Centre de cas
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Cas produit par Pierrette SUBTIL et le professeur Laurent LAPIERRE.
Introduction
Le Musée des beaux-arts de Montréal va bien. La décennie des années 1990 a été riche en
événements pour le musée de la rue Sherbrooke : agrandissement des espaces du musée par la
construction d’un nouveau pavillon, et début des grandes expositions internationales avec pour
bénéfices une nouvelle image et la réappropriation de l’institution par le public montréalais. Ces
changements étaient en grande partie dus à l’ancien directeur, Pierre Théberge, aujourd’hui à la
tête du Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa. Fort d’une personnalité décidée, ce dernier
avait réussi en quelques années à redynamiser l’institution, à rétablir un consensus au sein du
conseil d’administration et à se mériter la confiance des employés, au terme d’un ambitieux
programme de développement : « Après 17 ans de dévouement inlassable pour le Musée, dont 11
à titre de directeur, Pierre Théberge semblait pratiquement irremplaçable…1 »
En 1998, le conseil d’administration du Musée doit dénicher un nouveau directeur. Son choix
s’arrête sur un conservateur français au curriculum vitæ impressionnant, Guy Cogeval. Brillante
personnalité, immense culture, franc-parler sont quelques-unes des qualités du nouveau leader
qui, non content d’aligner diplômes et mentions, s’est déjà construit à 40 ans une expérience
comme directeur d’un musée français. Outre son trilinguisme (il est d’origine franco-italienne), le
réseau de contacts qu’il entretient avec le milieu culturel international constitue un autre de ses
points forts. Le nouveau directeur prend donc son poste au printemps 1998, quelques semaines
seulement après le départ de Pierre Théberge pour Ottawa. L’arrivée de Guy Cogeval marque
ainsi le début d’une ère nouvelle pour le Musée des beaux-arts de Montréal, comme l'évoque
alors Bernard Lamarre, président du Conseil d'administration :
Les destinées du Musée ont […] été confiées à un nouveau directeur, Guy Cogeval. La candidature
de M. Cogeval n’aurait pu être plus appropriée puisque son choix s’est imposé à l’unanimité devant
le comité de sélection […]. M. Cogeval l’a emporté haut la main, entre autres parce qu’il avait déjà
dirigé un établissement muséal, le Musée des monuments français. De plus, il jouit d’une visibilité et
d’une envergure internationales, ayant établi un réseau de contacts intimes avec des collectionneurs et
des institutions tant en Europe qu’en Amérique du Nord. Il a su nous séduire par sa jeunesse, son
dynamisme et son enthousiasme 2 .
1
Bernard Lamarre, extrait du message du président, Rapport annuel 1997-1998.
2
Idem.
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Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute modification sous quelque forme que ce soit est interdite.
Ce cas est destiné à servir de cadre de discussion à caractère pédagogique et ne comporte aucun jugement sur la situation
administrative dont il traite.
Déposé au Centre de cas HEC Montréal, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) Canada H3T 2A7.
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Dans le même rapport annuel, Guy Cogeval rend hommage à ceux qui ont accepté sa candidature :
J’aimerais remercier le président du conseil, M. Bernard Lamarre, de même que les membres du
comité de sélection, de la confiance qu’ils m’ont témoignée. Ils ont fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et d’un certain courage, car il n’est jamais évident de nommer un étranger à un poste
aussi envié. J’avoue avoir été très touché par l’accueil qui m’a été réservé, et ce, à tous les niveaux de
l’institution 1 .
Avant même son entrée en fonction, le nouveau directeur a son idée sur les moyens que le Musée
doit mettre en œuvre afin de mieux se positionner à l’échelle internationale. Guy Cogeval connaît
en effet l’institution pour avoir été le commissaire invité d’une exposition présentée en 1995 au
Musée des beaux-arts de Montréal : Paradis perdus : l’Europe symboliste. Cette exposition avait
ainsi été l’occasion de se familiariser avec la collection du Musée et de faire la connaissance des
différentes équipes de travail, ainsi que de se faire une idée sur les enjeux de cette institution :
Dans une perspective d’avenir, je dois avouer qu’une de mes grandes ambitions serait de tenir la
balance égale entre l’enrichissement de la collection permanente […] et une politique d’expositions
qui resterait aussi ambitieuse que celle de Pierre Théberge 2 .
Les nouvelles orientations du Musée sont ainsi clairement définies. Les efforts de la nouvelle
direction et, par le fait même, du Musée tout entier, continueront de porter sur les grandes expositions internationales, mais iront aussi sur le renforcement de la collection permanente. Ces deux
voies constituent la vision personnelle du nouveau directeur de ce que doit être un grand musée
canadien : une institution ouverte organisant des expositions d’envergure à partir de ses collections permanentes et de celles des grands musées internationaux.
Le nouveau directeur s’attelle donc rapidement à cette tâche en plus de se donner le défi de tisser
des liens étroits avec les amis du musée, le public montréalais, les médias, les collectionneurs
canadiens et d’asseoir sa crédibilité auprès des chefs de service et des employés du Musée. En
mai 2003, après 5 ans à la tête de l’institution, il semble que Guy Cogeval ait réussi. Réussi à
s’imposer au sein du Musée tout autant qu’à l’extérieur. Réussi à créer un consensus autour d’un
organisme voué à l’art sous ses formes les plus classiques, tout en lui insufflant un vent de renouveau.
Nature de l’organisme
Le Musée des beaux-arts de Montréal est un organisme sans but lucratif institué en corporation
privée dont l’objectif est « d’encourager les arts plastiques, de diffuser les connaissances artistiques, de collectionner, de mettre en valeur et d’exposer des œuvres d’art au profit de la population montréalaise, québécoise, canadienne et d’ailleurs3 . » Par ailleurs, le Musée est pourvu d’une
fondation créée en 1994 et reconnue comme un organisme de charité.
1
Guy Cogeval, extrait du Message du directeur, Rapport Annuel 1997-1998.
2
Idem.
3
Note 1 aux États financiers du Rapport annuel 1998-1999.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Les principales activités de la Fondation consistent à solliciter et à recevoir des dons, legs et autres
contributions pour le bénéfice du Musée de même qu’à gérer et à administrer ces fonds. De plus, le
Musée a confié à la Fondation la gestion de certains fonds 1 .
Depuis les cinq dernières années, le Musée a un budget d'exploitation de 24 millions de dollars en
moyenne. Près de la moitié provient de revenus autonomes, ce qui en fait un musée très performant à cet égard au Canada. L’autre moitié provient de subventions publiques, essentiellement
provinciales. Du côté des dépenses, la masse salariale d’environ 200 employés réguliers représente environ 40 % du budget 2 . Enfin, 20 à 25 % du budget est dédié aux expositions, le reste
représentant des coûts d’opérations, d’équipements et de projets 3 .
Un Musée encyclopédique
Voici la description que fait Guy Cogeval du Musée des beaux-arts de Montréal :
Réparti entre deux imposants bâtiments qui se font face, riche d’une collection encyclopédique qui
regroupe peintures et sculptures européennes, art canadien, objets décoratifs et design, antiquités, art
contemporain, le Musée des beaux-arts de Montréal est la plus ancienne institution muséale au
Canada et aussi l’une des plus importantes […]. Créé sans autre atout que la bonne volonté de ses
fondateurs, ce musée – qui n’a jamais été un musée d’État – a une conscience précise de son rôle visà-vis du public […]. Sous l’impulsion de collectionneurs éclairés – et longtemps sans aucun subside
des gouvernements – ce qui avait d’abord été une modeste collection de peintures et de sculptures
s’élargit à la dimension d’une véritable encyclopédie de la création artistique, englobant tout aussi
bien les arts visuels que les arts décoratifs. Autre atout majeur de ce musée : les grandes expositions
qu’il organise, souvent thématiques et d’envergure internationale, qui contribuent à en donner au
Canada et à l’étranger une image originale (Les Années 1920, Paradis perdus : l’Europe symboliste,
Triomphes du Baroque, Hitchcock et l’art, etc.) 4 .
Une campagne de financement majeure 5
Avant même l’arrivée en fonction du nouveau directeur, les gestionnaires du Musée avaient établi
l’importance cruciale de la recherche de nouvelles sources de revenus. Les coupures régulières de
subventions provinciales depuis 1995 ont en effet forcé le Musée, comme la plupart des institutions muséales, à trouver un mode de financement plus autonome, donc plus audacieux. L’entreprise privée et les particuliers représentent désormais d’autres sources de revenus à aller chercher.
Dès 1996, la campagne majeure de financement Un Grand Musée pour une grande ville (19982002) est donc mise sur pied par le conseil d’administration avec beaucoup d’énergie : il en va de
la survie du Musée.
Le changement de direction et l’arrivée de Guy Cogeval ne modifieront pas le plan de campagne,
bien au contraire. Tant le nouveau directeur que les chefs de service du Musée sont conscients de
1
Note 1 aux États financiers de la Fondation du Musée des beaux-arts de Montréal, Rapport annuel 1998-1999.
2
Ce qui, encore une fois, est assez performant, la masse salariale des musées pouvant parfois représenter jusqu’à 55 % du budget
d’exploitation.
3
Voir les rapports financiers à l'annexe 1.
4
Guy Cogeval, « Avant-propos », Le Musée des beaux-arts, Montréal, ouvrage collectif, coédition MBAM / Fondation BNP
Paribas / RMN, 2001, 136 pages.
5
Voir l'annexe 2.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
l’importance d’une relative indépendance financière pour l’organisation. De plus, la réalisation
des grandes expositions désirées par la direction ainsi que l’acquisition d’œuvres d’art internationales de haut calibre exigent des fonds très importants. C’est pourquoi l’objectif de la campagne
Un Grand Musée pour une grande ville a-t-il été fixé à 50 millions de dollars. Tout le monde est
mobilisé, du plus simple employé temporaire aux membres du conseil et à leur famille. Chaque
personne liée de près ou de loin au Musée est susceptible d’être une source de revenus (en dons
monétaires ou en œuvres d’art).
Finalement, au terme d’un travail de longue haleine qui aura duré quatre années, le Musée des
beaux-arts de Montréal peut s’enorgueillir d’avoir largement dépassé ses objectifs sur tous les
aspects. Non seulement a-t-il surpassé l’objectif financier désiré de 35 % − en récoltant tout près
de 70 millions en argent et en œuvres d’art − mais encore, sort-il de cette campagne revitalisé,
popularisé auprès des donateurs et collectionneurs qui ont été nombreux et plus que généreux
envers l’institution montréalaise 1 .
Réaliser cette campagne était une étape nécessaire dans l’évolution du Musée des beaux-arts de
Montréal. Car si, depuis une quinzaine d’années, notre Musée a connu un essor tel qu’il est devenu
un partenaire privilégié de l’industrie touristique et culturelle de Montréal et un leader de la scène
muséale nord-américaine, son financement devenait de plus en plus difficile. La communauté des
affaires a bien compris qu’elle devait s’engager et l’aider à accroître sa présence active à Montréal.
Les besoins prioritaires du Musée ont été identifiés. D’une part, il lui fallait un fonds d’expositions
pour continuer à présenter de grandes expositions. D’autre part, il fallait trouver des moyens
d’enrichir sa collection tant par le biais d’un fonds d’acquisitions que par des dons directs d’œuvres
d’art de la part de mécènes et de grands collectionneurs. Par ailleurs, certains bâtiments avaient un
besoin urgent de rénovations 2 .
À l’exemple des grands musées et universités d’Amérique de Nord, notre Musée voulait se doter de
fonds à buts désignés qui lui permettraient de financer adéquatement son programme de grandes
expositions et d’enrichir sa collection. Les formidables résultats de la campagne « Un Grand Musée
pour une grande ville » montrent que nous avons réussi 3 .
En résumé, voici les principales réalisations de la campagne de financement (voir l'annexe 2).
•
Création d’un fonds d’expositions
But : développer le programme d’expositions internationales
•
Dons d’œuvres d’art
But : rehausser la réputation du Musée à l’étranger et servir de monnaie d’échange dans le
cadre de programmes de prêts d’œuvres entre grands musées
•
Financement et rénovation du parc immobilier
But : améliorer l’aisance de circulation et la sécurité
•
Enrichissement du fonds d’acquisitions
But : permettre au Musée de soutenir la concurrence des autres institutions de même calibre
au chapitre des acquisitions dans un contexte de hausse constante des prix sur le marché
international de l’art
1
Voir annexes.
2
Guy Savard, Président de la Fondation du Musée, Bilan de la campagne 1998-2002.
3
Bernard Lamarre, Président du Musée, idem.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
•
•
Développement des programmes d’éducation pour combattre l’exclusion
But : jouer pleinement le rôle de mentor artistique et culturel auprès du plus large public en
tenant compte de la réalité socio-économique et démographique montréalaise
Développement du partenariat Art-Affaires
Enfin, signalons en outre la création, en 2000, de la société International Friends of the Montreal
Museum of Fine Arts Inc. Basée à New York, cette dernière a désormais pour mission de recueillir des dons provenant de fondations, de sociétés et de particuliers résidant à l’étranger et tout
particulièrement aux États-Unis.
Ainsi, le Musée des beaux-arts de Montréal a su aller chercher de nouveaux revenus. Au prix
d’immenses efforts de la part de tous, de centaines d’heures de travail et de réunions, de discussions et de suivi, l’institution a réussi à réunir les fonds nécessaires pour financer une partie de
ses projets d’envergure, tant sur le plan des expositions que sur celui de la collection, malgré un
contexte difficile pour les musées.
Guy Cogeval, un homme d’exception 1
Dès son entrée en fonction, M. Cogeval s’est avéré la perle rare capable de reprendre le flambeau
d’un prestigieux directeur, M. Pierre Théberge, et d’imprégner le Musée de sa personnalité tout en lui
communiquant un dynamisme renouvelé 2 .
Dans le cercle restreint des directeurs de musées, Guy Cogeval ne passe pas inaperçu. Le
nouveau chef du Musée des beaux-arts de Montréal possède en effet un style bien à lui, alliant
une grande facilité de parole à une large culture. Précis, logique, indépendant et original, cet
homme aux talents multiples, né d’un père français et d’une mère italienne, a passé sa vie à
cheval entre les deux pays, parlant l’italien à la maison tout en apprenant le français à l’école. De
son père, il a conservé entre autres l’amour du cinéma et de l’architecture, l’accompagnant dans
des parcours-découvertes de la capitale française. Sa mère, qui aimait beaucoup l’opéra, lui a
laissé l’amour de ce grand art. Humaniste, homme d'action et de passions, son intérêt pour les arts
est aujourd’hui très vaste, allant de l’architecture à la bande dessinée, en passant par la musique
classique dont il est aussi un grand connaisseur.
Un cursus exceptionnel
Sur les conseils de ses parents qui le voyaient diplomate, Guy Cogeval se fait admettre à
« Sciences Po Paris », où il dit s’être ennuyé comme un rat mort 3 bien qu’ayant beaucoup appris.
À 19 ans, il décide alors de changer radicalement de domaine et de commencer des études en
histoire de l’art à la Sorbonne, tout en enseignant les sciences économiques dans un lycée pour
gagner sa vie.
1
Voir les notes biographiques à l'annexe 3.
2
Bernard Lamarre, extrait du Message du président, Rapport annuel 1998-1999.
3
Sauf indication contraire, les citations de Guy Cogeval sont tirées d'entrevues accordées aux auteurs le 23 mai et le 24 juillet
2002.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Et là, dès les premiers jours, ce fut un éblouissement. J’étais bon en histoire de l’art, donc je n’étais
pas fait pour une carrière d’énarque 1 ou quelque chose comme ça.
Avec un cursus universitaire extrêmement chargé en parallèle de son poste d’enseignant, Guy
Cogeval n’est pas inquiet de la charge de travail qu’une telle situation exige. Il réussit ses longues
études brillamment, enchaînant les années et les diplômes avec brio. À 26 ans, il obtient du
gouvernement français une bourse prestigieuse pour aller passer une partie de sa scolarité à
Rome, au contact de l’Italie qu’il connaît si bien, et travailler à sa thèse portant sur « Les décors
d’opéra en Italie au XIXe siècle » : le fameux Prix de Rome, assorti d'une résidence à la Villa
Médicis 2 .
On m’avait dit, tu sais, il n’y a pas de débouchés. Et moi, j’ai toujours répondu : « Mais si. Si on est
bon, il y a des débouchés! N’y eût-il que deux places, il y en a une pour moi. » J’ai eu raison dans
tous les cas, parce que je l’ai emporté! Pour la Villa Médicis, il n’y avait que deux places en 1982, et
j’y suis rentré à la première tentative.
Prix de Rome et premières expositions
Une fois à Rome, il travaille à son doctorat, tout en préparant sa première exposition personnelle
sur « Debussy et le Symbolisme ». Après deux ans en Italie, le futur directeur du Louvre, Michel
Laclotte, le convainc de venir à Paris préparer une exposition de préfiguration au Musée d’Orsay,
avant même son ouverture. C’est ainsi qu’il monte l’exposition « De Courbet à Cézanne » avec
220 œuvres du futur musée, qui prendra l’affiche à New York et Dallas, et rédigera, dans la
foulée, son premier ouvrage sur « Le Postimpressionnisme ». Dans ses nouveaux contacts, la
conservatrice en chef des sculptures du musée d’Orsay, Anne Pingeot, le convainc de passer le
concours de l’École nationale du Patrimoine afin qu'il puisse les rejoindre dans le prestigieux
corps des conservateurs de musées français.
L'École nationale du Patrimoine 3
Après s'être laissé convaincre de la nécessité de passer un concours jugé extrêmement difficile
mais dont la réputation dépasse de loin toute autre formation en France, Guy Cogeval s'inscrit au
fameux concours qu'il réussit plus que brillamment puisqu'il en sort major. Le stage pratique
demandé aux nouveaux promus (conservateurs stagiaires) de l’École du Patrimoine est pour lui
l’occasion d’organiser la section Histoire du cinéma au Musée d’Orsay pendant une année. À
l’époque, pendant 18 mois après le concours, on était conservateur stagiaire, obligé de faire un
service de 3 fois 6 mois dans des musées différents. Ensuite, on devenait titulaire « définitif ».
1
Diplômé de l’École nationale d’administration (France).
2
La tradition du Prix de Rome remonte à la fin du XVIIe siècle, à l’époque où Louis XIV fonde les académies royales. L’idée
était d’envoyer les meilleurs élèves des académies de peinture et de sculpture, et d’architecture pendant quatre ou cinq ans, pour
qu'ils se forment aux sources de l’art classique. La sélection se faisait sous la forme d’un concours annuel. En 1968, la Villa
Médicis passe sous la tutelle du ministère de la Culture. Le concours est supprimé, remplacé par un système de recrutement sur
dossier, et le ministre André Malraux ouvre la Villa Médicis à d’autres disciplines, dont l’histoire de l’art.
3
Institut national du Patrimoine depuis 1990. Le taux de réussite du concours de Conservateur du patrimoine est très faible, avec
seulement quelques candidats admis dans la section « Musées » par an, sur plusieurs centaines de candidats. Le nombre
d’admission au concours varie en fonction du nombre de postes offerts au niveau national. Les élèves reçus suivent alors une
formation théorique et pratique de 18 mois, avec aujourd’hui des stages de leur choix.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Les conservateurs d’Orsay, Anne Pingeot en particulier, m’ont dit : « Vous ne pouvez pas être chargé
de mission, vous n’allez pas vous occuper de communication, il faut que vous nous rejoigniez dans le
corps des conservateurs. Il faut passer le concours. » Je pensais : « On m’a toujours dit que je
n’arriverais pas à le passer! » Elle me poussa à le passer « dès cette année. » Et j’ai bloqué quatre
mois de ma vie à ne faire que ça, préparer le concours. Comme j’avais une certaine culture, plus le
bagage que j’avais de la Villa et le reste, je me suis retrouvé major : la grande porte pour devenir
conservateur des musées nationaux.
Ainsi, dans le domaine de l’histoire de l’art en France, Guy Cogeval n’aurait pu espérer de
meilleure formation ni de plus grande reconnaissance. Toutes les portes lui sont ouvertes, c'est la
voie royale.
Le Musée des Beaux-arts de Lyon
Vient ensuite le moment de choisir son premier travail en tant que conservateur titulaire dans un
musée. Il choisit de suivre Philippe Durey qui venait d’être nommé au Musée des Beaux-arts de
Lyon, trouvant intéressant de travailler dans un musée de province.
C’était l’époque où les musées de province n’avaient pas encore le vent en poupe, et Durey était un
des premiers à vraiment secouer son musée, à faire bouger les choses. Cela m’a beaucoup appris.
Il y restera deux années, le temps pour lui d’organiser l’exposition « Triomphe et mort du héros,
la peinture d’histoire de Rubens à Manet », en collaboration avec Cologne et Zurich. Mais
l'ambiance conservatrice de la ville l’ennuie. Il aspire à davantage de liberté et de reconnaissance.
La ville de Lyon m’ennuyait parce que finalement, comme j’étais célibataire, je n’étais jamais invité
nulle part. La préfète m’avait dit : « On ne peut pas vous inviter parce que vous n’êtes pas marié, on
ne sait pas faire le plan de table. » Vous voyez le niveau de la ville! C’est inouï! Aujourd’hui, on
n’oserait plus, je ferais un procès!
Le Musée du Louvre
En 1988, alors qu’il vient d’avoir 32 ans, Guy Cogeval est rappelé par Michel Laclotte, devenu
entre temps président-directeur du Louvre, afin de rejoindre l’équipe des conservateurs du plus
grand musée de France. Nommé adjoint au directeur du Service culturel et chargé des conférences, des colloques et des festivals de films, il y restera pendant quatre ans, trouvant aussi le
temps d’organiser durant ces années sa première exposition Vuillard avec les musées de Lyon,
Barcelone et Nantes. En 1992, est publié son deuxième livre sur l’un des maîtres de la peinture
moderne : « Bonnard ». Cependant, le Louvre ne lui convient plus tout à fait. Le côté trop administratif du service culturel, ainsi que l'éloignement des œuvres et le fait d'être dépendant d'une
énorme machine le poussent à regarder ailleurs.
Au bout d’un moment, je me suis un peu ennuyé! Moi, j’aime plutôt les expositions, les collections,
les œuvres et pas tellement les dossiers.
Le Musée des monuments français (MMF)
En effet, Guy Cogeval a besoin de plus de défis et davantage de liberté. Aussi, lorsqu’un poste à
la direction du Musée des monuments français se présente, Guy Cogeval accepte la proposition
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du ministre de la Culture de l’époque, Jack Lang. C’est ainsi qu’il sera directeur de cette institution de 1992 à 1998 1 .
Quand j’ai été nommé au Musée des monuments français, c’était mission impossible parce que c’était
LE musée sinistré des Musées de France. Et ça m’intéressait parce que je me suis dit, il peut devenir
un musée de l’architecture, en bougeant un tout petit peu la collection mais pas trop, et puis en
commençant à lancer des expositions. Avant mon arrivée, il y avait 40 000 visiteurs recensés par an,
en plein Paris. En 1995, il y en avait 150 000 […].
Il y eut des années fastes, en particulier un succès phénoménal : « L’Architecture de la Renaissance
italienne ». On a reconstruit dans le MMF la plus grande maquette ancienne existante qui est la
maquette de St-Pierre de Rome par Sangallo. Toujours présentée au Vatican dans une même pièce,
elle voyagea pourtant à Venise, au Palazzo Grazzi, puis à la National Gallery de Washington, puis
chez nous, ce qui était inimaginable jusque-là pour le Musée des monuments français. Parce que nous
étions la queue de la comète des musées parisiens. Et ça a marché, on a eu un monde fou! L’exposition était sincèrement très belle.
Durant ses années de direction au MMF, Guy Cogeval organise plusieurs expositions, dont
certaines d’envergure internationale : « Maurice Denis » avec Lyon, Cologne, Liverpool et
Amsterdam; « Architecture de la Renaissance italienne » avec Venise et Washington; « Paradis
perdus, l’Europe symboliste » avec le Musée des beaux-arts de Montréal; ou encore « Édouard
Baldus, photographe » avec le Centre canadien d’architecture de Montréal. Ces deux dernières
expositions sont notamment pour lui l’occasion de travailler avec des institutions montréalaises,
de découvrir leurs collections respectives, et de se faire connaître comme conservateur et directeur de musée.
C’est aussi au cours de sa carrière au MMF qu'il fait une première fois appel aux services de
Frédéric Dassas comme adjoint (il est aujourd’hui directeur du Musée de la Musique à Paris) puis
de Nathalie Bondil, actuelle conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal. Cette
dernière venait de réussir le concours de Conservateur du patrimoine, et le MMF se cherchait
justement un second conservateur adjoint. Avec pour spécialité la sculpture et à titre d'ancienne
élève de Guy Cogeval à l’École du Louvre, Mme Bondil était donc toute désignée pour apporter
ses connaissances au Musée des monuments français, dont la collection est essentiellement
constituée de moulages et de reproductions de sculptures monumentales. Ainsi, sous la houlette
de la nouvelle équipe, les choses fonctionnent bien, les expositions attirent à nouveau du public,
et les relations avec les employés sont satisfaisantes. Et surtout, la direction du Patrimoine
favorise le projet de refonte totale du musée dans le cadre d’un Centre du Patrimoine.
Et là je me suis dit, bon, maintenant je suis dans un fauteuil jusqu'à la fin de ma vie, c’est l’Institut
dans quatre ans, etc. Et puis pas du tout! C’est une très bonne chose d’avoir des coups d’arrêt. Cela
aurait pu se passer très bien avec la nouvelle équipe politique, mais ça s’est passé extrêmement mal!
Tout cela aurait en effet pu continuer, s’il n’en avait été des changements politiques, notamment
au sein du ministère de la Culture. À l'arrivée surprise de la gauche au pouvoir en juin 1997, Guy
Cogeval est en désaccord avec la nouvelle équipe ministérielle, et l’incendie dramatique qui
1
Situé au pied de la Tour Eiffel dans le Palais de Chaillot, place du Trocadéro, le Musée national des monuments français
présente environ 6 000 moulages d’œuvres sculptées, des copies de peintures murales, ainsi que des maquettes d’œuvres d’art
monumentales du Moyen Âge au XIXe siècle. Il organise également des expositions temporaires en rapport avec l’art
monumental, ainsi que des colloques et festivals de films.
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ravage le Musée en juillet 1997 n’est pas pour arranger les choses. Le MMF perd une grande
partie de ses collections de moulages sculptés, ce qui semble irréversible pour l’institution. De
plus, les salles d’exposition sont hors d’usage, tout comme les réserves. Guy Cogeval plaide alors
pour son musée auprès de l’entourage de la ministre de la Culture en poste, Catherine Trautmann.
Rien n’y fait, le Musée tel qu’il est n’est plus dans les plans du Ministère. On le « supprime » et
on ostracise la direction. Le MMF n’existe plus administrativement.
C’est un peu pour ça que j’ai décidé de venir ici. Parce qu’on me mettait trop de bâtons dans les
roues. On avait même effacé le MMF de l’organigramme au ministère de la Culture. Le Musée des
monuments français n’existait plus, nous n’avions plus de budget! Je ne pouvais pas exécuter les
dépenses en janvier 1998! J’ai protesté dans la presse, j’ai écrit en plume libre dans le Journal des
Arts, et j’ai été convoqué chez le nouveau directeur du Patrimoine, François Barré. Je lui ai poliment
claqué la porte à la figure et je suis venu ici!
Le Musée des beaux-arts de Montréal
En effet, durant cette même période, le Musée des beaux-arts de Montréal est à la recherche d’un
successeur à Pierre Théberge. Guy Cogeval, qui a laissé un bon souvenir de son passage au
Québec, semble être un excellent candidat. Le choix se fait donc en début d’année, et Guy
Cogeval prend son poste de directeur au Musée des beaux-arts en avril 1998.
Montréal est pour lui non seulement une deuxième expérience de direction d’institution muséale,
mais c'est aussi la grande découverte de ce qu'est un organisme nord-américain. Un an après son
arrivée, il demande d’ailleurs à son ancienne collègue conservatrice du MMF, Nathalie Bondil,
de venir le rejoindre au Musée, ce qu’elle fera avec plaisir. L’ancienne équipe est donc à nouveau
réunie, mais les données sont différentes. La réussite de l’entreprise passe alors par un certain
nombre de facteurs, dont les qualités managériales, artistiques et humaines de Guy Cogeval.
Diriger pour réaliser ses rêves
À l'heure actuelle, Guy Cogeval aime son métier de directeur de musée, et supporte aisément les
responsabilités que cela implique. Mais il aura fallu plusieurs années et différentes expériences au
conservateur qu'il était pour se rendre compte de son besoin de diriger. En effet, si ses intérêts
personnels le poussent vers l’histoire de l’art, la conservation et l'organisation d'expositions, il se
sent capable de plus. Peu à peu, la gestion d’un établissement muséal s'est donc imposée à lui
comme une voie à explorer.
Je me suis aperçu au bout d’un moment que je n’étais pas si mauvais pour trouver les moyens de
réaliser mes rêves. Ce que je ne savais pas, c’est que j’étais quand même capable de penser un peu à
la gestion et au management. Mais pour moi, il a toujours été évident que je serais plus un patron
qu’un conservateur dans un département limité à des recherches. J’ai donc décidé à un certain
moment d’être mon propre manager, y compris en France : j’étais directeur du Musée des monuments
français plutôt que d’être la 60e roue du Musée du Louvre, parce que comme ça, je peux continuer
mes recherches dans le sens que je veux.
En effet, diriger un musée, décider de la programmation et des acquisitions, ou encore mettre en
scène des expositions et faire des recherches sont pour Guy Cogeval des moyens de réaliser ses
propres rêves. La carrière de directeur de musée est donc pour lui une forme de liberté intellectuelle.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Management : un style Cogeval
Dans sa pratique de directeur, Guy Cogeval applique un management qui lui est propre. Mélange
d’autocratie et de confiance, de décisions personnelles et de délégation, la « formule Cogeval »
ne suit aucun modèle standard. Elle reflète une personnalité aux talents multiples, celle d’un
directeur de contenu par ailleurs extrêmement soucieux des réalités financières de l'organisme.
Un décideur déléguant
Guy Cogeval est au cœur du Musée des beaux-arts de Montréal. Il en est son poumon. Il
s’implique dans tous les domaines au niveau décisionnel, mais laisse la part belle ainsi que les
honneurs à ses collaborateurs. En effet, sa nature modeste, son horreur du dédain mais aussi la
grande confiance qu’il éprouve dans son travail ne l’obligent pas à se mettre au premier plan. Il
est de fait au centre de toutes les activités du Musée, ce que personne n’ignore.
Je suis plus autoritaire qu’un directeur américain parce que je tiens à donner mon avis, par exemple,
sur chaque accrochage […]. D’ailleurs, les conservateurs me font confiance. Au début, ça freinait
parce qu’ils tenaient pour acquis que c’était leur affaire […]. Je considère primordial pour le Musée
et sa notoriété, tant auprès du public montréalais, que des touristes, des collectionneurs, des donateurs
et des médias d’ici et d’ailleurs, que l’image du Musée des beaux-arts de Montréal respecte des
critères d’excellence et de créativité fort précis. Le Musée des beaux-arts de Montréal se classe parmi
les 40 premiers musées mondiaux et nous comptons demeurer dans cette catégorie et y progresser
encore pour longtemps. C’est pourquoi je tiens à donner la décision finale sur les enjeux, tout en
déléguant. Par conséquent, il n’y a pas une seule exposition qui se fasse sans que j’en aie envie. Il n’y
a pas une seule acquisition d’œuvre qui se fasse sans que j’en sois informé au préalable. J’essaie
d’être au courant de tout. Mais, en même temps, je fais une grande confiance à mes collaborateurs.
Généralement je dis plutôt oui à tout ce qu’ils me proposent et il y a un certain nombre d’acquisitions
qui viennent de leur fait, mais c’est vrai que tout remonte à mon bureau. Mais surtout, je les laisse
signer leurs projets.
L’exposition Richelieu : l’art et le pouvoir, c’est Hilliard T. Goldfarb qui était commissaire de
l’expo, et ce n’était pas Cogeval. J’étais sur le forward comme producteur parce que j’ai voulu cette
expo (c’est également important, le producteur). Riopelle, j’ai été un peu moins producteur parce que
cette période, c’est moins mon domaine. Et il est vrai que Richelieu est un sujet patrimonial français.
Ce n’est pas moi qui l’ai proposé d’ailleurs, c’est Hilliard Goldfarb et il l’a signée jusqu’au bout. Et
j’étais heureux de lui offrir les moyens de réaliser son projet. Pour l’expo provenant du musée de
l’Ermitage par exemple, Nathalie Bondil, notre conservatrice en chef, et moi-même avons ensemble
fait le choix de toutes les œuvres. Mais c’est Nathalie Bondil et Michael Parke Taylor (du Musée des
beaux-arts de l’Ontario) qui ont signé l’expo, pas moi.
En effet, si Guy Cogeval s’est beaucoup investi personnellement à son arrivée comme directeur,
il cherche désormais à déléguer une partie de ses fonctions. Ainsi, Nathalie Bondil, à titre de
conservatrice en chef, est responsable de la Direction de la conservation. Guy Cogeval qui la
connaît bien et lui fait confiance la laisse aujourd’hui complètement diriger les services de la
conservation, même si les décisions finales restent toujours soumises à son approbation. Par
ailleurs, il aime travailler dans un établissement qui possède de bons moyens administratifs, et
reconnaît volontiers les talents de ses collaborateurs, notamment dans les domaines qu’il connaît
moins comme l’organisation des événements du Musée ou la gestion du personnel.
Au début, j’assistais à toutes les réunions de conservateurs, maintenant c’est rare. En revanche, je leur
demande quelquefois qu’ils me laissent parler cinq minutes au cours de leurs rencontres parce que
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j’ai une communication à leur faire. […] Ici, et ce qui est très bien, c’est que Paul Lavallée, directeur
de l’administration, et l’ensemble du système dans le musée, m’allègent les tâches. Toutefois, je
demeure impliqué dans certains dossiers stratégiques, notamment la recherche de fonds. C’est sûr que
lorsqu’on demande de l’argent à certains mécènes tels que Power Corporation, je suis impliqué,
conjointement avec le président du conseil d’administration, M. Bernard Lamarre, ou d’autres
membres du conseil. Danielle Champagne, la directrice des communications, prépare le dossier. Je
vais dîner avec les dirigeants; maintenant je les connais bien. À Paris, vous devez faire beaucoup plus
de choses parce que vous avez tout juste une secrétaire même quand vous êtes le PDG d’une grande
institution.
Direction des communications
La directrice des communications, Danielle Champagne, est absolument indispensable. Elle me fait
les outlines des discours par exemple, qu’après je transforme, me dresse une sorte d’emploi du temps
des personnes à voir, à rencontrer et quel type de discours leur tenir. Elle est un peu l’organisatrice de
tous les événements : qui prend la parole le premier, comment on les reçoit, etc. Et puis c’est elle qui
organise tous les événements. Dieu sait si on gagne de l’argent avec les événements, avec en tête le
bal une fois par an. Et tous les autres événements comme la journée Halloween, tout ce qui fait que le
public aime bien venir au Musée, comme dans une famille aussi. Le Musée doit avoir cet aspect-là.
Et moi, ça, ce n’est pas forcément ce que je savais faire parce que cela n’existe pas dans un musée
français. Il n’y a pas de bal, il n’y a pas de soirée Halloween, c’est comme ça. Ça commence un tout
petit peu […]. Danielle Champagne vient toujours tout me montrer, surtout les campagnes de publicité. En principe, je relis tout. Le moindre programme que vous avez en main, je l’ai relu. Et parfois
je change des choses […]. Personne ne me reproche d’être trop enfermé dans mes affaires, etc. À un
certain moment, on m’a reproché d’être trop souvent en Europe. Mais le résultat, c’est que j’ai fait
parvenir les prêts à Montréal et conclut des ententes pour créer ou co-produire des expositions
uniques. Donc ça s’est un peu tassé.
Un directeur exigeant
Doué pour l’apprentissage et la recherche, Guy Cogeval travaille vite et produit beaucoup. S'il est
exigeant avec lui-même, il l'est tout autant avec ses collaborateurs, ce dont il est parfaitement
conscient. Ses collègues de travail ont ainsi parfois du mal à suivre le rythme.
Quelquefois je me dis : « Mon Dieu, les pauvres! » En même temps, je ne suis pas quelqu’un de
hautain, je sais d’où je viens et je sais où je finirai; et je ne prends pas outre mesure au sérieux ce que
je fais. Je sais que par moment, ça doit être dur parce qu'il m’arrive d’oublier d’informer et puis je
demande à tout le monde de foncer derrière moi. Ici j’ai appris à beaucoup plus informer, communiquer. En fait, c’est ici que j’ai le plus appris de toute ma vie.
Chaque employé doit être compétent à son niveau pour le type de tâches qui lui sont assignées,
sinon il n’a rien à faire au sein du Musée. Cette pensée plutôt nord-américaine n’empêche pas le
directeur d’avoir un grand respect pour les employés du Musée, réguliers ou temporaires. Il
regrette aussi de ne pouvoir être plus proches d’eux, à cause du manque de temps et de leur
nombre élevé.
L’équipe est vraiment au travail […]. Le Musée des monuments français, quand j’ai pris la barre,
était vraiment dans une piètre condition. Sans parler de l’équipe… Et on m’a mis là-dedans en se
disant : il va se casser le nez. J’y ai perdu des plumes, j’ai vieilli parce que j’avais affaire à des gens
toughs mais j’ai réussi à former une nouvelle équipe, en plaçant certains employés ailleurs dans
d’autres musées […]. À Paris, j’étais très proche du personnel, parfois un peu trop. Ici, je m’en
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occupe moins, je leur dis bonjour, etc. Mais je n’ai pas le temps de parler à tout le monde. C’est
quelque chose que je me reproche parce que j’aime bien. Mais enfin, ils sont trop nombreux.
Réalités économiques
Guy Cogeval connaît l’importance des revenus autonomes pour un musée. Son expérience
comme directeur du Musée des monuments français lui laisse en effet un goût amer de dépendance envers un gouvernement dont il ne partageait pas la vision. La gestion serrée du budget en
accord avec l’administration est donc une priorité pour le nouveau directeur, qui connaît bien la
fragile réalité financière du milieu muséal québécois. Chaque dollar doit être dépensé intelligemment; le Musée ne peut se permettre de mal investir ses propres fonds. Prudent quand il s'agit
des budgets, le directeur est donc conscient de devoir faire des choix quant aux expositions ou
aux achats d'œuvres que le Musée peut se permettre.
Ça m’intéresse assez de limiter les frais, de faire des choses peut-être un peu moins gigantesques
mais qui s’exportent. Pour l’exposition Hitchcock, il y avait un jeune designer qui n’avait absolument
pas fait ses preuves – mais bon, j’aime bien faire confiance à des jeunes – un designer, donc, qui nous
avait proposé des directions de travail. Je les avais acceptées, mais sa facture à lui, c’était 250 000 $!
J’ai dit : « Écoutez, on ne discute plus. Je ne veux même pas négocier une réduction. Là, vous vous
moquez de moi, me lancer un chiffre pareil! Aucun designer à Paris, même les plus célèbres, ne
demanderait une somme aussi astronomique. C’est ridicule! » Je me suis levé, j’ai dit : « C’est
terminé. » C’est grotesque, c’est une insulte. Comme si on avait une planche à billets dans la cave,
c’est complètement ridicule. Les musées ne sont pas riches et je trouve que ce que l’on réalise avec le
peu d’argent qu’on a, c’est miraculeux. D’ailleurs le gouvernement devrait renforcer l’aide aux plus
grands musées parce qu’il en va de l’image du Québec à l’extérieur, qui est réalité portée par deux ou
trois musées.
D’autre part, depuis son arrivée à Montréal, Guy Cogeval s’est découvert des aptitudes pour la
collecte de fonds. Ses talents oratoires ainsi que sa grande culture sont de bons arguments auprès
des donateurs et des commanditaires, avec qui le Musée entretient des liens solides pendant
l’année ou lors des expositions. Cependant, si ces liens avec les commanditaires sont de bonne
nature, certains d’entre eux font les frais de principes plus drastiques, notamment ceux qui
exigent une présence visuelle trop forte dans le Musée. Réalité financière et commanditaires,
certes, mais pas à tout prix.
Un directeur artistique
La fonction de directeur de Guy Cogeval lui permet de nourrir ses passions par les choix de
programmation et les acquisitions, le rapprochant ainsi d’un directeur artistique. À son entrée en
fonction, il élargit d’ailleurs ses tâches à celles de conservateur en chef (et nommera Nathalie
Bondil à ce poste quelques années plus tard).
Ma grande passion, c’est d’organiser des expositions, de boucler le budget, de trouver un collaborateur, un partenaire parce que je n’aime pas trop mener des projets tout seul. J’aime toujours qu’il y ait
une deuxième étape, une troisième étape. Et on reconnaît que ça a été un des grands changements ici.
Parce qu’avant, les expositions voyageaient moins […]. Moi, ce que j’aime bien, c’est de mettre sur
pied des expos, les produire, voir la presse à l’avance pour la promotion, je sais bien le faire aussi.
Mais ce qui me plaît le plus, c’est mettre en scène.
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Une programmation à son image
La programmation du Musée des beaux-arts de Montréal est en effet l’un des domaines de prédilection de Guy Cogeval. En collaboration avec d'autres chercheurs, spécialistes, conservateurs ou
historiens d'art, le directeur est capable de monter des expositions de très haut calibre, comme
Hitchcock et l’art, ou de déplacer des collections de grands musées internationaux, comme celles
de l’Ermitage avec L’Invitation au voyage. Visionnaire et résolu à jouer pleinement son rôle de
directeur à ce niveau, c’est donc lui qui décide des grandes expositions pour les années à venir,
qui donne les directions de travail aux équipes de conservation et établit des liens avec les autres
grands musées.
Parce qu’avoir une politique globale sur un musée et imaginer comment il peut être vu de l’extérieur,
cela relève du directeur. Et j’ai ma manière de voir la réputation du Musée à l’extérieur. Quelquefois
on me propose des sujets en me disant que ça ne coûtera pas cher. Mais ce n’est jamais vrai que ça ne
coûte pas cher, la moindre expo coûte 200 à 300 000 $ et quelquefois, c’est à fonds perdus. Alors je
préfère, si on dépense 200 ou 300 000 $, que l’on soit sûr d’avoir un minimum de public […].
Ce qui était bien quand je suis arrivé, c’est qu’il n’y avait pas une grosse programmation serrée pour
les années à venir. J’ai pu y insérer mes choix. Pierre Théberge m’avait quand même laissé un cadeau
formidable : De Renoir à Picasso : les chefs-d’œuvre du musée de l’Orangerie. Un énorme succès
public : 330 000 visiteurs […]! L’impressionnisme peut m’ennuyer au-delà du possible, vous savez.
Si je me laissais aller, je ferais des expositions sur l’art académique, sur le Néo-classicisme, sur le
Symbolisme, sur le rapport entre théâtre et peinture, tous les sujets qui ne font pas venir beaucoup de
public s’ils ne sont pas traités en très grand. En revanche, en ce moment, en tant que directeur du
Musée des beaux-arts de Montréal, je cherche tout de même des sujets impressionnistes, à l’occasion,
parce que je sais que j’aurai quatre fois plus de foule […].
Le Musée des beaux-arts de Montréal est un musée qui reste audacieux. Il suffit de voir ce que font
certains de nos voisins américains : une grande expo par an, généralement Paris et l’Impressionnisme, avec trois dîners d’inauguration, avec des femmes habillées chic et un faux Moulin Rouge
reconstitué… Ici, on ne fait jamais ça. C’est assez sérieux. Je trouve que nous avons une programmation digne du Metropolitan, de la National Gallery à Londres, en plus modeste […]. À Paris, mes
collègues du Louvre, qui ne sont pas toujours aussi gentils, me disent que c’est le MBAM qui a une
des plus belles programmations qui soient […].
Montréal, c’est un musée ouvert. On peut faire des choses amusantes, mais c’est vrai que je deviens
conservateur avec le temps. Le rôle d’un musée, c’est aussi de faire des expos comme Grands
maîtres italiens de Raphaël à Tiepolo : la collection du Musée des beaux-arts de Budapest à partir
d’une collection de très grande peinture. Je sens que les visiteurs sont très fiers que ce soit chez nous.
Moi, j’ai adoré faire Hitchcock et l’art, c’est ça qui m’intéresse le plus. Parce que c’est inattendu,
parce que c’est au bord de la mise en scène de théâtre. Mais les expositions plus patrimoniales
comme ça, j’aime aussi beaucoup […]. Il faut aussi faire des choses pointues, raffinées […].
Il est assez facile de faire venir une collection de l’étranger. En tout cas, il n'y a pratiquement pas un
projet qui se fasse sans qu'un grand musée le fasse avec nous […] pour garder le Musée à un niveau
international. Je sais, par exemple, qu'une expo comme Richelieu − L’art et le pouvoir, n'attirera pas
beaucoup de monde. On aura peut-être moins de public pour Richelieu que pour Riopelle. Mais on
parlera beaucoup plus en Europe et aux États-Unis de Richelieu que de Riopelle.
Au titre des expositions réussies, citons Hitchcock et l’art, dont l’histoire est symptomatique de la
relation de Guy Cogeval avec les musées français, témoignage d’un juste retour des choses.
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Le plus bel exemple, c’est Hitchcock, qui a été reprise par le Centre Pompidou. C’est quand même
assez drôle, parce que pendant 12 ans, quand j’étais à Paris, j’ai proposé l’expo Hitchcock à la
Réunion des Musées nationaux. J’ai proposé exactement le concept de Montréal et on m’a dit, non,
non, ça ne sera pas rentable. Résultat des courses, je l’ai programmé ici, le conseil d’administration
l’a accepté en 15 jours, et ça a été un des grands succès du Musée des beaux-arts de Montréal et un
des plus grands succès de presse avec 700 articles dans le monde. Suite de l’histoire : le Centre
Pompidou l’a reprise et nous a versé des frais de location!
La richesse d’un musée, c’est sa collection 1
Outre le fait d'organiser les expositions de son choix, l'autre préoccupation majeure de Guy
Cogeval à son arrivée est de combler les lacunes de la collection du Musée, selon deux axes : un
axe encyclopédique dans le but d'avoir quelques œuvres représentatives de toutes les grandes
périodes de l’histoire de l’art (néo-classicisme, art nouveau, art déco, etc.), et un axe spécifique
pour enrichir les périodes clés des collections du Québec et du Canada (art autochtone, Groupe
des Sept, art inuit).
Proposées par les conservateurs en fonction de leur importance artistique, historique ou monétaire, les acquisitions du Musée sont dans les faits entérinées officiellement par quatre comités
d’acquisition (comité d’art canadien, comité d’art non canadien avant 1900, comité d’art non
canadien après 1900, comité des arts décoratifs). Chaque proposition est ainsi approuvée ou rejetée par le comité concerné, bien que l'avis du directeur reste déterminant. Les acquisitions sont
constituées des achats d’œuvres, mais surtout de dons ou legs effectués au Musée. Elles contribuent à renforcer la collection permanente tout en faisant connaître la capacité d’achat du Musée
des beaux-arts de Montréal sur les marchés internationaux.
Aucune acquisition ne se fait sans mon avis. C’est vrai que j’ai peut-être la main un peu lourde sur les
acquisitions, mais on s’est beaucoup enrichi ces derniers temps et plutôt dans le bon sens. Il y avait
des périodes qui n’étaient absolument pas représentées dans le Musée, maintenant elles le sont (le
postimpressionnisme, le néoclassicisme). Quand je suis arrivé ici, j’ai dit : « C’est formidable, on a la
collection Stewart, mais il y a un aspect qui lui fait défaut, c’est l’Art nouveau et l’Art déco. » Et ça,
c’est vraiment un choix personnel. Maintenant, les salles commencent à se remplir de cette période.
C’est normal, mon successeur aura d’autres goûts et ça sera par rapport à ces goûts-là que le Musée
se remplira.
Dans un musée comme celui-ci, c’est la première fois que je peux autant m’occuper des acquisitions,
et je m’en occupe avec un grand plaisir. Au Louvre, j’étais dans le département d’éducation, donc pas
d’acquisitions. J’ai été pendant six ans directeur du Musée des monuments français, mais on ne faisait
pas d’acquisitions, on n’a pas à acheter des moulages de huit mètres de haut… Ce qui fait que c’est
ici que je m’en suis occupé, et cela me passionne […].
Les achats d'œuvres d'art se font sur les marchés internationaux, dans les grandes ventes aux
enchères américaines et européennes. Le Musée a par ailleurs un droit sur certaines œuvres
présentes sur le territoire canadien. Avant leur exportation à l'étranger, l'institution est en effet
consultée sur sa volonté ou non d'acquérir l'œuvre en question. De plus en plus, le Musée veut se
doter d'œuvres importantes. Guy Cogeval préfère en effet acquérir moins d'œuvres, mais avoir
accès à quelques œuvres phares, qui seront pour longtemps le reflet de la collection. En 1999, par
1
Voir l'annexe 12.
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exemple, le Musée a ainsi fait l'acquisition d'un tableau de Philippe de Champaigne grâce au
Fonds d'acquisitions créé par la campagne de financement.
Du côté des dons, les efforts du Musée au cours de la campagne de financement « Un grand
Musée pour une grande ville » ont porté leurs fruits de façon inespérée. Comme les commanditaires, les donateurs se sont largement laissés séduire par la personnalité du nouveau directeur et
par le dynamisme des comités d’acquisition, présidés par des personnalités influentes du monde
des affaires. La loi canadienne de réduction fiscale a par ailleurs été un incitatif fort intéressant
pour ces amateurs d’art. Sur le total du capital récolté lors de la grande campagne de financement, 40 % sont des dons d’œuvres d’art au musée. Guy Cogeval fait un bilan très positif du
travail des dernières années : « On a donné envie à des collectionneurs de donner au Musée, alors
qu'autrefois, ils envoyaient leurs collections à l’extérieur du Québec, surtout dans les années
1970. Il y a maintenant un retour vers Montréal […]. »
Vuillard, l'œuvre d'une vie
Depuis toujours, Guy Cogeval est poussé par le besoin de connaître, d'élargir son savoir, mais
aussi son besoin d’aller en profondeur dans des sujets qui le passionnent. Grand érudit, il n’hésite
pas à pousser plus loin ses connaissances déjà nombreuses lorsque le temps le lui permet. Sa
récente recherche sur le peintre nabi Édouard Vuillard (1868-1940) en est un bon exemple. Les
milliers d’heures de travail passées à l’étude de la vie et de l’œuvre du peintre, en vue de la
publication du catalogue critique de l’artiste, constituent déjà l’œuvre d’une vie.
Dans la foulée de ce travail de recherche titanesque qui lui a pris plusieurs années, il organise au
MBAM une grande rétrospective : Édouard Vuillard, maître du postimpressionnisme, présentée
au musée à l’été 2003. L’importance de ses recherches au plan de l’histoire de l’art lui permet de
convaincre la National Gallery of Art de Washington, le musée d’Orsay et la Royal Academy of
Arts de Londres de lui confier le commissariat général de cette grande rétrospective à chacune de
ses étapes prestigieuses. Cette exposition sans précédent est accompagnée d'un catalogue très
étoffé 1 publié sous sa direction, devenu désormais le spécialiste mondial du peintre, de par la
publication, au printemps 2003, du catalogue critique de l'œuvre entier de Vuillard 2 .
Pendant sept ans, j’ai fait des travaux de recherche sur Vuillard […] qui ont abouti à un catalogue
raisonné de 2 000 pages en trois volumes et au catalogue de l’expo en 520 pages. Ça va être un
monument […]! L’approche de ce peintre est désormais totalement renouvelée, mais ça a été du
boulot! Du boulot de négociation, entre autres. C’est par excellence une exposition pour laquelle le
Musée des beaux-arts de Montréal n’aurait peut-être pas figuré naturellement dans la liste des organisateurs : c’est le genre d’expo qui est habituellement faite entre le Metropolitan, le Louvre et la Tate
Gallery. Grâce à mon réseau de contacts et à la notoriété de plus en plus établie du MBAM dans
certains cercles, j’ai réussi à faire en sorte que cette fois-ci, le Musée des beaux-arts de Montréal
fasse partie du tour royal. D’ailleurs, c’est nous qui apportons une connaissance un peu renouvelée à
tous ces musées qui ont tendance à dormir sur un fonds, parce que leurs collections sont d’une
inépuisable richesse […]. J’ai été attiré par Vuillard, parce qu’il fait partie de ces peintres français qui
sont sensualistes et en même temps très intellectuels. Comme Ingres, comme Poussin, comme
Cézanne aussi. Il y a toujours un sens caché dont Vuillard était parfaitement conscient. J’ai tenté de
1
Édouard Vuillard, 520 pages, coédition du Musée des beaux-arts de Montréal et de la National Gallery of Arts de Washington.
2
Édouard Vuillard : le regard innombrable. Catalogue critique des peintures et des pastels, 2000 pages, 3 volumes, publié par
l'Institut Wildenstein et les Éditions Skira.
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décrypter plusieurs tableaux à travers le symbolisme […]. C’est quelqu’un que je sens très bien,
même si on ne se ressemble pas vraiment!
Au Canada, je remarque que la plupart des directeurs des grands musées − quatre ou cinq personnes −
sont des gens qui écrivent aussi […]. Ils font, ou ont fait, des recherches. Au départ, ce sont des
conservateurs qui ont suivi le cursus de l’histoire de l’art. Aux États-Unis, ce n'est pas du tout évident
et très souvent dans les dîners de directeurs, je ne sais pas quoi dire à mes collègues nord-américains.
Des qualités humaines indéniables
Outre ses compétences de gestionnaire et de directeur de musée, Guy Cogeval possède des
qualités humaines indéniables. Ouverture, éducation, collaboration, autant de notions que le
directeur du Musée des beaux-arts de Montréal a l'occasion de mettre en œuvre dans sa nouvelle
institution.
Ouverture
Pour Guy Cogeval, la ville et le milieu de travail sont aussi importants que l’institution. Ses
expériences françaises de jeune conservateur l’ont confirmé dans son choix d’une ville comme
Montréal, où le meilleur de l’Amérique côtoie une certaine forme de culture latine.
Je ne doutais pas vraiment de pouvoir diriger un musée comme le MBAM. Montréal est une ville que
j’aime beaucoup. La culture est à moitié latine ici, la présence française est dans les mentalités. Je
trouve d’ailleurs que les Québécois ressemblent aux Français d’une certaine manière, avec moins de
défauts, l’arrogance en moins!
Cette ouverture se traduit par ailleurs par une attention nouvelle aux différentes communautés,
notamment aux communautés culturelles de la ville et de la région montréalaise.
J’étais persuadé que ça marcherait mais je ne me rendais pas compte de l’involvement qu’on pouvait
avoir, de l’implication avec la banque, avec la finance, avec les communautés. En France, on ne
réfléchit jamais en disant : « Tiens, c’est un membre de la communauté juive, on ne pourra pas faire
ça un vendredi soir parce qu’il doit rentrer chez lui. » Ça ne nous traverse pas l’esprit. Ce n’est pas
une mauvaise chose d’en tenir compte. Ça m’a appris à respecter beaucoup plus tous les publics, à
moins considérer que « le public » est monolithique. En même temps, si je travaille dans les musées,
c’est que j’ai la ferme conviction humaniste que malgré tout, un discours commun à tout le monde
peut être compris. Il ne faut pas non plus fractionner, c’est-à-dire faire des expos pour la population
sud-américaine qui est ici, faire une expo pour les homosexuels, faire une expo pour les mangeurs de
grenouilles, on n’en sort plus. Moi je fais des expos pour tout le monde!
Importance de l’éducation
Le nouveau directeur travaille en étroite collaboration avec le Service des communications et des
relations publiques, avec le Service de l’éducation et des programmes publics, et avec les Amis
du Musée. Ensemble, ils œuvrent à faire du Musée un lieu ouvert, où les activités éducatives, les
visites commentées et les événements durant l’année sont autant de réussites pour les visiteurs.
Guy Cogeval croit en effet beaucoup en l’importance de l’éducation, tant par des outils pédagogiques dans les salles que par des activités de toutes sortes.
J’ai appris petit à petit, sur le tas. Je dois dire qu’en ayant travaillé au Louvre, au Service culturel, ça
vous apprend à être un peu plus ouvert. Chaque fois que j’ai fait une exposition, il y avait toujours
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des panneaux didactiques dans les salles, un appareil d’explication toujours important. J’ai des
collègues du Louvre, du Musée Picasso, ou du Centre Pompidou qui détestent le moindre panneau
dans une salle. Ils deviennent fous, ils ont les gyrophares qui s’allument et il faut appeler l’ambulance
parce que c’est horrible, que c’est vulgaire d’expliquer, etc. « Les œuvres se suffisent à ellesmêmes » : c’est la phrase la plus fasciste qui soit. Oui, dans l’absolu, les œuvres sont magnifiques,
sauf qu’il faut une culture, il faut une approche, il faut des clés de lecture […]. Il y a une contextualisation qui est sacrément difficile […]. L’École du Louvre m’a appris à être beaucoup plus pédagogue,
à parler, à expliquer. C’est fantastique de devoir expliquer : « Nothing is taken for granted », rien
n’est donné à l’avance, tout doit être expliqué […]. Je trouve que nous ne dépensons pas assez pour
l’éducation.
Des principes de collaboration
Au cours de sa carrière de conservateur et de directeur de musée, Guy Cogeval a vu et analysé
plusieurs problèmes au sein du système muséal local et international. Sa réponse personnelle
réside dans quelques principes, dont le directeur ne dérogera pas. L’épisode anecdotique des
Noces de Cana, un tableau de Vasari qui faisait partie de la collection du MBAM, en est un bon
exemple :
À mon arrivée à Montréal, nous avons réglé le différend qui nous opposait au Musée des beaux-arts
de Budapest – autrefois propriétaire de l’œuvre – depuis plus de 20 ans. C’était le premier dossier qui
était sur mon bureau en avril 1998 : j’ai reçu un coup de fil de Budapest, d’un de mes collègues qui
me dit : « Maintenant que tu es nommé là, il faut vraiment que tu fasses quelque chose parce qu’on ne
va pas continuer à être à couteaux tirés entre le Canada et la Hongrie. » Je n’étais pas au courant du
litige qui opposait les deux musées relativement à la demande de restitution d’une œuvre dont la
provenance était perçue comme douteuse. Au terme de démarches qui ont duré 18 mois, nous l’avons
finalement rendue à la Hongrie, à travers les offices généreux du gouvernement d’Ottawa, bien qu’il
avait été prouvé que cette acquisition avait été faite de bonne foi et conformément à la législation. En
contrepartie, le Musée des beaux-arts de Budapest a accepté de mettre à notre disposition ses collections italiennes qui, soit dit en passant, sont parmi les plus belles d’Europe. Les deux musées ont
donc co-produit une exposition intitulée Grands maîtres italiens de Raphaël à Tiepolo, incluant
42 chefs-d’œuvre de la collection italienne du Musée de Budapest.
La Hongrie ne nous a pratiquement pas fait payer l’expo Budapest; on a payé le transport, la restauration et les caisses; c’est tout! On a eu l’exclusivité de l’exposition. Ils ont été impeccables. En fait,
ce qu’ils nous ont donné est beaucoup plus important […]. La restitution a été un geste très apprécié.
Ces principes de collaboration sont aussi valables entre musées canadiens et québécois. Les
œuvres du Musée des beaux-arts de Montréal sont en effet prêtées sans réticences aux différentes
institutions qui en font la demande, dans la mesure où elles n’ont pas déjà été prêtées ou promises
à une autre exposition.
Les musées canadiens ne se refusent rien entre eux. Ce qui est complètement l’inverse de la situation
en France. Le département des Peintures du Louvre refuse quasiment tous les prêts, à qui que ce soit
[…]. Il y a des musées montréalais qui ne demandent jamais rien : Château Ramezay, Pointe-àCallière. Nous avons des rapports de bon voisinage… S’ils me demandent de prêter, je suis favorable
au prêt, évidemment, avec un grand plaisir. Le Musée de la civilisation me demande parfois des prêts
très importants. J’estime qu’avec les musées québécois, les musées canadiens, on doit avoir une solidarité totale. Et c’est généralement le cas. C’est important parce que nous avons plus de collections.
À Ottawa, nous demandons des œuvres vraiment majeures : c’est la plus grande collection du
Canada, de loin.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Enfin, c’est avec cynisme que le directeur parle de sa profession, et du choix de la carrière de
conservateur. Là encore, des principes prévalent, depuis le jour où il a prêté serment comme
conservateur et comme fonctionnaire français, jusqu'à aujourd’hui où il se retrouve à la tête d’une
des institutions muséales les plus importantes au Canada.
C’est très difficile d’intéresser les gens. Il faut y croire, il faut vraiment avoir un sentiment messianique, sinon qu’est-ce que je ferais? Avec deux amis, j’ouvrirais une galerie, je gagnerais à peu près
25 fois plus… Mais ce n’est pas du tout mon penchant, j’aime bien aller vers le public et je suis très
heureux quand le public non averti est là et se dit ému. On travaille pour ça!
Critique du système français
Après quelques années passées à la tête d'une institution muséale étrangère, Guy Cogeval est
d'autant plus lucide sur les raisons qui l’ont fait partir de France pour accepter un poste à
Montréal. Il critique ainsi essentiellement un système qu’il juge sclérosé, engoncé dans un carcan
administratif trop contraignant, empêchant les jeunes générations de conservateurs de désirer
autre chose qu’un statut et un titre chèrement acquis.
En France, les diplômes universitaires priment en principe. Beaucoup d’historiens d’art ont des DEA,
des doctorats, etc. mais ils ne trouvent pas d’emploi. À l’inverse, obtenir le concours de conservateur
est un déclencheur extraordinaire. Cela ne suppose pourtant pas des recherches universitaires de
12 ans : à un certain moment, un jury d’une dizaine de personnes, dont les spécialités sont variées,
vous bombardent de questions, radicalement différentes. Il faut savoir répondre un peu à tout. Dans
ma spécialité, savoir commenter sans notes un pastel de Degas, une architecture de 1750, une
sculpture de Zadkine, un fauteuil de Jacobsen. En outre, il y a à peu près quatre dissertations, une
étude de dossier, des épreuves de langues et l’ensemble de ces épreuves dure deux mois environ.
Mais une fois que vous êtes passés par là, et que vous avez montré que vous savez manier deux ou
trois langues, je trouve que c’est quand même assez sérieux. En Amérique du Nord, les doctorants
veulent continuer leurs recherches universitaires, alors que la réalité du musée suppose d’être ouverts
à plusieurs périodes, diverses techniques. L’inconvénient du concours, c’est son avantage. C’est-àdire qu’il permet de sortir, à un certain moment, « les meilleurs » et de voir quelles sont leurs
connaissances.
Le problème, c’est qu’il y en a beaucoup qui s’endorment là-dessus et qui justifient toute leur carrière
sur le fait qu’ils ont, un jour, passé un concours. Et après, ils sont dans un département du Louvre, ils
ne font rien, ne publient rien. Car en France, vous êtes fonctionnaire de l’État, inamovible à vie. Je
suis très favorable à conserver le concours, bizarrement, alors que tout le monde sait que je suis pour
la modulation de la sacro-sainte sécurité de l’emploi. Donc, j’ai une position très « réactionnaire »
dans un pays où les fonctionnaires votent à gauche; je suis en plus favorable à des contrats pour tous
les postes. Ça paraît un scandale en France et alors qu’ici, ça vous paraît normal. Parce que, mon
Dieu, en Amérique du Nord, il est naturel de vivre sur des contrats. Si je me penche sur l’histoire, le
monde est régi par des contrats […].
La contrepartie du fait que les conservateurs en France sont mal traités, mal payés et qu’ils
l’acceptent, c’est qu'ils ont des droits dits « régaliens » sur les collections. Refuser quand on demande
un prêt, bloquer les œuvres en douane contre les lois du marché, ça, ils adorent. Ça leur donne un
sentiment de puissance. C’est un petit peu comme à Versailles si vous voulez. On « parquait » les
courtisans dans des soupentes de six mètres carrés sans aucun confort, mais ils voyaient le roi une
fois par jour! C’est comme ça que l’État en France mâte son personnel. Je trouve que c’est un
scandale, il faut un vrai appel d’air, que les gens soient adultes, responsables de leur vie, et réagissent
à la surpuissance de l’État […].
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J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que j’étais fonctionnaire. Je ne l’avais pas assimilé : je
pensais être simplement conservateur de musée […]. Si vous payez mal les gens, les tentations
corruptrices deviennent beaucoup trop fortes. Ce qui se passe beaucoup en France, au pire, c’est que
sous le manteau, vous avez des conservateurs qui font des estimations, qui vendent, qui achètent.
Mais surtout, vous avez pas mal de conservateurs qui ne sont jamais à leur poste, qui font des conférences à l’étranger ou en France, qui ne font que des recherches personnelles, qui ont un triple revenu
parce que triple occupation. Ce n’est pas normal non plus. Ici, au MBAM, c’est interdit. Le personnel
est bien payé, mais les employés ne travaillent que pour le Musée; il n’est pas question d’être
commissaire d’une expo pour une autre institution. Il faut que le Musée paie la compétence et le bon
travail de ses conservateurs […].
Je ne pourrais pas vivre aux États-Unis pour un certain nombre de raisons. Mais quand même, la
société d’une manière générale y est plus juste. La France est une République, mais il y a beaucoup
de passe-droits, de réseaux, de privilèges, de solidarités qu’on ne se figure pas ici. C’est le dernier
pays où la franc-maçonnerie a une telle importance occulte. Où les énarques, administrateurs de
banques responsables de déficits exorbitants, sont toujours dans leurs « corps » d’origine, et n’ont
jamais fait un jour de prison! Et on ne peut pas en parler, on ne peut rien dire. La vraie République,
qui est un idéal sublime, est gangrenée par ça. Et on s’en sortira, mais ce sera vraiment dans la
douleur.
Des collaborateurs précieux
Si Guy Cogeval constitue le nouveau chef de l'institution muséale montréalaise, il faut souligner
la présence à ses côtés de personnes de grande qualité, hommes et femmes d'expériences et de
compétences, capables de l'épauler dans la gestion du Musée et dans ses projets.
Paul Lavallée, directeur de l'administration
À l'arrivée de Guy Cogeval en 1998, un partenaire s'est avéré fondamental : Paul Lavallée.
Directeur de l'administration du Musée des beaux-arts de Montréal depuis 1988, ce dernier est
aujourd'hui responsable du personnel et des relations de travail, du contrôle financier et de la
comptabilité, de la billetterie, de l'informatique, de la boutique et de la librairie, des achats et
services auxiliaires, ainsi que des propriétés à revenus et enfin de la sécurité, de l'aménagement et
de l'entretien (voir l'annexe 4). Diplômé en relations industrielles, ce spécialiste en gestion des
ressources humaines, est arrivé au Musée en 1978 comme chef du service du personnel et des
relations de travail avec un mandat de réorganiser la gestion des ressources humaines et des relations de travail. Il occupe ce poste jusqu'en 1987, date à laquelle il est nommé directeur de
l'administration. Par souci d'économie à sa nomination, le Musée lui laisse aussi les fonctions de
chef des relations de travail, réunissant sous le même poste les deux fonctions de directeur de
l'administration et de chef du personnel.
À l'heure actuelle, les bâtiments dont il a la charge représentent une surface totale d'environ
400 000 pieds carrés, répartis en trois pavillons : le pavillon Michal et Renata Hornstein, le
pavillon Liliane et David M. Stewart et le pavillon Jean-Noël Desmarais. Même si les conditions
salariales sont dans la moyenne montréalaise, le directeur de l'administration évoque la grande
satisfaction des quelque 200 salariés au regard du climat de travail et de l'interrelation entre
employés.
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Budgets, revenus et dépenses
Depuis les cinq dernières années, le budget annuel d'exploitation du Musée se situe en moyenne
autour de 24 millions de dollars. Du côté des revenus, l'organisme est financé en partie par des
subventions gouvernementales, et en partie par des revenus autonomes. Au début des années
1990, les subventions de fonctionnement du ministère de la Culture étaient établies à partir de
normes en fonction des surfaces d'exposition pour les quatre grands musées du Québec 1 . Depuis
1992, l’utilisation de normes de financement a cessé et dans le cadre de coupures budgétaires le
Musée a vu son financement diminuer de 25 %. Le Musée reçoit aussi certaines subventions du
gouvernement fédéral, et il faut noter que celles-ci ont beaucoup diminué ces dernières années2 .
Pour ce qui est du Conseil des arts de Montréal, son appui financier est de 350 000 $ par année.
La part des revenus autonomes du Musée se situe entre 40 et 50 % de son budget, ceci constitue
une des meilleures performances au Canada. La part des revenus d'entrées (admissions) peut, en
fonction des années et des expositions, se situer autour de 30 % des revenus autonomes. Le reste
(20 %) provient des dons et des commandites.
C’est une combinaison assez intéressante avec laquelle nous réussissons à composer. C’est beaucoup
plus facile lorsque 95 % du budget provient de subventions gouvernementales. Dans notre cas, nous
devons bâtir la programmation en tenant compte des revenus. Ce qui n'était pas toujours le cas auparavant et ce qui n'est pas le cas dans d’autres musées non plus. Le rôle du Musée, ce n'est pas de faire
des expositions payantes. C’est de faire découvrir aux gens des choses nouvelles. Il a fallu une année
et demi pour récupérer les contrecoups des coupures, deux ans peut-être, mais depuis ce temps-là,
notre situation est plus stable. On maintient cette proportion-là, entre 40 et 50 %… Quand on atteint
50 %, on est très content 3 !
La Fondation du Musée des beaux-arts de Montréal, créée en 1994, s'est donné entre autres
objectifs de combler financièrement une partie du vide laissé par les coupures de fonctionnement
du gouvernement du Québec, et d'appuyer le Musée dans la production d'expositions et
d’acquisitions, par le biais de la création d'un fonds d'expositions. Par ailleurs, la campagne de
financement Un Grand Musée pour une grande ville (1998-2002) a rapporté environ 68 millions
de dollars, chiffre énorme pour une ville comme Montréal (voir l'annexe 2). Actuellement, ces
fonds sont encore capitalisés, mais dans quelques mois le Musée pourra commencer à toucher les
revenus d'intérêt, représentant un appui financier de 700 000 $ à 1 000 000 $ par année.
Les dépenses sont principalement absorbées par la masse salariale représentant de 40 à 45 % du
budget, ainsi que la production d'expositions temporaires (de 25 à 45 % en fonction des années).
Les autres dépenses sont des coûts d'opération, d'équipement et de projets. Paul Lavallée justifie
cette nécessité pour le Musée de consacrer une partie aussi importante de ses dépenses aux expositions :
Si le Musée pouvait fonctionner uniquement avec sa collection permanente, ça coûterait moins cher
pour produire des expositions, mais la collection n'est pas assez forte. Prenons le Louvre. Le Louvre
n'a pas besoin de faire d’expositions, l’Ermitage non plus. Le Metropolitan en fait, mais ce n'est pas
une nécessité. Ici, si l'on veut maintenir non seulement l’intérêt des clientèles, mais aussi la santé
1
Musée de la civilisation, Musée national des beaux-arts du Québec, Musée d'art contemporain et Musée des beaux-arts de
Montréal.
2
Passant de 15 % du budget à environ 0,5 à 1 % aujourd'hui.
3
Les citations de Paul Lavallée sont tirées d'une entrevue qu'il a accordée aux auteurs le 11 juillet 2002.
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financière du Musée, c'est une nécessité. Les expositions temporaires nous permettent de développer,
de faire autre chose.
Autonomie et responsabilisation des employés
Au fil des ans, le directeur de l'administration a mis sur pied et développé un modèle de gestion
centré sur la responsabilisation et l'autonomie des employés. Le Musée qui compte environ
200 employés réguliers plus les employés temporaires 1 (le chiffre fluctue en fonction de l'activité
du Musée) se fait fort d'avoir un des personnels les plus performants du milieu muséal québécois.
Une des réussites de l’administration du Musée a été de développer un modèle de gestion comportant
une dose d’autonomie très élevée, à tous les niveaux. Qu'il s'agisse des directeurs ou des gens qui font
l’entretien, notre modèle d’autonomie est beaucoup plus rentable non seulement sur le plan des coûts,
mais également vis-à-vis du sentiment d'appartenance au Musée […]. Avec l’autonomie vient la
responsabilité. C'est notre culture d’entreprise. Nous ne gardons pas les gens qui ne font pas leur
travail. Et ça, les employés le savent, qu'ils soient syndiqués ou non. Les musées d’État sont liés à des
règles différentes des nôtres, mais comme nous sommes un musée privé, nous avons la possibilité de
développer ce type de modèles de gestion. Ici, la permanence n’existe pas. Ce qui ne nous empêche
pas d’avoir des employés qui sont ici depuis longtemps.
En outre, en ce qui concerne la qualité de nos employés si je compare avec d’autres musées, en toute
objectivité, nous sommes beaucoup plus performants. Dans certains secteurs, le rapport est de deux
employés pour un […]. Sans donner de nom, disons que nous avons eu, par le passé, des personnes
qui venaient d’un musée d’État. C'étaient des gens très sympathiques mais ils n'ont pas été capables
de soutenir notre rythme. Ils ne pouvaient pas venir à bout du travail qu’on leur demandait.
Le climat de travail et de performance instauré par la direction de l'administration depuis
plusieurs années a eu entre autres conséquences de créer un rythme soutenu à tous les niveaux de
l'institution.
C’est un climat de travail nettement positif par rapport à d’autres. Les employés ont un fort sentiment
d'appartenance au Musée. Les gens sont fiers de travailler ici, même si les conditions salariales ne se
situent pas au-dessus de la moyenne du marché. De 1985 à 1987, le syndicat a mené des études de
satisfaction, qui donnèrent un taux de satisfaction de plus que 86 %. Ils n'en ont plus jamais fait par la
suite. Il faut aussi comprendre que si on exclut les services de la sécurité et les services d’entretien où
forcément on trouve plus d’employés, le Musée compte de petits services. Donc entre les équipes de
travail, le niveau d’interrelation est assez élevé. Il y a des avantages à cela, car chacun doit performer.
Si l'un ne fait pas bien son travail, les autres doivent faire le sien, ce qui n'est pas toléré longtemps.
Par ailleurs, l’autonomie dont nous parlons ici n'est pas totale. Il y a une direction, il y a des objectifs,
il y a des chefs de services, des contrats de travail dont il faut tenir compte. Nous insistons aussi sur
cet aspect de notre culture. Et les retombées sont là. Je vous donne un exemple : démonter une exposition, peut se faire ici en deux, trois jours. Dans d'autres musées, ça peut prendre deux semaines.
Rapidité des équipes de travail, mais aussi interaction et simultanéité des opérations, notamment
pour les montages d'expositions.
1
Paul Lavallée parle d'employés réguliers, et non pas d'employés permanents, ainsi que d'employés temporaires et non pas à
temps partiel.
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Le fait de travailler ensemble, à un même projet, suscite la collaboration de chaque membre de
l'équipe. Dans d’autres types d’organisations, chacun intervient à son moment et la collaboration n'est
pas renforcée. C’est un exemple parmi d’autres.
Le principe d'autonomie et de responsabilisation des employés est aussi valable pour les chefs de
service, qui disposent d'un budget annuel pour chacun de leur département, et dont ils doivent
rendre compte auprès de la direction de l'administration. Cette dernière semble aujourd'hui satisfaite de leur façon de gérer ces budgets, même si les chefs de services n'ont souvent pas de
formation en gestion. Ce haut niveau d'autonomie a parfois eu des conséquences heureuses pour
les anciens employés du Musée des beaux-arts de Montréal, où leurs postes de chefs de services
leur ont servi de tremplin pour des postes de direction de musées.
Formules mixtes de sous-traitance
En plus d'une équipe d'employés chargée de l'entretien physique des bâtiments, le Musée
fonctionne aussi avec des formules mixtes de sous-traitance (mécanique, électricité…). Pour la
direction de l'administration, ce choix s'avère équivalent pour ce qui est des coûts, mais beaucoup
plus flexible et de meilleure qualité en ce qui concerne les services 1 . Quant à la sécurité, le
Musée a aussi opté pour une formule mixte d'employés réguliers et d'employés provenant
d'agences privées. Le nombre d'employés réguliers a été fixé à 30 par le Musée, soit environ la
moitié du personnel de sécurité total. Les employés du Musée sont davantage affectés à des
postes comme la salle de contrôle, les postes d'accès et certains postes de rotation. Une fois de
plus, la formule mixte offre davantage de flexibilité au Musée, en éliminant un peu le côté
routinier des postes permanents 2 .
Rapports humains et climat de travail
Respect, transparence, confiance et franchise semblent caractériser les rapports existant entre les
différentes personnes-clés du Musée. Voici la description qu'en fait Paul Lavallée :
La qualité des relations interpersonnelles dépend forcément de la qualité des individus. Les gens de
l'administration ne comprennent pas automatiquement l'aspect contenu. Et à l'opposé, les gens de
contenu comme les conservateurs, ceux qui s'occupent des relations publiques, doivent composer
avec les coupures. Je vais vous donner un exemple : hier, pour régulariser nos budgets et nos résultats
de fin d’année, on a dû faire un exercice de coupure assez important, car nous sommes en juillet et
nous devons éviter les dégâts de fin d’année. Chacun fait son travail et défend ses positions, mais ce
n'est pas un combat. Nous travaillons tous ensemble. C’est sûr qu’il y a des pressions dans un sens ou
dans l'autre, mais on peut les traiter.
En ce qui a trait à l’équité au Musée actuellement, la proportion entre les femmes et les hommes dans
les différents postes est peut-être de 55 % de femmes, 45 % d'hommes, grosso modo. Pour les postes
de direction, depuis un bon moment, c'est assez souvent un équilibre de deux femmes, deux hommes.
Ce n'est pas un hasard, c’est une volonté bien arrêtée. Chez les professionnels, je dirais que c’est
majoritairement des femmes maintenant, comme dans d’autres secteurs de la société en général. Et
nous en sommes très heureux.
1
Les entreprises sous-contractées offrant par exemple un service de 24 heures sur 24.
2
En Europe, les musées ont de grandes difficultés avec les services de sécurité très souvent composés de postes permanents
syndiqués.
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Le développement du contenu est séparé de l’administration. La direction de conservation, les comités de programmation, les comités d’acquisition ont leurs budgets et ils savent ce qu’ils ont à faire.
Par contre, quand on bâtit les budgets annuels pour les expositions qui vont suivre l’année suivante,
quand on décide de ce que seront les expositions à venir pour les trois, quatre ou cinq prochaines
années, on traite ces dossiers-là ensemble. On regarde quelle est notre capacité de produire. C'est à ce
moment-là qu'on fait choix. Il est arrivé un problème pour une exposition qu’on appelle Les Ballets
russes. Nous avons dû l'annuler, ce qui déplu fortement à Guy Cogeval. Ça arrive de temps en temps,
mais ça ne fait pas des frictions irréparables. C’est ça la réalité. Finalement c’est à eux de faire des
choix face à nos contraintes de budget.
Paul Lavallée explique le bon climat au Musée par le choix des personnes.
Dans une organisation, le climat de travail dépend du choix des personnes et de leur capacité de bâtir
des liens de qualité entre elles. J’ai donné l’exemple des coupures, il y a d’autres situations qui
pourraient poser problème, ou occasionner une crise, mais ici, on s’entend pour viser ce qui est
l’avantage de tout le monde et pour voir à ce que les gens aient assez de marge de manœuvre pour
prendre des décisions dans leurs champs respectifs. Si on explique bien les enjeux, les contraintes et
où certaines décisions peuvent nous mener, les choix à faire s'imposent plus facilement. Ce n'est pas
plus compliqué que ça.
Le directeur de l'administration, qui a déjà travaillé avec plusieurs directeurs au Musée depuis
son entrée en fonction en 1978 comme consultant en ressources humaines, parle de ses propres
rapports avec les autres employés :
Je crois avoir de bons rapports avec les employés du Musée, même si je ne suis pas le genre à donner
des tapes dans le dos tout le temps. Il y aura toujours des employés − et c'est plus évident s'il y a un
syndicat − qui ne seront pas d’accord avec l’employeur. Je n'ai pas toujours une bonne réputation
auprès d'eux mais ils me respectent. Et je pense que ce respect est en fait une façon de vivre. On peut
ne pas être d’accord avec quelqu’un tout en respectant sa position. C’est peut-être une partie de la clé,
d’avoir de bons rapports avec les gens, que ce soit avec Guy Cogeval, avec les membres du conseil
ou avec les employés. Si les gens apprécient, dans le bon sens du mot apprécier, respectent ce que tu
fais, ça va très bien aller. Ça ne veut pas dire qu’ils sont toujours d’accord.
Lorsqu'il doit parler de choses plus arides comme les budgets, Paul Lavallée emploie des termes
simples. Et surtout il fait appel à l'humour :
Il y a plusieurs façons de parler des finances. Mais si on résume, gérer, c’est suivre deux colonnes :
une pour les revenus et une pour les dépenses. On peut l’expliquer avec toutes sortes de modèles
complexes, mais si on a à travailler avec des gens qui passent leur vie à faire de la restauration
d’œuvres, ce n'est pas la peine de leur casser la tête avec des mathématiques compliquées. On leur
explique qu’ils peuvent gérer leurs budgets, qu’ils doivent les respecter et ils vont très bien le faire.
Ajoutez à ces explications une bonne dose d’humour, et vous avez en main une autre clé importante.
Ici on n'a pas l’approche hiérarchique. Les gens se respectent : chacun son boulot, mais si tout le
monde décide de virer à gauche, tout le monde vire à gauche, sans être d’accord sur tout, mais on y
va. Il n'y a pas de mouvement à l’interne qui va venir compliquer les choses. Au chapitre des relations de travail, si je faisais la moyenne des 18 ans que j'ai passé ici, peut-être qu'il y a seulement trois
ou quatre griefs par année. Ça aussi, c’est un bon indice. S’il y en avait 200 par année, ça voudrait
dire qu'on a un problème. Et en même temps, quand c’est le temps de travailler, on demande aux gens
de livrer la marchandise. S’ils ne le font pas, on ne les garde pas. Dans d’autres organisations où il y a
un syndicat, on va préférer ne pas faire de changement pour éviter d'avoir des problèmes. On laissera
tout tomber. À mon point de vue, c’est la pire erreur parce que tôt ou tard, ça donne un climat malsain
où les employés ne s'investissent pas vraiment dans leur travail. Ils ne vont que chercher leur paie.
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C’est même mauvais pour la santé mentale des gens qui finissent par se déprécier, par être inefficaces, et par attendre l'heure de la retraite.
Avec l'expérience, Paul Lavallée a appris comment travailler vite et bien :
On devient, avec l’expérience, forcément plus habile. Faire un projet d’exposition, bâtir un budget, on
peut faire ça ici avec quatre ou cinq personnes. En une demi-heure, c’est bouclé. Je n'aurais pas fait
ça il y a 15 ans. Mais nous avons une très bonne équipe ici. Ce n'est pas juste une personne, ce sont
plusieurs personnes avec qui il est facile de travailler. Quand on embauche, on demande aux recrues
d’avoir du plaisir à faire leur travail et également d'être prêts à composer avec des situations plus
épineuses. S’ils sont capables de vivre avec ça, tout le monde est content, et ça marche.
Le directeur de l'administration est par ailleurs enthousiaste quant aux nouveaux jeunes
employés. Il les trouve plus scolarisés, donc ils s'expriment mieux, notamment lors des négociations syndicales :
Lorsque je regarde les nouveaux, les jeunes qui arrivent du milieu universitaire ou du milieu
technique, je les trouve bons. Ils sont travaillants, ils n’ont pas encore tout ce qu’il faut mais ils sont
bons. Dans quatre ou cinq ans, ils vont être excellents. Pour le Musée, c’est important parce que c'est
comme dans la société en général. Si on un personnel qui vieillit trop, forcément dans dix ans, ça va
être difficile pour le Musée. Donc depuis trois ou quatre ans, on embauche systématiquement des
jeunes partout. Je vous donne un exemple. Un jeune conservateur qui arrive de l’université n'a pas
d'expérience pratique. Il n'a pas de notions d’organisation, de développement d'outils pour produire
des expositions, pour rencontrer des donateurs… Il part à zéro. Mais s’il y a un potentiel, on le prend.
Chacun s’occupe de former son monde. Nous ne sommes pas nombreux, mais nous avons toujours
privilégié d’investir dans la formation, une formation choisie en fonction de nos besoins plus larges.
Par exemple, si quelqu’un maîtrise deux langues et exprime le désir d'aller suivre des cours d’italien
ou d’espagnol, nous l'encourageons à le faire.
Guy Cogeval vu par Paul Lavallée
Le directeur de l'administration, qui a connu plusieurs directeurs à la tête du MBAM, semble
conscient de la chance qu'a actuellement l'institution de pouvoir profiter des talents et de l'expérience de Guy Cogeval, tout comme le Musée avait longtemps profité des compétences de Pierre
Théberge à d'autres égards :
Guy Cogeval incarne un autre type de directeur de musée. Il est davantage un directeur artistique.
C'est un chercheur, il est bourré de talents. Il possède une culture incroyable, hors du commun. En
même temps, il s'intéresse à tout ce qui touche à l'administration du Musée. Il apporte des possibilités
immenses de développement pour le Musée grâce à son réseau. Son style est très différent […]. Tout
directeur artistique peut avoir des talents variés. Certains ne vont faire que du contenu, d'autres vont
comprendre tout le reste. Un homme de la trempe de Guy Cogeval peut attaquer plusieurs dimensions. Il sait ce qu'est une société, ce qu'est la politique, l'administration et il met tout ça ensemble; il
ne se limite pas au contenu artistique. Il est capable de négocier avec les donateurs, pas juste de leur
parler socialement, mais de négocier avec eux. Il est aussi capable de négocier avec d'autres joueurs.
Un job de directeur, c'est ça aussi : avoir une crédibilité et représenter le Musée.
Paul Lavallée est de ceux qui considèrent qu'un directeur de Musée doit être issu du milieu culturel, comme l'est Guy Cogeval. Pour lui, le nouveau directeur qui comprend bien la nature des
activités administratives ne passe cependant pas son temps à la gestion, il s'occupe surtout de son
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champ à lui. Trop souvent, aux États-Unis entre autres, la direction d'une institution muséale est
confiée à un gestionnaire au profil administratif, représentant parfois un véritable danger pour
l'organisme.
À mon avis, il est complètement stupide de nommer à la tête d'un musée quelqu’un qui n'a qu'un
background d’historien, de conservateur. Nous parlons ici d'un musée important, qui a une collection… Ces expériences-là se sont révélées assez désastreuses pour les musées qui ont tenté ça. Un
diplômé MBA, selon moi, n'est pas à sa place comme directeur général d'un musée. Il peut occuper
un autre poste, faire de la planification, des études de marché, etc. Que dirait-on si on demandait à un
diplômé MBA d'occuper la place d'un chef d’orchestre? C'est un peu la même chose pour un musée…
Quels sont les avantages pour Guy Cogeval d'être à la tête d'un musée comme celui de Montréal?
Paul Lavallée a son idée sur ce que cela apporte au nouveau directeur :
Même pour un homme comme Guy Cogeval, qui vient du réseau français des musées d’État, il peut
être intéressant d'accepter le poste parce qu'il est en train de se faire une bonne réputation comme
directeur d'un musée américain […]. Il y a des styles différents de directeurs. Pierre Théberge a fait
beaucoup de développement, d’ouverture, ce qui profite aujourd'hui à Guy Cogeval. Il le reconnaît
lui-même. L’ouverture pour produire des expositions, pour positionner le Musée sur le plan international, faire des coproductions avec de gros joueurs, avoir des expositions de grande qualité qui ont
circulé. Ce sont des styles différents mais ils sont tous les deux des directeurs de musée […]. Les
deux, autant Théberge que Cogeval, et d’autres, souhaitent avoir les plus grandes expositions de la
meilleure qualité possible, etc. Sauf qu’on a notre réalité au Musée, on a nos capacités, nos moyens.
Malgré tout, on peut produire à Montréal des expositions d’envergure. Je vais vous donner un
exemple : notre budget d'expositions est plus important qu’à Orsay, mais Orsay a une très grande
collection… Tout dépend du style du directeur de musée. S’il préfère monter une collection permanente, il fera moins de création. S’il a le goût de faire des projets, ici, c’est intéressant.
Nathalie Bondil, conservatrice en chef
Guy Cogeval et Nathalie Bondil possèdent plusieurs points communs, qui ne sont pas sans influer
positivement sur la bonne entente générale de l'équipe de direction. Comme lui, la conservatrice
en chef du Musée des beaux-arts est de nationalité française. De plusieurs années sa cadette
(12 ans de moins), la jeune femme a brillamment achevé des études en histoire de l'art à l'École
du Louvre à Paris, avec deux spécialités : l'art du XIXe siècle, ainsi que la sculpture. Après un
deuxième cycle en muséologie, Nathalie Bondil, qui a toujours travaillé en parallèle de ses
études, réussit également le concours de l'École nationale du patrimoine. Comme Guy Cogeval,
c'est par l'intermédiaire des musées qu'elle veut désormais approfondir sa passion des beaux-arts.
Quand Nathalie Bondil obtient le titre de conservateur du patrimoine, Guy Cogeval (son ancien
professeur en histoire de l'art du XIXe siècle au Louvre) fait appel à ses services pour la première
fois, afin de combler un poste de conservateur adjoint au Musée des monuments français dont il
vient d'être nouvellement nommé directeur. Nathalie Bondil explique :
Guy Cogeval était à l'époque un jeune directeur qui avait été appelé à travailler sur un programme de
rénovation du musée. Et comme j'étais spécialisée en sculpture et que c'est un musée de sculptures,
c'était assez logique que j'y aille. De plus, j'étais une de ses élèves, j'avais été déléguée de cours
notamment avec lui, donc il savait très bien à qui il avait affaire, on avait une bonne relation. J'ai
donc intégré le Musée des monuments français où j'ai travaillé pendant deux ans 1 .
1
Les citations de Nathalie Bondil sont tirées d'une entrevue accordée aux auteurs le 11 juillet 2002.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
La nouvelle équipe travaille fort au projet de rénovation du Musée, faisant ses premières armes
chacun à son niveau. Mais lorsque le Musée passe en arrière plan aux yeux de l'administration
française, c'est la désillusion. L'occasion que lui offre à nouveau Guy Cogeval de venir travailler
avec lui à Montréal est alors pour Nathalie Bondil une excellente occasion de quitter un système
jugé trop contraignant :
Cela a été un apprentissage intéressant, suffisamment pour me confirmer dans mon envie de vouloir
travailler dans un autre système, tout au moins d'avoir une expérience dans un autre système. D'une
manière assez extraordinaire, on a la possibilité pendant notre carrière en France, en tant que
fonctionnaire de catégorie A, de partir pendant dix ans. On peut geler sa carrière et au bout de six ans,
il faut réintégrer le système administratif ou le quitter à tout jamais. Évidemment, c'est une question
que l'on se pose longuement parce que le concours étant très difficile et ayant une certaine valeur, il
est évident que si je devais quitter ce système administratif, j’y réfléchirais deux fois. Mais par
contre, j'ai toujours été tentée par une expérience professionnelle à l'étranger et en plus, par le
système privé. Ces deux choses expliquent que lorsque Guy Cogeval a été amené à travailler au
Canada et m'a proposé de le suivre, évidemment je l'ai suivi. Et l'atterrissage au Musée des beaux-arts
de Montréal s'est passé au-delà de mes espérances. Je suis extrêmement bien ici et très heureuse de
travailler dans cette institution et avec cette équipe.
De façon concrète, Nathalie Bondil, en tant que directrice de la conservation, est responsable de
plusieurs services : la restauration, les services techniques, les archives, la bibliothèque, ainsi que
les éditions scientifiques (voir l'annexe 4). La gestion de services fait donc partie de son quotidien. Elle doit créer une dynamique de collaboration entre ces différents services afin de produire
et de conserver ce qui peut être vu comme le cœur du Musée : les expositions et la collection
permanente.
Moi, je fais un peu de tout, et je rends beaucoup service. C’est ça mon travail!
Acquisitions
Depuis son entrée en fonction en 1998, Nathalie Bondil a vu son poste évoluer vers davantage de
responsabilités. Recrutée au départ comme conservatrice de l'art européen, poste qu’elle occupe
pendant une année, elle cumule l'année suivante cette fonction avec la coordination des expositions. Finalement, au bout de sa troisième année au sein de l'institution montréalaise, Guy
Cogeval lui confie les fonctions de conservateur en chef, qu'il assurait auparavant. Désormais
responsable de tout le département de conservation, Mme Bondil gère un budget d'acquisition
d’environ 1 million de dollars avec le but de combler les lacunes et d'enrichir la collection dans
les quelques périodes de l'histoire de l'art encore accessibles sur le marché.
Budgétairement, on est hors du coup, parce que sur le marché de l’art, tout se négocie en Euros ou en
dollars US. Mais on est quand même assez fier parce qu'on arrive à faire des acquisitions assez
ciblées et on essaie de travailler dans des secteurs où l’on pense pouvoir faire, entre guillemets, des
bons coups. Le néo-classicisme par exemple reste encore accessible. Grâce aux dons financiers des
bénévoles et de quelques particuliers, on arrive à avoir quelques argents supplémentaires mais on ne
tient pas la concurrence. Mais on arrive quand même à faire de belles acquisitions. Notre collection
s'est accrue de 20 % en quatre ans grâce essentiellement à l'ajout de la collection Stewart (la collection de l’ancien Musée des arts décoratifs de Montréal), il faut le dire. C'est colossal. Par ailleurs, on
a quand même acquis un très grand nombre d'œuvres dans tous les domaines, que ce soit la photographie par exemple, les arts graphiques, les estampes… Disons qu'on fait de notre mieux avec le budget
qui nous est imparti. Mais on est loin du niveau des grands musées américains qui ont des budgets
très forts comme Cleveland, Fort Worth…
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Dons et legs
Le rôle de Mme Bondil et de chaque conservateur est aussi très important vis-à-vis des collectionneurs. Avec Guy Cogeval, ils travaillent beaucoup à raffermir les liens avec les donateurs, ainsi
qu'à rechercher de nouveaux partenaires à long terme pour le Musée. En cela, la législation dont
bénéficie le Québec est particulièrement attrayante pour les donateurs, Mme Bondil reconnaît la
valeur de tels avantages fiscaux pour les institutions muséales québécoises, notamment pour le
Musée des beaux-arts de Montréal.
C'est vraiment important d'être proactifs, ouverts, très disponibles à l'égard des collectionneurs, c'est
un travail à très long terme. Ce travail de confiance s'établit de conservateur et de directeur de musée,
avec chaque collectionneur. C'est fondamental car leurs collections dessinent aussi nos collections.
On est aidé en cela par la législation qui est vraiment exceptionnelle au Québec puisque les collectionneurs peuvent avoir des déductions fiscales non pas équivalentes à la valeur estimée de leurs
œuvres, mais supérieures. C'est une chance extraordinaire. Ça se passe très bien de ce point de vue-là,
on a une très belle collaboration avec le gouvernement. Et grâce à cette législation, on arrive à enrichir nos collections car il est évident que les collectionneurs ne seraient pas si intéressés s'ils n'avaient
pas la possibilité d'avoir des reçus d'impôt. C'est vraiment un travail d'équipe en plein accord avec
l'intérêt collectif. Le gouvernement reçoit moins d'impôt mais nous permet d'enrichir notre patrimoine.
Valoriser la collection permanente
D'autre part, en collaboration avec le service des communications, le service de la conservation
qu'elle dirige met actuellement l'accent sur la valorisation de la collection permanente que le
public a la chance de pouvoir admirer gratuitement dans les salles du Musée.
En fait, on se rend compte que les Montréalais et le public en général ne font pas de distinction entre
les expositions et la collection permanente du Musée. C'est une espèce de jargon. Nous on se
comprend très bien, mais les gens à l'extérieur ne comprennent pas. On a fait des journées portes
ouvertes, les conservateurs étaient dehors, on a parlé à tous les visiteurs, etc. Bref, à chaque fois c'est
la même ritournelle, le grand public ne fait pas cette différence. Maintenant on le sait et on va donc
faire une grande campagne autour de la collection permanente à laquelle nous offrons un accès
gratuit. Et ça il faut vraiment le dire : les revenus du musée sont autogénérés à 50 %, donc nous
sommes autonomes à 50 %, et en plus on laisse l'accès gratuit à la collection permanente pour tout le
monde, en tout temps! Ce n'est pas le cas partout. En France, on est dans un système d'État : non
seulement les musées sont essentiellement financés par l’État, ou encore des musées gérés par des
collectivités territoriales, mais en plus, l'accès aux collections permanentes est payant. Ici c’est
gratuit! Les gens ne le savent pas; pourtant, il faut être très fiers de ça! Il faut leur dire, écoutez, ce
Renoir appartient à la collection permanente et vous pouvez le voir quand vous voulez. Vous venez,
vous vous asseyez deux minutes, vous repartez. Ce n'est pas le cas partout, alors il faut vraiment
qu'on le fasse savoir.
Faire savoir, éduquer le public, donner des pistes de lecture des œuvres, sont en effet autant de
fonctions prioritaires pour le Musée et le service de la conservation. Les récentes améliorations
du site Internet ainsi que la publication de deux guides sur le Musée en sont de bons exemples 1 .
1
Voir le détail plus loin.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Produire ses propres expositions
Depuis la direction de Pierre Théberge et l’arrivée de Guy Cogeval, l’institution montréalaise se
place parmi les grands musées producteurs d’expositions. Classé au 15e rang en Amérique du
Nord pour sa superficie, le MBAM fait désormais partie « des quelque quarante musées qui
comptent sur la scène internationale de ce petit monde élitiste », affirme Nathalie Bondil.
C’est là que le rôle du directeur est fondamental. On peut dire que c’est cette dimension internationale que Guy Cogeval possède et qu’il apporte. Pierre Théberge a vraiment ouvert le musée au
public, il a réussi à le sortir d’un niveau local pour le placer sur la scène internationale. Et quand Guy
Cogeval est arrivé, ce musée était déjà bien placé pour continuer cette ascension. Je pense que c’est
vraiment là un plus que le directeur actuel a apporté : son réseau international est de très haut calibre.
Nous ne faisons pas simplement qu’acheter des expositions. En fait, on le fait de moins en moins,
même si parfois on voudrait même acheter plus de projets « clé en main », parce qu’on est débordé de
travail! On co-produit nos expositions et même nous les fabriquons et les vendons à d’autres musées.
Et ça on en est très fiers parce que c’est vraiment le jour et la nuit. C’est la différence entre faire un
chèque et fabriquer une exposition. Je ne sais si le public de base s’en rend vraiment compte, mais les
journalistes et le public initié le savent et ça c’est très important pour nous parce que ça nous
maintient à un très haut niveau. À l’international, on est considéré comme un des grands musées; la
production d’expositions nous place à un niveau de qualité très haut de gamme. On sort du prêt-àporter pour aller dans la haute couture! Les membres de notre conseil d’administration, les collectionneurs, les politiciens, nos confrères et collègues dans le monde international des arts, en sont
conscients. On existe, on est là et on est partie prenante, on fait partie de la game, comme vous dites
au Québec…
Cela demande évidemment un gros effort; c’est vraiment un travail de conservation : notre petite
équipe de conservateurs travaille très fort pour produire ses propres expositions mais c’est aussi dix
fois plus intéressant. Entre lire le livre d’un autre et puis écrire votre propre ouvrage, c’est beaucoup
plus stimulant. Plus de travail, mais plus stimulant. Et c’est vrai à tous les niveaux : le Musée a
développé cette expertise-là, au niveau administratif, des éditions scientifiques, des services techniques, des restaurateurs, des techniciens,. Les équipes sont extraordinaires. C’est formidable, tout ce
qu’on demande, on l’obtient : le module particulier qu’il faut fabriquer pour un système
d’accrochage, on a nos techniciens qui viennent et qui le fabriquent dans la minute. Le plexi qu’il faut
adapter pour la statue, pas de problème dans une heure on vous le fait. Et c’est là où vraiment je me
suis rendu compte du niveau d’excellence de ces équipes.
C’est ce qui fait aussi que le Musée peut emprunter beaucoup d’œuvres. Parce que nous opérons un
peu comme une bourse d’échange. Plus un musée a d’œuvres, plus il est fort. C’est la raison pour
laquelle on a à cœur d’enrichir la collection permanente. En fait, nous sommes beaucoup plus
emprunteur que prêteur. Pour les musées canadiens, on prête toujours car nous partons du principe
qu’on se doit de collaborer entre musées d’un même pays. En ce qui concerne les grands musées
étrangers, ils nous font confiance car nous avons développé des relations et une expertise avec eux.
Ce travail de plusieurs années précède l’arrivée de Guy Cogeval. Cette très bonne réputation du
Musée nous permet d’emprunter des œuvres vraiment exceptionnelles.
Programmation
Pour atteindre le niveau d’autonomie financière visé, le Musée se doit d’attirer plus d’un demi
million de visiteurs par an. La programmation doit alors s’équilibrer entre les expositions grand
public et celles plus pointues. Mais quelles que soient les expositions planifiées, le maître mot
reste la qualité à tous les niveaux.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Si on considère l’art contemporain seulement du point de vue des fréquentations, c’est très peu, donc
c’est de l’argent jeté par les fenêtres. Mais nous n’avons pas dans ce domaine d’objectifs de rentabilité. Quand les gens pensent qu’on fait de l’argent avec les expositions, ce n’est pas vrai. On essaie de
couvrir nos dépenses, tout au plus. Nous ne sommes pas une entreprise à but lucratif. Donc si on peut
faire des surplus avec nos expositions, tant mieux mais on travaille toujours pour équilibrer les
budgets, c’est la règle de base.
Mais par contre, en matière de programmation, on essaie de toucher tous les secteurs d’intérêts et de
public. Il faut quelques blockbusters, c’est une expression horrible mais qui est très claire pour tout le
monde. Ces expositions assurent un haut niveau de revenus en billetterie. Parce qu’on a besoin de ces
entrées, ne serait-ce que pour vivre. Généralement, pour toucher ce type de public, il faut avoir des
expositions sur l’impressionnisme. Les chefs d’œuvres de l’Orangerie en sont un excellent exemple.
Mais faire une exposition grand public ne veut pas dire faire de la mauvaise qualité, ça non. Nous
voulons toujours le plus haut niveau, toujours cette exigence-là. La difficulté et notre enjeu est de
concevoir un blockbuster qui soit une exposition d’un intérêt académique remarquable, Picasso
érotique ou Hitchcock et l’art par exemple.
En fait, de plus en plus, on essaie d’être plus précis. La programmation, c’est un ensemble d’expos
qui cible un certain type de public. L’ensemble correspond à la stratégie que l’on veut avoir dans les
différents secteurs de l’art. Chaque exposition joue son rôle; la communication, bien sûr, mais également le catalogue, la scénographie, tout est lié.
Guy Cogeval vu par Nathalie Bondil
On a un directeur visionnaire qui va de l’avant (et je pense que le rôle du directeur c’est d’avoir une
vision à long terme). On partage tous cette vision. C’est un peu la caractéristique de cette institution.
Les liens de personne à personne se font très bien, très facilement, c’est vraiment très simple, c’est un
très bon travail d’équipe.
Le directeur du Musée a sa vision sur la programmation notamment, c’est important. Notre directeur
se comporte aussi comme un conservateur, c’est un historien d’art. Mais l’ensemble de l’équipe
(directeurs et conservateurs) y travaille aussi. On échange nos informations : il y a cette exposition, il
y a ce projet, est-ce que c’est intéressant? Est-ce que c’est bien? On étudie, on évalue des coûts, on
évalue les autres programmations.
Mme Bondil est de ceux qui considèrent le directeur comme une personnalité à part :
Guy Cogeval est passionné par l’histoire de l’art et c’est très bien comme ça. Les conservateurs
ensuite prennent leur champ, chacun dans son domaine car ils sont commissaires de leurs expositions.
Il ne subit pas l’ombre d’un des conservateurs, de toute façon il n’a pas à la subir de qui que ce soit
car c’est un grand directeur, donc globalement tout va très bien pour lui. S’il laisse une marge relative
aux conservateurs pour faire leurs projets, c’est une histoire de compromis constants. Donc chacun
travaille sur ses projets mais l’équipe travaille toujours ensemble […]. À la limite, je suis peut-être la
personne qui se trouve le plus, on va dire serrée, parce que je suis sur le même terrain de jeu entre
guillemets, de par ma spécialisation dans le XIXe siècle, que mon directeur, mon ancien professeur…
Mais quand même, j’ai tellement d’autres choses maintenant…
Des projets en abondance
Lorsqu’on évoque l’avenir de l’institution et du service de la conservation, Mme Bondil
s’enflamme. De toute évidence, les projets pour le Musée ne manquent pas, tant pour le directeur
que pour la conservatrice en chef. En voici quelques-uns : publication d’un livre sur l’histoire du
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Musée et son rôle dans l’histoire culturelle de la ville; réinstallation des collections européennes
dont la présentation est actuellement un peu désuète; réinstallation de l’ensemble de la collection
des antiquités actuellement en réserve; augmentation de la collection par des prêts à long terme et
des dépôts 1 ; acquisition de l’église Erskin & American adjacente au Musée en vue de la création
d’un pavillon destiné à l’art religieux et l’art québécois; élaboration d’un jardin de sculptures aux
abords du Musée afin de donner une identité visuelle plus marquée des pavillons au nord de la
rue Sherbrooke… À cela, il faut par ailleurs ajouter d’autres projets d’expansion qui s'annoncent
de grande envergure (voir l'annexe 14)…
Bernard Lamarre, président du conseil d'administration
Depuis plus de 20 ans, le conseil d’administration bénéficie des talents multiples de Bernard
Lamarre, l’actuel président. Ingénieur de formation, cet entrepreneur et dirigeant bien connu
siège aujourd’hui à de nombreux conseils d’administration (Société du Vieux Port de Montréal,
École polytechnique de Montréal, etc.) auxquels il apporte son savoir-faire et son expérience dans
les domaines de l’industrie, du commerce et des relations publiques 2 . Il sait ainsi insuffler aux
directeurs de ces institutions le courage d'aller de l’avant et de se dépasser. À l’arrivée du
nouveau directeur, ses conseils se sont révélés précieux. Les liens que Guy Cogeval entretient
avec lui semblent d'ailleurs excellents. Le président du conseil apprécie le dynamisme, ainsi que
les audaces dans la programmation et les acquisitions du nouveau directeur. Ce dernier décrit
leurs rapports :
Comme j’aime bien l’art ancien, Bernard Lamarre s’est dit : « Mon Dieu, on va s’en prendre! »
Maintenant, on s’adore. Je ne me remettrais pas du départ de Bernard Lamarre si ça arrivait un jour,
j’aurais beaucoup de mal à m’y faire. C’est quelqu’un d’extrêmement franc, d'enthousiaste et il est
tout à fait d’accord avec la vision que je lui propose. Il a parfaitement accepté le fait de ne pas
transformer des expos en « coups » destinés au public […]. Jusqu’à présent, je ne les ai pas trompés.
J’apporte les contenus et propose les grandes orientations « culturelles », « artistiques ». Quant au
président, il travaille beaucoup avec les communautés de la ville, il connaît tout le monde, les personnalités politiques en particulier. Il trouve l’argent. Moi, je peux séduire un banquier, mais seul
Bernard Lamarre sait à quelle porte il faut aller frapper. Tout ce qui est aussi extension du Musée,
création de nouvelles salles, le bâtiment, etc… c’est lui, ce n'est pas moi. Et puis il m’a vraiment
convaincu qu’il fallait augmenter la collection Riopelle. Moi, ça ne me paraissait pas être une priorité,
j’avais tort. Aujourd’hui, je suis persuadé qu’il a bien fait.
Comme Guy Cogeval, Nathalie Bondil parle du président du conseil d’une façon très éloquente :
Le pilier, l’homme fort du musée, celui qui le fait depuis 20 ans, c’est M. Lamarre. Le Musée, c’est
lui. Un homme extraordinaire. Moi, travailler avec des gens comme ça, tout de suite, merci […]!
C’est un homme exceptionnel, c’est une vraie locomotive. On a une locomotive du point de vue de
l'histoire de l’art et des expos : Guy Cogeval, mais Bernard Lamarre en matière de développement du
Musée, c’est une excellente locomotive. C’est quelqu’un qui vous dit : qu’est-ce que vous avez
comme projets, le projet d’extension de l’église Erskin & American c’est bien; au niveau musée, au
1
Les prêts à long terme ou dépôts sont une façon pour le Musée d’enrichir sa collection en proposant ses espaces d’exposition,
ses locaux, ses compétences et sa visibilité contre le prêt de collections qui sont actuellement en réserve dans d’autres musées
par manque de place. C’est le cas notamment pour de nombreux musées de congrégations religieuses, ou encore pour le Musée
d’art contemporain de Montréal.
2
Bernard Lamarre a été président du Groupe Lavalin avant sa fusion avec le cabinet d'ingénieurs SNC. La société Lavalin avait
constitué une importante collection d'art contemporain de plusieurs milliers d’œuvres, acquise lors de la fusion par le Musée
d’art contemporain de Montréal, grâce à des fonds du ministère de la Culture et des Communications du Québec.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
niveau de placement, c’est pas mal. C’est un projet à 18 millions, donc j’approuve ça, bon lancez-en
un autre, allez on y va. Continuez. Donc c’est comme ça, c’est extraordinaire et ça va très, très vite.
Et puis nous, à l’intérieur du Musée, autant Paul Lavallée, Danielle Champagne, Guy Cogeval et moi,
au fond, on aime ce qu’on fait. Ce n’est pas une corvée, on a encore des projets, c’est fantastique. On
est dans une institution qui nous permet d’aller de l’avant. On sait bien que sur tant de projets, il y en
aura tant qui se casseront la figure, ça c’est la vie, mais les autres marcheront, c’est toujours pareil.
Danielle Champagne, directrice des communications
La directrice des communications, Danielle Champagne, m'est absolument indispensable. Elle me fait
les outlines des discours par exemple, qu’après je transforme, me dresse une sorte d’emploi du temps
des personnes à voir, à rencontrer et quel type de discours leur tenir. Elle est un peu l’organisatrice de
tous les événements : qui prend la parole le premier, comment on les reçoit, etc. Et puis c’est elle qui
organise tous les événements. Dieu sait si on gagne de l’argent avec les événements, avec en tête le
bal une fois par an. Et tous les autres événements comme la journée Halloween, tout ce qui fait que le
public aime bien venir au Musée, comme dans une famille. Le Musée doit avoir cet aspect-là. Et moi,
ça, ce n’est pas forcément ce que je savais faire parce que cela n’existe pas dans un musée français. Il
n’y a pas de bal, il n’y a pas de soirée Halloween... Ça commence un tout petit peu […]. Danielle
Champagne vient toujours tout me montrer, surtout les campagnes de publicité. En principe, je relis
tout. Le moindre programme que vous avez en main, je l’ai relu. Et parfois je change des choses… 1
Gestionnaire possédant plus de 20 ans d'expérience en gestion stratégique, communication et
marketing au sein d'entreprises de secteurs, de tailles et de missions variées, Danielle Champagne
est la dernière clé du puzzle que le Musée des Beaux-arts de Montréal s'est construit depuis
quelques années. Celle qui dirige le Service des Communications depuis juillet 2001 a en effet
pris la relève d'une autre Danielle non moins expérimentée : Danielle Sauvage, partie exercer ses
talents comme directrice générale et secrétaire du Conseil des arts de Montréal. Même si cette
dernière avait réussi à positionner le Musée sur la carte montréalaise et à développer le public
lors de grosses expositions, les défis qui s'offraient à Mme Champagne étaient nombreux.
Détentrice d'un baccalauréat en marketing complété à HEC Montréal en 1981, Danielle
Champagne travaille pendant 3 ans sur le projet « Réussir en affaires » relié aux HEC par une
collaboration avec le professeur Pierre Levasseur. Par la suite, elle exerce différents postes à la
direction des communications pour des entreprises du secteur privé. En 1992, elle est à la tête des
communications de la Place des arts, faisant ainsi son entrée dans le secteur culturel. Après 7 ans,
le secteur privé et les télécommunications la rappellent et elle obtient le poste de directrice des
communications (Est du Canada) chez Rogers AT&T. Un gros poste qu'elle quittera en 2001
pour rejoindre les rangs du Musée des beaux-arts de Montréal.
Pour celle qui a œuvré pendant des années au sein d'entreprises privées, le retour au milieu culturel par le biais du Musée des beaux-arts n'est pas un accident :
Quand je suis arrivée ici, c'est comme si toutes les pièces du puzzle se mettaient ensemble au niveau
de ma carrière personnelle. Le Musée devant s'autofinancer à 50 %, les liens avec la communauté
d'affaires au niveau des communications sont très importants, ainsi que la connaissance du milieu
culturel. J'ai revu beaucoup de gens que j'avais côtoyés dans ma carrière depuis vingt ans.
1
Guy Cogeval.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Entre le départ de Danielle Sauvage et l'arrivée de Danielle Champagne, un certain nombre de
changements organisationnels ont eu lieu, modifiant quelque peu les tâches qui incombent
désormais à la nouvelle directrice des communications. Ainsi, le Service de l'Éducation qui
relevait auparavant des communications, devra désormais rendre des comptes directement au
directeur du Musée 1 . Par ailleurs, la section "Développement et membership" (fidélisation des
amis, campagnes de financement…) anciennement sous l'autorité de Paul Lavallée à l'administration est maintenant dirigée par Danielle Champagne.
Plus précisément, le nouveau mandat de la directrice des communications est le suivant :
- La promotion : campagnes de publicité (autant pour les expositions temporaires que pour la
collection permanente, et toutes les autres activités du Musée), placements médias; et les
relations publiques, incluant la gestion d'événements, l'accueil de dignitaires, le protocole,
les organisations de fêtes et autres événements spéciaux pour le public (journées portes
ouvertes…), le développement touristique, le site Web, les locations de salles privées, ainsi
que les relations de presse
- La recherche de commandites
- La production d'imprimés : publications corporatives et commerciales, rapports annuels,
magazine, calendrier et brochures diverses 2
- Le développement et la fidélisation des Amis du Musée (membership) : stratégies marketing, télémarketing, publipostage
- La Fondation du Musée et l’International Friends of the Montreal Museum of Fine Arts (dont
le siège social est à New York) : campagnes annuelles de financement et grandes campagnes
(tous les 10 ans) ainsi que les dons planifiés
- La supervision de l'Association des Bénévoles du Musée dans leurs activités publiques (bal
annuel, galerie d'art…) ainsi qu'un apport dans la fabrication d'outils promotionnels selon
leurs besoins.
Mon mandat comme tel aux communications c'est de positionner le Musée au niveau local auprès de
diverses clientèles, que se soient les amis, le public en général, les médias, les donateurs, les collectionneurs, les divers paliers gouvernementaux, les subventionneurs, les milieux touristiques et le
milieu des entreprises en général. Au niveau international, c'est de positionner le Musée sur le plan de
son image, de sa programmation, également de sa direction auprès des historiens d'art et du milieu
muséal. C'est surtout le directeur et Nathalie Bondil qui font ça, mais il peut arriver que je sois
également consultée.
Avec un si grand nombre d'activités, on s'étonne que le budget annuel du Service des communications soit aussi peu élevé (3,7 millions $ dont 2,4 millions $ pour les dépenses de
communications corporatives et entre 1 à 1,5 million $ pour les expositions en fonction de la
programmation).
1
Voir l'annexe 4 : Organigramme du Musée.
2
Les publications scientifiques (catalogues en rapport avec les expositions) relevant désormais de Nathalie Bondil a la
Conservation.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Sur la trentaine d'employés du service des communications, environ une dizaine travaillent au
télémarketing. Ils sollicitent des gens pour devenir Amis, renouveler leur adhésion, ou faire des
dons. Le volet entreprise pour la sollicitation des dons est, quant à lui, confié à des comités de
bénévoles, tout comme le volet levée de fonds.
Lorsqu'on lui demande quels sont les défis auxquels elle fait face dans son nouveau travail,
Danielle Champagne précise :
Moi je dirais plus maintenir qu'augmenter le public local. Il faut être réaliste. On a une moyenne
d'environ 5 à 600 000 visiteurs par an. Je ne suis pas sûre que le public montréalais puisse aller
vraiment très au-delà. Notre plus grosse année – avec 630 000 visiteurs –, c'est celle où on a
présenté l'exposition « De Renoir a Picasso, le Musée de l'Orangerie » qui a attiré à elle seule
330 000 personnes, cela a été la plus grosse assistance. C'est sûr que quand on a des expositions qui
sont assez fortes en terme de pouvoir d'attraction et d'unicité (par exemple si l'exposition est
présentée seulement ici en Amérique du Nord, comme pour « Picasso Érotique »), on fait des efforts
promotionnels aux États-Unis, en Nouvelle-Angleterre… Dans le cas de « Picasso Érotique », cela a
très bien fonctionné : on a eu 87 % des visiteurs étaient des touristes!
Au niveau des Amis, le défi c'est d'augmenter, et je trouve que là on a un très bon potentiel. Actuellement, le taux de non-renouvellement des Amis se situe autour de 30 %, ce qui est très élevé. Il faut
donc travailler à leur fidélisation. Depuis que je suis arrivée, j'ai fait beaucoup de sondages auprès
d'eux, pour savoir ce qu'ils veulent, quelles sont leurs attentes, leurs besoins, leur profil […]. La clé
du non-renouvellement, c'est la programmation. Si la programmation annuelle est trop pointue, moins
blockbuster, les gens renouvellent moins. Donc une chose que j'ai faite l'année dernière, c'est une
stratégie d'abonnement pour deux ans, qui nous permet de ne pas avoir à reconvaincre ces Amis
l'année suivante.
Comme pour les autres grandes questions du Musée, les objectifs d'assistance sont fixés collectivement avec les trois autres directeurs, et sont basés sur plusieurs variables : l'expertise du
Musée, le type d'exposition, la période de l'année. « Il faut atteindre tant de visiteurs payants, tant
de visiteurs au total 1 . » Les contraintes d'argent sont donc une préoccupation majeure, mais
Danielle Champagne rappelle que le Musée recherche aussi des objectifs autres. Ainsi, en terme
de notoriété publique et de positionnement international, des expositions qui ne sont pas un
succès d'affluence – comme l'exposition « Richelieu » − peuvent être une grande réussite pour la
notoriété de l'établissement montréalais, notamment grâce à la couverture de presse 2 . Par ailleurs,
lorsque le travail sur place est bien fait, certaines expositions augmentent l'expertise du Musée
tout en contribuant au rayonnement de sa réputation. Ainsi, « Invitation au voyage, chefsd’œuvre du Musée de l'Ermitage » présenté à l'hiver 2003 a été à la fois un succès de fréquentation (205 000 visiteurs), un succès dans la presse, mais aussi avec le Musée de l'Ermitage :
Les conservateurs du Musée de l'Ermitage qui sont venus à Montréal ont trouvé qu'on travaillait de
façon extraordinaire, impeccable. Lorsque Guy Cogeval et Nathalie Bondil sont retournés à
St-Petersbourg, les gens les attendaient à bras ouverts! C'est important quand on renégocie une expo :
tout est possible!
En parallèle avec le travail de Nathalie Bondil, Danielle Champagne souligne qu'un autre défi est
de faire connaître la collection permanente gratuite, notamment parce que cela doit se faire sans
1
Danielle Champagne.
2
Voir l'annexe 9 : Analyse des revues de presse du Musée.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
budget spécifique. Pour pallier à ce manque de fonds, la directrice des communications a été
négocier une entente avec des médias comme le font certains organismes à but non lucratif :
lorsque des espaces publicitaires ne sont pas vendus, ils les donnent gratuitement au Musée.
Enfin, Danielle Champagne trouverait important d'augmenter les dons par les campagnes de
financement, et de rajeunir la clientèle.
Lorsqu'on parle de l'avenir et de sa carrière au Musée, elle répond :
Moi je n'ai jamais eu de plan de carrière, je me suis un peu laissée porter par les opportunités. Pour le
moment, je viens d'arriver (ça fait juste deux ans), je trouve qu'il y a encore beaucoup de choses à
faire et beaucoup de défis à relever!
Les liens entre le conseil d'administration et la direction
Bernard Lamarre, Paul Lavallée, Nathalie Bondil et Danielle Champagne forment ainsi une
équipe cohérente autour du directeur, et donnent une continuité à un conseil d’administration
redevenu fonctionnel et cohérent, loin des disputes d’il y a quelques années. Ainsi, si le conseil
bénéficie de l'expérience de Bernard Lamarre et de Paul Lavallée, il s'est aussi enrichi des
nouvelles idées apportées par Guy Cogeval et Nathalie Bondil depuis sa nomination au poste de
conservatrice en chef. Cette dernière décrit leur collaboration :
Je pense qu’il y a véritablement une osmose sur la manière de fonctionner. Je le dis parce que je viens
d’un système administratif que j’ai connu. En fait, nous, on ne relève de personne. Quand on fait une
convention, on la fait nous-mêmes. On fait ce qu’on a envie de faire. Ce n’est pas une grosse entreprise, je compare souvent le Musée des beaux-arts à une maison avec une famille. Vous voulez
refaire le toit, bien allez-y, il n’y a qu’à faire. On a un conseil d’administration qui est là, ils nous font
confiance, on leur présente tout, c’est toujours très clair, très limpide. On dit, bien voilà, on voudrait
faire ça. Ces gens-là nous font confiance donc on y va. Quand ça ne va pas, ce sont des gens généralement qui nous orientent parce qu’ils ont beaucoup d’expérience. On a à la fois des éléments
nouveaux (Guy Cogeval, Danielle Champagne et moi), et on a des éléments anciens comme Bernard
Lamarre, les membres du conseil et Paul Lavallée qui eux, connaissent la machine depuis longtemps.
Donc du coup, ça crée une bonne symbiose.
Guy Cogeval renchérit :
Il n’y a jamais eu la moindre anicroche, en quatre ans. Je trouve le conseil très démocratique. Il y a un
contrôle, il faut expliquer tout ce que l’on fait mais en même temps, le conseil ne vous met jamais de
bâtons dans les roues. Au contraire, on cherche des budgets, on cherche à vous aider […]. Il faut être
un tout petit peu politique, sentir les choses. Je dois dire que je l’ai été parce qu’il y avait un début de
polémique quand je suis arrivé du côté des Québécois, du fait qu’on avait recruté un Français pour le
poste de directeur. Et puis maintenant, tout le monde est content, le musée va bien, et le nombre
d’Amis a augmenté considérablement […]. La condition essentielle, c’est de ne pas se tirer dans les
pattes. Or, ça arrive partout. Là, je trouve presque que c’est un peu calme!
Finalement, Mme Bondil nous livre le secret de la bonne ambiance de l’équipe de direction :
Avec Guy Cogeval, on rigole; avec Paul Lavallée, avec Danielle Champagne, on rigole et on ne dit
que des bêtises, c’est épouvantable! À toutes les réunions, on rit beaucoup et je trouve ça absolument
indispensable. Vous ne faites pas travailler les gens quand ils sont malheureux, quand ils sont
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
frustrés, quand ils ne sont pas bien dans leurs baskets. C’est élémentaire. Alors donc généralement on
rit. Et ça, c’est très important!
On le voit, le Musée des beaux-arts de Montréal bénéficie des talents et des énergies d’un directeur hautement qualifié. Par ailleurs, grâce aux efforts du conseil d’administration et aux retombées financières de la campagne de financement Un Grand Musée pour une grande ville (19982002), le Musée s’est créé un formidable terrain de réussite (voir l'annexe 2). Le train du succès
est lancé; Guy Cogeval en est sa locomotive. Bernard Lamarre l'affirme en ces termes dans le
Rapport annuel 1998 :
Grâce à cet effort collectif venu de tous les paliers, notre Musée connaît une saine croissance et
continue d’évoluer vers un avenir prometteur.
Des changements significatifs
Les conséquences d’une telle conjoncture ne se font pas attendre. À tous les niveaux de l’institution et à l’extérieur, l’évolution se fait sentir. Dans les faits, ces améliorations sont perceptibles
notamment au sein de chacune des trois grandes directions du Musée. Voici donc un rappel des
récents changements au Musée des beaux-arts de Montréal.
Une organisation restructurée
L’arrivée de Guy Cogeval a été l’occasion de retravailler l’organigramme du Musée (voir
l'annexe 4). Au départ responsable de la conservation, Guy Cogeval délègue désormais la direction du service à Nathalie Bondil, nommée conservatrice en chef depuis 2000. On lui confie la
responsabilité des éditions scientifiques (catalogues d’expositions), auparavant prises en charge
par la direction des communications. Par ailleurs, sa volonté de renforcer la collection permanente s’est aussi concrétisée par la consolidation de l’équipe de conservation : le Musée réengage
un conservateur pour l'art contemporain et un autre pour l’archéologie et les cultures anciennes.
Multiplication des adhésions et augmentation de la fréquentation
En l’espace de quelques années, le nombre d’Amis du Musée s’est accru considérablement,
passant de 27 000 à 40 000 environ (voir l'annexe 5). On compte ainsi de nombreuses nouvelles
adhésions dues à la campagne Un Grand Musée pour une grande ville. Par ailleurs, le taux de
renouvellement des Amis du Musée est important. La personnalité éclatante de son directeur est
sans conteste un facteur de ralliement en faveur de l’organisme. Par ailleurs, le public veut
s’associer à l'image d'un organisme gagnant : expositions de grand intérêt, bonnes retombées
médiatiques, personnalités brillantes de ses représentants, public nombreux dans les salles,
collection permanente mise en valeur, projets éducatifs visibles…
Développement de nouveaux publics
D’autre part, le Musée a fait un effort pour attirer de nouveaux publics. Certaines expositions ont
été l’occasion de créer des partenariats avec des communautés spécifiques. D’autres programmes
éducatifs ont cherché à sensibiliser des franges de la population montréalaise qui ne seraient
jamais venues au Musée. Lisons Guy Cogeval :
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Pasión : l’art moderne mexicain, 1900-1950 a aussi amené au Musée le public hispanique, peu habitué à prendre le chemin de nos cimaises. On peut même croire que ces nouveaux venus nous sont
restés fidèles, car, pour des expositions ultérieures, il y a eu demande de visites commentées en espagnol, fait nouveau au Musée. Il est vital que notre établissement s’ouvre le plus possible aux nationalités diverses vivant à Montréal, et qui en font la richesse et l’originalité 1 .
D’autres programmes, tels que Franchir le seuil du Musée, financé par la Fondation McConnel,
visent à attirer au Musée un public qui n’y viendrait pas naturellement : nouveaux immigrants,
handicapés, aînés, jeunes femmes monoparentales, décrocheurs et jeunes en cure de désintoxication, itinérants, etc. Toutes marginales qu’elles soient, ces clientèles n’en sont pas moins importantes si nous voulons assurer la pertinence et la vitalité de notre Musée 2 .
Enrichissement de la collection permanente et développement des dons
En l'espace de quatre ans, la collection permanente du Musée a augmenté de 20 %, ce qui est
énorme. Le budget d’acquisition (voir l'annexe 6) présente les efforts portés à la collection par les
achats d’œuvres. Déjà, en 1999, Guy Cogeval précisait sa politique d'acquisitions :
Je crois que nous devons poursuivre cette politique d’acquisition de tableaux de prestige. Il vaut
mieux se limiter à l’acquisition de quelques œuvres très importantes tous les ans ou tous les deux ans
parce que c’est là le type de politique susceptible de magnétiser, d’attirer les collectionneurs et de
renforcer la réputation du Musée.
Les donateurs auront peut-être été sensibles à la campagne de financement Un grand Musée pour une
grande ville ou au regain d’intérêt manifesté par la Conservation du Musée pour sa propre collection.
Il faut dire que nous avons travaillé très fort à retisser des liens avec les collectionneurs montréalais.
Ces efforts semblent commencer à porter leurs fruits 3 .
En 2000, c'est à Bernard Lamarre de faire le point :
Les dons d’œuvres ont dépassé toutes nos attentes. Fait notable à souligner, ces dons proviennent de
toutes les communautés qui constituent la mosaïque montréalaise. Au fil des ans, le Musée des
beaux-arts de Montréal est vraiment devenu le musée de tous les Montréalais : ils en sont fiers et
tiennent à contribuer à son développement 4 .
Intégration de la collection Stewart
Il faut cependant noter le don exceptionnel de la collection d’arts décoratifs de Liliane et David
M. Stewart. Officiellement intégrée à la collection permanente du Musée le 1er janvier 2000, au
moment de la fermeture définitive du Musée des arts décoratifs, la collection Stewart est désormais installée dans les salles du pavillon construit par Lebensold, qui porte dorénavant le nom de
« pavillon Liliane et David M. Stewart ». Mme Stewart s’est par ailleurs engagée à enrichir cette
collection au cours des ans. Elle préside aussi le Comité d’acquisition des arts décoratifs spécialement créé pour cette catégorie d’objets. Le conservateur en chef adjoint, Hilliard T. Goldfarb,
décrit ce don :
1
Rapport annuel 1999-2000.
2
Rapport annuel 1999-2000.
3
Rapport annuel 1998-1999.
4
Rapport annuel 1999-2000.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Cet ensemble représente l’une des plus remarquables collections internationales d’objets d’arts décoratifs et de design datant de 1935 à nos jours. La richesse, la qualité et la diversité des milliers
d’œuvres qui forment ce seul don d’une extraordinaire générosité hisseront le Musée des beaux-arts
de Montréal au rang des plus grands centres d’arts décoratifs du XXe siècle au monde 1 .
La collection ainsi enrichie permet notamment au Musée de servir de « monnaie d’échange »
avec d’autres musées importants lors de la production d’expositions. Par ailleurs, elle augmente
la crédibilité de l’institution auprès des subventionneurs, des commanditaires, des donateurs et
des autres institutions muséales.
Hilliard T. Goldfarb poursuit :
Au cours de l’année 1999-2000, le Musée a prêté des œuvres de ses collections à des établissements
aussi renommés que le Louvre et le Grand Palais à Paris, le Metropolitan Museum of Art à New York
et la National Gallery of Art à Washington, le Thyssen-Bornemisza Museum de Madrid, le Musée
des beaux-arts de l’Ontario et d’autres établissements culturels de San Francisco à Athènes 2 .
Extension et réaménagement du Musée
L’ajout de la collection Stewart de même que la nouvelle politique d’acquisition de Guy Cogeval
ont accéléré le besoin urgent de réfection de certaines parties du bâtiment et de redéploiement de
la collection. Grâce à la campagne de financement, 18 % des fonds récoltés ont ainsi été investis
dans la rénovation, notamment dans la restauration du plus ancien pavillon et dans l’amélioration
de la circulation sous la rue Sherbrooke. Ces travaux importants ont pu être exécutés grâce à une
subvention du gouvernement fédéral (ministère des Travaux publics) dont Paul Lavallée fait état
dans le Rapport annuel de 1999-2000 :
L’objectif principal de ces travaux consistait à équiper le pavillon [Hornstein] de systèmes électromécaniques permettant de maintenir des conditions de conservation normalisées, tout en protégeant
l’enveloppe architecturale. Dans le cadre des travaux complémentaires du projet, nous avons renouvelé l’éclairage de la façade […], ajouté deux salles destinées à la présentation de la collection
permanente, aménagé un nouvel espace d’entreposage et rénové des espaces de location pour des
événements spéciaux 3 .
D’autre part, la profonde réorganisation des salles d’exposition permanente a permis de sortir des
réserves de nombreuses œuvres jugées importantes, ce que Guy Cogeval explique :
Les Montréalais, à qui le Musée appartient pour ainsi dire, se sont plaints souvent de ce qu’une
grande partie de la collection ne soit pas visible, notamment les œuvres du XIXe siècle, et dans une
certaine mesure, celles du XXe siècle 4 .
Il importe […] de réorganiser la présentation de la collection permanente afin de la rendre accessible
en tout temps aux visiteurs. Je ne veux plus que nous soyons contraints, à l’avenir, à en démonter une
partie pour céder la place à une exposition temporaire, comme nous avons souvent été obligés de le
faire jusqu'à maintenant […]. La place de l’art canadien sera notamment augmentée dans le Musée.
Enfin, nous allons montrer pour la première fois ce qui était dans nos réserves jusqu'à maintenant :
1
Rapport annuel 1998-1999.
2
Rapport annuel 1999-2000.
3
Rapport annuel 1999-2000, p. 47.
4
Rapport annuel 1999-2000.
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
c’est-à-dire la richesse de nos collections d’arts décoratifs anciens, des tapisseries flamandes du
XVIIe siècle, des vitraux, un certain nombre de meubles anciens que nous n’avons jamais pu montrer
faute de place, et qui serviront d’antichambre à ce qui est déjà un des fleurons de nos collections :
l’art décoratif contemporain du Musée des arts décoratifs de Montréal dont Mme David M. Stewart a
fait le généreux don à notre Musée 1 .
Ainsi, au terme d’un long travail de réflexion avec l’équipe des conservateurs, le Musée a effectué une profonde réorganisation et un grand redéploiement des collections dans les salles, désormais organisées comme suit :
Pavillon Liliane et David M. Stewart
Ce pavillon regroupe désormais l’ancienne collection d’arts décoratifs du Musée (du Moyen Âge
jusqu'à la période victorienne) et la collection Stewart du Musée des arts décoratifs de Montréal.
L’étage supérieur est consacré à l’art canadien, l’art inuit, l’art amérindien et les arts décoratifs
canadiens.
Pavillon Michal et Renata Hornstein
Autrefois utilisé pour les expositions temporaires, c’est dans ce pavillon que les maîtres anciens
seront redéployés à compter du printemps 2004. De plus, une grande salle au rez-de-chaussée
sera réaménagée, pour les antiquités méditerranéennes (grecques, romaines et égyptiennes).
Le tunnel sous la rue Sherbrooke présente les cultures anciennes : œuvres précolombiennes,
islamiques, japonaises, chinoises, indiennes, africaines et océaniennes.
Pavillon (Jean-Noël Desmarais)
Le niveau S2 regroupe l’art contemporain. Le niveau 4 présente le XIXe, ainsi que le nouveau
Cabinet des dessins et des estampes. Le niveau 3 est dévolu aux expositions temporaires. Au rezde-chaussée, le Carrefour, qui était réservé aux expositions du service de l’éducation et des
programmes publics, devient un lieu d’expositions dossiers : œuvres sur papier, photographies,
affiches, expositions d’art et d’essai, partis pris… Les ateliers et les expositions du service de
l’éducation et des programmes publics occupent donc désormais tout le volume de l’ancien
Musée des arts décoratifs de Montréal, le nouveau Studio.
Enfin, devant l’urgence de conserver l’art religieux du Québec, dont les congrégations se
départissent faute de pouvoir les conserver correctement, le Musée a décidé d’investir dans des
nouveaux bâtiments et de créer un lieu spécifique à ce type d'art. L’achat de l’église Erskin &
American adjacente au Musée se révèle donc une idée prometteuse. La future aile dédiée notamment à l’art religieux au Québec sera donc prochainement réaménagée, sous les directives du
nouveau conservateur en art canadien.
1
Rapport annuel 1998-1999.
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38
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Des expositions d’envergure 1
Le Musée a profité encore quelque temps de la programmation des expositions blockbusters,
planifiées sous la direction de Pierre Théberge. Les avantages de ce type d’expositions sont
nombreux : elles drainent beaucoup de public, augmentent fortement les revenus de billetterie et
ceux de la boutique; elles participent au développement de l’économie locale… Mais en proposant au public des œuvres parfois vues souvent ou des sujets rebattus, elles peuvent présenter un
intérêt limité, au niveau scientifique, quoique la couverture de presse dont elles font l’objet soit
souvent impressionnante. Ainsi, l’exposition Monet à Giverny qui a drainé presque
255 000 visiteurs (augmentant la fréquentation de l’année 1999 de presque 20 %) a fait l’objet
d’une très importante couverture, mais a été peu appréciée des critiques et des spécialistes (voir
les annexes 9 et 13).
Depuis ces dernières années, le Musée s’est essentiellement attaché à produire ses propres expositions, qu’il parvient mieux à faire voyager à l'étranger. Le partage des coûts des expositions
produites par le Musée rentabilise les efforts des équipes sur les plans financier et scientifique,
tout en développant et en entretenant la renommée internationale du Musée. Pour Guy Cogeval :
« il est vital pour la notoriété des activités intellectuelles et culturelles du Musée que ses expositions soient présentées en Europe 2 . »
Répercussions médiatiques importantes (voir l'annexe 9)
Les dernières expositions produites par le Musée ont obtenu de nombreux articles de la presse
étrangère (surtout européenne) et de nombreux articles de fond. Ainsi, les thèmes choisis par Guy
Cogeval, le traitement des expositions et les efforts de communication ont eu des retentissements
immédiats aux niveaux national et international. De plus, certaines expositions ont bénéficié de
mentions à long terme lors de la diffusion des catalogues d’expositions. Les conséquences de
telles parutions sont multiples. D’une part, ces articles renforcent la renommée locale du Musée
auprès des différents publics (visiteurs, donateurs, commanditaires…). Ils renforcent aussi
l'image d'une institution produisant des expositions de qualité, et augmentent la fréquentation.
D’autre part, ils développent la renommée internationale du Musée, celle de son directeur et des
équipes de conservation (commissaires d’expositions). Ils facilitent ainsi le prêt d’œuvres d’art
pour des expositions futures, et incitent les autres musées à acheter les expositions produites par
Montréal. Enfin, ils contribuent à augmenter les échanges scientifiques entre spécialistes, comme
le note Guy Cogeval :
Triomphes du Baroque […] a valu au Musée parmi les meilleures pages de son histoire dans la presse
canadienne. [Elle] a été couronnée « Exposition de l’année 1999 » par le magazine Apollo à Londres,
une des plus sérieuses revues d’histoire de l’art au monde 3 .
Développement des relations publiques
La production d’expositions itinérantes est l’occasion d’échanges de travail avec des personnalités du monde de l’art et des affaires. Ainsi, le milieu artistique international est mis à contribution
1
Voir la liste des grandes expositions à l'annexe 8.
2
Rapport annuel 1998-1999.
3
Guy Cogeval, extrait du Message du directeur, Rapport annuel 1999-2000.
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39
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
pour monter des expositions qui voyagent parfois depuis (ou vers) leurs institutions respectives :
Jean Clair (directeur du musée Picasso de Paris), Dominique Païni (directeur du développement
du Centre Pompidou). Enfin, la recherche de commandites et de donateurs est l’occasion de créer
des liens à moyen ou long terme pour le Musée. Des personnalités du milieu des affaires sont en
effet associées à l’institution, et acceptent parfois de siéger à son conseil d’administration.
Renforcement des imprimés (voir l'annexe 8)
La production d’expositions temporaires par le Musée entraîne des recherches académiques
importantes, publiés dans des catalogues des éditions du Musée des beaux-arts de Montréal, ou le
plus souvent en coédition avec d'autres grandes maisons d'édition locales ou étrangères. Ces
ouvrages collectifs contiennent le fruit des recherches des commissaires d’exposition, historiens
d’art invités, et conservateurs du Musée, et présentent des essais scientifiques poussés en plus de
l’habituelle description des œuvres.
D'autre part, afin de contribuer à la mise en valeur de la collection permanente, le Musée a publié
en 2002 un nouvel ouvrage appelé communément « l'album BNP Paribas ». Offrant un survol des
collections dans leur ensemble, ce guide publié en français et en anglais par la Fondation BNP
Paribas 1 est désormais diffusé dans les grandes librairies européennes, au même titre que
plusieurs autres albums de musées internationaux d'importance.
Enfin, toujours pour poursuivre la mission du Musée de faire connaître ses collections, l'institution montréalaise publiera en 2003 un nouveau guide des collections avec l’appui financier de
Domtar. Cet ouvrage est un « hand-book » basé sur le type des guides de visite américains et
européens. Il présentera, œuvre par œuvre, une sélection d’environ 300 œuvres du Musée parmi
les plus importantes de ses collections. Les reproductions seront par ailleurs assorties d'une courte
notice pédagogique, constituant désormais un outil indispensable généralement présent dans les
grands musées du monde.
Un site Web revisité (www.mbam.qc.ca)
L’achalandage du site Web du Musée, géré par le Service des relations publiques, s’est accru de
façon vertigineuse 2 .
Rajeuni dans sa présentation, le site propose désormais de nouvelles sections tournées vers le
Musée et sa collection permanente (section sur la collection du Musée des arts décoratifs de
Montréal, présentation interactive d’œuvres du Musée en page d’accueil, visites thématiques de
la collection permanente, jeux sur la composition et le genre en peinture). Il présente aussi de
nouvelles sections en rapport avec certaines des grandes expositions temporaires (casse-tête sur
L’art moderne mexicain, activité interactive sur Hitchcock et l’art, visite virtuelle du jardin de
Monet à Giverny, exposition virtuelle De Renoir à Picasso). Le site Web contribue ainsi à mettre
en valeur les deux principales forces du Musée : sa collection permanente et ses expositions
temporaires d’envergure.
1
Importante fondation française, œuvrant dans le domaine des arts, financée par la banque française du même nom.
2
Rapport annuel 1999-2000, p. 45.
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40
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Conclusion
La stratégie était relativement simple. Il s’agissait en fait de continuer de miser sur les points forts du
Musée tout en comblant certaines lacunes afin de dynamiser, voire catalyser, le développement d’une
institution qui se distingue déjà par son souffle, ses traditions et sa modernité […]. En travaillant sur
trois plans apparemment différents – les grandes expositions, l’équipe de conservation et l’enrichissement de la collection – nous avons vu le Musée prendre un essor remarquable. Je crois que, avec
son originalité et sa vitalité exceptionnelles, il prendra bientôt la place qu’il mérite parmi les plus
grands établissements du genre en Amérique du Nord, sinon dans le monde 1 .
Ainsi, le Musée des beaux-arts de Montréal est parvenu à évoluer malgré un contexte difficile.
Les indices de cette réussite ne manquent pas pour qui s’attarde un peu à l'étude des récents
rapports annuels ou dans les salles de l'institution. Elle est effectivement le fruit d’efforts
concertés à plusieurs niveaux grâce à un conseil d’administration extrêmement dynamique, à des
directeurs de service tout aussi efficaces, ainsi qu'à des employés et des bénévoles fortement
impliqués dans leur institution. Mais il est important de souligner la vision de son directeur, Guy
Cogeval, à la barre du Musée depuis cinq ans. Sa volonté et son acharnement à vouloir rehausser
une collection permanente encyclopédique, ainsi que sa facilité à aller puiser, dans son réseau de
relations, des projets artistiques novateurs, font d’ores et déjà de lui un des grands directeurs de
l’institution montréalaise de la rue Sherbrooke.
Vous me demandiez ce que je voudrais qu’on conserve comme idée de moi : on a augmenté sensiblement le nombre d’Amis du Musée (de 27 000 personnes à près de 40 000). Une progression
énorme! C’est à peu près égal au niveau du Louvre, en valeur absolue.
Cependant, qu’en sera-t-il de l’avenir? Peut-on penser qu’un homme de l'envergure de Guy
Cogeval, qui compte des relations désormais haut placées au sein du ministère de la Culture
français 2 , désirera demeurer à la barre d’un musée comme celui de Montréal? Son statut de
fonctionnaire français en disponibilité arrivant à terme, aura-t-il le courage d’abandonner son titre
officiel de Conservateur en chef du Patrimoine, pour privilégier une expérience de travail à
l’étranger?
Je vais avoir une question très dure à me poser […]. Il y aura des départs à la retraite dans des postes
qui m’intéressent. J’ai toujours pensé à la direction du musée d’Orsay. Mais le salaire est très
inférieur. Ça serait réduire de plus de moitié ce que je gagne ici. Et à un certain moment, quand on
n’a pas de fortune personnelle, c’est très dur de revenir en arrière et de faire des sacrifices. Donc estce que je reste ici, mais sans progresser, c’est-à-dire que j’accepte d’être à Montréal pendant 15 ans?
Pourquoi pas? Je n’ai pas envie d’aller à Ottawa ou à Toronto. J’adore Montréal. Mais c’est vrai que
dans dix ans, j’en aurai un peu assez, j’aurai le sentiment d’avoir fait le tour […].
Pour moi rester à Montréal, c’est rester avec des constantes, sur les années à venir. Je pense que Paul
Lavallée est là encore pour très longtemps, et je le souhaite fortement. J’espère que Bernard Lamarre
aussi. Nathalie Bondil n’a pas du tout envie de rentrer en France. Et je pense que ça a un certain sens
que je reste encore ici, parce qu’on va acheter l’église en face et nous projetons à plus long terme de
construire un nouveau bâtiment (voir l'annexe 14). Ça serait vraiment idiot que je m’en aille!
2005-06-23
1
Guy Cogeval, extrait du Message du directeur, Rapport annuel 1998-1999.
2
M. Cogeval ne se cache pas d'être un ami de l'actuel ministre de la Culture français, Jean-Jacques Aillagon.
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41
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 1
Rapport financier du Musée des beaux-arts de Montréal
(1995-2002)
1995-96
1996-97
1997-98
1998-99
1999-00
2000-01
Auto
Magritte
Exilés
Giacometti
Cosmos
Renoir
Picasso
Astérix
413 604
Monet
553 833
Baroque
438 874
Hitchcock
626 610
érotique
508 753
Principales
expositions
Fréquentations
Symbol. Gr. des sept
508 991
477 774
2001-02
REVENUS
AUTONOMES
Abonnements
Dons et commandites
Boutique/catal.
Autres revenus
Admissions
Revenus de placements
Prop. à revenus
Total des revenus
autonomes
554 451
2 084 286
483 985
1 383 467
514 337
1 272 135
823 537
1 133 724
832 956
936 643
964 142
2 115 999
800 000
740 053
3 212 930
1 570 374
2 231 243
139 605
2 494 256
763 909
1 287 444
160 940
2 094 396
898 106
725 359
168 038
3 125 681
1 549 543
1 643 016
199 105
3 130 461
1 750 019
1 782 632
207 546
4 112 654
2 232 569
3 148 223
283 310
2 951 400
2 056 550
2 047 300
231 500
164 278
9 957 167
384 150
6 958 151
519 444
6 191 815
597 999
9 072 605
574 310
9 214 567
364 772
13 221 669
395 100
9 221 903
41,2 %
34,2 %
31,6 %
40,2 %
40,3 %
47,1 %
39,4 %
SUBVENTION
S
Subv. Canada
Subv. M.C. fonc.
Subv. QC autres
ministères
Subventions municipales
Projets
Total subventions
Total revenus
65 979
100 637
3 000
367 045
152 450
13 565 300 12 696 300 12 707 420 12 548 000 12 689 200
188 193
189 464
25 000
25 000
418 512
410 333
427 156
447 000
524 939
140 000
164 950
12 624 200 12 791 400
1 395 000
673 800
413 957
407 431
255 273
132 801
292 642
14 237 984 13 396 734 13 417 849 13 519 846 13 659 231
303 257
117 989
14 876 414 14 155 570
24 195 151 20 354 885 19 609 664 22 592 451 22 873 798
28 098 083 23 377 473
DÉPENSES
Boutique (2)
Expositions
Propriété à
revenus
Conservation
Communications
Administration
Commercialisation
2 314 961
9 496 108
1 117 440
2 027 501
4 579 650
1 047 999
1 816 274
4 020 667
924 170
2 358 888
5 801 506
1 130 132
2 307 594
6 862 659
828 378
2 643 664
9 630 333
534 105
2 318 500
5 438 123
559 700
2 083 359
2 042 567
3 474 896
197 170
1 921 593
2 170 519
3 166 244
69 716
2 014 139
2 328 675
3 325 540
60 777
2 071 508
2 519 713
4 198 068
64 234
2 247 165
2 331 957
4 000 767
67 607
2 631 619
2 944 550
3 927 764
83 168
3 282 850
2 269 500
4 647 376
25 000
Copyright © HEC Montréal
42
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
1995-96
Entr. & Sécur.
Intérêts
Travaux aménagement
Projets
Total dépenses
Surpl. (déf.)
ann.cour.
%
Surpl. (déf.) début
Redressement
Subv. spéciale
Surpl. (déf.) accumulé
Subvention
CACUM
Taxes foncières
1996-97
1997-98
4 323 150
339 414
3 963 016
169 165
666 527
0
3 844 809
71 899
1998-99
3 843 517
83 905
1999-00
4 300 932
104 481
271 683
128 658
307 030
26 055 592 19 115 403 18 678 633 22 200 129 23 358 570
(1 860 441)
1 239 482
2000-01
4 886 754
124 112
2001-02
4 473 700
100 000
358 475
210 470
27 764 544 23 325 219
931 031
392 322
(484 772)
333 539
52 254
-7,7 %
6,1 %
4,7 %
(390 145) (2 250 586) (1 011 104)
1,7 %
(80 073)
-2,1 %
312 249
1,2 %
(172 523)
0,2 %
161 016
(80 073)
312 249
(172 523)
161 016
213 270
(2 250 586) (1 011 104)
0
0
375 000
375 000
375 000
350 000
350 000
445 465
(445 465)
431 397
(431 397)
341 607
33 393
342 499
32 501
345 000
30 000
347 921
2 079
345 000
5 000
36 200
9 733
36 200
9 733
36 200
9 733
36 200
9 733
36 200
9 733
36 200
9 733
36 200
9 733
8 556 587
32,8 %
3 163 817
16,6 %
2 966 318
15,9 %
4 789 628
21,6 %
5 790 029
24,8 %
8 492 247
30,6 %
3 969 494
17,0 %
213
8 349 955
32,0 %
191
7 787 617
40,7 %
191
8 316 554
44,5 %
195
8 662 517
39,0 %
195
9 109 470
39,0 %
190
9 776 279
35,2 %
200
9 542 700
40,9 %
SURFACES EN
M.C.
Total brut
D'exposition
EXPOS.
TEMPORAIRE
S
Coût
% du budget
MASSE
SALARIALE
Effectifs
Salaires et a.s.
% masse/total
Copyright © HEC Montréal
43
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
1995-96
1996-97
1997-98
1998-99
1999-00
2000-01
2001-02
2 231 243
2 414 805
798 125
164 278
2 084 286
1 287 444
2 208 260
285 996
384 150
1 383 467
725 359
1 920 655
173 741
519 444
1 272 135
1 643 016
2 731 331
394 350
597 999
1 133 724
1 782 632
2 727 838
402 623
574 310
936 643
3 148 223
3 381 841
730 813
364 772
2 115 999
2 047 300
2 604 400
347 000
395 100
1 190 053
554 451
408 061
483 985
368 007
514 337
434 002
823 537
686 941
832 956
540 937
964 142
801 834
800 000
770 000
1 162 313
395 902
464 104
862 602
139 605
160 940
168 038
199 105
1 009 082
200 000
207 546
1 058 985
371 750
283 310
623 300
213 250
231 500
9 957 167
6 958 151
6 191 815
9 072 605
9 214 567 13 221 669
9 221 903
REVENUS
AUTONOMES
Admissions
Boutiques/librairie
Catalogues
Prop. à revenus
Dons et commandites
Abonnements
Évènements
spéciaux
Revenus divers
Don fondation
Revenus de placements
Total rev. autonomes
SUBVENTIONS
Subv. MCC fonct.
Subv. CUM fonct.
Subv. autres/proj.
Projets
Total subventions
Total revenus
13 565 300 12 696 300 12 707 420 12 548 000 12 689 200 12 624 200 12 791 400
375 000
375 000
375 000
375 000
375 000
350 000
350 000
297 684
325 434
80 156
464 045
302 389 1 598 957
896 181
0
0
255 273
132 801
292 642
303 257
117 989
14 237 984 13 396 734 13 417 849 13 519 846 13 659 231 14 876 414 14 155 570
24 195 151 20 354 885 19 609 664 22 592 451 22 873 798 28 098 083 23 377 473
DÉPENSES
8 349 955 7 787 617 8 316 554 8 662 517 9 109 470 9 473 783 9 542 700
Salaires et av.
sociaux
Expos. temporaires 8 556 587 3 163 817 2 966 318 4 789 628 5 790 029 8 492 247 3 969 494
1 128 216 1 237 192
993 095
941 414
995 107 1 393 363 1 383 500
Collection permanente
42 421
63 104
61 254
70 464
77 523
47 219
85 129
Expos. SEPP
1 117 440 1 047 999
924 170 1 130 132
828 378
534 105
559 700
Prop. à revenus
1 514 272 1 323 966 1 142 640 1 540 301 1 466 610 1 838 552 1 474 200
CMV
bout./librairie
203 939
185 589
270 985
618 234
323 519
202 457
300 000
Informatisation
339 414
169 165
71 899
83 905
104 481
124 112
100 000
Intérêts
666 527
0
0
Amén. et rénov.
/proj.
4 136 821 4 136 954 3 660 035 4 234 876 4 356 423 5 300 231 5 700 026
Dépenses d'opérations
0
0
271 683
128 658
307 030
358 475
210 470
Projets
26 055 592 19 115 403 18 678 633 22 200 129 23 358 570 27 764 544 23 325 219
Total dépenses
(1 860 441) 1 239 482
931 031
392 322 (484 772)
333 539
52 254
Surpl. (déf.)
ann. cour.
(390 147) (2 250 588) (1 011 106)
(80 075)
312 247 (172 525)
161 014
Surpl. (déf.) début
Élém. extraord.
Subv. spéciale
Copyright © HEC Montréal
44
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
1995-96
Surpl. (déf.) accumulé
1996-97
(2 250 588) (1 011 106)
1997-98
(80 075)
1998-99
312 247
1999-00
(172 525)
2000-01
161 014
2001-02
213 268
Subvention
fonct. MCC
Subvention
Augmentation
(diminution)
Cumulatif
13 565 300 12 696 300 12 548 000 12 548 000 12 689 200 12 624 200 12 791 400
(278 600) (869 000) (148 300)
0
141 200
(65 000)
167 200
(2 372 547) (3 241 547) (3 389 847) (3 389 847) (3 248 647) (3 313 647) (3 146 447)
Norme au M.C.
% de participation
Copyright © HEC Montréal
2 358
59,1 %
2 206
59,1 %
45
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 2
Résultats de la campagne de financement
Un Grand Musée pour une grande ville (1998-2002)
OBJECTIF : 50 000 000 $
RÉSULTATS : 67 500 000 $
Répartition par réalisations
Enrichissement du fonds d'acquisitions et dons
d'œuvres d'art 52 %
35 200 000 $
6% 2%
Création d'un fonds d'expositions 22 %
15 000 000 $
18 %
Financement et rénovation de batiments
12 000 000 $
18 %
52 %
Partenariat art et affaires 6 %
4 000 000 $
22 %
Éducation 2 %
1 300 000 $
Répartition par comités
Comité des dons exceptionnels
43 700 000 $
Comité de la famille et des employés du Musée
12 300 000 $
Comité des fondations
5 000 000 $
5%
65 %
7%
18 %
7%
Comité des dons internationaux
3 100 000 $
18 %
5%
65 %
Comité des dons majeurs et des dons importants 5 %
3 400 000 $
Source : Bilan de la campagne 1998-2002
Copyright © HEC Montréal
5%
46
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 3
Notes biographiques de Guy Cogeval
Carrière
Depuis 1998
Musée des beaux-arts de Montréal, directeur
1992-1998
Musée des monuments français, directeur
1988-1998
Professeur à l’École du Louvre (cours sur le Postimpressionnisme, sur
Théâtre et peinture de David à Picasso, sur les Métamorphoses du
Néoclassicisme)
1988-1992
Musée du Louvre, conservateur, adjoint du directeur du Service culturel,
chargé des conférences, colloques, festivals de films dans l’auditorium
1987-1988
Musée des beaux-arts de Lyon, conservateur, commissaire d’expositions
1985-1986
Musée d’Orsay, Paris, conservateur stagiaire, section cinéma
1982-1984
Académie de France à Rome, Pensionnaire de l’Académie au titre
d’historien de l’art
1977-1982
Professeur de sciences économiques dans un lycée
Formation académique
Conservateur en chef du Patrimoine (1996)
Conservateur du Patrimoine, Major du concours (1985)
Sorbonne, Paris IV, France
Inscription au doctorat d’Histoire de l’Art, 1985 (Décors d’opéra en Italie, fin du XIXe siècle)
DEA Histoire de l’Art, 1982
Maîtrise d’Histoire de l’Art, 1981
Licence d’Histoire, 1981
Académie de France à Rome, 1982-1984
Institut d’Études politiques, Paris, 1977
Distinctions
Chevalier des Arts et Lettres, 2002
Commissaire ou producteur de quelques expositions récentes (en cours et à venir)
(N.B. : Les expositions en gras sont celles dont j’ai été – ou je suis – le commissaire général
(rédaction du catalogue, choix des œuvres, scénographie de l’exposition). Les autres ont été
produites par moi dans les musées que je dirigeais).
Copyright © HEC Montréal
47
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
2003-2004
Vuillard, rétrospective (National Gallery, Washington; Royal
Academy, Londres; Grand Palais, Paris; Musée des beaux-arts de
Montréal)
2003
L’invitation au voyage : la peinture française de Gauguin à Matisse de la
collection du Musée de l’Ermitage (Musée des beaux-arts de Montréal; Art
Gallery of Ontario, Toronto)
2003-2003
Richelieu : l’art et le pouvoir (Musée des beaux-arts de Montréal; WallrafRichartz Museum, Cologne)
2001
Picasso érotique (Musée des beaux-arts de Montréal, Musées Picasso –
Paris et Barcelone); commissaires : Jean Clair et Jean-Jacques Lebel
2000
Hitchcock et l’Art, avec Dominique Païni (Musée des beaux-arts de
Montréal et Centre Georges Pompidou)
1999-2000
L’architecture Baroque en Europe (National Gallery, Washington;
Palazzo Grassi, Venise, Musée des beaux-arts de Montréal) avec Henry
Millon
1998
Le Temps des Nabis (Palazzo Corsini, Florence, Musée des beaux-arts de
Montréal)
1997
Les Années 30 − Architecture/Design (MMF, Paris), avec JL Cohen
1996
Édouard Baldus, photographe (CCA, Montréal, et MMF, Paris)
1995
Paradis perdus : l’Europe symboliste (Montréal, MBAM), avec Jean Clair
1995
Architecture de la Renaissance italienne (Palazzo Grassi, Venise et MMF,
Paris) avec Henry Millon
1994-1995
Maurice Denis, rétrospective (Lyon, Cologne, Liverpool, Amsterdam)
1993
Marseille au XIXe siècle (MMF, Paris) avec Marie-Paule Vial
1990
Vuillard, rétrospective (Lyon, Barcelone, Nantes) avec Ann Dumas
1988
Triomphe et mort du héros (Lyon, Musée des beaux-arts)
1986
A New 19th Century (Brooklyn Museum, Dallas, Museum of Art)
1984
Debussy il simbolismo (Rome, Villa Médicis)
Copyright © HEC Montréal
48
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Autres projets d'expositions à venir au MBAM
Les Années Soixante : Le Village global (septembre 2003)
Tanagra – Mythe et Archéologie, avec le Musée du Louvre (janvier 2004)
Ruhlmann, maître de l’art déco, avec le Musée des Années 1930, Boulogne-Billancourt et le
Metropolitan Museum, New York (septembre 2004)
Autres publications
La logique de l’Inaltérable, Histoire du Musée des monuments français (1993), ss. dir. GC
Vuillard (Gallimard, 1993)
Bonnard (Hazan, 1992)
Le Post-Impressionnisme (Nef, 1986)
Nombreux articles dans des revues, colloques et catalogues
Catalogue critique de l’œuvre d’Édouard Vuillard (rédaction terminée en 2002) :
Travail de recherche sur Vuillard de 1996 à 2002, dans le fonds d’archives du peintre. Le Catalogue
critique et raisonné de l’œuvre de Vuillard est édité en janvier 2003 chez Skira-Wildenstein. Il porte
sur près de 3 000 peintures et pastels (2 000 pages, 3 volumes).
Communications récentes
• Août 1998
« Vuillard manipulateur », Montréal, auditorium du Musée des beaux-arts
• Septembre 1999
« Hitchcock symboliste », Montréal, auditorium du Musée des beaux-arts
• Septembre 2000
« Tosca, 1900, l’esprit de la décadence chez Puccini », Guggenheim
Museum, New York
• Juin 2001
« Principes de muséographie au Musée des beaux-arts de Montréal »,
Auditorium du Louvre
• Mai 2002
« À propos du Portrait de Jeune homme à la cape rouge de F.X. Fabre »,
Montréal, auditorium du Musée des beaux-arts
• Octobre 2002
« Avant-garde et retour au classicisme dans la peinture française
1900-1914 », Montréal, auditorium du Musée des beaux-arts
Copyright © HEC Montréal
49
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 4
Organigramme du Musée
Conseil d'administration
Direction générale
Direction de la
conservation
Conservation
Direction des
communications
Personnel et
Relations de
travail
Éducation et
programmes
publics
Restauration
Contrôle
financier et
comptabilité
Bibliothèque
Copyright © HEC Montréal
Sécurité,
aménagement
et entretien
Achats et
services
auxiliaires
Relations
publiques
Services
techniques
Expositions
Archives
Direction de
l'administration
Billetterie
Éditions
scientifiques
Développement
et membership
Production
d'imprimés
50
Propriétés à
revenus
Informatique
Boutique et
librairie
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 5
Fréquentation annuelle
Nb visiteurs
700 000
600 000
500 000
400 000
300 000
200 000
100 000
0
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
Source : site Web du Musée (www.mbam.qc.ca)
Nb visiteurs
Amis du Musée
45 000
40 000
35 000
30 000
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
19951996
19961997
19971998
19981999
Amis du Musée
19992000
20002001
20012002
Abonnements actifs
Un « abonnement actif » peut comprendre plusieurs personnes d’une même famille,
dont le total représente le nombre d’« Amis du Musée »
Sources : Rapports annuels du Musée 1
1
Sauf pour l’année 2001-2002 : entretien téléphonique avec les « Amis du Musée ».
Copyright © HEC Montréal
51
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 6
Principales dépenses depuis 1995
10 000 000 $
9 000 000 $
8 000 000 $
7 000 000 $
6 000 000 $
5 000 000 $
4 000 000 $
3 000 000 $
2 000 000 $
1 000 000 $
0$
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2000
2001
2002
Expositions temporaires
Collection permanente
Acquisition d'œuvres d'art
5 000 000 $
4 500 000 $
4 000 000 $
3 500 000 $
3 000 000 $
2 500 000 $
2 000 000 $
1 500 000 $
1 000 000 $
500 000 $
0$
1995
1996
1997
1998
1999
Administration
Conservation
Communication
Sources : Rapports annuels du Musée
Copyright © HEC Montréal
52
2002
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 7
Principales recettes depuis 1995
10 000 000 $
9 000 000 $
8 000 000 $
7 000 000 $
6 000 000 $
5 000 000 $
4 000 000 $
3 000 000 $
2 000 000 $
1 000 000 $
0$
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Prix d'entrée et événements spéciaux
Dons d'œuvres d'art
Dons et commandites
4 000 000 $
3 500 000 $
3 000 000 $
2 500 000 $
2 000 000 $
1 500 000 $
1 000 000 $
500 000 $
0$
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Boutique et Librairie
Catalogues d'exposition
Location
Sources : Rapports annuels du Musée
Copyright © HEC Montréal
53
2001
2002
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 8
Grandes expositions depuis 1995
Exposition
Gauguin et l’école
de Pont-Aven
Beauté mobile
Paradis perdus :
l’Europe symboliste
Magritte
Astérix
Jacques Hurtubise
Date
9 février
–
9 avril 1995
11 mai
–
15 oct. 1995
8 juin
–
15 oct. 1995
27 juin
–
27 oct. 1996
17 juillet
–
16 nov. 1997
26 février
–
24 mai 1998
Production
Tournée
Visiteurs
80 952
Montréal
(P. Théberge)
184 473
Montréal
(G. Cogeval)
112 269
Montréal
163 577
Paris
Montréal/Paris
Paris
Montréal
36 477
Cosmos
L’art moderne
mexicain
4 nov. 1999
–
6 fév. 2000
Montréal
Mexico
Ottawa
Mexico
61 266
Montréal
(G. Cogeval)
Palazzo Grassi
Washington
Turin
Venise
Washington
Marseille
61 885
Triomphes du
Baroque
9 déc. 1999
–
9 avril 2000
Le temps des nabis
Monet à Giverny
Copyright © HEC Montréal
Magritte,
Fr./An.,
256 p.
84 127
18 juin
–
18 oct. 1998
20 août
–
22 nov. 1998
28 janvier
–
9 mai 1999
17 juin
–
17 oct. 1999
Alberto Giacometti
Catalogues
Jacques
Hurtubise,
Fr./An.,
128 p.
98 182
Montréal
(G. Cogeval)
Paris
Montréal
Buffalo
Phœnix
Montréal
(P. Théberge –
G. Cogeval)
Paris
54
Florence
47 199
Buffalo
Phœnix
256 738
Barcelone
Venise
90 053
Cosmos,
Fr./An.,
396 p. et
No spécial
Beaux-arts
Magazine
Triomphes du
Baroque,
Fr./An.,
623 p.
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Exposition
Date
Production
Tournée
Visiteurs
Catalogues
De Renoir à
Picasso
1er juin
–
15 oct. 2000
Paris
Montréal
327 644
Hitchcock et l’art
16 nov. 2000
–
16 av. 2001
Montréal
(G. Cogeval)
Paris
(D. Païni)
Montréal
(G. Cogeval)
Paris
Barcelone
Montréal
Budapest
Japon
Australie
Montréal
Fort Worth
Paris
Paris
Barcelone
194 740
En exclusivité
à Montréal
88 547
Montréal
Cologne
46 612
Montréal
Toronto
St-Petersbourg
Toronto
Non disponible
De Renoir à
Picasso,
Fr./An.,
279 p.
Hitchcock et
l’art,
Fr./An.,
498 p.
Picasso
érotique,
Fr./An.,
365 p.
Numéro spécial,
Connaissance
des arts, 82 p.
Richelieu
Fr./An.,
421 p.
L’invitation au
voyage,
Fr./An.,
224 p.
15 mai
–
24 août 2003
Montréal
(G. Cogeval)
Washington
Paris
Londres
Washington
Paris
Londres
Non disponible
2 oct. 2003
–
18 janvier 2004
4 février
–
23 mai 2004
Montréal
Dallas
Non disponible
Catalogue
d’exposition
Paris
(Louvre)
Montréal
Paris
Non disponible
Catalogue
d’exposition
Picasso érotique
Grands maîtres
italiens de Raphaël
à Tiepolo
Richelieu
L’invitation au
voyage
14 juin
–
16 sept. 2001
24 avril
–
4 août 2002
20 sept. 2002
–
5 janvier 2003
31 janvier
–
27 avril 2003
Édouard Vuillard
Les années 60
Tanagra
Sources : Rapports annuels, site Web et publications du Musée.
Copyright © HEC Montréal
55
100 124
Vuillard
Fr./An.,
530 p.
(Catalogue
raisonné par
Guy Cogeval,
2 220, éditions
Skira)
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 9
Nb articles
Revues de presse
250
200
150
100
50
Sources : Revues de presse du Musée
Copyright © HEC Montréal
56
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Mo
ne
tà
Gi
ve
rn
y
0
Articles de fond
Mentions - articles
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 10
Nb visiteurs
Éducation et programmes publics
70 000
60 000
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
19951996
19961997
19971998
19981999
19992000
20002001
20012002
Programmes familles
Programmes scolaires
Programmes adultes
Expositions itinérantes - CACUM
Franchir le seuil du Musée
Sources : Rapports annuels du Musée 1
1
Sauf pour l’année 2001-2002, chiffres fournis directement par le Service de l’éducation et des programmes publics.
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57
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 11
Subventions gouvernementales depuis 1995 1
Subventions de fonctionnement
5 250 000 $
Ministère de la Culture et des Communications
Conseil des arts de Montréal (CACUM)
103 965 620 $
Financement de projets d'expansion et
d'agrandissement
5 000 000 $
4 000 000 $
3 000 000 $
2 000 000 $
1 000 000 $
0$
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
Ministere de la Culture et des Communications
Sources : Rapports annuels du Musée
1
Chiffres calculés à partir du total de subventions allouées au Musée depuis 1995.
Copyright © HEC Montréal
58
2002
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Annexe 12
Les Idées lumière
SRC, 9 septembre 1999
entrevue avec Denise Bombardier
Qu’est-ce que l’art et qu’est-ce que la culture? Ce sont des questions que l’on se pose
maintenant tous les jours et en particulier parce que, lorsqu’on parle de culture, on parle
souvent d’industrie culturelle, ce qui déjà annonce un changement. Mon invité est Guy
Cogeval, le directeur du Musée des beaux-arts de Montréal. Guy Cogeval, il y a une expression très péjorative quand on dit de quelqu’un, vous n’allez pas m’envoyer au musée? Ça
veut dire, vous allez me faire disparaître…
Effectivement, le musée conserve une sorte d’auréole poussiéreuse autour de lui, peut-être surtout
en Europe. C’est moins vrai sur le continent américain parce que les musées ont toujours été très
proches du tissu social. Aussi bien au Canada qu’aux États-Unis, les musées ont toujours été
intégrés dans le système d’enseignement, il y a toujours eu énormément de groupes scolaires.
C’est dans le fond les États-Unis et le Canada qui ont inventé ce qu’on appelle les services culturels, les services pédagogiques en relation avec les universités et les écoles. En Europe, c’est
beaucoup plus récent.
Parlons donc de l’attitude des gens face au musée. On revient à cette question que c’était
quelque chose de dépassé. Par les choix que font les musées, notamment par le choix des
expositions, on voit bien que les musées se sont aussi mis à l’heure médiatique et du grand
public. Il y a là tout un débat entre la culture de masse et la culture tout court, telle qu’on la
définissait.
Je ne crois pas tellement que les musées soient menacés en ce moment. À l’orée de l’an 2000, je
crois qu’il y a d’autres institutions qui sont plus menacées d’être désertés par le public : les
églises par exemple, et peut-être le cinéma. Le cinéma lui-même tel qu’il était vu, perçu par le
grand public dans les années 1930 où tout le monde allait au cinéma, on y allait en famille.
C’était vraiment le réservoir d’images le plus extraordinaire. Maintenant il faut pousser les gens
pour aller au cinéma parce qu’il y a la vidéo, il y a la télévision, il y a les images de synthèse, il y
a Internet…
Et on ne peut pas amener un musée à la maison.
On ne peut pas amener le musée à la maison. Et je crois qu’il est normal dans la vie d’un citoyen
de n’importe quelle ville, quelle que soit sa classe sociale, d’aller au musée au moins une fois par
an.
Cependant il y a des gens qui amènent les musées dans les restaurants. Ce phénomène est
nouveau à Las Vegas par exemple. Ce milliardaire qui possède un restaurant et qui a décidé
d’y mettre des Picasso, des toiles de maîtres, c’est un nouveau phénomène.
Copyright © HEC Montréal
59
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Ce n’est pas un nouveau phénomène. A l’époque de Toulouse-Lautrec, de Vuillard et de Bonnard
dans les années 1890, il y avait des tableaux dans les restaurants parce que ces artistes vendaient
à des restaurateurs. Le propriétaire du restaurant la Kronenhalle à Zurich possède une collection
énorme de Miro et de Picasso qui a commencé à être vendue en Suisse. La Colombe d’Or à StPaul-de-Vence est remplie de Picasso. Ce sont des originaux, pas des lithographies.
Tant mieux pour ceux qui peuvent se payer le restaurant!
J’aimerais bien avoir ces tableaux au Musée des beaux-arts!
Ça coûte moins cher d’aller au musée…
En plus on a un bon restaurant au Musée des beaux-arts! Mais ça vaut doublement le voyage
d’aller soit à Zurich, soit à St-Paul…
Dans ce contexte où les gens ont l’impression d’avoir tout vu et de pouvoir tout voir à
travers la télévision, comment fait-on finalement pour convaincre les gens d’aller au
musée?
C’est très difficile. Heureusement, j’ai une expérience d’enseignant. J’ai enseigné pendant douze
ans l’histoire de l’art à l’École du Louvre, au niveau universitaire. Et chaque année j’ai des générations d’étudiants qui sont de plus en plus réticents à aller voir l’œuvre originale. Pourtant on a
cette chance à l’École du Louvre de pouvoir disposer des salles du Musée les jours de fermeture.
Le Musée est donc extraordinaire, parce que vous n’êtes pas dérangés par les groupes, le bruit et
on peut se concentrer sur les œuvres. Les premières générations, il y a douze ans, étaient
complètement convaincues tout de suite, il n’y avait pas de saut de génération entre elles et moi.
Ces deux dernières années, il y avait vraiment un fossé considérable entre les étudiants et moi, et
ce n’est qu’au bout d’une accoutumance d’une année et demi d’études en histoire de l’art que
certains d’entre eux venaient me dire qu’ils étaient conquis par l’œuvre originale. Mais au début
ils étaient déçus parce que l’image sur un écran, dans un livre ou la diapositive est beaucoup plus
intéressante.
Qu’on ne soit plus convaincu de l’importance de voir un original, n’est-ce pas aussi à cause
du contexte de confusion entre la réalité et la fiction, entre un original et une très bonne
copie? Parce que voir un original c’est quand même autre chose! On est dans un rapport
émotionnel avec l’œuvre, il me semble.
Les deux discours se croisent. Celui de l’image virtuelle est très récent, et commence à limiter le
rapport que nous avons avec l’œuvre d’art réelle. Mais il y a quelque chose qui vient de plus loin.
Depuis vingt ou vingt-cinq ans, la culture humaniste a beaucoup régressé dans l’ensemble du
monde occidental. À cette époque, quand on allait à l’école on apprenait la littérature et un
certain nombre de données sur l’art, que vous soyez médecin, que vous vous destiniez à être
banquier, assureur, ou à faire des études d’ingénieur. Vous aviez un substrat culturel qui était
commun à tout le monde. Aujourd’hui, l’art et la littérature font partie d’un cursus. Lors de mes
derniers cours à l’École du Louvre, j’avais devant moi des étudiants qui attendaient le moment où
ils pouvaient noter quelque chose qui leur serait utile pour l’examen! Il n’y a plus ce critère de
délectation, de se laisser prendre par l’émotion de l’œuvre. Bien entendu, il y a aussi la technique,
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60
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
l’histoire, la connaissance érudite de l’œuvre qui sont importantes mais malgré tout, si on fait ce
métier, c’est aussi pour se laisser prendre par l’émotion!
Mais si on est dans une démarche d’abord utilitaire, il n’y a plus d’art!
Non, je suis bien d’accord. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes font la filière « Arts » pour être chez
Sotheby’s ou chez Christie’s, savoir combien ça vaut, combien ça peut se négocier, et c’est très
grave.
Donc même ceux qui s’intéressent à l’art sont dans une démarche de perversion, c’est-àdire au sens littéral de détournement de l’objectif.
Bien entendu. Parce qu’on est dans un changement majeur de civilisation, il faut quand même
s’en rendre compte! Et au centre de ce changement de civilisation, il n’y a pas la représentation
du système politique comme on l’a cru pendant longtemps, l’opposition entre capitalisme et
communisme, etc. mais il y a vraiment la destination de l’image. Je suis très idéologique de ce
point de vue là. Je pense que l’instrumentalisation de l’image est devenue centrale et que maintenant les œuvres d’art sont prises comme des images comme les autres. Et que dans le fond, vous
avez une régression de la vie en commun entre les citoyens. Moi j’ai connu une époque où on se
parlait sur les plates-formes d’autobus à Paris, les gens discutaient dans la rue, se disputaient… Je
suis italien d’origine donc c’est vrai que j’ai l’habitude de la discussion dans la rue… Mais tout
ça régresse complètement : les gens parlent par Internet, se balancent des généralités de
communication… En fait, ce n’est plus la culture qui passe, c’est de l’information.
Dans cette perspective, l’artiste est un fabricant. C’est l’instrument d’un produit qu’on
achètera ou pas.
Exactement.
Donc il y a une dévalorisation de cet élan mystérieux, mais formidable qu’est l’élan
créateur.
Exactement. D’où une protestation assez grande des jeunes créateurs par rapport à cette situation,
d’où une manière de prendre en charge justement toutes les techniques de communication
nouvelles, de les détourner, de les pervertir pour s’en moquer. Mais s’en moquer, ce n’est plus
suffisant je crois.
À s’en moquer systématiquement, ces jeunes créateurs peuvent y perdre leur âme.
Exactement, on rentre dans le système.
Tout ça, c’est un peu déprimant!
Je suis bien d’accord avec vous, c’est assez déprimant! Je constate ce qui se passe, mais en même
temps on n’est jamais rentré de manière définitive dans des types d’aliénations, il y a toujours le
contrepoison de ce genre de chose. J’ai beaucoup de confiance en la nature humaine.
Copyright © HEC Montréal
61
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Qu’est-ce que les gens perdent de plus précieux avec cette espèce de dérive?
Pour faire une analyse relativement rapide, on a le sentiment qu’aujourd’hui les cultures se
ressemblent, que les continents se rapprochent parce que dans le fond, il y a des phénomènes de
consommation commune. C’est le cas en Europe par exemple. Beaucoup de gens protestent
contre ça, moi je suis pour l’intégration européenne, je ne suis pas un nationaliste pur et dur. Mais
c’est vrai qu’il y a une sorte de banalisation. Les habitudes de consommation à Madrid,
commencent à ressembler à celles de Berlin, etc. Et à côté de ça, ce n’est pas vrai parce qu’à
Madrid on continue à dîner trois heures plus tard qu’à Amsterdam; on continue à utiliser l’huile
au sud de l’Europe, et le beurre au Nord… Il y a donc des habitudes culturelles qui sont quand
même très fortement ancrées. Je crois que ce qui fait la grande différence entre les civilisations,
c’est le rapport avec l’œuvre d’art originale. Dans le fond, le Welfare State, la manière dont on
voit le chômage sont des choses extrêmement importantes. Ce qui fait une immense différence
entre une culture et une autre, c’est sa manière de concevoir la création, comment elle met l’art au
centre de ses préoccupations et ce qui reste après le temps. Parce que dans le fond, il ne restera
plus grand chose des lois économiques dans trois cents ans. Par contre, il restera Guernica de
Picasso, certains films de Eisenstein, de Hitchcock et de Fellini, et c’est de ça dont on parlera, pas
du reste!
Vous avez déjà déclaré que vous n’étiez pas à la mode. Vous définissez-vous comme un
homme de la modernité?
Oui, complètement.
Alors si vous êtes moderne, vous ne pouvez pas être à la mode.
Je ne rentre pas dans un certain discours soit pédagogiste, soit d’acceptation systématique de
toutes les différences, de tous les courants, etc. Il y a quand même une certaine universalité de
l’être humain. Il y a aussi une définition classique de la beauté, qui a guidé une grande partie des
créateurs de ce siècle, ceux d’avant-garde en particulier. Le relativisme m’inquiète.
Avec le relativisme, on n’accepte plus de dire qu’une chose est belle ou qu’une chose n’est
pas belle. On dit : tous les goûts sont dans la nature.
C’est ça. Le plus grave et le plus pernicieux étant de dire que dans le fond, tous les systèmes
politiques s’expliquent par les conditions du moment. Donc les dictatures, les massacres, les
femmes voilées, etc., ce serait normal. Non. La liberté est indivisible, comme le respect de l’être
humain.
Ce que craint le grand public, qui n’est pas un public initié quand il s’agit de peinture par
exemple, c’est d’être victime d’imposture.
Surtout en art contemporain. Le pire c’est qu’il y a des impostures, mais elles ne passent pas
vraiment le cap du marché. Il y a une dizaine d’années, un certain nombre de jeunes artistes ont
présenté des œuvres hyperréalistes. On voyait des accidents de voitures avec des morceaux de
cadavres qui sortaient de voitures, etc. On trouvait ça très littéral, ça marche un ou deux ans et
puis on oublie complètement les noms. Un artiste comme Périn par exemple, un jeune Français, a
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62
Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
eu son heure de gloire il y a dix ans et déjà il y a huit ans, on n’en parlait plus; aujourd’hui, plus
personne ne s’en souvient! Il y avait eu une espèce de flambée, puis c’est retombé immédiatement. C’est vrai que, en art contemporain, il y a des choses qui tiennent la rampe et puis il y en a
qui ne la tiennent pas du tout.
Pour savoir si une chose va survivre, autrement dit si elle a son éternité, elle doit passer à
travers le temps, et le temps, ce n'est pas deux décennies.
C’est très facile de répondre, il faut laisser le temps faire, rendez-vous dans trente ans, etc. Par
exemple, les artistes qui ont été présentés à la Biennale de Venise cette année, lesquels seront
toujours là, et lesquels n’y seront pas? Vous avez quand même, au bout d’un certain temps, une
impression par rapport à ce que vous voyez. Vous voyez les œuvres qui jouent sur la rouerie, sur
une habilité de la minute, qui s’adressent à un certain public, nouveau riche par exemple, qui
décide d’acheter tout de suite, « tiens, ça ferait bien dans mon salon, ça serait superbe ». Et puis
des artistes qui, systématiquement, répètent un peu les mêmes choses, faisant évoluer les formes.
Dans le fond, je pense qu’un grand artiste répète toujours la même œuvre. C’est ce qu’on disait
de Bruckner : il compose toujours la même symphonie, mais vers quelle ascèse, vers quelle
épure, progressivement! Ou Vivaldi faisant huit cents fois le même concerto. Mais quand on a un
peu d’oreille, on se rend compte que ce n’est pas le même concerto de bout en bout. Et je crois
que les grands artistes, à partir du moment où ils ont trouvé leur style, finissent toujours par asséner le même mode. Ils disent : « Voilà ma manière de voir le monde. »
Mais vous qui ne vibrez que par l’art et qui n’avez de perception de la vie qu’à travers
l’art, votre vision du monde est une vision esthétique, non?
Je n’ai pas une vision esthétique du monde, j’en ai une vision idéologique très marquée. Mais je
crois que l’art en est l’expression majeure, c’est différent. L’art est l’expression supérieure de la
vérité d’une société à un moment donné. Mais aujourd’hui, l’art a une définition beaucoup plus
polymorphe qu’il y a deux ou trois siècles. Il passe aussi par le cinéma, la vidéo, les installations,
la publicité d’une certaine manière, etc. Il y a des formes qu’on considérait inférieures, il y a
trente ou quarante ans, qui aujourd’hui sont de l’art à part entière. Les voitures, par exemple.
Donc une belle exposition d’automobiles dans un musée, pour vous, ça va.
Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, mais je trouve ça très bien!
Est-ce que vous n’avez pas le sentiment d’être soumis à la tyrannie du pouvoir économique,
à chaque fois vous avez à prendre des décisions? Vous ne pouvez pas faire des expositions
où vous ne tenez pas compte de l’intérêt du public, et vous réalisez des études sur ce
dernier. Donc vous faites exactement ce que font les gens qui vendent des produits.
J’essaie de faire une synthèse de toutes ces contraintes sans jamais être médiocre, à tous les
niveaux. Je tiens beaucoup compte du coût d’une exposition, je suis très économe de ce que peut
dépenser le Musée. Mais par ailleurs, j’essaie de faire des projets d’expositions dont je sois fier,
qui apportent quelque chose à l’histoire de l’art, à la connaissance du public. C’est certain que
j’ai plus de plaisir à faire une exposition sur les Triomphes du Baroque, parce que c’est une
exposition complexe avec de beaux objets et complètement inédite, plutôt que faire la même
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
exposition impressionniste vingt fois parce que je suis sûr que le public viendra. Il faut faire un
peu des deux.
Est-ce qu’on peut apprécier une exposition si on n’a pas de culture, si on n’a pas
d’instruments pour décoder ce que l’on voit?
Oui, parce qu’il y a toujours des périodes de l’art qui vous touchent directement. Le minimum,
c’est de savoir laisser venir à soi une ou deux œuvres d’art dans une exposition. Je crois que
quand on visite un musée, on ne voit pas plus que trois ou quatre œuvres. Si on les voit, on les
garde en soi. Et puis vous avez un phénomène que je n’arrive pas parfaitement à élucider mais je
sais qu’il existe, c’est que vous avez une vie clandestine des objets en vous. Vous passez à toute
vitesse, vous regardez quatre, cinq, six, sept, huit tableaux, et il y en a un dont vous dites, « oui
bon, c’est pas terrible »; et trois ans après, vous l’adorez. Vous ne l’avez pas revu, vous n’en avez
pas revu l’image mais sa mémoire s’impose en vous. Votre culture est arrivée au niveau où cette
œuvre peut rentrer à l’intérieur du parc des œuvres qui vous intéressent et qui vous touchent.
Est-ce que le fait qu’on parle « d’industries culturelles » ne dit pas tout sur notre approche
de l’art?
C’est très grave aujourd’hui de parler « d’industries culturelles ». Certains milieux politiques, ici
au Canada comme en Europe, défendent l’art et défendent la présence de l’art un petit peu
comme si c’était le parent pauvre, le cousin de province qu’on laisse à la cuisine, en disant que ça
peut être rentable, qu’on peut en faire une industrie. Mais je crois que c’est extrêmement difficile,
parce que « industrie » veut dire répétition systématique des formes. Il y a un art sériel qui passe
dans ce genre de définitions, il y a eu des époques où on répétait les mêmes décors. Au XVIe
siècle par exemple, vous avez des artistes qui n’étaient pas des grands artistes mais à qui on
demandait de faire des plafonds. Ils faisaient à peu près toujours la même chose. Je dis bien, à
peu près. C’est jamais la même chose, de proche en proche. Aujourd’hui l’idée « d’industrie
culturelle » suppose qu’on aille vers le public et qu’on fasse exactement ce que le public a envie
de voir. Or, c’est une donnée humaine, on aime bien voir ce qu’on connaît déjà. Donc le cercle
est vicieux parce qu’on finit par revoir toujours les mêmes choses. Le rôle des musées, des
cinéastes, des metteurs en scène de théâtre c’est donc de proposer toujours des choses nouvelles.
Ça devient très difficile.
Guy Cogeval, avec cette description que vous nous avez faite de la place de l’art et de la
place de la culture, quelle est maintenant votre espérance?
Je ne suis pas quelqu’un de très optimiste de nature. Donc, mon espérance, c’est de faire en sorte
qu’on arrive à susciter chez les jeunes l’envie de continuer à croire dans une certaine forme
d’humanisme, de beauté de l’art, etc. Politiquement, je crois que le modèle qui va s’imposer
partout, c’est la destruction des États et la communication entre les tribus. On se reconnaîtra par
tribu. Tribu de langage, tribu d’âge, etc. Vous avez des villes entières aux États-unis avec des
personnes de plus de soixante-dix ans qui vivent ensemble, protégées par des gens avec des
mitrailleuses. Ce sont des tribus. Vous avez les tribus religieuses, vous avez les tribus sexuelles
qui sont de plus en plus reconnues maintenant aux États-unis. La liberté sexuelle, c’est une chose,
mais la ghettoïsation, c’est autre chose. Pour un Français, c’est la chose la plus grave, c’est la fin
de la République, c’est la fin de l’égalité.
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Mais ce tribalisme, c’est le contraire de l’objectif de l’art. L’art tend à l’universel.
Absolument. Cela dit, des tribus dans l’Antiquité ont réussi à faire Lascaux. Tout espoir n’est pas
perdu! Mais ce système de déplacement de l’information entre tribus est la chose la plus
dangereuse, la plus pernicieuse qui soit.
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Annexe 13
Revue de presse (extraits d'articles)
Le Devoir
15 septembre 1998
par Stéphane Baillargeon
Les machines à exposer
[…]
« L'industrie internationale des méga-événements estivaux – des blockbusters dans le jargon – a
été développée au cours des deux dernières décennies. Les grands musées du monde luttent
maintenant férocement pour arracher les expositions les plus susceptibles de transformer les
tourniquets en ventilateurs. Les établissements étrangers, aux riches collections, ont d'ailleurs
l'embarras du choix des « clients », de Londres à Berlin, de Phœnix à Boston, particulièrement
s'ils offrent des œuvres du siècle d'or français (1850-1950). Avec la période impressionniste, on
frise le délire. Accrochez quelques dizaines de Monet – comme le fera l'an prochain le Musée des
beaux-arts de Montréal – et c'est le succès assuré.
La solvabilité n'est pas le seul critère de négociation dans ce marché favorable aux «vendeurs».
Souvent, les expos ne vont même pas au plus offrant et une règle informelle du milieu interdit
d'enchérir. Rodin à Québec a coûté un maigre petit million, le budget consacré annuellement par
le MQ à ses expositions et acquisitions, mais que des dizaines d'autres institutions dans le monde
auraient allégrement déboursé, par les profits alléchées. Les retombées pour la région de la capitale sont déjà estimées à 30 millions de dollars.
Pour trouver sa niche dans cette jungle, il faut d'abord et avant tout miser sur sa réputation de
« joueur » de qualité, sur sa capacité de monter une exposition respectant les plus hauts critères,
disons pratiques et intellectuels. Les liens personnels peuvent même devenir déterminants.
L'exposition Picasso, que dix et vingt établissements reluquaient, s'est retrouvée à Ottawa cet été
parce que le directeur du MOMA, Glen Lowry, est un ancien du MBAC. À Québec, John Porter
a convaincu le Musée Rodin de prêter ses bronzes en faisant miroiter un travail muséologique
mettant en lumière la diffusion de l'œuvre du maître au Canada – ce qui a notamment été réalisé
avec l'ajout de l'exposition parallèle consacrée à Alfred Laliberté, le plus rodinien des sculpteurs
québécois. Et si le Musée des beaux-arts de Montréal est maintenant dirigé par Guy Cogeval,
c'est entre autres parce que ce muséologue français va pouvoir faire jouer ses nombreux contacts
internationaux pour attirer ici de prestigieuses expositions, dans la foulée de la tradition établie
par son prédécesseur, Pierre Théberge, lui-même parti reproduire le modèle au MBAC.
On n'en sort pas. Les compressions budgétaires vont même sûrement multiplier le recours aux
profitables blockbusters dans les prochaines années. Mais pendant ce temps, les collections ne
s'enrichissent pas dans les musées transformés en machines à exposer. Les belles expositions,
s'arrêtent et puis s'en vont en laissant des statistiques et de beaux souvenirs. Comme les Expos,
peut-être, bientôt... »
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Guy Cogeval et le Musée des beaux-arts de Montréal (2004)
Le Devoir
6 février 1999
par Odile Tremblay
Des crapauds sur les nymphéas
[…]
« Ceux qui n'ont pas compris fin seuls qu'il y avait quelque chose de pourri au royaume Monet du
MBA n'ont qu'à lire les commentaires du directeur du musée, Guy Cogeval, qui leur expliquera
tout ça. Arrivé de France en juin dernier, celui-ci a hérité de l'expo clés en main de son prédécesseur, Pierre Théberge, et gémit d'être pris avec elle. À mots de moins en moins couverts, il s'en
dissocie, y va de déclarations, tantôt à L'actualité, tantôt au Globe and Mail. M. Cogeval avoue
ne pas priser Monet et se soumettrait à cette expo fatidique carrément à contrecœur s'il n'y voyait
pas l'occasion d'amasser des fonds pour les projets qui l'intéressent. Au journaliste du Globe, il
déclarait même la semaine dernière qu'une étude de Nymphéas exécutée en 1907 était simplement
immontrable. Or elle est de l'expo, cette étude. D'où le malaise.
Nul n'accusera Guy Cogeval d'avoir la langue de bois, mais tout ça fait grincer des dents. À cause
du cynisme exprimé, à cause surtout du bon public berné par un comité du tiroir-caisse qui a
emballé son petit objet dans une grosse boîte pour mieux se remplir les poches.
Le directeur du Musée des beaux-arts crache dans une soupe qu'il n'a pas cuisinée, on le suit
jusque-là. N'empêche qu'il a pris le train avec tout le monde pour gonfler en baloune un événement modeste. Il aurait pu recommander un peu de retenue dans la pub, dans le délire des
vitrines, et, trouvant quelque indécence à une débauche de festivités fleuries, y mettre les freins,
modifier le message, prévenir le public qu'il y a Monet et Monet, œuvres commerciales et études
pointues ici exposées en fort petit nombre. Mais l'offensive promotionnelle a suivi son long
cours. La bonne nouvelle, c'est qu'avec de telles déclarations-chocs, Guy Cogeval ne s'enligne
pas pour enfiler les souliers de son prédécesseur. Mais une fâcheuse impression se dégage de
l'affaire, celle selon laquelle, enthousiaste ou rétive, l'équipe passée et présente du Musée des
beaux-arts n'a eu qu'un seul but : faire la piastre sur le dos des visiteurs avec ce Monet. Des
odeurs nauséabondes émanent décidément de l'étang de Giverny, les crapauds coassent et il y a
des réputations qui se perdent pour moins que ça. »
Voir
6 janvier 2000
par Nicolas Mavrikakis
Triomphes du Baroque, au pays des géants
[…]
« Après quelques expositions décevantes (Duane Michals, René Derouin, Monet à Giverny,
Goodridge Roberts), le Musée des beaux-arts de Montréal a réajusté le tir depuis quelques mois
avec de très importants événements (en particulier Cosmos et Moi et ma circonstance, sur l'art
mexicain contemporain). Depuis la fin décembre, avec Triomphes du Baroque : l'architecture en
Europe, 1600-1750, le Musée poursuit sa série de bons coups qui procurent à la fois des plaisirs
intellectuels et esthétiques. » […]
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Voir
23 novembre 2000
par Nicolas Mavrikakis
Hitchcock et l'art, La loi du désir
[…]
« La visite à laquelle le MBAM nous convie est un parcours de plus de 150 ans d'images fantasmatiques. Voilà une expo de grande envergure comme on voudrait en voir plus souvent. Elle
plaira autant au grand public qu'aux spécialistes. La preuve est faite que les musées peuvent
monter de grands événements sans que cela soit au détriment de la qualité visuelle et intellectuelle. Et sans avoir à présenter pour la énième fois les impressionnistes ou Snoopy... »
La Presse
21 juin 2001
par Louis-Bernard Robitaille
Hitchcock débarque à Beaubourg, Une première pour le MBA
[…]
« Jour de gloire pour Power Corporation, mais aussi et surtout pour le Musée des beaux-arts de
Montréal et son directeur Guy Cogeval, en place depuis 1998. Sauf cas d'espèce, c'est la première
fois dans l'histoire connue qu'une exposition thématique, entièrement conçue et produite à
Montréal, débarque en grandes pompes à Paris. Et pas n'importe où : avec ses qualités et ses
défauts, Beaubourg demeure le nec plus ultra de l'art moderne en France, et l'un des lieux les plus
prestigieux en Europe.
L'opération est d'autant plus remarquable que la couverture médiatique est d'ores et déjà époustouflante, comme cela se voit une ou deux fois dans l'année à Paris dans les arts plastiques – par
exemple pour le Picasso érotique, que l'on peut voir ces jours-ci à Montréal, et qui avait été l'un
des grands événements de la saison dernière à Paris.
Bien sûr, Hitchcock est une célébrité en Europe, particulièrement vénérée en France – encore
fallait-il que l'exposition soit digne de ce nom. Or, celle qui a été conçue par Cogeval et son
complice Dominique Païni de la Cinémathèque française est littéralement portée aux nues par
l'ensemble de la presse, qui y voit une grande première. "Audacieuse et ambitieuse", écrit BeauxArts (qui lui consacre sa couverture de juin), l'entreprise actuelle diffère totalement de ce qui s'est
fait auparavant : "des rapprochements peinture-cinéma au profit de la première" ou des expositions d'objets et décor "relevant de la brocante ou du parc d'attractions". "L'audace ici vient
d'avoir osé "accrocher" du cinéma, et du choix du cinéaste. À voir le résultat, on se demande
pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt."
On ne va pas passer la volumineuse presse en revue. Mais l'événement fait deux pages dans
L'Express, deux dans Le Nouvel Observateur; le populaire France-Soir lui consacre une pleine
page et l'intraitable Libération écrit : "Est-ce la meilleure exposition de l'année? En tout cas l'une
des plus ludiques et des plus jouissives, excitante à l'extrême..." Quant au Monde, il parle d'un
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"pari gagné" et vante "la réussite de ce projet : au lieu d'un mariage arrangé, la célébration d'une
union libre qui engendre de multiples possibilités". N'en jetez plus, la cour est pleine! Et même le
service de presse de Beaubourg n'avait pas vu ça depuis un bon moment.
Vu le mythe Hitchcock, la partie semblait gagnée d'avance. Encore fallait-il ne pas tomber dans le
kitsch et le racoleur. Mais le plus étonnant, c'est que Guy Cogeval – alors à la tête des Musées
nationaux – avait dès 1994 ce projet dans ses cartons, en association avec Dominique Païni.
"Or, ce projet d'expo, nous dit-il, personne n'en voulait à Paris! On voulait la faire au Grand
Palais ou à Chaillot, mais ça n'intéressait personne. Pour quelle raison? Eh bien tout simplement
parce que le milieu artistique méprise profondément le cinéma, qui n'est pas un art noble. Les
conservateurs, lorsqu'ils pensent expo, pensent à faire un Chardin, du De la Tour et, bien sûr, les
impressionnistes... C'est pourquoi ma première idée fixe, en m'installant à Montréal, a été de
monter cette expo. Et, le jour même du vernissage au MBA, le directeur de Beaubourg était
acheteur!"
Le budget de l'expo à Montréal était d'environ deux millions de dollars canadiens : une somme
importante, mais tout de même raisonnable en comparaison (selon Cogeval) des cinq millions de
l'expo sur les Années vingt qui s'était tenue il y a sept ou huit ans. "Ce sont des dimensions
budgétaires qui permettent de vendre à l'étranger, dit encore Cogeval. Pour Beaubourg, cela
représentait au final une dépense d'environ un million de dollars." Avec, pour les Français, la
possibilité d'adapter le produit : "Ils préféraient en avoir une version courte, environ les deux tiers
de la version montréalaise, qui était peut-être un peu longue. Et le patron de Beaubourg a décidé
de supprimer le volet Hitchcock et le catholicisme..."
Le bruit a couru récemment qu'on offrait le prestigieux Musée d'Orsay à Guy Cogeval pour la
rentrée de septembre. "Oui, il y avait un consensus autour de mon nom, répond celui-ci en toute
simplicité. Mais c'est hors de question : c'est trop mal payé!" C'est dit en forme de boutade, mais
il est vrai que les directions des grands musées ont souvent été attribuées à des personnalités qui
avaient tellement d'argent personnel que le salaire leur était indifférent.
L'autre raison est la suivante : "En France, tous les musées ont des spécialisations assez étroites.
À Montréal, nous vivons essentiellement du mécénat – 72 millions pour la dernière souscription!
– et au MBA, j'ai une liberté incroyable pour toucher à tous les sujets et monter des expositions
originales." En tout cas, celle-ci était assez originale pour être plébiscitée au plus haut niveau à
Paris.
Et s'il y avait là une véritable stratégie culturelle »
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Annexe 14
La Presse
17 juillet 2003
par Stéphanie Bérubé
Le Musée des beaux-arts a de grands projets
Le MUSÉE des beaux-arts de Montréal voit grand : l'institution de la rue Sherbrooke Ouest a
d'impressionnants plans d'expansion qui prévoient l'occupation de tout le quadrilatère compris
entre les rues Bishop, Sherbrooke, Crescent et le boulevard de Maisonneuve. Le projet est évalué
à 134 millions de dollars.
"Nous voulons ajouter un stationnement de 500 places et un quatrième étage qui pourrait être
loué, par exemple à des ordres professionnels", indique le président du conseil d'administration
du Musée, l'homme d'affaires et amateur d'art Bernard Lamarre. Selon le fondateur de Lavalin, en
ajoutant des locaux à louer, le Musée pourra augmenter considérablement sa superficie sans pour
autant accroître ses frais de fonctionnement.
L'ambitieux projet prévoit aussi l'acquisition des propriétés voisines qui se trouvent dans les rues
Bishop et Crescent. Le Musée possède déjà huit petites maisons victoriennes rue Crescent, mais
souhaiterait mettre la main sur toutes les propriétés qui se trouvent dans le quadrilatère visé.
"Nous ne voulons pas occuper ces espaces", précise Bernard Lamarre.
L'institution souhaite seulement devenir propriétaire de ces immeubles pour s'assurer que les
travaux de rénovation ne gênent pas les marchands qui y logent. Et que les actuels propriétaires
ne s'opposent pas aux grands projets de leur imposant voisin. Mais, insiste M. Lamarre, il n'est
absolument pas question d'envahir la rue Crescent qui conserverait sa vocation marchande.
Pour la rue Bishop et le boulevard de Maisonneuve, les projets sont moins définis, étant donné
que les édifices qui s'y trouvent n'ont pas la même valeur patrimoniale.
Le Musée des beaux-arts prévoit-il ajouter des salles d'exposition dans ses plans d'agrandissement? "Nous voulons surtout ajouter des espaces d'entreposage", indique la directrice des
communications du MBAM, Wanda Palma, qui note toutefois qu'actuellement, seulement 6,3 %
des œuvres que possède le Musée sont exposées, faute d'espace. On souhaiterait porter à 10 % la
part de la collection permanente présentée au grand public. Si des travaux de rénovation sont faits
rue Bishop, on pourrait y aménager de grands espaces pour exposer de l'art contemporain et des
œuvres monumentales.
Le projet d'agrandissement comprend aussi l'achat de l'église Erskine and American, située à
l'angle des rues Sherbrooke et du Musée. Ce projet est dans l'air depuis plus d'un an déjà, mais ne
s'est toujours pas concrétisé. Le MBAM voudrait transformer le lieu de culte en un musée des
arts religieux qui serait dédié aux objets sacrés, toutes confessions confondues.
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Au début des pourparlers entre la direction du MBAM et les propriétaires de l'église, l'Église
unie, les négociations accrochaient sur un point : les membres de l'Église voulaient conserver le
droit de célébrer la messe du dimanche, même si leur église était intégrée dans un musée. Les
fidèles ont finalement accepté de laisser partir leur église, mais le Musée n'a toujours pas obtenu
l'aval des gouvernements pour cet achat.
À la direction du MBAM, on était très prudent cette semaine en parlant des plans d'agrandissement, affirmant que le projet est encore à une étape "embryonnaire" et que les gouvernements
n'ont toujours pas été pressentis pour l'obtention de subventions. Le président du conseil d'administration de l'institution était autrement plus affirmatif hier, annonçant que des demandes d'aide
publique se trouvent déjà sur les bureaux des fonctionnaires à Ottawa, Québec et Montréal.
L'agrandissement sera financé à 100 % par les trois ordres de gouvernement, soutient Bernard
Lamarre, qui est très au fait des coupes annoncées par le gouvernement Charest. La nouvelle
ministre de la Culture et des Communications, Line Beauchamp, procède actuellement à une
révision de tous les projets d'infrastructures culturelles qui se trouvent sur son bureau.
M. Lamarre est néanmoins optimiste, lui qui était aussi à la tête du conseil d'administration au
moment de la collecte de fonds qui avait servi à l'érection du pavillon Jean-Noël-Desmarais,
l'édifice blanc qui se trouve au sud de la rue Sherbrooke. Ce pavillon a été inauguré en 1991
et a permis au Musée des beaux-arts de Montréal de faire passer sa superficie de 16 000 à
40 000 pieds carrés.
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