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Revue internationale P.M.E.
Économie et gestion de la petite et moyenne entreprise
Éditorial
Stratégie et P.M.E.
Didier Chabaud, Alain Fayolle et Olivier Germain
Volume 23, numéro 3-4, 2010
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1012491ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1012491ar
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Presses de l’Université du Québec
ISSN
0776-5436 (imprimé)
1918-9699 (numérique)
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Chabaud, D., Fayolle, A. & Germain, O. (2010). Éditorial : Stratégie et P.M.E.
Revue internationale P.M.E., 23(3-4), 7–12. https://doi.org/10.7202/1012491ar
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Éditorial
Stratégie et P.M.E.
La stratégie, en tant que champ de recherche, s’est construite autour de problématiques ayant trait à la grande entreprise, et particulièrement autour du thème
de la planification stratégique. Dans ce contexte, la PME n’attirait que peu
l’attention, perçue comme le lieu d’une stratégie appliquée chemin faisant par
un acteur unique : le dirigeant-propriétaire. Si certains affirmaient que l’absence
de planification révélait une absence de besoin (Rice, 1983), d’autres montraient
la singularité de l’activité stratégique en PME. La planification stratégique
s’avérait d’abord non structurée, plutôt adaptative que proactive, irrégulière et
peu formalisée (Robinson et Pearce, 1984). Ensuite, elle s’exerçait en général
sur courte période (Robinson et Littlejohn, 1981). Ces quelques caractéristiques
semblaient alors relever de la pathologie ou de dysfonctionnements dans le
processus stratégique au regard d’un modèle dominant.
La PME est devenue un objet d’étude intéressant lorsque s’est développée la critique d’une approche rationnelle et balistique de la stratégie. Les
critiques mettent au jour l’inadaptation des conduites stratégiques planifiées
en environnement incertain, l’absence ou les difficultés de traduction organisationnelle de ces conduites et vont jusqu’à questionner leur efficacité lorsqu’elles
sont convenablement menées (Baumard et Starbuck, 2002). Les termes de
l’alternative allant de formes molles de planification jusqu’à une stratégie se
définissant par son « absence » (Inkpen et Choudhury, 1995). Dès lors, chacun
constate un retour nécessaire à l’examen des pratiques. Ce curieux mouvement
de balancier ramène donc en quelque sorte la stratégie à des constats effectués
dès les premières recherches en PME. La stratégie est une activité discrète qui
laisse peu de place à l’action prédéterminée, au leader héroïque et à l’intention
délibérée (Chia et Holt, 2009).
Deux ensembles de travaux peuvent ainsi être distingués autour de l’objet
« PME » en stratégie. Le premier interroge les spécificités de la conduite stratégique des PME. Certains travaux suggèrent ainsi une réécriture des stratégies
génériques en raison d’un « désavantage » en termes de ressources des PME
(Lee, Lim et Tan, 1999), insistent sur la singularité des « chemins de diversification » des PME (Lynn et Reinsch Jr., 1990) ou examinent la mise en place
de stratégie de rupture en PME (Le Roy et Yami, 2007). D’autres traitent par
exemple des alliances stratégiques entre PME (Gundolf et Jaouen, 2008) ou
du portage commercial comme modalité appropriée d’internationalisation des
PME (Bueno Merino, 2003). Enfin, un courant révèle des conduites intrapreneuriales particulières au sein de petites entreprises (Carrier, 1996).
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Le second ensemble utilise la PME comme un objet réducteur de complexité qui rend possible l’opérationnalisation ou la discussion d’approches
théoriques (Torrès, 1998). La PME sert alors « toutes choses égales d’ailleurs »
de miniature. On y trouve par exemple des travaux examinant les liens entre
les mécanismes de gouvernance et la propension au changement stratégique
(Brunninge, Nordqvist et Wiklund, 2007) ou bien les stratégies mises en œuvre
en situation de dépendance des ressources (Bretherton et Chaston, 2005). Autre
exemple, Doving et Gooderham (2008) utilisent un échantillon de petites entreprises de consultance pour examiner l’influence des capacités dynamiques sur
l’étendue de la diversification liée.
Des recherches interviennent à l’articulation de ces deux ensembles pour
affirmer que, si la PME est un laboratoire plus propice à la révélation de mécanismes sous-jacents aux pratiques stratégiques, elle est avant tout le véritable
lieu de mise en œuvre de certaines stratégies. On peut par exemple s’interroger
sur la pertinence des approches par les ressources et compétences dans la
compréhension des stratégies des grandes entreprises dans la mesure d’abord
où le processus d’élaboration des compétences y est complexe et disséminé.
« Il est évident que l’identification des ressources-clés est plus aisée dans une
TPE que chez Danone, où chaque DAS, voire chaque centre d’activité, sécrète
et nécessite des ressources et des compétences spécifiques. Mais, qui plus est,
les TPE et PE sont plus propices à l’émergence de stratégies de distinction,
les hyperfirmes manifestant une forte propension aux stratégies d’imitation »
(Marchesnay, 2002, p. 26). Il en est de même du processus de construction
sociale et de légitimation de la stratégie des PME comme le documente la
thèse de Brandao Bernardes (2008) autour de l’analyse fouillée de quatre cas
de diversification.
De fait, les articles présents dans ce numéro s’inscrivent dans ces
ensembles : tout en dégageant des apports thématiques autour des questions de
la compétence et de la gouvernance et des jeux d’acteurs, ils permettent de dégager des singularités stratégiques propres aux petites et moyennes organisations.
La focalisation sur les PME permet aux deux articles de François Pantin
et de Martine Séville et Peter Wirtz de dégager des résultats sur le rôle des
compétences et de s’inscrire dans un débat sur les équipes dirigeantes (Top
Management Teams, TMT), voire de l’ouvrir. François Pantin, dans une intéressante étude longitudinale sur trois cas de PME souligne combien le processus
d’internationalisation est fortement dépendant des compétences de l’équipe
dirigeante et de leur dynamique. L’internationalisation peut alors s’insérer dans
une logique proactive de la PME, tout en étant fortement liée aux compétences
stratégiques et opérationnelles de la TMT. Le débat est alors approfondi par
l’article de Martine Séville et Peter Wirtz. Les auteurs, à travers une étude de
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cas unique particulièrement fouillée, s’interrogent sur l’influence des caractéristiques de la TMT sur le déclenchement et le maintien de l’hypercroissance.
À la différence des études classiques qui évoqueraient une relation causale,
ils soulignent l’interaction entre ces dimensions et, plus largement, le fait que
l’hypercroissance pousse à des apprentissages et à des modifications de l’équipe
dirigeante. Ce faisant, le sens de causalité des études classiques est renversé.
Les perspectives ouvertes par les trois autres articles permettent, quant
à elles, une interrogation sur les dimensions de gouvernance et les jeux d’acteur, tout en s’intéressant à la spécification des stratégies suivies par les PME.
L’article conceptuel de Fabrice Le Vigoureux et Pascal Aurégan s’inscrit dans
l’approche cognitive de la gouvernance. Il permet d’enrichir le débat sur la
performance des entreprises familiales, alors que celles-ci ont fait l’objet de
travaux montrant comment ces entreprises surperforment par rapport aux
entreprises non familiales, Fabrice Le Vigoureux et Pascal Aurégan élargissent
la vision délivrée des entreprises familiales, en soulignant les bénéfices que
celles-ci peuvent retirer de l’entrée de partenaires extérieurs dans leur capital.
L’ouverture du capital des ME familiales permet à la fois de limiter les effets
négatifs de la seule possession familiale (logique de contre-pouvoirs « disciplinants ») et surtout de stimuler la capacité de l’EF à développer son projet,
saisir des opportunités et déployer sa stratégie. Au-delà, l’image de la stratégie
des PME est complétée par l’analyse de deux aspects complémentaires, tenant
aux dimensions relationnelles de la stratégie. L’article empirique d’Étienne
St-Jean et de Luc Lebel, portant sur un échantillon de 265 PME forestières
sous-traitantes, examine l’impact de la dépendance commerciale et de l’autonomie décisionnelle sur la performance et les choix stratégiques. Leur étude
montre une relation négative de la dépendance commerciale à la performance
en matière de satisfaction du client, mais non significative sur les variables
financières, tandis que l’autonomie managériale influence favorablement la
croissance, tandis que l’autonomie RH influence la diversification. Ce faisant,
ils soulignent l’intérêt de distinguer dans les travaux les deux niveaux/dimensions que sont la dépendance commerciale et l’autonomie. Cette exploration
des relations entre acteurs se termine par l’article de Sandrine Berger-Douce
qui s’interroge sur la « fabrique » de la stratégie collective en matière d’environnement. L’observation participante qu’elle a réalisée auprès d’un club de
dirigeants d’entreprises du numérique souligne la difficulté à construire et à
soutenir dans la durée une telle stratégie collective.
Ces travaux, pris dans leur ensemble, permettent de saisir la dynamique
des recherches menées à l’articulation du champ de la stratégie et de l’objet
« PME ». Au-delà de la seule exploration des spécificités de la stratégie des
PME, ils révèlent combien cet objet permet de conduire des études à même
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de renouveler – ou d’étendre – les travaux effectués en matière de stratégie des
grandes entreprises. N’en doutons pas, il s’agit bien là de souligner combien
la PME est intéressante pour étudier la stratégie.
Quatre articles hors thème complètent ce numéro. C’est ainsi que
Manal El Abboubi de l’École supérieure de commerce du Groupe Sup de
Co La Rochelle et Annie Cornet de HEC-École de gestion de l’Université de
Liège nous présentent une étude de cas qui leur permet d’analyser le processus de mobilisation des parties prenantes dans une entreprise familiale, et ce,
à l’encontre de la théorie des parties prenantes. Au travers d’une rechercheaction effectuée dans trois PME du secteur hôtelier, José Luis Pech-Varguez
de l’Université de Quintana Roo, Luis Cisneros de HEC Montréal, Émilie
Genin de l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal ainsi
qu’Hugo Cordova de HEC Paris étudient la mise en place d’un système formel
de gestion et son impact sur la cohérence et la cohésion de l’équipe de direction.
À leur tour, Olivier Giacomin et Frank Janssen de l’Université catholique de
Louvain, Jean-Luc Guyot de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective
et de la statistique ainsi qu’Olivier Lohest de la Banque Nationale de Belgique
mettent en évidence l’influence des motivations de contrainte et volontaires sur
le choix sectoriel de l’entrepreneur, utilisant pour ce faire un échantillon de
538 créateurs d’entreprises. Enfin, Gregory Reyes de l’IAE de Poitiers nous
présente les résultats d’une recherche sur les réseaux de PME, visant à déterminer l’intérêt pour un pharmacien de se joindre à un groupement officinal,
et ce, au moyen d’une étude exploratoire de huit groupements.
Didier Chabaud,
Université d’Avignon et des pays de Vaucluse, France
Alain Fayolle,
EM Lyon Business School, France
Olivier Germain,
EM Normandie, France
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