Les Cahiers du Centre de Recherches
Historiques
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31 | 2003
Regards sur l'histoire culturelle
Une crise anglaise de la pensée française ?
Les intellectuels français face à l'Angleterre au temps de Fachoda et de la
guerre des Boers
Christophe Prochasson
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/ccrh/299
DOI : 10.4000/ccrh.299
ISSN : 1760-7906
Éditeur
Centre de recherches historiques - EHESS
Édition imprimée
Date de publication : 30 avril 2003
ISSN : 0990-9141
Référence électronique
Christophe Prochasson, « Une crise anglaise de la pensée française ? », Les Cahiers du Centre de
Recherches Historiques [En ligne], 31 | 2003, mis en ligne le 19 novembre 2008, consulté le 19 avril
2019. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/299 ; DOI : 10.4000/ccrh.299
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Une crise anglaise de la pensée française ?
Une crise anglaise de la pensée
française ?
Les intellectuels français face à l'Angleterre au temps de Fachoda et de la
guerre des Boers
Christophe Prochasson
1
Dans le roman de Léon Werth Clavel soldat, écrit dans les années 1916-1917 et publié en
1919, des « poilus » découvrent de vieux journaux d'avant-guerre évoquant la guerre du
Transvaal :
Une gravure représente des soldats ivres qui, dans une gare, frappent à coups de
crosse des vieillards, des enfants et des femmes. Une autre, la reddition de cent
quatre-vingts Anglais, à quelques Boers. Ils ont les bras en l'air. C'est le kamarad et
les vingt-sept uhlans qui se rendent aux sept dragons.
Les Anglais occupent alors la place assignée aux Allemands quelques années plus tard. La
culture de guerre a rebattu les cartes, s'appuyant sur des conceptions culturelles
élaborées avant que n'éclate le conflit. Elle a opéré des transpositions, des transferts, des
déplacements et des traductions, dans le cadre d'un triangle de comparaisons liant trois
nations entre elles : la France, l'Angleterre et l'Allemagne. On perd souvent de vue, à
l'observation de la vie intellectuelle française d'avant 14, le troisième personnage.
L'Allemagne semble à tort polariser seule toutes les attentions. Elle est, il est vrai, un
élément indispensable à la construction de l'identité nationale. C'est avec elle aussi, sans
conteste, que les liens personnels ont été établis depuis longtemps, notamment entre
universitaires. Elle n'est pourtant pas la seule. Les intellectuels français n'ont pas
manqué, tout au long du XIXe siècle, de dialoguer aussi avec l'Angleterre. Les crises
internationales au tournant des XIXe et XXe siècles, entre 1898 et 1901 (guerre hispanoaméricaine, concurrences coloniales en Afrique, guerre des Boers, Révolte des Boxers),
favorisèrent un renouveau d'intérêt et un travail de relecture de la culture anglaise.
Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 31 | 2003
1
Une crise anglaise de la pensée française ?
Analyse d’un stéréotype
2
Qui s'intéresse aux stéréotypes nationaux tels qu'ils s'élaborèrent dans la seconde moitié
du XIXe siècle ne peut manquer d'être frappé par la porosité existant entre cultures
savantes et cultures journalistiques. La science investit les lieux communs et leur donne
une force qui joue son rôle dans la politique. Les intellectuels ne sont pas ainsi sans peser
dans l'histoire des relations internationales en contribuant à la construction des
« communautés imaginées ».
3
Les caractères prêtés à une nation par les élites culturelles d'une autre nation dépendent
au premier chef des relations politiques entretenues entre les deux pays. On a bien défini
le rapport France-Allemagne, qui prit un tour nouveau, comme on le sait, après la guerre
de 1870. Ce rapport n'est pas sans avoir influencé celui qui lie la France et l'Angleterre tel
qu'il s'exprime en tout cas dans les lieux officiels de la culture française. De Taine à un
Demolins qui défendit encore les Anglais durant la guerre des Boers1, une anglomanie
discrète habite la majorité des esprits. On sait le rôle qu'elle eut, par exemple, dans la
fondation de l'École libre des sciences politiques. L'Angleterre est une grande nation : son
empire colonial intimide plus encore qu'il n'irrite, sa puissance et son organisation
économique et financière2 sont des exemples pour les élites libérales, sa littérature 3, et
tout particulièrement sa poésie, sont, au même titre que la philosophie allemande, les
fleurons de la culture européenne. La vitalité de cette anglophilie, qu'il conviendrait sans
doute de nuancer en fonction d'autres facteurs, notamment relevant des sensibilités
politiques, fut d'autant plus active dans le dernier tiers du siècle, qu'elle s'opposait à un
fond d'anglophobie populaire. Il y a dans cette attitude favorable à l'Angleterre les
éléments d'une pratique distinctive qui travaillent à détacher les intellectuels du reste de
la nation4.
4
Celle-ci prend aussi un sens particulier si l'on veut bien rompre le face-à-face FranceAngleterre en introduisant un troisième terme avec l'Allemagne. Dans la période qui nous
occupe, il apparaît que ce sentiment favorable à l'Angleterre a résisté au-delà de tout ce
qu'eût exigé la passion nationale parce que l'Allemagne était l'horizon naturel et
l'adversaire institutionnel. Jusqu'à Fachoda, tout se passe comme si la ligne d'apaisement
du Quai d'Orsay face à l'Angleterre, malgré les incidents qui opposèrent les deux pays
dans la boucle du Niger, trouvait son écho dans des représentations positives. Il arrive
même que certains fassent passer l'avenir de la civilisation (occidentale) avant la blessure
infligée au sentiment national : ce qui triomphe à Fachoda n'est-ce pas d'abord la
« civilisation » sur la « barbarie »5 ? Le jubilé de 1897 qui fut une occasion de célébrer
l'impérialisme britannique ne mit en rien un terme à cette situation. Pas plus que, dans
des milieux intellectuels plus restreints, la traduction du livre du grand théoricien de
l'impérialisme anglais, Sir J. R. Seeley, L'Expansion coloniale de l'Angleterre. L'un de ses
recenseurs, Auguste Filon, en reconnaît « l'originalité » tout en avançant :
Non seulement il a composé son livre avec des documents allemands, des idées
allemandes, des haines allemandes, mais il s'est assimilé toutes ces choses et il a
écrit en anglais un livre allemand6.
5
Mais l'Angleterre est en quelque sorte une bonne Allemagne, dépouillée des plus mauvais
travers qui sont au fondement du peuple d'outre-Rhin. On le lit par exemple dans une
note critique de Théodore de Wyzewa présentant l'édition de la correspondance d'un des
Anglais (certes de père italien, comme ne manque d'ailleurs pas de le relever Wyzewa lui-
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Une crise anglaise de la pensée française ?
même) les plus admirés par les intellectuels français de la fin du XIXe siècle : Rossetti. Cet
échange épistolaire entre Rossetti et Allingham, souligne Wyzewa, est tout à la fois rempli
d'humour et plein d'érudition7. Dans la Revue des Deux Mondes, Francis Charmes ne cessa
pas de défendre cette ligne d'amitié, appuyée sur une complicité naturelle entre les deux
cultures, vouées à la défense de « la civilisation et de la culture »8.
6
Parler de l'Angleterre, en définir les caractéristiques, travaille non seulement à trouver
un allié dans la guerre culturelle franco-allemande, mais aussi, comme en tout système
d'évocation d'autrui et de construction de l'altérité, à parler de soi. Dans une série
d'articles, moitié récit de voyage, moitié considérations ethno-politiques sur l'Angleterre,
en pleine guerre des Boers, André Chevrillon, angliciste de l'université de Lille, se hâte de
comparer la foule londonienne à celle de Paris. En contemplant la première, c'est la
seconde qui lui vient à l'esprit :
Qui fera jamais l'impossible expérience d'assembler à côté d'une multitude anglaise
comme celle-ci une centaine de Parisiens, pour noter simultanément les deux
types ? Comme on comprendrait, alors ! Comme le passé, le présent, l'avenir des
deux pays s'éclaireraient ! Je regarde ceux-ci : ce qui apparaît avant tout, c'est la
paix, la force et la simplicité des visages ; les traits sont énergiques, solides, mais
non pas inachevés et grossiers comme ceux d'une plèbe allemande ou russe – bien
en relief, régulièrement sculptés, les physionomies disant le calme familier, la vie
stable, les sentiments durables, les attitudes d'esprit persistantes, les perturbations
du cœur et du cerveau très rares. Je cherche à évoquer en moi l'image d'une foule
parisienne et, telle que je la retrouve gravée dans ma mémoire, elle m'apparaît plus
grise et plus molle, plus muable, plus nuancée, plus féminine et beaucoup plus
intellectuelle – je ne dis pas intelligente – plus différenciée aussi, moins homogène,
les individus moins évidemment façonnés au même moule, moins sûrement
marqués d'une même et puissante empreinte nationale.9
7
Les clés de la compréhension résident dans la nation observatrice. Pour comprendre
l'autre, il convient de mobiliser tous les ressorts du transfert culturel qui livrent les
secrets de la traduction. La rencontre d'un jeune pasteur baptiste appelle la conversion
d'un type social indigène en un autre mieux saisissable :
De ce pasteur dissident, l'équivalent social, c'est en France un petit employé,
anticlérical il y a quinze ans, nationaliste aujourd'hui.
Mieux encore, les formules socialement fédératrices trouvent également leurs
traductions. En Angleterre, on dira volontiers :
Dieu veut que l'Homme mette le Globe en valeur ; l'Angleterre est la principale
ouvrière de cette tâche.
En France, ajoute immédiatement Chevrillon,
[...] nous avons des formules analogues, la souveraineté de la Raison, les droits
abstraits de l'Homme, l'égalité sociale de tous les citoyens. 10
8
La réception en France du livre de John Bodley constitue aussi un parfait exemple de la
définition de soi par la comparaison. Cet observateur ayant visité la France en tous ses
recoins dans les années 1890-1897 témoigne tout à la fois du lien naturel unissant les deux
nations tout en s'en prenant aux travers de la nation. Ce regard britannique, qui dénonce
l'administration excessive et l'alliance russe, offre un bon point d'appui aux libéraux qui
en assurèrent la réception11. Il permet aussi de comparer les deux patriotismes :
Là, le patriotisme est essentiellement différent du nôtre ; à force de chercher sans
cesse l'amélioration de l'humanité, nous sommes arrivés à la négation de la patrie ;
et sans discuter ici si nous avons raison ou tort, il est bon de constater que chez les
Anglo-Saxons il existe une sorte de solidarité de race, tendant à des fins
exclusivement pratiques c'est-à-dire profitables à l'individu et à la communauté
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Une crise anglaise de la pensée française ?
britannique. Peu importe l'humanité – tout ce qui n'est pas british est inférieur par
définition, et par conséquent a tort de ne pas l'être.12
9
Il en va encore plus nettement d'Alfred Fouillée. Le philosophe publia en octobre 1898 un
long article mettant en œuvre une psychologie sociale de l'Angleterre au cœur d'une
double actualité. La première est celle de l'affaire Dreyfus. La seconde renvoie aux
querelles coloniales entre France et Angleterre, qui ne manquent pas (Fachoda, Tunis,
Nikki et Waïma, Zanzibar et Madagascar, Siam et Terre-Neuve). Comment, en effet, ne pas
voir dans l'article de Fouillée comme une contribution au débat ouvert par Durkheim
dans son article « L'individualisme et les intellectuels » publié dans la Revue bleue en
juillet 1898 ? Il y oppose un « individualisme latin », tout « négatif », fait surtout du nonrespect de la règle, à un individualisme « positif » ancré dans les valeurs anglo-saxonnes
et fondé sur le respect de la règle et d'autrui. Tel est, selon Fouillée, le secret de
l'admiration actuelle pour les Anglo-Saxons qu'il détecte chez de très nombreux
essayistes (Gustave Le Bon, Vacher de Lapouge, Jacques Bardoux, etc.). Suit une analyse de
style anthropologique au cours de laquelle Fouillée défend la singularité anglaise qu'il
place au cœur d'une double polarité franco-allemande ou, en termes savants, latinogermanique. L'Anglais est « un superbe spécimen du sanguin flegmatique et nervomoteur » qui résout la contradiction grâce au subtil mélange de « sang celto-ligure » et de
« ang germain ». Ce mélange aide à rendre compte d'une caractéristique apparemment
contradictoire (la réversibilité est une loi utile dans l'établissement des stéréotypes
nationaux ménageant l'avenir et laissant la place aux retournements éventuels) :
Dans la pratique et dans le domaine de l'intelligence pure, l'Anglais est resté
positif ; dans la poésie, nous le verrons conserver le sens germanique de l'idéal, sans
d'ailleurs perdre pour celui du réel.13
10
La celtitude, qui fait des Anglais des quasi-Gaulois, tempère les travers de la germanité et
« empêche l'Anglais de verser aussi facilement dans le pessimisme que l'Allemand
songeur et contemplatif »14 et son « goût du réel » fait de lui un esprit inductif qui
l'éloigne encore davantage des déductions germaniques15, voire françaises. La langue
anglaise elle-même a profité des influences bénéfiques de la romanité :
Au lieu de rester enchevêtrée comme l'allemande, la langue anglaise s'est pénétrée
de logique et de clarté relative, surtout dans la prose.16
11
Prises dans un double déterminisme, physique et social, les qualités britanniques
« germaniques », qui handicapent le développement de la sensibilité et limitent l'esprit de
finesse, s'expliquent beaucoup par les réponses apportées aux rudes conditions
climatiques :
Tout ce qu'on peut accorder d'abord, c'est que le ciel humide et froid de
l'Angleterre a renforcé les influences qui font de l'acquisition d'un certain bien-être
individuel le but le plus nécessaire de tous. On a calculé que la nourriture d'un seul
Anglais suffirait à une famille de huit personnes en Grèce. 17
La dimension allemande du caractère anglais – on n'oublie pas tout à fait que Guillaume
n'est autre que le petit-fils de Victoria – offrira toute une ressource argumentative le
moment venu.
12
Mais pour l'heure, le caractère anglais a bien des vertus. Un mélange de races bienvenu
lui permet de dépasser les faiblesses des unes et des autres. Le sens de la solidarité, la
supériorité du « mariage anglo-germanique d'inclination » sur le « mariage français de
convenance »18 (quoiqu'il affaiblisse l'esprit de famille, il renforce les qualités d'épouse
sur celles de mère et donc décourage l'adultère), le sens aigu du religieux et de la morale
publique que seul peut envier à ce point un républicain laïc, hanté par la recomposition
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Une crise anglaise de la pensée française ?
d'un espace public très perturbé depuis la Révolution, l'Angleterre est un exemple sans
pour autant n'avoir jamais eu « pour l'élévation du genre humain tout entier »19 le rôle
qu'eurent la France, l'Italie et même l'Allemagne.
Nouvelle Angleterre contre Vieille Angleterre
13
Cette anglophilie, que partage une grosse majorité de l'intelligentsia française englobant
l'ensemble du spectre politique, connut son point de rebroussement autour des années
1898-1901, amorcé vers l'automne 1898, sous l'effet conjugué de Fachoda et, plus encore,
de la guerre des Boers. Avec une inertie plus ou moins grande selon les milieux, les signes
positifs s'inversèrent. Les ambivalences inévitables des stéréotypes nationaux basculèrent
pour servir un autre discours. Une théorie des deux Angleterre, analogue à celle des deux
Allemagne, si utile aux intellectuels français durant la Grande Guerre, émergea
brutalement. L'une, celle de George Eliot, de Stuart Mill, de Ruskin, de Rossetti ou de
Burne-Jones, était bonne et expliquait la fascination qu'avait exercée l'outre-Manche sur
la plupart des intellectuels français. L'autre, celle de Byron, d'Emily et Charlotte Brontë
ou de Kipling – mauvaise – la travaillait souterrainement depuis bien des années et venait
de l'emporter20. Une pseudoculture de guerre anima la nouvelle lecture faite de
l'Angleterre. Elle éclaire le fonctionnement de ce qui allait fonder, quelques années plus
tard, les rapports culturels entre la France et l'Allemagne, alors même que les signes
s'étaient de nouveau renversés en faveur de l'Angleterre.
14
Tout est dit dans un article émanant des milieux nationalistes en pleine guerre des Boers :
Il y aura donc un an bientôt que le peuple anglais commit l'imprudence de céder
aux propositions plus tentantes que très honnêtes d'un Chamberlain ; ce peuple
accepta de sacrifier sa très belle renommée de libéralisme, renonça à la tradition
d'humanité et de civilisation généreuse que lui léguait Gladstone, se jeta, à la suite
de quelques forbans, sur l'or des mines du Transvaal.21
Ce thème est décliné à l'envi dans les milieux intellectuels les plus anglophiles. La
plasticité des stéréotypes nationaux facilite un travail de renversement auquel se livrent
les meilleurs connaisseurs de l'Angleterre. La guerre des Boers marque un moment de
crise non seulement dans les relations diplomatiques franco-anglaises mais aussi dans le
regard porté par la majorité des intellectuels français qui vivent l'avènement de la
mauvaise Angleterre à la manière d'une trahison amoureuse. La dégradation des
représentations fut extrêmement rapide et nécessita donc une intense mobilisation
culturelle. Si, en février 1899, encore sous le coup de Fachoda, Ernest Lavisse, engagé dans
une controverse l'opposant à Charles Dilke, en venait pourtant à rappeler, malgré tout,
les liens unissant « deux grands vieux peuples, libres, civilisés et humains entre tous » 22, il
en venait, quelques mois plus tard, à souhaiter un rapprochement avec l'Allemagne23.
15
La vieille Angleterre a péri sous les coups d'une nouvelle culture politique :
Quand on a connu le peuple anglais vers 1885, et quand on le cherche dans
l'Angleterre aujourd'hui, il semble qu'il ait entièrement disparu. Ce n'est plus la
même nation. Ce ne sont plus les mêmes individus. Tout paraît changé, les idées et
les mots, les sentiments et les gestes. Ce peuple, libéral et pacifique, confiant dans
l'effort personnel, dans la paix et dans le droit, qui semblait avoir trouvé son
évangile éternel dans la doctrine de Manchester, le peuple de Cobden et de John
Bright va réclamer bientôt les droits protecteurs, qu'il mit jadis trente ans à abolir,
et il hurle de joie à l'annonce d'une grande guerre, que depuis cinq ans lui promet
un Joseph Chamberlain. L'Angleterre pacifique est morte. L'Angleterre libérale se
meurt.24
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Une crise anglaise de la pensée française ?
16
La violence des campagnes de presse antifrançaises, lancées dès la guerre hispanoaméricaine, a fini par user la patience des plus prévenants. Dans les milieux libéraux, il
arrive que l'Angleterre finisse par passer pour pire que l'Allemagne. Au moment de
l'évacuation de Fachoda (début novembre 1898), si l'on y insiste encore sur la
communauté culturelle que forment la France et l'Angleterre, on réévalue sensiblement
ce cousinage. Valbert, dans une recension des mémoires de Henry Reeve, intitulée,
presque avec nostalgie, « Un Anglais qui aimait la France », souligne « la prodigieuse
différence de tempéraments »25 entre les deux peuples. En décembre encore, Francis
Charmes, très anglophile, assure que la France est prête à tout oublier si l'opinion
britannique met un terme à ses attaques antifrançaises :
Elle trouvera de notre part le même esprit que par le passé. Les dernières
circonstances, quelque désobligeantes qu'elles aient été pour nous, n'ont pas
modifié nos dispositions.26
17
Le même Charmes saura d'ailleurs, quelques mois plus tard, reconnaître des fautes aux
républiques sud-africaines dans la gestion diplomatique du conflit qui les opposait à
l'Angleterre et ne pas, dans un premier temps, accabler l'Angleterre27. On ne pourra
mieux illustrer cette attitude que par ce geste de Charmes mettant fin à sa longue
indulgence en novembre 1899, un an après Fachoda : en épigraphe de sa chronique
habituelle, il place une citation empruntée au Xe Chant de Don Juan de Byron :
Hélas ! si l'Angleterre savait seulement combien son grand nom est partout
méprisé, combien toute la terre désire le moment qui exposera son sein découvert
au glaive vengeur, et comment tous les peuples la croient leur plus cruelle
ennemie !28
18
La naissance de cet impérialisme nouveau évoqué par tant d'articles et d'ouvrages est
souvent incarné par l'émergence de deux personnalités fixant l'attention : Chamberlain
et Kipling. Le premier est construit comme l'anti-Gladstone. Il est le premier responsable
du réveil des passions de la mauvaise Angleterre quand Gladstone est présenté par
Francis de Pressensé comme le « plus illustre fils de l'Angleterre politique en ce siècle » 29.
S'en prendre à Chamberlain, profitant de l'affaiblissement de Lord Salisbury, c'est tenter
de sauver la bonne Angleterre et ne point rejeter un peuple tout entier. Mais c'est le
triomphe de Kipling qui retient le plus les observateurs. Le jeune auteur anglais fascine.
On s'étonne que cet écrivain, pur produit de la nouvelle Angleterre, soit le neveu d'un
artiste comme Burne-Jones, si lié à l'ancienne. La Revue de Paris et le Mercure de France
firent la part belle à l'écrivain, soit en publiant des traductions de ses œuvres, soit en lui
consacrant des articles ou des notes critiques. En renouvelant incontestablement la
littérature anglaise, Kipling faisait basculer son pays dans une nouvelle culture toute faite
de brutalité et fondée sur des valeurs vitalistes apparemment étrangères à l'ancienne
culture. Mais le succès de Kipling ne réside-t-il pas dans la réconciliation des deux
Angleterre et ne met-il pas au jour le caractère absolument hétérogène des cultures
française et britannique ? André Chevrillon en défend la thèse :
Ainsi s'évanouit l'antagonisme apparent des deux grands caractères qui distinguent
l'esprit anglais. Tous deux, le sens du réel et la faculté de rêve intense, dépendent
d'une même cause : l'imagination concrète qui reproduit, tantôt exactement, avec
leurs liaisons vraies, tantôt dissociés, assemblés à nouveau en groupes arbitraires,
les éléments sensibles des choses. Et ce rapport étroit est si vrai qu'on peut achever
de l'établir par une observation inverse et complémentaire. En effet, l'esprit
français, qui ne possède qu'à un degré médiocre ce genre d'imagination, a moins
bien su dans le domaine pratique adapter ses œuvres à la réalité, en même temps
que dans le royaume du songe il se montrait impuissant à s'aventurer très loin.
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Une crise anglaise de la pensée française ?
C'est que, procédant surtout par signes réduits, par abréviations, par notations
commodes pour l'analyse et le raisonnement, il a pour fonction spéciale de dégager
les lois qui assemblent les groupes, d'en extraire les lignes directrices, de les rendre
sensibles par des plans simples où la structure profonde des choses apparaît avec la
clarté, précisément parce que rien n'y reste de l'infini détail enchevêtré. 30
19
Toute cette évolution trouve sa théorie. Les intellectuels anglophiles, pris dans un
courant imprévu d'hostilité à l'Angleterre, doivent savoir rendre compte de ce tournant.
Nombreux sont ceux qui s'acharnent à puiser dans les stéréotypes les éléments d'une
rationalisation. On a vu que la dialectique des deux Angleterre remplissait cette fonction
en justifiant des admirations possibles, des collaborations et des proximités culturelles
tout en ménageant un espace pour une éventuelle culture de guerre. D'autres approches
tentent de mettre au jour a posteriori le prévisible.
20
On ne manque pas de mettre en évidence nombre de signaux émis depuis longtemps. Le
nouvel impérialisme naissait sans mystère. Une observation plus attentive des relations
unissant le commerce et l'industrie à la classe politique anglaise aurait dû conduire à plus
31 de vigilance, lit-on ici. Alfred Fouillée, dans une étude cette fois-ci consacrée aux « races
latines », revient sur le caractère de la « race anglo-saxonne » et souligne un aspect
négligé dans l'article qu'il lui avait consacré quelques mois auparavant :
Le grand peuple anglo-saxon, depuis un siècle, a élevé à la dignité d'un culte
l'amour de l'argent. Cet amour, sans doute, est presque aussi vieux que le monde,
mais, si l'on honora toujours les riches, on n'honorait pas l'amour même de la
richesse ; au-dessus de la fortune, on élevait bien haut la noblesse de naissance, la
noblesse de situation, le talent, la vertu, la sainteté. L'Angleterre contemporaine,
acceptant le nouvel ordre économique et financier comme un ordre politique plus
profond et, par extension, comme un ordre providentiel, a trop souvent, et d'une
manière ouverte, adoré l'argent. Ce n'est pas, à coup sûr, ce que les Anglo-Saxons
ont introduit de meilleur dans le monde moderne, ni le plus bel exemple qu'ils ont
donné aux Latins.32
21
D'autres traits de la culture britannique pouvaient être retournés : l'empirisme et l'esprit
religieux avaient débouché sur le cynisme politique et l'âme d'un peuple élu trop assuré
de son bon droit à civiliser les peuples contre eux-mêmes. Il suffisait de lire, disait-on. Les
nouvelles doctrines impérialistes envahissaient les journaux et les revues. Des livres
entiers étaient voués à son triomphe :
Tous ceux qui ont suivi de près l'histoire des idées et des lettres anglaises depuis
deux ou trois ans prévoyaient l'explosion de jingoïsme qui surprend aujourd'hui
tant de personnes.33
Victor Bérard lance ainsi que l'on eût dû davantage prêter attention au jeune Dilke qui,
« tout frais émoulu de l'Université », énonça vers 1868 son rêve de la « Plus GrandeBretagne »34. Tout était prêt pour l'écrasement inique d'un petit peuple…
Une « contre-affaire Dreyfus »
22
On a vu que la lecture et l'appréciation d'une culture étrangère, loin d'être stable,
dépendait des conditions politiques desquelles elles procédaient. Les stéréotypes ne sont
pas des cadres rigides. Il convient donc de rappeler que la crise décrite ci-dessus a lieu au
moment même où les intellectuels français se trouvaient eux-mêmes pris dans une crise
nationale. L'affaire Dreyfus en éclaire bien des aspects. Les intellectuels nationalistes
profitèrent de la guerre des Boers pour s'inventer leur affaire Dreyfus et prendre au piège
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Une crise anglaise de la pensée française ?
de leurs propres valeurs des intellectuels dreyfusards, souvent indulgents face à
l'Angleterre.
23
Les nationalistes bénéficièrent d'un quasi-accord national quant à l'analyse à apporter au
conflit qui opposait l'Angleterre aux Boers. Chacun ne manqua pas de souligner que cette
guerre opérait un singulier renversement de situation : « Une grande atrocité va être
commise au nom de la civilisation », annonçait Francis Charmes au seuil du conflit 35. Un
peuple héraut de la civilisation, à l'avant-garde de la modernité occidentale, sombrait
dans la barbarie. Les civilisés devenaient des barbares alors même qu'une petite nation
rustique semblait à elle seule représenter le droit et la justice. Cette dénonciation qui
s'appuie parfois sur des récits d'atrocités est pourtant d'abord fondée sur une question de
principes. La compassion l'emporte sur l'information (armes nouvelles, massacres voire
thème de la torture auquel ne sera sensible qu'une intelligentsia d'un autre aprèsguerre). Même parmi ceux qui, comme André Chevrillon, conservaient toute leur
sympathie à la vieille civilisation que l'Angleterre avait incarnée aux yeux du monde, les
textes, discours et proclamations en tout genre ne manquent pas, qui portent aux nues
l'héroïque courage d'une petite nation que la simplicité de vie et l'insuffisante
modernisation avaient sauvegardé des maux de la décadence et de la corruption
occidentales. On imagine tout ce que le discours nationaliste français pût broder sur ce
thème. On savait bien que le président Krüger ou le général Kronje crachaient par terre36
et qu'au Transvaal il n'existait, comme le faisait remarquer Pierre Mille37, « ni peinture, ni
sculpture, ni littérature nationales, ni musique » et que « les trois quarts » de l'activité
mentale européenne y manquaient, il n'en était pas moins vrai que l'Angleterre en
bafouant les droits de cette petite nation s'était ravalée à un rang moralement inférieur.
Un collaborateur anonyme de la Revue de Paris, vraisemblablement un officier ou un haut
fonctionnaire, joue même de cette dégradation morale qui altérait sensiblement le degré
de civilisation britannique pour rappeler malicieusement les belles leçons de morale
offertes à la France par l'Angleterre durant les moments forts de l'Affaire :
Tout récemment, nous avons reçu du peuple anglais des leçons de justice ; abusant
de notre crise morale, il nous a rappelé avec hauteur qu'au-dessus des intérêts il y a
le droit, et, au-dessus des préjugés et des rancunes de castes, l'humanité. 38
24
L'affaire Dreyfus à peine achevée, ses vaincus s'engagèrent dans un autre combat, en
reprenant les armes de leurs adversaires aux fins d'obtenir une revanche au moins
symbolique. Cette mobilisation a été quelque peu occultée. Elle n'en fut pas moins
importante en dépit d'une situation très sensiblement différente à celle qui avait dominé
le déroulement de l'Affaire. Il y eut bien peu d'adversaires pour s'opposer à l'engagement
des intellectuels nationalistes en faveur de la cause des républiques sud-africaines. Dès le
3 novembre 1899, le conseil municipal de Paris avait voté une proposition de Roger
Lambelin et une autre de John Labusquière exprimant toute leur sympathie aux Boers.
D'autres conseils municipaux, comme ceux de Vannes ou de Rennes, votèrent également
des adresses ou des ordres du jour en faveur des Boers39. Plusieurs comités et associations
se formèrent ou vinrent apporter leur soutien à ces populations héroïques. Un Comité
d'étudiants se constitua à l'automne 1899 pour préparer l'envoi de renforts aux Boers et
contribuer à l'organisation de brigades militaires internationales40. Un Comité des
républiques sud-africaines fut aussi créé le 24 octobre 1899. Présidé par le lieutenantcolonel Monteil, il rassemble toute l'élite de l'intelligentsia anti-dreyfusarde dont
l'anglophobie a ici une signification politique claire. Coppée, Déroulède, Drumont,
Rochefort, Judet, Lemaître y reconnaissent tout ce qu'ils s'emploient à dénoncer dans le
dreyfusisme : la démocratie, l'individualisme et, plus largement, le monde moderne. Le
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Une crise anglaise de la pensée française ?
15 décembre, une fête, organisée sous son égide au théâtre des Folies-Marigny, est
l'occasion d'un triomphe pour le général Mercier. D'autres manifestations eurent lieu,
parfois marquées par des affrontements physiques. C'est l'affaire Dreyfus qui se poursuit
par d'autres voies, avec une singulière réappropriation des valeurs dreyfusardes par les
nationalistes, mises au service des intérêts boers. À la suite de l'une de ces réunions
organisée au Tivoli-Vaux-Hall, violemment perturbée par des « anarchistes » et à laquelle
participaient au premier rang Barrès et Coppée, Rochefort accepte même de prendre à
son compte les valeurs internationalistes :
Il ne s'agissait pas là, pour ces « quarante sous », d'enlever par la terreur
l'acquittement de leur Dreyfus, auquel ces assassins de préfecture doivent tant de
ripailles : le traître de Rennes, de l'île du Diable et autres lieux n'étant pour rien
dans l'affaire. L'argument principal dont ces repris de justice se servent contre
nous, c'est leur internationalisme. Or, le meeting d'avant-hier démontrait que nous
sommes aussi internationalistes qu'ils peuvent l'être, puisque le programme de la
soirée devait être consacré tout entier à la discussion non des intérêts de la France,
mais de la lutte engagée entre l'Angleterre et les républiques sud-africaines. 41
25
L'année 1900 vit l'apogée de toutes ces initiatives. Les réunions de soutien aux Boers, les
souscriptions et les pétitions se multipliaient. Le 5 mars, selon un rapport de police, un
Comité français du Transwaal, très proche des nationalistes, parvint à réunir 500
personnes. On y aurait affirmé que « les sauvages ne sont pas du côté » des Boers « mais
bien de l'autre » et l'on se dispersa aux cris de « vivent les Boers ! », « vive la République »
tandis que fusent quelques « à bas les juifs ! » et « à bas Loubet ! »42. Le 1er avril, les
« Femmes françaises » publièrent au bas d'une pétition « pour les Boers » une première
liste de signatures de femmes se présentant sous le nom de leurs époux : Victor Bérard,
Paul Bert, Armand Colin, Albert Dumont, Victor Duruy, Pierre Foncin, Ernest Lavisse, etc.
Cet engagement des femmes, très sensible, venait répondre à la publicité faite sur la
présence des femmes boers dans les combats et sur leur rôle décisif dans la guerre. Fin
mai, l'Alliance des savants et philanthropes, présidée par Émile Burnouf, saisit Delcassé
pour lui demander d'intervenir auprès de l'Angleterre.
26
Le resurgissement de l'Affaire se manifeste encore plus nettement dans le style de
souscription lancée par L'Intransigeant en mars 1900 aux fins d'offrir une épée au général
Cronjé. Comme dans le « monument Henry », les souscripteurs accompagnent leur obole
d'une phrase qui motive leur geste43.
27
L'Anglais y occupe la place du Juif (sans que d'ailleurs le Juif ait tout à fait disparu) et
toutes les combinaisons et formulations de la haine, telles qu'elles apparaissent dans le
« monument Henry » y sont représentées44.
28
On a vu comment parler d'autrui ramenait souvent à soi. La crise qui éprouva les relations
entre la France et l'Angleterre au tournant du siècle n'échappe pas à la règle. Elle permit
de solder bien des comptes, notamment ceux de l'affaire Dreyfus. Elle fut aussi une
ressource argumentative pour d'autres causes : les succès initiaux des Boers, par exemple,
ne plaidaient-ils pas en faveur d'une armée de milice ? Le comparatisme est ici à
l'épreuve. Avec toutes ces limites, comme le fait remarquer cet ancien colonel de la
seconde brigade irlandaise du Transvaal, apportant sa pierre à ce débat français :
Quelle absurdité dans ce raisonnement : les milices boers ont fait de telles grandes
choses, donc la milice devrait suffire à la défense de la France ! Les miliciens boers
sont par leur éducation, par tout leur genre de vie, dont l'équivalent ne se retrouve
ni en France, ni ailleurs, mieux exercés à des parties essentielles du métier que les
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soldats des armées régulières. Jamais un milicien d'Europe ne se pourra comparer à
un milicien boer.45
29
Le second intérêt d'une telle crise est qu'il permet d'éprouver un modèle culturel actif
dans des situations conflictuelles. Durant ces quatre années, les intellectuels français
s'employèrent à construire une figure de l'ennemi, procédure qu'ils réemployèrent
quelques années contre un autre ennemi. À une nuance près toutefois. L'absence
d'affrontement militaire, même si l'on put croire en être proche pendant quelques mois,
atténua les enjeux. Les relations ne furent pas brisées et les désaccords ne mirent pas fin à
la civilité : André Chevrillon ne manque pas d'insister sur ce point. Il conserve ses
« amis » anglais46.
30
On put donc vite sortir de la crise et rétablir un régime normal de relations lorsque le
besoin s'en fit sentir. On sait qu'il en alla tout autrement avec l'Allemagne.
NOTES
1. Edmond Demolins, Boers et Anglais. Où est le droit ?, Paris, Firmin-Didot, 1900.
2. Par exemple, Raphaël-Georges Lévy, « La dette anglaise »,
Revue des Deux Mondes,
15 septembre 1898, p. 277 : « La Grande-Bretagne mérite de nous servir d'exemple en matière
financière. Il n'y a pas de meilleure preuve à l'appui de ce dire que l'histoire de la dette anglaise.
La plus ancienne de celles qui pèsent aujourd'hui sur les peuples civilisés, elle est cependant celle
qui, en Europe, diminue le plus rapidement. »
3. Ferdinand Brunetière, « La littérature européenne au
XIXe siècle »,
Revue des Deux Mondes, 1 er
décembre 1899, p. 643 : « Ils sont dans l'histoire des littératures modernes les « premiers poètes
de cette nature », comme les Hollandais en avaient été les premiers peintres. » ; voir Henry
Davray, dans sa chronique des « Lettres anglaises », Mercure de France, février 1900 : « Comment
ceux qui connaissent sa littérature n'auraient-ils pas pour l'Angleterre une sympathie fidèle et
profonde ? N'y a-t-il pas, au-dessus des circonstances politiques, un domaine où les esprits qui ne
sont ni étroits ni superficiels peuvent se rencontrer ? », p. 549.
4. Cette chanson, « Lettre de Marianne à Félix. Vive la Russie, milord ! », eut un premier tirage
(sept. 1895) à 2 000 ex. selon les sources policières (Archives de la Préfecture de police, Ba 1071).
5. Francis Charmes, « Chronique de la Quinzaine », Revue des Deux Mondes, 1 er octobre 1898,
p. 715-716.
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6. Auguste Filon, « Le théoricien de l'impérialisme anglais, Sir J. R. Seeley », Revue des Deux
Mondes, 1er juin 1898, p. 594.
7. Théodore de Wyzewa, « La correspondance d'un préraphaélite anglais », Revue des Deux
Mondes, 15 février 1898.
8. « Chronique de la Quinzaine », Revue des Deux Mondes, 1 er mars 1898, p. 240.
9. André Chevrillon, « L'opinion anglaise et la guerre », Revue de Paris, 15 août 1900, p. 681.
10. Id., « L'opinion anglaise et la guerre », Revue de Paris, 1 er septembre 1900, p. 151-152.
11. Par exemple, G. Valbert, « Le jugement d'un Anglais sur la France politique », Revue des Deux
Mondes, 1er juin 1898.
12. Henry Davray, « Lettres anglaises », Mercure de France, septembre 1898, p. 861.
13. Alfred Fouillée, « L'individualisme et le sentiment social en Angleterre », Revue des Deux
Mondes, 1er octobre 1898, p. 528.
14. Ibid., p. 530.
15. Ibid., p. 532.
16. Ibid., p. 542.
17. Alfred Fouillée, art. cit., p. 527.
18. Ibid., p. 537-538.
19. Ibid., p. 554.
20. André Chevrillon, « L'opinion anglaise et la guerre », op. cit., p. 147.
21. Éditorial du Rappel, 29 août 1900, « L'anniversaire ».
22. Ernest Lavisse, « France et Angleterre. À Sir Charles Dilke », Revue de Paris, 1 er février 1899,
p. 481.
23. Id., « Précautions contre l'Angleterre », Revue de Paris, 1 er janvier 1900.
24. Victor Bérard, « L'Angleterre et l'empire du monde », Revue de Paris, 15 janvier 1899, p. 370.
25. G. Valbert, « Un Anglais qui aimait la France », Revue des Deux Mondes, 1 er novembre 1898,
p. 224.
26. Francis Charmes, « Chronique de la Quinzaine », Revue des Deux Mondes, 15 décembre 1899,
p. 953.
27. Id., « Chronique de la Quinzaine », Revue des Deux Mondes, 1 er août 1899, p. 708.
28. Id., « Chronique de la Quinzaine », Revue des Deux Mondes, 15 novembre 1899, p. 468.
29. Francis de Pressensé, « Gladstone », Revue des Deux Mondes, 1 er juillet 1898, p. 48.
30. André Chevrillon, « Rudyard Kipling », Revue de Paris, 1 er avril 1899, p. 26.
31. ***, « Les descentes en Angleterre », Revue des Deux Mondes, 15 mars 1899.
32. Alfred Fouillée, « Races latines », Revue des Deux Mondes, 1 er décembre 1899, p. 580-581.
33. Abel Chevalley, « La poésie belliqueuse en Angleterre », Revue de Paris, 1 er décembre 1898,
p. 75.
34. Victor Bérard, « L'Angleterre et le panbritannisme », Revue de Paris, 15 décembre 1899,
p. 871-872.
35. Francis Charmes, « Chronique de la Quinzaine », Revue des Deux Mondes, 15 octobre 1899,
p. 957.
36. André Chevrillon, « L'opinion anglaise et la guerre », op. cit., p. 161.
37. Pierre Mille, « Les Boers. Essai de psychologie sociale », Revue de Paris, 15 juin 1900, p. 695.
38. ***, « L'Angleterre et le Transvaal », Revue de Paris, 1 er novembre 1899, p. 1.
39. L'Éclair, 28 novembre 1899.
40. Georges Bourdon, « Pour les Boers », Le Figaro, 9 novembre 1899.
41. L'Intransigeant, 24 décembre 1899.
42. Rapport de police du 6 mars 1900, Archives de la Préfecture de police, Ba 1551. Selon un autre
rapport du 30 novembre 1900 (Ba 54), la visite du président Loubet au président Krüger, lorsque
celui-ci se rendit en France, occasionna des « Vive Loubet ! » à l'arrivée du président français.
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43. « À bas l'Anglais hypocrite et accapareur ! », « Un groupe d'amis des Boers qui voudraient
voir le dernier des Anglais étranglé avec les tripes du dernier des financiers juifs », « 40 000
Anglais, 4 000 hommes » (L'Intransigeant, 1 er mars 1900) ou « Vive la République sans juifs ! »,
« Plusieurs anglophobes de Crie », « Le Transvaal aux Boers, la France aux Français », « Honte aux
buveurs de gin », « Partons pour le Transvaal venger Fachoda », « Belaygue, vieux socialiste
antidreyfusard. “Vive Rochefort ! À bas Jaurès !” », « Deux antisémites, amis des boers », « Un
ennemi des Anglais depuis Fachoda », « Vive Déroulède ! À bas Loubet-la-Honte », « Un groupe
d'employés du Bon Marché, admirateurs des Boers », « Alexandre F., petit-fils d'Anglais », « Une
Alsacienne antidreyfusarde », « Trois cyclistes anglophobes », « Un patriote français admirateur
des Boers », « Un Alsacien et Savoisien anglophobes », « À bas la youtrerie gouvernementale » (11
e
liste, L'Intransigeant, 17 mars 1900).
44. Stephen Wilson, « Le monument Henry : la structure de l'antisémitisme en France
1898-1899 », Annales ESC, mars-avril 1977 ; Christophe Prochasson, « Un retour aux sources :
l'antisémitisme au temps de l'Affaire », Jean Jaurès. Cahiers trimestriels, 137, juillet-septembre 1995.
45. Arthur Lynch, « En campagne avec les Boers. Notes critiques », Revue de Paris, 1 er
octobre 1900, p. 531.
46. André Chevrillon, « L'opinion anglaise et la guerre », op. cit., p. 698.
AUTEUR
CHRISTOPHE PROCHASSON
EHESS, Centre de Recherches Historiques
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