Genre, Sexualité / Gender, Sexuality by Christophe Broqua
The Conversation, May 16, 2024
Le 5 mai 2024, de nombreux rassemblements ont eu lieu en France « contre l'offensive anti-trans »... more Le 5 mai 2024, de nombreux rassemblements ont eu lieu en France « contre l'offensive anti-trans », montrant que la polarisation du débat public sur les questions de genre n'est pas ou plus, comme nous l'avons longtemps pensé, réservée à d'autres contextes nationaux, notamment américains. En effet, au cours des années 1990, le spectacle des « culture wars » états-uniennes, consistant en des débats conflictuels souvent liés au genre ou à la sexualité, offrait aux observateurs français une forte impression d'exotisme. Il était alors difficile d'imaginer que de tels affrontements puissent se développer en France. Pourtant, nous y sommes. Le temps des controverses Depuis plusieurs années, divers acteurs et actrices du débat public-politiques, journalistes, éditorialistes et même chercheurs et chercheuses en sciences sociales-, s'emploient à fustiger une partie des minorités sociales et politiques en se focalisant sur des questions relatives au genre et à la sexualité : opposition au « mariage pour tous », à la procréation médicalement assistée, à la « théorie du genre », etc.
Anthropologie et sociétés, 2023
Diversité de genre Saisir l'évolutivité des catégories et des normes Christophe Broqua Karine Geo... more Diversité de genre Saisir l'évolutivité des catégories et des normes Christophe Broqua Karine Geoffrion 1. Le sexe est considéré ici comme un construit social historiquement contingent, tout comme le genre (Baril 2007) .
Anthropologie et sociétés, 2023
Pierre Clastres (1934-1977), anthropologue français de renom, a consacré l’essentiel de ses reche... more Pierre Clastres (1934-1977), anthropologue français de renom, a consacré l’essentiel de ses recherches à des populations « indiennes » du Paraguay. Surtout connu pour avoir proposé une théorie originale — et souvent contestée — du pouvoir non étatique, il a aussi consacré deux textes beaucoup moins remarqués à certaines formes d’inversion de genre. Parus en 1966 et 1972, avant l’essor des études anthropologiques sur l’« homosexualité » dans les pays non occidentaux (dans les années 1980), ces textes pionniers apportent des connaissances précieuses sur la diversité de genre et de sexualité. Chez les Guayaki, où l’on observe une séparation stricte des mondes masculin et féminin, deux objets incarnent cette division : l’arc (les hommes chassent) et le panier (les femmes portent). Or, Clastres décrit les situations de deux hommes porteurs de panier, qui diffèrent fortement l’une de l’autre. Parmi ses apports, cette étude invite à penser l’articulation entre genre et sexualité — dimensions trop souvent considérées séparément —, l’un des deux hommes porteurs de panier étant aussi décrit comme un kyrypy-meno (anus-faire l’amour) et accepté comme tel. Elle permet aussi de considérer la diversité de genre comme paradoxalement garante d’un ordre du genre reposant sur l’opposition entre deux catégories hiérarchisées et relativement figées.
Empirical studies examining opposing movements' interactions and strategic choices have expanded ... more Empirical studies examining opposing movements' interactions and strategic choices have expanded in the literature on social movements, especially in the field of conservative social movements, and especially concerning sexual politics. Here we start by discussing an alternative way of thinking about how movements are caught in interdependences with other movements and more generally their environment, based on the Eliasian concept of " configuration ". We think such a configurational approach offers a theorization of the structuration of society, enabling us to better apprehend the complex relationships between various allied and opposed actors. We then illustrate our argument by showing how it could effectively serve to think about the relational space of social movements in the field of sexual and reproductive rights, that is, the system of coordinates defining their situation in relation to each other at a given point in time. To do this we draw on existing literatures and the contributions in this special issue.
Social Movement Studies, 2020
Journal des anthropologues, 2019
Journal des anthropologues, 2019
Journal des anthropologues, 2019
Ce volume est construit sur l'articulation de deux propositions. Il applique le triptyque maussie... more Ce volume est construit sur l'articulation de deux propositions. Il applique le triptyque maussien "Donner – Recevoir – Rendre" à l'analyse de la sexualité, en insistant notamment sur sa dynamique temporelle qui introduit une phase de dette – entre le moment du don et celui du contre-don. Mais il s'agit de faire porter les analyses, non sur la sexualité considérée comme un isolat, ni même sur les types de relations qu'elle entraîne (affectives, économiques, etc.) mais sur son imbrication au sein du contexte spécifique de l'intimité. Cela permet de révéler le rôle majeur de cette phase de dette, qui n'est pas à interpréter de la même façon, selon d'une part la structure du contexte d’intimité (conjugale, ludique, etc.), selon d’autre part le type d'imbrication de la sexualité au sein de ce contexte (on découvrira même des formes de sexualisation de l'intimité ne comprenant pas, au sens strict, de relations sexuelles).
Journal des anthropologues, 2019
BROQUA Christophe, DESCHAMPS Catherine, 2016, "In Memoriam : Rommel Mendès‑Leite, 1958‑2016". Ethnologie française, vol. XLVI, n° 3, p. 573-574., 2016
Critique internationale, Jan 2016
Sur le façonnement international des causes liées à la sexualité par Christophe Broqua, Olivier F... more Sur le façonnement international des causes liées à la sexualité par Christophe Broqua, Olivier Fillieule et Marta Roca i Escoda le tournant transnational étudié par la sociologie des mobilisations depuis une quinzaine d'années 1 laisse parfois penser que ce processus est nouveau. Rien n'est moins vrai. En témoigne l'histoire déjà longue des luttes liées à la sexualité auquel est consacré ce dossier. À l'image des mouvements de femmes d'ampleur internationale 2 , ceux relatifs aux minorités sexuelles ont démarré il y a fort longtemps, tout d'abord autour de Magnus Hirschfeld 3 , puis avec le mouvement « homophile » 4 , qui a précédé de plusieurs décennies le moment révolutionnaire des années 1970 5 .
Sur le façonnement international des causes liées à la sexualité par Christophe Broqua, Olivier F... more Sur le façonnement international des causes liées à la sexualité par Christophe Broqua, Olivier Fillieule et Marta Roca i Escoda le tournant transnational étudié par la sociologie des mobilisations depuis une quinzaine d'années 1 laisse parfois penser que ce processus est nouveau. Rien n'est moins vrai. En témoigne l'histoire déjà longue des luttes liées à la sexualité auquel est consacré ce dossier. À l'image des mouvements de femmes d'ampleur internationale 2 , ceux relatifs aux minorités sexuelles ont démarré il y a fort longtemps, tout d'abord autour de Magnus Hirschfeld 3 , puis avec le mouvement « homophile » 4 , qui a précédé de plusieurs décennies le moment révolutionnaire des années 1970 5 .
BROQUA Christophe, FILLIEULE Olivier, ROCA I ESCODA Marta, 2016, "Sur le façonnement international des causes liées à la sexualité". Critique internationale : revue comparative de sciences sociales, n° 70, p. 9-19., Jan 2016
BROQUA Christophe, FILLIEULE Olivier, ROCA I ESCODA Marta (dir.), 2016, "L'internationalisation des causes sexuelles". Critique internationale : revue comparative de sciences sociales, n° 70., Jan 2016
Les six contributions de ce dossier analysent les processus d'internationalisation des mobilisati... more Les six contributions de ce dossier analysent les processus d'internationalisation des mobilisations liées à la sexualité en Europe et en Amérique du Nord, d'une part, en Afrique, d’autre part. La variété de ces contextes géographiques et culturels permet de saisir les luttes qui se développent autour du phénomène de globalisation de la sexualité et qui se manifestent notamment par le déploiement de politiques publiques et d’actions militantes depuis les pays du Nord vers les pays du Sud.
Pauline Delage s’intéresse aux échanges militants entre les États-Unis et la France à travers l’histoire de la lutte contre le viol dans ces deux pays. Lucile Ruault propose une ethnographie historique de la diffusion des pratiques de self-help (prise en main autonome de leur santé par les femmes) entre les États-Unis et la France. Phillip M. Ayoub et David Paternotte, quant à eux, analysent le cas de la branche européenne de l’International Lesbian and Gay Association (ILGA) et la manière dont elle a interagi avec les institutions et les valeurs défendues par l’Union européenne pour promouvoir la cause LGBT. Sur le terrain africain, Lucille Gallardo regarde la dimension transnationale des actions de plaidoyer du réseau francoafricain Africagay contre le sida. À partir du cas du protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes adopté à Maputo en 2003 et interdisant les mutilations génitales féminines, Lison Guignard montre le rôle d’un réseau de plaidoyer transnational dans la diffusion de cette nouvelle norme juridique en Afrique. Enfin, Aymon Kreil analyse la construction de la notion de « harcèlement sexuel » dans le débat public égyptien.
BROQUA Christophe, DESCHAMPS Catherine, 2014, "Transactions sexuelles et imbrication des rapports de pouvoir", in BROQUA Christophe, DESCHAMPS Catherine (dir.), L'échange économico-sexuel. Paris : Éditions de l'EHESS, collection "Cas de figure", p. 7-18., 2014
BROQUA Christophe, DESCHAMPS Catherine (dir.), 2014, L'échange économico-sexuel. Paris : Éditions de l'EHESS, collection "Cas de figure"., 2014
Cet ouvrage se veut un hommage critique à l'œuvre de Paola Tabet, anthropologue féministe qui con... more Cet ouvrage se veut un hommage critique à l'œuvre de Paola Tabet, anthropologue féministe qui contesta dès les années 1980 la distinction convenue entre sexualité "ordinaire" et sexualité "commerciale". Des maisons de passe en Bolivie aux clubs libertins parisiens, de l'homosexualité au Maroc aux mariages de convenance, il propose de repenser les logiques de l'échange économico-sexuel et des rapports de genre qui le fondent. Le regard de chercheurs de terrain montre combien sont ténues les frontières qui séparent intérêts et sentiments, contraintes et plaisirs, égalité et domination. En définitive, les transactions sexuelles apparaissent conditionnées par des rapports de pouvoir où interviennent en particulier la classe sociale, la "race", l'âge ou l'orientation sexuelle.
Cet ouvrage se veut un hommage critique à l’œuvre de Paola Tabet, anthropologue féministe qui con... more Cet ouvrage se veut un hommage critique à l’œuvre de Paola Tabet, anthropologue féministe qui contesta dès les années 1980 la distinction convenue entre sexualité "ordinaire" et sexualité "commerciale". Des maisons de passe en Bolivie aux clubs libertins parisiens, de l’homosexualité au Maroc aux mariages de convenance, il propose de repenser les logiques de l’échange économico-sexuel et des rapports de genre qui le fondent. Le regard de chercheurs de terrain montre combien sont ténues les frontières qui séparent intérêts et sentiments, contraintes et plaisirs, égalité et domination. En définitive, les transactions sexuelles apparaissent conditionnées par des rapports de pouvoir où interviennent en particulier la classe sociale, la "race", l’âge ou l’orientation sexuelle.
BROQUA Christophe, DOQUET Anne, 2013, "Examining Masculinities in Africa and Beyond". Cahiers d’études africaines, vol. LIII (1-2), n° 209-210, p. I-XXXII., 2013
BROQUA Christophe, DOQUET Anne, 2013, "Penser les masculinités en Afrique et au-delà". Cahiers d’études africaines, vol. LIII (1-2), n° 209-210, p. 9-41., 2013
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Genre, Sexualité / Gender, Sexuality by Christophe Broqua
Pauline Delage s’intéresse aux échanges militants entre les États-Unis et la France à travers l’histoire de la lutte contre le viol dans ces deux pays. Lucile Ruault propose une ethnographie historique de la diffusion des pratiques de self-help (prise en main autonome de leur santé par les femmes) entre les États-Unis et la France. Phillip M. Ayoub et David Paternotte, quant à eux, analysent le cas de la branche européenne de l’International Lesbian and Gay Association (ILGA) et la manière dont elle a interagi avec les institutions et les valeurs défendues par l’Union européenne pour promouvoir la cause LGBT. Sur le terrain africain, Lucille Gallardo regarde la dimension transnationale des actions de plaidoyer du réseau francoafricain Africagay contre le sida. À partir du cas du protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes adopté à Maputo en 2003 et interdisant les mutilations génitales féminines, Lison Guignard montre le rôle d’un réseau de plaidoyer transnational dans la diffusion de cette nouvelle norme juridique en Afrique. Enfin, Aymon Kreil analyse la construction de la notion de « harcèlement sexuel » dans le débat public égyptien.
Pauline Delage s’intéresse aux échanges militants entre les États-Unis et la France à travers l’histoire de la lutte contre le viol dans ces deux pays. Lucile Ruault propose une ethnographie historique de la diffusion des pratiques de self-help (prise en main autonome de leur santé par les femmes) entre les États-Unis et la France. Phillip M. Ayoub et David Paternotte, quant à eux, analysent le cas de la branche européenne de l’International Lesbian and Gay Association (ILGA) et la manière dont elle a interagi avec les institutions et les valeurs défendues par l’Union européenne pour promouvoir la cause LGBT. Sur le terrain africain, Lucille Gallardo regarde la dimension transnationale des actions de plaidoyer du réseau francoafricain Africagay contre le sida. À partir du cas du protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes adopté à Maputo en 2003 et interdisant les mutilations génitales féminines, Lison Guignard montre le rôle d’un réseau de plaidoyer transnational dans la diffusion de cette nouvelle norme juridique en Afrique. Enfin, Aymon Kreil analyse la construction de la notion de « harcèlement sexuel » dans le débat public égyptien.
L'usage de la notion de "communauté homosexuelle" est courant depuis de nombreuses décennies dans les pays d'Amérique du Nord et d'Europe. D'une catégorie tout d'abord descriptive, la "communauté homosexuelle" s'est progressivement transformée en "fiction politique". En dépit de l'évidence selon laquelle il n'existe pas de "communauté homosexuelle" à la fois homogène et aisément délimitable voire séparable du reste de la société, la désignation d'un groupe homosexuel supposé au travers de cette expression a des effets politiques bien "réels", en termes tant de représentation politique que de représentation de soi chez une partie au moins des individus potentiellement concernés. Un fil historique permet ici d'éclairer les principaux enjeux du recours à la notion de "communauté homosexuelle" et de suivre leur développement finalement international. Les ressorts et les finalités de cette opération de désignation diffèrent selon les contextes et selon que la "communauté" est invoquée positivement ou stigmatisée, mais cette opération vise partout à produire, désormais à l'échelle transnationale, une catégorie publique dont la consistance supposée se heurte souvent à la diversité des expériences sociales et politiques.
La traduction en français de textes anglophones sur l’homosexualité se développe mais reste lacunaire. Cet article présente les textes qui ont été réunis et traduits dans ce numéro hors-série et retrace à travers eux l’émergence de la recherche sociologique sur l’homosexualité. Publiés entre 1956 et 1968 en Amérique du Nord, ces articles pionniers, largement méconnus en France, prennent le contrepied de la littérature psychologique ou psychiatrique jusqu’alors dominante en posant les jalons d’une approche constructionniste de l’homosexualité.
Mots clés : politique publique, communication publique, campagne de prévention, prévention ciblée, homosexuel.
Purpose of research: We propose a review of epidemiological surveys conducted in sub-Saharan Africa since 2005 to provide an overview of knowledge on HIV exposure among gay/ bisexual men.
Results: We reviewed 355 publications and identified 62 measures of the association between bisexuality and HIV prevalence and 8 measures of the association between bisexuality and incidence. Except for 4 of 62 measures, the HIV prevalence observed among bisexuals was equal to or lower than that observed among exclusive gay men. In terms of incidence, all but one of the identified studies observed lower or equal HIV incidence among bisexuals. From a behavioural perspective, most studies found no difference in condom use. Bisexuals may have less frequent sex and consistently less receptive anal sex. They mainly started their sexual lives with men later, had fewer partners, and were less likely to know their HIV status.
Conclusions: Bisexuals are less likely to be at risk of HIV than exclusive gay men, partly because of behavioural differences. Prevention and treatment programs for MSM must take the specificities of bisexuals into account and design differentiated services.
But de l'étude : Nous proposons une synthèse des connaissances sur l'exposition au VIH des homo-bisexuels à partir d'une revue des enquêtes épidémiologiques réalisées en Afrique subsaharienne depuis 2005.
Résultats : Nous avons étudié 355 publications et avons identifié 62 mesures de l'association entre bisexualité et prévalence du VIH et 8 mesures de l'association entre bisexualité et incidence. À l'exception de 4 mesures sur 62, la prévalence du VIH observée parmi les bisexuels était inférieure ou égale à celle des homosexuels exclusifs. En matière d'incidence, toutes les études identifiées sauf une observent une incidence du VIH plus faible ou égale parmi les bisexuels. Du point de vue comportemental, la majorité des études n'ont pas relevé de différence d'utilisation du préservatif. Les bisexuels ont parfois une fréquence de rapports sexuels moindre et systématiquement moins de rapports anaux réceptifs. Ils ont commencé leur vie homosexuelle plus tardivement, ont eu moins de partenaires et sont moins nombreux à connaître leur statut VIH.
Conclusions : Les bisexuels sont moins exposés au VIH que les homosexuels exclusifs, notamment en raison de différences comportementales. Il importe que les programmes de prévention et de traitement à destination des HSH prennent en compte les spécificités des bisexuels et conçoivent des offres différenciées.
Each of the two contexts presents specific local characteristics. In Senegal, the 2000s saw a rise in political Islam. In this context, the gay man gradually became a figure used variously in public debate, with power struggles within political and religious spheres influencing positions on homosexuality. In Côte d’Ivoire, the situation must first be understood through the political crisis affecting the country since the early 2000s and its ambivalent relationship with France, particularly since the post-election crisis of 2010–2011.
In both countries, the opposing mobilizations are not limited to “social movements” in the strict sense but involve myriad heterogeneous actors (including at least one or more quasi-official gay groups) focused on a single problem, who sometimes work haphazardly and generally in opposite directions. Added to this heterogeneity of actors are their public positions which offer few clues to easily separate them into pro- and anti-camps. The fact remains that a disconnect often exists between the most prominent actors. However, this distinction is also ambiguous in that it subjects the opposing mobilizations to an interdependence: not only that the actions of one side can largely depend on another’s, but that another’s actions can also benefit actors. Finally, the controversies playing out in and dependent on specific national contexts are also largely constructed in relationship with the “international,” both as a context and an actor, and more generally as a reference figure.
Y compris en Afrique sub-saharienne, les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HSH) sont plus exposés à l'infection à VIH que la population générale. Dans ce groupe, les bisexuels sont souvent perçus comme plus à risque que les homosexuels exclusifs, notamment par les HSH eux-mêmes, et pouvant constituer une « passerelle épidémique » avec la population générale, sur la base de l'hypothèse selon laquelle les bisexuels seraient moins susceptibles de se conformer aux normes préventives que les homosexuels exclusifs. Cela est également renforcé par la représentation rapportée dans plusieurs enquêtes selon laquelle les rapports sexuels avec une femme seraient plus à risque de transmission que ceux avec un homme. Nous proposons ici une synthèse des connaissances sur les différentes catégories d'homo-bisexuels dans les enquêtes épidémiologiques réalisées en Afrique sub-saharienne depuis 2003 et sur leur exposition au VIH mesurée indirectement par une comparaison des taux de prévalence.
Méthodes :
Nous menons depuis 2005 une veille scientifique continue des publications portant sur la question de l'homo-bisexualité en Afrique sub-saharienne, à partir de recherches sur les grands portails bibliographiques, de références identifiées au fil des lectures ou lors de conférences internationales et de rapports, voire d'analyses non publiées, dont nous avons eu connaissance par nos réseaux de recherche. Nous avons retenu les publications présentant des estimations quantifiées et définies de la bisexualité en Afrique sub-saharienne, mesurées selon trois dimensions : le pôle d'activité sexuelle (sexe des partenaires sexuels sur une période donnée), l'orientation sexuelle déclarée et l'attirance sexuelle. Nous avons examiné : (i) les taux de bisexualité calculés selon ces trois dimensions ; (ii) les taux de prévalence du VIH par groupe (et les odds-ratio correspondants) et (iii) des indicateurs de comportements selon l'orientation sexuelle.
Résultats :
Concernant la mesure des taux de bisexualité, nous avons identifié 92 références bibliographiques, correspondant à 76 études à partir desquelles nous avons extraits 133 mesures de la bisexualité (figure de droite). Les taux de bisexualité (part des bisexuels parmi l'ensemble des HSH enquêtés) varient fortement d'une étude à l'autre (de 2 à 99%) et selon l'indicateur retenu (en particulier de la période considérée pour le pôle d'activité sexuelle qui varie de 1 mois à la vie entière). Globalement, les taux observés en Afrique de l'Ouest sont sensiblement plus élevés que ceux d'Afrique australe, l'Afrique centrale et de l'Est étant dans une situation intermédiaire. Nous avons identifié 41 mesures de l'association entre bisexualité et prévalence du VIH à partir de 29 enquêtes. À l'exception de 4 études (dont 2 où la différence n'est pas significative), la prévalence du VIH observée parmi les bisexuels est inférieure à celle des homosexuels exclusifs (odds ratio inférieur à 1), quelle que soit la dimension considérée pour définir ces deux groupes (voir figure ci-dessous). Les différences de prévalence selon l'orientation déclarée ou l'attirance sexuelle sont plus marquées que selon le pôle d'activité sexuelle. Nous avons identifié une seule étude comparant l'incidence (Sanders et al. AIDS 2013) par groupe : 5,8 pour 100 personnes-années chez les HSH kenyans ayant également des rapports des femmes contre 35,2 pour les HSH exclusifs (p<0,001). Dans une étude phylogénétique (Bezemer et al. AIDS Res Hum Retroviruses 2014), toujours au Kenya, la transmission du VIH a été observé essentiellement entre HSH ou entre femmes et hommes hétérosexuels, un seul cas ayant été identifié entre un HSH et une femme. D'un point de vue comportemental, la majorité des études n'ont pas relevé de différence d'utilisation du préservatif entre bisexuels et homosexuels exclusifs. Les bisexuels ont parfois une fréquence de rapports sexuels moindre et systématiquement moins de rapports anaux réceptifs que les homosexuels exclusifs. Ils ont commencé leur vie sexuelle avec les hommes plus tardivement et ont eu moins de partenaires masculins au cours de leur vie. Ces différents facteurs peuvent expliquer en partie leur exposition moindre au VIH. Par contre, les bisexuels sont également moins nombreux à avoir déjà fait un test de dépistage du VIH et, plus généralement, accèdent moins ou alors plus tardivement aux services de santé et aux soins.
Discussion :
Un résultat marquant des études menées sur les HSH en Afrique depuis une dizaine d'années est la part importante des bisexuels, fait d'autant plus notable que presque toutes les enquêtes recensées sont basées sur des échantillons de convenance et qu'elles portent ainsi en priorité sur les hommes les plus proches du « milieu » homosexuel voire du coeur de ce « milieu ». Selon les enquêtes disponibles et quelle que soit la dimension considérée pour mesurer la bisexualité, les bisexuels sont moins exposés au VIH que les homosexuels exclusifs (prévalence plus faible), notamment en raison de différences comportementales. Par exemple, on sait que le partenaire réceptif lors de la pénétration anale est plus exposé au risque de transmission, et les bisexuels occupent moins souvent cette position que les homosexuels exclusifs. Ainsi, ce ne sont pas les pratiques ou l'identité exclusivement homosexuelles qui en elles-mêmes exposent au VIH, mais elles sont associées à une plus grande insertion dans le réseau d'échanges sexuels entre hommes et à un cumul de facteurs d'exposition plus élevé. Toutefois, raisonner à partir de ces deux catégories pose problème. La bisexualité est multiforme en Afrique sub-saharienne : les bisexuels ne constituent pas un groupe homogène et les identités sexuelles sont si diverses qu'une simple opposition homosexuels vs. bisexuels est réductrice. La standardisation des questionnaires et le manque d'attention portée à l'environnement social des pratiques ont tendance à décontextualiser les données rapportées. Par exemple, l'orientation sexuelle déclarée est presque toujours mesurée à travers les catégories « occidentales » gay, bi et hétéro. Rares sont les enquêtes ayant pris en compte les termes locaux utilisés au sein des communautés.
Conclusion :
S'il reste important que les programmes de prévention et de traitement prennent en compte les bisexuels, les homosexuels exclusifs doivent rester une cible prioritaire pour l'accès aux nouveaux outils de la prévention et du soin tels que la prophylaxie pré-exposition (PrEP), en raison de leur exposition accrue au VIH. Par contre, des stratégies adaptées (telles que la distribution secondaire d'auto-tests VIH) doivent être envisagées pour ceux plus éloignés des structures communautaires.
La situation actuelle des hommes qui ont des pratiques homosexuelles à Bamako, comme dans d’autres métropoles africaines, présente de fortes similarités avec celle des homosexuels occidentaux durant les décennies qui ont précédé les mouvements dits de "libération". Parmi les observateurs extérieurs, ces similarités nourrissent parfois l’idée que la situation de ces Africains pourra connaître un sort comparable à celui des homosexuels des pays occidentaux, implicitement positionnés au sommet d’une hiérarchie du développement socio-sexuel, conduisant ainsi à l’adoption d’une lecture évolutionniste. Cet article propose de penser les effets de la mondialisation sur l’évolution des formes sociales de l’homosexualité en Afrique en évitant le double écueil d’une conception évolutionniste et d’une lecture en termes d’homogénéisation des cultures sexuelles.
Featuring numerous accounts by witnesses and participants, Broqua traces the history of Act Up-Paris and shows how thousands of gay men and women confronted the AIDS epidemic by mobilizing with public actions. Act Up-Paris helped shape the social definition not only of HIV-positive persons but also of sexual minorities. Broqua analyzes the changes that have accompanied the group's history, from the emergence of new treatments for HIV infection to normalizing homosexuality and a controversy involving HIV-positive writers' remarks about unprotected sex. This rousing history ends in the mid-2000s before HIV/AIDS normalization and marriage equality caused Act Up–Paris to decline.
À partir de nombreux témoignages et d’un travail de terrain ethnographique inédit, cet ouvrage rend compte des conditions et des conséquences de ce succès, en retraçant l’histoire d’Act Up. Il éclaire l’engagement spécifique de l’association, seule en France à se réclamer d’un « point de vue homosexuel » sur le sida.
L’auteur révèle la logique des « actions publiques » d’Act Up, de la violence qui leur est souvent imputée, du lien intime qui les unit à la question de la mort. Il analyse les changements induits par l’apparition de nouveaux traitements de l’infection au VIH.
Il montre aussi que les positions controversées adoptées par l’association sur les comportements sexuels des gays traduisent les tensions générées par la normalisation en cours de l’homosexualité et sa contestation.
L'ampleur de la mobilisation collective suscitée par l'épidémie de sida a été soulignée maintes fois. En raison d'une logique de diffusion sélective, l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) n'a pas seulement déclenché l'action des malades et de leurs proches, comme c'est habituellement le cas dans le domaine des maladies, mais aussi celle des deux "groupes sociaux" les plus affectés : les homosexuels masculins et les usagers de drogues. Existant depuis près d'un siècle, les collectifs de "malades" recouvrent des configurations diversifiées, qui vont des groupes consensuels se développant dans les années 1930 aux groupes plus contestataires émergeant au cours des années 1970. Nous montrerons ici comment, dans les champs du sida et de la toxicomanie, ces collectifs d'usagers se sont multipliés au travers de choix d'identifications publiques différenciées. Dans le domaine de la lutte contre le sida, coexistent toutes les formes de mobilisation que l'on trouvait déjà préalablement dans le champ des maladies. Dans le domaine de l'usage de drogues, les logiques d'action sont moins diversifiées et se partagent en deux grandes catégories : groupes d'intérêt et self-help groups (groupes d'entraide).
Une expérience d’enquête au sein de l’association de lutte contre le sida Act Up-Paris permet de reposer la question classique du lien entre recherche scientifique et engagement, dans le cas précis de l’enquête ethnographique en terrain militant. La tâche de l’ethnographe se trouve ici conditionnée par une proximité d’habitus avec les acteurs, qui facilite son immersion tout en l’exposant à de fortes incitations à l’action. Loin de faire figure d’exception, la posture d’observation participante s’avère emblématique des tensions entre distance et engagement qui façonnent l’expérience militante.
Parmi les recherches en sciences sociales sur les homosexuels masculins, qui se sont multipliées depuis les années soixante-dix, certaines se sont intéressées aux pratiques sexuelles se déroulant dans des lieux "publics" de rencontre (extérieurs ou commerciaux). L’objectif de cet article est de discuter les enjeux méthodologiques de ces recherches. Une première partie retrace l’évolution des approches méthodologiques dans le domaine des recherches sur la "sexualité publique entre hommes" depuis les premiers travaux américains. Nous montrons que les méthodes ethnographiques ont connu un nouveau développement lorsqu’est apparu le sida, notamment sous l’effet d’une transformation de la relation entre recherche et action de terrain dans le contexte de l’épidémie. Dans une seconde partie, sont discutés, à partir de ces recherches, les enjeux méthodologiques de l’engagement sexuel de l’ethnographe sur le terrain, qui permettent de repenser plus largement la notion classique en anthropologie sociale de "bonne distance".
Les recherches en sciences sociales sur la sexualité se sont considérablement développées depuis la fin du XX siècle, notamment dans le contexte du VIH/sida. Nous proposons un retour réflexif sur les enjeux de la production de ces savoirs, à travers les axes suivants :
Histoire et héritages. Quels héritages nous laissent les figures disparues de la recherche sur la sexualité, de Michel Foucault – qui écrivait que l’histoire de la sexualité « doit se faire d’abord du point de vue d’une histoire des discours » – à Pierre-Olivier de Busscher, François Delor, John Gagnon, Julie Mazaleigue- Labaste, Rommel Mendès-Leite, Geneviève Pastre, Kenneth Plummer, Michael Pollak ou Monique Wittig ? Quels sont la place et les apports des différentes disciplines des sciences humaines et sociales ?
Concepts, théories. Quels sont les outils théoriques utilisés aujourd’hui pour penser la sexualité ? La théorie des « scripts sexuels », par exemple, est-elle toujours usitée ? Dans quelle mesure l’étude de la sexualité s’articule-t-elle à celle du genre, et plus globalement aux approches intersectionnelles ? Comment le prisme de la santé affecte-t-il les travaux sur la sexualité ?
Méthodes. Quels sont les enjeux des méthodes qualitatives ou quantitatives dans l’étude de la sexualité ? Quelles sont les particularités des recherches dites « collaboratives », « communautaires », « participatives » ? Quid des approches expérientielles, qui mettent parfois en doute le savoir « scientifique » ? Quid des exercices de réflexivité relatifs à l’étude de la sexualité ? Qu’est-ce qu’un point de vue « situé » ?
Controverses. La production de certains savoirs ayant des effets sur les politiques a provoqué des controverses parfois houleuses : exposition au risque dans les backrooms, efficacité de la PrEP, etc. Quelles sont les logiques de ces débats ? Plus largement, quels sont les usages politiques des savoirs scientifiques sur la sexualité ? Le développement des recherches sur la sexualité (mais aussi sur le genre ou le post/dé-colonial) suscite des critiques de plus en plus virulentes dans les milieux réactionnaires, mais aussi parfois académiques. Quels en sont les arguments, les motifs et les enjeux ?
Les communications pourront porter sur toutes les régions du monde et toutes les sexualités.
À l’issue de nos travaux, nous élirons les nouveaux·elles responsables et correpondant·e du CR39. Nous invitons donc toutes les personnes désireuses de s’y investir à participer à nos sessions lors du Congrès.
Déposer une proposition en ligne avant le 15 décembre 2023 : https://congres2024.aislf.org/
« Expériences et politiques du VIH/sida au Maghreb »
Les résumés sont à envoyer avant le 15 mai 2018, en se rendant sur le site de la revue (http://journals.openedition. org/anneemaghreb/3319).
Argumentaire :
L'anthropologie occupe de longue date une position centrale dans l'histoire des relations entre la France et l'Afrique dans le monde de la recherche et de l'enseignement. Dans les années 1980, une "crise de l’Africanisme" a obscurci les relations scientifiques franco-africaines et généré progressivement un ensemble de pratiques révélant une profonde ambiguïté d'une part dans le traitement réservé aux étudiants africains et dans leur manière de vivre les institutions françaises, et d'autre part entre les chercheurs ou institutions de France et d’Afrique. L'abandon à l'aube des années 1990 du modèle créé par le ministère de la Coopération au profit d'un partenariat respectueux de l'égalité dans la différence n'est pas parvenu à changer la donne. Sur le plan scientifique, la relation de la France à l’Afrique, tant du côté des étudiants migrants, des chercheurs ou universitaires rentrés dans leur pays, que de la communauté scientifique du Nord, s'est peu à peu enlisée dans ses paradoxes et trouvée prise dans un ensemble de pratiques souvent inavouées, aboutissant à une faible productivité des politiques de formation et de partenariat. Ces relations peuvent avant tout être comprises comme la perpétuation d'une histoire singulière entre la France et ses colonies d'Afrique, sachant qu'en tant que "fille de l’impérialisme", l'anthropologie a évolué au fil de l'histoire coloniale et postcoloniale. Mais il importe de mieux comprendre les conditions et les effets à la fois historiques et actuels de ces relations.
Cette table ronde a ainsi pour but d'éclairer le rôle particulier joué par l'anthropologie, et comparativement par d'autres disciplines scientifiques, dans la relation entretenue par le champ académique français à l’Afrique, à partir de trois questions principales :
- La "crise de l’Africanisme" n'est-elle pas avant tout une crise de l'anthropologie africaniste ? Autrement dit, les autres disciplines scientifiques ont-elles davantage échappé à l'ambiguïté présente dans les relations de la France aux étudiants et aux chercheurs africains et dans le vécu par ceux-ci des institutions françaises ?
- Les travers des nouvelles formes de coopération dites de partenariat, qui se veulent égalitaires et partagées, n'ont-ils rien à voir avec la discipline ? Autrement dit, les hiérarchies et déséquilibres marquant encore actuellement ce partenariat sont-ils plus ou moins prégnants selon les disciplines ?
- Quelles sont les formes précises et les enjeux des relations France-Afrique dans les différents espaces du monde académique où elles se manifestent : formations et cursus universitaires, laboratoires scientifiques, programmes de recherche, organismes de financement ou de promotion de la mobilité des étudiants et des chercheurs, revues scientifiques consacrées à l'Afrique, etc. ?
Les propositions d'intervention à la table ronde, d’environ 2 000 signes, sont à envoyer à Anne Doquet ([email protected]) et à Christophe Broqua ([email protected]) avant le 20 mai 2015.