Tradition et modernité de l'arbitrage et de la médiation au regard de l'histoire Tradition et modernité de l'arbitrage et de la médiation au regard de l'histoire Issu de Gazette du Palais-n°17-page 3 Date de parution : 17/01/2009 Id :...
moreTradition et modernité de l'arbitrage et de la médiation au regard de l'histoire Tradition et modernité de l'arbitrage et de la médiation au regard de l'histoire Issu de Gazette du Palais-n°17-page 3 Date de parution : 17/01/2009 Id : GP20090117002 Réf : Gaz. Pal. 17 janv. 2009, p. 3 Auteur : Par Carine Jallamion, Professeur à l'Université de Franche-Comté L'arbitrage et la médiation apparaissent aujourd'hui comme résolument modernes. Pour conserver le secret des affaires, pour résoudre certains types de litiges d'une manière plus adaptée, pour soulager des tribunaux surchargés, arbitrage et médiation sont fréquemment aujourd'hui avancés comme solution. La modernité de ces modes alternatifs de règlement des litiges ne doit pas cependant faire oublier qu'ils s'inscrivent aussi dans une longue tradition historique. L'on peut ainsi rappeler que la médiation et l'arbitrage étaient déjà pratiqués en Mésopotamie, en 2000 avant notre ère : l'arbitrage en droit international public, pour le règlement des conflits entre États ; l'arbitrage et la médiation en droit privé, pour le règlement des conflits entre marchands et entre membres d'une même famille. On les retrouve pour un usage tout à fait comparable en Grèce , à Rome , mais aussi dans d'autres civilisations comme la Chine impériale par exemple. Il en est encore question, pour l'arbitrage surtout, dans les législations laïques qui viennent d'être évoquées aussi bien qu'en droit canonique. Parmi les civilisations de l'Antiquité, Rome apparaît comme particulièrement essentielle, car le droit romain distingue, d'une part, la conciliation qui mène à une transaction et, d'autre part, l'arbitrage ex compromisso, celui dans lequel l'arbitre investi par les parties rend une sentence définitive qui doit être suivie par elles car elles l'ont préalablement acceptée. C'est justement cette définition romaine de l'arbitrage qui permet de le distinguer de la médiation. Dans la médiation, le tiers n'est là que pour aider les parties à se concilier, sans disposer de pouvoir décisionnel, alors que dans l'arbitrage, le tiers doté d'une telle prérogative, doit terminer le différend qui oppose les parties et leur impose ainsi les termes de leur règlement. Ce tiers reçoit donc des pouvoirs plus ou moins étendus selon que l'on se situe dans la médiation ou dans l'arbitrage. Et ces pouvoirs doivent être clairement identifiés pour que l'on sache précisément dans quel domaine l'on se trouve et, surtout, quelles sont les conséquences de l'acte passé au final : ainsi historiquement, la médiation se conclut généralement par un contrat, la transaction, lequel ne peut être remis en cause que très difficilement, en raison d'un vice du consentement par exemple ; tandis que l'arbitrage aboutit, en raison de la mission juridictionnelle de l'arbitre, à une sentence définitive à Rome mais soumise à l'appel en france, comme le serait un jugement. Ces distinctions sont bien connues et passent du droit romain au droit français. Elles sont encore rappelées à la fin de l'Ancien Régime par les auteurs, comme Domat, qui écrit qu'il «y a deux manières de terminer de gré à gré les procès, ou les prévenir. La première est la voie d'une convention entre les parties, qui règlent par elles-mêmes ou par le conseil et l'entremise de leurs amis, les conditions d'un accommodement, et qui s'y soumettent par un traité, et c'est ce qu'on appelle transaction. La seconde est un jugement d'arbitres dont on convient par un compromis». La distinction semble alors parfaitement claire, et pourtant elle se brouille rapidement par exemple à la lecture d'un autre auteur, Lange, qui écrit en 1731 que l'arbitre, lorsqu'il est amiable compositeur, «peut [accommoder] les parties et [composer] leurs différends sommairement, sans s'attacher aux règles de droit ni aux formalités de justice». Un autre juriste célèbre, Merlin, remarque également que «des arbitres investis de la qualité d'amiables compositeurs ne sont, dans la réalité, que des mandataires préposés pour terminer, par une transaction équitable, les différends soumis à leur examen». La difficulté vient en effet de ce que, lorsque l'historien examine la pratique, l'on voit bien des parties qu'un différend oppose s'adresser à un ou plusieurs tiers pour les aider, mais rarement les pouvoirs accordés à ce tiers entrent exactement dans la catégorie juridique de la médiation ou de l'arbitrage. Bien souvent, le tiers reçoit en même temps la mission de ré-concilier les parties, et la mission de terminer le différend à leur place si elles n'y parviennent pas par elles-mêmes. Le tiers est donc fréquemment à la fois médiateur et arbitre, la pratique voulant se réserver la double possibilité d'une solution négociée et d'une solution imposée. C'est la leçon que nous enseigne l'histoire, et qui justifie que médiation et arbitrage soient présentés dans une même perspective historique. Autre leçon que l'on peut retenir de l'examen historique de la pratique : arbitrage et médiation ont principalement été utilisés dans deux grands domaines. D'abord dans le droit des affaires, qui est un lieu traditionnel d'épanouissement de l'arbitrage, interne et international. Ensuite, pour la résolution de litiges mettant en jeu des intérêts financiers moindres, en matière civile et notamment en droit de la famille. Or, selon que l'on se trouve dans l'un ou l'autre de ces domaines, arbitrage et médiation n'ont pas la même histoire et ne subissent pas la même évolution. En matière commerciale, l'arbitrage semble toujours avoir été favorisé par le pouvoir politique et utilisé par les marchands, d'une manière remarquablement constante jusqu'à nos jours. Au contraire, en matière civile, arbitrage et médiation, pourtant longtemps pratiqués, se sont heurtés peu à peu, surtout à partir de la Révolution française, à une législation de plus en plus contraignante qui a entraîné leur déclin. Pourquoi cette différence ? L'on peut supposer qu'elle tient historiquement aux rapports entre modes alternatifs de règlement des litiges, pouvoir politique et justice de l'État.