CAHIERS DE DOCUMENTATION
ESOTERIQUE TRADITIONNELLE
ORGANE OFFICIEL DE
SI TlJ AS DEUX SOLEILS ...
L'ORDRE
MARTINISTE
Revue fondée en 1888 par PAPUS (D' Gérard ENCAUSSE)
Réveillée en 1953 par le D' Philippe ENCAUSSE
A chaque terre su[ fit un soleil,
A chaque enfant su[ fit une mère,
A chaque cœur su[ fit une âme.
Directeur: Michel LEGER
Rédacteur en Chef : Yves-Fred BOISSET
Si tu as deux soleils, donnes-en rn1 à l'aveugle,
Si tu as deux mères, donnes-en 1111e à l'orphelin,
Si tu as deux âmes, donnes-en une au miséreux.
Mais si tu as deux yeux, ouvre-les bien grands,
Encor plus grands, toujours plus grands;
Si tu as deux mains, construis
Et reconstruis
La terre et le ciel
Sans te lasser.
1nformations
49
La legs de Philippe ENCAUSSE à la Bibliothèque Municipale de Lyon
51
Centenaire d'un roi méconnu, par Henry BAC
52
Théodoxie Universelle, texte inédit de FABRE D'OLIVET
Toi, Fils de Dieu et de la Terre,
D'un seul Dieu et d'une seule Terre,
Tes Matrices,
Tes Patries,
Tes Foyers.
S. DEUZI
............
58
Le Sanctuaire de FABRE D'OLIVET, par Robert AMADOU
66
Da la Langue Hébraïque Restituée à !'Esotérisme de la Genèse,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ••
par nobert AMADOU (première partie)
71
...........
88
...
94
Le!J Livres
Entre Nous .... par Emilio LORENZO, Président de l'Ordre Martlnlste
Si tu as deux soleils ... , poème de S. DEUZI
page 1V de couverture
1i
Nouvelle Série (depuis 1953}
N" 2 de 1986
Trimestriel. • 25 F
Avril-Mai-Juin 1986
L'I11itiati<>11
-
CAHIERS DE DOCUMENTATION ESOTERIQUE
TRADITIONNELLE
5, rue Victor Conslcl(mml, ·1:1014 1'/\111:;
49 -
INFORMATIONS
FRANCE
Notre fidèle ami MARCUS ayant été victime d'un accident qui, selon
les informations que j'ai pu avoir, semble être heureusement sans grande
gravité, il ne nous est pas possible de publier son éditorial trimestriel.
AMIS LECTEURS,
SI VOUS NE L'AVEZ DÉJA FAIT
N'attendez pas pour envoyer
le montant de l'abonnement annuel 1986
Au nom de la rédaction et des collaborateurs de la Revue, j'adresse
à notre cher MARCUS mes vœux les plus fraternels de prompt et complet
rétablissement.
Yves-Fred BOISSET
Rédacteur en Chet
***
(de Janvier à Décembre)
Merci .
'
Revue !'INITIATION
Nous sommes heureux de publier dans le présent numéro (page 51)
une importante information concernant le legs que notre ancien directeur
et rédacteur en chef Philippe ENCAUSSE a fait à la Bibliothèque Municipale
de Lyon. Que la gratitude de tous les " cherchants sincères " lui soit
éternellement acquise !
5, rue Victor Considérant, 75014 PARIS - FRANCE
Compte de Chèques Postaux : Pari• 8-21111-40 U
*
**
e Administrateur : Monsieur Jean BRETIN
9, rue du CardiniJl-Lemoirw - ·1:i00!1 l'/\1~;
Le lecteur trouvera page 65 un texte malencontreusement omis dans
le numéro précédent. Un encart au bas de la page 64 donne les indications
nécessaires à ce sujet.
e Rédacteur en chef adjoint : MARCUS
• Secrétaire de rédaction : Jacqueline ENCAUSSE
Dépositaire général :
Ed. TRADITIONNELLES, 11, quai S;1i11l Mldwl, ·1~0:
l'/\111:;
i<'d '1:! !1'1 03 32
Les opinions émises dans les articles quo public L'INITIATION doivent
être considérées comme propres à leurs auteurs et n'engagent que la
responsabilité de ceux-ci. L'INITIATION ne répond pas des manuscrits
communiqués. Les manuscrits non utilisés ne sont pas rendus.
@
© Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés
pour tous pays.
Le Directeur: M. Michel LEGER, 2, allée La Bruyère, 78000 Versalllos
Cert. d'lnscr. à la Commission paritaire du papier de presse du 21-9·70 n" 50.554
lmp. Bosc Frères, Lyon - Dépôt légal n° 8078 - Juillet 1986
COMMUNIQUE
Le G.N.O.M.A. (Groupement National pour !'Organisation de la
Médecine Auxiliaire) organise son 36" CONGRES ANNUEL, les 10,
11 et 12 OCTOBRE 1986, à l'hôtel Hilton à PARIS.
Débats et conférences sur les tliérapeutiques naturelles, avec
la participation de praticiens professionnels, sont ouverts au public.
Exposition de stands.
Contre une enveloppe timbrée adressée au Secrétariat du
G.N.O.M.A., 12, rue de la Grange Batelière, 75009 PARIS, vous
recevrez le programme détaillé.
!iO
-
5l ---
Le legs Philippe ENCAUSSE
à la Bibliothèque Municipale de Lyon
P;11· lL'Slament olographe, en d<lll' du 29 juin 1984, Philippe Encausse
avait, d'une part, rl'glé le dispositif de Sl'S ohsc'ques rl'ligieuses; eellcs-ci
l u1-c11t n'.'ll-hrécs scion sa volonté', le 27 juilld 1984.
D'autre part, le sort de sa hibliothè·quc plTsonnelle est lixl- par le
tesla taire.
En p;1rliculicr, le prl'sidenl d'hrn111l'llr de l'Ord1T ma1·ti11iste ordonne
qu'un choi:\ d'ou\T~igcs
L'I
de docl!llll'nls relatif ...., aux
«
scic11ccs occultes»
sera proposl', l'cril-il, "par l'11i.sloriL·11 l'i ''crivain mon ;1mi Robert J\m;1dou
dont la compc·lcnn' est i11tL'1•1al1<l11;ile ", "sous 1·l'scr,·c de l':ll"cord de
11w11 cpousc· .l;1cqt1l'li11c l·:nL<lllSSl' "· ;1 l'i11lc11tio11 dl' la llihliolhc'l]lll' 111uni·
cip;dc dl' Lvo1J. l'hilippL' "'ll"a11ssc' rc;ppcllc q11c le co11SL'l"\"alcu1· L'll chl'I"
cle l;i 8.M.L., M . .ll';111-l.ouis Rochl'r, s'c"tail rl'lldu '1 Bouloglll', au 111ois
d'ao[11 1'!81, L'll co111pcig11ic ck notn· lrl'l"l', L'I qu'1111 accord de principe
avait L'll' conclu ;dors.
Cc ll'gs est dc's(J111wis l'ikct11c'. L'c·'<c'cUll'u1· en l'cspl'l'l' a co11stil11c' k lot,
l';iick Lil' .lacquelim· lè11ca11.s.'t' cl de CatlwrillL' i\111"dou; M. Rochl'r
L'll a pris livr;1iso11, ;1vcT l';1pproh;1tion de Michl·I l'i GéTard IC:11c;1ussc,
lils de Philippe; la ville, de Lvo11 a l'nlin accepte' Il' legs.
il\"l'C
Le cl;1.SSC'illl'lli l'i l'i11vc'1llairL' .sont c11 cours, sous la dircclio11 de
•\11llL' <ïaudc (;IL'\/L', co11scrvall'111· i1 la s;illc du l.i\TL' ;111cic·11 cil' la 8.M.L.
c·l "VLT IL' crn 1coL11·s dL· Robert i\111ado11. Cc' dl'1·11ilT i 11t1·od 11 ira le Cèl 1aloguc·
illlpri111é', prc'l;icc de' .k'111-Louis Roch,.,., qui L'.Sl pré·vu, de· 111é·1nl' qu'1111c
L''Cpositio11 l'l 1111 111011lagl' audio·\·isucl, c11 li11 liL' 1railc'111ent, si possible
dans le courèlnl de 1987.
Pèll"llli les rna11uscrits, qui intl-!"L'sSl'nt l'occultisme' modcrnl', /,'/11itiotio11,
l;1 revUL' de l'apus cl de Philippe Enciusse, publiera l'll priorité' ceux de
son choix.
Des livres L'I des hrochurL'S i111priml'.s. citons les pri1Kipaux auteurs:
F.-Cl1. H;11·1L-1, .1.-.J. lkrn;1rd, Hricaud. lkl;iagc, l'hilip1w l\1Kaussc, F;ibre
d'Oli\"l'l, Picl"l"L' Fo111·11ic' (('<' 1111e 111111., lll'Oll\ c'l1' .. ., IHlllJ, L1c11ri" (l,1•s Horllllillil's .. ., 18.+7), "lipll;1s Lc'\'i, 0.-11. de Loos, M;ilfalli de Monil'rcggio,
.losc'phin l't"·l;1d;111, Sai1ll-Marti11 (do11t /:·s.\11i \Ill" les si1,11es .. ., 17LJLJ, rarissi1nc),
Sai11t-Yves d'J\l\"l''ldre (do11l Missio11 de /'/11dc, 1··· éd., raris,,imc), Sc'dir...
Ll'S ou\•1·ages impriml's sont i1 la disposition des lecteurs adlllis il la
8.M.L., au 1ur c·l il llll'Sllrl' de leur 111isc sur liches, qui a commence'.'
;1u de' but dl· c,:i le année.
Ainsi, le legs Philippe Encausse rejoint, i1 la Ribliothèquc municipale de
Lvon
chèTe \·illc, chère bibliothèque -<i ks fonds Jean-Baptiste Willcrmoz, Lacuria, Papus et Bricaud-Chcvillon. l3c'11ic soit, pour cc nouveau
service, la mémoire de noire vc'nl-rablc l't bien aimé- l"rèrl' Philippe!
Docteur Philippe ENCAUSSE
( 1906-1984)
L'IN!TJATION
: ':~
CENTENAIRE D'UN ROI MÉCONNU
par lk11rv Ili\('
Le 13 juin 1886, Louis li de Bavii.Tl' q11illail "" 1111>1Hll'. Bic11 des
livres relatent les ci1Tonstanccs de sa disparilirn1. Ccrlai11.s IL'llll'lll
de donner une explication historique, d'a11lrcs 1rsll·11i da11s u11
domaine littéraire où l'imagination a libre cours.
Nous allons ici exposer cc qui nous apparaît comme la vl'rité.
Détruisons tout d'abord des idées fausses trop souvent répandues
sur le malheureux souverain. Certains le décrivent sous l'aspect
d'un fou, incapable de régner, se désintéressant totalement de la
gestion de son pays, dilapidant le Tn.'.·sor public et faisant construire
sans cesse de nouveaux chütcaux.
Nous apportons ici non pas seulement le modeste résultat de nos
études et recherches, mais sur·tout le témoignage de personnages
familiers de notre jeunesse, qui connurent personnellement Louis Tl
de Bavière. Nous pouvons citer leurs déclarations comme leurs
écrits.
D'abord Ferdinand Bac, proche de NapolL·on Il I et toujours fort
bien 1-cçu dans les cours d'Allemagne et d'Autriche. Puis Edouard
Schuré qui, tout jeune, connut Louis JI de Baviè•tT.
Voici cc qu'à son retour de Munich, il écrit, dans un journal publié
en France, après la première représentation de « T1·istan et Yseult ».
Il le dépeint tel qu'il apparaît au tlH'.·àtre dans la loge royale:
«A cc moment, il rayonnait d'une beauté merveilleuse. Ses traits
« lins d'adolescent, son front bombé encadré de cheveux bruns et
«bouclés, ses grands yeux bleus foncés dont le regard était toujours
«dirigé vers le haut, brillaient d'un doux éclat. Toute sa personne
« 1-cspirait une exaltation calme et Je plus pur enthousiasme. Des
« fanfares bruyantes, des vivats répétés le saluè-rcnt. Mais les yeux
«perdus dans son rêve, il semblait ne point apercevoir la foule qui
«l'acclamait.''
Napoléon l'', qui, avec sa profonde perspicacité, voulait faire
obstacle aux ambitions de la Prusse, après sa cn'.·ation du royaume
de Westphalie sous l'autorité de son frère Jérôme, permit au prince
Maximilien, rl;gnant sur la Bavière, de prendre le titre de roi.
Louis TI, quatrième souverain de cc pays, tint à consolider ses
prérogatives. Comme son grand-père, Louis l"', il favorisa les artistes.
En sauvant Wagner de la misère et du dl'.·scspoir, il rendit possible
à son génie musical de s'épanouir.
Mais cc monarque eut la lucidité de séparer l'art de la poliliquc.
li s'attacha spécialement au maintien de l'indépendance de srn1 pavs.
li sut s'opposer aux prétentions de la Prusse, donnanl i1 Sl'.s 111i11islrcs
des conseils pleins de sagesse.
Si ses goûts l'éloignent du travail burca11naliq11l' l'i ,·.,111pl:1ble,
il garde une extraordinaire netteté de vue pour ks 1•.1;111ds prnhli.·mes
et accomplit sa tüchc en bon souverain.
-
53 -
Le peuple et l'armée l'acclament. Un journal de Nuremberg raconte
que, lors de son passage dans cet te ville, il dansa au bal « pendant
« quatre heures sans interruption avec des cavalières de tous âges
« et toutes conditions et parla librement avec tous les gens qui lui
« furent présentés».
Lorsqu'il regagne Munich, il se trouve auréolé d'un prestige sans
précédent. La communion avec ses sujets demeure parfaite.
Quelques années plus tard, lorsqu'il habitait le château d'Hohenschwangau construit par son père, il aimait, certaines nuits, se faire
emmener dans le traîneau royal, escorté de piqueurs, le long des
sentiers enneigés. Nous lisons dans un journal local Je récit d'une
paysanne pou1· qui son apparition, en tel équipage, fut inoubliable:
« Pour moi c'était un archange. Je n'entendis plus que Je piaffement
«des chevaux qui secouaient les harnais d'argent. Leur collier, orné
«de grelots, sonnait dans mes oreilles comme un carillon de cloches.
« Les bêtes couvertes d'écume secouaient leur crinière, des panaches
«de plumes blanches dansaient sur Jeurs têtes».
On a reproché à Louis 1[ de Bavière la construction d'un grand
nombre de chàteaux.
En réalité, durant tout son règne, il fit bâtir trois palais: Lindcrhof,
au-dessus d'Ertal, dans la vallée de Graswang, Ncuschwanstcin, près
de Füsscn, au pourtour des montagnes qui forment la frontière de
la Bavière et du Tvrol, enlin Hcrrenchicmscc, dans une des îles du
vaste lac dénomme la mer bavaroise.
C'est en eux que s'incarne la légende de la prodigalité du roi.
Cc ne furent pas des demeures, mais surtout des lieux de séjours
mystiques. II ne s'agissait pas de les habiter, mais de les imposer
comme Wagner Cl-l;a et fit représenter tous ses drames lvriqucs.
Au temps de Louis Il, ils donnèrent à son pays une activité
incessante dans le domaine de la construction, apportant du travail
aux ouvriers et aux artistes.
De nos jours, témoins extraordinaires d'une époque révolue, ils
restent la source d'une richesse indiscutable attirant l'afllucncc
des visiteurs.
Monarque solitaire, le roi de Bavière ne fut compris que d'une
seule femme, de huit ans son aînée, l'impératrice Elisabeth d'Autriche, sa cousine. Cette créature ravissante portait familièrement Je
nom de Sissi.
Elle manifesta toujours une tendresse, parfois mêlée d'inquiétude,
pour lui.
Sa jeune sœur, Sophie, est en 1867 fiancée officiellement à Louis II.
Mais, après six mois d'une cour étranger, Je souverain bavarois
rompt ses engagements. Sophie épousera le duc d'Alençon, petit-fils
de Louis-Philippe.
·i
Quant à Sissi, clic soutiendra toujours Louis II et comprendra
ses comportements. li l'appelle « la Colombe ». Elle le surnomme
«!'Aigle».
Arrivons maintenant à la période sinistre, aboutissant à ce
13 juin 1886, à cette journée fatale dont nous évoquons le centenaire.
Les années ont passé. La rupture des fiançailles avec la princesse
Sophie plaçait Louis II à l'index de la famille d'Autriche.
-- 54 -
Mais Sissi, comprenant les bizarreries de son cousin, reste en
rapport avec lui.
Elle sait que, comme elle, il fuit les contraintes.
Il éprouve surtout un grand bonheur, éloigné de la cour, au milieu
des paysans et des montagnards toujours fidèles.
Ce roi, autrefois si mince, si SL;duisanl, csl devenu un personnage
lourd et robuste.
Les Bavarois gardent pour lui un profond amour. Mais il apparaît
de moins en moins en public. Ses entretiens avec ses minist1·cs
deviennent rares.
Il ne semble régne1· qu'en principe. Le cabinet, peu à peu, ne tient
plus compte de la volonté royale.
Un complot bien <ffganisé a pour but de proclamer la déchéance
du souverain cl de donner la r·égcncc à son oncle, le rusé prince
Luitpold.
On charge le Docteur Von Guddcn, directeur de l'asile d'aliénés
de Munich, d'établir un rapport déclarant Louis lT dans l'incapacité
mentale de remplir ses fonctions. Cc médecin rédige un texte qu'il
fait signLT par des docteurs qui 11'0111 jamais examiné le 1·oi.
Le monarque se trouve au chfttcau de Neuschwanslein.
Une délégation importante se présente. Elle comprend des
ministres, avec une nombreuse escorte. fi v a des civils, des
militai1·cs, des médecins et des infirmiers, avec i11ission de s'emparer
du souverain po111· le conduire au chüte;1t1 de Berg. Leur intrusion,
à travers la fon'.·t de sapins entourant Neuschwanstein, alerta les
villageois. Une foule hostile it la délc'gal ion se ma ni lesta.
Les Bavarois venaient au Sl-cours de leur roi. Ils savaient qu'il
(·lait bon et do11n<1il du t1·avail ù ses gens, qu'il p1·éférai1 les
montagnes aux salons, qu'il dait en danger et qu'il fallait le
défendre.
Les membres de la délégation durent se 1-ctirer.
Mais deux jours plus lard, par suite d'une 11·ahison et d'un
stratagème, le Doctcu1· Von Gudden parvient à la réussite du
complot.
Le roi, devenu son prisonnier, nuitlc son fabuleux 1nlais de
Ncuschwanslcin pour le chàleau de Berg en vue de son internement.
Il fait remarquer combien apparaît peu plausible une décision
de médecins qui ne l'ont pas examiné.
fi demande au Docteur Von Guddcn combien dtffcra son inlcrncmcnl. « Un an, sire, c'est le ('_'nnc le plus court», reçoit-il comme
réponse.
Louis II alors déclare: «Les choses pourraient aller plus vite.
«Il n'est pas difficile de faire disparaître un homme'" pour s'cntcnd1-c rétorquer: «Sire, mon honneur me d(,fend de répondre à de
« telles paroles ».
Le roi reste calme.
Le lendemain, il observe que l'on prépare la pose de barreaux
devant les fenêtres.
Derrière chaque porte, des hommes le surveillenl.
-
55 -
C'est le 13 juin, dimanche de la Pentecôte.
Malgré le jour Saint, il ne pourra, lui déclare-t-on, aller à la messe.
Il se promène avec le médecin, dans le jardin, le long du lac et
remarque la présence de deux infirmiers et d'un gendarme qui,
à bonne distance, Je suivent.
Le Docteur Von Gudden avoue à son entourage que les questions
posées par son patient restent sensées et qu'il fait preuve de bonne
volonté. Il télégraphie à Munich:
«Jusqu'à présent tout va pour le mieux».
A quatre heures et demie de l'après-midi, le roi demande une
collation. Il mange copicuscmcnl, boit de la bii_Tc, puis trois verres
de vin du Rhin, cnlîn deux petits gobelets d'alcool de riz.
A six heures, il demande au médecin de sortir avec lui à nouveau
le long du lac. Louis 11 s'dant plaint de la surveillance, le Docletir
Von Guddcn Lk'Tlare aux i11finnicrs cl au gendarme: "Plus d'cscortc,
c'est inutile». Il annonce son 1·ctour vers huit heures.
Le ciel paraissant menaçant. les deux promeneurs emportent des
parnpluics. Le roi. revêtu d'un large manteau noir, est coiffé d'un
chapeau orné d'une barrette de diamants.
Ils descendent vers le lac de Starnbcrg.
Louis 11 cnlrnînc le médecin en un endroit au bord de l'eau où
une rangée de sapins empêche de les apcrccvoi1- du ch<Îleau.
A huit hcul"L's, il fait nuit. Un orage L;clate. Il pleut à verse.
Le Docteur Muller, adjoint du Docteur Von Guddcn, ne voyant
pas revcn i r les pro111c11cu rs, su pposc qu 'i 1s res lc11 l abri lc's sous un
arbre, allcndanl une éclaircie.
A huit heures cl demie, l'inquiétude règne. Gendarmes, infirmiers,
domestiques explorent vainement les alentours.
Un valet, agitant une lanterne, distingue un brillant parmi les
ténèbres. S'approchant, il voit l'agrafe de diamants qui scintille sur
le chapeau du roi, puis sa veste, un parapluie et le haut de forme
du médecin.
D'une ban1uc de pêcheur, glissant sur les eaux noires, on arrive
à heurlcT une masse sombre. C'est le souvcrnin immobile.
On r·cpêchc son manteau cl sa redingote. Le corps du Docteur
Von Guddcn gît plus loin.
Ils sont morts tous les deux.
Il est dix heures et demie.
A la lueur des lanternes, on remarque des traces de strangulation
sur le cou du médecin.
Des empreintes de piétinement apphraisscnl au bord du rivage,
on suppose une bataille entre les deux hommes.
D'aprL's les indices relevés sur le sol, on peul imaginer que le roi
a tué le médecin.
Sans doute après une marche le long du rivage, Louis II a-t-il jeté
sa veste, son chapeau, son parapluie pour s'enfuir en nageant.
Le docteur, pour l'empêcher, se serait aggripé à lui. Le roi ayant
une taille d'un mètre 90 et pesant plus de 90 kilogs devait facilement
dominer Je médecin âgé de soixante-cinq ans.
1,
'1
'I
11,
11
11
Il
-
56 -
Certains ont parlé d'accident, de suicide, de folie.
Nous rejetons de telles hypothèses.
Le roi avait gardé un comportement mesuré et un raisonnement
calme et juste.
Excellent nageur, il comptait probablement fuir pour se réfugier
en Autriche. Il enleva pour cela son manteau et sa redingote.
Mais il avait mangé· copieusement et bu trop de vin et d'alcool.
Dans l'eau glaciale, la mort survint par congestion.
Pour sortir des suppositions et du mystère, nous donnons cidessous un texte de Ferdinand Bac paru dans « Le voyage romantique» (é·dition Fasqucllc). L'auteur, qui a connu pe1·sonncllement
Louis II de Bavière et l'impératrice Elisabeth d'Autriche, écrit:
«L'impératrice Elisabeth a été aperçue le soir de la mort du roi
«dans une voiture qui stationnait non loin de la grille du château.
« Dans la soirée même de la mort, un landau fermé attendait pendant
«plusieurs heures Sa Majesté derrière la clôture du parc. Mais pour
«y arriver en venant du château, il fallait franchir une haute grille
«qui plongeait dans l'eau ou bien il fallait la contourner en nageant.
«Arrivé à l'extrémité du parc, le roi a dû se jeter brusquement dans
« l'eau pour atteindre la voiture qui l'attendait. Il était bon nageur,
« mais le médecin se sera mis à sa poursuite. Et cc devait être alors
« entr·c les deux hommes une lutte horrible».
On relève, la nuit du drame, au sud, à l'entrl'e du château,
les empreintes de roues de voiture. D'après la direction des traces,
on peut supposer que des véhicules, après une longue station,
seraient repartis.
L'impératrice d'Aut1·iche tenta de faire évader le roi de Bavière.
Le jour de la Pentecôte, le 13 juin, apprenant le lieu d'internement
de son cousin, clic s'installe près du château de Berg, dans un petit
hôtel à Feldafing. Elle connaît le carnctèrc du roi, ses excentricités,
mais elle ne le considère nullement comme atteint d'aliénation
mentale. Elle voit de sa chambre l'endroit où Louis II se trouve
prisonnier. Elle songe à se faire assister par le Comte Durckeim,
ancien aide de camp du roi et qui s'cffor·ça d'empêcher son transfert
au château de Berg. Mais il vient lui-même d'être arrêté par les
hommes du prince Luitpold, devenu régent.
Elle va donc agir seule. La frontière de l'Autriche n'est qu'à
une heure à cheval.
Incontestablement sa présence, le 13 juin, près du château de
Berg, démontre ses intentions.
L'annonce de la mort de son cousin la bouleverse. Avant que le
cercueil royal ne soit fermé, un bouquet de jasmin déposé sur
le cccur du défunt fut sans doute l'hommage émouvant de la seule
femme qui ait comprit le roi.
Sissi portera sur clic une photographie du masque de Louis TT
moulé sur son visage après son décès.
La foule honorera son souverain, dont le cccur est placé dans
une urne d'or. Toute la Bavière, celle qui aimait le roi, celle des
paysans, des montagnards, des bâtisseurs, des art istcs, pieu rc son
roi.
.57
Quel contraste entre le coup de main lâche et honteux et les
funérailles solennelles cl impressionnantes.
Enthousiaste cl désintéressé, passionné d'art et de la mystique
de la monarchie, il sut combaltrc, pour la construction de ses
châteaux de rêve, et imposer Wagner.
Il laisse ces palais fabuleux recevant tous les ans plus d'un demi
million de visiteurs.
Gràcc à lui subsiste le théàtre des fêtes de Bayreuth, construit
par Wagner avec son aide linancièrc. Les grands événements musicaux y al tirent chaque année les mélomanes du monde entier, en
un des rares lieux où, de nos jours, l't'.·légancc reste de rigueur.
Le destin s'acharnera sur lui et ses proches au cours de ces
dcrnièTcs années du XIX'' siècle.
Après sa disparition, Rodolphe, le !ils de Sissi, deviendra la
victime de la tragédie de Mayerling.
La princesse Sophie, so::ur de l'impératrice, devenue la duchesse
d'Alençon, périra dans les Jlammcs, lors de l'incendie du bazar de
la Cha1·itc'· ù Paris.
Enfin, Sissi cllc-ml:·mc expirera au bord du lac de Genève, sous
le poig11a1·d d'un anarchiste italien.
Souverain étrange et attachant, Louis II lut le dernier roi d'une
mona1-chic absolue aujourd'hui disparue.
Verlaine lui consacre une épitaphe en ces vers céll-brcs commençant par :
« Roi, le seul roi de cc siècle, salut, sire,,
et se lcrminant par
«Salut ù vot1-c très unique apothéose
« Et que votre ùmc ait son fier cortège, or et fer,
«Sui· un ai1- magniliquc et joyeux de Wagner"·
Henry BAC
13 juin 1986
·•
-- 58 -
-
59 -
FABRE D'OLIVET
-
)
3Jlf..
),~. ·JL..~ ~L"J:;_
·/
c~
/
(,.,,__./ù••_};)-,d~
--
~
./
THÉODOXIE UNIVERSELLE
'"c9~.
. ftJJ...,_, IL-~ .::J<, J~«-A
/c
~
1._L
'k~
k'Jt
J .,,.;,_"Ji'ir.' ~if:.
~-<JX.1i
1v(}IL-•~
/a.va..L ~
µ.J~h:
/
,
, I
'du
~
±
/
~:ra.
')_,.;_ iJ
tm
~L(/J;
<--<-
~·1
1-LI~
~r-d1
l.t-,~ A 1
I (
'/l
jL•Ù,V~l.f!;_')
"'-t~
L..J. ~'!r.
cJL ~._
hJ....:
f
//
Jh_
-
o-..-; ·
.,(l_~JC-ju;
~t
/:.~,_
.
I
'
'--':-· ,l2~t
1 tNl_S~,.J
r~;
~
u. a/;,,'fi'.W.
~·è_-±L.Jµ
/
_:-L ~
L
A.J«.Q.......IL:
d.,µ._1-'4' ttfl:'J.,__];...,1 :!~
d._ir-,vtL~l'
,-
._:,J~l>'O)
• .
t< 1 ,_iL=l~
Pz;_,,_/ ~ •.•, .,••.h;&
<
•
1
/
v.r:~1
,f
La création des dieux et de la terre
.,_L;~cJ
')
•
,,'.L.;.
,._,_,,, ;f_
/
ev--
~L aek, 2tfr~
l'i...::&.. L,. ~
lv
;-· '- ~-Y._,
~j
CZL-~
t~/jf>1
~
J.1f.
E't,y_
~.-J
-~f
Fragment autographe de la Tlzéodoxic 1111iverselle
(réduit de 20 'Vo)
et;.__
' .... ._~·,
TEXTE INEDIT
Robert AMADOU a biell 1'<ml11 nous communiquer wz texte inédit de la « Tlzéodoxie
Universelle " de Fabre d'Olivet et nous l'en
re111c rcions f rate nzell ement.
Ce texte, pour être court, est d'une exceptionnelle densité. Clzaque mot doit en être
«mâché>>, car il apparaît de toute évidence
que Fahre d'Olivet 11'e11 a écrit aucun qui
zz'e1îl son in1purtl111ce. La puissance du mot
cu11fi11e ici à la 11wgie cu111n1e il en fut jlldis
quand nos /uintai11s c111cêtres se dressant
l/11-dessus de la 11at ure natun;e psalmodiaient
le11rs premiers sons à la gloire d11 Créateur.
Peu d'auteurs 0111 su comme Fabre d'Olivet
retrollvcr el faire reviFre cette « ll1hirgie,,
des mots.
VIII' EXAMEN
(Genèse, I, 9-10)
9. Il avait dit encore, LU /-les-Dieux, les ondes inférieures et gravitant es des Cieux tendront irrésistiblement ensemble vers un lieu
déterminé, unique, et l'aridité paraîtra: et cela s'était fait ainsi.
10. Et il avait désigné l'aridité sous le nom de Terre, élément
terminant el final, et le lieu vers lequel devaient tendre les eaux,
il l'avait appelé Mers, immensité aqueuse: et considérant ces choses,
f,UJ, !'Etre des êtres, il avait vu qu'elles seraient bonnes.
·•
On voit clairement que ceci est une conséquence irn~stble
des
choses, déjà posées en principe et passées en acte. Si l'Esprit divin,
sous une forme lumineuse, a déjà créé les eaux en les tirant du sein
des ténèbres ; si ces eaux, élaborées alors par une double force
extérieure, celle de la compression qui les fait graviter vers les
ténèbres d'où elles sont sorties, et celle de !'expansion qui les fait
tendre vers la lumière, donnent naissance à une nouvelle force
-
60 -
intérieure qui sépare leurs facultés supeneures et inférieures, il est
évident que deux éléments nouveaux se formeront dans lcur sein;
l'un volatil et l'autre fixe. De cc que Je premier aura de plus pur,
naîtra l'espace éthéré, qui, devenant sensible, prendra Je nom de
Cieux; et de cc que le second aura de plus impur, naîtra l'aridité,
qui, devenant également sensible, prendra le nom de Terre.
Cependant, du moins pur d'un côté, et du moins impur de l'autre,
se formeront les eaux supérieures, suspendues dans l'atmosphère,
et les eaux inférieures, reposant dans le gouffre des Mers 1. Cette
étendue mitoyenne sera principalement le lieu où s'exercera la force
médiane, née au milieu des eaux primitives, par le mutuel concours
des deux autres forces, et cette force raréfiante d'un côté et
atténuante de l'autre y deviendra un des principaux agents de la
nature.
Cela, bien entendu, et tout cc que j'ai dit touchant le décret divin
que nous examinons persistant dans la mémoire, la paraph1·asc dt:
ces deux versets devient extrêmement facile.
9. « Et conséquemment à cet te disposition, tandis que les facultés
opposées des eaux primitives se séparent, et que les supédcurcs
s'élevant vont former l'espace éthéré ou les Cieux, les inférieures
s'abaissant, au contraire, tendent ensemble vers un gouffre qui les
attire, et l'aridité paraît. Ainsi le décret éternel continue à s'accomplir».
10. «L'aridité qui n'existait d'abord qu'en principe, au sein des
eaux, devenue sensible par cc mouvement, prend le nom de Terre,
et les eaux qu'elle a entraînées avec clic, en tombant, s'appellent
Mers. 01-, !'Etre des êtres, ayant déterminé ces choses en puissances,
de toute éternité, avait jugé qu'elles seraient bonnes relativement
au but qu'elles devaient atteindre"·
CONCORDANCES
§
4
li n'est personne qui ne sente, je crois, en réfléchissant sur cc
qu'on vient de lire, que la manière toute naturelle cl toute physique
dont Moïse vient de faire naître les Cieux et la Terre, annonce
positivement un passage de puissance en acte. Quand bien même
je n'aurais pas pris soin d'étayer mon opinion à cet égard d'une
foule d'autorités, il me semble que le fait seul padc ici assez haut
pour se prouver lui-même. En effet, pourquoi, si la chose n'était pas
ainsi, !'écrivain saCI"é aurait-il dit d'abord que !'Etre des êtres avait
créé les Cieux et la Terre; cl ensuite que les Cieux et la Terre
s'étaient formés de la séparai ion qui s'était faite entre les facultés
supérieures et les facultés inférieures des eaux ? N'est-il pas évident,
comme l'avait senti saint Augustin par la seule intuition de son
génie, et comme je l'ai irrésistiblement prouvé par l'explication
même des mots qui composent le texte, qu'il n'était d'abord question
que d'une création en principe, déterminée de toute éternité, dans
la volonté divine; et qu'il est question à présent d'un développement successif de ce principe créature! effectué dans le temps?
J'ai appelé cette création en principe, un décret divin, cl j'ai
montré quel était le puissant agent qui avait été charg'' d°l.'XL'cuter
-- 61 -
cc décret. C'est le seul être cosmogonique que Moïse ne fasse point
sortir de l'abîme, comme tous les autres. Il l'appelle Esprit divin,
et le place dans la manifestation de la Volonté suprême dans la
f,wnière intelligible, existant de toute éternité. On a vu que toutes
les cosmogonies s'accordaient sur cc point. Parmi les docteurs
chrétiens, beaucoup des anciens partagèrent cette idée. Nous savons
par le témoignage du pieux Méthodius, que, selon leur doctrine, le
Logos, ou le Verbe, qui était de toute éternité dans le sein du
Très-Haut, comme étant sa sagesse, sa puissance et son conseil, en
sortit au moment déterminé pour la naissance du monde, et y
coordonna toutes choses, d'après le plan que son Père lui montra•.
Un érudit moderne a conjecturé que les premiers Pères de l'Eglise
avaient suivi en cela le système des mythologues du polythéisme,
et il a cité ces vers d'Orphée, où ce système est exposé 2 :
«J'en jure cette voix du Père, cette voix
divine qu'il émit, en ce moment suprême,
où, dans sa volonté, l'univers fut conçu.»
Mais il s'est trompé, en cela qu'il n'a pas réfléchi qu'Orphée, ayant
1·cçu la doctrine secrète des sanctuaires égyptiens, où Moïse avait
été insl ruit, ne pouvait que se rencontrer avec ce théocrate; et que
leurs disciples respectifs devaient, par conséquent, être d'accord
entre eux, quand ils entendaient bien les pensées de leurs maîtres.
Puisque le mouvement de cette concordance m'a porté d'abord
dans les sanctuaires égyptiens, considérons premièrement ce texte
singulier qui en est sorti, pour y attacher le premier anneau de la
chaîne analogique que mon dessein est de construire ici.
«Dieu, dit Taôth, étant une Intelligence qui possède les deux
facultés créatrices du mâle et de la femelle, puisqu'il est Lumière
et Vic, engendre le Logus, une autre Intelligence, appelée aussi
demiurgus, le créateur du monde. C'est !'Esprit divin, qui, doué des
mêmes facultés que son Père, engendre à son tour les Puissances
régulatrices qui environnent de leurs sept sphères le monde sensible,
et forment cc qu'on appelle la nature, ou la nécessité du Destin.,, b
Il
[Après cc premier mot d'un nouveau paragraphe le reste de la ligne
et les deux derniers tiers de la page, qui est la dernière du texte, sont
restés blancs. Mais en marge, on lit cette explication:]
Nota : J'ai interrompu ici cet ouvrage, le 22 février, à cause de
mon procès avec Mad'" d'Olivet. Les tracas qui ont suivi le jugement
de cc procès ne m'ont permis de reprendre mon travail*.
,,
(*) Le point final a été ajouté, tandis que ces mots-ci ont été biffés:
que le 1'". avril suivant. Le présent texte est extrait de l'ouvrage à paraître
in extenso aux éditions de !'Autre Mande (R.A.).
.
!:=
'
.~ r
·-,
.
~
·~
;::
~
~
.§
...;
"''°
i
~
~
~
-
64 -
(1) J'ai déjà expliqué les mots sliamaîm, les Cieux, et artz., la Terre,
dans le Il" examen; el le mot maîm, les eaux, dans le III". Il ne me reste
à parler ici que des mots makôm, le gouffre, îa111111î111, les mers, et
îabashah, l'aridité.
Ces mols sont très beaux en hébreu; mais les mots français qui leur
correspondent sont é.galcrncnt expressifs. Le mot 111akûm signifie un lieu
qui attire, qui rassemble; le français gouffre, qui tient it la racine gaf,
go/, exprime la même chose avec encore plus d'énergie. Tl en est de même
du mot mer, qui, dériv<'.· du latin marc, et tenant it la racine âr, qui
caractérise l'élément pr·imitif fluide, annonce, comme l'hébreu, l'amas des
eaux passées de puissance en acte. Le mot français aridité vaut même
mieux, dans le sens où il est employé, que l'hébreu; en cc qu'il exprime
plus positivement l'absence de toute fluidité, et qu'il tient à la même racine
que le mot artz., la terre, qui Je remplace. C'est comme si l'on disait la
terrestréité.
(a) Mcthod. apud Phot., Cod. 235; Du Pin, Bibl. eccl., t. T, p. 114.
(2) V ocem j 11 ra l'a 1ris
l'rimum quam prodiilit ore,
Consilio ipse suo,
Mundum cum condcret om11c111.
Ces vers d'Orphée sont cités par saint Justin Martyr, Colwrl. ad Gent.,
p.ni. 12. Voyez Petau, Dogm. t/11:01., t. JI, 1. l. Au reste, je dois prévenir
que, fi.dèle aux principes que j'ai posés à l'égard des vers théosophiques,
dans ma Dissertation sur l'essence cl la forme de la poésie, mise en tête
de ma traduction des Vers dorés de Pythagore, j'éloigne exprès la rime
de ces vers.
(b) Herm. i11 l'ima1!d., cité par Bcausobre, Hist. du 11u111ic/1., t. T, p. 585.
Louis Dramard, le président de la branche Isis de la Société
théosophique en France, mourut le 15 mars 1888. Sa mort fut
d'autant plus pénible qu'il était apparemment le cœur et l'âme
de la S.T. en France, aimé et respecté de tous ses membres.
Le successeur de Louis Dramarcl à la présidence de l'i sis
devait i':lrc, normalement, le vice-président Froment. Toutefois,
ce dernier refusa cette responsabilité qu'il considérait bien
trop importante pour un individu aussi inexpérimenté que lui.
Devant cette situation critique qui promettait d'entraver sfrieusement l'avenir de la S.T. en France, H.P. Blavatsky nomma
aussitc)I Gaboriau à la pn."sidcncc de J'lsis, en mai 1888, par
une Jeure circulaire intitulée: «Par ordre supé1·ieur "·
Cette nomination de Gaboriau à la présidence de l'/sis fut
accompagnée d'un incident fücheux cl indésirable dans une
situation aussi critique. Gaboriau publia, dans le l,u/11s de mai
1888 (1Tvuc dont il était le rédacteur), l'ar·ticle de Papus,
«Fabre d'Olivet L'l Saint-Yves d'Alveydrc '" avec des co111me11taircs ù la l'ois contradictoires cl satil'iques. Cet acte provoqua
une vive n'.·action chez Papus qui, accompagné par les membres
GoyanJ cl Lcjay, refusa de collaborer avec Gaboriau. De plus,
les trois contcstalai1Ts (qui étaient membres du bureau de
l'/sis avec Gab<n-iau cl Fi-ornent) l'ondèrent une revue paralll·il', le B11llc1i11 de !'Isis, dans les pages duquel ils exposèrent
l'affaire il leur manière, en faisant appel ü l'autcffilé du président-fondateur de la S.T., H.S. Olcott, pour répa1·er les
injusl iccs.
Il serait 11·op long d'énumérer ici les accusations du
Bulle/in de !'Isis à l'é[.>;ard de Gaboriau et F.-omenl, mais aussi
de Mme Blavalsky. T~Jujors
est-il qu'un schisme se p1·oduisit
au sein de la S.T. en France et l'affaire p1·it un CLffactèrc si
dramatique que le Conseil exécutif cl'Adyar pria Olcoll d'aller
au plus l{>l résoudre sur place le conflit de la branche française, dont les efl'cls nuisibles commcncaicnl à L"mi[.>;rcr à
t"étrangcr puisque le B11llelin de !'Isis éÙ1it cnvo_vé ü toutes
les branches de la Société théosophique dans le monde.
H.S. Oleott arriva à Paris le 16 septembre 1888 cl exprima
sa d<'.Tision dans un discours prononcé le lendemain au salon
Richcf'cu. Il s'efforça de réparer les injustices commises envers
tous les partis en commençant par rétablir les vérités tronquées; puis il annonça la dissolution de l'lsis et invita ses
membres à oublier, en vrais théosophes, « toute expression
malveillante qui a pu échapper aux uns cl aux autres, et à
recommencer sous de meilleurs auspices cl des statuts nouveaux la noble et importante tâche que nous nous sommes
imposL"e "·
Ainsi naquit la branche Hermès de la Société· thésophiquc,
mais Gaboriau refusa toute réconç~liat
et démissionna de
la S.T., le 12 décembre 1888.
Jean-Paul G11rGNFTTF
c
!
1
A la suite d'une erreur dans la mise en pages dans le dernier
numéro, dont l'auteur et les lecteurs voudront bien nous excuser,
le texte de Robert Amadou "PRESENTATION D'UN ARTICLE DE
PAPUS SUR FABRE D'OLIVET ET SAINT-YVES D'ALVEYDRE » a
été amputé d'une note. Nous la publions ci-après, en précisant
qu'elle devait normalement prendre place à la page 19 du
numéro 1 de 1986. Encore toutes nos excuses!
LA REDACTION.
Sour-cc·s:
/,o/11s, Paris, G. Carré, vol. 3, du n" 13 (avr. 1888) au n" 21
(déc. 1888).
B11llcti11 de l'lsis, Paris, G. Carré, n"' 1 (juin 1888) et 2 (juil!. 1888).
L'lnitiatio11, Paris, G. Carré, vol. 1, n" 1 (oct. 1888).
f,c
11
1111
l11
1:1
1111
:I
:1
-
-66-
...•
LE SANCTUAIRE DE FABRE D'OLIVET
;,.
Û\
. .?
·~r
'
/)H~
0
L_,,,'1
ii../
l
Mt...J
.
,,
/'""'-"?'""""' <;.''"""'
7" ::.'/;,1. '
-
p,~<J/
f'".V,t~ . / _,.Jfv~<t-0( <'
7
.--
• .<:-·
e"} J
(.,h
par Robert AMADOU
•;
~n
1
tU
c~
/J
P..-. /n~c:.
/
".)
!>
:i}.;,.
r' .
Z.c,wl'i<~-/·:;r
,-,.;
v~=,1.
1
7
'c
\-~.,n:"'
~
(...-q
~.'Ac-
/~-
•
"~
;'/Ïi~
,/·~._
..,J'.:;:,/.. h""t!..,.,
;~/
•',
'
fi)
~
,"
"7
(p~·.SJ
/)}i:t1._,c'-•~
_.;
.
/u-<J>utHlv
/y,2;7
·~:r
"'#~/:,
c~
i'
. . '7
p~-:
/'."
?"~-+.Jnr<:v
..·...
,.,
;;7....
9~
~,tj"J-L
~-;
/)"'~-,.
.!'
J'ti~
6/-'t.,.
,
vt~C-,
/
'L~/4 ' . //
. ( .
ü:~ ! --n.....-yd--
-
>i-..
Cf~
c,,,_
.tJH~,
c:Y1~,
/
7
.!Î-q~/;,
<'_.?~f-
1
../......-J -';'
'
h~:
"
4
/'
'
9-
.
c..,- '?"; /'"""'".....,__~
,,.,., ... Jh:,.Y~
,,
.;'--,.__,_/.
,
. >...__
?-,,:.. A.,, ..........
,/
1<:_..._:_ •Cr._,...__
;
,
-
.9...
/
~,._fi ,.,
~
r"...
;
;;{\
4-("t~h-HL
q
,.,.._ f
L7}.;,;..,...,_.._.t:t:;-
,.~
c-~·
••t.·n-r.:;
°D.;7•·~
c:··
.
.
.
/)'
~;:.,_
,"
.;_
"""" ,_.,..._,,_,--;_, ........ ~-·,.
!
9'"~;,_.-
:__ v<,...,,.-.,..L
4-._A":/~,L
·-- ~
""
~,.:?
~(
,')_,
<:.-Va,~
nv-:J
. ' : .
.
i ,, ~_,./d
9~-·;L
-
.,.,..,.v.,_._
/- ,...,..,............, 1 ...
&......._
j
fl.- /.,,.__7_Jf·,,.AL.-;
~- f ;~·r> - ê
?-,.(/~
9/e-~"
ô
• ~/'.
,.·.__./.)
9_
•
c:
f-
-
~._,
71"1,..,...
v~.-f
• .,r~:
/~ /
·-
;
t:"'a.~c-1;,_/{
_<l'--j
. -"
/~-·
7;.r,-::,;.
.
111
'
/
- /) h-.:~ . i c.{;_dF~,. J • .x+_;tJ...d.•-">·•dLn._... ·
f/
.
. . .
C~-1·
~
'-Co#~
r.;;;-,
M.
H_A,,.,...; - ,,L
/
,,;;.__4,_ L.-y~
1
-r.:hvo<+? .~,
... ',,_...., /d...,.,..r/
~-.
.
/
a-
---"T/ht!
-:(/1' Ô.
/
.{,~_dLI'/
/._
~l·-<t'
..2;/l'o:
:::::::::::::::-=//
/./i-<,,:,:Vv..?.L
,,...
. . -
/\
.J•. /,;_
//4/r..i..__.. _.._.. /n..,...:JL
=·
.J~,r';
9_
~.·<-
C._,1.- :!/L.
:•• fL ,,_
.
~:_./,
#-L---
(:('
~f,;._L
M
-
'-''"'-·./'"4,_..rd
/'u._,:/ ,./1f•4"-'~;
/ h,,,., .. , ~.;t,-/L
........
._4"'
'/4c.-ç"~
)4//.t_,,._...&:._<_
?"*'_;f',.:::,/
flv......,«Ây.._·,,....,1---.é' /L.J-...:3_.
,
-
<~.,_4/
~,(' -
._.:->.- ,_,....
u.;,-~:
.
...
9
,,9_ /:_
,._l~n-;
C:h/_.,~ ("
,
7
•-~'4·:.f;
.
/
hV~
4' -
,_~.n•1
,ry,,, ......::J
9'4 ,,,,,:._/./.:/_,;:-.<7'/~·?
Y.r-C:: _,(1;~
.
,.,
,?,,,..__.,.-
a/',-·~+
~ ~.9_
. .
-
(_,._,,, ?-i...-• .: ,1-;>i,,,.>41L
'/tIC<·,.~
<~
/.
- // Î..._, ~?n-'
V._-
,.{. . ,../_.. ?'u~-.9,·
.
$,?.
u'
:
.......
,~9·c:f7'1;_
/
;:JÎ'
a
f/Z.--wr,Ji-1
•
j-1~,.;
_,
.9.~-f
q
t,_,1,n..,,..,,_,., .. __
z·/·: - --
•
y4•
f«-/
,0-)">.h.,.,:3'"4
f',,,;,.,,..9. /c:.rc..r····
~ "·~ï
,- ,
~ ..~
/!}//,
.J
.
~
)u;(')--<
-I-
/ .
/';_n,..,1
,,.
-..-V) ""./:
Ûn« ... 1~).
.)•·
'.,.
/
,V,_.-z..__,- j
/>•'/;:
l.
.,r,
J
.,.',.__
"71--P"-,.:.h ·
t
~-
.
.v<lk'
;1;i
~Î
f
{"",J ,..:'
i~.
;/:,__. L lj &rtuü~f24-[n
~·
,~\
·a'lV?Z,~
~
I
cl ~;rt
67 -
'~~·
Première page du Sanctuaire de Fabre d'Olivet,
copie des archives Saint-Yves d'Alveydrc
(réduit presque de moitié)
/
9 ..~:;..
/-
•
..
't
Fabre d'Olivet avait établi chez lui un Sanctuaire qui fonctionna
pendant les dernières années, voire les derniers mois de son existence
terrestre: religion dont il était le hiérophante, culte de mystères,
secte très personnelle el rare dans un genre assez commun.
L'abbé Œggcr et Pierre Leroux y avaient fait allusion; la fille
de Fabre en nia la réalité et Fabre des Essarts-Synésius en confiera
autour de lui des détails pas toujours sürs avant de les publier (1).
Saint-Yves d'Alvcydre, pour avoir lu en 1885 un texte issu du
Sanctuaire, ne pouvait qu'y croire, mais il l'estime digne d'oubli,
d'autant que la seule personne qui cùt pu le renseigner au juste
- Madame Faure certes - , et pcut-etrc ainsi capter sa bienveillance,
ne lui en avait jadis soufflé mot.
La Vraie Maçonnerie et la Céleste Culture: tel est le titre du
document publié en 1953 par Léon Cellier, avec introduction et
notes critiques (2). Quatre parties le composent : un rituel d'initiation
aux trois grades, un «exposé succinct du système musical», quatre
discours, des prières cryptographiques dites «Ave Maria"· Le titre
général est suggestif, bien dans le ton du Sanctuaire dont cc monument subsistait seul. Est-il original? On ne sait puisque Cellier
n'a disposé que d'une copie moderne et dactylographiée ; il dut
même en coffigcr mainte c1Tcu1· patente.
La critique interne de Cellier ne laissait guère douter de l'authenticité que quelques esprits chagrins. Pourtant, la jeunesse et la forme
de la pièce faisaient aux amateurs souhaiter un renfort. Le voici,
avec le rappel de deux petits faits nouveaux et pertinents au même
sujet.
-
111
11
IT -
Présentons donc d'abord un document unique de son espèce, que
nous avons retrouvé dans les archives de Philippe Encausse, parmi
des «Papiers de St Yves d'Alvcydrc "· Une note manuscrite du fils
de Papus confirme cette appartenance, sur la page de cc titre:
Sanctuaire de Fahre d'Olivet 1768-1825. (Les deux dates ont été
ajoutées par une autre main.)
Ensuite, trente et une pages (1-31Y d'une écriture du XIX" siècle
non identifiée (mais plutôt, ce semble, de la seconde moitié) procurent le texte de trois discours correspondant en gros aux trois
t
'I
l11
1
!
11
1
111,
(!) Les Hiérophanles, Paris, Chacornac, 1905, pp. 249-251.
(2) Paris, P.U.F.,; fac-sim. (moins le frontispice), Lausanne, La Proue,
1973. Voir aussi, du même auteur, l'indispensable Fabre d'Olivet. ContrihuJion à l'étude des aspects religieux du roma111is111e, Paris, Nizet, 1953.
IJ9
-- 68 -
premiers du daclylogramme édité par Cellier; ni plus ni moins, cl
même les formules d'ouverture et de fermeture « du champ" manquent, qui terminent le deuxième discours chez Cellier. Une autre
main, que je n'ai pu reconnaître davantage, peut-être la même qui
est intervenue au titre, a ajouté en note, après l'intitulé du premier
discours, la date où mourut Fabre d'Olivet.
Les variantes d'orthographe, de ponctuation, de soulignement,
d'alinéas sont très nombreuses et toutes superficielles. Les variantes
textuelles sont nombreuses ; la plupart décèlent d'évidence des
erreurs du copiste moderne ; aucune, toutefois, n'altère le sens.
Le texte du troisième discours est tout entier une variante; ici, non
plus, le sens n'est jamais modifié ; mais plusieurs passages du texte
édité par Cellier sont omis. Parfois, un renvoi de notre copiste lui
épargne une n'.·pditio11. Enfin, cc copiste a cru expédient de relever
une contradiction entre trois passages relatifs aux trois 01·drcs.
L'analvsc cldailkc du manuscrit est c11 cours, sa publication est
prévue. Dès maintenant, ces conclusions-ci sont acquises:
!. L'authenticité Jabriennc de la Vraie M11co1111erie el la Céleste
cu/lure est confirmée.
·
2. L'exactitude du texte des c.lc11x prcrnÎLTS discours publiés par
Cellier est confirmée, ainsi que la justesse de ses propres corrections.
3. li paraît légitime d'extrapoler et de te11ir pour conlîrméc l'exactitude de l'ensemble du lexie de la Vraie Mw:unneric ...
4. Quoiqu'aucune variante ne touche au fond de b pensée, notre
manuscrit permet c\'aml'liorcr l'édition dl' Ccllil'r, quant aux trois
premiers discours. L'existence de deux vcTsions, c11 srnnmc, du
troisième discours pose un problème pari îculîeL
5. La présence du manuscrit dans Je;; papic1·s de Saint-Yves
d'Alvcydrc incite ù supposer qu'il s';1gil du manuscrit, ou d'une
copie du manuscrit que lui avait, (-cril-il, «communiqué», en 1885.
Rosen - ra hhin défroqué, ru ricux an t i-rnacon et corn·t îcr sauvage.
(En cc cas, le manuscrit otl sa copie nous sont-ils parvenus
complets?) Comme on observera une rencontre, elle suscitera
l'hypothèse d'une influence.
-III-
qualité maçonnique d'Antoine Fabre d'Olivet lui-même, tout récemment dccouverte. Le frère Fabre visita le Centre des Amis, du rite
écossais rcclilié, en 1821 et 1824 (3). Je ne sais oü Fabre avait reçu
la lumière maçonnique. Du moins, quand il parle, à plusieurs reprises,
de la ma~·oneric
« adonhirarnitc '" il me paraît que cc n'est pas
dans le sens spéciliquc où Guillemain de ~)aint-Vclor
et Ragon
emploient ic terme; mais cc n'est qu'une imp1·cssion.
Au symbolisme -- adonhîrarnilc - du bàtimcnl, la vraie maçonnerie de Fabre substitue celui de l'agriculture. Rien d'inouï en
matière d'initiation. Cellier rappelle Elc~1si
et les propos de SaintMartin sur l'image du germe. André Bretou parle fort bien lù-dessus
et l'équivalence de la constn1clion et de la plantation est un lieu
co111mu11 du rabbi11isn1c cl de la kabbale. Aussi, s'enracine, oserai-je
dire, dans le germe le lien privilégié de la g1losc avec b léminilé,
que la 1héosophîc comprend.
-
Féminité, lc·mmcs de chair· plus ou moins, plus ou moins vraiment
spiritualisées ...
Les «adorateurs théudoxcs '" cncorl' qualifiés « uraniles '" sont
aussi les « cultivatt:urs uranitcs de l'lmmortcllc "· Üllcllc Immortelle? L'Egéric de Fabre qu'il nomme « Egérie-Théophanie»; Julie
Marcel, de son nom vulgaire, qui mourut en 1802 et se réincarna
en 1810, scion Fabre en qui cc laps de temps lui avait suffi pour
instiller le gcrrnc du Sanctuaire; par conséquent, sa «vraie fondatrice».
Souvenir d'Auguslè Comte et de Clotilde de Vaux: l'affaire verse
dans la sensiblerie cl J'i111agi11airc le plus concret; sou\-cnir de
Jules Doincl, tout idéaliste, et sentimental, c11 «loi amant de Sophie»,
a propos duquel la question vient d'C·trc lrait<.'.·c ( 4 ). Mais souvenir
aussi d'au! res <.'.·pisodcs de la vie de Fabre : son c'pousc qui demande
le divorce, «épuisée de magnétisme», scion Fabre des Essarts (mais
quel magnétisme?) (''), Virginie Faure, n(·e Didier, l'ultime consolatrice, l'ultime inspiratrice ( 6 ).
(3) Voir la biogi·aphic dl' Gilbert, qui élail l1l' CL'lk loge, dans /Jeux
Gilbert, ([ouvres co111111c111ëcs, Paris,
Cariscripl, 1982, p. 31.
(4) C'l'st, en ctrcl, le titre de l'étude limin:iirc :1 nolrl' réédition de
/,11cifer dé11111s1flll', Gl'nèvc, Slatkine, 1983.
Fabre des Essarts révc que Fabre d'Olivet eùl été un gnostique en
ri:gle: « De race cc'\Tnole. protestant, il descendait dl' ces fiers Camisards,
qui tinrl'nt télt' aux bourrl'aux du roi, cl pa1· eux touchai! il ces mystérieux
Vauduis, qui eux-111éml's n'étaient pcut-étrc il l'origine qu'un raillcau sccrèlcml'nl rallaclK' il l'arbre gigantl'squc ,(]ui s'appelle la Gnose! ,, (op cil.,
pp. 241-242). En tout cas, le roman vaudois dl' Fabre d'Olivet, f,('S 111011tag11ards des Alpes (1837). n'a pas Antoine pour auteur, mais son fils Dioclès.
(5) 11 va du magnétisme dans la thérapeutique de Fabre pour les sourdsvn 1:111111 uc·t1:111t la double
mucls. CL·llicr s'en csl aperçu, WJ11s \" ré·l<To1~
lhèsc dl'. Fabre d'Olivet sur la surdi-mulité ü guérir cl sur la langue
hébraïque il restituer. (Voir «Dl'. la langue hé/Jraïquc restituée à l'Esoléris111e de lu Genèse», L'initiation, 1986, 11° 2).
(6) Certes, disais-je, clic était membre du Sanctuaire. C'est même le
seul membre dont l'identité nous soit cmm11c. avec Mme Camusat dont
Pinasscau avail communiqué à Cellier une lettre que lui avait adressée
amis de Sai11t-Marti11: Gence cl
«Vous C~l's
destinés à devenir des adorateurs thc'odoxcs, et je
suis appelé à vous initier dans tous les nwstèrcs de cc culte universel. » Tout est là, dans cet te décision de· Fabre d'Olivet : au Sanc1uairc, le culte théocloxiquc universel, ou connaître pour devenir
meilleurs.
La doctrine est cette théodoxic universelle, d'intention gnostique
assurément, qu'expliquent tous les livres de Fabre; le dernier,
inachevé et posthume, nccaparc ces deux mots pour son titre.
L'enseignement, dont Fabre se proclame seul capable, utilise au
Sanctuaire des leçons et des rites. Dans les rites l'influence maçonnique prédomine. Pythagore et l'Egypte, fort mythiques l'un et
l'autre, y mettent leur marque ; ne marquaient-ils pas, à l'époque
et non moins mythiquemcnt, bien des aspects de la franc-maconneric "? Notre premier fait nouveau à rappeler n'est autre que la
IV-
1
Il
lil
·1
11
'ili
1,
j,
,1
,,,1,
-
-71-
70
Et le culte solitaire de Saint-Yves d'Alveydre pour son épouse
défunte. Mais le rapprochement avec Fabre d'Olivet, dans son
rapport avec Julie Marcel, devient ici étroit. Car, dans les deux cas,
culte il y eut, le plus pratique, le plus rituel.
-VL'amour d'Egérie-Théophanie a «déterminé en puissance l'édification» du Sanctuaire, parce que sienne est «la main qui la première
a osé toucher à ce voile pour l'entrouvrir». Ce voile... Entendez
le « peu profond ruisseau calomnié », de Mallarmé, « la mort ».
Et, dans le Sanctuaire réalisé, organisé, non seulement avec la
Madone, mais avec « toutes les âmes héroïques qui ont reçu le
bouquet d'immortelle et qui font partie de ce Sanctuaire» - dix
âmes d'hommes et douze de femmes - , la théurgie est prescrite,
analogue au magnétisme entre les êtres incarnés. Cela qui hantait
aussi, je pense, Saint-Yves d'Alveydre (des cérémonies évocatoires
rapprochez, par exemple, de troublantes pages des Clefs de !'Orien/),
cela s'esquisse dans !'Essai sur le spiritualisme de Joseph Gilbert,
le meilleur ami de Fabre d'Olivet, dont l'édition (7) constitue notre
second fait nouveau, utile à s'approcher du Sanctuaire. La simplicité
et la clarté de Gilbert ne dissimuleront pas que cela est, ou peut
être, soit très sombre soit très lumineux : cette communication avec
l'au-delà qui implique le corps, Je psychisme et l'esprit, cette magie
efficace et incertaine, prestigieuse. Je crains, je crois que Fabre
d'Olivet mourut, dans son sanctuaire, d'un suicide psychopathique
et rituel (8 ).
R.A.
Fabre. Cette lettre a été proposec, en même temps que deux autres du
même à la même, par la librairie Charavay, en 1967, sous le n" 31929 de
son catalogue.
(7) Voir supra, note 3.
(8) Voir « La mort de Fabre d'Olivet '" L'All/re Monde, n" 88, p. 21.
DE LA LANGUE HÉBRAIQUE
RESTITUÉE
A L'ÉSOTÉRISME DE LA GENÈSE
par Robert AMADOU
A parrain
II. Vain programme: la langue hébraïque
restituée. - III. Fabre-palabres. - IV. Sauvés par Chauvet. V. Le décompte. VI. Saint-Yves d'Alveydre intervenant.
VII. Programme efficace: l'ésotérisme de la Genèse. - Appendice:
Genèse !, /, comme exemple.
1. Un projet commun. -
1
UN PROJET COMMUN
Quant à l'homme, plus souvent malheu1·eux qu'heureux, il fut tout
sincère, tout honnête, cherchant et enseignant tout dévoué, chercheur
sans rraude quoiqu'il s'illusionnât fort. La mort d'Antoine Fabre d'Olivet
a-t-elle été tragique, et comment? Il n'importe: ses dernières années
l'auront apaisé dans l'enthousiasme.
Un labeur constant, aux fruits énormes, manikste chez lui une volonté
et une puissance également admirables, la boulimie du curieux, un désir
de comprendre où ne parvient pas à s'absorber son besoin d'amour.
L'œuvrc, sous ses diverses espèces, d'un genre unique, varié et assez
singulier, déroute qui s'y astreint; elle réconde qui la poursuit en la
critiquant et y réfléchissant.
Cc dernier propos s'illustre au cas de son chef-d'œuvre. Par la Langue
hébraïque restituée, il tente de connaître l'homme et le monde, leurs
vicissitudes, à partir des origines, sous le chiffre de la Genèse -- en fait
dans les lettres qui composent le Sépher Béraeshit. Du Sépher, comme il
dit absolument, s'inaugurc donc une lecture neuve, à la fois philologique
et ésotérique.
Là, le mérite objectif de Fabre d'Olivet est, à mes yeux, d'avoir ouvert
la voie, tant de soi que grâce au truchement partial de Saint-Yves
d'Alvcydrc, à Auguste-Edouard Chauvet. L'auteur d'Esotérisme de la
Genèse, au milieu du xx• siècle, rend hommage exprès et documenté, à
celui de la Langue hébraïque restituie, parue sous la Restauration.
D'abord, il le nomme au premier rang dans le temps des précurseurs.
Puis, il allègue nombre de ses réussites et de ses erreurs que je dirai
linguistico-doctrinalcs. L'amalgame s'impose, en effet, et voire davantage
que scion Fabre lui-même. Tantôt celui-ci l'avait vu ou pressenti, tantôt
ignoré; Chauvet le déclare, c'est son axiome: la linguistique dérive de
l'idéographie des caractères hébreux (et non pas seulement de leur valeur
hiéroglyphique) concourant avec leur usage alphabétique, et la doctrine
se conforme à la Tradition universelle dont, pourtant, toutes les formes
ne sont pas équivalentes, puisqu'elle se perfectionne dans le christianisme
'1
1
,1
,'1
-
72-
que le judaïsme a préparé; dès lors, le dogme chrétien aide à découvrir
les autres formes traditionnelles, tandis que leurs ésotérismes favorisent,
par résonance, l'invention de celui du christianisme, I' «ésotérisme de la
Genèse».
Ainsi, Chauvel dépasse infiniment Fabre, et point d'ancétrcs au génie
Mais Fabre reste le pionnier.
II
VAIN PROGRAMME: LA LANGUE HEBRAIQUE RESTITUEE
La langue hébraï1111e rtsliluée, el le vérila/Jlc sens des l!lUls hé/Jrew:
rétabli cl prouvé par le11r analyse radicale. Ouvrage dans lequel 011 lrouve
reunis: ]" Une d1sser1u1ion i111rud11c/il'C SI/Y l'origine de la 1'11role, l'élude
des /w1g11es l/lli pc11vc111 _,. cmuluirc, el le but que /'Auteur s'est prupo.sé;
2" U11c grmnmaire !téhraïc111e, fondée sur de llOlll'l'llllX principes, cl rc11d11e
11tile lÎ l'1'tude des langues l'/1 genéral; 3° l!nc serie de racines hdnaïques,
enFisagees sous des Ul/J/!orts 1w111'l'lllt.t, el d1·stinées à faciliter /'i11tcl/igence
du langage, et celle de la science é1yn10/ugi<111e; 4" Un Discours prdlimi11(11re; 5° Une 1rad11c1io11 c11 français des dix prc111iers clrnpilrcs du
Séphcr, co111e11a11t la Cosmogo11ie de Moyse. Celle traduclion, destim'e à
servir de prc11Fc aux principes pos1's dans la grammaire et da11s le dictionnaire, est pn;cedéc d'une version Ii11àale, en français cl e11 anglais, /aile
sur le texte /1éhreu présenlé l'/1 original avec 111ie transcription e11 carac1ères 111odcr11es, et acco111pag11ée de 11utes gra111111atica/es et crilque.~
où
/'interprétation donnée à chaque mot est prouvée par son anal.vse radicale,
et sa confrontatioll avec le 11101 a11alogue samaritain, clrnldaïqne, syriaque,
arabe, ou grec. Par Faine d'Olivet.
Fabre ai111ait it expliqueT el ù cornrnenter ses explications cl ses commentaires. Mais ne voilù-t-il pas qu'ici le sous-titre s\ met·: La notice
est laite.
De 180.'l it 1811, le linc occupe Fabre, qui lllL'lrie, harassé, lui sacrilie,
en 1810, sans nostal!,!ie, un poste de gratte-papier. Le manuscrit autographe
est conservé· à la bibliothèque de la Société de l'histoire du protestantisme
français.
La « langue ht"braïque restituée», pourquoi cl comment J'
Afin de tracer· l'histoire de l'univers, qui tournera à l'épopée en prose,
aux rc'férenccs un peu ohscssio1111elles, Fabre s'i11tc1Troge sur l'origine de
l'hom111e cl celle-ci suppose élucidée l'origine de la parole. Au philosophisme en celle' dcr11iè1·e· instance, qui passionna le XVI 11·· sit:cll',
réplique Antoine Court de Gébclin, cet élu coën méTonrn1. Fabre doit à
l'auteur du Monde primilif (1773-1782) 2 , l'initiative d'étudier, il son propre
départ, les langues plutôt que le langage; sa foi dans l'origine divine de
la parole va ainsi éclairer une attitude sciL'ntifique qui finira par la
tk'montrer.
Trois langues peuvent contribuer i:l reconstituer la langue primitive: le
chinois, le sanscrit et l'hébreu; chacune a son maître liv1·e: respectivement le Yi-King, les Védas, le Sepher Béraesl!it, ou Sépf!er. Fabre choisit
L Léon Cellier, Je meilleur biographe de Fabre i:l cc jour, en dépit des
petites dimensions intellectuelles et de la pénurie initiatique de sa thèse,
a laissé, sur le thème, un e·xposl' commode: Fabre d'Olivet. Co11trib11tio11
à l'étude des aspects religieux du Romantisme, Paris, Nizct, 1953, pp. 131182. Cellier reprend Fabre, nous incorporons de l'un et de l'autre.
2. La plus exacte prisée historico-linguistiquc de C. de G. linguiste et
dans l'histoire reste Joseph George Reish, C. de G., eighlee11tli-century
1!1i11ker and li11guist. An ttppraisal, thèse U. Wisconsin 1972, Ann Arbor
(Mich), Diss. Abstracts International, XXXII (1971-1972).
- 73 --
en priorité l'hébreu, qu'il avait étudié vers la fin du Directoire, parce
qu'au champ du savoir sans lin, l'homme ne travaille qu'une vie brève
et que les principes généraux en correspondent le mieux à la solution
cherchée.
Sur la langue hébraïque, donc, s'exercera la méthode que Cellier nomme
joliment «une alchimie littérale». Les signes - originel serait le signe,
et originale l'intuition qu'en a Fabre - sont à considérer sous le rapport
des idées primitives qu'ils expriment et par lesquelles ils sont constitués
signes représentatifs de ces mérncs itkcs. C'est le progrès de Fabre sur
Court: le signe n'est plus seulement une peinture symbolique, il est
l'expression d'une idée. (Mais, pour exprimer l'idée, il convient d'élire, dans
la nature élémentaire, des objets matériels, que l'homme spiritualise, pour
ainsi dire, en les transfl'rant, par le moyen de la métaphore cl de l'hiéroglyphe, d'une n"gion dans une autre.) Le signe manifesté· extérieurement
devient le 11om; k nom caractérisé pa1· le tvpc ligu1·é devient le signe.
Ni le mot écrit ni k mot prononcé ne sont ;irhitr;1ires. Remonter aux
origines du langage, de la Parole, c'est méditer sur le signe: voix, geste,
l't, de préférence', caractères sacrés.
Venons il la (;enèse, ;1u Séphcr. L'ouvr;1gc a beau passet' pour inspiré, il
répugm· ù l'inlclligence. Une r;fr;on suflil: la tr:1duction est fausse; et,
si toutes les traductions de la Ge11è·se sont fausses, c'est que la langu~
h<'.·hraïque est perdue L'l que, par consé·quent, aucun interprète n'a moyen
d'éclnppeT ~t l'crrl'UL Program111e: restituer la langue hébraïque.
Des donné·es de 1";1it montent le c;1dre de la cry·plographie. Elles s'enchaînent : Moïse est l'auteur du Sl'phcr; Moïse a été initié aux mystères
de l'Egypte; l'hébreu esl le pur idiome cles anciens Egyptiens; la langue
hébraïque a l'tl' oublié'e ù Babylone et toutes les traductions réputées de
l'hébreu rendent, en réalité, la version des Hellénistes (autn.'ment dit,
l'hébreu, composé ù l'origine d'expressions intellectuelles, métaphysiques
cl universclks, est de\TllU insensibk1nc111 de natt11·e grossièTc parce que
cet te langue fut rcst rein te aux expressions matérielles, littérales et partinli ièTes, dont la Septante se co1llentc, ;1u bout du compte) ; Moïse, dans
sa pn"voyancc, avait, cependant, confié· de vive voix le secret de la langue
hébraïque, qui aboutirait non pas, comme de notoriL'té publique, aux
k:,1bhalisll's, mais aux esséniens. Or, cc secret, Fabre l'aurait violé pm- son
gl'llll'.
L'analyse sémiotique de l'écrit, du S1.'pl!er, peut alors commencer et
Fabre la rnènera i1 bonne lin, tf1clw gig,111tesquc d'un autodidacte; du
moins s'assurc-t-il que l'ensemble achevé, e'll effet, révèle la révélation dont
il conlirmc le postulat J
,1
1
,1
3. En rapport direct avec la traduction nouvelle du Séplzer et avec la
métaphysique du langage qui a fourni les bases de la /,a11gue /1dnaïq11e
restituée, inscrivrn1s le traitement de la surdi-mutité par f"abre d'Olivet,
qui s'y illustra (affaire Grive!, 181 l) et c11 pàtil. Peu importe la réalité
de l'effet thérapeutique. Fabre voulut ainsi réussir une double démonstration.
D'une part, «le sourd-muel ( ... ) doit ouïr, cntc11drc et comprendre
comme un homme doué en naissant de la faculté auditive, ù mesure que
le principe se développe en lui par une cullurc appropriée, de la même
maniè'l"e qu'un germe déposé en terre y fermente, s'y développe, et produit
avec le temps et la culture nécessaitc une plante parfaite scion son
espèce.» (cité par Cellier, op. cil., p. 172). L'innéisme et le spiritualisme
s'avèrent donc.
D'autre part, le secret de Fabre, scion une note de sa lille (citée par
Cellier, op. cil., p. 176), tient au magnétisme, au magnétisme spirituel
certes, presque ù b théurgie. Or, cc secret-lit est contenu dans Genèse,
Il, 21, comme traduit et commenté dans la Langue hébraïque, s'agissant
principalement du sommeil d'Adam, le fameux lardemah.
Voifa poLll'quoi Fabre d'Olivet pouvait revendiquer, dans son traitement,
Je principe d'une science qu'il disait bien connaître, et celui qui se ~rouve,
i
1
il
,,1
,)
i.
1
i
1
:1
1
-
74 -
LA
LANGUE HÉBRAIQUE
RESTITUÉE,
ET LE VÉRITABLE SENS DES MOTS HÉBREUX
RiTABLI l!:T PROUVÉ
PAR LEUR ANALYSE RADICALE.
OuvRAGE dana lequel on trouve réunis:
1•. Une D11DllT.lTI01' n•Taoo11CT1vz our l'origine de la Parole, l'étwle des langues qui peuvent y
conduire, et le but que l'Auteur s'est proposé ;
2•. Une GuKK.lJall aiauïQ111:, fondée sur de nouveaux principes, et rendue utile à l'étude des
langues en général ;
3•. Une_série de It..asu UH.lÏQ11U, enviaagées sous des rapports nouveaux, el destinées à faciliter l'intelligence du. lang98e, '" celle de la science étymologique;
4•. Un Disco11a1 PaÉL1•11'.lbJ: ;
5•. Une traduction en français des dix premiers chapitres du Sépher, contenant la Cos110Go111E
de MonL
Cette traduction, d•tink l oervir de preuve aus principes p<>oé• dans la Grarrunaire cl dans le DictionDIÎre, est précl!do!e d'une 'YSUIOK LJTrilu.Ls, en franc;ais et en anglais, faite sur le texte hébreu présenté
en caractères modernes, et accompagnée de notes grammaticales et cri':" original avec une ~ption
donnée à chaque mot eat prouvée par son analyse radicale, et sa confrontation
tiques, OÔ l'in~toa
avec le mot analogue aamaritain, èhalda'ique, syriaque, arabe, ou grec.
PAR
FABRE-D'OLIVET.
A PARIS,
L'Aunua, rue de Traverse, n°. 9, faubourg St.-Gennaiu ;
CHEZ BARROIS, l'aîné, Libraire, rue de Savoie, n°. 13.
{
EBERHART, Libraire, rue du Foin St-Jacques, 11°. 12.
1815.
-
75 -
Le texte ae uuse est celui de la Polyglotte, hormis les points massorétiques ; les notes de Fabre, qui se limitent à justifier grammaticalement
le sens donné, allèguent les versions samaritaine, targoumique, chaldaïquc,
et aussi la Septante et la Vulgate.
Les chapitres 1 à X de la Genèse forment un groupe cohérent, où tous
les arcanes de la nature, toutes les sciences ont été enfermés par Moïse.
Naissance de l'univers et naissance des êtres, puis leur histoire qui se
déroule, en particulier celle de la terre et de ses habitants, l'homme au
premier chef. Le Sépher, en ses dix premiers chapitres, conserve une
cosmogonie, on voit quel est son train. (Moïse était instruit aussi de la
théogonie, c'est-à-dire de la vie intime des dieux et de Dieu, mais il
estimait les Hébreux incapables d'en supporter la charge.) Chaque chapitre
de cette cosmogonie, de cette encyclopédie correspond au symbolisme de
son nombre: 1. Parlicipalion (la puissance, le germe). - II. Dislinclion
(de la puissance à l'acte). ·--- III. Ex1ractio11 (l'opposition surgit). IV. Multiplicatio11 par division (le tout se divise en parties).
V. Compréhension facultative. - VI. Mesure proporlionnelle. - VII. Consommation (de la catastrophe au renouvellement). --- VIII. Accumulation
(les choses divisées se réunissent en retournant à Jeurs principes). IX. Res/auration (du raffermissement prncèdc un nouveau mouvement). X. Energie agrégative et formative (les forces naturelles se déploient et
agissent).
La Langue hébraïque restituée prépare, scion le plan de Fabre, !'Histoire
philosophique du genre humain, à paraître en 1822 4 , puisque, grâce à elle,
l'historiographe est censé savoir lire (et il sait le sens de l'acte de lire
en même temps que du texte lu). [,es Vers dorés de Pythagore, antérieurs
de deux ans mais contemporains de la rédaction, où Fabre prétend
dénicher sa doctrine, ne restent pas isolés : pour la première fois depuis
le déluge, un homme, moi, s'écriera Fabre, qui ai restitué la langue
hébraïque, un homme s'est trouvé placé dans une situation assez favorable
pour enseigner dans son entier la théodoxie universelle.
Qu'est-ce que la théodoxie universelle ? La doctrine précisément - sa
doctrine que Fabre, tel René Guénon au siècle suivant, identifie avec la
Tradition - et l'ouvrngc qui porte ces deux mots en litre 5 joint la Langue
à J'en croire, le plus clai1·cment énoncé dans les dix premiers chapitres
du Sépher, quand on sait Je lire (et c'est en fonction de l'origine des
idées); du coup, Je moyen du traitement se réclame de l'Egypte antique.
Et voilà pourquoi Je témoignage du sourd-muet réputé guéri devait être
écouté ici.
4. Cette première édition avait pour titre: De l'Etat social de l'homme,
ou Vues philosophiques sur /'histoire du genre humain. Le même éditeur,
Brière, à Paris, donna, en 1824, au solde du tirage un nouveau titre:
Histoire philosoplzique du genre fwnzain ... , qui a fait fortune.
S. Cet ouvrage, la plupart des auteurs. sauf Guaita, l'ont cru n'avoir
existé qu'en imagination; Durbon-aîné en détint quelques pages qu'il publia
(voir note 6) ; nous en avons inventé le manuscrit complet, excepté les
pages qui transitèrent chez Durbon-aîné, et sous réserve que le livre luimêmc est demeuré inachevé. Voir R.A., «Un livre inédit de Fabre
d'Olivet», L'Autre Monde, n'" 88 et 89. nov. et dée. 1984, pp. 16-21 et
26-31.
Sur de rares points (notamment, scion Guaita encore, l'origine du mal),
la traduction commentée par Fabre d'-Olivct du Caïn, en trois actes, de
Byron (1823) enrichit la Langue hébraïque restituée.
En revanche, est apocryphe, scion une très grande probabilité, cette
«Traduction littérale de la Genèse (manuscrit inédit). Mot à mot de la
lettre pour servir à établir la traduction de la lettre», que /'Initiation
publia, de février à août 1903. sous la signature de Fabre d'Olivet.
L'auteur en semble être Boisquct, disciple de Fabre (voir Cellier, op. cit.,
p. 381, n. 1, et p. 426) ; cette dernière qualité interdit de négliger l'œuvrette
un peu folle.
Enfin, un second apocryphe, certain celui-là, nous a frappé, que la
-
76 -
-77-
L'l l'Hi.,toire, tout en engageant Pythagore, car c'est un commentaire sur
la cosmogonie de Moïse, qui en affirme la similarité avec ks systèmes
des autres traditions particulières: en amont le langage, en aval l'humanité.
Fab1-c ne tire pas toutes les conséquences politiques, mais -·-- révé-jc? -il paraît apercevoir que l'évolution de l'univers se reflète, homologue, dans
la marche de l'humanité, des civilisations ... En l'état, cependant, la
Théodoxie 1111iverselle fait suite à la Langue hébraïque et corrobore
l'Histoire plzilosoplzique ainsi que les examens des Vers dorés.
A cause de Napoléon, la f,anguc hébraïque restituée attendra l'imprimeur
jusqu'en 1815-1816; le Jo11rnal de /'imprimerie annonce le premier volume,
daté de l'an préc(~dnt,
comme le prospectus, au 27 janvier 1816, et le
second au 3 juillet suivant; deux parties in-4". Les éditeurs sont, ù Paris,
l'auteur, Barrois, Ebcrhart 6 .
Travail litté-rairc et non pas théologique, avertissait Fabre (quoiqu'il
ajoutât que certains théologiens pussent en bénéficier). Cc nonobstant, le
26 mars 1825, la Sacrée Congrégation de l'Imlcx inscrit la La11g11e hébraïque
restituée ù son catalogue. Un admirateur, en 1869, soutiendra b justice du
verdi cl : « Cc livre de Fabre d'Olivet étai l le coup le plus terrible qui pùt
ètrc porté il la religion chrétienne. C'était la lurnièr·c opposée enfin aux
ténèbres de la plus crasse ignorance.» 7
L'honc11r ! Faule de bonne et fière théologie, qui serait vraie théocloxic
ou lhé·osophic, inhérc11lc ù la vraie linguistique sacrée, 011 plutôt l'crnbrassa11l, Fabre Cil rail de honlL'USl' l'i perverse. Au plomb vil du prog1·ammc
rempli, s'est changé l'or pur espéré du pro.iet. Chauvel innirscra k
n'.'sullal, il le rétablira, après avoir rectifié le procé·dé', c• L'n le vivifiant.
III
FABRE - PALABRES
D'emblée, Je chd-d'u:uvrc de Fabre tomba presque à plat; il attendra
trois quarts de siècle avant de devenir célèbre. 8
En 18LO, l'auteur essaye qu'un autre éditeur arrive ù vendre ses
cxcrnpla1rcs: Trcuttcl et Wurtz, qui avaient publiés les V ers dorés en
1813; encore, il relance, en août 1824, le libraire Brière, autre dépositaire,
sous la marque duquel était sortie J'His/Oire philosophique. Sans guère
de succès.
Dclislc de Sales, le maître vivant de Fabre, était intervenu par allusion
sur Je rapport consacré' aux travaux tk l'Institut de France, en 1811; il
avait signalé la trouvaille d'un Ji! analytique des langues anciennes et
génératnces: hébreu, sanscrit, égyptien, propre, eornmc il Je mont rc, ù
jeter· un aperçu des langues primitives. Mais un autre savant, sans a11inité
tt'aut·u11t· :--.une aVl'C t·atH'L', 4u~tnd
etc.~
lilt(·rature ignore cl dont la fausse allribution, en de certains 1ich1crs,
lient ù l'i11advc1·tancc d'un bibliothécaire, ù la bibliothèque SaintcGcnevii:ve, par L'xernple: f,c livre du prop/zi'lc /Ju11ic/, trw/11i1 i/'apn~s
le
texte héhrc11, aral11éc11 et grec, avec u11e i11trod11ctiu11 critique ou défense
11ouvc!lc du livre et 1111 co111111e11/aire lillàal, ex,'gétique cl apolog,'tique,
par Fabre ... d'Envicu (J\bbé J.), Paris, E. Tllorin, Toulouse, E. Privat,
1888. C'est un ouvrage habile cl ullra-conscrvaleu1-, sans relation avec
noire Fabre; il évoque Court de Gébelin sans aménité (1, 367-370).
6. 2" éd., Paris, Chacornac, 1905, 2 vol. in-8° (partie recomposée, partie
fac-sim.) ; 3" éd., i/Jid., 1922, in-8° (retirage de la précédente, avec quelques
variantes dans la recomposition) (Cellier indique encore, ibid., 1924, dont
nous n'avons trouvé aucun exemplaire; très probablement il s'agit, si cc
n'est un lapsus, d'un second retirage de 1905 ou un retirage de 1922.)
Fac-sim. de la 1".,. éd., 2 vol. au format légèrement réduit, éd. augm.
d'un complément inédit rédigé en 1823 sous le titre de Tlzéoduxie u11iFcrsel!c .. ., Paris, Durbon-aîné, 1931 ; id., Paris, la Tête de Feuille, Lausanne,
La Proue, 1971, collection « Dclphica », 2 tomes en un vol. au format
légèrement plus réduit qu'en 1931 (moins l'cffala, la liste des souscripteurs et la T.U. pourtant annoncée au titre) ; puis Lausanne, J'Agc
d'homme, 1975, collection « Dclphica », c'n deux tirages: l'un en deux vol.
(la T.U. disparait du titre), l'autre en un seul volume (augm. de l'errata
et de la T.U., pourtant absente du tit1-c).
7. Par de C. (?) ap. La Ci,~alc
n" 20, 16 mai 1869, rééd. in ."fi,·cdla11rn
Faine d'Olivet II, Nice, Bélisanc, octobre 1977, p. 13.
J'ouvrage a paru, n'_\1
\'(t
p~ts
tiL' n1a111
morte. Pauvre Volney!
«Outre· la \·cdcur Lie son qui c1pparliL'11t au" fl'\lres hé·hraïques, elles
ont eu, dès kur origine, des noms appellatifs transmis d'ügc en üge, qui
ont été cl qui sont encore pour les savants un sujet énigmatique de
recherches cl de disputes ( ... ) li paraît qu'au troisième et quatrième
siècle de notre ère, on expliquait ces mols bien dill'ércm1nenl, comrnc on
le voit dans une citation de l'évéquc Eusèbe: son explication est si peu
raisonnable, que l'on a droit de penser que, vu la haine rendue aux
chrétiens par les Juifs, les rabbins se sont rnoqu(,s de nos dol'lcurs;
d'autre part, il est constant que ces rabbins, livrés it leur esprit d'allégorie,
ont supposé it ces mots une profondeur de sens rnystiqllL' qu'ils n'ont pu
avoir; il appartenait à notre üge, oü se rajeunissent tant de vieilles
rèvcrics, de voir celles-ci reproduites cl ampliiiéL'S par des hommes,
d'ailleurs doués d'esprit; mais comme l'esprit n'est que la facult<' d'apercevoir dn rappur/s, cl comme cette faculté peut mener ~1 voi1· t'i' (/Ili 11'cs/
pas, quelq11L·s-u11s se sont .jetè·s da11s l'i11wgnlilirc. Court de (;è·IX'lin L'll a
été un premier exemple; un s<.Tond se tnnlvL' dans l'auteur du livre
intitulé, la La11g11e lzéhraïque, etc., etc., avec une analyse de Scplzcr, etc.,
un volun1c in-4''. »
9
Cependant, l'année mèmc de la sortie, "pour le groupe lyonnais, la
publ1cal1011 de la Langue lzé/JraÏi/11<' rcslitzu'c fui un c'\'t'nl'n1L'nl. Cc n'est
pas sans appréhension toutefois qu'ils virent paraître CL' livre» 10 , écrit,
en 1816, Ampère it Ballanche. (Ballanche cl Fabre d'Olivet, beau sujet où
Cellier est ü l'aise.)
Le bon, le vénérable, le vl"nérc' abbé Lacuria, cet initiL" saccnlolal, non
pas ét rcrngcr ù l 'c'l'ole de Lvon dans la prern ière moi 1i(· du X 1X" sii'cle,
a connu de kclurc Faf)l'c d'Oli\Tl, dont il (·crit dans les Iiar111011ics de
l'être, édition de 1899:
"Plusieurs hébraïsants croient que d;111s la la11gUL' biblique 11011 seulement chaque mol, mais chaquL' ll'ltrc a un .sens spécial.
»Un de ces hébraïsants, M. Fabre d'Olivet, dans son ouvrage f,a lan1~e
hé/Jraïqzw restituée, examine cc que signifie (sic) les noms q11c les hébreux
donnent au nombre, et voici le ré·sumé de CL'S rechcrcl1cs i1 cc sujet.»
,,
8. Les citations cl les allusions dépourvues ci-après de référcmTs sont
tirées de Cellier, op. cil.; on les y retrouvera presque toutes dans Il'
premier chapitre de la deuxième partie, éventuellement ü l'aide de l'index
général. L'introduction ü Théoduxie Zllliversel/c reprend, développe et
accroît ll's points abordés dans le présent chapitre.
9. Constantin-François de Volney, L'lzébrcu simplifié .. ., in L'Alfabet (sic)
européen appliqué aux langues asiatiques... f,'/zébrcu simplifié par la
méthode alfabétique, Paris, Parmantic1-, Froment, 1826, pp. 351-352.
IO. Voir Cellier, op. cit., p. 338.
78
S'ensuit l'interprétation de Fabre, en résumé, nombre après nombre, de
1 à 9. Et Laeuria conclut : « Ainsi le sens que la plus ancienne et la plus
sainte des langues avait renfermé dans leur nom même confirme les
conclusions auxquelles nous étions arrivés par d'autres voies. » 11 L'hommage va loin.
Wronski est hostile, Paul Lacour aime, et suit un segment qu'il prolonge,
en figeant le polythéisme de Fabre 1 2.
Sans doute, on s'attend qu'Eliphas Lévi, le « restaurateur de l'occultisme» (Paul Chacornac dixit) au milieu du XIX" siècle, range Fabre
d'Olivcc p~lrmi
ses alliés, et recommande, utilise la Langue hébraïque
restituée. JI n'en est rien : l'cx-abb6 Constant cite à peine l'auteur et une
remarque de détail résume l'indifférence de Lévi et ses motifs qui sont
profonds: s'agissant du démon dans la Genèse, «Fabre d'Olivet est à
côté de la véritable interprétation, parce qu'il ignorait les grandes clefs
de la cabale.» 13
Ces clefs, Eliphas Lévi lui-même les connaissait-il ? Oui, en quelque
sorlc, mais Paul Vulliaud le contestait. Il est vrai que d'aucuns instituteurs
anathématisent la Kabbale juive (à tort d'ailleurs) oü, en 1923, l'auteur
ridiculise, entre maint autre, Fabre d'Olivet cl aussi Saint-Yves d'Alvcydre,
quant à leurs traductions 6sot6riqucs de la Genèse. 14
A Vulliaud, Grillot de Givry, hermétiste authentique, riposta, dans le
Voile d'Isis de 1'!26, avec plus de sens commun que de science. Fabre
d'Olivet, écrit-il, "a cherché, et c'était son droit strict, il "élucider» un
certain mystère qui plane sur la langue hébraïque, en se servant uniquement des matériaux fournis par la science du linguiste et l'étude des
grnmmait·cs comparées des langues.» 15 Or, c'est cette science-fa qui exige
d'être appréciée cl aussi cc scientisme de Fabre naïvement concédé. Entre
Lévi et Vulliaud, il y avait eu Papus cl les siens.
Les compagnons de la hiérophanic, ceux qui, les premiers, à la Belle
Epoque, reçurent cc titre, ont porté Fabre d'Olivet au pinacle. Hérauts,
Stanislas de Guaita et Papus, la mèrnc ann6e 1888 16 ; les deux avaient été
11. Paris, Chacornac, l. l, pp. 248·249. Cf. t. Il, p. 300. (Ces passages sont
de ceux qui manquent it la première édition, 1847.)
Dans sa Clef historique de /'Apocalypse .. ., Lacuria souligne qu'afin
d'expliquer, il a pris en considération la valeur occulte des lettres
hébraïques scion Fabre d'Olivet. Cc texte existe en plusieurs états
manuscrits, voit· notre inventaire des manuscrits de Lacuria, supplément
au n" 315 d'Atlantis, 1981 (ex. corrig6s dans les principales bibliothèques
publiques, notamment it la B.M. de Lyon), pp. 5, 20·21. Un fragment de
la Clef a c'té seul édité, Aurores, n" 17, nov. 1981, p. 10.
12. Voir respectivement Cellier', op. cil., p. 363 et p. 359. (Dans cc chapitre,
«L'ère de Ballanche», Cellier évoque d'autres contemporains en face de
la f,angue hébraïque.)
13. Eliphas Lévi, Dogme et rituel de la haute 11rngie, 6• éd., Paris,
F. Alcan, 1920, t. II, p. 15.
14. Paris, E. Nourry, l. TI, pp. 426428. Voir aussi du même un compte
rendu de la Tlléogo11ie des patriarches, !,es F11tretie11s idéalistes, 1910,
pp. 261·265.
15. Grillot de Givry, " La valeur scientifique de 'La Langue Hébraïque
restituée' de Fabre d'Olivet», octobre 1926, pp. 556·567; cf. p. 567.
16. Papus, dont nous avons réédité et présenté Fabre d'Olivet et Sain/Yves d'Alveydrc (L'initiation, 1986, n° 1. pp. 17-32, pour la partie Fabre),
a reproduit dans son Traité méthodique de science occulte (Paris, Carré,
1891) de larges extraits de la Langue hébraïque et, notamment, le texte
complet de la traduction littéraire du Sépher (pp. 427477). Il rapproche
de Fabre, dans une commune hostilité it Champollion (pour l'un avant,
pour l'autre après ... la lettre), De Brière, Essai sur le symbolisme antique
d'Orient, principalement sur le symbolisme égyptien .. ., Paris, B. Duprat,
1847.
-79alertés par Saint-Yves d'Alveydrc, dont la caution les comblait. Tout
l'entourage accompagna là aussi. 11
Tous ... Fabre des Essarts, patriarche de l'Eglise gnostique sous le nom
de Synésius, constatera: la Langue hébraïque restituée est «le véritable
monument qui donnera l'immortalité à la mémoire de Fabre d'Olivet. » 18
Tous ... L'herméneutique du Béracsllit scion Joséphin Péladan dépend,
en général, de la Langue hébraïque restituée et le sâr Mérodack ne s'en
cache point. 19
Tous, dont Abel Haatan (Abel Thomas) : son Traité d'aslrologie jwliciaire se fonde sur une cosmogonie cl il ne voit pas ccllc·ci ailleurs que
dans la Genèse dé·chiffréc par Fabre d'Olivet. 19·:,
Tous, cl même René Guénon, dont J'enthousiasme juvénil, et mimétique,
n'a pas de quoi surprendre, mais sa fid61it6 à travers son œuvrc entière
à Fabre d'Olivet et, très spécialement, à ses extravagances linguistiques,
constitue bien la «grande 6nigme » qui étonne Jean Rcyor 20 . (De même,
Guénon ajouta une foi persistante au watan selon Saint-Yves d'Alvcydrc.)
Tous, y co111pris Sé·dir, encore plus occultiste que mystique (ces deux
qualités indissociables en droit, il les posséda, sa carrière durant, en
proportion variable) quand il enseigne à !'Ecole libre des Sciences hcnnétiqucs des "Eléments d'hébreu d'après Fabre d'Olivet», que l'J11itialiu11
publiera en 1900·1901 ; il y sert, en effet, de répétitL'ur il Fabre:
" Nous n'avons voulu que suppl6er dans une faible mesure à la lacune
que la rareté et le prix élevé de son admirable livre mettent trop souvent
dans les 6tudes des chercheurs. » 2 1 Peu d'années ensuite, Chacornac,
rééditera la Langue hébraïque restituée.
Tous, et avec le plus grand bonheur pcut·êtrc, F,,Ch. Barlet, le supérieur
discret, qui, en l'JIO, scrnta si bien, cl récapitula en pédagogue la pensée
de Saint· Yves d'Alvcydrc; il sut placer le marquis dans la mouvance
fragmentaire de Fabre d'Olivet et, très particulièrement, de la Langue
lzébraù111e restituée. Toute la différence, en rcssort·il, tient à l'archéomètre,
cette machine du grand art cl de la haute science. Ainsi, à l'arriv6c comme
au départ, les fois, les pensées, les gnoses respectives s'affrontent:
"" L'autodéification ionienne est l'hérésie suprême de l'égoïsme spiri·
tualisé ", et l'œuvrc entière de Saint.Yves est l'explication, l'apologie, la
justification constante de l'ésotérisme judéo-chrétien.» 22
Plus discret encore que Barlet, mais non moins authentique hermétiste
que Crillot de Givry tout it l'heure cit6, André Savoret lit la Genèse selon
Fabre d'Olivet, comme allant de soi. 23 Et la gloire de Fabre subsiste,
quasi mythique, chez les occultistes cl les ésotérisles d'aujourd'hui, oü il
n'est pas extraordinaire que cc soit de confiance en leurs aîn6s, dont ils
partagent l'approximation en le leur appareillant.
17. Une curiosit6 pour all6chcr : l'exemplaire de la Langue ayant
appartenu à Jollivct·Castclot, I' « hypcrchimistc », est passé au premier
catalogue à prix marqués (1985) du très compétent libraire d'ésotérisme,
Marchisct, à Paris, sous le n" 69.
18. Fabre des Essarts, Les Hiérophantes .. ., Paris, Chacornac, 1905,
p. 246.
19. Emile Dantinnc, t:œuvre et la pensée de Pé/adan. La philosophie
rosicrucienne, Bruxelles, O.P.S.C., 1948, pp. 87-106) fournit là-dessus une
bonne mise au point, qui distingue aµssi les divergences, partant l'originalité relative de Péladan.
·•
19". Paris, Chamuel, 1895, pp. 3-6 et 11.
20. Ap. René Guénon, Paris, L'Hcrnc, Paris, 1985, p. 137, et p. 142, n. 4.
21. L'initiation, kvricr 1901, p. 151.
22. F.-Ch. Barlet, Saint-Yves d'Alveydre, Paris, H. Durville, 1910, p. 151;
cf. pp. 115 SS.
23. Voir, par exemple, André Savoret, «Le quatrième iour de la Genèse»,
Les Cahiers astrologiques, juillet-octobre 1959, pp. 165-177 (cf. R.A., «D'une
astrologie nostradamique », L'astrologie de Nostradamus, dossier à paraî·
tre, Mairie de Salon-de-Provence, 1986).
-
-
80
Sous le nom Encl, Michel Vladimirovitch Skariatinc, qui avait connu
Papus en Russie avant de s'exiler en France, s'est voué et a voué ses
ouvrages à l'étude conjointe de la kabbale et de la sagesse égyptienne,
très scientifique. Ainsi son orientation accommode Fabre d'Olivet. Contre
Fabre, End entérine la kabbale juive, mais clic aurait sa source en
Egypte, et Moïse, en tout cas, fut un initié de Memphis. Encl va donc
à la source. Pour y puiser, il aura les gestes de Fabre. A l'instar du
Sépher fabrien, en cllet, une catégorie de textes égyptiens contient, sous
la forme phonétique, l'enseignement ésotL'rique; une signification symbolique cachée, destinée aux seuls adeptes. «Cette double condition était
réalisal1lc grùce à la structure hiéroglyphique, qui PL'rmcttait de composer
un mot de telle façon que, tout en ayant un sens direct et reprl'scntant
phon(·uquernent la langue pari(·l', il pouvait contenir en mème temps une
doctrine ahstI·aite et mystérieuse.
»En écrivant la Gc11èsc, Moïse s'était servi de la rnê·me méihode pour
réunir dans le texte les deux significations, méthode qu'il tenait des écoles
initiatiques de l'Egypte. Dans son merveilleux livre /,a l.a11guc hébraïque
rcsfilln'c, Fabre d'Olivet a très clairement exposé cc double système.» 24
D'une phrase, ks prog1·ès de l\'gyptologie, en pr(·venant illusions et
confusions, ont permis de rehàtir, de premièTe main et d'une main plus
süre, mai.s c'est sui· la base de la f,aJ1g11e hé/Jraïquc rcsrit11éc.
Pour m(·rnoirc, l'enthousiasme de Nayan Louise Rcdficld, tr;1ductricc
de FabrL' en anglais; en 1921, elle établit um· fort heureuse version de
la l,a11g11e lu'braù111c restifué; 25 un fac-similé en a paru, l'année 1976. 2 6
Et, en 1970, si Best put intituler son liv1-c (;e11csis rcviscd, 27 il reporte
l'honneur de l'avoir, croit-il, justifié, sur· la découverte de Fabre d'Olivet.
(Fabre avait lui-mèmc traduit en anglais, scion ses principes, les dix
premiers chapitres de la Genèse cl en jouxt:1 le fra1a;ais.)
Davantage qu'aucune autre, la lettre --- j'entends la version littérale -de f'abre d'Olivl'l souffre d'ètrc mortifiée, alors qu'il eut le dessein,
le dé·sir de la vivifier en libérant la vérité dL·s caractè·res qui l'ait celle
des 111ots, de mènll' que les ca1·;1ctèTL'S font IL·s 111ots. Or, 11ul i11itié, lllL'
scmble-t-t-il, n'a participé de l'esprit de F;1hre con1111L' S.U. Za1111L', Augusle
Va11 de Kcl'l..:.hovc soi-d:.;~1
tel L'll ho111111(1g1.._• ;~1
~01
L~glric.
f';1hrc cbns les apprentissages de S.ll. Zannc ! Edmond Gilliard, disciple
privilégi(,, condense les circo11sta11ees de la re11contre ainsi: "Apports
de l'ail'. Conf'rontation des textes de la tradition. Scrule la Genèse par
delit Fabre d'Olivet. La doctrine prend un corps d(,finilif. Le hasard
(ou ce que l'on nomme tel) ménage des rencontres. TrempL' dans certains
milieux du spiritisme et de l'occultisme. Dipll>me décerné p;1r Papus.
[ ... ] Un groupe se forme autour de lui. Des disciples s'attachent. Grùcc à
leur soutie11, il va pouvoir, pendant quelques an11écs, SL' e011sacrcr paisiblement ù l' "extériorisation,, de sa Cos11wsoplzic, qui est achevée en 190R.
Alors prend fin, aussi, le séjour parisien.,, 2 "
Entre les ouvrages de S.U. ZannL', l'un, posthumL', marche dans l'esprit
de Fabre d'Olivet, au risque de violer sa lcltre par relus de la tuer
(mais il' langage transmutL' il' viol en amour) : l'ri11ci/)('s cl <''1'111c11/s de
la f,,111gtll' Sacn'e se/011 /'lhfrn-Koh/}{//c d'A/ Clw111i .... Lausanne, 1929.
24. La la11gue sacrée, Paris, Fua-Lamcssinl', 1934, pp. 14-1.'i. Fac-si111. Paris,
Maisonneuve et Larosc, 1984.
25. The Hcbraic Tongue rcs/orcd and the /rue mea11i11g of !Ize Hc/nc11•
Words Re-cslab/ished a11d provcd by lheir Radical Analysis ... donc inlo
English by Nayan Louise Redlïcld, New York et Londres, G.P. Putnam's
Sons.
26. New York, S. Weisei-.
27. Shabaz Britten Best, Gc11esic rcvised, co11111101/an ... ; based 011 Fabre
d'OliFc/'s "Hebraic 1'011guc restorcd }), gi1'i11g /Ize corrcc/ Eng/ish 1ra11sla1ion of the original Hebrc11• Script of the first /c11 c/wp/crs of Genesis,
11'il/z csoferic i11/erprctatio11s, Farnham, Suii Pub!. Co., 1970.
28. Edmond Gilliard, Reconnaissance de S.U. Za1111e, Lausanne, Spes, s.d.
[1955), pp. 88.
81-
Cet esprit suscite chez le cosmosophc une vertu analogue à celle de
Fabre. «Le père S.U. Zan ne est un formidable éclateur de la gangue des
mots. Je dis bien formidable, non par banal entraînement de l'usage
exagératif, mais en toute conscience des forces de la nature que ce mot
régit et à sa guise déchaîne. Il qualilic, de ces forces, les formes de
puissance calaslrophi4ucs. Mais, catastrophe, en s'en tenant au grec seul,
signifie retour, action de revenir au point de départ. Donc, astrologiqucment, totale révolution. C'est bien cela: au sein du cycle zodiacal de la
Langue Sacrée, j'ai participé, gràce à S.U. Zanne, à la passionnante révolution des astralités verbales.
"L'abord des origines est nécessairement cahotiquc. Toute l'opération
eosmosophiquc consiste en la libération " cahotique » des glyphes primordiaux, des éléments naturels de l'idiome.
»Par la concassurc du corps des mots, la fragmentation révolutionnaire
des organes du langage usuellement constitué, S.U. Zannc rend à chacune
des entités qui composent les formes du vocabulaire son individualité
- son initiative,
ses polaires vibranccs - sa magnétique originelle ...
»On ne peut pénétrer, réellement, dans l'œuvrc de S.U. Zannc sans sentir
passer dans son échine l'effroi du Tohu-Bohu.
»Mais des profondeurs de l'abîme a jailli pour moi le mot éternel de
la Genèse:
JE SUIS
"Je suis entré, par là, dans !'Ordre du Ver/Je.» 2 9
Nous voilà en pleine « linguistique mystique», que dis-je? en pleine
mystique du langage analysé dans une linguistique que Léon Cellier avait
très heureusement qualifiée « mystique», ü propos de Fabre et congénères.
Nous voilà loin, littérairement sinon littéralement (à moins que cc ne
soit l'inverse), de la version fabricnne du Séphcr. Mais c'est pour la
retrouver, en esprit, et peut-ètrc dans une vertu fortifiée.
Les modernes instituteurs, nos cacouacs, plus charognards que vampires,
éliminent ensemble l'esprit et toute vertu quand ils substituent à «linguistique mystique'" " linguistique fantastique», 30 et, sans tàchcr à faire
mieux, s'abstiennent de s'interroger sur la validité littérale de la Langue
hébraïque rcsfifuéc, et de la Genèse restituée du coup par Fabre.
Une excuse: Fabre d'Olivet lui-même n'cncouragc-t-il pas le passage,
la profanation, en étendant sa méthode ü la langue d'oc, qu'il prétend,
en somme, restituer clic aussi ? 31 • Parler plutôt de «linguistique romantique» (et d'une « histoire romantique»), ainsi que je l'avais proposé
jadis, aurait l'avantage d'ouvrir à l'observateur tantôt la pente «mystique'"
tantôt la pente « fantastique», et il ne serait pas superflu au pratiquant
de savoir à quoi s'en tenir, et d'où partir. 32
Soit le mystique, soit le fantastique, soit le romantique, philosophiquement entendus, et dans leur connexion, nous acheminent vers le « cratylismc » forgé par Gérard Genette. 33 En relève, pour notre gouverne,
29. Gilliard, op. cil., pp. 81-83.
30. Cf., en aboutissement caricatural, La Linguistique fantastique, Paris,
J. Clims/Dcnoël, 1985.
.
La postérité mystique et fantastique,''voirc mystico-fantastique de Fabre
est passée en revue par Arnold Dwight Wadler, Der Turm von Babel.
Urgemeinschaft der Sprachen, Base!, R. Gccring, 1935.
31. Cf. Robert Lafont, éd., « L'Ossian de !'Occitanie» et «Avant-propos
de «La Langue d'oc rétablie dans ses principes constitutifs théoriques et
pratiques'" Ami ras/ Repères, revue occitane, avril 1982, pp. 45-54 et 55-61.
(Cf. autres travaux là cités du même sur Fabre et le félibrige.) Comp.
Ph. Gardy, art. cit. (infra, n. 41).
32. Deux pages de Georges Gusdorf inscrivent Fabre d'Olivet Du Néant
à Dieu dans le savoir romantique, Paris, Payot, 1983, 420-421.
- 83
ll2
Court de Gébelin, mais Genette, qui lui consacre un chapitre, n'avance
pas même le nom de Fabre d'Olivet. Compte tenu de l'ascendance
intellectuelle de ce dernier, il ne sera pas déplacé de louer ici la vue
que Genette prend de Court, et du cratylisme en général : au mimologisme
traditionnel de la parole s'ajoute, dévcloppe-t-il, celui de l'écriture:
« mimologismc intégral ». Le langage scion Gébelin est comme une idéomirnographie généralisée, où la relation symbolique, transparente cl sans
rupture, ne cesse de circuler entre la "chose,, perçue, l'organe percevant,
le mot prononcé et le mot écrit.,, Ecrit toujours dans un «alphabet
hit'ruglyphiquc ,,_ 34 Fabre creusera.
Foi de Platon pour Court, rappellc-l-il, cl pour Fab1·c d'Olivet, implique-t-il,
et dans l'esprit aux vertus diverses! Foin de Platon pour Judith
E. Sehlanger, par exemple, qui crierait plus volontiers it la folie lil!éraire,
amie de « la langue hébraïque, problème de linguistique spéculative»,
mais ennemie de Fabre ! « Les signes ont été dL;terminé's de façon telle
qu'il aucun moment la nébuleuse cks significations ne saurait opposer
de refus aux interprétations.» 35 Le fond ne lui importe, seul l'événement
de la Langue hébraïque restituée, sa possibilité avérée par le l'ait.
Le comble avec «Fabre la fable ,, de Didier Samain. 36 Quel mépris
pour Fabre! pour ses objets si hauts, f'usscut-ils ennuagés! Quelle c1·aintc
d'une contamination! Quelle captal ion! Est-cc Samain-Sapin ou SamainSamu?
Sc refuser à statuer sur l'cnscrnblc du livrL', inséparable des livres
appan·nté,s, tous ks écrits de Fabre en somme, ou hi,·n condamner
autrement la masse, convient-il, afin de ne point Vl'!'sc1· en ccl excès
d'ignorance, cl'l ab11s de pouvoir, de dé·mu111L'r Fabre, d'en louer Lill aspect,
d'en censurer un autre ou de le reléguer'?
Linguiste patenté, qui compte, Whorf adopte de Pahrc linguiste cl
exploite, i1 partir de 1934, avL'L' gratitude, «les nolio11s de svsiè1ncs de
relations, de catégories implicites, de cryplotypes, de structures psycholinguistiques, l'i l'idée que la langue fait partie cl est un des aspects
d'um· cultlll'L' do11né·c.,, 37 Etc. Whorf, coml11L' Sapir, posluil' le condilio1111e111cnl de la pc11sé·e par k la11gage; Fah1·,. ltti csl <l!ll'l't rc cl auxiliaire. E11
linguistique. Mais il se rit du théosophe, ou plutôt il en pleure. Les
principes de Fabre en matière de sé·rnioiogic et de philologie onl du bon,
mais pourquoi sa traduction du Sép/icr s'i11spirc-l-elie de la lhL;osophie :>
Whorr n'imagine pas pire conseilli:n·.
N'est-cc pas le contre-pied que pn·11d Andrl' Tanner? 38 II apprécie que
Fabre d'Olivet oblige it poser le problème de I'<:sotérisme, en le posant
lui-n1C·me l'i en élabora11t des sol11!irn1s qui ser;1ienl loin d'[:lrc toutes
mauvaises ou c11lii.:rcmcnt fallacieuses. En revanche, c'est en matii.-re de
li11g11istique que Tanm:r dé·clinc toute· co111pé·te1Kc, cl sur la traduction,
sinon sur les enseignements que Fabre .v ;1 insL;rés, soit par J'orcc, soit
par choix, il garde sa réserve.
33. D'après le nom de· Cralyic, éponyme d'un dialogue de Pialo11, oil
celui-ci met dans la bouche du premier une théorie du langage comme
sémiotique naturelle, sans d'ailleurs l'entériner.
34. Gfrani Genette, Mi1110/ogiq11es, Voyage en Cratvlie, Paris, Seuil, 1976,
p. 148.
35. Judith E. Schlangcr, «La langue hébraïque, problème de linguistique
spéculative», Revue inlerna1io11alc de p/ii/osop/1ie, 1967, fasc. 4, p. 502.
36. Didier Samain «Fabre la fable», in /,a li11g11is1il111e fa111aslique,
op. cil., pp. 176-184.
37. Benjamin Lee Whorf, U11g11istiq11c et a111/zropo/ogie, trad. fr. par
Claude· Carme, Paris, Dcnoè'I/Gonthier, 1969, p. 37; cf. pp. 36-40 (Il est
très t'.·trange que Léon Cellier ait ignoré Whorf.)
38. André Tanner, G11ostiq11es de la Révol11tio11, premier volume, Paris,
Egioff, 1946. Cf. du même, Le « Séplzer » de Moïse cl la typocosmie, Nice,
Les Cahiers astrologiques, 1942.
Que Court cl Fabre d'Olivet sortent scicntiliqucmcnt vaincus (aux yeux
de l'histoire) du débat qui les opposait aux défenseurs de l'arbitraire
du signe, n'inlirmc en rien la vérité politique de leur thèse. Jean Roudaut 39
s'arrete là tandis que Julia Kristcva 40 relève l'apologie de la langue
hébraïque, au sein de la trichotomic remarquable qui l'associe au chinois
et au sanscrit ; clic y voit, ainsi que dans la conception du signe et de
l'hiéroglyphe la preuve d'une intcdércncc entre l'idéologie (au sens
moderne) l'l la science (qu'elle 1·évèrc).
Après le comble, la cave. Occultiste cl linguistique, la démarche de Fabre
possèctc une unité. La dualité des lectures brise la trajectoire de sa
rcc11crche, qui ne relève pas davantage de la science que de l'occulte.
Le Trou/Jadour, poésies occitanù111es du X f f /" siècle, celle mystification
de Fabre, parue e11 1803-1804, c'est autour de ses deux volumes p1·csquc
cachés que la pensée du soi-disant !héodoxc s'organiserait, "tant et si
bien qu'il est possible de parcourir la plupart, sinon lous ses grands
textes à la lumière du rrou/Jado11r qui, loin de constituer un accident,
une digression sans lendemains, fait plutùt ligure d'entreprise modèle,
jamais abandonnée, toujours reprise, approfondie, parce qu'elle est tout
à la fois intimement liée à l'histoire personnelle de Fab1·c d'Olivet et
qu'elle s'inscrit all cœur mênie de sa "rechel'l'he.,, 41 Philippe Gardy ne
rend pas _justice au projet de Fabre d'Olivcl; il se pourrai! lo1·1 bien
qu'il re11dil justice i1 son prug~1e,
lr~1î·e
lui-111Co11e; au pren1ier L'ill'I
à la f,a11g11c lu'/Jraù111c resli/11él', en son conte11u manifeste cl, sinon
au désir, it la pulsion du bonhomme. "D'un côté:, la fascination des
origines, qu'accompag11c un refus, plus 011 moins 11cltcrncnl exprimé, de
toU!c modernité véritable; d'un aulr,· cùté-, la recherche de dérives l'i
de ruptures radicales avec ces mê111,·s 01·igi11es, considL'rées comme un frein
à l'épanouissement de l'individu dans Lill monde mcillcur. 1.'é·crilurc du
Trouf){/do11r, prise co11m1L' la mise e11 pratique 1xTso11nclk des diverses
recherches exposées dans le reste de l'n:uvrc de Fabre d'Olivl'l, se trouve
ù la conliuc11ce, ou, plus exaclelllL'nl. it la naissa11ce, de ces choix contradictoires. Elle explore le foncl io1111L·1ne1ll de la "Lt11gue 111alernellc '" dont
clic fait apparaître chemin faisant les blocages fonda111cnlaux, cl dessine
les grandes lignes d'une prise en cha1·ge des questions que suuli:vc n·
fouclion11cmL·nt. Elle ddi11it par ailleurs les gra11ds mylhcs lcffiloriaux,
à
travers la continllilt.: posl-c cnlrl' !'
«
L'llclos tk
l'or» dl's 01·ig,i11L'S et
les mols cueillis sur les li.·vn·s de L1 Mè1·e [ ... J "
Soit ù celle sm·tc dL· sv11lhèse, qui n'es! que svncrétisrnL' du point de vue
de la vérité des idé-cs, di;1boliq11c p11isqu'L·llc ci<'.-111e11l la g11ose qu'engendre
le symbolisrnc (s~1
préjudice que (;~1·d.v
pnleclio1111e FaiJl'c scion Fabre),
soit ù la lraclurc de la li11guislique cl de la philosophie occuilc, Léon
Cellier a eu la sagesse, l'l l'i1llclligenL·e, de ne pas se te11ir, non plus qu'it
l 1 antago11is111c absolu
de
la
linguistique en
cause et
de
la
lingu~tqc
réputée scicntiliqm· (aux avatars mullipks): il savait que la théosophie
comprend la li11guisliquc, sa liuguisliquc, inclusive de Ioule philologie, cl
dépasse la raison raisonnantc, sans être inalionnellc, ni surloul antiratio1rnellc. Le voici rélkchissant devant la La11g11e lzdnaïquc restituée de
Fabre d'Olivet, première partie: « Les progri·s de la philologie devaient
J'aire apparaître la la11laisic des L'tvmologics. Qul'I héb1·aïsanl pouvait croir·c
ù sa restitution de la langue hd1raïquc, à supposer qu'il admît que la
langue hébraïque pùt être rcsliluL'c :> Co1nmcnl soull'nir que l'hébreu
authentique (·tait identique il l'ancien égvplicn, après les découvertes de
·•
39. Jean Roudaul, Poètes et grnn111111iric11s au XVIII" siècle, anthologie,
Paris, Gallimard, 1971. (Extraits de Fabre, pp. 328-355; no!iCL', pp. 325327).
40. Sous le pseudonyme de Juli<t Joyaux, Le lmzgage, cet i11co1rn11, Paris,
S.G.P.P., 1970, p. 109.
41. « L' « Enclos de l'or"· Fabre d'Olivet cl l'écriture de la langue
maternelle», Ro111aillis111e, 34 (1982), pp. 3-29; la citation précédente, p. 4;
la suivante, pp. 28-29.
-
84 -
-
Champollion ! Quel cabbaliste pouvait prendre en considération cette
herméneutique qui se déclarait personnelle?" 42
Suivons Cellier devant la traduction, qui occupe la seconde partie.
D'abord, si la langue hébraïque a été restituée (et avait à l'être), pourquoi
ne sait-on traduire la totalité de la Genèse, des livres en hébreu de la
Bible? Puis, le sens des racines est très vague cl autorise une multitude
de sens. Entre trois sens principaux, Fabre louvoie sans cesse et son idée
préconçue dicte son choix. L'adaptation conduit à la parnphrasc.
De cette paraphrase qu'est la prétendue traduction du Sépher, quelle
est la valeur? Fabre, répond Cellier, n'avait pas reçu d'initiation en règle,
il n'était surtout pas kabbaliste (et même il dénigre la kabbale). Le système
philosophique de Fabre, à vocation théosophique, n'est pas traditionnel
quoiqu'il incorpore, dans une composition très personnelle, des thèmes
transmis par la Tradition universelle.
Les critiques de Cellier, dont le mérite est d'être pertinentes, issues
d'une attitude pertinente, seraient il discriminer. Mais il manquait à cet
érudit bienveillant et probe la pierre de touche L'I la notion instauratrice
de synthèse (·sotérique.
A NOS FIDELES LECTEURS
ET AMIS
di 06.UtJ. ne L' aoez déjà /ail
d'6uJ.eâoez 06.lt:.e ~éab6neml
P"-u~
(à suivre)
19cS6
POUR ALLEGER NOTRE TRAVAIL
EVITEZ-NOUS la dépense d'un rappel.
HATEZ-VOUS de vous réabonner pour 1986.
ECR,VEZ LISIBLEMENT vos nom. prénom usuel
et adresse.
MERCI!
:k
« .. ceux qui en France ou ailleurs reprennent la tentative de Fabre
d'Olivet sous d'autres formes. Citons au hasard : Garcia Blanco, Petau
Malcb1-.rnche, Barzilaic, Alvarez de Pcralta, Steiner, A. Wadler, et tout
près de nous, le docteur Chauvet et R. Abellio. "43
La liste aléatoire de Léon Cellier est hétéroclite. S'il y a du commun
entre les auteurs mêlés, c'est d'appartenir au courant' 1nultiplc de la
linguistique mystique, fantastique, romantique ... Mais Auguste-Edouard
Chauvet figure. Tirons-le du lot. Sa vocation le distingue, en effet, quoiqu'il
se situe en pays connu, que hante l'ombre de l"abrc d'Olivet. Aux faiblesses
philologiques de celui-ci et à ses erreurs doctrinales -- cieux défauts
corrélatifs - Chauvet échappe. Il adhère au projet, mais son nouveau
programme, juste, réussit.
85 -
Pour l'année 1986 Abonnement normal
Pli ouvert : supprimé
1 numéro par trimestre:
100 F -
Etranger
Sous pli fermé :
120 F -- Etranger
France
160 F
200 f
Abonnement de soutien
Versements par chèque bancaire, mandat-poste (ou virement
postal au compte n" PARIS 8.288-40 U) à l'ordre de:
~CiJ-·
Revue l'INITIATION
Jean BRETIN
9, rue Cardinal-Lemoine - 75005 Paris
Changement d'adresse : Il est rappelé à nos fidèles abonnés que toute
demande de changement d'adresse doit être accompagnée de 3,00 F
en timbres pour frais de modification de la plaquette-adresse.
1
42. Léon Cellier, op. cit., p. 331.
43. Cellier, op. cit., p. 392, n. 3.
A la suite de r:haque expédition de la Àevue il arrive que des exemplaires
nous soient retournés avec la mention : " N'habite pas à l'adresse indiquée ; retour à l'envoyeur » ••• Nous attirons donc votre amicale attention
sur l'absolue nécessité de nous communiquer sans déla: tous vos changements d'adresse où recevoir la revue. Il en va de même pour les
modifications d'état-civil (mariage, etc.) survenant dans votre famille.
A l'avance, Merci.
L'Administrateur : Jean BRETIN
L'initiation
SOMMAIRES 1985
JANVIER - FEVRIER - MARS (48 pages)
CAHIERS DE DOCUMENTATION
ESOTERIQUE
TRADITIONNELLE
Editorial, par MARCUS. - La Réincarnation et la Métempsychose, par Jean-Elias
BENAOR. -·- VILLIERS DE L'ISLE ADAM, par Pierre MARIEL. - Du Maître Blanc au
Maître Noir, par Henry BAC A l'inquiet, par Augustin CHABOSEAU. Le Golem de Prague, par HOREV. -- Réflexions sur un enseignement du Maître
PHILIPPE, de Lyon, par Pierre BONALD. Poème sur Philippe ENCAUSSE, par
PLOUIN. -- PHANEG, par Yves-Fred BOISSET. -·· La Paresse, par PHANEG. Pages du Passé: le Docteur Marc HAVEN, par PHANEG. Ceux qui nous
précèdent: Louis LEGER, par Michel LEGER. - Les Livres. - La Revue des Revues.
- Le Mérite, par P.B. - Cliché de PAPUS. -·- Œuvres de PAPUS.
ORGANE OFFICIEL DE L'ORDRE MARTINISTE
Revue fondée en 1888 par PAPUS
(Dr
Gérard EHCAUSSI}
Réveillée en 1953 par le Docteur Philippe ENCAUSSE
Directeur : Michel LEGER
Rédacteur en Chef : Yves-Fred BOISSET
(Nouvelle série -
BULLETIN
AVRIL - MAI - JUIN (48 pages)
Editorial : Nos groupements et leur vocation, par MARCUS. - -- li y a cent ans
WAGNER quittait ce monde, par Henry BAC.
(1 Fils
du Tonnerre n, par Henri
1953)
OURVILLE. -- Hommage à Henri OURVILLE et à son épouse, par le Dr Ph.
- Mon père, Charles de
ENCAUSSE. -- PAPUS, par Charles de SAINT-SAVIN.
SAINT-SAVIN, par Jacqueline de SAINT-SAVIN. -- Une pensée pour Maurice GAY .. .,
par Georges COCHET. A propos de la Magie (Définitions), par PAPUS. -Jérôme BOSCH et ses peintures inspirées, par Serge HUTIN. - L'Abbé FOURNIE,
dossier constilué et présenté par nobcrt AMADOU.
Méditations Initiatiques Philosophie et Religion, par Constant CHCVILLON. - Lire SAINT-MARTIN, Vivre le
Martinisme, par Robert AMADOU. - Les Livres. La Revue des Revues, par
Elie-Charles FLAMAND. -- Autres livres reçus.
Ménager autrui, par Irénée
SFGURET. - Petits tas de sable {poème), par Jea11-Gcorges COCHET. Extraits
de presse. Sommaire de l'année 1982.
D'ABONNEMENT 1986
il recopier ou photocopier et à envoyer rempli et signé à
Revue !'INITIATION
9, rue du Cardinal-Lemoine - 75005 PARIS
Compte Chèques Postaux : PARIS 8 288-40 U
JUILLET - AOUT - SEPTEMBRE (48 pages)
Veuillez m'inscrire pour un abonnement de un an (Janvier à Décembre),
à dater du premier numéro de l'année en cours, à
L ' 1_11 1. I, .1 :1 I, .1 o n
je vous remets
en espèces
mandat ; chèque
(bancaire
ou postal)
la
Editorial, par MAl1CUS.
Jean-Baptiste Willermoz, par Robert AMADOU. L'icône, vision du rêve orthodoxe, par Henry BAC.
Qu'estce que la mort pour
le philosophe, par PAPUS. -- L'âme-architecte, par Jean-Elias BENAOR. --- Mors
et Vita, par Conslmll CHEVILLON. -- Quand un ami s'en va .. ., pm S. DEUZ. -Ltl Fonds Stanislas de Guaïta, par Robert AMADOU. -- Les livres. · - La revue des
revues, par Cl;:iude MARGUE.
Entre nous.
OCTOBRE - NOVEMBRE - DECEMBRE (48 pages)
Editorial. par MARCUS
Les Fêtes Liturgiques Chrétiennes, par Annie
BENAMOU. - Un Paradis Sprirituel, pm Henry BAC. -- Anthologie de J.B. Willermoz,
prescntée par R. AMADOU.
Christianisme et Franc-Maçonnerie, par un M.E.S.A.
Le Maître Philippe, p:ir Robert DEPAl11S. - Michelet, par Philippe ENCAUSSE
(sa première conférence).
A propos d1.1 dernier Ambelain, par Y.F. BOISSET.
Les livres.
Entre nous ... , par E. LOliENZO.
Sommaire et abonnement. - Note de la Rédaction.
Vœux pour 1986: E. LORENZO, M. LEGER, Y.F. BOISSET.
somme ae
(Rayer les mentions inutiles)
1986
France
Sous pli ouvert
100 F
Etranger
France ................ .
Sous pli fermé
Etranger (1) ........... .
supprimé
120 F
160 F
Abonnement de soutien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Au choix: pli ouvert -
200 F
pli fermé (rayer la mention inutile)
Nom
Prénom
Adresse
Le
19................
Signature,
(1) Règlement à effectuer en francs francais, payables dans une succursale de banque
française.
---
[")~
est trimestrielle, soit 4 numéros par an.
Le prix d'achat de chaque numéro antérieur à l'année en cours est de 25 F.
Numéros épuisés: 1953 (N" 2).
1955 (N" 1).
1956 (N"" 1-3-4). - 1957 (N'" 1-2-3-4). 1958 (N"" 1-3-4). - 1959 [N'" 1-2-3-4).
1960 (N" 4).
1961 (N" 1). - 1962 (N'" 1-2). 1965 [N" 1). 1967 [N" 2). -- 19G8 (N'" 1·2). 1970 (N'" 1-3). 1971 (N° 1).
- 1972 [N" 1). -- 1973 (N'" 1-2). 1914 [N" 1). 1975 [N° 1). -- 1980 (N°• 1·2).
- 1981 (N" 2).
Nombre de numéros de la nouvelle série: 1953 (6). -- 1954 (4). - 1955 (4). - 1956 (3). 1957 (2).
1958 (2).
1959 (2). 19GO [4). --- 1961 (4). 1962 (4). 1963 (4).
1970 [4).
1964 (4) - 1965 (4). - 1966 (4) 1967 (3). ··- 1968 (4). -- 1969 (4). 1971 (4) - 1972 (4). - 1973 [4). 1974 14). 1975 (4). 1976 (4). 1977 (4).
1981 (4). "- 1982 (4). 1983 (4). 1984 (4.).
1978 (4). - 1979 (4). - 1980 (4). 1985 (4) soit 126 numéros.
: ·: Le Ministère de l'Homme·Esprit, l'un ries pi us célèbres et des plus rares ouvrages
de Louis-Claude de SAINT-MARTIN. a été reprorl"lt intégralement dans les numéros
suivants de !'INITIATION: 1954 [2-3-4) 1955 [1-4). 1956 (2-3-4). 1957 (1). 1960 (4). - 1961 (2-4) 1962 (4). 1964 [3). - 1965 (3-4). 1966 (1-2-3).
e
* * *
Tarot : Les • Arcanes majeurs • (22 lames) ont été étudiés par Suzy VANDEVEN (Reims)
dans les numéros suivants: 1969 (1-2·3-4). 1970 (1-2-3-4). 1971 (1-2-3-4). 1972
(1-2-4) - 1973 (2).
Le prix d'achat de chaque numéro antérieur à l'année en cours est de 25 F.
-89-
L!re~
.tV'-
e i[J)ter~
0 0 0
V
• La science du Tridosha - Ayurvéda
et Homéopathie, par le Dr. BHATTACHARYA (Editions Ediau, 6, rue du
Rû, 91540 Mennecy - 127 pages 65 FJ.
L'auteur associe ici Tridosha,
selon l'ancienne sagesse de l'Ayurvéda (science médicale hindoue) à
l'homéopathie. L'éditeur la présente
pour la première fois au public
français. Les deux font ainsi encore
un pas vers la confluence de deux
mondes.
Tridosha (trois fautes, littéralement). traite des perturbations des
trois éléments air, feu et eau qui
sont en rapport avec la pensée, la
volontée et les sentiments de l'être
humain. Tout déséquilibre entre ces
trois éléments cosmiques se traduit
par des symptômes observables
dans le corps et par la prise du
pouls. Les aliments, eux aussi, contiennent les éléments de la vie. La
classification qui en est proposée
peut orienter le choix d'un régime
aidant à pallier certaines carences.
Les sages de l'Inde disaient que
tout médecin nécessite exercer
avec attention, sérénité d'esprit et ...
bonne humeur. Quelle joie de vivre !
L'auteur incite aussi le praticien à
dépasser la théorie et à utiliser ses
possibilités de réflexion créatrice.
Il nous parle du chemin de " l'intérieur vers l'extérieur et de haut en
bas " qui suit toujours la maladie
pour disparaître.
Un ouvrage tout à fait dans
l'optique spiritualiste, qui donne de
nombreuses applications pratiques
pour que l'homme total se mette
à l'œuvre: celle de l'adoration de
Dieu et de Son service.
M.V.L.
• L'Hermétisme,
par
Françoise
BONARDEL (Presses Universitaires
de France - Que sais-je - n" 2247).
Dans cette remarquable petite
collection aux volumes de 126 pages, Françoise Bonardel, agrégée
de philosophie, traite de la science
d'Hermès et de sa transmission
avec la perspective alchimique.
Nous retrouvons souvent des références à l'anthropologie de l'imaginaire si bien mise en valeur par
Gilbert Durand.
J.P.B.
• Catherine Il, impératrice de toutes les Russies, par Paul MOUROUSY (Editions France-Empire 34 pages - 95 F).
Comment une
allemande devint
gieuse tsarine de
siE;s, plus Russe
petite princesse
la plus prestitoutes les Rusque les Russes.
Comment une luthérienne de naissance, habituée à prier dans les
temples de la religion réformée,
découvrit la foi des anciens slaves
en se prosternant devant les icones
veillées
chacune
par
l'humble
lumière d'une bougie.
Comment par une volonté tenace
comme par son amour pour son
nouveau pays. Catherine parvint à
régner seule et devint l'impératrice
la plus éclairée de la Sainte Russie.
L'auteur, excellent historien, fait
sortir de leur légende les personnages et leur donne une réalité souvent pathétique et toujours attachante.
Henry BAC
• La nuit devient lumière Que
dire à ceux qui ont perdu un être
aimé ? de Jean PRIEUR (Editions
Astra, 10, rue Rochambeau, 75009
Paris - 75 FJ.
Dans le style qui lui est propre,
éblouissant, Jean Prieur, l'auteur,
nous démontre que nos disparus
nous sont toujours très proches,
en général heureux et illuminés
d'une lumière qui leur donne toute
sagesse.
De nombreux exemples, quelquesuns récents, doivent convaincre
ceux qui doutent encore et qui
souffrent d'une " séparation " qui
leur semble injuste.
Pour ceux-là ce livre est indispensable. Il leur apportera beaucoup et
consolidera leur foi.
A lire et relire.
J.E.
• Docteur Janine Fontaine, Médecin
des trois corps. De la Faculté de
Médecine de Paris à !'Ashram Philippin (Robert Laffont, Collection
.. Vécu " - Un volume de 360 pages
- Prix : 63 F).
Cela fait plusieurs années déjà
que les fameux " chirurgiens aux
mains nues " des Philippines défraient la chronique. Deux sons de
cloches opposés s'affrontent à leur
propos. Pour l'un, ces êtres missionnés seraient capables de réaliser des miracles prodigieux; pour
le second, on trouverait pur charlatanisme éhonté aboutissant à
pomper toutes leurs ressources aux
familles qui font effectuer le lointain voyage à des malades incurables déjà si affaiblis.
Le mérite de l'ouvrage dans lequel Janine Fontaine, docteur en
médecine, nous livre enfin toute la
vérité consiste en ce qu'elle n'a pas
seulement effectué une très longue
et minutieuse enquête chez ces
fameux guérisseurs philippins, mais
qu'elle a suivi personnellement toute leur formation, appliqué leurs
méthodes, connu leurs secrets. Car,
tout en ayant suivi à Paris la plus
solide et sûre des formations médicales rigoureusement scientifique,
elle n'en découvrira pas moins au
fil des jours que les traitements
médicaux qui veulent ne s'adresser
qu'au corps physique, ne représentent que l'une des trois faces d'une
médecine intégrale, celle qui saurait
soigner aussi les deux autres enveloppes de l'homme : son corps
psychique et son corps spirituel.
Cela, des empiriques le savent fort
bien. Sur les • chirurgiens aux
mains nues " au rang desquels l'auteur a su si pleinement s'intégrer
(tout en ne reniant pas du tout son
savoir médical), enfin un témoignage complet et d'entière bonne
foi.
Un livre passionnant. mais qui
mérite lecture très attentive.
Serge HUTIN
C'est avec plaisir que je signale
à nos lecteurs deux intéressantes
rééditions dues aux Editions Demeter. 51. rue La Condamine, 75017
Paris.
En effet. voilà que dix ans après
la réédition du " Martines de Pasqually "
de Papus
par Robert
Dumas, Déméter publie les reproductions intégrales des Editions de
Charnue! de 1895 et 1899 qui comportent l'excellente étude de Papus
sur la vie, les pratiques magiques.
l'œuvre et les disciplines de Martinés suivie des Catéchismes des
Elus Cohen et. dans la présente
édition, augmentée d'un important
traité sur : le Martinésisme, le
Willermosisme, le Martinisme et la
Franc-Maçonnerie. Dans l'ensemble.
voilà une édition remarquable, très
soignée et agréable à lire.
Dans le même temps, le même
éditeur publie le Rituel de l'Ordre
Martiniste dressé par Téder dont
la publication originale en 1913
n'était réservée qu'aux seuls dignitaires de !'Ordre.
Martines de Pasqually, 400 pages.
135 F.
Rituel de Téder, 176 pages.
220 F.
A noter que ces deux ouvrages
sont en vente à la Librairie du
Graal, 15, rue Jean-Jacques Rousseau. 75001 Paris, tél. : 42.36.07.60
-90• La médecine des Pharaons, par
Paul GHALIOUNGUI (Editions Robert
Laffont - 70 F).
a Le Divin Heliogabale - César et
prêtre de Baal, par Roland VILLENEUVE (Guy Trédaniel - 80 F).
Dans la collection " Les énigmes
de l'Univers'" dirigée par François
Mazière, voici un ouvrage qui aurait
fait grand plaisir à Papus et à notre
bon Philippe Eucausse.
Roland Villeneuve nous est bien
connu par ses recherches sur les
possessions diaboliques, sur les
envoûtements. Ce petit ouvrage de
180 pages, avec son iconographie
bien choisie, met en scène un personnage fascinant, l'empereur Héliogabale qui régna durant quatre
années sur la Rome décadente (de
213 à 222). Héliogabale. souvent
évoqué par Rémy de Gourmont,
Antonin Artaud, était un éphèbe de
perfection sublime. Roland Villeneuve trace de cet homme un
portrait vivant. Dans ce siècle de
la volµuté, ce mystique, empereur
sensuel, veut imposer l'adoration
d'une pierre noire, symbole phallique et solaire de Baal. Son corps
mutilé fut précipjté dans le Tibre
du Pont Emilien, dans la nuit du
10 au 11 mars 222.
Roland Villeneuve a bien retracé
l'atmosphère d'une étonnante époque.
Jean-Pierre BA YARD
Un docteur, professeur de médecine au Caire, se penche sur " La
médecine des Pharaons "· Mais le
docteur Paul Ghalioungui est aussi
égyptologue, analysant les papyrus
traitant de questions médicales. ou
se basant sur des documents iconographiques. Le professeur Francois
Daumas montre que cette édition
française la première édition
anglaise date de 1963 introduit
des points à peine effleurés jusqu'à
présent : les instruments médicaux
ou chirurgicaux, des df;scriptions
cliniques et même les apparences
pathologiques que l'on peut observer sur les restes humains des
momies. Même lorsque la représentation est symbolique. Paul Ghalioungui discerne ce qui peut revenir àun diagnostic médical : il parle
aussi des guérisseurs, prêtres, médecins et magiciens, de la gynécologie,
des
fonctions
reproductrices, de l'anesthésie: nous avons
des notes sur la médecine vétérinaire et après l'hygiène il faut naturellement évoquer la mort, la sépulture et surtout l'embaumement.
Pour ceux atteints de calvitie, je
vous recommande la méthode égyptienne (p. 165): l'auteur parle également de la médecine vértérinaire,
de la pharmacie. Voici d'ailleurs la
conclusion du Professeur Francois
Dumas : " L'ouvrage du Pr. Ghalioungui apporte donc à la fois d'utiles
sources d'information et des jugements nuancés qui le recommandent à tous ceux qu'intéressent
l'histoire de l'art de guérir et celle
de l'humanisme médical ». Ajoutons que c'est là aussi une meilleure compréhension de la vie dans
l'ancienne Egypte.
Jean-Pierre BA YARD
" l'arcane des Arcanes du Tarot,
par Jean-Michel MATHONIERE (Guy
Trédaniel - 70 F).
Un ouvrage de 133 pages pour
commenter " la structure géométrique des arcanes "· Après avoir commenté le symbolisme des lames
majeures, l'origine chinoise, JeanMichel Mathonière a établi des comparaisons avec les Silènes de Rabelais et les mandala. L'intérêt de
cette étude réside dans la présenta lion des arcanes disposés sur un
cercle ou sur un pentagone : sur
le pourtour il dispose les vingt
cartes majeures, situant au centre
la XXI" (le monde) et éliminant le
Mat (la carte ~>ans
numéro). D'une
manière
générale,
Jean-Michel
Mathonière n'envisage le Mat que
comme le Fol, une carte sans
grande valeur. Je pense pour ma
part que le Mat a une grande puissance symbolique : il est le sage
qui ferme cette ronde ouverte par
le Bateleur et qui se trouve au-delà
de toute moquerie, de toute attaque
car il possède la valeur intérieure,
cette puissance initiatique. Il n'en
reste pas moins que l'étude très
personnelle de Jean-Michel Mathonière ouvre parfois des nouveaux
horizons d'interprétation.
J.P.B.
• Muni - Récit d'une expérience
d'intériorité, par Marie-Madeleine
DAVY (Retz - 96 )F.
On connaît l'œuvre de MarieMadeleine Davy, chargée de cours
à !'Ecole pratique des HautesEtudes (Sorbonne), maître de recherches au C.N.R.S., conférencière
fort appréciée. Après ses études
sur l'époque médiévale (principalement sur Guillaume de SaintThierry). son Essai sur la symbolique romane restent en nos mémoires. Cet écrivain nous fournit
aujourd'hui un récit romancé, la vie
d'un garçon Muni - qui signifie le
renonçant - et l'on suit son évolution, souvent tâtonnante.
Le récit de Marie-Madeleine Davy
est léger, doux, vaporeux : il nous
fait aimer ce garçon. Dans un style
aisé, souvent ironique, avec un
humour chargé de haute compréhension, c'est tout l'itinéraire intérieur
de la personnalité qui nous est
dévoilé. S'il n'y a pas là de théories
hermétiques, on ressent la profonde pensée de Marie-Madeleine
Davy qui dépasse toutes les oppositions illusoires et qui dit : " Chercher "l'Orient de l'âme", c'est
avant tout le dépasser "·
Jean-Pierre BAYARD
• Les Sociétés Secrètes aux rendezvous de !'Apocalypse, par Jean
ROBIN 'Guy Trédaniel - 135 F).
Voici ie sixième ouvrage de Jean
Robin, publié aux Editions Guy Trédaniel - Lzi Maisnie : un livre de
390 pages bien compactes. Nous
connaissons la recherche de Jean
Robin tournée vers la pensée de
René Guénon, et cette rigueur nous
allons la retrouver avec le coin-
91 mentaire qui va d'Eliade à Jung. Un
livre riche de documents, fertile en
anecdotes, en traits d'une petite
histoire s'inscrivant dans les grands
thèmes déjà fermés de l'occultisme.
Jean Robin après s'être intéressé à
Nostradamus a aussi écrit sur Rennes-le-Château, s'interrogeant sur la
survivance de la race mérovingienne. Si l'auteur parle fort bien
du mal, du secret, de Saint Vincent
de Paul, de !'Opus Dei ou des Illuminés de Bavière, il évoque aussi
très largement Saint-Yves d'Alveydre, mais également les Polaires, le
groupe Thulé, Sebottendorf et ainsi
Hitler. Jean Robin cherche à cerner
comment la croix gammée a pu
représenter cette idéologie en partant du culte du sang ; bien des
réflexions, mais peut-être la vérité
est-elle plus simple, lorsque l'on
sait qu'Hitler s'essayant dans la
peinture, la littérature, le théâtre,
dessinait déjà des swastika dans
la marge de ses manuscrits : il a eu
un appel vers un symble éternel,
source de bien des méditations qui
n'ont rien de commun avec le
nazisme. Jean Robin est imprégné
de ces arrière-plans qui ne sont pas
toujours bien fondés mais qui peuvent faire délirer les lecteurs. Car
n'y a-t-il pas quelque chose d'émouvant en rêvant à la venue d'un
Grand Monarque, sans doute en
rapport avec le trésor de l'abbé
Boudet, de Rennes-le-Château et de
ce mystérieux Prieuré de Sion ?
.lean Robin consacre une large place
à r.ette fabuleuse histoire (p. 261
à 330) où 1'on trouve les noms de
Poussin, de Delacroix, de Jules
Verne ou même de Rabelais. Mais
s'appuyant sur les écrits de E. Muraise, fort contestables, on place le
Général de Gaulle à la tête d'une
société secrète, proche de la pens()e de René Guénon, initié à la
pensée Traditionnelle. Jean Robin
s'<Jppule trop sur des propos qui ne
tiennent nas à l'examen critique:
j'ai dit d11ns Sacres et couronne·
ments rovaux (Tn~daielJ
la transmission du Saint-Chrême et réfuté
les propos de Muraise : il en est de
même des inventions de Gérard de
Sède, et avec raison Jean Robin dit
que le livre de Michel Lamy est
" à certains égards contestable "
(p. 293) : j'ai montré qu'affirmer
Jules Verne initié, puisant dans les
rituels maçonniques, dont ceux des
Hauts-Grades, c'était méconnaître la
pensée de la Franc-Maçonnerie. li
est trop facile, et bien prometteur
pour le public, d'affirmer les pires
extravagances ; il est plus difficile
de conserver l<J tête froide comme
René Alleau, Le Forestier, Eliade,
Jung, Gilbert Durand (pour ne citer
que quelques-uns) <Jfin de se diriger
dans ce labyrinthe où les symboles
revivent sous bien des formes. li
est incontestable que toutes les
traditions puisent dans la même
source, que les hommes, initiés ou
non, retrouvent les mêmes archétypes, cet " inconscient collectif " ;
mais vouloir donner des filiations
historiques me paraît un étrange
pouvoir de rêverie. Il n'en reste pas
moins que le livre de Jean Robin
apporte souvent d'excellents enseignements mais il faudra se méfier
de certaines affirmations ou de
quelques
rapprochements
hasardeux.
J.P.B.
• Guide des religions, nouvelle
édition complétée (Editions du Dauphin, Paris 1986 - 320 pages - 80 F).
Publié pour la première fois en
1981, ce guide fait l'objet d'une
nouvelle édition complétée. Bien
qu'il n'apporte pas grand chose de
vraiment nouveau, il constitue un
excellent aide-mémoire sur l'histoire et la doctrine des principales
religions qui coexistent actuellement. Chaque chapitre ayant été
rédigé par un spécialiste de la religion concernée, on ressent parfois
l'impression de traverser un salon
d'exposition où, planté devant son
stand. chaque auteur tente de nous
vanter
un
produit.
L'ouvrage
s'achève par un inventaire succint
des groupes religieux (que son
géniteur a eu le bon goût de ne
pas appeler " sectes») où j'ai été
un tantinet choqué de voir, par la
92 malignité de l'alphabet, voisiner
presque Martinisme et Moon ... Le
Père Jean Vernette qui a commis
cet inventaire aurait pu distinguer
entre ce qui est traditionnel et ce
qui n'est quïmposture. Enfin, le
tableau chronologique synoptique
qui clôt l'ensemble est précieux à
ceux qui, comme moi, n'ont guère
la mémoire des dates.
Y.-F.-B.
• L'Empire Moon, par Jean-François
BOYER (Ed. de la Découverte, Paris
1986 - 420 pages - 95 F).
Le phénomène des sectes n'a
pas fini d'interpeller les curieux. En
ce domaine. le moonisme. ses origines. ses moyens. ses méthodes
et les buts avoués et inavoués de
son entreprise tiennent toujours le
haut du pavé. Dans cet ouvrage
écrit à la manière d'un reportage,
J.-F. Boyer. journaliste à T.F. 1, dissèque l'affaire Moon et ses multiples aspects souvent contradictoires : religieux (Moon ne se prend-il
pas pour le Messie, le vrai, bien
sûr ! ). économiques (ce mouvement abrite derrière sa façade
" mystique " une véritable multinationale industrielle et commerciale). politique (la secte finance de
par le monde de nombreux journaux
d'opinion et télécommande. selon
J'auteu1-. diverses formations politiques dans les deux Amériques et
dans
la
vieille
Europe).
Son
immense fortune serait fondée sur
le bénévolat de ses membres et
sur une singulière adresse à tromper le fisc des états où il tisse sa
toile ... Ce qui, au demeurant. a valu
de sérieux ennuis au " Père " (c'est
ainsi qu'on appelle Moon dans la
secte) et quelques mois d'emprisonnement aux U.S.A. A noter une
plaisante vision manichéenne de
!'Histoire de l'humanité selon Moon
qui, s'appuy<Jnt sur le contentieux
biblique d'Abel et de Caïn, cherche
à nous démontrer, sans pour autant
nous convaincre, que ce combat
fratricide et symbolique se poursuit de nos jours dans la guerre
froide et larvée que se livrent les
Etats-Unis (le paradis) et !'U.R.S.S.
-93[l'enfer). Un peu simpliste, quand
même ...
A lire en toute indépendance
d'esprit, sachant que sont toujours
suspects ceux qui amalgament sans
vergogne : Dieu, le veau d'or et
César!
Y.-F.-B.
• Sar Hiéronymus et la FUDOSI,
par Serge GAILLET, préface de
Robert AMADOU (Ed. Cariscript,
Paris, 1986 - 120 pages - 89 F).
A tous ceux qu'intéresse l'aspect
historique de la Tradition spirituelle
et initiatique, je conseille vivement
la lecture de cet ouvrage qui nous
fait rencontrer quelques curieux
personnages
contemporains.
La
FUDOSI (Fédération universelle des
ordres et sociétés initiatiques), bien
qu'elle fît long feu, constitua, dans
les années 30 à 50, une estimable
tentative de dialogue constructif
entre diverses organisations traditionnelles.
Le " destin initiatique " de Sar
Hiéronymus, alias Emile Dantinne,
nous est rapporté avec beaucoup
de rigueur et de... chaleur par
Serge Gaillet qui résume ainsi ses
multiples
activités :
" Peut-être
franc-maçon mais ass.urément rosicrucien, martiniste, pythagoricien,
maître occultiste et ami de Dieu,
Hiéronymus l'était. en profondeur,
de tout son être et de toute son
âme" (page 63). L'exploration des
multiples activités du Séir donne
également à l'auteur l'occ<Jsion de
nous faire visiter certains ordres et
sociétés initiatiques.
Y.-F. B.
• Les francs-maçons et le pouvoir,
par Jean-André FAUCHER (Ed. Perrin, Paris, 1986 - 340 pages - 95 F).
Les historiens font, en général.
l'impasse sur la Franc-Maçonnerie,
ses membres et leur influence sur
les affaires de la Cité. D'mttres
auteurs, en revanche, laissant voguer leur imagination et bousculant
volontiers les faits, créditent J'Or-
dre et ses affiliés d'une importance
démesurée en ce domaine.
Or, depuis le XVIII" siècle au
moins, la Franc-Maçonnerie fait, que
cela plaise ou non, incontestablement partie de !'Histoire et ce dans
tous les pays du monde où elle
a essaimé (c'est-à-dire, à peu de
choses près, dans toutes les nations européennes et dans toutes
celles qui subirent leur influence
du fait de la colonisation). Restant
volontairement en France, Faucher
nous conte par le menu les avatars
successifs de l 'Ordre en relation
avec les transformations politiques
de notre pays : Ancien Régime.
Révolution, I'" Empire, Restauration.
Second Empire. et les trois Républiques [de 1875 à 1985). On assiste,
ainsi, à l'évolution de ce que ses
ennemis appellent la " secte " qui,
primitivement aristocratique se démocratise peu à peu, suivant en
cela les mœurs politiques de notre
société.
Une liste alphabétique des " Célébrités maçonniques de la FrancMaçonnerie française " complète
cet historique. Elle a le mérite de
remettre les idées en place, particulièrement de ceux qui, par enthousiasme excessif ou par ignorance, veulent voir des maçons
partout et exagèrent le rôle que
!'Ordre a pu jouer dans le traitement des affaires publiques. Et
aussi de ceux qui, a contrario,
écartent irrémédiablement la maçonnerie de toute participation,
plus discrète il est vrai que tapageuse, aux événements de l'histoire.
Notons que tout un chapitre est
consacré au martyre de certains
frères sous l'occupation allemande
et le gouvernement de Vichy. A ce
propos, j'ai, pour ma part, regretté
que la mention de l'assassinat de
notre frère Chevillon soit évacué
en seulement deux lignes (page
234). ce qui laisse entier le mystère
qui entoure les circonstances de ce
crime odieux.
Y.-F. B.
Nous avons reçu un certain nombre d'ouvrages pour lesquels, par
manque de temps et de place, il ne nous est pas possible de donner
recension dans le présent numéro. Rendez-vous au numéro 3 ...
-
-
94 -
ORDRE MARTINISTE
Entre nous...
/{.~unio
inter-Groupes de Nœux-ies-Mi11es
Dans une région apparemment « tristounette», mais où
du ciel appelle la vitalité intérieure cl le culte de l'intimité
sert de cadre, le 13 avril 1986 le Grnupe «Eugène Doyen» du
de Nccux-les-Mincs a tenu une rC·union inter-Groupes qui
rranc succès.
le gris
qui lui
Collège
fut un
Des Groupes de Douai, Paris, Reims, Lille y 0111 assisté. Le GnJUpC
de Calais s'est cxcust'·. Nos rrères cl sccurs Belges étaient de la
pal"lic Cc lut une joie de voir à nouveau des visages que le temps
travaille ... en bien. Certains anciens lllarlinislcs nous <1vaient rejoints.
Le Groupe qui nous 1-ccevait nous a présenté les traditions locales
des "g<··a11ls ». Tout de suite, da11s un climat où fusaient les idées,
les co1Telal ions avec les lraditio11s alcliimiques et la 111vtl1ologic
a11l1quc son! app;1ruc.s, C·clatantes. l '<'solt'Tisnw alïlorail, dans cette
lé'rrc don( il's imposants lerrils fails de main d'hommes, Ù leur sueur,
conslilucnl les scuh reliefs.
E11t1·c la n'union riluclil' cl les aµapcs qui onl suivi, quelques-uns
nous so111n1c1; lai~;s<'
l.'uidcr dans llllL' visite de la rl'l.'ion des mines.
Une rl'gio11 qui, co111111e toute la pla11i:le actuellcmc;1l, cherche des
vu ics nou vcl il';;.
Tous nos rellll'ITi1_·111c11ts au Gr0111K' "Ew!L'lll' Duvc11 », aux enfants
du Pn_'·.sidenl ('( à leur C·pouse, qui <;11! lait ~le
leur i11aiso11 un temple
d'amitié. La r(·u11irn1 s'est lcrminc'C par un sympathique déjeuner.
Nolrl' lrèTc Philippe E11ca11ss<' avait cré<'.· celle rubrique: «Entre
11ous ... ». Il avait voulu qu'elle lùl lllll' porte ouverte sur les ;iclivités
de l'Ord1·c·. li l';1v:1il ;1ppclkc "le n-,~;ml
du Président». Et cc regard,
hic11 sou\·c11l, l'si 11k·i11 de rccrnrnaissa11cc c11vc1·s ceux qui rn1l aidé
des pn1J;111c.s qui l1appaie11l i1 la pul'lc, en souvenir de cc que nous
;1ussi, u11 jour, avons lrappé. Je manquerais au plus l;kmcntairc
de mes devoir; si il' 1'<drcs~i
;'1 notre
lr(·rc Adolphe Dcvrcd,
Délégu(· de la rc·µio11 du Nord et dernier Pn'.·sidenl du Groupe de
Douai, l'expression de notre reconnaissance pour le trav2.il qu'il a
accompli dans celle r(·µion. C'est à lui que doivent les Groupes de
Douai, Calais. Nccux-lcs-Mi11cs d'avoir vu le jour. Bien que son état
de sa11ll' iui cumrnandat la plus grande prudence notre bien-aimé
frère n'a jamais hésité à prendre la route pour rencontrer un candidat. Puis, il l'a toujours suivi cl conseillé, jusqu'à cc que le fruit
soit mür pour prendre en main son état d' " homme de désir».
Au cours de cette n'.·union inter-Groupes où la Charte du Groupe
« Louis-Claude de Saint-Martin » du Collège de Douai a été remise
a son nouveau Président, nous avons rendu à Adolphe Devrcd et à
son épouse Christiane, infatigable à ses côtés, un hommage bien
mérité. Sa santé l'avait empêché de se joindre à nous. Maintenant,
ce grand cœur est bien fatigué... Bien qu'il ait été contraint de
95-
réduire son activité, il continue, discrètement, à veiller attentivement
sur ceux qu'il a formés.
Réunion inter-Groupes d'Espagne
Du 1"' au 4 mai 1986 a eu lieu ~\ Palma de Mallorca la réunion
annuelle des martinistcs espagnols, avec la participation de membres
des sept Groupes cl Cercles de cc pays voisin.
Divers travaux ont (·té présentés cl des rl;llnions se sonl tenues
il tous les degrés. Ces journées, si app1-éciécs par nos sccur·s et frères,
sont devenues depuis cinq ans déjù une occasion de rencontre, de
fraternité cl de travail martinislc unissant entre elles ces pn>vinces
si dillércnlcs. Un grand merci au Grnupc de Mallorca pour la
niagniliquc org:anisalirn1 de ces jm1111(·cs, pour J'cxccllcnt accueil cl
les attentions qu'ils onl prodig:u(·s à tous les participa11ls pendant
ces quatre jours.
Apri.·s Barcclo11c, Mad1·id, Valencia, Santa Crux de Tenerife aux
lies Canaries l'i maintenant Palma dl' Mallorca aux lies Baléares,
la prochaine n'.·union intcr-Gniupes 1987 aura lieu ù Loµrono, capitale
de prnvincc situcc au nord de 11/ladrid. les 1, 2 cl .) mai. Vous y l'tcs
fralcn1cllemc11l invites, mes s<curs l'i 1 rLTCS. Evidemment, j1arlcr
leur la11l'llC est un l.'l<rnd avanlaL•.c da11s le dialol.'Ul' avec nus amis
cspaµnois.
·
c
c
lfoppcl de la réunion inter-Groupes de f,yon
Une dcuxii.·rnc réunion inter-Groupes aura lieu il Lvon, le 15 juin
1986. Tous les Pr(·sidenls de c;rn1qws (_'( de l'l'l'Clcs onl reçu, en
.so11 temps, l;1 convocation do1111a11t 1rn1lcs pr(Tisions utiles. Nous
l'.Sp<'1om. qu'ils c11 a11rrn1t i11lon11c· les llll'lllhrc.s de lcu1·s groupes
rcspcclils l'1 que nous 11ous rclrouvcro11s nombreux.
Ap1·i.·s la ré1111io:1 q11i a rassemblé' il's Marli11isics du Nrn·d, ceux
lwbitanl <Ill sud dl· J;1 l,oire pou1Tu11l se rc11nJ11il"LT cnl1T eux dans
la capilak du L\'01111;1i•;, p;11ric de Ni/.icr J\1Jliwl111c Philippe, lhau111aturµc cl « l loi11111l· d,· l)icu ». Ai11si 1 avait ;1ppl·k notre dernier
Prcsidc11l, le DoclL'llr l'hilippl' E11ca11ssL', son Jilinil. da11s 1111 ouvrage
qu'il l11i co111,;1tT.1 (·"). ~<His
11c po11,011s <:• 'i:bi.,ilT aup1·i.·s de nos
lri.·1Ts cl sn:urs ;tl111 <Jiil' l,·t11 p1c1,c111.c· •_·i il'11r s(Jtli;l'll soi,·11! apporl<'s
au c;rotlpl'
« And:~•·)'
tÎl'
J
,\'1111, qui
Oi''.'.t1'1i
._'
~ ;._'I (l'
io11111l·c.
Nous
ilous 1·clnHl\'l'nJ11s, ap1·l'.s L1 1't·1111irn1 1 i111,·lk. ;1111"11r d'une table.
Clian111 pou1T;.1 rcg;1~,·
s;1 \'ilk- d:11:.s la soill'L'. J\i11si sera close
en lralen1i1é· l'<11111cl' de 11·;i,:1il L'll (,1,;1.qw 1,,., \<1c;111n·s m;1rq11cronl
une pause, mais le travail i11llTlll' co:1ti11uera, l'll prolo11dcul'. Je vous
dis donc ù bicnlùl, ù Lyrn1.
Vie de /'Ordre:
11os
candidats
Parmi les nombreuses kt 1rcs de. candidature que le secrétariat
de !'Ordre rl'l:oit. une d'elles est parliculièrcmcnl touchante. Je vous
la liv1·c, telle quelle:
« ... je viens de lire le "Traik Ek111cntaire de Science Occulte»
de Papus.
('') Philippe Encausse: " Le M<1ilrc Philippe, de Lyon». Ed. Traditionnelles, Pans, 1982 (9'' éd.).
96 -
Je m'appelle ... je suis né le ... j'ai été la pierre sale, mousseuse,
qui peu à peu se nettoie, se débarrasse de toute sorte de saleté
mais qui, après cela, ne se sent pas satisfaite et qui désire aujourd'hui se décorer, se sculpter. Oui, je suis cette pierre.
Jésus-Christ a peut-être tout dit quand Il a dit : «Aimez-vous les
uns les autres comme Je vous ai aimés». Et même sur l'occulte
quand Il a dit : « Si vous voulez, vous pouvez déplacer des montagnes». Mais je suis trop faible et, chaque fois que j'essaye d'être
meilleur, j'échoue toujours. J'ai besoin d'aide. De votre aide. Car
après m'être débarrassé de la mousse, je ne vais pas quand même
me recouvrir de mousse poLff me décorer! J'ai essayé, vous savez
mais, qu'est-cc que j'ai trouvé dans ... (suit le nom d'une organisation
qui se dit spiritualiste) l'amour de l'argent, le matérialisme que
j'essaye de fuir. La foi s'y noie.
La raison de mon intérêt pour l'ésotérisme est que la chose la
plus sür-e dans ma vie, après ma naissance, c'est ma mort. Alors,
je veux la pré'parcr. Ce n'est pas la seule raison. Au ckbut, cela
remonte ù deux ans, j'avais surtout le désir de savoir, de tout
expliquer cc que je ne comprenais pas et beaucoup de vanité aussi.
C'est lü un de mes dNauts. J'en ai beaucoup d'autres ...
Dans l'Ordrc Martinistc il n'y a peut-être que des docteurs.
Eh bien, moi je ne possL'dc aucun diplôme ... Mais, comme dit Papus:
« la vraie science doit être accessible ù tous; la lumière du jour
suffit pour- apprendre la vérité». Jésus a dit : « Frappez, l'on vous
ouvrira; demandez, il vous sera donné» . .le vous demande: aidezmoi ~t savoir plus, car pour moi la voie du cœur est inséparnblc
de la connaissance ... » C'')
Il fut n.''pondu ù cette touchante lettre:
rencontrerez dans l'Ordrc Martiniste des hommes et des
femmes sincères qui comme vous s'efforcent de « nettoyer» la
mousse que la routine et les impératifs de la vie accumulent sur
notre route. Ils ne cherchent pas tant des ckcors et des cordons
qu'à être heureux, en faisant autour d'eux le bien avec discernement.
L'étude des lois occultes de la nature leur racilitc la tâche. Il est,
en effet, pénible, d'avancer sur le sentier quand on est seul. C'est là
un des problèmes auxquels notre fraternité initiatique essaie de
remédier ... »
Ces extraits en disent plus sur les demandes et les réponses que
de longs discours.
Voici, mes amis, quelques moments de la vie de !'Ordre.
*
**
Nous apprenons que le 28 mars 1986 !'Ordre Martiniste et Synarchique vient d'élever, par transfert de pouvoir, en Grande Loge
Nationale Indépendante, la Loge Provinciale de la Barbade qui
relevait, jusqu'ici, de la Grande Loge Britannique. Nous présentons
nos sincères félicitations au nouveau Grand Maître National et
formulons ù l'égard de notre frère, ami de longue date déjà, qui
aura dorénavant la tàche d'aider à répandre l'esprit martiniste
auprès de cette province anglophone, tous nos vœux de progrès
clans la Lumière. Tous nos meilleurs vœux aux sœurs et frères,
membres de !'Ordre Martiniste et Synarchique de la Barbade (***).
Emilio LORENZO
Président de !'Ordre
(***) Nous rappelons que c'est Victor Blanchard qui est à l'origine de
!'Ordre Martiniste et Synarchique. L'adjectif « synarchique » ne doit pas
laisser entendre que cet Ordre, pas plus que !'Ordre Martiniste à proprement parler, eût quelque chose en commun avec la Synarchie dite
« cl'Empire », tel que Philippe Encausse l'avait déjà souligné en 1975.
« ... vous
('"'') A cc sujet, voici un passage extrait de «L'homme des hauteurs et
les hommes du lorrcnt » in «Marc Havn1, le docteur li111111a1111el Lalande»,
Ed. Pythagore, Paris, 1934, opuscule rarissime et introuvable que nous
devons ü l'obligeance de la sœur Huguette M., de Clermont-Ferrand:
« Car ce 11c sont ni les lw111111es, ni les livres, ni votre scie11ce qui vous
donneront la solutio11 du problème, ni le savoir, ni la paix ... Car, dans
sa simplicité primitive, l'/1011111ze possédait cette puissance d'amour
(le « Clu111 »des anciens clzinois) qui fait « /''10111111<! de désir, puis l'hommcesprit ». «La porte supérieure de so11 cœur s'ouvre: /'Esprit pénètre el/
lui; il devient « UN» dans cet Esprit avec le Seig11eur. Il a toute liberté,
tout pouvoir comme Paul, l'apôtre, l'a dit: «Le Seigneur est esprit et là
où esl l'esprit, là aussi est la liberté (!). C'est lù la seule ruute (Tao)
ù suivre; c'est la bonne 11ouvelle (Evangile) que, d'âge en âge, sous des
formes diverses, les sages vie1111ent redire, dont ils témoig11en1 parfois
au prix de leur vie, toujours au prix de leur paix et de leur bonheur,
quand ils ne s'élèvent pas ù cette suprême sainteté que N.S.J.C. a seul
atteint sur les hauteurs de sa croix ».
(]) Seconde Epître aux Corinthiens, III, 17.
A la suite de mon article : " A propos du dernier Ambelain,
la Franc-Maçonnerie oubliée » paru dans le numéro 4 de 1985
(pages 187 et ss.), M. Robert Ambelain, faisant usage de son
droit de réponse, a tenu à nous préciser qu'en parlant du
« philippisme » qui "depuis 1952 a succédé au Martinisme de
Saint-Martin '" il n'a en aucune manière voulu attaquer notre
cher Philippe Encausse. Aussi, l'indignation que cette formule
avait éveillée en moi et les fraternelles remarques que j'adres·
sais à l'auteur au travers de mon article semblent être sans
fondement. Que M. Robert Ambelain veuille bien me pardonner
cette regrettable confusion. Dont acte 1
Yves-Fred BOISSET
Rédacteur en chef.