenue en juillet 1934. Au sein de cette tribu tissée serré se trouvait aussi son oncle Laurent, qui vivait entouré de ses animaux et tentait d’oublier les tourments de son existence. Seule sa tante Adèle avait quitté la région pour vivre enfin son amour avec Jérôme Sénéchal au grand jour, et Marie-Camille se faisait un plaisir de la retrouver dans la métropole.
Pendant les quatre premières années suivant son arrivée à Montréal, la jeune femme étudia et trouva un travail de serveuse à temps partiel dans un restaurant du nord de la ville. Elle s’installa dans un petit logement du quartier Rosemont et obtint son diplôme d’infirmière.
Heureuse de sa liberté, elle désirait avant tout s’épanouir et, à l’instar de sa tante Adèle, une des premières femmes journalistes du Québec, était bien déterminée à ne laisser rien ni personne l’empêcher de suivre ses rêves…
Chapitre 1
— C’est donc bien plate, mautadine ! J’avais tellement hâte !
Étendue de tout son long sur le sofa de son salon, Marie-Camille regardait les trombes de pluie qui tombaient du ciel depuis le matin. En cette fin d’après-midi du 22 juillet 1960, la jeune femme de vingt-six ans faisait la moue en songeant à sa soirée… à l’eau !
— Pour une fois que je travaillais pas et que je pouvais jouer !
Délaissant sa position, Marie-Camille s’assit, en faisant une grimace enfantine. Depuis qu’elle vivait à Montréal, loin de sa famille immédiate, la jeune femme portait presque toujours des pantalons. Elle avait laissé tomber avec grand plaisir les robes et les jupes bien sages qui convenaient à sa tante Florie lorsqu’elle vivait à Sainte-Cécile. Elle avait maintenant deux ans de plus que sa mère Clémentine lors de son décès et les ressemblances entre les deux femmes étaient frappantes pour tous ceux qui avaient eu la chance de connaître l’épouse d’Édouard Gélinas : des boucles blondes qui dépassaient tout juste ses oreilles, des yeux bleus un peu trop écartés l’un de l’autre, un nez constellé de taches de rousseur et surtout, cette belle fossette qui creusait sa joue lorsqu’elle éclatait de son rire puissant.
Mais pour le moment, Marie-Camille n’avait pas le goût de rire du tout. Ce soir-là, elle avait prévu de rejoindre son équipe de softball au parc Meilleur, pour disputer la troisième partie de la saison. Elle aimait pratiquer ce sport, qui était encore décrié par quelques prêtres rétrogrades. Son amie Alice avait tellement insisté pour qu’elle joue dans l’équipe que Marie-Camille s’était inscrite au départ pour la faire taire. Puis, elle s’était prise au jeu et là, elle déprimait à l’idée de ne pas pouvoir rejoindre la douzaine de femmes qui formaient l’équipe des Marinières de Rosemont. D’habitude, le vendredi, la blonde travaillait au restaurant Pop Poulet jusqu’à 6 heures et parfois même 7 heures du soir, ce qui fait qu’elle arrivait toujours sur le terrain à bout de souffle pour les parties.
— Pour une fois que Jacques m’a donné congé du restaurant, je me retrouve à tourner en rond dans mon salon, marmonna-t-elle.
Soupirant profondément, Marie-Camille leva les bras pour replacer sa chevelure, qui avait sensiblement le même air qu’elle : piteuse ! La sonnerie du téléphone interrompit ses pensées moroses et la femme jeta un regard hésitant sur l’appareil orangé installé sur la table près de son sofa. Mordillant ses lèvres pendant quelques secondes, elle étira le bras en espérant que…
— Allô, Marie-Camille ?
Soupirant d’ennui en entendant cette voix masculine, elle tourna le fil autour de ses doigts en déposant un pied nu sur la table. Elle aurait dû écouter son instinct et ne pas répondre.
— Oui, Marcel.
« Qui d’autre veux-tu que ce soit ? » eut-elle envie de demander à l’homme. Après tout, elle vivait seule dans cet appartement sur la rue de la Roche et si quelqu’un répondait au téléphone, les chances que ce soit elle étaient drôlement élevées ! Le ton un peu larmoyant de son interlocuteur lui fit lever les yeux au ciel.
— Je te dérange ? T’as l’air impatiente…
— Heu, non, non. C’est juste que…
« Que tu me fatigues ? Que je t’ai demandé de l’espace ? » eut envie de répliquer Marie-Camille. Mais bien entendu, elle n’en fit rien et s’entendit répondre poliment :
— Je devais jouer au softball ce soir et comme tu l’imagines, la partie est tombée à l’eau !
— Parfait !
— Hein ?
Son interlocuteur se racla la gorge avant de marmonner :
— Je voulais juste dire que comme ça, tu es libre ce soir ?
Marie-Camille grimaça en flattant Israël, le chat caramel que lui avait donné son bon ami Gabriel le printemps précédent et qui venait de sauter sur ses genoux. Lorsqu’elle avait accepté de sortir avec Marcel, le jeune comptable, l’année d’avant, elle s’était vite rendu compte à quel point l’homme n’était pas son genre. Sa conversation d’une platitude extrême, ses habits conventionnels oscillant entre le gris pâle et le noir, sa tonsure, qu’il tentait de camoufler en peignant ses cheveux sur le devant, tout chez lui l’avait agacée assez rapidement. Après un seul mois de fréquentations, Marie-Camille avait mis fin à la relation. L’homme ne s’en était toujours pas remis et, à intervalles réguliers, il téléphonait à son ancienne amoureuse dans l’espoir de raviver la flamme. En entendant sa question, la femme se renfrogna en se disant qu’elle aurait dû écouter sa tante Adèle, qui lui avait suggéré la dernière fois de mettre fin froidement aux espoirs de Marcel. Ce qu’elle n’avait pas fait et qu’elle regrettait maintenant amèrement.
— Heu… en fait… pas vraiment… C’est que…
Malhabile dans l’art du mensonge, Marie-Camille posa ses yeux clairs sur les meubles et sur les murs tapissés de son petit logement, en espérant y trouver une excuse valable pour éconduire l’ancien cavalier. C’est son chat qui l’aida dans sa recherche.
— En fait, non, énonça-t-elle d’une voix à présent enjouée. J’ai invité l’ami qui m’a donné Israël à venir voir comme il avait grossi depuis le mois de mai.
Satisfaite de sa répartie, la femme soupira discrètement, en se levant pour mettre fin à la conversation.
— Mais tu viens de me dire que tu pensais jouer au softball ! répliqua Marcel sur un ton agaçant dans lequel un soupçon était bien perceptible.
Marie-Camille plissa son nez en se traitant d’idiote, donna un léger coup de coude à son animal pour qu’il cesse de gruger le coin de la table et répondit :
— Je me suis vite aperçue que la partie serait annulée. Ça fait que j’ai téléphoné à mon ami.
— Oh. Je comprends. C’est de valeur. J’aurais aimé ça t’inviter au cinéma. Tu es certaine que tu changes pas d’idée ? Tu pourrais rappeler ton ami.
— Non, non, Marcel. C’est trop tard… Oh, ça vient de cogner à la porte, lança-t-elle précipitamment. Bon, alors à une prochaine fois, peut-être !
Sans laisser le temps à son ancien compagnon de larmoyer une nouvelle réplique, Marie-Camille déposa le combiné et glissa ses pieds sur la moquette à poil long en fixant son chat, à présent couché sur le calorifère à eau sous la fenêtre. Elle posa son nez dans la fourrure de la bête, avant de jeter un regard sur le mur près d’elle. La jeune femme y avait installé huit horloges de tailles et de couleurs différentes. Quand les visiteurs s’étonnaient de cette originalité, Marie-Camille leur répondait :
— Je veux être certaine d’être toujours à l’heure !
Comme tout le monde connaissait son manque de ponctualité, la plupart rigolaient. Dans les faits, tous avaient eu, à un moment ou un autre de leur relation avec Marie-Camille, l’occasion de constater que l’ajout de quelques réveils ou horloges dans son appartement ne nuirait certainement pas à ce vilain défaut !
— En attendant, mon Israël d’amour, j’ai rien de plus à faire ce soir que de regarder la pluie tomber ! Alice travaille jusqu’à 9 heures.
Le ronronnement indifférent qui lui répondit la fit sourire. Après le décès du chat qu’elle avait eu chez son père Édouard, à Sainte-Cécile, elle avait résisté à la tentation d’en adopter un nouveau.
— J’ai eu trop de peine quand Barbouille est mort, avait-elle expliqué à ses amis, qui lui suggéraient de se procurer un chaton pour pallier son ennui de sa famille. Il avait beau être rendu à quinze ans, je l’avais espéré immortel !
Puis, en mai dernier, Gabriel était arrivé avec une boîte de carton et un sourire éclatant.
— Je t’apporte un cadeau, avait-il lancé, dès qu’il était entré dans l’appartement. Puis tu ne peux pas refuser !
En ouvrant la boîte, Marie-Camille était immédiatement tombée en amour avec les grands yeux verts et le minois relevé d’Israël. Son ami n’avait eu qu’à lui mettre le chaton dans les bras pour que toutes ses objections s’envolent. Depuis, à aucun moment elle n’avait regretté d’avoir accepté de garder l’animal de compagnie. Elle se sentit moins coupable envers Marcel lorsqu’elle se dirigea vers son téléphone de nouveau et composa le numéro de son copain.
— Can I speak to Gabriel Joseph please ? It’s hum… con… cerning his account at Morgan’s¹, demanda-t-elle dans un anglais laborieux.
Marie-Camille attendit patiemment que son ami prenne l’appel.
— Hello, this is Gabriel Joseph.
La voix sérieuse de l’homme la fit éclater de rire. Elle poursuivit en français, sans lui donner la chance de répliquer :
— C’est moi ! Avoue que ton père a rien soupçonné hein ?
— In fact, not at all, you’re right².
— Ma partie de softball est annulée, ça te dirait de venir prendre le thé ? Tu pourrais en profiter pour voir Israël. Ça fait un mois que t’as pas mis les pieds ici.
Quelques secondes s’écoulèrent pendant lesquelles Marie-Camille en déduisit que son ami tentait de s’isoler pour pouvoir lui répondre loin des oreilles indiscrètes de ses parents. Il souffla dans l’appareil, dans son français parfait :
— Donne-moi une heure. Je mange et ensuite, je viens te rejoindre.
— Good ! À tantôt !
~ ~ ~
Marie-Camille venait juste de terminer sa vaisselle lorsque la sonnette se fit entendre. Elle sourit en ajustant sa chevelure derrière ses oreilles, et elle se dirigea vitement vers la porte. En ouvrant à son ami, elle ressentit, comme toujours, une énorme bouffée d’affection. Tout ce qu’il endurait pour ne pas se faire réprimander par sa famille la consternait toujours.
— Vite, rentre avant que madame Vadeboncœur vienne écornifler sur le palier !
Habitué à se faufiler rapidement dans le logement pour éviter la voisine de Marie-Camille, le jeune homme entra et serra l’hôtesse avec tendresse. Entre eux, aucune confusion possible, il n’y avait que de l’amitié. Il déposa son parapluie et suivit son amie dans le salon. Il posa son regard foncé sur Marie-Camille lorsqu’elle s’amusa à tirer sa longue barbe noire, avant de se faire gronder gentiment :
— Arrête ça, Marie !
— Tu le sais que c’est plus fort que moi ! Mon doux que tu es toujours chic, toi !
Gabriel haussa ses larges épaules, étirant du même coup sa chemise au long col bleu. Il portait celle-ci bien insérée dans un pantalon de toile gris, à fines rayures pâles. Marie-Camille éclata de rire avant de redevenir sérieuse.
— Tes parents ont rien soupçonné ?
— Non. Je leur ai dit que j’allais au café pour lire un peu. Mais il faut que je sois rentré à 9 heures si je veux éviter les questions embarrassantes. Tu sais que je n’aime pas trop leur mentir.
— Bien s’ils te laissaient vivre un peu aussi ! s’exclama Marie-Camille, en regrettant aussitôt ses propos.
C’était facile pour elle de parler ainsi, puisque sa tante Florie n’était plus à ses côtés pour donner son avis sur ses projets et ses aspirations. Quand elle habitait à Sainte-Cécile, la jeune femme avait eu plus souvent qu’à son tour l’impression de vivre dans une prison dorée ! Marie-Camille se retourna pour tirer son ami par la main et le traîner vers le salon.
— Alors, raconte…
L’homme juif de vingt-quatre ans vivait toujours avec ses parents, dans la municipalité d’Outremont. Son père, un Juif marocain, avait immigré avec sa famille à Montréal en 1942. Pendant une décennie, il avait travaillé dans des ateliers de confection de vêtements dans le secteur situé autour de la rue Notre-Dame et de la rue Saint-Paul, avant de fonder sa propre compagnie, qui, aujourd’hui, employait près d’une soixantaine de travailleurs. Même s’il avait espéré voir l’un de ses fils prendre la relève de son atelier, le patriarche s’était fait à l’idée que ce ne serait jamais le cas. Ses deux aînés s’étaient exilés aux États-Unis et, lorsque Gabriel avait décidé d’entreprendre des études en médecine, son père avait compris que son entreprise serait un jour vendue. Mais malgré sa déception première, l’homme s’était par la suite réjoui du choix de carrière de son cadet. Et il en était à présent très fier !
— Bof… répondit le jeune homme, sans regarder directement son amie.
— Bof quoi ? Viens pas me dire que t’as encore rien dit à ton père ? le questionna sévèrement Marie-Camille.
Elle sortit un petit bout de langue en forçant pour ouvrir sa boîte de métal, dans laquelle se trouvait son thé. Concentrée, elle ne remarqua pas la moue du jeune homme. Trapu, avec une démarche un peu lourde, Gabriel aimait rire et s’amuser, sauf lorsque venait le temps de discuter de ses conflits de loyauté. Marie-Camille lui pointa le divan, avant de l’y rejoindre quelques minutes plus tard avec leurs boissons chaudes. Les deux amis prirent place côte à côte en silence durant un long moment. Puis, la femme revint à la charge.
— Câline, Gabriel, l’école commence dans moins de deux mois ! Tu vas faire quoi quand ton père va te demander des comptes, hein ? Ou pire, quand il va falloir que tu les payes, tes comptes ?
Son ami ne répondit pas, savourant le biscuit au beurre servi par son amie pour accompagner leur thé. Puis, il se tourna vers Marie-Camille avec un air attristé :
— Comment veux-tu que je lui dise ça sans le peiner ?
— Heu, tu pourrais commencer par : « Je voulais te dire, papa, que j’ai décidé de continuer mes études au Collège des embaumeurs du Québec. » Voilà, c’est pas plus compliqué que ça ! répliqua sèchement Marie-Camille.
Gabriel la regarda en replaçant sa kippa sur le dessus de sa tête. Il eut un petit rictus, avant de marmonner :
— Si c’est si facile, dis-moi donc pourquoi ta famille ne sait pas encore que c’est là que tu vas étudier en septembre toi aussi ? Hein, Marie ?
Sachant fort bien qu’il avait raison, son amie prit son chat pour faire diversion. Lorsqu’elle était arrivée à Montréal, quatre ans plus tôt, son but était d’étudier pour devenir infirmière. Elle avait terminé sa formation en décembre 1959. Avec l’accord de son père, elle avait décidé de rester en ville pour se trouver un travail dans l’un des grands hôpitaux montréalais. Ce qu’elle avait fait. Mais avec le temps, Marie-Camille avait réalisé qu’elle n’était pas taillée pour cette profession, où la douleur faisait partie du lot quotidien.
— Je pense pas que je vais continuer à être infirmière, avait-elle confié à son amie Alice un soir, au retour du cinéma.
— Tu vas faire quoi d’abord ? lui avait demandé l’autre, qui se contentait de son travail au restaurant Pop Poulet, ayant quitté l’école à quinze ans.
Marie-Camille n’avait pas répondu à son amie. Elle ignorait à ce moment-là ce que le futur lui réservait. Ce qu’elle savait, c’est que les lamentations des gens souffrants, l’arrogance de certains médecins et son manque d’enthousiasme à distribuer des médicaments justifiaient sa décision. De plus, elle ne voulait pas retourner vivre dans son village, même si l’ennui des siens se faisait parfois sentir. La jeune femme aimait trop cette liberté que lui procurait sa vie loin de Sainte-Cécile. Au moins, à Montréal, si elle manquait une messe du dimanche, il n’y avait personne pour la réprimander ! Puis, la lecture d’un article dans le quotidien La Presse, au printemps précédent, l’avait intriguée :
« S’il vous arrive un jour de rendre l’âme dans les environs d’Owen Sound, en Ontario, il se pourrait que votre dépouille soit confiée aux soins experts de deux embaumeurs féminins
, mesdames Vernon Emke et C. M. Alton, qui seront licenciées en juin prochain. Les deux candidates suivaient en cela l’exemple de leurs maris, qui exerçaient la profession depuis plusieurs années. Mais n’allez pas croire que cet évènement soit une exception, puisque depuis sa fondation, il y a vingt ans, l’école d’embaumeurs d’Owen Sound a vu défiler en ses murs vingt-trois diplômés du sexe féminin…³ »
Cet article avait trotté dans la tête de la jeune femme pendant quelques jours, avant qu’elle fasse part de sa découverte à Gabriel. Ce dernier, surpris par son intérêt, avait rapidement compris les avantages liés à cette profession. Comme Marie-Camille, le jeune homme entretenait de nombreux doutes face à son choix de carrière. Seule Adèle avait été mise au courant de cette envie d’explorer un nouveau domaine d’études qui stimulait sa nièce. Malgré sa grande ouverture d’esprit, l’écrivaine et journaliste de près de cinquante ans était restée estomaquée lorsque sa nièce lui avait confié :
— Je veux devenir embaumeur.
— Pardon ?
— Quoi ? Regarde-moi pas comme ça, matante ! Tu penses que je serais pas capable de faire ce travail-là ? Je vois pas pourquoi j’y arriverais pas !
Adèle avait secoué sa tête aux cheveux courts en fixant cette drôle de petite bonne femme. Marie-Camille ressemblait tellement à sa mère Clémentine au moment de sa mort qu’elle se disait parfois que le fait de la côtoyer ne pouvait que rouvrir les blessures de son frère Édouard. Peut-être était-ce l’une des raisons pour lesquelles il était si tolérant envers le besoin d’évasion de sa fille… Ainsi, le maître-beurrier de Sainte-Cécile n’était pas confronté quotidiennement à l’image de la femme qu’il avait tant aimée.
— Ce n’est pas ça, Marie-Camille, mais j’ai de la misère à t’imaginer travailler avec des morts à longueur de journée. Tu es tout le temps de bonne humeur ! Puis, est-ce qu’il y a des femmes au Québec qui font ce métier-là ?
La voix froide de sa nièce avait aussitôt répliqué :
— C’est toi qui me demandes ça, matante Adèle ? Tu sauras qu’en Ontario, elles sont plus de vingt femmes à exercer cette profession. Et quand tu es devenue journaliste, est-ce qu’il y en avait beaucoup de femmes qui l’étaient au Québec ? De toute manière, moi, je vois pas ça comme être avec des morts tout le temps. Je vois ça comme aider les vivants à continuer leur vie sereinement. Je trouve ça trop pénible de donner des pilules ou de changer des pansements pour des gens qui ont plus d’espoir. En plus, on s’entend que mes futurs « clients » devraient pas trop remarquer si je suis un homme ou une femme !
Marie-Camille avait éclaté de rire en mimant un mort allongé dans un cercueil. Comme toujours, Adèle avait suivi son humeur joviale et n’avait plus songé à contester son choix. Quand la jeune femme avait finalement pris sa décision, après une mûre réflexion, sa tante avait même offert de lui avancer la somme nécessaire pour son inscription jusqu’à ce qu’elle se sente prête à parler à son père. Pourtant, malgré les affirmations qu’elle avait servies à Gabriel, Marie-Camille ne s’était pas encore résolue à avouer au reste de la famille son changement de plan de carrière. Surtout pas à sa tante Florie, qui avait joué le rôle de figure maternelle tout au long de son enfance. Juste à imaginer la tête que ferait la femme, Marie-Camille sentait une tension s’installer dans ses épaules. Ne voulant pas avouer sa lâcheté, elle se retourna vers son ami pour souffler :
— Ça a juste pas adonné que je leur dise ! C’est pas pareil, je vis pas avec eux autres, moi. Toi, ton père va bientôt te demander à quel moment tu vas prendre ton poste à l’hôpital. J’ai hâte de voir ce que tu vas lui répondre ! En plus, j’ai déjà payé mon inscription avec l’argent qu’Adèle m’a avancé.
Gabriel claqua la langue avec désarroi. Il ferma ses yeux quelques secondes avant de soupirer.
— On peut parler d’autre chose ? Je ne suis pas venu pour ça… Je vais le faire, je sais que je n’ai pas le choix. Mais je te jure qu’à la pensée de leurs visages déçus, j’ai presque envie de poursuivre mon cours de médecine, puis d’abandonner mon idée de t’accompagner au collège. Il me reste juste un an d’études. Peut-être que je m’y ferais, à ce travail, dans le fond !
Marie-Camille hocha la tête pour lui montrer qu’elle comprenait son combat intérieur et lui fit un sourire piteux pour s’excuser de son emportement. Les deux amis se mirent alors à discuter de choses et d’autres. Leur première rencontre, qui datait de près de deux ans, n’avait pas été une réussite. Au contraire, Gabriel avait apostrophé la jeune femme lorsque celle-ci lui avait foncé dessus à la sortie de l’hôpital, faisant gicler du même coup le contenu de son gobelet de café sur la chemise blanche de l’étudiant.
— Oh, excusez-m…
— Vous ne pouvez pas regarder où vous allez ? s’était emporté Gabriel, le vêtement taché du col au nombril.
— Pardon.
Marie-Camille avait tenté de ne pas pleurer, mais devant la colère de son vis-à-vis, elle avait senti sa lèvre inférieure se mettre à trembler, et son amie Alice, qui était venue à sa rencontre, avait pris sa défense dans un mauvais anglais. Elle patientait sur le trottoir devant l’hôpital et avait assisté à la collision entre les deux jeunes gens. En voyant la kippa, la flamboyante rousse avait assumé que l’homme était anglophone.
— Not… nécessaire… you choquer… like that. It… un accident. My amie not do exprès, heu… you know ?
— Je… je…
Marie-Camille, quant à elle, n’était pas arrivée à formuler une phrase complète. Elle avait plutôt fouillé dans son sac usé à la recherche d’un billet de deux dollars à offrir au jeune homme, pour lui permettre de faire nettoyer sa chemise. Quand elle l’avait sorti, d’une main tremblante, Gabriel avait pris une profonde respiration, en secouant sa tête ornée de ce drôle de petit chapeau rond.
— Non, non, je m’excuse de mon emportement, mademoiselle.
— Franchement, vous parlez français, puis vous me laissez avoir l’air idiote de même ! s’était exclamée la pulpeuse Alice, le visage rouge de frustration.
L’ignorant, Gabriel avait repoussé la main tremblante de Marie-Camille et lui avait dit spontanément :
— Pour me faire pardonner ma colère, je vous offre un café à toutes les deux, si vous le voulez bien. Disons que ma journée n’a pas été de tout repos et que vous en avez subi le contrecoup, malheureusement.
Malgré les protestations des deux jeunes femmes, l’étudiant avait insisté, et le trio avait finalement passé l’après-midi au café situé près de l’hôpital Royal Victoria, à rire et à discuter sans interruption. Le jeune homme, qui ne fréquentait que des gens de la communauté hassidique, s’était surpris de constater la complicité qui s’était rapidement installée entre eux trois. Lorsqu’ils s’étaient quittés, ils avaient promis de se revoir et, pour Marie-Camille et Gabriel, cette amitié inusitée n’avait jamais cessé de grandir. Élevé dans une famille traditionnelle juive, l’homme n’avait pas mentionné cette fréquentation aux siens, sachant fort bien qu’elle aurait été aussitôt condamnée. Côtoyer une femme non juive célibataire ? Ses parents lui défendraient de sortir de la maison, malgré son âge ! C’est la raison pour laquelle, après deux heures à jaser, à boire du thé et à manger des croustilles au BBQ avec Marie-Camille, l’homme reprit son parapluie en soupirant.
— Pas que je n’ai pas de plaisir, mon amie, mais je dois retourner chez moi.
— Bien correct, Gabriel ! De toute manière, je travaille tôt demain, alors je vais aller dormir sous peu.
Marie-Camille sourit à son ami, qui se dépêcha de faire une caresse à Israël, qui passait à ses pieds. Puis, il fit la bise à la blonde, avant de jeter un œil sur le palier par la porte entrouverte.
— Le chemin est libre, souffla-t-il, à bientôt. Madame Vadeboncœur doit faire son solitaire ou regarder son hockey !
Sa copine referma la porte en riant, juste à imaginer la vieille voisine assise devant une partie de sport. Elle s’éloigna vers sa petite salle de bain en chantonnant. Elle allait prendre un bon bain pour se relaxer et ensuite… Des coups à la porte interrompirent toutefois son mouvement.
— Tiens, tiens, qu’est-ce qu’il a encore oublié, ce Gabriel ? murmura Marie-Camille, en reboutonnant sa blouse rose.
Étourdi, son ami avait souvent l’habitude de laisser ses clés, son chapeau ou même son portefeuille sur le comptoir de la cuisine. Pourtant, un rapide coup d’œil autour d’elle confirma à la jeune femme qu’il n’en était rien. Marie-Camille ouvrit donc la porte, un peu craintive :
— Oh ! fut le seul mot qu’elle réussit à prononcer, en voyant la personne qui se tenait sur le pas de sa porte.
1 Est-ce que je peux parler à Gabriel Joseph s’il vous plaît ? C’est… hum… concernant son compte chez Morgan’s.
2 En fait, pas du tout. Vous avez raison.
3 Tous les passages suivis d’un astérisque renvoient à une note de l’auteure à la fin du roman.
Chapitre 2
Gabriel descendit à toute vitesse les marches de l’immeuble de la rue de la Roche. Pas question qu’il arrive trop tard au domicile familial et qu’il doive mentir à ses parents, qui le questionneraient gentiment sur sa soirée passée au café. Ceux-ci étant allés au théâtre, il devrait avoir la possibilité de se glisser dans la maison avant leur retour et ainsi éviter une conversation embarrassante.
Il salua d’un hochement de tête la dame croisée dans l’escalier, en remarquant la manière apeurée qu’elle avait de tenir sa sacoche contre son ventre. Il haussa les sourcils et se pressa sans s’arrêter. Une fois à l’extérieur, il marcha sur le trottoir et, tout à ses préoccupations, ne vit pas Alice, l’amie de Marie-Camille, qui arrivait en face de lui. Ce n’est qu’au moment où la jeune serveuse auburn l’agrippa par le bras qu’il releva la tête pour apostropher l’intruse.
— Désolé… Oh Alice !
— Salut, air bête. Comment vas-tu ?
La femme de trente ans avait le visage rond comme une lune et de grands yeux clairs sous une mer de boucles frisottées. Elle lui sourit en laissant paraître des incisives légèrement avancées, ce qui était peut-être la raison de son zozotement quasi imperceptible. Gabriel, qui ne s’habituait pas au ton direct de la femme, haussa les épaules en cessant de marcher :
— Ça va, ça va. Toi ?
— Bien ! On dirait pas que tu es en grande forme ! remarqua Alice. Tu as la même face que mon patron quand les Canadiens perdent ! Veux-tu qu’on marche ensemble ?
Gabriel chercha une issue et pointa plutôt l’immeuble d’où il sortait.
— Tu ne t’en allais pas chez vous ?
— Non, non. Je reviens du resto, puis j’ai pas le goût de rentrer tout de suite. Il fait vraiment doux, ça va me faire du bien, un peu d’exercice ! En plus, j’ai passé la soirée avec Marie-Camille hier. On s’est assez vues !
Alice sourit en mentant effrontément au jeune homme. Les deux amies travaillaient au même restaurant de la rue Saint-Denis et vivaient dans le même immeuble, l’une en dessous de l’autre, dans des logements semblables. Pourtant, même si elles se côtoyaient presque quotidiennement, elles réussissaient à se laisser l’espace nécessaire pour ne pas se tomber sur les nerfs.
— Toi, questionna Alice, en se balançant d’un pied à l’autre, tu arrives de chez Marie ?
Gabriel hocha la tête en tentant de s’éloigner un peu de la jolie femme. Depuis leur première rencontre, elle le mettait mal à l’aise, avec ce besoin qu’elle avait de toucher les gens, de s’approcher trop près de lui. Elle était assurément trop exubérante et extravertie à son goût. Il ne savait jamais comment agir en sa présence. En même temps, il se sentait idiot de refuser qu’elle l’accompagne, si les deux allaient dans la même direction.
— Bien, si ça te tente, ça ne me dérange pas.
— Wow ! Sois donc plus enthousiaste ! se moqua Alice, en glissant son bras sous celui de Gabriel, sans remarquer son rictus d’inconfort.
Pas qu’il n’était pas flatté des attentions de la jolie femme, mais il craignait que des gens de sa connaissance ne les croisent et fassent un compte rendu de cette rencontre à ses parents. Ensuite, il lui faudrait des jours et des jours pour les convaincre qu’il ne fréquentait pas une goy*.
Chez lui, il bénéficiait d’une certaine liberté, pourvu qu’il respecte les dogmes de sa religion. Et il y en avait plusieurs ! Son père Edmond et ses oncles ne se gênaient pas de le répéter : être juif signifiait être lié à un sens et à un but divin. Comme tous les autres membres de cette communauté à travers le monde, Gabriel avait été destiné à être juif dès le début des temps. C’était comme une mission dont il devait se montrer digne.
Mais cette lourdeur qu’il portait sur ses épaules ne lui était jamais apparue aussi pesante que depuis sa rencontre avec Marie-Camille. Le jour de leur accrochage devant l’hôpital avait signifié pour lui un changement dans sa vie : pour la première fois, il s’était permis de socialiser avec des gens qui n’étaient pas de la même confession. Par moments, le jeune homme se demandait ce qui lui avait pris d’inviter ainsi deux femmes célibataires à l’accompagner au café.
En regardant Alice, qui babillait sans arrêt, Gabriel se prit à sourire avec légèreté. Quand cette femme volubile racontait des histoires, il ne pouvait s’empêcher de l’écouter avec intérêt et bonne humeur. Elle tenait solidement le bras de son ami en gesticulant de l’autre main. Alors qu’ils marchaient côte à côte sur le large trottoir du boulevard Rosemont, Alice pointa le ciel :
— Enfin, il pleut plus ! Tu aurais dû entendre les clients ce soir. J’ai jamais vu ça, du monde marabout de même !
— Marabout ?
— Ben, pas de bonne humeur.
Gabriel rit en répétant tout bas le mot : marabout. Il avait beau vivre au Québec depuis l’âge de six ans, il y avait encore plusieurs expressions qu’il n’avait jamais entendues. Sa famille n’avait pas l’habitude de côtoyer des « pures laines » et ce n’était qu’au contact de Marie-Camille et Alice qu’il avait constaté que son français était assurément dépourvu de jargon typiquement québécois ! La femme plissa le front pour évaluer s’il se moquait d’elle.
— Le seul marabout que je connaisse, s’excusa-t-il, c’est l’oiseau africain.
Ce fut au tour d’Alice de questionner :
— Un oiseau ? Pas du tout, voyons donc ! Je peux te dire que mes clients de ce soir avaient pas d’ailes ni de bec, en tout cas !
Son rire explosa, alors qu’elle penchait la tête vers l’arrière. Gabriel déglutit en voyant la jolie gorge blanche exposée à sa vue. Il n’aurait jamais choisi Alice comme amoureuse ou épouse, mais il ne pouvait se leurrer face à l’attrait physique qu’elle exerçait sur lui. Puis, alors que le duo arrivait au coin de la rue Saint-Denis, Alice se leva sur la pointe des pieds, replaça la courroie de son sac de cuir sur son épaule et plaqua un bec sur la joue piquante du jeune Juif.
— Bon, je te laisse.
— Où tu vas ?
Alice mit son index sur sa bouche peinte en rouge en plissant ses yeux :
— Secret, mon cher. À bientôt !
Elle s’éclipsa vers le sud sans plus un regard derrière. L’homme resta planté debout quelques secondes, à contempler le mouvement ondulant des hanches de la femme. Il n’arrivait pas à décoder ses pensées quand il s’agissait d’Alice Thibault. L’appréciait-il ou non ? En tout cas, elle savait émoustiller les hommes ! Mais en voyant l’autobus 45 arriver de l’autre côté de la rue, il sortit de la lune pour se mettre à courir. Pas question de rater celui-ci ! Sinon, il lui faudrait marcher jusqu’à sa demeure, ce qui risquait de le mettre assurément en retard.
~ ~ ~
En laissant Gabriel sur le coin de la rue, Alice était bien consciente de l’effet qu’elle lui faisait. Depuis qu’elle était toute petite, la femme avait appris à jouer de ses charmes pour obtenir ce qu’elle désirait. Mais aussitôt qu’elle s’était détournée pour partir vers le sud, son sourire s’était éteint sur ses lèvres. Plus besoin de faire semblant, personne ne la voyait à présent. Tout en marchant rapidement, malgré ses chaussures à talons hauts, elle roula sa jupe étroite à sa taille pour laisser voir ses genoux et le bas de ses cuisses charnues. Relevant ses épaules pour projeter sa poitrine en avant, la femme humecta ses lèvres en inspirant profondément.
— J’espère qu’il va être là…
Ce secret qu’elle portait depuis quelques mois déjà ne la dérangeait guère. Alice avait vu ses parents s’entredéchirer toute sa vie avant de mourir dans un accident de voiture, dix ans plus tôt. Elle n’était pas proche de son frère jumeau, qui habitait la ville de Trois-Rivières depuis la fin de ses études. Si elle parlait à Raoul une fois par mois, elle en était satisfaite. Son frère était tout ce qu’elle n’était pas : fidèle, raisonnable, respectueux des règles… Tout au long de sa jeunesse et de son adolescence, leurs parents le citaient en exemple lorsque Alice avait fait une bêtise :
— Pourquoi t’essaies pas de copier ton frère au lieu de faire des niaiseries ?
— Ça te tente pas de suivre les traces de Raoul ? Serveuse, franchement !
Rendue au coin de la rue Sherbrooke, elle tourna à gauche, et c’est en vitesse qu’elle franchit le dernier mille qui la séparait de sa destination. Alice aurait pu monter dans un bus, mais elle avait préféré conserver son argent. Déjà que la grogne ambiante au restaurant pendant la soirée avait résulté en des pourboires peu généreux, elle n’allait pas gaspiller ses sous alors qu’elle avait des jambes pour marcher !
— Enfin !
Devant la façade grise de l’édifice de la rue Saint-Christophe, au coin de Dorchester, elle inspira en regardant autour d’elle. Puis, avant de changer d’idée, elle appuya fortement sur le bouton de la sonnette, à côté de la lourde porte de bois. Les gens passaient près de la femme en lui jetant des regards entendus. Vêtue comme elle l’était – jupe trop courte, chandail trop serré –, ses cheveux auburn formant un halo de feu autour de son visage, tous portaient immédiatement un jugement : ce devait être une femme