L’inconvénient de l’échange « otages contre prisonniers », c’est qu’il met les deux sur le même plan : comment faire encore la distinction entre des gens qui sont une même monnaie d’échange ? Pourtant, tout comme il était essentiel de rappeler la différence entre un pogrom qui massacre au hasard des rues et des bombardements ciblés qui font des victimes collatérales, il est fondamental de maintenir un écart, un abîme, entre des otages innocents (essentiellement des enfants et des vieilles dames) et des gens qui ont été condamnés par la justice souveraine d’une démocratie.

Rappelons que, sur les 300 prisonniers palestiniens (principalement des femmes et des adolescents) susceptibles d’être libérés par phases, 49 sont membres du Hamas et 28 font partie du Jihad islamique, et parmi les motifs de condamnation, on trouve « jets de pierre, jets de cocktail Molotov, agression de policiers, activité de sabotage, tirs à l’arme à feu contre des personnes, soutien au terrorisme ». Enfin, 17 d’entre eux ont été condamnés pour tentative de meurtre, en particulier Mohamed Abu Katish, qui a poignardé et gravement blessé un orthodoxe juif, Nafuz Hamad, qui a poignardé une femme devant ses cinq enfants, et Fatma Shayin, qui a commis un attentat au couteau le soir de Yom HaShoah. Autrement dit, l’échange « otages contre prisonniers » est un échange « innocents contre criminels ». N’en déplaise aux journaux qui, comme le Washington Post, titraient imprudemment sur un « échange d’OTAGES » entre les belligérants (comme si les prisonniers palestiniens étaient « otages » ­d’Israël) et malgré certains députés qui, comme Ersilia Soudais, parlent de « prisonniers politiques majoritairement condamnés pour peu de chose » à propos des Palestiniens détenus dans les geôles israéliennes, l’asymétrie ne porte pas tant sur la quantité (un otage israélien pour trois prisonniers palestiniens) que sur l’identité (un innocent pour trois criminels).

De façon générale, cette guerre est dissymétrique. D’un côté, la seule démocratie du Proche-Orient répond par la force à une agression terroriste sans précédent ; de l’autre, une organisation terroriste, financée par des dictatures sanguinaires, égorge, pourchasse, extermine et kidnappe des civils, avant de se terrer dans des tunnels ou de se cacher derrière sa propre population, qu’elle emploie à faire des boucliers humains. D’un côté, une armée régulière, dont les crimes éventuels seront documentés par une presse libre ; de l’autre, un pur nazisme, un projet exterminateur spectaculairement antisémite, qui prévoit la ­destruction corps et biens de son ennemi.

Seulement voilà, la force (et peut-être son abus) est du côté d’Israël. Or, dans nos univers égalitaires et démocratiques, la force est toujours un signe de méchanceté, tandis que la faiblesse est une marque irréfragable de vertu. Peu importe la justesse des motifs qui sont les vôtres, si vous êtes plus fort que votre adversaire, alors, aux yeux du monde, le danger vient de vous. Quelles que soient vos intentions, l’emploi d’une force supérieure vous disqualifie d’emblée. C’est ainsi que, tout en luttant contre le terrorisme et tout en étant à l’avant-garde du combat contre l’islamisme, Israël a perdu la bataille de l’opinion.