Au sommet de Viktor Orbán sur la démographie, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a juré souhaiter « une grande bataille » pour « défendre Dieu ». Des milliers d’Italiens, catholiques et athées de gauche, lui ont répondu en exhumant un tweet du pape François de 2020 : « Dieu n’a besoin d’être défendu par personne […]. Je demande à tous de cesser d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme aveugle. » Ces débats traversent aujourd’hui le catholicisme. La « droite civilisationnelle » se veut plus chrétienne que le pape et lui reproche, vertement, son soutien inconditionnel à l’immigration. Davantage mû par la parole humaniste de l’Évangile, François prône l’ouverture plutôt que « des portes fermées à ceux qui sont étrangers, différents, migrants, pauvres ».
Le pape François s’interdit de « juger » les homosexuels.
Ses positions sur les questions de société aussi lui attirent une déferlante de critiques de la part des conservateurs. Porteur d’une tolérance qui tranche avec le passé de l’Église et ses prédécesseurs, le même pape François s’interdit de « juger » les homosexuels, appelle à « comprendre » un fils qui parlerait de son homosexualité en famille, et rejette « l’ingérence spirituelle » dans la vie des gens. S’il demeure opposé au mariage gay, il s’est prononcé en faveur de l’union civile entre personnes de même sexe. Quant aux trans, bien que rétif aux opérations chirurgicales, il souhaite une Église « plus accueillante ».
Sa crédulité et son conservatisme soudain étonnent quand il s’émeut de la « colonisation idéologique » due à l’enseignement de « la théorie du genre » dans les écoles françaises, dont un fidèle lui a parlé – et qu’il n’a pas vérifié. En matière d’avortement, le souverain pontife s’inscrit dans la droite ligne d’une condamnation ferme et sans réserve, comme lorsqu’il trouvait « lamentable » la loi argentine dépénalisant l’IVG en cas de viol… Pire, il établit un parallèle douteux entre nazisme et avortement, une forme d’eugénisme « en gants blancs ».
Dans un tout autre registre, son esprit nécessairement pacifiste rend sa position ambiguë sur la guerre en Ukraine. D’un côté, le locataire du Vatican multiplie les appels à la paix et lance une initiative diplomatique pour la résolution du conflit (comme si tout le monde n’avait pas déjà essayé). De l’autre, il reprend – peut-être inconsciemment – la propagande du Kremlin, lorsqu’il parle de « la grande Russie » chère à Poutine. Ou quand il feint de se demander si « les aboiements de l’Otan à la porte de la Russie » n’ont pas « conduit le chef du Kremlin à mal réagir et à déclencher le conflit ». Le pape refuse de se prononcer sur les livraisons d’armes à l’Ukraine, mais estime que « ce qui est clair, c’est que des armes sont testées là-bas. […] C’est pour cela qu’on fait des guerres : pour tester les armes que l’on produit ».
Il lui est arrivé d’aller plus loin dans la naïveté, jusqu’à pleurer la mort de « cette malheureuse jeune femme », Daria Douguina, l’une des figures les plus radicales du nationalisme russe. L’ambassadeur ukrainien au Vatican lui avait reproché de placer l’agresseur et l’agressé sur un pied d’égalité.
Sur tous les sujets, François marche sur un fil, pris en étau entre la tentative d’adapter l’Église à notre temps et ses alliances contraintes avec des traditionalistes, ou encore les réflexes qu’un homme d’un certain âge ne peut réformer. Les mauvaises langues diront que c’est assez jésuite. Vu les souverains pontifes auxquels nous a habitués le Vatican, cela reste un progrès.