Labyrinthe
9 | 2001
Numéro 9
Le café parisien
Échanges de vues
Joanne Vajda
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/labyrinthe/931
DOI : 10.4000/labyrinthe.931
ISSN : 1950-6031
Éditeur
Hermann
Édition imprimée
Date de publication : 30 juin 2001
Pagination : 59-76
Référence électronique
Joanne Vajda, « Le café parisien », Labyrinthe [En ligne], 9 | 2001, mis en ligne le 30 janvier 2006,
consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/labyrinthe/931 ; DOI : 10.4000/
labyrinthe.931
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Propriété intellectuelle
Le café parisien
Le café parisien
Échanges de vues
Joanne Vajda
1
Le café n’est en réalité qu’un prétexte pour s’interroger sur les relations qu’un tel lieu
entretient, à travers son architecture, avec la ville et la société*. L’entre-deux-guerres est
pour les cafés parisiens une période faste, paradoxalement peu étudiée. Aux côtés de
caractéristiques constantes, acquises par ces établissements dès la fin du XVIIIe siècle,
apparaissent des éléments nouveaux, propres à la période 1920-1940.
2
La source privilégiée pour nous éclairer sur l’espace des cafés est la littérature. Mais les
publicités, les textes de guides ou les articles de presse ont leur place parmi les témoins.
Impossible aussi de se dispenser de l’image. L’analyse s’appuie sur des documents visuels
: photos, dessins, peintures et autres pièces graphiques1.
3
L’histoire des cafés s’écrit habituellement dans trois registres voisins et solidaires, le
registre de l’histoire sociale, le registre de l’histoire culturelle et celui de l’histoire des
subjectivités. Les cafés représentent « des académies, des vitrines, des Larousse […], et
comme une table des matières de l’histoire d’une ville et d’une époque »2. Il y a,
parallèlement, une histoire de l’architecture des cafés, racontée au moyen de concepts
théoriques et de principes architecturaux. À travers cette analyse nous avons saisi les
interférences entre toutes ces histoires. La 4e dimension du café, l’architecture, prend ici
toute son importance. La perte d’identité actuelle de l’espace du café accentue l’idée qu’il
s’agit d’un lieu « familièrement inconnu ». Pourtant, pendant longtemps, sa décoration a
contribué à la définition de sa personnalité, autant que les personnages qui le
fréquentent. C’est pourquoi nous examinons les rapports que le café cultive avec la
clientèle et avec les espaces avoisinants — le salon et la rue. Le constat de la banalisation
rend d’autant plus importante l’appréhension des relations entre le café parisien et l’air
du temps. Son architecture s’accorde avec l’esprit de l’époque.
4
L’approche envisagée est thématique, ce qui permet de voir comment architecture et
société s’édifient l’une par rapport à l’autre. La recherche historique prend ainsi une
forme accessible au profane et rappelle les conversations entendues au café.
Regards sur l’histoire
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Le café parisien
5
Les appellations sous lesquelles on retrouve les débits de boissons urbains sont
nombreuses3. À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, le mot café devient le plus usuel4
.
6
La particularité des espaces qui se développent entre 1920 et 1940 est qu’ils regroupent
plusieurs fonctions. On y consomme des boissons en tous genres, on y mange, on s’amuse
et on y danse même. La modernité se manifeste dans ces nouveaux programmes : des
constructions audacieuses apparaissent, comprenant à la fois un bar, un café, une
brasserie, un restaurant et un dancing. Les ensembles, se développant souvent sur
plusieurs niveaux, se nomment café-restaurant, bar-brasserie, restaurant-dancing, etc.
7
Il convient de préciser que notre regard s’est principalement arrêté sur les espaces qui
présentent un certain intérêt architectural. L’architecte Robert Mallet-Stevens, résume ce
point de vue : il y a « d’abord une salle quelconque dans laquelle des gens mangent.
Ensuite une pièce camouflée en « vieille maison », en « hostellerie » où le client déguste,
dans un cadre correspondant à l’origine, des plats plus ou moins savamment préparés.
Enfin, une architecture bien éclairée, bien ventilée dans laquelle le consommateur repose
ses yeux sur un spectacle dont les principaux acteurs sont les autres consommateurs ». Il
ajoute : « il n’y a rien à dire sur la première catégorie puisqu’elle est nulle et ne présente
aucun intérêt. Quant à la deuxième, l’hostellerie, elle a de plus en plus la vogue et
représente hélas l’art décadent qui sévit un peu présentement […]. Le cadre est presque
toujours ridicule. Le régionalisme alimentaire a créé une espèce de régionalisme en
architecture […]. Il y a heureusement, à côté de ces restaurants de kermesse, des
restaurants étudiés, d’une architecture normale »5.
8
Après la Première Guerre mondiale, une nouvelle société apparaît, plus superficielle,
aimant le luxe, l’excès et le tumulte. Elle naît d’un « brassage sans précédent de peuples et
de classes »6. Les Champs-Élysées deviennent la vitrine de l’espace cosmopolite de l’entredeux-guerres. La crise de 1929 porte un coup dur aux commerces, car nombreux sont les
étrangers obligés de retourner dans leur pays. Malgré cela, un certain enthousiasme
persiste et les cafés continuent à fleurir. La période qui suit est féconde pour quelques
artistes et architectes qui luttent contre l’enfermement et l’académisme. Ceux-ci
emploient un vocabulaire stylistique qui intègre, en l’interprétant, le registre
architectural classique.
9
À partir de 1935, une vague de nationalisme envahit le pays. Les cafés gardent leur
caractère égalitaire et cosmopolite, mais la verve qui y régnait disparaît peu à peu.
Face à face salon-café
10
Le café commence à faire concurrence à un autre lieu d’échanges et de discussions, le
salon. Les changements de mentalités et le désir d’affirmation de la personnalité font que
ce dernier tombe en désuétude, devenant « l’école du poncif et de la mode imbécile », à la
différence du café, « l’école de la franchise et de la drôlerie spontanée »7. Le salon perd
son pouvoir ; désormais, c’est au café que les gloires se font et se défont. L’atmosphère du
salon devient monotone et conventionnelle, alors que celle du café est vivante, nonconformiste et pleine de saveur. Au café on peut être soi-même, au contraire du salon où
une certaine hiérarchie sociale règne et impose la conduite. Cependant les deux types
d’espace, le salon et le café, coexistent. L’accès aux salons n’est pas permis à tout le
monde, tandis que le café devient un lieu de rencontre ouvert au tout venant, l’une des
plus importantes institutions parisiennes. Au Sélect, sur les Champs-Élysées, « on parlait
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Le café parisien
millions […]. Et pourtant, il était plus que certain que le plus important de ces
personnages n’avait ni bureau, ni employés, ni domicile »8.
11
Le café constitue l’annexe d’innombrables demeures car on peut y vivre sans contraintes.
La boisson amplifie l’espace et ouvre les portes de l’imaginaire, offrant au consommateur
une évasion immobile. L’influence des cafés sur la littérature passe par la conversation. Sa
puissance sur l’art de même. Mais la plupart des discussions que l’on a au café, souvent
très intéressantes et pleines d’idées, se perdent. « Pour remédier à cette frivolité, le
George-V lancera en 1938 le repas-disque ! À la demande des clients toutes les
conversations seront enregistrées entre les hors-d’œuvre et le café.9 »
Ambiances et mentalités. Aperçu
12
Les guides touristiques de l’époque insistent de plus en plus sur la qualité du décor et sur
le genre de public qui fréquente les cafés. Ils procurent des indications précises : Lipp
« Brasserie obscure, mais fort achalandée. Beaucoup d’hommes de lettres, d’éditeurs,
d’étudiants, de libraires et d’acteurs. C’est ici un royaume de littérature »10.
13
Les cafés à la mode sont fréquentés par une population hétéroclite : habitués, mais aussi
mannequins, gens de théâtre, magnats du cinéma, hommes d’affaires, dandys ou
membres de la haute société. Les étrangers sont nombreux, qu’ils soient « naturalisés
parisiens » ou « touristes ». Le café devient, avec l’hôtel, l’espace le plus cosmopolite de la
ville.
14
Les architectes deviennent plus inventifs et plus soucieux de trouver des formes
originales d’expression. Paradoxalement, des ensembles qui auraient paru ahurissants
aux générations précédentes renouent avec la tradition parisienne des cafés exquis et
charmeurs du XIX e siècle11. L’imagination et l’ingéniosité des concepteurs sont reconnues
et appréciées par la presse de l’époque. Cependant, de nombreux écrivains refusent de
voir dans ces changements les gages d’un renouveau.
15
Dès la fin du XIXe siècle l’apparition des femmes et des boissons américaines dans le café
déroute les habitués et fait subir au décor de grandes transformations. On commence à
s’entasser dans les cafés : « sur la piste trop étroite, des couples remuent en cadence […].
Une foule nombreuse, incohérente, s’essaie à danser, sans grand succès, mais non sans
plaisir. […] Les garçons, armés de plateaux, naviguent avec peine »12. En regardant à
l’intérieur d’un café, l’impression est de contempler le monde à travers un kaléidoscope.
On triche avec l’espace qui se multiplie à l’infini. L’un des plus grands spécialistes dans le
domaine est Charles Siclis, cet architecte qui sait jouer à merveille avec la lumière, la
surface, la couleur et le volume, afin de créer la meilleure ambiance et les plus beaux
effets.
Regards sur la décoration
16
L’architecture des cafés est une architecture éphémère, vouée aux transformations
exigées par le goût du jour, lui-même en perpétuel changement. La pérennité ne satisfait
plus et on ne s’attache plus au passé. Les entrepreneurs, comme dans d’autres domaines,
ont fait des ravages : « Il regardait le Monoprix de la place Blanche. Ils l’ont agrandi en
rien de temps. Y’a seulement six mois, on voyait le Paradis et l’Enfer, des cabarets ! […]
C’était beau ! Les Monuments Historiques auraient dû les classer. Le style 1900, pourquoi
pas ? Un jour, y s’apercevront que c’était tonitruant et ils n’auront plus que des photos ! »
13
17
Le café est un théâtre, un lieu de spectacle où le décor est aussi important que les acteurs.
Les « méga-cafés », voués au luxe et à la rencontre, éclosent dans toute la ville.
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Le café parisien
L’automobile, l’aéroplane, le paquebot et le train, incarnations de la vitesse, deviennent
des références pour la décoration des cafés. Les volumes étriqués se transforment en
vaisseaux comme au Parnasse (Jean Michel, 1930) ou au Brébant (Arrighi, 1932, 32,
boulevard Poissonnière), d’autres prennent des noms évocateurs, comme l’Aéroport
(Blech, 1932), dancing en vogue à Montparnasse. Le dossier des banquettes de la brasserie
Radio (Maurice Jallot, 1928, boulevard Clichy et rue Coustou) esquisse une succession de
cellules distinctes qui rappellent les compartiments d’un wagon. Le mouvement est sans
cesse exprimé, comme pour accentuer l’idée que le café est un lieu de passage.
18
Du rationalisme strict et rigide de la fin des années 1920, l’architecture des cafés évolue
vers une simplicité moins rude jusqu’au milieu des années 1930. Celle-ci vire vers la
douceur des courbes et la souplesse de l’ornement à la veille de la Deuxième Guerre. Les
établissements qui voient le jour ont des allures très diverses, pleines d’esprit. L’intérêt
pour la décoration des cafés augmente au point que l’on présente des « prototypes » à
divers expositions et salons.
19
Le souci « hygiéniste » mène à l’emploi de matériaux qui donnent une impression de
propreté, tels le verre, le métal, la céramique. Chaque intérieur de café brille grâce aux
miroirs et aux métaux luisants, ce qui inspire des descriptions littéraires où les
comparaisons les plus étonnantes sont faites, comme cette ébauche du Bœuf sur le Toit (rue
de Penthièvre) : « Mais dès le vestiaire on entre dans une ère d’éblouissements.
D’immenses glaces superposées sur des plans différents jouent aux quatre coins de la salle
principale. Grâce à une ingénieuse combinaison, elles sont encadrées de lumières rouges,
bleues, vertes, violettes […]. On se croirait dans la salle des Mirages au Musée Grévin » 14.
20
Entre 1920 et 1940 chaque idée est poussée à l’extrême. Par exemple, à l’opposé du café où
l’on va pour passer du temps, on crée des établissements qui s’adressent à des
consommateurs pressés. Le décor est soigneusement étudié afin qu’il ait l’air de découler
des nécessités constructives, tel au bar Presto, situé sur les Grands Boulevards : « Mais le
décor ? Eh bien, il n’y a pas de décor. […] Ces gros tubes chromés qui encerclent le
comptoir ? Un radiateur. La forme des guéridons, tels d’énormes champignons issus d’un
massif cylindre ? Voulue, raisonnée : le cylindre sert de coffre pour recevoir les papiers
usés. […] et si la tablette du guéridon est épaisse, c’est pour contenir des lampes, car elle
joint à son rôle celui de support des fonctions publicitaires et présente des annonces
lumineuses. Oui, mais cet aquarium, une pure fantaisie ? Non pas […] il amuse les passants
et les incite à entrer »15.
21
Aucun détail n’échappe au concepteur : l’entrée, la circulation de la clientèle et du
personnel, la diffusion de la lumière, la disposition des tables, la scénographie qui
organise le rapport intérieur-extérieur, la décoration, ainsi que les diverses questions
techniques telles que chauffage, ventilation, aménagements de cuisines, etc. On adopte
les « matériaux d’illusion, les miroirs qui multiplient les proportions, les lumières qui
exaltent l’espace, […] des cascades d’escalier, des ornements qui font chanter les murs » 16.
Pour ce qui est de la décoration, « tout est sujet à étude : la mosaïque, les corniches, la
lumière, les galeries porte-chapeaux, les chaises, les tables, les meubles, les lambrequins,
les assiettes, les menus même ! Quel champ immense pour le décorateur ! »17 Les piliers
sont habillés de matériaux qui, par leur texture ou leur composition, les amenuisent en
allant jusqu’à les dématérialiser.
22
La signalétique devient l’une des principales composantes de la façade, surtout grâce aux
progrès faits à partir de 1914 dans l’élaboration des caractères de typographie. Le succès
d’un tel établissement est assuré à partir du moment où le client, dès l’entrée, peut
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Le café parisien
choisir sa place et voir tous les autres consommateurs, d’où l’importance accordée à
l’étude des accès.
23
La circulation verticale est mise en exergue dans l’agencement des cafés. Ceux-ci se
développent sur plusieurs niveaux, provoquant un va-et-vient continu des
consommateurs qui contribue à l’impression générale d’agitation.
24
Les découvertes dans les domaines de la physique et de la médecine font que l’on se
préoccupe davantage du cadre de vie. Dans une interview que Charles Siclis accorde à la
revue Art et Médecine, celui-ci souligne que les essences agiraient différemment sur le
système nerveux : la ronce d’acajou « excite la circulation du sang, le chêne stimule et le
noyer déprime » et les bois exotiques grisent. Il explique aussi que la lumière exerce une
action puissante sur le corps, de même que les couleurs. Aussi, « un grand volume vide
« décomprime » l’individu surmené et qui aspire au repos »18.
25
L’illumination des salles de café tient compte des dernières découvertes en la matière.
L’éclairage indirect provient soit des corniches ou des fentes percées au plafond, soit des
entailles pratiquées dans les murs, soit des verrières. Lorsqu’il est direct, il émane des
lampes et appliques ou de l’extérieur, par l’intermédiaire des façades vitrées. Les tubes
luminescents sont dissimulés dans les « plis » du plafond et produisent une ambiance
intense et colorée.
26
La grande trouvaille des concepteurs consiste à utiliser les glaces comme matériaux
d’architecture. L’espace s’accroît et l’éclairage s’accentue grâce à l’impression de
multiplication des sources de lumière. « Effet de glaces, jeux de lignes, jeux de lumière,
fausses perspectives à l’italienne, trompe l’œil ; c’est truqué comme un décor de féerie 19. »
27
Les volumes des cafés, mettent en scène le spectacle de la ville. La salle prend la forme
d’un amphithéâtre. L’architecte doit imaginer une atmosphère, des jeux de volumes et de
matériaux pour le jeu des acteurs. Les regards des consommateurs se croisent dans les
miroirs du café. L’espace devient irréel. Dans Le Colisée, café-restaurant sur les ChampsÉlysées (Charles Siclis, 1932), un subterfuge de perspective est employé, afin que le client
n’ait pas l’impression de descendre en avançant vers le fond : le plancher monte, le
plafond descend. Au Triomphe (Charles Siclis, 1934), la salle, divisée en gradins successifs,
permet à tous les clients de voir et d’être vus, et de savourer le spectacle de l’avenue des
Champs-Élysées.
28
Le savoir-faire progresse avec les connaissances techniques et scientifiques et avec
l’industrialisation accélérée que connaît le monde après la Première Guerre. Beaucoup de
nouveaux matériaux sont employés : aluminium maté, métal Helvar, contre-plaqués de
bois précieux, duralumin, fibracier, etc. Le « béton translucide » et les briques Nevada
gagnent enfin une place méritée. La plupart des cafés qui voient le jour sont des «
monuments » à la gloire du verre. Celui-ci apparaît sous tant de formes (miroir, vitrail,
marbrite, glace opaque, transparente ou translucide, travaillée par différentes méthodes,
gravure, sablage, etc.) qu’on n’a pas l’impression d’en abuser.
29
Les prouesses techniques se mettent au service de cette architecture : pour La Maxéville
(1934), par exemple, on réalise le plus grand panneau de glace de planimétrie du monde,
pour le Relais-Plaza (avenue Montaigne et rue du Boccador, 1936, Constant Lefranc,
architecte) on emploie pour la première fois la glace aurée brute — glace à surface
rugueuse d’aspect rosé — comme vitrage et revêtement extérieur.
30
Des tables de bakélite et d’acier chromé remplacent celles en bois et marbre. Les meubles
de service sont en merisier jaune paille, en bois du Canada, ou en bois noir et sycomore
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blanc. Les sièges sont en métal blanc et recouverts de cuir, de velours rouge ou de tissu de
crin vert.
31
D’autres modifications interviennent, notamment en ce qui concerne le comptoir, devenu
bar. Il fait l’objet d’une industrie spéciale, étant traité de manière à ce que son image
rappelle le moins possible celle du comptoir de bistrot en étain. Il se trouve
habituellement à côté de l’entrée et occupe une grande partie de la salle. Les percolateurs
et les pompes à bière métalliques meublent le bar et participent à l’ambiance générale.
32
La « fontaine lumineuse » est une invention de l’époque. Elle se dresse au centre de la
salle, comme au Chiquito (Charles Siclis, 1928, rue du Colisée) ou Aux Armes de la ville
(Rondoni, 1933, place de l’Hôtel de Ville). Avec le perpétuel mouvement et le jeu
d’ampoules qui l’orne, elle participe à la création d’une ambiance gaie et optimiste autant
que l’animation des murs et des plafonds. L’eau jaillit entre des dalles polies, éclairées à
l’aide de projecteurs et de rampes électriques, en répandant l’éclat de l’ensemble dans la
salle.
Café avec vue sur rue
33
L’apport du café à la voie publique est incontestable. Les toiles de Bonnard en témoignent
: dans La Place Clichy (1912) et Le Café du Petit Poucet (1928), l’espace intérieur du café
s’annexe la rue. Par l’architecture du café, le dehors s’engouffre à l’intérieur.
Parallèlement, les devantures des cafés animent la ville, la dotant d’une âme et d’une
silhouette.
34
Dès la fin du XIXe siècle le plafond du café envahit la rue, se transformant en marquise
métallique qui se continue par un auvent de toile, pour abriter la terrasse. Celle-ci
constitue le prolongement de deux espaces qui se ressemblent tout en étant très
différents : celui de la rue, des passants, et celui du café, des consommateurs. Le principe
des gradins utilisé à l’intérieur des cafés de l’entre-deux-guerres s’applique également
aux terrasses, ce qui vient conforter l’idée que le spectacle de la rue intéresse
particulièrement les clients.
35
On essaie par tous les artifices de faire fondre les différences entre extérieur et intérieur.
Une des plus remarquables devantures des années 1930 — à la fois inexistante et très
présente — est celle de La Maison du Café, place de l’Opéra, conçue par Charles Siclis en
collaboration avec le peintre Zarraga et le sculpteur Drivier. Elle sert de cadre à la
décoration intérieure qui est une fresque. « Disposée, non à plat sur le mur du fond, mais
selon une double sinuosité, en forme d’S, elle paraît de l’extérieur faire partie de la
façade. C’est surtout du trottoir opposé qu’il faut la regarder — tout en marchant. Car, à
mesure qu’il se déplace, le passant voit le triple cadre des baies vitrées glisser le long de
l’œuvre peinte, et la composition générale ainsi découpée former les variantes
successives de tableaux différents20. » La façade devient un élément dynamique de la
composition. Elle n’est plus une limite et ne sert plus à circonscrire un espace, elle n’est
plus qu’une protection contre les intempéries.
36
Des artifices de décoration font pénétrer l’extérieur jusque dans les salles de café situées
au sous-sol, créant ainsi une situation paradoxale. Celles-ci sont souvent égayées par des
dioramas représentant le ciel ou la mer. Au café Dupont du boulevard Barbès (Charles
Siclis, 1935) la salle du sous-sol se nomme Belvédère car des dioramas représentant des
images de Paris constituent son décor. « Sur les tables des consommateurs, des serviettes
sur lesquelles sont imprimées des sortes de tables d’orientation donneront l’amusement
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au client de chercher l’emplacement des monuments. Ces dioramas peuvent être changés
21.»
37
Tout ce monde mirifique et tout ce décor ahurissant se volatilisent à la fin d’une existence
fulgurante. L’envie de vivre et de s’amuser s’estompe en faveur du souhait de survivre qui
hante le monde entier à l’approche de la Seconde Guerre. L’architecture des cafés ne
retrouvera plus jamais, durant le XXe siècle, l’enthousiasme de l’entre-deux-guerres.
Vue de l’esprit : du dessein au dessin
38
Le passage de l’étude historique à la conception architecturale se fait presque
naturellement, puisque l’imagination a été sans cesse nourrie et stimulée par cette
première phase, et que de nombreuses idées hantent l’esprit. Il s’agit maintenant de
dépasser le « déjà vu », d’éviter la paramnésie. Suivent des jours et des nuits d’angoisse
pendant lesquels le cerveau travaille. Lorsque le projet est mûr le plus simple reste à faire
: conclure, c’est-à-dire le dessiner.
39
Le choix du site a eu son importance. Comme tout étudiant architecte je suis libre de
retenir, pour mon projet de diplôme, le programme, le site et les contraintes appropriés,
tout comme j’ai choisi le sujet de mon mémoire. J’ai donc décidé de concevoir un café à la
place Clichy (ill. 1). Une parcelle d’environ 130 m2 se trouve actuellement occupée
uniquement en rez-de-chaussée par une partie du Café Wepler. Au-dessus, une énorme
bâche publicitaire fait fonction de façade, dérobant ainsi au regard un vide dans la ville,
vide difficile à combler en réalité pour des raisons liées à la réglementation urbaine.
40
La principale contrainte que je me suis imposée était d’utiliser les observations faites au
cours de la recherche historique, de manière à intégrer l’histoire au projet. Un lecteur
attentif pourra déceler la traduction en dessin de chaque remarque sur les cafés de
l’entre-deux-guerres.
41
Une autre exigence, d’ordre urbanistique, était d’insérer la construction en posant le
problème du renouvellement architectural, sans pour autant ignorer le cadre bâti
existant. L’échelle de voisinage devait jouer son rôle, afin d’assurer une cohérence
dynamique entre le projet et son environnement immédiat.
Ill. 1 — Vue du Café.
42
L’architecture n’est pas qu’un art, c’est aussi une science. À ce titre, j’ai associé à la
conception les détails constructifs, soigneusement étudiés, afin de souligner leur rôle
dans la création. La collaboration d’un ingénieur et d’un maître-verrier m’a assuré leur
faisabilité.
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Le café parisien
43
Enfin, il était souhaitable de pouvoir exploiter d’autres références, en dehors de celles
architecturales et historiques mentionnées, afin de souligner l’idée que l’architecture est
aussi un art qui trouve son inspiration là où l’on s’y attend le moins.
44
Le cheminement emprunté visait à établir les relations entre différents domaines et à
articuler la maîtrise des savoirs et la pratique des savoir-faire. Cette démarche, qui
développe l’imaginaire tout en opérant simultanément une synthèse créative des
connaissances, s’inscrit dans le projet pédagogique de l’enseignement architectural.
Projet et histoire. Vue d’ensemble
45
Malheureusement, aucun plan d’origine du Café Wepler n’a été retrouvé, mais Léon-Paul
Fargue donne une description de ces lieux qui laisse entendre qu’il fut un temps où le
Wepler occupait une surface plus importante que de nos jours :
J’aime cette boîte à musique importante comme un paquebot. Le Wepler de la place
Clichy est rempli de merveilles, comme le concours Lépine. Il y a d’abord à boire et
à manger. Et des salles partout, ouvertes, fermées, dissimulées. La voilure amenée,
ces salles sont habillées en un rien de temps. Les femmes se distribuent selon leur
îlots, leurs sympathies, contre le décor et les boiseries 1900. Au milieu, composé de
prix du Conservatoire, l’orchestre joue son répertoire sentimental […] Célèbres, les
salles de billard du Wepler sont immenses, composées et distribuées comme les
carrés de gazon d’un jardin. […] La grande salle de billard du Wepler a quelque chose
d’une bourse. Des consommateurs se serrent la main sans se connaître 22.
46
La reconstruction à l’horizontale de cet espace n’étant évidemment pas envisageable, j’ai
proposé un café à la verticale, afin d’obturer la « dent creuse » qui existe entre le cinéma
Wepler et l’immeuble d’habitations voisin. Comme il a déjà été souligné, les cafés de
l’entre-deux-guerres se développaient souvent sur plusieurs niveaux, l’idée n’est donc pas
si absurde qu’elle paraît à première vue.
Ill. 2 — Plan des 1er et 6e étages. Loges de théâtre et Salon.
47
Chacun des étages du café est aménagé selon un thème, qui rappelle les principaux loisirs
que s’offrent les Parisiens surtout à partir de la fin du XIX e siècle (ill. 2) : loges de théâtre
pour le 1er étage, salle de jeux pour le second, salon de lecture pour le 3 e , paquebot pour
le 4e, train pour le 5e et salon pour le 6e étage.
48
Le premier sous-sol comprend, outre les espaces réservés au personnel et à l’économat,
un vestiaire et des sanitaires destinés au public, ainsi que des cabines téléphoniques. C’est
une fois de plus l’analyse des cafés parisiens de l’entre-deux-guerres qui a suggéré cet
espace23.
49
Des offices situés aux étages pairs (2, 4 et 6) assurent le service et alternent avec des
sanitaires se trouvant aux étages impairs (1, 3 et 5). La liaison avec la cuisine s’effectue
par l’intermédiaire de deux monte-charges.
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Le café parisien
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Les éléments de circulation verticale, l’escalier et les ascenseurs prennent beaucoup
d’importance car, comme je l’ai constaté lors de la recherche, ils contribuent pleinement
à créer du mouvement dans le café (ill. 3). Entièrement en verre, ils sont dématérialisés,
de manière à amplifier l’espace et à mettre en exergue la présence humaine. Le même
artifice, l’emploi du verre, fait disparaître les tirants, principaux éléments de structure
verticale qui soutiennent les niveaux24.
Ill. 3 — Détail de plan. 2e étage. Salle de jeux.
51
L’emploi des miroirs sur la paroi courbe du fond accentue l’impression d’agitation qui
règne dans le café, tout en agrandissant l’espace. Le verre, traité de différentes manières,
est omniprésent. Outre l’escalier central et les passerelles dont les marches et les
planchers sont en verre translucide et les garde-corps en verre dépoli en dégradé, les
rambardes de chaque niveau sont en verre feuilleté dépoli au marteau-piqueur. Ce
traitement rappelle les bulles de gaz carbonique dans une flûte de champagne.
52
L’éclairage est intégré au plancher qui surplombe chaque niveau. Un complément
d’éclairage par fibres optiques vient souligner la silhouette de l’escalier et des passerelles.
Les mains courantes intègrent également un éclairage qui souligne leur mouvement
courbe.
53
J’ai accordé une attention particulière au traitement de la façade sur la place Clichy. Le
respect des alignements par rapport aux immeubles voisins a déterminé la hauteur de
chaque niveau. Orientée plein sud, la façade nécessitait une occultation qui varie
l’éclairement de l’espace intérieur et souligne la seule fonction désormais dévolue à une
devanture — tout comme à la Maison du Café — celle de protection contre les intempéries.
Elle est imaginée en verre extra-blanc, pour offrir un maximum de transparence. Chaque
trame qui la compose est équipée d’un système de brise-soleil pouvant être actionné
depuis les tables, ce qui permet aux clients d’adapter l’ensoleillement à leurs besoins ou
de se créer une certaine intimité. Les lames métalliques, prises dans une double épaisseur
de verre, pivotent sur leur propre axe central, en même temps qu’elles coulissent sur un
rail vertical. La façade change ainsi à tout moment de la journée et de la nuit. Son
dynamisme participe autant à l’atmosphère de la place qu’à l’ambiance du café.
Projet et théâtre. Prises de vues
54
Le voisinage immédiat a induit une grande hauteur pour le café. Le projet se développe
donc sur dix niveaux, dont deux en sous-sol. Les étages ont une surface d’environ 30 m2
chacun. Le rez-de-chaussée s’étend également sous l’immeuble d’habitations (ill. 4) et
comprend la salle de restaurant, la zone du bar, ainsi que les parties annexes : cuisines,
office, bureau, etc. Afin que les clients du café puissent voir et être vus, les étages sont
conçus sur le principe de deux théâtres à l’italienne qui s’imbriquent : le 1er étage épouse
la courbe de la paroi qui se trouve en fond de parcelle, tandis que le 2e suit la façade sur la
place et ainsi de suite. Chaque étage est en retrait par rapport à l’étage situé en dessous.
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Le café parisien
Cette organisation en gradins permet une meilleure vue sur l’ensemble de l’espace. La
définition du café comme lieu de spectacle prend ainsi toute sa signification. Les niveaux
disposés sur la façade principale permettent aux clients d’observer aussi le spectacle
extérieur. Deux terrasses accompagnent l’espace proprement dit du café : une au rez-dechaussée, faisant la liaison entre la rue et l’intérieur, et une seconde au dernier niveau qui
établit une relation entre l’espace céleste et l’espace du café. Cette relation est renforcée
par la création d’un toit ouvrant pour le café (ill. 5). Par beau temps, les clients se
trouvant à l’intérieur peuvent apercevoir le ciel.
Ill. 4 — Plan du rez-de-chaussée.
Ill. 5 — Vue du toit ouvrant.
Dessin et écriture. Parcours
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L’écriture, tout comme le dessin, sont des cheminements vers l’insaisissable. On projette
et on se projette. C’est par assimilation et articulation qu’un nouveau réel apparaît. Il
devient donc normal de produire du sens en créant une relation entre littérature et
architecture. Cela enrichit le projet et offre des solutions inattendues. Ainsi, par exemple,
le rythme des barres métalliques qui constituent la « cage » de l’escalier central a été
suggéré par le rythme des chapitres d’une fiction, Les Villes invisibles d’Italo Calvino (ill. 6).
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L’impression de vertige qui domine l’espace s’inspire de l’ivresse provoquée par la lecture
des textes d’Henri Michaux, comme :
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Le café parisien
Quand les mah,
Quand les mah,
Les marécages,
Les malédictions,
Quand les mahahahahas,
Les mahahaborras,
Les mahahamaladihahas,
Les matratrimatratrihahas,
Ill. 6 — Détail d’escalier
Les hondregordegarderies,
Les honcucarachoncus,
Les hordanoplopais de puru para puru 25.
Café et enseigne. Vu !
57
Les remarques que j’ai pu faire lors de la recherche historique m’ont permis de
comprendre l’apport des nouveaux caractères typographiques à la fabrication des
enseignes de cafés. Celles-ci font partie des composantes de la façade et assurent un
maximum de rendement publicitaire. Il était donc important que le projet proposé
s’accompagne d’une recherche sur les caractères qui devaient composer l’enseigne. Les
efforts que j’avais faits au début de la conception n’ont pas donné de résultats. Mais,
lorsque l’espace fut dessiné, il m’est apparu possible d’écrire le mot CAFÉ, en utilisant le
contour de certains étages. De nouveaux caractères étaient nés. La particularité de cette
enseigne — fruit du hasard — est que la lettre C, troisième lettre de l’alphabet, correspond
au plan du 3e étage, la lettre A, première lettre de l’alphabet correspond au plan du 1 er
étage, etc. (ill. 7).
Ill. 7 — L’enseigne.
Dessin à vue
58
La terrasse du dernier niveau est couverte, afin de permettre son utilisation par tous les
temps. L’éclairage situé au plafond, obtenu à l’aide de fibres optiques, reprend les
principales constellations visibles dans le ciel.
59
Pour la terrasse du rez-de-chaussée, le système de couverture suggère le principe des
dessous-de-plat métalliques extensibles. Il utilise les mêmes lames de brise-soleil que
pour la façade. Ceci permet, soit de régler le passage de la lumière, selon l’inclinaison des
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Le café parisien
lames, soit d’avoir une obturation totale, lorsque les lames sont en position horizontale,
soit de tout replier contre la façade, lorsque le dispositif n’est pas utilisé.
60
L’étude de l’architecture permet de saisir les interférences entre différentes histoires —
l’histoire de l’architecture, l’histoire sociale, l’histoire culturelle ou l’histoire des
subjectivités — et de surprendre la manière dont celles-ci s’éclairent réciproquement. À
ce titre, l’architecture peut participer au renouvellement des problématiques en histoire.
61
En associant simultanément les faits induits par l’histoire, les signes contenus par les
textes, l’information fournie par l’iconographie et l’observation du quotidien, il a été
possible de superposer l’« écriture » de l’architecture à celle de la vie. C’est par l’histoire
que le jeu de l’invention et de la tradition, du détail et du global, du hasard et de la règle a
été appréhendé, ce qui a rendu plus lucide l’acte de concevoir.
62
L’écriture de l’histoire a assouvi la volonté de savoir, tandis que la conception du projet a
comblé le désir de création, qui anime généralement l’esprit de l’architecte.
BIBLIOGRAPHIE
ANDRIEU Pierre, Histoire du restaurant en France, s.l., éd. Journée vinicole, 1955, 230 p.
FARGUE Léon-Paul, Poisons, gravures de E.M. Burgin, Paris, Daragnes, 1946, 111 p.
FOSCA François, Paris mon village… Histoire des cafés de Paris, Paris, Firmin-Didot et C ie, 1935, 218 p.,
12 ill.
GRAND-CARTERET John, Raphaël et Gambrinus ou l’Art dans la brasserie, Paris, L. Westhausser, 1886,
XXII-326 p.
LEMOINE Bertrand, RIVOIRARD Philippe, Paris, l’architecture des années trente, Paris, DAAVP, Lyon,
Manufacture, 1987, 251 p.
VERNES Michel, « Cafés de Paris. À l’avenant de la ville », Architecture intérieure créée, octobrenovembre 1987, p. 89-95.
NOTES
WISSANT Georges, Le Paris d’autrefois. Cafés et cabarets, Paris, J. Tallandier, 1928, 247 p.
*. Cet article est la synthèse du diplôme soutenu en juin 1995 à l’École d’Architecture de
Paris-La Villette (mémoire consultable à la bibliothèque de l’École). Jury : Michel Vernes,
Philippe Boudon, Marc Mimram, Bernard Pictet.
1. Pour des raisons liées aux droits d’auteur ces documents ne peuvent être reproduits.
2. Léon Paul Fargue, Poisons, Paris, 1946, p. 85.
3. Taverne, caveau, cabaret, buvette, guinguette, estaminet, gargote, bistrot, café, etc.
4. Pour faciliter la lecture, c’est ce terme qui sera le plus souvent employé.
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5. Robert Mallet-Stevens, « Les Restaurants », L’Architecture d’Aujourd’hui n° 12, décembre
1938, p. 45. Mallet-Stevens est un des rares protagonistes du Style International en
France.
6. Robert J.Courtine, Un gourmand à Paris, Paris, B. Grasset, 1959, p. 23.
7. François Fosca, Histoire des cafés de Paris, Paris, Firmin-Didot, 1934, p. 213.
8. Léon-Paul Fargue, D’après Paris et Le piéton de Paris, Paris, Librairies de France, 1961, p.
135.
9. Id., op. cit., p. 310.
10. Robert-Robert, Le Guide du gourmand à Paris, Paris, B. Grasset, 1925, p. 97.
11. Comme La Maison Dorée (20, boulevard des Italiens), Le Café Riche (16, boulevard des
Italiens), ou Le Café de Paris (angle du Boulevard des Italiens et de la rue Taitbout, puis 41,
avenue de l’Opéra).
12. Jean Fayard, Dans le monde où l’on s’abuse, Paris, A. Fayard et Cie, 1925, p. 13-14.
13. Robert Sabatier, Boulevard, Paris, A. Michel, 1956, p. 251.
14. Odette Pannetier, Plaisirs forcés à perpétuité, Paris, éd. Prométhée, 1929, p. 20.
15. René Chavance, « Le bar “Presto” ou la décoration sans décor, Otto Bauer, architecte
», Mobilier et Décoration, août 1930, p. 49.
16. Marcel Zahar, Charles Siclis, Paris, L’Architecture d’Aujourd’hui, 1937, p. 6.
17. A.L. Solvet et Paul Solvet, Cafés, Brasseries, Restaurants, Strasbourg, Éd. d’architecture,
d’industrie et d’économie rurale, s.d. [1932], p. 5.
18. Henri Hérault, « Les grands architectes — Siclis », Art et Médecine, n° 2, novembre 1930,
p. 33.
19. René Chavance, « Un café-restaurant de luxe “Le Colisée” », Mobilier et Décoration,
1932, p. 371-378.
20. G.Brunon-Guardia, « La nouvelle Maison du Café, Place de l’Opéra », Art et Industrie,
février 1934, p. 23.
21. « Café Boulevard Barbès à Paris », L’Architecte, 1935, p. 58.
22. Léon-Paul Fargue, D’après Paris et Le Piéton de Paris, Paris, Librairies de France, 1961, p.
116-117. Le Piéton de Paris, dont est tiré l’extrait, semble avoir été publié pour la première
fois en 1939.
23. Par exemple, Antony Goissaud, auteur d’un article sur le café-restaurant Le Berry (92,
avenue des Champs-Élysées, Louis Grossard, architecte), paru dans La Construction moderne
, 6 octobre 1929, p. 3, s’attarde sur la partie affectée en sous-sol aux téléphones et aux
sanitaires. Il décrit les comptoirs des préposées, les vitrines qui ornent le hall et les
panneaux de glace gravée qui décorent les portes des cabines téléphoniques et des
toilettes.
24. Autre exemple d’interprétation des remarques faites au cours de la recherche
historique : tandis que durant les années étudiées la structure du café est cachée par des
habillages qui tendent à la faire disparaître, ici, la structure même est en verre, ce qui la
rend presque invisible.
25. Henri Michaux, «L’Avenir », La Nuit remue, Paris, Gallimard, 1993, p. 189.
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RÉSUMÉS
L’exemple du café parisien permet de comprendre la superposition de l’écriture architecturale et
de la vie sociale. Son cursus à l’École d’Architecture de Paris-La Villette a été pour l’auteur
l’occasion d’étudier les cafés et les restaurants parisiens de l’entre-deux-guerres par le biais de
son mémoire, Regards, réalisé en 1995. Et le projet qui accompagnait ce travail lui a permis de
souligner les rapports qui peuvent s’établir entre la conception architecturale et l’histoire ou la
littérature. Par l’intermédiaire de l’écriture elle a pu articuler des données flottantes, des mots et
des composantes architecturales sans liaisons apparentes entre eux. Le projet présenté — un
café, place Clichy — est une interprétation possible des observations qui découlent de la
recherche historique. La démarche employée a permis des rapprochements interdisciplinaires
inhabituels, ainsi qu’un renouvellement de la manière de concevoir, qui s’inspire du passé pour
aboutir à une architecture innovante et hardie.
Crossing of genres, crossing of forms. The Parisian café Exchange of views — The example of
the Parisian café allows us to understand the superposition of architectural writing and social
life. Her programme in the Architectural School of Paris-La Villette has offered the author the
opportunity to study cafés and Parisian restaurants between the wars, through her thesis, Looks,
achieved in 1995. The project which was part of this work has allowed her to underline the links
between the architectural conception and history or literature. By writing, she has articulated
indefinite datas, words and architectural components which had no visible links between
themselves. The project produced — a café, place de Clichy in Paris — is a possible interpretation
of the observations proceeding from historical research. The thought process used has permitted
unusual interdisciplinary comparings and a renewal of the way to conceive, which is inspired by
the past to result in an innovative and bold architecture.
AUTEUR
JOANNE VAJDA
Architecte diplômée de l’École d’Architecture de Paris-La Villette, elle prépare à l’EHESS
une thèse en Histoire et Civilisations sur Le Rôle des voyages dans la transformation de l’espace
parisien. 1855-1937, sous la direction de Christophe Prochasson. Elle a travaillé dans des
agences d’architecture et de scénographie à Bucarest et à Paris. Elle participe depuis 1995
à un cours d’Histoire de la Ville à l’École d’Architecture de Paris-La Villette (en
collaboration avec Michel Vernes). Une grande attention y est accordée au texte littéraire
et à l’écriture comme moyens de production de l’espace. Cet enseignement tente de faire
sortir le projet architectural de son isolement.
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