N'oublie pas de respirer
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À propos de ce livre électronique
La vie d'Alex Thompson suit le script. Etudiante en droit à l'université de Columbia, elle est concentrée sur ses notes, sa carrière, son avenir. La dernière chose dont elle ait besoin serait de reprendre contact avec celui qui lui a brisé le coeur.
Dylan Paris rentre d'Afghanistan grièvement blessé et il sait que la seule chose qu'il ne peut pas se permettre est de traîner Alex dans sa vie chaotique.
Quand Dylan et Alex sont assignés à la même mission de travail-études et forcés à travailler côte à côte, ils doivent mettre en place de nouvelles règles pour ne pas s'entretuer.
Le problème est qu'ils n'arrêtent pas d'enfreindre les règles.
La première règle est de ne jamais, jamais parler de comment ils sont tombés amoureux.
Charles Sheehan-Miles
Charles Sheehan-Miles has been a soldier, computer programmer, short-order cook and non-profit executive. He is the author of several books, including the indie bestsellers Just Remember to Breathe and Republic: A Novel of America's Future.
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Aperçu du livre
N'oublie pas de respirer - Charles Sheehan-Miles
N'oublie pas de respirer
Charles Sheehan-Miles
Traduit par Veronika Sinagra
Published by Cincinnatus Press
South Hadley, Massachusetts
N'oublie pas de respirer
Écrit Par Charles Sheehan-Miles
Copyright © 2015 Charles Sheehan-Miles
Tous droits réservés
Distribué par Babelcube, Inc.
www.babelcube.com
Traduit par Veronika Sinagra
Babelcube Books
et Babelcube
sont des marques déposées de Babelcube Inc.
Livres de Charles Sheehan-Miles
The Thompson Sisters
A Song for Julia
Falling Stars
A View from Forever
Just Remember to Breathe (N’Oublie pas de Respirer)
The Last Hour
Rachel's Peril
Girl of Lies
Girl of Rage
Girl of Vengeance
America's Future
Republic
Insurgent
Fiction
Nocturne (with Andrea Randall)
Prayer at Rumayla: A Novel of the Gulf War
Non Romanesque
Saving the World On $30 A Day: An Activists Guide to Starting, Organizing and Running a Non-Profit Organization
Become a Full-Time Author: Practical tips, skills and strategies to turn your writing hobby into a career
CHAPITRE UN
Des cœurs et des tasses brisés (Alex)
A partir du moment où j’ai enclenché la première sur la voiture de maman, ma tasse de café toujours posée sur le toit, j’ai su que ce serait une journée compliquée. La tasse, qui était un petit cadeau de Dylan, s’est envolée du toit de la voiture et a éclaté en mille morceaux. J’ai eu le souffle coupé en la voyant tournoyer dans le rétroviseur, tombant comme au ralenti jusqu’à ce qu’elle heurte le sol, envoyant mon café et des éclats de porcelaine à travers la route.
Les larmes me sont montées aux yeux. Même si ça faisait plus de six mois qu’on n’avait pas parlé, même s’il m’avait brisé le cœur, même s’il avait refusé tout contact, ignorant mes courriers, j’en étais tout de même triste.
Je me suis arrêtée sur le bas côté et j’ai pris une grande inspiration. Dylan avait acheté la tasse à un marchand à Jérusalem qui avait imprimé dessus une photo numérique de nous deux, nous enlaçant, alors qu’on était plongés jusqu’à la taille dans l’eau de la Méditerranée. Sur la photo, je paraissais étonnement distraite alors qu’on se regardait dans les yeux. En y repensant, je semblais et me sentais comme si j’étais droguée.
Bien évidemment, ça faisait six mois que Kelly me disait qu’il était temps de me débarrasser de cette tasse, temps de tourner la page, temps d’oublier Dylan.
J’ai pris une profonde inspiration. Kelly avait raison. Oui, on avait eu quelques problèmes, oui, j’avais trop bu et avais dit des choses que j’ai regrettées. Mais rien d’impardonnable. Rien qui justifiait qu’il ait disparu de la surface de la Terre.
J’ai regardé dans le miroir et arrangé rapidement les dégâts causés par mes larmes incontrôlables, puis je me suis préparée à repartir. Deux jours plus tard, je retournais à New York pour ma deuxième année à la fac et rien ne m’empêchait d’acheter une nouvelle tasse. J’avais qu’à ajouter ça à la longue liste sur-détaillée de choses à faire que ma mère avait si obligeamment pris le soin de rédiger. Une liste qui reposait désormais sur le siège passager de la voiture. Une nouvelle tasse. Une qui n’aurait pas mon passé gravé sur toute sa surface. Kelly serait fière.
J’allais me remettre en route et c’est ce moment que mon téléphone a choisi pour se mettre à sonner, mais je suis incapable de l’ignorer, alors j’ai laissé la voiture de maman à l’arrêt et j’ai répondu.
« Allô ?
- Vous êtes bien Alexandra Thompson ?
- Oui, c’est bien Alex.
- Bonjour, je suis Sandra Barnhardt du bureau d’aide financière.
- Oh ! » J’ai dit, soudain tendue. Il y a certaines personnes dont vous ne voulez pas recevoir d’appel la veille de la reprise des cours, et le bureau d’aide financière est de loin en première position sur cette liste.
« Euh… que puis-je faire pour vous ?
- J’ai peur d’avoir de mauvaises nouvelles. Le Professeur Allan prend un congé exceptionnel, alors votre mission de travail-études a été annulée. »
Un congé exceptionnel ? D’après moi le Professeur Allan partait en désintox. J’étais quasiment sûre que c’était une toxico mon premier jour de travail pour elle. Bref.
« Alors, euh… qu’est-ce que ça veut dire réellement ?
- En fait… la bonne nouvelle est que nous vous avons trouvé une nouvelle mission. »
J’étais impatiente d’en savoir plus. J’allais sans doute avoir à frotter des casseroles à la cafétéria. J’ai attendu, puis attendu encore un peu.
« Euh…peut-être que vous pourriez me dire en quoi cette nouvelle mission consiste ? »
Sandra Barnhardt du bureau d’aide financière a toussé, probablement un peu embarrassée.
« C’est un peu à la dernière minute, vous comprenez, mais notre auteur-résident pour l’année a demandé à avoir deux assistants de recherche. Vous travaillerez pour lui.
- Oh…je vois. Et bien au moins ça à l’air intéressant.
- Je l’espère, elle a dit, êtes-vous de retour sur le campus ?
- Non, je suis à San Francisco. Je rentre après-demain.
- Très bien alors. Passez me voir quand vous serez rentrée et je vous donnerais les informations sur la mission.
- Parfait, j’ai dit, à dans deux jours alors. »
Ok, je l’admets, ça avait vraiment l’air intéressant. Auteur-résident. Qu’est ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Peu importe ce que c’était, ça devait certainement être plus intéressant que de faire les classements du Professeur Allan.
Bref, je me suis dit qu’il valait mieux bouger ou les flics allaient bientôt être là pour me faire bouger. Ca faisait presque dix minutes que j’étais postée devant l’allée de quelqu’un. J’ai repris la route pour finir mes courses. Il était temps de se réapprovisionner pour la nouvelle année. En commençant par une nouvelle tasse.
***
« Alex ! »
Le hurlement de Kelly était proche de 125 décibels et d’une note des plus hautes sphères accessibles à une voix humaine. Tout ceci aggravé par le fait qu’elle faisait des bonds, comme si elle avait des petits pogo sticks ou peut-être même des marteaux piqueurs attachés à ses pieds.
Elle a sauté jusqu’à moi et m’a serrée longuement dans ses bras.
« Oh Mon Dieu ! Elle s’est écriée, l’été a été tellement ennuyeux sans toi ici. On sort boire un verre, im-me-dia-te-ment !
- Euh…est-ce que je pourrais rentrer mes sacs avant ? » J’ai dit en cillant.
Je m’étais levée à cinq heures du matin pour attraper le premier vol au départ de San Francisco. Partir à l’est me faisait quasiment perdre une journée entière : le vol atterrissait à seize heures à JFK, suivi d’une longue attente pour mes bagages et pour le taxi, sans compter les embouteillages absurdes, j’étais entrée dans la résidence à 19 heures.
« Oui, bien sûr, elle a dit, mais on doit pas perdre de temps !
- Kelly …
- Il faut absolument que je te raconte ce qu’il s’est passé avec Joël. Hier, il est arrivé ici sans T-shirt, et …
- Kelly.
- … il a un nouveau tatouage. C’est cool sauf que…
- Kelly ! » Je me suis finalement écriée.
Elle s’est arrêtée net comme si je lui avais enfoncé quelque chose dans la bouche.
« S’il te plaît, je lui ai dit, je suis debout et sur la route depuis cinq heures du matin.
- T’es pas obligée de me hurler dessus.
- Je suis désolée, c’est juste que… est-ce qu’on pourrait plutôt sortir demain ? Ou au moins laisse-moi faire une sieste d’abord. Je suis vraiment épuisée et j’ai besoin d’une douche.
- Pas de soucis, bien sûr. Sieste. Ok. Mais après c’est sûr on sort. Tu dois rencontrer Bryan.» Elle m’a dit en souriant.
Quoi ?
« C’est qui Bryan ?
- Oh la la, Alex, t’as vraiment rien écouté de ce que je te disais ? »
Elle a continué alors que je trainais mes sacs à l’intérieur. J’adorais Kelly. Elle se serait super bien entendue avec ma tribu de sœurs à la maison. Mais purée, elle pouvait pas se la fermer juste une seconde ?
J’ai finalement déposé mes bagages sur le sol puis je l’ai contournée. Mon lit, sans draps depuis que j’étais partie à la maison au début de l’été avait l’air attrayant. Je me suis écroulée, sentant tout le poids de mon corps s’enfoncer. Kelly continuait à parler, mais j’avais du mal à donner un sens à ses mots. J’ai essayé d’acquiescer quand ça me semblait opportun, mais le monde a doucement disparu dans le noir. La dernière chose dont je me souviens avant d’avoir sombré, c’est le regret d’avoir perdu cette putain de tasse.
***
Kelly m’a réveillée une heure plus tard et m’a bousculée jusqu’à la douche.
« Non n’est pas une réponse acceptable, elle s’est écriée, il est grand temps qu’on t’enlève ton connard d’ex de la tête ! »
Mon Dieu, son volume était coincé au max ou quoi ? Je voudrai pas donner une mauvaise impression de Kelly. Oui, elle parlait beaucoup trop et c’était une fille coquette comme je l’ai jamais été moi-même. Son côté de la chambre était effroyablement rose, décoré de posters de Twilight et de Hunger Games, et elle se comportait comme si elle avait eu plus d’expériences avec les hommes que les filles de la rubrique téléphone rose du Village Voice
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.
Mon côté de la chambre était principalement un amas de livres. La vérité, c’est que j’étais une sorte d’intello, et fière de l’être.
Kelly était en réalité une grande timide et compensait par une extrême sociabilité. Elle déboulait en plein milieu des soirées, dansait comme une folle et faisait tout ce qu’elle pouvait pour me sortir de ma coquille.
Le problème, c’est que parfois j’avais vraiment aucune envie d’en sortir.
Une fois que je suis sortie de la douche et mis un jean noir moulant avec un T-shirt manches longues elle m’a sortie. Elle m’a dit qu’il y avait une soirée quelque part et qu’on allait la trouver.
Une mauvaise idée (Dylan)
Venir ici était une mauvaise idée.
Si j’avais pu remonter la chaîne des si seulement jusqu’à la source, je pense que la raison pour laquelle je commençais mes études à l’Université de Columbia était parce qu’un jour, alors que j’avais 12 ans, Billy Naughton m’a offert une bière. Billy avait un an de plus que moi et aurait pu avoir une mauvaise influence sur moi, si mes parents n’en avaient pas eu une pire en quelque sorte. Telles que les choses étaient, l’alcool n’avait que très peu de secrets pour moi. Du moins c’est ce qui était visible de l’extérieur.
De l’intérieur pourtant…c’était une toute autre chose.
Une chose menant à une autre, un verre menant à un autre, le jour de mes seize ans j’ai quitté l’école. Bien sûr, à ce moment, papa était déjà parti et maman avait remis de l’ordre dans ses affaires. Elle faisait la loi à la maison ; si j’allais pas à l’école, je devais partir. Elle voulait pas voir son enfant finir comme son mari.
J’ai squatté chez des amis. J’ai dormi dans le parc une paire de fois. J’ai eu un travail, l’ai perdu, en ai eu un nouveau, ai perdu celui-ci aussi. Le pire, c’était que maman avait raison. Je suis retourné m’inscrire à l’école. Puis je me suis présenté à sa porte, lui ai montré mon inscription et mon emploi du temps, elle s’est mise à pleurer et m’a laissé entrer dans l’appartement.
Beaucoup d’autres choses étaient arrivées depuis bien sûr, y compris de me faire exploser par des hadjis en Afghanistan. Mais je parle pas tellement de tout ça. Si vous voulez en savoir plus, lisez les journaux.
Puis merde. Les journaux couvrent jamais correctement les faits de toute manière. Si vous voulez vraiment savoir comment c’était, entrez dans votre cuisine maintenant. Prenez une poignée de sable. Fermez vos yeux, fourrez votre main dans le broyeur à déchets et mettez-le en route. Ca devrait vous donner une image bien précise de l’Afghanistan.
Bref. Columbia avait apparemment un faible pour les anciens décrocheurs et combattants. Je me trouvais donc là et c’était le premier jour de cours. J’étais renfermé, tendu à souhait, car la seule personne au monde que je voulais pas voir, et que je voulais voir plus que tout au monde en même temps, et bien, elle était là. Heureusement, l’université m’avait placé dans un logement avec deux ingénieurs étudiants de troisième cycle. Je pense pas que j’aurai supporté de vivre dans les résidences avec une horde d’adolescents de dix-huit ans, étudiants de première année et fraîchement sortis du lycée. J’avais que deux ans de plus, mais deux ans ça faisait une énorme différence. Surtout après avoir vu mon meilleur ami se faire tuer juste devant mes yeux. D’autant plus que c’était de ma faute.
Quand je suis arrivé en ville, j’ai rencontré mes nouveaux colocataires : Aiden, un ingénieur en mécanique de 24 ans, studieux, aspirant au doctorat et Ron, qui s’est présenté comme : « Ron White. Ingénieur en Chimie. » avant de disparaître à nouveau dans sa chambre.
Parfait.
Je me trouvais donc là, à boiter dans la rue comme un vieillard, ma canne m’aidant à me tenir debout. Un connard de bobo m’est rentré dedans, pressé de retrouver sa réunion de travail ou sa maitresse ou un autre je ne sais quoi que cet enfoiré courait après. Quoi que ce soit, ça prenait le dessus sur les bonnes manières. « Regarde où tu marches connard ! » Je lui ai hurlé dessus.
J’étais à peine à la moitié de la route quand le feu est passé au rouge. Putain, quelle honte. La plupart des voitures ont attendu patiemment, mais un chauffeur de taxi, qui aurait pu être un cousin du gars qui avait fait exploser Roberts n’arrêtait pas de me klaxonner. Je lui ai fait un doigt et j’ai continué mon chemin.
Enfin. Quelque part au troisième étage de cet immeuble se trouvait ma destination. J’étais en avance, mais c’était mieux comme ça. Je m’étais déjà perdu plusieurs fois ce jour là et j’étais arrivé en retard à mes deux premiers cours. Cette fois-ci en revanche, je pouvais pas être en retard. Pas si je voulais pouvoir payer mes études. Bien sûr, le DAC
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prenait en charge la plus grosse partie de la facture, mais même avec le GI Bill, une université comme celle de Columbia coutait une fortune. Ca me semblait encore incroyable d’être là. Comme si j’étais taillé pour étudier, d’autant plus dans une des meilleures universités du Nord-Est. Mais à chaque fois que j’entendais la voix enchantée de papa dans ma tête, me disant que j’étais qu’une petite merde qui n’arriverait jamais à rien, j’étais sur-motivé.
L’ascenseur, fabriqué quelque part au XIXème siècle, est finalement arrivé au rez-de-chaussée et je suis monté dedans. La plupart des autres étudiants dans l’immeuble prenaient les escaliers, mais je devais prendre ce chemin là pour arriver avant la tombée de la nuit.
J’ai attendu patiemment. Premier étage. Deuxième étage… On aurait dit que l’ascenseur mettait 5 minutes pour monter d’un étage à l’autre. Il s’est finalement arrêté au troisième, et je me suis frayé un chemin parmi les autres personnes entassées dans l’ascenseur.
Dans le couloir, c’était bondé de monde également. Putain. J’allais avoir à m’habituer à beaucoup de choses en étant ici. J’ai regardé autour, essayant d’apercevoir les numéros de salles. 324. 326. Une fois orienté, je me suis tourné dans la direction opposée, cherchant la salle 301.
Je l’ai finalement trouvée, cachée dans un coin sombre à l’autre bout du bâtiment. Le couloir à cet endroit était sombre, un des néons avait cramé. J’ai attrapé la poignée.
Fermée à clé. J’ai vérifié mon téléphone. J’avais quinze minutes d’avance. Ca restait supportable. C’était mieux que quinze minutes de retard. J’ai laissé mon sac de livres glisser au sol doucement, en essayant de penser à une manière de m’y mettre à mon tour sans finir sur le dos ou à l’envers ou je ne sais comment. J’ai commencé à m’asseoir lentement, laissant ma jambe boiteuse relâchée devant moi. A mi-chemin, j’ai ressenti une douleur aigüe et j’ai laissé échapper une injure. J’ai mis mes mains le long de mon corps, bien à plat, et me suis laissé tomber.
J’étais assis. Maintenant, le seul hic allait être de me relever. Doucement, j’ai malaxé les muscles au dessus de mon genou droit. Les docteurs au Walter Reid m’avaient dit que ça allait prendre des années avant que je regagne toutes mes fonctions. Pour ne pas dire jamais. En attendant, j’allais trois fois par semaine en rééducation, prenais énormément d’antidouleurs, et continuais à aller de l’avant.
J’ai soupiré. Ca avait été une journée longue et stressante. Je me demandais si j’aurais pas dû rester à la maison, attendre une année de plus avant de m’aventurer dehors. Le Docteur Kyne m’avait poussé à y aller.
« Vous ne guérirez jamais si vous restez enfermé chez vous. »
Il ne parlait pas de la jambe. Docteur Kyne était mon psychiatre au DAC à Atlanta.
Je suppose qu’il savait de quoi il parlait. Pour le moment, prendre les jours un à la fois, les heures une à la fois, les minutes une à la fois. Vivre le moment présent. Puis le moment suivant.
J’ai pris un livre complètement défoncé, un livre de poche quasiment en miettes que Roberts m’avait prêté juste avant de se faire exploser. Le Fléau de Stephen King.
« C’est le meilleur livre de tous les temps. » m’avait dit Roberts.
Je ne suis pas certain que je l’aurais qualifié comme tel, mais je devais lui accorder qu’il était vraiment bon. J’étais plongé dans la lecture sur l’épidémie d’un super virus quand j’ai entendu arriver des pas dans le couloir. Des claquements. Une fille qui portait des talons, des compensées ou je ne sais quoi. Je m’efforçais à ne pas lever la tête. Je voulais parler à personne de toute manière. J’étais pas d’humeur amicale. Et en plus, mon instinct était de surveiller les gens, les poches, les vêtements trop lâches, les tas d’ordures en bord de route et tout ce qui représentait un danger potentiel. Le défi c’était de pas regarder. Le défi c’était de vivre ma vie comme tous les autres. Et tous les autres ne voyaient pas une fille qui s’approche comme un danger potentiel.
Qu’est ce que vous voulez que je vous dise. J’avais tort.
« Oh mon Dieu.» j’ai entendu murmurer. Quelque part au fond de moi, j’ai reconnu le ton et le timbre de cette voix, et j’ai levé la tête, rougissant soudainement alors que je sentais les battements de mon cœur sur mes tempes.
Oubliant ma jambe boiteuse, j’ai essayé de me relever d’un coup. Au lieu de ça, une fois arrivé à mi chemin, ma jambe a lâché. Comme si elle avait été coupée, plus là. Je suis retombé violement sur mon côté droit, et j’ai laissé échappé un hurlement lorsqu’une douleur intense, déchirante s’est élancée de ma jambe droite, tout droit jusqu’en haut de ma colonne.
« Fils de pute ! » J’ai grommelé.
Je me suis plus ou moins redressé, puis j’ai mis une main sur le mur et l’autre sur ma canne pour essayer de me relever.
La fille de mes cauchemars s’est élancée vers moi pour m’aider à me mettre debout.
« Me touche pas. »
Elle a reculé comme si je lui avais foutu une gifle.
J’étais enfin debout. La douleur ne partait pas et je transpirais. Je transpirais beaucoup. Je la regardais pas. Je pouvais pas.
« Dylan.» Elle a dit d’une voix tremblante.
J’ai grogné quelque chose. Je suis pas sûr de ce que c’était, mais c’était certainement pas très poli.
« Qu’est-ce que tu fais là ? » Elle a demandé.
J’ai finalement levé la tête vers elle. Et merde, j’aurais pas du. Ces yeux verts qui m’emportaient à chaque fois comme des tourbillons étaient grands comme des océans. Une légère odeur de fraise émanait d’elle, me faisant tourner la tête, et son corps attirait toujours toute mon attention : petite, les courbes de ses hanches et de ses seins parfaites. Comme d’habitude, elle était comme sortie d’un rêve.
« J’attends un rendez-vous, je lui ai répondu.
- Ici ?»
Elle s’est mise à rire, d’un rire amer et triste. J’avais déjà entendu ce rire.
« C’est une blague putain. »
Vraiment rien de mémorable (Alex)
J’étais en retard en arrivant au bâtiment des Arts et des Sciences et j’ai couru les six paliers menant au troisième étage en sachant que l’ascenseur aurait mis une éternité pour y arriver. J’ai vérifié mon téléphone. Il était quinze heures. Je devais me dépêcher.
J’ai décompté les numéros de salles, arrivant enfin à un couloir sombre. La lumière du fond ne marchait pas, plongeant la zone dans la pénombre. Elle était là, la 301. A côté de la porte un étudiant était assis, la tête reposant sur son poing, détournant le visage de moi. Il lisait un livre.
J’ai pris une profonde inspiration. Ses cheveux me rappelaient ceux de Dylan, mais en plus court bien sûr. Ca et ses bras étaient… et bien, très musclés et il était bronzé. Ce gars avait l’air tout droit sorti d’un magazine. C’est pas que les gars avec de gros biceps me faisaient fantasmer, mais sérieusement, une fille a le droit de regarder, non ?
En m’approchant, cependant, j’ai commencé à sentir mon cœur battre dans ma poitrine. Parce-que plus je m’approchais, plus il ressemblait à Dylan. Mais qu’est ce qu’il aurait bien pu faire là ? Dylan, celui qui m’avait brisé le cœur avant de disparaître comme s’il n’avait jamais existé, son adresse mail effacée, sa page Facebook désactivée, son compte Skype disparu. Le Dylan qui s’était envolé de ma vie. Tout ça à cause d’une stupide conversation qui n’aurait jamais dû avoir lieu.
J’ai ralenti. Ca ne pouvait pas être possible. Ca ne pouvait juste pas… être possible.
Il a inspiré et a bougé un peu. J’en ai eu le souffle coupé. Parce-que là, devant moi, assis par terre, il y avait le garçon qui m’avait brisé le cœur. J’ai juste dit « Oh mon Dieu » tout doucement. Il s’est levé d’un coup, ou du moins il a essayé. Il est arrivé à peu près à mi chemin lorsqu’une expression de douleur atroce lui a traversé le visage et il est retombé violement au sol. J’ai failli crier alors qu’il essayait déjà tant bien que mal de se relever. Je me suis élancée à son aide, et il m’a dit les premiers mots depuis six mois : « Me touche pas.»
Typique.
J’ai du ravaler la douleur qui menaçait de jaillir à la surface. Il avait l’air…différent. Inexplicablement différent. On s’était pas vus face à face depuis presque deux ans, pas depuis l’été avant ma Terminale. Il avait pris du poids bien évidemment. Mais tout là où il fallait. Je me souvenais comme si c’était hier de ses bras qui me tenaient, ces bras qui avaient doublés de taille. Les manches de sont T-shirt semblaient sur le point de craquer. Je suppose que c’est les conséquences de l’armée. Ses yeux étaient toujours du même bleu perçant. Pour une seconde, nos regards se sont croisés, puis j’ai détourné les yeux. Je voulais pas me retrouver piégée par ces yeux. Et putain, il avait toujours cette même odeur. Un soupçon de tabac et de café fraichement moulu. Parfois, quand je rentrais dans un café à New York, j’étais prise par la sensation écrasante qu’il était là, juste à cause de l’odeur. Parfois, la mémoire, ça fais chier.
« Dylan, qu’est-ce que tu fais là ?
- J’attends un rendez-vous.
- Ici ? »
C’était dingue.
Il a haussé les épaules.
« Une mission de travail-études.»
Non. Non c’était pas possible.
« Attends une minute…tu veux dire que tu étudies ici ? »
Il a acquiescé.
« Et l’armée alors ? »
Il a haussé les épaules, détourné les yeux, puis fait un signe vers la canne.
« Et donc, de toutes les écoles que t’aurais pu choisir, t’as choisi celle-ci ? La même que moi ? »
La colère est apparue sur son visage.
« Je suis pas venu ici pour toi Alex. Je suis venu ici parce-que c’est la meilleure école où je pouvais entrer. Je suis venu ici pour moi.
- Quoi, tu pensais pouvoir réapparaitre juste comme ça, et que je me jetterai dans tes bras comme si de rien était alors que tu m’as ignorée les six derniers mois ? Alors que tu m’as complètement effacée de ta vie ?