Structure conceptuelle et structure sémantique du
discours romanesque de « Dans ces bras-là » de Camille
Laurens
Dr_ Rania Hassan Ahmed
Associate Professor Department of french language and literature,
Helwan university, Cairo, Egypt
Abstract :
This research proposes a cognitive
semantic study of the mental framework of the
self in search of its identity in the universe of
the other. It is the self of the heroine of Camille
Laurens' novel Dans ces bras-là, which
espouses a postmodern vision in the
construction of its fragmentary novelistic
discourse. The present study postulates an
analysis of the conceptual structure with which
the semantic structure of Camille Laurens’s
text identifies. It tends to study the cognitive
framework of the quest for the ego and to
analyze the categories that emerge from it. It is
about defining the concepts by which the
heroine's ego has segmented her environment
of men into meaningful categories. My aim is
constructivist and my approach is based on two
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levels: The extra-linguistic level where I will
study the conceptual structure of Laurens' text,
and the linguistic level where I will study the
semantic isotopes that dominate the text in
view to access its cognitive coherence.
Keywords
Cognitive linguistic, frames,
postmodernism, deconstruction.
categories,
Introduction
Rastier 1 affirme que pour rechercher les causes des faits
linguistiques, leur explication devrait être placée en l'occurrence
dans la sphère psychologique, et que les sciences sociales ne
pourraient accéder qu’à des conditions, non à des causes 2 .
L’approche cognitive dans l’étude des langues naturelles
conteste l’autonomie relative de la linguistique à l’égard des
disciplines connexes. La linguistique cognitive est une interface
des sciences de la cognition, de l’intelligence artificielle, de la
neurologie et de la psychologie. La présente recherche propose
une étude sémantique cognitive du cadre mental du moi en quête
de son identité dans l’univers de l’autre. C’est le moi de l’héroïne
du roman Dans ces bras-là3 de Camille Laurens. La narratrice du
roman souligne dès le début du récit qu’il s’agit d’« un livre sur
les hommes, sur l’amour des hommes […] un livre sur tous les
hommes d’une femme, du premier au dernier – père, grand-père,
fils, frère, ami, amant, mari, patron, collègue…, dans l’ordre ou
le désordre de leur apparition dans sa vie. » 4 . L’héroïne du
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Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
roman qui porte le même nom que l’auteur du livre s’engage dans
une quête de son moi dans la sphère de l’autre masculin. C’est
un moi qui se crée et se rend visible en fonction de l’autre, de
l’homme. À travers l’étude des hommes et l’écriture d’un livre
sur les hommes, « la femme du livre »5 s’affirme et se construit
une identité ancrée dans l’image du « sexe opposé » 6 . Elle
observe les hommes, les maintient à distance d’elle pour les
réfléchir. En les décrivant, elle se décrit ; en les analysant, elle
s’auto-analyse. Leur être confirme le sien, le récit de leur vie
l’aide à se reconstruire une nouvelle existence où son moi est
saisi et est conquis.
Camille Laurens épouse une vision postmoderne dans la
construction de son texte romanesque constitué de fragments
isolés et autonomes. Étant l’expression de la postmodernité, le
fragmentaire reflète les tensions d’un monde en dislocation, d’un
monde brisé. Le texte de Laurens témoigne d’une postmodernité
violente qui renverse toute convention et conteste tout critère
classique d’harmonie et de beauté. La rupture postmoderne est
celle d’une conscience vive des crises et des mutations du monde,
ce qui entraîne toute une dissolution des régimes de signification
classiques. L’héroïne-narratrice dévoile la stratégie scripturale de
son livre sur les hommes. Elle confirme la discontinuité de la
forme de ce livre. Des ruptures, des fractures et des déchirures
du texte et des liens entre ses différents éléments. C’est le jeu du
kaléidoscope : déconstruire le texte pour le reconstruire et enfin
le texte explose et éclate. La narratrice du récit de Laurens
affirme dès l’introduction du roman que « la forme du roman
serait discontinue, afin de mimer au fil des pages ce jeu de va-etvient, ces progrès, ces ruptures qui tissent et défont le lien entre
elle et eux. »7 . Ce morcellement textuel répond à une philosophie
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d’écriture. C’est l’expression de l’inachèvement, une projection
vers l’infini du langage, l’incarnation d’un monde chaotique qui
risque d’éclater. Cette insoumission à l’ordre du sens traduit une
nécessité d’une interaction de la part du lecteur vis-à-vis du texte
romanesque en vue d’une interprétation du sens ou plutôt d’une
reconstruction du sens. Notre approche serait ainsi
constructiviste, notre étude tend à une interprétation sémantique
du texte de Laurens en vue de décrire les articulations du moi par
le détour de l’autre. Il s’agit de reconstruire le sens déconstruit
dans le texte de Camille Laurens.
La présente étude postule une analyse de la structure
conceptuelle à laquelle la structure sémantique du texte de
Camille Laurens s’identifie. Elle tend à étudier le cadre cognitif
de la quête du moi et à analyser les catégories qui s’en dégagent.
Il s’agit de définir les concepts en fonction desquels le moi de
l’héroïne a segmenté son environnement d’hommes en des
catégories significatives. Nous nous chargerons ensuite d’étudier
les isotopies de sens que nous dégagerons du texte objet d’étude
à l’aide d’une analyse componentielle des sèmes spécifiques et
génériques, inhérents et afférents des différents lexèmes que je
dégagerai des différentes catégories. Notre approche est donc
sémantique cognitive, elle est basée sur deux niveaux d’analyse
:
Le niveau d’étude des réalités non-linguistiques où je me
chargerai d’étudier l’aspect référentiel et la structure
conceptuelle du texte de Laurens, et le niveau linguistique où il
s’agit de l’étude componentielle des sémèmes 8en vue d’aboutir
aux isotopies sémantiques qui dominent le texte et c’est ainsi que
se reconstruit le sens dans un texte soumis à la déconstruction.
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« Admettons un instant qu’un contenu linguistique […] soit
un concept défini par un ensemble de traits référentiels. » 9 ,
l’interprétation sémantique du contenu linguistique du texte
fragmentaire de C.Laurens dépendra ainsi de l’étude de sa
structure conceptuelle et de son aspect référentiel.
Notre recherche se charge d’étudier les hypothèses
suivantes :
L’étude du sens linguistique consiste à l’analyse des
représentations ou des processus mentaux, ce qui conduit l’étude
sémantique à s’absorber dans la psychologie cognitive.
L’étude du sens opératoire du sème dans un texte
déconstruit, inachevé et fragmenté est insuffisante, l’étude de son
sens éidétique 10semble indispensable pour déchiffrer et définir
les liens internes entre les signes d’un texte disloqué et les
concepts qui le dominent.
L’étude des structures cognitives et des cadres mentaux du
texte de Camille Laurens est le moyen d’accéder, donc, à la
cohérence interne d’un texte qui, du point de vue formel, est
constitué de morceaux de sens chaotiques et dont la dissonance
pourrait le menacer d’absurdité et de non-sens.
1.
1.1.
La structure cognitive du roman et le cadre du sexe
La sémantique des cadres
Selon Fillmore11la sémantique des cadres consiste au fait
qu’un locuteur est conscient d’un ensemble de situations assez
complexes, des expériences, des croyances et des données
sociétales et environnementales, et qui portent de différents noms
: cadres, schémas, scénarios, scripts …etc. Ces cadres ou
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schémas constituent un fond présupposé, ou « presupposed
background » en fonction duquel le sens des mots d’une langue
sont compris 12. Fillmore invite à étudier la langue en fonction de
ces cadres mentaux et à ne pas se suffire de l’étude de son aspect
descriptif et formel.
Une proposition que je privilégie est que, dans la
caractérisation d'un système linguistique, nous devons ajouter à
la description de la grammaire et du lexique une description des«
cadres » cognitifs et interactionnels en fonction desquels
l'utilisateur d'une langue interprète son environnement, formule
ses propres messages, comprend les messages des autres,
accumule ou crée un modèle interne de son monde.13
Georges Lakoff14 définit le système conceptuel et cognitif
comme étant responsable de régler la pensée de l’homme. Il règle
les détails les plus banals de son activité quotidienne et structure
ce que l’homme perçoit et la façon dont il se comporte dans le
monde et dont il entre en rapport avec les autres. Selon lui,
« notre système conceptuel joue ainsi un rôle central dans la
définition de notre réalité quotidienne. » 15 . Ce système
conceptuel est, selon le cognitiviste américain Lakoff,
inconscient.
Dans la plupart des petits actes de notre vie quotidienne,
nous pensons et agissons plus ou moins automatiquement, en
suivant certaines lignes de conduite qui ne se laissent pas
facilement appréhender. Un moyen de les découvrir est de
considérer le langage. Comme la communication est fondée sur
le même système conceptuel que celui que nous utilisons en
pensant et en agissant, le langage nous fournit d’importants
témoignages sur la façon dont celui-ci fonctionne.16
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Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
Alors, Lakoff 17 souligne que les hommes utilisent les
concepts pour segmenter l’environnement et catégoriser le
monde. Ils agissent dans le monde en fonction de ces
catégorisations. Sans la capacité de conceptualiser et de
catégoriser, nous ne pourrions pas agir ni dans le monde
physique, ni dans nos vies sociales ou intellectuelles. Pour
comprendre notre système conceptuel, l’étude des catégories est
exigeante. La plupart des catégorisations sont automatiques et
inconscientes, une grande partie de notre catégorisation est
abstraite18.
Rastier 19 confirme la réalité que la catégorisation en tant
que résultat de l’interaction de l’homme physique avec son
environnement est « indépendante des classifications
linguistiques et le sens dont il est ici question n’a, semble-t-il,
rien de commun avec le sens linguistique. Ce sens donné au
monde et issu de lui est en effet, de l’ordre du sens
phénoménologique. » 20 . Une catégorie n’est point donc une
classe lexicale, elle est au contraire une classe de concepts 21.
Alors quels sont les principaux cadres mentaux ? et
comment les interpréter ?
1.2.
L’identité dans le cadre de l’altérité
La question de l’altérité imprègne totalement la pensée
postmoderne qui s’oppose à l’idée de l’universel, à l’idée du
centre et de totalité caractéristiques du modernisme. Dans le
postmodernisme, le moi ne navigue pas autour d’un centre, c’est
un moi qui est, au contraire, disséminé et cherche son identité
loin de soi et auprès de l’autre. « La postmodernité qui affirme
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une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, postule un
diversel22 dont la loi essentielle reste celle de l’hétérogène. »23
Le roman postmoderne de Camille Laurens incarne cette
image conceptuelle d’un moi disloqué, disséminé et éloigné de
tout centre. Le moi de l’héroïne du roman Dans ces bras-là est
aux turbulences, c’est un moi qui cherche à se déconstruire et à
segmenter son environnement d’hommes en des fragments
dissonants et hétérogènes. Le texte fragmentaire Dans ces braslà est l’expression de la crise de la totalité, de l’œuvre inachevée,
d’un genre qui dépasse ses frontières. C’est une brisure de la
conscience en proie d’incertitude et de douleur de dislocation. La
narratrice du récit souligne dès le début du roman qu’il s’agit
d’un moi qui se dessinerait dans la lumière des autres, des
hommes. C’est à eux que la narratrice relègue la responsabilité
de retracer les contours et les cadres du moi de l’héroïne Camille
Laurens.
Je ne serais pas la femme du livre. Ce serait un roman, ce
serait un personnage, qui ne se dessinerait justement qu’à la
lumière des hommes rencontrés ; ses contours se préciseraient
peu à peu de la même façon que sur une diapositive, dont l’image
n’apparaît que levée vers le jour. Les hommes seraient ce jour
autour d’elle, ce qui la rend visible, ce qui la crée, peut-être.24
Le roman s’ouvre sur une scène où l’héroïne s’engage dans
une quête d’un inconnu qu’elle rencontre dans un café. Elle le
suit jusqu’à ce qu’il entre dans un immeuble IIIe République de
trois étages. Elle le suit inconsciemment et lorsqu’il disparaît,
elle reste immobile devant l’immeuble. La scène est révélatrice
de sens, elle incarne le cadre mental du roman ; à savoir : la quête
du moi dans l’altérité. L’héroïne révèle dès l’incipit du roman la
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structure cognitive du récit, c’est un récit d’une femme, Camille
Laurens, qui décide de chercher son identité dans la sphère de
l’autre, de l’homme. Sa recherche de cet homme anonyme est
symbolique, c’est la recherche de son moi. L’héroïne ne bouge
pas dans une insistance de sa part de retrouver son identité
perdue, elle cherche dans les boîtes à lettres une information qui
pourrait la guider à retrouver cette ombre d’homme. Elle
remarque parmi les noms marqués sur les boîtes à lettres le nom
de : Armand Dhomb. Elle le perçoit « Amand Dhombre ». La
perception, un des grands domaines d'étude de la psychologie,
est l'ensemble des mécanismes par lesquels l’homme prend
connaissance du monde. Le système perceptif transforme les
stimulations sensorielles en informations. Dans cet acte
opératoire du traitement de l’information, l’esprit en percevant
un stimulus se forge une image mentale qui dépend de la
cognition ou des informations que l’esprit gagne de
l’environnement, et de la mémoire où plusieurs informations et
images sensorielles sont stockées. L’acte de la transformation
d’un stimulus en une image mentale, ou le traitement de
l’information prend du temps. C’est le temps pris par l’héroïne
pour percevoir le nom « Amand Dhombre » qui est l’image
mentale du signifié « amant d’ombre ».
Dans cet immeuble IIIe République, par quelque
mystérieuse correspondance entre les lieux et les êtres, tous
portaient des prénoms d’autrefois, des noms désuets : […]
Armand Dhomb – mais non, non, j’avais mal lu : pas Armand,
Amand, Amand Dhombre […] Amand, oui, je n’invente pas, ça
existe, c’est dans les dictionnaires de prénoms, c’est le masculin
d’Amandine, du latin amandus, « choisi pour l’amour ».25
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François Récanati (1991), philosophe du langage, souligne
que la pensée a une sémantique et qu’elle ressemble beaucoup au
langage. Il a un contenu. Il est comme l’énoncé ; quand on parle
on dit quelque chose, et quand on pense on pense également
quelque chose. 26 L’héroïne du roman pense l’homme, l’autre à
l’univers duquel elle tend quêter son moi. Elle le pense dans
toutes ses formes et ses manifestations : le père, le mari, le fiancé,
l’amant, le grand-père, l’oncle, l’éditeur, le professeur, …etc.
Ces différentes images de l’homme dans l’esprit de l’héroïne
sont les catégories du cadre mental du roman. Rastier (1991) 27
confirme que la catégorisation ou la segmentation du monde est
essentiellement arbitraire. Et comme elle relève d’un paradigme
cognitif, la catégorisation est indépendante de toute classification
lexicale.
2.
2.1.
Cadres et catégories : Sémantique et conceptualisation
Le jeu du kaléodoscope, le sens reconstruit d’un récit
déconstruit
La sémantique cognitive étant issue de l'intelligence
artificielle et de la psychologie cognitive conteste la sémantique
formelle pour un mentalisme généralisé. Elle prend pour principe
que le sens linguistique consiste en représentations ou processus
mentaux et part du postulat que « le langage est une partie
intégrante de la cognition humaine »28 . Elle identifie le sens à la
conceptualisation.29
La romancière note que la figure du kaléidoscope incarne
les enjeux de son écriture vu qu’il est un instrument d’optique,
un instrument de perception offrant une prise en charge
particulière du réel. Il témoigne à la fois des obsessions propres
à l’auteur, et de cette obsession particulière à l’écrivain véritable
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Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
: l’ajointement des mots au réel. C’est encore l’articulation du
fantasme et du réel qui détermine l’œuvre de Camille Laurens,
tout comme celle entre le réel et le virtuel. Son écriture
kaléidoscopique a d’ailleurs la spécificité d’allier variation et
répétition, questionnement au cœur du travail de l’écrivain. 30
Le labyrinthe et le kaléidoscope sont « deux images que je
cultive ». […] Le kaléidoscope, c’est l’ensemble de mon travail
depuis le début, ce sont des morceaux de couleur que je bouge
pour en faire des romans différents. Toujours les mêmes
fragments sont agencés. C’est toujours moi, toujours une fiction
à partir d’obsessions personnelles. 31
Le Kaléidoscope est pour Camille Laurens un instrument de
métamorphose. Cette recomposition permanente à partir de
mêmes éléments, c’est ce qui lui plaît par rapport à la
construction romanesque, le fait de se construire un texte à partir
de fragments de miroir qui se reflètent. Selon l’auteur, on n’a
jamais accès à la réalité elle-même, mais à un reflet, à une
représentation de cette réalité qui est déjà une médiation.
Dominique Rabaté classe l’œuvre de Camille Laurens dans la
section « formalisme et invention ». Il reconnaît chez l’auteur un
goût pour les jeux formels.32 Camille Laurens avoue : « c’est une
question d’angle, une photo que l’on prendrait à différents
moments de la journée, un kaléidoscope. Je suis persuadée qu’on
écrit toujours le même livre. La littérature n’est pas question de
sujet. » 33 Le morcellement textuel caractéristique du récit de
Laurens répond à une philosophie d’écriture. C’est ce que
Maurice Blanchot (1969) nomme le désœuvrement de l’œuvre.
C’est l’expression de l’inachèvement, une projection vers l’infini
du langage, l’incarnation d’un monde chaotique qui risque
d’éclater. Une écriture automatique, une fragmentation du texte
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mais aussi de l’inconscient. Selon Maurice Blanchot, le
fragmentaire
propose un arrangement d’une sorte nouvelle, qui ne sera
pas celui d’une harmonie, d’une concorde ou d’une conciliation,
mais qui acceptera la disjonction ou la divergence comme le
centre infini à partir duquel, par la parole, un rapport [sans
rapport] doit s’établir : un arrangement qui ne compose pas,
mais juxtapose. 34.
Pour reconstruire le sens violé et mutilé du texte de Laurens,
je tendrai à dégager les catégories mentales qui dépendent du
cadre conceptuel du texte. A l’aide d’une analyse componentielle
des sémèmes qui sont liés à ces catégories mentales, nous
aboutirons aux isotopies sémantiques qui dominent le texte objet
d’analyse, et c’est ainsi que se reconstruit le sens dans un texte
soumis à la déconstruction. Notre étude épouse une conception
représentationaliste du langage c’est une approche qui met en
rapport le langage et la pensée, le sens et le concept.
2.2.
Isotopie et cohésion, continuum du sens disloqué
Rastier définit l’isotopie comme étant un concept qui « doit
rendre compte d’un phénomène macrosémantique (cohésion du
discours) par des causes d’ordre microsémantique (récurrences
de sèmes) »35 . Il parle d’une théorie de l’isotopie dont le premier
objectif est d’outrepasser la limite phrastique puisque le concept
d’isotopie est indépendant de la notion de la phrase et s’étend audelà de ses limites. Un deuxième objectif de l’isotopie est de
contribuer à la cohérence textuelle puisqu’elle est définie comme
étant une continuité sémantique à travers une séquence 36 , et
selon C.Kerbrat-Orecchioni comme étant un « principe de
68
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
cohérence textuelle assurée par la redondance de catégories
linguistiques quelconques »37. Mais à l’opposé de Rastier38 qui
considère que l’isotopie est un facteur de cohésion textuelle et
non de cohérence, nous voyons qu’au contraire, pour interpréter
l’isotopie sémantique d’un texte, il s’agit de la lier à son entour
extralinguistique. L’isotopie sémantique d’un texte est liée à
l’univers conceptuel et cognitif du locuteur ainsi qu’à sa
référence sociale. Martin39 affirme que la cohésion textuelle se
complète dans la composante pragmatique par les exigences de
la cohérence, ce qui fait appel à la notion du contexte et à la
situation extralinguistique. Le troisième objectif de la théorie de
l’isotopie selon Rastier est d’élaborer une notion de lecture du
texte. L’étude des isotopies sémantiques d’un texte assure sa
lisibilité. Une part de l’interprétation du sens du texte est cédée à
son récepteur qui se charge à son tour de le déchiffrer, la lecture
d’un texte relève de la performance des lecteurs40 .
2.3.
L’analyse componentielle et Les modèles mentaux de
l’altérité :
En étudiant les isotopies sémantiques du texte Dans ces
bras-là de Camille Laurens, Je tends à définir le cadre conceptuel
de l’œuvre, de déchiffrer le texte fragmenté de l’auteur et d’en
reconstruire le sens en définissant les concepts qui sont à la base
de ce sens-là. Cette démarche où le lecteur se charge de
l’interprétation du texte et d’en définir le sens est expérientielle.
Il s’agit d’une lecture subjective des isotopies objectives, ou
plutôt des lectures infinies. L’isotopie est conçue dans la présente
recherche comme la condition d’une lecture de l’œuvre
postmoderne de Laurens. M. Arrivé 41 (1975) souligne que la
lecture d’un texte c’est l’identification des isotopies qui le
parcourent :
69
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Envisagée d’un point de vue linguistico-sémiotique, la
lisibilité du texte est fondée sur le concept d’isotopie : lire un
texte, c’est identifier la (les) isotopie(s) qui le parcourent, et
suivre, de proche en proche, le (dis) cours de ces isotopies. 42
Identifier les différentes isotopies ou catégories
sémantiques qui pourraient rendre possible une lecture cohérente
du texte fragmentaire du roman objet d’étude, serait notre
stratégie interprétative. Cette stratégie comportera tout un
processus d’assignation du sens 43 . Les récurrences sémiques
qu’on pourrait désigner dans le texte de Camille Laurens nous
conduiraient vers le sens caché sous la langue 44 . Nous avons
identifié des modèles mentaux de l’autre. Chaque modèle mental
comporte une catégorie sémantique représentant l’homme dans
l’esprit de l’héroïne du roman.
i.
La catégorie du père : Interpréter l’isotopie
Selon Groupe MU (1997), L`isotopie est une répétition d`un
noyau sémantique, syntaxique ou phonétique dans un discours.
Dans notre recherche, nous nous chargeons d’interpréter
seulement les isotopies sémantiques compatibles avec les cadres
mentaux du discours romanesque du roman de Camille Laurens
à partir de l’étude des sèmes inhérents et afférents des lexèmes.
Le père constitue le premier homme dans la vie de l’héroïne,
il est l’homme à travers lequel elle se reconnaît. Une image
d’intimité relie l’héroïne et son père. C’est dans l’image du père
qu’elle s’identifie. Nous avons élaboré notre analyse sémique du
père à travers quatre séquences extraites du texte objet d’étude.
Cette catégorie est riche de sèmes, l’héroïne s’identifie en
fonction de ce modèle, tantôt elle s’y oppose, tantôt elle s’y
70
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
assimile. En analysant le lexème / père / à travers des séquences
extraites de différents fragments du roman intitulés « Le père »,
nous avons construit plusieurs sèmes dont les uns sont inhérents
et les autres afférents.
Le père est protestant. C’est une chose qu’elle apprend très
tôt, qu’elle sent au fond d’elle, évidente : elle aussi. Elle est
comme le père, elle lui ressemble. Il a les yeux noirs, les siens
sont bleus, il est brun, elle est blonde, et pourtant, ils se
ressemblent : ils sont protestants.45
L’isotopie 1 du / Père / = [+ homme] sème inhérent,
amour] sème afférent, [+ protestantisme] sème afférent,
famille] sème afférent, [+ différence] sème afférent,
similitude] sème afférent, [+ parenté] sème inhérent,
croyance] sème afférent.
[+
[+
[+
[+
le père ne croit pas en Dieu, ni en son fils Unique, ni en
rien (…) même quand il envoie ses filles au catéchisme, quand il
les oblige à y aller, il n’y croit pas. 46
L’isotopie 2 du / Père / = [+homme] sème inhérent, [croyance] sème afférent.
Le père a des goûts simples. Il écoute de la musique
classique, quelques disques sans doute offerts autrefois – il n’en
achète pas de nouveau. (…) il prend les choses comme elles
viennent, il ne hâte rien, il n’a pas de désir pour elles, simplement
du goût. Celles qu’il faudrait conquérir, briguer, vouloir, il s’en
passe. Des femmes, aussi bien.47
L’isotopie 3 du / père / = [+homme] sème inhérent, [+
parenté] sème inhérent, [+ amour] sème afférent, [+ simplicité]
71
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sème afférent, [+ passivité] sème afférent, [- désir] sème afférent,
[-femme] sème afférent, [- enthousiasme] sème afférent, [modernité] sème afférent, [+ musique] sème inhérent, [+
beauté], [+musique], [+avarice] sème afférent, [-désir] sème
afférent, [-femme] sème afférent.
Le père est le seul visage d’homme qui soit donné à une
femme. 48
L’isotopie 4 du / père / = [+ amour] sème afférent, [+
famille] sème afférent, [+ parenté] sème inhérent, [+
ressemblance physique] sème afférent
ii.
La catégorie de l’amant de la mère
L’image de l’amant de la mère est présente dans le roman
pour mettre en relief cette allotopie entre le père et André. Son
nom est André, il est l’amant de la mère de l’héroïne Camille
Laurens, il est riche, ambitieux, élégant, il aime les femmes. Il
représente l’envers du père modeste, passif et traditionnel et
n‘éprouvant aucun désir pour les femmes. Le père et l’amant de
la mère s’entrecroisent, se saluent l’un et l’autre dans un geste
absurde. Nous avons construit plusieurs sèmes de l’analyse
componentielle du lexème / André / à travers une séquence
extraite du fragment du texte du roman intitulé « André ».
André est beau, élégant, parfumé, raffiné. Il porte des
costumes croisés, des cravates en soie, des nœuds papillon, des
smokings noirs ou crème, des chaussures fabriquées sur mesure,
des chemises à son chiffre, des chapeaux. Il fume des Craven A
dans des fume-cigarettes en ivoire. 49
72
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
Alors, L’isotopie de l’amant est interprété par les sèmes
suivants ;
/ André / = [+ homme] sème inhérent, [+amant] sème
afférent, [+amour] sème afférent, [+élégance] sème afférent,
[+beauté] sème afférent, [+raffinement] sème afférent, [+luxe]
sème afférent, [+richesse] sème afférent.
iii.
La catégorie du grand-père
La catégorie du grand-père constitue le modèle mental de
l’homme membre de la famille. La mort du grand-père est une
nouvelle qui écrase l’âme de l’héroïne, quand même, elle garde
de sa personne le souvenir de l’homme sportif, fort et puissant.
Nous remarquons alors que les sèmes + corps, +beauté physique
sont des sèmes génériques qui se dégagent des modèles mentaux
du père, de l’amant et du grand-père.
Et puis mon grand-père, aussi : C’était un célèbre
champion de rugby, j’ai un moulage de plâtre à la maison ; il
était ailier, à la fois rapide et puissant, quand il court c’est
magnifique à voir.50
L’isotopie de Grand-père est interprété par les sèmes
suivants ;
/ Grand-père / = [+homme] sème inhérent, [+corps] sème
afférent, [+champion] sème afférent, [+sport] sème afférent,
[+puissance] sème afférent, [+rugby] sème afférent,
[+athlétisme] sème afférent, [+beauté] sème afférent, [+vitesse]
sème afférent, [+physique] sème afférent, [+célébrité] sème
afférent.
73
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À la catégorie du mari, plusieurs fragments de textes
sont consacrés. L’analyse componentielle du lexème / mari /
nous a aidée à construire plusieurs sèmes inhérents et afférents
liés à cette catégorie sémantique.
iv.
La catégorie du mari
Le mari est un marocain, il s’appelle Amal. Il représente
l’autre, le différent, l’étranger, qui va aider l’héroïne à se
décentraliser et à partir hors de soi, loin vers son pays, vers le
pays de l’autre. Elle vit avec lui au Maroc où elle ne connaît
personne, et où elle ne comprend personne car elle ne parle pas
l’arabe. Elle accorde beaucoup d’intérêt à décrire le mari, car
c’est grâce à lui qu’elle réalise sa quête de soi dans l’univers de
l’autre.
Mon mari est très beau, très athlétique, il fait beaucoup, il
fait beaucoup de sport. J’aime les hommes qui luttent avec leur
corps contre la dissolution du monde, qui retardent les progrès
du néant, j’aime quand les hommes portent l’effort physique à
son point de rupture.51
Alors que L’isotopie du mari est interprété par les sèmes
suivants ;
L’isotopie 1 / mari / = [+homme] sème inhérent, [+beauté]
sème afférent, [+corps] sème afférent [+athlétisme] sème
afférent, [+sport] sème afférent, [+amour] sème afférent,
[+femme] sème afférent, [+effort] sème afférent.
Amal est marocain, il a une barbe noire bouclée et un type
sémite prononcé qui lui donnent l’air d’un partisan de
74
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
Khomeiny, ce qui n’est pas le cas, (…) il a les yeux vagues des
fumeurs de haschich.52
L’isotopie 2 / Amal / = [+homme] sème inhérent, [+mari]
sème inhérent,
[+extrémisme] sème afférent,
[+marocain]
sème afférent,
[+drogue] sème afférent,
[+arabe] sème
afférent, [-beauté] sème afférent.
Le mari pratique assidûment différents sports. Il a une
constance d’ascète. Il aime la souplesse, la précision, la force. Il
court, il bondit, il saute, il plie les genoux, détend les bras, jaillit.
53
L’isotopie 3 / mari / = [+homme] sème inhérent, [+sport]
sème afférent, [+athlétisme] sème afférent, [+puissance] sème
afférent, [+corps] sème afférent, [+force] sème afférent,
[+souplesse] sème afférent, [+précision] sème afférent,
[+assiduité] sème afférent.
Le mari s’habille avec goût. (…) Le mari collectionne les
voitures anciennes, un rêve de liberté, de luxe et de vitesse. 54
L’isotopie 4 / mari / = [+homme] sème inhérent, [+goût]
sème afférent, [-modernité] sème afférent, [+classique] sème
afférent, [+élégance] sème afférent, [+luxe] sème afférent,
[+liberté] sème afférent, [+rêve] sème afférent.
Les catégories du mari, du premier amour ont en
commun des sèmes génériques de la puissance, du sport.
L’héroïne est attirée vers un autre puissant, fort et sportif. La
puissance physique est pour elle une incarnation du triomphe
humain ; de la puissance de l’autre, elle se procurera le pouvoir
de vaincre tout désespoir, toute faiblesse menaçant son existence.
75
BSU International Journal of Humanities and social science
La performance physique, pour moi, n’est pas tant, comme
on le dit souvent, une métaphore de la puissance sexuelle qu’une
représentation du désespoir triomphal des hommes, du bond
qu’il leur faudrait faire pour n’être plus mortels. 55 (Laurens,
p.54)
v.
La catégorie du premier amour
C’est Michel. Ces épaules à la fois rondes et carrées, ce cou
net sous les boucles, ce dos puissant qui s’amincit en V jusqu’à
la taille, ces bras-là, minces et musclés, c’est Michel.
L’isotopie 1 du premier amour / Michel / = [+homme] sème
inhérent, [+corps] sème inhérent, [+Le premier amour] sème
afférent, [+amour] sème afférent, [+beauté physique] sème
afférent, [+puissance] sème afférent, [+muscle] sème afférent.
Ses lèvres sont belles, sa peau et douce, ses mains. Elle aime
qu’il parle peu, qu’il éclate de rire, qu’il ait eu le bac avec
mention Très bien. Elle aime sa rousseur, ses taches de rousseur,
sa résistance aux regards. 56
L’isotopie 2 du premier amour / Il / = [+homme] sème
inhérent, [+premier amour] sème afférent, [+corps] sème
inhérent, [+amour] sème afférent, [+rousseur] sème afférent,
[+résistance] sème afférent,
[+beauté] sème afférent,
[+douceur] sème afférent, [+intelligence] sème afférent.
Aux catégories du mari, du premier amour, la narratrice
oppose le modèle mental du fiancé. Deux fiancés sont présents
dans la vie de l’héroïne, les deux ont en commun le sème
générique [– puissance physique]. Ils souffrent tous deux d’une
infirmité physiologique : le premier a perdu une main, le
76
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
deuxième un bras. Nous notons alors l’allotopie entre les sèmes
+puissance et +beauté physique dans les catégories du mari, du
premier amour et du grand-père d’une part, et les sèmes –
puissance et –beauté physique dans les catégories du fiancé d’une
autre.
vi.
La catégorie du fiancé
Le premier porte le prénom de l’époux qu’elle prendra
vingt ans plus tard. Il lui manque une main, perdue dans
l’incendie d’une voiture. Il a quatre ans. 57
L’isotopie 1 du fiancé / Il / = [+homme] sème inhérent,
[+corps] sème inhérent, [+fiancé] sème afférent, [-beauté
physique] sème afférent, [+époux] sème afférent, [+amour] sème
afférent, [-main] sème afférent, [+infirmité physiologique] sème
afférent, [-puissance] sème afférent.
Il n’a qu’un bras, le gauche a été coupé un peu au-dessous
de l’épaule (…) le retour insistant de l’homme sans bras, et de
quelle part manquante se nourrit son désir – bercer, serrer,
étreindre : l’amour naît-il de ce qu’il y a là quelque chose
d’impossible ? (…) il lui sourit franchement et elle répond à
peine, hautaine, craignant, par une réponse plus douce, de
transformer en pitié vulgaire l’amour violent qui lui enserre le
cœur.58
L’isotopie 2 du fiancé / Il / = [+homme] sème inhérent,
[+corps] sème inhérent, [+fiancé] sème afférent, [+impossible]
sème afférent, [-puissance] sème afférent, [infirmité physique]
sème afférent, [manque] sème afférent, [-bras] sème afférent, [désir] sème afférent, [+dignité] sème afférent, [+apitoiement]
77
BSU International Journal of Humanities and social science
sème afférent, [+amour] sème afférent,
afférent, [+femme] sème afférent.
[+franchise] sème
Le Christ incarne l’autre sacré, l’autre divin. C’est
l’homme beau, viril, musclé, mais dépourvu de désir. Il
n’éprouve pas un désir pour les femmes bien qu’il soit le rêve de
toute femme. Il est l’autre, symbole de charité, de souffrance, de
mort. Il n’incarne pas le modèle mental de l’homme car son corps
n’est pas créé pour l’amour. Il est l’autre neutre, il a le corps de
l’homme mais un homme sans vie puisque sans désir. Il y a une
allotopie entre le sème [–désir sexuel] dans la catégorie du Christ
d’une part, et le sème [+ désir sexuel] dans les modèles mentaux
du mari, du fiancé et du premier amour d’une autre.
vii.
La catégorie du christ
Le Christ est un assez bel homme. 59
Jésus a un beau corps d’athlète, un corps formé pour les
combats, la danse, l’amour – c’est un corps d’homme, Jésus, un
beau corps nu qu’on nous met sous les yeux sans cesse pour nous
rappeler l’esprit, dit-on, et la chair morte ou destinée à mourir,
vanité. 60
L’isotopie 1 du Christ / le Christ / = [+homme] sème
inhérent, [+puissance] sème afférent, [+amour] sème afférent,
[+corps] sème inhérent, [+beauté] sème afférent, [+nudité] sème
afférent, [+danse] sème afférent, [+mort] sème afférent,
[+vanité] sème afférent.
Le Christ est un bel homme qui souffre et semble s’offrir à
nous. (…) Jésus certes possède en propre tous les attributs virils
– muscles, barbe, force et courage, jusqu’à ce sexe mâle que
78
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
voile pudiquement un linge dès lors qu’il n’est plus nouveau-né.
C’est un homme, un fils de l’Homme. (…) Mais il est sans femme,
sans désir de femme, ça se voit tout de suite qu’il ne vous prendra
pas dans ses bras (…) Elle n’y croit pas.61
L’isotopie 2 du Christ / Le Christ / = [+homme] sème
inhérent, [+beauté] sème afférent, [+virilité] sème afférent,
[+force] sème afférent, [+courage] sème afférent, [+pudeur]
sème afférent, [-femme] sème afférent, [-désir] sème afférent, [plaisir] sème afférent, [+sexe] sème afférent, [+souffrance] sème
afférent, [+voile] sème afférent.
La catégorie du professeur
La catégorie du professeur est un modèle mental qui incarne
un autre laid et grossier. Nous notons l’allotopie entre le sème [–
beauté physique] dans la catégorie du professeur d’un côté, et le
sème [+ beauté physique] dans les catégories du mari, du premier
amour, de l’amant de la mère, du grand-père et du Christ. À la
beauté de l’homme, la narratrice oppose la laideur et la
méchanceté du professeur.
Il a un grand corps sans harmonie, un buste long sur des
jambes courtes, et un visage d’une sensualité extrême – ses lèvres
épaisses, ses yeux à fleur de tête qui semblent vouloir en sortir,
ses cheveux noirs et touffus de musicien fou, tout est difficile à
regarder, à soutenir du regard. Les traits sont comme forcés par
la nature, et lorsqu’il arrive sans cravate, certains matins, ou
sans veste, l’été, on voit sous la chemise, couvrant le torse entier,
une épaisse toison sombre.62 (Laurens, p.93)
79
BSU International Journal of Humanities and social science
L’isotopie 1 du Professeur / Professeur/ = [+homme] sème
inhérent, [+corps] sème afférent,
[+beauté] sème afférent,
[+amour] sème afférent, [+sensualité] sème afférent, [+folie]
sème afférent, [+physique] sème afférent, [-harmonie] sème
afférent, [-élégance] sème afférent.
Pourquoi le professeur a-t-il ces mains puissantes et
terriennes, ces bras de bûcheron – rien d’un intellectuel,
absolument rien qui soit sensible, quand il se tait ? et ces
griffures sur la joue un peu lourde, sont-elles d’un chat, d’un
rasoir ou d’une maîtresse enragée ? (…) Et ce visage simiesque,
agité, en désordre, qu’il donne chaque jour en spectacle à la
seule classe exclusivement féminine du lycée, est-ce le désir qu’il
faut y lire – un désir fou, plus fort que lui, incontrôlable – ou bien
le seul tourment d’une intelligence en perpétuel mouvement ?
(…) elle voit dans le professeur une sorte de caricature grossière
de la virilité.
L’isotopie 2 du Professeur / Professeur / = [+homme] sème
inhérent, [+désir] sème afférent,
[+puissance] sème afférent,
[+désordre] sème afférent,
[+virilité] sème inhérent,
[+grossièreté] sème afférent.
viii.
La catégorie du fils
La catégorie du fils incarne le manque, la mort et
l’absence. L’héroïne a échoué à avoir un fils, elle a eu deux filles.
Son fils est mort. Cette catégorie de l’autre incarne la finitude, le
mal et la souffrance psychique à la suite de la disparition d’un
autre qui est aussi proche que l’âme, c’est le fils.
80
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
Elle a eu un fils. Il est mort. (…) c’est l’enfant qui manque
à toutes les femmes.(…) On s’habitue à son absence. 63
L’isotopie du fils / fils / = [+homme] sème inhérent,
[+amour] sème afférent, [+femme] sème afférent, [+absence]
sème afférent, [+manque] sème afférent, [+mort] sème afférent,
[+mère] sème afférent, [+enfant] sème afférent, [+tristesse] sème
afférent.
ix.
La catégorie du grand-oncle
La catégorie du grand-oncle incarne l’autre agressif et
méchant. Il est le grand-oncle qui a harcelé la narratrice dans son
enfance. Camille Laurens, la narratrice, petite enfant, n’oublie
pas le jour de l’enterrement de son grand-père où elle a été
harcelée par son grand-oncle paternel. Elle était seule face à
l’agresseur, personne n’a pris sa partie. Même en narrant
l’accident à sa mère, elle l’a fait jurer de ne point répéter ce récit
d’harcèlement devant personne. Cet acte agressif commis par
l’autre l’a profondément marquée. C’est l’autre agressif et
violent, c’est l’homme animalisé.
Il pose la main sur son dos, puis la glisse dans son short,
caresse ses fesses, défait le bouton.64
L’isotopie du grand-oncle / Il / = [+homme] sème inhérent,
[+animalité] sème afférent, [+corps] sème inhérent, [+sensualité]
sème afférent, [+virilité] sème afférent, [+harcèlement] sème
afférent, [+agressivité] sème afférent, [+corps] sème afférent,
[+désir morbide] sème afférent, [-respect] sème afférent, [amour] sème afférent, [+famille] sème afférent.
81
BSU International Journal of Humanities and social science
Le grand-oncle, bien qu’il représente l’autre agresseur et
violateur, incarne quand même l’image de la virilité dans un sens
certes négatif.
De ce qui précède, nous pouvons conclure que l’analyse
componentielle de différents lexèmes représentant l’autre dans le
texte de l’œuvre objet d’étude, nous a aidée à dégager les
isotopies génériques de l’homme, du corps, de la puissance
physique, de la virilité, de la beauté, du désir. Ce qui nous a
permis de conclure que l’héroïne –narratrice en s’engageant dans
une quête de son identité dans l’univers de l’autre, est orientée
par la volonté de la puissance.
L’analyse isotopique du texte du roman Dans ces bras-là
nous a permis d’accéder à la cohérence du texte fragmentaire de
Camille Laurens : les modèles cognitifs de l’homme sont
représentés tous par des isotopies (Les isotopies de l’homme, du
mari, du père, du grand-père, de l’amant…etc.) centrées à leur
tour sur une isotopie atomique, à savoir : la puissance de
l’homme. L’image mentale de l’autre s’incarne en des sèmes
cognitifs qui sont liés à une structure philosophique : la puissance
de l’homme de Nietzsche.
Le texte de Laurens part d’une allotopie, d’une relation de
disjonction entre deux catégories sémantiques : le moi et l’autre,
l’identité et l’altérité, la femme et l’homme. Ces allotopies
constituent la structure cognitive de l’esprit même de la narratrice
du récit de Laurens qui est en quête de son moi dans l’univers de
l’autre. L’altérité est l’élément essentiel qui traverse la culture
postmoderne. Ce mouvement vers l’autre est une visée qui
s’opère dans le cadre d’un projet de décentralisation du moi, de
dissolution de tout rationnel et de tout logocentrisme. Tout
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Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
rationnel est sujet d’interrogation et de contestation. Quêter son
moi dans la sphère de l’autre, chercher son identité hors de soi
sont des actes qui n’obéissent pas au rationalisme des Lumières
contre lequel le postmodernisme s’est opposé.
En effet, contre l’idée de centre et de totalité qu’implique la
raison dialectique, le principe d’altérité active l’image du réseau
et celle de la dissémination, de sorte que si la modernité rêve
l’universel, la postmodernité qui affirme une réalité discontinue,
fragmentée, archipélique, postule un diverse dont la loi
essentielle reste celle de l’hétérogène. 65
La dissémination du moi de Camille Laurens, l’héroïne du
roman, fait écho à la fragmentation du récit où le modèle mental
de l’homme explose en des morceaux juxtaposés dans un univers
chaotique. Dans le récit, l’héroïne du roman, connaît tous les
hommes, tous les types d’hommes, tous les styles et toutes les
catégories : le mari, l’ex, le fiancé, le premier amour, le
professeur, l’ami. Des types contradictoires et dissonants
d’hommes forment l’univers de l’altérité dans ce roman où
l’héroïne Camille cherche son identité. Elle tombe amoureuse du
beau et du laid, du fort et du faible, du riche et du pauvre, du
généreux et de l’avare, du viril et de l’impuissant. Elle s’engage
dans des histoires d’amour de tous les hommes qu’elle rencontre
dans sa vie : le chanteur, l’éditeur, l’inconnu, le correspondant,
le passant, l’acteur…etc. Tout homme est sujet d’amour et
d’aventure. À la beauté de l’amant s’oppose la laideur du
professeur, à la gentillesse du grand-père s’oppose l’animalité et
la cruauté du grand-oncle, à la puissance physique du premier
amour s’oppose l’infirmité physiologique et le handicap
physique des deux fiancés, à la passivité et à la nonchalance du
père s’oppose la modernité et l’élégance de l’amant de la mère.
83
BSU International Journal of Humanities and social science
Le mari, l’amant, l’ex, les ex, le père, le copain, l’ami, je
connais toutes les catégories, tout ce qui s’écrit sur le sujet, les
différents styles, les types, la typologie : le prudent, le casanier,
le distant, le timide, le surbooké, le méfiant, le violent, le tendre,
le déprimé, le passionné, l’infidèle.66
L’héroïne retrace le prototype, ou le point de référence
cognitif, de l’homme tel qu’elle le conçoit dans son esprit, et en
le faisant elle dévoile son intentionnalité : il s’agit d’une relation
avec l’autre en vue de déclarer, de confirmer sa différence et de
retrouver enfin son identité. En pénétrant l’autre, son mystère, sa
vie, elle espère pénétrer le mystère de la vie, de l’existence. Faire
l’amour c’est se déclarer femme, c’est retrouver son moi dans
l’image réflexive de l’autre.
Moi, ce qui m’intéresse, c’est la différence des sexes. Ce que
j’attends de la relation avec un homme (j’attends, oui, on peut
dire que le mot est juste – j’attends), c’est qu’elle me rapproche
de lui à la fois pour confirmer cette différence et pour l’abolir.
Faire l’amour, c’est en même temps être une femme et être
comblée d’un homme – je parle de ma pénétration, je veux dire :
en étant pénétrée, on pénètre aussi le mystère de l’autre, du
moins l’espère-t-on.67
L’analyse componentielle du texte romanesque objet
d’étude nous a permis de découvrir que l’amour est un sème
générique présent dans toutes les séquences fragmentaires
représentant les différentes catégories d’hommes, ainsi que les
sèmes génériques du corps, de la force physique et de la beauté
car en présentant le prototype de l’homme dans son esprit,
l’héroïne-narratrice accorde une grande importance au corps et à
la beauté physique de l’homme.
84
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
Ce que j’aime le plus chez les hommes, physiquement, ce
sont les épaules, la ligne qui va du cou à l’articulation des bras,
les bras, la poitrine, le dos. Ce qui me plaît dans un homme, c’est
la stature, la carrure, la statue.68
/ hommes / = [+homme] sème inhérent, c’est-à-dire un
caractère sémantique basique de l’homme , [+amour] sème
afférent, c’est-à-dire un caractère contextuel de l’homme,
[+corps] sème afférent, [+plaisir] sème afférent, [+force
physique] sème afférent, [+bonheur] sème afférent, [+femme]
sème afférent, [+sexe] sème afférent, [+fascination] sème
afférent, [+attraction physique] sème afférent, [+paix] sème
afférent, [+sécurité] sème afférent, [+fusion] sème afférent,
[+moi] sème afférent, [+autre] sème afférent, [+stature] sème
afférent, [+carrure] sème afférent.
Dans le lexème / hommes / nous pouvons désigner plusieurs
sèmes inhérents et afférents. Parmi les sèmes identifiés, nous
pouvons désigner les sèmes génériques de : l’amour, le corps et
la force physique. Les isotopies génériques de l’amour, du corps
et de la force physique sont à identifier dans le texte du roman :
c’est ce que nous avons pu déduire de l’analyse componentielle
des séquences extraites du texte et dont chacune représente une
des catégories des hommes qui constituent les sphères de l’autre.
Ces isotopies génériques conduiront à la cohérence du texte
fragmenté du récit de C.Laurens.
L’écriture fragmentaire serait le risque même. Elle ne
renvoie pas à une théorie, elle ne donne pas lieu à une pratique
qui serait définie par l’interruption. Interrompue, elle se
poursuit. S’interrogeant, elle ne s’arroge pas la question, mais
la suspend (sans la maintenir) en non-¬ réponse. Si elle prétend
85
BSU International Journal of Humanities and social science
n’avoir son temps que lorsque le tout au moins idéalement se
serait accompli, c’est donc que ce temps n’est jamais sûr,
absence de temps en un sens non privatif, antérieure à tout
passé¬-présent, comme postérieure à toute possibilité d’une
présence à venir. 69
Le texte fragmentaire du roman Dans ces bras-là abonde de
multiples sphères d’altérité dont les unes s’opposent aux autres
créant des allotopies dissonantes. Mais, ce que nous avons
découvert c’est que de ces allotopies naissent des isotopies
sémantiques qui sauvent le récit du non-sens, de
l’incompréhensible.
Comme le langage est un des outils conceptuels de
l'homme, il ne doit pas être le sujet d’une étude autonome, mais
considéré par rapport à sa fonction cognitive où il est responsable
d’interpréter et d’exprimer l'expérience humaine
86
Dr_ Rania Hassan Ahmed (BIJHS) Vol.3 Issue 2 (2021)
. L’étude des cadres mentaux devrait être ainsi essentielle
et inhérente à toute étude postulant le discours romanesque.
70
L’étude des cadres mentaux et des catégories du texte
romanesque de Laurens nous a permis de définir le sens éidétique
du signe linguistique dans le discours romanesque de Dans ces
bras-là. En se fiant à une étude des relations sémantiques liant
les signes aux concepts et aux représentations mentales de ces
concepts, la présente recherche a réussi à définir le sens éidétique
des signes du discours de l’auteur Laurens et à reconstruire le
sens mutilé du texte de Camille Laurens.
87
BSU International Journal of Humanities and social science
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1
Langage, tome 15, fascicule 1, Histoire de la Sémantique. pp. 153-187, 1993.
2
Ibid, p.164
3
Laurens, Camille, Dans ces bras-là, Editions Gallimard, 2011.
4
Ibid, p.16
5
Ibid, p.17
6
Ibid, p.19
7
Ibid, p.16
8
Rastier, François, Sémantique interprétative, Formes sémiotiques, Presses universitaires
de France, Paris, 1987.
1987, p.25
9
Ibid, p.21
10
Klaus, G. 1969. Semiotik und erkenntnistheorie. Berlin, p.92 consulté in Rastier, 1987,
p.24.
11
Fillmore, Charles, J., «Frame semantics and the nature of language», in Annals of the
New York, Academy of
sciences: conference on the origin and development of language and speech, volume 280,
pages 20-32, 1976.
12
Ibid, p.712
13
Ibid, p.23
14
Lakoff, George and Mark, Johnson. Metaphors We Live By. Chicago and London: The
University of Chicago
Press. 1980
15
Ibid, p.13
16
Ibid, pp.13,14
90
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Lakoff, G., “Categories, an essay on cognitive linguistics”, in Linguistic in the morning
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17
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18
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19
Rastier, François. Sémantique et recherches cognitives. Formes sémiotiques. Presses
universitaires de France.
Paris. 1991.
20
Ibid, p.181
21
Ibid, p.189
Le mot est un néologisme créé par l’auteur qui visait inventer un terme qui a la même
rime qu’ « universel » et qui lui soit un antonyme. « (…) le principe d’altérité active l’image du
réseau et celle de la dissémination, de sorte que si la modernité rêve l’universel, la postmodernité
qui affirme une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, postule un diversel dont la loi
essentielle reste celle de l’hétérogène.» Gontard, Marc, Écrire la crise, l’esthétique postmoderne,
collection « Interférences », Presses universitaires de Rennes, 2013, p.41
22
23
Ibid, p.41
24
Laurens, 2011, p.17
25
Ibid, pp.12-13
26
Récanati, 1991, pp.137-141
27
Rastier, 1991
28
LANGACKER, R. W., Foundations of Cognitive Grammar-Theoretical Prerequisites
(vol. 1), 1987. P. 11
29
LANGACKER, R. W., « An Introduction to Cognitive Grammar », in Cognitive Science,
X, 1, 1-40, 1986.
30
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31
Ibid.
32
RABATÉ, Dominique, Le roman français depuis 1900, Paris, P.U.F, 1998
33
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Lire, 1er Janvier 2003.
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Blanchot, Maurice, L’entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p.453
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Dr_ Rania Hassan Ahmed -. (BIJHS) 20…, … (1): ….. - …..
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Kerbrat, KERBRAT-ORECCHIONI, C., « Problématique de l'isotopie » in Linguistique
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du Centre de Recherches Linguistiques et Sémiologiques de Lyon, 1976, 1, p. 11-34, p.33
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anges no 43, mars 2003.
45
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46
Ibid, p.42
47
Ibid, p.70
48
Ibid, p.141
49
Laurens, p.49
50
Ibid, p.53
51
Laurens, p.53
52
Ibid, p.145
53
Ibid, p.156
54
Ibid, p.156
55
Laurens, p.89
56
Ibid, p.90
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BSU International Journal of Humanities and social science
57
Ibid, p.80
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Laurens, pp.81-82
59
Ibid, p.213
60
Ibid., p.213
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Ibid, p.214
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Laurens, pp.93-94.
63
Laurens, pp219-220
64
Laures, p.61
65
Gontard, 2013, p.41
66
Laurens, p.34
68
Ibid, p.52
, , p.98
93