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Pierre Bourdieu (1930-2002)

2022, Dictionnaire des anthropologies

L’anthropologie de Pierre Bourdieu est une anthropologie sociale – c’est-à-dire qu’elle étudie les hommes en société à travers leurs relations –, essentiellement focalisée sur les groupes sociaux plutôt que sur les individus eux-mêmes – dans la mesure où elle fait grand cas des régularités statistiques et de la position des acteurs au sein de l’espace social –, mais dont certains concepts explicatifs renvoient à la dimension psychosociale de l’activité pratique – et résonne plutôt avec certains développements contemporains de la sociologie psychologique ou de l’anthropologie cognitive. Il en résulte un modèle général qui n’est pas sans tensions ou difficultés : après avoir exposé les grandes coordonnées de l’anthropologie bourdieusienne, nous soulignerons ces difficultés à partir d’un exemple concret selon nous révélateur, à savoir l’usage qu’il fait de la notion de « schème de perception ».

C. Chamois, « Pierre Bourdieu (1930-2002) », in M. Lequin et A. Piette (dir.), Dictionnaire des anthropologies, Nanterre, Presses Universitaires de Nanterre, 2022, p. 147-154. L’anthropologie de Pierre Bourdieu est une anthropologie sociale – c’est-à-dire qu’elle étudie les hommes en société à travers leurs relations –, essentiellement focalisée sur les groupes sociaux plutôt que sur les individus eux-mêmes – dans la mesure où elle fait grand cas des régularités statistiques et de la position des acteurs au sein de l’espace social –, mais dont certains concepts explicatifs renvoient à la dimension psychosociale de l’activité pratique – et résonne plutôt avec certains développements contemporains de la sociologie psychologique ou de l’anthropologie cognitive. Il en résulte un modèle général qui n’est pas sans tensions ou difficultés : après avoir exposé les grandes coordonnées de l’anthropologie bourdieusienne, nous soulignerons ces difficultés à partir d’un exemple concret selon nous révélateur, à savoir l’usage qu’il fait de la notion de « schème de perception ». Trois concepts centraux : champ, capital, habitus Trois concepts organisent la théorie bourdieusienne – ceux de champ, de capital et d’habitus. Premièrement, les individus ne sont pas abordés comme des entités isolées, ni à travers leurs supposées caractéristiques intrinsèques, mais toujours à partir de leur « position » dans un champ social. La notion de « champ » désigne un ensemble de relations structurales entre des types psychosociaux (jeunes/vieux, dominants/dominés, etc.) ; et les relations en question sont conçues par Bourdieu sur le modèle de la compétition ou de la concurrence, car chaque position implique des enjeux de pouvoir particuliers. Ainsi, malgré la grande diversité des champs sociaux (politique, art, etc.), Bourdieu tente de cerner un certain nombre de régularités : par exemple, la position dominante étant également une position légitime, les nouveaux entrants se répartissent généralement entre des « orthodoxes », qui cherchent à incarner la position légitime, et des « hétérodoxes », qui cherchent à en saper les fondements. Les interactions entre les individus sont donc d’abord abordées comme des effets de position (qu’il faudrait alors distinguer d’un simple concept de « rôle » car, contrairement au modèle intuitif du rôle social, les individus ne peuvent s’éloigner de leur position). Deuxièmement, les positions dans le champ dépendent du « capital » dont dispose l’individu, c’est-à-dire de l’ensemble des ressources qu’il est susceptible de mobiliser. Il peut s’agir de son capital économique, mais également de son capital social (son réseau d’amis, de collègues….), culturel (de ses diplômes…), etc. Le trait fondamental des relations inter-humaines semble alors résider dans les conflits de légitimité. Plus précisément, Bourdieu accorde une importance fondamentale à la volonté de se « distinguer » d’autrui – idée qu’il résume dans la formule « les goûts sont avant tout des dégoûts […] pour les autres goûts, les goûts des autres » (Bourdieu 1979 : 60). En ce sens, l’homme bourdieusien est à la fois relationnel et réflexif en ce sens qu’il s’aborde lui-même à partir du système de relations dans lequel il est inscrit. Troisièmement, Bourdieu insiste sur l’importance de la socialisation, notamment primaire, à partir de la notion d’habitus : cette notion désigne l’ensemble des dispositions psychophysiologiques acquises par l’individu au cours de son existence sociale. En somme, l’homme bourdieusien est profondément surdéterminé par son expérience passée et ne peut être envisagé de manière détemporalisée. Au niveau sociologique, les modalités même de cette détermination ne sont cependant pas sans poser quelques difficultés : la théorie de l’habitus (1) uniformise à l’excès les techniques de socialisation, (2) minimise l’importance des « habitus clivés » et (3) minimise la part de réflexivité des acteurs dans leurs pratiques. Cependant, au niveau anthropologique, le constat est plus ambigu car la notion d’habitus est particulièrement intéressante pour deux raisons : d’une part, elle ouvre la sociologie des groupes sociaux vers une analyse des phénomènes d’incorporation ou d’intériorisation à l’échelle pré-individuelle. D’autre part, elle articule une analyse des régularités sociales à une théorie psychologique de la formation et de la stabilisation de « dispositions » acquises. Or, c’est cette articulation entre des pans hétérogènes de l’analyse sociale qui nous semble à la fois le plus heuristique et peut-être le moins bien développé dans l’anthropologie de la pratique bourdieusienne. C’est pourquoi nous nous focaliserons sur ce point à partir d’un cas concret. Une anthropologie ambiguë, entre kantisme et phénoménologie : l’exemple des « schèmes de perception » Pour préciser le sens de la démarche bourdieusienne, on peut s’appuyer sur l’utilisation qu’il fait de la notion de « schème de perception » afin d’identifier l’anthropologie implicite qui s’en dégage. Dans les années 1960, Bourdieu étudie l’évolution des compétences artistiques chez les amateurs d’art : il considère alors que ce groupe se distingue essentiellement par les « codes » qu’il possède, c’est-à-dire par les « catégories de perception » socialement acquises qui leur permettent de déchiffrer les œuvres d’art qu’ils perçoivent (Bourdieu 1968 : 639). Bourdieu se réfère alors à une anthropologie essentiellement dualiste qui oppose les sensations aveugles d’un côté et les catégories qui leur donnent sens (tantôt décrites comme des catégories « de pensée » tantôt comme des catégories « de perception ») de l’autre – les secondes seules étant susceptibles de variation historique. Bourdieu participe ainsi à la critique du « mythe du donné » ou du « mythe de l’œil innocent ». Cependant, dans les années 1980, c’est-à-dire lorsque Bourdieu développe sa théorie du « sens pratique » et ainsi l’« anthropologie de la pratique » qui s’y adosse, cette théorie de la perception comme « codage » est abandonnée. En effet, l’idée de déchiffrement ou de codage semble impliquer la référence à un code précis, ou au moins unifié, qui donnerait du sens à certains traits picturaux – en identifiant des personnages à leur posture ou leur vêtement, par exemple. Or, ce modèle paraît trop intellectualiste pour décrire les rapports concrets que les individus entretiennent aux œuvres (Bourdieu 1992 : 398-399). Bourdieu se tourne alors vers la notion d’« habitudes visuelles » développée par Michael Baxandall qui n’implique pas uniquement une opération de décodage explicite, mais bien la mobilisation de schèmes divers provenant essentiellement des habitudes pratiques des acteurs. Il en résulte alors l’idée d’une socialisation de la perception qui repose sur « une théorie de la perception première comme pratique, sans théorie ni concept » (Bourdieu 1992 : 433). La socialisation de la perception renvoie ainsi à une transformation des manières de se tenir face à des objets – ou hexis – et non à une transformation des jugements portés sur ces objets – ou cogitatio. Cet exemple permet de cerner la trajectoire intellectuelle de Bourdieu et la spécificité de son approche : sans proposer d’anthropologie explicite, au sens philosophique du terme, il puise dans la tradition des éléments susceptibles d’asseoir sa théorie de la pratique. À cet égard, deux modèles doivent être soulignés : le kantisme et la phénoménologie. Bourdieu présente en effet fréquemment son modèle comme une version « historiciste du projet transcendantal » (Bourdieu 1992 : 397) qui privilégie le niveau du schématisme à celui des catégories afin de rendre compte de la dimension incarnée des habitudes acquises. Bourdieu revendique ainsi une version historiciste de l’ego transcendantal. Pour Bourdieu, le modèle transcendantal traditionnel ne parvient en effet pas à rendre compte des conditions réelles de l’expérience parce qu’il décalque les conditions transcendantales sur la figure empirique de la conscience subjective. Or, celles-ci résident plutôt dans l’expérience passée des agents : la production d’un « regard pur », par exemple, suppose des conditions d’apprentissage particulières, comme la fréquentation précoce et régulière des œuvres, le développement d’une attention à la forme, etc. Et ces conditions ontogénétiques (au niveau individuel) reposent elles-mêmes sur des conditions phylogénétiques (au niveau historique), qui incluent l’invention d’un vocabulaire artistique, l’édification de musées, etc. Ces deux niveaux forment « cette sorte de transcendantal historique qui est la condition de l’expérience esthétique ». Que signifie « historiciser » le sujet percevant, pour Bourdieu ? Cela signifie avant tout se focaliser sur les « dispositions » acquises au terme d’un processus d’« habituation ». Or, pour rendre compte de ce processus, Bourdieu puise à des sources diverses. Il s’inspire ainsi d’une version assez générale de la phénoménologie husserlienne ou de l’écologie de la perception lorsqu’il affirme que ce qui est perçu est avant tout « une virtualité qui se livre comme quasi présente dans le visible » ou des « potentialités inscrites dans le présent directement perçu » (Bourdieu 2000 : 384). On retrouve donc des formulations qui évoquent la théorie des affordances de James Gibson. Les notions de schème et d’habitus: boite noire de l’anthropologie de la pratique ? Ces analyses ont conduit de nombreux théoriciens à faire de l’anthropologie de la pratique bourdieusienne un modèle de « cognition incarnée » et, conséquemment, un paradigme susceptible d’articuler sociologie ou anthropologie d’une part et sciences cognitives ou neurosciences d’autre part. Cependant, certaines difficultés émergent sitôt qu’on essaye de cerner la dimension « pratique » des concepts bourdieusiens. La première limite concerne le flou théorique qui entoure la théorie psychosociale de Bourdieu. Celui-ci emprunte en effet à la fois au transcendantalisme kantien, à la psychologie génétique de Piaget, à la phénoménologie de Merleau-Ponty ou à l’éthologie du comportement animal. Il en résulte un certain flottement des notions de « schème », de « disposition » ou d’« habitus ». Or, comme le souligne Bernard Lahire, « si les sociologues s’avéraient incapables de saisir notamment comment se construisent, à travers les expériences sociales, les multiples genres de “disposition”, de “schème”, etc. (d’ “habitus”), alors ces termes perdraient tout intérêt heuristique et constitueraient un asylum ignorantiae de plus dans l’histoire des concepts sociologiques (Lahire 2011 : 299-300). La deuxième limite concerne la question de l’acquisition et du maintien des structures du comportement. En effet, Bourdieu évoque très souvent l’« intériorisation » ou l’« incorporation » de structures objectives ; cependant, cette notion d’incorporation n’est jamais précisée. D’abord, parce que l’incorporation en question n’est jamais étudiée au présent : elle désigne toujours une étape antérieure qu’il est nécessaire de postuler dans la genèse de l’agent afin d’expliquer son comportement actuel. En ce sens, c’est la processualité de l’incorporation qui est systématiquement postulée sans être examinée. Ensuite, parce que les seules fois où Bourdieu s’attarde sur les phénomènes d’intériorisation, c’est à l’intériorisation de « structures » qu’il fait référence – c’est-à-dire d’ensembles déjà préformés – ou au « transfert » d’une structure d’un domaine à un autre (par exemple le transfert des modèles de perception du domaine médical au domaine artistique). Mais même dans ces cas très particuliers, les modalités et les conditions d’un tel transfert ne sont jamais évoquées. Enfin, parce que les habitudes étudiées ne sont évoquées que dans la mesure où elles se maintiennent dans le temps, au sens où « l’habitus tend à assurer sa propre constance » (Bourdieu 1980 : 102) ; cependant, l’érosion d’une habitude, le renforcement d’une disposition, ou la contextualisation d’une tendance ne sont jamais évoqués. Ainsi, il ne faut probablement pas surestimer la dimension « pratique » ou « incarnée » de la théorie bourdieusienne, qu’il faut plutôt envisager comme un effort de la part d’un théoricien de tradition structuraliste pour prendre en compte les dimensions non-symboliques de l’expérience vécue. Prolongements en sociologie psychologique et en anthropologie cognitive Finalement, quelles sont les dimensions de l’anthropologie bourdieusienne qui mériteraient d’être approfondies dans le cadre d’une anthropologie générale ? La première dimension concerne l’émergence et le maintien des schèmes comportementaux, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles ils sont acquis et conservés. En effet, les théories de la socialisation ne peuvent pas se contenter d’affirmer que les individus intériorisent des systèmes de schèmes : elles doivent également expliquer comment se produit ce phénomène d’intériorisation et préciser si la notion d’intériorisation est la plus à même de décrire ce phénomène. Or, sur ce point, la théorie bourdieusienne ne fournit aucune indication particulière : le comportement y est toujours abordé dans sa dimension structurée, et jamais structurante. Or, si l’on étudie l’émergence concrète des schèmes de perception, on est sans doute conduit à abandonner l’idée bourdieusienne d’une transversalité générale des schèmes cognitifs, au profit d’une étude plus fine des schèmes contextuels – c’est-à-dire mobilisés dans tel ou tel contexte particulier – et de leurs conditions de transférabilité. Bourdieu a par exemple montré que l’organisation de la maison kabyle répondait à un système d’oppositions (du masculin et du féminin, de l’intérieur et de l’extérieur, etc.) qu’on retrouve en tant que tel dans l’ensemble de la société kabyle. Il fait ainsi des schèmes pratiques mobilisés dans la construction et dans l’utilisation de la maison un microcosme de ce macrocosme qu’est la société kabyle. Il se situe alors à un niveau très général pour étudier des schèmes dont l’application est transversale par rapport à la vie sociale. Or, il existe un hiatus important entre la transversalité revendiquée par l’analyse bourdieusienne et l’incarnation pratique des schèmes qu’il prétend étudier. Lorsqu’on étudie des schèmes acquis par la pratique, leur capacité de transfert à d’autres dimensions pratiques est par définition très limitée : le développement du palais chez les œnologues suppose des compétences non exportables en dehors du contexte de la dégustation de vin ; il en est de même pour les compétences perceptives des médecins face à des radiographies ou des joueurs d’échecs face à un échiquier. Cela ne signifie pas, symétriquement qu’il n’existe aucun phénomène de transfert d’un contexte à un autre – mais ceux-ci ne peuvent être postulés et doivent être étudiés au cas par cas. En somme, plutôt que de postuler une cohérence dispositionnelle générale, comme le fait Bourdieu, il semble aujourd’hui préférable de prendre en compte la diversité des contextes traversés par les individus est les phénomènes de transfert de compétences qui s’y jouent. Bourdieu a lui-même affirmé qu’il était possible, et même nécessaire, de compléter son anthropologie de la pratique par une sociologie psychologique (ou une psychologie culturelle) inspirée de Lev Vygotski (Bourdieu et Chartier 1989 : 57). S’il n’a pas vraiment lui-même amorcé ce travail, certains développements récents de la sociologie française témoignent de cette influence : c’est le cas, par exemple, des travaux de Wilfried Lignier sont à cet égard évocateurs. Après avoir montré, avec Julie Pagis, que les enfants utilisaient des critères domestiques (comme l’hygiène ou l’esthétique) pour évaluer les activités professionnelles qu’ils connaissent (et ainsi reproduire une partie des jugements sociaux qu’ils intériorisent), il s’est orienté vers une analyse psychosociale des « manières de prendre », c’est-à-dire vers une étude des conditionnements sociaux d’un geste en apparence aussi simple et primitif que la préhension : Sur le plan des manières de prendre, on remarquera […] que, quand l’enfant commence à essayer d’attraper des objets par lui-même (au-delà de la préhension réflexe), il a forcément été témoin des façons de prendre de son entourage ; et, surtout, que sur le moment même de l’acte, sa technique d’appropriation fait typiquement l’objet de commentaires, de rectifications, d’encouragements ou de toute autre forme d’“étayage” comportemental (au sens de la psychologie culturelle, et non de la psychanalyse). Comment ignorer dans ces conditions l’origine, elle aussi externe, extra-individuelle, des manières de prendre ? (Lignier 2019 : 16). Ce faisant, Lignier développe une approche qui est à la fois indéniablement revendiquée par Bourdieu et pourtant largement sous-déterminée dans son œuvre. En ce sens, au-delà des nombreux commentaires et critiques consacrés à la sociologie de Pierre Bourdieu – autour des concepts de champ, de capital et d’habitus, notamment – c’est aujourd’hui également l’anthropologie de ce dernier qui retrouve une actualité critique et problématique. Le rapprochement avec la psychologie culturelle américaine ou russe (Vygotski, Alexandre Luria, Alexis Leontiev, Jerome Bruner, Michael Cole ou Richard Shweder) n’est qu’une manière parmi d’autres de souligner ce qui reste de désincarné dans l’anthropologie (dite) de la pratique de Bourdieu sans pour autant s’en détourner et même en en prolongeant les intuitions les plus fondamentales. Camille Chamois Références Bourdieu Pierre, 1979, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979. Bourdieu Pierre, 1980, Le Sens pratique, Paris, Minuit, 1980. Bourdieu Pierre, 1992, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil. Bourdieu Pierre, 2000, Esquisse d’une théorie de la pratique précédé de Trois études d’ethnologie kabyle, Paris, Seuil. Bourdieu Pierre et Chartier Roger, 1989, « Gens à histoire, gens sans histoire : dialogue Bourdieu/Chartier », Politix. Revue des sciences sociales du politique, vol. 2, no 6, p. 53-60. Lahire Bernard, 2011, L’homme pluriel. Les ressorts de l’action, Paris, Armand Colin/Nathan, (2001). Lignier Wilfried, 2019, Prendre. Naissance d’une pratique sociale élémentaire, Paris, Seuil. Bibliographie complémentaire Baxandall Michael, 1985, L’œil du Quattrocento. L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Paris, Gallimard (1972). Strauss Claudia et Quinn Naomi (éd.), 1997, A Cognitive Theory of Cultural Meaning, Cambridge, Cambridge University Press.