La fille jumelle

Lionel avait fait rire Florence, ce soir-là.

Ce n’était pas une rareté non plus. C’était même l’une de ses fiertés, faire encore rire sa femme après plus d’un quart de siècle de mariage.

La différence était que, la plupart du temps, il le faisait sciemment.

Cette fois-ci, c’était plutôt involontaire, il devait le reconnaître. Mais, après tout, un rire est un rire, s’était-il dit en bon philosophe du quotidien. Et il n’aurait aucun scrupule à rajouter ce rire franc à la longue liste des autres, plus élaborés.

Il faut dire qu’il n’était pas dans ses habitudes de s’apprêter avec autant de soin quand ils recevaient des invités. Pour Lionel, un pantalon était un pantalon et une chemise en valait une autre. S’habiller tenait pour lui de la simple convention sociale et il s’y pliait avec le minimum d’investissement.

– Mes habits doivent occuper vingt pour cent de l’ensemble des placards de la maison, disait-il à l’envi. Et encore, c’est parce que Florence veut bien les remplir pour moi…

Pourtant, cette fois, il avait squatté la salle de bains, comme s’il découvrait enfin qu’il s’y trouvait des miroirs et que leur mode de fonctionnement lui était révélé.

Il en était ressorti en mode Lionel 2.0, rasé à la loupe, le cheveu faisant des vagues que n’aurait pas dénigrées un surfeur californien, et dans une tenue qui paraissait découpée dans les pages d’un magazine de mode masculine tendance.

Si elle ne l’avait pas reconnu, Florence l’aurait dragué aussi sec, lui avait-elle confié, hilare.

De toute manière, elle n’avait pas grand-chose à lui envier sur la préparation.

Pour elle aussi la soirée était importante, sinon exceptionnelle: ils recevaient pour la première fois la petite amie de leur fils.

Et, au vu de l’inédit de la chose, leur garçon étant peu enclin à partager sa vie privée, on pouvait même supposer qu’il s’agissait là d’une fiancée potentielle plutôt que d’une simple petite amie de passage. Pour Florence, c’était la bonne. Les signes ne trompaient pas. Nathan avait 26