Retombées é
économiques
et sociales
Négocier le pa
partage
de la valeur
FINANCER LE
DÉVELOPPEMENT
DE PROJETS
D’ÉNERGIE
RENOUVELABLE
D’INTÉRÊT
TERRITORIAL
Co
Co-développ
Co-développement
Ca
Capitaliser
le savoirfaire et l’expertise
Démarche entrepreneu
entrepreneuriale
Prise en compte du risque
Dispositif
f d’amorçage
Avances remboursables
avec le
soutien de :
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
2
CLER, Réseau pour la transition énergétique
Mundo-M, 47 avenue Pasteur
93100 MONTREUIL
www.cler.org / www.tepos.fr
Ce travail a bénéficié du soutien de la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le
cadre de la convention de partenariat (A.63493, C.67184) pour le programme d’actions
2015 du réseau Territoires à énergie positive.
Le contenu de ce rapport ne représente pas nécessairement l’opinion de la Caisse des
Dépôts et Consignations.
Photos de couverture (de haut en bas) :
Centrales Villageoises de la région de Condrieu - école, Les Haies © Centrales Villageoises
Parc d’Arfons © Valorem
Toiture photovoltaïque sur la ferme de Reilhac © Fermes de Figeac
Animation Eolienne des enfants - site éolien de Chagny © Energie Partagée
Conception graphique : Esther Bailleul
R
ÉSUMÉ
Les territoires sont en première ligne de la transition énergétique. Chaque année, ils dépensent
des dizaines ou centaines de millions d’euros pour
l’énergie, dont l’essentiel sort aujourd’hui du territoire et est littéralement consumé. Parallèlement,
d’importantes ressources renouvelables sont présentes dans tous les territoires, et peuvent y être
valorisées. Tout projet d’énergie renouvelable
bénéficie, de façon variable, au territoire sur lequel
il est implanté : plus forte est la participation des
acteurs locaux aux différents maillons de la chaine
de valeur du projet (et notamment en capital), plus
importantes sont les retombées économiques et
sociales.
La concrétisation des projets énergétiques d’intérêt
territorial relève d’une triple complexité technique,
juridique et financière. Nous qualifions « d’intérêt
territorial », de manière qualitative, un projet pour
lequel le territoire « y trouve son compte », à l’issue d’une négociation équilibrée qu’il a vocation
à mener avec les acteurs extraterritoriaux. Dans
cette relation, les compétences humaines (l’« intelligence ») du territoire sont la clef pour s’assurer
qu’une part significative des retombées, issues
d’investissements productifs et d’activités nouvelles, lui bénéficiera.
Ce rapport réaffirme le lien entre le projet d’un
territoire (au sens de la stratégie qu’il poursuit de
manière autonome) et les projets d’énergies renouvelables qui peuvent et doivent s’y développer. Il
se focalise essentiellement sur les grands projets
de production d’électricité (notamment éolien
et solaire). En effet, pour ceux-ci l’ancrage territorial s’impose de manière moins évidente que
pour la production de chaleur ou de gaz (réseaux
de chaleur nécessairement locaux, approvisionnement logique en ressources proches pour la
biomasse), et les projets « déterritorialisés » sont
encore aujourd’hui majoritaires. Il repositionne
la question de la participation des acteurs locaux
dans une analyse multi-niveaux et multi-acteurs,
où chacun doit trouver une place gagnante. Ce
faisant, il ouvre le champ à un ensemble d’approches permettant une adaptation raisonnée des
projets aux contextes locaux dans lesquels ils s’inscrivent. Il promeut la coordination, la transparence
et la négociation comme éléments clefs pour la
construction de projets d’intérêt territorial.
La question du financement du développement
des projets revêt une importance particulière à
cet égard. Ce rapport décrit et illustre différentes
approches de financement de cette phase délicate
du développement, où le risque est le plus élevé,
faisant écho à la diversité des initiatives concrètes
qui ont émergé ces dernières années. Il approfondit deux déterminants relatifs à la sécurisation et
la facilitation du développement, tout en considérant conjointement la volonté d’optimiser à terme
la répartition des risques, des bénéfices et de la
valeur générée par un projet. Enfin, il évoque différents dispositifs d’accompagnement pour le financement du développement des projets d’énergies
renouvelables d’intérêt territorial. En la matière,
l’essentiel reste à construire.
Pour conclure, dans un souci de mise en perspective, ce rapport rappelle que la participation
financière des acteurs locaux peut intervenir, et
intervient souvent, à l’issue de la phase de développement. Il rappelle un certain nombre d’outils
facilitateurs de l’investissement des citoyens et/ou
local en faveur des énergies renouvelables, à la fois
en fonction de la nature du financement et dans le
déroulement général d’un projet. Il s’agit en effet
de faire preuve de transparence et de pédagogie,
afin de permettre aux acteurs locaux de se positionner en connaissance de cause.
Enfin, ce rapport poursuit un objectif essentiel :
illustrer par l’exemple la variété des approches
adoptées pour développer les projets d’énergies
renouvelables d’intérêt territorial et témoigner du
fait qu’il est tout à fait possible, dès aujourd’hui,
d’impliquer les acteurs du territoire dans tous les
projets, existants et à venir.
3
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
R
EMERCIEMENTS
Ce rapport a été coordonné par :
Yannick Régnier, responsable de projets, CLER – Réseau pour la transition énergétique
Le coordinateur de ce rapport remercie toutes les personnes qui ont contribué par leurs textes, commentaires et relectures :
4
Esther Bailleul, chargée de mission, CLER – Réseau pour la transition énergétique
Patrick Bessière, directeur, AboWind
Erwan Boumard, directeur, Energie Partagée
Laurent Causse, responsable énergie, Fermes de Figeac
Raphaël Claustre, délégué général, CLER – Réseau pour la transition énergétique
Patrice Coton, directeur adjoint, SIEEEN (syndicat d’énergie de la Nièvre)
Nadia Djemouai, directrice adjointe, CC des Crêtes préardennaises
Jean-Michel Dubus, directeur ingénierie, Neoen (anciennement Juwi EnR)
Thomas Duffes, responsable de service EnR MDE, Amorce
Marie-Véronique Gauduchon, directrice, Lumo
Etienne Ghewy, consultant, Stratergie
Philippe Heitz, président, association Energies Communes Renouvelables
Marc Jedliczka, directeur général, Hespul
Pierre Jourdain, directeur, Site à Watts Développement
Emmanuel Julien, président du directoire, Sergies
Guillaume Marcenac, chargé de développement, Enercoop Languedoc-Roussillon
Frédéric Marillier, directeur, Enercoop Rhône-Alpes
Louis Massias, président, SAS Ercisol
Justine Peulemeulle, chargée de mission, Energie partagée
Roland Picot, responsable d’investissements EnR, Caisse des Dépôts et Consignations
Noémie Poize, chargée de mission EnR, Rhônalpénergie - Environnement
Jacques Quantin, gérant, Confluences
Jean Rabian, président honoraire, Eoliennes en Pays d’Ancenis
Alex Raguet, cofondateur et président, Lumo
Dominique Rocaboy, ancien président directeur général, Géotexia Mené
Claudio Rumolino, chargé de mission éolien participatif, Valorem
Patrick Sabin, vice-président, CC de Haute-Lande
Patrick Saultier, gérant, Saultier Energie Développement (SED)
Claire Tincelin-Salomon, présidente, SAS La Seauve
Nicolas Trillaud, chargé de projets, Région Occitanie
Philippe Vachette, ancien gérant, Energie Partagée Investissement
Laure Verhaeghe, co-fondatrice, Lendosphère
Ainsi que tous les membres du CLER et du réseau Territoires à énergie positive
Pour toute question sur ce document : Yannick Régnier –
[email protected]
SOMMAIRE
RÉSUMÉ .................................................................................................................. 3
REMERCIEMENTS .................................................................................................... 4
INTRODUCTION ....................................................................................................... 6
1 POUR DES PROJETS D’ÉNERGIES RENOUVELABLES D’INTÉRÊT TERRITORIAL ..... 7
1 | Ancrer localement les projets énergétiques au bénéfice du territoire.......7
Les territoires en première ligne
Garder l’argent à la maison
Créer de la valeur
Renforcer l’intérêt territorial des projets
Nature et bénéficiaires des retombées économiques
Négocier le partage de la valeur
2 | Enjeux de la participation des acteurs locaux ................................................ 11
Différents acteurs, différents intérêts
Opportunités du financement local
Participer, mais à quoi ?
Participer, mais quand ?
3 | La participation au croisement des enjeux .........................................................16
Définir une approche adaptée au contexte local
Croiser les enjeux globaux et locaux
Une exigence d’éthique et de professionnalisme
2 LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DEVELOPPEMENT D’UN PROJET.................. 18
1 | Enjeux .......................................................................................................................18
Besoins de financement
Prise en compte du risque
Valoriser le risque financier du développement
Spécificités associées au financement local
La gestion de l’environnement du projet et sa gouvernance
2 | Différentes typologies de financement du développement ........................... 22
Projets de petite taille
Démarche entrepreneuriale
Diversification d’activités
Initiatives des collectivités locales
Partenariat avec un développeur (co-développement)
3 | Faciliter et sécuriser le développement.......................................................... 36
Capitaliser le savoir-faire et l’expertise sur le montage de projets participatifs
Dégager des capacités de financement
4 | Accompagner le financement du développement ...............................................41
Outils de capital-risque
Intervention d’entreprises publiques locales
Octroi d’avances remboursables
Subventions directes et indirectes
3 FINANCER LOCALEMENT LES AUTRES PHASES DES PROJETS ............................ 51
1 | Enjeux en phase de construction et d’exploitation ..........................................51
Financement en phase de construction
Financement en phase d’exploitation
2 | Modes d’interventions ........................................................................................... 52
Participation au capital
Obligations
Produits d’épargne dédiés
Prêt participatif
CONCLUSION......................................................................................................... 61
RÉFÉRENCES ........................................................................................................62
5
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
I
NTRODUCTION
L’intérêt du CLER pour l’investissement citoyen
et local dans les projets d’énergies renouvelables n’est pas nouveau. Alors que certains de
ses membres y avaient recours dès le début des
années 1990, les programmes européens PREDAC puis WELFI lui ont permis au tout début
des années 2000 de faire le tour des expériences à l’étranger afin de nourrir sa réflexion
et ses actions.
Naturellement, le CLER s’est impliqué dès l’origine dans la démarche de création d’Enercoop,
fournisseur coopératif d’électricité 100% renouvelables, et du mouvement Energie Partagée,
qui accompagne et finance des projets citoyens
d’énergie renouvelable.
6
Depuis 10 ans, les initiatives d’investissement
local dans les projets d’énergies renouvelables
se sont multipliées en France. Les premières réalisations sont sorties de terre récemment. Les
pionniers ont dû repousser les limites d’un cadre
culturel défavorable et d’un cadre réglementaire
contraignant, et ils ont permis de les faire progressivement évoluer. Un double déverrouillage
semble désormais s’opérer, même si beaucoup
de chemin reste à faire pour permettre une véritable démocratisation de l’énergie. La voie est
ouverte vers une généralisation des projets d’intérêt territorial.
Des travaux de qualité1 ont été consacrés dernièrement aux projets citoyens pour la production d’énergie renouvelable, au cadre législatif
et réglementaire applicable au financement participatif des énergies renouvelables, aux montages juridiques permettant une participation
des collectivités et acteurs locaux, aux outils
d’ingénierie financière existants…
Cependant, le CLER a identifié, via les retours
de ses membres, un ensemble de points sur lesquels une analyse plus détaillée semblait nécessaire et auquel ce rapport entend apporter des
éléments de réponse :
1 Voir la bibliographie en fin de rapport
l’ancrage local des projets d’énergies renouvelable au bénéfice des territoires : les grands
projets d’énergies renouvelables ne doivent pas
être dissociés de la stratégie énergétique du territoire qui les accueille. Aujourd’hui, il ne faut
plus faire des projets énergétiques sur les territoires, il faut faire des projets de territoire sur
l’énergie. Inscrire l’énergie dans une approche
en faveur du développement local est au coeur
de la démarche des territoires à énergie positive,
réunis au sein d’un réseau national animé par le
CLER depuis 2011. En fonction des modalités de
montage adoptées, un projet d’énergie renouvelable apporte plus ou moins de bénéfices à la
collectivité et aux acteurs locaux.
les enjeux de la participation des acteurs locaux
aux projets d’énergies renouvelables : d’une
part, les entreprises traditionnelles du secteur
des énergies renouvelables impliquent encore
trop peu les acteurs locaux dans les projets, et
a fortiori ils n’accordent souvent aucune place
à l’investissement local. D’autre part, certains
porteurs de projets citoyens se positionnent
dans une volonté telle de maitrise et de contrôle
local que les projets peuvent être sous-dimensionnés au regard des potentiels. Entre les deux,
il existe un panel de solutions pouvant répondre
aux attentes des acteurs locaux, valoriser les
compétences et capacités différenciées des différentes parties prenantes, et positionner les
projets à un ordre de grandeur compatible avec
les enjeux macros de la transition énergétique
et du déploiement des énergies renouvelables.
les modalités de financement du développement
des projets d’énergies renouvelables : les projets
d’énergies renouvelables apportent des bénéfices
aux territoires. Naturellement, ils rapportent aussi
aux entreprises qui les portent. La répartition des
retombées économiques globales en fin de vie est
très liée à la part respective des acteurs au capital de la société de projet. Une intervention très
en amont du montage des projets est la clé de la
capacité des acteurs locaux à négocier le partage
de la valeur.
1 • POUR DES PROJETS D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
1
POUR DES PROJETS D’ÉNERGIES
RENOUVELABLES D’INTÉRÊT
TERRITORIAL
1 | Ancrer localement les projets
énergétiques au bénéfice du
territoire
LES TERRITOIRES EN PREMIÈRE LIGNE
Les territoires sont en première ligne de la
transition énergétique. Plusieurs facteurs
structurels majeurs justifient leur implication croissante : les gisements d’énergies
renouvelables et d’économies d’énergie
sont par nature locaux ; la consommation
de ces énergies renouvelables doit être
aussi la plus locale possible, par souci d’optimisation environnementale, technique et
financière ; les responsabilités confiées aux
territoires par la loi augmentent régulièrement depuis 30 ans1 ; l’énergie s’impose
comme une question sociétale majeure
pour les citoyens - précarité énergétique,
risques environnementaux notamment -, et
de ce fait, pour les élus locaux.
GARDER L’ARGENT À LA MAISON
Chaque année, les dépenses domestiques
pour l’achat d’énergies (essentiellement
fossiles) s’élèvent à environ 1.600 € par
ménage2. Ce chiffre peut doubler si on
y intègre les dépenses de mobilité. L’essentiel du montant de ces dépenses sort
aujourd’hui du territoire – et d’ailleurs de
la France. Cette situation est tout sauf irréversible. D’une part, « l’énergie la moins
chère est celle que l’on ne consomme pas ».
D’autre part, les ressources renouvelables
sont présentes dans tous les territoires, à
des degrés divers, et peuvent y être valorisées : à chacun son « terroir d’énergies ».
1 Aménagement du territoire, planification stratégique sur l’énergie, coordination économique, etc.
2 Source : Médiateur de l’énergie 2013. Consommations domestiques hors mobilité.
Le potentiel de réduction de cette hémorragie financière sur un territoire se chiffre
donc à la double mesure de sa capacité à
diminuer les consommations d’énergie et à
produire de l’énergie à partir de ressources
locales renouvelables. « Garder l’argent à la
maison plutôt de le jeter par la fenêtre » : tel
doit être le leitmotiv de toutes les politiques
énergétiques des territoires.
CRÉER DE LA VALEUR
Les gisements de valeur liés à un programme énergétique local sont de différente nature : valeur économique directe
et indirecte, et valeur induite. La valeur
économique directe se mesure en actifs de
production, chiffre d’affaires généré, bénéfices nets dégagés, dépenses énergétiques
maîtrisées, tandis que la valeur indirecte est
caractérisée par la création d’emplois (en
études, construction, maintenance…), le
développement de pôles de compétences,
de recherche et de formation, la création de
filières industrielles.
Plus largement, une stratégie énergétique
ambitieuse, pensée localement, participe
à l’amélioration de l’image et de l’attractivité globale d’un territoire. Cela peut
être à travers ses bénéfices induits sur la
préservation de l’environnement, avec
notamment une amélioration de la qualité
de l’air et la baisse des dépenses de santé
induite, comme à travers le dynamisme
économique, la résorption de la précarité
énergétique ou l’amélioration de la qualité
de vie. Le canton de Güssing en Autriche
a prouvé combien ces gisements de valeur
induite pouvaient démultiplier les béné-
7
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
la création d’activités pour la fourniture de
produits et services associés aux projets ;
les activités de conception, développement,
construction et exploitation des unités de
production d’énergies renouvelables ; la
structure de capital de la société d’exploitation (qui détermine la répartition des
revenus de l’exploitant) ; l’utilisation par les
investisseurs des ressources générées par
les projets dans de nouveaux projets locaux.
fices socio-économiques sur le territoire.
En effet, sa politique d’autonomie énergétique a conduit à la naissance d’un tourisme
énergétique (300 visiteurs par semaine), à la
création d’une chaîne d’hôtels et à l’accueil
d’une entreprise qui fabrique du parquet
et emploie 120 personnes, attirée par les
complémentarités avec le développement
du bois-énergie et la stabilité des prix de
l’énergie.
Souvent, les porteurs de projets locaux
sont plus sensibles et attentifs au fait de
maximiser la part territoriale de la valeur
générée. A titre d’illustration, une étude
allemande récente3 a évalué la différence,
en matière de ressources générées au profit
du territoire, entre deux cas extrêmes : un
projet exogène, porté par une entreprise
extérieure, et un projet endogène, porté
par les acteurs locaux. Pour un projet de 7
éoliennes de 3 MW, seulement 7 millions
d’euros reviendraient au territoire dans le
premier cas, tandis que le montant atteindrait 58 millions d’euros dans le second cas.
RENFORCER L’INTÉRÊT TERRITORIAL
DES PROJETS
Aujourd’hui, les projets énergétiques ne
peuvent plus être dissociés des stratégies
des collectivités et acteurs locaux, ce que
résume efficacement la formule : « ne plus
faire des projets sur les territoires, mais
mener des projets de territoire ». Ils doivent
impliquer de ce fait un ensemble large
de parties prenantes qui représentent et
portent les différents objectifs poursuivis, et
entre lesquelles une négociation doit s’ouvrir sur la répartition de la valeur créée.
8
Dans un système énergétique territorial
basé sur les énergies renouvelables, la part
territoriale de la valeur économique générée peut être évaluée à différents étages :
3 Stadtwerke Union Nordhessen (SUN) - Institut
dezentrale Energietechnologien gemeinnützige GmbH
(IdE) 2016, Regionale Wertschöpfung in der Windindustrieam Beispiel Nordhessen.
PRINCIPE
Système énergétique international
basé sur les fossiles et le nucléaire
Changement de paradigme
économique sur l’énergie
Système énergétique territorial
basé sur les renouvelables
“Jeter l’argent par les
fenêtres”
Conception, développement,
construction et exploitation d’unités de
production d’énergies renouvelables
Dépenses
d’investissement (€)
Fourniture
territoriale
Fourniture
extraterritoriale
“Garder l’argent à la
maison”
Création
d’activités pour
la fourniture de
produits et de
services
Entreprises
territoriales
Fourniture d’
énergie (kWh)
Entreprises extraterritoriales
Revenus et
taxes (€)
Structure du capital de
la société de projet
Utilisation des
ressources
générées
Rémunération des
investisseurs
territoriaux
Injection dans
l’économie territoriale
Flux d’argent
sortant du territoire
Dépenses et épargne
sortant du territoire
Adapté par le CLER de : Schaubild zur Herleitung der regionalen Wertschöpfung aus E.E. Source : Blum 2013
Répartition de la valeur économique dans un système énergétique territorial
Yannick Régnier - CLER
1 • POUR DES PROJETS D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Evidemment, une analyse comparable peut
aussi être appliquée sur la chaine de la
valeur des actions d’efficacité énergétique
(en particulier la rénovation des bâtiments).
Souvent les territoires engagés dans la
transition énergétique réemploient les ressources dégagées par les projets d’énergies
renouvelables dans des travaux d’efficacité
énergétique : cela permet de diminuer (ou
maitriser) les factures d’énergie, et donc lutter contre la précarité énergétique et dégager du pouvoir d’achat pour les ménages,
tout en consolidant davantage encore l’activité locale.
NATURE ET BÉNÉFICIAIRES DES
RETOMBÉES ÉCONOMIQUES
Les retombées économiques d’un projet
d’énergie renouvelable de grande taille sont
associées à l’activité d’exploitation, la fiscalité, le loyer, les autres conventions de redevances financières négociées et la charge de
la dette.
Retombées économiques de
projets-types
Ordre de grandeur
Puissance
soit, pour les projets considérés
Montant d’investissement
Nombre d’heures de fonctionnement
équivalent pleine puissance
Production annuelle
Prix de vente (1)
Chiffre d’affaires annuel
Loyer annuel
Charges d’exploitation annuelles
Fiscalité locale (IFER, CET) annuelles
Amortissement annuel
Résultat brut (avant impôts)
Tout projet d’énergie renouvelable, quel que
soit son mode de financement, va bénéficier au territoire de façon variable sur lequel
il est implanté. En valorisant la ressource
locale (soleil, vent, hydraulique, biomasse
ou géothermie), il permet à la collectivité, a
minima via les retombées fiscales, l’activité
de construction, de développement et d’exploitation qu’il génère localement (y compris indirectement : activité de restauration
induite, autres achats locaux…), de capter
une partie au moins de la valeur ajoutée
créée par l’activité de production d’énergie.
Cependant, plus forte sera la participation
des acteurs locaux aux différents maillons
de la chaine de valeur du projet (et notamment en capital), plus importantes seront
les retombées économiques et sociales,
comme le résume le tableau page suivante.
L’avancement rapide de la transition énergétique, en particulier pour l’électricité,
dans de nombreux autres pays européens,
et le consensus pour poursuivre sur cette
Eolien
PV au sol
Hydro
Méthanisation
PV en toiture
10 MW
5 éoliennes de 2
MW (1)
5 MW
10 ha
400 kW
4 m de chute
d’eau
12 m3/s
200 kW
1400 m2
15 M€
2500
6,5 M€
1300
1,8 M€
4000
1,6 MW
35.000 t de lisiers
et 40.000 t de
coproduits
agroalimentaires
14 M€
8000
25000 MWh
82€/MWh
2050 k€
30 k€
350 k€
120 k€
1,2 M€ sur 15
ans
350 k€
6500 MWh
90€/MWh
585 k€
20 k€
50 k€
60 k€
325 k€ sur 20
ans
130 k€
1600 MWh
100€/MWh
160 k€
N.A.
25 k€
3 k€
90 k€ sur 20
ans
42 k€
12000 MWh (2)
197€/MWh (3)
2364 k€ (4)
250 MWh
120€/MWh
30 k€
Symbolique
7 à 10 k€
< 2 k€
15 k€ sur 20
ans
3 à 6 k€
2000 k€ (5)
960 k€ sur 10 ans
N.C.
300 k€
1250
(1) Selon mécanisme de soutien en vigueur (tarif d’achat ou appel d’offres)
(2) Production d’électricité vendue seulement (production additionnelle de chaleur en partie exploitée dans des serres attenantes)
(3) Tarif d’achat revalorisé récemment, suite au constat de difficultés économiques sur la filière ; précédemment à 132€/MWh.
(4) Plus prestations traitement coproduits agroalimentaires (42€/t > 1260 k€) et lisier (7€/t > 140 k€)
(5) Dont près de 90% en charges d’exploitation
Eolien : cas d’un parc existant acheté en janvier 2016, situé dans la Vienne
PV au sol : cas d’une centrale implantée dans l’Aude en 2016
Hydraulique : cas d’une centrale existante rénovée dans l’Est en 2015 et 2016
Méthanisation : cas d’une unité collective et territoriale en Bretagne
PV en toiture : cas d’une installation implantée dans la Drôme en 2016
[Sources diverses]
Ordres de grandeur des retombées économiques de projets-types
Yannick Régnier - CLER
9
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Retombées économiques et sociales d’un projet EnR
Guillaume Marcenac - Enercoop Languedoc-Roussilon
10
voie dans les années à venir, sont très certainement liés au fait que les citoyens, les
collectivités locales, les agriculteurs sont
largement partie prenante de cette transformation. En Allemagne, près de la moitié
de la capacité installée des énergies renouvelables électriques depuis 2000 appartient à des personnes privées. Plus de 900
coopératives énergétiques sont recensées
fin 2014. Au Danemark, des coopératives
énergétiques existent depuis les années 80,
et la loi de 2009 impose l’ouverture à 20%
minimum du capital des parcs éoliens aux
riverains. Des dynamiques similaires sont
observées dans de nombreux autres pays
européens (Autriche, Belgique, RoyaumeUni, etc).
En France, beaucoup parmi les premiers
projets réalisés grâce au mécanisme des
tarifs d’achat, ont montré un fort déséquilibre du partage des gains entre retombées
locales, revenus de l’exploitant et bénéfices
des investisseurs au profit de ces derniers.
Cependant, il est à noter que l’évolution
des conditions économiques des projets
et la baisse significative de leur rentabilité
ont largement contribué à un rééquilibrage
par ralentissement de fait. L’abandon ou le
retard pris par de nombreux projets au stade
du financement, quelle que soit la filière
concernée (solaire, éolien, méthanisation,
etc) démontrent désormais que ce type de
projet n’est plus la corne d’abondance ou
la niche spéculative que certains ont pu y
voir dans le passé. Parallèlement, on peut
craindre que les révisions des mécanismes
de soutien en cours (passage aux appels
d’offre et complément de rémunération,
au lieu des tarifs d’achat, pour les grands
projets) augmente le risque de laisser un
peu plus les acteurs locaux sur la touche,
au moment où leur participation est enfin
promue politiquement.
Il est donc pertinent, et même plus nécessaire que jamais, d’accorder une attention
particulière à la question de la répartition
des bénéfices des projets.
NÉGOCIER LE PARTAGE DE LA VALEUR
La concrétisation des projets énergétiques
d’intérêt territorial relève d’une triple complexité technique, juridique et financière.
C’est le rapport de force des « intelligences »
gravitant autour d’un projet qui déterminera
le résultat de cette négociation. Il est donc
nécessaire pour les territoires de se donner
les moyens de négocier avec les entreprises
ou les promoteurs / développeurs de projet,
en se dotant d’une solide équipe énergie,
et pour les partenaires institutionnels qui les
accompagnent, de participer à donner cette
capacité aux collectivités et aux acteurs
locaux.
Se doter de compétences humaines au sein
d’un territoire, ou a minima recourir au bon
moment à des conseils opérationnels en
assistance à maitrise d’ouvrage, ce n’est pas
s’imposer une dépense de fonctionnement
supplémentaire, mais se donner l’opportunité d’accéder à de nouvelles ressources au
travers d’investissements productifs et d’activités nouvelles, dont une part significative
des retombées bénéficiera au territoire.
1 • POUR DES PROJETS D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
La qualification « d’intérêt territorial » pour
un projet relève finalement d’une analyse globale du partage de la valeur aux
différents étages où elle est générée. De
manière qualitative, il s’agit que le territoire
« y trouve son compte », à l’issue d’une
négociation équilibrée qu’il a vocation à
mener avec les acteurs extraterritoriaux.
Or jusqu’à aujourd’hui, les conditions d’une
négociation équilibrée étaient rarement
remplies et les territoires n’y trouvaient pas
toujours ou pas complétement leur compte.
Pire, la transition énergétique a pu avancer
à contre-courant dans les territoires. Les
pratiques passées de développement exogène fondées sur des installations d’unités
d’énergies renouvelables ont parfois épuisé
la ressource, non pas au sens physique (le
vent souffle et le soleil brille toujours), mais
au sens de la capacité des acteurs locaux à
accepter de nouveaux projets (syndrome de
la « terre brûlée »)4.
Les territoires ont désormais le désir d’accueillir des projets qui participent à leur
développement. Il est temps de leur redonner la base culturelle sur l’énergie et l’autonomie nécessaire pour mener et accompagner des projets qu’ils ont envie de voir se
concrétiser.
4 Voir les travaux de Nadaï et Labussière.
2 | Enjeux de la participation des
acteurs locaux
DIFFÉRENTS ACTEURS, DIFFÉRENTS
INTÉRÊTS
Face à cette mutation du modèle de projet
d’énergie renouvelable, la participation des
collectivités et acteurs du territoire est en
mesure d’apporter des réponses à un certain nombre de questions. Elle présente de
multiples intérêts, qui ne se résument pas à
leur seule capacité de participer au capital
des projets.
Les collectivités apportent aux projets des
gages de confiance de la part des citoyens
et autres acteurs, en représentant naturellement une assurance de pérennité. Par l’apport d’une garantie publique, elles facilitent
les montages financiers même s’ils sont
innovants. Leur implication assure le lien
et la cohérence avec les politiques énergétiques locales. Enfin, l’accompagnement et
le relais par les élus des différents projets
peuvent grandement faciliter la concertation avec la population et la mobilisation de
l’épargne citoyenne.5
5 Avertissement utile : dans le contexte actuel d’attaques fréquentes contre les élus pour prise illégale
d’intérêt dans les projets EnR, les collectivités doivent
être vigilantes à ce que les élus qui détiennent un lien
avec le projet (financeur dans le projet, propriétaire ou
exploitant des terrains, etc.) se retirent systématiquement des discussions et des votes lorsque le sujet est
abordé dans les assemblées délibérantes.
Pour les agriculteurs et les propriétaires terriens, les projets d’énergies renouvelables
constituent une source de revenu supplémentaire et stable, souvent avec une garantie plus longue. Quand l’énergie produite
est consommée dans les exploitations, ces
projets sont une protection contre de nouvelles hausses des prix de l’énergie. Ils ne
produisent que très peu d’emplois additionnels, pour la plupart liés au biogaz et à la
biomasse solide, mais favorisent le maintien des emplois existants. Les agriculteurs
ont une culture entrepreneuriale propice à
leur implication en faveur du développement local de projets d’énergies renouvelables, même si un palier supplémentaire en
matière de coopération reste parfois à franchir pour investir dans des projets collectifs
de grande taille.
Proposer aux citoyens du territoire d’investir
dans les projets renforce leur appropriation
des enjeux relatifs à l’énergie et participe
aux changements de comportement. L’énergie est saisie comme le moyen « de faire
quelque chose ensemble » et, à travers l’actionnariat, les gens deviennent acteurs d’un
projet collectif. Une société de projet ancrée
dans le territoire recevra spontanément une
meilleure écoute autour de ses actions de
sensibilisation. L’acceptation des projets est
renforcée ou facilitée, notamment du fait
que les porteurs d’un projet participatif ont
habituellement une bonne compréhension
11
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
du territoire et de ses acteurs, même s’il
est rare d’éviter toute contestation. L’expérience montre une appétence croissante
des citoyens pour la participation au développement local.6
Les porteurs de projets locaux sont davantage sensibles au fait de concourir à l’économie locale, ce qui se matérialise notamment par une attention particulière au choix
des entreprises intervenant dans le projet,
directement ou en sous-traitance. Ces
entreprises locales peuvent elles-mêmes
devenir actionnaires du projet.
OPPORTUNITÉS DU FINANCEMENT
LOCAL
12
PARTICIPER, MAIS À QUOI ?
La participation locale peut être principalement de deux natures différentes : participation financière et participation à la gouvernance. Si les deux sont a priori souvent
liées, il est aussi possible de les décorréler
en partie, comme le démontrent plusieurs
exemples concrets décrits dans ce rapport.
La participation financière dans un projet
disposant des autorisations consiste en une
prise de titres financiers ou un prêt en vue
d’une rémunération à court, moyen ou long
terme. Elle peut correspondre au financement des fonds propres ou de la dette d’un
projet, de manière directe ou indirecte.
Face à une réduction – trop souvent subie
– des capacités financières de la sphère
publique, la participation des acteurs locaux
permet de mobiliser l’épargne locale pour
financer la transition énergétique au sein
des territoires et peut ainsi faciliter la mise
en œuvre des projets prévus par les politiques telles que les Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux et/ou les démarches de
Territoire à énergie positive portées par les
collectivités locales.
Selon le contexte des marchés financiers7,
l’investissement local peut permettre aux
projets d’accéder à moindre coût à des
prêts bancaires et à du financement en
fonds propres ou assimilé du fait que les
particuliers comme les collectivités locales
sont moins exigeants que les investisseurs classiques en termes de rentabilité
des fonds investis. Les investisseurs locaux
recherchent des rentabilités plus stables
et surtout à long terme : ceux-ci ont donc
vocation à rester présents dans la durée
au sein des tours de tables et de la gouvernance des projets, quand un fonds privé
sortira rapidement s’il identifie de meilleures
opportunités financières.
6 Voir l’étude Ademe (2016), Quelle intégration territoriale des énergies renouvelables participatives ? Etat
des lieux et analyse des projets français
7 Actuellement, du fait de la faiblesse des taux, des
fonds d’investissement privés visent des rendements
inférieurs à 6% dans des parcs d’énergies renouvelables en exploitation et peuvent concurrencer les fonds
publics ou citoyens.
Les étapes d’un projet d’énergie renouvelables
Energie Partagée
La participation à la gouvernance signifie
participer aux décisions et aux choix relatifs aux projets. Elle consiste en une prise de
responsabilités et en l’exercice d’un droit de
vote au sein de la société locale. La volonté
d’intervenir dans la gouvernance peut être
motivée par la promotion de valeurs et
principes spécifiques, la recherche d’une
cohérence avec une démarche territoriale
ou encore la promotion ou la garantie de
1 • POUR DES PROJETS D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
l’intérêt général ou collectif. Cette participation influe sur le choix du type de société et
la définition de son objet social inscrit dans
les statuts.
Pratiquement, la participation à la gouvernance donne obligatoirement un droit de
vote en assemblée générale, et potentiellement un droit de représentation dans un
organe de gestion. En matière de gouvernance, les droits s’échelonnent de la simple
présence (minorité absolue) à la maitrise
(majorité), en passant par le contrôle (minorité de blocage), et dépendent du fonctionnement adopté : coopératif, proportionnel
au niveau de participation au capital ou
négocié.
la réalisation (ou chantier), pendant laquelle
un besoin de financement en capital élevé
apparaît ;
l’exploitation, consistant en la gestion du
fonctionnement de l’installation, ainsi que
des recettes et des charges associées, sur
une durée longue.
Deux phases doivent être distinguées dans
la partie amont du développement d’un projet d’énergie renouvelable, dans la mesure
où elles ne relèvent pas des mêmes natures
de charge, niveau de risque et modèle économique : l’amorçage et le développement
proprement dit.
La phase d’amorçage correspond à la
période allant de la réflexion initiale jusqu’à
la constitution d’une entité juridique qui
portera le projet. Elle comprend la définition
sommaire du projet, le repérage du potentiel, l’information / formation des acteurs
susceptibles de s’impliquer, la structuration
d’un groupe pilote, l’organisation des ingénieries nécessaires : technique, animation,
juridique, financière…, la formation des
acteurs locaux et transfert de compétences,
les premières études de pré-faisabilité et la
structuration d’une société de projet.
La phase de développement proprement
dite s’étend des études préliminaires,
jusqu’à l’obtention des autorisations administratives permettant la construction et
l’exploitation (permis de construire, d’exploiter et de diffuser l’énergie produite) et
au bouclage du montage financier. Elle peut
se prolonger jusqu’à la construction et mise
en service du site.
Note : ajoutons à ce graphique, pour la phase de développement, tout le travail à mener au niveau juridique
en cas de recours présentés, qui sont au cœur du risque
de non-aboutissement…
PARTICIPER, MAIS QUAND ?
Une fois l’opportunité identifiée, un projet d’énergie renouvelable se déroule en 4
grandes phases :
l’émergence (ou l’amorçage), caractérisée
par l’initiative d’un acteur public, citoyen ou
privé ;
le développement, marqué par la notion de
risque de non aboutissement ;
La participation locale peut intervenir aux
différentes phases du projet : amorçage,
développement, réalisation, exploitation, y
compris dans le cadre d’un portage privé
majoritairement extérieur au territoire.
Si l’implication financière des acteurs locaux
n’arrive souvent qu’en phase d’investissement, leurs négociations avec l’entreprise porteuse du développement peuvent
(et devraient) néanmoins commencer en
amont, afin de négocier et valider les conditions de la participation souhaitée de la
manière la plus équilibrée possible. Plus particulièrement, pour les plus grands projets
13
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Les acteurs impliqués dans un projet d’énergie renouvelable
Caisse des Dépôts et Consignations
14
(éolien, centrales photovoltaïques au sol
ou sur grandes toitures, méthanisation territoriale, hydraulique), il s’agit de maitriser
les conditions de la valorisation du permis
de construire (montant et répartition de la
prime de succès). Si les acteurs locaux se
mobilisent tôt dans le déroulement d’un
projet, ils peuvent en effet prétendre à la
valorisation de leur apport en nature (informations à transmettre à l’entreprise de
développement, facilitation de l’information auprès des riverains, etc.) au moment
de la phase d’investissement. En outre, la
collectivité et les habitants pourront d’autant plus naturellement se positionner
comme des acteurs privilégiés pour contribuer à l’investissement dans la société de
projet qu’ils auront participé aux différentes
étapes du développement.
DIFFÉRENTS MODÈLES DE PARTICIPATION
La société de projet8 investit dans la phase
projet et réunit un ou plusieurs actionnaires
(développeur, sociétés publiques, citoyens,
fonds d’investissement, etc). Elle peut avoir
différents statuts juridiques (SAS, SARL,
SA, SEM, SCIC...), en fonction desquels les
différents acteurs auront plus ou moins de
place d’un point de vue réglementaire.
La société de projet peut se munir de statuts
spécifiques et d’un pacte d’actionnaires,
qui vont régir les relations entre elle et ses
actionnaires.
8 Aussi appelée parfois SPV, pour «special purpose
vehicule»
Répartitions possibles de la gouvernance d’un projet (cas types)
Noémie Poize, RAEE / ADEME
1 • POUR DES PROJETS D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
15
Structure de financement d’un projet d’énergie renouvelable en investissement participatif
Noémie Poize - RAEE / ADEME
Il existe une grande variété de montages
envisageables pour associer la collectivité,
les acteurs locaux et les citoyens aux retombées économiques d’un projet d’énergie
renouvelable.
La répartition de la gouvernance d’un projet est liée aux statuts et/ou à la structure
de financement de la société. Une grande
variété de modèles existe.
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
3 | La participation au croisement des
enjeux
DÉFINIR UNE APPROCHE ADAPTÉE AU
CONTEXTE LOCAL
Avant de prendre position en faveur d’un
modèle de montage de projet, il est nécessaire de se questionner sur l’objectif recherché par les collectivités et acteurs locaux :
s’agit-il uniquement de la volonté de bénéficier de retombées financières ? Quel niveau
de risque les collectivités et acteurs locaux
sont-ils prêts à prendre (les niveaux de
risque et de rémunération sont intimement
liés) ? Y a-t-il une volonté d’implication dans
la gouvernance du projet ?
Aux croisements des courbes de risque et
de rémunération, il sera possible de placer
les différentes solutions qui existent. Au
titre desquelles, approximativement du plus
risqué au moins risqué, on trouve l’apport
de fonds propres :
16
Achat de parts sociales
-
Directement : achat de parts sociales de la
société de projet
-
Indirectement : achat de parts sociales de
la société mère de la société de projet
Comptes courants d’associés
Et l’apport en dette (en substitution partielle ou totale de la dette bancaire) :
Compte à terme (par le montage avec une
banque)
Achat d’obligation
Prêt
Bons de caisse
De la société sous contrôle d’une collectivité locale, en passant par la simple participation financière de particuliers via un
emprunt obligataire porté par un organisme de crédit jusqu’au modèle coopératif
exigeant dans ses règles de gouvernance,
tous permettent plus ou moins de faciliter
l’appropriation des projets par les citoyens
et acteurs locaux. Ils ont été la plupart du
temps mis en œuvre sur des projets de type
laboratoire et la solution retenue est souvent la conséquence d’un contexte particu-
lier constitué par les demandes de la population locale, la volonté et les possibilités du
porteur de projet et les opportunités créées
par la rencontre des deux et des autres parties prenantes.
Toutes ces solutions ont des avantages et
des inconvénients, selon le point de vue
depuis lequel on les considère, selon la
finalité attendue de la participation de la
collectivité, des citoyens et/ou des autres
acteurs locaux. Elles ne sont pas nécessairement reproductibles telles quelles à l’envi
et à grande échelle. Il importe donc de les
considérer dans la perspective de la panoplie des outils d’une mise en œuvre élargie
de la transition énergétique au niveau local.
CROISER LES ENJEUX GLOBAUX ET
LOCAUX
Les enjeux globaux et planétaires imposent
de faire beaucoup et vite. L’avancée décisive
de la transition énergétique doit représenter une fin première, pour laquelle les territoires ont un rôle clé à jouer : elle répond
aux contraintes et enjeux fondamentaux du
changement climatique, de l’épuisement
des ressources fossiles et de la réduction
des risques industriels majeurs (nucléaire,
notamment).
Pratiquement, une approche locale constitue le moyen principal de la transition
énergétique conçue comme processus de
changement initié dans chaque territoire :
au niveau de déploiement quantitatif requis
pour une transition vers un modèle 100%
renouvelables, les projets ne se feront pas
(ou plus) contre les élus, les acteurs du
territoire et/ou la population. Le levier de
l’énergie doit donc être actionné dans le
but de répondre simultanément à différents
enjeux territoriaux (économiques, sociaux,
démocratiques et environnementaux), dans
le cadre d’un engagement politique, stratégique et systémique en faveur du développement local.
1 • POUR DES PROJETS D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Les grands enjeux de la participation locale,
citoyenne et/ou publique dans un projet
d’énergie renouvelable sont associés aux
caractéristiques principales de ce type de
projet :
Des impacts souvent considérés comme
significatifs par les populations des territoires d’implantation des projets, notamment en terme d’insertion dans le paysage
(éolien), d’interaction avec l’activité agricole
et forestière, etc.
Un volume d’investissement initial important (CAPEX) et des coûts d’exploitation
(OPEX) relativement limités, mais des
recettes associées à la vente de l’électricité
qui interviennent plusieurs années après le
démarrage du projet et les premiers engagements financiers liés aux études de faisabilité et de développement.
Un environnement réglementaire et économique fortement changeant qui fait peser
sur le projet un certain nombre de risques et
amène les porteurs de projet à des décisions
dont les conséquences pourront n’être perçues que plusieurs années après.
Ces projets s’insèrent par ailleurs dans un
environnement plus général de transition énergétique et se combinent avec les
autres leviers décisifs que sont la sobriété,
l’efficacité et la lutte contre la précarité
énergétique. La question des interactions
favorables entre projets doit être étudiée,
en particulier la possibilité que les revenus
tirés de l’exploitation de projets d’énergies
renouvelables s’appuyant sur un modèle
économique valable puissent concourir aux
actions d’économies d’énergie, notamment
les actions à dimension sociale.
Afin de réaliser la transition énergétique
au niveau global, il faut permettre l’éclosion de toutes les solutions susceptibles d’y
contribuer. Les solutions les plus poussées
en matière de contrôle et de financement
local des projets sont séduisantes. Pourtant,
la volonté d’une approche très qualitative
ne doit pas devenir un frein au développement et à l’aboutissement de projets suffisamment nombreux et importants. Toutes
les réponses négociées qui permettent de
prendre en compte les enjeux des projets et
les intérêts locaux sont également les bienvenues.
UNE EXIGENCE D’ÉTHIQUE ET DE
PROFESSIONNALISME
L’opportunité offerte aux riverains de pouvoir bénéficier des retombées financières
des (grands) projets d’énergie renouvelable,
si elle semble effectivement un facteur de
meilleure acceptation des projets, ne doit
pas dédouaner le porteur de projet de prévoir dans tous les cas, dès la phase amont
du projet :
L’acceptation voire le soutien de la collectivité locale (commune ou intercommunalité)
qui doit trouver son expression à travers
une délibération favorable au projet, quand
celui-ci est structurant pour le territoire
(éolien, centrale photovoltaïque au sol,
méthanisation territoriale, hydraulique),
Une communication autour du projet
en direction de la population locale aux
moments clés de son développement y
compris en amont des obligations réglementaires de type enquête publique, en
veillant à entendre en retour la diversité des
opinions,
La réalisation dans le strict respect du
cadre légal et réglementaire des études et
enquêtes nécessaires, tout manquement à
la rigueur de la démarche imposée par la
réglementation pouvant ouvrir la porte à
des recours contre le projet et à l’annulation
des autorisations obtenues durant le développement au risque de retarder fortement
et de renchérir le projet, voire dans le pire
des cas de sonner son arrêt définitif.
Durant ces différentes étapes, ce sont le
professionnalisme et l’expérience du porteur de projet qui, associés à une éthique
de sa démarche et de son attitude, resteront les meilleurs garants d’un résultat à la
hauteur des enjeux locaux et globaux.
17
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
2
LE FINANCEMENT DE LA
PHASE DE DEVELOPPEMENT
D’UN PROJET
1 | Enjeux
18
Dans le paysage des financements publics et
privés des projets de production d’énergies
renouvelables, la phase d’amorçage puis de
développement, c’est-à-dire l’ensemble des
actions facilitant leur émergence, est souvent négligée9. A ce jour, le principal modèle
de financement fait porter l’ensemble des
risques financiers sur les fonds propres du
porteur de projet, le plus souvent privé. En
conséquence, seuls quelques opérateurs
(industriels et développeurs privés les mieux
structurés) sont généralement en mesure de
porter ce risque.
Pendant la phase de développement, deux
enjeux principaux sont identifiés :
La multiplication des recours administratifs
et des contentieux conduit à des temps de
développement longs, induisant pour le
porteur de projet local un risque de devoir
vendre ou abandonner son projet.
Les intermédiaires financiers privés n’interviennent qu’au moment de la construction
du projet ou, en tout cas, pas avant que
tout risque de recours n’ait été écarté. Le
porteur de projet local peut très difficilement consolider ses fonds propres par ce
biais.
Il s’agit donc de faire comprendre les enjeux
du financement du développement par les
acteurs locaux, puis d’analyser plus spécifiquement les conditions possibles d’intervention de ces acteurs locaux, soit directe-
9 Pour les financements publics, cela se justifie parfois
par l’impossibilité de financer une structure pour son
temps passé interne, par l’impératif de solder la subvention dans un délai court (2-3 ans), par le cloisonnement
entre les sections budgétaires d’investissement et de
fonctionnement à laquelle l’amorçage se rapporte plus
fréquemment.
ment dans le financement de cette phase,
soit dans la préparation de leur implication
financière à des phases ultérieures du projet.
BESOINS DE FINANCEMENT
En phase de développement, le porteur
de projet doit assurer le financement des
études (impact environnemental, foncière,
gisement de ressources, productible, raccordement au réseau, compétition liée à
la généralisation des appels d’offre). Il le
fait généralement par ses fonds propres (y
compris par apports en comptes courants
d’associés). Il est aussi parfois possible de
recourir à certains types de prêts (en fonction de la « solidité » du porteur).
Il s’agit de prévoir l’avance des dépenses
dans la trésorerie, pour permettre le paiement d’acomptes pour les intervenants. Les
appels de fonds sont progressifs au fur et à
mesure de l’avancement du développement
et surviennent plusieurs années avant que
le projet ne génère de recettes. Ils peuvent
s’élever en fin de développement à plusieurs
centaines de milliers d’euros, pour les plus
grands projets, et représenter jusqu’à 20%
du coût de l’opération. Leur coût est plus
ou moins élevé selon la nature des projets,
du fait de réglementations plus ou moins
contraignantes, et donc du taux d’échec
des projets.
Ainsi, l’enjeu majeur identifié n’est pas le
volume global de financement et la capacité de mobiliser des fonds en phase de
construction, mais la capacité du porteur
de projet à apporter des liquidités et à les
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
19
Besoins de financement aux différentes phases du projet
Guillaume Marcenac - Enercoop Languedoc-Roussilon
immobiliser sur des durées potentiellement
longues, et assorties de risques de pertes,
tandis qu’aucun flux d’exploitation n’est
disponible en retour.
Note : le coût du juridique ne considère pas d’éventuels
recours (successifs), auxquels l’éolien en particulier est
souvent sujet, du fait de l’utilisation quasi industrielle
qu’en font certains opposants. Une simple réponse au
tribunal administratif coûte déjà 10 k€….
PRISE EN COMPTE DU RISQUE
Le développement est donc une phase
dite « à risque ». Si le projet n’aboutit pas
(autorisation administrative refusée, notamment), toutes les dépenses effectuées sont
perdues. Durant cette phase les risques portés par le développeur du projet sont élevés
car de nombreux obstacles peuvent apparaître tout au long de ce processus critique :
Insuffisance de la ressource (biomasse, vent,
solaire) qui semble correcte en première
approche mais apparait comme insuffisante
après des mesures effectives (suite à la mise
en place d’un mât de mesure par exemple),
Evolution réglementaire en cours de développement (par exemple, changement relatif aux zones militaires, notamment de vol
tactique, interdites aux éoliennes, changement de réglementation ICPE, nécessité
de traitements complémentaires sur la ressource biomasse),
Evolution des coûts de raccordement au
réseau du fait de l’apparition de projets
concurrents, d’évolution des conditions
de raccordement ou d’une appréciation
variable de cette prestation.
Evolution des mécanismes de valorisation
de la production d’énergie (disparition des
tarifs d’achat sur de nombreux segments,
au profit de la généralisation des mécanismes d’appels d’offres et de l’obligation
de vente sur le marché).
Il existe une corrélation assez directe entre
le niveau de risque, le coût et la durée du
développement des projets, du plus court
(photovoltaïque de petite taille) au plus long
(grand éolien et méthanisation collective).
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Corrélation entre coût et durée de développement et niveau de risque
Guillaume Marcenac - Enercoop Languedoc-Roussilon
20
Il est du métier et de la compétence d’un
développeur – que devra acquérir rapidement tout nouveau porteur de projet – de
minimiser ces risques par un choix préliminaire judicieux du site en fonction des techniques choisies. Il n’y a cependant jamais de
garantie absolue de réussite, et un projet
développé de manière exemplaire pourra
très bien être remis en cause par un recours
ou l’apparition d’une nouvelle réglementation, qui pourra nécessiter de nouvelles
dépenses pour mettre le projet en accord
avec les nouvelles contraintes, ou l’abandon
pur et simple du projet avec perte sèche des
fonds préalablement investis.
VALORISER LE RISQUE FINANCIER DU
DÉVELOPPEMENT
Compte-tenu de ces risques, un permis de
construire de projet d’énergie renouvelable
se valorise plus cher que la somme des
études qui ont permis de l’obtenir. La différence est qualifiée de « prime de succès ».
Elle est matérialisée soit au moment de la
revente des autorisations obtenues, soit par
une bonification si le développeur investit
lui-même dans le projet. La rémunération
du développeur sur un projet qui se réalise
en dépend directement. La prime de succès permet une mutualisation des coûts et
des risques de tous les projets sur lesquels
un développeur travaille. Cette prime lui
permet d’absorber, sans mettre en péril sa
viabilité économique et ses emplois, les projets qu’il sera contraint d’abandonner pour
l’une ou l’autre des raisons ci-dessus.
L’ordre de grandeur de la prime de succès, qu’il faut donc ajouter aux frais réels
de développement, est de 100 à 200 k€/
MW pour le grand éolien et de 50 à 200
k€/MW pour les grandes installations photovoltaïques (dans un cadre « normal » de
marché, hors bulle spéculative), pour des
projets prêts à construire vendus entre 200
et 700 k€/MW pour l’éolien et entre 100 et
300 k€/MW pour le solaire photovoltaïque.
Cette valorisation n’a rien de magique : elle
est donnée par l’équilibre économique des
projets et est fonction du taux de retour sur
investissement (TRI) cible sur une durée. Si
la valorisation est excessive, le TRI sur fonds
propres descend à des niveaux de produits
d’épargne courants, ce qui ne présente plus
aucune attractivité pour un investisseur. La
détermination de la prime de succès est
donc le fruit d’un équilibre subtil.
La prime de succès peut être pondérée
en fonction d’un certain nombre de paramètres :
Bénéfices complémentaires prévisibles en
phase construction et exploitation pour le
développeur (s’il vend ses prestations techniques en même temps que les autorisations administratives),
Productibilité (rentabilité du projet),
Rentabilité des produits financiers sur le
marché (l’investissement dans un projet
d’énergie renouvelable est parfois considéré comme un produit financier pour les
investisseurs),
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
Le fait que le développeur soit aussi l’exploitant ou non,
Vente ou non en obligation d’achat, suite à
appel d’offres, ou autres…
L’enjeu de la participation des acteurs locaux
en amont des projets, à la phase de développement, a clairement à voir avec le montant de la prime de succès. Dans un marché tendu où les nouveaux projets ont du
mal à émerger, marqué par une demande
forte de grands investisseurs, la valorisation
du développement peut être importante et
rendre difficile l’appropriation financière
ultérieure du projet par les acteurs locaux
qui n’auraient pas été partie prenante dès
le début de cette phase.
A contrario, les conditions actuelles relatives aux projets de méthanisation ne permettent pas réellement de dégager une
prime de succès, du fait de la difficulté de
financement et des risques d’exploitation.
L’engagement des porteurs de projet selon
des motivations autres que financières, en
phase de développement, est d’autant plus
crucial…
SPÉCIFICITÉS ASSOCIÉES AU FINANCEMENT LOCAL
Dans le cas des projets impliquant majoritairement les acteurs locaux, la phase de développement est particulièrement critique du
fait que les fonds propres à risque sont relativement difficiles à mobiliser très en amont
d’un projet, et qu’il peut être impossible de
mutualiser le risque pour en réduire le coût
dès lors qu’il s’agit d’un projet unique porté
à une échelle locale - ce qui est souvent le
cas, en particulier pour les projets citoyens.
Par la suite, une fois la faisabilité avérée et
le projet engagé dans sa phase opérationnelle, il faut rapidement pouvoir faire face à
des dépenses alors qu’aucune recette n’est
encore perçue et que le capital de la société
locale n’est pas encore totalement constitué. Il s’agit donc de trouver des dispositifs
permettant de financer la phase de développement pour étudier la faisabilité d’un
projet (phase à risque qui fait obstacle à la
mobilisation de l’épargne locale) et d’avancer assez tôt des dépenses dans la trésorerie
(paiements d’acomptes pour les différents
intervenants).
L’intervention directe du financement des
acteurs locaux dès cette phase, et en particulier des citoyens, n’est pas à exclure
mais elle nécessite d’être bien encadrée
et expliquée dans la mesure où les investisseurs locaux, par définition non spécialistes, doivent être pleinement informés
et conscients que leur contribution peut
potentiellement être perdue.
Alternativement, il s’agit d’étudier comment permettre aux acteurs locaux de participer largement à la définition des projets,
en étant associés d’une manière ou d’une
autre au développement (pas nécessairement financièrement), et d’investir en temps
voulu, souvent en phase de financement de
la société de projet, avant la construction.
Ceci tout en considérant clairement la question des moyens dont les acteurs locaux
peuvent se doter et du risque auquel ils sont
prêts à s’exposer.
LA GESTION DE L’ENVIRONNEMENT
DU PROJET ET SA GOUVERNANCE
Ainsi, le développement et l’exploitation
d’un projet d’énergie renouvelable sont,
d’un point de vue industriel et financier,
affaire de gestion de risques, certains maitrisables, d’autres totalement imprévisibles.
Les développeurs privés qui se sont spécialisés dans ce domaine sont parfois perçus
comme des « prédateurs » venant capter à
leur profit des ressources locales et profiter
des systèmes de soutien pour se rémunérer excessivement par rapport aux risques
encourus. Or la réalité est plus nuancée
et les nombreuses évolutions réglementaires qui affectent régulièrement, en
France, le monde des énergies renouvelables démontrent la fragilité de ce modèle,
ainsi que l’exposition au risque de tous les
acteurs de ce marché face à ces évolutions.
La question de la gouvernance des projets est de ce fait un sujet délicat, car face
à un risque qui se concrétise, qu’il soit
prévu ou non et à quelque étape qu’il se
révèle, une décision doit être prise, avec des
conséquences pour les financeurs passés,
présents et à venir : c’est cette corrélation
directe et souvent sans appel entre impact
parfois imprévisible et décision nécessairement rapide qui rend le partage de la gouvernance difficile à mettre en place dans
cette phase, et potentiellement facteur de
risque supplémentaire.
21
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
A ce stade, il est très important de prendre
en considération la distinction entre la
rémunération du capital investi par les
actionnaires du projet et le remboursement
de la dette accordée par les banques.
22
Les banques, en ce qu’elles contribuent à
la dette du projet, ne participent pas à la
gouvernance des projets (c’est évidemment
différent si elles interviennent en fonds
propres). Elles ne sont pas associées aux
décisions qui sont prises lorsque des évènements se produisent dans le projet, mais
cela ne les empêche pas, bien au contraire,
de réaliser une analyse détaillée et approfondie du projet (ce que l’on appelle une
« due diligence ») afin de s’assurer de la
bonne maîtrise les risques avant de s’engager, avec comme principale voire unique
motivation de limiter le danger de non remboursement de l’emprunt contract10. Elles
utilisent pour cela deux moyens : d’une part
la limitation du montant des annuités à une
partie seulement des recettes attendues,
d’autre part l’assurance de disposer d’une
priorité de versement des remboursements
sur toute forme de rémunération des autres
financeurs du projet.
Les actionnaires de la structure qui porte
le projet participent au contraire à sa gouvernance : ils prennent les décisions et
orientent le projet dans la direction qui leur
paraît la plus pertinente. Ils acceptent de fait
d’être les derniers à être rémunérés par les
bénéfices tirés du projet, mais ils attendent
en conséquence une rémunération de leur
engagement à la hauteur du risque qu’ils
prennent.
En optant pour une maîtrise locale
(publique, privée locale ou citoyenne) de la
gouvernance du projet, les collectivités, les
acteurs locaux et les citoyens font le choix
de prendre le rôle d’actionnaire et donc de
porter les risques associés.
On peut relever deux limites associées à la
volonté d’une maitrise locale, au-delà de
son intérêt qualitatif évident, et en attendant que des dispositifs d’accompagnement appropriés participent à les lever.
D’une part, du fait de la nécessité de limiter
la part du capital à disposition et pouvant
être engagée dans l’activité de développement, qui présente le risque le plus élevé,
les acteurs locaux peuvent être limités dans
leur capacité à intervenir financièrement
sur le développement de plusieurs projets
simultanément. D’autre part, à défaut parfois de pouvoir apporter la part majoritaire
du capital des projets de taille importante
en phase de construction, les acteurs locaux
peuvent tendre à limiter la taille des projets,
indépendamment du potentiel valorisable.
Face à ce constat, et en fonction de la
volonté et des moyens des acteurs territoriaux, il faut signaler l’existence de modèles
intermédiaires de financement locaux et/ou
participatifs qui ne donnent pas le contrôle
de la gouvernance aux acteurs locaux mais
permettent néanmoins une certaine garantie de rémunération du capital investi. Dans
un objectif d’optimisation de l’usage par les
acteurs locaux des fonds disponibles, une
approche ouverte sur la question de la gouvernance des projets peut permettre l’éclosion de partenariats plus larges, et ainsi
l’élargissement du portefeuille des projets
portés par le territoire.
10 Leur « due diligence » est identique à celle des
investisseurs car en cas de non remboursement, ce
sont les banques qui deviennent actionnaires. Elles sont
donc intrusives dans les pactes et les statuts pour prévoir cette éventualité.
2 | Différentes typologies de
financement du développement
Selon le profil de risque générique du projet d’énergie renouvelable considéré, les
moyens à disposition des initiateurs du projet et leur volonté d’implication concrète
en phase de développement, différentes
typologies de financement du développe-
ment sont possibles : portage direct par les
citoyens et acteurs locaux ; participation
indirecte d’une collectivité territoriale, souvent via une entreprise publique locale type
Société d’économie mixte (SEM) ; implication dans le projet d’un développeur privé.
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
PROJETS DE PETITE TAILLE
Les projets de petite taille, généralement
photovoltaïques et en particulier ceux non
soumis aux procédures d’appel d’offres
(moins de 100 kW), présentent un risque
faible ou limité11, dans la mesure où les
montants financiers en jeu sont relativement
faibles (les conséquences d’une perte sèche
sont donc limitées) et la probabilité que le
projet n’aboutisse pas est faible (le soutien
par le tarif d’achat est sécurisant – ce qui fait
regretter la remise en cause actuelle de ce
mécanisme). Ce sont donc des projets naturellement propices à un portage intégral
ou majoritaire par des citoyens ou acteurs
locaux, puisqu’ils nécessitent de mobiliser
un nombre restreint d’investisseurs.
Dans ce cas, la participation citoyenne
directe au capital de la société est une forme
de participation fréquente. Les citoyens, en
étant directement actionnaires au capital
d’une société ne recherchent pas seulement le placement de leur épargne mais
bien la participation à la vie de la société. La
participation se fait sous forme d’actions,
prises dans le capital de la société de projet
et donnant droit de vote, mais également
souvent, en complément, sous la forme
d’apports en compte courant d’associé.
Ce dernier type d’apport permet d’avoir un
apport de liquidités au démarrage des projets et facilite donc la gestion de la trésorerie (comptes courants sur de faibles montants et des durées relativement courtes). Il
permet également, lorsqu’il y a des actionnaires de différentes natures, de décorreler
la participation financière et la participation à la gouvernance (si ce n’est pas fait
dans les statuts) : un associé qui apporte
des comptes courants d’associés n’a pas
de droit de vote additionnel. Pour autant,
son apport, considéré comme «quasi fonds
propres», permet de diminuer le recours à
la dette.
11 A l’exception sans doute des projets hydrauliques,
intrinsèquement complexes et risqués à toute échelle.
23
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Les Centrales Villageoises Photovoltaïques, pour concevoir ensemble des projets
d’énergies renouvelables dans les territoires
Les Centrales Villageoises sont des sociétés locales qui ont pour but de développer les énergies renouvelables sur
un territoire en associant citoyens, collectivités et entreprises locales. Les projets qui sont développés respectent
le paysage et le patrimoine et génèrent des retombées économiques locales. Le concept a été initié par Rhônalpénergie-Environnement et les Parcs naturels régionaux de Rhône-Alpes. C’est aujourd’hui un modèle reproductible
dans les territoires ruraux, qui repose sur une Charte de valeurs, une base d’outils et de services mutualisés et un
réseau actif de porteurs de projets.
Pour chaque projet de société locale, une animation spécifique, portée historiquement par un chargé de mission
de Parc naturel régional et conçue au niveau d’un territoire cohérent (une intercommunalité, un groupement de
communes d’un même bassin de vie, etc.), permet le démarrage du projet. Il s’agit de mobiliser élus et citoyens
autour d’un projet commun de production énergétique locale. Cela passe par l’organisation de groupes de travail
qui vont chacun s’emparer de la déclinaison opérationnelle des différents volets du projet (juridique, économique,
technique..).
A l’issue de cette double mobilisation, un noyau d’habitants et d’élus fondateurs constitue alors une société
locale amenée à porter les projets définis ensemble. Un premier projet composé d’une ou plusieurs installations
(pour l’instant photovoltaïques) est conçu sur un ou plusieurs villages par toutes les contributions des habitants
avec l’appui technique de professionnels. Chacun peut proposer ses idées pour motiver les propriétaires concernés, amener des éléments singuliers du projet comme une opération complémentaire de maitrise de la demande.
La phase de développement commence dès lors que la société locale de portage est solidement constituée d’une
part et que le périmètre de toitures à équiper dans le projet photovoltaïque est clairement fixé d’autre part. Deux
actions doivent alors être réalisées en parallèle : la capitalisation de la société locale en vue de financer en fonds
propres le projet photovoltaïque, et les études de faisabilité détaillées pour dimensionner le projet photovol-
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
taïque, généralement confiées à un assistant à maitrise d’ouvrage. Ces deux phases ont en commun l’équilibre
économique de l’opération : la capitalisation doit se faire pour permettre l’apport en fonds propres nécessaire
au financement du projet dont la viabilité économique doit être précisément estimée pour permettre le montage
financier de l’opération.
Dans le cadre de la généralisation du dispositif, le développement d’une centrale villageoise est évidemment envisageable sans aide publique. Dans ce cas, les actionnaires fondateurs s’accordent pour financer la tranche ferme
de l’assistance à maitrise d’ouvrage et réaliser ainsi les études de dimensionnement du projet photovoltaïque.
Pour un projet d’une dizaine de toitures et un total de quelques dizaines de kilowatts, cela représente un montant
compris entre 5 000 et 10 000€. Si le projet n’est pas faisable, cette somme d’argent est perdue par les actionnaires
(selon le nombre de contributeurs, le risque peut porter sur quelques centaines ou quelques milliers d’euros par
personne). Si le projet est réalisé et si son plan de financement le permet, les actionnaires contributeurs pourront
récupérer leur mise soit en partie, soit totalement, soit avec une valorisation du fait qu’ils ont pris un risque supplémentaire par rapport aux autres actionnaires.
Néanmoins, les accompagnateurs des Centrales Villageoises envisagent plutôt de faire évoluer le financement de
la phase développement en s’appuyant sur des dispositifs complémentaires (voir page 41 pour plus de détails) :
Le recours à une aide publique limitée
Le recours à une avance remboursable régionale (aide devant être remboursée lorsque le projet est
réalisé)
Le recours à un fonds d’investissement spécifique (tel que Energie Partagée Etudes)
Le recours maîtrisé à une contribution des acteurs locaux (citoyens, collectivités, entreprises)
L’optimisation du partage des compétences du réseau des Centrales Villageoises est également en
cours de structuration pour mieux répondre aux besoins des futurs projets.
24
Centrales Villageoises de la région de Condrieu : Inauguration des 1ères installations photovoltaïques sur la commune des Haies
Photo : Centrales Villageoises
DÉMARCHE ENTREPRENEURIALE
L’entrepreneuriat est un processus qui
consiste à investir des moyens pour mener
un projet économique viable sur le moyenlong terme. Il s’agit en premier lieu de repérer des opportunités de développement,
puis de prendre les risques nécessaires pour
créer une nouvelle activité ou dynamiser
une activité existante. La logique entrepreneuriale se distingue de la logique managériale qui consiste à optimiser les ressources
existantes, et qui pourra prévaloir chez certains acteurs.
Du fait du monopole historique d’EDF-GDF
sur le système énergétique français, et de
l’ancrage culturel de la centralisation et de
l’image du service public national qui lui est
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
associé, la culture entrepreneuriale dans le
domaine des énergies renouvelables n’est
pas très répandue en France. Pourtant,
dans de nombreux autres pays, notamment
au Danemark, les projets éoliens (y compris
ceux de grande taille) sont souvent initiés
et détenus par des acteurs locaux. C’est ce
qu’ont compris et mis en œuvre les hommes
et les femmes, inscrits dans leurs territoires
et parfois néophytes en matière d’énergie,
qui ont porté les premiers grands projets
citoyens d’énergies renouvelables. Non
sans difficulté : il n’est pas permis à tous de
disposer des moyens initiaux et de se doter
des compétences techniques, financières ou
en animation nécessaires pour porter des
projets exigeants et risqués. Cette approche
n’est donc pas généralisable à l’envi.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
La démarche d’un entrepreneur à Plélan-le-Grand (Bretagne)
Patrick Saultier, formé à l’ingénierie de l’énergie en France et en Allemagne, est l’artisan du parc éolien citoyen de
Plélan-le-Grand. Elu adjoint à l’urbanisme de cette commune de 2500 habitants, il présente dès 2001 à ses collègues élus la situation de l’éolien au Danemark où le développement se faisait principalement avec la participation
forte de la population. Quand des développeurs viennent présenter des projets sur la commune en 2003, aucun
ne souhaitait impliquer la population. La réflexion des élus s’est alors faite autour de la question : comment faire
pour que les habitants qui le souhaitent puissent s’impliquer réellement ? Après un travail avec les services de la
Préfecture, une analyse financière et l’étendue du risque financier, les élus décident d’initier un projet local. Après
des échanges avec les habitants, la réflexion s’amplifie et un groupe se forme. Pour lever les fonds nécessaires au
développement du parc, l’idée nait de créer une société citoyenne indépendante de la municipalité.
Pendant plusieurs mois, à partir de mi 2004, les habitants les plus motivés se réunissent une fois par semaine. Il en
ressort un noyau de douze citoyens : des militants des énergies renouvelables, de l’action participative locale ou de
l’aventure humaine. Parmi eux, une infirmière, un retraité de France Télécom, un maraicher bio, un informaticien…
En novembre 2004, chaque membre du groupe apporte six mille euros ou plus, avec le risque de tout perdre. Avec
un montant de départ de 84 000€, ils créent une société baptisée Brocéliande Energies Locales (BEL). Patrick Saultier assure le rôle d’ingénieur et de coordinateur. Il est convenu entre les associés qu’il recevra une rémunération
de 1 000 € par mois et, si le projet réussi, une rémunération complémentaire correspondant au salaire d’un ingénieur débutant quand le projet sera bouclé (s’il est un jour bouclé) sur la période de développement. Cela revient à
considérer que Patrick Saultier a mis, en plus de son capital de départ, une grande partie de sa rémunération dans
le capital risque, ou, pour le dire autrement, il a apporté son travail en apport en nature à la société.
C’est cette société qui financera les études de vent et les différentes études d’impact réalisées par une quinzaine
de prestataires. Patrick Saultier travaille à plein temps sur les différents dossiers : coordination, démarches administratives, juridiques ; localisation des éoliennes, en concertation avec les propriétaires fonciers ; organisation
d’une visite de parc en Vendée ;
consultation des constructeurs… jusqu’à obtention du
permis en mai 2006, 18 mois
seulement après la création de
la société. Il établit ensuite le
dossier de consultation des
entreprises et assure le suivi du
chantier. Les éoliennes produiront finalement les premiers
kWh fin 2008. Pour le financement des fonds propres, les 12
fondateurs ont fait un emprunt
obligataire à 70 personnes de
leur entourage et ont récolté
550 000 € en deux mois, sans
publicité.
Eoliennes de Plélan-le-Grand
Photo : Rémy Pellissier Terri(s)toires
25
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
RETOUR D’EXPÉRIENCE
« Comment peut-on vivre là où on habite ? » : une démarche de développement local
dans la Drôme
A la fin des années 90, Claire Tincelin-Salomon vient de s’installer à La Roche-sur-Grane (Drôme). Précédemment,
elle occupait le poste de directrice du CEDER (Centre pour l’Environnement et le Développement des Énergies
Renouvelables), situé à Nyons. Rapidement, une question s’impose à elle : comment peut-on vivre là où on habite ?
Elle avait acheté deux bungalows à louer à proximité de leur domicile pour amorcer une activité touristique. Au
moment du « choix de l’éolien » en 1999, elle est sans activité depuis un an, tandis que son mari a un métier fixe et
prenant. La volonté de travailler à l’installation d’un parc éolien de machines neuves (après avoir réfléchi à l’installation d’une ou de plusieurs éoliennes d’occasion) s’impose et prévaut sur celle de développer l’activité d’accueil.
Elle vend le bien immobilier récemment acquis (46 000 €) et bénéficie d’une avance sur héritage de 15 000 €.
Claire Tincelin-Salomon crée alors la société de développement Seauve SAS avec neuf autres partenaires pour
porter un projet qui sera, au final, de 5 éoliennes, 11,5 MW de puissance et 30 GWh de production attendue.
Les contributions financières des actionnaires (42 340 €) paient les études d’impact réalisées pour le dépôt de
demande de permis de construire. Les trois principaux actionnaires (à hauteur de 36%, 36% et 10%) ont mobilisé
leur contribution par report d’une vente de fonds, un emprunt et l’utilisation d’un héritage. L’actionnariat de Claire
Tincelin-Salomon représente alors seulement 2,4%. Les partenaires conviennent qu’à la réalisation, celui-ci passe
à 50% par incorporation des avances financières au démarrage des études et la valorisation de son travail.
Initialement, le modèle envisagé n’est pas celui d’un financement à risque, dont la phase de développement se
conclurait par la vente du permis de construire. Les membres de la société envisagent de prendre en main l’exploitation du parc éolien après mise en service, dans la perspective de bénéficier d’une rentabilité de l’ordre de 8%
sur leurs apports. Ce schéma est alors envisageable du fait de la présence sur le marché financier de ABB Financial
Service, entreprise qui finance des projets de taille moyenne en crédit-bail (leasing), sans apport de fonds propres.
26
Après un refus du premier permis de construire, les membres de la société se tournent vers le tribunal administratif. Les apports initiaux des actionnaires ne sont plus suffisants et du travail est encore nécessaire. Entre 2004
et 2014, les partenaires réinjectent 84 000 € en Comptes Courants d’Associé (CCA) non rémunérés, dont 62 000
€ pour la part de Claire Tincelin-Salomon. En 2010, son actionnariat est finalement porté à 50% comme convenu,
par incorporation des apports initiaux, d’apports en CCA postérieurs, et des salaires laissés en CCA pour un contrat
de travail de six mois à mi-temps.
Au cours du temps, l’économie et les modalités de financement des projets ont changé. En particulier, ABB Financial Service ne propose plus son offre de service financier et aucun autre opérateur du marché ne propose d’offre
équivalente. Il faut alors identifier comment se doter des fonds propres nécessaires pour constituer la société
d’exploitation. En effet, aucune opération sans apport de fonds propres n’est plus finançable par voie bancaire.
Quoi qu’il en soit, l’apport d’un permis de construire purgé de tout recours est quasi équivalent, en valeur, aux
fonds propres.
Dès 2007, le tarif d’achat n’est plus accessible du fait de l’entrée en vigueur de la réglementation sur les zones
de développement de l’éolien (ZDE) et le lieu d’implantation du projet n’est pas situé dans une ZDE. Par ailleurs,
les porteurs du projet anticipent un risque contentieux au dépôt d’un permis de construire modificatif. Devant ces
difficultés, une négociation de cession s’engage avec la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). Cependant, elle
n’aboutit pas sous pression de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) locale.
Il reste encore 100 000 € à injecter pour réaliser la fin du développement. Une réflexion est menée sur les mécanismes d’accueil de nouveaux entrants avec ticket d’entrée, apport en capital, apports en CCA proportionnel à
hauteur de 150 000 € pour 30%. A cette époque, pour des raisons qui tiennent à la fois à l’organisation de la
collectivité et à l’histoire du projet, une telle proposition n’est pas entendue par la communauté de communes.
En effet, les collectivités ne disposent pas naturellement du savoir-faire et des compétences des développeurs en
matière d’éolien, et l’approche des porteurs du projet n’est pas compréhensible, notamment sur la logique de
valorisation du permis de construire. De leur côté, en dépit d’une relation équilibrée et d’une bonne compréhension mutuelle avec les porteurs de projet, les gros opérateurs privés ne veulent pas d’une prise de participation
minoritaire dans le projet.
Finalement, les travaux commencent en janvier 2012. Ils sont financés par La Seauve, ainsi que par l’apport en
nature d’une entreprise de travaux publics contre droit de préférence au moment d’une cession. Ils sont suspendus
par les recours contre les différents permis obtenus.
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
Avec l’abandon des zones de développement de l’éolien (ZDE), le projet peut désormais prétendre à nouveau au
tarif d’achat, nécessaire pour donner une rationalité économique aux opérations. Faute d’engagement de la collectivité dans la société de projet, et de volonté et de capacité de l’association Vallée de la Drôme Energie Citoyenne
(créée en 2012) à porter un montage participatif, les porteurs de projet décident de lancer un appel d’offres en
juillet 2014. L’opérateur éolien associé à la société qui a assuré les travaux de terrassement en 2012 choisit de ne
pas répondre. Le droit de préférence sur le projet est donc converti en dette. Des négociations s’engagent avec
quatre entreprises dont un groupement développeur et société d’économie mixte locale (SEML) départementale.
Le conseil d’administration de la SEML ne donne cependant pas suite, en dépit du fait que les négociations sont
déjà avancées.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Eoliennes en Pays de Vilaine : au cœur de l’invention d’un écosystème citoyen
27
Inauguration du parc citoyen de Béganne
Photo : Eoliennes en Pays de Vilaine
L’association Eoliennes en Pays de Vilaine a été créée en 2003 avec l’idée que le vent est une ressource naturelle
inépuisable et décentralisée dont l’exploitation doit se faire aux bénéfices des territoires. Au démarrage de son
activité, elle s’appuie sur le bénévolat de ses membres. Plus particulièrement, l’association bénéficie de l’appui
d’un bureau d’études local, compétent sur le développement éolien. Le marché est conclu par une poignée de
main : « on fait le travail, et vous nous paierez quand le permis de construire sera accordé ». Le scénario s’avère
malheureusement plus compliqué. Le premier site identifié pour le parc éolien de Béganne n’est pas retenu du fait
de contraintes paysagères et aéronautiques. Le second non plus. Le bureau d’études local est contraint de jeter
l’éponge. Dans le même temps, il efface la dette virtuelle de l’association. Eoliennes en Pays de Vilaine envisage
alors de se tourner vers un développeur classique. Cependant, aucun n’accepte le principe de laisser in fine la
majorité du capital de la société de projet du parc éolien, conformément au souhait de l’association. En outre,
les acteurs locaux considèrent que le développement est excessivement valorisé par les entreprises tierces (via la
prime de succès qu’il prévoit), au-delà de la légitime couverture du risque.
Eoliennes en Pays de Vilaine se résout alors à faire par elle-même et crée la S.A.R.L Site à Watts. Les fonds nécessaires pour constituer le capital de la société sont levés sans grande difficulté. Les membres fondateurs et actifs
de l’association (une vingtaine de personnes), poussés par l’envie d’avancer rapidement, apportent des montants
conséquents (de 1 000 à 15 000€ chacun), pour un total de 140 000€. En second cercle, de nombreux sympathi-
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
sants, rassemblés au sein de trois Clubs d’investissement en gestion alternative, locale et solidaires (cf. page 42),
apportent en moyenne 1 000 € chacun et 60 000€ ensemble. Au total, 200 000 € sont apportés par 80 personnes.
La société d’économie mixte ENEE 44 (aujourd’hui, Loire-Atlantique Développement – SELA, cf. pages 45-46)
complète le tour de table avec un apport de 90 000 €. A cette époque, deux projets éoliens différents sont dans
les cartons d’Eoliennes en Pays de Vilaine et voués à être développés par la S.A.R.L Site à Watt. C’est une donnée
importante, car elle permet d’envisager la mutualisation des risques. Par chance, les deux projets aboutissent
(BégaWatts à Béganne et Isac-Watts à Sévérac Guenrouët).
Le développement est valorisé à prix volontairement bas, ceci pour deux raisons : tout d’abord, comme les acteurs
sont peu ou prou les mêmes sur toute la chaine du projet (de l’initiative jusqu’à l’exploitation), ils retrouveront la
valeur cédée à une étape (développement) à une autre étape (exploitation) ; ensuite, la S.A.R.L Site à Watt étant
initialement créée pour développer spécifiquement ces deux parcs éoliens, rien ne justifiait qu’elle s’attribue une
part importante de la valeur pour se donner les moyens de futures activités (sa stratégie a évolué par la suite, avec
la séparation de ses missions et la création de Site à Watts Développement – cf. page 38).
« Aujourd’hui, financer le développement n’apparait pas comme le problème essentiel dans notre région » selon
Pierre Jourdain, directeur de Site à Watts Développement : « les citoyens et les collectivités sont prêts à apporter
les fonds nécessaires ». En revanche, dédier une société de développement locale à un seul projet l’expose à
100% au risque d’échec. L’enjeu porte donc essentiellement sur l’identification et la mise en place de modalités
pour mutualiser le risque. Eoliennes en Pays de Vilaine travaille sur l’idée de l’adhésion des porteurs de projets à
une mutuelle : les projets réussis abonderaient la mutuelle via le consentement à verser une partie de la prime de
succès, tandis que les projets échoués pourraient percevoir une compensation financière. Tout reste à construire.
DIVERSIFICATION D’ACTIVITÉS
28
Des acteurs existants implantés dans les
territoires, avec ou sans lien préalable à
l’énergie, peuvent choisir de diversifier
leur activité vers la production d’énergies
renouvelables. Le financement de la phase
de développement initial est assuré par les
fonds propres de la structure, et la prise de
risque associée bénéficie d’une mutualisation possible avec les autres activités de la
structure.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
La coopérative agricole Fermes de Figeac parie sur l’innovation territoriale
La coopérative agricole Fermes de
Figeac, anciennement Sicaseli, rassemble 600 adhérents, essentiellement éleveurs de bovins lait et vaches
allaitantes, sur le territoire du Pays de
Figeac (Lot). Depuis 10 ans, la coopérative anime une succession d’actions sur
l’énergie au profit du territoire, portée
par les valeurs du monde coopératif.
A l’occasion d’un déplacement en
Allemagne en juin 2006, les membres
et salariés de la coopérative agricole
SICASELI rencontrent leurs homologues Photo : Université Champollion d’Albi
allemands. Ceux-ci produisent du biogaz par méthanisation à la ferme, sont
membres de coopératives éoliennes, chauffent leurs bâtiments au bois-énergie... Autant d’opportunités de réduire
les charges d’exploitation et de diversifier les activités et les sources de revenus. « Chez nous, on a pareil : des
bâtiments d’exploitation et des ressources naturelles ! », réalisent les membres de la délégation. Ils rentrent chez
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
eux avec une forte envie de passer à l’action. En particulier, les agriculteurs allemands témoignent de l’intérêt et
de leur capacité à se saisir du tarif d’achat, déjà éprouvé en Allemagne et tout juste mis en place en France. Ce
mécanisme de soutien au développement des filières énergies renouvelables électriques est réellement accessible
par tous les acteurs, notamment les agriculteurs.
Laurent Causse, alors adjoint de direction, se penche sur la possibilité de monter une opération photovoltaïque collective au bénéfice des adhérents de la coopérative. Les ambitions initiales sont modestes : il ne s’agit alors, dans
l’idée, que d’équiper une dizaine de toitures. Il propose un premier schéma de montage, rapidement validé par le
président puis le conseil d’administration de la coopérative. Cela marque le début d’une mutation professionnelle
interne, puisque Laurent Causse abandonne petit à petit ses anciennes missions pour se consacrer progressivement et désormais intégralement à l’énergie.
La coopérative a suivi la progression favorable des tarifs d’achat pour l’électricité photovoltaïque sur la fin des
années 2000. Quand un appel à manifestation d’intérêt est lancé auprès des agriculteurs pour des investissements
sur leurs toitures agricoles, la coopérative est dépassée par le succès : plus de 400 projets potentiels émergent,
pour un montant total de 90 millions d’euros d’investissement. Ces montants sont trop élevés au regard des
risques et capacités de financement que peut porter la coopérative. Après l’introduction de critères plus serrés, 200
bâtiments concernant 105 agriculteurs sont retenus pour une puissance totale de 6,9 MW et un investissement de
34 millions d’euros.
Le montage de l’opération est une « partie de poker » avec les banques traditionnelles des agriculteurs (Crédit
Agricole). Il s’agit à la fois de lever les fonds propres pour créer la société Ségala Agriculture et Energies Solaire –
SAES – (20% des investissements) et de la dette bancaire (80%) pour financer le projet. Au sein de la banque, il
s’agit d’ouvrir deux tiroirs-caisses différents. Les agriculteurs impliqués dans le projet souscrivent des prêts en leur
nom propre (et non au nom de leur exploitation), à un taux très préférentiel négocié par la coopérative, à hauteur
de leur prise de participation dans la société. Les fonds propres de la société sont donc apportés par de la dette
bancaire. En conséquence, l’opération a été financée à 100% par les banques.
La SICASELI avait souhaité travailler sur cette opération avec une autre grande coopérative régionale, mais leurs
approches différaient. La seconde a proposé une logique de négoce : achat de matériel et vente d’une prestation
aux agriculteurs. Aucune intervention sur le financement n’était envisagée. Finalement, peu d’installations ont vu
le jour.
Le succès de l’opération de la SICASELI est donc lié à deux points clés : la création d’un « véhicule de projet »
unique et une intermédiation (négociation, facilitation) entre les agriculteurs et des banques régionales, tous
deux coordonnés et assurés par la coopérative. Comme il est intégralement mutualisé (coûts de raccordement,
de maintenance, d’assurances...), le projet est très sécurisé et les agriculteurs ont pu se l’approprier simplement.
INITIATIVES DES COLLECTIVITÉS
LOCALES
Certaines collectivités locales ont choisi de
porter, parfois en propre mais le plus souvent via des entreprises publiques locales
dédiées (Vendée Energies, Sergies, régie de
Montdidier, etc), des projets conséquents
d’énergies renouvelables. L’investissement
de la collectivité génère à terme une boucle
financière locale sur l’énergie, dont les
retombées peuvent être réinjectées dans
des actions énergétiques relatives à des missions de service public de l’énergie (maitrise
de l’énergie et lutte contre la précarité énergétique, notamment), voir d’autres actions
prévues à son budget général. Ce modèle,
intéressant dans ce qu’il génère à terme,
se heurte cependant au niveau possible
des investissements publics, au regard des
besoins d’investissement.
Des modalités d’intervention différentes
de la collectivité peuvent permettre de
produire un effet levier plus important.
Les collectivités territoriales, et en particulier les syndicats d’énergie, se dotent parfois de sociétés majoritairement publiques
(SPL, SEM) pouvant intervenir à la phase de
développement des projets. Ces opérateurs
publics territoriaux de l’énergie constituent
alors un outil d’amorçage de l’intervention
du territoire, souvent dans la perspective
d’un portage important voir majoritaire
de projets d’énergies renouvelables par les
acteurs locaux, notamment les citoyens.
29
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Les Ailes de Taillard : mise en synergie d’une collectivité volontaire, des citoyens motivés et un développeur prêt à faire autrement…
La communauté de communes des Monts du Pilat (CCMP) a depuis plusieurs années un intérêt fort pour les problématiques environnementales : une quinzaine de chaufferies collectives bois et réseaux de chaleur, crèches BBC,
micro-centrale hydraulique. En 2008, un projet éolien vient compléter la politique locale en faveur de la transition
énergétique.
Dès le départ la volonté politique des élus communautaires est de maîtriser le projet, afin de ne pas connaître le
sort des pays “en développement” dont les richesses naturelles sont exploitées sans réelles retombées locales.
L’ouverture d’esprit des élus permet aux citoyens motivés par la transition énergétique, regroupés au sein de l’association Énergies Communes Renouvelables (ECR), d’apporter en 2010 un complément d’expertise et d’énergie
humaine en participant au comité de pilotage.
L’association ECR, plus rapide et légère que les collectivités, soumises au rythme des délibérations des conseils, sert
d’éclaireur pour sonder une demi-douzaine de développeurs éoliens à qui elle demande de lui exposer leur vision
d’un projet partagé avec le territoire. Cela donne les bases pour rédiger un appel à candidatures auquel répondent
une dizaine d’industriels, appelés à plancher sur deux scénarios : création d’une société d’économie mixte (SEM) à
majorité publique à 50,1%, ou une société par actions simplifiée à 50% pour l’industriel, 25% pour la SEM’Soleil12
représentant la CCMP et 25% pour le collège des citoyens. Au terme d’une sélection menée conjointement par les
élus et ECR, le développeur Quadran est choisi en 2011, notamment pour son expérience sur un autre projet participatif.
30
Les études de vent et environnementales peuvent démarrer, et en novembre 2013, la SAS Les Ailes de Taillard est
créée avec un capital de 150 000€ pour porter le développement. Elle associe Quadran, la SEM’Soleil, 120 citoyens
à titre individuel, 2 CIGALES (Club d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire),
5 associations et la SCIC Enercoop Rhône-Alpes. Les actionnaires citoyens détiennent chacun entre une et quatre
actions de 100 euros, et collectivement 25% du capital initial. Cette SAS unique à format variable est la société
de projet qui assure le développement, puis construira et exploitera le parc de 10 éoliennes de 3 MW, une fois les
La gouvernance partagée de la SAS Les Ailes de Taillard
Philippe Heitz - ECR
12 La Sem’Soleil est une société d’économie mixte initiée et détenue à 83% par le syndicat d’énergies de la Loire, dédiée au développement raisonné de grands projets d’énergies renouvelables (éolien et solaire photovoltaïque essentiellement).
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
autorisations administratives obtenues, après augmentation du capital jusqu’à 5 millions d’euros. Sa structuration
juridique est longue à organiser13. La CCMP confie l’organisation de la participation citoyenne à Énergies Communes, avec un cahier des charges sur l’ouverture à tous les habitants de la CCMP. La CCMP et ECR informent ces
derniers par presse et affichage de cette opportunité, en invitant les candidats à contacter ECR, qui en retour les
invite à des réunions d’information privées.
Le développeur demande la maîtrise des domaines techniques qui relèvent de son expertise, via une représentation
importante dans la gouvernance, mais accepte parallèlement le partage à 50/50 de la gouvernance de la société,
non seulement pour la phase de développement, ce qui est logique du fait de la composition du capital, mais
aussi à la construction et l’exploitation. Ainsi, la SAS est contrôlée par un comité stratégique dont la composition
restera stable (4 sièges Quadran, 2 sièges SEM’Soleil, 2 sièges citoyens), y compris après la dilution probable de
l’actionnariat public et citoyen au moment de l’augmentation du capital prévue pour la construction, en 2018.
Ce découplage de la gouvernance et de la détention du capital est la garantie de la pérennité du fonctionnement
participatif du projet. Il constitue une dimension innovante des Ailes de Taillard.
Matérialisation du respect de cet engagement, Quadran s’est engagée à apporter si besoin 150 000€ à la société
de développement en comptes courants d’associés (donc sans droits de vote additionnels).
120 citoyens (plus 26 cigaliers), cela peut sembler peu par rapport à une population de 16 000 habitants sur la
CCMP. Le projet est-il soutenu par les habitants ? Deux signes prouvent que oui. En 2013, ce sont les habitants
des deux villages d’assise du projet qui ont le plus investi dans la SAS. Et en octobre 2014, lors de l’élection de la
commission syndicale de la section de commune14 propriétaire de la moitié du foncier du projet, l’ancienne équipe
opposée au projet est remplacée dès le premier tour par une liste favorable, avec 70% de participation : le verdict
des urnes est sans appel. Le fruit certainement de cinq années d’information des habitants par réunions ou ateliers
publics, conférences, visites, lettres d’informations numériques et imprimées... et un chouette pique-nique au pied
du mât de mesure de vent !
31
La SAS les Ailes de Taillard associe la Communauté de Communes des Monts du Pilat, l’industriel Quadran, 120 personnes, 2 Cigales, 5 associations locales et
Énercoop Rhône-Alpes. Photo : ECR
13 Pour respecter la réglementation de l’Autorité des Marchés Financiers interdisant les réunions publiques, l’association ECR a
emprunté aux pionniers bretons d’Éoliennes en Pays de Vilaine le concept de réunions “Tupperwatt”. La loi de transition énergétique
votée en août 2015 prévoit des dispositions qui devraient apporter des simplifications.
14 Une section de communes est une entité juridique de droit public qui regroupe des ayants droit qui sont les habitants d’une
partie du territoire d’une commune, disposant de droits particuliers type droit d’affouage, de pâturage, d’exploitation forestière.
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
PARTENARIAT AVEC UN DÉVELOPPEUR (CO-DÉVELOPPEMENT)
Le métier de développeur consiste par
essence à prendre des risques, tout en s’efforçant de les minimiser. En particulier, les
développeurs gèrent le risque en s’appuyant
sur leur savoir-faire et leurs références pour
la préparation et la construction d’unités
d’énergies renouvelables, et en mutualisant les coûts de développement, pour faire
porter aux projets qui aboutissent les frais
de développement des projets qui n’aboutissent pas.
Lorsque le développement est porté par
une entreprise tierce, le risque financier du
développement pour le territoire est largement minimisé. C’est évidemment un des
avantages majeurs du co-développement.
Parallèlement, les acteurs locaux peuvent
maîtriser et suivre la conception du projet,
tout en n’apportant un financement qu’à la
hauteur de leur souhait et leurs moyens.
32
Evidemment, les compétences techniques,
juridiques, administratives, économiques
et financières du développeur sont très
favorables au bon avancement du développement d’un projet. Le temps qu’il met
à disposition pour le faire avancer permet
d’entretenir une dynamique locale et limite
la démotivation qui peut intervenir auprès
des acteurs locaux (souvent bénévoles)
sur la durée de développement (souvent
longue). Si un acteur local veut s’investir
dans le développement d’un projet, il doit
souhaiter et pouvoir mobiliser des ressources internes (suivi du projet, participation aux réunions, etc..). Par ailleurs, il est
rare que les personnes concernées soient
compétentes en matière de grands projets
d’énergies renouvelables. C’est pourquoi
les acteurs locaux doivent se positionner surtout sur leurs avantages comparatifs
: connaissance du territoire et des dynamiques d’acteurs, tiers de confiance vis-àvis de la population (pour les collectivités en
particulier), capacité d’animation au quotidien. Si besoin, la formation ou le recours
à un accompagnement par une assistance
à maîtrise d’ouvrage peuvent l’aider à être
en capacité de négocier d’égal à égal avec
le développeur.
Ces dix dernières années, les développeurs
ne se sont pas naturellement tournés vers
des logiques de partenariat poussées avec
les acteurs territoriaux, qui souvent ne leur
demandaient rien. Il peut en effet sembler
plus simple et bénéfique de faire seul :
rationalisation des méthodologies de projets, avec des approches « clés en main »
conçues au niveau national (ou international) ; aucun besoin de partager la gouvernance, les décisions et l’investissement (et
donc les retombées) ; adaptation au territoire et concertation limitées au minimum
assurant l’acceptation et la réalisation des
projets.
Pourtant, de manière proactive ou en
réponse à un cadrage territorial fort sur les
conditions de développement des nouveaux
projets (chartes éoliennes, appel d’offres,
constat d’oppositions, etc), certains développeurs ont identifié les opportunités
offertes par un partenariat avec les acteurs
territoriaux. Ils ont constaté que les projets
ont plus de chances d’aboutir quand ils
sont mieux compris et acceptés localement.
L’apport d’une ingénierie « politique » par
les partenaires locaux concourt largement à
cet état de fait, tout comme la possibilité de
se prévaloir de l’éthique d’un projet « par
et pour le territoire » et de bénéficier de la
communication positive associée.
La logique de co-développement repose sur
un partage des risques et des responsabilités. Les acteurs font équipe et apportent
chacun leur part pour faire aboutir le projet : le développeur apporte généralement
ses compétences techniques et financières,
le territoire œuvre pour une bonne acceptation locale et la maitrise du foncier.
Plus précisément, le territoire peut se prévaloir de disposer des terrains d’implantation
(privés ou publics), de la maîtrise de l’urbanisme (PLU compatible ou non), de la prise
en compte de l’avis des collectivités dans
l’instruction des demandes administratives
(permis de construire notamment), de la
connaissance des enjeux du territoire (politiques, sociaux, environnementaux) et des
« réseaux de décision » (propriétaires fonciers, administrations, politiques) ou encore
une meilleure maîtrise de la communication
sur le terrain (au quotidien) et plus généralement de la défense du bien commun.
A partir de ces leviers, le territoire peut
prendre position et négocier sur le risque
à porter ou faire porter par le développeur,
la valorisation financière de ce risque (montant de la prime de succès et conditions
d’attribution), le partage de la gouver-
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
nance et de l’investissement et le contrôle
des conditions ultérieures d’exploitation. Il
doit cadrer la communication sur le projet,
en s’accordant avec le développeur sur les
messages à faire passer.
Dans une approche en co-développement,
une mise en concurrence des développeurs
s’avère une stratégie payante. Pour cela,
les collectivités et acteurs locaux peuvent
lancer un appel à projet auprès des producteurs, exploitants ou encore investisseurs.
Il s’agit alors pour les entreprises de s’en-
gager à définir puis mettre en œuvre un
projet proposant un modèle de gestion et
de financement qui associe les citoyens et
les acteurs locaux au côté des collectivités.
Récemment, la communauté de communes
Maremne Adour Côte Sud a même été plus
loin, en ouvrant un appel à projets (selon
une méthodologie comparable à celle d’un
dialogue compétitif) autour d’une stratégie
globale de développement de production
d’énergies renouvelables sur son territoire,
impliquant la réalisation de plusieurs unités.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Le parc éolien 100% collectif et citoyen d’Avessac en Loire Atlantique
ABO Wind et l’association Éoliennes en Pays de Vilaine (EPV) ont conclu en 2007 un accord pour travailler main
dans la main à la conception du parc éolien d’Avessac, sur la volonté communale de favoriser un projet citoyen
afin qu’il réponde au mieux aux exigences techniques, environnementales et énergétiques du territoire. ABO Wind
a apporté son expérience et expertise technique pour déposer et obtenir les demandes d’autorisations nécessaires
auprès des services de l’État. L’association Eoliennes en Pays de Vilaine a apporté sa connaissance du terrain et de
ses acteurs tout au long du développement, ce qui a permis, avec le concours de la commune, de résoudre en fin
de parcours un point de blocage important qui aurait pu mettre en péril le projet.
Les parts d’ABO Wind détenues dans la société de projet Ferme éolienne d’Avessac SAS ont été cédées après
obtention de toutes les autorisations purgées, selon la répartition finale suivante : SEM SERGIES : 51 % ; EPV : 23
% ; SEM SIP-EnR : 23 % ; Energie Partagée : 3 %. C’est un actionnariat original, 100 % collectif ou citoyen, avec
des acteurs engagés dans la durée, vis-à-vis de leurs actionnaires publics ou regroupements de citoyens.
Le projet de 5 machines de 2 MW, actuellement en construction par ABO Wind, permettra aussi de financer sur la
durée de vie du parc des actions de maîtrise de la demande en énergie ciblées prioritairement sur les riverains et
actionnaires locaux.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Un parc photovoltaïque négocié territorialement à Narbonne
C’est en 2009 que Rémi Ibanes, agriculteur, a l’idée d’un projet territorial multi-énergies. La première pierre est
la production d’énergies renouvelables, avec le projet d’une centrale solaire de 12 MW comme locomotive économique, la seconde l’expérimentation, avec notamment de la biomasse, la troisième la sensibilisation. Rapidement,
le Pôle Energies 11 soutient sa démarche en le conseillant sur des éléments techniques et surtout en fédérant les
acteurs du département audois. Le Conseil Régional de Languedoc-Roussillon finance une étude d’opportunité réalisée en 2010. Elle conclut à la faisabilité du projet et incite à mobiliser du financement participatif, dans le cadre
d’une politique régionale volontariste sur les projets d’énergies renouvelables coopératifs et solidaires.
Le territoire étant à l’origine du projet, il souhaite en garder la maitrise et crée à cette fin l’association Energies
participatives du Narbonnais (EPN) en juin 2014. Son objectif est de développer les projets participatifs liés aux
énergies renouvelables et en premier lieu le parc coopératif des énergies de Narbonne. Un collectif d’acteurs locaux
réunis autour de l’association lance un appel d’offres pour la construction du parc. Il veut avoir un rôle dans la
gouvernance du projet, participer au capital et mobiliser autant que possible la population. La zone est très ensoleillée et le productible est donc très attractif. Naturellement, de nombreux acteurs du photovoltaïque répondent
33
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
à l’appel. Le collectif retient le modèle proposé par Valorem, qui prévoit les conditions les plus avantageuses pour
le territoire. Valorem accepte de céder la gouvernance à EPN (60 %) et de valoriser financièrement la participation
de l’association au développement à hauteur de 25%. Le montant associé est considéré comme des fonds propres
de la société de projet par la banque. Par ailleurs, 25% de la prime de succès revient aussi à EPN.
Répartition différenciée des rôles des acteurs du projet
Claudio Rumolino - Valorem
Cela conduit à une répartition prévisionnelle égalitaire des résultats sur 25 ans, soit tout au long de la vie du projet.
34
Cumul des flux financiers pour les investisseurs sur la durée de vie du projet
Claudio Rumolino - Valorem
Le projet, présenté à l’appel d’offres photovoltaïque de la Commission de régulation de l’énergie (CRE3), a été
retenu en décembre 2015. Correspondant à un investissement de 14 millions d’euros, il est aujourd’hui le plus
grand projet solaire participatif en France. Il est porté par la société Soleil Participatif du Narbonnais, qui regroupe
à ce jour EPN, l’entreprise Valorem et Alenis, la société d’économie mixte du Grand Narbonne (le Syaden, syndicat
d’énergie audois, et l’agglomération du Grand Narbonne entreront bientôt au capital).
Structure de la société « Soleil participatif du Narbonnais »
Guillaume Marcenac - Enercoop Languedoc-Roussilon
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
Pour obtenir les 3,6 millions de fonds propres de la société de projets, nécessaires pour lever la dette complémentaire, la SAS EPN, émanant de l’association du même nom, doit être capitalisée à hauteur d’environ un million
d’euros d’ici l’été 2016. Pour cela, la population locale est invitée à prendre des actions de la société. Dans le cadre
de son appel à projets visant à encourager le financement participatif (voir page 48), la Région Occitanie abondera d’un euro chaque euro investi par un habitant de la région. Parallèlement, la possibilité de souscrire à des
obligations sera aussi ouverte à tous au niveau national. Enercoop Languedoc-Roussillon intervient en assistant à
maîtrise d’ouvrage sur le montage financier participatif.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Géotexia, première unité de méthanisation territoriale et collective dans le Mené
(Bretagne)
Le territoire du Mené, dans les Côtes d’Armor, a une longue tradition de développement local, remontant aux
années 60-70. A la fin des années 90, cette dynamique territoriale s’incarne dans des réflexions sur le développement durable et l’énergie.
En 1995, le Salon des Fourrages et des Initiatives Rurales est organisé à Plessala, sous l’égide du mouvement
CUMA (Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole). C’est un énorme succès et le point de départ d’un débat
permanent entre tous les acteurs du Pays pour initier des actions en faveur du développement durable et créer des
partenariats. L’association MIR (Mené Initiatives Rurales) est créée dans la continuité, en 1997 : elle génère une
dynamique partenariale associant les différents acteurs locaux (collectivités locales et territoriales, représentants
de l’État, associations...) pour tenter de résoudre, localement, la difficile question de la qualité de l’eau et des
déchets organiques épandus en excès, faute de plans d’épandage suffisants.
La CUMA Mené Énergie est créée en 1999, sans fonds significatifs. Ce groupe de travail et de réflexion rassemblant des éleveurs de porcs du Mené est un véritable catalyseur : il met tout en oeuvre pour trouver des solutions
techniques innovantes pour respecter l’environnement et préserver la qualité de l’eau en associant et informant
la population. Au cours de voyages organisés par MIR en Allemagne, au Danemark, éleveurs et différents acteurs
locaux visitent des unités de méthanisation : ce procédé retient davantage leur attention que celui du compostage,
auquel ils ont également réfléchi. Des études de faisabilité s’ensuivent et sont menées par Solagro, avec le soutien
de l’ADEME, en 2001.
Le projet GEOTEXIA Mené nait en 2002, en associant alors la CUMA Mené Énergie et le groupe IDEX, opérateur
intervenant comme réalisateur et exploitant d’installations de production d’énergie et de traitement des déchets
en France. Le développement technique du projet est assuré par IDEX. La CUMA Mené Énergie joue un rôle fondamental à ses côtés, du fait de son ancrage local et sa connaissance du territoire et de ses acteurs : Dominique
Rocaboy et Denis Dessaudes, en particulier, vont chercher à la fois les paysans, pour les intégrer au projet, et les
subventions, nécessaires à la consolidation de son modèle économique, en faisant jouer leurs relations politiques
et techniques. L’association AILE, l’ADEME et le mouvement CUMA apportent une aide précieuse aux éleveurs, tout
au long du montage du projet. La Caisse des Dépôts et Consignations joue aussi un rôle crucial en amont, de par
son engagement moral précoce à participer au tour de table de la société d’exploitation à terme, son accompagnement et cofinancement des études et l’apport de sa crédibilité pour mobiliser les autres partenaires.
La première phase de développement du projet (2004-2006) est semée d’embuches. La procédure légale va
jusqu’au bout, et les autorisation d’exploiter et permis de construire sont accordés. Grâce au travail d’écoute et
de pédagogie des agriculteurs, les associations de défense de l’environnement (Eaux et Rivières de Bretagne par
exemple) sont favorables au projet. Cependant une association locale de riverains s’y oppose et attaque l’autorisation d’exploiter au tribunal administratif. Les délais d’instruction rendent finalement l’autorisation caduque, sans
jugement sur le fond du dossier.
Une seconde phase de développement du projet aboutit. Le développement est valorisé à hauteur de 456 000€ au
total, dont 359 000€ au profit d’IDEX et 97 000€ pour les agriculteurs qui se sont investis concrètement pendant
plusieurs années au nom de la CUMA. Ces derniers décident de mettre ce montant dans la CUMA, au moment de
la phase d’investissement, et les autres agriculteurs complètent en apportant chacun leur quote-part.
35
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Le premier coup de pioche est donné en mai 2008
et la mise en service est faite fin 2010. L’unité de
méthanisation est conçue pour valoriser 35 000
tonnes de lisier de porcs et 40 000 tonnes de
co-produits d’industries agro-alimentaires par an.
Elle valorise le biogaz en cogénération (production d’électricité et de chaleur) avec deux moteurs
d’une puissance totale de 1,6 MW.
La société anonyme Géotexia Mené est fondée
avec un capital social de 1,4 M€, détenu à 34 %
par la CUMA Mené Énergie, 32 % par le groupe
IDEX et 34 % par la Caisse des Dépôts et Consignations. La CUMA Mené Énergie rassemble
34 agriculteurs dont les élevages sont de type
familial, n’excédent pas 200 truies et produisent
du lisier. Ils se situent dans un rayon de 20 km
autour de l’unité de méthanisation. Pour conserver un pouvoir de décision au sein de la société
Géotexia, la CUMA en a pris la Direction et la Présidence.
Unité de méthanisation territoriale Géotexia
Photo : AILE
La philosophie du projet selon les éleveurs de la CUMA Mené Énergie repose les principes suivants :
Maintien et développement de l’emploi agricole dans le Mené, région de polyculture et d’élevage avec
de petites structures. Pour certains éleveurs, la gestion des effluents y est problématique, faute de
plans d’épandage suffisants.
36
Création d’un outil flexible permettant de valoriser des matières organiques biodégradables d’origines
variées en produits valorisables agronomiquement et permettant aussi de produire de l’électricité (vendue sur le réseau) et de la chaleur (utilisée pour le process et le chauffage de serres).
Projet commun de territoire porté par des acteurs locaux pour créer de l’activité en milieu rural.
L’investissement total pour la réalisation de l’unité de méthanisation s’élève à 14 M€. Les fonds propres de Géotexia
Mené représentent 10% de l’investissement. L’Ademe, l’Agence de l’eau et le Feder apportent 29% complémentaires sous forme de subventions. Le reste est financé par l’emprunt (Crédit agricole, Crédit Mutuel de Bretagne,
OSEO et le Crédit Coopératif). Le Conseil Régional de Bretagne et le Conseil Général des Côtes d’Armor apportent
une garantie bancaire à hauteur de 1 M€ chacun. Enfin, la communauté de communes du Mené achète le terrain
sur lequel est implantée l’usine (13 ha) et le cède.
3 | Faciliter et sécuriser le
développement
La phase de développement est fortement
marquée par le risque qui lui est associé.
Avant d’évoquer les autres moyens possibles, il est bon de souligner que la principale manière de limiter les risques, et donc
de rendre le développement moins coûteux
et plus accessible aux acteurs locaux, c’est
de simplifier, clarifier et stabiliser les cadres
réglementaires relatifs aux mécanismes de
soutien aux énergies renouvelables, aux statuts des sociétés généralement mobilisées
pour les projets citoyens (en particulier SCIC
et SAS) et au financement local. Ce facteur
est déterminant pour faciliter les relations
avec les banques et créer de la confiance.
En l’état actuel, deux leviers de mutualisation du risque peuvent être actionnés :
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
l’acquisition progressive d’un portefeuille
de projets (notion de « foisonnement ») et
de capacités propres de financement, via la
constitution d’opérateurs énergétiques territoriaux pérennes et solides,
et la capitalisation du savoir-faire et d’expertise sur le montage de projets d’énergies
renouvelables participatifs, au sein d’entreprises et de réseaux spécialisés.
CAPITALISER LE SAVOIR-FAIRE ET
L’EXPERTISE SUR LE MONTAGE DE
PROJETS PARTICIPATIFS
Impliquer les citoyens dans la production
d’énergie locale renouvelable présente des
intérêts forts en matière de sensibilisation
aux enjeux énergétiques, d’appropriation
des technologies de production par le
grand public et de répartition des richesses
locales. Pour autant les citoyens ne sont pas
des professionnels de l’énergie et la bonne
réussite des projets passe par un accompagnement approprié et la constitution de
réseaux d’acteurs entre les citoyens, les collectivités et les acteurs privés professionnels
du secteur.
L’accompagnement des projets participatifs
en France n’est pas, à ce jour, très structuré, ce type de projets n’étant pas encore
suffisamment répandu. L’enjeu est double
en matière de compétences à mobiliser
puisqu’il s’agit d’une part d’accompagner
techniquement les projets sur la production
d’énergie renouvelable (mission qui peut
être habituellement menée par une association spécialisée ou une agence locale
de l’énergie) et d’autre part de les accompagner sur la mise en place de la structure de portage juridique, la constitution
de l’actionnariat, et plus globalement sur
le montage juridique et financier. L’articulation et la coordination entre ces deux
compétences indispensables est loin d’être
aisée et aujourd’hui il n’y a pas de « guichet
unique » qui permettrait à un territoire ou
à un porteur de projet de faire appel à un
accompagnateur polyvalent.
Les porteurs de projets construisent donc
collectivement les moyens de faciliter leurs
projets. Au niveau national, le mouvement
Energie Partagée se donne pour objectif
d’organiser des formations, de mutualiser les expériences et d’accompagner les
projets, mais il se focalise uniquement sur
les projets amenés à être majoritairement
détenus par les collectivités locales et/ou
les citoyens. Les réseaux régionaux tels que
Taranis en Bretagne, Energie Citoyenne en
Pays de la Loire, EC’LR en Occitanie, celui
animé par Rhônalpénergie-Environnement
en Rhône-Alpes, ou ceux d’Energie Partagée en Provence-Alpes-Côte d’Azur et
Ile-de-France, participent aussi à améliorer
l’échange d’informations entre porteurs de
projets et organisent des formations thématiques collectives.
Fin 2015, le Conseil Régional de Rhône-Alpes envisageait la création d’une structure d’accompagnement non technique des
porteurs de projet privés ou publics, afin
de faciliter l’interaction entre collectivité
et citoyens, et développeurs et industriels.
Celle-ci serait amenée à se positionner en
complément des bureaux d’études sur des
missions de pilotage du projet, optimisation
des coûts, montages juridiques et financiers
et relations public-privé.
Par ailleurs, en matière d’expertise, on
observe un double mouvement : soit les
porteurs de projets locaux se dotent de l’expertise technique nécessaire et constituent
des entreprises aptes à accompagner les
projets à venir (exemple du bureau d’études
Site à Watts Développement), soit les développeurs acquièrent un nouveau savoir-faire
en matière de montage de projet participatif, au-delà de leur compétence technique
avérée (exemple de l’entreprise Valorem).
37
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Site à Watts Développement, bureau d’études créé par l’association Éoliennes en Pays
de Vilaine
Site à Watts Développement est un bureau d’études créé par l’association Éoliennes en Pays de Vilaine (EPV), à
l’origine des parcs éoliens citoyens de Béganne et de Sévérac-Guenrouët (cf. page 27). Sa mission première est
d’assurer l’ensemble des prestations nécessaires à la réalisation des projets d’EPV : développement, structuration
juridique, financement, suivi de construction, exploitation. En parallèle, la société a vocation à partager l’expérience acquise afin d’en faire bénéficier d’autres projets citoyens, en particulier sur la région du grand ouest, en
lien avec le réseau régional Taranis. Elle intervient ainsi en assistance à maîtrise d’ouvrage sur la triple composante
technique, juridique et financière, et citoyenne de projets éoliens citoyens, mais aussi en conseil et accompagnement d’une vingtaine de porteurs de projets locaux répartis dans toute la France.
Avec la mise en service du deuxième parc éolien citoyen sur lequel il est intervenu, la construction d’un troisième
parc, le développement de nouveaux projets et des sollicitations de plus en plus nombreuses à travers la France,
Site à Watts Développement renforce son équipe, aujourd’hui composée de cinq personnes.
Eoliennes développées par Site à
Watts Développement
Photo : Eoliennes en Pays de Vilaine
38
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Un chargé de projets participatifs à plein temps chez le développeur Valorem
Depuis longtemps, l’entreprise Valorem envisageait la mise en place de mécanismes concrets et opérationnels
pour rendre ses projets éoliens et solaires participatifs, à l’instar de ce qui se faisait déjà depuis longtemps dans
plusieurs pays européens. Cependant, personne n’était spécifiquement désigné pour remplir cette tâche, le temps
manquait pour les salariés invités à s’en saisir et cette volonté restait lettre morte.
Claudio Rumolino, précédemment chef d’entreprise dans le secteur de la cartographie, décide d’opérer un virage
professionnel et s’inscrit dans un master 2 sur l’énergie à Bordeaux. Pour valider cette formation, il répond à une
offre de stage chez Valorem pour la réalisation d’un bilan carbone de l’entreprise et quatre de ses parcs éoliens et
il est retenu.
A l’issue du stage, aucun poste n’est a priori ouvert au sein de l’entreprise. Cependant, l’employeur et le stagiaire
partagent la volonté mutuelle de poursuivre leur coopération. Un poste de chargé de mission projets participatifs
est créé sur mesure et de toutes pièces. Finalement, ce sont rapidement ses connaissances et son expérience de
chef d’entreprise dont Claudio Rumolino va faire usage, davantage que celles issues du master dont il sort tout
juste. Il s’agit en effet de travailler au quotidien sur les questions d’investissement et de rentabilité, sur les relations avec des banquiers et des clients, etc.
Depuis cinq ans, Claudio Rumolino arpente le territoire national pour démarcher et rencontrer les maires et élus,
les acteurs locaux et la population afin de leur donner de l’appétit pour la participation dans des projets d’énergies renouvelables. « Il faut faire des projets avec le territoire, car on ne les fait pas contre », plaide-t-il. « Pour
avancer sereinement dans un développement, il faut trouver des alliés locaux ». Un des leviers consiste à proposer
une participation financière, mais aussi une place importante dans la gouvernance du projet. Claudio Rumolino a
déjà imaginé pour Valorem de nombreux schémas avec les collectivités locales, les acteurs locaux et la population
riveraine, dont plusieurs sont aujourd’hui mis en oeuvre.
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
DÉGAGER DES CAPACITÉS DE FINANCEMENT
Les projets d’énergies renouvelables s’appuient sur des modèles économiques fonctionnels, nonobstant la relative instabilité
des dispositifs de soutien constatée depuis
plusieurs années en France. La mise en
oeuvre d’un projet réussi par un acteur local
peut lui permettre de se constituer en opérateur territorial de l’énergie, apte à capitaliser expériences et compétences, puis,
après quelques années, des capacités de
financement pouvant alimenter une boucle
économique locale sur l’énergie.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Fermes de Figeac : enclencher une boucle financière vertueuse à partir d’une opération réussie
Aujourd’hui, l’opération photovoltaïque des Fermes de Figeac, fondatrice de l’activité énergie de la coopérative,
constitue un véritable aubaine15 (cf. page 28). Le plan d’affaires était très conservatif et le projet est une pleine
réussite : rapidement, d’importants excès de trésorerie sont engrangés. Plus d’un million de bénéfices ont été collectés en quelques années par la coopérative. La question qui se pose alors est la suivante : que faire de cet argent?
Le choix s’oriente vers une répartition en trois tiers : le premier est redistribué aux actionnaires, le second est mis
en réserve, le dernier est dédié au développement de nouveaux projets.
La coopérative Fermes de Figeac est largement confortée dans son orientation sur la thématique énergétique
et son fonctionnement par cette opération. Elle a été rémunérée en phase d’investissement pour son ingénierie
de projet. Elle assure désormais une prestation d’entretien et de maintenance pour la société Ségéla Agriculture
Energie Solaire (SAES). Cette prestation est facturée, d’un commun accord entre les parties, dans la fourchette
haute des prix pratiqués habituellement. Ce choix matérialise la volonté collective de mutualiser les retombées
économiques de l’opération photovoltaïque. En effet, seuls certains agriculteurs du territoire impliqués dans la
SAES touchent directement des bénéfices. Faire remonter davantage d’argent à la coopérative, c’est permettre le
développement de nouveaux projets d’énergies renouvelables (photovoltaïque, bois-énergie, éolien, méthanisation, etc) mais aussi désormais d’économies d’énergie (rénovation énergétique de l’habitat), dont pourra bénéficier
le plus grand nombre. La coopérative est désormais dotée d’une équipe de dix personnes pour le développement,
l’exploitation et la maintenance des projets sur l’énergie. Elle peut aussi mobiliser la trésorerie disponible pour
la mettre en fonds propres de nouveaux projets. Par exemple, de nouveaux projets photovoltaïques groupés (250
installations de 9 kW, 30 installations de 100 kW) sont en cours de montage. Le principe est de louer leurs toitures
aux agriculteurs, à un loyer très favorable et avec paiement en avance, grâce à une rémunération calculée au plus
juste pour les investisseurs.
Parmi les nouveaux projets, la coopérative développe une filière bois-énergie complète, en circuit
court, sur le modèle de la SCIC ERE 43 en HauteLoire. Le capital « à risque » de ce projet est porté
par les retombées de l’opération photovoltaïque.
Depuis quelques années, la société Valorem échangeait avec les collectivités locales pour le développement d’un projet éolien sur le territoire. La coopérative s’implique sur ce projet et obtient un accord de
Valorem sur le principe d’une participation locale au
capital, à hauteur de 40% et l’intégration de clauses
de cogérance. Une garantie de rentabilité pendant
la période de tarif d’achat est assurée aux habitants.
Une fois encore, l’opération photovoltaïque permet
15 A noter : cette opportunité financière n’est pas
reproductible aujourd’hui, puisque les tarifs d’achat
surdimensionnés et inflationnistes de l’époque, induisant de très fortes recettes, ne sont plus en vigueur
(baisse d’un facteur 4 en 5 ans !).
Visite d’une chaufferie bois à Lacapelle
Photo : Université Champollion d’Albi
39
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
de faire l’avance des fonds, alors que la banque ne voulait pas prêter, au moment où Valorem demandait une
entrée financière au capital à la hauteur de la part réservée au territoire et avant que les fonds n’aient pu être
collectés auprès de la population. Finalement, la collecte auprès des citoyens dépasse les attentes. Mais rien n’est
dû au hasard : la coopérative a en effet animé une démarche collective et négocié des taux préférentiels auprès des
banques locales favorables au projet (emprunt à 1,8% sur 15 ans). Finalement, la société SAES accepte de baisser
sa participation de 35% pour permettre à davantage d’habitants intéressés, notamment de nombreux jeunes,
d’avoir leur place dans le projet. Les Fermes de Figeac apportent ainsi une solution territoriale pertinente – mais
trop rare – à l’équation de la place du citoyen dans des grands projets d’énergies renouvelables, qui requièrent de
gros financements et sont aussi convoités par des fonds d’investissement.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Ercisol ne manque pas d’idées pour croitre et essaimer !
Louis Massias est maire de Foussemagne (90) de 1988 à juin 2012, et président de la Communauté de Communes
du Bassin de la Bourbeuse de 2001 à 2014. Pendant plus de 10 ans, il mène un ensemble d’actions en faveur des
économies d’énergie et des énergies renouvelables dans sa commune : aides aux particuliers, remplacement des
chaudières fioul et convecteurs électriques par des chaudières bois dans les bâtiments communaux, installation de
toitures solaires, isolation de l’école, économies d’énergie sur l’éclairage public (coupure de l’éclairage public de
23 h à 5h30), etc. En 2014, il arrête toute fonction élective pour se consacrer entièrement à Ercisol et à ses filiales.
Ingénieur en retraite et ancien chef d’entreprise, Louis Massias initie la création de la S.A.S Ercisol (pour Energies
Renouvelables Citoyennes et Solidaire) en 2010. Grâce au large réseau de connaissances qu’il s’est constitué à
travers ses mandats d’élu, notamment, Louis Massias rassemble assez simplement 35 associés fondateurs qui
apportent un capital initial de 65 000€.
40
Ercisol a pour objet la production et la distribution d’énergies (électricité et chaleur) d’origine renouvelable. La
société, du type coopérative, est à capital variable, ce qui permet à toute personne physique ou morale (entreprises, CIGALES, clubs d’investissement…) de la rejoindre quand elle le demande. Le Président et les membres du
Comité de Gestion (13 personnes) de la société sont élus et bénévoles.
Pour commencer, Ercisol investit en direct dans une centrale photovoltaïque de 95 kW sise à Ebersheim (67), dans
le but de lui assurer des ressources internes nécessaires à son fonctionnement. Grâce à cette unité rapidement
développée et mise en service, la société parvient à équilibrer ses comptes dès la deuxième année.
Ercisol privilégie la création de filiales pour les projets suivants. C’est à la fois un moyen de démultiplier les investissements, de limiter le risque pour la maison-mère et de rassurer les banquiers en leur proposant des modèles transparents et simples à appréhender pour chaque nouveau projet. Par ailleurs, cela pourra permettre, si besoin, de
vendre plus simplement un projet pour un acquérir un autre (plus grand). Habituellement, Ercisol choisit de détenir
70% du capital social afin de conserver la gouvernance des projets. Les 30% restants sont ouverts aux acteurs
locaux intéressés. Pour les mobiliser, Ercisol organise des réunions publiques afin de susciter la participation.
Par exemple, Ercisol crée la filiale SARL HydroRaon pour les études, la construction et l’exploitation d’une centrale
hydraulique de 400 kW sur le site de la Papeterie des Châtelles, située sur les communes de Raon l’Etape, Etival
Clairefontaine et Moyenmoutier dans les Vosges. Le barrage pré-existant était abandonné et non opérationnel
depuis 2002 et son propriétaire souhaitait s’en séparer. Ercisol se porte donc acquéreur du site et des droits d’eau,
et étudie les travaux nécessaires pour remettre le site en état et produire à nouveau de l’énergie. Le projet nécessite
un investissement de 1,8 M€, dont 500 000€ pour l’acquisition du site.
La SARL HydroRaon est dotée d’un capital social limité à 50 000€, complété par 350 000€ en comptes courants
d’associés (CCA), afin d’atteindre 400 000€ de fonds propres (22% de l’investissement). Ercisol établit par ailleurs
la règle suivante : pour chaque prise de participation au capital, les investisseurs doivent obligatoirement prendre
un même pourcentage en CCA. Ainsi, par exemple, un investisseur qui prend 10% au capital (5 000€) doit prendre
10% des CCA (35 000€). Les CCA sont bloqués pendant la durée du prêt, soit 12 ans, et donnent droit à des intérêts
réguliers ; les actions permettent de bénéficier de dividendes, estimés à 4% sur 15 ans, mais sans garantie ni de
montant ni de régularité.
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
Le projet HydroRaon est ouvert à souscription via Energie Partagée (cf. page 52). La collecte est fructueuse. Ainsi,
le capital social de la filiale est détenu à 60% par Ercisol, 10% par Energie Partagée Investissement et 30% par
des acteurs locaux.
Pour opérer sa croissance, Ercisol n’est pas à court d’idées ! Ainsi, la société établit la nécessité, pour toute prise
de participation dans une filiale, de prendre un montant équivalent en actions dans la maison-mère. Les adhésions
sont régulières, avec un rapport d’investissement de 1 à 110. C’est ainsi qu’Ercisol rassemble aujourd’hui 157
associés qui ont souscrit 1 588 actions (à 500€) constituant un capital de 794 000 €, entièrement libéré. Le plafond,
initialement fixé à 800 000€, est sur le point d’être augmenté à 2 M€.
Enfin, Ercisol a choisi récemment de diversifier ses modalités d’intervention : la société détiendra des participations
minoritaires dans des sociétés d’économie mixte (SEM), impliquées dans des projets éoliens dans le Jura à Chamole
(participation de 7%) et dans les Vosges Alsaciennes (participation de 18%).
4 | Accompagner le financement du
développement
Le financement du développement représente un enjeu critique pour la réalisation
de projets d’énergies renouvelables d’intérêt territorial. Du fait des bénéfices significatifs potentiels auxquels les acteurs des territoires peuvent légitimement prétendre en
lien avec ces projets, il est utile de les aider
à intervenir pendant cette phase amont.
C’est évidemment le rôle de la puissance
publique, autour des enjeux de développement économique local, de revitalisation
démocratique et de protection de l’environnement. Par ailleurs, de plus en plus, les
citoyens sont sensibles au rôle qu’ils peuvent
jouer à titre individuel : certains sont prêts à
investir dans des projets à dimension locale
et solidaire, pour prendre part à une dynamique de transition sociétale.
Les dispositifs identifiés pour permettre
d’amorcer le démarrage et d’accompagner le développement de sociétés locales
d’énergies renouvelables sont :
les outils de capital-risque
la participation de sociétés (majoritairement) publiques
les avances remboursables faites par des
collectivités
les subventions directes et indirectes
OUTILS DE CAPITAL-RISQUE
Le capital-risque consiste en toute activité
de prises de participation, temporaires et
minoritaires dans des entreprises non cotées
afin de dégager ultérieurement des plus-values. On distingue principalement le « capital amorçage » (seed capital), consistant en
une intervention avant le réel démarrage
d’activité d’une nouvelle entreprise, et le
« capital création » (start-up), consistant en
une intervention au démarrage de la nouvelle entreprise ou pendant son tout premier développement (3 premières années).
Les interventions en capital risque peuvent
se faire par la souscription d’actions ou des
avances en compte courant d’associé.
Le cadre pour le financement en capital-risque des projets énergétiques locaux
reste largement à concevoir. Du fait que les
acteurs locaux ne sont pas toujours « avisés » sur les risques importants encourus à
cette phase, un effort d’information et de
clarté doit être fait envers les investisseurs
citoyens locaux.
Fonds d’amorçage
Les fonds d’amorçage en capital-risque
sont une source de financement en fonds
propres qui ne concerne qu’un nombre
restreint d’entreprises nouvelles. Cela
représente une première limite par rapport
aux nombreux projets d’énergies renouvelables locaux à développer. Ces dispositifs
recherchent généralement une rentabilité
41
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
42
très forte en peu de temps. Ils sont accordés
sur la base de plans d’affaires édifiés à 3
ou 5 ans faisant apparaître une croissance
rapide dans des secteurs novateurs. Leur
structuration est donc peu adaptée aux
projets de production d’énergie renouvelable, dont la rémunération est plus faible
mais garantie sur du long terme (15-20 ans,
durée des tarifs d’achat).
L’investissement a une durée de vie de 5
ans. A l’issue de cette période, les anciens
membres du club continuent de percevoir
leurs dividendes à titre individuel et non
plus au nom du club. Ils peuvent aussi décider de retirer leur apport à cette échéance,
ce qui amène au remboursement de la participation ou de la vente des actions détenues par le club.
A notre connaissance, aucun fonds d’amorçage de projets d’énergies renouvelables
n’existe à ce jour. Pourtant, il serait pertinent de proposer, au niveau national ou
régional, une solution mixte de financement
comprenant une aide au financement de la
phase de développement via une prise de
participation minoritaire dans la société de
projet, idéalement complétée d’autres instruments financiers (avances remboursables
avec différés) ou des apports en nature.
Le modèle des Clubs d’Investisseurs pour
une Gestion Alternative et Locale de
l’Epargne Solidaire (CIGALES) a déjà été utilisé pour les projets d’énergies renouvelables
(Bégawatts, Citéol Mené…). Son utilisation
est soumise à l’affiliation à une fédération
nationale et des associations régionales,
et au respect d’une charte nationale. C’est
une structure de capital risque solidaire
mobilisant l’épargne de ses membres au
service de la création et du développement
de petites entreprises locales et collectives,
dans le respect de principes de proximité,
citoyenneté et solidarité. Le modèle des
Clubs d’Investissement dans les Energies
Renouvelables Citoyennes (CIERC) a été
introduit par la suite, en s’appuyant sur le
modèle des CIGALES, et consiste en une
version plus « libre » et dédiée aux projets
d’énergies renouvelables.
Plusieurs structures mènent actuellement
une réflexion conjointe et font des propositions via le think tank «le Labo de l’économie sociale et solidaire» pour la mise en
place d’un tel fonds d’amorçage dédié aux
projets citoyens.
Clubs d’investisseurs
Le club d’investissement est une entité fiscale permettant de mettre en commun une
épargne afin de la faire fructifier. Il regroupe
de 5 à 20 personnes qui s’unissent sous la
forme d’une indivision volontaire (le plus
souvent) pour investir dans des valeurs mobilières. Le club possède un compte bancaire
en indivision simple avec un mandataire qui
en assure la gérance. Les versements des
adhérents du club sont mensuels, limités et
fixés par région (pour les CIGALES) ou en
une seule fois au début (pour les CIERC).
Le recours à des clubs d’investisseurs permet
de simplifier considérablement la gestion
pour les gros projets (où plusieurs centaines
d’investisseurs peuvent intervenir), en introduisant des intermédiaires16. Par ailleurs,
ils induisent une complexité de gestion et
leur apport en capital reste limité par la loi,
ce qui nécessite la juxtaposition de nombreuses CIGALES, comme à Béganne, pour
rassembler les fonds propres de démarrage.
16 L’appréciation juridique précise du statut de club
d’investisseur est en cours de définition au niveau
national.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Les Clubs d’Investissement dans les Energies Renouvelables Citoyennes promus par
Eoliennes en Pays d’Ancenis
En janvier 2012, en Loire-Atlantique, l’association Eoliennes en Pays d’Ancenis (EOLA) a fondé des clubs d’un genre
nouveau, dédiés plus particulièrement au financement de projets citoyens dans les énergies renouvelables. Elle a
choisi comme nom de baptême : CIERC (Club d’Investissement dans les Energies Renouvelables Citoyennes) et ses
valeurs sont reprises de la Charte d’Energie Partagée. Les 4 premiers CIERC ont été créés pour soutenir le financement du premier parc éolien citoyen de France, à Béganne en Morbihan. Ces 4 clubs regroupent 56 adhérents de
l’association EOLA qui ont apporté 116 500 € à la SAS Bégawatts.
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
La formule a essaimée vers d’autres projets citoyens, avec l’accompagnement du fondateur d’EOLA, notamment
dans la Nièvre où l’association Le Varne (cf. page suivante) a créé une douzaine de CIERC dédiés au financement
du parc éolien participatif de Clamecy.
Depuis janvier 2013, la SAS EOLA Développement, société à capital variable, a largement utilisée les CIERC pour
financer le développement du projet éolien citoyen Eolandes Teillé. Au 1er juillet 2016, la SAS compte 80 associés
dont 54 CIERC regroupant près de 700 adhérents. Le capital de la SAS dépasse maintenant 1,5 M€.
Sur le plan de la gouvernance, les clubs sont regroupés dans un collège dont les représentants siègent au Conseil
de direction de la SAS EOLA Développement. Les gérants des clubs constituent un cercle intermédiaire de compétence qui facilite la circulation des informations.
Les clubs constituent également une sorte d’université ouverte à la culture d’entreprise et à l’investissement productif.
Les habitants sont invités à adhérer au club d’investisseurs le plus proche de leur domicile. L’investissement minimum est de 10 actions, dont le prix a été porté à 25€ au 1er juillet 2016, et le maximum est limité à 2000 actions.
Pendant la phase de développement qui précède la délivrance d’un permis de construire, le prix de l’action augmente périodiquement en fonction de la diminution du risque. Cela permet d’introduire un mécanisme de valorisation progressive du capital-risque citoyen, par rapport aux investissements citoyens intervenant plus tard. Il n’y
a pas de frais de gestion de compte ou cotisation supplémentaire. Cette offre de titres financiers se place sous un
régime d’exemption de visa de l’autorité des marchés financiers (sans prospectus).
Energie Partagée Etudes
Après l’investissement en fonds propres,
l’outil d’investissement citoyen Énergie Partagée (cf. page 52) a lancé avec le réseau
Enercoop sa filiale Énergies Partagée Études
en 2015, pour diversifier son intervention
et soutenir les phases d’études. Énergie
Partagée Études apporte du capital-risque
en cofinancement aux porteurs de projets
citoyens, à hauteur de 10 000 à 50 000
euros, dans la phase de développement
technique. Le dispositif démarre tout juste.
Pour 2016, l’idée est d’abord de mettre en
place un réseau de relais territoriaux (Coopératives Enercoop et adhérents Energie
Partagée Association) pour identifier les
projets éligibles, dont les porteurs seraient
intéressés par le dispositif, et pour les
accompagner.
Pour l’instant, Energie Partagée Investissement prévoit de plafonner les investissements directs et indirects (notamment via
Energie Partagée Etudes) dans des projets d’énergies renouvelables en phase de
développement à 5% de l’actif total. Energie Partagée Etudes se concentrera sur
les étapes amont de la phase de développement, Energie Partagée Investissement
pouvant intervenir ponctuellement dans
des montants inférieurs à 20 k€ en direct
sur la fin du développement (en attente de
permis et sans accord de financement). Une
vigilance particulière est portée sur le fait
que le financement du développement et la
prise de risque associée ne remette pas en
cause la viabilité à moyen terme du modèle
économique d’Energie Partagée. En tout
état de cause, la rémunération du financement de cette phase du projet sera à la hauteur du risque pris et assurera par effet de
mutualisation une juste rémunération des
frais engagés par les financeurs.
INTERVENTION D’ENTREPRISES
PUBLIQUES LOCALES
Récemment, de nombreuses entreprises
publiques locales ont été créées, le plus
souvent avec le statut de société d’économie mixte locale – SEML –, afin d’intervenir
dans les projets d’énergies renouvelables.
Une SEML énergie peut jouer un rôle important dans l’accompagnement à l’amorçage
et au développement des projets. Certaines
d’entre elles ont internalisé des ressources
humaines compétentes en matière de développement de grands projets (postes portés
par les syndicats d’énergie, notamment, et
mis à disposition), en capacité de mener des
pré-études et d’assurer une coordination
générale. Les études spécifiques restent
généralement confiées à des bureaux
d’études externes.
43
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Dans ses relations de co-développement,
une SEM énergie s’appuie sur les forces de
la collectivité locale ou du syndicat d’énergie
auquel elle est adossée : sa connaissance du
territoire, sa proximité, sa force politique. La
collectivité locale ou le syndicat d’énergie
prend en main la concertation, rassemble
les acteurs locaux clés (y compris associations de chasse, environnementales, etc) au
sein d’un comité de pilotage et dispose –
pour le syndicat d’énergie – d’une capacité
de négociation importante sur le raccordement au réseau et les mesures compensatoires (enfouissement, etc). L’entreprise
publique est ainsi en capacité de valoriser
financièrement sa participation à la réussite
du projet.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Nièvre Energies, une SEM rassemblant les collectivités et acteurs du territoire positionnée sur le développement
Sous l’impulsion de la population, la SEM Nièvre Energies a été créée fin 2012 par le Syndicat d’énergies de la
Nièvre (Sieeen), initialement et notamment pour intervenir dans la société d’exploitation d’un projet éolien participatif initié en 2006 par l’association Le Varne à Clamecy-sur-Oisy. Plus largement, la SEM ambitionne de participer
à des projets représentant 30 à 35% de l’objectif défini pour le département de la Nièvre dans le schéma régional
climat air énergie (SRCAE), soit environ 70 à 80 MW (essentiellement éolien, mais aussi photovoltaïque au sol et
sur bâtiment en intégration, méthanisation collective, micro hydraulique, etc).
44
Le capital social initial de Nièvre Énergies, détenu par les collectivités locales (85 %) et la participation citoyenne
(15 %), en a fait la première SEM publique et citoyenne. Les clubs d’investissement (15 en 2013) créés pour réunir l’épargne locale sont rassemblés dans une société à actions simplifiées, la Coopérative Bourgogne Énergie
Citoyenne (CBEC), qui porte l’investissement citoyen sur les bases de la charte de l’association Énergie Partagée.
CBEC poursuit son essaimage de clubs d’investisseurs pour mobiliser l’épargne citoyenne et renforcer ses moyens
au sein de la SEM, avec pour objectif de conserver 15 % minimum de participation à son capital. En effet, une
seconde augmentation de capital a eu lieu en novembre 2015, pour passer de 600.000 € à 1.470.000 €. A cette
occasion, le conseil régional de Bourgogne est entré à hauteur de 200.000 €, dont une partie accordée en capital-risque En complément, la région accorde un droit de tirage à hauteur de 800.000€ en compte courant d’associé
selon les besoins en développement de Nièvre Energies.
Le plan d’affaires de Nièvre Energies est construit autour de trois axes :
Acquisition de parts dans des sociétés d’exploitation (en phase d’investissement) ;
Co-développement avec un développeur, typiquement après les études de préfaisabilité ou après le
dépôt d’autorisation unique ;
Participation au développement de projets à travers la réalisation des pré-études en interne.
Par ailleurs, Nièvre Energies met en œuvre une stratégie de prise de participations dans des sociétés de projet hors
du territoire et d’autres SEM territoriales (essentiellement portées par des syndicats d’énergie), afin de pouvoir
se développer. Pourquoi ? Le potentiel éolien de la Nièvre est restreint. Le département a déjà fait l’objet d’une
importante prospection par les développeurs privés. Un glacis politique interdit actuellement tout développement
sur le territoire du Parc du Morvan (près d’un tiers de la surface du département). Beaucoup de zones sont par
ailleurs soumises aux contraintes de plafond aérien imposées par les militaires. Il est donc intéressant d’élargir
la zone d’intervention, au moins au niveau régional. En outre, un projet éolien complet, pris en main depuis son
amorçage jusqu’à sa mise en service, peut s’étaler sur 7 à 8 ans. Les actionnaires de la SEM ne peuvent attendre
si longtemps et doivent investir rapidement dans des projets. Ainsi, Nièvre Energies pourra prendre des parts en
minoritaire dans d’autres parcs éoliens, notamment au côté d’autres entreprises locales.
Une seule personne, un ingénieur éolien, est salariée de la SEM, mais l’entreprise publique bénéficie des fonctions
supports du SIEEEN (management opérationnel, communication, comptabilité, ingénieur en développement photovoltaïque, gestion des instances). Les frais relatifs sont traduits dans une convention de prestations entre les
deux structures.
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
Les syndicats d’énergie souhaitent aussi se fédérer pour pouvoir être présents auprès des développeurs avec la
force d’un réseau, au niveau régional et au-delà. Il s’agit de pouvoir accompagner le développement, en intervenant dès le début des projets, de maitriser les coûts associés (et en particulier la valorisation du développement
via la prime de succès) et de préempter des droits d’entrée future, y compris à partir d’une participation initiale
modeste aux projets (15-20%). Dans un contexte d’obtention difficile des autorisations uniques, le mégawatt
éolien se vend cher et restera l’apanage des fonds d’investissement et de pension si les acteurs locaux ne se
saisissent pas du développement. Cette démarche relève donc d’un double intérêt économique et de solidarité.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Les citoyens du Pays d’Ancenis prennent en main la transition énergétique, avec le
soutien du Conseil Départemental de Loire-Atlantique
L’Association Eoliennes en Pays d’Ancenis (EOLA) a été créée en septembre 2010 avec pour objectif la promotion
des économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables, et plus particulièrement de parcs éoliens
citoyens et pédagogiques sur le territoire.
La Société par Actions Simplifiée (SAS) EOLA Développement est fondée en novembre 2012 par les 12 administrateurs de l’association EOLA, avec objectif de développer des projets de parcs éoliens citoyens sur le Pays d’Ancenis,
et pour commencer celui du parc Eolandes Teillé (5 éoliennes de 3 MW), situé sur les communes de Teillé et Transsur-Erdre. Les statuts de EOLA Développement intègrent des valeurs de l’éolien citoyen telles que définies par EOLA
et la règle de gouvernance coopérative «une personne une voix». Elle est initialement capitalisée à hauteur de 7
200 €, très en deçà des besoins de financement pour le développement.
A compter de janvier 2013, le statut de SAS à capital variable est adopté pour permettre l’entrée progressive
de nouveaux associés et particulièrement des clubs d’investisseurs CIERC (cf. page 42). L’idée est de créer une
structure unique pour le développement et la construction du parc, maintenir une continuité à long terme dans la
levée des capitaux pour ne pas casser la dynamique de mobilisation citoyenne, et intégrer un maximum d’associés
dès la phase de développement. Le risque de volatilité lié au capital variable est limité par une rédaction contraignante des statuts, prévoyant une clause d’inaliénabilité des actions pendant une durée de 10 ans (avec possibilité
d’échanges entre associés).
La collecte rapide des fonds citoyens sur le territoire a porté le capital de la SAS EOLA à 600 000 €, soit le double
du coût réel du développement. Cela a amené les porteurs de projet à réfléchir sur la stratégie à long terme et les
avantages d’une surcapitalisation par rapport à leurs besoins immédiats :
sécurisation de l’épargne des associés en cas de difficulté ou d’échec du projet.
ouverture possible vers d’autres projets.
anticipation sur la constitution des fonds propres nécessaires pour la construction du parc.
effet de levier bénéficiant à un grand nombre d’associés lors de l’obtention du permis de construire.
anticipation favorable à la constitution du pool bancaire de la future société d’exploitation.
Plan de capitalisation d’Eoliennes en Pays d’Ancenis
Jean Rabian - EOLA
45
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Le choix d’étaler la levée des capitaux dans la durée implique la nécessité d’établir une progressivité du prix de
l’action sur les périodes d’étude et d’instruction précédant l’autorisation préfectorale. Le montant d’une prime
d’émission évolutive est fixé chaque année en fonction de la réduction du risque d’échec du projet. Elle est soumise à l’approbation des associés lors de l’AG annuelle de la SAS. Un délai d’application de la prime d’émission
est accordé aux souscripteurs pour stimuler leur intérêt (décision en AG début avril et application de la prime
d’émission le 1er juillet).
L’intérêt de cette prime d’émission croissante est double :
donner un avantage aux souscripteurs qui ont pris le maximum de risque en entrant au capital au début
du projet.
diminuer l’effet d’aubaine pour les souscriptions qui précèdent la date d’obtention de l’autorisation
préfectorale.
D’autre part, la valorisation induite de l’action compense l’absence de rendement pendant la longue phase de
développement du projet.
46
Evolution du prix de l’action de la SAS EOLA Développement
Jean Rabian - EOLA
Loire-Atlantique Développement - SELA, société d’économie mixte créée par le département de Loire-Atlantique,
entre en juin 2014 au capital de la SAS EOLA Développement, à hauteur de 102 000 €, auquel vient s’ajouter un
apport d’actifs de 48 000 €, et valide simultanément un engagement futur, à hauteur d’un million d’euros, pour
la construction du parc Eolandes Teillé. Par ailleurs, la SELA s’accorde avec EOLA Développement pour limiter son
intervention à 30% du capital, laissant ainsi la gouvernance aux citoyens engagés dans le projet.
Le financement du projet Eolandes Teillé est assuré majoritairement par les citoyens : au 1er juillet 2016, la SAS
regroupe 80 associés dont 54 CIERC regroupant près de 700 adhérents.
Les fonds collectés, plus de 1,5 M€ au 1er juillet 2016, ont permis à EOLA Développement de financer la phase de
développement du parc éolien qui comprend l’étude environnementale, l’installation d’un mât de mesure du vent
ainsi que la constitution des dossiers de demandes de Permis de Construire et d’autorisation ICPE qui ont été déposés dans le courant de l’été 2015. La SAS EOLA Développement a confié au bureau d’études Site à Watts Développement (cf. page 38) la réalisation du pré-diagnostic et la coordination du développement du parc Eolandes Teillé.
L’instruction de ces dossiers par les services préfectoraux devrait conduire à l’obtention d’un Permis de Construire
en septembre 2016.
Les fonds collectés au delà du coût de développement seront affectés en fonds propres à la filiale de construction
et d’exploitation du parc : la SAS Eolandes qui sera créée avant la fin 2016 avec les partenaires Loire-Atlantique
Développement – SELA et Energie Partagée.
Le financement par les habitants et les collectivités locales garantira des retombées économiques directes sur le
territoire communautaire et la gestion du parc restera locale et citoyenne durablement.
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
De g. à d. :
J. Rabian, Président d’honneur et fondateur d’EOLA,
O. Kriegk, Directeur
général de la SAS EOLA
développement,
J-M. Cheverau, Président
de la SAS EOLA développement,
M. Guillou et V. Coumert,
Enercoop,
P. Branchereau, Président
d’EOLA
Photo : EOLA
OCTROI D’AVANCES REMBOURSABLES
Les avances remboursables sont des prêts à
taux faibles voire nul que peuvent faire les
collectivités locales à des petites sociétés
commerciales qui démarrent leur activité.
Les Régions organisent l’affectation de ces
aides, ce qui signifie que les collectivités
qui souhaitent procurer ce type d’avance
doivent avoir l’accord de la Région.
Le mécanisme des avances remboursables
est encore trop peu utilisé en faveur des
projets de production d’énergie renouvelable. Il constitue pourtant un mécanisme
de soutien intéressant par la puissance
publique, entre l’apport en capital-risque
et les subventions directes ou indirectes.
Il mérite d’être développé et systématisé,
notamment lorsque les projets sont citoyens
et nécessitent une trésorerie particulière au
démarrage. C’est également un bon moyen
d’associer plus étroitement les collectivités
aux projets.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Dispositif d’amorçage et de développement de projets de productions d’énergies
renouvelables en Rhône-Alpes
La Région Rhône-Alpes décide de renforcer sa politique en faveur des énergies renouvelables en mettant en place,
à la fin de la mandature 2008-2015, un dispositif innovant d’accompagnement des projets. Ce dispositif est conçu
pour initier une nouvelle dynamique et permettre aux développeurs, quelque soit leur statut, de formaliser et
sécuriser leur investissement, d’accélérer leur réalisation, de faciliter la prise de décisions et le passage à l’acte.
La Région entend apporter un appui direct aux porteurs de projets afin de pallier leurs difficultés de financements
et leur besoin d’accompagnement en phase d’amorçage et de développement, d’assurer un meilleur suivi des
projets et d’orienter les acteurs vers les partenaires et les financements adéquats. Il s’agit également, à travers
ce dispositif à caractère expérimental, de mieux apprécier la complexité de l’accompagnement de projets de production d’énergie renouvelable en phase d’amorçage et de développement, ainsi que les besoins précis de cet
« écosystème ».
Le dispositif s’articule autour de deux grandes fonctions :
une mission d’observation des projets de production d’énergie renouvelable, de pilotage et de suivi du
dispositif ;
un mécanisme d’accompagnement des porteurs de projet, dans la phase d’amorçage et de développement, prenant la forme d’une prise en charge par des avances remboursables des prestations de
consultants spécialisés pour réaliser des études portant sur la faisabilité technico-économique de leurs
projets, leur intégration territoriale (gouvernance et concertation), mais aussi leur montage financier.
47
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
La Région prévoit par ailleurs d’associer étroitement ses partenaires habituels, acteurs de l’écosystème régional
des énergies renouvelables, au déploiement, au pilotage et à l’animation du dispositif.
Le dispositif sera éligible pour tout type de porteurs de projet, sachant d’ores et déjà que seront privilégiés les
collectivités territoriales et les petits porteurs de projets, d’une part, et les projets de taille intermédiaire (entre
1 et 20 M€ d’investissements), présentant un caractère décentralisé et particulièrement innovant et disposant
d’un schéma de gouvernance impliquant les collectivités, leurs élus, les opérateurs économiques concernés et les
citoyens, d’autre part.
Le marché relatif à l’accompagnement et au suivi des projets et des territoires a passé le stade des candidatures et
l’analyse des offres est en cours ou à venir selon les lots (statut à mars 2016).
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Appel à projets « énergies coopératives et citoyennes » en région Occitanie
La Région Occitanie, avec le soutien de l’ADEME, a l’ambition de devenir une « région à énergie positive ». Pour y
parvenir, elle souhaite encourager une transition énergétique citoyenne, porteuse de développement local par et
pour les territoires.
C’est l’objectif de cet appel à projets est qui vise à soutenir le développement de sociétés locales coopératives et
citoyennes de production d’énergie renouvelable, pour qu’elles contribuent :
à la réappropriation locale des politiques énergétiques,
au maintien à un niveau local des bénéfices financiers issus des énergies renouvelables,
à la réaffectation de ces bénéfices vers de nouvelles initiatives d’intérêt collectif,
48
à l’acquisition par le territoire de nouvelles compétences,
à l’émergence d’ambassadeurs locaux de la transition énergétique.
Les lauréats de cet appel à projets, lancé pour la première fois en 2014, et réédité en 2016, peuvent bénéficier :
d’aides à la décision de la part de l’ADEME et de la Région, pour les sociétés, les collectivités ou les
associations, afin de les accompagner dans la structuration du projet de société (étude de faisabilité
technico-économique, étude sur le montage juridique et financier, assistance à maîtrise d’ouvrage…).
d’aides à la création et au développement des sociétés locales coopératives et citoyennes par la Région,
au travers d’une avance remboursable, assortie le cas échéant d’une prime à la participation citoyenne
sous forme de subvention d’investissement à hauteur de « 1€ Région pour 1€ citoyen », pour accompagner les sociétés dans la phase critique de démarrage de leur activité, soit les deux premières années.
SUBVENTIONS DIRECTES ET INDIRECTES
Pour les projets territoriaux, la phase
d’amorçage nécessite autant du financement que de la mise à disposition de compétences d’accompagnement. Ces compétences existent déjà en partie et doivent
pouvoir être mises à disposition de manière
généralisée aux porteurs de projets.
Des interventions sous forme de subventions sont utiles à un triple niveau :
appui aux porteurs de projets permettant
de financer la mobilisation jusque la phase
de développement ;
soutien direct des organisations d’accompagnement par des subventions ou sous la
forme d’appel à projet ;
appui à la coordination des structures
accompagnatrices.
2 • LE FINANCEMENT DE LA PHASE DE DÉVELOPPEMENT D’UN PROJET
En phase de développement, pour les
projets les plus innovants ou ceux dont le
modèle économique est fragile (méthanisation), les partenaires peuvent parfois apporter une aide financière directe au porteur de
projet, de manière ponctuelle ou structurée.
Alternativement, il est aussi possible de
prendre en charge ou subventionner la réalisation des études nécessaires, qui constituent une part importante du besoin de
financement en phase de développement,
ou encore d’apporter une assistance technique directe au porteur afin de faciliter son
travail.
Les partenaires financiers naturels des porteurs de projet sont les acteurs publics telles
les collectivités territoriales (conseils régionaux, intercommunalités) ou l’Ademe.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
La communauté de communes des Crêtes préardennaises accompagne les projets
citoyens sur son territoire
La communauté de communes des Crêtes
préardennaises accompagne depuis plusieurs années les acteurs de son territoire
dans le développement d’unités d’énergies renouvelables ancrées territorialement.
Récemment, elle a financé une animation
territoriale interne et une étude technique
de toiture pour mettre en place deux centrales villageoises photovoltaïques, via
l’aide financière « Territoire à énergie
positive pour la croissance verte » (TEPCV)
du ministère de l’écologie (finançant 80%
d’un budget de 27 000€).
49
Fondation du parc des Aile des Crêtes
Précédemment, la communauté de com- Photo : Enercoop Ardennes Champagne
munes avait accompagné l’agence locale
de l’énergie des Ardennes dans la réalisation de son plan de financement pour l’animation relative au développement et au financement citoyen du parc
éolien citoyen Les Ailes des Crêtes. Des subventions du programme LEADER (14 800€), du conseil départemental
(12 880€) et de la communauté de communes (2 000€) ont financé du temps de travail, un conseil juridique et la
réalisation et la diffusion d’outils de communication.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Mise à disposition des collectivités locales d’un groupe de spécialistes pour les projets
éoliens en Nord-Pas-de-Calais
La Région et l’ADEME mettent à la disposition des collectivités locales un groupement de spécialistes pour les
aider à :
appréhender les enjeux économiques, financiers et juridiques relatifs au développement des parcs
éoliens, avec une mise en perspective avec leur contexte territorial,
définir un mode d’intervention et d’action vers les développeurs et vers les propriétaires fonciers,
coordonner, le cas échéant, les échanges et la négociation avec le développeur pour la mise en place
d’un partenariat public-privé qui prévoit une participation locale accrue,
créer une structure juridique adaptée (SEM, SCIC, SAS,...) pour porter et les montages juridiques permettant d’associer les habitants.
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Cette proposition d’Assistance à Maitrise d’Ouvrage est prise en charge intégralement par la Région et l’ADEME
dans le cadre du FRAMEE -Fonds Régional d’Aides pour la Maitrise de l’Energie et de l’Environnement- à travers
un marché à bons de commande.
Une dizaine de territoire sont ainsi accompagnés à fin 2015 par le groupement retenu qui est composé de Cohérence Energies, Confluences, Service Public 2000 et Site à Watts Développement.
50
Parc éolien de Fruges, territoire qui a bénéficié de l’AMO régional
Photo : Zophie
3 • FINANCER LOCALEMENT LES AUTRES PHASES DES PROJETS
3
FINANCER LOCALEMENT LES
AUTRES PHASES DES PROJETS
1 | Enjeux en phase de construction et
d’exploitation
FINANCEMENT EN PHASE DE
CONSTRUCTION
En phase de montage des financements,
habituellement avant la construction17, le
porteur de projet doit assurer et prévoir le
financement de la fourniture des matériels
et de la réalisation des travaux de mise en
œuvre. Ce financement est réalisé en partie par les fonds propres, mais surtout par
un recours important à de la dette bancaire (jusqu’à 80%). A ce stade, la bonne
fin du projet reste encore incertaine et fortement dépendante de la qualité du développement réalisé en amont. Les évolutions
en cours sur les mécanismes de soutien
tendent à accroître l’incertitude sur la faisabilité réelle des projets à ce stade et bien
souvent, la capacité à mobiliser une dette
bancaire à des taux compétitifs est un facteur déterminant pour franchir cette étape.
L’expérience du porteur de projet, le volume
de la dette à mobiliser, l’absence de zones
d’incertitude sur les autorisations associées
au projet sont des facteurs fondamentaux.
Durant cette phase, comme durant la phase
de développement, la présence de tiers
dans les projets, qu’ils soient collectivités
territoriales ou développeurs privés, est de
nature à permettre, soit par l’apport de
garanties, soit par l’expérience acquise à
travers la réalisation de projets antérieurs,
l’accès à des financements bancaires à des
conditions suffisamment intéressantes pour
assurer la faisabilité économique.
17 Les phases de construction étant de plus en plus
longues, le financement se fait parfois aujourd’hui
après le lancement de la construction. Ceci représente
un risque supplémentaire mais permet de mettre en
service le parc plus rapidement.
Plusieurs formules d’intervention financières sont possibles en phase de financement avant la construction : financement
en fonds propres dans la société de projet,
substitution des fonds propres de la société
de projet par la mise en place d’un dépôt
à terme dédié via un partenariat bancaire,
substitution à la dette bancaire (obligations)
dans la société de projet, substitution à la
dette bancaire pour la maison mère porteuse du projet par du financement participatif (prêt), etc.
FINANCEMENT EN PHASE D’EXPLOITATION
Le financement des charges est assuré par
les revenus tirés de la vente d’énergie (électricité, chaleur, etc). Les risques sur le projet sont généralement considérés comme
moindres. Il ne faut cependant pas perdre
de vue que des évènements imprévus dans
le plan d’affaire initial et non couverts par
des assurances, peuvent apparaître dans la
vie de l’unité de production : périodes de
production plus faible qu’attendue induisant une diminution des recettes, apparition
de nouvelles taxes, problèmes techniques
nécessitant des investissements supplémentaires non prévus, etc.
Plusieurs formules d’intervention financières sont possibles pour une unité déjà
construite : refinancement des fonds
propres investis par le développeur-exploitant dans la société de projet via une entrée
de tiers (collectivités, acteurs locaux) au
capital, refinancement des fonds propres
de la société de projet par la mise en place
51
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
d’un dépôt à terme dédié via un partenariat
bancaire, refinancement de la dette bancaire pour la maison mère porteuse du projet par du financement participatif (prêt).
2 | Modes d’interventions
De nombreux rapports traitent déjà des
modalités de participation des différents
acteurs aux projets d’énergies renouvelables, et les montages juridiques et financiers associés. Nous n’évoquerons ici que
quelques outils permettant la participation
financière des citoyens, avec ou sans participation à la gouvernance : Energie Partagée
Investissement, Lumo et Lendosphère. Il
faut retenir qu’aucun d’entre eux n’a participé jusqu’à maintenant au financement
de la phase de développement des projets
d’intérêt territorial (hormis Energie Partagée Investissement ponctuellement, en fin
de développement). Cependant, Energie
Partagée Etudes démarre son activité en
52
2016 pour remplir cette fonction (cf. page
43). Lendosphère a déjà permis d’accorder
des prêts participatifs en phase de développement, mais uniquement au bénéfice des
« maisons-mère » (prêt au développeur, pas
à la société de projet), du fait de leur solidité
structurelle (cf. page 58).
PARTICIPATION AU CAPITAL
La participation au capital d’une société de
projet implique a priori la volonté de participer à sa gouvernance. Cependant, en
fonction du niveau de la participation, le
rôle réel dans la gouvernance varie considérablement (cf. pages 14-15).
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Le fonds Energie Partagée Investissement généralise l’accès au financement des projets citoyens
Directement issu de l’expérience menée en Rhône-Alpes par Solira-investissement, Energie Partagée est un mouvement citoyen, composé de porteurs de projets soutenus par des citoyens actionnaires qui souhaitent reprendre
la main sur leur pouvoir d’investissement et sur leur choix de consommation énergétique.
Depuis 2010, Énergie Partagée se donne la mission de proposer une solution concrète, originale et citoyenne, au
service du développement des énergies renouvelables, le tout dans un cadre solidaire et non spéculatif. Le mouvement Energie Partagée s’appuie sur deux entités : une association et un outil d’investissement citoyen.
L’association Energie Partagée fédère les acteurs de l’énergie citoyenne en France et sensibilise aux enjeux de la
réappropriation de l’énergie. Elle porte les orientations stratégiques et l’animation du réseau. Elle développe des
outils et des formations pour accompagner au mieux les porteurs de projet. Selon la charte Énergie Partagée, un
projet citoyen répond à quatre principes : ancrage local, gouvernance démocratique et transparente, finalité non
spéculative et écologie. En particulier, l’ancrage local se caractérise par le fait que la société qui exploite le projet
est contrôlée par des actionnaires citoyens : des collectivités territoriales, des particuliers (et leurs groupements) et/
ou Énergie Partagée. Cela se traduit par leur participation majoritaire au capital et/ou par un pacte d’actionnaires
garantissant ce contrôle dans la durée.
Energie Partagée Investissement est l’outil financier du mouvement. C’est une société en commandite par actions
(SCA) régulée par l’autorité des marchés financiers (AMF) qui collecte l’épargne citoyenne pour l’investir directement, sous la forme d’apport en fonds propres et en comptes courants d’associés, dans les projets retenus. Cela
correspond donc à une implication des collectivités et/ou des citoyens aux projets d’énergie renouvelable en phase
d’investissement (montage du financement), juste avant la construction. Les décisions d’investissement sont du
ressort de l’associé commandité, Energie Partagée Commanditée qui a internalisé sa gérance et dont la présidence
est assumée par Enercoop depuis avril 2015.
3 • FINANCER LOCALEMENT LES AUTRES PHASES DES PROJETS
Fin 2015, Énergie Partagée comptabilise 5000 souscriptions pour plus de 10 millions d’euros d’épargne et a
engagé 7,5 millions d’euros dans 26 projets d’énergies renouvelables sur l’ensemble du territoire français, avec
des mises de fonds comprises entre 50 000 et 500 000 €. Parmi les projets soutenus : Isac Watts et Begawatts
(majorité citoyenne, 500 000 € chacun), Champs Chagnots et Parc des tilleuls (majorité collectivité via des sociétés
d’économie mixte, 350 000 € chacun), Soleil du Grand Ouest (majorité par des structures de l’économie sociale
et solidaire –ESS–, 200 000 €), les chaufferies bois Modul’R de la SCIC ERE43 (majorité citoyenne, 200 000 €), la
centrale hydraulique HydroRaon, etc.
Assemblées générales d’Energie Partagée - 2013 (à g.) et 2016 (à dr.)
Photo : Energie Partagée
RETOUR D’EXPÉRIENCE
ABO Invest, structure d’investissement des citoyens dans les parcs éoliens
ABO Invest est une structure d’investissement mise en place par ABO Wind en 2010. Détenue à 80% par des
citoyens – plus de 4.000 à ce jour et à 20% par ABO Wind. ABO Invest gère un portefeuille de 14 parcs éoliens
en Europe, dont 6 se trouvent en France. Elle collecte des fonds à travers des augmentations de capital et les
utilise ensuite pour acheter des parcs éoliens par son investissement direct dans leur capital social. Pour l’instant,
ABO Invest ne verse pas de dividendes et fait le choix de réinvestir ses produits dans le développement de son
portefeuille. L’actionnaire citoyen est rémunéré sur le long-terme par les plus-values provenant de l’appréciation
du prix de l’action. ABO Invest indique une rentabilité minimum de 7% sur 20 ans. La politique de versement de
dividendes peut cependant changer à tout moment si les actionnaires le décident.
Les actionnaires d’ABO Invest élisent parmi eux les membres du Comité d’Investissement qui statue sur les propositions d’acquisitions proposées par les dirigeants de l’entreprise. Les décisions d’investissements dans les projets
sont ainsi de la responsabilité des actionnaires, non des dirigeants, et garantit une indépendance de ces décisions
vis à vis d’ABO Wind.
ABO Invest est cotée sur le marché libre de la bourse de Düsseldorf, un citoyen peut à tout moment acheter des
actions. La démarche consiste à placer un ordre d’achat auprès de sa banque et placer les actions ainsi acquises
sur un compte titres, éventuellement ouvert pour l’occasion.
Schéma de la structure d’investissement Abo Invest
ABO Wind
53
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
Les prises de participations institutionnelles
d’organismes nationaux (Caisse des Dépôts,
Banque Publique d’Investissement…) ou
régionaux (fonds OSER en Rhône-Alpes,
Eilan en Bretagne, etc) deviennent plus fréquentes et ont le grand mérite d’amorcer
et/ou consolider le tour de table financier
autour, en particulier, des projets les plus
complexes (méthanisation territoriale, etc).
Cette intervention a lieu en phase d’investissement.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Faire entrer progressivement les collectivités locales au capital de projets sans apport
initial
Les collectivités peuvent souhaiter investir dans le capital de sociétés de projet d’énergies renouvelables, mais
n’ont pas toujours les moyens de le faire en phase de financement, avant le début de la construction. Pourtant,
les projets éoliens et photovoltaïques de grande taille génèrent des revenus sûrs après leur mise en service : dividendes, fiscalité, loyers, autres conventions. La fiscalité locale, en particulier, représente une source de revenus
acquise, nécessairement au profit de la collectivité territoriale. Afin de résoudre cette équation temporelle, Valorem
propose un modèle de co-investissement permettant l’entrée des collectivités locales, rendues solvables par la
fiscalité propre, au capital du projet.
54
Concrètement, Valorem signe avec la collectivité locale, au moment du développement, une promesse unilatérale
de cession des titres : l’opérateur s’engage à céder une part déterminée des titres, deux à trois ans après la mise en
service du parc éolien. A ce moment là, les principaux risques du projet sont passés : les éoliennes tournent, le productible estimé (sur lequel est basé le modèle d’affaires) a pu être vérifié au regard de la production réelle. Parallèlement, les collectivités locales ont encaissé les premiers revenus : des revenus issus de la fiscalité locale et des
revenus négociés de gré à gré (par exemple, valorisation financière de l’utilisation des chemins communaux pour
le passage des véhicules de l’opérateur – pour l’entretien et la maintenance – via une « convention de chemin »).
Si la collectivité locale est propriétaire des parcelles où le projet est implanté, elle touche par ailleurs un loyer.
L’ensemble de ces revenus constitue la somme avec laquelle la collectivité locale peut entrer au capital du projet.
Entrée de la collectivité au capital d’un projet
Claudio Rumolino - Valorem
Après la mise en service du parc éolien, il faut distinguer trois périodes :
De la mise en service à l’année 2 (ou 3), l’opérateur Valorem est seul à bord : il dispose de l’intégralité
des parts de la société de projet ;
3 • FINANCER LOCALEMENT LES AUTRES PHASES DES PROJETS
De l’année 2 (ou 3) jusqu’à la fin de la période de remboursement du crédit bancaire (entre l’année 10
et 15), les dividendes sont faibles voir nuls. Généralement, la collectivité locale ne veut pas attendre
si longtemps pour bénéficier des premières retombées financières. Pour lisser les retombées dans le
temps, Valorem propose une entrée de la collectivité locale par apport en comptes-courants d’associés
(CCA), via une entreprise publique locale type SEM ou de manière directe. La rémunération associée
est fixe et connue d’avance, à un taux d’intérêt négocié plus le remboursement du capital du CCA. Le
remboursement du CCA est aligné sur la fin du remboursement de la dette bancaire.
Ensuite, jusqu’à la fin de l’installation, les actionnaires, dont la collectivité, touchent les dividendes.
Ainsi, ce montage permet à la collectivité locale de compter sur des revenus constants pendant la vingtaine d’années d’exploitation pendant lesquelles elle est présente à l’actionnariat de la société.
Flux de trésorerie bénéficiant à la collectivité grâce au projet éolien
Claudio Rumolino - Valorem
(cas d’une collectivité participant à 85% dans une SEM énergie qui acquière 10% d’une société de projet à l’année N+2,
pour un parc éolien de 6 x 2 MW)
55
En fin de vie de l’installation, les flux financiers entrants cumulés sont de 424 000 € pour les loyers et indemnités
d’usage des chemins, 840 000 € pour la fiscalité et 1 773 000 € pour les dividendes de l’entreprise publique. Cela
représente un total net de 1 264 000 €, si la collectivité n’investit pas dans la société (courbe orange), et de 2 854
000 €, si elle investit (courbe mauve). Parallèlement, il faut remarquer que le développeur bénéficie d’un cumul de
dividendes en fin de vie près de dix fois supérieur à celui de la collectivité, en proportion de son apport au capital
de la société de projet. Ainsi, à partir d’un investissement initial de 183 000 € (venant intégralement des recettes
générées par le projet éolien), la collectivité peut ainsi accumuler des recettes additionnelles d’un montant total
de 1,73 M€. L’arrivée de l’éolien engendre un cercle financier vertueux, accessible à toutes les collectivités et participant à leur enrichissement.
OBLIGATIONS
Une obligation n’est pas un titre de propriété du capital de la société mais un titre
de créance. Là où une action est une part
du capital social de la société, l’obligation
est une part de la dette de la société que
celle-ci s’engage à rembourser. En émettant
un emprunt obligataire, la société décide
de ne pas se tourner vers une banque pour
obtenir un financement, mais plutôt vers
les marchés financiers (pour de gros montants), ou directement auprès d’un nombre
restreint d’investisseurs (dans le cadre de
régimes d’exemption à l’Offre au Public de
Titres Financiers) ou d’une plate-forme de
financement participatif (crowdfunding).
Chaque obligation donne droit à un coupon
versé périodiquement ou à l’échéance en
fonction de la valeur nominale de l’obligation et du taux d’intérêt qui y est associé.
A la différence d’une action qui n’a pas
de «date de remboursement», la plupart
des obligations sont des titres financiers à
durée limitée. Pour les obligations ‘in fine’,
on dit que l’obligation est arrivée «à maturité» lorsque la durée de vie prend fin et la
société doit rembourser intégralement sa
valeur nominale. Pour les obligations ‘amorties‘, la valeur nominale n’est pas remboursée à la maturité mais en partie dans
chaque annuité.
Plusieurs plateformes de financement participatif, comme Lumo ou Enerfip, ont
recours à des obligations.
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Lumo, plateforme de finance participative dédiée aux énergies renouvelables
Lumo propose d’épargner dans des projets d’énergies
renouvelables préalablement sélectionnés pour leur intérêt
public et leur pérennité économique. Agréé conseiller en
investissements participatifs, Lumo permet aux porteurs de
projets d’énergie renouvelable d’ouvrir le financement de la
construction de leurs projets à l’épargne citoyenne.
L’outil de financement prend la forme d’obligations, émises
par la société de projet dédiée au projet. Il s’agit d’un titre
financier, qui donne droit aux mêmes informations que les
actions (transparence) mais pas de droit de vote, et qui peut
être transféré à une autre personne. Lumo, en tant que représentant de la masse des obligataires, est chargé de défendre
les intérêts des épargnants.
Visite du chantier du parc éolien participatif des Brandes
Photo : Lumo
L’agrément de Lumo permet aujourd’hui de faire appel à
l’épargne citoyenne jusqu’à un million d’euros par an et par
société de projet. En général, la part minimale est de 25 € (fixée avec le porteur de projet) et il n’y a pas de limite
règlementaire par personne (le porteur de projet peut souhaiter fixer un seuil maximal par investisseur). Les personnes physiques et les personnes morales (entreprises locales, associations...) peuvent également souscrire des
obligations de la société de projet via Lumo. Il n’y a pas de limite sur la durée des obligations. A ce jour, Lumo a
financé des projets sur des durées allant de 8 à 15 ans. Les obligations sont «amorties», c’est-à-dire que l’épargnant reçoit chaque année une annuité fixe correspondant aux intérêts de l’année plus une partie du capital.
56
Lumo intervient au côté des développeurs dès qu’ils souhaitent afficher publiquement leur volonté de proposer le
financement participatif. La plateforme www.lumo-france.com peut servir de vitrine aux projets en phase de développement, annoncer l’engagement des promoteurs en ce sens et prendre les «réservations» des futurs épargnants
afin de quantifier et cartographier le soutien des habitants à la démarche, dès la phase concertation, bien avant
la construction proprement dite.
Le financement participatif proprement dit intervient lui au moment de la construction, une fois les risques de
développement levés et une fois le prêt bancaire pour la construction du projet accordé. Dans la mesure du possible, Lumo essaie d’obtenir de la part des partenaires bancaires la parité de rang pour les citoyens (même priorité
de remboursement que la banque).
Fin 2015, six projets photovoltaïques ont été co-financés pour un total de 350 000 € et 400 personnes. Le premier
partenariat éolien porte sur un projet qui sera construit en 2016 en sud Vienne par Altech, du groupe UNITe.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Première campagne de financement participatif via Lumo pour les projets solaires de
la SEML SERGIES
SERGIES18, entreprise du Groupe ÉNERGIES VIENNE, et la plateforme de financement participatif Lumo ont ouvert
le 28 novembre 2014 deux sites de production d’énergie renouvelable à l’épargne citoyenne. La campagne s’est
achevée le 16 février 2015 avec 150 000 € investis par 250 personnes dont 40 % de picto-charentais, voisins des
installations.
Lumo et SERGIES ont ouvert aux citoyens environ 20 % du financement de deux projets solaires photovoltaïques,
intitulés « Du solaire sur Abaux » et « La ferme de la Voie rayonne ». Les budgets respectifs de ces deux installations de 1700 m2 s’élèvent à 430 000 et 440 000 euros. Les internautes étaient invités à investir dans ces projets
pour remplacer une partie du prêt bancaire déjà accordé par le Crédit Coopératif. Ils pouvaient ainsi s’appuyer sur
l’analyse financière de la banque avant d’épargner en ligne.
18 Créée par la volonté des communes en 2001, SERGIES, société d’Economie Mixte Locale, est une entreprise du groupe ENERGIES VIENNE, dédiée au développement et à l’exploitation des énergies renouvelables.
3 • FINANCER LOCALEMENT LES AUTRES PHASES DES PROJETS
Les internautes ont participé à hauteur de 25 € minimum en souscrivant à des obligations SERGIES, un produit
d’épargne aux mêmes conditions que le prêt bancaire (taux et durée) et bénéficiant des mêmes garanties que la
banque. Le taux d’intérêt est de 3,10% brut par an sur une durée de 15 ans avec un versement annuel des intérêts
et d’une partie du capital investi.
Résultat, au bout de 11 semaines, 150 000 € sur 170 000 € possibles ont été épargnés par 250 personnes, qui ont
investi entre 25 et 2 000 € dans les projets. L’investissement moyen est de 500 € et la participation médiane s’élève
à 200 €. Le Crédit Coopératif a ajusté son prêt afin de compléter le financement.
La Région Poitou-Charentes a soutenu cette initiative de financement citoyen des énergies renouvelables à travers
son Fonds Régional d’Excellence Environnementale. Dans le cadre de ce fonds, elle abonde l’investissement participatif à hauteur de 1 euro pour 1 euro citoyen picto-charentais investi.
PRODUITS D’ÉPARGNE DÉDIÉS
Les dépôts à terme (DAT) sont des comptes
ouverts dans des établissements bancaires,
sur lesquels des particuliers effectuent un
versement unique. Le compte est utilisé
pour financer un projet et l’épargnant ne
récupère le capital qu’à la date d’échéance
du compte. Les intérêts peuvent en revanche
être versés selon une périodicité prévue lors
de la souscription. Le porteur de projet fixe,
avec son partenaire bancaire, les conditions
de participation financière (plafond de souscription, taux de rémunération, etc.).
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Un compte à terme éolien dédié aux riverains pour refinancer le parc éolien d’Arfons
De manière classique, au moment d’évaluer le
plan d’affaires d’un projet et de se positionner
sur le niveau de dette acceptable, les établissements bancaires analysent le taux de couverture
de dette (appelé DSCR - Debt Service Coverage
Ratio) et demandent que celui-ci soit d’au moins
120%. Cela signifie que le flux de trésorerie
généré par le projet doit être supérieur à 120%
de ce qui doit être remboursé à la banque. Or les
plans d’affaires sont souvent établis sur la base
de prédictions prudentes. Ainsi, après la clôture
des premiers exercices, une capacité d’endettement supplémentaire peut apparaître et il est
possible de réajuster le niveau de fonds propres
tout en continuant à respecter le DSCR cible.
C’est ainsi que Valorem et le Crédit Coopératif
ont pu proposer un compte à terme éolien dédié Visite scolaire du parc éolien d’Arfons
à un crédit fait par la banque à Valorem pour Photo : Valorem
refinancer une partie des fonds propres du parc
éolien d’Arfons, en fonctionnement depuis 3 ans,
et réservé aux riverains du parc. Il s’agissait de la première collecte de fonds dédié à un projet et territorialement
circonscrite. Ce produit d’épargne, proposé avant la réglementation sur les plateformes de financement participatif, possède des caractéristiques très intéressantes au moment de son lancement : taux de 5,25% bruts et durée
de 3 ans. En dépit des demandes de Valorem, souhaitant rendre le produit d’épargne accessible au plus grand
nombre, la banque n’a pas accepté de fixer le ticket d’entrée à un niveau très bas, arguant des coûts de gestion lui
incombant. En revanche, Valorem souhaitait limiter le plafond afin de toucher un nombre significatif de personnes.
Ainsi, l’épargne était ouverte pour des montants de 2 500€ à 25 000€. Le coût du crédit pour Valorem est un point
au dessus, soit 6,25%. Ce taux, qui peut sembler de prime abord élevé au regard des taux habituellement constatés
à l’époque sur le marché bancaire, est en réalité attractif pour Valorem : il est en effet à mettre en regard du coût
pour accéder à des fonds propres, et non de la dette, soit entre 8% et 12%.
57
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Le dépôt à terme « Eolien Sud Vienne » pour refinancer le parc éolien du Pays Civraisien
Après 11 mois de travaux, SERGIES a mis en service en juin 2014 le plus grand parc éolien de la région Poitou-Charentes, composé de 12 machines pour une puissance totale de 24 MW, dans le pays Civraisien. SERGIES, qui détient
à 100 % les deux sociétés de projets, souhaite répondre à la demande d’un certain nombre de riverains des parcs
éoliens de pouvoir s’engager pour soutenir le développement des énergies renouvelables sur le territoire. SERGIES
s’associe alors avec le Crédit Agricole Poitou Charentes pour offrir la possibilité aux citoyens du Sud Vienne de
participer au financement du projet.
Le partenariat a conduit le Crédit Agricole à lancer la souscription d’un Dépôt à Terme (DAT) « Eolien Sud Vienne »
avec pour objectif de réunir un million d’euros. Les caractéristiques du placement sont les suivantes : une durée de
5 ans, un plancher de 100 € et un plafond de 7500 €, une rémunération de l’épargne au taux de rendement annuel
actuel de 2.00 % (pour la période du 01/04/2014 au 30/03/2015 ; puis indexé au niveau de rémunération des parts
sociales du Crédit Agricole de la Touraine et du Poitou).
La souscription a été ouverte du 4 juin 2014 au 16 août 2014 dans les agences Sud Vienne (Civray, Couhé, Gençay,
L’Isle-Jourdain, La Villedieu, Lussac-les-Châteaux, Montmorillon et Vivonne) de la banque. Le premier client a signé
le 18 juin et c’est finalement en un seul mois que le million d’euros a été atteint auprès de 190 souscripteurs,
clôturant l’opération au 18 juillet.
PRÊT PARTICIPATIF
58
Le système de prêt participatif (dit aussi
« crowdlending ») rassemble d’un côté des
emprunteurs qui désirent financer leurs projets, et de l’autre côté des épargnants qui
souhaitent prêter leur argent, avec intérêts,
au profit de l’économie réelle. La durée
moyenne des emprunts ne peut pas excéder
sept ans et le montant est plafonné à 1000
euros par prêteur et par projet. Il s’agit de
dette : les particuliers n’entrent pas au capital des projets, mais prêtent de l’argent aux
porteurs selon des modalités (taux, durée,
fréquence des remboursements, etc.) fixées
au cas par cas, proposés par le porteur de
projet et connues à l’avance par le prêteur.
Le système de prêt participatif constitue
une solution alternative et complémentaire
aux circuits bancaires classiques. Comme
les banques sont soumises à de plus lourdes
contraintes prudentielles, les jeunes entreprises ou les porteurs de projets peuvent a
priori y trouver une nouvelle voie de financement directe, transparente et réactive,
pour accompagner leur développement.
C’est aussi une opportunité de sensibiliser
et de fédérer une communauté de prêteurs
autour des projets, de façon positive.
De nombreuses plates-formes se sont positionnées sur le prêt participatif, certaines se
sont spécialisées dans les énergies renouvelables. Ce dispositif a montré sa pertinence
sur plusieurs projets pilotes (objectif de collecte atteint rapidement) et le faible montant du ticket d’entrée (souvent quelques
dizaines d’euros) le rend accessible à tous.
Cependant, la gestion du risque bancaire
conduit naturellement les opérateurs financiers à coopérer avec des acteurs solides et
pouvant faire preuve d’antériorité, ce qui
est rarement le cas des acteurs territoriaux
et jeunes porteurs de projets, voire des collectivités locales. C’est évidemment le cas
pour les banques, mais aussi pour l’instant
des plateformes de prêt participatif.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Lendosphère, plateforme de financement participatif (prêts) des projets d’énergies
renouvelables
Lendosphere est une plateforme de financement participatif dédiée aux projets de développement durable, essentiellement d’énergies renouvelables. Les projets sont sélectionnés sur la base de la solidité financière des structures
qui les portent (et à qui le prêt est accordé) et pour le sérieux de leur démarche environnementale. Pour cela,
Lendosphère demande et évalue les bilans et comptes de résultat des derniers exercices ainsi qu’un historique du
projet et son prévisionnel.
3 • FINANCER LOCALEMENT LES AUTRES PHASES DES PROJETS
Actuellement, les prêts sont accordés sur des durées courtes (2 à 5 ans) à des développeurs et exploitants éoliens
privés, non ancrés territorialement. Les montants prêtés vont de 40 000 à un million d’euros par projet. Les deux
projets où le financement intervient en phase de développement (en mars 2016) correspondent à des montants de
60 000€ et 150 000€ et une durée de deux ans. Les taux d’intérêt annuels bruts pour l’emprunteur sont compris
entre 4% et 8%. Ils sont fixés à l’issue de l’analyse du projet et selon la durée du prêt. En sus, le porteur de projet
rémunère la plateforme à hauteur de 4% HT du montant total des collectes réussies.
Avec cette opération, les entreprises empruntent le montant (ou une partie du montant) nécessaire aux études,
achats et travaux, qu’elles auraient sinon dû financer avec les propres moyens du groupe. Il s’agit aussi pour les
entreprises de permettre à tous ceux qu’un projet concret de transition énergétique intéresse, à commencer par
les habitants du territoire d’implantation, d’investir à leurs côtés et de bénéficier ainsi d’une partie des retombées
financières associées au projet, et de mieux communiquer sur le projet via un dispositif concret.
RETOUR D’EXPÉRIENCE
Valorem et Lendosphère s’associent pour proposer un prêt participatif
Entre l’obtention du permis de construire (purgé de tout recours) d’un projet et le bouclage du tour de table financier, il se passe généralement un an à un an et demi. Pendant ce temps, le porteur de projet doit commencer à
investir dans les opérations préalables au chantier. Cette phase est généralement financée par les fonds propres
du porteur. Pour permettre la participation financière des habitants, en substitution du recours à ses fonds propres,
Valorem s’est associé à la plateforme Lendosphère pour proposer aux particuliers de prêter de l’argent à un taux
de 5% bruts, bonifié à 6% pour les riverains, sur des durées relativement courtes. Au bout de deux à cinq ans, les
prêteurs sont intégralement remboursés en intérêts et capital. Cette opération a été conduite sur deux parcs en
phase de chantier dans la Somme et le Tarn pour un montant de 110 000 euros à chaque fois. De la même manière,
mais cette fois pour une opération de refinancement d’un parc en fonctionnement en Loire Altantique, Valorem et
Lendosphère ont collecté un montant de 750.000 €.
A chaque fois, ces opérations ont été mises en ligne pendant une période définie en amont (1 mois pour les 2
premières, 2 mois pour la 3ème) afin que les particuliers puissent en prendre connaissance et décider de participer
à leur financement. Une grande proportion de riverains est présente parmi les prêteurs (au total, à chaque fois
plus de 150 prêteurs particuliers, et jusqu’à plus de 300 la troisième fois), grâce aux relations presse effectuées
localement par Lendosphère, aux réunions d’information organisées sur place avec Valorem et à la bonification du
taux pour un périmètre géographique autour des projets.
59
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
60
C
ONCLUSION
L’implication des citoyens et acteurs locaux
est un vecteur déterminant de la réussite de
la transition énergétique. Leur participation
financière aux projets d’énergie renouvelable, directement ou par l’intermédiaire
d’une collectivité territoriale, est un moyen
permettant l’appropriation locale et une
meilleure acceptation des projets, conduisant en principe à mieux les sécuriser et à
réduire leurs coûts d’accès au capital.
Les projets doivent s’insérer dans une
logique élargie de transition énergétique
et participer dans une mesure adaptée
au contexte du projet et de son environnement, ainsi qu’à promouvoir les autres
piliers que sont la sobriété, l’efficacité et la
lutte contre la précarité énergétique.
Dans la course contre la montre à laquelle
nous confrontent la raréfaction et le renchérissement des ressources fossiles et les
enjeux du changement climatique, il s’agit
de réaffirmer les points suivants :
Les nombreux exemples concrets issus des
initiatives des acteurs de terrain prouvent
que de très nombreuses modalités de participation des citoyens et acteurs locaux aux
projets sont possibles, de la plus exigeante
à la plus légère, chacune pouvant répondre
aux motivations différenciées dans les différents territoires.
Tous les moyens permettant aux citoyens et
acteurs locaux d’investir dans un déploiement massif des projets d’énergies renouvelables, et de leur permettre de bénéficier
d’une partie des retombées économiques
associées, sont les bienvenus.
Si les modalités de participation peuvent
varier, en revanche, une chose est sûre: les
projets d’énergies renouvelables peuvent et
doivent désormais s’ouvrir à la participation
des collectivités, des acteurs locaux et des
citoyens qui en expriment la demande.
Les démarches d’accompagnement des
projets doivent être menées dans le respect absolu des obligations légales et réglementaires, les projets citoyens ayant en ce
domaine une obligation impérative d’exemplarité.
Le réseau Territoires à énergie positive
constitue un espace d’échanges privilégié où les bonnes pratiques sont portées
à connaissance des acteurs et où peuvent
se tisser des partenariats entre eux. Rejoignez-le !
L’engagement financier et les risques
pris sur les projets aux différentes étapes
auxquelles les citoyens et acteurs locaux
peuvent intervenir doivent être clairement
identifiés et communiqués aux intéressés,
afin de garantir la défense de leurs intérêts
et la pérennité de la confiance portée dans
les modèles participatifs.
Les « bons » modèles de gouvernance
formalisent un partenariat équilibré issu
d’une négociation territoriale, permettant
une appréhension et une répartition optimale des risques identifiés, et globalement
la généralisation de la participation des
citoyens et acteurs locaux aux projets.
61
FINANCER LE DÉVELOPPEMENT DE PROJETS
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE D’INTÉRÊT TERRITORIAL
R
ÉFÉRENCES
Quelle intégration territoriale des énergies renouvelables participatives ? Etat
des lieux et analyse des projets français,
ADEME (2016), lien
Projets d’énergie renouvelable participatifs et citoyens - retours d’expériences,
ARENE (2016), lien
Financement des projets d’énergies
renouvelables par les collectivités et les
citoyens : enjeux sociaux et politiques,
retombées économiques, montages juridiques, Duffes T., Amorce (2016), lien
62
Etude du cadre législatif et réglementaire
applicable au financement participatif
des énergies renouvelables, Poize N., RhônAlpénergie-Environnement (2015), Rapport d’étude 1510C0042 pour l’ADEME,
lien
Pour une transition énergétique citoyenne,
Labo de l’ESS (2015)
Projets citoyens pour la production
d’énergie renouvelable : une comparaison France-Allemagne, Poize N., Rüdinger
A., Iddri (2014), Working Papers n°01/14,
Paris, France, 24 p.
Quels montages juridiques pour les projets citoyens d’énergies renouvelables ?,
Poize N., RhônAlpÉnergie-Environnement,
(2015), lien
Co-développer un projet de production
d’énergie renouvelable, Marcenac G.,
Enercoop Languedoc Roussillon (2015), lien
Associer les territoires dans l’investissement pour les renouvelables, C. Rumolino,
Valorem (2015), lien
Etude ex-ante sur les outils d’ingénierie financière, Programme opérationnel
FEDER-FSE 2014-2020, Synthèse du rapport
final, Région Rhône-Alpes (2015)
Dispositif d’amorçage et de développement de projets de productions d’énergies renouvelables en Rhône-Alpes, marchés relatifs à l’accompagnement et au
suivi des projets et des territoires, Région
Rhône-Alpes (2015)
La manne inexploitée des énergies renouvelables, rapport commandé par Greenpeace et réalisé par Icare Environnement
(2015), lien
Programme européen deSOLaSOL sur la
diffusion des bonnes pratiques recensées
en Allemagne, Espagne, France et Portugal
qui a donné naissance à Solira-Investissement, ancêtre d’EPI (2008), lien
L’investissement citoyen, recueil d’expériences européennes, CLER, programme
européen PREDAC (2004), lien
L’investissement local dans l’éolien,
études de cas (Allemagne, Danemark,
Espagne, France) et recommandations, programme européen WELFI (2003), lien
Sites web :
www.cler.org (CLER – Réseau pour la transition énergétique)
www.tepos.fr (Territoires à énergie positive)
www.energie-partagee.org (Energie Partagée)
www.centralesvillageoises.fr (Centrales villageoises)
www.eoliennes-ancenis.fr
Pays d’Ancenis)
(Eoliennes
en
www.polenergie.org (Ailes de Taillard)
www.sergies.fr (SEM locale de production
d’énergies renouvelables)
www.eolien-citoyen.fr (Éoliennes en Pays
de Vilaine)
63
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