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L'action de l'ONU dans le domaine de la justice transitionnelle

2018

THÈSE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE LA COMMUNAUTE UNIVERSITE GRENOBLE ALPES Spécialité : Droit International Arrêté ministériel : 25 mai 2016 Présentée par Philippe FLORY Thèse dirigée par Karine BANNELIER-CHRISTAKIS, MCF, université Grenoble Alpes, préparée au sein du Centre d’Étude sur la Sécurité Internationale et les Coopérations Européennes dans l'École Doctorale Sciences Juridiques L’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle Thèse soutenue publiquement le 11 octobre 2018, devant le jury composé de : Mme. Karine BANNELIER-CHRISTAKIS MCF, Université Grenoble Alpes, Directrice de thèse M. Thierry GARCIA Professeur, Université Grenoble Alpes, Président M. Frédéric MEGRET Professeur, Université McGill, Faculté de droit, Examinateur M. Xavier PHILIPPE Professeur, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Rapporteur M. Damien SCALIA Professeur, Université libre de Bruxelles, Rapporteur 3 Tous mes remerciements vont à celles et ceux qui m’ont accompagné, soutenu, aidé et relu. Ils et elles se reconnaîtront. Je leur suis reconnaissant de m’avoir permis de conserver de ces années de thèse un souvenir des plus agréables. 5 SOMMAIRE PARTIE 1 : LE DEVELOPPEMENT D’UN CADRE COHERENT POUR LA JUSTICE TRANSITIONNELLE ONUSIENNE ..........................................45 TITRE 1: L’ELABORATION D’UNE APPROCHE ONUSIENNE DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE FONDEE SUR LA CONSOLIDATION DE LA PAIX ................ 49 Chapitre 1. La justice transitionnelle au service de la mission onusienne de reconstruction de l’État .................................................................................................... 51 Chapitre 2. La construction d’un modèle holiste de justice transitionnelle .................... 83 TITRE 2: L’ELABORATION PAR L’ONU D’UN CADRE NORMATIF DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE ...................................................................................... 115 Chapitre 1. L’engagement limité de l’ONU en faveur de l’encadrement normatif des politiques de justice transitionnelle ................................................................................ 119 Chapitre 2. L’encadrement incomplet des mécanismes de justice transitionnelle ....... 161 PARTIE 2 : L’APPLICATION DESORDONNEE DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE PAR L’ONU ................................................................. 199 TITRE 1: L’ADAPTATION LABORIEUSE DE L’ACTION ONUSIENNE AUX OBJECTIFS DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE .................................................... 203 Chapitre 1. L’incertitude quant au degré d’internationalisation de l’action onusienne 205 Chapitre 2. Le recours maladroit à la justice internationale pénale comme mécanisme de justice transitionnelle...................................................................................................... 245 TITRE 2: L’ADAPTATION DEFAILLANTE DE L’ONU FACE AU DEVELOPPEMENT DE SON ACTION DANS LE DOMAINE DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE....................................................................................................... 283 Chapitre 1. L’institutionnalisation lacunaire de la justice transitionnelle onusienne ... 285 Chapitre 2. L’extériorité injustifiée de l’ONU vis-à-vis de la justice transitionnelle ... 321 Conclusion générale ....................................................................................................... 373 7 Sigles et abréviations Mécanismes de justice transitionnelle CAE Chambres africaines extraordinaires CAVR Commission pour le dialogue, la réception et la réconciliation CETC Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens CPI Cour pénale internationale CPS Cour pénale spéciale pour la Centrafrique CVJR Commission vérité, justice et réconciliation CVR Commission vérité et réconciliation DDR Désarmement, démobilisation et réintégration RSS Réforme du secteur de la sécurité TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie TSL Tribunal spécial pour le Liban TSSL Tribunal spécial pour la Sierra Léone Opérations de paix ATNUTO Administration transitoire des Nations Unies au Timor oriental APRONUC Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge BANUGBIS Bureau d’appui de Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau 8 BANUL Bureau d’appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix au Libéria BINUB Bureau intégré des Nations Unies au Burundi BINUCA Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine BINUCSIL Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Sierra Leone BINUSIL Bureau intégré de Nations Unies en Sierra Léone BNUB Bureau des Nations Unies au Burundi BONUCA Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine BUNUTIL Bureau des Nations Unies au Timor Leste KFOR Kosovo Force/ Force de paix au Kosovo MANUA Mission des Nations Unies en Afghanistan MANUL Mission d’appui des Nations Unies en Libye MANUTO Mission d’appui des Nations Unies au Timor oriental MICIVIH Mission civile internationale en Haïti MINUAD Mission hybride des Nations Unies et de l’Union Africaine au Darfour MINUAR Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda MINUBH Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine MINUCI Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire MINUGUA Mission de vérification des Nations Unies au Guatemala MINUK Mission des Nations Unies au Kosovo 9 MINUL Mission des Nations Unies au Libéria MINUN Mission des Nations Unies au Népal MINURCA Mission des Nations Unies en République centrafricaine MINURCAT Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad MINUSCA Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine MINUSIL Mission des Nations Unies en Sierra Léone MINUSMA Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali MINUSTAH Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti MINUT Mission intégrée des Nations Unies au Timor oriental MONUC Mission des Nations Unies au Congo MONUSCO Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo ONUB Opération des Nations Unies au Burundi ONUC Opération des Nations Unies au Congo ONUCI Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire ONUSAL Mission d’observation des Nations Unies au El Salvador ONUSOM Opération des Nations Unies en Somalie UNOWA United Nations Office for West Africa / Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest 10 Organes, programmes, fonds et départements onusiens AGNU Assemblée générale des Nations Unies BACP Bureau d’appui à la consolidation de la paix BSCI Bureau des services de contrôle interne des Nations Unies CCP Commission de consolidation de la paix CDI Commission du droit international CIJ Cour internationale de justice CSNU Conseil de sécurité des Nations Unies DAM Département d’appui aux missions DAP Département des affaires politiques DOMP Département des opérations de maintien de la paix ECOSOC Conseil économique et social des Nations Unies FCP Fonds de consolidation de la paix HCDH Haut commissaire aux droits de l’homme HCR Haut commissaire aux réfugiés ONUDC Office des Nations Unies contre la drogue et le crime PNUD Programme des Nations Unies pour le développement SGNU Secrétaire général des Nations Unies TANU Tribunal d’appel des Nations Unies TCANU Tribunal du Contentieux administratif des Nations Unies UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance 11 Revues, ONG et sociétés savantes AFDI Annuaire français de droit international AJIL American journal of international law ASIL American society of international law CICR Comité international de la croix rouge EJIL European journal of international law ICTJ International centre for transitional justice IJTJ International journal of transitional justice JICJ Journal of international criminal justice LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence RBDI Revue belge de droit international RCADI Recueil des cours de l’Académie du droit international RGDIP Revue générale de droit international public RICR Revue internationale de la croix rouge SFDI Société française pour le droit international USIP United States institute of peace 13 INTRODUCTION 1. Si l’on en croit Ruti Teitel, la justice transitionnelle serait entrée dans une phase de normalisation1. Il est vrai que le domaine fait aujourd’hui l’objet de très nombreux ouvrages et articles de doctrine. Même les juristes français, longtemps réticents devant cet objet, se sont saisis des multiples questions que pose la justice transitionnelle2. Si la notion apparaît mieux acceptée par les cercles académiques, son sens n’est pas beaucoup plus déterminé que lorsque Fabrice Hourquebie posait la question de son existence3 et que Sandrine Lefranc refusait à la justice transitionnelle la qualité de concept4. Cette indétermination n’a pas empêché l’accroissement continu du recours à la justice transitionnelle par les États sortant de conflits. La Tunisie et l’Egypte ont créé des ministères de la justice transitionnelle à la suite de leur révolution, des programmes de justice transitionnelle sont prévus au Mali et en République centrafricaine (RCA)5, alors même que les conflits dans ces pays ne sont pas terminés, et l’accord de paix colombien a intégré un système complexe construit autour de cette même justice6. Malgré son imprécision, la justice transitionnelle jouit donc d’une popularité certaine auprès des États principalement concernés. 2. L’ONU a commencé à soutenir des mécanismes de justice transitionnelle dès le début des années quatre-vingt-dix. La proportion des opérations de paix7 conduisant des tâches dans le domaine de la justice transitionnelle a depuis plus que doublé8. Au jour de l’écriture, 1 TEITEL (R.), « The law and politics of contemporary transitional justice », Cornell International Law Journal, vol. 38, 2005, p. 840. 2 L’intégration d’une section portant sur la justice transitionnelle dans la deuxième édition du manuel de droit international pénal dirigé par les professeurs Ascensio, Decaux et Pellet reflète bien cette évolution de la recherche française. Voir EUDES (M.), « La justice transitionnelle », in ASCENSIO (H.), DECAUX (E.), PELLET (A.), dir., Droit international pénal, 2e éd., Pedone, Paris, 2012, pp. 593-601. De même, le site theses.fr recense soixante-quatre thèses juridiques, dont trente-trois en préparation, portant sur la justice transitionnelle. 3 HOURQUEBIE (F.), « La notion de ‘justice transitionnelle’ a-t-elle un sens ? », VIIème Congrès français de droit constitutionnel, septembre 2008, http://www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC5/HourquebieTXT.pdf. Le professeur Hourquebie a répondu positivement à sa propre interrogation quelques années plus tard : HOURQUEBIE (F.), « La justice transitionnelle a bien un sens », Afrique contemporaine, vol. 250, n° 2, 2014, pp. 86-87. 4 LEFRANC (S.), « La justice transitionnelle n’est pas un concept », Mouvements, 2008/1, n° 53, pp. 61-69. 5 Voir les tâches des opérations de maintien de la paix (OMP) déployées dans ces deux pays in Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. 6 Voir UN Doc. S/2017/272, « Final agreement for ending the conflict and building a stable and lasting peace », Bogota, 24 novembre 2016, section 5. 7 L’expression « opérations de paix » est utilisée à l’ONU pour désigner l’ensemble des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales. 8 Voir Annexe IV, Synthèse de l’action des opérations de paix dans le domaine de la justice transitionnelle. 14 l’ONU prête son assistance à la conduite de politiques de justice transitionnelle dans une douzaine de pays9. Le Conseil de sécurité considère pour sa part que « l’accès à la justice et à la justice transitionnelle » est une condition de la « pérennisation de la paix »10, confirmant l’intégration de la justice transitionnelle au sein des outils du maintien et de la consolidation de la paix. La multiplication des opérations de maintien de la paix (OMP) conduisant des tâches dans le domaine de cette justice confirme cet engagement. Ce dernier est par ailleurs partagé par les principaux organes intergouvernementaux de l’ONU. Alors que l’Assemblée générale considère que la justice transitionnelle participe à la restauration de la confiance dans l’état de droit11, le Conseil des droits de l’homme12 appelle les États sortant de conflit à développer des « stratégies globales de justice de transition »13. Si l’on ajoute à ces organes l’activité des institutions intégrées – c'est-à-dire celles dont les agents ne sont pas soumis à l’autorité de leur État d’origine14 – tels que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et l’ensemble des départements composant le secrétariat, c’est une part importante de l’Organisation qui est désormais active tant dans les aspects théoriques que dans la mise en œuvre de la justice transitionnelle. 3. Au vu de cet engagement transversal des acteurs onusiens dans la justice transitionnelle, et conscients de la persistance d’une relative indétermination de ce domaine, la question qui se pose est alors celle de la cohérence de ces divers engagements. L’ONU présente-t-elle un front commun dans le domaine de la justice transitionnelle ou son action est-elle plutôt 9 Voir les actions présentées dans les annexes II à IV. S/RES/2282 (2016), préambule, § 13. 11 A/RES/71/148 (2016), § 19. Le concept d’ « état de droit » auquel il est fait référence ici correspond à sa signification anglo-saxonne, en vigueur aux Nations Unies. Celle-ci diffère du concept d’ « État de droit » utilisé par les juristes français. Afin de différencier les deux concepts, nous utiliserons l’écriture « état de droit » pour désigner le concept anglo-saxon de « rule of law » et « État de droit » pour désigner le concept français. Le Secrétaire général définit l’état de droit comme : « un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs. » SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit, 23 août 2004, § 6. Sur les différentes approches du concept d’État de droit, voir : CHEVALLIER (J.), L’État de droit, 6e éd., LGDJ, Paris, 2017, notamment pp. 14-48 et 17-20. 12 Dans le langage onusien, les droits de l’Homme sont toujours désignés avec un « h » minuscule (« droits de l’homme »). Cette écriture sera conservée à chaque fois qu’elle est utilisée par l’ONU. Les convictions de l’auteur impliquent en revanche que l’écriture « droits de l’Homme » sera utilisée en dehors des cas susvisés. 13 UN Doc. A/HRC/RES/33/19, Les droits de l’homme et la justice de transition, 5 octobre 2016. 14 Pour de plus amples développements sur la distinction entre les organes intergouvernementaux et les organes intégrés, voir : VIRALLY (M.), L’Organisation mondiale, Armand Collin, Paris, 1972, pp. 55-146, notamment pp. 55-60 pour la classification de ces organes. 10 15 caractérisée par une superposition d’approches différenciées ? C’est cette question qui soustendra l’effort d’analyse de l’action des Nations Unies15 dans le domaine de la justice transitionnelle. 4. Afin de poser les bases de cette étude, on s’attachera dans un premier temps à décrypter ce qu’il faut entendre par la justice transitionnelle « onusienne » (Section I). Il s’agira ensuite de présenter les instruments mobilisés pour procéder à l’analyse de cette justice (Section II), pour finalement préciser les limites et la portée de cette analyse (Section III). Section I 5. Une justice transitionnelle « onusienne » La popularité de la justice transitionnelle, tant comme politique appliquée par les États que comme objet de recherche académique, peut laisser sceptique devant un travail potentiellement constitutif d’une énième étude sur un domaine dont l’attention dont il fait l’objet n’a d’égale que l’indétermination qui le caractérise. Il est pourtant des pans majeurs de la justice transitionnelle demeurant presque vierges de toute analyse. L’action de l’ONU dans ce domaine en fait partie. C’est pourquoi l’analyse de cette action apparaît comme une nécessité (§ 1). L’attention portée par cette étude sur l’action des Nations Unies implique qu’il est impossible d’éviter le traditionnel exercice de définition de la justice transitionnelle. L’avantage de cette étude est que, placée du point de vue onusien, elle ne cherchera pas à trancher les différents débats doctrinaux entourant la définition de la justice transitionnelle, se contentant d’analyser la position adoptée par l’Organisation (§ 2). §1/La nécessité d’une analyse de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle 6. Si l’analyse de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle est essentielle, c’est tout d’abord en raison du rôle majeur que joue l’Organisation dans le développement de cette justice (A). Étrangement, l’analyse de ce rôle a échappé à la multiplication des études portant sur la justice transitionnelle. Il en résulte que l’action de l’ONU dans ce domaine demeure méconnue (B). 15 Les expressions « Nations Unies » et « ONU » désignent traditionnellement des objets sensiblement différents, la première représentant une approche élargie par rapport à la seconde, qui ne concerne que les institutions explicitement nommées au sein de la Charte de Nations Unies. En vue d’éviter des lourdeurs rédactionnelles, elles seront toutefois utilisées ici de façon indifférenciée, désignant l’ensemble des institutions, départements, fonds et programmes faisant partie de la « famille » des Nations Unies. 16 A) L’ONU, un acteur majeur du développement de la justice transitionnelle 7. Les Nations Unies ont été impliquées, à divers degrés, dans les processus de justice transitionnelle mis en œuvre dans plus de trente-cinq États16. Elle est l’organisation internationale la « most involved in issues relevant to justice and conflict situations »17 et l’un des principaux promoteurs des commissions vérité18. Engagée dans la justice transitionnelle depuis le début des années quatre-vingt-dix, avec son implication dans le processus salvadorien19, l’Organisation a acquis une expérience dans le domaine qui n’est égalée que par le Centre international pour la justice transitionnelle (International center for transitional justice – ICTJ), ONG avec laquelle les acteurs onusiens travaillent en étroite collaboration20. Cette expérience permet à l’ONU de mobiliser rapidement des experts apportant aux gouvernements des informations basées sur les leçons apprises au cours des expériences passées. 8. L’ONU bénéficie également d’un réseau dense d’institutions, groupes, fonds, experts et programmes œuvrant dans le domaine de la justice transitionnelle. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), la Commission et le Fonds de consolidation de la paix (CCP et FCP) ne sont qu’une partie de ces nombreux acteurs onusiens actifs dans ce domaine. L’implication du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme a également permis l’entrée de la justice transitionnelle dans la sphère intergouvernementale. Cette entrée a favorisé le développement normatif de cette justice, en facilitant l’adoption de positions communes par les États au travers de résolutions adoptées au sein de ces enceintes, permettant 16 Les processus pris en compte sont ceux compris dans des accords des paix auxquels l’ONU a participé en tant que médiateur et a signé en tant que témoin, et ceux ayant fait l’objet d’une implication onusienne sous la forme d’une opération de maintien de la paix, d’une mission politique spéciale ou d’un bureau pays du HautCommissariat aux droits de l’homme. Voir la méthode d’analyse de la pratique onusienne présentée infra, section II. 17 UNGER (T.), WIERDA (M.), « Pursuing justice in ongoing conflict : a discussion of current practice », in AMBOS (K.), LARGE (J.), WIERDA (M.), Building a future on peace and justice : studies on transitional justice, peace and development : the Nuremberg declaration on peace and justice, Springer, Berlin, 2009, p. 280. 18 Megan McKenzie et Mohamed Sesay considèrent que « [nowhere] is the endorsement of truth commissions more obvious than by the United Nations ». MACKENZIE (M.), SESAY (M.), « No amnesty from/for the international : the production and promotion of TRCs as an international norm in Sierra Leone », International studies perspectives, vol. 13, n° 2, mai 2012, p. 150. Voir également les réflexions de Patricia Naftali concernant l’implication de l’ONU dans la construction et la juridicisation du droit à la vérité, notamment à travers son invocation comme fondement des commissions vérité. NAFTALI (P.), La construction du ‘droit à la vérité’ en droit international, thèse de doctorat, Bruylant, Bruxelles, 2017, pp. 326-367. 19 PHILIPPE (X.), « Les Nations Unies et la justice transitionnelle : bilan et perspectives », L’Observateur des Nations Unies, n° 20/21, 2006, p. 171. 20 Voir les liens entre ces deux organisations décrits par Patricia Naftali : NAFTALI (P.), La construction du ‘droit à la vérité’ en droit international, op. cit., pp. 326-334. 17 l’émergence de normes internationales liées à la justice transitionnelle. Le pouvoir du Conseil de sécurité a également permis, bien que de façon exceptionnelle, le dépassement des réticences étatiques à l’instauration de mécanismes de justice transitionnelle. Enfin, le caractère quasi-universel de l’ONU et de son personnel lui permet de faire appel à des experts de cultures diverses et d’adapter ainsi son soutien aux contextes dans lesquels il est requis. 9. Il résulte des remarques présentées ci-dessus que l’approche de la justice transitionnelle adoptée par les Nations Unies a nécessairement un impact sur le développement général de cette justice. La centralité de l’Organisation dans la mise en œuvre des mécanismes de cette justice favorise l’exportation des standards onusiens qui peuvent ainsi rapidement dépasser le cadre de l’ONU. L’étude de cette approche et de cette pratique est donc fondamentale pour la connaissance de la justice transitionnelle. B) La méconnaissance de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle 10. À notre connaissance, seules deux publications abordent la question de l’ONU et de la justice transitionnelle de façon globale. La première est l’article publié par le Professeur Xavier Philippe dans l’Observateur des Nations Unies en 200621. Cette étude est par ailleurs la seule à avoir été effectuée par un auteur extérieur à l’Organisation. En effet, bien que ne constituant pas un document onusien, la deuxième publication est un chapitre rédigé par Alison Davidian et Emily Kenney au sein du Research handbook on transitional justice, publié en 201722. Or, les deux auteures travaillent comme consultantes pour l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme (ONU-Femmes). Malgré le grand intérêt que présentent ces travaux, leur format limite nécessairement leur capacité à appréhender une action aussi vaste que celle des Nations Unies. 11. Dans la doctrine, l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle est très majoritairement abordée de façon fragmentée, à l’aune d’un contexte géographique spécifique23, d’une institution onusienne24, d’un mécanisme particulier de justice 21 PHILIPPE (X.), « Les Nations Unies et la justice transitionnelle », op. cit., pp. 169-191. DAVIDIAN (A.), KENNEY (E.), « The United Nations and transitional justice », in JACOBS (D.), LAWTHER (C.) MOFFETT (L.), dir., Research handbook on transitional justice, Edward Elgar Publishing, Cheltenham, 2017, pp. 185-201. 23 Voir par exemple les travaux portant sur le Timor Leste : BURGESS (P.), « Justice and reconciliation in East Timor. The relationship between the commission for reception, truth and reconciliation and the courts », Criminal Law Forum, vol. 15, n° 1-2, 2004, pp. 135-158 ; BOWMAN (H. D.), « Letting the big fish get away : 22 18 transitionnelle25 ou d’une combinaison de ces aspects26. Cette action est également évoquée dans le cadre d’études envisageant la justice transitionnelle d’une façon plus générale. Il s’agit alors souvent de noter l’influence des Nations Unies sur le développement de cette justice ou de l’un de ses aspects27. ou encore de critiquer la mise en œuvre, par l’ONU, de la justice transitionnelle28. Or, ces critiques et ces remarques ne peuvent se baser que sur des analyses partielles de l’action onusienne dans ce domaine. 12. De l’absence d’étude globale sur l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle résulte une certaine méconnaissance de cette action. Les programmes les plus importants – notamment en termes de financement et de degré d’implication onusienne – sont souvent surreprésentés et le discours onusien est parfois tronqué par une trop grande attention portée à certains organes. Il est également important de maintenir à l’esprit la spécificité de l’acteur onusien, dont l’action est fortement influencée par son intergouvernementalité. Cette étude se propose ainsi d’entamer29 le travail d’identification des éléments constitutifs d’une approche et d’une pratique onusiennes de la justice transitionnelle. The United Nations justice effort in East Timor », Emory International Law Review, vol. 18, 2004, pp. 371-400, ou encore ceux portant sur la Sierra Léone : SCHABAS (W.), « Conjoined twins of transitional justice ? The Sierra Leone Truth and Reconciliation Commission and the Special Court », JICJ, vol. 2, n° 4, 2004, pp. 10821099 ; Human Rights Watch, « The interrelationship between the Sierra Leone Special Court and Truth and Reconciliation Commission », 18 mai 2002 (en ligne). 24 Voir par exemple ICTJ, « Transitional justice in the United Nations Human Rights Council », juin 2011, 11 p. et THALLINGER (G), « The UN Peacebuilding Commission and transitional justice », German Law Journal, vol. 8, n° 7, 2007, pp. 681-710. 25 Voir par exemple : STAHN (C.), « United Nations peace-building, amnesties and alternative forms of justice : A change in practice? », RICR, vol. 84, n° 845, mars 2002, pp. 191-205 ; HAYNER (P.), Unspeakable Truths, Transitional Justice and the Challenge of Truth Commissions, 2e éd., Routledge, New York et Londres, 2011, 356 p. Voir également les très nombreuses études portant sur les juridictions pénales internationales et internationalisées. Par exemple : ASCENSIO (H.), dir., Les juridictions pénales internationalisées (Cambodge, Kosovo, Sierra Leone, Timor Leste), Société de législation comparée, Paris, 2006, 383 p. ; MARTINEAU (A.C.), Les juridictions pénales internationalisées, un nouveau modèle de justice hybride ?, Pedone, Paris, 2007, 300 p. 26 Voir par exemple : BUERGENTHAL (T.), « The United Nations truth commission for El Salvador », Vanderbilt Journal of Transnational Law, vol. 27, n° 3, octobre 1994, pp. 497-544. 27 Voir par exemple les développements liés à l’ONU dans la thèse de Noémie Turgis sur « la justice transitionnelle en droit international ». TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, thèse de doctorat, Bruylant, Bruxelles, 2014, pp. 44-84. Voir également la présentation de certaines spécificités de la justice transitionnelle onusienne in OLSEN (T. D.), PAYNE (L. A.), REITER (A. G.), Transitional justice in balance. Comparing processes, weighing efficacy, United States Institute of Peace, Washington, 2010, 213 p. 28 Voir par exemple MACKENZIE (M.), SESAY (M.), « No amnesty from/for the international », op. cit., pp. 146-163 ; International Peace Academy, « Rule of law programs in peace operations », par Agnès Hurwitz et Kaysie Studdard, Policy paper, août 2005, 19 p. ; POULIGNY (B.), « Civil society and post-conflict peacebuilding : ambiguities of international programmes aimed at building ‘new’ societies », Security Dialogue, vol. 35, n° 4, décembre 2005, pp. 495-510. 29 Du fait de plusieurs facteurs présentés infra (section II), on se gardera de prétendre à une quelconque exhaustivité dans l’étude, notamment, de la pratique onusienne dans le domaine de la justice transitionnelle. 19 §2/La définition onusienne de la justice transitionnelle 13. Malgré l’engouement qu’elle suscite, la justice transitionnelle ne connaît toujours pas de définition faisant consensus entre les auteurs. À cet égard, on compte presque autant d’approches que de travaux sur la justice transitionnelle. La définition proposée par le Secrétaire général dans son rapport de 2004 sur l’état de droit et la justice transitionnelle30 représente cependant l’approche la plus largement acceptée et reprise au sein de la doctrine. Elle a, de plus, été unanimement adoptée au sein de l’ONU et constituera en conséquence la référence pour la présente étude. Selon elle : « [le] concept d’ ‘administration de la justice pendant la période de transition’ qui est examiné dans le présent rapport englobe l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation. Peuvent figurer au nombre de ces processus des mécanismes tant judiciaires que non judiciaires, avec (le cas échéant) une intervention plus ou moins importante de la communauté internationale, et des poursuites engagées contre des individus, des indemnisations, des enquêtes visant à établir la vérité, une réforme des institutions, des contrôles et des révocations, ou une combinaison de ces mesures. »31 Notons tout d’abord que le terme de « transition » a été exclu de la définition onusienne de la justice transitionnelle. On ne peut que s’en réjouir tant ce terme était, d’une part, inadapté à une justice régulièrement mise en œuvre en dehors de tout changement de régime32 et, d’autre part, mal défini quant à la nature – transition vers la démocratie, vers la paix ou encore vers l’état de droit – et la temporalité – qui peut dire à quel moment elle prend fin ? – de cette transition. Le contexte étant exclu, cette définition apporte trois éléments complémentaires de définition. La justice transitionnelle est ainsi identifiée par son objet (A), sa finalité (B) et ses mécanismes (C). 30 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit. Ibid., § 8. 32 Le cas de la commission vérité marocaine est souvent cité comme exemple d’une telle application de la justice transitionnelle. 31 20 A) L’objet de la justice transitionnelle 14. L’objet de la justice transitionnelle est intimement lié au contexte du développement de cette justice. Celle-ci est née des réflexions portant sur les mesures que pouvaient adopter, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les gouvernements latino-américains pour faire face aux crimes commis sous les régimes dictatoriaux qui les ont précédés. Le caractère exceptionnel du contexte de la transition vers la démocratie et de l’ampleur des crimes commis par les régimes successeurs ont donc eu un effet structurant sur l’émergence de la notion de justice transitionnelle. Celle-ci n’a pas été pensée pour faire face à une criminalité classique et actuelle mais pour traiter des « exactions massives » commises dans le passé. La version anglaise du rapport est encore plus éloquente dans la mesure où elle use de la notion de « legacy of large-scale past abuses », traduisant l’impact de ces violations sur la société. 15. Trois éléments sont à relever ici. Il faut tout d’abord noter que les violations dont est saisie la justice transitionnelle ont un caractère exceptionnel. Pablo de Greiff considère à cet égard que « transitional justice articulates the requirements of a general understanding of justice when applied to the peculiar circumstances of a very imperfect world »33. Le monde imparfait dont il est question étant celui qui a permis la commission de ces « exactions massives ». Plus qu’une justice exceptionnelle34, la justice transitionnelle est ainsi plutôt une justice de l’exceptionnel. 16. Le deuxième élément vient éclairer ce qu’il faut entendre par cette notion d’exceptionnel. L’expression « exactions massives » concentre souvent l’attention. L’exceptionnel serait alors à chercher dans l’ampleur des crimes. Cette approche conduit à prêter une attention disproportionnée aux crimes internationaux tels le crime contre l’humanité, le génocide ou les crimes de guerre. L’ONU a d’ailleurs souvent suivi cette voie. Il semble pourtant que la justice transitionnelle, y compris lorsqu’elle est mise en œuvre par ou avec le soutien des Nations Unies, dépasse cette approche quantitative de l’importance des violations commises. Le terme de « legacy », présent dans la version anglaise du rapport, est fondamental à cet égard. Il tend à remettre au centre de la justice transitionnelle l’impact des violations sur la société. Or, de nature subjective, cet impact peut être significatif y compris en présence d’un nombre relativement faible de victimes. On peut penser ici à la commission vérité établie dans la ville de Greensboro, aux États-Unis, pour traiter de violences raciales 33 DE GREIFF (P.), « Theorizing transitional justice », in ELSTER (J.), NAGY (R.), WILLIAMS (M. E.), dir., Transitional justice, New York University Press, New York, 2012, p. 34. 34 Approche que rejette d’ailleurs Pablo de Greiff. Voir ibid. 21 ayant eu lieu à l’occasion d’une manifestation et dont le bilan s’élève à cinq morts et onze blessés. Au-delà du bilan des violences c’est bien leur contexte – la manifestation avait pour objet la défense des droits économiques et des droits des populations afro-américaines et le Ku Klux Klan était impliqué dans la fusillade – et les divisions sociales qu’elles exposent qui justifient le recours à la justice transitionnelle35. 17. Il faut ensuite préciser que les violations dont traite la justice transitionnelle sont passées. Les mécanismes de cette justice n’ont ainsi pas vocation à connaître d’infractions commises après leur création. Comme l’exprime Luis-Miguel Gutierrez Ramirez, la justice transitionnelle est appelée à « faire face à certaines infractions commises dans une période déterminée antérieure, à partir de la promulgation de normes ad hoc qui sont appliquées à ces infractions de manière rétroactive. »36 Bien qu’elle soit encore très limitée, une tendance à dépasser cette caractéristique de la justice transitionnelle peut être observée. Le seul élément qui en témoigne, à notre connaissance, est la création conjointe entre le Guatemala et l’ONU de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG). Cette commission a pour mandat de lutter contre les groupes illégaux de sécurité (« illegal security groups ») en recueillant des informations les concernant et en participant aux mesures de poursuites judiciaires et de sanctions administratives37. Sans rentrer ici dans les détails du fonctionnement de cette commission38, il faut signaler qu’elle a été considérée par certains auteurs comme un « non-traditional transitional justice effort »39. Tove Nyberg reconnaît cependant que cette commission « is not a transitional justice mechanism per se since it focuses on present day crime. »40 De plus, l’ONU ne considère pas la CICIG comme un mécanisme de justice transitionnelle41. Le critère de l’antériorité n’est donc pas (encore) dépassé. 35 Voir sur ce sujet HAYNER (P.), Unspeakable Truths, op. cit., p. 62. Voir aussi le site internet de la commission vérité de Greensboro : http://www.greensborotrc.org/. 36 GUTIERREZ RAMIREZ (L.-M.), Justice transitionnelle et constitution, thèse de doctorat, Université Toulouse Capitole, soutenue le 26 juin 2017, p. 18. 37 Voir Agreement between the United Nations and the state of Guatemala on the establishment of an International commission against impunity in Guatemala (CICIG), New York, 12 décembre 2006, RTNU, vol. 2472, p. 47, art. 2. 38 Pour une analyse du fonctionnement de la CICIG, voir notamment : HUDSON (A.), TAYLOR (A. W), « The international commission against impunity in Guatemala », JICJ, vol. 8, 2010, pp. 53-74. 39 NYBERG (T.), « International commission against impunity in Guatemala : a non-traditional transitional justice effort », Revue Québécoise de Droit International, vol. 28, n° 1, pp. 157-184. 40 Ibid., p. 165. 41 La CICIG n’est en effet pas traitée au sein de la section dédiée à la justice transitionnelle dans les rapports du Secrétaire général. Voir par exemple UN Doc. A/66/133, Strengthening and coordinating Unite Nations rule of 22 18. L’objet de la justice transitionnelle pose en réalité peu de problèmes. On a vu cependant que le caractère subjectif de la notion d’héritage en étend considérablement le spectre. En conséquence, la seule limite réelle à cet objet réside dans l’antériorité des violations concernées. Il est évident que ce critère est très insuffisant pour délimiter le domaine de la justice transitionnelle. La notion d’héritage est alors le premier indicateur du deuxième élément d’identification de cette justice, résidant dans sa finalité. B) La finalité de la justice transitionnelle 19. Si l’héritage que constituent les violations traitées par la justice transitionnelle constitue un élément de détermination de l’objet de cette dernière, il est également un élément de sa finalité. En effet, cette justice vise à accompagner « a society’s attempts to come to terms with a legacy of large-scale past abuses »42. L’expression « come to terms » est particulièrement intéressante ici. Sa reprise dans la directive du Secrétaire général exposant l’approche onusienne de la justice transitionnelle43 montre que son utilisation n’est pas fortuite. On remarque une sensible différence entre les versions anglaise et française du rapport, cette dernière ayant recours à l’expression « faire face ». La version anglaise de « come to terms » se rapprocherait en réalité plutôt de la notion française d’acceptation, alors que la version française semble se rapprocher du terme anglais de « confront », par ailleurs régulièrement utilisé dans les définitions doctrinales de la justice transitionnelle44. En tout état de cause, qu’il s’agisse d’accepter le passé ou de s’y confronter, c’est bien à la suppression des entraves que ce passé peut représenter à la construction d’une société réconciliée qu’aspire la justice transitionnelle. Car cette suppression n’est qu’un moyen, une finalité intermédiaire permettant d’atteindre les objectifs ultimes auxquels la justice transitionnelle est censée concourir. law activities, 8 août 2011. La CICIG y est traitée au § 31 alors que la section portant sur la justice transitionnelle ne comprend que les §§ 32 à 36. 42 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 8. 43 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », mars 2010, pp. 1 et 3. 44 Voir par exemple TEITEL (R.), « Transitional justice genealogy », Harvard Human Rights Journal, vol. 16, 2003, p. 1 ; ROHT-ARRIAZA (N.), « The new landscape of transitional justice », in MARIEZCURRENA (J.), ROHT-ARRIAZA (N.), Transitional justice in the twenty first century, beyond truth versus justice, Cambridge University Press, New York, 2006, p. 1. Anne-Marie La Rosa et Xavier Philippe ont également recours à cette notion lorsqu’ils définissent la justice transitionnelle comme visant « à confronter l’héritage d’un passé violent ». Voir LA ROSA (A.-M.), PHILIPPE (X.), « Justice transitionnelle » in CHÉTAIL (V.), dir., Lexique de la consolidation de la paix, Bruylant, Bruxelles, 2009, p. 257 23 20. Dans la définition du Secrétaire général, le traitement du passé a pour but « d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation »45. Les objectifs ainsi présentés apparaissent extrêmement flous. Rien n’est dit sur le type de justice dont il est question. Dans la mesure où la justice transitionnelle s’écarte de la simple approche punitive, s’agit-il ici d’une justice restauratrice, réparatrice, sociale46 ? La même indétermination caractérise l’objectif de réconciliation, qualifié par Valérie Rosoux de « piège »47 de la justice transitionnelle. Cherche-t-on à réconcilier les victimes et les bourreaux, la population et les autorités étatiques, l’ensemble de la société ou encore une combinaison de ces schémas ? Impossible également de déterminer ce qui caractérise une société réconciliée sans tomber dans une vision idéalisée et irréalisable. 21. Outre les problèmes liés à l’imprécision des objectifs attribués à la justice transitionnelle, l’approche finaliste pose la question des moyens propres à atteindre ces buts. Limitée à son objet et à ses finalités, la justice transitionnelle pourrait être poursuivie par un spectre illimité de mesures. On pourrait alors considérer que « the assassination or exile of individuals implicated in the violations »48 constitue une mesure de justice transitionnelle. En sus de son objet et de ses buts, ce sont donc les mécanismes de la justice transitionnelle qui doivent être délimités. C) Les mécanismes de la justice transitionnelle 22. Définir la justice transitionnelle par ses mécanismes paraît de prime abord contreproductif. En effet, la nécessité d’adaptation de cette justice aux spécificités des contextes dans lesquels elle est déployée semble interdire que les formes qu’elle peut adopter 45 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 8. Dans sa tentative de théorisation des réparations au sein de la justice transitionnelle d’un point de vue des théories de la justice, Lisa J. Laplante construit un continuum des types de justice (« justice continuum ») auxquels participent ces réparations. Ce continuum comporte la justice réparatrice (« reparative justice »), la justice restauratrice (« restorative justice »), la justice civique ou citoyenne (« civic justice ») et enfin la justice sociale et économique (« socioeconomic justice »). Voir LAPLANTE (L. J.), « The plural justice aim of reparations », in BUCKLEY-ZISTEL (S.) et al., dir., Transitional justice theories, Routledge, Abingdon, New York, 2014, pp. 68-79. 47 ROSOUX (V.), « Réconcilier : ambition et piège de la justice transitionnelle. Le cas du Rwanda », Droit et Société, vol. 73, 2009, pp. 613-633. Dans le même sens, voir MENDEZ (J. E.), « National reconciliation, transnational justice, and the International Criminal Court », Ethics and International Affairs, vol. 15, n° 1, mars 2001, pp. 25-44 et BALINT (J. L.), « The place of law in addressing internal regime conflicts », Law and Contemporary Problems, vol. 59, n° 4, 1996, p. 122. 48 BACKER (D.), « Cross-National Comparative Analysis », in Baxter (V.), R. Chapman (A. R.), Van der Merwe (H.), dir., Assessing the impact of transitional justice. Challenges for empirical research, USIP, Washington D.C., 2009, p. 28 et note 1. 46 24 soient limitées. C’est la raison pour laquelle l’approche « opérationnelle » est parfois rejetée par la doctrine49. En l’absence de définition satisfaisante, le recours à cette approche de la justice transitionnelle par ses mécanismes est pourtant récurrent50. Ceux-ci sont même au cœur de cette justice. En effet, la justice transitionnelle n’est pas un concept qui peut être défini de façon abstraite, comme peut l’être la justice. La justice transitionnelle s’est construite à partir de pratiques auxquelles les définitions adoptées renvoient de façon presque systématique51. C’est par ce même renvoi que débute la définition du Secrétaire général lorsqu’il note que la justice transitionnelle « englobe l’éventail complet des divers processus et mécanismes »52 créés par les sociétés concernées. Le réel problème de l’approche opérationnelle survient lorsque celle-ci ambitionne de définir de façon limitative les mécanismes pouvant être compris dans le champ de la justice transitionnelle. C’est pourquoi la liste établie par le Secrétaire général, et comprenant « des mécanismes tant judiciaires que non judiciaires, avec (le cas échéant) une intervention plus ou moins importante de la communauté internationale, et des poursuites engagées contre des individus, des indemnisations, des enquêtes visant à établir la vérité, une réforme des institutions, des contrôles et des révocations »53, n’est qu’indicative54. 23. L’identification des mécanismes de la justice transitionnelle révèle que l’approche opérationnelle n’est pas détachée de toute assise théorique. Les poursuites pénales, les réparations, la recherche de la vérité et les lustrations font écho aux droits identifiés par Louis Joinet dans son rapport de 1997 sur la lutte contre l’impunité55. La construction de la lutte contre l’impunité autour de quatre piliers constitués du droit à la vérité, du droit à la justice, 49 Voir par exemple GUTIERREZ RAMIREZ (L.-M.), Justice transitionnelle et constitution, op. cit., pp. 10-15. Voir par exemple les définitions fournies par Kora Andrieu (ANDRIEU (K.), « Transitional justice ; a new discipline in human rights », Online Encyclopedia of Mass Violence, 18 janvier 2010, p. 3), Paul Van Zyl (VAN ZYL (P.), « Promoting transitional justice in post-conflict societies » in BRYDEN (A.), HÄNGGI (H.), Security governance in post-conflict peacebuilding, 2e éd., DCAF, Genève, 2005, p. 209) ou encore Jon Elster (ELSTER (J.), Closing the books. Transitional justice in historical perspective, Cambridge University Press, Cambridge, 2004, p. 1). 51 Ainsi, bien que rejetant l’approche opérationnelle, Luis-Miguel GUTIERREZ Ramirez retient que la justice transitionnelle constitue « à la fois un régime juridique et un ensemble de processus » (nous soulignons). GUTIERREZ RAMIREZ (L.-M.), Justice transitionnelle et constitution, op. cit., p. 8. 52 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 8. 53 Ibid. 54 Koffi Annan précise bien que « [peuvent] figurer au nombre de ces processus », l’un ou plusieurs éléments de la liste présentée, ce qui semble indiquer que d’autres mesures peuvent être concernées. 55 ECOSOC, UN Doc. E/CN.4/Sub. 2/1997/20/Rev.1, L’administration de la justice et les droits de l’homme des détenus. Question de l’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme (civils et politiques). Rapport final révisé établi par M. L. Joinet, en application de la décision 1996/119 de la Sous-Commission, 2 octobre 1997, (« principes Joinet »). 50 25 du droit à réparation et du droit aux garanties de non-répétition a structuré l’approche onusienne de la justice transitionnelle. 24. Si l’approche opérationnelle peut paraître insatisfaisante dans le cadre de l’élaboration d’une théorie de la justice transitionnelle, il faut rappeler que l’on se trouve ici dans le cadre particulier de l’ONU. Une telle approche est nécessaire pour l’Organisation, dans la mesure où, de cette définition, découle un ensemble de conséquences, tels l’implication de certains acteurs au détriment d’autres, des modes de financement particuliers et l’application de certains standards visant spécifiquement la justice transitionnelle. Le fait que, pour les Nations Unies, la justice transitionnelle soit une activité, et non un champ de recherche, justifie qu’elles en adoptent une approche opérationnelle. Section II Les instruments de l’analyse de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle 25. L’action des Nations Unies dans le domaine de la justice transitionnelle prend deux formes. La première tient au discours porté par les divers acteurs onusiens relativement à cette justice (§ 1) et la deuxième concerne la pratique de l’Organisation dans ce domaine, c'est-àdire l’implication des acteurs onusiens dans la mise en œuvre des politiques de justice transitionnelle dans les États sortant de conflit (§ 2). Il faut toutefois préciser que la frontière entre ces deux volets est poreuse. La dimension normative de certains discours implique que ces derniers impactent de façon importante la pratique, qui elle-même nourrit l’approche onusienne exprimée au travers de ces discours. La distinction sera tout de même maintenue ici dans un souci pédagogique, en tenant compte des limites précitées. §1/L’analyse du discours onusien 26. Il faut tout d’abord préciser ce que l’on entend par le discours onusien, notamment par opposition à la pratique onusienne. Le premier concernera ici l’ensemble des positions, régulations et standards exprimés par les acteurs onusiens et applicables de façon indifférenciée à l’ensemble des contextes susceptibles d’être concernés par la justice transitionnelle onusienne. L’analyse du discours onusien se focalise sur ce que les acteurs de l’Organisation présentent comme constituant le cadre et la teneur de cette action, indifféremment de ce qui est mis en œuvre sur le terrain. 26 27. La popularité de la définition de la justice transitionnelle proposée par le Secrétaire général montre à quel point certains discours onusiens sont importants dans la compréhension générale de cette justice. S’il est vrai que l’ONU a été un acteur de la justice transitionnelle avant d’en être un promoteur, elle a depuis largement développé ce dernier rôle. Dans le même temps, les actions de l’Organisation dans le domaine de la justice transitionnelle se sont multipliées, permettant aux Nations Unies d’accumuler une expérience peu égalée. La volonté de prodiguer une assistance plus efficace et d’étendre l’œuvre de promotion de la justice transitionnelle a conduit l’ONU à affiner son approche de cette justice. Cette opération donne lieu à l’adoption de nombreux rapports, lignes directrices, publications, déclarations et résolutions portant sur la justice transitionnelle. La diversité des sources onusiennes liées à la justice transitionnelle, représentant la diversité des acteurs les ayant adoptées, ne permet pas d’identifier a priori une approche de cette justice partagée par l’ensemble de ces acteurs. Un effort de regroupement et de synthèse est donc nécessaire pour faire ressortir les convergences et les divergences de ces éléments épars, dans l’espoir qu’émergent les bases d’une approche onusienne de la justice transitionnelle. §2/Une analyse systématique de la pratique onusienne 28. Afin de pouvoir être analysée de façon systématique, la pratique onusienne doit au préalable faire l’objet d’une délimitation. Celle-ci concerne les mécanismes auxquels l’Organisation à recours dans le cadre de son action dans le domaine de la justice transitionnelle (A) ainsi que les moyens au travers desquels l’Organisation agit pour mettre en œuvre ces mécanismes (B). A) La délimitation nécessaire des mécanismes pris en compte 29. Il faut souligner que la liste de mécanismes présentée ci-après n’est pas exhaustive. Il s’agit des mécanismes qui, d’une part, sont les plus couramment intégrés à l’action onusienne dans le domaine de la justice transitionnelle et qui sont, d’autre part, suffisamment documentés pour faire l’objet d’une analyse systématique. Cela étant précisé, il ressort de l’approche et de la pratique de l’ONU que cinq mécanismes peuvent être considérés comme intégrés à la justice transitionnelle. Il s’agit des commissions vérité (1), des procès pénaux (2), des programmes de réparation (3), des programmes de lustration (4) et des mécanismes 27 traditionnels de justice et de réconciliation (5). Dans la mesure où ces mécanismes souffrent du même manque de définition que la justice transitionnelle, il est nécessaire de préciser – sans prétendre présenter des définitions définitives – les critères retenus pour permettre leur identification. 1. Les commissions vérité 30. Définir les commissions vérité n’est pas chose aisée. Elles sont pourtant le mécanisme emblématique de la justice transitionnelle. Les acteurs onusiens n’ont pas adopté de définition claire de ces commissions, bien que ce mécanisme fasse l’objet de standards56 et de rapports57 établissant des bonnes pratiques pour leur création et leur opération. Il faut donc s’en remettre à la doctrine pour identifier les traits caractéristiques de ce mécanisme. La définition originellement donnée par Priscilla Hayner58, la principale experte en matière de commissions vérité59, a été jugée imprécise par Mark Freeman60. Priscilla Hayner a donc adopté une version révisée de sa définition en prenant en compte les critiques lui ayant été faites61. Ainsi, une commission vérité : « (1) is focused on the past, rather than ongoing, events ; (2) investigates a pattern of events that took place over a period of time ; (3) engages directly and broadly with the affected population, gathering information on their experiences ; (4) is a temporary body, with the aim of concluding a final report ; and (5) is officially authorized or empowered by the state under review »62. 56 Une publication du Haut-Commissariat aux droits de l’homme leur est consacrée dans la série des « instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit ». Voir HCDH, HR/PUB/06/1, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Les commissions de vérité », 2006, 46 p. 57 Voir notamment le rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition (« Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle ») : UN Doc. A/HRC/24/42, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 28 août 2013. 58 HAYNER (P.), « Fifteen truth commissions – 1974 to 1994 : A comparative study », Human Rights Quarterly, vol. 16, n°4, 1994, p. 604. 59 Cette reconnaissance lui a valu de se voir confier la rédaction de la publication susmentionnée du HCDH sur les commissions vérité. 60 FREEMAN (M.), Truth commissions and procedural fairness, Cambridge University Press, New York, 2006, pp. 12-17. 61 Il serait superflu ici de revenir sur cette controverse doctrinale, par ailleurs bien exposée dans d’autres travaux. Voir par exemple HAYNER (P. ), Unspeakable Truths, op. cit., pp. 10-11 et TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 484-486. 62 HAYNER (P. ), Unspeakable Truths, op. cit., pp. 11-12. 28 Bien que cela n’apparaisse qu’en filigrane dans cette définition, il est intéressant de noter que Priscilla Hayner note que l’un des traits caractéristiques des commissions vérité est « their intention of affecting the social understanding and acceptance of the country’s past, not just to resolve specific facts. »63 On retrouve ici les principaux éléments de la définition onusienne de la justice transitionnelle exposée plus haut. Cette définition des commissions permet d’exclure du champ de cette étude plusieurs mécanismes ou procédures entrant dans le domaine de la recherche de la vérité mais dont l’intégration dans le domaine de la justice transitionnelle est, au mieux, discutable. Mark Freeman identifie onze de ces « other human rights investigations »64. Sans en restituer ici la liste complète, on notera qu’il s’agit essentiellement de commissions d’enquête, nationales ou internationales, d’initiative gouvernementale ou non gouvernementale, ainsi que des commissions nationales des droits de l’Homme. Leur distinction des commissions vérité provient notamment de leur traitement d’évènements, plutôt que de périodes spécifiques, de leur création en dehors de toute approbation étatique formelle ou encore de leur compétence sur des violations survenant postérieurement à leur création. L’ONU joue un rôle important dans la création de nombreuses institutions et procédures d’établissement des faits. Elle participe régulièrement à la création de commissions nationales des droits de l’Homme ou institutions assimilées, tels les ombudsperson. Elle est également très active dans la création de commissions internationales d’enquête et met en place de nombreuses procédures spéciales visant à l’établissement des faits65. Le monitoring des droits de l’Homme fait également partie des tâches habituellement dévolues aux représentants du HCDH. Considérer ces mécanismes et procédures comme étant extérieurs à la justice transitionnelle ne signifie toutefois pas que leur rôle vis-à-vis de ce domaine soit inexistant. Isabelle Lassée a parfaitement démontré le rôle incitatif des commissions internationales d’enquête créées par l’ONU dans la création de mécanismes de justice transitionnelle, qu’il s’agisse du Timor Leste66 ou du Sri Lanka67. La difficulté que représente l’identification de 63 Ibid., p. 11. FREEMAN (M.), Truth commissions and procedural fairness, op. cit., p. 41. 65 Sur ces questions voir notamment LASSÉE (I.), Les missions d’établissement des faits des Nations Unies sur les violations graves et massives du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire : entre uniformité et diversité, thèse de doctorat, Université Panthéon-Assas, soutenue le 8 avril 2016, pp. 16-20. 66 Ibid., p. 101. 67 Ibid., pp. 107-109. 64 29 cet impact et son évaluation en rapport à la multitude d’autres facteurs incite cependant à ne pas inclure ces mécanismes dans l’analyse de la justice transitionnelle onusienne. 2. Les procès pénaux 31. L’identification des procès pénaux ne pose pas de difficulté en tant que telle. En revanche, leur qualification comme mécanisme de justice transitionnelle peut s’avérer délicate. Le cas des juridictions spéciales, qu’elles soient nationales ou présentant un degré variable d’internationalisation, est le plus aisé. Créées spécifiquement pour traiter des violations graves commises durant une période délimitée et antérieure à leur création, ces juridictions peuvent de façon naturelle être assimilées à des mécanismes de justice transitionnelle. Le cas des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo est problématique à cet égard. Si l’on se limite aux critères évoqués ci-dessus, ils doivent être considérés comme des mécanismes de justice transitionnelle. Le peu d’attention que ces juridictions ont accordé aux victimes, et aux populations de façon plus générale, les rend peu compatibles avec les finalités préalablement identifiées de la justice transitionnelle. Cette carence incite donc à les exclure de cette justice. La question se pose également vis-à-vis des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, qui n’ont prêté qu’une attention très limitée aux victimes. Il faut toutefois préciser qu’ils sont régulièrement considérés, tant par la doctrine que par l’ONU, comme des mécanismes de justice transitionnelle. De plus, ces juridictions se sont vues attribuer des objectifs directement liés à la justice transitionnelle, telle la réconciliation nationale68. Il faut enfin préciser que le fonctionnement des TPI a été adapté au fil du temps dans le but de les rendre plus à même de s’adresser aux populations et aux victimes69. Ces raisons incitent donc à inclure les TPI dans l’étude de la justice transitionnelle onusienne. 32. Les cas les plus compliqués à identifier sont ceux où des procès liés aux violations couvertes par la justice transitionnelle sont conduits devant des juridictions ordinaires. Outre les cas où ces violations sont portées devant les juridictions pénales de l’État directement concerné, on pense essentiellement aux procès conduits dans des États tiers sur le fondement des compétences universelle ou personnelle. Ici encore, l’attention minimale portée à « l’héritage » de ces violations permettrait éventuellement de remettre en question la qualification de ces procès en mécanismes de justice transitionnelle. Sans chercher à apporter 68 69 Voir infra, Partie 2, Titre 1, chapitre 2. On peut citer ici la création de sections de sensibilisation au sein des deux TPI. Ibid. 30 une réponse définitive à cette question, on se contentera de remarquer que l’ONU ne traite pas de ce type de procès sous l’angle de son action liée à la justice transitionnelle, les excluant en conséquence de cette étude. 3. Les programmes de réparation 33. Le programmes de réparations peuvent également apparaître comme aisément identifiables en tant que mécanisme de justice transitionnelle. Il importe pourtant de souligner que les procédures de réparation ouvertes pour chaque individu devant les juridictions civiles ne sont pas comprises dans cette qualification. En effet, dans la mesure où ces programmes « sont censés réparer (en partie) des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme, non celles qui sont sporadiques ou exceptionnelles »70, les juridictions civiles paraissent peu adaptées. Il faut également rajouter que les réparations limitées à une indemnisation des victimes ne sont pas considérées par l’ONU comme des mécanismes de justice transitionnelle. L’objectif est ici de disqualifier les mesures pouvant « être perçues plus comme un paiement en échange du silence ou de l’acquiescement des victimes et de leurs familles »71. En conséquence, pour être identifié comme un mécanisme de justice transitionnelle, un programme de réparations « doit s’accompagner d’une reconnaissance de la responsabilité des auteurs des violations et être [lié] aux démarches relatives à la vérité, à la justice et aux garanties de non-répétition. »72 C’est donc au regard du contenu des programmes et du contexte de leur création – c'est-à-dire de leur inclusion dans un programme plus vaste de justice transitionnelle – que s’effectue leur identification en tant que mécanisme de justice transitionnelle. En ce qui concerne l’action des Nations Unies en faveur des réparations, il est dès lors possible d’exclure la Commission et le Fonds de compensation créés pour permettre la réparation par l’Irak des dommages causés à l’occasion de la première guerre du Golfe73. 70 HCDH, HR/PUB/08/1, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Programmes de réparation », 2008, p. 12. 71 Ibid., p. 35. 72 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/69/518, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 14 octobre 2014, § 11. 73 Si la Commission de compensation a bien distribué d’importantes réparations aux personnes, morales et physiques, ayant subi des dommages du fait de l’invasion du Koweït par l’Irak, elle n’a pas été intégrée dans un effort plus global de justice. Sur cette commission, voir D’ARGENT (P. ), « Le Fonds et la Commission de compensation des Nations Unies », RBDI, 1992/2, pp. 485-518. 31 4. Les programmes de lustration 34. Les programmes de lustration sont définis comme des mécanismes procédant à « une évaluation de l’intégrité des personnes afin de déterminer leur aptitude à travailler dans la fonction publique »74. Cette approche est conforme à celle retenue par le Secrétaire général dans son rapport de 2004, disposant que : « [l]’assainissement de la fonction publique implique habituellement un processus formel visant à identifier et révoquer les fonctionnaires responsables d’exactions, en particulier dans les services de police, les services pénitentiaires, l’armée et la magistrature. »75 Cette définition implique que les purges effectuées sur le seul fondement d’une appartenance à un groupe ne sont pas considérées comme des mesures de lustration76. Il faut également préciser que cette approche exclut les mesures visant simplement à garantir un niveau de qualification suffisant des agents publics, sans procéder de façon plus spécifique à des enquêtes concernant leur implication potentielle dans des violations des droits de l’Homme commises au cours de la période considérée par les politiques de justice transitionnelle. 35. Si l’identification des lustrations en tant que mécanisme de justice transitionnelle est relativement simple, c’est le choix de ne retenir que ce mécanisme au détriment d’autres mesures de réformes institutionnelles qui doit être expliqué. En effet, dans son rapport sur la lutte contre l’impunité, Louis Joinet intégrait dans les garanties de non-renouvellement la dissolution des groupes armés para-étatiques, l’abrogation des lois d’exception et la lustration des hauts-fonctionnaires77. De même, les réformes institutionnelles sont intégrées, aux côtés des lustrations, dans la définition que le Secrétaire général a donné de la justice transitionnelle78. Cet aspect doit pourtant être exclu de l’analyse pour plusieurs raisons. 36. La réforme des institutions n’est jamais définie par les Nations Unies. Il est impossible de savoir quelles institutions sont concernées ou à partir de quel moment cette réforme peut être considérée comme aboutie. Or, cette délimitation est indispensable à toute tentative d’analyse. Si l’on se fie au rapport de Louis Joinet, la réforme des institutions pourrait se limiter à la démobilisation des groupes militaires para-étatiques – dans la mesure où les lois 74 HCDH, HR/PUB/06/5, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Assainissement : cadre opérationnel », 2006, p. 4. 75 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 52. 76 Voir dans ce sens DUTHIE (R.), « Introduction », in DE GREIFF (P.), MAYER-RIECKH (A.), dir., Justice as prevention : vetting public employees in transitional societies, ICTJ, Social Science Research Council, New York, 2007, p. 18. L’auteur disqualifie en conséquence le processus de débaathification conduit en Irak. 77 « Principes Joinet », op. cit., § 43. 78 UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 8. 32 d’exception peuvent difficilement être qualifiées d’institutions. Or, si l’ONU est bien impliquée dans les programmes de démobilisation – dénommés programmes de désarmement, démobilisation, réintégration (DDR) et, depuis peu, réhabilitation ou rapatriement (DDRR) – ceux-ci ne sont jamais abordés comme partie intégrante de l’action de l’Organisation dans le domaine de la justice transitionnelle. Menés par le DOMP, ces programmes ne font d’ailleurs pas l’objet d’une implication du HCDH, responsable de la justice transitionnelle au sein de l’ONU. La même remarque s’applique partiellement aux programmes de réforme du secteur de la sécurité (RSS). Ces programmes sont généralement conduits par une section spécifique au sein des OMP qui leur est entièrement dédiée et qui opère en parallèle des sections justice transitionnelle. Il est toutefois courant qu’il soit fait appel au HCDH pour conseiller la section RSS, notamment en ce qui concerne les programmes de lustration. 5. Les mécanismes traditionnels de justice et de réconciliation 37. L’intégration des mécanismes traditionnels dans le prisme de la justice transitionnelle onusienne relève de l’observation de la pratique de l’Organisation. Ces mécanismes ne sont en effet pas compris dans la définition du Secrétaire général. Ils ne sont évoqués dans son rapport de 2004 que relativement aux efforts de l’ONU vis-à-vis du renforcement des systèmes nationaux d’administration de la justice79. Ces mécanismes n’ont pas fait l’objet d’une publication du HCDH dans sa série des instruments de l’état de droit80, ni d’un rapport du Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle81. La pratique des opérations de maintien de la paix montre pourtant un recours régulier aux mécanismes traditionnels de réconciliation82. 38. La principale difficulté présentée par ces mécanismes est terminologique. Si l’expression « justice traditionnelle » est souvent utilisée, c’est, de l’aveu même de ceux qui en font usage, à défaut d’autres termes plus adéquats83. Il faut noter que la difficulté est 79 Ibid., § 36. Une publication du HCDH traite toutefois du rôle des mécanismes traditionnels dans la protection des droits de l’Homme. Voir HCDH, HR/PUB/16/2, « Human rights and traditional justice systems in Africa », 2016, 79 p. 81 Seuls les mécanismes de justice traditionnelle sont très brièvement évoqués dans le premier rapport annuel du Rapporteur spécial. Voir Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/21/46, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de nonrépétition, Pablo de Greiff, 9 août 2012, § 54. 82 Voir Annexe II, opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. 83 Voir par exemple HCDH, HR/PUB/16/2, « Human rights and traditional justice systems in Africa », op. cit., pp. 13-15. Luc Huyse évoque à propos de ces mécanismes une « terminologie épineuse ». Voir HUYSE (L.), « Introduction : les approches fondées sur les traditions dans les politiques d’apaisement, de justice traditionnelle 80 33 souvent placée sur le terme « traditionnel »84, or, il semble que le problème ne soit pas – seulement – là. Si le terme en lui-même n’est effectivement pas clair, il semble qu’il n’y ait pas de réelle controverse quant aux mécanismes visés ou non. En revanche, le terme « justice » n’est pas toujours opportun dans la mesure ou de nombreux mécanismes traditionnels n’ambitionnent pas de rendre la justice, quel que soit le degré de formalisme, ou d’absence de formalisme, que l’on soit prêt à accorder à cette tâche. Luc Huyse révèle d’ailleurs l’écueil de la formule en évoquant de façon alternative la « justice traditionnelle » et les « pratiques traditionnelles »85. En ce qui concerne l’ONU, la quasi-totalité de son action dans ce domaine concerne des pratiques traditionnelles tournées vers la réconciliation et non vers la justice.86 On se contentera ici d’user de l’expression de « mécanismes traditionnels » en précisant, à titre indicatif, s’ils poursuivent un objectif de justice ou de réconciliation. B) La délimitation des moyens d’action 39. Les moyens auxquels l’ONU a recours pour mener des actions dans le domaine de la justice transitionnelle sont divers. Pourtant, tous ne se prêtent pas à une étude systématique. La simple coopération technique, effectuée sous la forme des bons offices ou par l’intermédiaire des envoyés spéciaux, est extrêmement complexe à analyser dans la mesure où elle ne fait pas toujours l’objet de rapports et que, lorsque c’est le cas, ceux-ci ne présentent que de façon très partielle les actions menées. C’est pourquoi certains moyens utilisés par l’ONU ont dû être exclus de l’analyse (2). Leur présentation suivra celle des moyens qui ont effectivement pu être analysés (1). 1. Les moyens retenus Les moyens retenus sont : les accords de paix (a), les opérations de maintien de la paix (b), les missions politiques spéciales (c) et les bureaux-pays du HCDH (d). et de réconciliation » in HUYSE (L.), SALTER (M.), dir., Justice traditionnelle et réconciliation après un conflit violent. La richesse des expériences africaines, International Institute for Democracy and Electoral Assistance, Stockholm, 2009, p. 9. 84 Ibid. 85 HUYSE (L.), « Introduction », op. cit., pp. 12-13. 86 Voir les actions menées dans ce domaine par les OMP, les missions politiques spéciales et les bureaux pays du HCDH, présentées dans les Annexes II, III et V. 34 a. Les accords de paix 40. En ce qu’ils représentent souvent le premier acte des politiques de justice transitionnelle, les accords de paix sont incontournables dans l’analyse de la justice transitionnelle. L’ONU participe régulièrement à ces accords et des institutions onusiennes tel que le HCDH ont pour tâche de promouvoir l’intégration de programmes de justice transitionnelle en leur sein. Il était donc naturel de s’intéresser tant à la fréquence de cette intégration qu’à sa forme, c’est-à-dire aux types de mécanismes prévus dans ces accords. La difficulté de cette analyse provient de l’incertitude régulière quant au rôle des acteurs onusiens dans l’élaboration de l’accord. Le premier critère choisi a été la signature apposée par le Secrétaire général ou son représentant, faisant de l’ONU un témoin de l’accord. On peut en effet raisonnablement affirmer qu’à défaut d’avoir eu un rôle dans l’élaboration du texte, la signature témoigne de l’approbation, par le Secrétaire général, au nom des Nations Unies, de son contenu. On remarque d’ailleurs que, conformément à sa politique, l’Organisation ne soutient pas d’accord de paix intégrant une amnistie couvrant les crimes internationaux. Un faible nombre d’accords a été intégré malgré l’absence de signature de la part de l’ONU, en raison d’une implication particulièrement importante des acteurs de l’Organisation dans les négociations, associée à une attitude subséquente favorable vis-à-vis de l’accord87. b. Les opérations de maintien de la paix 41. Dans la mesure où la justice transitionnelle est intégrée aux efforts onusiens en vue du maintien et de la consolidation de la paix, il est naturel que l’action de l’Organisation soit partiellement conduite au travers des opérations de maintien de la paix (OMP) autorisées par le Conseil de sécurité et gérées par le département des opérations de maintien de la paix (DOMP). La diversification des mandats de ces opérations et leur déploiement de plus en plus fréquent dans les contextes de conflits internes les ont menées à conduire des actions dans le domaine de la justice transitionnelle. 42. Les opérations ont toutes été analysées au travers des résolutions procédant à leur création, des rapports du Secrétaire général transmis au Conseil de sécurité ainsi que ceux du chef de la section droits de l’homme transmis au Conseil des droits de l’homme. Ces sources onusiennes ont été complétées par les sources doctrinales ainsi que par les rapports d’ONG et 87 Il s’agit de l’Accord de Mexico (1991) concernant El Salvador, de l’Accord de Governor’s Island (1993) concernant Haïti, de l’Accord de Pretoria (2002) concernant la RDC, de l’Accord de Linas-Marcoussis (2003) concernant la Côte d’Ivoire et de l’accord concluant le dialogue de Kampala (2013) concernant la RDC. Voir Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. 35 de think tanks. Il est ressorti de cette analyse dix-huit opérations ayant mené des tâches dans le domaine de la justice transitionnelle88. L’absence de mention de la présence de tâches de justice transitionnelle dans le mandat des OMP s’explique par le caractère souvent vague de ces mandats. Les missions de lustration ne sont, par exemple, presque jamais mentionnées. De même, le Conseil de sécurité se contente régulièrement de mandater les opérations à faciliter le rétablissement de l’état de droit ou encore la lutte contre l’impunité. Les observations notent les cas où les mandats se révèlent plus précis. Les résolutions créant les opérations ainsi que celles modifiant leur mandat de façon substantielle, notamment dans les volets intéressant la justice transitionnelle, sont mentionnées. c. Les missions politiques spéciales 43. Suivant l’idée du Secrétaire général Boutros-Ghali89, l’ONU a développé son action dans le domaine de la consolidation de la paix. Bien que la justice transitionnelle ne soit pas évoquée dans l’Agenda pour la paix et dans son supplément90, les approches de la consolidation de la paix évoquées dans ces deux rapports rappellent les finalités de cette justice. Dans son Agenda de 1992, le Secrétaire général évoque la nécessité de « susciter confiance et tranquillité dans la population »91, objectif proche de la réconciliation identifiée comme finalité de la justice transitionnelle. Dans le Supplément à l’agenda pour la paix, publié en 1995, les mesures liées à la consolidation de la paix sont estimées servir à « effacer les séquelles des affrontements que l’on n’a pas pu empêcher »92. On ne peut alors s’empêcher de rapprocher cet objectif à la confrontation (ou l’acceptation) de l’héritage des violences dont il est question dans le cadre de la justice transitionnelle. 44. Bien que les OMP soient parfois chargées de tâches liées à la consolidation de la paix, ce domaine est essentiellement dévolu au département des affaires politiques (DAP) de l’ONU, qui gère les missions politiques spéciales. L’expression « missions politiques 88 Voir Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. Voir SGNU, UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix. Diplomatie préventive, rétablissement de la paix, maintien de la paix, 17 juin 1992 §§ 55-59. 90 SGNU, UN Doc. A/50/60-S/1995/1, Supplément à l’agenda pour la paix : rapport de situation présenté par le Secrétaire général à l’occasion du cinquantenaire de l’Organisation des Nations Unies, 25 janvier 1995. 91 SGNU, UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix, op. cit., § 55. 92 SGNU, UN Doc. A/50/60-S/1995/1, Supplément à l’agenda pour la paix, op. cit., § 47. 89 36 spéciales » regroupe, par une « anomaly of UN budgeting »93, les missions déployées sur le terrain, les envoyés et conseillers spéciaux, les groupes d’experts et de surveillance (« monitoring ») ainsi que divers comités spéciaux94. Mises à part les missions déployées sur le terrain, les actions menées par ces acteurs sont soit trop mal documentées pour faire l’objet d’une analyse systématique, soit trop éloignées de l’objet de la justice transitionnelle pour présenter un intérêt dans son analyse. En conséquence, seules les missions déployées sur le terrain ont été retenues et seront désignées par l’expression de missions politiques spéciales. Suivant une méthode identique à celle utilisée pour les OMP, dix-huit missions ont été identifiées comme ayant mené des actions ou ayant eu un mandat dans le domaine de la justice transitionnelle95. 45. Les missions politiques spéciales peuvent être créées par l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité suivant des modalités diverses. Dans la mesure où les organes intergouvernementaux se contentent souvent d’approuver le mandat proposé par le Secrétaire général, les mandats des missions politiques spéciales jouissent régulièrement d’une plus grande précision que les OMP. C’est la raison pour laquelle des dispositions concernant des tâches spécifiques liées à la justice transitionnelle peuvent y apparaître. Ces dispositions ont donc été intégrées dans la présentation de l’analyse des missions. d. Les bureaux-pays du Haut-Commissariat aux droits de l’homme 46. Désigné par le Secrétaire général comme chef de file de l’action onusienne en matière de justice transitionnelle96, le HCDH joue un rôle fondamental dans ce domaine. Son action est conduite sous plusieurs formes. Le Haut-Commissaire se prononce, parfois publiquement, sur les politiques de justice transitionnelle adoptées par les États et leur conformité aux standards fixés par l’ONU. Cette activité ressort toutefois essentiellement du discours et sera analysée comme telle. Le HCDH conduit également des missions sur le terrain. Celles-ci sont effectuées par le biais des composantes droits de l’homme au sein des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, des conseillers spéciaux, des bureaux 93 Teresa Whitfield, « Political missions, mediation and good offices », in Center on international cooperation, « Review of political missions 2010 », 2010, p. 27. 94 Voir la liste de ces missions sur le site du DAP : https://www.un.org/undpa/en. Pour un aperçu de la diversité de ces missions, voir également le rapport annuel présenté par le Secrétaire général à l’Assemblée générale sous le titre : Estimates in respect of special political missions, good offices and other political initiatives authorized by the General Assembly and/or the Security Council. 95 Voir Annexe III : Missions politiques spéciales et justice transitionnelle 96 Voir SGNU, décision n° 2005/24, « Human rights in integrated missions », 26 octobre 2005 et UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces : renforcement de l’action de l’ONU en faveur de l’état de droit, 14 décembre 2006, § 13. 37 régionaux et des bureaux-pays du Haut-Commissariat97. Les composantes droits de l’homme des opérations de paix98 seront traitées comme parties intégrantes des opérations auxquelles elles sont rattachées. Les activités des bureaux régionaux et des conseillers spéciaux sont trop floues et mal documentées pour faire l’objet d’une analyse systématique. Cette étude se limitera donc aux actions menées par les bureaux-pays, qui font l’objet de rapports réguliers auprès du Conseil des droits de l’homme. L’analyse systématique de ces rapports ainsi que, de façon complémentaire, de sources secondaires, notamment provenant d’ONG, a servi à recueillir les informations portant sur les activités de ces bureaux. Il faut toutefois signaler que les informations disponibles sont rarement exhaustives, ne permettant de conférer à leur analyse qu’une valeur indicative. 47. Dans la mesure où l’essentiel de l’activité des bureaux-pays du HCDH consiste en la fourniture d’une assistance technique, la division des tâches par type de mécanisme – telle qu’établie pour les accords de paix, les OMP et les missions politiques spéciales – se révèle souvent superficielle. Elle est tout de même conservée à titre indicatif ainsi que pour souligner le caractère limité des activités de certains bureaux. 2. Les moyens exclus 48. Certains moyens exclus de cette analyse ont déjà été évoqués. Il s’agit des activités menées par le département des affaires politiques et du HCDH autrement que par les missions politiques spéciales et les bureaux-pays du Haut-Commissariat. D’autres éléments n’ont cependant pas pu être pris en considération pour une étude systématique, notamment en ce qui concerne les fonds, programmes et institutions spécialisées de l’ONU. Deux acteurs onusiens particulièrement actifs dans le domaine de la justice transitionnelle ont notamment dû être exclus de l’analyse : le PNUD et ONU-Femmes. 49. Le PNUD est probablement l’acteur onusien impliqué dans le plus grand nombre de mécanismes de justice transitionnelle. On peut retrouver des traces des projets qu’il porte au travers du multi-partner trust fund office (MPTF), regroupant la majeure partie des activités financées par les divers fonds gérés par le Programme. On aura recours à ces sources à titre d’exemple. Il n’existe toutefois pas de sources fiables et complètes concernant les activités du 97 Voir à cet égard le site internet du Haut-Commissariat : www.ohchr.org. Dans le vocabulaire onusien, l’expression « opérations de paix » regroupe les OMP et les missions politiques spéciales telles que définies supra, c’est-à-dire limitées aux missions déployées sur le terrain. Cette expression sera utilisée de la même façon dans cette étude. 98 38 PNUD. Toute étude systématique de ces activités dans le domaine de la justice transitionnelle s’avère donc exclue. Les mêmes remarques s’appliquent à ONU-Femmes. D’une façon générale, les activités menées par les équipes pays99 de l’ONU en dehors du cadre d’une mission de paix ou d’un bureau n’ont pas pu être prises en compte, mis à part à titre d’exemple. Le manque d’information et la superficialité des rares rapports disponibles ne permettant pas de tirer des conclusions générales de leur analyse. Section III Limites et portée de l’analyse de la justice transitionnelle onusienne 50. L’ONU est un objet d’étude d’une extrême complexité. Malgré une apparente uniformité, l’Organisation des Nations Unies constitue un agrégat d’institutions, de fonds, de programmes et de départements aux objectifs, aux modes de fonctionnements et aux hiérarchies diverses. De plus, une approche simplement structurelle de l’Organisation échoue à en saisir les logiques de fonctionnement – ou de dysfonctionnement100. L’action des Nations Unies dans le domaine de la justice transitionnelle n’échappe pas à cette complexité. C’est pourquoi l’analyse de la justice transitionnelle onusienne présente certaines limites qu’il importe de reconnaître (§ 1). Qu’une analyse soit limitée ne signifie toutefois pas qu’elle soit vaine. Les failles identifiées n’empêcheront pas de procéder à une étude qui, sans prétendre à l’exhaustivité, participera à clarifier les liens entre l’ONU et la justice transitionnelle (§ 2). §1/Les limites à l’analyse de la justice transitionnelle onusienne L’analyse de la justice transitionnelle onusienne se heurte à deux limites principales. Celles-ci sont liées à l’ampleur (A) et à la nature (B) de l’action de l’ONU dans ce domaine. A) Les limites liées à l’ampleur de l’action onusienne 51. Le nombre important d’États faisant l’objet d’une action onusienne en matière de justice transitionnelle ne permet pas d’analyser de façon approfondie chaque contexte. Une telle 99 Les équipes pays regroupent l’ensemble des entités de la famille onusienne présentes dans un État sous l’autorité du Coordinateur résident. Voir la fiche d’information du United Nations Development Group (UNDG) sur les équipes pays : https://undg.org/leadership/un-country-teams/. 100 Voir à ce sujet DE SEYNES (P.), « Plaisirs et périls de la réforme. L’utopie de l’organigramme », in BARDONNET (D.), dir., L’adaptation de la structure et des méthodes des Nations Unies, colloque de l’Académie du droit international de la Haye, 4-5 novembre 1985, notamment p. 69. 39 analyse nécessiterait par ailleurs de recourir à bien d’autres instruments que l’analyse juridique. Des études sociologiques seraient par exemple nécessaires pour attester de l’impact des mécanismes de justice transitionnelle mis en œuvre avec le soutien de l’ONU sur les populations. De telles études ont été utilisées pour ce travail lorsqu’elles étaient disponibles. Elles sont cependant loin de couvrir l’intégralité des contextes d’activité des Nations Unies. Les mêmes instruments méthodologiques pourraient être utilisés pour procéder à une évaluation de l’efficacité, en termes organisationnels, des actions menées par les missions et bureaux pris en compte en interrogeant les agents onusiens eux-mêmes. Si de tels entretiens ont été conduits au cours de cette étude, leur caractère partiel ne permet pas leur utilisation en tant que source pour une étude aspirant à la systématicité. Dans la mesure où ce travail repose sur une volonté de généralisation à partir de l’analyse des activités menées par l’ONU sur le terrain, il eut été contreproductif d’approfondir certains contextes au détriment d’autres. Le choix a donc été fait d’exclure toutes considérations non systématisables ou de ne les incorporer qu’à titre illustratif. 52. Il demeure que certains aspects de la justice transitionnelle onusienne ne peuvent faire l’objet d’une économie. L’exclusion de toutes considérations liées à l’impact des mécanismes représenteraient, par exemple, une carence coupable. Dans la mesure où les études de terrain se multiplient, elles ont été utilisées pour en présenter les conclusions. Il faut cependant reconnaître la prudence avec laquelle ces informations doivent être traitées. À bien des égards, la justice transitionnelle est un objet soumis à une forte dose de subjectivité, relativisant nécessairement toute tentative de généralisation. B) Les limites liées à la nature de l’action onusienne 53. La limite la plus importante à une étude de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle provient du fait que cette action revêt un volet diplomatique non négligeable. On a vu que les accords de paix figurent parmi les instruments privilégiés de l’application de cette action. De même, le conseil technique prodigué aux autorité nationales, parfois assimilable à du lobbying, constitue une méthode à laquelle le HCDH, comme le Secrétaire général – souvent par le biais de ses représentants – ont régulièrement recours pour inciter ces autorités à adopter des politiques de justice transitionnelle et assurer la conformité de ces dernières aux standards onusiens. Michel Virally considérait justement que, « en raison même de sa nature, l'action politique du Secrétaire général est soustraite, au moins 40 partiellement, à la publicité »101. La même remarque s’applique aux actions précitées. Cette limite n’empêche certes pas la publication de (rares) études portant sur le rôle politique du Secrétaire général102. On remarque toutefois que de nombreux travaux portant sur cette question sont l’œuvre d’auteurs ayant « respiré l'atmosphère (…) du ‘38e étage’ »103 ou ayant effectué de nombreuses missions de consultance conseil pour les institutions onusiennes dont le travail est analysé104. 54. Les motifs sous-jacents des choix effectués par l’ONU en faveur de certains mécanismes et au détriment d’autres, sont souvent multiples et difficilement identifiables. L’influence des donateurs internationaux est régulièrement dénoncée mais reste une donnée difficile à évaluer. D’autres facteurs liés aux agents eux-mêmes et aux relations qu’ils entretiennent entre eux échappent en grande partie à l’analyse. Concernant les aspects institutionnels de l’action onusienne, une concurrence et une certaine inimitié est parfois soulignée entre le DOMP, le DAP, ainsi que, dans une moindre mesure, le HCDH. Il est cependant très compliqué de distinguer les facteurs humains des facteurs institutionnels dans l’échec de processus de coopération inter-institutionnels. 55. Enfin, l’analyse effectuée ici se base nécessairement en partie sur les rapports des missions ainsi que sur les divers documents onusiens de planification. La fidélité de ces documents à la réalité du terrain est, de façon évidente, sujette à caution. Si les retours d’expériences, rapports d’ONG et études académiques menées sur le terrain permettent de compléter et de recouper certaines informations, l’écart avec la réalité ne peut jamais être complètement comblé. On se contentera donc d’en restituer une image la plus fidèle possible. 101 VIRALLY (M.), « Le rôle politique du Secrétaire Général des Nations Unies », AFDI, vol. 4, 1958, p. 364. Voir notamment CHESTERMAN (S.), dir., Secretary or general ? The UN Secretary-general in world politics, Cambridge University Press, 2007, 280 p. Simon Chesterman remarque dans l’introduction de cet ouvrage que la fonction de Secrétaire général n’a fait l’objet que d’un nombre très réduit de travaux académiques. Ibid., pp. 3-4. 103 VIRALLY (M.), « Le rôle politique du Secrétaire Général », op. cit. p. 364. Le 38ème étage désigne ici celui réservé, dans le bâtiment du siège New Yorkais de l’ONU, au Secrétaire général et à ses plus proches collaborateurs. On remarque ainsi que les contributeurs de l’ouvrage de Simon Chesterman précité ont presque tous travaillé de nombreuses années au sein du Secrétariat. Voir les biographies de ces contributeurs in CHESTERMAN (S.), dir., Secretary or general ?, op. cit., pp. vii-x. 104 Voir par exemple l’étude du professeur Hurst Hannum sur le HCDH : HANNUM (H.), « Human rights in conflict resolution : the role of the Office of the High Commissioner for human rights UN peacemaking and peacebuilding », Human Rights Quarterly, vol. 28, n° 1, 2006, pp. 1-85. Hurst Hannum a effectué plusieurs missions auprès du HCDH et du DAP. 102 41 §2/La portée de l’analyse de la justice transitionnelle onusienne 56. Il pourrait être tentant d’observer les concordances et discordances existant entre la justice transitionnelle onusienne et la justice transitionnelle appliquée hors de toute implication de l’Organisation. Cela supposerait toutefois l’existence de ce qui pourrait être considéré comme un régime commun de la justice transitionnelle, vis-à-vis duquel l’action onusienne serait un régime dérogatoire ou particulier. Or, ce régime commun n’existe pas. Tenter de le comparer avec la pratique onusienne ou essayer d’apprécier l’influence de celleci sur celui-là se révèle donc impossible. La justice transitionnelle se révèle toujours aussi imperméable aux tentatives d’identification d’une pratique ou d’une théorie généralisées. C’est d’ailleurs là toute sa force, celle de maintenir une capacité d’adaptation aux évolutions des conceptions de la paix et de la sécurité d’une part, et à la diversité des contextes d’autre part. 57. Il reste que, comme il a été dit, l’ONU exerce une influence importante sur les choix effectués par les acteurs nationaux en matière de justice transitionnelle. Le développement de l’action des organisations régionales dans ce domaine pourrait même étendre l’influence de l’ONU à ces nouveaux acteurs. La consolidation de leur doctrine et de leur pratique de la justice transitionnelle pourra alors donner lieu à de futures études comparatives portant sur les justices transitionnelles des différents acteurs internationaux. 58. L’inexistence d’une justice transitionnelle « générale » n’implique pas pour autant l’existence d’approches et de pratiques cohérentes de cette justice à des niveaux plus spécifiques, tel que celui de l’ONU. Si les études fragmentaires de l’action onusienne dans le domaine de la justice transitionnelle ont montré l’influence de l’Organisation au niveau de chaque contexte pris individuellement, la question d’une cohérence de cette influence reste en suspens. Autrement dit, rien n’atteste qu’il existe bel et bien une justice transitionnelle onusienne. C’est à cette identification que tentera de procéder la présente étude. 59. Il faut distinguer entre l’approche que l’ONU a adopté de la justice transitionnelle et la façon dont cette approche est mise en œuvre. Il faut d’ores et déjà préciser que le dichotomie proposée entre l’approche et la mise en œuvre diffère de celle évoquée plus haut entre le discours et l’action. L’approche onusienne de la justice transitionnelle se révèle tout autant au travers des discours tenus par les acteurs qu’au travers des actions menés sur le terrain. La préférence pour tel ou tel mécanisme, observée à l’aide de l’étude de l’ensemble des mécanismes créés ou soutenus par l’Organisation, est un indicateur de cette approche. Cette 42 dernière est donc définie tant par l’action que par le discours. Il s’agit plutôt ici de distinguer le quoi du comment. Autrement dit, de déterminer quelle justice transitionnelle est soutenue par l’ONU puis d’observer par quelles procédures, techniques et selon quelles modalités l’Organisation concrétise l’approche ainsi définie. La question du comment induit nécessairement, outre les réflexions strictement opérationnelles, des interrogations quant à l’efficacité de l’action. Les méthodes auxquelles l’Organisation a recours pour mettre en œuvre son approche de la justice transitionnelle fonctionnent-elles ? Bien que cette question soit tout à fait légitime, la présente étude ne saurait y apporter une réponse. Outre la complexité d’attribuer des objectifs évaluables à la justice transitionnelle, son efficacité ne peut s’estimer qu’à l’aune de sa réception par les populations concernées. Une telle entreprise, envisagée à l’échelle onusienne, impliquerait une multitude d’études auprès des nombreuses sociétés ayant fait l’objet d’une action de la part de l’ONU en matière de justice transitionnelle. Cela dépasserait naturellement les moyens pouvant être mobilisés pour le présent travail. 60. L’analyse des deux éléments susmentionnés donnera lieu à un bilan nuancé. D’une part l’adoption d’une approche cohérente de la justice transitionnelle par l’ONU est rendue plus difficile par l’évolution constante de ce domaine ainsi que par le flou qui caractérise sa définition. La multiplication des acteurs onusiens impliqués dans cette justice aurait également pu représenter un facteur de fragmentation de la justice transitionnelle onusienne. Comme nous le verrons, l’Organisation est parvenue, en grande partie, à surmonter ces obstacles, voire à en tirer parti pour construire une approche globalement cohérente de la justice transitionnelle (Partie 1). D’autre part, les conséquences des particularités de la justice transitionnelle sur la mise en œuvre de cette dernière semblent avoir été mal appréhendées par les Nations Unies. Les notions de responsabilité (« accountability »)105 et d’appropriation locale, par exemple, impactent directement sur les aspects opérationnels de la justice transitionnelle onusienne. Elles impliquent la prise en compte d’acteurs diversifiés et souvent difficiles à identifier ainsi qu’une certaine prévalence de la lutte contre l’impunité sur l’action diplomatique, historiquement centrale au sein de l’Organisation. Au-delà de la réforme de ses modalités d’action, c’est à une modification en profondeur de ses institutions que l’ONU fait face à la suite de son implication dans le domaine de la justice transitionnelle. Á cet égard, et 105 Il est compliqué de traduire en français la notion d’accountability en vogue dans le vocabulaire anglophone de la justice transitionnelle. La préférence a été accordée ici à la notion de responsabilité, tout en soulignant que celle-ci est à entendre au sens large, incluant ses aspects légaux, politiques et moraux. 43 malgré l’importance des efforts fournis, le bilan est décevant et l’application de cette justice demeure désordonnée (Partie 2). 45 PARTIE 1 : Le développement d’un cadre cohérent pour la justice transitionnelle onusienne 61. La justice transitionnelle s’est construite de façon empirique, autour de l’observation des pratiques mises en place par les États et leur population pour faire face à un passé violent. Il découle de cette construction que l’étude de la justice transitionnelle reposait essentiellement sur l’étude de mécanismes instaurés durant les périodes de transition, et sortant du cadre classique de la justice pénale106. Cet empirisme n’a pas favorisé la construction d’une théorie cohérente de ce domaine. Ainsi guidée par des considérations pratiques, telles que la conciliation de préoccupations liées au traitement des crimes du passé et d’autres liées à la stabilité politique, la justice transitionnelle n’a eu besoin d’un nom que pour encadrer les discussions des experts portant sur les meilleures pratiques à adopter dans le cadre de ces préoccupations107. 62. L’analyse des pratiques des États issus de la troisième vague de démocratisation a donné naissance au champ de la transitologie, qui a profondément marqué les premiers efforts de construction théorique de la justice transitionnelle108. En cherchant à modéliser les différents types de transitions pour en déduire les meilleures méthodes à appliquer en termes, entre autres, de traitement des crimes passés109, la transitologie incarne une approche de la justice transitionnelle ancrée dans le paradigme de la transition, essentiellement abordée sous l’angle du passage de régimes dictatoriaux à des régimes démocratiques. 106 Paige Arthur analyse dans ses travaux l’émergence et le développement de la justice transitionnelle comme discipline académique à travers plusieurs conférences organisées par l’Aspen Institute et financée par la Fondation Ford, lors desquelles sont apparues les principales questions liées à la justice transitionnelle et auxquelles ont participé ses principaux acteurs académiques, dont certains ont ensuite pris part à la CVR sud africaine ou ont été engagés au sein du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, ou encore au Centre international pour la justice transitionnelle. Voir ARTHUR (P.), « How ‘transitions’ reshaped human rights : a conceptual history of transitional justice », Human Rights Quarterly, vol. 31, 2009, pp. 324-326. 107 Sandrine Lefranc qualifie d’ailleurs la justice transitionnelle de champ professionnel. Voir LEFRANC (S.), « La professionnalisation d’un militantisme réformateur du droit : l’intervention de la justice transitionnelle », Droit et Société, 2009/73, pp. 561-589 108 Voir TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op cit., pp. 12-115 et GUTIERREZ RAMIREZ (L.-M.), Justice transitionnelle et constitution, op. cit., pp. 7-10. 109 Voir par exemple les recommandations formulées par Samuel Huntington en direction des « democratizers », fondées sur les configurations de la transition. HUNTINGTON (S.), The third wave, op. cit., pp. 211-231. Voir aussi la synthèse des conclusions des transitologues présentées in OLSEN (T. D.), PAYNE (L. A.), REITER (A. G.), Transitional justice in balance, op. cit., pp. 43-48. 46 63. Les transitions de la dictature vers la démocratie représentent pourtant un contexte particulier. Les défis rencontrés par ces transitions se présentaient essentiellement en termes institutionnels et législatifs, dans la mesure où il s’agissait de recréer un lien entre la population et les autorités publiques. Ce contexte justifiait par exemple des commissions vérités essentiellement concentrées sur la révélation de la vérité, et non sur la réconciliation110, ainsi que l’instauration d’institutions de suivi et de contrôle de l’application des droits de l’Homme par les autorités, tels que les commissions nationales des droits de l’Homme ou les ombudsman. Les contextes de guerre civile et de transition vers la paix présentent des défis distincts tels que le partage du pouvoir, la souveraineté sur les richesses, l’économie de rente ou encore la démobilisation et la réintégration111. Ainsi, « [those] who have to live with their neighbors in contexts of chronic insecurity do not necessarily share the priorities, memory projects, and speech practices of transitional justice mechanisms that developed to address the aftermath of political repression in other places »112. Ces spécificités des contextes ont été à la fois soulignées par la doctrine et partiellement ignorés par elle au profit d’un effort d’abstraction nécessaire à la standardisation113, elle-même induite par la professionnalisation du domaine de la justice transitionnelle et par son accession au rang de discipline académique114. 64. L’émancipation de la justice transitionnelle des contextes de transition de la dictature à la démocratie a été suivie de l’émancipation de cette justice du contexte de transition d’une façon générale. La transitologie n’a alors plus pu représenter un cadre cohérent pour son étude115. Or, l’effort onusien de définition de son approche de la justice transitionnelle s’est 110 Marcos Ancelovici et Jane Jenson notent que sur quinze commissions vérité établies entre 1974 et 1994, seule la commission chilienne (la « Commission Nationale sur la vérité et la réconciliation ») visait explicitement l’objectif de réconciliation, les autres ayant eu un fonctionnement plus proche de commissions d’enquête. ANCELOVICI (M.), JENSON (J.), « La standardisation et les mécanismes du transfert transnational », Gouvernement et Action Publique, vol. 1, n° 1, 2012, p. 42. Il est notable que les commissions vérité en question ont toutes eu trait aux abus commis par des régimes autoritaires et non à des guerres civiles. Voir HAYNER (P. B.), Unspeakable truths, op. cit. 111 HUGON (P.), « Les conflits armés en Afrique : Apports, mythes et limites de l’analyse économique », Tiers Monde, vol. 176, n° 4, 2003, pp. 829-856 ; ARTHUR (P.), « How ‘transitions’ reshaped human rights », op. cit., p. 360. 112 SHAW (R.), WALDORF (L.), « Introduction: localizing transitional justice », op. cit., p. 11. 113 ANCELOVICI (M.), JENSON (J.), « La standardisation et les mécanismes du transfert transnational », op. cit., pp. 39-40. 114 Voir ARTHUR (P.), « How ‘transitions’ reshaped human rights », op. cit., 115 Il faut toutefois reconnaître que la transitologie connaissait d’importantes limites quant aux conclusions auxquelles elle parvenait vis-à-vis de la justice transitionnelle, y compris lorsque celle-ci est appréhendée du point de vue de la transition. Voir ainsi la contestation des conclusion des études transitologiques in OLSEN (T. D.), PAYNE (L. A.), REITER (A. G.), Transitional justice in balance, op. cit., pp. 53-59. Notons tout de même que si cette étude réfute les conclusions de la transitologie, elle en consacre les méthodes et ne représente ainsi aucunement une contestation de la transitologie en tant que méthode d’analyse de la justice transitionnelle. 47 essentiellement déployé à partir du rapport du Secrétaire général de 2004, alors que la transitologie n’était déjà plus considérée comme pertinente. L’ambition de Koffi Annan d’éviter les « solutions toutes faites »116 peut à cet égard s’analyser comme une volonté de s’écarter des recommandations – issues de la transitologie – concernant la forme des politiques de justice transitionnelle fondées sur des modèles de transition117. 65. Sans minimiser l’impact de l’abandon de la transitologie sur le développement de la justice transitionnelle onusienne, il faut souligner le caractère déterminant de l’intégration de cette justice au sein de l’action des Nations Unies. Comme le dit Michel Virally : « l’organisation est un instrument »118. C’est donc à l’aune des objectifs poursuivis par cet instrument qu’a été construite la justice transitionnelle onusienne. L’article premier de la Charte des Nations Unies est éclairant à cet égard. Il dispose que : « [les] buts des Nations Unies sont les suivants : 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ; 2. développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’euxmêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ; 3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, ce sexe, de langue ou de religion ; 116 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., p. 1. Voir TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op cit., p. 114. 118 VIRALLY (M.), L’Organisation mondiale, op. cit., p. 26. 117 48 4. Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes. »119 Si tous les éléments de cet article ne sont pas pertinents pour la justice transitionnelle, deux peuvent retenir notre attention. Il s’agit de l’objectif premier de l’ONU qui est de « maintenir la paix et la sécurité internationales » ainsi que du moyen principalement envisagé pour y parvenir, c’est-à-dire la garantie et le développement des normes internationales, qu’il s’agisse des « principes du droit international », du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou encore des droits de l’homme. On retrouve ces deux éléments dans la cadre développé par l’ONU concernant la justice transitionnelle. Dans la mesure où, au moment de l’élaboration de ce cadre, le maintien de la paix a déjà évolué pour comprendre la consolidation de la paix, c’est à partir de ce concept qu’a été construite l’approche onusienne de la justice transitionnelle (Titre 1). Conformément aux moyens envisagés par l’article premier de la Charte, l’application de cette approche a été soutenue par l’élaboration d’un cadre normatif de cette justice (Titre 2). 119 Charte de Nations Unies, San Francisco, 26 juin 1945, art. 1. 49 Titre 1: L’élaboration d’une approche onusienne de la justice transitionnelle fondée sur la consolidation de la paix 66. Privées de cadre théorique, les Nations Unies ont construit leur approche de la justice transitionnelle en se basant sur leurs propres concepts, majoritairement issus de leur approche de la paix et de la sécurité. Dans la mesure où l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle s’est initialement déployée dans le cadre des opérations de maintien de la paix, cet ancrage n’a rien d’étonnant. Deux événements ont profondément marqué la conception onusienne de la paix et de la sécurité internationales. Il s’agit de la fin de la guerre froide – qui a permis le déblocage du Conseil de sécurité et permis l’implication de l’ONU dans les troubles internes – et de l’Agenda pour la paix, qui a fortement étendu la compréhension des notions de paix et de sécurité au sein des Nations Unies en y introduisant le concept de consolidation de la paix. 67. Le concept de consolidation de la paix est fondamental pour la construction de l’approche onusienne de la justice transitionnelle. Il a été le premier à intégrer la notion de réconciliation nationale dans l’arsenal théorique onusien lié au domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il est également la consécration d’une approche positive de la paix, dépassant la simple absence de conflit armé. Cette extension de la notion de paix n’est d’ailleurs pas achevée, et la consolidation de la paix est progressivement remplacée par la pérennisation de la paix (« sustaining peace »)120. Il faut également rapprocher le renouvellement de la notion de paix avec l’émergence, à la même époque, de celle de sécurité humaine. Celle-ci invite à envisager de façon globale l’ensemble des menaces pesant sur les individus, qu’elles soient physiques, économiques ou sociales et implique l’interdépendance des réponses envisagées.121 Ces deux éléments ont des conséquences sur les approches opérationnelles et théoriques de la justice transitionnelle. D’un point de vue opérationnel, la justice transitionnelle est ainsi intégrée à la mission onusienne de reconstruction de l’État, au cœur du concept de consolidation de la paix (Chapitre 1). D’un point de vue théorique, la transposition de l’interdépendance envisagée dans le domaine de la sécurité à celui de la 120 Voir UN Doc. A/72/707-S/2018/43, Peacebuilding and sustaining peace. Report of the Secretary-General, 18 janvier 2018. 121 Voir PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, 1994, pp. 3-4 et 23-30. On remarque d’ailleurs que la justice transitionnelle est envisagée comme l’un des instruments au service de cette vision élargie de la sécurité dans les situations de post-conflit. Voir Bureau de la coordination des affaires humanitaires et Fonds des Nations Unies pour la sécurité humaine, « La sécurité humaine en théorie et en pratique. Application du concept de sécurité humaine et fonds des Nations Unies pour la sécurité humaine », 2009, pp. 39-40. 50 justice transitionnelle a mené à l’adoption d’une approche holiste de cette justice (Chapitre 2). 51 Chapitre 1. La justice transitionnelle au service de la mission onusienne de reconstruction de l’État 68. Dans sa conception initiale, la justice transitionnelle avait un rôle d’accompagnement des transitions vers la démocratie. En traitant les crimes du passé, cette justice symbolisait la rupture avec le régime prédécesseur et permettait d’affirmer les principes dont le nouveau régime se revendiquait. Il s’agissait donc moins de reconstruire l’État que de consacrer sa reconstruction et de la consolider. L’approche et l’usage onusiens de la justice transitionnelle ont divergé de cette approche initiale. D’une part, la justice transitionnelle a été déconnectée des transitions de la dictature vers la démocratie pour être appliquée à des contextes de conflits civils. L’échelle dévastatrice de certains de ces conflits sur les États est telle qu’il ne s’agit plus de renouveler un mode de gouvernance, mais bien de reconstruire un État et une société presque intégralement détruits. Le changement de régime n’est d’ailleurs pas une constante dans ces transitions de la guerre à la paix. En Sierra Léone, en RDC ou encore au Soudan, les programmes de justice transitionnelle ont été adoptés par des gouvernements pour juger des crimes commis alors qu’ils étaient déjà au pouvoir. D’autre part, la justice transitionnelle intervient de plus en plus tôt dans la transition, la précédant même dans certains cas. Le TPIY fut ainsi créé avant la fin du conflit yougoslave. La justice transitionnelle n’a plus pour seul rôle de consolider la transition, mais en devient l’un des moteurs. Elle ne confirme plus, elle impulse. 69. Les évolutions évoquées ci-dessus sont liées au mode d’intervention de l’ONU. Bien que la justice transitionnelle soit plutôt considérée comme un élément de consolidation de la paix, le Secrétaire général a rappelé l’extrême porosité existant entre ce domaine et celui du maintien de la paix122. La justice transitionnelle intervient donc dans des contextes encore instables, où l’État peut se trouver en état de défaillance. Ce cas de figure s’observe particulièrement bien lorsque les programmes de justice transitionnelle sont créés par les administrations transitoires des Nations Unies, comme au Timor Leste ou au Kosovo. Envisagée comme élément de reconstruction de l’État, la justice transitionnelle a naturellement suivi l’évolution de l’ONU quant aux moyens mobilisés pour accomplir cette 122 SGNU, UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix, op. cit., § 58. 52 tâche. Elle a ainsi été mise au service de l’objectif onusien de démocratisation de l’État (Section I), puis de celui de restauration de l’état de droit (Section II). Section I La justice transitionnelle au service de la démocratisation de l’État 70. Née de considérations empiriques plutôt que d’une réflexion théorique123, la justice transitionnelle a été profondément marquée par le contexte de sa création. Son application initiale par les États d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale a ainsi défini l’objet de la transition comme celui du passage de régimes autoritaires à celui de régimes démocratiques. L’ouvrage de Neil Kritz, l’un des premiers efforts de théorisation de la justice transitionnelle, consacre cette approche en adoptant pour titre : « Transitional justice. How emerging democracies reckon with former regimes »124. Il a même été considéré que l’objectif démocratique représentait l’essence de la justice transitionnelle, dans la mesure où « [si] les mesures aujourd’hui associées à la justice transitionnelle (…) existent depuis bien longtemps, c’est en effet leur justification par référence à des droits humains universels et au telos démocratique qui, elle, est nouvelle »125. Cette affirmation mérite d’être nuancée, notamment suite au développement des instruments de la justice transitionnelle en dehors de cas de transition, telles les commissions vérité créées au Maroc126 et aux États-Unis127. Il demeure que ces cas font figure d’exceptions et ne remettent pas en cause les origines du développement de la justice transitionnelle et la centralité de la transition vers la démocratie dans sa construction (§ 1). 71. Confrontée aux mêmes contextes et partageant les mêmes ambitions, en termes de démocratisation, que la justice transitionnelle, l’ONU s’est naturellement saisie de cet outil. La conception relativement étroite que les Nations Unies avaient de l’action en faveur du rétablissement de la démocratie – focalisée sur les aspects institutionnels de ce mode de gouvernance – commençait alors à démontrer ses limites. Tournée vers les individus et les 123 ARTHUR (P.), « How ‘transitions’ reshaped human rights », op. cit., pp. 322-326. KRITZ (N.), Transitional justice. How emerging democracies reckon with former regimes, USIP, Washington, 1995, 3 volumes. Voir également à ce sujet ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle. De l’Afrique du Sud au Rwanda, Gallimard, Paris, 2012, p. 480. 125 Ibid. 126 L’Instance équité et réconciliation a été créée en 2004 par le Roi Mohammed VI pour traiter de la répression violente des opposants politiques conduites sous le règne de son père, le Roi Hassan II. Voir HAYNER (P.), Unspeakable truths, op. cit., pp. 42-44. 127 Sur la commission vérité de Greensboro, voir ibid., p. 62 et supra, introduction. 124 53 droits de l’Homme, la justice transitionnelle a ainsi participé à substantialiser l’approche onusienne de la démocratie (§ 2). §1/Une justice ancrée dans la transition démocratique 72. La fin de la guerre froide a marqué l’avènement de la démocratie et « la fin du principe de l’équivalence des régimes politiques »128 qui avait, jusqu’alors, été affirmé de façon constante129. Issue de la « troisième vague » de démocratisations130, la justice transitionnelle est intimement liée à ce mode de gouvernance, dont elle est censée favoriser la consolidation. Dans la mesure où ce dernier a été considéré comme un instrument de paix, l’objectif démocratique a également été rapidement intégré aux efforts onusiens de maintien et de consolidation de la paix, d’autant que la fin de l’opposition des blocs a libéré le Conseil de sécurité et permis l’expansion quantitative et qualitative de son action. L’ancrage démocratique de la justice transitionnelle onusienne s’explique ainsi par le développement, au sein de l’Organisation, d’un objectif de démocratisation des États (A) qui a mené les Nations Unies à tirer profit des vertus démocratisantes souvent attribuées à la justice transitionnelle (B). 128 DUPUY (R.-J.), « Le Conseil de sécurité en recherche de paix », in DAUDET (Y.), dir., Les Nations Unies et la restauration de l’État, colloque de la SFDI, 16-17 décembre 1994, Pedone, Paris, p. 16. 129 La CIJ rappelait en 1986 à propos de l’affaire opposant le Nicaragua aux États-Unis que « [chaque] Etat possède le droit fondamental de choisir et de mettre en œuvre comme il l’entend son système politique, économique et social. ». CIJ, Activités militaires et paramilitaire au Nicaragua et contre celui-ci, (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, CIJ, Recueil 1986, § 258. Pour les résolutions de l’Assemblée générale confirmant le principe de liberté de choix du régime politique, voir l’analyse effectuée par Linos-Alexandre Sicilianos : SICILIANOS (L.-A.), L’ONU et la démocratisation de l’État : systèmes régionaux et ordre juridique universel, Pedone, Paris, 2000, pp. 28-30. 130 Selon l’expression de Samuel Huntington. Voir : HUNTINGTON (S.), The third wave. Democratization in the late twentieth century, University of Oklahoma Press, Norman et Londres, 1991, 366 p. 54 A) L’objectif onusien de la démocratisation des États 73. L’assistance électorale fournie par l’ONU à de nombreux États131 dès 1989 est un premier signe de l’engagement de l’Organisation en faveur de la démocratie. Il faut toutefois rappeler que cette assistance est censée respecter « le droit souverain qu’a chaque État de choisir et d’élaborer librement ses systèmes politique, social, économique et culturel »132. De plus, l’importance d’élections libres avait déjà été soulignée, dans le cadre de l’accession à l’indépendance de la Namibie, par une résolution du Conseil de sécurité datant de 1978133, bien avant que l’ONU ne montre une préférence pour les régimes démocratiques. 74. C’est essentiellement à partir du début des années quatre-vingt-dix que l’Organisation s’est réellement exprimée en faveur de la démocratie. L’influence du Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali a été décisive à cet égard. Dès 1992, il déclarait dans son Agenda pour la paix que « [la] démocratie à tous les niveaux est essentielle à l’instauration de la paix pour une ère nouvelle de prospérité et de justice. »134 Si cette affirmation représente probablement la première formulation explicite de la préférence démocratique onusienne, elle est intervenue quelques mois après que le Conseil de sécurité a procédé à la création de l’Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC / UNTAC), première opération de maintien de la paix à recevoir pour mandat non pas d’assister, mais d’organiser elle-même le processus électoral. Cette OMP représente ainsi le premier effort global de la part de l’ONU en vue de restaurer la démocratie. En 1993, la communauté internationale exprimait à l’occasion de la conférence de Vienne sur les droits de l’Homme que « [la] démocratie, le développement et le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales sont interdépendants et se renforcent mutuellement. »135 À la suite de cette reconnaissance internationale sans ambiguïté des bienfaits de la démocratie, la question de l’appui « du système des Nations Unies aux efforts déployés par les gouvernements pour promouvoir et consolider les démocraties nouvelles ou rétablies » fut inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale136. Enfin, le 131 Il serait question de près de quarante États ayant bénéficié d’une assistance électorale entre 1989 et 1992. Les cas les plus connus et les plus communément cités sont la Namibie, le Salvador, le Guatemala, le Mozambique, Haïti, l’Angola et le Cambodge. Voir BARBIER (S.), Cambodge (1991-1993). MIPRENUC, APRONUC, Montchrestien, Paris, 1999, pp. 75-76 ; SICILIANOS (L.-A.), L’ONU et la démocratisation de l’État, op. cit., pp. 172-181. 132 A/RES/44/146 (1989), § 4. 133 S/RES/435 (1978), § 3. 134 SGNU, UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix, op. cit., § 82. 135 UN Doc. A/CON.57/23, Déclaration et programme d’action de Vienne, 12 juillet 1993, I, § 8. 136 A/RES/49/30 (1994). 55 Secrétaire général publia, de sa propre initiative, un « agenda pour la démocratisation »137 en 1996, point culminant des multiples rapports publiés sur la question de l’assistance onusienne à la démocratie et aux liens unissant la démocratie, la paix et le développement138. Il y présente non plus la simple valeur ajoutée de la démocratie, mais son caractère indérogeable. Ainsi, « [chaque] pays doit être libre de le faire lui-même de façon à assurer le bien-être de son peuple. Il ne doit toutefois s'en tenir à cet ordre de priorité que pendant une courte période et ne peut s'en servir comme prétexte pour négliger l'un quelconque des trois objectifs – paix, développement et démocratie. »139 75. Le développement onusien d’une exigence démocratique a eu plusieurs répercussions sur l’action de l’Organisation. Son rôle en matière d’assistance électorale a été renforcé à travers la création, au sein du département des affaires politiques, d’un point focal et d’une division spéciale sur l’assistance électorale140. L’ONU s’est également attachée, nous y reviendrons, à renforcer ou créer des institutions étatiques fortes, stables et représentatives. Enfin, son attachement à la démocratie a aussi mené l’Organisation à condamner de plus en plus fermement les coups d’États, passant d’une condamnation « molle »141 du coup d’État mené au Burundi en 1993 à une condamnation extrêmement ferme de celui mené par la junte militaire en Sierra Léone, en 1997, contre un gouvernement dont l’élection avait fait l’objet d’une assistance onusienne142. En adoptant, dans ces deux cas, des résolutions sur le fondement du Chapitre 7, le Conseil a clairement établi que la rupture de l’ordre démocratique représentait, à ses yeux, une menace contre la paix et la sécurité internationales143. Cette évolution est extrêmement importante dans la mesure où elle offre à l’effort onusien de démocratisation un outil de sanction. La démocratie s’éloigne d’un modèle conseillé, à l’établissement duquel l’ONU peut, sur demande, prêter assistance. Elle devient une exigence dont la violation peut, selon sa gravité et ses conséquences, faire l’objet de sanctions similaires à celles envisagées pour mettre fin à un acte d’agression. La démocratie est alors un élément du maintien de la paix. 137 SGNU, UN Doc. A/51/761, annexe, Supplément aux rapports sur la démocratisation, 20 décembre 1996. Voir UN Doc. A/48/935, Agenda pour le développement, 6 mai 1994 ; UN Doc. A/50/332, Support by the United Nations system of the efforts of governments to promote and consolidate new or restored democracies. Report of the Secretary general, 7 août 1995 ; UN Doc. A/51/512, Support by the United Nations system of the efforts of governments to promote ad consolidate new or restored democracies. Report of the Secretary general, 18 octobre 1996. 139 SGNU, UN Doc. A/51/761, annexe, Supplément aux rapports sur la démocratisation, op. cit., § 123. 140 Ibid., § 38. 141 SICILIANOS (L.-A.), L’ONU et la démocratisation de l’État, op. cit., p. 183. 142 Ibid., pp. 201-213. 143 Voir pour Haïti la résolution S/RES/841 (1993), et pour la Sierra Léone, la résolution S/RES/1132 (1997). 138 56 76. L’idée selon laquelle la démocratisation fait partie des outils onusiens du maintien de la paix reflète l’évolution de ce dernier. La démocratisation est l’emblème du passage du maintien à la consolidation de la paix. L’émergence simultanée de la notion de consolidation de la paix et de l’idée d’une démocratie nécessaire à la paix au sein de l’Agenda pour la paix de Boutros Boutros-Ghali annonçait un lien qui n’a fait que se renforcer par la suite, jusqu’à faire de la démocratie le modèle exclusif vers lequel tendent tous les efforts onusiens de reconstruction de l’État144, et pour lesquels la justice transitionnelle constitue un instrument privilégié, du fait des vertus démocratisantes qui lui sont attribuées. B) Les vertus démocratisantes de la justice transitionnelle 77. Dans sa tentative de théorisation de la justice transitionnelle, Pablo De Greiff attribue à cette dernière l’objectif final de la restauration de la réconciliation et de la démocratie145. Bien que reconnaissant le caractère controversé de cette approche, notamment en ce qui concerne la démocratie146, l’auteur se fait en réalité l’écho d’une position relativement répandue au sein de la doctrine. S’il n’est pas certain que la justice transitionnelle ait pour finalité de restaurer la démocratie, il est en revanche courant de considérer qu’elle contribue à sa restauration ou sa consolidation au sein des États en transition. 78. La justice transitionnelle participe tout d’abord à la démocratisation des États en agissant sur les institutions étatiques. Les réformes institutionnelles promues sous l’angle des garanties de non répétition147, sont l’aspect le plus visible de cette action. Il s’agit de construire, à travers la justice transitionnelle, des institutions tout à la fois fortes et respectueuses des droits de l’Homme, permettant ainsi l’expression démocratique des citoyens. Les mécanismes de lustration et les procès pénaux sont les mécanismes de justice transitionnelle les plus actifs à cet égard. En excluant de l’administration les personnels 144 La question de la systématicité du recours au modèle de la démocratie libérale dans les efforts onusiens de reconstruction de l’État fait désormais l’objet d’une littérature abondante. Si certains des aspects de cette tendance font l’objet de développements plus loin (voir infra, § 2), son étude approfondie dépasse très nettement le cas de la justice transitionnelle pour englober l’ensemble des mesures, y compris économiques, promues et mises en œuvre dans le cadre du statebuilding onusien. Pour ces questions, voir notamment : PARIS (R.), At war’s end. Building peace after civil conflict, Cambridge University Press, New York, 2004, pp. 40-54 ; CAMPBELL (S.), CHANDLER (D.), SABARATNAM (M.), dir., A liberal peace ? The problems and practices of peacebuilding, Zed Books, Londres, New York, 2011, 272 p. 145 DE GREIFF (P.), « Theorizing transitional justice », in ELSTER (J.), NAGY (R.), WILLIAMS (M. E.), dir., Transitional justice, New York University Press, New York, 2012, pp. 48-58. 146 Ibid., p. 52. 147 Voir infra, chapitre 2. 57 responsables de violations des droits de l’Homme, les lustrations conduisent une tâche préventive148. Elles limitent les risques que pourraient poser à la démocratie des pratiques institutionnelles discriminantes ou criminelles et visent également à restaurer la confiance des populations en leurs institutions149. 79. Les procès internationalisés servent également à renforcer l’appareil judiciaire national. Ce rôle a fait partie des arguments présentés en faveur de la création sur les territoires des États concernés des juridictions hybrides telles que le Tribunal spécial pour la Sierra Léone (TSSL), les Panels spéciaux pour crimes graves au Timor Leste ou encore les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) ainsi que de l’assistance internationale fournie au sein des Panels 64 établis au Kosovo et de la Chambre spéciale pour crimes de guerre établie en Bosnie Herzégovine150. Ce renforcement passerait par la formation des professionnels locaux – en les faisant participer, aux côtés de personnels internationaux qualifiés, aux procédures ; l’appareil judiciaire national serait également renforcé par les infrastructures que ces juridictions internationales laissent derrière elles151. 80. De façon plus indirecte que les programmes de lustration et les juridictions internationalisées, les commissions vérité jouent également un rôle dans la restructuration ou la consolidation d’institutions démocratiques. À travers leur rapport, ces commissions peuvent mettre à jour des dysfonctionnements institutionnels, telles qu’une corruption généralisée, des pratiques discriminatoires ou criminelles de la part de certaines institutions qui peuvent avoir contribué, directement ou indirectement, aux violations des droits de l’Homme152. 148 Voir MAYER-RIECKH (A.), « On preventing abuse : vetting and other transitional reforms », in DE GREIFF (P.), MAYER-RIECKH (A.), dir., Justice as prevention : vetting public employees in transitional societies, ICTJ, Social Science Research Council, New York, 2007, pp. 482-521 ; Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/70/438, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 21 octobre 2015, §§ 19-23. 149 Ibid. 150 Voir STENSRUD (E. E.), « New dilemmas in transitional justice : lessons from the mixed courts in Sierra Leone and Cambodia », Journal of Peace Research, vol. 46, 2009, pp. 6-10 ; CAHIN (G.), « L’impact des Tribunaux pénaux internationalisés sur la reconstruction de l’Etat », in ASCENSIO (H.), dir., Les juridictions pénales internationalisées (Cambodge, Kosovo, Sierra Leone, Timor Leste), Société de législation comparée, 2006, pp. 265-306 ; PAZARTZIS (P.), « Tribunaux pénaux internationalisés : une nouvelle approche de la justice (inter)nationale ? », AFDI, vol. 49, 2003, pp. 648-649. 151 Voir infra, partie 2, titre I, chapitre 2. 152 Pour exemple, la Commission vérité et réconciliation de Sierra Léone a noté dans son rapport que « [the] Commission found that a factor that contributed to causing the conflict was the suppression of political expression and dissent. The Commission in its recommendations emphasises that freedom of expression is the lifeblood of a democracy. » CVR Sierra Léone, « Witness to truth : report of the Truth and Reconciliation Commission for Sierra Leone », vol. 2, 27 octobre 2004, p. 122. Priscilla Hayner souligne également le rôle qu’a eu la commission vérité salvadorienne dans la réforme de la procédure pénale, dont les défauts avaient été identifiés comme ayant facilité la politique répressive de la dictature. Voir HAYNER (P.), Unspeakable Truths, op. cit., pp. 190-193. 58 81. Outre la consolidation ou la réforme institutionnelle, ce sont les effets pédagogiques de la justice transitionnelle, orientés vers les individus et la société, qui constitueraient un de ses apports principaux vis-à-vis de la (re)construction démocratique. C’est ici à la dimension symbolique de cette justice qu’il est fait appel. En libérant la parole des victimes et des bourreaux au sein d’une même enceinte – une commission vérité ou un tribunal pénal – la justice transitionnelle cherche à réunir « dramatiquement victimes et bourreaux dans une sorte de catharsis collective. »153 À travers les audiences publiques et les rituels de réconciliation, les commissions vérité visent la réconciliation et, au travers de cette dernière, la constitution d’un nouveau « contrat social »154 entre les individus. Cet objectif est poursuivi à la fois par la mise en scène des discours, mais également par la recherche d’une vérité commune, constitutive d’un nouveau « mythe national »155. Cette mise en scène des sentiments serait ainsi l’occasion de « ré-inaugurer la démocratie »156. 82. La mise en scène des procès ou des audiences des commissions vérité ne vise pas que la catharsis et la constitution d’une sorte d’union sacrée autour d’une mémoire commune. En organisant la parole des anciens ennemis par le biais de procédures, la justice transitionnelle viserait à réguler le dissensus, à encadrer l’expression des opinions divergentes et à générer une « solidarité discursive »157 représentative d’une approche procédurale – et non substantielle – de la démocratie158. 83. Une certaine incompatibilité apparaît entre la recherche d’un passé commun unissant la nation et l’organisation du pluralisme des opinions, constitutif des démocraties libérales. Or, aucune des deux finalités n’est suffisante en elle-même. Dans sa version pénale, la recherche d’un récit unique départageant le bien du mal risque de transformer le procès en « show trial »159 incompatible avec les valeurs démocratiques liées à l’égalité devant la justice et au respect des opinions divergentes. D’un autre côté, la simple « solidarité discursive » ouvre la possibilité de contester le déroulé et même la réalité des crimes de masse. La mise hors la loi du négationnisme montre que cette option est également inconfortable. Il en ressort que la 153 ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle. op. cit., p. 37. HAZAN (P.), Juger la guerre, juger l’histoire, du bon usage des commissions vérité et de la justice internationale, PUF, Paris, 2007, p. 54. 155 Ibid., p. 52. 156 GARAPON (A.), Des crimes qu’on ne peut ni punir ni pardonner, Odile Jacob, Paris, 2002, p. 231. 157 OSIEL (M.), Juger les crimes de masse. La mémoire collective et le droit, ( titre original : Mass atrocity, collective memory, and the law), Seuil, Paris, 2006, pp. 69-98. 158 ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle, op. cit., p. 41. 159 KOSKENNIEMI (M.), « Between impunity and show trials », Maw Planck Yearbook of United Nations Law, vol. 6, 2002, pp. 1-35. 154 59 justice transitionnelle « oscille entre une mise en scène de l’éthique libérale et de la rationalité délibérative, et un désir d’éveiller des affects communs de rejet des crimes par une éducation sentimentale. »160 Il demeure que, malgré ses paradoxes et l’ambition probablement démesurée des vertus qui lui sont attribuées, la justice transitionnelle replace l’individu au centre des efforts de reconstruction de l’État, participant ainsi à une approche plus substantielle de la démocratie. §2/La substantialisation par la justice transitionnelle de l’action onusienne de démocratisation 84. L’action de l’ONU pour la démocratisation des États a débuté par l’assistance fournie par l’Organisation en matière électorale. Il est ainsi régulièrement considéré que la supervision des élections en Namibie, conduite par le Groupe d’assistance des Nations Unies pour la période de transition (GANUPT ; United Nations transition assistance group UNTAG)161, représente le premier engagement onusien dans une mission d’assistance électorale et, par extension, de démocratisation162. Par la suite, l’Organisation a créé une multitude d’autres missions d’organisation, de vérification ou de supervision163 de processus électoraux. Ce fût tout d’abord le cas en Amérique centrale, où l’assistance des Nations Unies en matière électorale, prévue par l’accord d’Esquipulas II164, débuta avec la création de la Mission d’observation des Nations Unies pour la vérification du processus électoral au 160 SAADA (J.), « De la fumée et des miroirs, justice d’après guerre, dramaturgie et dissensus politique », Raisons Politiques, vol. 45, n° 1, 2012, p. 133. 161 S/RES/632 (1989). 162 LUDWIG (R.), « The UN’s electoral assistance : challenges, accomplishments, prospects », in NEWMAN (E.), RICH (R.), dir., The UN role in promoting democracy : between ideals and reality, New York University Press, New York, 2004, p. 170 ; PARIS (R.), At war’s end, op. cit., pp. 22-23. 163 Linos-Alexandre Sicilianos distingue trois modes d’assistance électorale fournie par les Nations Unies. L’organisation et le contrôle du processus électoral, où le processus est entièrement placé sous l’autorité de l’ONU ; la supervision du processus électoral, où les élections sont conduites par les autorités nationales avec un contrôle des Nations Unies sur l’intégralité du processus, y compris législatif et la vérification du processus électoral, consistant en une observation plus limitée du caractère libre et équitable de l’ensemble du processus. Voir SICILIANOS (L.-A.), « Les Nations Unies et la démocratisation de l’État – nouvelles tendances », in MEHDI (R.), dir., La contribution des Nations Unies à la démocratisation de l’État, SFDI, colloque d’Aix-enProvence, Pedone, Paris, 2002, pp. 35-36. 164 Cet accord, conclu entre les gouvernements du Costa Rica, du Guatemala, du Nicaragua, d’El Salvador et du Honduras, visait à rétablir la paix, la démocratie et la réconciliation dans chacun de ces pays et appelait à des élections libres tenues « sous l’œil d’observateurs internationaux » dont l’OEA et l’ONU. Voir « Processus à suivre pour instaurer une paix stable et durable en Amérique centrale » (Accord d’Esquipulas II), Guatemala, Guatemala, 7 août 1987, UN Doc. A/42/521 - S/19085, 31 août 1987, art. 4, al. 6. 60 Nicaragua (ONUVEN) en juillet 1989165. Dans la première moitié des années quatre-vingtdix, d’importantes missions d’assistance électorale furent ensuite menées, notamment, en Haïti166, au Salvador167, en Angola168, au Cambodge169 et au Mozambique170. 85. Si l’engouement de l’ONU pour l’organisation d’élections libres témoigne de son intérêt nouveau pour la promotion de la démocratie, il montre également l’approche restrictive que l’Organisation avait de ce mode de gouvernance. Aux premiers temps de son implication dans le domaine de l’assistance électorale, l’ONU « believed that the successful conduct of an election would establish the basis for the growth of a viable democracy »171. Les missions de vérification au Nicaragua, en Haïti et en Angola, construites sur le même modèle172, sont représentatives de cette vision relativement limitée. Toutes trois n’ont compris que des tâches d’observation et considéraient les élections comme le point d’achèvement de leur mission173. Il faut noter que les dangers de la transition démocratique n’ont été identifiés que tardivement par la doctrine, initialement focalisée sur la notion de paix démocratique174. En Angola, les hostilités reprirent à l’issue du premier tour de scrutin, démontrant le manque d’attention porté aux risques que l’instabilité sécuritaire faisaient peser sur ces élections175. En Haïti, les élections de 1991 ont été suivies d’un coup d’État176. À travers ses échecs, l’ONU a pu se rendre compte que si la démocratie favorise la paix, la transition vers la démocratie est une période comportant un risque d’émergence ou de reprise des conflits particulièrement 165 FRANCK (T. M.), « Legitimacy and the democratic entitlement », in FOX (G. H.), ROTH (B. R.), dir., Democratic governance and international law, Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni, 2000, pp. 76-77. 166 Groupe d’observateurs des Nations Unies pour la vérification des élections en Haïti (ONUVEH). Voir A/RES/45/2 (1990). 167 Mission d’observation des Nations Unies au Salvador (ONUSAL). Voir S/RES/693 (1991). 168 Mission de vérification des Nations Unies en Angola (UNAVEM II). Voir S/RES/696 (1991). 169 Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC). Voir S/RES/745 (1992). 170 Opération des Nations Unies au Mozambique (ONUMOZ). Voir S/RES/782 (1992). Voir globalement, LUDWIG (R.), « The UN’s electoral assistance », op. cit., p. 170. 171 Ibid., p. 179. 172 UN Doc. S/23671, Nouveau rapport du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Angola (UNAVEM II), 3 mars 1992, § 19. 173 Voir pour l’UNAVEM II : UN Doc. S/22627, Report of the Secretary-general on the United Nations Angola verification mission, 20 mai 1991 et pour l’ONUVEH : A/RES/45/2 (1990). 174 PARIS (R.), At war’s end. op. cit., pp. 43-44. 175 Voir : DIBAS-FRANCK (E.), Les Nations Unies en Afrique : le cas de l’Angola, Publisud, Paris, 2000, pp. 63-65. 176 Voir SICILIANOS (L.-A.), « L’ONU, la consolidation de la paix et l’édification de la démocratie », in DUPUY (R.-J.), dir., Droit et justice. Mélanges en l’honneur de Nicolas Valticos, Pedone, Paris, 1999, p. 221. 61 élevé177. Ainsi, en Haïti, l’ONU a opéré le retrait de sa mission tout de suite après les élections de décembre 1990 et janvier 1991178. Le caractère prématuré de ce retrait et la fragilité de la démocratie ainsi restaurée ont été, malheureusement, mis en lumière par le renversement du gouvernement nouvellement élu par le coup d’État du 30 septembre 1991. Comme le remarquait le Secrétaire général, « [à] l’époque, l’assistance au renforcement des institutions n’est pas jugée prioritaire. Son importance, dans un pays sans tradition démocratique et sans administration solide ne sera comprise que plus tard »179. 86. La nécessité d’aller au-delà de l’organisation d’élections libres et équitables a rapidement été comprise par l’ONU et intégrée à son arsenal conceptuel et opérationnel de la démocratisation des États. La multiplication des tâches confiées aux opérations de maintien de la paix comportant un volet démocratisation illustre bien la perception selon laquelle des élections ne peuvent être bénéfiques que lorsqu’elles sont conduites dans des contextes sécuritaire et institutionnel suffisamment stables. Les opérations au Salvador, au Cambodge, au Mozambique, au Guatemala180 et en Haïti (à partir de 1993 avec la création de la Mission civile internationale en Haïti (MICIVIH)181, de la Mission des Nations Unies en Haïti (MINUHA)182 et de la Mission d’appui des Nations Unies en Haïti (MANUH)183) ont toutes comporté un volet droits de l’Homme et ont intégré des tâches de sécurisation militaire, de police et de réformes institutionnelles184. D’un point de vue opérationnel, l’élargissement des considérations liées à la démocratisation s’est donc illustré par une multiplication des tâches dévolues aux opérations de paix et par l’idée que ces tâches sont interdépendantes185. Ce dernier point est particulièrement visible au sein de la résolution 814 du Conseil de sécurité, 177 Ibid., p. 45. Voir également CAHIN (G.), « Les Nations Unies et la construction d’une paix durable en Afrique », in MEHDI (R.), dir., La contribution des Nations Unies à la démocratisation de l’État, op. cit., pp. 137-142. 178 Voir SICILIANOS (L.-A.), « L’ONU, la consolidation de la paix et l’édification de la démocratie », op. cit., p. 221. Voir également le rapport du Secrétaire général notant, en février 1991, que le « mandat de l’ONUVEH a pris fin à l’achèvement du deuxième tour de scrutin » et que le Groupe d’observateur s’était donc « acquitté de la tâche qui lui avait été confiée » par l’Assemblée générale. UN Doc. A/45/870/Add.1, Assistance électorale à Haïti. Note du Secrétaire général, 22 février 1991, §§ 3 et 4. 179 Cité in SICILIANOS (L.-A.), « L’ONU, la consolidation de la paix et l’édification de la démocratie », op. cit., p. 221. 180 S/RES/1094 (1997). 181 UN Doc. A/47/908, Rapport du Secrétaire général sur la situation des droits de l’homme en Haïti, annexe 3, 27 mars 1993. 182 S/RES/867 (1993). 183 S/RES/1063 (1996). 184 Voir globalement sur ces missions et leur rôle dans la reconstruction démocratique SICILIANOS (L.-A.), L’ONU et la démocratisation de l’État, op. cit., pp. 221-223. 185 Ibid., pp. 225-229. 62 créant l’Opération des Nations Unies en Somalie II (ONUSOM II)186. Le mandat de cette mission incluait le maintien de l’ordre, la reconstruction d’institutions démocratiques, la fourniture d’aide humanitaire, le désarmement, le relèvement économique et la réconciliation politique et sociale187. En acceptant l’établissement sans précédent de ce vaste mandat, le Conseil remarquait d’une part que « le rétablissement de l’ordre dans toute la Somalie faciliterait les opérations d’aide humanitaire, la réconciliation et un règlement politique, ainsi que le rétablissement des institutions politiques de la Somalie et le redressement de son économie »188, et d’autre part que « le rétablissement d’institutions administratives locales et régionales est indispensable pour que le calme puisse de nouveau régner dans le pays »189, consacrant l’interdépendance des différentes composantes de la mission. 87. Conceptuellement, l’évolution de l’approche des Nations Unies s’observe à travers l’élargissement de l’objet de la résolution adoptée annuellement, depuis 1989, par l’Assemblée générale sur le thème du « renforcement de l’efficacité du principe d’élections périodiques et honnêtes »190. La résolution, adoptée en 1994, notait pour la première fois l’importance d’assurer « la poursuite et la consolidation du processus de démocratisation »191 en apportant « une assistance avant et après la tenue d’élections »192. La résolution suivante verra son titre modifié, visant dorénavant « [l’affermissement] du rôle de l’Organisation des Nations Unies aux fins du renforcement de l’efficacité du principe d’élections périodiques et honnêtes et de l’action en faveur de la démocratisation »193. 88. Malgré l’élargissement des préoccupations onusiennes liées à la démocratisation et la volonté de favoriser, à travers son action, une « culture politique démocratique »194, l’action de l’ONU s’est essentiellement focalisée sur les aspects institutionnels de la gouvernance. Bien que l’objectif de réconciliation nationale soit apparu très tôt dans le mandat d’opérations de paix, notamment, comme nous l’avons vu, en Somalie195, les implications opérationnelles de cet objectif sont restées floues. Il est d’ailleurs significatif que dans le cas de la Somalie, la 186 S/RES/814 (1993). Ibid. 188 Ibid., préambule. 189 Ibid. 190 A/RES/44/146 (1989). 191 A/RES/48/131 (1994) § 4. 192 Ibid. 193 A/RES/50/185 (1996). 194 BARBIER (S.), Cambodge (1991-1993), op. cit., p. 169. 195 Voir S/RES/814 (1993). 187 63 notion de réconciliation nationale était essentiellement abordée d’un point de vue politique et non d’un point de vue individuel, social et intersubjectif196. La Conférence sur la réconciliation nationale en Somalie, organisée sous l’égide des Nations Unies en mars 1993 à Addis Abeba, regroupait essentiellement des leaders politiques somaliens197. L’engagement auquel ils ont souscrit à cette occasion concernait, dans sa majeure partie, des mesures de désarmement, de partage de pouvoir et de cessez-le-feu198. 89. La justice transitionnelle représente le glissement de la notion de réconciliation du politique vers l’individu. Christian Tomuschat considérait que « [si] la démocratie ne s’enracine pas dans la conscience collective, dans les têtes et dans les cœurs des êtres humains concernés, elle sera une création artificielle et partant assez fragile »199. Alors que les missions de reconstruction de l’État du début des années quatre-vingt-dix ont effectivement cherché à éduquer les populations au sujet des bienfaits et de la supériorité du modèle démocratique200, ce n’est qu’avec le développement de la lutte contre l’impunité et de la justice transitionnelle que l’action internationale a fini par intégrer les individus et les relations qu’ils entretiennent comme facteur de démocratisation. 90. L’apparition de la justice transitionnelle dans les opérations de paix, aux côtés de la démocratisation, s’est effectuée progressivement. L’implication de l’ONUSAL dans le travail de la Commission pour la vérité au Salvador201 pourrait sembler être une manifestation précoce d’un engagement dans la justice transitionnelle que l’ONU n’aurait développé que postérieurement, au tout début des années deux-mille202. Cette opération n’est en réalité que le début tonitruant d’une intégration progressive de la justice transitionnelle au sein des opérations de paix onusiennes. Bien que leur engagement ait été plus discret, voire 196 Le rapport du Secrétaire général sur la création de l’ONUSOM II n’évoque la réconciliation nationale que dans le contexte du volet lié à la « political reconciliation ». UN Doc. S/25354, Further report of the Secretarygeneral submitted in pursuance of paragraphs 18 and 19 of resolution 794 (1992), 3 mars 1993, §§ 41-45. 197 Ibid., §§ 10-18. 198 « Addis Ababa agreement of the first session on the Conference on national reconciliation in Somalia », Adis Abeba, Éthiopie, 27 mars 1993 (disponible sur le site de l’Uppsala conflict data program : www.ucdp.uu.se) 199 TOMUSCHAT (C.), « L’intervention structurelle des Nations Unies », in MEHDI (R.), dir., La contribution des Nations Unies à la démocratisation de l’État, op. cit., p. 111. 200 Voir par exemple les efforts fournis par l’APRONUC dans ce domaine. BARBIER (S.), Cambodge (19911993), op. cit., pp. 160-161. 201 Voir supra, introduction et BUERGENTHAL (T.), « The United Nations truth commission for El Salvador », Vanderbilt Journal of Transnational Law, vol. 27, n° 3, octobre 1994, pp. 497-544. 202 Outre le Salvador, les premières actions d’envergure de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle ont été, comme nous le verrons, les actions en Sierra Léone, au Kosovo et au Timor-Leste. Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. 64 récalcitrant203, la MICIVIH et la MINUGUA ont été impliquées dans le fonctionnement de commissions vérité nationales, la Commission nationale de vérité et de justice (CNVJ) en Haïti, et la Commission pour la clarification historique (CEH) au Guatemala204. Cette tâche n’a finalement pas abouti. Il demeure que l’équipe d’experts des droits de l’Homme dépêchée par le Secrétaire général en Haïti notait, en 1993, que le mandat de la MICIVIH permettait à cette dernière de réunir les éléments concernant les crimes commis avant son déploiement et qu’une proposition du chef de la mission pour le traitement de ces crimes devrait être transmise au Secrétaire général205. Il faut également noter que la MINUGUA a vérifié l’application des dispositions de l’Accord général relatif aux droits de l’Homme206 liées à l’indemnisation des victimes du conflit. Il y a donc bien une certaine continuité dans l’implication de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle au cours des années quatre-vingt-dix. 91. Ce sont la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK - UNMIK)207, l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor-Leste (ATNUTO - UNTAET)208 et la Mission des Nations Unies en Sierra Léone (MINUSIL - UNAMSIL)209, bien que de façon plus indirecte pour cette dernière210, qui ont le plus développé le lien entre la démocratisation et la justice transitionnelle. Si le rôle de la MINUK a été, initialement du moins, plus modéré dans le domaine de la justice transitionnelle, la lutte contre l’impunité a rapidement fait partie de ses objectifs. Cette préoccupation s’est notamment illustrée à travers la création des Panels 64, juridiction internationalisée mise en place afin de participer à la reconstruction de 203 Bien qu’impliquée dans la mise en œuvre de la Commission nationale de vérité et de justice (CNVJ), la MICIVIH a régulièrement refusé de lui apporter son assistance, considérant que cette tâche dépassait son mandat. Voir QUINN (J. R.), « Haiti’s failed truth commission : lessons in transitional justice », Journal of Human Rights, vol. 8, n° 3, 2009, p. 275. 204 Voir TOMUSCHAT (C.), « Clarification commission in Guatemala », Human Rights Quarterly, vol. 23, n° 2, 2001, pp. 233-258. Voir également le rapport final du Secrétaire général sur la MINUGUA, UN Doc. A/59/746, Report of the Secretary-general on the United Nations verification mission in Guatemala, 18 mars 2005, § 18. Les modalités de l’implication onusienne dans ces commissions vérité fait l’objet de plus amples développements infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. 205 Il est notable que la section du rapport concernant ces éléments ait été intitulée « [the] past ». Voir UN Doc. A/47/908, Report of the Secretary-general on the situation of democracy and human rights in Haïti, Annexe III, Report submitted to the Secretary-General by the team of human right experts on the International Civilian Mission to monitor respect for human rights in Haïti, 24 mars 1993, §§ 48-49. 206 Voir Annexe I, « Accords de paix et justice transitionnelle ». 207 S/RES/1244 (1999). 208 S/RES/1272 (1999). 209 S/RES/1270 (1999). 210 Le mandat de la MINUSIL n’a pas intégré de considérations liées au rétablissement de la démocratie. Toutefois, l’accord de paix de Lomé, dont elle était l’un des garants, mettait en lien la réconciliation et la démocratisation de la Sierra Léone. Voir « Peace agreement between the Government of Sierra Leone and the Revolutionary United Front (Lome peace agreement) », Lomé, Togo, 7 juillet 1999, préambule. 65 l’appareil judiciaire en luttant contre les pratiques discriminatoires et la corruption211. L’ATNUTO et la MINUSIL ont pour leur part été directement impliquées dans les mécanismes de réconciliation nationale que représentaient les commissions vérité et les juridictions internationalisées créées dans leur État d’accueil respectif. L’ATNUTO est particulièrement intéressante dans la mesure où ses objectifs ont mêlé pour la première fois dans une opération de maintien de la paix le rétablissement de la démocratie et celui de l’état de droit (rule of law), annonçant un glissement de la première notion vers la deuxième dans les objectifs des opérations de maintien de la paix et de l’ONU ainsi que dans l’approche onusienne de la justice transitionnelle. Section II La justice transitionnelle au service de la restauration de l’état de droit 92. Au cours des années quatre-vingt-dix, l’état de droit a progressivement supplanté la démocratie comme objectif final poursuivi par les efforts onusiens de consolidation de la paix. Aussi vaste que floue, la notion d’état de droit a permis d’englober les tâches de plus en plus nombreuses et diversifiées conduites par l’ONU dans les États sortant de conflit, tout en conservant une image politiquement neutre, basée sur l’idée, volontairement entretenue par l’ONU, que la restauration de l’état de droit est une opération avant tout technique. Présentée ainsi, la restauration de l’état de droit semble peu compatible avec la justice transitionnelle. La pratique initiale de cette dernière dénote en effet une matière fortement influencée par les contingences politiques tels l’adoption ou non de lois d’amnisties, le type de transition en cours et le type de violations commises dans le passé. L’ambition même de la justice transitionnelle telle qu’elle a été présentée ci-dessus, c’est-à-dire la démocratisation, est éminemment politique. 93. Les différences présentées ci-dessus expliquent peut-être la relative lenteur de l’intégration de la justice transitionnelle au sein de l’approche onusienne de l’état de droit, dans ses volets conceptuel et opérationnel. Cette intégration était pourtant inéluctable. La justice transitionnelle et la restauration de l’état de droit sont tous deux des outils ayant pour objectif la consolidation de la paix. Or, l’état de droit, comme il a été remarqué, tend à inclure l’ensemble des actions et concepts poursuivant cet objectif. En exclure la justice 211 Voir UNMIK/REG/2000/64, on assignment of international judges/prosecutors and/or change of venue, 15 décembre 2000. Cette juridiction est traitée de façon approfondie infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. 66 transitionnelle aurait donc paru étrange. Malgré cette situation paradoxale, la justice transitionnelle a été intégrée à l’action onusienne pour la restauration de l’état de droit (§ 1). Il n’est dès lors pas étonnant que ces deux notions entretiennent des relations ambiguës (§ 2). §1/L’intégration de la justice transitionnelle au sein de l’action pour la restauration de l’état de droit 94. Bien que les actions de l’ONU dans les domaines de l’état de droit et de la justice transitionnelle se soient développées de façon concomitante, les deux notions sont longtemps demeurées séparées. Il est vrai que l’expression « justice transitionnelle » est elle-même apparue tardivement dans le langage onusien. Le rapport publié en 2004 par le Secrétaire général et portant sur l’état de droit et la justice transitionnelle représente le point de départ de l’intégration de cette notion au sein de la terminologie onusienne d’une part, et de l’action de l’Organisation pour l’état de droit d’autre part. Cet acte d’intégration n’est pas anodin pour l’approche onusienne de cette justice. Tout d’abord, il consacre le caractère complémentaire de cette justice et de l’état de droit (A). Ensuite, il tend à inclure la justice transitionnelle dans l’approche technocratique de l’état de droit. Il s’agira alors de vérifier si cette inclusion n’est qu’une perception ou bien une réalité (B). A) L’affirmation de la complémentarité de la justice transitionnelle et de l’état de droit 95. Alors que l’entrée de la notion d’état de droit dans le langage onusien date du début des années quatre-vingt-dix, ses liens avec la justice transitionnelle n’ont été affirmés que plusieurs années plus tard. Les résolutions de l’Assemblée générale portant sur le « renforcement de l’état de droit »212, adoptées annuellement de 1994 à 2003 ne font aucune référence à la justice transitionnelle. La lutte contre l’impunité n’en est pourtant pas absente, ces résolutions soulignant « que les États doivent, dans le cadre de leur propre système législatif et judiciaire, prendre les mesures de caractère civil, pénal et administratif qui conviennent pour remédier aux violations des droits de l’homme »213. Il faut attendre 2012 pour que l’Assemblée générale intègre la justice transitionnelle de manière explicite dans ses 212 Voir la première de ces résolutions : A/RES/48/132 (1994). Cette formulation est présente dans toutes les résolutions adoptées par l’Assemblée générale sur ce point de l’ordre du jour. Ibid., préambule, ainsi que la dernière en date de ces résolutions : A/RES/57/221 (2003) préambule. 213 67 résolutions portant désormais sur « l’état de droit aux niveaux national et international ». Dans ces résolutions, l’organe plénier « [considère] que restaurer la confiance dans l’état de droit est un élément clef de la justice transitionnelle »214. 96. C’est du Secrétaire général qu’est venue l’initiative, d’une part, d’inclure la justice transitionnelle dans l’arsenal conceptuel onusien et, d’autre part, de placer ce concept au sein de celui, bien plus vaste, d’état de droit. Le rapport de 2004, portant sur le « [rétablissement] de l’état de droit et [l’]administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit »215, est le premier document officiel onusien liant ces deux concepts. Le Conseil de sécurité, à qui le rapport était destiné, a été plus rapide que l’Assemblée générale à intégrer ce nouveau langage, aidé par l’outil des déclarations du Président, bien moins formelles que les résolutions. Le long débat qui a suivi la présentation du rapport216 a donné lieu à une telle déclaration, dans laquelle le Conseil : « appelle l’attention sur l’ensemble des mécanismes de justice à envisager pour les périodes de transition, dont les tribunaux pénaux nationaux, internationaux et “mixtes” et les commissions vérité et réconciliation, et souligne que ces mécanismes devraient avoir pour vocation non seulement d’établir la responsabilité individuelle des auteurs de crimes graves, mais aussi de rechercher la paix, la vérité et la réconciliation nationale. »217 Sans faire usage de l’expression « justice transitionnelle » en elle-même, le Conseil a par la suite confirmé le lien unissant les mécanismes qu’elle désigne et le rétablissement de l’état de droit à travers plusieurs déclarations du Président portant sur ce dernier218. 97. C’est par une approche différente de celles adoptées par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité que la Commission puis le Conseil des droits de l’homme ont choisi d’aborder les liens entre la justice transitionnelle et l’état de droit. En effet, les résolutions de ces organes portant sur l’état de droit se concentrent sur les liens existant entre ce dernier, les 214 Voir A/RES/66/102 (2012), § 10 et les résolutions suivantes sur le même sujet. SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit. 216 Voir UN Doc. S/PV.5052, 6 octobre 2004. 217 Voir UN Doc. S/PRST/2004/34, 6 octobre 2004. 218 Voir UN Doc. S/PRST/2006/28, Strengthening international law : rule of law and maintenance of international peace and security, 22 juin 2006, § 4 ; UN Doc. S/PRST/2010/11, The promotion and strengthening of the rule of law in the maintenance of international peace and security, 29 juin 2010, §§ 7-8 ; UN Doc. S/PRST/2012/1, The promotion and strengthening of the rule of law in the maintenance of international peace and security, 19 janvier 2012, §§ 12-13. 215 68 droits de l’Homme et la démocratie sans mentionner la justice transitionnelle219. Celle-ci n’est pourtant pas absente des résolutions de l’organe de protection des droits de l’Homme. Dès 2005, c’est-à-dire moins d’un an après la présentation du rapport du Secrétaire général sur l’état de droit et la justice transitionnelle, la Commission des droits de l’homme adoptait une résolution portant sur les « droits de l’homme et [la] justice de transition »220, résolution régulièrement reprise par le Conseil des droits de l’homme221. Le fait de rapprocher la justice transitionnelle des droits de l’Homme, eux-mêmes associés à l’état de droit et à la démocratie, représente une première méthode de reconnaissance du lien entre cette justice et l’état de droit. Ce rapprochement est ensuite confirmé par les nombreuses références que les résolutions sur les droits de l’Homme et la justice transitionnelle font à l’état de droit222. Enfin, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la justice transitionnelle a largement confirmé l’approche des organes intergouvernementaux en consacrant tout un rapport aux liens unissant l’état de droit et la justice transitionnelle, soulignant les contributions apportées par cette dernière à l’état de droit223. 98. Si les résolutions des principaux organes intergouvernementaux onusiens confirment le lien perçu par l’ONU entre l’état de droit et la justice transitionnelle, elles n’éclairent en revanche pas la nature de ce lien. Les titres de ces résolutions, tout comme celui du rapport du Secrétaire général, semblent placer les deux concepts sur un même niveau – état de droit et justice transitionnelle – sans préciser si cette dernière, dont l’objet est a priori plus restreint, est une composante du premier. Il serait également envisageable que la justice transitionnelle soit la quatrième pièce du triptyque, devenant alors polyptyque, que composent la démocratie, les droits de l’Homme et l’état de droit. Les résolutions évoquées ci-dessus ne soulignent pourtant pas le lien d’interdépendance qui est systématiquement rappelé en ce qui concerne la démocratie, les droits de l’Homme et l’état de droit. À cet égard, le quatrième élément du polyptyque serait plutôt le développement224. Il apparaît donc que la justice transitionnelle ne se place pas sur le même plan que ces concepts. 219 Voir UN Doc. A/HRC/RES/19/36, 19 avril 2012 ; UN Doc. A/HRC/RES/28/14, 9 avril 2015 ; UN Doc. A/HRC/RES/34/41, 6 avril 2017. 220 UN Doc. E/CN.4/RES/2005/70, 20 avril 2005. 221 Voir par exemple UN Doc. A/HRC/RES/12/11, 12 octobre 2009 ; UN Doc. A/HRC/RES/21/15, 11 octobre 2012 ; UN Doc. A/HRC/RES/33/19, 5 octobre 2016. 222 Ibid. 223 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/67/368, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 13 septembre 2012. 224 Voir dans ce sens la résolution 21/15 du Conseil des droits de l’homme, soulignant que « justice, peace, democracy and development are mutually reinforcing imperatives ». UN Doc. A/HRC/RES/21/15, op. cit., § 11. 69 99. C’est encore une fois le Secrétaire général qui a tenté, parfois maladroitement, d’éclaircir la relation entre la justice transitionnelle et l’état de droit. La première tentative dans ce sens provient du rapport « Uniting our strength : enhancing United Nations support for the rule of law », présenté à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité le 14 décembre 2006225. Dans ce rapport, le Secrétaire général divise les activités de l’Organisation en matière de renforcement de l’état de droit en trois catégories. La première vise l’état de droit au niveau international, la deuxième, concerne l’état de droit dans les contextes de conflit et de post-conflit et la troisième s’attache au développement sur le long terme. Au sein de cette division, la justice transitionnelle constitue l’un des deux éléments composant la deuxième catégorie, aux côtés du « renforcement des systèmes et des institutions de justice nationaux »226. Cette division n’est cependant pas totalement satisfaisante et ne correspond qu’approximativement à la pratique de l’Organisation. Le volet justice transitionnelle inclut ainsi les institutions de droits de l’Homme (comprendre les commissions nationales des droits de l’Homme ou autres Ombudsman) et les commissions d’enquête, éléments qu’on ne retrouve habituellement pas dans les politiques de justice transitionnelle227. On retrouve en revanche dans le volet lié au renforcement des institutions nationales de justice le recours aux « pratiques de droit coutumier, traditionnel et communautaire et [aux] mécanismes de règlement des différends »228, activité souvent associée à la justice transitionnelle, notamment en lien avec les commissions vérité229. 100. La deuxième tentative provient de la note d’orientation (« guidance note ») adoptée par le Secrétaire général sur le thème de la « UN approach to rule of law assistance »230. Dans ce document, la justice transitionnelle est présentée comme l’un des six éléments composant le « framework for strengthening the rule of law », aux côtés de l’élaboration ou la révision de la constitution, de l’élaboration d’un cadre législatif respectueux des droits de l’Homme, de l’établissement d’un système électoral efficace et équitable, du renforcement des institutions de justice, de sécurité, de gouvernance et des droits de l’Homme et, enfin, du renforcement de la société civile231. On notera la contradiction avec le rapport de 2006 concernant les institutions des droits de l’Homme, sorties ici de la justice transitionnelle. C’est surtout le 225 SGNU, UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces, op. cit. Ibid., § 41. 227 Voir supra, introduction. 228 SGNU, UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces, op. cit., § 42. 229 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1, section II, § 1. 230 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. UN approach to rule of law assistance », avril 2008, 8 p. 231 Ibid. pp. 4-7. 226 70 caractère extrêmement vaste des activités dans le domaine de l’état de droit qui frappe dans cette note du Secrétaire général. Cette matière ne semble plus être placée sur le même plan que la démocratie, avec laquelle elle serait interdépendante, mais paraît plutôt l’englober aux côtés d’autres efforts qui contribueraient ainsi à qualifier l’état de droit. 101. Il faut nuancer les défauts qui ont été identifiés dans les efforts fournis par le Secrétaire général pour définir les liens unissant la justice transitionnelle et l’état de droit. Tant le rapport uniting our strengths que la guidance note témoignent de l’adoption par le Secrétaire général d’une approche résolument opérationnelle. Il serait erroné d’y chercher une ambition de définir de façon conceptuelle et exhaustive les liens en question. Il faut ensuite reconnaître à ces deux documents qu’ils répondent à la question éludée par les résolutions des organes intergouvernementaux. La justice transitionnelle est l’une des composantes d’un état de droit dont l’approche « globalisante »232 tend à incorporer en son sein la quasi-totalité des actions de l’ONU dans le domaine de la reconstruction de l’État. B) Une technocratisation de la justice transitionnelle au nom de l’état de droit ? 102. Bien que les définitions de l’état de droit diffèrent, et que l’ONU se soit souvent attachée à maintenir un certain flou autour de ce concept233, l’approche adoptée par le Secrétaire général dans son rapport de 2004 sur l’état de droit et la justice transitionnelle peut être considérée comme représentant le plus large consensus onusien en la matière. Le concept désignerait selon lui : « un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la 232 233 SICILIANOS (L.-A.), L’ONU et la démocratisation de l’État, op. cit., p. 251. Ibid., p. 250. 71 participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs.»234 Trois points peuvent être retenus de cette définition. Tout d’abord, l’état de droit suppose un État – voire une société, dans la mesure où les individus et les institutions sont visés de façon indifférenciée – régi par la loi. Il implique ensuite que le respect des lois soit sanctionné, afin d’assurer leur application égalitaire, équitable, transparente et prévisible. Enfin, l’ensemble des règles et procédures doivent être conformes au droit international des droits de l’Homme et aux standards – on imagine onusiens – qui le complètent. Les deux premiers aspects marquent une approche formelle, ou minimaliste, de l’état de droit, caractérisée par l’établissement d’une hiérarchie juridique préservant la population de l’arbitraire étatique et permettant un règlement des différends entre l’État et les citoyens par le biais de procédures préétablies. Le troisième aspect de la définition proposée par le Secrétaire général, relatif au respect des droits de l’Homme, révèle une substantialisation de cette approche en délimitant un cadre au sein duquel la hiérarchie juridique peut être déployée235. 103. Ainsi défini, l’état de droit incarne un ensemble extrêmement dense de réformes à mettre en œuvre dans les États sortant de conflit. Son caractère substantiel laisse peu de marge de manœuvre pour l’adapter aux contextes locaux, et les liens inextricables établis par l’ONU entre la consolidation de la paix et l’état de droit impliquent que ce dernier fasse l’objet d’une incorporation systématique dans les efforts visant cette consolidation. Cette densité et cette systématicité ont nourri les critiques dénonçant une approche technocratique de la consolidation de la paix, notamment dans son volet état de droit et, par extension, dans son volet lié à la justice transitionnelle.236 Il est en effet intéressant de remarquer qu’en intégrant la justice transitionnelle au sein du cadre global de la restauration de l’état de droit, l’ONU a, 234 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 6. Voir sur les approches formelle / minimaliste et substantielle / maximaliste : SICILIANOS (L.-A.), L’ONU et la démocratisation de l’État, op. cit., pp. 250-253 ; BROOKS (R.), STROMSETH (J.), WIPPMAN (D.), Can might make rights ? Building the rule of law after military interventions. Cambridge University Press, New York, 2006, pp. 69-73. 236 Voir par exemple : HURWITZ (A.), « Rule of law programs in multidimensional peace operations : legitimacy and ownership », in EBNÖTHER (A. H.), FLURI (P. H.), After intervention : public security management in post-conflict societies, Center for the democratic control of armed forces, Genève, 2005, p. 343 ; SHARP (D. N.), « Beyond the post-conflict checklist : linking peacebuilding and transitional justice through the lens of critique », Chicago Journal of International Law, vol. 14, n° 1, 2013, pp. 169-181 ; SHARP (D. N), « Interrogating the peripheries : the preoccupations of fourth generation transitional justice », Harvard Human Rights Journal, vol. 26, 2013, pp. 150-158 ; VIEILLE (S.), « Transitional justice : a colonizing field ? », op. cit., pp. 58-68 ; DAUDET (Y.), « La restauration de l’État, nouvelle mission des Nations Unies ? », in DAUDET (Y.), dir., Les Nations Unies et la restauration de l’État, colloque de la SFDI, 16-17 décembre 1994, Pedone, Paris, pp. 17-29 ; BROOKS (R.), STROMSETH (J.), WIPPMAN (D.), Can might make rights ?, op. cit., p. 74 ; TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 68-70. 235 72 presque mécaniquement, rendu les critiques tournées contre ce dernier applicables à cette justice. 104. La première de ces critiques vise la focalisation de l’ONU, tant dans le domaine de l’état de droit que dans celui de la justice transitionnelle, sur les droits civils et politiques, au détriment des droits économiques, sociaux et culturels, témoignant d’une approche encore marquée par le modèle de la démocratie libérale237. La deuxième critique vise le caractère apolitique, ou du moins présenté comme tel, de l’état de droit. Noémie Turgis note à cet égard que l’état de droit représente une approche plus neutre politiquement que la reconstruction démocratique et, en conséquence, moins soumise aux soupçons d’instrumentalisation à visée impérialiste de cet outil par les grandes puissances238. Cette plus grande neutralité politique de l’état de droit serait ainsi à l’origine du consensus dont ce concept fait l’objet et aurait justifié sa substitution à la démocratisation – sans pour autant causer la disparition de celle-ci – comme idéal de transition239. Enfin, le légalisme impliqué par l’ancrage de la justice transitionnelle au sein de l’état de droit marginaliserait l’attention portée aux besoins locaux, au profit d’une action standardisée240. 105. Bien que les critiques présentées ci-dessus ne soient pas dénuées de fondements, la mise en cause de l’action des Nations Unies qu’elles emportent est à nuancer. Tout d’abord, il apparaît que les Nations Unies ont été, et sont toujours, parmi les principaux promoteurs de l’inclusion des droits économiques, sociaux et culturels au sein des mécanismes de justice transitionnelle241. Il demeure que cette inclusion présente des risques, et que le bilan de l’ONU dans ce domaine est très mitigé242. 106. Ensuite, il faut reconnaître que la critique du caractère apolitique de la justice transitionnelle onusienne est en partie justifiée. Le langage même de cette justice et de l’action de l’ONU dans les sociétés post-conflit indique une approche technique. Les termes 237 HURWITZ (A.), « Rule of law programs in multidimensional peace operations », op. cit., pp. 345-346 ; ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle, op. cit., p. 437 ; SHARP (D. N.), « Interrogating the peripheries », op. cit., p. 157. 238 Ibid. 239 Ibid. 240 MAC EVOY (K.), « Beyond legalism : towards a thicker understanding of transitional justice », Journal of Law and Society, vol. 34, n° 4, décembre 2007, pp. 411-440 ; ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle, op. cit., p. 437 ; VIEILLE (S.), « Transitional justice : a colonizing field ? », op. cit., p. 58 ; NASSAR (H.), « Transitional justice in the wake of the Arab uprisings : between complexity and standardisation » in FISHER (K. J.), STEWART (R.), dir., Transitional justice and the arab spring, Routledge, Londres, New York, 2015, pp. 54-75. 241 Voir infra, chapitre 2, section 2. 242 Ibid. 73 « reconstruction » (de l’État), « consolidation » (de la paix) et l’expression « boîte à outils » (pour désigner les mécanismes de justice transitionnelle) sont tous empruntés au domaine de la construction, comme s’il s’agissait de bâtir une société comme on le ferait un immeuble. Comme le note Kora Andrieu, l’approche holiste de la justice transitionnelle, telle que théorisée par Pablo de Greiff243 et consacrée par le Secrétaire général244, présente un domaine constitué d’un ensemble de mécanismes fonctionnant en synergie. Tels des rouages, l’un ne peut fonctionner sans les autres, sous peine de dysfonctionnement de l’ensemble245. L’aspect technique de cette approche apparaît de façon évidente. Il faut toutefois noter que cette technicité répond, en partie, aux appels de plus en plus pressants à une évaluation de la justice transitionnelle. Des méthodes d’évaluation, basées sur des analyses empiriques et chiffrées, ont récemment vu le jour, témoignant d’un attachement de certains acteurs – chercheurs et think tanks notamment – à vouloir déterminer si, et comment, la justice transitionnelle « marche »246. Dans la même perspective, l’ONU s’est dotée d’indicateurs de l’état de droit (« rue of law indicators »)247. Ces cent trente-cinq indicateurs se concentrent sur les structures de la police, du système judiciaire et de l’administration pénitentiaire pour présenter les éléments concrets témoignant du degré d’état de droit dans un État donné248. L’objectif affiché de ces indicateurs montre bien la logique qui sous-tend le mouvement d’évaluation de l’état de droit et de la justice transitionnelle. « The instrument will also provide and summarize accurate information which the United Nations, donors and development partners will be able to use to plan and monitor the impact of their efforts to build the capacity of criminal justice institutions and, more generally, strengthen the rule of law. Additionally, the process of implementing the indicators will strengthen relationships between the 243 DE GREIFF (P.), « Theorizing transitional justice », op. cit. ; Voir également infra chapitre 2. SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit. et infra chapitre 2. 245 ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle, op. cit., pp. 90-91, où l’auteure note que la théorisation de Pablo de Greiff « s’apparente bien souvent à une recette ». Voir également les développements infra sur l’approche holiste de la justice transitionnelle par l’ONU. Infra chapitre 2. 246 Ibid., p. 491. Pour des exemples de telles études, voir OLSEN (T. D.), PAYNE (L. A.), REITER (A. G.), Transitional justice in balance. Comparing processes, weighing efficacy, United States Institute of Peace, Washington, 2010, 213 p. ; HAZAN (P.), « Measuring the impact of punishment and forgiveness : a framework for evaluating transitional justice », RICR, vol. 88, n° 861, mars 2006, pp. 19-47 ; BAXTER (V.), CHAPMAN (A. R.), VAN DER MERWE (H.), dir., Assessing the impact of transitional justice. Challenges for empirical research, United States Institute of Peace Press, Washington D. C., 2009, 344 p. 247 Voir « The United Nations rule of law indicators. Implementation guide and project tools », publication conjointe du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et du Département des opérations de maintien de la paix, 2011, 128 p. 248 Ibid., pp. 4-10. 244 74 United Nations and participating national Governments, relationships that are crucial to the Organization’s objectives of promoting peace and security in conflict and post-conflict situations and building sustainable criminal justice institutions that provide equal access to justice for all individuals. »249 107. L’approche technique, incarnée ici par les indicateurs, vise ainsi à garantir une certaine prévisibilité de l’action de l’ONU. Celle-ci permet, d’une part, de rassurer les donateurs et de rendre possible un certain suivi de leur investissement250 et, d’autre part, de présenter une action articulée, cohérente, évaluable et surtout encadrée aux décideurs politiques accueillant un programme onusien de rétablissement de l’état de droit. Le besoin d’évaluation est donc lié au mode de financement des actions onusiennes, dépendant pour une large partie des donations volontaires, et à leur mode d’opération, basé sur le consentement de l’État. Plus qu’un biais conceptuel ou opérationnel de l’ONU, la technocratisation de l’état de droit et de la justice transitionnelle apparaît surtout comme une conséquence de la structure de l’Organisation. 108. Enfin, les précautions prises par l’ONU dans la présentation des indicateurs de l’état de droit permettent en partie de répondre à la dernière critique liée à la standardisation de son action dans les domaines de l’état de droit et de la justice transitionnelle ainsi qu’a son éloignement des préoccupations locales. « The usefulness of indicators lies in their simplicity ; however, this is also a potential danger. Indicators can simplify complex information to the point where it loses context and in fact masks important differences. »251 Les Nations Unies reconnaissent ici les limites de leur approche. De même, le Secrétaire général notait dès 2004 que les Nations Unies doivent « apprendre aussi à éviter les solutions toutes faites et l’importation de modèles étrangers, et à appuyer plutôt[leur] action sur des évaluations nationales, la participation des acteurs nationaux et les besoins et aspirations locaux. »252 Dans ce domaine également, le biais ne paraît donc pas être conceptuel. Un des éléments d’explication se trouve probablement dans des défaillances opérationnelles. Le Groupe de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies a relevé en 2015 que, souvent, l’Organisation « est trop souvent à l’origine de mandats et de missions 249 Ibid., p. V. ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle, op. cit., p. 493. 251 « The United Nations rule of law indicators », op. cit., p. 1. 252 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., p. 3. 250 75 standard plutôt que de stratégies politiques adaptées à chaque situation »253. Le problème de la standardisation dépasse donc très largement la justice transitionnelle ou même l’état de droit et concerne l’intégralité des efforts onusiens de maintien et de consolidation de la paix. L’une des causes en serait la réflexion à court terme des représentants des États à l’ONU, incitant les agents du maintien de la paix à fournir des résultats tangibles et rapides254. 109. L’autre cause de la standardisation de l’action onusienne est à chercher dans l’approche légaliste que l’Organisation a adoptée de la justice transitionnelle, représentée notamment par l’intégration de cette matière au sein de l’action pour l’état de droit. Plusieurs auteurs ont ainsi noté que les attentes des populations locales étaient partiellement ignorées au profit de la promotion indifférenciée des droits de l’Homme et des standards onusiens y relatifs255. Il est certain que l’ONU, en théorie du moins, fait du respect des droits de l’Homme et des standards qu’elle a développés la limite de son action. Le Secrétaire général affirme dans ce sens que les mécanismes traditionnels ou/et informels de règlement des conflits doivent être conformes aux standards internationaux256. Il faut tout de même reconnaître que l’ONU a fait un effort d’intégration des mécanismes traditionnels de réconciliation et de justice dans son action dans le domaine de la justice transitionnelle et que son recours régulier aux consultations nationales257 vise à traduire de façon opérationnelle son rejet des formules trop standardisées et éloignées des préoccupations locales. Une part importante des tâches accomplies par les opérations de paix consiste d’ailleurs à favoriser le dialogue entre chefs traditionnels et, à travers eux, au sein des différentes communautés258. À cet égard, le respect 253 AGNU, UN Doc. A/70/95-S/2015/446, Rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies intitulé « Unissons nos forces pour la paix : privilégions la politique, les partenariats et l’action en faveur des populations », 17 juin 2015, § 35. 254 Voir CAPLAN (R.), POULIGNY (B), « Histoire et contradictions du state building », Critique Internationale, vol. 28, n° 3, pp. 134-138. Vincent Chapaux et Nina Wilén identifient ce même facteur dans les problèmes liés à la coopération entre les agents onusiens et les populations locales. Les délais trop courts des mandats et leurs objectifs trop ambitieux, notamment compte tenu des moyens limités des missions, mènent les agents onusiens à privilégier les contacts avec les élites de formation occidentale, plus habituées au fonctionnement et au langage de ces agents. Voir CHAPAUX (V.), WILEN (N.), « Problems of local participation and collaboration with the UN in a post-conflict environment : who are the ‘locals’ ? », Global Society, vol. 25, n° 4, octobre 2011, pp. 531-548. 255 Voir par exemple SHAW (R.), WALDORF (L.), « Introduction : localizing transitional justice », in SHAW (R.), WALDORF (L), dir., Localizing transitional justice. Interventions and priorities after mass violence, Stanford University Press, Stanford, Californie, 2010, pp. 3-26 ; MAC EVOY (K.), « Beyond legalism », op. cit., p. 21. 256 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 36. Voir également la critique de cette limitation in VIEILLE (S.), « Transitional justice : a colonizing field ? », op. cit., pp. 66-67. 257 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1, section 2. 258 Voir les actions de la Mission conjointe des Nations Unies et de l’Union Africaine au Darfour (MINUAD), de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), de la Mission de 76 des standards onusiens par les mécanismes traditionnels s’applique essentiellement lorsque ceux-ci développent ou mettent en œuvre des compétences de type juridictionnel. La position du HCDH vis-à-vis des juridictions Gacaca au Rwanda est parfaitement représentative de cette approche259. Enfin, il paraît étrange de reprocher à l’ONU de conditionner son assistance au respect des standards qu’elle a elle-même adoptés. Bien que le légalisme de l’approche onusienne de la justice transitionnelle puisse être critiquable, notamment en ce qu’elle limite l’adaptabilité de cette justice aux demandes locales, le respect des droits de l’Homme qu’elle implique représente une garantie importante de l’intégrité des politiques de justice transitionnelle. Elle réduit en effet le risque que ces politiques soient détournées dans le but de consacrer l’impunité au nom de la réconciliation, ou encore de mener des politiques de purges, de discriminations ou de mise à l’écart d’opposants politiques sous couvert de la lutte contre l’impunité. §2/La relation ambiguë de la justice transitionnelle à la restauration de l’état de droit 110. La justice transitionnelle entretient une relation ambiguë avec l’état de droit. Censée participer à son rétablissement en réaffirmant ses principes, elle en constitue souvent une entorse, en contournant certains de ces mêmes principes, tels que la non rétroactivité de la loi pénale, le principe de légalité des délits et des peines ou encore le droit d’accès à la justice. Ces éléments sont tous inhérents à la justice transitionnelle et représentent une ambiguïté qui peut être qualifiée de fondamentale entre cette justice et l’état de droit (A). Une autre forme d’ambiguïté est propre à l’implication onusienne dans la justice transitionnelle. En effet, cette dernière s’est en partie construite à l’initiative de la société civile et contre les autorités étatiques. Pensons aux grands-mères de la Place de mai, en Argentine, qui ont longtemps dénoncé l’inertie des gouvernements successifs dans la recherche des personnes victimes de disparitions forcées. Ce contrôle de la société civile sur la justice transitionnelle est également, dans une certaine mesure, inhérent à cette justice. Or, l’ONU, en tant qu’organisation intergouvernementale agissant sur consentement de l’État, paraît peu adaptée à une action nécessitant parfois de s’appuyer sur la société civile pour contourner des l’Organisation des Nations Unies en RDC (MONUSCO), de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies au Mali (MINUSMA), répertoriées en Annexe II, opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. 259 Sur la position vis-à-vis des mécanismes traditionnels et des Gacaca plus particulièrement, voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1, section II, § 1. 77 réticences étatiques. C’est pourtant bien ce que font les acteurs onusiens, révélant une ambiguïté propre à l’Organisation (B). A) Une ambiguïté fondamentale : l’état de droit et la transition 111. La justice transitionnelle traite de crimes exceptionnels. Elle s’instaure également dans des périodes tout aussi exceptionnelles, en sortie de conflit ou de gouvernance autoritaire. « La justice transitionnelle constitue à elle seule un compromis dans la mesure où elle part du constat que la justice ordinaire (pénale et civile) est impossible à mettre en œuvre »260. La question qui se pose alors est celle de la compatibilité de la justice transitionnelle et de l’état de droit, alors que ce dernier est censé représenter la stabilité de l’État et le respect scrupuleux à la fois du principe de légalité et d’un certain nombre de droits261. 112. La question a été posée par plusieurs auteurs, et deux conceptions émergent des réflexions qu’ils ont conduites. Une première approche consiste à considérer que la justice transitionnelle se développe dans un état de droit lui-même transitionnel262. Les nécessités de la transition – qu’elles soient envisagées du point de vue de la recherche de la paix ou de celui d’une nécessaire lutte contre l’impunité263 – justifieraient ainsi un certain assouplissement des normes de l’état de droit, tels la non rétroactivité de la loi pénale, le droit au recours (notamment en cas d’adoption d’amnisties), l’inamovibilité des juges ou encore le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen nulla poena sine lege). La défaillance parfois absolue des institutions judiciaires et pénitentiaires nationales peut ne pas permettre le jugement de tous les individus ayant commis des délits ou des crimes durant la période de crise ou de conflit. De même, l’exigence de ne pas laisser à des postes sensibles (police, armée ou magistrature par exemple) des individus dont le comportement durant la période de crise note une éthique non conforme aux normes du nouvel état de droit peut justifier des programmes de lustration dont les procédures ne respecteraient que de façon approximative la présomption d’innocence. Une deuxième approche rejette ce qu’on pourrait appeler 260 PHILIPPE (X.), « La justice transitionnelle est-elle compatible avec les principes constitutionnels reconnus dans un nouvel État de droit ? », 8e Congrès mondial de l’association international de droit constitutionnel, Mexico, décembre 2010, en ligne, p. 4. 261 Voir supra, § 1. 262 Voir notamment TEITEL (R.), Transitional justice, op. cit., pp. 11-26 ; TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 222-309 ; McAULIFFE (P.), Transitional justice and rule of law reconstruction. A contentious relationship, Routledge, Londres, New York, 2013, pp. 99-107. 263 Dans son rapport final sur la [question] de l’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme (civils et politiques), Louis Joinet répertorie les « [mesures] restrictives justifiées par la lutte contre l’impunité ». Voir « Principes Joinet », op. cit., p. 8. 78 l’exception d’exceptionnalité de la justice transitionnelle. Eric Posner et Adrian Vermeule envisagent la justice transitionnelle comme une justice ordinaire (« ordinary justice ») dont la seule particularité serait l’échelle des crimes commis264. Partant, elle se doit de respecter les règles de l’état de droit comme n’importe quel mécanisme de justice. 113. L’ONU emprunte à ces deux approches. Le Secrétaire général, à l’instar du HCDH, reconnaît le caractère exceptionnel de la justice transitionnelle265 et semble l’envisager comme un moyen de rétablir l’état de droit. Il y a là une nuance importante, dans la mesure où la justice transitionnelle n’évolue donc pas dans un contexte d’état de droit rétabli, mais bien en construction. Si les mécanismes de cette justice sont censés favoriser le rétablissement de l’état de droit, il n’est pas dit que l’exemplarité soit leur meilleure arme ou qu’elle représente une limite absolue à leur fonctionnement. Un tel discours serait d’ailleurs, de façon flagrante, en porte-à-faux avec bon nombre de modalités d’action de l’ONU, telles les administrations transitoires qui, dans un but de restauration de l’état de droit, opèrent une confusion des pouvoirs entre les mains du Représentant spécial du Secrétaire général266. La réalité de cette approche relativement souple de l’application de l’état de droit à la justice transitionnelle est pourtant rejetée par le Rapporteur spécial de l’ONU sur la justice transitionnelle. Celui-ci considère que « [pour] contribuer au renforcement de l’état de droit, toutes les mesures de justice transitionnelle doivent être conçues, mises en place et exécutées dans le respect de l’état de droit et de tous ses principes, à commencer par les garanties du procès équitable »267. 114. La position onusienne telle qu’envisagée par le Rapporteur spécial présente en réalité un certain degré de superficialité que le Rapporteur masque en n’envisageant que les aspects procéduraux de l’état de droit. Il est en effet envisageable de s’assurer que les mécanismes de justice transitionnelle respectent les principes fondamentaux de l’état de droit tels le droit au recours (pour les procès et les programmes de lustration notamment), la présomption d’innocence, le principe de légalité, etc.268 Il faut tout de même noter que même cette version procédurale de l’état de droit présente parfois des difficultés extrêmes, notamment lorsque la 264 POSNER (E. A.), VERMEULE (A.), « Transitional justice as ordinary justice », Harvard Law Review, vol. 117, 2004, pp. 762-825. 265 Pour la position du Secrétaire général, voir SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », mars 2010, p. 6. Pour celle du HCDH, voir HCDH, « “UN Approach to Transitional Justice” Dialogue with Member States on rule of law at the international level organized by the Rule of Law Unit. Address by Ms. Navanethem Pillay United Nations High Commissioner for Human Rights », 2 décembre 2009, pp. 2-3. 266 Sur ce point, voir infra, partie 2, titre II, chapitre 2, section I. 267 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/67/368, op. cit., § 68. 268 Pour une analyse des principes fondamentaux de l’état de droit tels qu’envisagés par l’ONU, voir MORIN (J.Y.), « L’État de droit : émergence d’un principe du droit international », RCADI, vol. 254, 1995, pp. 364-433. 79 détermination même du droit interne applicable s’avère quasi-impossible, du fait notamment de l’indisponibilité des textes. Au Timor, l’ATNUTO a dû appliquer le droit indonésien, c’est-à-dire celui établi par une puissance lors de son occupation illégale du territoire timorais, y compris contre l’avis de certains magistrats des Panels spéciaux269. Afin de résoudre les problèmes liés aux carences du droit interne pré-transitionnel, notamment en matière de garanties procédurales ou encore d’absence de certaines incriminations, le Rapporteur spécial fait appel au droit international, chargé d’incarner une certaine continuité de l’état de droit, malgré sa violation par les gouvernements antérieurs270. Cette méthode peut s’avérer efficace, certains comportements non visés par les droits pénaux internes pouvant en effet faire l’objet d’une qualification en droit international271, qui serait dès lors applicable à l’État. Elle ne résout pourtant pas le problème. Dans le cas d’un État connaissant un régime moniste, le droit international serait effectivement applicable et aucun problème de qualification des crimes internationaux ne se poserait, sous réserve que les agissements soient survenus après la ratification des actes conventionnels ou la cristallisation coutumière de l’incrimination. Dans le cas d’un État connaissant un système dualiste, soit la transposition en droit interne a été effectuée et aucun problème ne se pose, soit elle n’a pas été effectuée et faire appel au droit international représente une entorse à l’état de droit. Il faut également noter que tous les systèmes judiciaires, y compris au sein des systèmes monistes, n’appliquent pas de façon directe les normes internationales coutumières. Dans ce cas, le respect scrupuleux de l’état de droit signifierait d’accepter de se limiter à l’engagement de la responsabilité internationale de l’État pour défaut de transposition. 115. Quand bien même les complexités liées au volet procédural de l’état de droit ne se matérialiseraient pas, les mécanismes de justice transitionnelle ne sauraient respecter de façon absolue son volet substantiel. Comme il a déjà été dit, c’est pourtant bien une approche substantielle de l’état de droit qui est promue par l’ONU272. Cette approche impliquerait que tous ceux qui ont été victimes de violations des droits de l’Homme puissent avoir accès à la justice et obtenir réparation. Or, en dehors du cas spécifique des crimes internationaux, 269 Voir sur cette question le commentaire de André Klip à propos de l’arrêt de la chambre d’appel des Panels spéciaux, dans l’affaire Le procureur c. Armando dos Santos, rendu le 15 juillet 2003. KLIP (A.), SLUITER (G.), dir., Annotated leading cases of international criminal tribunals. Timor Leste, the Special Panels for serious crimes. 2003-2005, Intersentia, Cambridge, 2009, pp. 103-115 et pp. 172-176. Pour les difficultés éprouvées par l’ATNUTO en ce qui concerne le droit applicable, voir STROHMEYER (H.), « Collapse and reconstruction of a judicial system : the United Nations missions in Kosovo and East Timor », AJIL, vol. 95, 2001, pp. 50-60. 270 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/67/368, op. cit., § 69. 271 Le rapporteur spécial évoque les engagements internationaux de l’État et le jus cogens. Ibid. 272 Voir supra, § 1. 80 l’ONU soutient les amnisties, qui représentent le mécanisme de justice transitionnelle auquel elle est le plus souvent associée au sein des accords de paix273. Une étude tendrait même à montrer que l’implication de l’ONU dans une transition favoriserait l’adoption d’amnisties274. Il serait de même illusoire d’envisager que chaque victime puisse obtenir une juste réparation du préjudice qu’elle a subi durant des conflits parfois extrêmement longs. 116. Au vu des considérations développées ci-dessus, il semble que si la justice transitionnelle peut être considérée comme favorisant le rétablissement de l’état de droit, celui-ci ne peut lui être appliqué de façon absolue. Il ne faut cependant pas nécessairement voir dans cette particularité un paradoxe. Si l’état de droit était suffisamment développé pour se voir appliquer dans sa globalité à la justice transitionnelle, celle-ci n’aurait plus de raison d’être, ou deviendrait effectivement la justice ordinaire envisagée par Eric Posner et Adrian Vermeule. Nier le particularisme de la justice transitionnelle présenterait également le risque de la faire sombrer dans le technocratisme, dont le caractère inapproprié a déjà été soulevé. Il est toutefois justifié de chercher à limiter autant que possible les écarts entre les normes que la justice transitionnelle vise à rétablir ou renforcer et celles qui lui sont applicables. B) Une ambiguïté onusienne : l’encadrement de l’État par la société civile 117. La reconstruction de l’état de droit ne se limite pas à une reconstruction institutionnelle. De même que la démocratisation suppose un effort pédagogique mené auprès des populations, l’établissement de l’état de droit implique, dans l’approche onusienne tout du moins, une capacité de la population à exercer un contrôle populaire sur le bon fonctionnement des institutions. Ce contrôle nécessite l’existence d’une société civile organisée, capable d’exprimer des revendications communes et de peser sur les institutions étatiques. La forme même de l’action onusienne rend cette organisation de la société civile nécessaire, dans la mesure où l’Organisation cherche à fonder son action sur les demandes locales. Si l’organisation de consultations nationales sert cet objectif, les Nations Unies ont également l’habitude de procéder par l’intermédiaire de conférences sur la justice transitionnelle, auxquelles sont conviées les organisations de la société civile275. La formation de cette société civile est donc un préalable nécessaire à la création de mécanismes de justice transitionnelle. 273 Voir Annexe I, accords de paix et justice transitionnelle et le graphique l’accompagnant. Voir OLSEN (T. D.), PAYNE (L. A.), REITER (A. G.), Transitional justice in balance, op. cit., pp. 124-126. 275 Voir à ce sujet les actions des bureaux-pays du HCDH en Bosnie-Herzégovine, au Guatemala, au Kosovo, au Népal et en Tunisie, Annexe V, Bureaux-pays du HCDH et justice transitionnelle. Voir également les actions des 274 81 118. Comme il vient d’être dit, les ONG ont, du point de vue de l’ONU, un double objectif. En permettant d’articuler les demandes de la population, elles jouent un rôle d’incitation auprès des acteurs chargés de la création des mécanismes de justice transitionnelle276. Une fois ces mécanismes mis en œuvre, elles représentent une autorité de contrôle de leur bon fonctionnement et du respect par les autorités étatiques de leurs engagements vis-à-vis de l’opération de ces mécanismes277. Plusieurs problèmes émergent toutefois de l’application de ces tâches des ONG, en lien avec l’action de l’ONU. 119. Il apparaît tout d’abord que les ONG soutenues par l’ONU peuvent ne refléter que de façon imparfaite les aspirations de la population. En Sierra Léone, l’initiative de la Commission vérité et réconciliation revient essentiellement à un groupe d’ONG agissant avec le soutien de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Mary Robinson278. Or, il a été noté que cette initiative ne rencontrait qu’un soutien limité de la population, plus favorable à l’oubli et au pardon qu’à une réconciliation basée sur la parole279. Le projet de commission vérité n’aurait ainsi été que l’expression d’une minorité active. Bien qu’il soit difficile d’évaluer la réalité et la fréquence de ce type de pratique par les acteurs onusiens, la perception d’un biais dans la pratique onusienne a alimenté les critiques liées à une certaine instrumentalisation des ONG par ces acteurs280. missions politiques spéciales en Afghanistan, en Irak, au Népal, au Burundi et en Libye, Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. Enfin, voir les actions menées par les OMP au Kosovo et en RCA, Annexe I, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. 276 Ce rôle existe d’ailleurs aussi bien auprès des autorités nationales qu’auprès de l’ONU lorsque cette dernière prend en charge la création des mécanismes de justice transitionnelle. Il est ainsi connu que la commission vérité timoraise, créée par l’ATNUTO, a été instituée sur la demande d’ONG locales. Voir HARPER (E.), « Delivering justice in the wake of mass violence : new approaches to transitional justice », Journal of Conflict and Security Law, vol. 10, n° 2, 2005, p. 156 ; BURGESS (P.), « Justice and reconciliation in East Timor. The relationship between the commission for reception, truth and reconciliation and the courts », Criminal Law Forum, vol. 15, n° 1-2, 2004, p. 143. 277 Le suivi de l’application des recommandations des commissions vérité est probablement l’aspect le plus représentatif de cette tâche. 278 Cette initiative a été exprimée au sein d’un manifeste rédigé conjointement par des ONG locales et par la HCDH, le « Human rights manifesto ». Voir CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit., vol. 2, p. 49. 279 Sur ce point, voir United States Institute for Peace, « Rethinking truth and reconciliation Commissions – Lessons from Sierra Leone », Rapport spécial par Rosalind Shaw, février 2005, p. 4. 280 Sandrine Lefranc note le rôle des acteurs internationaux de construction de la paix dans le développement d’ONG « opportunes » destinées à « faire face à la demande des bailleurs ». Voir LEFRANC (S.), « La production de nouvelles techniques de pacification : la normalisation internationale des causes locales », in EBERWEIN (W.-D.), SCHEMEIL (Y.), Normer le monde, L’Harmattan, Paris, 2009, p. 66. Béatrice Pouligny évoque pour sa part une société civile réorganisée sur un modèle occidental et dont les préoccupations sont parfois déconnectées des réalités locales. Voir POULIGNY (B.), « Civil society and post-conflict peacebuilding : ambiguities of international programmes aimed at building ‘new’ societies », Security Dialogue, vol. 35, n° 4, décembre 2005, pp. 498-500. 82 Il arrive ensuite que les ONG représentent un levier utilisé par l’ONU pour influencer les choix des autorités étatiques. Ce fut le cas au Népal, où les autorités souhaitaient conférer aux commissions vérité sur le point d’être créées le pouvoir de proposer des amnisties, y compris pour des actes constitutifs de crimes internationaux281. L’équipe pays des Nations Unies a rompu le dialogue avec le gouvernement pour se tourner intégralement vers la société civile et les associations de victimes, soutenant l’abandon du pouvoir d’amnistie des commissions282. Dans ce cas, les acteurs onusiens ont recours à la fonction de contrôle des ONG pour assurer la conformité des choix étatiques aux standards onusiens. Ce mode d’action peut toutefois paraître contestable de la part d’une organisation dont l’intervention se fonde sur le consentement étatique. S’il est légitime pour l’ONU de ne pas conduire son action avec les autorités étatiques comme seules interlocutrices, il est bien plus contestable de les exclure complètement. Les critiques évoquées précédemment quant à la représentativité discutable des ONG soutenues par les acteurs onusiens se trouvent renforcées lorsque ces ONG deviennent les relais exclusifs de l’action onusienne dans un pays. 281 Voir ICTJ, « Navigating amnesty and reconciliation in Nepal’s Truth and Reconciliation Commission bill », novembre 2011, 7 p. 282 Voir DAVIDIAN (A.), KENNEY (E.), « The United Nations and transitional justice », op. cit., p. 199. 83 Chapitre 2. La construction d’un modèle holiste de justice transitionnelle 120. Les notions de consolidation de la paix, d’état de droit et de sécurité humaine renvoient toutes à une approche positive de la paix incarnée par l’interdépendance déjà décrite de la paix, de la démocratie, de l’état de droit et du développement. Pour atteindre son objectif du maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’ONU doit donc adopter une approche holiste de la paix, c’est-à-dire intégrant tous les facteurs susceptibles de déstabiliser cette dernière283. Cette vision holiste de la paix a été transposée à la justice transitionnelle. Ainsi le Secrétaire général considérait dans son rapport 2004 que « [lorsqu’il] est nécessaire de mettre en place des mécanismes transitoires, il convient d’adopter une démarche intégrée menant de front les procès en matière pénale, les réparations, la recherche de la vérité, la réforme des institutions, la sélection ou la révocation des fonctionnaires, ou combinant judicieusement ces différents éléments. »284 Le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle soutenait quant à lui la nécessité d’une « mise en œuvre concomitante des quatre types de mesures relevant du mandat »285 – ces quatre éléments étant la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-répétition. Certains auteurs ont également vu dans la série de publications du HCDH sur les instruments de l’état de droit une adhésion à une « holistic or integral approach to transitional justice that includes prosecutions, truth commissions, and vetting »286. 121. Les approches évoquées ci-dessus abordent la justice transitionnelle du point de vue de ses quatre composantes que sont la vérité, la justice, les réparations et les garanties de nonrépétition, envisagées soit comme des droits, soit au travers des mécanismes visant à les garantir287. S’il est vrai que l’approche holiste se caractérise par l’affirmation d’une interdépendance des composantes de la justice transitionnelle (Section I), elle ne s’y limite pas. 283 ANDRIEU (K.), « Political liberalism after mass violence. John Rawls and a ‘theory’ of transitional justice », in BUCKLEY-ZISTEL (S.) et al., dir., Transitional justice theories, Routledge, Abingdon, New York, 2014, p. 88. 284 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 26. Il convient de souligner que la notion d’intégration est exprimée dans la version anglaise par le terme « holistic ». 285 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/21/46, op. cit., § 22. 286 SUBOTIĆ (J.), « Bargaining justice. A theory of transitional justice compliance », in BUCKLEY-ZISTEL (S.) et al., dir., Transitional justice theories, Routledge, Abingdon, New York, 2014, p. 134. 287 Voir dans le même sens BORAINE (A. L.), « Transitional justice : a holistic interpretation », Journal of International Affairs, vol. 60, n° 1, 2006, pp. 17-27. 84 122. L’approche holiste de la justice transitionnelle dépasse en effet l’interdépendance de la vérité, de la justice, des réparations et des garanties de non-répétition pour aborder la portée de chacun de ces piliers. Il s’agit alors d’aborder de façon globale, non plus la réponse apportée aux conséquences des conflits, mais les causes des conflits elles-mêmes. Cette approche de la justice transitionnelle vise alors à reconnaître « the underlying importance of structural violence to any project of transition »288, impliquant que cette justice « expand to incoporate social justice »289 dans le but de répondre a « a much broader range of harms »290. Là où l’interdépendance évoquée plus tôt implique une systématisation de la justice transitionnelle dans sa forme, cette dernière approche implique une expansion de son objet. La question qui se pose alors est celle de la limite à cette expansion. En effet, « broadening the scope of what we mean by transitional justice to encompass the building of a just as well as peaceful society may make the effort so broad as to become meaningless »291. L’expansion de la justice transitionnelle apparaît donc comme risquée (Section II). Section I L’interdépendance des composantes de la justice transitionnelle 123. La justice transitionnelle s’est initialement déployée dans des contextes caractérisés par l’adoption d’amnisties générales. Cette justice est alors considérée comme un palliatif à l’indisponibilité de la justice pénale, et sa mise en œuvre est marquée par la perception d’une opposition entre la paix et la justice292. L’évolution de la réflexion sur la justice transitionnelle et de la pratique des organisations internationales a modifié cet état de fait. Le rejet des amnisties couvrant les crimes internationaux par l’ONU en 1999, à l’occasion de la signature de l’accord de paix de Lomé293, suivi de l’invalidation générale des amnisties par la Cour 288 TURNER (C.), « Transitional justice and critique », in BUCKLEY-ZISTEL (S.) et al., dir., Transitional justice theories, Routledge, Abingdon, New York, 2014, p. 61. 289 Ibid. 290 Ibid. 291 ROHT-ARRIAZA (N.), « The new landscape of transitional justice », in MARIEZCURRENA (J.), ROHTARRIAZA (N.), Transitional justice in the twenty first century, beyond truth versus justice, Cambridge University Press, New York, 2006, p. 2. 292 Voir HAZAN (P. ), « Les dilemmes de la justice transitionnelle », Mouvements, 2008/1, n° 53, pp. 41-47. 293 Voir la mention rajoutée par le Représentant spécial du Secrétaire général à sa signature de l’accord de Lomé, précisant que l’ONU ne s’estime pas liée par l’amnistie en ce qu’elle recouvre les crimes internationaux. « Peace agreement between the Government of Sierra Leone and the Revolutionary United Front (Lome peace agreement) », Lomé, Togo, 7 juillet 1999. 85 interaméricaine des droits de l’homme294 ont permis le retour de la justice pénale dans les contexte de post-conflit et sa réintégration à la justice transitionnelle. Ce retour de la justice pénale dans les contextes de post-conflit a ainsi permis de concrétiser l’approche déjà adoptée par Louis Joinet dans son rapport de 1997, et qui envisage la lutte contre l’impunité de façon globale. Comme l’a exprimé quelques années plus tard le Secrétaire général dans son rapport de 2004 : « [la] justice et la paix ne sont pas des objectifs antagonistes; au contraire, convenablement mises en œuvre, elles se renforcent l’une l’autre. La question n’est donc en aucun cas de savoir s’il convient de promouvoir la justice et d’établir les responsabilités, mais bien de décider quand et comment le faire. »295 124. Le dépassement du dilemme paix contre justice a eu un double impact sur la justice transitionnelle. D’un point de vue théorique, il a réhabilité l’approche fondée sur une interdépendance des piliers de la justice transitionnelle (§ 1). De cette interdépendance a rapidement émergé l’idée que les mécanismes de justice transitionnelle ne pouvaient, individuellement, avoir qu’une « portée limitée »296. Il en découle, d’un point de vue opérationnel, l’interdépendance des mécanismes de justice transitionnelle (§ 2). §1/L’interdépendance des piliers de la justice transitionnelle 125. L’arrêt Velasquez Rodriguez de la Cour interaméricaine des droits de l’homme est considéré comme présentant la première formulation des principes de la justice transitionnelle. La Cour y affirme que « [the] State has a legal duty to take reasonable steps to prevent human rights violations and to use the means at its disposal to carry out a serious investigation of violations committed within its jurisdiction, to identify those responsible, to impose the appropriate punishment and to ensure the victim adequate compensation. »297 294 Dans sa décision Barrios Altos c. Pérou, la CIADH a considéré que les amnisties étaient contraires à la convention américaine relative aux droits de l’homme, position systématiquement réaffirmée depuis. Voir CIADH, Barrios Altos v. Peru, séries C No. 83, 3 septembre 2001, §§ 41-44. Voir également l’une des plus célèbre application de cette interdiction, car appliquée à une amnistie adoptée par référendum : CIADH, Gelman c. Uruguay, fond et réparations, séries C No. 221, 24 février 2011. 295 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, § 21 296 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, A/HRC/21/46, op. cit., § 22. 297 CIADH, Velasquez-Rodriguez v. Honduras, séries C No.4, 29 juillet 1988, § 174. Voir également TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 317-319. 86 De cette phrase ont été déduits les quatre piliers de la justice transitionnelle que Louis Joinet a systématisé dans son rapport sur la « Question de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme »298. Ces piliers représentent le fondement théorique de la justice transitionnelle onusienne. Bien qu’ayant chacun leur sens propre, ces quatre piliers – le droit à la vérité (A), le droit à la justice (B), le droit à réparation (C) et les garanties de nonrépétition (D) – apparaissent fortement imbriqués. A) Le droit à la vérité 126. Le droit à la vérité s’est initialement développé dans le contexte assez spécifique des disparitions forcées. Ainsi, les résolutions adoptées par l’Assemblée générale entre 1978 et 1993 concernant cette pratique299 fondent, selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, la « base légale »300 de ce droit. Lui-même issu du droit international humanitaire301, le principe selon lequel les familles des disparus possèdent un droit d’obtenir des informations sur le sort de ces derniers a fait l’objet d’une grande attention de la part de l’ONU et des ONG. Cet activisme a abouti à l’adoption de la déclaration, puis de la convention relatives à la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées302. Ces textes reflètent l’intégration du droit à la vérité en droit international, puisque absent de la déclaration de 1992, il est expressément reconnu par la convention de 2006303. Cette origine du droit à la vérité explique en partie la position adoptée par les acteurs onusiens quant à ce droit. En effet, l’action pour la protection des personnes contre les disparitions forcées s’est développée presque exclusivement dans les contextes latino-américain. La pratique étendue des disparitions forcées par les dictatures latino-américaine a incité les institutions interaméricaines de protection des droits de l’Homme à adopter une approche de précurseur 298 « Principes Joinet », op. cit. Voir A/RES/33/173 (1978) ; A/RES/45/165 (1990) et A/RES/47/132 (1993). 300 HCDH, UN Doc. E/CN.4/2006/91, Étude sur le droit à la vérité. Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 8 février 2006 (ci-après HCDH, « étude sur le droit à la vérité »). 301 Le protocole additionnel aux Conventions de Genève sur la protection des victimes de conflits armés internationaux s’attache ainsi, dans son article 32 au « droit qu'ont les familles de connaître le sort de leurs membres ». Voir Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977, art. 32. 302 A/RES/47/133 (1993), Déclaration pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ; Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, entrée en vigueur le 23 décembre 2010, A/RES/61/177 (2006). Sur cette question voir notamment NAFTALI (P. ), La construction du ‘droit à la vérité’ en droit international, thèse de doctorat, Bruylant, Bruxelles, 2017, pp. 285298. 303 Ibid., préambule et art. 24 (2) reconnaissant le droit des victimes « de savoir la vérité » sur le sort de leurs parents. 299 87 dans ce domaine, s’écartant du droit international général pour créer un régime adapté au contexte régional. Le rapprochement onusien de cette position s’explique en partie par l’influence exercée par l’expert français Louis Joinet sur le développement du droit à la vérité onusien. Cette position s’est en effet largement fondée sur le rapport de M. Joinet pour la lutte contre l’impunité, lui-même inspiré de son expérience dans le domaine des disparitions forcées, notamment en tant qu’expert ayant joué un rôle majeur dans l’adoption de la déclaration de 1992304. 127. Le droit à la vérité s’est vu étendu à toutes les violations des droits de l’Homme à travers les principes Joinet305, confirmés lors de leur mise à jour par l’experte Diane Orentlicher306. Ce droit fait désormais partie intégrante du droit au recours pour les victimes de violations des droits de l’Homme, correspondant, dans l’approche onusienne, à une obligation de l’État d’enquêter sur les violations commises et de rendre publics les résultats de ces enquêtes307. L’ONU a également intégré dans le droit à la vérité des obligations que l’on pourrait qualifier de mémorielles et qui lient ce droit aux obligations des États en termes de réparations et de garanties de non-répétition. Il comprendrait ainsi pour l’État une obligation de préserver les archives liées aux violations commises et d’assurer que le public puisse y avoir accès. Or, ces types de mesures rejoignent celles qui sont ordonnées par les institutions interaméricaines de protection des droits de l’Homme au titre des garanties de non-répétition que l’État se doit d’offrir aux victimes et à la société308. 128. Le droit à la vérité, ou en tout cas l’obligation pour l’État de déployer tous les moyens en sa possession pour que la vérité sur les violations passées soit établie et diffusée, est considéré comme constituant une réparation en soi. Il est abordé comme un moyen de 304 Voir DE FROUVILLE (O.), « La convention des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées : les enjeux juridiques d’une négociation exemplaire – Première partie : les dispositions substantielles », Droits fondamentaux, n° 6, 2006, 92 p. 305 La Commission interaméricaine a suivi de près cette évolution en la consacrant dès l’affaire Ignacio Ellacuria et al. c. Salvador. Voir Com inter-Am. D.H., Ignacio Ellacuria et al. c. Salvador, affaire 10.488, rapport n°136/99, 22 décembre 1999, § 221. 306 ECOSOC, UN Doc. E/CN.4/2005/102/Add.1, 8 février 2005, Rapport de l’experte indépendante chargée de mettre à jour l’Ensemble de principes pour la lutte contre l’impunité, Diane Orentlicher. Ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité, (ci-après « principes Orentlicher »). 307 UN Doc. A/HRC/5/7, « Application de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale du 15 mars intitulée ‘Conseil des droits de l’homme’. Le droit à la vérité. Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme », 7 juin 2007 (ci-après « rapport du HCDH sur le droit à la vérité, 2007 ») et « principes Orentlicher », op. cit. Il faut noter ici que la Commission interaméricaine va plus loin que cette approche en intégrant dans le droit à la vérité l’obligation d’identifier les responsables et de rendre les noms publics. Voir Com.Inter-am.D.H., Carmelo Soria Espinoza c. Chili, affaire 11.725, rapport n°133/99, 19 novembre 1999, § 103. 308 Voir CIADH, Gelman c. Uruguay, fond et réparations, séries C No. 221, 24 février 2011, §§ 250-282. 88 soulager les familles et les victimes directes de l’oppression que représente pour eux l’ignorance du sort de leurs proches et la négation des souffrances endurées, c'est-à-dire de leurs statut même de victime. 129. Par le biais du droit à la vérité vu comme réparation, on voit poindre une des questions majeures de la nature de ce droit, à savoir s’il constitue un droit individuel ou collectif. Si les cas de disparitions forcées concernaient initialement essentiellement les familles des disparus, elles-mêmes victimes directes du crime de disparition forcée309, leur commission dans le cadre de politiques étatiques, aux côtés de nombreuses autres violations des droits de l’Homme a incité les organes interaméricains et l’ONU à envisager le tort causé par ces crimes à la société dans son ensemble, dont n’importe lequel de ses membres pourrait demander réparation. Le HCDH, en accord avec la CIADH, reconnaît ainsi la dualité du droit à la vérité, tout à la fois droit individuel et collectif310. L’approche collective de ce droit dépasse cependant la définition classique de cette expression, dans la mesure où l’approche transformatrice de la justice transitionnelle s’y trouve ancrée, visant à ce qu’une société ai le droit de vivre dans un état de droit. B) Le droit à la justice 130. Étant donné l’ancrage de la justice transitionnelle au sein de la lutte contre l’impunité et son caractère victimo-centré, il était naturel que le droit à la justice en constitue un fondement. Intimement lié au droit des victimes à réparation311, le droit à la justice onusien s’est principalement développé au travers de deux séries de principes adoptés par les organes de l‘Organisation. Développés et adoptés de façon parallèle, les « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire »312, finalisés par Cherif Bassiouni, et « l’Ensemble de principes pour la protection 309 Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, op. cit., art. 24 (1). Voir HCDH, « étude sur le droit à la vérité » et « principes Orentlicher », op. cit. 311 AMBOS (K.), « The legal framework of transitional justice », op. cit., p. 30 ; TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 323-325. 312 A/RES/60/147 (2006), « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire. Pour une analyse approfondie de ces principes et de l’historique de leur création voir : D’ARGENT (P. ), « Le droit de la responsabilité internationale complété ? Examen des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et de violations graves du droit international humanitaire », AFDI, vol. 51, 2005, pp. 27-55. 310 89 et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité » de Louis Joinet, incarnent aujourd’hui la position onusienne vis-à-vis du droit à la justice. Il faut d’ores et déjà noter que ces principes n’ont de valeur obligatoire qu’en ce qu’ils reprennent des normes coutumières. 131. Cette position reflète parfaitement la dualité du droit à la justice, comportant l’obligation pour les États de poursuivre les violations des droits de l’Homme et le droit au recours des victimes313. Elle reflète également l’attachement de la justice transitionnelle onusienne, à travers la lutte contre l’impunité, à la place des victimes et à la centralité de la justice dans la réconciliation et la transition vers l’état de droit314. Il en découle que ces principes, au-delà de la confirmation des règles de droit international concernant le droit au recours, adoptent une position résolument novatrice, relevant le plus souvent de la lege feranda315. Ainsi si le droit des victimes à un recours effectif est bien ancré en droit international316, la possibilité pour celles-ci de participer au procès, notamment en se constituant partie civile, relève plus de la recommandation que du droit317. Il faut toutefois noter à cet égard que la justice internationale pénale s’achemine progressivement vers une plus grande implication des victimes dans le procès318. D’autres mesures telles que la possibilité de procès in abstentia, l’inamovibilité des juges, l’encadrement strict des mesures de repentir ainsi que de l’asile ou encore la limitation du recours aux tribunaux militaires montrent que le droit à la justice onusien concerne non seulement l’accès des victimes à la justice mais également la bonne administration de la justice. On retrouve ainsi à travers le droit à la justice le caractère global de l’approche onusienne et sa tendance transformatrice, présente dans tous les aspects de la justice transitionnelle. 313 L’obligation pour les États de poursuivre les violations des droits de l’Homme et le droit au recours des victimes constituent respectivement les premier et deuxième alinéas du principe général sur le droit à la justice tel que présenté par Louis Joinet et Diane Orentlicher. Voir « principes Orentlicher », op. cit., principe 19. 314 Louis Joinet écrivait ainsi « qu’il n’est pas de réconciliation juste et durable sans que soit apportée une réponse effective au besoin de justice ». Voir « principes Joinet », op. cit., § 26. 315 Les remarques de Pierre D’Argent sont, à cet égard, applicables aux principes de Louis Joinet et de Diane Orentlicher. Voir D’ARGENT (P.), « Le droit de la responsabilité internationale complété ? », op. cit., pp. 34-36. 316 C’est ce dont témoigne la formulation affirmative, représentant la formulation d’une obligation préexistante en droit international, adoptée par les principes fondamentaux sur le droit au recours sur ce sujet. Ibidem, p. 36 et A/RES/60/147, op. cit., principe VII. 12. 317 « Principes Joinet », op. cit., principe 18 al. 2. et « principes Orentlicher », op. cit., principe 19 al. 2. 318 Les CETC permettent ainsi la constitution de partie civile pour les victimes concernées. Le TSL reprend pour sa part la formulation du statut de Rome concernant la participation des victimes, à savoir que « [lorsque] les intérêts personnels des victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, à des stades de la procédure qu’elle estime appropriés et d’une manière qui n'est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial. ». Statut de Rome, op. cit., art. 68. 3. Cette dernière reste cependant l’unique juridiction pénale internationale à prévoir des réparations pour les victimes. Voir également CETC, règlement intérieur, règles 23 et s. ; S/RES/1757 (2007), annexe, Statut du Tribunal Spécial pour le Liban, art. 17 (ci-après « statut du TSL »). 90 C) Le droit à réparation 132. Le droit à réparation occupe une place particulière au sein de la justice transitionnelle onusienne. Comme le note le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, les réparations sont « les seules [mesures] destinées à profiter directement aux victimes »319. La délimitation du droit à réparation est toutefois extrêmement complexe, tant il est changeant. Son principe fondateur est pourtant d’une grande simplicité. Louis Joinet le résume ainsi : « [toute] violation d'un droit de l'homme fait naître un droit à réparation en faveur de la victime ou de ses ayants droit qui implique, à la charge de l'Etat, le devoir de réparer et la faculté de se retourner contre l’auteur. »320 La complexité d’assurer l’effectivité de ce droit dans les contextes de transition, du fait du nombre élevé de victimes, de la nature des crimes commis et des capacités souvent limitées des États concernés, a mené à une extension quasi-illimitée du droit à réparation au travers de ses modalités d’application. 133. Dans leurs rapports, Theo Van Boven et Louis Joinet ont divisé ces modalités en deux catégories, la première attachée aux réparations individuelles et la deuxième aux réparations collectives. Les modalités prévues pour la dimension individuelle des réparations sont l’indemnisation, la restitution et la réadaptation321. Les réparations collectives s’effectuent, pour leur part, essentiellement sous les formes de la satisfaction et des garanties de nonrépétition322. Il faut toutefois noter que Louis Joinet entretient une ambiguïté concernant les garanties de non-répétition, dans la mesure où celles-ci sont traitées, dans les principes, à part des réparations mais y sont intégrées dans le rapport précédant les principes en eux-mêmes323. Enfin, les « principes fondamentaux » adoptés par l’Assemblée générale abandonnent formellement la distinction entre réparations individuelles et collectives, tout en conservant les cinq modes prévus par les principes Van Boven et Joinet324. 319 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/69/518, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 14 octobre 2014, § 10. 320 « Principes Joinet, op. cit., principe 33. 321 Voir ECOSOC, UN Doc. E/CN.4/Sub.2/1996/17, L'administration de la justice et les droits de l'homme des détenus. Ensemble révisé de principes fondamentaux et de directives concernant le droit à réparation des victimes de violations flagrantes des droits de l'homme et du droit humanitaire, établi par M. Theo van Boven en application de la décision 1995/117 de la Sous-Commission, 24 mai 1996 (principes Van Boven), §§ 12-14 ; « principes Joinet », op. cit., § 41. 322 Ibid., respectivement § 15 et §§ 42-43 et principe 36. 323 Ibid. 324 A/RES/60/147 (2006), op. cit., §§ 18-23. 91 134. Même si l’on excepte les garanties de non-répétition – généralement considérées de façon autonomes dans le cadre de la justice transitionnelle onusienne325 –les réparations telles qu’envisagées par les « principes fondamentaux » « recoupent le principe général [(« holistic notion »)] de justice transitionnelle qui a été adopté par le système des Nations unies »326. Les modalités de réparation dépassent en effet très largement le droit international de la responsabilité dont elles sont inspirées327. Si l’ajout de la réadaptation est sans grande conséquence, tant cette modalité s’apparente « à une forme particulière de restitution »328, la notion de satisfaction connaît une évolution conséquente. Tout d’abord, elle est considérée comme un mode de réparation par défaut dans le droit international de la responsabilité329, approche abandonnée tant par les « principes fondamentaux »330 que par les acteurs onusiens. Le HCDH considère même qu’il « est obligatoire de prévoir ces cinq types de mesures »331 (c’est-à-dire l’indemnisation, la restitution, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-répétition). Ensuite, la transposition de la satisfaction du droit international de la responsabilité au droit international des droits de l’Homme – impliquant en l’occurrence la substitution, comme récipiendaire, de l’individu à l’État – a élargi le spectre des mesures que ce mode de réparation comprend. En y incluant des mesures telles que la « [vérification] des faits et [la] divulgation complète et publique de la vérité »332, les « [décisions] de justice rétablissant la victime et les personnes qui ont un lien étroit avec elle dans leur dignité, leur réputation et leurs droits »333 ou encore les « [sanctions] judiciaires et administratives à l’encontre des personnes responsables des violations »334, les « principes fondamentaux » créent un lien évident entre le droit à réparation, le droit à la vérité et le droit à la justice. Le rapprochement de la satisfaction et des garanties de non-répétition rend d’ailleurs 325 Voir infra, D). Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/69/518, op. cit., § 20. Le même constat est effectué dans la publication du HCDH portant sur les réparations. Ceci est toutefois naturel dans la mesure où la publication en question a été rédigée par Pablo de Greiff avant qu’il ne soit nommé Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle. Voir HCDH, HR/PUB/08/1, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Programmes de réparation », 2008, p. 11. 327 Voir infra, titre 2, chapitre 1. 328 D’ARGENT (P. ), « Le droit de la responsabilité internationale complété ? », op. cit., p. 52. 329 La Commission du droit international (CDI) précise dans son projet d’article sur la responsabilité des États qu’un dommage peut être réparé par la satisfaction « dans la mesure où il ne peut pas être réparé par la restitution ou l’indemnisation ». CDI, UN Doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2), Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, 2001, art. 37. 1. 330 A/RES/60/147 (2006), op. cit.,§ 18. 331 HCDH, HR/PUB/08/1, « Programmes de réparation », op. cit., p. 11. 332 A/RES/60/147 (2006), op. cit., § 22 b). 333 Ibid., § 22 d). 334 Ibid. § 22 f). 326 92 l’autonomisation de ces dernières au sein de la justice transitionnelle onusienne en grande partie illusoire335. 135. L’étendue du droit à réparation tel qu’envisagé par les « principes fondamentaux » consacre une approche des réparations au diapason de l’approche onusienne de la justice transitionnelle. Le droit à réparation incarne même, à lui seul, la vision holiste de cette justice. Cette particularité présente toutefois des problèmes d’un point de vue opérationnel. Notant que « the five categories go well beyond the mandate of any reparation programme to date »336, le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle a préféré adopter une approche plus restrictive des réparations, ne désignant que « the set of measures that can be implemented in order to provide benefits to victims directly. »337 On devine derrière cette délimitation relativement floue un retour aux trois modalités de réparation initialement envisagées pour les réparations individuelles. D) Les garanties de non-répétition 136. Les garanties de non-répétition font partie de ce que l’on pourrait appeler « la structure normative de la justice transitionnelle »338. Leur place au sein de cette structure est pourtant variable, étant considérée alternativement comme une obligation à part entière ou comme une forme de réparation. Cette dernière approche est celle qui a été choisie pour les « Principes fondamentaux »339. Ce choix est tout à la fois contestable et révélateur de la visée transformatrice des réparations comprises au sein de la justice transitionnelle onusienne. 137. Le placement des garanties de non-répétition en tant que réparation est contestable en ce qu’elles ne visent pas à « effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si [l’acte] n’avait pas été commis », selon la célèbre expression de la Cour permanente de justice internationale (CPJI)340. En effet, constituées par 335 Voir D’ARGENT (P. ), « Le droit de la responsabilité internationale complété ? », op. cit., p. 52. Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/69/518, op. cit., § 21. 337 Ibid. 338 Expression empruntée à TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., p. 317. On retrouve d’ailleurs ces garanties de non-répétition dans la dénomination officielle du rapporteur spécial de l’ONU sur la justice transitionnelle aux côtés de la vérité, de la justice et des réparations. Voir A/HRC/RES/18/7, Special Rapporteur on the promotion of truth, justice, reparation and guarantees of non-recurrence, 13 octobre 2011. Ces garanties sont également inclues dans les piliers Joinet, fondement essentiel de cette structure normative. Voir « principes Joinet », op. cit., § 43. 339 A/RES/60/147, op. cit., § 18. 336 340 CPJI, Usine de Chorzów, fond, arrêt, Série A, n° 17, 13 septembre 1928, p. 47. 93 des mesures telles que le contrôle des forces armées, l’indépendance du pouvoir judiciaire ou encore la résolution des conflits sociaux341, les garanties de non-répétition présentent un caractère préventif, c’est-à-dire tourné vers l’avenir et non vers la réparation d’une violation passée342. La pratique onusienne de la justice transitionnelle tend à envisager ces garanties de façon autonome. Le mandat du Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle confirme cette approche dans la mesure où il inclut les réparations et les garanties de non-répétition, indiquant que celles-ci sont distinctes de celles-là. 138. Les garanties de non-répétition sont également révélatrices du caractère transformateur des réparations telles qu’envisagées par la justice transitionnelle343. Le parallèle avec leur visée dans le régime de la responsabilité internationale des États est parlant à cet égard. Elles ambitionnent dans ce cas à « rétablir la confiance dans une relation continue »344 par la fourniture d’assurances du respect futur des obligations liant l’État responsable et l’État lésé. La notion de « confiance » est d’une particulière importance ici dans la mesure où, si elle implique dans le cadre de la responsabilité internationale de l’État la simple assurance du respect futur des obligations internationales liant l’État responsable et l’État lésé, sa portée s’accroit lorsque transposée dans le cadre interne. En effet, évoquer la confiance entre un peuple et son État, c'est-à-dire ses institutions étatiques, revient à lier la question des réparations avec celles de la bonne gouvernance. On retrouve ici le discours lié à la réconciliation nationale envisagée comme la réconciliation de la population avec l’appareil étatique345. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme aborde d’ailleurs les réparations 341 A/RES/60/147, op. cit., § 23. Notons à cet égard que le contenu des garanties de non-répétition est légèrement différent dans la définition adoptée dans le cadre des Principes pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité de L. Joinet et D. Orentlicher. Ceux-ci incluent dans ces garanties la réforme des institutions de l’État, la dissolution et la réintégration des groupes armés ainsi que la réforme des lois et institutions contribuant à l’impunité. Voir « principes Orentlicher », op. cit., principes 36 à 38. 342 C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les garanties de non-répétition ont été exclues des formes de réparation dans la version finale du projet d’article de la CDI sur la responsabilité internationale de l’État. Voir D’ARGENT (P. ), « Les réparations de guerre en droit international public. », op. cit., pp. 677-680. Le Secrétaire général de l’ONU a également adopté cette approche en rattachant les garanties de non-répétition à une « duty of prevention ». Voir SGNU, « Guidance note of the Secretary-General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., p. 4. Le commentaire de la CDI sur ce point révèle cette particularité en notant que, concernant les garanties de non-répétition « l’accent est mis sur le respect futur d’une obligation et non pas sur sa violation passée ». CDI, UN Doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2), Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, 2001, op. cit., § 11. 343 Voir à cet égard GUTTIERREZ RAMIREZ (L.-M.), « Les réparations ‘transformatrices’ – Une nouvelle approche des réparations dans la justice transitionnelle », Revue trimestrielle des droits de l’homme, vol. 98, 2014, pp. 430-434. 344 Ibidem, p. 237. 345 Diane Orentlicher parle à cet égard « de rétablir ou instaurer la confiance de la population dans ses institutions publiques » par le biais des garanties de non-répétition. Voir « principes Orentlicher », op. cit., principe 35. 94 comme constituant « a call for the state to be moral, integrative and human. Politics and legality is necessary but healing, recovering, humanizing and reconciliation is at the heart of a reparations program and policy. »346 139. À travers leur caractère transformateur et leur absence de délimitation claire, les garanties de non-répétition représentent une ouverture quasi-illimitée de la justice transitionnelle. L’ambition transformatrice des droits à la justice, à la vérité et à réparation est tournée vers le passé. Par l’application de ces droits, les autorités de la transition ou de la post-transition montrent qu’elles souhaitent rompre avec les pratiques passées en reconnaissant leurs effets et en effaçant, tant que faire se peut, les préjudices qu’elles ont causé. Les garanties de non-répétition dépassent cet aspect symbolique en concrétisant l’engagement des autorités par le biais de changements structurels au sein de l’État. L’étendue de ces changements n’est alors plus fonction des violations passées mais plutôt des aspirations politiques en termes de bonne gouvernance. 140. Les piliers de la justice transitionnelle présentent bien une interdépendance théorique. Il peut être considéré que les interconnexions entre ces droits confèrent à la justice transitionnelle une certaine cohérence. Toutefois, cette cohérence peut être mise en danger par une extension parfois illimitée de la portée de ces piliers. C’est alors par le biais de ses mécanismes que la justice transitionnelle peut retrouver une délimitation nécessaire. Leur interdépendance représente alors la continuité de celle des piliers et joue le même rôle en faveur d’une approche cohérente et holiste de la justice transitionnelle. 346 Fonds de consolidation de la paix (FCP), Projet PBF-NPL-E-1, « Fairness and efficiency in reparations to conflict affected persons », tous les projets du FCP sont disponible sur le site qui lui est dédié : http://www.unpbf.org. 95 §2/L’interdépendance des mécanismes de justice transitionnelle 141. Les prémices de l’action onusienne dans le domaine de la justice transitionnelle sont moins marquées par une volonté d’appliquer une doctrine de cette justice, d’ailleurs encore inexistante, que de réagir au mieux aux défis novateurs proposés par la sortie de conflits internes. Dans le même temps, la réflexion sur les transitions347 et la « troisième vague »348 de démocratisations se développent et des « recettes »349 de transition réussie commencent à voir le jour, au sein desquelles les mécanismes de justice transitionnelle occupent une place importante. C’est dans ce contexte que l’ONU a entamé une réflexion sur la réforme du maintien de la paix, à l’initiative de son Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali. Cette réforme connaîtra son apogée, en termes de justice transitionnelle, sous l’administration de Kofi Annan dans les années 2000. C’est ainsi que l’action de l’ONU, initialement focalisée sur la réponse, par le biais de mécanismes créés de façon ponctuelle pour répondre à des problèmes d’ordre pratique (A), a progressivement évolué vers l’application de stratégies globales de justice transitionnelle (B). A) La vision initiale de mécanismes ponctuels L’absence de doctrine concernant la justice transitionnelle ainsi que de recul suffisant quant aux expériences passées a fortement impacté les débuts de l’action de l’ONU dans ce domaine. Il en est résulté une implication profondément conditionnée par les contraintes contextuelles (1). De l’adaptation à ces contraintes a émergé une action bien plus réactive que proactive (2). 347 Voir ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle. op. cit., pp. 24-29. L’ouvrage référence de Neil Kritz est ainsi publié en 1995. Voir KRITZ (N.), Transitional justice. op. cit. 348 HUNTINGTON (S.), The third wave, op. cit. Cet ouvrage traite d’ailleurs des choix effectués par les sociétés en transition concernant le traitement des crimes du passé, en opposant celui de « prosecute and punish » à celui de « forgive and forget ». Ibid. pp. 211-231. 349 ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle, op. cit., p. 28. 96 1. Les contraintes contextuelles de l’action initiale onusienne 142. Durant la décennie quatre-vingt-dix, la justice transitionnelle a essentiellement été considérée comme une solution « par défaut »350, c'est-à-dire comme palliatif à la défaillance du système judiciaire. Cette défaillance pouvait être due au trop grand nombre de victimes et d’inculpés potentiels, comme dans le cas de la Sierra Léone, ou encore au contexte politique et militaire, rendant des procès trop risqués pour la sécurité nationale, comme ce fut le cas au Salvador et au Guatemala. Moins définie dans ses modalités de fonctionnement et moins contraignante dans ses sanctions, la justice transitionnelle représentait alors une « boîte à outil »351 plus adaptable aux contextes nationaux que l’organisation de procès pénaux. En ce sens, elle apparaissait comme assurant l’équilibre entre le réalisme politique et le traitement des crimes passés. 143. Cette caractéristique de la justice transitionnelle s’oppose, initialement du moins, à la construction d’une idéologie globalisée de la transition et du traitement des crimes passés. Puisque « [what] is fair and just in extraordinary political circumstances was to be determined from the transitional position itself »352 et que les piliers de la justice transitionnelle n’étaient fixés ni normativement, ni idéologiquement, la création de mécanismes de justice transitionnelle ne pouvait pas s’inscrire dans une stratégie globale. Cette justice était alors maniée de façon plus réactive que proactive. La nouvelle « doxa »353 initiée par l’immense influence de la Commission vérité et réconciliation sud africaine et recréant autour de ces commissions un idéal de justice, a pu nuancer ce constat au cours de la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix. Les commissions vérité sont alors progressivement apparues non comme une réaction à l’impossibilité ou la non pertinence de procès pénaux mais comme une forme alternative de justice, construite sur le modèle de la justice restauratrice. 350 HAZAN (P.), Juger la guerre juger l’histoire, op. cit., p. 49. BRISSET-FOUCAULT (F.), GANDAIS-RIOLLET (N.), LIPIETZ (A.) et NICOLAÏDIS (D.), « Vérité, justice, réconciliation ou comment concilier l’inconciliable », Mouvements, 2008/1, n° 53, p. 11. 352 TEITEL (R.), « Transitional justice genealogy », Harvard Human Rights Journal, vol. 16, 2003, p. 76. 353 HAZAN (P.), Juger la guerre, juger l’histoire, op. cit., pp. 57-60. 351 97 2. Le caractère réactif de la justice transitionnelle onusienne 144. La fin de la guerre froide et du blocage du Conseil de sécurité a permis aux Nations Unies de s’impliquer progressivement dans les conflits internes et de promouvoir au sein des États sortant de conflit une vision désormais unifiée des droits de l’Homme. C’est ainsi que les négociateurs onusiens ont abordé les négociations de paix au Salvador. Si la focalisation du premier accord entre le gouvernement salvadorien et le Front du mouvement national libération (FMNL) sur les droits de l’Homme reflétait les préoccupations principales de l’Organisation, c’est le second accord, signé à Mexico le 27 avril 1991354, qui a marqué sa première implication dans un mécanisme de justice transitionnelle. L’article IV de l’accord prévoit en effet la création d’une « Commission de la vérité », dont les commissaires seraient désignés par le Secrétaire général de l’ONU et qui bénéficierait de l’appui de l’Opération des Nations Unies au Salvador (ONUSAL), opération de maintien de la paix chargée de vérifier l’application des accords355. Le choix d’une commission vérité comme premier mécanisme de justice transitionnelle prévu dans les accords de paix salvadoriens montre l’ancrage contextuel des choix de ces mécanismes. En effet, l’ONU n’a soutenu que peu de commissions vérités durant la décennie quatre-vingt-dix. Seuls le Salvador, le Guatemala et Haïti ont vu l’Organisation soutenir ou participer au travail de telles commissions356. La concentration géographique de ces États n’est pas un hasard. L’Amérique latine a en effet été marquée par l’expérience de la commission vérité argentine (CONADEP) et les commissions vérité étaient alors considérées comme un particularisme latino-américain357. 145. Durant la décennie quatre-vingt-dix, l’action de l’ONU a été partagée entre une lutte naissante contre l’impunité et un recours encore très régulier aux amnisties. Celles-ci étaient alors le mécanisme de traitement des crimes passés le plus souvent inséré dans les accords de paix358. Du côté de la lutte contre l’impunité, l’action de l’ONU s’est essentiellement limitée à l’instauration des deux TPI pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR). Les actions menées par les opérations de maintien de la paix et les missions politiques spéciales 354 « Mexico agreements », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, Mexico City, Mexique, 27 avril 1991. Voir annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. 355 Voir S/RES/693 (1991). 356 Le statut de la Commission vérité et réconciliation de Sierra Léone, prévue par l’accord de Lomé du 7 juillet 1999 n’a été adopté que le 20 février 2000. 357 Ce particularisme s’efface à partir de la CVR d’Afrique du Sud dans la pratique de la justice transitionnelle. Il a toutefois perduré jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix en ce qui concerne l’action de l’ONU dans ce domaine. 358 Voir Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle et le graphique l’accompagnant. 98 concernant la lutte contre l’impunité ont consisté à appuyer ces tribunaux359. Il est notable que la lutte contre l’impunité était alors perçue de façon exclusivement punitive et judiciaire. Aucun mécanisme extrajudiciaire de justice transitionnelle n’a été prévu en parallèle des TPI. 146. Il faut également se garder de voir en ces tribunaux une nouvelle idéologie de lutte contre l’impunité de la part de l’ONU. On remarque ainsi que, parallèlement à leur instauration, l’ONU a soutenu le processus de transition salvadorien, marqué par la commission vérité et l’adoption d’une amnistie générale. Il ressort de ces remarques que durant ses prémices, l’action onusienne en matière de justice transitionnelle était orientée vers le traitement des criminels – qu’il s’agisse de les juger ou de les amnistier – plutôt que des victimes. La recherche de la vérité et les programmes de réparations ont été minoritaires et une part plus conséquente a été accordée au jugement, à l’amnistie ou à l’exclusion des anciens criminels de la fonction publique, via les programmes de lustration. 147. Tout en notant que l’ONU semblait traiter la lutte contre l’impunité de façon parcellaire et dans une optique plus respectueuse de la realpolitik que d’une idéologie de la transition, il faut garder à l’esprit que l’Organisation avançait en terrain inconnu. L’Agenda pour la paix de Boutros Boutros-Ghali l’avait mise sur la voie de l’approche globale du maintien de la paix en insérant le concept de consolidation de la paix360, les principes Joinet n’étaient qu’en cours de développement et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme venait tout juste d’être créé361. Les actions en termes de justice transitionnelle étaient encore très minoritaires au sein de l’action globale des Nations Unies pour le maintien de la paix362. 359 voir Annexes II, opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle et Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 360 SGNU, UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix, op. cit., §§ 55-59. 361 AGNU, UN Doc. A/RES/48/141 (1994), Haut-Commissaire chargé de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme. 362 Voir Annexe IV, Synthèse de l’action des opérations de paix dans le domaine de la justice transitionnelle. 99 B) Le développement de stratégies globales de justice transitionnelle 148. Ruti Teitel considère qu’à partir des années deux-mille, la justice transitionnelle s’est normalisée et s’est étendue, passant de la « periphery to the centre »363. Cette remarque vaut en partie pour l’ONU, bien que cette stabilisation de la justice transitionnelle ait été le fruit d’une évolution et non d’un passage instantané. Notons que la décennie deux-mille a marqué l’entrée officielle de la justice transitionnelle dans le discours onusien à travers, notamment, le rapport du Secrétaire général sur « l’état de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit»364. On peut remarquer que l’expression même de « justice transitionnelle » n’était pas encore consacrée dans la version française, alors que la version anglaise du rapport visait bien la « transitional justice »365. 149. L’expansion de la justice transitionnelle onusienne s’est matérialisée par deux aspects, l’un quantitatif, l’autre qualitatif. Quantitativement, l’ONU a recouru de plus en plus souvent à la justice transitionnelle. L’étude des actions des opérations onusiennes montre qu’à partir des années deux-mille, la majorité d’entre elles a conduit une ou plusieurs actions entrant dans le champ de la justice transitionnelle366. Qualitativement, la justice transitionnelle s’est complexifiée et densifiée. Durant les années quatre-vingt-dix, les seuls mécanismes coexistant fonctionnaient sans réelle interaction. Ainsi en allait-il du programme de lustration et de la Commission vérité au Salvador, ou encore de l’amnistie partielle et des mesures de lutte contre l’impunité en Croatie367. Les expériences Sierra léonaise, Timoraise et Burundaise ont bousculé ce schéma, sans réelle préparation de la part de l’Organisation. 150. En Sierra Léone, l’accord de paix de Lomé prévoyait une Commission vérité, une amnistie et un programme de réparation368. L’ONU, après avoir précisé qu’elle ne se 363 TEITEL (R.), « Transitional justice genealogy », op. cit., p. 89. SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit. 365 Il faudra attendre le deuxième rapport sur ce sujet, en 2011, pour que la version française s’aligne sur la version anglophone en utilisant l’expression d’ « état de droit et justice transitionnelle ». Voir SGNU, UN Doc. S/2011/634, État de droit et justice transitionnelle dans les sociétés en situation de conflit ou d’après conflit, 12 octobre 2011 [nous soulignons]. 366 Voir le graphique présenté en Annexe V. 367 Voir Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. 368 Voir « Peace agreement between the Government of Sierra Leone and the Revolutionary United Front (Lome peace agreement) », Lomé, Togo, 7 juillet 1999 et Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. 364 100 considérait pas tenue par l’amnistie en ce qu’elle concernait les crimes internationaux369, a rajouté à cette liste déjà longue le Tribunal Spécial pour la Sierra Léone (TSSL). Le fonctionnement conjoint de ces mécanismes, tout particulièrement la Commission vérité et réconciliation et le TSSL, n’avait pas réellement été réfléchi370. A l’inverse, l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor Oriental (ATNUTO) avait bien prévu la création des Panels spéciaux – la juridiction internationalisée chargée de juger les crimes internationaux commis au Timor371 –mais n’a créé la Commission pour la réception, la vérité et la réconciliation (CAVR) que sous la pression de la population, réclamant un mécanisme s’intéressant de plus près aux victimes372. Seule l’expérience du Burundi a fait preuve d’une planification préalable, en intégrant dans l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation un ensemble étonnamment dense de mesures de justice transitionnelle, dont une commission vérité373, un tribunal spécial374, des réparations matérielles375 et symboliques376 et une amnistie partielle377. 151. D’un point de vue qualitatif, l’ONU a progressivement développé son approche de la justice transitionnelle. En 2006, Kofi Annan estimait que l’Organisation « intègre systématiquement les questions d’état de droit et de justice transitionnelle dans la planification stratégique et opérationnelle des nouvelles opérations de paix. »378 En réalité, si l’Organisation a bien développé l’action de ses opérations en matière de soutien ou de moteur de mécanismes de justice transitionnelle dans la première moitié des années deux-mille, notamment en Sierra Léone, au Timor Leste ou encore au Kosovo, ce n’est qu’à partir de 2006 que la justice transitionnelle en tant que champ à part entière est apparue dans ces 369 Le représentant du Secrétaire général a émis une réserve à l’accord, au moment de sa signature, précisant que : « l’Organisation des Nations Unies entend la notion d’amnistie et de pardon consignée à l’article IX de l’accord de façon telle qu’elle ne s’applique pas au crime de génocide, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire ». Voir UN Doc. S/1999/836, 30 juillet 1999, Septième rapport du Secrétaire général sur la Mission d’observation des Nations Unies en Sierra Leone, § 7. 370 EVENSON (E. M.), « Truth and Justice in Sierra Leone : coordination between commission and court », Columbia Law Review association, avril 2004, vol. 104, n° 3, pp. 739-747. Voir infra, partie 1, titre 2, chapitre 2, section 2. 371 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. 372 HARPER (E.), « Delivering justice in the wake of mass violence : new approaches to transitional justice », Journal of Conflict and Security Law, vol. 10, n°2, 2005, p. 156. 373 « Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation », op. cit., Protocole I, chapitre II, art. 8. 374 Ibid., Protocole I, chapitre II, art. 6. 375 Ibid., Protocole I, chapitre II, art. 7. 376 Ibid., Protocole I, chapitre II, art. 6. 377 Ibid., Protocole III, chapitre III, art. 26. Pour l’ensemble des mécanismes précités, voir Annexe I Accords de paix et justice transitionnelle. 378 SGNU, UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces, op. cit., § 7. 101 opérations. Cette année là, le BINUB a été la première opération onusienne à se voir confier comme mandat de soutenir « la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle »379. La même année, la première section « droits de l’homme et justice transitionnelle » a été créée au sein de la Mission intégrée des Nations Unies au Timor-Leste (MINUT)380. C’est également à cette période que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a commencé, au sein de ses bureaux-pays, à sensibiliser les populations et les gouvernements à la justice transitionnelle et à accompagner la création de ses mécanismes381. 152. L’émergence de l’expression « justice transitionnelle » au sein des mandats et structures des opérations onusiennes peut paraître anodine. Elle témoigne pourtant de l’évolution de l’approche de l’Organisation. Il n’est plus question d’adopter des mécanismes épars, sans réelle cohérence et choisis en fonction du contexte politique local. Il s’agit à partir de ce moment de construire, en concertation avec les acteurs locaux, une stratégie globale de traitement des crimes passés382. L’Assemblée générale rappelle ainsi « l’importance d’une approche globale de la justice transitionnelle, qui intègre toute la gamme de mesures judiciaires et non judiciaire propres à garantir la responsabilité et à promouvoir la réconciliation »383. 153. Chronologiquement, il faut replacer ces évolutions dans le contexte de la grande réforme du maintien de la paix opérée par Koffi Annan. Les rapports Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice 384 en 2004, Dans une liberté plus grande385 en 2005 et Unissons nos forces386 en 2006 et les nouvelles structures qu’ils initient, tels que la Commission et le Fonds de consolidation de la paix, ont permis le développement d’une « UN approach to transitional justice »387 que l’Organisation exporte par le biais de ses missions et de ses projets. Cette approche consiste en la reconnaissance de la complémentarité des 379 S/RES/1719 (2006), § 2 (j). SGNU, UN Doc. S/2006/628, Rapport sur le Timor-Leste présenté par le Secrétaire général en application de la résolution 1690 (2006) du Conseil de sécurité, 8 août 2006, §§ 73 et s. 381 Le HCDH conduit cette action notamment en fournissant des commentaires aux statuts et textes de loi portant sur la justice transitionnelle et les mécanismes ainsi qu’en formant les acteurs de ces derniers. 382 La Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a ainsi comme mandat d'aider les autorités libyennes « à arrêter et mettre en œuvre une stratégie globale de justice transitionnelle ». Voir S/RES/2040 (2012), § 6 b. 383 A/RES/69/195 (2015), L’état de droit, la prévention du crime et la justice pénale dans le programme de développement des Nations Unies pour l’après-2015, § 5. 384 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit. 385 SGNU, UN Doc. A/59/2005/Add.2, Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous. Rapport du Secrétaire général, 23 mai 2005. 386 SGNU, UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces, op. cit. 387 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit. 380 102 principaux éléments constitutifs de la justice transitionnelle, nommément la recherche de la vérité, la condamnation – principalement pénale – des responsables de violences passées, l’octroi de réparations aux victimes ainsi que toutes autres mesures permettant de garantir la non-répétition des violences388. L’établissement du lien entre ces composantes vise à palier les carences de la justice pénale (punitive) dans les contextes de transition. Une fois le dilemme paix contre justice résolu, les arguments pour l’abandon de poursuites pénales au profit d’autres mécanismes de justice transitionnelle – tels les commissions vérité, les programmes de réparation et les programmes de lustration (vetting) – n’ont plus de fondement et ne font plus qu’entraver l’action de l’ONU dans la lutte contre l’impunité. Le contexte spécifique de la transition et l’importance, quantitative, des violations à traiter, rendent inadéquates les juridictions pénales classiques. Pourtant, les programmes de réparation, les politiques de mémoire, de lustration et les mécanismes de recherche de la vérité présentent également des carences. En agissant seuls, les mécanismes de réparation peuvent être perçus comme une monétarisation de la douleur des victimes, les mécanismes de recherche de la vérité comme une reconnaissance de l’impunité et les procès ainsi que les lustrations comme des actes de rétribution partielle, prenant alors le risque d’être assimilés à de la vengeance politique389. 154. L’approche holiste de la justice transitionnelle implique que tous les volets de cette justice doivent être traités. L’adjonction de nouveaux volets a donc un impact direct sur les mécanismes de justice transitionnelle, conduisant à une expansion risquée de cette dernière. 388 Voir par exemple Yasmine Sooka, prônant l’adoption d’un « holistic transitional justice package » et Alexandre Borraine, appelant de ses vœux une interprétation holistique de la justice transitionnelle : SOOKA (Y.), « Dealing with the past and transitional justice : building peace through accountability », RICR, vol. 88, n° 862, juin 2006, p. 320 ; BORAINE (A. L.), « Transitional justice : a holistic interpretation », Journal of International Affairs, vol. 60, n° 1, 2006, pp. 17-27. En ce qui concerne les institutions onusiennes, voir par exemple A/RES/68/188 (2013), L’état de droit, la prévention du crime et la justice pénale dans le programme de développement des Nations Unies pour l’après-2015, §10, soulignant « l’importance d’une approche globale de la justice transitionnelle, qui intègre toute la gamme des mesures judiciaires et non judiciaires propres à garantir la responsabilité et à promouvoir la réconciliation tout en protégeant les droits des victimes de la criminalité et des abus de pouvoir ». 389 Commission de consolidation de la paix, groupe de travail sur les leçons apprises, « What is Transitional justice ? A backgrounder », 20 février 2008, p. 4. 103 Section II L’expansion risquée de la justice transitionnelle 155. Si le flou de la définition de la justice transitionnelle permet son adaptation aux divers contextes dans lesquels elle est mise en œuvre, il implique également une absence de limites claires du champ d’application de cette justice. De plus, les finalités qui lui sont attribuées la rendent particulièrement sujette à une expansion illimitée. La réconciliation nationale – vis-àvis de laquelle l’ONU entretient une position ambigüe – en est l’expression la plus flagrante (§ 1). Intégrée à l’effort de consolidation de la paix, la justice transitionnelle évolue en fonction des facteurs perçus comme nécessaires à cette consolidation. Or, cette perception connaît une tendance à l’expansion, caractérisée par l’adoption de la notion de paix positive, à laquelle le dépassement du dilemme entre la paix et la justice fait écho. La diversification de ces facteurs entraîne alors une diversification de l’objet de la justice transitionnelle (§ 2). §1/L’ambiguïté onusienne vis-à-vis de l’objectif de réconciliation nationale 156. Les acteurs du rétablissement de la paix ont depuis toujours souligné la nécessité d’une réconciliation entre anciens ennemis pour garantir le retour à une paix stable. Cet objectif se retrouve ainsi soit littéralement, soit en substance, dès les efforts de paix initiés par les Athéniens en 403 av. J-C390. L’Agenda pour la paix du Secrétaire général Boutros BoutrosGhali a intégré cet objectif dans le cadre théorique des opérations de l’ONU. La consolidation de la paix était vue, en 1992, comme tâche ayant pour objectif de « susciter confiance et tranquillité dans la population »391. Dans son « Supplément à l’agenda pour la paix », publié trois ans plus tard, le Secrétaire général a été plus explicite en considérant que « l’intervention de la communauté internationale doit (…) comprendre aussi la promotion de la réconciliation nationale »392. 390 Jon Elster observe ainsi l’instauration de politiques assimilables à la justice transitionnelle contemporaine chez les Athéniens à la chute de la deuxième oligarchie, en 403 av. J-C. Le relatif échec de l’approche punitive adoptée dans le traitement des responsables de la première oligarchie, en 411 av. J-C, impliquant des exécutions, confiscations et exils, aurait incité les Athéniens à adopter une approche plus orientée vers l’unité et la réconciliation. Ils ont ainsi cherché à réintégrer les oligarques dans la société, en accordant des amnisties et en leur permettant de maintenir un rôle politique dans la cité. Voir ELSTER (J.), Closing the books, op. cit., pp. 323. 391 SGNU, UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix, op. cit., § 55. 392 SGNU, UN Doc. A/50/60-S/1995/1, Supplément à l’agenda pour la paix, op. cit., § 13. 104 157. La réconciliation nationale comptait déjà parmi les objectifs affichés des divers mécanismes de justice transitionnelle établis en Amérique latine au début des années quatrevingt-dix393. Il faut toutefois noter que les expériences antérieures à l’Afrique du Sud n’attribuaient pas l’objectif de réconciliation nationale aux mécanismes de justice transitionnelle directement. Ceux-ci connaissaient des attributions plus ciblées, participant à un objectif plus global, et quelque peu idéalisé, d’unité et de réconciliation nationale394. L’Afrique du Sud a constitué un tournant dans l’approche de la justice transitionnelle, en y attachant directement des vertus liées à cette réconciliation. Ainsi le slogan de la CVR sud africaine « revealing is healing » témoigne des hautes attentes attribuées à ce mécanisme. Alors que les commissions vérité précédentes se cantonnaient à rechercher la vérité sur les violences passées, la CVR sud africaine se targuait de guérir les victimes et de les réconcilier avec leurs bourreaux, dans le but de prévenir la résurgence des conflits. 158. Le Secrétaire général a entériné cette approche dans son rapport de 2004, en y précisant que la justice transitionnelle est censée « établir les responsabilités, (…) rendre la justice et (…) permettre la réconciliation »395. Cette expression a depuis été intégrée à la définition onusienne de la justice transitionnelle, reprise par l’ensemble des acteurs de l’Organisation396. Le problème que pose l’attribution de cet objectif à la justice transitionnelle réside dans l’impossibilité de l’atteindre. Certains auteurs ont cherché à théoriser les conditions du pardon et, par extension, de la réconciliation nationale397. Pourtant, la conclusion inévitable est que 393 On peut citer, par exemple, le décret n° 355 du 25 avril 1990 instituant la Commission sur la vérité et la réconciliation au Chili, affirmant que « only upon a foundation of truth will it be possible to meet the basic demands of justice and create the necessary conditions for achieving true national reconciliation ». Dans l’accord de paix conclu entre le gouvernement d’El Salvador et le Frente Farabundo Marti para la Liberacion Nacional (FMLN) à Mexico le 27 avril 1991, les parties affirment également « leur intention de progresser vers le rétablissement de la paix, de la réconciliation nationale et de la réunification de la société salvadorienne ». L’accord prévoit dans cette optique la création de la Commission de la vérité. Voir Accords de Mexico, reproduits en annexe de UN Doc. A/46/553-S/23130, 9 octobre 1991. 394 Ibid. En Argentine, la commission vérité établie en décembre 1983, était axée sur le sort des disparus, comme l’indique son nom : la Comision Nacional Sobre la Desaparicion de Personas (CONADEP), alors que la commission guatémaltèque dite de « clarification historique » (CEH) se nommait la Commission to clarify past human rights violations and acts of violence that have caused the Guatemalan population to suffer. 395 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 8. 396 Voir par exemple la résolution 2005/70 de la Commission des droits de l’homme, UN Doc. E/CN.4/RES/2005/70, Droits de l’homme et justice de transition, 20 avril 2005, préambule § 7 ; HCDH, « Guidance note on national human rights institutions and transitional justice », 27 septembre 2008, § 6 ; Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/21/46, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 9 août 2012, § 20 ; UN Doc. S/PRST/2012/1, 19 janvier 2012, p. 3. 397 Si plusieurs auteurs ont identifié diverses étapes ou conditions nécessaires au pardon, il est nécessaire de replacer ces écrits dans leur contexte, marqué par une vision très religieuse du pardon ainsi garanti. Voir ASSEFA (H.), « La réconciliation » in PAFFENHOLZ (T.), REYCHLER (L.), Construire la paix sur le terrain. op. cit., pp. 290-297 ; Père JAVIER GERALDO, « Les cinq conditions du pardon », in Guerre, génocide, 105 cette réconciliation ne peut être ni imposée, ni garantie. De plus, tant son caractère subjectif398 que son caractère interpersonnel la rendent impossible à instaurer sur le plan national. La justice transitionnelle envisagée au travers de cette finalité est donc vouée à l’échec. 159. Le flou et l’ambition démesurée de l’objectif de réconciliation nationale ont conduit une partie de la doctrine à rejeter son attribution aux mécanismes de justice transitionnelle399. Ce scepticisme est également très présent au sein du HCDH. Tout en adhérant à l’approche du Secrétaire général, le Haut-Commissariat reste extrêmement mesuré sur le rôle des mécanismes de justice transitionnelle dans cette réconciliation. Concernant les tribunaux hybrides, le HCDH note que « [de] l’avis de certains, à la sortie d’un conflit, les procès devraient contribuer à la réconciliation. Le présent outil ne creuse pas davantage ce point qui fait l’objet d’un vaste débat. »400 La même prudence est adoptée pour les commissions vérité. Le HCDH reconnaît que « [les] espoirs placés dans une commission de vérité sont fréquemment exagérés dans l’esprit de la population »401 et conseille en conséquence de « prendre soin de ne pas susciter parmi les victimes l’espoir injustifié et abusif qu’ellesmêmes ou le pays dans son ensemble éprouveront ou devraient éprouver rapidement un sentiment de réconciliation par la connaissance de la vérité sur des atrocités passées indescriptibles »402. Seuls les mécanismes de justice traditionnelle sont vus comme explicitement dirigés vers la réconciliation403. Il faut toutefois noter que celle-ci n’est jamais abordée à l’échelle nationale, mais plutôt au niveau communautaire404. torture : la réconciliation à quel prix ?, Fédération Internationale de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (FIACAT), Desclée de Brouwer, 1997, Paris, pp. 153-155. Philippe Moreau Defarges offre une vision plus scientifique et historique de ces questions, en notant que le phénomène de repentance et de réconciliation s’inscrit « au centre de quatre évolutions : la fin de la raison d’État, l’impact de l’idée démocratique sur les victoires, l’émergence des vaincus [et] le besoin d’aveu ». Voir MOREAU DEFARGES (P.), Repentance et réconciliation, Presses de Science Po, Paris, 1999, p. 17. 398 Valérie Rosoux note que le sens même de réconciliation diverge selon les personnes interrogées. Voir ROSOUX (V.), « Réconcilier : ambition et piège de la justice transitionnelle. Le cas du Rwanda », Droit et Société, vol. 73, 2009, pp. 613-633. 399 Voir par exemple MENDEZ (J. E.), « National reconciliation, transnational justice, and the International Criminal Court », Ethics and International Affairs, vol. 15, n° 1, mars 2001, p. 28 ; BALINT (J. L.), « The place of law in addressing internal regime conflicts », Law and Contemporary Problems, vol. 59, n° 4, 1996, p. 122. 400 HCDH, HR/PUB/08/2, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Valorisation des enseignements tirés de l’expérience des tribunaux mixtes », 2008, p. 7. 401 HCDH, HR/PUB/06/1, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Les commissions de vérité », op. cit., p. 2. 402 Ibid. 403 Il est ainsi affirmé que « [reconciliation] and maintaining harmony in the community are the guiding principles of traditional dispute resolution ». HCDH, HR/PUB/16/2, « Human rights and traditional justice systems in Africa », op cit., p. 27. 404 Ibid. 106 160. D’autres acteurs onusiens de la justice transitionnelle n’ont pas adopté la même prudence que le HCDH vis-à-vis de l’objectif de réconciliation nationale. Le PNUD affiche sur son site internet, dans la rubrique dédiée à la justice transitionnelle, que « [enabling] reparations for victims of grave human rights abuses, especially for those often identified as vulnerable (e.g. women, minority groups, or impoverished communities) can aid the reconciliation process by acknowledging the sufferings of victims and making amends for past mistakes ». Pour sa part, le Rapporteur spécial pour la justice transitionnelle attribue régulièrement cet objectif à la justice transitionnelle405. Les acteurs onusiens apparaissent donc divisés sur cette question. §2/La diversification de l’objet de la justice transitionnelle 161. Deux évolutions majeures ont marqué la justice transitionnelle onusienne. La première est liée à la volonté d’aborder les conflits de façon plus complète que par le seul biais des violences physiques et psychologiques, regroupées sous la catégorie des violations des droits civils et politiques. Afin de mieux rendre compte des causes des conflits et de l’ensemble des souffrances des victimes, il est progressivement procédé à l’incorporation des violations des droits économiques, sociaux et culturels (A). La seconde est liée à la première dans la mesure où l’incorporation de ces droits permet une meilleure visibilité des violations subies par les femmes du fait, notamment, des discriminations dont elles sont victimes. Dans la prolongation de l’engagement onusien en faveur des femmes406, une approche sexo-spécifique a été intégrée à la justice transitionnelle (B). 405 Voir Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/24/42, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 28 août 2013, § 20 ; UN Doc. A/HRC/27/56, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 27 août 2014, § 19 ; UN Doc. A/69/518, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 14 octobre 2014, § 9 ; UN Doc. A/71/567, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 25 octobre 2016, § 75 et UN Doc. A/HRC/34/62, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 27 décembre 2016, § 56. 406 Voir notamment les résolutions du Conseil de sécurité portant sur les femmes, la paix et la sécurité. S/RES/1325 (2000) et suivantes. 107 A) L’incorporation des violations des droits économiques, sociaux et culturels dans la justice transitionnelle 162. L’ONU a été l’un des précurseurs en termes d’inclusion des considérations liées aux droits économiques, sociaux et culturels dans la justice transitionnelle. Si le rapport du Secrétaire général d’août 2004 ne fait pas expressément mention de cette approche, elle est affirmée dès le mois d’avril 2005 par la Commission des droits de l’homme407 et théorisée l’année suivante par Louise Arbour, alors Haut-Commissaire aux droits de l’homme, dans un célèbre discours prononcé à la New York University School of Law408. La position exprimée par ces acteurs onusiens confirme et développe ainsi une pratique déjà partiellement mise en œuvre par l’Organisation au sein des commissions vérité de Sierra Léone409, du Timor Leste410, du Libéria411 et, dans une moindre mesure, du Pérou412. Ces commissions représentent en effet la première forme qu’a adoptée la prise en compte des droits économiques, sociaux et culturels par la justice transitionnelle. Celle-ci s’attachait alors à souligner l’impact que la violation de ces droits, abordés sous l’angle de facteurs plutôt que comme droits invocables, avait eu sur le déclenchement du conflit. Les droits économiques, sociaux et culturels ont donc fait leur entrée dans la justice transitionnelle sous l’angle de la recherche des « root causes »413 des conflits. 163. L’approche développée par Louise Arbour à l’occasion de son discours s’éloigne de cette conception pour considérer les aspects économiques, sociaux et culturels des périodes 407 La Commission des droits de l’homme reconnaît à cette occasion « qu’il faut prendre en considération tout l’éventail des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux dans tout contexte de justice de transition, ». Voir Commission des droits de l’homme, E/CN.4/RES/2005/70, Droits de l’homme et justice de transition, 20 avril 2005. Cette position a ensuite été confirmée par le Conseil des droits de l’homme. Voir : A/HRC/RES/12/11, Droits de l’homme et justice de transition, 12 octobre 2009 et A/HRC/RES/21/15, Droits de l’homme et justice de transition, 11 octobre 2012. 408 ARBOUR (L.), « Economic and social justice for societies in transition » New York University Journal of International Law and Politics, vol. 40, 2007, pp. 1-28. 409 CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit. volume 3 A, chapitre I, pp. 3-36 et volume 3 B, p. 370 ; SCHABAS (W.), « La relation entre les commissions vérité et les poursuites pénales : le cas de la Sierra Léone », in ASCENSIO (H.), dir., Les juridictions pénales internationalisées (Cambodge, Kosovo, Sierra Leone, Timor Leste), Société de législation comparée, 2006, pp. 215-216. 410 HCDH, HR/PUB/13/5, Transitional justice and economical, social and cultural rights, op. cit., pp. 17-20. 411 Le mandat de la CVR Libéria conférait une compétence à la commission pour enquêter sur les « economic crimes ». Voir CVR Libéria : « An act to establish the Truth and reconciliation commission of Liberia », Monrovia, 12 mai 2005, section 4. a. 412 LAPLANTE (L. J.), « Transitional justice and peace building : diagnosing and addressing the socioeconomic roots of violence through a human rights framework », IJTJ, vol. 2, 2008, pp. 331-355 ; NOLAN (A.), SCHMIDT (E.), « ‘Do no harm’ ? », op. cit., pp. 69-70. 413 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., p. 7. 108 traitées par la justice transitionnelle comme des droits à part entière, fondés sur les conventions pertinentes414, et dont la violation doit entrainer la responsabilité de l’État415. Cette approche éloigne ainsi la justice transitionnelle de son assise fondée sur la responsabilité pénale des individus416 pour se déplacer vers celle de la responsabilité de l’État pour violation des droits de l’Homme. 164. L’inclusion des droits économiques, sociaux et culturels vise à permettre à la justice transitionnelle d’appréhender les conflits dans toute leur complexité et à ne pas éluder certaines de leurs causes structurelles. Il apparaît en effet que bon nombre de conflits trouvent, pour partie, leur source dans des facteurs économiques et/ou culturels et sociaux. La commission vérité sierra léonaise a ainsi identifié la faillite du système éducatif et la pratique des châtiments corporels sur les enfants comme facteurs ayant nourris la dynamique du conflit417. Ce lien entre les aspects civils et politiques et les aspects économiques, sociaux et culturels a été souligné par le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle dès son premier rapport annuel au Conseil des droits de l’homme. Il y déclarait que : « [souvent], les violations flagrantes des droits de l’homme et les violations graves du droit international humanitaire découlent et sont aussi la cause de profonds problèmes de développement. En outre, il ne s’agit pas simplement de violations de droits civils et politiques, mais aussi de violations de droits économiques, sociaux et culturels.»418 165. L’attention portée par l’ONU à ces droits s’insère également dans la lutte que mène l’Organisation contre la criminalité transnationale et la corruption qui l’accompagne souvent. Le rapport de 2011 du Secrétaire général sur l’état de droit et la justice transitionnelle reflète 414 Au premier rang de ces conventions se trouvent le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, New York, 16 décembre 1966, RTNU, vol. 993, p. 3 ; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, New York, 7 mars 1966, RTNU, vol. 660, p. 195 ; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, New York, 18 décembre 1979, RTNU, vol. 1249, p. 13 et la Convention relative aux droits de l’enfant, New York, 20 novembre 1989, RTNU, vol. 1577, p. 3. Voir HCDH, HR/PUB/13/5, Transitional justice and economical, social and cultural rights, op. cit., pp. 7-9. 415 ARBOUR (L.), « Economic and social justice », op. cit. 416 Ibidem, p. 5. 417 Sur la question des enfants en Sierra Léone voir CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit., vol. 3 B, pp. 238-242. Sur l’impact de la faillite du système éducatif (ainsi que de la fonction publique d’une façon plus générale), voir ibid., vol. 2, p. 95. La CAVR du Timor Leste a également identifié les violations des droits économiques, culturels et sociaux comme facteur des violences. Voir CAVR Timor Leste, « Chega ! Report of the Commission for reception, truth and reconciliation in Timor Leste », janvier 2006, vol. III, pp. 2237-2251. Voir plus généralement LAPLANTE (L. J.), « Transitional justice and peace building », op. cit., pp. 335-341. 418 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/21/46, op. cit., § 50. 109 l’évolution de la position de l’ONU à cet égard. Alors que ces problématiques étaient peu présentes dans le rapport de 2004, elles sont récurrentes dans celui de 2011. Le Secrétaire général y lie de façon bien plus étroite la justice transitionnelle et l’état de droit, tous deux tournés, pour partie, vers la lutte contre cette criminalité419. Il est significatif d’observer que l’établissement de ce lien va de paire avec la consécration, dans le rapport de 2011, de la promotion des droits économiques, sociaux et culturels par les mécanismes de justice transitionnelle420. L’inclusion des droits économiques, sociaux et culturels a également été envisagée comme moyen pour permettre une meilleure prise en compte, par la justice transitionnelle, de la situation des femmes dans les situations de conflit et de post-conflit. B) L’adoption d’une approche sexo-spécifique de la justice transitionnelle 166. La résolution 1325, adoptée par le Conseil de sécurité en 2000421, représente le début de l’engagement de l’ONU en faveur d’une meilleure prise en compte de la situation des femmes dans les périodes de conflit et de post-conflit. S’il n’y est pas fait référence à la justice transitionnelle, les aspects sexo-spécifiques de la lutte contre l’impunité y sont bien mentionnés422. Développant cet engagement du Conseil de sécurité, les acteurs onusiens ont rapidement intégré les questions liées aux femmes dans les mécanismes de justice transitionnelle auxquels ils ont apporté leur soutien. Le premier d’entre eux à avoir mis en application cette nouvelle approche est la Commission vérité et réconciliation péruvienne (CVR - Pérou). Soutenus, entre autres, par le PNUD et le HCDH423, les commissaires de la CVR- Pérou ont créé, alors même que le mandat de la commission était muet sur ce point, une unité spécifique au sein de cette dernière afin de traiter des crimes ayant été subis par les femmes424. Les commissions vérité établies en Sierra Léone, au Timor Leste et au Libéria, qui 419 SGNU, UN Doc. S/2011/634, État de droit et justice transitionnelle, op. cit., §§ 47-54. Ibid., § 52. 421 S/RES/1325 (2000), Les femmes, la paix et la sécurité. 422 Ibid., § 11. La justice transitionnelle a été plus directement visée dans les résolutions adoptées sur le thème des femmes, de la paix et de la sécurité en 2009 et 2010. Voir S/RES/1888 (2009), préambule et S/RES/1960 (2010), préambule. 423 ONU-Femmes, « Gender and transitional justice programming : a review of Peru, Sierra Leone and Rwanda », août 2010, p. 7. 424 ONU-Femmes, « Gender and transitional justice programming », op. cit., pp. 4-8 ; Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/24/42, op. cit., § 36. 420 110 ont toutes bénéficié d’un important soutien de la part de l’ONU425, ont approfondi cette approche en intégrant les questions liées au genre dans leur mandat426. 167. La nécessité pour la justice transitionnelle de mieux appréhender les questions liées au genre ainsi que la capacité de ce domaine à constituer un instrument central de transformation des sociétés sur ces questions fait l’objet d’un large consensus au sein de l’ONU. L’Organisation est d’ailleurs l’un des principaux promoteurs de cette approche427. La création de « l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme » (ONU-Femmes) en 2010428 reflète parfaitement cet engagement. Le mandat du Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, invitant ce dernier à « [intégrer] une perspective sexospécifique dans l’ensemble des travaux menés au titre de son mandat »429, témoigne de l’intégration de ces questions au sein du domaine spécifique de la justice transitionnelle. Cette intégration est par ailleurs confirmée par une référence systématique à la nécessité d’adopter une approche sexo-spécifique de la justice transitionnelle dans tous les documents de politique onusienne traitant de ce domaine430. Le Conseil des droits de l’homme a également relevé le rôle particulier joué par la justice transitionnelle dans ces questions, en commandant au HCDH un rapport sur « la violence sexuelle et sexiste dans le contexte de la justice de transition dans les situations de conflit ou d’après conflit »431. 425 Ces commissions vérité font partie des mécanismes hybrides de justice transitionnelle. Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. 426 Voir CVR Sierra Léone : « Truth and reconciliation commission Act 2000 », 10 février 2000, art. 10 (2) ; CAVR Timor Leste : UNTAET/REG/2001/10, « Regulation n° 2001/10 on the establishment of a Commission for reception, truth and reconciliation in East Timor », 13 juillet 2001, sections 3.4 c), 4.1, 4.3 g), 11.1, 11.4, 12.1, 16.4, 26.1 ; CVR Libéria : « An act to establish the Truth and reconciliation commission of Liberia », op. cit., sections 4. e., 7, 24 et 26. 427 Voir O’ROURKE (C.), « Transitional justice and gender », in JACOBS (D.), LAWTHER (C.) MOFFETT (L.), dir., Research handbook on transitional justice, Edward Elgar Publishing, Cheltenham, 2017, pp. 119-123. 428 A/RES/64/289 (2010). Voir les développements sur le rôle de cette entité dans le domaine de la justice transitionnelle infra, partie 2, titre 2, chapitre 1. 429 UN Doc. A/HRC/RES/18/7, 29 septembre 2011, § 1 (j). 430 Voir SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 64 ; SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., point 4 ; SGNU, UN Doc. S/2011/634, État de droit et justice transitionnelle, op. cit., notamment §§ 22, 27 et 41-46. Voir également l’approche sexospécifique adoptée par le Secrétaire général vis-à-vis des réparations : SGNU, « Guidance note of the Secretary-General. Reparations for conflict-related sexual violence », juin 2014. La même approche est adoptée par le HCDH à travers sa série de publications sur les instruments de l’état de droit. Voir HCDH, HR/PUB/09/2, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Consultations nationales sur la justice en période de transition », 2009, p. 20 ; HCDH, HR/PUB/08/2, « tribunaux mixtes » op. cit., p. 24 ; HCDH, HR/PUB/06/5, « Assainissement : cadre opérationnel », op. cit., p. 15 ; HCDH, HR/PUB/08/1, « Programmes de réparation », op. cit, pp. 41-42 ; HCDH, HR/PUB/06/1, « Les commissions de vérité », op. cit., p. 23. 431 UN Doc. A/HRC/RES/21/15, 11 octobre 2012, § 32. Voir également le rapport du HCDH publié en réponse à cette requête : UN Doc. A/HRC/27/21, Étude analytique centrée sur la violence sexuelle et sexiste dans le contexte de la justice de transition, 30 juin 2014. 111 168. L’inclusion d’une approche sexo-spécifique dans la justice transitionnelle impacte deux aspects de cette dernière. Le premier concerne la composition de ses mécanismes et consiste à assurer une représentativité des femmes en leur sein. Les commissions vérité établies au Timor Leste et au Libéria ont ainsi imposé un quota de femmes pour leur personnel432. Le deuxième volet concerne la prise en compte par la justice transitionnelle des caractéristiques spécifiques des violations subies par les femmes. Notons que ce deuxième volet est lié au premier dans la mesure où la représentativité des femmes au sein des mécanismes de justice transitionnelle est censée faciliter la prise en compte par ces mécanismes des violations qu’elles ont subi. Les plus évidentes de ces violations sont celles qui concernent les crimes et délits à caractère sexuel. Elles font l’objet de mesures spécifiques, notamment en termes d’accompagnement des victimes et de réparations433. C’est pourtant la tendance de la justice transitionnelle à se focaliser sur ces violations qui a justifié des critiques quant à sa capacité à appréhender la situation particulière des femmes. 169. Dans son observation générale n° 30, adoptée en 2013434, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Committee on the elimination of discrimination against women - CEDAW) notait que : « [les] mécanismes de justice transitionnels n’ont pas réussi à répondre pleinement à l’impact du conflit sur les femmes et à tenir compte de l’interdépendance et des liens entre toutes les violations des droits fondamentaux qui se produisent en période de conflit. Pour la plupart des femmes, les priorités en matière de justice après conflit ne doivent pas se limiter à mettre fin aux violations des droits civils et politiques mais doivent inclure les violations de tous les droits économiques, sociaux et culturels.»435 Le Comité souligne ici un élément dont les acteurs de la justice transitionnelle commencent à prendre conscience : alors que les hommes sont plus touchés que les femmes par certains crimes, telles les disparitions forcées, les discriminations dont elles font l’objet – notamment en termes de dépendance économique envers les hommes – les exposent à 432 CAVR Timor Leste : UNTAET/REG/2001/10, « Regulation n° 2001/10 on the establishment of a Commission for reception, truth and reconciliation in East Timor », op. cit., sections 4.1 et 11.1 ; CVR Libéria : « An act to establish the Truth and reconciliation commission of Liberia », op. cit., section 7. 433 Voir HCDH, HR/PUB/06/1, « Les commissions de vérité », op. cit., p. 23 ; SGNU, « Guidance note of the Secretary-General. Reparations for conflict-related sexual violence », op. cit. 434 CEDAW, UN Doc. CEDAW/C/GC/30, « Recommandation générale n° 30 sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit », 18 octobre 2013. 435 Ibid., § 76. Voir également O’ROURKE (C.), « Transitional justice and gender », op. cit., pp. 120-121. 112 « exacerbated social and economic discrimination as a result of, or aggravated by, the loss of a male family member »436. C’est ainsi que la vocation transformatrice de la justice transitionnelle et son rôle potentiel dans le traitement des violations des droits économiques, sociaux et culturels la placent au cœur des efforts onusiens pour la promotion des droits des femmes. Comme le souligne le CEDAW dans son observation générale : « les mécanismes de justice de transition peuvent apporter aux femmes un changement profond dans leur vie. Du fait du rôle important qu’ils jouent dans l’établissement des bases d’une nouvelle société, ces mécanismes offrent une occasion unique aux États parties de préparer le terrain pour l’instauration d’une véritable égalité des sexes en combattant la discrimination préexistante et profondément ancrée qui empêchent les femmes de jouir des droits que leur reconnaît la Convention. »437 170. Le Conseil de sécurité a entériné cette approche en affirmant que « des efforts plus énergiques s’imposent pour que la justice transitionnelle couvre toutes les violations des droits de l’homme dont les femmes sont victimes et tienne compte des effets différents que ces violations ont pour les femmes et les filles, de même que les déplacements forcés, les disparitions forcées et la destruction des infrastructures civiles »438. 436 ONU-Femmes, « Preventing conflict, transforming justice, securing Nations Security Council resolution 1325 », 2015, p. 110. 437 CEDAW, UN Doc. CEDAW/C/GC/30, « Recommandation générale sens, on remarque que ONU-Femmes lie la prise en compte de la transitionnelle à un « transformative agenda » de cette dernière. Voir transforming justice, securing the peace », op. cit., p. 109. 438 S/RES/2122 (2013), préambule, § 8. the peace. A global study of United n° 30», op. cit., § 77. Dans le même situation des femmes par la justice ONU-Femmes, « Preventing conflict, 113 Conclusion du Titre I 171. La justice transitionnelle a été résolument intégrée aux instruments onusiens du maintien et de la consolidation de la paix. L’Organisation a su mettre la dimension transformatrice de cette justice au service d’une action de plus en plus étendue de restauration de l’État et de construction d’une paix positive. Bien que la formalisation de cette intégration ait été tardive, l’apparition des finalités et des principes de la justice transitionnelle dans les actions menées et les concepts élaborés dès le début des années quatre-vingt-dix montre que l’ONU, tel monsieur Jourdain, a longtemps « fait » de la justice sans le savoir, ou en tout cas, sans le reconnaître explicitement. 172. Une fois la justice transitionnelle formellement intégrée aux concepts opérationnels des Nations Unies, celles-ci se sont attachées à en construire une approche théorique, dont le caractère holiste est représentatif des approches contemporaines de la paix et de la justice. L’approche onusienne de la justice transitionnelle témoigne à cet égard de la capacité de l’Organisation à se placer aux avant-postes de la réflexion sur le champ du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Malgré les critiques qui la visent, il faut reconnaître que l’ONU a su en très peu de temps à la fois imposer et faire évoluer son approche de la justice transitionnelle, tout en préservant une étonnante cohérence de cette dernière. 173. La cohérence de l’approche onusienne de la justice transitionnelle est en effet étonnante, étant donné la multiplicité des acteurs onusiens concernés. On remarque pourtant peu de points de dissension. L’influence majeure de certains de ces acteurs, au premier rang desquels se trouve le Secrétaire général, n’y est pas étrangère. Cette cohérence est également étonnante si l’on considère la persistance d’une définition très évasive de la justice transitionnelle. Plus qu’un concept unifié, cette justice apparaît ainsi comme un ensemble d’objectifs – faire face aux violations passées, consolider et pérenniser la paix – et de valeurs – l’égalité entre les hommes et les femmes, le respect des droits de l’Homme sous tous leurs aspects, y compris économiques, sociaux et culturels – autour desquels sont fédérées les diverses entités onusiennes. 174. On peut alors appliquer à la notion de justice transitionnelle la remarque formulée à propos de la notion d’état de droit, son caractère fédérateur est à la fois une cause et une conséquence de son indétermination. Le risque de cette indétermination étant finalement de 114 laisser s’étendre une notion de façon incontrôlée, aux dépens d’une efficacité opérationnelle qui, elle, est matériellement limitée. 115 Titre 2: L’élaboration par l’ONU d’un cadre normatif de la justice transitionnelle 175. L’intégration de la justice transitionnelle au sein de l’action onusienne pour le rétablissement de l’état de droit ne pouvait qu’aboutir à l’encadrement juridique de celle-là. Ainsi, le Secrétaire général rappelait dans son rapport de 2004 sur l’état de droit et la justice transitionnelle, que l’ONU devait fonder son assistance dans ces domaines « sur les normes internationales »439. Notons également que l’un des objectifs de l’ONU, assigné par la Charte à l’Assemblée générale, consiste à « encourager le développement progressif du droit international »440. Cette remarque d’apparence anodine explique qu’au-delà de la conduite d’une action respectueuse du droit international existant, l’ONU s’est attachée à développer le cadre juridique de la justice transitionnelle. Or, l’approche holiste de la justice transitionnelle implique une quantité pléthorique de normes et de domaines potentiellement concernés par cette justice. 176. La justice transitionnelle se trouve à la « confluence des droits »441. La matière se fonde sur « les quatre piliers du système juridique international moderne : la législation internationale en matière de droits de l’homme ; le droit international humanitaire; le droit pénal international ; et le droit international des réfugiés. »442 Cet ensemble dense de normes permet de couvrir les diverses facettes de ce domaine et de la lutte contre l’impunité. L’extrême diversité du DIDH permet également de relativiser la centralité des crimes internationaux dans la construction normative de la justice transitionnelle443. Par exemple, les Processus de réconciliation communautaire (« Community Reconciliation Process » CRP), mis en place au sein de la commission vérité timoraise444, excluaient justement les crimes 439 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 9. On peut noter que la version anglaise évoque les normes internationales et les standards. 440 Charte des Nations Unies, op. cit., art. 13. (1). a.. 441 TAXIL (B.), « À la confluence des droits : la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées », AFDI, vol. 53, 2007, pp. 129-156. 442 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 9. Si Kofi Annan évoque ici les fondements de l’action de l’ONU pour le rétablissement de l’état de droit, on retrouve le même corpus pour le domaine plus spécifique de la justice transitionnelle, voir HCDH, « “UN Approach to Transitional Justice” », op. cit., p. 5. On peut cependant relever que le droit international des réfugiés y occupe sans doute une place moins importante. Noémie Turgis, par exemple, n’inclut dans le « socle normatif de la justice transitionnelle » que le DIDH, le DIH et le droit international pénal. TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., p. 140. 443 Noémie Turgis évoque à cet égard le caractère de « champ matériel prioritaire de la justice transitionnelle » des crimes internationaux. Ibid., pp. 145 et s. 444 Voir infra partie 2, titre 1, chapitre 1. 116 internationaux pour ne traiter que les violations les moins « sérieuses »445. L’intégration de plus en plus fréquente des violations de droits de l’Homme à caractères économiques et sociaux dans le mandat des mécanismes de justice transitionnelle446 montre bien l’importance de ce volet de la justice transitionnelle. Il est significatif d’observer que les programmes de lustration et les commissions vérité traitent généralement des violations des droits de l’Homme, sans préciser la gravité de ces violations, qui peuvent ainsi comprendre, par exemple, les violences physiques ne constituant pas des crimes graves, ainsi que les atteintes aux biens447 et les actes de corruption448. Il faut également ajouter à ces développements l’intégration dans la justice transitionnelle des considérations liées aux droits de la femme, qu’il s’agisse de leur protection contre certains crimes dits sexo-spécifiques (« gender based crimes ») ou simplement contre les discriminations. Ces normes trouvent alors à s’appliquer tant dans la compétence des mécanismes de justice transitionnelle que dans leur fonctionnement, en termes, par exemple, d’inclusion des femmes au sein de leurs membres449. 177. On voit poindre ici les deux volets du cadre normatif de la justice transitionnelle correspondant aux deux éléments de l’approche telle que précédemment définie. Se trouve alors, d’une part, l’encadrement des politiques de justice transitionnelle, correspondant à la vision téléologique, fondée sur les finalités, de cette dernière450. Il s’agit de fonder les politiques de justice transitionnelle sur des normes universelles. Le problème déjà évoqué de cette approche réside dans son imprécision. De plus, son adaptabilité et son ancrage contextuel lui confère une dimension politique s’accommodant mal d’un corset juridique. Visiblement conscient de ces problèmes, l’ONU ne fait preuve d’un engagement que limité en faveur de l’encadrement normatif des politiques de justice transitionnelle (Chapitre 1). 445 L’exclusion allait même au-delà des crimes internationaux puisqu’elle s’appliquait à tous les crimes considérés comme « serious », c’est-à-dire le génocide, les crimes de guerre, le crime contre l’humanité, le meurtre, les crimes sexuels et la torture. Voir ATNUTO, UNTAET/REG/2001/10, 13 juillet 2001, art. 22. 2 et ATNUTO, UNTAET/REG/2000/11, 6 mars 2000, art. 10. 1. 446 Voir supra, titre 1, chapitre 2, section II. 447 Les atteintes aux biens ont été incluses dans la compétence matérielle des CETC, bien que sur le fondement des conventions de Genève. Voir : Loi relative à la création des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux du Cambodge pour la poursuite des crimes commis durant la période du Kampuchéa démocratique, NS/RKM/0801/12 KRAM, 27 octobre 2004, art. 7 (ci-après, « loi portant statut des CETC »). 448 La corruption fait partie des crimes soumis à la compétence de l’Instance vérité et dignité tunisienne. Voir « Loi organique 2013-53 du 24 décembre 2013, relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation », 24 décembre 2013, article 45. 449 Voir supra, titre 1, chapitre 2, section II. 450 Voir supra, introduction. 117 178. D’autre part, on trouve l’approche opérationnelle451, qui concerne les mécanismes de la justice transitionnelle, et dont l’exigence de respect de l’état de droit implique l’encadrement par des normes procédurales. Bien que cet aspect du droit de la justice transitionnelle soit politiquement moins problématique pour l’ONU, son faible développement en droit international, essentiellement dû à une trop faible intégration de la société internationale et au maintien de traditions juridiques variées, rend son encadrement encore très incomplet (Chapitre 2). 451 Ibid. 119 Chapitre 1. L’engagement limité de l’ONU en faveur de l’encadrement normatif des politiques de justice transitionnelle 179. Comme il a été dit, l’ONU fonde son action en matière de justice transitionnelle sur un droit international qu’elle a fortement contribué à développer. La multiplicité des conventions internationales, à vocation universelle, adoptées sous ses auspices dans le domaine des droits de l’Homme, l’atteste. Dans la mesure où la justice transitionnelle s’épanouit dans les droits de l’Homme, le DIH et le droit international pénal, il serait naturel de considérer que le cadre juridique de cette justice lui préexistait et qu’il ne manquait plus qu’à affirmer l’application de cet ensemble de normes à ce nouveau domaine. Si cette conception n’est pas dénuée de vérité, elle omet tout de même deux points cruciaux. D’une part, tous les éléments de la justice transitionnelle ne sont pas compris dans les normes régissant les trois domaines précités. Il suffit de penser au développement du droit à la vérité pour le comprendre452. Une création normative a donc bien été nécessaire. D’autre part, cette approche semble sous-estimer l’impact pour la justice transitionnelle de lui voir appliquer un ensemble aussi dense de normes. Le glissement du politique vers le juridique n’est jamais chose anodine et peut présenter le risque de faire perdre en latitude ce que l’on gagne en certitude453. La question qui s’impose alors est celle des limites à fixer à cette juridicisation. La réponse de l’ONU se construit autour de deux axes, que nous aurons soin de suivre. 180. Tout d’abord, l’Organisation ne paraît pas mettre de frein à la juridicisation de la justice transitionnelle. Elle en serait même le principal promoteur et acteur (Section I). Il ne reste donc plus comme limite possible que celle de la consécration d’un droit non plus de la justice transitionnelle mais bien d’un droit à la justice transitionnelle. Alors qu’une partie de la doctrine semble prête à sauter le pas454, l’ONU, elle, s’y refuse encore (Section II). 452 Voir supra chapitre 2. Mireille Delmas Marty relève ce dilemme dans sa tentative de conciliation du relatif et de l’universel. Elle voit alors dans le concept de marge d’appréciation des États, une possible solution. Voir DELMAS MARTY (M.), Le relatif et l’universel, les forces imaginantes du droit, Seuil, Paris, 2004, pp. 68-69. Ce concept, présenté dans son analyse dans le cadre de la distinction faite par la CEDH entre la compatibilité et la conformité, s’inscrit toutefois dans un domaine nécessairement déjà juridicisé. 454 Noémie Turgis parle ainsi de l’émergence d’une « obligation générale de justice transitionnelle » qui émergerait d’un « droit des victimes au non-retour de la violence ». Voir TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 345-346. 453 120 Section I Le développement onusien d’une justice transitionnelle juridicisée 181. Le Secrétaire général a affirmé souhaiter fonder l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle sur les normes internationales455. Sa note d’orientation sur l’approche onusienne de la justice transitionnelle souligne l’existence de telles normes et de standards onusiens, sans d’ailleurs opérer de réelle distinction entre les premières et les seconds456. Il apparaît pourtant que la justice transitionnelle s’est initialement développée en dehors du droit457. Afin de fonder son action sur des normes internationales, l’ONU a ainsi dû préalablement s’attacher à ramener la justice transitionnelle dans le giron du droit international. 182. La juridicisation de la justice transitionnelle n’a pas été motivée par une obsession onusienne pour le droit international. Elle répond à un mouvement généralisé au sein des acteurs de la justice transitionnelle458. Devant la réticence de certains États à se confronter aux crimes du passé, le droit international représente, pour les victimes notamment, un argument décisif pour tenter d’obtenir des réparations, des mesures de justice et la vérité sur les violations qu’elles ont subies. Placer la justice transitionnelle sous le régime du droit international sert ainsi l’objectif de mettre fin à l’impunité459. 183. Deux méthodes ont été utilisées pour opérer cette juridicisation de la justice transitionnelle. Plutôt que de réinventer ex nihilo un ensemble de normes applicables à la justice transitionnelle, il a été procédé à un effort de réinterprétation de la justice transitionnelle et de normes existantes dans l’objectif de faire correspondre celle-là à celles-ci (§ 1). Il faut noter que cette méthode avait l’avantage de considérer la justice transitionnelle comme fondée sur des droits lui préexistant, ce qui implique leur applicabilité aux régimes pré-transitionnels460. Afin de compléter les lacunes du droit international existant, un effort de création normative a également été mené au service de la justice transitionnelle (§ 2). 455 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 9. SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., pp. 3-4. 457 Voir ARTHUR (P.), « How ‘transitions’ reshaped human rights », op. cit., p. 336. 458 Voir NAFTALI (P.), La construction du ‘droit à la vérité’ en droit international, op. cit., pp. 336-339. 459 C’est d’ailleurs cet objectif qui sous-tend les principes Joinet. L’approche choisie par cet expert, présentant ces principes sous l’angle de « droits » est révélatrice du mouvement évoqué précédemment. Voir d’une façon générale « principes Joinet », op. cit. 460 Particia Naftali qualifie cette méthode de « refondation ex post » des pratiques de justice transitionnelle. Voir NAFTALI (P.), La construction du ‘droit à la vérité’ en droit international, op. cit., p. 338. 456 121 §1/Un effort de réinterprétation au service de la juridicisation de la justice transitionnelle 184. Les origines ajuridiques de la justice transitionnelle ainsi que l’exceptionnalité qui caractérise les contextes de sa mise en œuvre rendaient son expression en termes de droit international difficile. D’une part, les violences soumises aux commissions vérité n’étaient pas nécessairement qualifiées juridiquement et d’autre part, les normes de droit international, notamment celles relatives aux droits de l’Homme, étaient peu adaptées aux contextes des transitions post-conflit ou post-dictature. Un double effort a donc dû être mené, visant d’une part à réinterpréter les normes internationales à l’aune de la justice transitionnelle (A) et, d’autre part, à réinterpréter la justice transitionnelle à l’aune des normes internationales (B). A) La réinterprétation des normes internationales à l’aune de la justice transitionnelle Deux normes retiendront notre attention ici. Il s’agit du droit à la justice, dont l’appropriation par la justice transitionnelle a mené à sa réinterprétation (1) et du droit à réparation, partiellement reconstruit pour correspondre aux exigences de cette justice (2). 1. L’appropriation du droit à la justice par la justice transitionnelle 185. Le droit à la justice présente deux composantes essentielles que sont le droit au recours des victimes et l’obligation des États de poursuivre les auteurs de certains crimes graves. Or, si le droit des victimes de violations des droits de l’Homme à avoir un accès au juge est reconnu de façon incontestable en droit international461, celui-ci n’est pas plus illimité qu’il ne pose d’obligations claires pour les États de poursuivre eux-mêmes les responsables de ces violations462. Quant à l’obligation de poursuivre, sa portée est limitée à un nombre restreint de 461 A/RES/217 (III) A, Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, art. 8 (ci-après « DUDH ») ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, New York, 16 décembre 1966, RTNU, vol. 999, p. 171, art. 2 (ci après « PIDCP »). Voir également à ce sujet SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., p. 3. 462 Les limites du PIDCP à cet égard sont représentatives. Voir SEIBERT-FOHR (A.), « The fight against impunity under the International Covenant on Civil and Political Rights », Max Planck Yearbook of United Nations Law, vol. 6, 2002, pp. 301-344. 122 crimes prévus conventionnellement463 et son existence coutumière pour les crimes internationaux est, au mieux, contestée464. 186. Les limites à ces droits liées aux amnisties, aux immunités, à la prescription ou à l’absence de réelle volonté de l’État de poursuivre les responsables ont inspiré l’adoption de plusieurs instruments internationaux instaurant l’obligation pour les États parties de poursuivre les auteurs de ces crimes, notamment en supprimant certains obstacles aux poursuites465. Ces instruments ne couvrent cependant qu’un spectre limité des crimes466 et le faible nombre d’États parties à certains d’entre eux réduit grandement l’étendue matérielle de l’obligation de poursuivre qu’ils prévoient467. Enfin, certains obstacles internes aux poursuites, tels que les amnisties et les immunités, ne peuvent encore être surmontés que par certaines juridictions internationales468, limitant là aussi l’étendue de l’obligation. 463 Il s’agit de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, New York, 9 décembre 1948, UN Doc. A/RES/3/260, art. 3 et 5 ; de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, New York, 10 décembre 1984, UN Doc. A/RES/39/46, art. 7 ; de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, New York, 20 décembre 2006, UN Doc. A/RES/61/177, art. 6, de la Convention (I) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949, art. 49, ainsi que des trois autres conventions l’accompagnant. Pour une analyse des crimes internationaux pour lesquels existe une obligation conventionnelle de poursuivre leurs auteurs, voir : AMBOS (K.), « The legal framework of transitional justice : a systematic study with a special focus on the role of the ICC », in AMBOS (K.), LARGE (J.), WIERDA (M.), Building a future on peace and justice : studies on transitional justice, peace and development : the Nuremberg declaration on peace and justice, Springer, Berlin, 2009, pp. 30-35 ; SCHARF (M. P.), « The letter of the law : the scope of the international legal obligation to prosecute human rights crimes », Law and Contemporary Problems, vol. 54, n° 4, 1996, pp. 41-61 ; RODLEY (N.), SCHARF (M. P.), « International law principles on accountability », in BASSIOUNI (C.), Post-conflict justice, Transnational Publishers Inc., New York, 2002, pp. 92-94 ; TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 160-162. 464 La seule exception serait le crime contre l’humanité, pour lequel une obligation coutumière de poursuivre est généralement considérée comme existante. Voir RODLEY (N.), SCHARF (M. P.), « International law principles on accountability », op. cit., pp. 94-95 ; AMBOS (K.), « The legal framework of transitional justice », op. cit., pp. 30-35 ; TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 162-165. 465 C’est ainsi le cas pour des crimes tels que la torture, le génocide, les disparitions forcées ou pour certains principes tel que celui de l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Voir respectivement : Convention contre la torture op. cit. ; Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, op. cit. ; Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, op. cit. ; Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, New York, 26 novembre 1968, RTNU, vol. 754, p. 73. 466 Seuls les crimes les plus graves sont ainsi concernés par ces conventions. Le crime contre l’humanité ne fait également pas partie des crimes pour lesquels une obligation conventionnelle de poursuivre, le statut de Rome de la CPI mis à part, existe. Voir à ce propos le travail de la CDI sur l’élaboration d’une convention contre le crime contre l’humanité : CDI, UN Doc. A/CN.4/680, Premier rapport sur les crimes contre l’humanité par Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, 17 février 2015, §§10-15. 467 La Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité concerne ainsi 55 États parties alors que celle pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées n’en compte que 46. 468 Tel que l’a rappelé la Cour internationale de justice dans son arrêt Yerodia en relevant qu’une personne bénéficiant d’une immunité « peut faire l'objet de poursuites pénales devant certaines juridictions pénales internationales dès lors que celles-ci sont compétentes. ». Voir CIJ, Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République Démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, CIJ, Recueil 2002, p. 3, § 61. 123 187. Il faut souligner que dans le cadre de la justice transitionnelle, et dans celui de l’action onusienne pour la lutte contre l’impunité, le droit à la justice est essentiellement restreint aux violations les plus graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Ainsi les « Principes fondamentaux » sur le droit au recours ne concernent que les « violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et les violations graves du droit international humanitaire »469. En ce qui concerne les principes pour la lutte contre l’impunité, ils concernent essentiellement les « crimes graves selon le droit international »470, de nombreuses dispositions étant limitées à ces crimes471. Bien que les textes en question ne dissipent pas le flou de ces notions, il apparaît que les violations concentrant l’attention onusienne ne couvrent que les plus graves atteintes aux droits de l’Homme et au droit humanitaire472. 188. L’intégration du droit à la justice dans le cadre de la justice transitionnelle et de la lutte contre l’impunité a motivé certaines adaptations de ce droit, notamment quant aux limites dont il est l’objet. Louis Joinet envisageait déjà, dans son rapport sur la lutte contre l’impunité, certaines « mesures restrictives justifiées par la lutte conte l’impunité ». Ces mesures concernaient notamment l’interdiction de la prescription et des amnisties, le refus d’accorder l’asile aux responsables des violations concernées, l’inapplicabilité des limites à l’extradition, la non opposabilité de la règle de l’obéissance due et l’exclusion de la compétence des tribunaux militaires pour les violations des droits de l’Homme473. Toutes ces mesures n’ont pas été intégrée à l’approche onusienne du droit à la justice. On peut toutefois 469 A/RES/60/147, op. cit., nous soulignons. Pierre D’Argent soutient toutefois que les principes trouvent bien à s’appliquer à l’ensemble des violations des droit de l’homme et du droit humanitaire et ne recourent aux qualificatifs « flagrantes » et « graves » que pour souligner la particulière « indignation » que certaines violations suscitent. L’absence de définition des violations « flagrantes » des droits de l’Homme dans le texte des principes irait dans le sens de cette argumentation. Voir D’ARGENT (P. ), « Le droit de la responsabilité internationale complété ? », op. cit., pp. 38-39. 470 Selon la définition de Louis Joinet, « cette qualification s'entend des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, y compris le génocide, et des infractions graves au droit international humanitaire », « principes Joinet », op. cit., p. 14 ; Diane Orentlicher a repris et précisé cette définition en 2005. Voir « principes Orentlicher », op. cit., p. 6. 471 Comme par exemple l’exclusion de certaines amnisties. Voir « principes Orentlicher », op. cit., principe 24 (a). 472 Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme précise ce qu’il entend par ces expressions en précisant notamment qu’il s’agit de « types de violations qui, systématiquement perpétrés, portent atteinte en termes qualitatifs et quantitatifs aux droits les plus fondamentaux des êtres humains, notamment le droit de la personne humaine à la vie et à l’intégrité physique et morale » et que les violations graves du droit international humanitaire sont globalement celles constituant, selon le statut de Rome, des crimes de guerre. Voir HCDH, HR/PUB/08/1, « Programmes de réparation », op. cit., note 5, p. 2. 473 Voir « principes Joinet », §§ 30-39. 124 noter que l’interdiction des amnisties, y compris pour les violations des droits de l’Homme ne constituant pas des crimes internationaux, est soutenue par le HCDH474. 2. La reconstruction incomplète d’un droit à réparation des victimes 189. L’intégration du droit à réparation au sein de la justice transitionnelle a nécessité une adaptation de ce droit aux particularités de cette justice. Les partisans de l’existence d’un droit à réparation d’origine conventionnelle s’appuient sur de nombreux textes supposés prévoir une obligation des États envers les particuliers de réparer les dommages survenus à l’occasion d’une violation d’une obligation découlant de ces conventions. Sont ainsi invoqués notamment, « le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 2), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art. 6), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 14) et la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 39) »475. Il faut noter ici que ces conventions, outre l’absence de caractère général qui les caractérise, ne permettent pas aux victimes de se prévaloir d’un droit, en droit international, à réparation de leurs préjudice mais mettent à la charge des États parties une obligation de prévoir de telles dispositions en droit interne476. En cas d’absence de réparations, les victimes peuvent alors se prévaloir, en droit international, non pas d’une violation de l’obligation de réparer, mais seulement de celle de prévoir en droit interne des moyens de réparation. 190. Le caractère incomplet et dispersé de ce droit à réparation a mené à une tentative d’homogénéisation et de clarification de son régime et de ses modalités, en même temps que d’une extension de sa portée. Cette opération s’est effectuée au travers de l’adoption en 2005, par l’Assemblée générale, des « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire » par la résolution 60/147477. La marque du droit international de la responsabilité est claire dans ces principes. 474 Voir, HCDH, HR/PUB/09/1, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Amnisties. », 2009, pp. 1-20. 475 HCDH, HR/PUB/08/1, « Programmes de réparation », op. cit., p. 6. D’autres textes tels que la déclaration universelle des droits de l’homme, les conventions régionales de protection des droits de l’homme, le droit international humanitaire et le statut de Rome de la CPI sont également invoqués. Voir, TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., p. 332 et note 1207. 476 D’ARGENT (P. ), Les réparations de guerre en droit international public. La responsabilité internationale des États à l’épreuve de la guerre, thèse de doctorat, LGDJ, Paris, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 781. 477 A/RES/60/147, op. cit. 125 Ainsi la réparation peut-elle se faire sous les formes de restitution, d’indemnisation, de réadaptation, de satisfaction et de garanties de non-répétition478. La réadaptation, seule réelle innovation vis-à-vis du droit de la responsabilité internationale479, est « censée effacer autant que possible les séquelles psychologiques et médicales dont souffrent les victimes »480. 191. Incarnant en partie la position onusienne vis-à-vis des réparations, les Principes fondamentaux ne reflètent en revanche que partiellement le droit international positif en la matière, adoptant régulièrement une position ouvertement prospective481. En extrapolant à partir de conventions spécifiques et en ayant recours à une logique d’effectivité du droit international des droits de l’Homme et du droit humanitaire482, les principes fondamentaux construisent ainsi un droit des victimes à réparation dont l’existence en droit positif est niée par certains auteurs483. Louable dans l’intention, cette opération génère toutefois plusieurs complications et crée un certain trouble quant à la portée du droit ainsi consacré. 192. Si les Principes fondamentaux prévoient bien la réparation comme conséquence de la violation d’une obligation, l’obligation en question demeure en l’occurrence assez floue. Les violations envisagées ici sont « les violations flagrantes au droit international de l’homme et les violations graves du droit international humanitaire ». Il faut tout d’abord noter ici que la réparation liée aux violations du droit humanitaire est affirmée de lege feranda. Les articles 3 de la Convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et 91 du Protocole I de 1977, invoqués pour justifier ce droit des victimes à réparation484, ne prévoient en réalité rien de tel, limitant cette possibilité d’action en réparation aux seuls États parties au 478 Ibid. § 18. L’inclusion des garanties de non-répétition représente également une innovation dans la mesure où, dans le projet d’article de la CDI, celles-ci, bien que présentes, ne sont pas considérées comme une forme de réparation, mais comme une obligation à part. Voir CDI, UN Doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2), Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, art. 30 et commentaire § 11, p. 238. 480 D’ARGENT (P. ), « Le droit de la responsabilité internationale complété ? », op. cit., p. 52. Les « Principes fondamentaux » prévoient ainsi que la réadaptation « devrait comporter une prise en charge médicale et psychologique ainsi que l’accès à des services juridiques et sociaux ». A/RES/60/147, op. cit., § 21. 481 Cette position prospective est reflétée par le recours au conditionnel, assez largement majoritaire en termes de réparations. Voir. D’ARGENT (P. ), « Le droit de la responsabilité internationale complété ? », op. cit., pp. 36 et 47. 482 Ibidem. 483 AMBOS (K.), « The legal framework of transitional justice », op. cit., p. 39 ; TOMUSCHAT (C.), « Reparations for victims of grave human rights violations », Tulane Journal of International Law, 2002, p. 183. Contra, voir PHILIPPE (X.), « Les Nations Unies et la justice transitionnelle : bilan et perspectives », L’observateur des Nations Unies, n° 20/21, 2006, p. 178. 484 A/RES/60/147, op. cit., préambule ; HCDH, HR/PUB/08/1, op. cit., p. 6. 479 126 conflit485. Il est ensuite troublant que la notion de « violations flagrantes des droits de l’homme » ne soit pas définie. La volonté de limiter les violations entrainant pour l’État l’obligation de réparer peut certes se justifier par les moyens limités dont les États ayant connu des violations massives des droits de l’Homme disposent et par le nombre important de victimes. L’absence de définition des violations concernées tend tout de même à amenuiser le lien entre la violation de l’obligation et la réparation. 193. Ce lien est d’autant plus ténu que l’identification des victimes des violations massives est extrêmement compliquée et que les réparations sont envisagées non seulement individuellement mais également collectivement. Il découle du type même des violations concernées que le nombre de victimes est très important. Ce nombre justifie d’ailleurs le recours extensif aux réparations symboliques, non pécuniaires et collectives, telles que les excuses publiques486. Malgré l’effort de définition de la victime par les Principes fondamentaux487, il demeure que certaines violations sont subies par l’ensemble de la société, particulièrement au regard de la tendance à l’inclusion des droit économiques, sociaux et culturels dans les préoccupations de la justice transitionnelle488. Or, cette globalisation de la notion de victime, associée à l’absence de définition de la violation semble éloigner le droit à réparation ainsi envisagé de l’approche habituelle de la responsabilité. En effet, la réparation ne constitue plus une obligation de réparer un dommage identifié, survenu à l’occasion de la violation d’une obligation précise, mais se présente comme une obligation découlant directement de l’existence d’un préjudice. La réparation passerait ainsi d’obligation secondaire, découlant de la violation d’une obligation primaire, au statut d’obligation primaire. 485 Voir sur ce point l’analyse de Pierre D’Argent dans D’ARGENT (P. ), « Les réparations de guerre en droit international public. », op. cit., pp. 784-788. La possibilité du développement d’un droit coutumier à réparation pour les violations graves du droit international humanitaire est toutefois envisagée par cet auteur, notamment au regard de la pratique et des résolutions onusiennes, en particulier l’adoption de la résolution 60/147. Ibid. pp. 788-791. 486 A/RES/60/147, op. cit., § 22 (e). On retrouve dans les réparations symboliques le lien fort existant entre le droit à la justice, le droit à la vérité et le droit à réparation dans la mesure où la décision de justice peut constituer en elle-même une forme de réparation, tel que précisé au paragraphe 22 (d), en conformité avec la jurisprudence constante de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Voir par exemple CIADH, Gomes-Lund et al. (Guerrilha do Araguaia) v. Brazil, séries C No.219, 24 novembre 2010, § 310 et CIADH, Gelman c. Uruguay, op. cit., § 312 point 8, dans lequel la Cour déclare que « [this] Judgment constitutes per se a form of reparation. » 487 Le paragraphe 8 des principes fondamentaux précise que sont considérées comme victimes « les personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions constituant des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ou des violations graves du droit international humanitaire. » 488 Voir supra titre 1, chapitre 2, section II. 127 194. Cette approche de la réparation s’illustre particulièrement au travers de l’aspect collectif de ces dernières. Cet aspect dépasse, par le nombre des victimes et l’étendue des préjudices, la capacité des tribunaux, qu’ils soient civils ou pénaux. Conscients de cette importante limite, les « Principes fondamentaux », et l’ONU d’une façon plus générale, préconisent le recours à des programmes de réparation détachés du processus judiciaire489. Il apparaîtrait alors que l’État se voit attribué une obligation de réparer les préjudices au sujet desquels sa responsabilité ne saurait être engagée. Bien que les « Principes fondamentaux » usent à ce sujet du conditionnel, dénotant une position de lege feranda490, le détachement de l’obligation de l’État de réparer les préjudices subis par sa population de la détermination de la violation d’une obligation, qu’elle soit interne ou internationale, équivaudrait à insérer les réparations comprises au sens de la justice transitionnelle non plus dans le régime juridique de la responsabilité mais bien dans celui, politique, du renouvellement du contrat social491. B) La réinterprétation de la justice transitionnelle à l’aune des normes internationales 195. Les mandats des commissions vérité sont orientés vers le traitement des violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Ce langage n’est pas anodin. Il relève d’une qualification juridique des violences commises. Or, cette qualification ne va pas de soi en ce qui concerne la justice transitionnelle. L’objectif de réconciliation nationale, de même que la recherche des causes profondes des conflits, paraissent peu propices à un traitement juridique des violations passées. On observe pourtant bien une volonté de juridiciser les réponses apportées par ces mécanismes aux violences qu’ils sont chargés de traiter. 196. On observe à cet égard un glissement progressif vers cette juridicisation au niveau du mandat des commissions vérité. La commission salvadorienne, créée en 1991, avait pour tâche d’enquêter sur les « serious acts of violence (…) whose impact on society urgently 489 Les Principes fondamentaux recommandent ainsi que les États mettent en place des « programmes nationaux pour fournir réparation et toute autre assistance aux victimes, lorsque la partie responsable du préjudice subi n’est pas en mesure ou n’accepte pas de s’acquitter de ses obligations. ». A/RES/60/147, op. cit., § 16. La disposition limitant ces programmes aux préjudices n’étant pas liés aux actions ou omissions de l’État est en fait illusoire, dans la mesure où ces programmes de réparation ont justement comme objectif d’éviter les lourdeurs du système judiciaire et concernent donc des réparations attribuées sur le fondement du préjudice et non du responsable du dommage. Si les types de violations ainsi que les préjudices peuvent être des critères d’attribution des réparations, cette détermination ne peut s’apparenter à une enquête ayant pour but d’attribuer une responsabilité au sens juridique du terme. Dans le sens du dépassement du cadre judiciaire, voir également HCDH, HR/PUB/08/1, « Programmes de réparation », op. cit., p. 7. 490 Ibid. « Les États devraient s’efforcer de créer… », (nous soulignons). 491 Voir dans ce sens D’ARGENT (P. ), « Le droit de la responsabilité internationale complété ? », op. cit., p. 52. 128 demands that the public should know the truth »492. La CEH guatémaltèque, datant de 1994, devait pour sa part « clarify (…) the human rights violations and acts of violence that have caused the Guatemalan population to suffer »493. Enfin, la CVR sierra léonaise a été mandatée en 2000 « to create an impartial historical record of violations and abuses of human rights and international humanitarian law related to the armed conflict in Sierra Leone »494. On voit bien à travers ces trois exemples l’intégration progressive des droits de l’Homme au sein des mandats des commissions vérité. Les commissions établies, avec l’aide de l’ONU, au Timor Leste495, au Libéria496, en RDC497, en Côte d’Ivoire498 et aux Îles Salomon499 ont repris ce vocabulaire dans leur mandat. On s’écarte alors d’une approche historique et sociologique des violences pour se rapprocher d’une vision juridique. L’idée d’héritage d’un passé violent laisse la place à celle de violations massives des droits de l’Homme500. Ce glissement a fait la preuve de son efficacité, dans la mesure où l’on observe aujourd’hui un « lien indéfectible entre justice transitionnelle et crimes de droit international »501. 197. La même tendance est visible dans l’approche onusienne des réparations. Le Rapporteur spécial pour la justice transitionnelle et le HCDH insistent sur le fait que celles-ci doivent avoir pour but « de reconnaître la gravité de la violation des droits égaux des concitoyens et de montrer que le régime successeur est fermement résolu à respecter ces droits »502. On ne s’intéresse donc plus simplement aux dommages matériels ou moraux subis par les victimes mais bien à une violation d’une obligation définie juridiquement. 492 « Accord de Mexico », annexe, op. cit., art. 2. « Statut de la CEH », op. cit., p. 13. 494 « Truth and reconciliation commission Act 2000 », 10 février 2000, art. 6. (1). 495 UNTAET/REG/2001/10, « Regulation n° 2001/10 on the establishment of a Commission for reception, truth and reconciliation in East Timor », 13 juillet 2001, section 3. 1. a). 496 CVR Libéria, « An act to establish the Truth and reconciliation commission of Liberia », Monrovia, 12 mai 2005, art. 4 a). 497 « Loi n° /04/018 du 30 juillet 2004 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Commission vérité et réconciliation » [créant la commission vérité de RDC], art. 6. 498 « Ordonnance n° 2011-167 du 13 juillet 2011 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission dialogue, vérité et réconciliation », Abidjan, 13 juillet 2011 [instituant la commissions vérité de Côte d’Ivoire], art. 5. 499 « Truth and reconciliation commission act 2008 », 28 août 2008, [établissant la Commission vérité et réconciliation des Îles Salomon], art. 5 b). 500 Voir supra, introduction. 501 TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., p. 150. 502 HCDH, HR/PUB/08/1, op. cit., p. 35. Le rapporteur spécial utilise pour sa part l’expression de « rights holders » pour désigner le statut que les réparations sont censées accorder aux victimes. Voir Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc., A/69/518, op. cit., p. 4. 493 129 198. La construction du droit à la vérité par les acteurs de la justice transitionnelle est un exemple particulièrement représentatif de cette volonté de « juridiciser le non-droit »503 qui caractérisait l’émergence initiale de cette justice. Patricia Naftali explique que la construction de ce droit provient en grande partie d’une « volonté d’abstraire les commissions de vérité de leur contexte politique d’origine et de les institutionnaliser aux Nations unies comme pratique de pacification internationale au nom d’obligations étatiques de faire la lumière sur des événements du passé. »504 La position du HCDH concernant le droit à la vérité vient confirmer cette position. Dans son étude sur le droit à la vérité, transmise à la Commission des droits de l’homme en 2006, la Haut-Commissaire exprimait la position suivante : « le droit à la vérité au sujet des violations flagrantes des droits de l’homme et des violations graves du droit relatif aux droits de l’homme est un droit inaliénable et autonome, lié au devoir et à l’obligation qui incombe à l’État de protéger et de garantir les droits de l’homme, de mener des enquêtes efficaces et de garantir un recours utile et une réparation appropriée. Ce droit, qui est étroitement lié à d’autres droits et qui a une dimension à la fois individuelle et sociétale, devrait être considéré comme un droit intangible et ne devrait faire l’objet d’aucune limitation. »505 La suite de l’étude listait les mécanismes permettant de garantir l’effectivité du droit à la vérité, parmi lesquels on trouvait les commissions vérité, les tribunaux pénaux, les commissions d’enquête, les commissions nationales des droit de l’Homme et les mesures d’ouverture des archives au public506. Ces mécanismes se trouvent ainsi légitimés par leur rôle quant à l’effectivité d’un droit garanti par le droit international. 503 NAFTALI (P.), La construction du ‘droit à la vérité’ en droit international, op. cit., p. 336. Ibid., p. 337. 505 HCDH, « étude sur le droit à la vérité », op. cit., p. 1. 506 Ibid., §§ 47-54. L’étude publiée l’année suivante par le HCDH parvenait à des conclusions globalement identiques. Voir HCDH, « étude sur le droit à la vérité » 2007, op. cit., §§ 8-18 et 40-71. 504 130 §2/L’effort de création normative au service de la justice transitionnelle 199. Les remarques précédentes ont montré que si la réinterprétation des normes internationales et de la justice transitionnelle a permis à cette dernière d’être dorénavant exprimée en des termes juridiques et non plus simplement moraux ou politiques, certains des droits intégrés à ce langage n’avaient qu’une valeur normative limitée. Les acteurs onusiens se sont donc attachés à consolider cette normativité. La participation de l’ONU à l’élaboration du droit conventionnel est une tâche classique pour l’Organisation, il n’est pas étonnant qu’elle ait été active dans le développement de telles normes dans le domaine de la justice transitionnelle (A). Le rôle de l’Organisation dans le développement des normes coutumières a toujours été plus polémique507. On verra toutefois que la justice transitionnelle pourrait bien représenter un terreau d’expansion de ce rôle (B). Enfin, les acteurs onusiens ont largement participé à l’adaptation du jus cogens aux objectifs de la justice transitionnelle (C). A) La création par l’ONU d’un droit conventionnel de la justice transitionnelle 200. L’ONU occupe une place centrale dans le développement du droit international conventionnel. L’universalisme de l’Organisation en fait un forum idéal pour l’élaboration de traités aspirant à ce même universalisme, tels ceux entrant dans le domaine du droit international des droits de l’Homme. Les principales conventions invoquées dans le domaine de la justice transitionnelle ont ainsi été adoptées sous les auspices de l’ONU508. 201. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette centralité. Tout d’abord, l’ONU, grâce à son quasi-universalisme, joue un rôle de légitimation des normes discutées, élaborées et adoptées en son sein. À cet égard, les choix de l’instrument et de la structure se rejoignent. La forme conventionnelle assure la légitimité de la norme vis-à-vis des États en représentant une expression de leur souveraineté. Cette légitimité est cruciale dans la mesure où ce sont les 507 Sur les débats ayant entourant le rôle de l’ONU dans la formation coutumière, voir infra B). Parmi celles-ci, citons : la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, op. cit. ; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, New York, 7 mars 1966, RTNU, vol. 660, p. 195 ; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, op. cit. ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, New York, 16 décembre 1966, RTNU, vol. 993, p. 3 ; la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, New York, 26 novembre 1968, RTNU, vol. 754, p. 73 ; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, New York, 18 décembre 1979, RTNU, vol. 1249, p. 13 ; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, op. cit. ; la Convention relative aux droits de l’enfant, New York, 20 novembre 1989, RTNU, vol. 1577, p. 3 et bien sûr la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, op. cit. 508 131 États qui seront les principaux responsables de la mise en œuvre des normes ainsi adoptées. La structure onusienne permet également de donner une assise mondiale à ces normes, en permettant aux États les moins puissants sur la scène internationale de participer aux négociations et d’influer sur leur issue. Les traités issus de ces négociations peuvent ainsi plus facilement s’élever au rang de « normes d’application universelle »509 bénéficiant d’une « légitimité dont on ne saurait dire qu’elle caractérise les modèles nationaux exportés »510. L’universalisme onusien et la légitimité qui l’accompagne se transforment ainsi en instrument de légitimation de la mission des mécanismes de justice transitionnelle. 202. Ensuite, la place accordée aux ONG par la Charte des Nations Unies favorise le choix de cette enceinte pour le développement de certaines normes conventionnelles. Si l’attention portée par la Charte à ces acteurs se limite à autoriser le Conseil économique et social à « prendre toutes dispositions utiles pour [les] consulter »511, la pratique a montré l’importance, si ce n’est la centralité, de leur rôle dans l’initiative et l’élaboration de certaines conventions internationales, y compris dans le domaine de la justice transitionnelle512. La Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, dont l’initiative revient à ces organisations et à la rédaction de laquelle elles ont activement participé, témoigne de la place importante qu’elles occupent dans ce processus513. 203. Cette ouverture de l’ONU ainsi que son propre engagement dans les domaines de la justice transitionnelle et de la lutte contre l’impunité expliquent également en partie l’intégration des considérations propres à ces domaines au sein de son travail de conventionnalisation. C’est ce qu’on a pu observer au travers de la consécration du droit à la vérité dans la Convention contre les disparitions forcées, reprenant ainsi une notion 509 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 9. Ibid., § 10. Hurst Hannum note à cet égard que « [without] the international standards developed by the United Nations, the linkage of foreign policy to human rights conditions in other countries would be open to devastating charges of ‘cultural imperialism’ or interference in ‘domestic affairs’ ». HANNUM (H.), « Human Rights », in JOYNER (C. C.), dir., The United Nations and international law, Cambridge University Press, NewYork, 1997, p. 153. 511 Charte des Nations Unies, op. cit., art. 71. 512 Sur le rôle croissant des ONG au sein des processus décisionnels onusiens, voir KAUFMANN (J.), « Developments in decision making in the United Nations », in BARDONNET (D.) dir., L’adaptation de la structure et des méthodes des Nations Unies, Colloque de l’Académie du droit international de la Haye, 4-5 novembre 1985, pp. 171-185 ; RANJEVA (R.), « Les organisations non gouvernementales et la mise en œuvre du droit international », RCADI, vol. 270, 1997, pp. 9-106. 513 Pour une description détaillée de l’élaboration et de l’adoption de cette convention, voir DE FROUVILLE (O.), « La convention des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées : les enjeux d’une négociation exemplaire. », Droits fondamentaux, n° 6, 2007, 92 p. 510 132 directement issue de la justice transitionnelle514. Ce mouvement est également présent au sein des sujets actuellement traités par la Commission du droit international, telle que la question de « l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État »515 ou encore celle du projet de convention concernant les crimes contre l’humanité516.. Les travaux portant sur ce dernier sujet montrent d’ailleurs la convergence progressive du droit international, en l’occurrence pénal, et de la justice transitionnelle. 204. S’interrogeant sur la place à octroyer aux victimes au sein du projet d’articles sur le crime contre l’humanité, le Rapporteur spécial, Sean D. Murphy, note que les «[les] normes internationales relatives aux droits des victimes sont assez récentes; elles remontent pour l’essentiel aux années 1980 »517, période correspondant à la naissance de la justice transitionnelle en Amérique latine. En s’appuyant notamment sur les dispositions pertinentes de la Convention contre les disparitions forcées ainsi que sur les « principes fondamentaux »518, le Rapporteur spécial propose un article 14 dédié à la question des victimes et témoins comprenant la possibilité pour les victimes de participer aux poursuites ainsi que l’obligation pour les États de réparer les dommages occasionnés, en retenant de façon significative les cinq types de réparation envisagés par les « principes fondamentaux » précités519. Bien que la question des amnisties semble être définitivement écartée du projet d’articles, ce dernier témoigne tout de même de l’influence grandissante des préoccupations liées à la justice transitionnelle dans le développement du droit international conventionnel. 514 Voir supra § 1. Voir A/RES/62/66 (2008), § 7. 516 Voir A/RES/69/118 (2014), § 7. 517 CDI, UN Doc. A/CN.4/704, Troisième rapport sur le crime contre l’humanité, Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, 23 janvier 2017, p. 78. 518 A/RES/60/147, op. cit. 519 Il s’agit de la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-répétition. CDI, UN Doc. A/CN.4/704, Troisième rapport sur le crime contre l’humanité, op. cit., pp. 93-94. 515 133 B) La justice transitionnelle : un terreau de l’expansion du rôle de l’ONU dans la formation coutumière ? 205. La vocation universelle de la justice transitionnelle ainsi que son ancrage au sein des droits de l’Homme rendent ce domaine particulièrement propice à la qualification coutumière des normes qui le composent520. Ceci est d’autant plus vrai que, à l’instar des droits de l’Homme, la justice transitionnelle participe d’une approche spécifique, au formalisme réduit, de la formation des normes coutumières (1). Ces normes étant par définition dématérialisées, le processus de leur identification et de leur formulation revêt une importance parfois aussi grande que celui de leur formation. Nous verrons ainsi que, en multipliant les organes d’identification et d’interprétation de ces normes, l’ONU s’est placée au cœur de ce processus (2). Au-delà de ce rôle, l’étendue et la forme de l’activisme des organes onusiens intergouvernementaux et, surtout, intégrés incitent à envisager une évolution de leur rôle dans la formation même des normes coutumières de la justice transitionnelle (3). 1. La justice transitionnelle face à la formation coutumière 206. Pour la justice transitionnelle, la coutume internationale représente plusieurs avantages. La valeur coutumière des principaux crimes de droit international permet de contourner l’absence de ratification par certains États des conventions encadrant ces crimes, telles les conventions contre le génocide et contre la torture, ainsi que les crimes de guerre définis par les conventions de Genève, ou encore l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. La particularité des crimes internationaux, qui touchent l'ensemble de la communauté internationale, a justifié une approche plus souple de la formation coutumière. Suivant d’une certaine façon l’approche graduée de la formation de la coutume – développée par Frédéric Kirgis à propos de l’arrêt de la CIJ dans l’affaire Nicaragua521 – les juges de la chambre d’instance du TPIY ont déclaré que : « les principes du droit international humanitaire peuvent, par processus coutumier, naître de la pression des exigences de l’humanité ou de celles de la conscience publique, même lorsque la pratique des États est rare ou contradictoire. L’autre élément, l’opinio necessitatis, qui se cristallise sous l’effet 520 Voir TOMUSCHAT (C.), « Obligations for states without or against their will », RCADI, vol. 241, 1993, pp. 275-309. 521 KIRGIS (F. L.), « Custom on a sliding scale », AJIL, vol. 81, 1987, pp. 146-151. 134 des impératifs de l’humanité ou de la conscience publique, pourrait bien se révéler être l’élément décisif annonciateur de l’émergence d’une règle ou d’un principe général du droit humanitaire. »522 Si les juges évoquent ici le seul droit international humanitaire et fondent en partie leur raisonnement sur l’application par les États de la clause de Martens, il paraît tout de même que les crimes internationaux représentent un terrain particulièrement favorable à cette approche de la coutume. 207. Ce sont des considérations analogues qui ont mené, sans être explicitement nommées, à une tendance à faire prévaloir l’opinio juris sur la pratique des États. L’élément subjectif de la coutume a été réinterprété pour pouvoir être identifié sur le fondement quasi-unique des textes émanant de l’Assemblée générale de l’ONU. La notion d’opinio juris a fait l’objet de nombreuses polémiques doctrinales qu’il ne nous revient évidemment pas de chercher à trancher ici523. Il est en revanche intéressant de noter que certaines des déclarations et résolutions adoptées par cet organe ont pu, de façon quasi-autonomes, être vues comme témoignant d’une opinio juris sur certaines questions. La CIJ s’est très largement fondée sur la résolution 2625 (1970) de l’Assemble générale524 pour identifier une opinio juris quant à l’interdiction de l’usage de la force entre États525. Un raisonnement similaire a été tenu par le TPIY concernant le caractère coutumier de la définition de la torture, fondé en grande partie sur les diverses déclarations, résolutions et conventions adoptées au sein de l’ONU sur ce sujet526. 522 TPIY, Le Procureur c. Kupreskic, Affaire IT-95-16-T, 14 janvier 2000, § 527, cité in, ARAJÄRVI (N.), « The role of the international criminal judge in the formation of customary international law », European Journal of Legal Studies, vol. 1, n° 2, 2007, p. 106. 523 À commencer par la critique kelsénienne de l’opinio juris vue comme la croyance des États en la conformité de leur pratique avec une norme existante. Voir KELSEN (H.), « Théorie du droit international coutumier », Revue internationale de la théorie du droit, vol. X, 1939, pp. 153 et ss. De nombreux auteurs se sont opposés à cette critique. Voir par exemple DE VISSCHER (P.), « Cours général de droit international public », RCADI, vol. 136, 1972, pp. 70-77 ou encore COMBACAU (J.), SUR (S.), Droit International Public, LGDJ, Paris, 12e éd., 2016, p. 61. 524 Il s’agit de la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies, adoptée le 24 octobre 1970. 525 Activités militaires et paramilitaire au Nicaragua et contre celui-ci, (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, CIJ, Recueil 1986, p. 14, §§ 188 et s. Voir à ce sujet MENDELSON (M.), « The formation of customary international law », RCADI, vol. 272, 1998, pp. 378-381 ; PELLET (A.), « La formation du droit international dans le cadre des Nations Unies », op. cit., p. 416. Il est notable à cet égard que la place de l’opinio juris, fondée sur le consensus exprimé en faveur de certaines résolutions de l’Assemblée générale, a pu être considérée comme pouvant suffire à la cristallisation d’une norme coutumière, y compris en l’absence d’une large pratique de la part des États. Voir KIRGIS (F. L.), « Custom on a sliding scale », op. cit. 526 TPIY, Le Procureur c. Anto Furundzija, Affaire n° IT-95-17/1-T, 10 décembre 1998, §§ 160-161. Voir sur ce sujet, ARAJÄRVI (N.), « The role of the international criminal judge », op. cit., pp. 101-102. 135 208. Outre le jus cogens, dont il sera question plus tard527, la coutume est la principale concernée par l’évolution du droit international qu’aurait initié le DIDH528. De l’inopposabilité de l’objection persistante aux normes erga omnes529 à la considération des pratiques étatiques non conformes comme des violations de la coutume et non comme des preuves de sa non existence530, il apparaît en effet que les normes du DIDH, tout du moins celles considérées comme les plus fondamentales, participent à une « humanization » du « new jus gentium of the twenty-first century »531. La même remarque s’applique au droit international humanitaire, dont certains des principes les plus fondamentaux ont même été qualifiés de « considérations élémentaires d’humanité » par la CIJ532. La lutte contre l’impunité et, par extension, la justice transitionnelle constituent ainsi un terreau particulièrement 533 « sauvages » 527 fertile pour le développement d’une coutume aux apparences . Voir infra C). Jean-François Flauss qualifie les droits de l’Homme comme « terre d’élection du ‘renouvellement’ (voire de l’aggiornamento) du processus coutumier ». Voir FLAUSS (J.-F.), « Rapport général » in SFDI, La protection des droits de l’homme et l’évolution du droit international, colloque de Strasbourg, Pedone, Paris, 1998, p. 64. 529 SICILIANOS (L.-A.), « L’influence des droits de l’Homme sur la structure du droit international », RGDIP, vol. 116, n° 1, 2012, p. 19. 530 Voir notamment SCHACHTER (O.), « International law in theory and practice : general course in public international law », RCADI, vol. 178, 1982, pp. 335-336. 531 TRINDADE (C.), « International law for humankind : towards a new jus gentium (I) : general course on public international law », RCADI, vol. 316, 2005, p. 336. 532 CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, CIJ, Recueil 1996, p. 226, § 79. Sur le recours par la CIJ aux considérations élémentaire d’humanité, voir DUPUY (P.-M.), « Les ‘considérations élémentaires d’humanité’ dans la jurisprudence de la Cour internationale de justice », in DUPUY (R.-J.), dir., Droit et justice. Mélanges en l’honneur de Nicolas Valticos, Pedone, Paris, 1999, pp. 117-130. 533 DUPUY (R.-J.), « Coutume sage et coutume sauvage », in La communauté internationale. Mélanges offerts à Charles Rousseau, Pedone, Paris, 1974, pp. 75-87. Pour une critique de cette transformation de l’opinio juris au service des droits de l’Homme, voir ALSTON (P.), SIMMA (B.), « The sources of human rights law : custom, jus cogens, and general principles », Australian Yearbook of International Law, vol. 12, 1988-1989, pp. 88-89 et 98-100, ainsi que MERON (T.), « International law in the age of human rights : general course on public international law », RCADI, vol. 301, 2003, pp. 409-413. 528 136 2. La centralité des organes onusiens dans l’identification des normes coutumières de la justice transitionnelle 209. Du fait de son invisibilité534, la coutume laisse un rôle particulièrement important aux organes procédant à son identification. La CIJ, chargée par son statut d’appliquer la coutume internationale, se voit bien souvent obligée de procéder à son identification préalable. La CDI en tant qu’organe chargé, entre autre, d’assurer la codification du droit international535, participe également à l’identification de ces normes. Le rôle de celle-ci est toutefois plus nuancé que celui de la CIJ, dans la mesure où la CDI ne fait que proposer son interprétation des normes coutumières qu’elle identifie, alors que la Cour internationale applique les normes identifiées à un litige présenté devant elle. Le rôle du juge est d’autant plus central dans l’identification de la norme coutumière que la frontière entre l’identification et la formation de la coutume est ténue. Les juges peuvent, sous couvert d’identifier une coutume existante, contribuer parfois à sa formation. 210. Il apparaît que, dans le domaine de la justice transitionnelle, l’ONU a multiplié ces autorités d’identification en créant les juridictions pénales internationales. Les TPI et le TSSL, notamment, ont fait un travail considérable d’identification des normes coutumières dans les domaines du droit international pénal et du DIH536. La jurisprudence du TPIY est particulièrement riche en la matière. 211. L’apport des juridictions pénales internationales au développement des normes coutumières de la justice transitionnelle ne se limite pourtant pas à l’identification de ces normes au travers de leur jurisprudence. Ce développement est également observable dans la définition des crimes telle qu’adoptée dans les statuts de ces juridictions. Ce point met alors en lumière le rôle du Conseil de sécurité dans ce développement. Celui-ci est visible au travers de l’évolution de la définition des crimes contre l’humanité entre les statuts du TPIY et du TPIR, le cantonnement de ces crimes aux contextes de conflits armés dans le cadre du 534 Serge Sur qualifiait la coutume de norme « invisible » qui « se reflète dans tous les miroirs ». COMBACAU (J.), SUR (S.), Droit international public, Montchrestien, Paris, 12e éd., 2016, p. 59. 535 La résolution 174 (II) de l’Assemblée générale, créant la CDI, confère à cet organe la tâche de « promouvoir le développement progressif du droit international et sa codification », dans le but de donner effet à l’article 13 de la Charte des Nations Unies. Voir A/RES/174 (II) (1947), annexe, article 1. al. 1. 536 Voir d’une façon générale : ARAJÄRVI (N.), « The role of the international criminal judge in the formation of customary international law », op. cit. ; CASSESE (A.), International criminal law, op. cit., pp. 17-20 ; TOMUSCHAT (C.), « La cristallisation coutumière », in ASCENSIO (H.), DECAUX (E.), PELLET (A.), dir., Droit international pénal, 2e éd., Pedone, Paris, 2012, pp. 37-49. 137 TPIY disparaissant dans celui du TPIR537. Un autre exemple peut être tiré du TSSL. L’incorporation dans le statut de ce Tribunal du crime du recrutement ou de l’enrôlement d’enfants âgés de moins de 15 ans dans des forces ou groupes armés en vue de les faire participer activement aux hostilités538 comme violation du droit international humanitaire ne correspondait probablement pas à l’état du droit coutumier au moment des faits. Les mises en garde du Secrétaire général, qui avait relevé cet écart et proposait en conséquence de limiter ce crime à « [l’enlèvement] et [le] recrutement forcé d’enfants de moins de 15 ans dans les forces ou groupes armés, aux fins de les faire participer activement à des hostilités »539, ont été ignorées et la définition du Conseil de sécurité a été adoptée540. Saisis de cette question au titre de la non rétroactivité de la loi pénale, les juges du TSSL ont confirmé la position du Conseil de sécurité dans une décision critiquée541. Il ne s’agit certes pas ici du développement d’un nouvelle norme coutumière à proprement parler, dans la mesure où le crime tel que décrit dans le statut du Tribunal avait connu une cristallisation coutumière au moment de son inclusion, comme l’atteste son insertion dans le statut de la CPI542. Il demeure que le Conseil de sécurité a considérablement étendu le champ d’application temporel du crime de recrutement d’enfants soldats. 537 Alors que l’article 5 du statut du TPIY définit les crimes contre l’humanité comme des actes « commis au cours d’un conflit armé, de caractère international ou interne, et dirigés contre une population civile quelle qu’elle soit », l’article 3 du statut du TPIR les envisage comme des actes « commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse ». 538 « Conscripting or enlisting children under the age of 15 years into armed forces or groups or using them to participate actively in hostilities ») Statut du TSSL, op. cit., art. 4. c, (nous soulignons). 539 (« Abduction and forced recruitment of children under the age of 15 years into armed forces or groups for the purpose of using them to participate actively in hostilities »), SGNU, UN Doc. S/2000/915, Rapport du Secrétaire général sur l’établissement d’un Tribunal spécial pour la Sierra Léone, 4 octobre 2000, § 15, nous soulignons). 540 Sur cette question, voir ASCENSIO (H.), « L’apport des tribunaux pénaux internationalisés à la définition des crimes internationaux » in ASCENSIO (H.), dir., Les juridictions pénales internationalisées, op. cit., p. 91 ; SMITH (A.), « Child Recruitment and the Special Court for Sierra Leone », JICJ, vol. 2, n° 4, 2004, pp. 11411153. 541 TSSL, Appel, Affaire No.SCSL-2004-14-AR72(E), Prosecutor Against Sam Hinga Norman, Decision on preliminary motion on lack of jurisdiction (child recruitment), 31 mai 2004. 542 Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 8. 2. e) vii. 138 3. Une contribution de l’ONU à la formation de normes coutumières ? 212. Le rôle des organes onusiens dans la formation, la cristallisation et la consolidation des normes coutumières a été abordé par de nombreux auteurs. Sans prétendre à l’exhaustivité, on ne fera que rappeler certains des points les plus importants de cette question, en interrogeant la possibilité d’une évolution du rôle de certains organes dans la formation coutumière. 213. Le principal élément du débat concerne la possibilité pour les résolutions des organes intergouvernementaux – ou même supranationaux – de participer à la formation, voire de former en elles-mêmes, des normes coutumières. Précisons que les coutumes internes à l’Organisation ne sont pas envisagées ici, mais uniquement celles qui, intégrées au droit international général, s’appliquent aux relations entre États. Bien que la capacité du Conseil de sécurité à édicter des normes coutumières ait fait l’objet de débats, le manque de représentativité de cet organe incite à rejeter cette éventualité543. Le faible nombre de membres siégeant au Conseil ne permettrait pas de cristalliser ou de développer une norme coutumière pouvant prétendre à son intégration au droit international général. Ceci ne fait cependant pas obstacle à la création de coutumes internes à cet organe, telle la modification de la signification de l’abstention d’un membre permanent544. Cette pratique, d’ailleurs exceptionnelle, s’assimilerait toutefois à la création d’une coutume « constitutionnelle »545, exclue de cette analyse. C’est donc sur la question du rôle de l’Assemblée générale qu’il faut se concentrer. 214. L’Assemblée générale agit comme un facteur d’accélération de la formation coutumière546. Gérard Cahin note ainsi qu’en réunissant la quasi-totalité des États en une assemblée déségrégationnée, l’organe plénier permet une « sédimentation »547 de la pratique étatique. Plus encore, elle peut, par une attitude incitatrice, participer activement à la naissance d’une telle pratique dans un but programmé d’élaboration normative548. Si ce rôle de l’Assemblée générale n’est certes pas négligeable, il ne modifie pourtant en rien la logique 543 Voir l’article d’Olivier Corten sur ce sujet, rappelant les termes du débat et excluant définitivement toute capacité du Conseil dans ce sens : CORTEN (O.), « La participation du Conseil de sécurité à l’élaboration, à la cristallisation ou à la consolidation de règles coutumières », RBDI, vol. XXXVII, n° 2, pp. 552-567. 544 Voir à cet égard les remarques de la CIJ in CIJ, « Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud Ouest Africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité », avis consultatif, CIJ, Recueil 1971, p. 16, §§ 21-22. 545 Voir CAHIN (G.), La coutume internationale et les organisations internationales, thèse de doctorat, Pedone, Paris, 2001, pp. 16-19. 546 VIRALLY (M.), L’Organisation mondiale, op. cit., pp. 322-330. 547 CAHIN (G.), La coutume internationale et les organisations internationales, op. cit., pp. 149-155. 548 Ibid., pp. 155-162. 139 même de la formation coutumière. Au contraire, en cherchant à provoquer une pratique étatique, que l’on imagine uniforme, elle démontre son attachement à une approche classique des deux éléments de la coutume, au contraire de la position plus dynamique se développant dans le domaine des droits de l’Homme, comme évoqué précédemment. Ce rôle est d’autant plus classique que l’Assemblée générale est un organe intergouvernemental, ce qui implique que l’incitation provient in fine des États eux-mêmes. 215. Il ressort qu’en dehors des cas évoqués précédemment, les résolutions de l’Assemblée générale n’ont pas un impact significatif sur les modes de formation de la coutume. La doctrine relève ainsi que même dans les cas où les juges se fondent essentiellement sur ces textes pour identifier l’existence d’une norme coutumière, c’est bien plus en tant que témoignages de l’existence d’une telle norme que ces résolutions doivent être appréciées qu’en tant qu’élément de formation. Jorge Castañeda note à cet égard que « le fondement ultime du caractère obligatoire des règles ou des principes ‘déclarés’, ‘reconnus’ ou ‘confirmés’ par une résolution, réside finalement dans le fait que ce sont des règles coutumières ou des principes généraux de droit »549, et non que ces textes leur confèrent, par eux-mêmes, cette qualité. Il est vrai que lorsqu’un consensus existe au sein de la communauté des États autour d’une norme, la formalisation de ce consensus par l’intermédiaire d’une résolution ne confère pas à cette dernière, qui n’est finalement qu’un média, de valeur créatrice. Il convient toutefois de nuancer ce propos dans la mesure où, si la formalisation du consensus ainsi effectuée suffit à l’identification d’une norme coutumière, en l’absence même de pratique concordante, c’est bien en raison du média qui a été choisi et de l’importance que les juges lui confèrent. 216. Un autre rôle de l’ONU dans la formation des normes coutumières de la justice transitionnelle existe cependant. À l’instar de l’Assemblée générale, les organes intégrés, tels que le Secrétaire général et le HCDH, participent à la sédimentation de la pratique des États. Or, ce rôle semble généralement sous-évalué, voire totalement ignoré par la doctrine550. Pourtant, un rapprochement avec l’idée développée par Jean Charpentier concernant le rôle des individus paraît possible. 549 CASTAÑEDA (J.), « Valeur juridique des résolutions des Nations Unies », RCADI, vol. 129, 1970, p. 318. Gérard Cahin envisage l’implication des organes non gouvernementaux dans la formation de la coutume essentiellement dans le cadre des normes internes à l’Organisation. CAHIN (G.), La coutume internationale et les organisations internationales, op. cit., pp. 61-69. 550 140 217. Ce rôle incitatif a en effet été envisagé, concernant les individus, par Jean Charpentier551. Il reconnaissait toutefois qu’il ne pouvait constituer « qu’une source matérielle de la coutume, pas une source formelle »552 dans la mesure où la position, ou la législation, adoptée suite à cette incitation revenait toujours à l’État. Il en ressort que « l’initiative individuelle peut être l’occasion mais n’est jamais le fait générateur de la formation de la coutume »553. Le même auteur accordait un rôle plus important à ces mêmes individus lorsque la pratique ainsi considérée était relative à la protection des droits de l’Homme. Les droits revendiqués nationalement par des individus dans une multitude d’États distincts pourraient alors, s’ils sont reconnus par ces États, finir par être érigés en droits coutumiers. Le raisonnement butte cependant sur l’opinio juris dans la mesure où « il est rien moins que sûr que les États, en accordant par des textes législatifs, de nouvelles libertés publiques aux individus, aient entendu mettre en œuvre des droits internationaux »554, incitant alors l’auteur à se tourner vers les principes généraux du droit. Or, cette opinio juris, qui fait défaut lorsque l’État répond à une revendication populaire interne, peut sans doute être retrouvée lorsque ce même État se plie à une politique onusienne exprimée par l’intermédiaire du Secrétariat ou du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, entre autres. Cela est d’autant plus vrai que ces organes ont tendance à présenter ces politiques non pas pour ce qu’elles sont, mais bien en termes d’obligations. L’exemple des amnisties pour crimes internationaux est à cet égard très parlant. 218. Le rejet des amnisties couvrant les crimes internationaux est une politique des Nations Unies. Le Secrétaire général déclarait en 2004 que « les accords de paix entérinés par l’ONU ne peuvent en aucun cas promettre l’amnistie pour les actes de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou les atteintes graves aux droits de l’homme »555. Or, le Secrétaire général des Nations Unies jouit d’un poids considérable lors des négociations de paix, contribuant ainsi à l’émergence d’une tendance à limiter les amnisties incluses dans les accords de paix aux actes ne constituant pas des crimes internationaux556. De plus, cette 551 CHARPENTIER (J.), « Tendances à l’élaboration du droit international public », op. cit., pp. 124-127. Ibid., p. 125. 553 Ibid. 554 Ibid., p. 126. 555 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 10. 556 Cette tendance semble se généraliser. Les accords de paix endossés par l’ONU excluent désormais de façon systématique les amnisties générales. Si l’on en croit la base de donnée de l’Uppsala conflict data project, très peu d’accords incluent encore ce type de mesure. Le projet Negociating justice du Center for humanitarian dialogue identifie 22 amnisties totales entre 1980 et 2006, les dates précises ne sont pas disponibles. La base de donnée de l’Uppsala conflict data program, qui n’identifie que 57 cas d’amnistie entre 1957 et 2011, ne présente que deux États ayant adopté des amnisties complètes depuis 2002. Il s’agit du Tchad et de l’Angola. Voir Center 552 141 interdiction des amnisties est régulièrement présentée par les acteurs onusiens, notamment le HCDH comme relevant du droit international soit conventionnel, soit coutumier557. Ici encore, il faut rappeler que le HCDH, soit par le biais de ses bureaux-pays soit par celui des composantes droits de l’homme des opérations de maintien de la paix, est chargé d’assister les États dans la rédaction des politiques de justice transitionnelle. Son opinion juridique sur la légalité d’une amnistie envisagée par les autorités nationales exerce sur ces dernières une influence certaine. 219. Contrairement au cas imaginé par Jean Charpentier concernant les individus, le rejet des amnisties par les organes onusiens provient donc d’acteurs internationaux et est présenté comme étant fondé sur une obligation internationale de poursuivre les auteurs de crimes internationaux. Il paraît alors tout à fait plausible d’interpréter l’absence d’inclusion, par un État, d’une amnistie générale au sein d’un accord de paix ou même au sein de son droit interne, comme reflétant une opinio juris de l’interdiction des amnisties couvrant les crimes internationaux558. Il faut également noter que le rôle incitatif de l’ONU est ici particulièrement fort, dans la mesure où le soutien de l’Organisation peut parfois s’avérer crucial pour l’aboutissement d’un processus de paix ou pour le financement de la consolidation de la paix et peut ainsi laisser une marge d’action limitée aux États les plus dépendants de l’aide onusienne. Il est ainsi certain que l’ONU joue un rôle central dans le développement de la coutume émergente de l’interdiction de ces amnisties. Le propos se nuance toutefois de lui-même, dans la mesure où cette règle ne suscite pas une adhésion assez large et fait face à une pratique encore trop disparate de la part des États, pour prétendre à son élévation au rang de coutume internationale559. for Humanitarian Dialogue, « Accountability and peace agreements, mapping trends from 1980 to 2006 », septembre 2007, pp. 16-19. Voir aussi la base de donnée de l’Upssala conflict data program sur www.ucdp.uu.se. 557 HCDH, HR/PUB/09/1, « Amnisties.», op. cit., p. 11. 558 Il faut toutefois préciser qu’aucune position officielle d’État se trouvant dans cette situation n’a pu être trouvée. 559 C’est ce qu’a pu constater la CEDH dans l’affaire Margus c. Croatie. Dans cette affaire, après avoir constaté que de nombreux instruments et jurisprudences internationaux tendaient à démontrer la valeur coutumière de cette interdiction, la Cour prend en compte les remarques du tiers intervenant concernant l’absence de pratique uniforme de la part des États pour conclure que « [à] supposer que les amnisties soient possibles lorsqu’elles s’accompagnent de circonstances particulières telles qu’un processus de réconciliation et/ou une forme de réparation pour les victimes, l’amnistie octroyée au requérant en l’espèce n’en resterait pas moins inacceptable puisque rien n’indique la présence de telles circonstances en l’espèce ». Voir CEDH, Grande chambre, Margus c. Croatie, requête 4455/10, 27 mai 2014, § 139. 142 C) L’adaptation du jus cogens aux objectifs de la justice transitionnelle 220. Le jus cogens n’est pas toujours, ou de façon très marginale, pris en compte dans l’analyse du cadre normatif de la justice transitionnelle. Noémie Turgis note ainsi que « la controverse entourant l’existence de ce droit impératif et l’incertitude quant aux conséquences à attacher à cette qualification pousse à la mise à l’écart de ce concept dans le cadre de l’identification du domaine matériel de la justice transitionnelle »560. Cette affirmation ne peut pourtant pas être transposée dans le cadre de l’étude du rôle spécifique de l’ONU dans le développement de ce cadre normatif. Comme il sera démontré ci-après, l’Organisation est motrice dans l’identification des normes relevant du jus cogens ainsi que dans l’évolution des effets de ce dernier. La question de savoir si les observations établies par les organes procédant à ce travail peuvent être considérées comme intégrées au droit international positif nous paraît, dans ce contexte, distincte. 221. Une observation superficielle du jus cogens et de la justice transitionnelle suffit à constater que ces domaines se recoupent assez largement. En effet, si les normes impératives ne sont pas limitées aux droits de l’Homme et aux crimes internationaux561, ces champs en constituent sans aucun doute la part la plus importante562. De plus, la nature du jus cogens le prédispose à occuper une place particulière au sein de la justice transitionnelle et de la lutte contre l’impunité. Il a déjà été noté que cette lutte se distingue par sa prétention universelle, corollaire nécessaire à l’objectif de prévention des crimes et d’éradication des actes considérés comme les plus graves. Or, le jus cogens apparaît comme la seule catégorie de normes563 de droit international intrinsèquement universelle564. Ce caractère lui est en effet attribuable par le dépassement du volontarisme étatique qu’elle opère en étant insensible tant 560 TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., note 190, p. 146. Ainsi, « l’interdiction de l’emploi agressif de la force [et] le droit de légitime défense » se sont vus attribuer cette qualité. Voir CDI, UN Doc. A/CN.4/L.682, Fragmentation du droit international : difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit international, Rapport du Groupe d’étude de la Commission du droit international établi sous sa forme définitive par Martti Koskenniemi, 13 avril 2006, § 374. 562 Voir BIANCHI (A.), « Human rights and the magic of jus cogens », EJIL, vol. 19, n° 3, 2008, pp. 491-492. 563 Nous reprenons ici la théorie la plus répandue concernant la nature du jus cogens. Il faut toutefois noter que certains auteurs, minoritaires de leur propre aveu, considèrent le jus cogens non comme une catégorie de norme mais une technique juridique. Voir notamment KOLB (R.), « La détermination du concept de jus cogens », RGDIP, vol. 118, n° 1, 2014, pp. 5-29. 564 Notons que Robert Kolb envisage la possibilité de normes impératives régionales, idée apparemment acceptée également par Mathias Forteau. Voir respectivement ibid., pp. 14-16 et FORTEAU (M.), « Regional international law », in WOLFRUM (R.) dir, Max Planck Encyclopaedia of Public International Law, 2006, édition électronique, § 21. Dire Tladi considère toutefois cette approche comme ayant un fondement « quelque peu obscure ». CDI, A/CN.4/693, Premier rapport sur le jus cogens présenté par Dire Tladi, Rapporteur spécial, 8 mars 2016, § 68. 561 143 à l’objection persistante565 qu’aux dérogations établies par les États par voies conventionnelle ou unilatérale566. 222. Il demeure que les effets du jus cogens dans le domaine de la justice transitionnelle sont extrêmement flous et controversés. Formalisées dans le cadre du droit des traités, les normes impératives paraissent peu adaptées à la responsabilité pénale individuelle qui caractérise la justice transitionnelle567. L’article 53 de la Convention de Vienne, disposant qu’est « nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général »568 interroge sur la pertinence de cet effet dans le domaine des crimes internationaux. En effet « [imagine-t-on] un traité par lequel des Etats s’autoriseraient mutuellement à pratiquer la torture ? »569. Dans son opinion dissidente sous l’arrêt de la CIJ relatif à l’obligation de poursuivre ou d’extrader, Serge Sur adopte une position très dure visà-vis du recours au jus cogens dans le domaine des crimes internationaux lorsqu’il considère que : « [c’est] bien plutôt par des actes matériels que l’obligation [d’interdiction de la torture] se trouve violée. En toute hypothèse elle vise des comportements physiques ou psychologiques, voire des ordres donnés, des instructions, des planifications suivies des comportements en cause, plus que des traités internationaux. Cela résulte en particulier des termes mêmes de l’article 2 de la convention. C’est une répression pénale individuelle qu’appellent de tels actes et l’ascension normative internationale de leur condamnation de principe n’offre d’autre conséquence concrète que la satisfaction morale de ceux qui la prononcent. »570 565 Voir dans ce sens : CDI, UN Doc. A/CN.4/714, Troisième rapport sur les normes impératives du droit international général (jus cogens), Dire Tladi, Rapporteur spécial, 12 février 2018, §§ 142-145. 566 Ibid., §§ 146-149. Il faut préciser que le dépassement du volontarisme exprimé ici ne concerne que l’application universelle des normes de jus cogens préalablement identifiées comme telles et ne présuppose en aucun cas de la justification volontariste ou jus naturaliste de la formation de ces normes. Il va sans dire que le débat sur l’origine théorique du jus cogens dépasse très largement le cadre du présent travail. 567 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 2. 568 Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969, RTNU, vol. 1155, p. 331, art. 53 569 Opinion dissidente de Serge Sur sous C.I.J, Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader, Belgique c. Sénégal, arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 422. Voir dans le même sens BIANCHI (A.), « Human rights and the magic of jus cogens », op. cit., p. 496, relevant que « [it] is indeed highly unlikely that two or more states would make a treaty to commit an act of genocide or to subject certain individuals to torture. » 570 Opinion dissidente de Serge Sur, op. cit., § 33. 144 223. Cette position est tout à fait valable dans un contexte où le jus cogens serait limité à la définition et aux effets fixés par la Convention de Vienne. Or, ces effets ont, du point de vue onusien, évolué de façon importante. C’est d’ailleurs probablement dans le développement des effets du jus cogens que l’ONU, notamment au travers du TPIY et de la CDI, est la plus active. Il est en effet généralement admis que l’application du jus cogens dépasse aujourd’hui le droit des traités571. Il ne nous appartient pas ici d’élaborer une théorie du jus cogens dans les divers domaines du droit international où il pourrait trouver à s’appliquer, mais plutôt de souligner quelques effets en développement, sous influence onusienne et liés au domaine de la justice transitionnelle. Ces développements ont tous pour objectif de supprimer les limites aux poursuites pénales visant les crimes dont l’interdiction a valeur de jus cogens. Cherif Bassiouni a été jusqu’à affirmer que « recognizing certain international crimes as jus cogens carries with it the duty to prosecute or extradite, the non-applicability of statutes of limitation for such crimes, and universality of jurisdiction over such crimes irrespective of where they were committed, by whom (including Heads of State), against what category of victims, and irrespective of the context of their occurrence (peace or war). Above all, the characterization of certain crimes as jus cogens places upon states the obligatio erga omnes not to grant impunity to the violators of such crimes. »572 Si, de l’aveu même de cet auteur, le droit international pénal positif « does not contain such an explicit norm as to the effect of characterizing a certain crime as part of jus cogens »573, on peut remarquer que les travaux et jugements de certains organes et tribunaux onusiens vont dans ce sens. 224. La Chambre de première instance du TPIY, dans son célèbre arrêt Furundzija a considéré qu’il « serait absurde d’affirmer d’une part que, vu la valeur de jus cogens de l’interdiction de la torture, les traités ou règles coutumières prévoyant la torture sont nuls et non avenus ab initio et de laisser faire, d’autre part, les États qui, par exemple, prennent des mesures nationales autorisant ou tolérant la pratique de la torture ou amnistiant les 571 Les normes impératives ont ainsi été intégrées au droit de la responsabilité des États. Voir CDI, UN Doc. A/RES/56/83, annexe, Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, 28 janvier 2002, chapitre 3. 572 BASSIOUNI (C.), « International crimes : jus cogens and obligatio erga omnes », Law and Contemporary Problems, vol. 54, n° 4, 1996, pp. 65-66. 573 Ibid. 145 tortionnaires »574. Il s’en suivrait que la qualité de normes impératives des crimes internationaux rendrait les amnisties nationales inopposables aux États tiers ainsi qu’aux juridictions internationales. Ce raisonnement, également suivi par le TSSL575, tend ainsi non seulement à limiter la portée des amnisties, mais également à reconnaître une compétence universelle aux États pour les jugements de ces crimes, liée à la nature de ces derniers576. 225. D’autres effets ont été ou sont actuellement discutés au sein de la CDI. La question des immunités pénales des représentants de l’État a accordé une place importante au jus cogens dans les discussions concernant les motifs d’inapplicabilité de ces immunités devant les juridictions pénales étrangères. Si la valeur de norme impérative n’est pas directement invoquée comme élément justifiant l’inapplicabilité des immunités, elle justifie en partie, d’une part, l’intégration des crimes internationaux comme exceptions à l’application des immunités577 et, d’autre part, l’inclusion de la torture, en tant que crime indépendant, dans la liste des crimes internationaux578. De façon plus accessoire, il peut aussi être noté que la valeur de jus cogens de l’interdiction des crimes internationaux a été envisagée comme fondement de l’obligation de poursuivre ou d’extrader les personnes responsables de ces crimes579. 226. Les développements décrits ci-dessus sont loin d’être intégrés au droit international positif. En ce qui concerne les immunités, le travail de la CDI est actuellement en porte-à-faux vis-à-vis de la position de la CIJ telle qu’exprimée dans l’affaire du mandat d’arrêt entre la 574 TPIY, Le Procureur c. Anto Furundzija, op. cit., § 155. 575 TSSL, Chambre d’appels, No SCSL-2004-15-AR72(E) et SCSL-2004-16-AR72(E), Procureur c. Morris Kallon et Brima Buzzy Kamara, Decision on Challenge to Jurisdiction : Lome Accord, Amnesty, 13 mars 2004. 576 Ibid., §§ 71-72. Sur cette décision, voir MEISENBERG (S. M.), « Legality of amnesties in international humanitarian law The Lomé Amnesty Decision of the Special Court for Sierra Leone », RICR, décembre 2004, vol. 86, n° 856, pp. 837-851 ; BOYLE (D.), « L’apport des TPI quant au régime du crime », in ASCENSIO (H.), dir., Les juridictions pénales internationalisées, op. cit., pp. 136-139. 577 CDI, UN Doc. A/CN.4/701, Cinquième rapport sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, établi par Concepción Escobar Hernández, rapporteuse spéciale, 14 juin 2016, §§ 191205. 578 La rapporteuse spéciale indique à propos de la torture que « compte tenu de la gravité de ce crime et du fait que son interdiction a de multiples fois été considérée comme une norme de jus cogens, il semble raisonnable d’inclure expressément la torture dans les crimes internationaux constituant une limite ou une exception à l’immunité des représentants de l’État de la juridiction pénale étrangère. » Ibid., § 224. Notons que la rapporteuse estime de façon curieuse que le « même raisonnement s’applique aux disparitions forcées ». 579 Le quatrième rapport du rapporteur spécial sur la question de l’obligation de poursuivre ou d’extrader étudiait effectivement cette possibilité. CDI UN Doc. A/CN.4/648, Quatrième rapport sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare), Zdzislaw Galicki, Special Rapporteur, 31 mai 2011, §§ 92-94. Le rapporteur a en conséquence proposé un article 4 al. 3 disposant : « [l’obligation] d’extrader ou de poursuivre découle de la norme impérative du droit international général acceptée et reconnue par la communauté internationale des États (jus cogens) sous forme soit de traité international soit de coutume internationale, érigeant en crimes les actes énumérés au paragraphe 2 ». Cette option n’a toutefois pas connu de suite, la question ayant été abandonnée dans son ensemble par la CDI. 146 Belgique et le Sénégal, et qui considérait, sans toutefois se prononcer sur la valeur de jus cogens des crimes concernés, que les immunités des représentants de l’État étaient valables même en ce qui concerne les crimes internationaux580. En ce qui concerne les effets du jus cogens, la doctrine est encore partagée et les décisions de justice sont encore trop peu nombreuses pour témoigner d’un consensus entre les divers systèmes judiciaires nationaux ou régionaux581. Cet écart entre la position des organes onusiens et le droit positif ne fait que souligner le caractère militant de leurs efforts, résolument inscrits, en ce qui concerne le jus cogens, dans la lex ferenda. 227. Les divers organes onusiens ont ainsi fait preuve d’un certain volontarisme dans le développement du droit de la justice transitionnelle, qu’il soit conventionnel, coutumier ou ayant valeur de jus cogens. Ce rôle s’est pourtant limité au cadre de la justice transitionnelle, les acteurs onusiens refusant d’aller jusqu’à consacrer un droit à la justice transitionnelle. Section II Le refus de consécration d’un droit à la justice transitionnelle 228. La justice transitionnelle est devenue une méthode employée de façon quasisystématique par l’ONU dans ses efforts de consolidation de la paix. Ses principes ont également pénétré, bien que de façon inégale, les systèmes régionaux de protection des droits de l’Homme et connaissent une consolidation progressive en droit international général. Parallèlement, la lutte contre l’impunité s’est également développée. Les tribunaux internationaux et hybrides se sont multipliés, la CPI a été créée et les amnisties, tout du moins celles concernant les crimes internationaux, sont régulièrement dénoncées, délégitimées, voire considérées comme illégales. 229. Ces développements impliquent qu’il est aujourd’hui de plus en plus compliqué pour les États d’ignorer les crimes du passé ou de soutenir une option consistant à « tourner la page » sur les violences subies par leur population. Il paraît légitime de se demander si on assiste à l’émergence d’un droit à la justice transitionnelle. Á cet égard, les développements du droit 580 CIJ, « Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 », op. cit., § 59. La CEDH s’est prononcée dans le même sens concernant l’immunité de juridiction d’un État pour le crime de jus cogens de torture et pour l’immunité de juridiction des Nations Unies, pour le crime de génocide. Voir respectivement CEDH, Grande Chambre, Affaire Al-Adsani c. Royaume-Uni, requête n° 35763/97, 21 novembre 2001 et CEDH Affaire Stichting mothers of Srebenica and others against the Netherlands, requête n° 65542/12, 6 juin 2013. 581 Voir tout de même les décisions des cours des États-Unis et de la Suisse citées in CDI, UN Doc. A/CN.4/714, Troisième rapport sur les normes impératives du droit international général (jus cogens), op. cit., § 144 pour ce qui concerne l’objecteur persistant. 147 international pénal, du droit à la vérité et du droit à réparation ne doivent pas être surestimés. La justice transitionnelle va plus loin que la simple lutte contre l’impunité pénale. Elle dépasse également les considérations liées à la valeur normative de ses piliers pris individuellement. La vision holiste de la justice transitionnelle, dont on a dit qu’elle la menaçait d’éparpillement, paraît peu compatible avec la consécration d’un droit à la justice transitionnelle. Finalement, c’est l’adaptabilité qui constitue le cœur même de cette justice qui fait barrière à son élévation au rang de droit (§ 1). Ceci ne signifie toutefois pas que les États soient totalement exempts de toute obligation de mener des politiques de justice transitionnelle. Si celle-ci ne fait pas l’objet d’un droit pouvant être revendiqué en tant que tel, elle représente tout de même une exigence portée, parfois vigoureusement, par la communauté internationale et l’ONU (§ 2). §1/L’absence de droit à la justice transitionnelle 230. Le premier problème que pose la détermination d’un droit à la justice transitionnelle tient dans l’absence de définition précise de cette justice. La consécration d’un droit à la justice transitionnelle se heurte ainsi à son impossible circonscription (A). Forts d’une approche cohérente de la justice transitionnelle, les organes intergouvernementaux de l’ONU auraient pu chercher à créer, ou en tout cas initier, la création d’une obligation de justice transitionnelle à la charge des États. On observe toutefois qu’une telle obligation n’est appliquée que de façon variable (B). A) L’impossible circonscription d’un droit à la justice transitionnelle 231. La tentative d’identification d’un droit à la justice transitionnelle se heurte au flou de la définition et de la circonscription de cette dernière. Quelle serait alors la substance d’un tel droit ? S’agit-il d’un droit des populations fondé sur les quatre piliers de la justice transitionnelle ? Si tel était le cas, le supposé droit à la justice transitionnelle ne serait qu’une expression à valeur pratique, réunissant sous une même terminologie des droits disparates, limitant fortement l’intérêt de la question. De plus, on a déjà pu observer que la portée normative des piliers était, au mieux, incertaine582. Le regroupement de ces quasi-droits au sein d’une catégorie plus large désignée par l’expression justice transitionnelle ne modifierait 582 Supra, chapitre 2. 148 pas cet état de fait. S’il peut être envisageable d’établir l’existence de droits rentrant dans le champ de la justice transitionnelle au profit des individus, il faut préciser que ces droits sont essentiellement développés dans le cadre d’instruments régionaux de protection des droits de l’Homme et ne peuvent, à ce stade, être intégrés au droit international général. 232. On retrouve à la lumière de ces éléments les problèmes déjà rencontrés lors de la définition de la notion de justice transitionnelle. Fondé sur les instruments généraux des droits de l’Homme, du DIH et du DIP, selon l’articulation posée par les piliers, ce droit peine à se distinguer de ceux reconnus par ces instruments, notamment en termes de droits de l’Homme, à tout citoyen d’un État partie aux conventions en question. La justice transitionnelle perd alors sa spécificité pour rejoindre le droit commun des droits à la justice, à la vérité, à réparation et, éventuellement, aux garanties de non-répétition. Or, questionner l’existence d’un droit à la justice transitionnelle n’a d’intérêt que si cette qualification dépasse, ou en tous cas s’écarte, de la reconnaissance de ces droits pris individuellement. C’est donc en prenant en compte les spécificités de ce champ qu’il faut rechercher si un droit à la justice transitionnelle peut être reconnu. 233. C’est alors l’adaptabilité et le caractère polymorphe de la justice transitionnelle qui semblent s’opposer à la reconnaissance de ce droit. En effet, il suffit de constater l’absence d’interdiction claire, en droit international général, des amnisties, y compris pour crimes graves, pour écarter l’idée d’un droit à une justice transitionnelle abordée d’un point de vue pénale. Deux possibilités se profilent. Le droit à la justice transitionnelle pourrait comporter une obligation de garantir l’effectivité de chacun des piliers, correspondant à une vision holiste de cette justice. On se trouve toutefois confrontés à la faible normativité de ces piliers et donc du droit à la justice transitionnelle. Ce droit pourrait également dépasser cette structure en piliers pour intégrer le polymorphisme de la justice transitionnelle. Il se limiterait alors à reconnaître un droit à ce que quelque chose soit fait après des violations de masse, quand bien même il s’agirait de simplement amnistier les responsables et mener une politique de réconciliation nationale. Le droit à la justice transitionnelle ne serait qu’une liste non exhaustive de choix ouverts aux dirigeants pour faire face aux crimes de masse. Ces deux options paraissent alors également insatisfaisantes. 234. En tout état de cause, une étude des organes intergouvernementaux de l’ONU, ceux les plus enclins à influencer le développement d’un droit à la justice transitionnelle, révèle une certaine réticence à en reconnaître l’existence. Ces organes se contentent de se positionner sur le plan d’une obligation, d’ailleurs variable, de justice transitionnelle. 149 B) L’application variable d’une obligation de justice transitionnelle 235. Deux moyens s’offrent à l’ONU pour créer des obligations à la charge des États. Le premier se fonde sur le caractère obligatoire des résolutions du Conseil de sécurité et le second, plus controversé, sur la capacité de ce dernier ainsi que de l’Assemblée générale de « légiférer » par le biais de l’adoption de résolutions thématiques. L’analyse du recours à ces moyens par ces organes dans un éventuel objectif de création d’une obligation de justice transitionnelle démontre que le Conseil de sécurité ne crée de telles obligations que de façon ponctuelle et limitée (1), et que les deux organes intergouvernementaux se refusent à consacrer une obligation générale de justice transitionnelle (2). 1. La création limitée d’obligations ponctuelles de justice transitionnelle 236. Envisagée comme instrument de maintien et de consolidation de la paix, la justice transitionnelle est susceptible de voir ses mécanismes imposés par le Conseil de sécurité comme mesure de maintien de la paix. Cette éventualité verrait alors naître à la charge de l’État concerné, sur le fondement du caractère obligatoire des résolutions du Conseil, une obligation de justice transitionnelle. On pourrait même imaginer que le Conseil, sans définir les mécanismes précis à adopter, enjoigne certains États à mettre en œuvre une stratégie de justice transitionnelle. Une telle obligation irait à l’encontre des principes de consentement de l’État et, dans le cas d’imposition d’un mécanisme spécifique, d’appropriation nationale583. 237. Le Conseil de sécurité ne crée que très exceptionnellement une telle obligation de justice transitionnelle. La quasi-totalité des actions menées ou appuyées par les Nations Unies dans le domaine de la justice transitionnelle sont conduites avec le consentement ou sur la demande des États concernés584. Il faut noter à cet égard que les cas d’imposition de poursuites pénales, que ce soit par le biais de la création des TPI ou par le déferrement d’une situation à la CPI, ne créent pas à proprement parler d’obligation de justice transitionnelle. Ces décisions créent bien des obligations à la charge des États, telles la coopération avec les tribunaux ainsi créés ou saisis, elles n’obligent cependant pas les États à mettre en œuvre une quelconque politique de lutte contre l’impunité. Le cas des administrations transitoires est également ambiguë dans la mesure où les États n’ont pas de réel choix dans la création par ces administrations de mécanismes de justice transitionnelle, tels la CAVR et les panels spéciaux 583 584 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. Ibid. 150 au Timor, ou encore les panels 64 au Kosovo. Il demeure que les décisions de création de ces mécanismes sont prises par les administrations transitoires au nom de l’État, et non en application d’une obligation qui pèserait sur ce dernier. 238. Les cas où le Conseil de sécurité enjoint les États à créer des mécanismes prévus dans des accords de paix signés entre les factions en conflit sont plus complexes. Tel est le cas de la Sierra Léone, où le Conseil, par sa résolution 1370 (2001), engageait « le Gouvernement sierra-léonais, agissant avec le Secrétaire général, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et les autres intervenants internationaux concernés, à procéder sans délai à la création de la Commission vérité et réconciliation et du tribunal spécial prévus dans la résolution 1315 (2000) du 14 août 2000 »585. Tel est également le cas du Burundi, où le Conseil, après avoir demandé au BINUB, par la résolution 1719 (2006), de « [soutenir] les efforts entrepris pour lutter contre l’impunité, en particulier grâce à la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, notamment une commission vérité et réconciliation et un tribunal spécial »586, a, par sa résolution 2027 (2011), « [invité] le Gouvernement burundais à mettre en place, avec l’aide de ses partenaires internationaux et du BNUB, selon qu’il conviendra, des mécanismes de justice transitionnelle, notamment une commission vérité et réconciliation »587. Notons tout d’abord que l’absence de recours au Chapitre 7 pour ces résolutions n’enlève rien à leur caractère obligatoire, fondé sur l’article 25 de la Charte des Nations Unies588. Il apparaîtrait alors que, par ces décisions, le Conseil crée une obligation à la charge de l’État de mettre en œuvre certains mécanismes de justice transitionnelle, en l’occurrence des commissions vérité. Une telle réflexion ignorerait toutefois le fait que ces mécanismes se trouvent déjà intégrés à des accords de paix signés par les gouvernements concernés, nommément l’accord de Lomé pour la Sierra Léone589 et l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation pour le Burundi590. Cette particularité rapproche ainsi ces résolutions de celles où le Conseil, sans créer à proprement parler d’obligations, rappelle aux 585 S/RES/1370 (2001), § 17. S/RES/1719 (2006), § 2 (j). 587 S/RES/2027 (2011), § 12. 588 Voir à ce sujet ANGELET (N.), SUY (E.), « Article 25 », in COT (J.-P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), dir., La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Economica, Paris, 3e éd., 2005, pp. 909-918. 589 « Peace agreement between the Government of Sierra Leone and the Revolutionary United Front (Lome peace agreement) », op. cit., art. XXVI. 590 « Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi », op. cit., Protocole I, chapitre II, art. 8. Ce point est d’ailleurs rappelé par le Conseil dans sa résolution 2027, dans laquelle il est précisé que la création de la commission vérité burundaise est demandée « conformément aux résultats des travaux du Comité technique, aux consultations nationales de 2009, à sa résolution 1606 (2005) et aux Accords d’Arusha de 2000 ». Voir S/RES/2027, op. cit., § 12. 586 151 États les obligations qui leur incombent de poursuivre les personnes responsables de crimes internationaux, conformément aux règles de droit international auxquelles ils sont soumis. 239. Deux cas attirent toutefois l’attention. Les résolutions 2190 (2014) et 2301 (2016), concernant respectivement le Libéria et la République centrafricaine, ont toutes deux été adoptées sur le fondement du Chapitre 7. Dans la première, le Conseil « souligne qu’il importe d’appliquer une stratégie de réconciliation nationale et de cohésion sociale au moyen de mesures concrètes propres à promouvoir un apaisement national, la justice et la réconciliation à tous les niveaux et avec la participation de toutes les forces libériennes et demande au Gouvernement libérien de continuer à appuyer la participation des femmes à la prévention des conflits, au règlement des conflits et à la consolidation de la paix, notamment en tant que décideuses dans les organes de gouvernance créés au sortir du conflit, ainsi qu’aux diverses entreprises de réforme »591. Dans la seconde, il « [demande] aux autorités centrafricaines de prendre sans délai et à titre prioritaire des mesures concrètes visant à renforcer les institutions judiciaires et à lutter contre l’impunité, afin de contribuer à la stabilisation et la réconciliation, notamment en rétablissant l’administration de l’appareil judiciaire, du système de justice pénale et du système pénitentiaire dans tout le pays, en démilitarisant les prisons et en remplaçant progressivement les Forces armées centrafricaines grâce au recrutement de personnel pénitentiaire civil, et en veillant à permettre à tous d’accéder à une justice impartiale et équitable, et de rendre la Cour pénale spéciale opérationnelle dans les meilleurs délais »592. Si ces deux résolutions n’imposent pas explicitement d’obligation de justice transitionnelle, elles semblent tout de même obliger les États à adopter des mesures de réconciliation et de lutte contre l’impunité. Ceci est particulièrement visible dans le cas libérien. Hors le cas de la Cour pénale spéciale centrafricaine, les États semblent ici rester maîtres dans le choix des mécanismes à mettre en place, dans la mesure où ceux-ci sont propres à atteindre les objectifs fixés par ces résolutions. Les obligations créées par le Conseil 591 592 S/RES/2190 (2014), § 2. S/RES/2301 (2016), § 10. 152 de sécurité seraient alors de l’ordre de l’obligation de moyens plus que de création de mécanismes spécifiques. Il pourrait s’agir ici d’une obligation de justice transitionnelle au sens le plus large de cette notion, fondé sur ses finalités593. 240. Le caractère exceptionnel de ces résolutions ainsi que le langage utilisé par le Conseil incitent toutefois à modérer ce constat. Dans le cas du Libéria, le plus explicite en la matière, le Conseil ne fait que « souligner l’importance » de la mise en œuvre d’une stratégie de réconciliation nationale. Il peut alors être argué que si cet organe avait souhaité obliger le Libéria, il aurait pu demander aux autorités de cet État ou encore exiger d’elles de mettre en œuvre une telle stratégie. Dans le cas de la RCA le caractère obligatoire des mesures envisagées est plus net, dans la mesure où le Conseil « demande » aux autorités de prendre certaines dispositions. Cependant, les mesures concernées concernent une multitude de domaines, allant de la réforme des institutions judiciaires et pénales, au désarmement et à la lutte contre l’impunité. Les obligations créées ne concernent donc que de façon très éloignée la justice transitionnelle pour se situer plutôt dans le rétablissement de l’état de droit. S’il est constant que la justice transitionnelle est considérée comme un élément de rétablissement de cet état de droit, il serait erroné de confondre les deux notions dans la mesure où, si toute politique de justice transitionnelle s’intègre dans l’effort de rétablissement de l’état de droit, celui-ci n’implique pas nécessairement l’adoption de mesures dans le domaine de celle-là594. Il n’en demeure pas moins que les références à la réconciliation, à la lutte contre l’impunité et à la Cour pénale spéciale pointent vers la justice transitionnelle sans oser, encore, la citer comme obligation à la charge de la RCA. 241. On comprend que le Conseil de sécurité développe, de façon encore exceptionnelle et limitée, des obligations ponctuelles de justice transitionnelle à la charge de certains États sortant de conflit. Le développement de ce champ et l’intégration dorénavant quasisystématique de cette justice dans les stratégies de maintien et de consolidation de la paix dans les contextes de post-conflit, annonce une probable multiplication des résolutions enjoignant aux États de mettre en place des politiques, ou des mécanismes spécifiques, de justice transitionnelle. Il convient cependant de se demander si ces obligations ponctuelles s’accompagnent du développement d’une obligation plus générale à la charge de tous les États, en tous cas de ceux membres des Nations Unies. 593 594 Voir supra, introduction. Sur l’articulation des deux notions, voir supra, titre 1, chapitre 1 153 2. L’absence de volonté onusienne de développement d’une obligation générale de justice transitionnelle 242. La compétence des principaux organes intergouvernementaux des Nations Unies pour créer des règles générales de droit international est fortement contestée dans la doctrine595. L’existence de ce débat, qu’il ne nous appartient pas de trancher, ne masque pas, au contraire, la pratique de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité d’adopter des résolutions thématiques présentant un caractère législatif. La résolution 2625 (1970) de l’Assemblée générale concernant les « principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre États »596 et les résolutions du Conseil de sécurité touchant à la lutte contre le terrorisme597 en sont les exemples les plus représentatifs. Étant donné cette activité et la place centrale de l’Organisation dans le développement de la justice transitionnelle, il paraît naturel de chercher dans les textes de ces organes le fondement d’une obligation de justice transitionnelle. 243. Une étude des résolutions thématiques598 de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité permet pourtant d’affirmer que la justice transitionnelle y occupe une place très marginale. Aucune résolution de l’organe plénier ne laisse supposer l’affirmation d’une obligation générale de justice transitionnelle. En ce qui concerne le Conseil de sécurité, la situation est presque analogue. Bien que ce domaine apparaisse dans moins de résolutions thématiques du Conseil que de l’Assemblée générale (en partie du fait de leur plus faible nombre de façon générale) elle y occupe une place plus importante. Il demeure qu’aucune de ces résolutions ne peut être considérée comme créant ou cherchant à créer une obligation générale de justice transitionnelle. 244. La résolution 1379 (2001), portant sur « les enfants et les conflits armés » aurait pu créer le doute. Celle-ci dispose, dans son paragraphe 9 que le Conseil : 595 Voir par exemple SORENSEN (M.), « Principes de droit international public : cours général », RCADI, vol. 101, 1960, pp. 91-108 et ARANGIO-RUIZ (G.), « The normative role of the General Assembly of the United nations and the Declaration of Principles of Friendly Relations », RCADI, vol. 137, 1972, notamment pp. 434-437. 596 ARANGIO-RUIZ (G.), « The normative role of the General Assembly of the United nations and the Declaration of Principles of Friendly Relations », op. cit., pp. 419-742. 597 Il s’agit notamment des résolutions 1373 (2001), 1540 (2004) et 1566 (2004). Voir TERCINET (J.), « Le pouvoir normatif du Conseil de sécurité : le Conseil de sécurité peut-il légiférer ? », RBDI, 2004/2, pp. 528-551 et plus largement sur la question DENIS (C.), Le pouvoir normatif du Conseil de sécurité : portée et limites, thèse de doctorat, Bruylant, Bruxelles, 2004, surtout pp. 134-162. 598 Seules les résolutions thématiques sont susceptibles d’établir des règles générales, contrairement aux résolutions s’intéressant à une situation spécifique, dont les règles ne concerneraient que le ou les États visés. 154 « Demande aux États Membres : a) De mettre fin à l’impunité et de poursuivre les responsables de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et autres crimes abominables commis contre des enfants, d’exclure autant que possible ces crimes des mesures d’amnistie et des actes législatifs du même ordre, et de veiller à ce que les mécanismes de recherche de la vérité et de réconciliation mis en place après les conflits s’occupent des abus graves dont les enfants ont été victimes »599. L’analyse confirme pourtant qu’il n’y a ici aucune obligation de justice transitionnelle créée à la charge des États sortant de conflit. Concernant les amnisties, le Conseil demande d’en « exclure autant que possible » les crimes internationaux, révélant une large marge de manœuvre laissée aux États. Enfin, la dernière partie de cette disposition n’inciterait les États qu’à inclure les « abus graves dont les enfants ont été victimes » dans le mandat des mécanismes de justice transitionnelle, dans le cas où de tels mécanismes seraient créés. Si cette disposition peut représenter un encadrement des mandats de ces mécanismes, elle ne peut être considérée comme imposant une obligation de les créer. 245. Il ressort des remarques présentées ci-dessus que les organes politiques onusiens n’ont pas souhaité créer une obligation générale de justice transitionnelle. On ne peut cependant pas s’en tenir à ce constat. Ce n’est pas parce que la justice transitionnelle ne fait pas l’objet d’une obligation, au sens juridique du terme, qu’une obligation, dans un sens plus large, n’existe pas. Une telle affirmation ferait peu de cas de l’influence exercée par l’ONU et l’ensemble de la communauté internationale sur les sociétés sortant de conflit. De même qu’il existe des degrés entre le droit et le non droit, il existe des nuances entre une obligation légale et l’absence totale d’obligation600. 599 S/RES/1379 (2001), § 9. Sans retracer le vaste débat entourant la normativité du droit international, on se contentera de noter la tendance à apprécier cette normativité de façon souple. Sur cette question, voir notamment : BAXTER (R. R.), « International law in ‘her infinite variety’ », International an Comparative Law Quarterly, vol. 29, n° 4, 1980, pp. 549-566 ; PELLET (A.), « Les raisons du développement du soft law en droit international : choix ou nécessité ? », in DEUMIER (P.), SOREL (J.-M.), dir., Regards croisés sur la soft law en droit interne, européen et international, LGDJ / Lextenso, Paris, 2018, pp. 177-192. Bien que reconnaissant cette tendance, Prosper Weil s’est attaché à en souligner les limites. Voir WEIL (P. ), « Vers une normativité relative du droit international ? », RGDIP, 1982, n° 1, pp. 5-47 ; WEIL (P.), « Le droit international en quête de son identité : cours général de droit international public », RCADI, vol. 237, 1992, pp. 227-313. 600 155 §2/L’émergence d’une exigence de justice transitionnelle 246. Le développement impressionnant qu’a connu la justice transitionnelle durant les trente dernières années ne s’est pas effectué de façon spontanée, les États prenant tout à coup conscience des effets des violences de masse sur leurs populations et décidant l’un après l’autre d’y remédier par l’application d’un ensemble de mesures ayant pour objectif la réconciliation nationale. La justice transitionnelle est un projet. Nous avons déjà eu l’occasion de décrire son émergence au sein du monde académique et de celui de la société civile, qui en ont fait une intensive promotion. Celle-ci est aujourd’hui relayée par l’ONU, dont l’autorité et l’universalité permettent de transformer une pratique conseillée en réelle exigence. 247. Ce glissement du conseil vers l’exigence s’opère alors tout d’abord par le biais de l’intense promotion de la justice transitionnelle effectuée auprès des États par les organes intégrés de l’ONU (A). Elle s’intensifie lorsque les organes intergouvernementaux décident d’intégrer cette justice comme élément incontournable du maintien de la paix (B). A) L’activisme des organes intégrés onusiens dans la promotion de la justice transitionnelle 248. Les organes intégrés, au premier rang desquels se trouvent le secrétariat et le HautCommissariat aux droits l’homme, ont été les premiers acteurs onusiens de la justice transitionnelle et en demeurent les principaux promoteurs. Leur action représente le double ancrage de la justice transitionnelle dans l’action de l’Organisation, à la fois dans le domaine du maintien et de la consolidation de la paix et dans celui des droits de l’Homme. Le rôle et l’influence exacts de ces acteurs sont pourtant difficiles à évaluer, en raison notamment de la nature de leurs pouvoirs. Du fait de leur caractère intégré, ces deux organes agissent essentiellement au travers des États, dans un rôle d’impulsion, de suggestion. En l’absence d’un pouvoir de contrainte et de la légitimité politique propre aux organes intergouvernementaux, le Secrétaire général et le Haut-Commissaire dépendent de leur autorité morale601 et de la neutralité que leur statut d’organes intégrés, détachés des intérêts nationaux, leur confère. Le principal moyen d’action du Secrétaire général, dans le domaine 601 Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a ainsi été qualifié de « conscience for the world ». BROECKER (C. L.), GAER (F. D.), dir., The United Nations High Commissioner for human rights : conscience for the world, Martinus Nijhoff Publishers, Leyde, 2013, 420 p. 156 qui nous intéresse, ressort de la diplomatie « privée »602, dont le caractère secret, indispensable à son efficacité, rend son étude particulièrement hasardeuse603. Dans un degré moindre, l’action du Haut-Commissaire connaît des difficultés similaires. Dans son rôle de promotion des droits de l’Homme, le HCDH conseille les États et leur fournit une assistance technique. Si le consentement de l’État est toujours nécessaire à cette action, il est parfois difficile de déterminer la mesure dans laquelle la création d’un mécanisme donné provient d’une initiative nationale ou si les autorités répondent à une demande du HCDH. Enfin, pour l’un comme l’autre de ces fonctionnaires onusiens, la personnalité de l’occupant du poste est fondamentale dans le choix des problématiques prioritaires ainsi que de l’influence exercée sur les acteurs nationaux604. 249. Le Secrétaire général, par son action diplomatique, assure une intégration des considérations liées à la justice transitionnelle dans les accords de paix. Le meilleur exemple de cette action est probablement la consigne donnée par Koffi Annan à son représentant d’ajouter à l’accord de Lomé la mention précisant que l’ONU ne se considérait pas liée par l’amnistie prévue par l’accord en ce qu’elle concerne les crimes internationaux605. Le Secrétaire général a également été celui par lequel la justice transitionnelle a été incluse dans les tâches des opérations de paix. La première section « droits de l’homme et justice transitionnelle » créée au sein d’une opération de maintien de la paix provient d’une initiative du Secrétariat, en dehors de mandat explicite du Conseil de sécurité en la matière606. Il faut ajouter à ces éléments les nombreux rapports et notes rédigés par le Secrétaire général au sujet de la justice transitionnelle ainsi que la création d’une architecture institutionnelle au service, 602 SMOUTS (M.-C.), Le Secrétaire général des Nations Unies. Son rôle dans la solution des conflits internationaux, Armand Collin, Paris, 1971, pp. 245 et s. 603 Michel Virally relève cette complexité lorsqu’il dit que « en raison même de sa nature, l'action politique du Secrétaire général est soustraite, au moins partiellement, à la publicité. Elle ne peut donc être que malaisément saisie de l'extérieur ». VIRALLY (M.), « Le rôle politique du Secrétaire Général des Nations Unies », op. cit., p. 364. 604 Voir, pour ce qui concerne le HCDH, GAER (F. D.), « The effectiveness of the United Nations human rights protection machinery : the UN High Commissioner for human rights », ASIL Proceedings, vol. 108, 2014, pp. 281-285. En ce qui concerne le Secrétaire général, il est notable d’observer le changement de position vis-àvis du Haut-Commissaire entre Boutros Boutros-Ghali, opposé à la création de ce poste et optant pour une approche diplomatique, et Koffi Annan, soutenant tout à la fois le poste en lui-même et une pratique bien plus militante de sa fonction. Voir à cet égard ALSTON (P.), « Neither fish nor fowl : the quest to define the role of the UN High Commissioner for human rights », EJIL, vol. 8, n° 2, 1997, pp. 324-325. 605 UN Doc. S/1999/236, Septième rapport du Secrétaire général sur la Mission d’observation des Nations Unies en Sierra Leone, 30 juillet 1999, § 7, pp. 2-3 et § 54, p. 13 606 Il s’agit de la section créée au sein de la MINUT. Voir Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle et UN Doc, S/2006/628, Report of the Secretary-General on Timor-Leste pursuant to Security Council resolution 1690 (2006), 8 août 2006, §§ 73 et s. 157 entre autres, de ce domaine607. Ces éléments ont largement contribué à la normalisation et au développement de la justice transitionnelle au sein de l’Organisation. 250. Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme participe pour sa part activement à la promotion de la justice transitionnelle au travers de son action au sein des unités droits de l’homme des opérations de paix ainsi qu’au sein des bureaux-pays établis par le HautCommissariat en accord avec les pays hôtes. C’est au sein de ces bureaux que le HCDH invite les États à mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle et en vérifie la compatibilité avec les standards onusiens608. Le Haut-Commissaire, à l’instar du Secrétaire général, s’assure « que les accords de paix fassent une place aux considérations relatives aux droits de l’homme et à la justice de transition »609. Son rôle a d’ailleurs été central dans l’intégration de la CVR sierra léonaise dans l’accord de Lomé610. Il est également parmi les premiers promoteurs de l’exclusion des amnisties des accords de paix, comme le montre la dénonciation par la Haut-Commissaire Navy Pillay de l’amnistie totale accordée au Président yéménite Ali Abdallah Saleh en 2012611. Cette position est d’ailleurs confirmée par la publication du HCDH sur les amnisties dans sa série des « instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit »612. 251. Si le Secrétaire général et le HCDH ont largement participé, et participent encore, au développement de la justice transitionnelle onusienne, leurs méthodes sont tout à fait différentes et, à certains égards, complémentaires. Là où le premier procède par voie diplomatique, en s’adressant directement aux pouvoirs exécutifs étatiques au cours de négociations souvent secrètes, le second use essentiellement de son influence morale et de son contact privilégié avec les membres de la société civile. Leurs actions, quand elles se combinent, permettent ainsi d’assurer qu’une certaine pression sociale, entretenue par le HCDH, s’exerce sur les négociations menées par les autorités sous l’égide ou avec l’assistance du Secrétaire général. Il est significatif qu’une part importante de l’action du 607 Voir infra, partie 2, titre 2, chapitre 1. Voir infra, chapitre 2. 609 HCDH, UN Doc. A/HRC/12/18, Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et rapports du Haut -Commissariat et du Secrétaire général. Étude analytique sur les droits de l’homme et la justice de transition, 6 août 2009, § 4. 610 CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit., vol. 1, p. 29. 608 611 UN Doc. A/HRC/21/37, Situation of human rights in Yemen. Report of the United Nations High Commissioner for human rights, 5 septembre 2012, §§ 18-28. La Haut-Commissaire avait publié une déclaration à l’époque de la signature de l’accord. Elle est depuis introuvable. Des extraits ont toutefois été repris dans d’autres sources d’information. Voir par exemple « No amnesty for gross human rights violations in Yemen, top UN official says », UN news centre, 6 janvier 2012. 612 HCDH, HR/PUB/09/1, « Amnisties », op. cit., p. 11. 158 Haut-Commissariat tient en la formation des acteurs de la société civile et en la diffusion la plus large d’informations et d’échange d’expérience sur la justice transitionnelle par la voie de conférences et journées d’études, principalement à destination de ces mêmes acteurs613. 252. Les organes intégrés jouent un rôle aussi important que discret dans l’émergence d’une exigence de justice transitionnelle. Le caractère essentiellement diplomatique de leur action jouit d’une efficacité certaine, principalement due à leur autorité morale, permettant d’ériger la justice transitionnelle en critère de respectabilité des États sortant de conflit. La principale source de cette exigence demeure cependant les organes intergouvernementaux, dont les résolutions bénéficient d’une autorité et d’un retentissement bien supérieurs à celui des déclarations des organes intégrés. Cette autorité est décuplée lorsque sont en question la paix et la sécurité internationales. B) La justice transitionnelle comme exigence du maintien de la paix et de la sécurité internationale 253. Reprenant les appels des organes intégrés, les organes politiques onusiens, au premier rang desquels se trouvent l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, ont progressivement élevé la justice transitionnelle en élément indispensable du retour à la paix. L’Assemblée générale rappelle ainsi annuellement que « la justice, en particulier la justice transitionnelle en période ou au lendemain de conflits, est l’une des conditions fondamentales de la pérennisation de la paix »614. Plus réticent à l’usage de l’expression en elle-même615, à tout le moins dans ses résolutions, le Conseil de sécurité a tout de même fini par s’aligner sur l’organe plénier en considérant, récemment, que la « pérennisation de la paix » implique « l'accès à la justice et à la justice transitionnelle »616. Si cette prise de position du Conseil de sécurité peut surprendre, elle s’inscrit en fait dans l’approche globale du maintien et de la consolidation de la paix, au même titre que, par exemple, le développement économique. 613 Voir Annexe V, Bureaux-pays du HCDH et justice transitionnelle. A/RES/71/253 (2017), Rapport de la Cour pénale internationale, préambule. Cette phrase est reprise dans toutes les résolutions réceptionnant le rapport de la CPI depuis 2007. 615 Le Conseil de sécurité parle plus volontairement des mécanismes de justice transitionnelle que de celle-ci dans son acception globale. Il apparaîtrait que la première occurrence de l’expression en tant que telle dans une résolution du Conseil de sécurité soit au sein de la résolution 1719 du 25 octobre 2006, créant le BINUB. En ce qui concerne les déclarations présidentielles, l’expression apparaît en 2004, à l’issue d’un débat portant sur les « [civilian] aspects of conflict management and peace building ». Voir UN Doc. S/PRST/2004/33, Civilian aspects of conflict management and peace building, 22 septembre 2004. À propos du BINUB, voir Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 616 S/RES/2282 (2016), préambule. 614 159 Celui-ci est d’ailleurs également considéré comme « indispensable à la pérennisation de la paix »617. 254. Cependant, la justice transitionnelle se voit attribuer une importance plus grande du fait de son incorporation au sein des actions onusiennes en faveur de l’état de droit et des droits de l’Homme. L’évolution de la doctrine du maintien et de la consolidation de paix a placé l’état de droit au centre de l’action du Conseil de sécurité et de l’ONU d’une façon générale. Si, à l’instar de la justice transitionnelle, il n’existe pas encore, en droit positif, d’obligation d’état de droit, il apparaît que celui-ci est aujourd’hui un élément incontournable de respectabilité pour les États618. Son intense promotion par le Conseil de sécurité atteste et renforce ce caractère619. Or, « restaurer la confiance dans l’état de droit est un élément clef de la justice transitionnelle »620, ce qui amène le Conseil à rappeler « l’importance cruciale qu’il attache à la promotion de la justice et de l’état de droit, facteurs indispensables à la coexistence pacifique et à la prévention des conflits armés »621. La lutte contre l’impunité, au sens pénal, reste, dans ce contexte, la priorité du Conseil de sécurité622, ce qui ne l’empêche pas de régulièrement attirer l’attention des États « sur tout l’arsenal de mécanismes de justice et de réconciliation à envisager, tels les cours et tribunaux pénaux internes, internationaux et ‘mixtes’ et les commissions vérité et réconciliation »623. En ce qui concerne les droits de l’Homme, il ne fait aucun doute qu’ils sont aujourd’hui parfaitement intégrés à toute politique onusienne, y compris, voire surtout, dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité 617 UN Doc. S/PRST/2016/12, 28 juillet 2016, p. 2. Jacques Chevallier dit à ce propos que « [tout] État qui se respecte doit désormais se parer des couleurs avenantes de l’État de droit, qui apparaît comme un label nécessaire sur le plan international. L’État de droit se présente dans les sociétés contemporaines comme une véritable contrainte axiologique, dont dépend la légitimité politique ». Cité in SICILIANOS (L. A.), L’ONU et la démocratisation de l’État, op. cit., p. 249. 619 Le Secrétaire général note, dans son rapport sur l’état de droit et la justice transitionnelle de 2011, que « [depuis] 2004, [le Conseil de sécurité] a fait référence à l’état de droit et à la justice transitionnelle dans plus de 160 résolutions, ce qui représente une nette augmentation par rapport à la période correspondante d’avant le rapport de 2004 ». Voir SGNU, UN Doc. S/2011/634, État de droit et justice transitionnelle, op. cit., § 10. Voir également le rapport de Security Council Report, notant l’augmentation de l’occurrence de l’état de droit dans les résolutions et les déclarations présidentielles du Conseil de sécurité. Security Council Report, Cross cutting report on the rule of law, 28 octobre 2011, pp. 14-18. 620 A/RES/70/118 (2015), § 17. La même expression est reprise dans les résolutions précédentes sur cette thématique. Voir A/RES/69/123 (2014) ; A/RES/67/97 (2013) ; A/RES/66/102 (2012). 621 S/PRST/2014/5 (2014), § 1. 622 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 2. 623 On retrouve cette expression dans les résolutions du Conseil de sécurité portant sur « les femmes, la paix et la sécurité » ainsi que celles portant sur « la protection des civils dans les conflits armés ». Voir S/RES/1960 (2010) ; S/RES/1888 (2009) ; S/RES/1738 (2006) et S/RES/1674 (2006). 618 160 internationales. L’attention accrue portée par le Conseil de sécurité au travail du HCDH en témoigne624. 255. Comme il sera observé plus loin625, ce mouvement s’exprime également au travers de l’accroissement considérable du nombre d’opérations de paix comportant un volet justice transitionnelle. À cet égard, il est significatif que les premières sections « droit de l’homme et justice transitionnelle » ont été intégrées au sein d’opérations de paix sur l’initiative du Secrétaire général626. Or, le Conseil de sécurité tend aujourd’hui à inclure ces sections, ou tout du moins les tâches qu’elles sont censées porter, directement dans les mandats des opérations. Ceci est particulièrement visible au sein des missions politiques spéciales, qui intègrent maintenant des mandats globaux concernant la justice transitionnelle, y compris dans la promotion de celle-ci627. Le Conseil ne se contente plus d’accepter la politique du Secrétariat, il l’a fait sienne et est devenu moteur dans son application. 624 Felice Gaer note la forte augmentation du nombre de communications effectuées par le Haut-Commissaire et ses adjoints devant le Conseil de sécurité qui, entre 2009 et 2013, ont été plus de deux fois supérieures à celles prononcées depuis la création du poste de Haut-Commissaire, en 1994. Il en conclut que « human rights have been recognized as central to so many of the conflicts, and to peace and security ». GAER (F. D.), « The effectiveness of the United Nations human rights protection machinery », op. cit., pp. 284-285. 625 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. Voir également Annexe II, opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle et Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 626 Ibid. 627 Voir Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 161 Chapitre 2. L’encadrement incomplet des mécanismes de justice transitionnelle 256. Les États mettent de plus en plus souvent en œuvre des politiques de justice transitionnelle. Attirés par la respectabilité qu’elle prodigue à celui qui l’applique, ainsi que par les fonds importants qui lui sont attachés, ils n’hésitent pas à prévoir la création de commissions vérité, de tribunaux spéciaux, de programmes de réparations ou de programmes de lustration dans les accords de paix qu’ils signent, ou à incorporer dans les gouvernements de transition des ministères de la justice transitionnelle. Il est pourtant loin d’être évident que tous ces projets soient mus par une authentique volonté de lutter contre l’impunité, et le risque est grand que les programmes de justice transitionnelle ne restent que des parures. Pire encore, les mécanismes de justice transitionnelle peuvent se voir détournés à des fins politiques, arguant de la lutte contre l’impunité pour éliminer des opposants ou exercer un contrôle sur l’écriture de l’Histoire. De telles accusations ont pu être lancées contre le programme de débaathification en Irak628, contre les procès menés au sein du International crimes tribunal au Bangladesh (ICT - BD)629 ou même contre les commissions vérité en général, considérées par certains comme « a way to avoid more serious accountability »630. 257. Le bon fonctionnement des mécanismes de justice transitionnelle est donc une condition essentielle de l’effectivité des piliers qui constituent cette justice. Ces considérations ne sont d’ailleurs pas propres à la justice transitionnelle. On les retrouve dans le système européen de protection des droits de l’Homme, lorsque la CEDH inclut dans la protection du droit à la vie l’obligation pour les États de mener une enquête effective sur les atteintes qui y sont portées631. La particularité de la justice transitionnelle tient d’une part dans son 628 La « débaathification » fait référence à la dissolution et l’interdiction, par les forces d’occupation, du parti Baath en Irak, ainsi que de l’exclusion de tous ses membres de la fonction publique. Souvent rapprochée des mesures de dénazification de l’Allemagne post 2e Guerre mondiale, cette politique a été vivement critiquée par la doctrine. Ainsi Roger Duthie la qualifie de « purge » et Harith Al-Dabbagh la considère comme « inutilement partisane, controversée, imparfaite et inefficace ». Voir respectivement DUTHIE (R.), « Introduction » in DE GREIFF (P.), MAYER-RIECKH (A.), Justice as Prevention : vetting public employees in transitional societies, International Centre for Transitional Justice, Social Science Research Council, New York, 2007, p. 18 et ALDABBAGH (H.), « Débaathification en Irak : justice transitionnelle ou simple vengeance ? », Revue Québécoise de Droit International, vol. 27, n° 1, 2014, p. 58. 629 Voir les critiques formulées à l’égard de ce tribunal, notamment vis-à-vis des droits de la défense dans SAMAD (A.), « The International Crimes Tribunal in Bangladesh and international law », Criminal Law Forum, vol. 27, n° 3, 2016, pp. 257-290. 630 HAYNER (P.), Unspeakable truths, op. cit., p. 91. 631 Voir l’utilisation faite de cette interprétation par le Panel consultatif des droits de l’homme au Kosovo, infra, partie 2, titre 2, chapitre 2, section II. 162 développement encore embryonnaire, caractérisé par un droit en développement tenant souvent, au mieux, de la soft law, voire, régulièrement, de la simple recommandation. Elle tient également dans l’importance accordée à son adaptabilité aux contextes locaux, favorisant l’octroi d’une large marge d’appréciation aux États632. Ces deux facteurs se rejoignent en partie dans la mesure où la marge d’appréciation laissée aux États provient également de la faible institutionnalisation de la justice transitionnelle et de la lutte contre l’impunité d’une façon générale. Il faut se souvenir que nous sommes en présence d’un domaine récent dont les différents pans ne connaissent pas le même degré d’évolution. C’est ainsi que, alors que des modèles de mécanismes de justice transitionnelle émergent progressivement (Section I), le domaine de la coordination de ces mécanismes entre eux reste essentiellement vierge de toute régulation (Section II). Section I L’élaboration progressive de modèles de mécanismes de justice transitionnelle 258. L’efficacité des mécanismes de justice transitionnelle est évaluée principalement à l’aune de deux critères. Il s’agit tout d’abord de leur capacité à lutter contre l’impunité, au sens où cette justice l’entend. La place des victimes est donc aussi importante que celle des bourreaux. Dans la mesure où ces mécanismes s’inscrivent dans un projet plus global de rétablissement de l’état de droit, leur conformité aux règles liées au caractère équitable des procédures – notamment lorsque celles-ci peuvent aboutir à des sanctions – revêt une importance particulière. La difficulté réside dans la diversité de ces mécanismes ainsi que dans leur apparition récente sur la scène internationale. En effet, les programmes de réparations, de lustration et les commissions vérité n’ont pas encore fait l’objet d’une attention particulière des divers organes, juridictionnels ou non, de protection des droits de l’Homme, comme ç’a pu être le cas pour les procès pénaux. Plus diversifiés, tant dans leur forme que dans leurs effets, et d’une pratique bien plus récente, les mécanismes non judiciaires de justice transitionnelle évoluent encore en grande partie dans un vide juridique concernant les normes qui peuvent leur être applicables en termes de procédure. C’est pour combler ce vide que l’ONU développe ou adapte des standards pour encadrer les mécanismes de justice transitionnelle (§ 1). La lenteur inhérente à ce processus incite les 632 Mireille Delmas Marty utilise cette notion de la marge d’appréciation, tirée, dans son analyse, de la pratique de la CEDH, pour tenter de concilier les normes fondamentales universelles et leur application dans des contextes culturellement diversifiés. La même réflexion s’applique à la justice transitionnelle. Voir DELMASMARTY (M.), Le relatif et l’universel, op. cit., pp. 68-69. 163 entités onusiennes impliquées dans la justice transitionnelle à développer un ensemble de bonnes pratiques sous la forme de recommandations, dont la souplesse permet en outre de préserver une certaine adaptabilité des mécanismes concernés (§ 2). §1/Le développement de standards onusiens pour l’encadrement des mécanismes de justice transitionnelle 259. L’ « Ensemble de principes pour la protection et la promotion des droits de l’Homme par la lutte contre l’impunité » (« principes Joinet »)633 et leur version actualisée (« principes Orentlicher »)634, ainsi que les Principes fondamentaux sur le droit au recours et à réparation635 représentent les principales sources de standards onusiens en matière d’encadrement des mécanismes de justice transitionnelle. Bien que plus limités dans leur objet et moins directement liés à ces mécanismes, la « Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir »636, les « Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions »637 et les « Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir les faits »638 donnent également des indications importantes sur l’encadrement de certains de ces mécanismes639. Les standards relevés au travers de ces derniers instruments doivent cependant être maniés avec prudence, car, hors le cas des réparations, ils ne concernent explicitement que les mesures d’enquête, judiciaires et extrajudiciaires. La transposition de ces standards aux cas de commissions vérité ou de programmes de lustration est certes pertinente, dans la mesure où ces deux mécanismes conduisent bien des enquêtes visant à établir des faits et, le cas échéant, des responsabilités, mais elle demeure imparfaite du fait de la différence d’objectifs poursuivis par ces mesures. 633 Voir « principes Joinet », op. cit. Voir « principes Orentlicher », op cit. 635 A/RES/60/147, op. cit. 636 A/RES/40/34 (1985), Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir. 637 UN Doc. E/RES/1989/65, Effective prevention and investigation of extra-legal, arbitrary and summary executions, 24 mai 1989. 638 A/RES/55/89 (2001), Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » et annexe « Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits. 639 Ces principes font partie des sources envisagées par Mark Freeman pour son étude portant sur les normes de procédure équitable (« procedural fairness ») applicables aux commissions vérité. Voir FREEMAN (M.), Truth commissions and procedural fairness, Cambridge University Press, New York, 2006, 400 p. 634 164 Ils seront donc utilisés principalement en confirmation des standards établis par les deux textes les plus directement liés à la justice transitionnelle. L’analyse des instruments onusiens identifiés ci-dessus révèle un ensemble de standards applicables communément aux mécanismes de justice transitionnelle640. Il s’agit tout d’abord de garantir l’indépendance et l’impartialité de ces mécanismes (A), pour s’attacher ensuite à assurer leur efficacité (B). A) Les garanties d’indépendance et d’impartialité des mécanismes de justice transitionnelle 260. La première préoccupation en termes d’impartialité des mécanismes de justice transitionnelle concerne leur protection contre l’arbitraire. Étant donné les conséquences parfois importantes que peuvent impliquer leurs décisions, il paraît logique de leur imposer le respect d’une procédure équitable. Si les juridictions pénales se voient contraintes de respecter ce principe par leur soumission aux règles du droit international pénal concernant le procès équitable, la situation des mécanismes extrajudiciaires vis-à-vis de ces règles est beaucoup moins évidente. L’impact des décisions des programmes de lustration et des rapports des commissions vérité sur les personnes qu’ils identifient comme responsables de violations des droits de l’Homme justifie pourtant que ces mécanismes respectent certains standards en matière de garanties procédurales641. On retrouve ainsi dans cette catégorie la diversité et la fiabilité des sources fondant les conclusions des mécanismes642, ainsi que la possibilité pour les personnes identifiées de contester ces conclusions. Cette dernière garantie connaît des degrés différents selon les mécanismes. Devant les commissions vérité, elle implique 640 Cette transversalité des standards doit cependant être nuancée dans la mesure où le degré d’exigence des garanties procédurales qu’ils prévoient pourra varier, essentiellement en fonction de l’objectif poursuivi par chaque mécanisme et des conséquences attachées à leur travail. Ainsi les garanties offertes aux personnes soupçonnées de violations des droits de l’Homme seront plus poussées devant une juridiction pénale prononçant une peine de privation de liberté, que devant une commission de lustration adoptant une décision administrative de radiation ou d’interdiction d’exercer certains emplois, ou que devant une commission vérité ne faisant qu’identifier les personnes responsables de telles violations. Il faut également préciser que les programmes de réparations se trouvent toutefois dans une situation légèrement particulière, l’absence d’enquête et d’établissement de responsabilité dans leur travail rendant certains standards inopérants. 641 Cette exigence a mené Mark Freeman à identifier les standards applicables aux commissions vérité en matière de procédure équitable et à construire un ensemble de principes visant à garantir le respect de ce caractère par les commissions. Voir FREEMAN (M.), Truth commissions and procedural fairness, op. cit. 642 Les principes Joinet et Orentlicher, respectivement aux principes 8 a) et 9 a), évoquent l’obligation pour les commissions « de corroborer les informations recueillies par d'autres sources ». 165 essentiellement la possibilité pour ces individus de faire entendre leur version des faits643. La possibilité de recours contre l’inscription d’un nom dans le rapport d’une commission d’établissement des faits n’est pas prévue. Ce droit au recours est en revanche garanti en ce qui concerne les mesures administratives adoptées dans le cadre d’un programme de lustration. Notons que les principes Joinet, ainsi que leur version actualisée, ne prévoyaient pas de procédure contradictoire pour ce type de mesures. Interrogée au sujet du programme de lustration des forces de police de Bosnie-Herzégovine mené par la MINUBH, la Commission de Venise a considéré que l’absence de procédure contradictoire, tant dans l’évaluation des policiers que dans le traitement des recours que ceux-ci pouvaient effectuer, violait les droits de l’Homme internationalement reconnus644. Si le HCDH a participé à la saisine de la Commission, l’avis de cette dernière n’a été suivi ni par le Conseil de sécurité, ni par le Secrétariat de l’ONU. 261. Dans la lignée de la garantie d’une procédure équitable se trouvent les principes d’indépendance et d’impartialité des mécanismes et de leurs acteurs. Ces principes, compris dans les normes du procès équitable pour ce qui concerne les mécanismes judiciaires, trouvent à s’appliquer pour le cas des commissions vérité. Les principes Joinet et Orentlicher envisagent ainsi l’inamovibilité des commissaires pendant le mandat de la commission, l’octroi de privilèges et immunités à ces derniers ainsi qu’une transparence des financements645. Ces garanties sont largement partagées par les standards applicables aux commissions d’enquête. Les « Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits » reprennent à cet égard la formule déjà posée par les « Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou 643 Les principes Joinet prévoient, dans les mesures permettant d’assurer « le principe de contradiction », que « [la] personne impliquée doit soit avoir été entendue ou, à tout le moins convoquée à cet effet, et avoir la possibilité de faire valoir sa version des faits par une déposition, ou de verser au dossier, dans un délai fixe prévu par l'acte créant la commission, un document équivalant à un droit de réponse. » Voir « principes Joinet », op cit., principe 8 b). La même formulation est utilisée dans les principes Orentlicher, op. cit., principe 9 b). 644 Le recours ouvert aux personnels non certifiés ou décertifiés se limitait à une observation écrite déposée auprès d’une commission à compétence consultative, la décision finale étant adoptée discrétionnairement par le commissaire du Groupe international de police des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (GIP), celui-là même qui avait adopté la décision initiale. Le recours n’impliquait donc aucune audition publique et était effectué sans que les personnes concernées ou leurs représentants n’aient accès aux éléments de preuve ayant motivé la décision attaquée. Pour plus de précisions, voir Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise), Avis sur une solution possible au problème de la décertification des agents de police en Bosnie Herzégovine, Avis n° 326/2004, 24 octobre 2005. 645 Voir « principes Joinet », op cit., principes 6 b) et c) et principe 10 a) et « principes Orentlicher », op cit., principes 7 et 11 a). On peut noter que la garantie d’une création par la voie législative, règlementaire ou conventionnelle, prévue par les principes Joinet (principe 6 a)), a disparu des principes Orentlicher. 166 dégradants pour établir la réalité des faits », selon laquelle « les États veillent à ce que l’enquête soit confiée à une commission d’enquête indépendante ou menée selon une procédure similaire. Les membres de la commission sont choisis pour leur impartialité, leur compétence et leur indépendance personnelles reconnues. Ils doivent, en particulier, être indépendants vis-à-vis des suspects et des institutions ou organes qui les emploient. »646 Une fois l’impartialité et l’indépendance des mécanismes assurées, reste à garantir leur effectivité, sans laquelle ceux-ci ne deviendraient que des instruments de diversion au service de l’impunité. B) Les garanties d’efficacité des mécanismes 262. Preuve tant de l’attachement onusien à ce principe que des dérives qu’ont souvent connues les mécanismes de justice transitionnelle, les standards de l’Organisation consacrent un devoir général d’efficacité des mécanismes. Outre le rappel régulier que les enquêtes, les réparations ou l’accès à la justice doivent être rapides et effectifs, cette obligation comprend également l’octroi aux mécanismes de pouvoirs leur permettant de conduire leur tâche le mieux possible. Il s’agit par exemple pour les réparations de prévoir une substitution par l’État au débiteur non solvable ou non identifiable et du contrôle, par celui-là, de l’exécution des décisions judiciaires de réparation647. En ce qui concerne les commissions vérité, l’efficacité tient essentiellement en l’octroi de pouvoirs d’enquête assez larges, tels que l’appel au pouvoir judiciaire pour procéder à des perquisitions, à la transmission de tous documents utiles ou pour enjoindre une personne à venir témoigner648. Notons ici que les pouvoirs accordés aux commissions vérité en vertu du principe d’efficacité sont moins larges que ceux prévus pour les commissions d’enquête. Ici encore les « Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits » reprennent la formule des « Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits » en prévoyant que : 646 A/RES/55/89, op. cit., annexe, principe 5 a). Voir également UN Doc. E/RES/1989/65, op cit., annexe, principe 11. 647 A/RES/60/147, op. cit., principes 16 et 17. 648 Voir « principes Joinet » op cit., principe 7 b) et « principes Orentlicher » op. cit., principe 8 a). 167 « [l]’autorité chargée de l’enquête doit être en mesure et a l’obligation d’obtenir tous les renseignements nécessaires à l’enquête. Les enquêteurs doivent disposer de toutes les ressources budgétaires et techniques dont ils ont besoin pour travailler efficacement. Ils ont aussi le pouvoir d’obliger à comparaître et à témoigner toute personne agissant à titre officiel dont on suppose qu’elle est impliquée dans des actes de torture ou des mauvais traitements. Il en va de même en ce qui concerne les témoins. À cette fin, l’autorité chargée de l’enquête est habilitée à citer les témoins à comparaître, y compris les fonctionnaires en cause, et à exiger que des preuves soient fournies. »649 La principale différence tient en l’octroi aux commissions vérité de pouvoirs d’enquête exercés de façon autonome ou par le biais d’un recours aux instances judiciaires et à la force publique. Si les principes onusiens penchent vers cette deuxième option, la pratique de l’Organisation en matière de commissions vérité s’oriente plutôt vers la première approche, favorisant des modèles quasi-judiciaires de commissions vérité650. 263. Deux catégories de standards viennent garantir ce principe d’efficacité. Il s’agit tout d’abord d’assurer des conditions satisfaisantes de sécurité, qu’il s’agisse des membres des mécanismes, des témoins ou des victimes et de leurs proches. Dans cette optique, l’ensemble des mécanismes est invité à adopter des mesures de protection des témoins, notamment au travers de la possibilité d’offrir des garanties d’anonymat des témoignages et des sources ainsi que de confidentialité de certains renseignements fournis651. De plus, il est prévu que les commissions vérité aient la possibilité de saisir les tribunaux pour faire cesser, suivant une procédure d’urgence, toute atteinte ou tout risque à la sécurité des victimes, des témoins ou de quelque acteur de ces mécanismes652. Bien que les programmes de réparations soient moins exposés à la problématique de la sécurité des témoins, les « Principes fondamentaux sur le droit au recours et à réparation des victimes de violations flagrantes des droits de l’Homme » prévoient tout de même, sans en préciser le contenu, l’obligation d’adopter « des mesures pour limiter autant que possible les difficultés rencontrées par les victimes et leurs 649 A/RES/55/89, op. cit., annexe, principe 3 a). Voir également UN Doc. E/RES/1989/65, op. cit., annexe, principe 10. 650 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. 651 Les principes Orentlicher vont plus loin que les principes Joinet sur ce point, se positionnant plus clairement en faveur de possibilités étendues d’anonymat et de confidentialité. Voir « principes Joinet », op. cit., principe 9 b) et « principes Orentlicher », op cit., 10 d). Les principes Joinet et Orentlicher prévoient aussi la possibilité de conserver certains éléments sensibles de l’enquête confidentiels, par mesure de sécurité. Voir ibid., principes 12 et 13, respectivement. 652 Ibid., principes 7 c) et 8 b), respectivement. 168 représentants, protéger comme il convient leur vie privée de toute ingérence illégale et assurer leur sécurité, ainsi que celle de leur famille et de leurs témoins, en les préservant des manœuvres d’intimidation et des représailles, avant, pendant et après les procédures judiciaires, administratives ou autres mettant en jeu les intérêts des victimes »653. 264. La deuxième catégorie de standards visant à assurer l’efficacité des mécanismes de justice transitionnelle concerne ce que nous nommerons ici leur disponibilité. Il s’agit de garantir une bonne connaissance des mécanismes, de leur objet, de leur fonctionnement et de leurs conclusions par les victimes et les autres personnes éventuellement concernées. Au sein des tribunaux pénaux, cette exigence a notamment incité au développement des programmes de sensibilisation (outreach). Pour ce qui est des commissions vérité, l’accent est mis sur la publication la plus rapide et la plus large possible de leurs rapports654. Des versions résumées ou adaptées aux enfants sont ainsi rédigées pour garantir cette accessibilité. Enfin, pour les programmes de réparations, il s’agit de diffuser le plus largement possible les informations liées à l’existence et à l’objectif des mécanismes, aux possibilités de participation ainsi qu’aux recours et diverses procédures d’accompagnement disponibles655. §2/L’encadrement des mécanismes de justice transitionnelle par les politiques onusiennes 265. Moins formelles et d’une valeur normative moindre que les standards, les politiques ou recommandations formulées par les institutions onusiennes ne sont pour autant pas anodines. Elles révèlent tout d’abord l’approche adoptée par l’Organisation quant à la justice transitionnelle. Elles jouissent ensuite d’une influence importante auprès des États, dans la mesure où elles participent à déterminer les critères à l’aune desquels les politiques des États seront évaluées et conditionnent dans une certaine mesure l’aide, à la fois technique et financière, fournie par l’ONU. Les mécanismes de justice transitionnelle font l’objet d’une attention par plusieurs entités onusiennes distinctes, tels le PNUD, le HCDH ou encore l’UNICEF. Le risque est alors d’assister à la formulation de politiques contradictoires ou incohérentes. Ce risque a été minimisé par l’élaboration d’un cadre, à la fois formel et informel, propice à la formulation 653 A/RES/60/147, op. cit., principe XII b). Voir « principes Joinet » op. cit., principe 12 et « principes Orentlicher », op. cit., principe 13. La même exigence apparaît relativement aux rapports des commissions d’enquête. Voir A/RES/55/89, op. cit., annexe, principe 5 b) ; également E/RES/1989/65, op cit., annexe, principe 17. 655 A/RES/60/147, op cit., principes VII c) et VIII a) ; « principes Joinet », op cit., principe 35 ; « principes Orentlicher », op. cit., principe 33. 654 169 d’une politique onusienne, c’est-à-dire trans-institutionnel, vis-à-vis des mécanismes de justice transitionnelle (A). Les préconisations de l’Organisation dans ce domaine font ainsi montre d’une cohérence bienvenue (B). A) Le développement d’un cadre propice à la formulation d’une politique onusienne 266. Il n’existe pas de document onusien établissant de façon claire les politiques de l’Organisation en matière de justice transitionnelle. Celles-ci existent pourtant bien, dispersées au sein d’une pluralité d’instruments, dont la portée et la forme varient. En conséquence, aucune nomenclature ne peut être utilisée pour définir quel type de document peut être considéré comme reflétant, ou ayant vocation à refléter, exposer ou définir une politique onusienne. Le principal facteur de la diversité des éléments de définition d’une telle politique tient à la transversalité de la justice transitionnelle, qui implique une compétence partagée au sein des institutions onusiennes. On peut ainsi retrouver des éléments provenant du Secrétaire général, du HCDH, du Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, du PNUD, du Département des opérations de maintien de la paix, d’ONU-Femmes, ou encore de l’UNICEF. 267. L’absence de nomenclature précise entraîne la diversité des formes d’expression de cette politique. Celle-ci peut être formulée par le biais de rapports, qu’ils soient du Secrétaire général, du Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, du PNUD ou encore de l’UNICEF, de « guidance notes » ou encore au travers de publications du HCDH. Il faut également noter que des instruments de formes identiques ne se voient pas nécessairement attribuer la même importance en termes de fixation d’une politique onusienne. La perception des institutions de l’ONU compte pour beaucoup dans l’élévation d’un document donné au rang de politique onusienne. On peut ainsi noter que si le rapport du Secrétaire général sur l’état de droit et la justice transitionnelle de 2004 est régulièrement cité comme cadre de référence de l’action des institutions dans ce domaine, celui présenté par Ban Ki Moon en 2011, et constituant le suivi du premier, est presque totalement absent des références onusiennes pouvant prétendre à la qualité d’élément de fixation de la politique de l’Organisation. La qualité de l’auteur n’est donc pas nécessairement un critère décisif pour déterminer si un document exprime une politique onusienne. 170 268. L’imprécision du cadre de la politique onusienne peut paraître problématique pour les États envisageant de créer des mécanismes de justice transitionnelle. Cependant, les préconisations qui forment cette politique sont essentiellement adressées aux acteurs onusiens eux-mêmes. Il demeure que les États sont concernés puisque ce sont ces acteurs qui vont les conseiller, les assister, les financer et éventuellement critiquer leurs choix lorsque ceux-ci ne seront pas en conformité avec la politique onusienne. On remarque toutefois que la majorité des éléments formant la politique de l’Organisation laissent une marge de manœuvre assez conséquente aux acteurs chargés de mettre en place les mécanismes en question. La priorité est toujours donnée à l’adaptation des mécanismes au contexte national, apprécié par les équipes de l’ONU sur le terrain. Il s’agit encore ici d’éviter les « one size fits all formulas »656 si décriées. 269. L’accroissement de l’activité onusienne en matière de justice transitionnelle a incité l’Organisation à déterminer de façon plus précise sa politique à l’égard des mécanismes qui composent ce domaine. Le développement du cadre institutionnel de cette action a bien évidemment largement facilité cette clarification. « Chef de file » de cette architecture institutionnelle, en ce qui concerne la justice transitionnelle657, le HCDH s’est attaché à « développer une politique d’administration de la justice en période de transition »658. La série de publications portant sur « les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit » vise ainsi à compiler les recommandations et bonnes pratiques du HautCommissariat dans chaque domaine de la justice transitionnelle659. Le Rapporteur spécial pour la justice transitionnelle participe également à cet effort de clarification. Depuis la création de ce mandat par le Conseil des droits de l’homme660 et la nomination de Pablo de Greiff à ce poste, le Rapporteur spécial a pris l’habitude d’inclure dans ses rapports au Conseil et à l’Assemblée générale une étude thématique sur l’un des éléments de la justice transitionnelle. Les questions concernant les liens entre la justice transitionnelle et l’état de 656 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., p. 5. 657 SGNU, UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces, op. cit., § 13. Voir infra, partie 2, titre 2, chapitre 1. 658 HCDH, HR/PUB/09/2, « Consultations nationales », op. cit., p. V. 659 La série de publications du HCDH traite des commissions vérité, des poursuites du parquet, des consultations nationales, des programmes de lustration, de la cartographie des violations des droits de l’Homme (« mapping »), des archives, des réparations, des tribunaux hybrides, des amnisties, du « monitoring » et de l’incorporation des droits économiques, sociaux et culturels au sein de la justice transitionnelle. 660 UN Doc. A/HRC/RES/18/7, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 13 octobre 2011. 171 droit661, les commissions vérité662, les stratégies de poursuites663, les réparations664, les garanties de non répétition665, les consultations nationales666 et la participation des victimes aux processus de justice transitionnelle667 ont ainsi été abordées. 270. L’analyse des divers instruments de politique onusienne permet de constater que les acteurs onusiens ont développé un dialogue inter-institutionnel. On remarque que les documents liés aux lustrations et publiés par le PNUD et le HCDH ont été rédigés par le même expert668 et que le HCDH s’inspire de l’étude du PNUD concernant les mécanismes de justice traditionnelle669. Il faut également noter que les programmes onusiens touchant au domaine de la justice transitionnelle, y compris les publications du HCDH sur les instruments de l’état de droit, sont développés en étroite collaboration avec ICTJ, la principale ONG œuvrant dans ce domaine, et au sein de laquelle le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle occupait le poste de directeur de recherche. Si cette proximité entre les principaux acteurs internationaux de la justice transitionnelle participe à la standardisation de ce domaine, elle a le mérite de permettre la production, au sein des institutions onusiennes, d’une politique cohérente. 271. Cette cohérence est toutefois limitée par la portée des politiques formulées par les organes intégrés ainsi que par les institutions et fonds spécialisés de l’ONU. En effet, la hiérarchie onusienne implique que les positions adoptées par le Secrétaire général s’imposent au département des opérations de maintien de la paix ainsi qu’à celui des affaires politiques et 661 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/67/368, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 13 septembre 2012. 662 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/24/42, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 28 août 2013. Les commissions vérité ont également fait l’objet d’une liste de recommandations formulées par le Rapporteur spécial. Voir Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/30/42, 7 septembre 2015, Annexe : « Set of general recommendations for truth commissions and archives ». 663 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/27/56, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 27 août 2014. 664 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/69/518, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 14 octobre 2014. 665 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/30/42, op. cit. et Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/70/438, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 21 octobre 2015. 666 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/71/567, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 25 octobre 2016. 667 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/34/62, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 27 décembre 2016. 668 Il s’agit de Alexander Mayer-Rieckh. Voir HCDH, HR/PUB/06/5, « Assainissement : cadre opérationnel », op. cit. et PNUD, « Vetting public employees in post-conflict settings. Operational guidelines. », 2006, 67 p. 669 Voir HCDH, HR/PUB/16/2, « Human rights and traditional justice systems in Africa », 2016, note 4, p. 3. 172 aux opérations et missions qu’ils gèrent. De la même façon, les positions adoptées par le siège, qu’il s’agisse du HCDH, de l’UNICEF ou du PNUD, s’imposent aux équipes et bureaux présents sur le terrain. Il demeure cependant que l’ensemble de ces acteurs est soumis aux décisions des organes politiques de l’ONU670. Il peut donc arriver que le Secrétaire général ou le HCDH se voient contraints de mener ou soutenir des projets dont certains aspects peuvent aller à l’encontre des politiques qu’ils ont eux-mêmes adoptées. Cela a notamment été le cas concernant la compétence du TSSL sur les mineurs de plus de 15 ans671. B) Les préconisations onusiennes en matière de mécanismes de justice transitionnelle 272. Outre les éléments de politique propre à chaque mécanisme de justice transitionnelle, les institutions onusiennes formulent des recommandations qui peuvent être considérées comme transversales, c'est-à-dire applicable à tous les mécanismes indépendamment de leur objet ou de leur nature. Il s’agit tout d’abord, comme il a déjà été dit, de considérer ces mécanismes comme des moyens pour les populations de faire reconnaître leurs droits et les violations dont ils ont fait l’objet672 et non simplement comme un outil politique au service de la réconciliation. Dans la lignée des principes d’efficacité et d’indépendance, l’ONU recommande également que les mécanismes de justice transitionnelle soient prévus, de la façon la plus précise possible, dans un cadre légal ou, en cas de fin de conflit négociée, dans les accords de paix673. Cet élément vise à prévenir les réticences politiques qui pourraient survenir à l’encontre de certains mécanismes, notamment les programmes de lustration, en raison des hauts responsables potentiellement mis en cause, ainsi que les programmes de réparations, en raison de leur coût. L’ONU insiste également sur la nécessité de mener de vastes consultations des populations préalablement à la création des mécanismes de justice transitionnelle674. Enfin, les autorités nationales sont invitées à accorder une attention 670 Pour les questions de hiérarchie et de fonctionnement des institutions onusiennes, voir infra partie 2, titre 2, chapitre 1. 671 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1, section II. 672 Voir supra, chapitre 1. 673 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., pp. 10-11. 674 HCDH, HR/PUB/09/2, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Consultations nationales sur la justice en période de transition », 2009, 42 p ; SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », 173 particulière aux groupes considérés comme fragiles, tels les groupes minoritaires, les femmes et les enfants. Leur participation à l’élaboration des mécanismes ainsi que leur représentation en leur sein et les mesures de protection appropriées aux risques et violations spécifiques qu’ils encourent et ont subis sont particulièrement soulignées675. 273. Hormis ces considérations générales, l’ONU développe des politiques propres à chaque mécanisme de justice transitionnelle. Concernant les commissions vérité, le HCDH et le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle préconisent tout d’abord une approche nuancée des objectifs attribués à ces mécanismes. Tous deux insistent sur l’incapacité des commissions à garantir la réconciliation nationale676 et, en conséquence, recommandent de ne pas incorporer cet objectif dans leurs mandats. Concernant les pouvoirs attribués aux commissions vérité, le HCDH recommande que celles-ci bénéficient de compétences larges, tant en termes de définition de leur mandat que de moyens pour le mener à bien. Ainsi, il est conseillé de laisser aux commissions le soin de préciser leurs compétences temporelle et matérielle677. Ceci leur permettrait d’adapter la période et les types de violations couvertes par leur travail en fonction des découvertes effectuées durant les enquêtes. Afin que celles-ci soient efficaces, les modèles quasi-judiciaires (« quasi-judicial »)678 ont la préférence de l’ONU. Les commissions se verraient donc attribuer des pouvoirs d’injonction, de saisie, de perquisition, de sanction et de protection des témoins679. Il leur reviendrait également de prendre la décision de nommer ou non les responsables de violations dans leurs rapports finaux, décision prise en fonction du contexte local, et particulièrement de l’étendue des poursuites pénales engagées contre ces responsables680. Cette volonté d’attribution de larges pouvoirs aux commissions vérité connaît toutefois des limites. Ainsi le HCDH et le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle s’accordent à rejeter le caractère obligatoire des recommandations comprises dans le rapport final, par souci de respect de la séparation des op. cit., p. 6 ; Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/71/567, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 25 octobre 2016. 675 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., p. 9 ; HR/PUB/06/4, « Poursuites du parquet », op. cit., 2006, p. 22. 676 Voir Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/24/42, op. cit., § 47 ; HCDH, HR/PUB/06/1, « Les commissions de vérité », 2006, p. 2. 677 Ibid., pp. 8-9. 678 STAHN (C.), « Accommodating individual criminal responsibility and national reconciliation : the UN Truth Commission for East Timor », AJIL, vol. 95, n° 4, octobre 2001, p. 958. 679 HCDH, HR/PUB/06/1, « Les commissions de vérité », op. cit., pp. 10-11. 680 Ibid., p. 23. 174 pouvoirs681. Il apparaît en effet que les réformes conseillées par les commissions vérité relèvent en partie de la compétence du pouvoir législatif, qu’il serait étonnant, particulièrement dans une optique de restauration de l’état de droit, de court-circuiter. 274. D’autres limites visent à protéger les groupes les plus fragiles, au premier rang desquels se trouvent les enfants. Si le Secrétaire général se contente de souhaiter que les procédures des commissions vérité soient en accord avec les United Nations Guidelines on justice in matters involving child victims and witnesses of crimes682, l’UNICEF formule des recommandations plus précises, comprenant l’anonymat des enfants responsables de violations et, dans la mesure du possible, de ceux intervenant en tant que témoin683. Le caractère volontaire de ces témoignages ainsi que de toute forme de participation des enfants aux travaux d’une commission doit également être assuré684. Enfin, il est déconseillé aux commissions de recommander, dans leur rapport, de poursuivre pénalement des personnes mineures au moment des faits685. 275. En ce qui concerne les poursuites pénales, les deux principaux éléments de politique onusienne sont le refus des amnisties couvrant les crimes internationaux et le rejet de la peine de mort686. Le HCDH précise la politique onusienne en recommandant que soit prévue la possibilité pour les victimes de participer aux procès687. Il faut noter que cette recommandation s’applique indifféremment aux États de tradition civiliste et de common law, ces derniers ignorant habituellement ce type de participation. C’est donc bien une procédure hybride, en développement au sein des juridictions pénales internationales, que le HCDH 681 Ibid., p. 13 ; Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/24/42, op. cit., § 75. Le statut de la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria prévoyait le caractère obligatoire des recommandations. Voir Libéria, « An Act to Establish the Truth and Reconciliation Commission of Liberia », op. cit., section 48. Ce caractère obligatoire a d’ailleurs fait l’objet d’un recours en inconstitutionnalité devant la Cour Suprême, dans la mesure où la CVR demandait, dans ses recommandations, au président du Libéria d’exclure de tout emploi public des individus nommément désignés. La Cour Suprême a alors considéré que « section 48 of the TRC Act, in so far as it makes mandatory the implementation of a TRC decision or recommendation, where a fundamental provision of the Constitution, such as the due process of law clause, has been violated, and where the implementation of the TRC decision or recommendation would result in an obvious further violation of the Constitution, unconstitutional. » Voir Cour Suprême du Libéria, Williams v Tah et al, n° LRSC 12, 21 janvier 2011, § 43. 682 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. UN approach to justice for children », septembre 2008, p. 5. 683 Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), « Children and truth commissions », août 2010, p. xii. 684 Ibid., p. 10. 685 Ibid., p. xii. 686 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. UN approach to rule of law assistance », op. cit., p. 2. 687 HCDH, HR/PUB/06/4, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Poursuites du parquet », 2006, p. 20. Le Rapporteur spécial abonde dans le même sens. Voir Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/34/62, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 27 décembre 2016, §§. 49-53. 175 recommande pour les situations de post-conflit. Enfin, suivant un raisonnement empreint de réalisme, le Haut-Commissariat et le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle favorisent l’élaboration de stratégies de poursuites fondées sur une priorisation des affaires (« prioritization strategy »)688. Si le Rapporteur spécial ne se prononce pas sur les critères utilisés pour cette tâche, le HCDH rejoint la position généralement adoptée par les juridictions pénales hybrides suivant laquelle les procès se concentrent en premier lieu sur les personnes portant la responsabilité principale dans les crimes commis.689 276. Concernant les programmes de lustration, l’ONU rejette les mesures visant un groupe dans sa globalité690. Ceci implique la définition de processus permettant l’identification des individus impliqués dans des violations des droits de l’Homme entraînant leur expulsion de l’institution concernée par le programme. Le HCDH recommande que les programmes de lustration visent en priorité les institutions de la justice, de la police et de sécurité avec, au sein de chaque programme, une priorité accordée aux cas les plus connus ou/et les plus emblématiques de violations691. Cette priorisation vise à exclure le plus rapidement possible les individus ayant causé le plus de torts et dont la présence au sein d’une institution porte un grave préjudice à la confiance qui lui est accordée par la population. Si les institutions onusiennes laissent une grande liberté quant aux procédures établies pour le programme, hors l’exigence du contradictoire et d’un droit de recours692, le PNUD recommande tout de même que le « standard » de la preuve (« standard of proof ») soit celui de la balance des probabilités (« balance of probabilities »)693, équivalant au standard généralement appliqué en matière civile par les juridictions de common law. La charge de la preuve revient naturellement au mécanisme de lustration694 hormis dans le cas d’une unité ayant une « well known history of human rights abuse » où la charge de la preuve peut être renversée695. Les sanctions prononcées peuvent varier (exclusion de l’institution, gel de promotion, destitution, transfert…), mais l’exclusion totale de la fonction publique est recommandée par le PNUD 688 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/27/56, op. cit. ; HCDH, HR/PUB/06/4, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Poursuites du parquet », 2006, pp. 5-12. 689 Ibid., p. 8. 690 HCDH, HR/PUB/06/5, « Assainissement : cadre opérationnel », op. cit., p. 5. 691 Ibid., p. 11. 692 Voir supra, § 1. 693 PNUD, « Vetting public employees in post-conflict settings », op. cit., p. 15. 694 Ibid. 695 Ibid., p. 22. 176 pour les employés ayant commis des violations graves des droits de l’Homme ou des crimes internationaux696. 277. Les programmes de réparations ne sont que peu encadrés par les politiques onusiennes. La seule réelle préconisation est que ces programmes intègrent l’ensemble des modes de réparation reconnus par les standards onusiens697 et qu’ils soient portés par une institution spécifique. Ainsi le HCDH recommande que les commissions vérité ne soient pas chargées de mettre elles-mêmes en œuvre un tel programme698. 278. Concernant les mécanismes de justice transitionnelle, l’ONU présente ainsi une politique globalement cohérente malgré une élaboration fractionnée entre des institutions distinctes. L’accord existant entre ces institutions sur l’ancrage de la justice transitionnelle au sein de l’état de droit ainsi que sur les principes fondamentaux constituant ce dernier y est évidemment pour beaucoup. Cette cohérence permet une bonne lisibilité, par les États souhaitant mettre en œuvre une politique de justice transitionnelle, des attentes onusiennes concernant la structure et les mandats des mécanismes envisagés. La même remarque ne s’applique malheureusement pas aux moyens permettant la coordination de ces mécanismes. Section II L’absence de régulation de la coordination des mécanismes de justice transitionnelle 279. Le développement théorique de l’approche holiste699 de la justice transitionnelle n’a accordé que peu de place à une réflexion sur les défis pratiques que celle-ci impliquait. L’attention dont a bénéficié, de la part de l’ONU, l’encadrement de chaque mécanisme pris indépendamment ne s’est pas, ou très peu, étendue à l’anticipation et à la régulation des interactions que leur opération conjointe créerait inévitablement. Il est probable que la réticence à trop standardiser les mécanismes de justice transitionnelle a joué un rôle important dans cette carence, puisque la diversité de formes des mécanismes implique une diversité exponentiellement plus grande de leurs interactions. Cette explication n’est pourtant pas complètement satisfaisante dans la mesure où l’on observe que la réflexion est bien souvent tout autant absente à une échelle globale qu’au sein de chaque expérimentation prise individuellement, y compris lorsque les mécanismes en question sont créés au sein d’une 696 Ibid., p. 21. Voir supra, titre 1, chapitre 2. 698 HCDH, HR/PUB/06/1, « Commissions vérité », op. cit., p. 28. 699 Voir supra, titre 1, chapitre 2. 697 177 politique globale de justice transitionnelle, insérée, par exemple, dans un titre spécifique d’un accord de paix. 280. C’est donc au fil des expérimentations et une fois confrontés aux problèmes que les acteurs onusiens se sont penchés sur la question de l’encadrement des interactions entre mécanismes de justice transitionnelle. L’intensité de cette réflexion a donc dépendu de l’intensité des interactions et des problèmes rencontrés. La relation entre les commissions vérité et les tribunaux pénaux occupe à cet égard une place à part, démontrant une complexité toute particulière dans son encadrement (§ 1). Les autres interactions n’ont pour leur part, et c’est regrettable, fait l’objet que d’une attention très limitée (§ 2). §1/La difficile coordination des commissions vérité et des tribunaux pénaux internationaux 281. Mécanismes les plus emblématiques de la justice transitionnelle, les juridictions pénales et les commissions vérité n’ont pourtant pas toujours travaillé de concert. Les jeunes années de la justice transitionnelle les ont plus souvent vues se tourner le dos que collaborer pour mettre fin à l’impunité. Cette exclusion mutuelle témoigne des tensions ayant existé entre deux approches de la gestion des périodes de post-conflit, l’une concentrée sur la consolidation de la paix et l’autre sur la lutte contre l’impunité au sens pénal. Le dépassement de cette dichotomie entre paix et justice a demandé d’importants efforts doctrinaux pour concilier deux objectifs souvent considérés comme incompatibles, aboutissant à la construction d’une complémentarité quelque peu idéalisée entre les procès pénaux et les commissions vérité (A). Concentrés sur cette synthèse théorique entre ces mécanismes, les acteurs de la justice transitionnelle se sont peu préoccupés des conséquences pratiques de leur coexistence ou de leur coopération. La réflexion sur cette problématique a donc été menée au fil des expérimentations. Le relatif échec de celles-ci n’a toutefois pas permis à celle-là d’aboutir à une solution convenable (B). 178 A) La construction d’une complémentarité idéalisée entre les procès pénaux et les commissions vérité Pour développer l’approche holiste de la justice transitionnelle qu’ils promeuvent aujourd’hui, les acteurs et théoriciens de la justice transitionnelle ont dû progressivement dépasser, tant théoriquement que dans la pratique, une relation initialement caractérisée par une exclusion mutuelle des procès pénaux et des commissions vérité (1). La complémentarité imaginée à cette occasion a pourtant peu anticipé les défis pratiques qu’elle poserait en termes de coordination (2). 1. Le dépassement progressif de l’exclusion mutuelle des commissions vérité et des tribunaux pénaux 282. La relation entre les commissions vérité et les tribunaux n’a pas toujours été définie comme complémentaire, comme l’implique aujourd’hui la vision holiste de la justice transitionnelle adoptée par l’ONU. Durant la première décennie de l’implication de l’Organisation dans ce domaine, les deux mécanismes ont essentiellement été abordés de façon exclusive l’un de l’autre. Les contextes dans lesquels les premières commissions vérité ont été établies ont joué un rôle certain dans cette approche, dans la mesure où les transitions post-dictatoriales en Amérique latine, qui représentent le point de départ du développement de ces mécanismes, étaient caractérisées par l’adoption de lois d’amnistie. La première commission vérité activement soutenue par l’ONU, à El Salvador, a été suivie de l’adoption d’une telle loi. Les commissions vérité étaient alors largement envisagées comme une alternative aux poursuites pénales, considérées comme trop complexes ou comme présentant un risque trop important pour la paix et la stabilité. 283. Parallèlement, les TPI créés par le Conseil de sécurité ont conduit leurs opérations à l’exclusion de toute commission vérité. La proposition de création d’une telle commission en Bosnie-Herzégovine, aux côtés du TPIY, a rencontré une vive opposition au sein du Tribunal, la présidente Gabrielle Kirk Mc Donald et la Procureure Louise Arbour craignant la politisation de ce mécanisme, son empiètement sur le travail du Tribunal et son inutilité700, alors que Carla del Ponte, succédant à Louise Arbour, considérait ce mécanisme comme 700 HAYNER (P.), Unspeakable truths, op. cit., pp. 111-112. 179 « totalement inefficace »701. Cette méfiance vis-à-vis des commissions vérité n’est pas propre à l’ONU. Une part importante des organisations de protection des droits de l’Homme considérait que ces mécanismes « were likely to weaken the prospects for proper justice in the courts, or even that commissions were sometimes intentionally employed as a way to avoid more serious accountability »702. 284. Ce n’est qu’à partir de la fin des années quatre-vingt-dix que l’ONU, en même temps que la doctrine et la société civile, a commencé à percevoir les commissions vérité comme complémentaires à l’action pénale, notamment dans le cadre des tribunaux pénaux internationaux et hybrides. Dès le début des années deux mille, de telles commissions ont été créées aux côtés de tribunaux hybrides en Sierra Léone et au Timor Leste703. Un modèle similaire a également été envisagé au Cambodge, bien qu’aucune commission vérité n’ait finalement été créée704. La même évolution a été visible au sein du TPIY, initialement vivement opposé aux commissions vérité. Claude Jorda, alors président du Tribunal, reconnut en 2001, bien que de façon nuancée, les atouts que pouvait présenter la création d’une commission vérité705. Conformément à l’approche holiste de la justice transitionnelle adoptée par l’ONU depuis le milieu des années deux-mille, la création simultanée de commissions vérité et de tribunaux pénaux est rapidement devenue la norme. On retrouve de tels projets, par exemple, au Burundi et au Soudan706. 285. Les arguments avancés par Claude Jorda reflètent bien les attentes de l’approche complémentaire entre les commissions vérité et les tribunaux internationaux. Il notait alors les limites du TPIY qu’une commission vérité pourrait compenser, notamment l’impossibilité pour le Tribunal de juger l’ensemble des « exécutants-subalternes »707, d’analyser « toutes les causes de la guerre »708 et d’effectuer « un travail de mémoire complet »709. Ce sont 701 DEL PONTE (C.), La traque, les criminels de guerre et moi, (titre original : La Caccia), traduit par Isabelle Taudière, Héloïse d’Ormesson, Paris, 2009, pp. 163-164. 702 HAYNER (P.), Unspeakable truths, op. cit., p. 91. 703 Il s’agit de la Truth and reconciliation commission travaillant aux côtés du TSSL et de la CAVR, créée aux côtés des Panels spéciaux pour crimes graves au Timor Leste. 704 UN Doc. A/53/850, Rapport du Groupe d’experts pour le Cambodge créé par la résolution 52/135 de l’Assemblée générale, 16 mars 1999, §§ 199-209. 705 TPIY, communiqué de presse, « Le tribunal Pénal international et la commission vérité et conciliation en Bosnie-Herzégovine », La Haye, 17 mai 2001. 706 Voir Annexe I, accords de paix et justice transitionnelle. 707 TPIY, communiqué de presse, « Le tribunal Pénal international et la commission vérité et conciliation en Bosnie-Herzégovine », op. cit. 708 709 Ibid. Ibid. 180 également les limites en termes de personnes poursuivies qui avaient motivé l’idée d’une commission vérité au Cambodge, pour suppléer le travail des futures CETC710. 2. La prise de conscience des défis de la coordination 286. Certains problèmes de coordination entre les tribunaux pénaux et les commissions vérité avaient déjà été soulignés par les membres du TPIY lors de leur rejet de la création d’une commission en Bosnie-Herzégovine. La crainte était alors que les écarts en termes de standard de la preuve et de type de responsabilité – pénale et politique – entre les deux mécanismes ne mènent à des conclusions divergentes quant à la « culpabilité » (bien que le terme soit inadéquat pour les commissions vérité) de certaines personnalités, potentiellement sources d’incompréhension et de déception au sein de la population. La « contamination » des preuves, par la multiplication des auditions des témoins, était également en question, ainsi que la dispersion des financements internationaux711. Toutes ces craintes se sont en effet concrétisées. 287. Le principal problème de la coordination entre les commissions vérité et les tribunaux pénaux n’avait toutefois pas été anticipé par le personnel du TPIY. Il s’est en réalité agit de la régulation de la transmission, et particulièrement de la non transmission, d’informations détenues par les commissions aux tribunaux aux côtés desquels elles travaillent. L’espoir avait été que les deux mécanismes, bien que participant conjointement à la consolidation de la paix, à la lutte contre l’impunité et à la réconciliation, fonctionneraient de manière séparée, les tribunaux traitant des personnes portant la responsabilité principale dans les crimes commis et les commissions s’occupant des victimes et des exécutants. C’est bien cette optique que le Conseil de sécurité avait en tête en confiant la responsabilité du traitement des cas des enfants soldats à la CVR sierra-léonaise712. C’était pourtant oublier que les commissions vérité, pour mener à bien leur tâche d’établissement de l’historique du conflit, doivent avoir accès aux hauts responsables politiques et militaires, les témoignages desquels sont bien évidemment cruciaux pour obtenir une vision d’ensemble des opérations menées. L’accès par les commissions vérité aux personnes détenues par les tribunaux pouvait également être une source de tension entre les deux mécanismes, comme l’ont découvert la CVR sierra léonaise 710 UN Doc. A/53/850, 16 mars 1999, op. cit., §§ 199-209. Voir HAYNER (P.), Unspeakable truths, op. cit., p. 112. 712 Le Conseil de sécurité considérait ainsi que des mécanismes telle que la CVR « conviennent mieux [que le TSSL] pour connaître des affaires dans lesquelles sont impliqués des mineurs ». Voir UN Doc. S/2001/95, lettre du Président du Conseil de sécurité au Secrétaire général, 31 janvier 2001. 711 181 et le TSSL713. C’était également croire que la distinction entre les principaux responsables et les exécutants serait claire pour tous, notamment les personnes impliquées dans les violations des droits de l’Homme. Or, il apparaît que les commissions vérité ont été confrontées au refus de certaines personnes de venir témoigner par peur d’être ensuite inculpées sur la base des informations fournies à la commission vérité, les privant ainsi de sources d’informations précieuses pour leur tâche d’écriture de l’Histoire714. B) L’expérimentation inaboutie des modèles d’encadrement du partage d’informations entre commissions vérité et tribunaux pénaux 288. Des multiples défis rencontrés au cours de la coexistence de tribunaux pénaux et de commissions vérité, le partage d’informations entre ces mécanismes est très certainement celui qui a le plus alimenté les critiques et été à l’origine de dysfonctionnements plus ou moins graves. Certains d’entre eux sont probablement dus à la nature même de ces mécanismes. Intrinsèques au fonctionnement parallèle de ces mécanismes, ils sont difficilement, voire impossiblement, surmontables. Tous auraient toutefois pu être, sinon réglés, du moins minimisés dans leurs effets négatifs, à l’aide d’un cadre clair préalablement établi. La responsabilité de l’échec partiel de cet encadrement incombe alors aux acteurs, y compris onusiens, de la justice transitionnelle (1). Ceux-ci se sont contentés, de façon quelque peu tardive, d’afficher leur préférence pour une protection stricte des informations détenues par les commissions vérité vis-à-vis des tribunaux pénaux (2). 1. L’échec partiel de l’encadrement du partage d’informations entre les commissions vérité et les juridictions pénales hybrides 289. Comme il a été dit, le partage de l’information s’est révélé être une source de difficultés dans les relations entre les commissions vérité et les juridictions pénales hybrides. Les modèles expérimentés ont plus servi à souligner ces difficultés qu’à les régler. Le qualificatif de modèle est d’ailleurs inadapté au cas de la Sierra Léone, qui s’est surtout illustré par son 713 Voir infra, B). Ce point est souligné par les commissions sierra léonaise et est-timoraise dans leurs rapports. Voir respectivement CVR Sierra Léone, « Witness to truth : report of the Truth and Reconciliation Commission for Sierra Leone », volume 3B, 2004, 27 octobre, p. 374 et CAVR Timor Leste, « Chega ! Report of the Commission for Reception, Truth and Reconciliation in Timor Leste », janvier 2006, p. 24. Pour cette dernière commission vérité, voir également BISSET (A.), « Rethinking the powers of Truth Commissions in light of the ICC statute », JICJ, vol. 7, n° 5, novembre 2009, p. 971. 714 182 caractère chaotique (a). Il pourrait en revanche s’appliquer à l’expérience du Timor Leste, bien que les innovations mises en œuvre à son occasion n’aient qu’une portée limitée en raison du contexte particulier de leur création (b). Il est toutefois regrettable que ni la Sierra Léone ni le Timor Leste n’aient servi à élaborer des cadres de coopération pour les expériences en cours (c). a. L’expérience chaotique de la Sierra Léone 290. La CVR sierra léonaise et le TSSL n’ont pas été créés dans le cadre d’une stratégie de justice transitionnelle. La première était prévue dès l’accord de paix de Lomé, signé en 1999, alors que la décision de créer le second n’a été adoptée par le Conseil de sécurité qu’en août 2000715. Il est toutefois immédiatement paru évident que les deux institutions travailleraient en parallèle et qu’un cadre de coopération serait à établir. Le Secrétaire général notait ainsi dès octobre 2000, que « relationship and cooperation arrangements would be required between the Prosecutor and the National Truth and Reconciliation Commission »716, appel réitéré dans une lettre au Conseil de sécurité en janvier 2001717 et repris par la Commission des droits de l’homme718. En tant qu’institution onusienne responsable du soutien apporté à la CVR, le HCDH tenta d’établir le cadre nécessaire à travers l’organisation de plusieurs ateliers d’experts. Le résultat de ces ateliers fut l’adoption de principes directeurs sans grande portée, puisqu’ils se contentaient de rappeler que the « TRC and the Court should be guided by the request of the Security Council and the Secretary-General to “operate in a complementary and mutually supportive manner fully respectful of their distinct but related functions”» et renvoyaient la responsabilité de la définition des modalités de coopération à la CVR et au TSSL719. 291. Malgré les mises en garde des acteurs onusiens et de la société civile, qui avait proposé des modèles de coopération720, les deux institutions ont donc débuté leurs travaux sans cadre 715 S/RES/1315 (2000). SGNU, S/2000/915, op. cit., § 8. La version anglaise a été préférée ici, la traduction française exposant de façon peu satisfaisante qu’ « il faudra prévoir des relations et une coopération entre le Procureur et la Commission nationale de vérité et de réconciliation ». 717 UN Doc. S/2001/40, Letter dated 12 January 2001 from the Secretary-General addressed to the President of the Security Council. Establishment of the Special Court for Sierra Leone (S/2000/915), 2 janvier 2001. 718 UN Doc. E/CN.4/RES/2002/20, Situation des droits de l’homme en Sierra Leone, 22 avril 2002. 719 UN Doc. E/CN.4/2002/37, Question of the violation of Human Rights and fundamental freedoms in any part of the world. Report of the High Commissioner for Human Rights pursuant to Commission on Human Rights resolution 2001/20. Situation of human rights in Sierra Leone, 18 février 2002, § 70. 720 Des propositions avaient notamment été formulées par Human rights watch et ICTJ. Voir respectivement, Human rights watch, « The interrelationship between the Sierra Leone Special Court and Truth and Reconciliation Commission », 18 mai 2002, disponible sur http://www.hrw.org et ICTJ, « Exploring the 716 183 définissant leurs interactions. L’espoir qu’elles concluraient elles-mêmes un ou plusieurs accords ne s’est pas concrétisé, par un manque de volonté de leurs administrations respectives. En effet, alors que la CVR a reconnu que « the two institutions themselves might have given more consideration to an arrangement or a memorandum of understanding to regulate their relationship »721, le juge Robertson, alors président du TSSL, a considéré que « [t]he spirit of co-operation envisaged by the Secretary General had in fact resolved all problems without the need for any formal agreements »722. 292. Deux procédures de coopération ont tout de même été prévues. La première, qui n’a jamais été utilisée, concerne la poursuite des mineurs. L’article 15. 5 du statut du TSSL enjoignait au procureur, avant de procéder à ces poursuites, de s’assurer que « the childrehabilitation programme is not placed at risk and that, where appropriate, resort should be had to alternative truth and reconciliation mechanisms ». Aucun mineur n’ayant été poursuivi devant le TSSL, cette disposition n’a jamais trouvé à s’appliquer. 293. La seconde concerne l’adoption par le greffe du Tribunal de la Practice direction on the procedure following a request by a State, the Truth and Reconciliation Commission, or other legitimate authority to take a statement from a person in the custody of the Special Court for Sierra Leone (« la directive pratique »)723. Ce texte, adopté suite à la volonté exprimée par un inculpé du TSSL, en détention provisoire, de témoigner devant la CVR, a cristallisé les tensions entre les deux institutions. Adopté de façon unilatérale724, il prévoyait initialement l’enregistrement de l’audition et sa transmission au procureur et aux juges pour une utilisation potentielle durant le procès à venir725. Une révision adoptée quelques mois après la publication du texte initial, sur demande de la CVR, retirait cette exigence au profit d’une relationship between the Special Court and the Truth and Reconciliation Commission of Sierra Leone », 24 juin 2002, 22 p. 721 CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit., vol. 2, § 590, p. 111. 722 TSSL, Affaire No.SCSL-2003-08-PT, Prosecutor Against Sam Hinga Norman, Decision on appeal by the truth and reconciliation commission for Sierra Leone and chief Samuel Hinga Norman JP against the decision of his Lordship, Mr Justice Bankole Thompson delivered on 30 October 2003 to deny the TRC’s request to hold a public hearing with chief Samuel Hinga Norman JP, 28 novembre 2003, § 6, p. 2. 723 « Practice direction on the procedure following a request by a State, the Truth and Reconciliation Commission, or other legitimate authority to take a statement from a person in the custody of the Special Court for Sierra Leone », 9 septembre 2003, amendée le 4 octobre 2003, disponible sur www.sc-sl.org. Cette directive a été adoptée conformément à l’article 33 (D) du règlement de procédure et de preuve du TSSL. 724 La CVR a déploré l’absence de toute consultation de la part du TSSL dans l’élaboration et l’adoption de cette directive. Voir CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit., vol. 3B, p. 385. 725 Pour une analyse de la première version de la directive pratique (qui n’est plus disponible sur le site du TSSL), voir SCHABAS (W.), « Conjoined twins of transitional justice ? The Sierra Leone Truth and Reconciliation Commission and the Special Court », JICJ, vol. 2, n° 4, 2004, pp. 1093-1094 et BOISTER (N.), « Failing to get to the Heart of the Matter in Sierra Leone ? The Truth Commission is Denied Unrestricted Access to Chief Hinga Norman », JICJ, vol. 2, n° 4, 2004, p. 1102. 184 possibilité de recueil d’informations sous le sceau de la confidentialité, qui pouvait tout de même être levé par une chambre du Tribunal à la demande d’une des parties, dans le cas où cette divulgation serait justifiée par l’intérêt de la justice726. La directive ne donne dans tous les cas aucun droit absolu à l’audition par la CVR d’une personne détenue par le TSSL, la demande devant être acceptée, en tout ou en partie, par un juge du Tribunal. C’est ainsi que la demande de la CVR d’auditionner publiquement Sam Hinga Norman, ministre sierra léonais durant le conflit, a été rejetée, les juges estimant que seule une audition privée pourrait être conduite, ce que l’inculpé a refusé727. 294. Outre l’accès aux personnes détenues, c’est bien le problème de la confidentialité et donc de la hiérarchie entre le TSSL et la CVR qui a nui à la complémentarité des deux institutions. L’absence de règle précisant ou limitant de façon claire la possibilité pour le TSSL d’ordonner à la CVR de lui transmettre des informations reçues sous condition de confidentialité728 est regrettable et a alimenté les ressentiments de la Commission envers le TSSL. Si les effets concrets de l’absence de cadre de coopération sur le travail des deux mécanismes sont difficilement évaluables, il est certain qu’elle n’a pas facilité l’instauration entre eux de relations harmonieuses, et que l’ONU a manqué une occasion de clarifier une question menaçant, avec la création de la CPI, de devenir récurrente. b. La portée limitée des innovations du modèle timorais 295. Le contexte de création de la commission vérité et du tribunal hybride au Timor Leste a été très différent de celui expérimenté en Sierra Léone. Tout d’abord, les deux mécanismes ont été créés par une même autorité, l’ATNUTO, ce qui a facilité l’insertion de la CAVR et des Panels spéciaux au sein d’un cadre global. Ensuite, alors que la CVR sierra léonaise et le TSSL s’étaient vus octroyés une large indépendance après leur création, les mécanismes timorais sont demeurés sous l’autorité du Représentant spécial du secrétaire général, dirigeant 726 « Directive pratique », op. cit., art. 4. 3. Le rejet de la demande de la CVR a donné lieu à de virulents échanges entre la Commission et le Tribunal, par communiqués interposés. Un aperçu de ces échanges est visible dans CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit., vol. 3B, pp. 411-413 et dans BOISTER (N.), « Failing to get to the Heart of the Matter », op. cit., p. 1108. 728 L’analyse des théories de la relation hiérarchique entre le TSSL et la CVR dépasse le cadre de ce travail. Pour de analyses plus approfondies, voir LA ROSA (A.-M.), « La contribution des Tribunaux pénaux internationalisés au droit commun du procès pénal international : Le cas du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone », in ASCENSIO (H.), dir., Les juridictions pénales internationalisées, Cambodge, Kosovo, Timor-Leste, société de la législation comparée, Paris, 2006, pp. 181-183 ; SCHABAS (W.), « La relation entre les commissions vérité et les poursuites pénales : le cas de la Sierra Léone », in ibid., pp. 209-240 ; Human Rights Watch, « The interrelationship », op. cit. ; ICTJ, « Exploring the relationship », op. cit. 727 185 l’ATNUTO. Cela permettait le règlement de certains conflits par une autorité centralisatrice, plus détachée des deux institutions et donc moins encline à prendre parti pour l’une ou l’autre. Les blocages qu’ont connus les mécanismes sierra léonais du fait de la protection, par leurs acteurs respectifs, de leurs intérêts propres, ont donc pu être évités. Cette centralisation a également permis d’éviter l’échange d’invectives survenu entre la CVR sierra léonaise et le TSSL suite au refus par ce dernier d’accorder une audition publique à Sam Hinga Norman729. Enfin, et c’est regrettable, les principaux responsables des massacres ayant suivi le référendum d’indépendance au Timor Leste, et qui étaient au cœur des mandats de la CAVR et des Panels spéciaux, n’ont pu être atteints par ces mécanismes, dans la mesure où l’Indonésie, où ils étaient réfugiés, a toujours refusé leur extradition. Les craintes exprimées par le TSSL quant à l’instrumentalisation politique, par Sam Hinga Norman, de son audition devant la CVR étaient ainsi moins présentes dans le contexte timorais730. 296. Ces spécificités de l’expérience timoraise ne doivent pourtant pas occulter les avancées que représente le modèle mis en œuvre par l’ATNUTO, et qui représente probablement le cadre le plus complet de coopération d’une commission vérité et d’une juridiction pénale731. L’évolution majeure de ce processus se trouve dans l’instauration du « Processus de réconciliation communautaire » (« community reconciliation process » (CRP))732. Selon cette procédure, les individus responsables de crimes et délits en lien avec les « political conflicts in East Timor »733 avaient la possibilité d’effectuer une demande auprès de la CAVR pour participer à un CRP. Cette demande devait comprendre plusieurs éléments énumérés, dont une description des actes commis, une reconnaissance de culpabilité pour ces derniers et une 729 Voir supra a). Dans sa décision de rejet de la demande de la CVR d’auditionner publiquement Sam Hinga Norman, le juge Robertson a considéré qu’il « cannot believe that the Nuremberg Tribunal would have allowed its prisoners to participate in such a spectacle, had there been a TRC in Germany after the war, or that the International Criminal Tribunals for the Former Yugoslavia or Rwanda would readily permit indictees awaiting trial to broadcast in this way to the people of Serbia or Rwanda. » cité in SCHABAS (W.), « Conjoined twins of transitional justice ? », op. cit., p. 1097. 731 Une expérience comparable est prévue dans les accords de paix colombiens. Toutefois, les mécanismes prévus n’ayant pas débuté leurs travaux au moment de l’écriture, et l’ONU ne participant à aucun d’entre eux, ils ne font pas l’objet de développements ici. Pour plus d’informations sur ces mécanismes, voir LUCAS (R.), MARIE (E.), « Notre unique arme sera la parole : réflexions sur l’accord de paix colombien du 30 novembre 2016 », Revue des droits de l’Homme, [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 01 mars 2017, URL : http://revdh.revues.org/3021. 732 Pour une analyse des CRP, voir notamment : PNUD, « The Community Reconciliation Process of the Commission for Reception, Truth and Reconciliation », rapport de Pier Pigou, avril 2004, 114 p. ; USIP, « Reconciling justice. ‘Traditional’ law and state judiciary in East Timor », rapport final par Tanja Hohe et Rod Nixon, janvier 2003, 76 p. 733 Statut de la CAVR, op. cit., art. 23. 1 (c). 730 186 renonciation à l’usage de la violence dans des buts politiques734. Une copie de cette demande était ensuite envoyée au Procureur général qui pouvait choisir d’exercer sa compétence. Si tel était son choix aucun CRP n’était possible. Si ce n’était pas le cas, un CRP Statements committee évaluait le caractère approprié de la procédure de CRP aux actes révélés et, le cas échéant, transmettait la demande à une commission régionale. Cette dernière formait alors un CRP Panel chargé d’auditionner le demandeur, les victimes de ses actes ainsi que d’autres membres de la communauté détenteurs d’informations pertinentes. Ces auditions étaient extrêmement contraignantes pour le demandeur, dans la mesure où le Panel pouvait lui demander de révéler toutes les informations liées à l’acte en cause, y compris les noms des commanditaires ou complices éventuels, et tirer des conclusions de tout refus de répondre pouvant aller jusqu’à l’arrêt de la procédure et la transmission de toutes les informations reçues au Procureur général, qui pouvait alors décider d’exercer sa compétence, mettant ainsi fin au CRP. Cette transmission devenait obligatoire dans le cas de la révélation d’un crime grave (« serious criminal offense »)735. 297. Le Panel décidait ensuite de l’ « act of reconciliation »736 que le demandeur devait effectuer. Une liste non exhaustive dressée par la régulation de l’ATNUTO comprend des travaux d’intérêts généraux, l’octroi de réparations ou encore la formulation d’excuses publiques. Il faut noter que des excuses signées par le demandeur étaient obligatoires pour l’aboutissement du processus. L’accomplissement des actes ordonnés par le Panel concluait le CRP, qui pouvait alors être enregistré auprès du tribunal du district. Cet enregistrement conférait l’immunité au bénéficiaire contre toute action pénale ou civile visant les actes couverts, sous réserve que ceux-ci ne constituaient pas un crime grave. Le non accomplissement des actes de réconciliation exposait le fautif à une peine maximale d’un an de prison et/ou une amende maximale de 3000 $ US. En matière de partage d’informations, la règle était d’une extrême simplicité : le Bureau du Procureur général était la seule entité à pouvoir ordonner la transmission d’une information 734 Ibid., art. 23. 1. La définition de « serious criminal offence » renvoie à la fois à la section 10. 1 du règlement 2000/11 de l’ATNUTO, établissant l’organisation des tribunaux au Timor Leste (UNTAET/REG/2000/11, 6 mars 2000) et aux sections 1. 3 et 4 à 9 de la réglementation 2000/15 de l’ATNUTO, qui crée les Panels spéciaux pour les crimes graves au Timor Leste. Ces dispositions concernent toutes la compétence exclusive des cours pénales pour les crimes de génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, meurtres, infractions sexuelles et tortures. 736 Statut de la CAVR, op. cit., art. 27. 7. 735 187 recueillie par la CAVR sur la base de la confidentialité737. En revanche, l’accès aux détenus n’était pas encadré. 298. Si ces procédures représentent une évolution dans le sens de la précision de la relation entre commissions vérité et juridictions pénales, il faut tout de même relever que le cas timorais instaure un net déséquilibre en faveur du Bureau du Procureur général. La CAVR a reconnu que ce système « may have prevented the commission from gaining important information that would have assisted its truth seeking function »738. Il est possible de considérer qu’il y a ici une limite à la coopération de ces mécanismes qui est insurmontable, et que les « [fears] that the threat of prosecution may discourage perpetrators from testifying are simply a fact with which we shall have to live. »739 Même dans cette optique, le cas timorais, en raison de son intégration dans un contexte d’administration onusienne d’un territoire, pratique aujourd’hui disparue, peut difficilement être transposé. L’expérience sierra léonaise a montré que l’aspect le plus délicat de la relation entre les commissions vérité et les tribunaux pénaux est lié aux frustrations et incompréhensions subies par leur personnel. Au Timor Leste, la supériorité hiérarchique globale du Représentant spécial du secrétaire général n’a pas permis à ces sentiments de s’exprimer et, éventuellement, de dépasser le cadre privé et ainsi gêner le travail des mécanismes. c. L’absence de définition de cadre de coopération dans les expériences en cours. 299. Aucun autre contexte n’a connu d’expérience similaire à celles de la Sierra Léone et du Timor Leste. Les cas du Burundi, du Soudan, de la République centrafricaine et de la Colombie pourraient toutefois se retrouver confrontés aux mêmes problèmes à l’avenir740. Tous ces États, la Colombie mise à part, connaissent des projets de création de commissions vérité et de juridictions hybrides activement soutenus par l’ONU741. Au Burundi, la 737 Ibid., art. 44. 2. CAVR, « Chega ! Report of the Commission for Reception, Truth and Reconciliation in Timor Leste », janvier 2006, § 24, cité in BISSET (A.), « Rethinking the powers of Truth Commissions », op. cit., p. 971. 739 SCHABAS (W.), « Conjoined twins of transitional justice ? », op. cit., p. 1098. 740 La question se pose également devant la CPI. Dans la mesure où l’ONU n’a pas de rôle dans la potentielle définition d’un cadre de coopération entre la Cour internationale et d’éventuelles commissions vérité, ce sujet ne sera pas abordé ici. Pour des développements sur cette question, voir notamment SEIBERT-FOHR (A.), « The relevance of the Rome statute of the International Criminal Court for amnesties and truth commissions », Max Planck Yearbook of United Nations Law, vol. 7, 2003, pp. 553-590 ; STAHN (C.), « Complementarity, amnesties and alternative forms of justice : some interpretative guidelines for the International Criminal Court », JICJ, vol. 3, 2005, pp. 695-720 ; BISSET (A.), « Rethinking the powers of Truth Commissions », op. cit. et FLORY (P.), « International criminal justice and truth commissions : from strangers to partners ? », JICJ, vol. 13, n° 1, pp. 19-42. 741 L’ONU a été présente dès l’initiative de l’ensemble de ces projets. Il s’est agi de soutien aux accords de paix pour le Burundi et le Soudan. Voir respectivement « Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au 738 188 Commission pour la vérité et la réconciliation au Burundi (CVRB) devrait cohabiter avec le Tribunal spécial au Burundi (TSB). Au Soudan, la Truth, justice and reconciliation commission (TJRC) devrait fonctionner en parallèle de la Special Court for Darfur ; en RCA, la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR) devrait être créée avant la fin des travaux de la Cour pénale spéciale ; enfin, l’accord de paix colombien du 24 novembre 2016 prévoit la cohabitation de la Comisión para el esclarecimiento de la verdad, la convivencia y la no repetición (CEVCNR)742 et de la Jurisdicción especial para la paz (JEP)743. 300. Peu d’éléments peuvent être tirés de ces mécanismes, en termes de coopération entre les commissions vérité et les juridictions pénales, du fait du blocage dans lequel se trouve la création d’une partie d’entre eux. Les mécanismes burundais et soudanais ne connaissent pas d’avancée notable. Il est tout de même possible de noter que les modalités de coopération n’ont pas été prévues dans les projets préliminaires744. En RCA, la Cour pénale spéciale a bien été créée745 et la CVJRR serait sur le point de l’être. S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions quant au cadre de coopération entre ces deux mécanismes, il peut être noté qu’aucune disposition du statut de la Cour pénale spéciale ne mentionne la commission vérité qui l’accompagnera peut-être. En ce qui concerne le cas colombien, les modalités de fonctionnement des mécanismes ne sont pas encore figées. L’accord de paix prévoit toutefois quelques modalités de coopération entre la CEVCNR et la JEP, notamment en termes de partage d’informations. C’est une séparation presque totale qui a été choisie, dans la mesure où les éléments recueillis par la commission vérité ne peuvent être utilisés par les tribunaux pénaux, qui n’ont d’ailleurs pas le pouvoir d’obliger leur transmission746. Burundi », Arusha, Tanzanie, 28 août 2000 et « Doha Document for peace in Darfour », entre le Gouvernement du Soudan et le Liberation and justice movement, Doha, Qatar, 14 juillet 2011. Pour plus de précisions, voir Annexe I Accords de paix et justice transitionnelle. Pour la RCA, il s’est agi du soutien de l’ONU à l’organisation du Forum de Bangui, où les premières propositions de création des mécanismes de justice transitionnelle ont été formulées. Voir Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. 742 Voir UN Doc. S/2017/272, annexe II, « Final agreement for ending the conflict and building a stable and lasting peace », Bogota, 24 novembre 2016, art. 5. 1. 1. 1. 743 Ibid., art. 5. 1. 2. 744 Pour le cas du Burundi, voir « Mémorandum de la délégation burundaise chargée de négocier avec les Nations Unies la mise en place d’une commission pour la vérité et la réconciliation et d’un tribunal spécial au Burundi », Bujumbura, 26 mars 2006, 21 p. ; « Rapport des consultations nationales sur la mise en place des mécanismes de justice de transition au Burundi », Bujumbura, Burundi, 20 avril 2010. 745 République centrafricaine, loi organique n° 15-003 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour Pénale Spéciale, Bangui, 3 juin 2015. 746 UN Doc. S/2017/272, op. cit., art. 5. 1. 1. 1. 1. 189 2. La préférence pour une protection stricte des informations des commissions vérité vis-à-vis des tribunaux nationaux747 301. Les acteurs onusiens n’ont pas adopté de position claire et générale quant à la protection des informations détenues par les commissions vérité. Le HCDH se contente de conseiller aux commissions vérité « [d’]envisager d’emblée très soigneusement ces questions »748 et le Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle ne donne pas beaucoup plus de précisions, sinon de respecter les garanties de confidentialité données aux victimes749. Seules les informations liées aux groupes les plus vulnérables, tels les enfants et les femmes, notamment lorsqu’elles sont victimes de crimes sexuels, font l’objet de recommandations liées à leur confidentialité. C’est donc vers la pratique qu’il faut se tourner pour déterminer la position de l’Organisation sur ce sujet. 302. On observe ainsi que la quasi-totalité des commissions vérité ayant bénéficié d’un soutien de l’ONU pour la rédaction de leur statut ont mis en place un système de confidentialité très stricte des informations recueillies750. Les commissions vérité des Îles Salomon, du Libéria et de la Côte d’Ivoire comportent toutes des dispositions prévoyant la possibilité de recueillir des informations sous la garantie de la confidentialité, qui ne peut être levée par aucune autre autorité751. Certaines vont encore plus loin en prévoyant que les informations recueillies par la commission vérité ne peuvent être utilisées devant les tribunaux, soit de façon absolue752 soit au bénéfice de la personne ayant fourni les informations, rendant impossible leur utilisation dans le cadre d’un procès753. C’est donc un modèle de séparation que l’Organisation semble privilégier. 303. On peut regretter que la tendance observable dans la pratique de l’Organisation ne soit pas formalisée au sein des nombreux documents de politiques onusiennes. Cette carence ne 747 Il est extrêmement compliqué de connaître l’étendue du rôle des institutions onusiennes dans la détermination des règles encadrant le fonctionnement des commissions vérité nationales. Pour cette raison, nous nous limiterons aux cas où l’implication de l’ONU a été la plus importante. 748 HCDH, HR/PUB/06/1, « Commissions vérité », op. cit., p. 23. 749 Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/HRC/30/42, op. cit., §§ 8-15. 750 Seule la Commission vérité, justice et réconciliation du Mali ne comporte aucune mention de règles liées à la confidentialité des informations recueillies. Voir « Ordonnance n° 2014-003/P-RM, portant création de la Commission Vérité, Justice, et Réconciliation », Bamako, 15 janvier 2014. 751 Voir Îles Salomon, « Truth and Reconciliation Commission Act 2008 », 28 août 2008, art. 6 (3) ; Libéria, « An Act to Establish the Truth and Reconciliation Commission of Liberia », op. cit., art. VII m ; Côte d’Ivoire, « Rapport final de la commission Vérité Dialogue et Réconciliation », décembre 2014, p. 56. 752 Îles Salomon, « Truth and Reconciliation Commission Act 2008 », op. cit., art. 20 (f). 753 Ibid., art. 7.1 ; Libéria, « An Act to Establish the Truth and Reconciliation Commission of Liberia », op. cit., section 30. 190 concerne pas que les relations entre les commissions vérité et les tribunaux. Elle est également visible concernant les autres interactions survenant entre les mécanismes de justice transitionnelle. §2/L’apparente indifférence vis-à-vis des autres interactions des mécanismes de justice transitionnelle 304. Comme il a été dit, les tribunaux pénaux et les commissions vérité sont les mécanismes les plus emblématiques de la justice transitionnelle. Ceci explique peut-être le peu d’attention qui a été porté, y compris par l’ONU, au fonctionnement des autres mécanismes de cette justice, tels les programmes de lustration et de réparations. Pourtant, la vision holiste de la justice transitionnelle implique la présence de ces mécanismes aux côtés des tribunaux et des commissions vérité, et ne peut se permettre l’économie d’une réflexion quant aux implications de cette coexistence. Bien que l’expérience montre que les interactions entre ces mécanismes sont plus limitées qu’entre les tribunaux et les commissions vérité (A), les ignorer empêcherait l’anticipation de problèmes pouvant survenir à leur occasion. Pourtant, alors que ces interactions sont bien prises en compte par les acteurs onusiens dans la formulation des politiques et bonnes pratiques, elles n’y occupent qu’une place marginale, exposant encore une fois ces mécanismes aux aléas de l’improvisation (B). A) Le caractère limité des interactions entre les mécanismes de justice transitionnelle 305. Bien qu’ils interagissent peu, les mécanismes de justice transitionnelle ont régulièrement besoin de s’appuyer sur les compétences ou le travail que chacun détient ou effectue. Les rapports des commissions vérité peuvent ainsi être utilisés par les tribunaux et les programmes de lustration comme éléments d’informations, voire de preuve, à propos d’un cas dont ils ont à connaître. Notons également que ces rapports peuvent motiver l’organisation de poursuites pénales, dans la mesure où ils dévoilent l’ampleur des violations commises ainsi que, parfois, l’identité des responsables. À cet égard, ils bénéficient d’une portée politique importante. Dans le même ordre d’idées, l’échange d’informations peut également intervenir entre les tribunaux et les programmes de lustration. Le programme mis en œuvre par la MINUBH en Bosnie-Herzégovine a ainsi collaboré avec le TPIY pour le recueil d’informations visant à déterminer si les membres des services de police remplissaient les 191 conditions requises pour la certification754. Les programmes de réparations sont également étroitement liés aux rapports des commissions vérité. Ces dernières sont régulièrement mandatées pour effectuer des recommandations en termes de réparations, dans la mesure où leurs enquêtes les rendent mieux à même d’apprécier le nombre, la typologie et les besoins spécifiques des victimes. La CVJR malienne va jusqu’à considérer qu’il est de son ressort de « [mettre] en place un programme intégral pour l’indemnisation et les réparations collectives et individuelles, matérielles et symboliques des victimes de violations graves. »755 306. Outre les questions d’échange d’informations, les tribunaux sont une aide indispensable au bon déroulement des travaux des commissions vérité. Cette aide peut concerner l’obtention de mandats de perquisitions et d’ordonnances de transfert de documents756 ou encore la sanction du refus de coopérer avec la commission757. 307. Les mécanismes de justice transitionnelle ne font cependant pas que se soutenir les uns les autres dans l’accomplissement de leurs mandats respectifs. Il arrive également que ces mandats leur confèrent des tâches, généralement accessoires, qui empiètent sur celles, principales, des autres mécanismes. Le cas des réparations peut, par exemple, s’avérer délicat. Les réparations symboliques octroyées ou ordonnées par les commissions vérité, telle l’exigence d’excuses publiques de la part des responsables de violations758, posent peu de problèmes, dans la mesure où celles-ci sont, par définition, immatérielles et ne confèrent pas à ceux qui les reçoivent un avantage pouvant être considéré comme discriminatoire par d’autres victimes n’en ayant pas bénéficié. Tel n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de réparations pécuniaires. En effet, les programmes de réparations peuvent fonctionner en parallèle d’actions en réparations engagées par les victimes devant les tribunaux civils, ou encore 754 Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. CVJR Mali, « Règlement intérieur de la commission vérité, justice et réconciliation », art. 13 f. Il faut préciser que la CVJR n’est initialement mandatée qu’à « proposer des mesures de réparation ou de restauration ». Voir République du Mali, Ordonnance n° 2014-003/P-RM Portant création de la commission vérité, justice et réconciliation, 15 janvier 2014, art. 2. 756 La CAVR, par exemple, devait faire appel à un juge d’instruction pour l’obtention de mandats de perquisition. Voir Statut de la CAVR, op. cit., section 15. 757 La majorité des commissions vérité ne possède pas de pouvoirs de sanction et doit s’en remettre aux tribunaux pour s’assurer de la coopération de tous les acteurs concernés. Voir par exemple, Statut de la CVR Sierra-Léone, ,op. cit., art. 8. 2 et 9. 2 ; Statut de la CVR Îles Salomon, op. cit., art. 8. 2 ; Statut de la CVR Libéria, op. cit., art. VII b. 2. 758 Plusieurs commissions vérité ont organisé des rituels de réconciliation, parfois par le biais de mécanismes traditionnels de pardon. Voir infra, partie 2, titre 1, chapitre 1. On peut également noter le cas des CRP au Timor Leste, où l’expression du pardon représentait une exigence pour l’accomplissement des Community Reconciliation Agreement. Voir supra, § 1, B). 755 192 devant certains tribunaux pénaux, y compris internationaux759. Cette situation fait courir le risque que certaines victimes soient indemnisées plusieurs fois pour le même préjudice, créant ainsi une inégalité entre elles760. 308. Si les mécanismes de justice transitionnelle agissent de façon complémentaire, dans une perspective holiste, leurs interactions sont néanmoins relativement limitées, tant dans leurs occurrences que dans leur intensité. Elles ne sont toutefois pas dénuées de facteurs de tensions ou de mécompréhensions par les populations. Dans la mesure où ces mécompréhensions semblent être une des causes les plus importantes des échecs de ces mécanismes, il pourrait paraître opportun de prévoir des cadres régulant de façon claire ces interactions. B) L’absence d’encadrement des interactions des mécanismes de justice transitionnelle 309. Peu de place est laissée, dans la formulation des politiques onusiennes liées aux mécanismes de justice transitionnelle, à l’encadrement des interactions entre ces différents mécanismes. Qu’il s’agisse des rapports du Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle ou de la série des Instruments de l’état de droit pour les sociétés sortant de conflit, la réflexion est essentiellement située au niveau de chaque mécanisme pris individuellement. Seules les publications du HCDH concernant les commissions vérité et les réparations comportent des sections, assez peu développées, sur les interactions que ces mécanismes peuvent connaître ainsi que les problèmes qu’elles peuvent générer761. 310. Il est vrai que la flexibilité promue par l’ONU quant à la forme de chaque mécanisme de justice transitionnelle s’accommode mal de cadres régulant les interactions entre eux. Il est toutefois des éléments pour lesquels cette prévisibilité est tout à la fois possible et souhaitable. Tel qu’il a été vu, les rapports des commissions vérité sont vus comme pouvant servir 759 Si les CETC ne peuvent octroyer que des réparations « collectives et morales » et que le TSL n’a que le pouvoir d’ « identifier des victimes ayant subi un préjudice en raison de crimes commis par un accusé reconnu coupable par le Tribunal », facilitant ainsi la demande de réparations devant les juridictions civiles, la CPI peut, pour sa part, ordonner directement des réparations, y compris pécuniaires, au profit des victimes. Voir respectivement, CETC, règlement intérieur, règle 23 quinquies ; Statut de TSL, op. cit., art. 25 ; Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 75. 760 Comme le note le HCDH, cette pratique serait d’autant plus discriminatoire que l’on observe que les populations urbaines ont bien plus de facilités à accéder aux tribunaux, et donc à obtenir réparation par la voie judiciaire, que les populations rurales. Il faut également noter que les réparations obtenues par la voie judiciaire sont souvent plus élevées que celles fournies dans le cadre d’un programme global de réparations. Voir HCDH, HR/PUB/08/1, « Programmes de réparation », op. cit., pp. 39-41. 761 Voir respectivement HCDH, HR/PUB/06/1, « Commissions vérité », op. cit., pp. 27-29 ; HCDH, HR/PUB/08/1, « Programmes de réparation », op. cit., pp. 38 - 41. 193 d’éléments de preuve pour les programmes de lustration. Il paraîtrait ainsi logique que ces mécanismes soient créés de façon séquencée. Cette organisation est toutefois peu praticable dans la mesure où l’exclusion des personnels soupçonnés d’implication dans des violations des droits de l’Homme est considérée comme une priorité. Ainsi, au Libéria, alors que la commission vérité et le programme de lustration étaient tous deux envisagés dans les Accords de paix d’Accra762, le second a été mené avant le début des travaux de la première763, et est arrivé à son terme avant la publication du rapport de la CVR. Le programme de lustration n’a ainsi pas pu bénéficier des informations recueillies par la commission. Notons qu’à l’instar du programme en Bosnie-Herzégovine, le Libéria a pu bénéficier des informations détenues par le Tribunal international créé avant lui, en l’occurrence le TSSL764. 311. L’efficacité des programmes de réparations pâtit de leur manque de coordination avec les commissions vérité. Rappelons que le HCDH note le lien étroit qui unit ces programmes aux commissions vérité, celles-ci formulant des recommandations quant à la forme et à l’étendue de ceux-là. C’est le modèle qui a été choisi pour la Sierra Léone, où le programme de réparations a été construit suivant le modèle préconisé par la CVR dans son rapport final. Le problème qui survient alors, outre les réticences gouvernementales, est celui du temps écoulé entre le rendu du rapport et l’élaboration du programme de réparations, susceptible de générer des frustrations et des incompréhensions au sein de la population. L’accès aux victimes représente également un obstacle non négligeable, particulièrement en ce qu’il s’agit de celles résidant dans des zones rurales difficiles d’accès. Les informations recueillies par les commissions vérité n’étant pas toujours suffisantes à l’évaluation des droits et besoins des différentes victimes, d’importants moyens doivent alors être mobilisés pour développer des bases de données des victimes. Cette lacune dans l’enregistrement des victimes nuit également à la prévisibilité des programmes de réparations. Le programme sierra léonais a ainsi dû faire face à un nombre de demandes près de deux fois supérieur aux attentes initiales765. Le manque de coordination de ce même programme avec les procédures judiciaires a également mené à une pratique consistant à demander aux bénéficiaires de signer 762 Voir Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. La CVR libérienne a été créée en mai 2005 alors que le programme de lustration a débuté en 2004. La commission n’a rendu son rapport final qu’en 2009. 764 Voir HRW, « Liberia at a Crossroads : Human Rights Challenges for the New Government », 30 septembre 2005, p. 21. 765 L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), en charge de l’assistance onusienne au programme de réparations, prévoyait 16 000 demandes et en a reçu 29 700. Les documents et rapports liés au projet de soutien au programme de réparations sont disponibles sur le site du Fonds de Consolidation de la paix. 763 194 une attestation les engageant à renoncer à toute autre forme de réparation, pratique dénoncée par une partie des victimes766. 312. Si l’action onusienne apparaît comme lacunaire du point de vue de l’encadrement de la coordination des mécanismes de justice transitionnelle, il faut tout de même préciser qu’il s’agit là d’une tâche extrêmement délicate. L’Organisation privilégie en effet une action indirecte de ses institutions, agissant en tant que soutien des initiatives nationales plutôt qu’en tant que moteur. Cet aspect de l’action onusienne implique que la mise en œuvre de ces mécanismes est soumise aux aléas et aux réticences politiques nationales. Il est alors compliqué de prévoir un programme global de justice transitionnelle qui anticiperait les diverses interactions survenant entre les mécanismes envisagés. Il est significatif de constater que le programme de réparations sierra léonais devait, selon les recommandations de la CVR, être créé dans les six mois suivant la publication du rapport final, c'est-à-dire courant 2005, et n’a finalement été accepté par le gouvernement qu’en janvier 2009767. Il s’agit donc autant d’un problème de séquençage, qui échappe partiellement au contrôle des institutions onusiennes, que d’un manque d’anticipation. 766 Amputee and War-Wounded Association, « ‘Mi At Don Poil’ : A Report on Reparations in Sierra Leone for Amputee and War Wounded People », 2014, p. 19. 767 SØRHEIM (N. K.), « Sierra Leone reparations program, the limits of good intentions », mémoire de Master, Faculté de droit d’Oslo, 2010, p. 15. 195 Conclusion du Titre 2 313. À travers ses efforts d’élaboration d’un cadre normatif de la justice transitionnelle, l’ONU a cherché à maintenir un équilibre entre, d’une part, l’efficacité et la prévisibilité de cette justice et, d’autre part, le maintien de sa capacité d’adaptation. La souplesse qui caractérise le cadre ainsi créé demeure relative, dans la mesure où l’implication du Conseil de sécurité dans la justice transitionnelle permet sa rigidification ponctuelle par le biais des résolutions adoptées par cet organe. 314. Il faut toutefois souligner que le mouvement de juridicisation de la justice transitionnelle n’est pas arrivé à son terme. Les projets d’articles et de conventions actuellement à l’étude au sein de la CDI – notamment relativement au crime contre l’humanité et aux immunités pénales des chefs d’États – annoncent de futurs développements. De même, l’activité des organes onusiens dans la formation de normes coutumières liées à la justice transitionnelle laisse ouverte la porte à l’élévation normative de certains standards adoptés par l’Organisation. On peut également anticiper que l’accumulation d’expériences de terrain permettra au Rapporteur spécial, au HCDH et aux autres entités onusiennes concernées de compléter leur œuvre de formulation de politiques onusiennes concernant la structure des mécanismes de justice transitionnelle et leurs interactions. 315. Le développement de ce cadre ne doit pourtant pas porter atteinte à l’équilibre évoqué ci-dessus. Prenant ce facteur en compte, la solution privilégiée par l’ONU distingue deux niveaux d’encadrement. Le premier concerne les piliers de la justice transitionnelle. Ceux-ci font l’objet d’une juridicisation croissante qui semble n’avoir pour limite que leur reconnaissance en tant que normes de jus cogens. Le second concerne l’application de ces piliers, devenus normes, au travers des mécanismes de justice transitionnelle, dont l’encadrement plus souple se caractérise soit par son absence de caractère obligatoire, soit par la marge d’appréciation qu’il laisse aux États. 197 Conclusion de la Partie 1 316. Malgré le flou qui caractérise les contours de la justice transitionnelle, l’ONU a su construire une approche cohérente de ce domaine. Ce flou s’est même révélé être un atout, d’une part pour assurer un consensus onusien autour de la justice transitionnelle et, d’autre part, pour permettre son incorporation au sein d’une approche évolutive de la consolidation de la paix. Si l’adaptabilité de la justice transitionnelle est souvent analysée sous l’angle des contextes culturels, historiques et conjoncturels dans lesquels elle est déployée, elle représente également, pour l’ONU, la capacité de ce domaine à s’intégrer dans une conception de la paix en expansion. 317. De la démocratisation à l’état de droit et à l’instauration d’une justice sociale, la justice transitionnelle onusienne est mise au service d’objectifs de plus en plus ambitieux. Elle participe à la lutte contre l’impunité, à la reconstruction de l’État et à la refondation des sociétés. Bien que les acteurs onusiens s’en défendent, le risque que les bases de cette refondation soient perçues comme transposées à partir d’un modèle occidental de la démocratie libérale est présent. Il est vrai que les critiques liées à l’imposition de ce modèle dépassent le domaine de la justice transitionnelle pour s’appliquer à l’ensemble de l’action de l’Organisation dans le maintien et la consolidation de la paix, entre autres. Elles ont toutefois été prises en compte par l’ONU, qui affiche une volonté de maintenir une certaine souplesse dans son approche de la justice transitionnelle, afin de pouvoir modeler cette dernière en fonction des spécificités locales. 318. Cette souplesse présente tout de même des limites. Bien qu’elle soit désormais intégrée à l’action de l’ONU en faveur de l’état de droit, la justice transitionnelle n’a pas perdu son attache envers l’œuvre de démocratisation des États. Cette justice demeure un instrument de réforme de la gouvernance. La neutralité de l’état de droit, appliquée à la justice transitionnelle depuis son intégration à ce domaine, n’est qu’apparente. La technocratisation qui l’accompagne représente un des grands paradoxes de la justice transitionnelle onusienne. D’une part, elle semble peu compatible avec l’ancrage socioculturel de cette justice, défendu par l’ONU. D’autre part, il faut considérer l’expansion de la justice transitionnelle. Le caractère indéfini de l’objectif de réconciliation nationale et la multiplication des facteurs de paix et de conflit, notamment au travers de l’inclusion des droits économiques, sociaux et culturels, pris en compte par la justice transitionnelle rendent toute approche technique de 198 cette dernière superficielle. Aucune « recette » ne peut traiter de problématiques aussi vastes et aussi dépendantes de multiples contingences. 319. L’œuvre onusienne de développement du cadre normatif de la justice transitionnelle reflète, dans une certaine mesure, ce paradoxe. En multipliant les règles, quelle que soit leur valeur normative, applicables à la justice transitionnelle, l’Organisation s’expose aux critiques liées à la standardisation de cette justice. L’ONU répond à ces critiques à travers la recherche d’un équilibre entre un socle de normes obligatoires, ancré dans le droit international, et un ensemble de préconisation appartenant au domaine de la soft law et dont le degré de précision varie en fonction de la marge d’appréciation que l’ONU souhaite laisser aux États et à ses agents sur le terrain. 320. Il faut toutefois reconnaître que les Nations Unies se trouvent, vis-à-vis de la justice transitionnelle, dans une position délicate. Il leur faut d’une part répondre aux demandes de la société civile et des victimes appelant à un renforcement des normes internationales dans le domaine de la justice transitionnelle, afin de garantir l’efficacité, au niveau national, de la lutte contre l’impunité. D’autre part, il est reproché à l’ONU de porter trop loin ce renforcement, empiétant ainsi sur la liberté de choix des populations et sur l’ancrage culturel de la justice transitionnelle. Il y a là probablement une part inéluctable d’imperfection. 321. Étant donné les contraintes pesant sur l’ONU du fait de la nature même de la justice transitionnelle et des exigences qu’elle génère, ses efforts de définition d’un cadre cohérent pour cette justice sont à saluer. Malgré certains errements, la justice transitionnelle fait aujourd’hui l’objet d’une approche globalement unifiée au sein des divers acteurs onusiens et jouit d’un cadre normatif équilibré, dont le développement est toujours en cours. Il reste cependant à mettre ce cadre à l’épreuve du terrain, élément déterminant pour une justice transitionnelle abordée essentiellement d’un point de vue opérationnel. 199 PARTIE 2 : L’application désordonnée de la justice transitionnelle par l’ONU 322. La création de l’ONUSAL – au sein de laquelle s’est développée la première action de l’ONU en matière de justice transitionnelle768 –« marked a new era in UN efforts at building peace »769, notamment par l’étendue de son mandat et l’intégration au sein de celui-ci du contrôle du respect des droit de l’Homme. Bien que le concept de consolidation de la paix n’ait été défini que quelques années plus tard, avec l’adoption de l’Agenda pour la paix et de son supplément, l’ONUSAL représentait déjà le premier effort de peacebuilding de l’ONU. 323. Il est notoire que la fin de la guerre froide a provoqué une évolution soudaine du maintien de la paix onusien, notamment en ce qui concerne son implication dans des troubles intraétatiques. Certes, il faut nuancer770 l’explosion du nombre de conflits internes parfois décrite771, et reconnaître que l’ONU était déjà intervenue dans des conflits internes avant 1990772. Il demeure que les situations auxquelles elle s’est trouvée confrontée dès le début de cette décennie présentaient nombre de particularités rendant l’implication de l’Organisation inédite. 324. Bien que leur base légale ait été douteuse, l’immense majorité des opérations de maintien de la paix conduites jusqu’aux années quatre-vingt-dix a respecté les principes jusqu’ici considérés comme structurants pour l’ONU. Celle-ci n’intervenait que sur demande des États, et son rôle se limitait à celui d’un observateur. Le principe de non-ingérence dans 768 Voir supra, introduction. David Forsythe cité in SANTISO (C.), « Promoting democratic governance », op. cit., p. 566. 770 Les travaux de l’Upsaala Conflict Data Program (UCDP) montrent en effet que si l’écart entre le nombre de conflits internationaux et de conflits internes se creuse après 1989, c’est essentiellement en raison de la baisse des premiers, même si le nombre des seconds connaît effectivement une augmentation. L’étude montre en outre que la supériorité quantitative des conflits internes est visible dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Voir les études de l’UCDP sur le site du programme : http://www.pcr.uu.se/research/ucdp/ , ainsi que les analyses des données présentées par les chercheurs : ERIKSSON (M.), GLEDITSCH (N. P.), SOLLENBERG (M.), STRAND (H.), WALLENSTEEN (P.), « Armed conflict 1946-2001 : a new dataset », Journal of Peace Research, vol. 39, n° 5, 2002, pp. 615-637 : ainsi que la mise à jour de cette base de donnée : PETTERSSON (T.), WALLENSTEEN (P.), « Armed conflicts, 1946-2014 », Journal of Peace Research, vol. 59, n° 4, 2015, pp. 536-550. 771 Voir entre autres MURTHY (C. S. R.), « United Nations Peacekeeping in intrastate conflicts : emerging trends », International Studies, vol. 38, n° 3, 2001, p. 210. 772 Les actions de l’ONU au Congo, en Rhodésie, en Namibie et, selon un argumentaire soviétique quelque peu farfelu, en Corée représentent les exceptions à la non implication de l’Organisation dans les conflits internes entre 1945 et 1990. Voir CHIP (W.) « A United Nations role in ending civil wars », Columbia Journal of Transnational Law, vol. 19, 1981, pp. 15-33; voir aussi SOREL (J.-M.), « L’élargissement de la notion de menace contre la paix », in SFDI, Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, Colloque de Rennes, Pedone, 1995, p. 33. Pour le cas de la Corée et la vision soutenue par le représentant de l’URSS à l’ONU, voir FRANKENSTEIN (M.), L’Organisation des Nations Unies devant le conflit coréen, thèse de doctorat, Pedone, Paris, 1952, pp. 40-42. 769 200 les affaires intérieures, impliquant alors l’équivalence des régimes politiques, était globalement respecté. Or, l’entrée de l’Organisation dans le domaine de la justice transitionnelle, dont la finalité transformatrice a déjà été relevée, a provoqué une profonde modification de son action, devenue à la fois plus intrusive et porteuse d’un idéal politique. Certes, l’ONUSAL ne s’est vue confiée qu’un rôle de vérification de l’application d’accords de paix signés librement par les anciennes parties au conflit salvadorien, bien éloigné des tâches de reconstruction de l’État confiées par la suite aux missions en Somalie, en Haïti, au Kosovo et dans bien d’autres contextes. Elle marque pourtant un déplacement soudain et durable de la limite à l’action onusienne que représentait la non-ingérence. 325. Au-delà des débats sur la légitimité et la légalité de cette nouvelle forme d’action, ce sont les implications du déplacement de ce cadre sur le rôle occupé par les Nations Unies lors de ses interventions qui importe ici. Le statut de simple observateur développé au sein des opérations de maintien de la paix classiques n’est plus conciliable avec les nouvelles tâches assignées aux opérations complexes, bien plus intrusives. L’ONU a ainsi dû repenser sa relation aux États en fonction des impératifs liés aux différentes facettes de son nouveau rôle. Dans la mesure où la réflexion onusienne s’effectue principalement sur le fondement des leçons apprises sur le terrain, l’évolution de son action suit un cheminement caractérisé par une succession de tâtonnements773. L’adaptation de l’action de l’Organisation à un domaine aussi complexe que la justice transitionnelle s’est ainsi révélée laborieuse (Titre 1). 326. L’évolution de l’action onusienne a rapidement démontré les limites de l’organisation interne des Nations Unies. Plusieurs réformes visant à adapter les structures onusiennes aux nouveaux aspects de l’action qu’ils ont à mener ont été conduites. Des entités tels le HCDH, le département des affaires politiques et celles issues du renouveau de l’architecture dédiée à la consolidation de la paix – la Commission de consolidation de la paix, le Fonds de consolidation de la paix et le Bureau d’appui à la consolidation de la paix – ont été créées dans ce but. Si ces nouveaux acteurs ont largement démontré leur utilité, leurs limites ont également rapidement été apparentes. Outre une coordination devenue de plus en plus complexe du fait de l’augmentation du nombre d’acteurs, onusiens et extérieurs, le caractère hautement politique de l’action de l’ONU impliquait une plus grande exposition de cette 773 Comme le remarque Michel Liégeois : « c’est bien l’accumulation de l’expérience opérationnelle, la progressive théorisation d’une pratique résultant largement de l’improvisation et de l’adaptation aux contraintes, qui [caractérise] l’évolution des conceptions en matière de maintien de la paix ». LIÉGEOIS (M.), Maintien de la paix et diplomatie coercitive. L’Organisation des Nations Unies à l’épreuve des conflits de l’après guerre froide, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 29. 201 dernière. La réflexion, d’ordre déontologique, sur ses propres pratiques a malheureusement été menée tardivement et de façon incomplète. C’est ainsi que l’Organisation s’est révélée incapable de mener à bien sa propre adaptation, c'est-à-dire celle de ses principes et de ses structures, au développement de son action dans le domaine de la justice transitionnelle (Titre 2). 203 Titre 1: L’adaptation laborieuse de l’action onusienne aux objectifs de la justice transitionnelle 327. Le fait que l’ONU ait été impliquée dans la justice transitionnelle dès les premières heures de développement de cette dernière a privé l’Organisation de modèle ou de précédent sur lesquels se reposer. Il est vrai que les acteurs onusiens avaient déjà démontré leurs capacités d’adaptation et d’improvisation en créant, à la marge de la Charte, les opérations de maintien de la paix774. Cet effort d’innovation a dû être répliqué dans le cadre de la justice transitionnelle, où l’ONU s’est souvent trouvée confrontée à des situations inédites. Ce caractère inédit est en partie lié au caractère unique de l’Organisation et de ses capacités d’action. Des pratiques telles que les administrations transitoires ou la création des TPI ne sont transposables à aucune autre structure que celles des Nations Unies. Ces dernières sont donc entrées dans le domaine de la justice transitionnelle avec très peu de repères. 328. Un début de cadre théorique de la justice transitionnelle a rapidement été développé au sein de l’ONU, notamment au travers des principes Joinet sur la lutte contre l’impunité775. Les concepts définis par Boutros Boutros-Ghali au sein de son Agenda pour la paix776 et de son Supplément777 ont également fourni des indications quant à l’objet de l’action onusienne dans le domaine de la consolidation de la paix. Ainsi, si l’approche de l’ONU vis-à-vis de la justice transitionnelle a connu des évolutions778, les principales difficultés auxquelles elle a été confrontée dans ce domaine ont concerné la forme de son action. Comme il a été dit, la justice transitionnelle représente un défi en termes d’équilibre entre une implication internationale permettant de garantir l’effectivité de la lutte contre l’impunité et le respect de l’appropriation nationale. Particulièrement concernée par ce défi, l’ONU a fait preuve d’une grande incertitude quant au degré d’internationalisation à conférer à son action dans ce domaine (Chapitre 1). 774 Cette création a donné lieu au fameux fondement du Chapitre VI et demi de la Charte par le Secrétaire général Dag Hammarskjöld. Sur l’émergence des opérations de maintien de la paix, voir LIÉGEOIS (M.), Maintien de la paix et diplomatie coercitive, op. cit., pp. 30-40. 775 « Principes Joinet », op. cit. Sur ce cadre théorique voir d’une façon générale supra partie 1, notamment titre 1. 776 SGNU, UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix, op. cit. 777 SGNU, UN Doc. A/50/60-S/1995/1, Supplément à l’agenda pour la paix, op. cit. 778 Voir supra, partie 1, titre 1. 204 Par ailleurs, les expérimentations de l’Organisation l’ont conduit à mélanger ses implications dans la justice transitionnelle et dans la justice internationale pénale, sans avoir préalablement réfléchi aux conséquences de cette imbrication. Il en est résulté un recours maladroit à la justice internationale pénale comme mécanisme de justice transitionnelle (Chapitre 2). 205 Chapitre 1. L’incertitude quant au degré d’internationalisation de l’action onusienne 329. La justice transitionnelle présentait, et présente toujours dans une certaine mesure, plusieurs défis à l’action onusienne. Axée sur les victimes, elle impliquait la prise en considération par l’ONU du nouvel acteur que sont les populations nationales, jusqu’alors dissimulées sous le voile de la non-ingérence et de la souveraineté. Cette spécificité signifie que le principal destinataire de l’action onusienne a glissé de l’État vers les individus. Se pose alors la question du rôle de l’État dans la détermination de la forme de l’action et de sa mise en œuvre. Il faut alors se demander si l’État est « unwilling or unable »779, pour reprendre l’expression désormais consacrée, à conduire un processus de justice transitionnelle efficace et le plus respectueux possible des standards onusiens. On comprend toutefois que le résultat de cette évaluation ainsi que les réponses qu’il impliquera ne se présentent pas en valeurs absolues, d’autant que l’ONU évolue, avec la justice transitionnelle, dans un milieu hautement politique et potentiellement sensible. De plus, les Nations Unies ne peuvent, tant politiquement que matériellement, se substituer purement et simplement à tous les États membres des Nations Unies sortants d’un conflit et se révélant incapables de mettre en œuvre un processus de justice transitionnelle crédible. Cette option a pourtant bien été mise en œuvre, notamment au travers des TPI et des administrations transitoires, avant d’être abandonnée pour laisser place à des modalités, d’une part, plus respectueuses de la souveraineté des États et, d’autre part, moins coûteuses pour l’Organisation. C’est donc à un retrait progressif – et quelque peu désordonné – de l’implication onusienne dans la mise en œuvre de la justice transitionnelle que l’on assiste (Section I). Bien que ce degré d’implication ait été changeant, l’ancrage national de la justice transitionnelle onusienne présente quant à lui une étonnante stabilité (Section II). 779 Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 17 1. (a). 206 Section I Le retrait progressif de l’implication onusienne dans la mise en œuvre de la justice transitionnelle 330. Le domaine de la justice transitionnelle est particulièrement difficile à gérer pour une organisation internationale. Le degré d’implication d’une telle organisation représente un équilibre délicat à atteindre entre les garanties d’intégrité des mécanismes que procurent leur mise en œuvre par l’organisation et l’appropriation nationale vitale aux programmes de justice transitionnelle. Il faut reconnaître que l’ONU a su apprendre de ses erreurs au fil de son engagement dans la justice transitionnelle. L’évolution de son action reflète assez bien l’évolution de la doctrine de ce domaine. Initialement tentée par une gestion internationale des mécanismes de justice transitionnelle, elle a su prendre acte des échecs de cette formule pour opérer un retrait progressif dans leur mise en œuvre (§ 1). Elle a alors développé une implication plus indirecte, de l’ordre de l’assistance et du contrôle des politiques de justice transitionnelle (§ 2). §1/Le recul partiel de l’implication directe de l’ONU dans les mécanismes de justice transitionnelle 331. L’improvisation onusienne décrite ci-dessus ne s’applique pas uniquement à la question du « quoi ? », mais également à celle du « comment ? ». Dans ce domaine, l’ONU a été confrontée à des exigences parfois contradictoires. L’Organisation devait, dans un même temps, apporter un soutien financier et technique à des États économiquement et institutionnellement très affaiblis, garantir le respect des standards internationaux qu’elle promeut et respecter au mieux la souveraineté des États ainsi que les sensibilités nationales. On se trouve ici en présence d’une constante ambivalence entre une action destinée aux populations nationales, mais tournée vers la communauté internationale, qu’il s’agisse d’obtenir son soutien ou par volonté d’exemplarité. C’est en ce sens que l’équilibre entre l’implication internationale et l’appropriation nationale est particulièrement difficile à atteindre. Dans cet exercice, l’action de l’ONU dévoile une palette extrêmement large de formules expérimentées. La gestion intégralement internationale des mécanismes de justice transitionnelle s’étant révélée inadaptée aux objectifs de cette dernière (A), une voie médiane a été explorée avec le développement des mécanismes hybrides, ou internationalisés, dont le bilan apparaît mitigé (B). Ce bilan n’est toutefois qu’une des raisons poussant l’ONU à 207 privilégier les actions nationales, régionales ou sous-régionales, dans une attitude de distanciation qui ne doit pas être confondue avec un quelconque désengagement (C). A) L’inadéquation de la gestion intégrale par l’ONU aux objectifs de la justice transitionnelle 332. Portée par les possibilités offertes par la fin de la guerre froide et mue par la volonté de rattraper de lourdes erreurs, l’ONU a, dans les années quatre-vingt-dix, conçu et mené de son propre chef des politiques et mécanismes de justice transitionnelle. Il s’agit des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, du programme de lustration mené par la MINUBH en Bosnie Herzégovine, ainsi que des mécanismes créés par les administrations transitoires de l’ONU. 333. Les TPI faisant l’objet d’une littérature abondante780, on ne fera ici que rappeler certains points rendant ces mécanismes peu adaptés à leur qualification en tant mécanismes de justice transitionnelle. Tout d’abord, rappelons que les objectifs des TPI étaient avant tout punitifs. Mis en place pour des motifs plus politiques qu’idéologiques781, ils n’ont prêté que peu d’attention aux victimes. Les deux tribunaux ont été situés hors du contexte géographique des violences dont ils sont saisis782. Si des considérations de sécurité, pour le TPIR, ajoutées à un souci d’impartialité, pour le TPIY, ont motivé ce choix, il demeure que les procès conduits par ces juridictions étaient difficilement accessibles pour les victimes et les populations locales.783 Les campagnes de sensibilisation graduellement mises en place par les deux 780 Voir par exemple : LESCURE (K.), Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Montchrestien, Paris, 1994, 203 p. ; HAZAN (P), La justice face à la guerre. De Nuremberg à la Haye, Stock, Paris, 2000, 285 p. ; MÉGRET (F.), Le tribunal pénal international pour le Rwanda, Pedone, Paris, 2002, 249 p. ; BOISVERT (A. M.), DUMONT (H.), PARADELLE (M.), « Quelle justice pour quelle réconciliation ? Le Tribunal pénal international pour le Rwanda et le jugement du génocide », Mc Gill Law Journal, vol. 50, 2005, pp. 359-413 ; SOREL (J.-M.), « Les tribunaux pénaux internationaux. Ombre et lumière d’une récente grande ambition », Revue Tiers Monde, vol. 205, n° 1, 2011, pp. 29-46. Voir également le dossier spécial publié par la Revue Internationale de la Croix Rouge « Juridiction pénale internationale et droit international humanitaire : les Tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda », RICR, vol. 79, n° 828, décembre 1997. 781 Notamment pour compenser l’inaction coupable du Conseil de sécurité vis-à-vis des conflits en exYougoslavie et au Rwanda. Voir, par exemple : NYAMUYA MAOGOTO (J.), « International justice under the shadow of realpolitik : revisiting the establishment of the ad hoc international tribunals », Flinders Journal of Law Reform, vol. 5, 2000-2001, pp. 161-198. Voir aussi CESONI (M. L.), SCALIA (D.), « Juridictions pénales internationales et Conseil de sécurité : une justice politisée », Revue Québécoise de Droit International, vol. 25, n° 2, 2012, pp. 37-71. 782 Le TPIY a été situé à La Haye, Pays-Bas et le TPIR à Arusha, Tanzanie. 783 David Crane souligne d’ailleurs que « [it] is imperative that the victims of those international crimes see justice done before their very eyes. After all, a tribunal is for and about the victims, their families, as well as their towns and districts. » CRANE (D. M.), « White man’s justice : applying international justice after regional third world conflicts », Cardozo Law Review, vol. 27, n°4, p. 1684. 208 Tribunaux ne sont pas parvenues à compenser ce défaut initial784. On pourrait ajouter à cette liste que les TPI ont été régis par des procédures et des qualifications juridiques parfois éloignées des traditions et cultures juridiques locales. Un aspect de cette procédure ayant été le plus controversé concerne les contre-interrogatoires de témoins et de victimes, parfois menés de façon psychologiquement violente par les avocats de la défense, et présentant un risque de retraumatisation des victimes. 334. Quelles que soient les particularités techniques des tribunaux, lorsque ceux-ci cherchent à dépasser le cadre strictement punitif, le critère le plus important pour les évaluer est bien celui de leur perception par la population ayant connu les violences jugées. Notons à cet égard que si le TPIY ne s’est pas tout de suite vu reconnaître un rôle de réconciliation nationale, cette caractéristique a été intégrée au mandat du TPIR dès son initiation785. La précision que cette caractéristique n’était ajoutée que « compte tenu des circonstances particulières qui règnent au Rwanda »786 tend à démontrer le caractère exceptionnel de l’adjonction d’un objectif de réconciliation à un tribunal pénal. Si l’impact des TPI sur les populations est extrêmement compliqué à évaluer, la grande majorité de la doctrine s’accorde à dire que celui-ci est, au mieux, mitigé787. L’impact sur le secteur judiciaire national est, pour sa part, annulé par la distance géographique des TPI. Au regard de ces critiques, les TPI apparaissent comme peu adaptés aux objectifs de la justice transitionnelle. 335. En dehors des TPI, l’ONU n’a géré de façon internationale qu’un autre mécanisme de justice transitionnelle. Il s’agit du programme de lustration de la police en Bosnie784 NATALYA CLARK (J.) « International war crimes tribunals and the challenge of outreach », International Criminal Law Review, vol. 9, 2009, pp. 99-116. 785 Voir S/RES/827 (1993) et S/RES/955 (1994). On notera l’absence totale de mention de la réconciliation nationale lors de l’adoption du statut du TPIY, alors que cette notion est omniprésente lors de la création du TPIR. Voir respectivement UN Doc. S/PV.3217, 25 mai 1993 et UN Doc. S/PV.3453, 8 novembre 1994. 786 S/RES/827 (1993), op. cit., préambule. 787 Voir MEERNIK (J.), « Justice and peace ? How the international criminal tribunal affect societal peace in Bosnia », Journal of Peace Research, vol. 42, n° 3, mai 2005, pp. 271-289 ; ZACKLIN (R.), « The failings of ad hoc international tribunals », JICJ, vol. 2, n° 2, 2004, pp. 541-545 ; BOISVERT (A. M.), DUMONT (H.), PARADELLE (M.), « Quelle justice pour quelle réconciliation ? op. cit., pp. 359-413 ; HOARE (M. A.), « Bosnia-Hercegovina and international justice : past failures and future solutions », East European Politics and Societies, vol. 24, n° 2, pp. 191-205 ; FLETCHER (L. E.), WEINSTEIN (H.-M.), « A world unto itself? The application of international justice in the former Yugoslavia », in STOVER (E.), WEINSTEIN (H.-M.), My neighbor, my enemy. Justice and community in the aftermath of mass atrocity, Cambridge University Press, New York, 2004, pp. 29-48. STOVER (E.), WEINSTEIN (H.-M.), « Conflict, justice and reconciliation », in ibid., pp. 1-26. Les inculpés des TPI ne semblent pas avoir une meilleure opinion de ces derniers. Voir RAUSCHENBACH (M.), SCALIA (D.), STAERKLÉ (C.), « Paroles d’accusés sur la légitimité de la justice pénale internationale », Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal Comparé, vol. 12, n° 3, 2012, pp. 727745 ; SCALIA (D.), « Expérience de justice internationale pénale : perception de domination par d’anciens dominants », Revue Québécoise de Droit International, hors série, 2015, pp. 16-33. Voir également infra, chapitre 2. 209 Herzégovine, conduit par la MINUBH entre 1999 et 2002. La mission a conduit, conformément à son mandat788, un programme de vérification des forces de police, ayant mené à la « décertification » de 598 agents789. Le programme se décomposait en trois phases : l’enregistrement des membres des forces de police, l’octroi d’autorisations provisoires, permettant de disqualifier les agents ne possédant pas les compétences ou diplômes requis, et enfin la certification, octroyée après des enquêtes approfondies790. Ce programme a été fermement critiqué, y compris au sein de l’ONU791, pour son absence de garanties procédurales, notamment en termes de droit de recours792. Le principal problème est venu de la place trouble qu’occupent les règlementations et décisions des opérations de maintien de la paix en droit interne. Saisies par d’anciens policiers décertifiés, les juridictions bosniaques ont régulièrement décliné leur compétence de réviser un acte adopté par la MINUBH, laissant ces personnes sans recours indépendant et effectif793. 788 La MINUBH était initialement chargée d’assister les autorités nationales dans la réforme de la police. Devant leur manque de coopération, le Conseil de sécurité a conféré à la MINUBH le pouvoir d’enquêter de façon indépendante sur les membres des forces de police. Voir S/RES/1088 (1996) et MAYER-RIECKH (A.), « Vetting to prevent future abuses : reforming the police, courts and prosecutor’s offices in Bosnia and Herzegovina », in DE GREIFF (P.), MAYER-RIECKH (A.), Justice as Prevention, op. cit., pp. 195-196. 789 Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise), Avis sur une solution possible au problème de la décertification des agents de police en Bosnie Herzégovine, op. cit., § 18. La décertification avait pour conséquence le renvoi de l’agent de son poste et l’interdiction, à vie, d’être employé dans « une des autorités de police de Bosnie-Herzégovine ». Ibid., § 15. 790 Concernant l’octroi de l’autorisation provisoire, deux séries de critères ont été retenues, l’une positive (conditions devant être remplies par l’agent) et l’autre négative (circonstances excluant l’octroi de l’autorisation). Les critères positifs incluaient des conditions d’âge, de nationalité et de réussite aux tests d’aptitude de la MINUBH. Les critères négatifs incluaient le fait d’être inculpé par le TPIY, l’inscription de crimes dans le casier judiciaire ou encore la fourniture d’informations mensongères durant la phase d’enregistrement. Cette autorisation provisoire pouvait être retirée si le comportement passé de l’agent ne permettait pas de penser qu’il conduirait sa mission dans le respect des droits de l’Homme. L’un des critères excluait, par exemple « [an] officer, whose acts and/or omissions, and/or functions from the period of April 1992 to December 1995, demonstrate the inability or unwillingness to uphold internationally recognized human rights standards ».Voir Groupe International de Police des Nations Unies, MINUBH, IPTF-P10/2002, « Policy on Removal of Provisional Authorization and Disqualification of Law Enforcement Personnel in BIH », mai 2002. et Groupe International de police des Nations Unies, MINUBH, IPTF-P02/2000, « Policy on Registration, Provisional Authorization and Certification », mai 2000. La certification suivait le même schéma, les conditions positives comprenant l’accomplissement de certaines formations, le respect de la législation concernant la propriété et la preuve d’absence d’inculpation en cours. Les critères négatifs comprennent le fait d’être inculpé, d’avoir transmis des informations fausses ou des documents falsifiés ou encore l’occupation illégale par l’agent d’un lieu d’habitation. Voir Groupe International de Police des Nations Unies, MINUBH, IPTF-P11/2002, « Policy on Certification of Law Enforcement Agencies Personnel », août 2002. 791 Le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine a été jusqu’à conseiller aux autorités nationales de saisir la Commission de Venise pour avis sur la légalité de la procédure adoptée par la MINUBH. Voir HCDH, Annual report 2004. Implementation of activities and use of funds, 2004, p. 73. 792 Voir infra, titre 2, chapitre 2, section I. 793 Certains tribunaux internes ont accepté de réviser les actes de la MINUBH et ont annulé les décisions de décertification. Voir MAYER-RIECKH (A.), « Vetting to prevent future abuses », op. cit., p. 194. 210 336. L’action des administrations transitoires faisant l’objet de développements plus loin794, on se contentera ici de noter que la concentration des pouvoirs qui les caractérise ne paraît guère conforme à l’objectif démocratisant de la justice transitionnelle. Le caractère inadapté de la gestion internationale des mécanismes de justice transitionnelle a incité l’ONU à se tourner vers d’autres modalités d’action. Ainsi, le modèle des TPI semble avoir été abandonné par le Conseil de sécurité, et l’Organisation est passée, au cours des années 2000, à un modèle hybride, ou internationalisé, de justice transitionnelle. B) L’hybridité : le bilan mitigé d’une action entre improvisation et ambition La décennie 2000 a vu se développer un modèle hybride de justice transitionnelle. L’hybridité en question se situe dans l’équilibre recherché entre l’internationalisation (on pourrait presque plus parler ici d’ « onuisation ») et l’intégration nationale. Qu’il s’agisse de son application aux juridictions pénales (1) aux commissions vérité (2) ou aux autres mécanismes de justice transitionnelle (3), l’expérience de l’hybridité s’illustre par ses limites en termes d’efficacité. 1. Les tribunaux hybrides : la pérennisation d’une action improvisée795 337. En adoptant les régulations 2000/11796 et 2000/15797, l’ATNUTO a donné naissance à un nouveau modèle de justice pénale mêlant des éléments internes et internationaux. Depuis les Panels spéciaux établis au Timor Leste, l’ONU a multiplié les expériences de juridictions 794 Infra, titre 2, chapitre 2, section I. Étant donné la pléthorique littérature portant sur les juridictions hybrides, il ne sera pas question ici de les traiter de façon exhaustive. Pour des analyses transversales, voir : ASCENSIO (H.), dir., Les juridictions pénales internationalisées, op. cit. ; MARTINEAU (A.-C.), Les juridictions pénales internationalisées, un nouveau modèle de justice hybride ?, Pedone, Paris, 2007, 300 p. ; PAZARTZIS (P.), « Tribunaux pénaux internationalisés : une nouvelle approche de la justice (inter)nationale ? », AFDI, vol. 49, 2003, pp. 641-661 ; VAN SCHAACK (B.), « The building blocks of hybrid justice », Denver Journal of International Law and Policy, vol. 44, 2016, pp. 169-279 ; BOUTRUCHE (T), ROMANO (C.), « Tribunaux pénaux internationalisés : état des lieux d'une justice “hybride” », RGDIP, 2003, pp. 109-124 ; LINTON (S.), « Cambodia, East Timor and Sierra Leone : experiments in international justice », Criminal Law Forum, vol. 12, 2001, pp. 185-246. Voir aussi infra, chapitre 2. 796 ATNUTO, UNTAET/REG/2000/11, « Regulation n° 2000/11 on the organization of courts in East Timor », 6 mars 2000. 797 ATNUTO, UNTAET/REG/2000/15, « Regulation n° 2000/15 on the establishment of panels with exclusive jurisdiction over serious criminal offences », 6 juin 2000. 795 211 hybrides, participant à la création des Panels 64 au Kosovo798, du Tribunal spécial pour la Sierra Léone, des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), de la Chambre spéciale pour crimes graves en Bosnie-Herzégovine et du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). L’hétérogénéité de cette liste ne permet pas l’adoption d’une définition satisfaisante de ces tribunaux799. Retenons simplement que, contrairement aux TPI, ils mêlent tous des éléments internationaux et nationaux, ceux-ci pouvant se situer au niveau de l’acte créateur, de la nationalité des juges ou du droit applicable, tant en termes de compétence matérielle que de procédure800. 338. Si l’hétérogénéité des juridictions hybrides complique leur catégorisation, elle met en lumière les différents éléments qui sous-tendent leur création. Les juridictions hybrides représentent, en partie, un rejet du modèle des TPI, jugés trop lents et coûteux801. Alors que ces derniers ont eu des budgets annuels d’environ 100 millions de dollars (USD), le TSL, la plus chère des juridictions hybrides, coûte environ 60 millions de dollars annuels802. Les autres tribunaux sont nettement moins chers, les budgets annuels s’élevant à environ à 30 millions USD pour le TSSL803, entre 20 et 30 millions USD, selon les années, pour les CETC804, 13 millions USD pour les Chambres bosniaques805 et 6 millions USD pour les 798 MINNUK, UNMIK/REG/2000/64, « on assignment of international judges/prosecutors and/or change of venue », 15 décembre 2000. 799 Voir les définitions de Photini Pazartzis et Anne-Charlotte Martineau, respectivement : PAZARTZIS (P.), « Tribunaux pénaux internationalisés » op. cit., p. 643 et MARTINEAU (A.-C.), Les juridictions pénales internationalisées, op. cit., p. 5. En estimant que « tous siègent dans l’État sur le territoire duquel les faits se sont déroulés », Photini Pazartzis exclut le TSL de cette liste, alors que Anne-Charlotte Martineau, en ajoutant la condition de création par l’ONU exclut les Chambres africaines extraordinaires créées par accord entre le Sénégal et l’Union Africaine pour juger l’ancien dictateur tchadien Hissen Habré. 800 Le degré d’internationalisation, ou d’intégration, de ces juridictions varie. Ainsi Photini Pazartzis différencie les juridictions internationales nationalisées (le TSSL, auquel on pourrait rajouter le TSL) et les juridictions nationales internationalisées (toutes les autres), ibid., p. 643. Robert Kolb les classe pour sa part selon une échelle d’internationalisation fondée sur les critères de la composition de l’organe, du droit applicable ainsi que de la procédure suivie. Voir KOLB (R.), « Le degré d’internationalisation des TPI », in ASCENSIO (H.), dir., Les juridictions pénales internationalisées, op. cit., pp. 48-68. 801 Intervention de M. Jean-Marie Guéhenno, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix à la réunion du Conseil de sécurité portant sur « Justice et légalité : rôle de l'Organisation des Nations Unies ». Voir UN Doc. S/PV.4835, Justice et légalité : rôle de l'Organisation des Nations Unies, 30 septembre 2003, p. 5. 802 Voir les rapports annuels d’activité disponibles sur le site internet du TSL. 803 Voir les rapports annuels du Président du TSSL. 804 Tous les documents liés au financement des CETC sont disponibles dans la section « finance » du site internet dédié aux Chambres. 805 ICTJ, « The War Crimes Chamber in Bosnia and Herzegovina : from hybrid to domestic court », par Bogdan Ivanišević, 2008, p. 39. 212 Panels timorais806. Ce rejet est d’autant plus apparent que des TPI avaient été envisagés ou demandés au Cambodge807, au Timor Leste808 et en Sierra Léone809, pour être rapidement écartés au profit de solutions plus respectueuses de la souveraineté810 et de l’appropriation nationale. 339. Il ne faut pas pour autant voir les juridictions hybrides simplement comme le rejet d’un modèle. Leur développement provient tout autant d’un choix positif, issu de l’évolution globale du maintien de la paix. Koffi Annan rappelait, en 2001, que « nous devrions guider plutôt que diriger, et renforcer plutôt que remplacer »811. Leur localisation sur le territoire où les crimes poursuivis ont été commis812 permet assurément de faciliter la tâche de la justice en simplifiant l’accès aux témoins. Elle permet également de rendre les procès plus accessibles à la population locale, caractéristique censée favoriser la réconciliation nationale. La mixité des juges permet d’assurer un équilibre entre la neutralité internationale et la connaissance du contexte local. Ces deux caractères servent également la restauration de l’état de droit en participant à la formation des acteurs judiciaires nationaux. L’application de droit interne et de droit international vise une meilleure compréhension des procès par le public et les acteurs nationaux. Cette compréhension est également facilitée par l’application partielle ou totale des règles de procédure nationale, qui permet aussi de mieux intégrer et former les professionnels – magistrats, avocats… – nationaux. La compétence matérielle est également choisie pour 806 SKILBECK (R.), « Funding justice : the price of war crimes trials », Human Rights Brief, vol. 15, n° 3, 2008, p. 1. Le budget des panels 64 au Kosovo étant mêlé au budget attribué à la MINUK pour le soutien global aux organes judiciaires du Kosovo, le montant alloué spécifiquement à ces panels n’est pas connu précisément. 807 UN Doc. A/53/850-S/1999/231, Annexe, Rapport du Groupe d’experts pour le Cambodge, op. cit., §§ 139 et s. 808 UN Doc. A/54/660, 10 décembre 1999, Situation des droits de l’homme au Timor Leste, § 74, recommandation 6. 809 HARPER (E.), « Delivering justice in the wake of mass violence : new approaches to transitional justice », Journal of Conflict and Security Law, vol. 10, n° 2, 2005, pp. 154-155. 810 MÉGRET (F.), « In defense of hybridity : towards a representational theory of international criminal justice », Cornell International Law Journal, vol. 38, 2005, pp. 725-751. 811 UN Doc. S/PV.4833, Justice et légalité : rôle de l’Organisation des Nations Unies, 24 septembre 2003, p. 3. 812 Le TSL est le seul tribunal hybride créé par l’ONU à ne pas siéger dans l’État sur le territoire duquel les crimes ont été commis, principalement pour des raisons de sécurité. Les récentes Chambres spécialisées pour le Kosovo et le Bureau du Procureur spécialisé pour le Kosovo, créées avec le soutien de l’Union Européenne, sont le seul autre exemple de juridiction hybride siégeant dans un État tiers aux violences sujettes à sa compétence. Il faut toutefois noter que la possibilité est laissée aux Chambres de siéger au Kosovo. Voir Kosovo, loi No.05/L053, « on Specialist Chambers and Specialist Prosecutor's Office », 3 août 2015, art. 3 al. 6 concernant les chambres et art. 3 al. 7 concernant le Procureur spécialisé. 213 correspondre au mieux à la réalité des crimes commis, et servir ainsi l’établissement d’une vérité judiciaire proche des faits813. 340. L’approche positive des juridictions hybrides ne doit pourtant pas leurrer l’observateur. Si les bienfaits supposés de ces tribunaux peuvent laisser penser que leur création résulte d’une stratégie mûrement réfléchie, il n’en est rien. Leur hétérogénéité doit moins à la volonté d’adapter la réponse judiciaire aux contextes nationaux qu’aux circonstances de leur création, et il semble que « l’apparition des juridictions [pénales internationalisées] sur la scène internationale s’est faite sans réflexion préalable ou concertée et avec une forte dose d’improvisation pour ne pas dire de bricolage »814. 341. On remarque surtout que l’impulsion de la création de ces juridictions et le choix de leur forme hybride doivent au moins autant aux considérations géopolitiques qu’à une réflexion sur la meilleure façon d’assurer que justice soit faite. Ainsi, le TSSL a bénéficié d’un important soutien international, notamment des États-Unis. Il a été avancé que ce soutien visait à promouvoir une alternative viable à la CPI, rejetée par la puissance américaine815. Le fait que les États-Unis ont été le principal contributeur du Tribunal, et la conclusion d’un accord entre la Sierra Léone et les États-Unis contre le transfert par le premier, à la CPI, de soldats du second en 2003 ne peut qu’accentuer la perception de ce biais816. Au Timor, le refus de l’Indonésie de voir se créer une juridiction ayant compétence sur ses ressortissants a été à l’origine de cette création hybride. Au Kosovo, les Panels 64 n’ont été créés qu’après que la MINUK a constaté que les oppositions entre les juges très majoritairement albanais et les populations serbes empêchaient tout espoir de justice impartiale817. Au Cambodge, le 813 Sur les avantages présumés des juridictions hybrides, voir CASSESE (A.), International criminal law, 2e éd., Oxford University Press, Oxford, 2003, pp. 332-334 ; MÉGRET (F.), « In defense of hybridity », op. cit., pp. 725-751 ; CRANE (D. M.), « White man’s justice », op. cit. 814 MARTINEAU (A.-C.), Les juridictions pénales internationalisées, op. cit., p. 59. 815 Sur la position des États Unis vis-à-vis de la CPI voir DETAIS (J.), « Les Etats-Unis et la Cour Pénale Internationale », Droits Fondamentaux, n° 3, janvier-décembre 2003, pp. 31-50. 816 Voir ICG, « The Special Court for Sierra Leone : Promises and pitfalls of a ‘ new model’ », 4 août 2003, pp. 14-17 ; NOUWEN (S.), « Combining ownership and neutrality in the prosecution of international crimes : theory and reality of mixed tribunals », Netherlands Quarterly of Human Rights, vol. 25, n° 2, 2007, pp. 276277 ; CHÂTAIGNIER (J.-M.), L’ONU dans la crise de la Sierra Leone. Les méandres d’une négociation, Karthala, Paris, 2005, pp. 127-130. Ces accords, très utilisés par l’administration Bush, visaient à protéger les soldats américains de la CPI en instrumentalisant l’article 98 du statut de Rome. Sur ces accords et la pratique des États-Unis y relative, voir SCHEFFER (D.), « Article 98(2) of the Rome statute : America’s original intent », JICJ, vol. 3 n° 2, 2005, pp. 333-353. 817 CHESTERMAN (S.), “You, the people”. The United Nations, transitional administration, and state-building, New York, Oxford University Press, 2004, pp. 166-167 ; NOUWEN (S.), « Combining ownership and neutrality », op. cit., pp. 271-272 ; HARTMANN (M. E.), « International judges and prosecutors in Kosovo. A new model for post-conflict peacekeeping », United States Institute for Peace, rapport spécial, octobre 2003, pp. 4-8. 214 manque de coopération des autorités gouvernementales lors des négociations portant sur le choix de la juridiction amenée à juger les crimes des Khmers rouges a provoqué le retrait momentané du Secrétaire général de ces négociations. Si un accord a finalement pu être conclu entre l’ONU et le Cambodge, ce n’est qu’au prix de nombreuses concessions de la part de l’Organisation, au détriment des mises en garde portant sur les risques d’une juridiction hybride818. 342. Malgré l’improvisation qui a caractérisé l’apparition du modèle des tribunaux hybrides, les qualités théoriques du modèle sont toujours reconnues. La décennie passée sans création de nouvelles juridictions de ce type ne représente pas un abandon semblable à celui des TPI. L’ONU soutient ainsi la création de juridictions hybrides en République centrafricaine819, au Burundi820 et au Soudan821. Le modèle s’est d’ailleurs affranchi de l’Organisation mondiale, pour être repris par les organisations régionales, l’OEA étant impliquée dans la juridiction spéciale pour la paix en Colombie822, l’Union Africaine dans les Chambres africaines extraordinaires823 et l’UE dans les Chambres spécialisées au Kosovo824. 818 Le groupe d’experts créé par le Secrétaire général sur le fondement de la résolution 52/135 de l’Assemblée générale, du 12 décembre 1997 a noté dans son rapport avoir « examiné soigneusement la formule d’un tribunal mixte ou étranger constitué par le Cambodge. Il a cependant décidé de ne pas recommander cette option, craignant, en raison de sa propre évaluation de la situation au Cambodge, que même une telle formule soit exposée aux manœuvres des forces politiques au Cambodge ». Voir UN Doc. A/53/850-S/1999/231, Annexe, Rapport du Groupe d’experts pour le Cambodge, op. cit., § 139. 819 La Cour pénale spéciale, dont le statut a été adopté par la loi organique 15-003, promulguée le 15 juin 2015, et qui a fait l’objet d’un mémorandum d’accord entre l’ONU et le gouvernement centrafricain en date du 26 août 2016. 820 Le TPI initialement prévu dans l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation (protocole I, chapitre II, art. 6) s’est progressivement transformé en tribunal hybride, suite notamment aux consultations nationales conduites en 2009 et 2010 au Burundi. 821 La Special Court for Darfur, inclue dans le Doha Document for Peace in Darfur (art. 59) n’a jamais été concrétisée. 822 Voir le mandat de la Misión de Apoyo al Proceso de Paz en Colombia (MAPP), créée par l’OEA, tel que modifié par le « Quinto protocolo adicional al convenio entre la Repùblica de Colombia y la Secretaría general de la Organización de Estados Americanos para el acompañamiento al proceso de paz en Colombia, firmado el 23 de Enero de 2004 », 1 décembre 2014, art. 2.1.3. 823 « Accord entre le gouvernement de la République du Sénégal et l’Union Africaine sur la création de Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises », Dakar, 22 août 2012. 824 Kosovo, loi No. 04/L-274 « on ratification of the international agreement between the Republic of Kosovo and the European Union on the European Union rule of law mission in Kosovo », 23 avril 2014. 215 2. Les commissions vérité hybrides : une garantie internationale inaboutie 343. Les commissions vérité « hybrides » sont moins connues que leurs partenaires pénaux. L’expression elle-même n’est pas véritablement consacrée825 et il s’avère parfois compliqué de différencier une commission hybride d’une commission nationale soutenue par des organisations internationales. En effet, contrairement aux tribunaux internationalisés, les commissions vérité n’appliquent pas, stricto sensu, le droit et sont généralement créées par un acte national826. Le financement international, bien que parfois déterminant pour la forme des commissions ainsi que pour leur efficacité, est un critère insuffisant pour qualifier l’hybridité. Naomi Roht-Arriaza considère comme hybride une commission vérité mêlant des commissaires nationaux et internationaux827. Cette définition exclut toutefois certaines commissions pour lesquelles l’ONU a participé à la nomination des commissaires et au travail de la commission, ainsi que la commission salvadorienne, dont tous les commissaires étaient internationaux. Or, pour les premières, le rôle de l’ONU a parfois été trop important pour les exclure de cette liste, et pour la seconde, il serait exagéré de parler d’une commission internationale, tant elle a été ancrée dans le système interne. L’hybridité relève en réalité plus d’un faisceau d’indices, regroupant le rôle de l’ONU dans l’initiative de la commission, le choix des commissaires et l’étendue du soutien au travail de la commission828. 344. Six commissions vérité correspondent à cette définition des commissions hybrides, avec un degré différent d’internationalisation. Il s’agit, par ordre chronologique de création, de la Commission pour la vérité salvadorienne, la Commission nationale de vérité et de justice en Haïti, la Commission pour la clarification historique (CEH) guatémaltèque, la Commission pour la réception, la vérité et la réconciliation (CAVR) au Timor Leste, et les Commissions vérité et réconciliation en Sierra Léone et au Libéria. Le rôle de l’ONU dans ces commissions a été variable. 825 Naomi Roht Arriaza fait partie des rares personnes à utiliser cette expression. Voir ROHT-ARRIAZA (N.), « The new landscape of transitional justice », in MARIEZCURRENA (J.), ROHT-ARRIAZA (N.), Transitional justice in the twenty first century, beyond truth versus justice, Cambridge University Press, New York, 2006, p. 10. 826 La situation de la CAVR timoraise est à cet égard ambiguë, dans la mesure où elle a été créée par une règlementation d’une administration transitoire onusienne. Ces actes sont toutefois considérés comme ayant valeur législative, à portée nationale. Voir UNTAET/REG/1999/1, 27 novembre 1999 : « the Transitional Administrator will, as necessary, issue legislative acts in the form of regulations » (nous soulignons). Les commissions vérité mentionnées dans des accords de paix sont généralement créées par un acte national postérieur. 827 ROHT-ARRIAZA (N.), « The new landscape of transitional justice », op. cit., p. 10. 828 Ce soutien peut comprendre une assistance aux enquêtes, à l’organisation administrative, la gestion budgétaire, la diffusion du rapport final ou encore le suivi de la mise en œuvre des recommandations de la commission vérité. 216 345. L’Organisation a tout d’abord été, ou a contribué, à l’initiative de certaines de ces commissions. Le Secrétariat général a participé aux négociations ayant abouti aux accords de paix qui ont créé les commissions au Salvador, au Guatemala, en Sierra Léone et au Libéria829. Au Timor Leste, la CAVR a été créée par une règlementation de l’ATNUTO. Ce rôle initiateur est toutefois à relativiser dans la mesure où il est compliqué de connaître exactement la part de responsabilité des négociateurs onusiens dans l’intégration des commissions vérité dans les accords de paix830, et où, en créant la CAVR, l’ATNUTO agissait plus en réponse à une forte demande de la société civile nationale que sur une réelle initiative de sa part831. Il demeure toutefois que c’est bien l’opération onusienne qui a donné sa forme à la commission timoraise. 346. L’ONU a également joué un rôle dans la sélection des commissaires de ces commissions. Ainsi, au Salvador, les trois commissaires de la Commission pour la vérité étaient internationaux et sélectionnés par le Secrétaire général après avis des parties à l’accord de Mexico832. En Haïti, trois des sept membres ont été choisis « en collaboration étroite avec l’Organisation des Nations Unies et l’Organisation des États américains »833 et représentaient la communauté internationale834. Au Guatemala, l’accord instituant la CEH prévoyait que le Secrétaire général nommerait comme commissaire le médiateur de l’ONU pour les négociations de paix guatémaltèque835. C’est également au médiateur que revenait la tâche de sélectionner les deux commissaires nationaux836. En Sierra Léone, le Représentant du Secrétaire général servait en tant que « selection coordinator » et proposait quatre commissaires nationaux, alors que la Haut-Commissaire aux droits de l’homme proposait les trois commissaires internationaux. Tous étaient nommés par le Président sierra léonais837. Au 829 Voir Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. On sait que la CVR sierra léonaise a été créée en grande partie à l’initiative d’ONG locales et du HautCommissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Voir Centre for Humanitarian Dialogue, International Center for Transitional Justice, « Negotiating peace in Sierra Leone : Confronting the justice challenge », Priscilla Hayner, décembre, 2007, p. 19 et note 34. 831 HARPER (E.), « Delivering justice in the wake of mass violence », op. cit., p. 156. 832 « Accord de Mexico », annexe, op. cit., art. 1. 833 « Arrêté présidentiel du 28 mars 1995 créant la Commission Nationale Vérité et Justice », art. 13. 834 QUINN (J. R.), « Haiti’s failed truth commission : lessons in transitional justice », Journal of Human Rights, vol. 8, n° 3, 2009, p. 266. 835 « Agreement on the establishment of the Commission to clarify past human rights violations and acts of violence that have caused the Guatemalan population to suffer », op. cit. Le médiateur, Jean Arnault, ayant été nommé à la tête de la MINUGUA, c’est finalement Christian Tomuschat, professeur de droit et ancien expert indépendant de l’ONU au Guatemala, qui a été nommé. Voir HAYNER (P.), Unspeakable truths, op. cit., p. 33. 836 Ibid. 837 « Truth and Reconciliation Act 2000 », 10 février 2000, disponible sur http://www.sierraleone.org/laws.html, art. 3 (1) et annexe 1. 830 217 Libéria, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme était chargée de nommer un représentant de l’ONU au panel de sélection des commissaires838 ainsi que le chef de l’International Technical Advisory Committee (ITAC)839, un comité assistant le travail de la Commission, mais dépourvu de droit de vote840. Au Timor Leste, les commissaires de la CAVR ont été désignés par un « selection panel » composé de treize membres, dont le Représentant spécial du Secrétaire général, qui le présidait, ainsi que deux membres désignés par le Représentant spécial et par le Bureau des droits de l’homme au sein de l’ATNUTO841. 347. En termes d’assistance technique et financière au travail de récolte des informations à celui de rédaction et de diffusion du rapport ainsi qu’au suivi des recommandations, le rôle de l’ONU est plus éclaté. Notons que toutes les commissions vérité hybrides ont reçu le soutien d’une ou plusieurs missions onusiennes842. Dans un cas, l’ONU a été jusqu’à gérer le budget de la commission vérité843 et trois de ces commissions ont rendu leur rapport, parallèlement aux autorités nationales, au Secrétaire général des Nations Unies844. 348. Le suivi des recommandations demeure cependant une carence de l’Organisation. Celleci n’a effectué ce travail que dans deux cas : en Sierra Léone, il a été assuré par le HautCommissariat aux droits de l’homme et la Commission de Consolidation de la Paix (CCP)845, et au Guatemala par la MINUGUA. Si les premiers ont œuvré à la mise en œuvre du programme de réparation recommandé par la CVR846, la seconde n’a pu, faute de pouvoir de 838 « An Act to Establish the Truth and Reconciliation Commission of Liberia », 12 mai 2005, art. 5, section 8 (c). 839 Ibid., section 10. 840 Voir LEVITT (J. I.), « Domesticating international law through truth and reconciliation commissions : the case of the liberian TRC », ASIL proceedings, vol. 104, 2010, pp. 333-336. Jeremy Levitt était le membre, et chef, de l’ITAC nommé par la Haut-Commissaire. 841 ATNUTO, UNTAET/REG/2001/10, op. cit., section 4. 3 (a). Le panel avait la possibilité de proposer un(e) ou deux commissaires internationaux mais s’est limité à des personnalités locales. Ibid., section 4. 4. 842 Le Guatemala et Haïti sont les seuls cas à avoir été soutenus par une mission politique spéciale et non une opération de maintien de la paix. La MINUGUA avait la caractéristique d’être désignée comme superviseur de la CEH. 843 Il s’agit de la CVR sierra léonaise. Voir HAYNER (P.), Unspeakable truths, op. cit., pp. 58-59. 844 Il s’agit des commissions d’El Salvador, du Guatemala et de la Sierra Léone. Les rapports des deux premiers ont été publiés, entre autre, en tant que documents de l’ONU. Voir respectivement : UN Doc. S/25500, Annexe, « From madness to hope. The 12-year war in El Salvador », 1er avril 1993 et UN Doc. A/53/928, Annexe, « Guatemala memory of silence », 27 avril 1999. Les acteurs onusiens ont aussi été très actifs dans la diffusion du volumineux rapport de la CVR sierra léonaise, l’UNICEF en ayant publié des versions simplifiées, notamment pour le rendre accessible aux enfants. 845 Le « Sierra Leone peacebuilding cooperation framework », document servant de base stratégique pour l’action de la CCP , souligne que « the implementation of the recommendations of the Truth and Reconciliation Commission (…) will be critical ». Voir UN Doc. PBC/2/SLE/1, 3 décembre 2007, § 15. Un programme de réparation a notamment été financé en partie par le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix (FCP). 846 Ce programme a été partiellement financé par le FCP. 218 contrainte, qu’observer le manque de volonté politique de suivre les recommandations de la CEH. Cette carence est extrêmement préjudiciable pour la crédibilité des commissions vérité, dont les recommandations représentent une part essentielle du travail. Si l’implication onusienne permet de garantir l’indépendance des commissions hybrides, elle échoue ainsi à en assurer l’effectivité, remettant en question les apports de l’hybridation. 3. L’échec de l’hybridation des programmes de lustration 349. La notion d’« hybride » est peu utilisée pour désigner les programmes de lustration847. L’expression comprendra ici les programmes au sein desquels l’implication de l’ONU a dépassé la simple assistance technique, l’Organisation prenant une part active au processus d’évaluation et de certification des agents concernés. Le programme concernant la lustration des forces de police timoraise est alors le seul véritable exemple de lustration hybride848. 350. La lustration de la police nationale du Timor Leste (PNTL) a été mise en œuvre tardivement, en réaction aux violences de mai 2006. Deux programmes ont en réalité été conduits en parallèle, tous deux pouvant être qualifiés d’hybride. Le premier a été initié par le gouvernement timorais et prévoyait la création d’une « commission d’évaluation »849. Celle-ci comportait un panel d’évaluation de cinq membres, dont un commissaire d’UNPOL. Un membre de l’unité droits de l’homme de la MINUT se voyait également confié un rôle d’observateur. Dix équipes techniques de trois membres chacune, dont deux agents de UNPOL et un citoyen timorais, étaient chargées de conduire les enquêtes concernant les agents de la PNTL et de transmettre les informations ainsi recueillies au panel. Le devenir de ce programme n’est pas clair. Il semblerait qu’une fusion ait été effectuée avec celui issu de l’accord de 2006 tel que présenté ci-dessous. Toutefois, les informations apparaissent contradictoires, témoignant des difficultés de communication expérimentées par la MINUT et 847 À notre connaissance, seule Bu Wilson use de ce qualificatif pour désigner le programme de lustration de la police timoraise. Voir WILSON (B. V. E.), « Smoke and mirrors : the development of the East Timorese police. 1999-2009 », thèse pour l’obtention du grade de docteur en philosophie, Australian National University, janvier 2010, 261 p. 848 Le programme mis en place par la MINUK pour la nomination de juges et de procureurs au Kosovo comprenait bien une commission composée de membres nationaux et internationaux, chargée de conseiller le Représentant spécial quant aux candidatures reçues. L’un des critères prévoyait en outre que les candidats ne devaient pas avoir « participated in discriminatory measures, or applied any repressive law or have implemented dictatorial policies » (UNMIK/REG/1999/7, 7 septembre 1999, § 6. 1 e)). Toutefois, il s’agissait ici non d’évaluer des personnels déjà en place mais de créer entièrement un nouveau système judiciaire. 849 Résolution du Gouvernement 13/2007 modifiant la résolution 3/2006 créant la Commission d’évaluation de la PNTL, 11 décembre 2007, Jornal da República, Série I, n° 30, pp. 2013-2014. 219 le gouvernement timorais850. Il semblerait en tout état de cause qu’aucune exclusion de la PNTL n’ait été prononcée sur le fondement de ce programme. 351. Parallèlement à cette commission, la MINUT et le gouvernement timorais ont conclu, le 1er décembre 2006, un accord visant la réforme, la restructuration et la reconstruction de la PNTL et du ministère de l’Intérieur851. Cet accord établit un processus de lustration en trois étapes : l’enregistrement des agents de la PNTL, leur certification provisoire, puis leur certification définitive. Bien que plusieurs critères aient été pris en compte pour l’octroi de la certification, c’est bien la recherche de l’implication de ces agents dans les violations des droits de l’Homme survenues suite au référendum d’indépendance et en 2006 qui a été au cœur du processus852. L’accord en question restait vague quant aux modalités des trois étapes susmentionnées. Se référant à un plan de « reform, restructuring and rebuilding » (RRR) jamais établi, ainsi qu’a des enquêtes menées par « a body to be separately agreed between the Government and UNMIT »853, qui n’a jamais vu le jour854, il n’est resté de concret de l’accord que la détermination de l’étendue des compétences de la mission onusienne. En effet, si le texte restait peu précis sur les modalités du processus de lustration, il était en revanche clair que la décision finale concernant l’exclusion de certains agents des rangs de la PNTL dépendait du ministère de l’Intérieur855. De multiples problèmes de communication entre la MINUT et les autorités timoraises ainsi qu’une totale absence de volonté de ces dernières de mener sérieusement la lustration de la PNTL ont résulté en l’échec de ce programme de lustration856. C’est ainsi l’hybridité même 850 WILSON (B. V. E.), « Smoke and mirrors », op. cit., p. 167. L’auteur signale à ce propos que des informations provenant de la MINUT faisaient état de l’annulation du programme et de la dissolution du panel, ce qu’ont nié les autorités timoraises. Ibid. 851 « Arrangement on the restoration and maintenance of public security in Timor-Leste and on assistance to the reform, restructuring and rebuilding of the Timorese National Police (PNTL) and the Ministry of Interior. Supplemental to the Agreement between the United Nations and the Democratic Republic of Timor-Leste on the status of the United Nations Integrated Mission in Timor-Leste (UNMIT) », 1er décembre 2006. 852 Ibid., Annexe I, section D. 853 Ibid., § 26. 854 Rappelons que la Commission d’évaluation a été initialement créée par une résolution gouvernementale d’août 2006, c’est-à-dire quatre mois avant l’accord en question, et que la résolution 13/2007 ne fait aucune mention de l’accord. La superposition des deux processus, ayant été jusqu’au double enregistrement de certains agents de la PNTL, montre que la MINUT ne considérait pas la Commission d’évaluation comme représentant une application de l’accord de décembre 2006. Voir à ce sujet WILSON (B. V. E.), « Smoke and mirrors », op. cit., pp. 164-169. 855 « Arrangement on the restoration and maintenance of public security in Timor-Leste », op. cit., sections 2. 2 et 11. 11. Rappelons que la résolution 1704 du Conseil de sécurité, créant la MINUT et lui attribuant le mandat de soutenir la réforme du secteur de sécurité – mandat considéré comme base de l’accord de décembre 2006 – n’a pas été adoptée sur le fondement du chapitre 7 de la Charte. 856 WILSON (B. V. E.), « Smoke and mirrors », op. cit., pp. 168-169. 220 du programme, laissant trop de pouvoir à des autorités récalcitrantes, qui serait en cause. On retrouverait donc pour les mécanismes de lustration, sans surprise d’ailleurs, les mêmes carences que pour les juridictions hybrides, à savoir leur dépendance vis-à-vis de la coopération des États concernés. §2/Le développement d’un rôle de contrôle des actions menées en matière de justice transitionnelle 352. Si les actions ayant connu une forte implication de l’ONU sont les plus visibles, elles sont en réalité loin de représenter une majorité des mesures soutenues par l’Organisation. Le coût financier important des mécanismes internationaux et hybrides de justice transitionnelle ainsi que la situation exposée dans laquelle ils placent l’ONU incitent cette dernière à ne les envisager qu’en dernier ressort. L’accent placé sur l’ancrage local ou national des mécanismes de justice transitionnelle tend également à favoriser l’implication d’acteurs plus proches des contextes dans lesquels les violations graves des droits de l’Homme ont été commises. Il est évident que les acteurs nationaux sont les plus à mêmes de garantir l’ancrage local ou national nécessaire au bon fonctionnement des mécanismes de justice transitionnelle. Les limites de ces acteurs, en termes de ressources économiques et d’expertise, rend toutefois nécessaire une assistance onusienne dans ces domaines (A). Afin d’approfondir un peu plus l’ancrage local de la justice transitionnelle, l’ONU semble souhaiter déléguer cette tâche d’assistance et de contrôle aux organisations régionales et sous-régionales, sur le même modèle que celui développé pour certaines opérations de maintien de la paix. Si la justice transitionnelle est encore peu développée au sein de ces organisations régionales, le mouvement de délégation semble s’amorcer progressivement (B). A) Le contrôle exercé par l’ONU sur les mécanismes nationaux 353. Conformément à son attachement à l’appropriation locale, l’ONU privilégie les actions menées par les autorités et les populations de l’État concerné. Son implication se traduit alors essentiellement par une assistance technique, sous forme de conseil, et financière. Le soutien aux politiques et mécanismes nationaux de justice transitionnelle représente la vaste majorité de l’action onusienne dans cette matière. Son analyse est cependant complexe dans la mesure où ce soutien est protéiforme et souvent informel. Peuvent être comprises dans cette catégorie des actions aussi diverses que les efforts diplomatiques du Secrétariat pour inciter à l’insertion 221 de mesures de justice transitionnelle dans les accords de paix, l’assistance financière du PNUD à un programme national de réparations, l’assistance technique du HCDH à la rédaction d’une loi de justice transitionnelle ou encore les simples recommandations émises par ce dernier à la destination d’un État conduisant des procès ou un processus de vérité et de réconciliation. 354. Outre l’assistance financière, les acteurs onusiens s’attachent principalement à la promotion de la justice transitionnelle et au contrôle de la conformité des mécanismes aux standards adoptés par l’Organisation. L’organisation de conférences et les activités de lobbying, menées soit directement par les acteurs onusiens, soit par l’intermédiaire de la société civile, sont les outils principaux de la promotion de la justice transitionnelle. Afin d’assurer la conformité des mécanismes de justice transitionnelle aux standards onusiens, les agences, départements et diverses entités de l’Organisation conseillent les instances législatives ou gouvernementales – dans le cas d’adoption des mandats par décret – et publient des commentaires des textes créant les mécanismes de justice transitionnelle. Ces modes d’action représentent la quasi-totalité des tâches menées par les bureaux-pays du HCDH, la seule exception étant les activités de formation des acteurs nationaux, tels les juges, les procureurs ou les commissaires des commissions vérité857. Les missions politiques spéciales conduisent également de nombreuses activités de ce type858. La création de bureaux régionaux des Nations Unies, en Afrique de l’Ouest et au Sahel (United Nations office in West Africa - UNOWA, et Office of the Special envoy in Sahel -OSES, fusionnés en 2016 pour devenir l’UNOWAS) témoigne du développement de ce mode d’action et de son institutionnalisation progressive. En effet, l’assistance aux politiques nationales de justice transitionnelle fait partie des tâches dévolues à l’UNOWAS859, permettant ainsi de renforcer la cohérence des conseils techniques prodigués par l’ONU aux acteurs nationaux. 355. Il faut toutefois noter que le soutien aux initiatives nationales est également effectué dans le cadre d’opérations de maintien de la paix adoptées sur le fondement du chapitre 7. La présence d’une force onusienne possédant des pouvoirs de contrainte n’empêche ainsi pas l’Organisation de laisser aux autorités locales une large marge de manœuvre dans l’élaboration de politiques de justice transitionnelle. Ce pouvoir de contrainte n’est d’ailleurs 857 Voir les actions menées par les bureaux-pays du HCDH. Annexe V, Bureaux-pays du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et justice transitionnelle. 858 Voir les tâches décrites en Annexe IV, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 859 Voir UN Doc. S/2007/753, Annexe, Mandate and functions of the United Nations Office for West Africa from January 2008 to December 2010, p. 6. 222 utilisé que de façon très exceptionnelle pour la justice transitionnelle. Lorsque des OMP se sont trouvées confrontées à des programmes de justice transitionnelle contrevenant aux standards onusiens, la réaction adoptée a le plus souvent consisté en un retrait du soutien – politique, économique ou technique. Le cas s’est présenté en RDC avec la Commission vérité et réconciliation créée en 2003. La MONUC avait facilité l’établissement de cette commission en participant à l’organisation des consultations nationales qui l’ont précédé et en fournissant des conseils quant à la rédaction de son mandat. Ayant constaté de nombreuses irrégularités dans le processus de nomination des commissaires, résultant en un manque d’indépendance de cette commission, la MONUC s’est contentée de s’en distancer860. 356. Le mandat de la MINUSCA représente bien l’implication mesurée de l’ONU dans la mise en œuvre de la justice transitionnelle. Concernant cette dernière, la mission est chargée d’ « [aider] les autorités de transition dans le cadre des processus nationaux et locaux de médiation et de réconciliation, en coopération avec les organismes régionaux et locaux compétents et les chefs religieux, notamment par le biais d’un dialogue national ouvert à tous, de la justice transitionnelle et de mécanismes de règlement des conflits, tout en assurant la participation pleine et effective des femmes »861. Dans le même temps, elle est invitée à offrir « ses bon offices et un appui politique aux efforts visant à s’attaquer aux causes profondes du conflit »862. L’action autorisée par le Conseil de sécurité pour la question de la justice transitionnelle repose donc sur les autorités nationales, et aucun pouvoir de contrainte ni d’implication directe de la mission, ne semblent être envisagés pour assurer l’effectivité de ce volet du mandat, pourtant adopté sur le fondement du chapitre 7. À titre de comparaison, concernant l’assistance électorale, la MINUSCA a pour tâche de « [définir], favoriser et fournir l’assistance technique nécessaire au processus électoral et procéder à tous les préparatifs utiles, à l’appui des autorités de transition et en collaborant d’urgence avec l’Autorité nationale des élections, en vue de la tenue, au plus tard en février 2015, d’élections libres, régulières, transparentes et ouvertes à tous, auxquelles les femmes participeront pleinement 860 Voir le rapport du Secrétaire général UN Doc. S/2004/1034, Sixteenth report of the Secretary-General on the United Nations Organization Mission in the Democratic Republic of the Congo, 31 décembre 2004, § 53. Sur la commission congolaise, voir HAYNER (P.), Unspeakable truths, op. cit., pp. 253-254. 861 S/RES/2149 (2014), § 30 b) iv). 862 Ibid., § 30 b) ii). 223 et effectivement à tous les niveaux, et dès le début, et auxquelles prendront également part les déplacés et les réfugiés centrafricains »863. La précision accrue des éléments constitutifs du mandat de la MINUSCA en termes d’élections ainsi que l’autorisation qui lui est donnée de procéder aux « préparatifs » dénotent une implication qui n’est pas étendue à la justice transitionnelle. 357. Mis à part l’apport évident que représente l’assistance de l’ONU en termes financiers, l’importance quantitative des tâches d’assistance technique conduites par l’Organisation auprès des États révèle surtout la reconnaissance de l’expertise des acteurs onusiens dans le domaine de la justice transitionnelle. À cet égard, les Nations Unies bénéficient d’une expérience inégalée et sont les plus à même de mobiliser des experts issus de différentes cultures. Tout en continuant à développer son expertise en matière de justice transitionnelle, l’ONU s’attache aujourd’hui à la partager, notamment avec les organisations régionales, afin de développer leur rôle dans la mise en œuvre des mécanismes de justice transitionnelle. B) La délégation limitée de l’action aux organisations régionales 358. Dans le domaine du maintien de la paix, le rôle des organisations régionales s’est fortement accentué au cours de ces trente dernières années. Le développement par l’Union Européenne (UE) et l’Union Africaine (UA) de capacités de gestion de crises a permis à ces organisations de multiplier les missions visant au maintien de la paix, que celles-ci soient menées de façon autonomes ou conjointement au déploiement de missions onusiennes. En Afrique, le recours aux capacités régionales, notamment par le biais de l’UA, ou sousrégionales, avec le recours à la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et sa Brigade de surveillance du cesser le feu (Economic community of West African states cease-fire monitoring group (ECOMOG)), est tel que la question d’un « désengagement »864 de l’ONU au profit de ces organisations s’est posée. 359. La justice transitionnelle échappe encore majoritairement à cette tendance à la délégation de l’action du maintien de la paix de l’ONU vers les organisations régionales. Il faut dire que l’UE et l’UA n’ont entamé que très récemment leur réflexion sur leur rôle 863 Ibid., § 30 b) v) CAHIN (G.), « Les Nations Unies et la construction de la paix en Afrique : entre désengagement et expérimentation », RGDIP, vol. 104, n° 1, 2000, pp. 73-105. 864 224 potentiel dans ce domaine. Alors que l’organisation européenne n’a inclus la justice transitionnelle dans son plan d’action qu’en 2015865, l’UA est toujours dans la phase de réflexion sur ce point866. Les missions conduites sous l’autorité de l’organisation africaine n’ont pas intégré de mandat en matière de justice transitionnelle867. L’opération hybride UA/ONU au Darfour (MINUAD) représente toutefois une exception868. Les organisations européennes n’ont pas mené plus d’activités dans ce domaine, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ne disposant pas des capacités civiles pour être active dans ce domaine, et l’UE n’ayant pas encore développé de volet justice transitionnelle dans ses missions civiles. L’Organisation des États américains n’a eu que peu l’occasion de mener des actions coordonnées avec l’ONU. La MICIVIH, en Haïti, a déjà été évoquée869, et si la Mission d’appui du processus de paix de l’OEA (MAPP) en Colombie devra coordonner son action avec la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie870, seule la première bénéficie d’un mandat concernant la justice transitionnelle871. 360. Les organisations régionales ont un important rôle à jouer dans le domaine de la justice transitionnelle. Elles sont, selon les mots du Conseil de sécurité, « bien placées pour appréhender les causes profondes des conflits armés du fait de leur connaissance de la région »872. Elles mènent d’ailleurs déjà des activités dans le domaine de la consolidation de la paix, notamment en matière de réforme du secteur de la sécurité873 et, pour l’UE, de 865 Les conclusions du Conseil de l’UE n° 13576/15 du 16 novembre 2015, comportent en annexe de l’annexe « Le cadre d’action de l’UE en matière de soutien à la justice transitionnelle ». 866 L’Union Africaine travaille à l’adoption de l’ « African Union transitional justice framework (ATJF) », dont le dernier draft est en cours d’adoption. 867 Voir par exemple les mandats de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) : S/RES/2085 (2012) ; de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) : S/RES/2127 (2013) ou encore de la Mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) : S/RES/2372 (2017). 868 Voir le mandat de la MINUAD tel que présenté par le Secrétaire général : UN Doc. S/2007/307Rev.1, Report of the Secretary-General and the Chairperson of the African Union Commission on the hybrid operation in Darfur, 5 juin 2007, §§ 54-55. Voir également la présentation de ces tâches dans l’Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle, ainsi que les éléments liés à la justice transitionnelle présents dans le Darfur peace agreement et le Doha document for peace in Darfur, dont la MINUAD vérifie l’application, présentés dans l’Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. 869 Supra, partie 1, titre 1, chapitre 1, section I. 870 S/RES/2366 (2017). 871 Voir le mandat de la MAPP tel que modifié par le « Quinto protocolo adicional al convenio entre la Repùblica de Colombia y la Secretaría general de la Organización de Estados Americanos para el acompañamiento al proceso de paz en Colombia, firmado el 23 de Enero de 2004 », 1 décembre 2014, art. 2. 1. 3. 872 S/RES/1809 (2008), préambule. Le Conseil rappelle régulièrement cet avantage dont bénéficient les organisations régionales. Voir UN Doc. S/PRST/2007/42, § 4 ; S/RES/2167 (2014), préambule ; UN Doc. S/PRST/2016/8, 24 mai 2016, § 11. 873 Pour l’UE, voir le mandat de la mission de réforme RSS en RDC : Action commune 2005/355/PESC du Conseil du 2 mai 2005 relative à la mission de conseil et d’assistance de l’Union européenne en matière de 225 formation des polices nationales874. Les actions qu’elles mènent de façon autonomes faisant l’objet de développements plus loin875, on se contentera de signaler ici l’émergence d’un rôle de l’UA et de l’UE dans le domaine de la justice internationale pénale, avec leur implication dans la création, respectivement, des Chambres africaines extraordinaire au Sénégal876 et des Chambres spécialisées au Kosovo877. Les remarques présentées ci-dessus montrent que la justice transitionnelle est encore majoritairement exclue de la tendance onusienne à la délégation des tâches liées au maintien de la paix. Toutefois, au vu des évolutions récentes, ce particularisme semble voué à s’estomper au fur et à mesure du développement par les organisations régionales de compétences et d’expertise dans le domaine de la justice transitionnelle. réforme du secteur de la sécurité en République démocratique du Congo, Journal officiel de l’Union européenne n° L 112, 3 mai 2005, p. 20. Voir aussi le mandat de la mission en Guinée Bissau : Action commune 2008/112/PESC du Conseil du 12 février 2008 relative à la mission de l’Union européenne visant à soutenir la réforme du secteur de la sécurité en République de Guinée-Bissau (UE RSS Guinée-Bissau), Journal officiel de l’Union européenne, n° L 40, 14 février 2008, p. 11. Pour l’UA, voir le mandat de la MISCA : S/RES/2127 (2013), § 28 v), celui de l’AMISOM : S/RES/1744 (2007), § 4 et celui de la MISMA : S/RES/2085 (2012) §§ 6 et 9 a). Plus généralement, voir TERCINET (J.), Le maintien de la paix et de la sécurité internationales, Bruylant, Bruxelles, 2012, pp. 564-571. 874 Voir par exemple la Mission de police de l’Union européenne à Kinshasa (EUPOL « Kinshasa » : Action commune 2004/847/PESC du Conseil du 9 décembre 2004 relative à la mission de police de l’Union européenne à Kinshasa (RDC) en ce qui concerne l’unité de police intégrée (EUPOL Kinshasa), Journal officiel de l’UE, n° L 367, 14 décembre 2004, p. 30. Voir également son extension : Action Commune 2007/405/PESC du Conseil du 12 juin 2007 relative à la mission de police de l’Union européenne menée dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et son interface avec la justice en République démocratique du Congo (EUPOL RD Congo), Journal officiel de l’Union européenne, n° L. 151, 13 juin 2007, p. 46. 875 Voir infra, Partie 2, Titre 2, Chapitre 1. 876 Voir le statut des Chambres : « Accord entre le gouvernement de la République du Sénégal et l’Union Africaine sur la création de Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises », Dakar, 22 août 2012. 877 Voir Loi No. 04/L-274 « on ratification of the international agreement between the Republic of Kosovo and the European Union on the European Union rule of law mission in Kosovo », 23 avril 2014, disponible sur le site des Chambres spéciales : www. scp-ks.org. 226 Section II L’ancrage national de la justice transitionnelle onusienne 361. Mis à part les TPI, l’ONU a toujours cherché à rapprocher le plus possible son action dans le domaine de la justice transitionnelle des populations directement concernées. Ce rapprochement s’effectue sur plusieurs points. Le plus évident est d’assurer une proximité physique entre ces populations et les mécanismes créés en positionnant ces derniers sur le territoire de l’État faisant l’objet de leur mandat, comme ce fut le cas pour les juridictions hybrides ainsi que pour l’ensemble des autres mécanismes de justice transitionnelle. Il s’agit toutefois ici du strict minimum, et les enjeux de cette justice imposent un ancrage national bien plus profond. Pour pallier ses propres lacunes en termes de connaissance des divers contextes au sein desquels elle intervient, ainsi que pour prévenir les critiques d’imposition impérialiste de modèles étrangers, l’ONU a développé une action articulée autour de l’idée d’appropriation nationale. Intégrée à l’approche onusienne de la justice transitionnelle, cette appropriation est abordée comme une méthodologie de sa mise en œuvre, construite autour d’un ensemble de garanties (§ 1). Cette méthodologie possède pourtant les défauts de ses qualités. En focalisant l’attention des acteurs internationaux sur les échelons local et national, elle occulte totalement la dimension transnationale des violences, forcément absente d’une justice transitionnelle exclusivement intraétatique (§ 2). §1/Les garanties onusiennes de l’appropriation nationale 362. L’appropriation locale ou nationale (« local ownership »), conceptualisée dans le cadre des politiques d’aide au développement878, s’est rapidement trouvée transposée dans le cadre des opérations de maintien de la paix, particulièrement dans leur mission de rétablissement de l’état de droit, et dans le cadre de la justice transitionnelle. Le concept de l’appropriation locale a été intégré à la méthodologie onusienne concernant la justice transitionnelle par le rapport du Secrétaire général de 2004 sur l’état de droit et la justice transitionnelle879. Il est depuis devenu un élément incontournable de cette méthodologie, jusqu’à être qualifié de 878 HURWITZ (A.), « Rule of law programs in multidimensional peace operations : legitimacy and ownership », in EBNÖTHER (A. H.), FLURI (P. H.), After intervention : public security management in post-conflict societies, Centre for the democratic control of armed forces, Genève, 2005, pp. 348-349. 879 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 16. 227 « mantra »880 de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle. Cette centralité de l’appropriation locale témoigne de la volonté des acteurs onusiens d’assurer une adéquation maximale entre les choix adoptés en matière de justice transitionnelle et les attentes ainsi que la culture des populations locales. C’est pour servir cet objectif que « [t] he UN eschews onesize-fits-all formulas and the importation of foreign models, and bases its work upon a thorough analysis of national needs and capacities, drawing upon national expertise to the greatest extent possible. »881 Afin de dépasser les déclarations d’intention, l’ONU a dû trouver des méthodes pour garantir que son action dans le domaine de la justice transitionnelle soit conduite dans le respect de ce principe. Il s’est donc agi tout d’abord de s’assurer que cette action soit menée avec le consentement de l’État concerné (A) et que sa forme soit dictée par les besoins des populations (B). Enfin, la volonté d’ancrer la justice transitionnelle dans le contexte culturel de ces populations a mené au développement des pratiques traditionnelles de justice et de réconciliation (C). Nous verrons cependant que tous ces aspects connaissent d’importantes limites quant à leur efficacité. A) Le consentement de l’État comme condition d’engagement de l’action 363. En tant qu’« instrument »882 au service de ses membres, toute organisation internationale se doit de respecter leur consentement lorsqu’elle conduit les actions prévues par son mandat, sauf disposition expresse du traité constitutif. En ce qui concerne la Charte des Nations Unies, ce principe est exprimé par la règle de la non-ingérence dans les affaires intérieures, inscrite à l’article 2 § 7 de la Charte. Ce principe du consentement se retrouve dans les actes fondateurs des institutions agissant dans le domaine de la justice transitionnelle. En ce qui concerne l’assistance technique portée, entre autres, par le PNUD, le principe est que celle-ci « ne sera fournie par les organisations participantes qu’en accord avec les Gouvernements intéressés et d’après les 880 SHARP (D. N.), « Interrogating the peripheries », op. cit., p. 162. On retrouve en effet cette centralité de l’appropriation locale dans la quasi-totalité des documents onusiens traitant de la justice transitionnelle. Voir par exemple : « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., p. 5, ECOSOC, UN Doc. E/CN.4/RES/2005/70, Droits de l’homme et justice de transition, op. cit., p. 2, ou encore : SGNU, UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces, op. cit., § 41. 881 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., p. 5. 882 VIRALLY (M.), L’Organisation mondiale, op. cit., p. 26. 228 demandes reçues des Gouvernements »883. Le domaine des droits de l’Homme ne fait pas exception à ce principe. Le respect de la souveraineté des États a été amplement rappelé lors de la création du poste de Haut-Commissaire aux droits de l’homme884. De même, les projets du Fonds de consolidation de la paix doivent être, en toute logique, approuvés par les autorités nationales885. 364. La question du consentement de l’État ne se pose finalement de façon sérieuse que dans le cadre des actions décidées par le Conseil de sécurité, seul organe en mesure d’ordonner des actions coercitives886. Il est toutefois reconnu que ce type d’actions est limité à la mise en œuvre du Chapitre 7 de la Charte, plus précisément ses articles 41 et 42887. Ceci nous permet d’exclure de cette catégorie les actions menées par les missions politiques spéciales qui ne bénéficient jamais de ce fondement888. Restent donc les actions menées par les opérations de maintien de la paix créées sur la base du Chapitre 7. En effet, si une large partie des OMP ne bénéficient pas de ce fondement et fonctionnent selon le principe du respect du consentement 883 UN Doc. E/RES/222 (IX), Programme élargi d’assistance technique en vue du développement économique des pays insuffisamment développés, 15 août 1949. Ces principes, rappelés ici par le Conseil économique et social dans le cadre de la création du Programme d’assistance technique, ont été consacrés par l’Assemblée générale dans sa résolution 200 (III) du 4 décembre 1948. 884 Voir UN Doc. A/48/PV.85, Haut-Commissaire chargé de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme, 20 décembre 1993. 885 UN Doc. A/60/284, Rapport du Secrétaire général. Dispositions prises en vue d’établir le Fonds de consolidation de la paix. Annexe : mandat du Fonds de consolidation de la paix, point 2. Le mandat a été approuvé par l’Assemblée générale par la résolution 60/287 du 20 septembre 2006. 886 Le consentement de l’État représente ainsi le critère déterminant pour qualifier le caractère coercitif d’une action. Voir MANIN (P.), L’Organisation des Nations Unies et le maintien de la paix. Le respect du consentement de l’État, thèse pour l’obtention du doctorat en droit, LGDJ, Paris, 1971, pp. 118-120. 887 Ibid. 888 Voir Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. Les missions politiques et bureaux d’appui créés par l’ONU sont considérés comme évoluant « hors Charte ». Leur fondement légal est à cet égard assez flou. Il demeure que ces missions et bureaux sont toujours établis à la demande ou en collaboration étroite avec les gouvernements des États concernés et n’impliquent pas la présence de personnel militaire. Voir JOHNSTON (I.), « Emerging doctrine for political missions » in Center on International Cooperation, « Review of Political Missions. 2010 », 2010, pp. 15-26 et NOVOSSELOFF (A.), « Missions politiques et bureaux des Nations Unies », 15 juillet 2012, disponible sur http://www.operationspaix.net/144-resources/detailslexique/missions-politiques-et-bureaux-des-nations-unies.html. 229 de l’État889, on s’aperçoit que la très grande majorité des OMP ayant mené des actions en termes de justice transitionnelle ont bien été créées sur cette base a priori coercitive890. 365. Le caractère coercitif des actions menées sur le fondement du Chapitre 7 de la Charte est toutefois à relativiser, particulièrement dans le cadre des conflits internes, qui forment la quasi-exclusivité de l’action onusienne en termes de justice transitionnelle. Si les articles 41 et 42 de la Charte permettent au Conseil de sécurité de contourner le principe du consentement de l’État en adoptant des décisions obligatoires, le recours au Chapitre 7 permet surtout, selon l’article 42, d’autoriser l’emploi de la force891. Or, dans un conflit interne, l’emploi de la force s’effectue essentiellement pour la protection des populations civiles ou des acteurs humanitaires contre les groupes rebelles, et non contre les troupes régulières. Les opérations en Sierra Léone, au Libéria, en RDC, au Mali ou encore en RCA suivent ce schéma et ont d’ailleurs été créées avec l’accord ou sur la demande des États concernés. On remarque à cet égard que les actions en matière de justice transitionnelle se déroulent presque toujours en soutien des autorités nationales. 366. Plusieurs exceptions notables au principe du consentement de l’État ont toutefois marqué l’expérience de l’ONU en matière de justice transitionnelle. Il s’agit tout d’abord des actions menées par les administrations transitoires. Leur cas est cependant ambigu dans la mesure où ces administrations cherchent précisément à combler un vide institutionnel. Il n’y a donc plus réellement d’autorité à qui demander l’autorisation d’agir. Cela a été le cas au Timor-Leste et au Kosovo. Il est intéressant de constater que, faute d’autorités auprès de qui obtenir une légitimité d’intervention, la MINUK et l’ATNUTO se sont tournées, avec plus ou moins de succès, vers les populations et les divers acteurs de la société civile locale pour fonder leur action892. 889 Le consentement de l’État fait effectivement partie des principes fondamentaux des OMP, comme l’a rappelé le Secrétaire général Boutros-Ghali dans son supplément à l’Agenda pour la paix. Voir SGNU, UN Doc. A/50/60-S/1995/1, 25 janvier 1995. Supplément à l’Agenda pour la paix, op. cit., § 23. Certains vont jusqu’à parler de « sainte trinité » pour désigner les principes du consentement de l’État, de la neutralité des forces onusiennes et de la limitation de l’usage de la force aux situations de légitime défense. Voir HATTO (R.) Le maintien de la paix. L’ONU en action, Armand Collin, Paris, 2015, p. 45. Philippe Manin note d’ailleurs que c’est « par leurs caractéristiques mêmes » que les OMP « supposent le respect du consentement » de l’État. Voir MANIN (P.), L’Organisation des Nations Unies, op. cit., p. 97. 890 Sur dix-huit OMP ayant eu un rôle en matière de justice transitionnelle, seize ont bénéficié du Chapitre 7. Voir Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. 891 Voir sur cet article : DAILLIER (P.), « Article 42 », in COT (J.-P.), FORTEAU (M.), PELLET (A.), dir., La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Economica, Paris, 3e éd., 2005, pp. 1243-1260. 892 Voir infra B). 230 L’autre exception au principe du consentement de l’État est bien évidemment le cas des TPI. Ainsi, la résolution 955 créant le TPIR a été adoptée malgré le vote contraire du Rwanda. Il faut toutefois noter que cette imposition de juridictions internationales est une pratique révolue au sein des Nations Unies. Les juridictions hybrides instaurées par la suite ont toutes fait l’objet d’intenses négociations entre l’ONU et les États concernés. Toutes ont été adoptées en consultation étroite avec les autorités concernées, ou avec les acteurs non étatiques lorsque de telles institutions n’existaient plus, comme au Timor et au Kosovo. Si le cas du Tribunal Spécial pour le Liban peut laisser penser à une survivance du contournement du consentement de l’État, dans la mesure où le statut de ce Tribunal a été adopté par une résolution fondée sur le Chapitre 7, cette analyse ignorerait les efforts fournis par le Conseil de sécurité pour la préservation de ce consentement. En effet, la lecture du préambule de la résolution 1757, instituant le TSL, montre que loin d’ignorer le consentement du Liban, le Conseil de sécurité prétend au contraire s’en faire le garant, y compris contre les « sérieux obstacles » 893 d’ordre constitutionnel qui, à en croire le Conseil, masquent, en quelque sorte, un consentement bien réel. Le préambule de la résolution se réfère à une lettre de Premier Ministre libanais dans laquelle il avait rappelé « qu’une majorité de parlementaires s’étaient déclarés favorables à la création du Tribunal et demandé que soit soumise d’urgence au Conseil de sécurité sa demande que soit donné effet au Tribunal spécial »894. Le Conseil de sécurité rappelle en outre que « toutes les parties concernées ont réaffirmé leur accord de principe pour la création du Tribunal »895. Le Conseil se veut donc ici le protecteur du consentement des autorités étatiques contre les manipulations politiciennes.896 893 S/RES/1757 (2007), préambule. Ibid. 895 Ibid. 896 Pour un résumé du contexte politique ayant mené au refus de la ratification de l’accord initial et à l’adoption du statut du TSL par la résolution 1757 voir LELARGE (A.), « Le Tribunal spécial pour le Liban », AFDI, vol. 53, 2007, pp. 400-404. 894 231 B) Les besoins des populations comme élément déterminant de la forme de l’action 367. Pour garantir cette correspondance entre programmes de justice transitionnelle et attentes et pratiques nationales, l’ONU promeut la tenue de consultations populaires dont la visée est de déterminer les mécanismes les plus plébiscités et les plus adaptés au contexte. Les consultations nationales ont ainsi progressivement été incluses dans les standards onusiens en matière de justice transitionnelle. Intégrées par Diane Orentlicher aux principes actualisés de la lutte contre l’impunité897, elles ont été érigées par le Secrétaire général en bonne pratique de l’Organisation en 2004898 et en nécessité par la Commission des droits de l’homme, qui soulignait en 2005 : « qu’il importe d’engager un vaste processus de consultations nationales, en particulier avec les personnes touchées par les violations des droits de l’homme, pour contribuer à élaborer une stratégie globale d’administration de la justice en période de transition qui prenne en compte les caractéristiques spécifiques de chaque situation et soit conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme »899. Elles bénéficient depuis 2009 d’une publication du HCDH dans la série des « instruments de l’état de droit pour les sociétés sortant d’un conflit »900, témoignant de leur place centrale au sein de la stratégie onusienne de justice transitionnelle. Leur conduite est progressivement devenue systématique au sein de l’action onusienne. 368. Ces consultations peuvent être utilisées pour définir une stratégie de justice transitionnelle dans un contexte donné. Il s’agit alors de déterminer quels mécanismes seront créés, en se basant sur les attentes de la population. Il est toutefois notable que, dans la pratique, les consultations nationales n’ont qu’une portée limitée en ce qui concerne le type de mécanismes envisagé. L’ONU a appuyé de telles consultations en Ouganda, au Sri Lanka, en Tunisie, en Guinée et au Burundi. Comme préconisé par le Secrétaire, l’action de l’ONU se 897 Diane Orentlicher note que en « élaborant des politiques pour combattre l’impunité, les États devraient favoriser une large participation des victimes et d’autres citoyens ». Voir : « Principes Orentlicher », op. cit., p. 7. 898 Le Secrétaire général note que l’ONU doit « appuyer et faciliter [les consultations] qui visent à déterminer la politique nationale en ce qui concerne l’administration de la justice pendant la période de transition ou la réforme des institutions garantes de l’état de droit ». Voir SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 20. 899 UN Doc. E/CN.4/RES/2005/70, op. cit., p. 2. 900 Ibid. 232 limite « à faciliter les réunions, fournir des conseils d’ordre juridique et technique, encourager la participation des femmes et des groupes traditionnellement exclus, appuyer le renforcement des capacités et aider à mobiliser les ressources financières et matérielles, tout en laissant aux partenaires nationaux la maîtrise du processus et des décisions »901. 369. La portée des consultations nationales est toutefois à nuancer. Alors que leur objectif semble être de déterminer le type de mécanismes envisagés, il s’agit souvent, dans les faits, de définir la forme de mécanismes dont la nature a été fixée antérieurement. Les raisons de cette limite des consultations nationales sont doubles. Il arrive tout d’abord que la stratégie globale de justice transitionnelle soit en réalité déjà fixée par un accord de paix. Les consultations nationales menées au Burundi étaient ainsi limitées par les dispositions de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation, prévoyant la création de programmes de réparation, d’un tribunal pénal international et d’une commission vérité902. Il faut aussi noter que ces consultations survenaient après l’envoi par le Conseil de sécurité d’une mission chargée d’évaluer la faisabilité de la création de la commission internationale d’enquête prévue par ce même accord903. Or, cette mission a recommandé la création d’une commission vérité et d’un tribunal spécial au Burundi904, recommandations endossées par le Conseil de sécurité qui a ensuite chargé le BINUB de « soutenir les efforts entrepris pour lutter contre l’impunité, en particulier grâce à la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, notamment une commission vérité et réconciliation et un tribunal spécial »905. Conséquemment, les consultations nationales n’avaient qu’une marge de manœuvre réduite en termes de choix de mécanismes. Il a ainsi été prévu que le Comité tripartite chargé de conduire ces consultations « ne soulèvera pas de questions en cours de négociation entre le Gouvernement du Burundi et les Nations Unies, notamment la relation entre la Commission Vérité et Réconciliation et le Tribunal Spécial, ni l’opportunité de l’une ou l’utilité de l’autre mécanisme, ainsi que des questions qui pourraient être en porte-à-faux avec le droit international »906. 901 SGNU, UN Doc. S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., p. 9. Voir Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. 903 Voir UN Doc. S/2004/72, annexe, International judicial commission of inquiry for Burundi. Terms of reference of an assessment mission to Burundi by the Secretariat, 26 janvier 2004. 904 UN Doc. S/2005/158, 11 mars 2005, annexe, Report of the assessment mission on the establishment of an international judicial commission of inquiry for Burundi, § 53 et s. 905 S/RES/1719 (2006), point 2 (j) (nous soulignons). 906 « Accord cadre entre le Gouvernement de la République du Burundi et l’Organisation des Nations Unies portant création et définition du mandat du Comité de pilotage tripartite en charge des Consultations nationale sur la justice de transition au Burundi », signé à Bujumbura le 2 novembre 2007, § 10. L’accord en question rappelle dans son préambule le passage précité de la résolution 1719. 902 233 370. Si le cas du Burundi est exceptionnel en ce que le Conseil de sécurité s’implique rarement de façon aussi précise dans le choix des mécanismes de justice transitionnelle, la même tendance à l’encadrement des consultations s’observe dans d’autres contextes, en raison de la vision globalisante de la justice transitionnelle par les acteurs onusiens. En Guinée, les consultations nationales ont été soutenues par la Commission et le Fonds de Consolidation de la Paix, par l’intermédiaire du PNUD et du HCDH. Le projet « Appui aux consultations nationales sur le processus et les mécanismes de réconciliation nationale en Guinée, Phase 2 » (CONARGUI 2), prévoit une assistance technique et financière à la Commission provisoire de réflexion pour la réconciliation nationale (CPRN), organe national créé en 2011 pour conduire les consultations nationales. Bien que le projet prévoit que les consultations auront pour objectif de « [créer] les conditions de l’appropriation des mécanismes de la justice de transition et à processus (sic) d’écoute des populations guinéennes pour recueillir leurs avis sur la manière de conduire la réconciliation nationale »907, il est précisé que la méthodologie des consultations doit prendre en compte « les éléments structurants d’un processus de réconciliation nationale que sont les droits à la vérité, à la justice, à la réparation ainsi que des garanties de non répétition »908. Les consultations menées conduisent donc nécessairement à l’élaboration de mécanismes propres à répondre aux exigences des piliers de la justice transitionnelle. 371. Cela ne signifie toutefois pas que les consultations nationales sont totalement superflues. Elles servent en effet à déterminer les formes que prendront les mécanismes propres à assurer les objectifs de la justice transitionnelle. Les consultations poursuivent alors un double objectif. Il s’agit en premier lieu d’aborder les violations selon la façon dont elles ont été ressenties par la population. Les consultations s’intéressent ainsi aux dates ou évènements marquant le début des violations, les types de violations subies ainsi que les populations les plus touchées, particulièrement les groupes minoritaires ou marginalisés. L’intérêt de consulter les populations dans ces domaines réside dans l’absence de caractère objectif de ces données. La question des points de départ et de fin d’un conflit ou d’une révolte est ainsi souvent l’objet de vives controverses et se révèle porteuse d’intérêts politiques909. Les débats portant sur le mandat temporel de l’Instance vérité et dignité en 907 Fonds de Consolidation de la Paix, Document de présentation de projet CONARGUI 2. Ibidem. 909 Voir les développements de Mark Osiel sur ce point dans OSIEL (M.), Juger les crimes de masse. La mémoire collective et le droit, (titre original : Mass atrocity, collective memory, and the law), Seuil, Paris, 2006, pp. 197-209. 908 234 Tunisie illustrent bien ce point910. Dans la mesure où « il n’existe pas de critère qui fasse consensus sur le commencement et la fin d’une histoire »911, il apparaît pertinent, plutôt que de se limiter à une approche technique nécessairement faussée, de s’en remettre à, ou du moins de prendre en compte, la subjectivité des principaux concernés. Les considérations liées aux types de violations subies permettent, pour leur part, d’envisager une réponse appropriée, notamment en termes de réparations. 372. Il s’agit ensuite de comprendre les moyens privilégiés par les populations pour traiter des violations passées. L’intégration de rituels traditionnels de réconciliation en lien avec les commissions vérité au Timor-Leste912 et en Sierra Léone913 est le résultat de consultations menées auprès des populations. De même, l’assistance fournie par le Fonds de consolidation de la paix à l’Ouganda en matière de justice transitionnelle914 se fonde en partie sur les consultations menées par le HCDH dans le Nord de cet État, en 2007915. C) Les pratiques traditionnelles comme élément d’appropriation de l’action 373. Les pratiques traditionnelles de justice et de réconciliation ont été popularisées au sein de la justice transitionnelle suite au grand intérêt suscité par les juridictions Gacaca au Rwanda. Ces juridictions ont été créées en 2004 par le gouvernement rwandais sur le modèle de pratiques traditionnelles916. Les Gacaca se trouvaient à mi-chemin entre la réconciliation et la justice pénale. Tout d’abord, elles sont dirigées par des juges non professionnels choisis parmi les membres influents des communautés. Ensuite, bien que mettant l’accent sur le récit et le pardon, elles pouvaient prononcer des peines pouvant aller jusqu’à trente ans de 910 Kora Andrieu note que « La question du mandat temporel de la justice transitionnelle a très tôt fait l’objet de vifs débats en Tunisie » notamment entre ceux souhaitant limiter la période couverte par l’IVD aux années Ben Ali et ceux souhaitant étendre ce mandat aux violations commises sous la gouvernance de Bourguiba. Voir Institut de Relations Internationales et Stratégiques, « Confronter le passé de la dictature en Tunisie : la loi de ‘justice transitionnelle’ en question », par Kora Andrieu, mai 2014, p. 19. 911 OSIEL (M.), Juger les crimes de masse, op. cit., p. 197. 912 Infra C). 913 Ibid. 914 Le projet « Peacebuilding through Justice for all and Human Rights » vise entre autre à faciliter la mise en œuvre de mécanismes de justice transitionnelle. Voir Fonds de consolidation de la paix, Projet PBF/UGA/A-1. 915 Voir le rapport du HCDH sur les consultations nationales : « Making peace our own. Victim’s perceptions of accountability, reconciliation and transitional justice in Northern Uganda », 2007, 74 p. 916 « Loi organique n° 16/2004 du 19/6/2004 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions Gacaca chargées des poursuites et du jugement des infractions constitutives du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 », Kigali, 19 juin 2004. 235 prison917. L’ONU s’est peu intéressée aux Gacaca. Si le HCDH a rapidement reconnu leur potentiel en termes de réconciliation, ça n’a été qu’au prix de limites à leur compétence, notamment que « l’institution [ne soit pas] transformée en tribunal formel »918. Ces recommandations n’ayant pas été suivies, le HCDH a pris ses distances vis-à-vis de cette institution, par ailleurs fort critiquée919. Seul le PNUD a continué à la soutenir en assistant la formation des juges traditionnels920. 374. L’idée onusienne d’associer les formes « traditionnelles » ou « informelles » de justice et de réconciliation a pourtant précédé l’expérience rwandaise. En Sierra-Léone, le statut de la Commission vérité et réconciliation prévoyait que « [the] Commission may seek assistance from traditional and religious leaders to facilitate its public sessions and in resolving local conflicts arising from past violations or abuses or in support of healing and reconciliation. »921 Afin d’identifier et d’utiliser au mieux ces mécanismes, le HCDH a commandé une étude à une ONG locale922 concernant le rôle possible des pratiques traditionnelles au sein de la commission. La CVR a ainsi pu recourir, bien que de façon assez marginale923, à des rituels de réconciliation et de réintégration des anciens soldats dans leur communauté924. L’UNICEF 917 Voir « Loi organique n° 28/2006 du 27/06/2006 modifiant et complétant la Loi Organique n° 16/2004 du 19/06/2004 portant organisation, compétence et fonctionnement des Juridictions Gacaca chargées des poursuites et du jugement des infractions constitutives du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 », Kigali, 27 juin 2006, Chapitre IV. 918 INGELAERE (B.), « Les juridictions Gacaca au Rwanda » in HUYSE (L.), SALTER (M.), Justice traditionnelle et réconciliation après un conflit violent. La richesse des expériences africaines, International Institute for Democracy and Electoral Assistance, Stockholm, 2009, p. 39. 919 Sur les juridictions Gacaca, voir notamment : ANDRIEU (K.), La justice transitionnelle. op. cit., pp. 149194 ; KAREKEZI (U. A.), MUTAMBA (B.), NSHIMIYIMANA (A.), « Localizing justice : Gacaca courts in post-genocide Rwanda », in STOVER (E.), WEINSTEIN (H-M.), My neighbor, my enemy, op. cit., pp. 69-84 ; ROSOUX (V.), SHYAKA MUGABE (A.), « Le cas des Gacaca au Rwanda. Jusqu’où négocier la réconciliation ? », Négociations, vol. 9, n° 1, 2008, pp. 29-40 ; WESTBERG (M. M.), « Rwanda’s use of transitional justice after genocide : the Gacaca courts and the ICTR », Kansas Law Review, vol. 59, 2010-2011, pp. 331-367; INGELAERE (B.), « Les juridictions Gacaca au Rwanda », op. cit., pp. 27-65. 920 PNUD, « Doing justice : how informal justice systems can contribute », en collaboration avec le Oslo Governance Programme, rapport par Ewa Wojkowska, décembre 2006, p. 39. 921 « Truth and Reconciliation Act 2000 », op. cit., art. 7. (2). 922 Il s’agit de Manifesto ’99, qui a grandement participé à l’élaboration et au travail de la CVR sierra-léonaise. 923 Rosalind Shaw note que de nombreuses pratiques traditionnelles ont été ignorées en Sierra-Léone, notamment pour leur tendance à prôner l’oubli et le pardon plutôt que le travail de mémoire par la parole. Voir USIP, « Rethinking truth and reconciliation Commissions – Lessons from Sierra Leone », Rapport spécial par Rosalind Shaw, février 2005, 12 p. 924 Le recours de la CVR à ces rituels est décrit dans son rapport final. Voir CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit., vol. 3 B, pp. 439-442. Voir également KELSALL (T.), « Truth, lies, rituals : preliminary reflections on the Truth and Reconciliation Commission in Sierra Leone », Human Rights Quarterly, vol. 27, n° 2, 2005, pp. 361-391 et ALIE (J.), « Réconciliation et justice traditionnelle : pratiques traditionnelle des KpaaMené en Sierra Leone », in HUYSE (L.), SALTER (M.), Justice traditionnelle et réconciliation, op. cit., pp. 133-157. 236 a également soutenu la mise en œuvre de rituels de réintégration des enfants dans leur communauté925. 375. Ce recours aux mécanismes traditionnels a été particulièrement développé au TimorLeste, à travers l’intégration au sein de la CAVR des Community Reconciliation Process (CRP)926. Selon ce dispositif, la CAVR pouvait autoriser une personne responsable de certains délits ou crimes, à sa demande, à participer à un CRP927. Si la demande était acceptée par la CAVR, avec l’accord du Procureur général928, un CRP Panel était constitué dans le but d’organiser une audition (« CRP Hearing ») de l’individu. C’est lors de ces auditions qu’intervenaient les pratiques traditionnelles de justice et de réconciliation. En effet, la CAVR ayant pour mandat de faciliter la réintégration des combattants au travers de « community based mechanisms for reconciliation »929, la présence de chefs communautaires était prévue au sein des CRP Panels. De plus, les procédures concernant les auditions ont été volontairement peu définies par la régulation de l’ATNUTO, afin de permettre leur adaptation à la grande diversité des pratiques traditionnelles existant au Timor Leste930. C’est ainsi que la pratique traditionnelle de Nahe Biti (littéralement « étendre le matelas ») a servi de modèle à de nombreux CRP hearings931. L’audition visait alors à recueillir le témoignage, les aveux et la formulation d’excuses du responsable ainsi que le témoignage de la ou des victime(s) concernée(s). Un accord était ensuite conclu entre le responsable et le panel, listant les actes qui devaient être effectués par celui-là. Ces actes pouvaient être « (a) community service, (b) 925 Ibid., p. 153. De nombreux écrits décrivent l’origine et le déroulement des CRP. Voir notamment : PNUD, « The Community Reconciliation Process of the Commission for Reception, Truth and Reconciliation », rapport de Pier Pigou, avril 2004, 114 p ; USIP, « Reconciling justice. ‘Traditional’ law and state judiciary in East Timor », rapport final par Tanja Hohe et Rod Nixon, janvier 2003, 76 p. Voir aussi supra, partie 1, titre 2, chapitre 2, section I. 927 ATNUTO, UNTAET/REG/2001/10, op. cit., section 23. La demande devait contenir « (a) a full description of the relevant acts ; (b) an admission of responsibility for such acts ; (c) a explanation of the association of such acts with the political conflicts in East Timor ; (d) an identification of the specific community in which the Deponent wishes to undertake a process of reconciliation and reintegration (hereinafter : the Community of Reception) ; (e) a request to participate in a Community Reconciliation Process ; (f) a renunciation of the use of violence to achieve political objectives ; and (g) the signature or other identifying mark of the Deponent. ». Ibid., section 23.1. 928 Le Bureau du procureur général auprès des Panels Spéciaux de la Cour de Dili avait pour tâche d’examiner toutes les demandes de CRP. Une demande portant sur des crimes graves, pour lesquels le procureur général a compétence exclusive, ne pouvait faire l’objet d’un CRP. Le procureur pouvait alors poursuivre l’individu devant les Panels spéciaux. Ibid., section 22. 2. 929 Ibid., section 3. 1 (h). 930 Le statut de la CAVR prévoit en effet que « [the] CRP Panel may determine its own procedure for the CRP Hearing. » Ibid., section 27. 2. 931 WALDORF (L.), « Mass justice for mass atrocity : rethinking local justice as transitional justice », Temple Law Review, vol. 79, n° 1, 2006, pp. 24-26. Sur la pratique de Nahe Biti, voir BABO-SOARES (D.), « Nahe Biti : the philosophy and process of grassroots reconciliation (and justice) in East Timor », The Asia Pacific Journal of Anthropology, vol. 5, n° 1, 2004, pp. 15-33. 926 237 reparation ; (c) public apology ; and/or (d) other act of contrition »932. Après confirmation par la CAVR de l’accomplissement des actes prévus dans l’accord, l’individu concerné recevait l’immunité pénale pour tous les faits reconnus par celui-ci et consignés dans l’accord. 376. Initialement peu courante au sein de l’action onusienne, l’intégration de mécanismes traditionnels de justice et/ou de réconciliation s’est systématisée dans la deuxième moitié des années deux-mille933. Ainsi, les OMP présentes au Tchad, au Soudan du Sud, au Mali et en RCA ont eu recours à des pratiques traditionnelles pour leurs actions dans le domaine de la réconciliation. La MINUL s’est également vu attribuer, en 2013, un rôle dans le développement de l’institution des Palava hut au Libéria, en soutien d’un projet porté par le PNUD et financé par le Fonds de Consolidation de la Paix934. §2/ L’écueil d’une justice transitionnelle intraétatique. 377. La quasi-totalité des mécanismes de justice transitionnelle instaurés dans le monde a eu pour objet de répondre aux violences commises sur le territoire d’un État à l’occasion d’un conflit interne ou du fait d’un régime autoritaire935. Cette justice s’est donc développée dans des cadres exclusivement nationaux. La dimension régionale des conflits ou même de la répression pour ce qui concerne les régimes autoritaires – le plan Condor, en Amérique latine, en est un exemple – est donc complètement ignorée. Le vocabulaire de la justice transitionnelle atteste d’ailleurs de cet ancrage national. La réconciliation est « nationale », tout comme l’est l’appropriation. La pratique onusienne en la matière ne fait ici que suivre une tendance globale. L’ONU est d’ailleurs à l’origine du premier réel effort de justice transitionnelle transfrontalière, à travers la création du TPIY. Le seul autre, à notre connaissance, étant la très controversée Commission pour la vérité et l’amitié créée entre l’Indonésie et le Timor Leste936. L’analyse montre pourtant que cette approche purement 932 ATNUTO, UNTAET/REG/2001/10, op. cit., section 27. 7. On notera tout de même, dans la première moitié des années deux-mille, le rôle du PNUD dans le développement de l’institution des Bashingantahe, (littéralement « ceux qui fixent le droit ») au Burundi. Des propositions allant dans le sens d’un recours à cette institution dans le cadre de la justice transitionnelle burundaise ont en effet été formulées, bien que l’inertie touchant ce champ au Burundi n’ait pas permis leur concrétisation. Voir NANIWE-KABURAHE (A.), « L’institution des Bashingantahe au Burundi », in HUYSE (L.), SALTER (M.), Justice traditionnelle et réconciliation, op. cit., pp. 159-189 ; MATIGNON (E.), La justice en transition. Le cas du Burundi, thèse de doctorat, Institut Universitaire de Varenne, 2013, pp. 279-288. 934 Voir Fonds de Consolidation de la Paix, projet PBF/LBR/A-11, « Community-based Truth Telling and Atonement Project ». 935 LEKHA SRIRAM (C.), ROSS (A.), « Closing impunity gaps : regional transitional justice processes ? », Transitional Justice Review, vol. 1, n° 1, 2013, p. 3. 936 Voir par exemple, ICTJ, « Too much friendship, too little truth : monitoring report on the Commission of Truth and Friendship in Indonesia and Timor-Leste », par Megan Hirst, janvier 2008, 46 p. 933 238 étatique de la justice transitionnelle présente d’importantes limites lorsque sont en cause des violences transétatiques (A), incitant alors à développer des pistes pour une régionalisation de cette justice (B). A) Les limites de la justice transitionnelle étatique pour des conflits transétatiques 378. La dimension exclusivement nationale de la justice transitionnelle jure avec les dimensions transétatiques de nombreux conflits civils. Peter Wallensteen et Margareta Sollenberg ont démontré qu’une majorité de ces conflits connaissaient des implications régionales, formant ce qu’ils nomment des « regional conflict complexes »937. Les exemples des conflits en Sierra Léone et au Libéria, ceux de la région des Grands Lacs ainsi que les groupes rebelles et terroristes de Boko Haram, de l’Armée de résistance du Seigneur de Joseph Kony, de l’État islamique ou encore d’Al Qaïda illustrent bien ce caractère transfrontalier des conflits civils. 379. Si la dimension régionale de certains conflits n’est plus à démontrer, il apparaît qu’elle n’est pour ainsi dire jamais traitée comme telle par les mécanismes de justice transitionnelle. Les violences entre Hutu et Tutsi dans la région des Grands Lacs ont été traitées nationalement au Rwanda, à travers le TPIR et les juridictions Gacaca, et doivent faire l’objet d’une stratégie nationale de justice transitionnelle au Burundi. Les mécanismes établis ou envisagés sont ainsi toujours limités aux crimes perpétrés sur le territoire ou par les ressortissants d’un État spécifique. La juridiction du TPIR était limitée aux « violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d’États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 »938. De même, malgré les nombreux liens existant entre les conflits libérien et sierra léonais, le TSSL n’était chargé de poursuivre que les « persons who bear the greatest responsibility for serious violations of international humanitarian law and Sierra Leonean law committed in the territory of Sierra Leone since 30 937 SOLLENBERG (M.), WALLENSTEEN (P.), « Armed conflict and regional conflict complexe, 1989-97 », Journal of Peace Research, vol. 35, n° 5, 1998, pp. 621-634. Les auteurs notent dans cette étude que « more than half of all the conflicts have a connection to conflicts in neighbouring countries ». Ces connexions peuvent être de plusieurs ordres, notamment le caractère transfrontalier de certains groupes rebelles ou le soutien direct ou indirect à un groupe étatique ou non étatique. Ibid., pp. 623-624. 938 Statut du TPIR, op. cit., art. 1. 239 November 1996 »939. Cette disposition a conduit à l’étrange situation dans laquelle Charles Taylor n’a pu être jugé que pour les crimes commis en Sierra Léone, sans avoir à répondre de ceux commis chez lui, au Libéria. Ces limitations de la compétence des juridictions pénales sont à l’origine de ce que certains ont qualifié de « zones d’impunité »940. 380. Des limites semblables sont constatées pour les mécanismes non judiciaires de justice transitionnelle. Les commissions vérité, pourtant chargées d’établir un historique complet du conflit et de déterminer ses causes profondes, se trouvent face à d’importantes limites liées à leur caractère intraétatique. Si la CVR sierra léonaise s’est attachée à analyser les facteurs externes de déclenchement et d’alimentation du conflit ainsi que ses ramifications extraétatiques, ses pouvoirs et ses moyens en termes d’accès aux témoins et aux informations situés en dehors du territoire national ont été nécessairement limités du fait de son acte créateur et de son inscription au sein de l’ordre juridique interne. La même constatation peut être faite en ce qui concerne la CVR libérienne941. 381. Cette lacune de la justice transitionnelle peut s’expliquer de plusieurs façons. Il s’agit tout d’abord de facteurs historiques. Comme le note Pierre Hazan, « transitional justice was initially conceived within a national framework »942. En effet, les premiers efforts latinoaméricains se sont concentrés sur la lutte contre l’impunité au niveau national. Il faut toutefois noter que, devant la justice pénale, cette approche semble évoluer pour pouvoir rendre compte du caractère transfrontalier des crimes des dictatures latino-américaines au sein du Plan Condor943. Il est également significatif que l’expérience sud-africaine, longtemps présentée en exemple et dont les acteurs ont largement contribué au développement et à la popularisation du champ de la justice transitionnelle, était concentrée sur une approche nationale. L’importance conférée par cette commission à la réconciliation nationale, approche largement reprise par les mécanismes de justice transitionnelle postérieurs, semble avoir enfermé les 939 Statut du TSSL, op. cit., art. 1. LEKHA SRIRAM (C.), ROSS (A.), « Geographies of crime and justice : contemporary transitional justice and the creation of zones of impunity », IJTJ, vol. 1, n° 1, 2007, pp. 45-65. 941 Sur les limites du caractère national des mécanismes de justice transitionnelle sierra léonais et libérien vis-àvis du traitement des violences perpétrées lors des conflits dans ces deux pays, voir SIRLEAF (M.), « Regional approach to transitional justice ? Examining the Special Court for Sierra Leone and the Truth and Reconciliation commission for Liberia », Florida Journal of International Law, août 2003, vol. 21, n° 2, pp. 209-284. 942 HAZAN (P.), « Beyond borders : the new architecture of transitional justice ? », IJTJ, vol. 11, n° 1, 2017, p. 1. 943 Voir infra, B). 940 240 acteurs de la justice transitionnelle et la doctrine dans un cadre de réflexion exclusivement intraétatique944. 382. On ne peut que s’étonner de la carence flagrante de doctrine portant sur ce sujet. Il est toutefois notable que cet état de fait semble évoluer, d’une part grâce à la diversification des cadres de réflexion sur la justice transitionnelle945 et d’autre part grâce à l’entrée récente de cette approche au sein des cercles classiques de réflexion s’intéressant à cette justice946. L’émergence de cette réflexion permet alors de poser le constat (qui malgré son apparente évidence a très rarement été formulé de façon explicite) des limites d’une justice transitionnelle nationale et d’envisager les bénéfices attendus ainsi que les complications impliquées par cette nouvelle approche. B) Les pistes pour une régionalisation de la justice transitionnelle 383. Il est tout d’abord important de clarifier la notion de « régionalisation » en question ici et surtout de distinguer l’approche régionale de la justice transitionnelle de la mise en œuvre de la justice transitionnelle par des organisations régionales ou sous-régionales. Alors que cette dernière ne fait que prévoir l’implication d’acteurs régionaux ou sous-régionaux dans la mise en œuvre de politiques de justice transitionnelle au sein d’un État spécifique, celle-là cherche à appréhender le conflit dans sa dimension régionale ou sous-régionale, et ainsi mettre en œuvre une justice transitionnelle transfrontalière, quel que soit le type d’acteur mobilisé. Un chevauchement est toutefois possible, et même probable, dans la mesure où l’approche régionale pourra être menée ou définie au sein de structures régionales ou sousrégionales. 944 Il faut rappeler que le International Center for Transitional Justice (ICTJ), acteur principal en la matière et proche collaborateur du HCDH dans l’assistance aux efforts nationaux de mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, a été créé à l’initiative de chercheurs sud-africains, Alex Boraine et Paul Van Zyl. 945 La création, en 2013, de la Transitional Justice Review permet ainsi de contrebalancer l’influence de l’International Journal of Transitional Justice (IJTJ), créé à l’initiative d’experts sud-africains. Le premier numéro inclut d’ailleurs l’article de Chandra Lekha Sriram et Annie Moss sur les perspectives de régionalisation de la justice transitionnelle. 946 IJTJ a ainsi publié un numéro spécial en mars 2017 sur la question de la régionalisation de la justice transitionnelle. Voir IJTJ, special issue, « Beyond borders : a new regional architecture of transitional justice », vol. 11, n°1, mars 2017. 241 384. L’ONU a commencé à adopter une approche régionale de la consolidation de la paix. Les bureaux régionaux pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS)947, pour l’Asie Centrale (UNRCCA)948 et pour l’Afrique Centrale (UNOCA)949 du département des affaires politiques témoignent de la reconnaissance par l’ONU de l’intérêt représenté par cette approche. Il est de plus notable que la région des Grands Lacs a fait l’objet de démarches régionales de consolidation de la paix. Ainsi l’ONU a pu faciliter la signature de l’ « Accordcadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région », impliquant la RDC, la RCA, l’Afrique du Sud, l’Angola, le Burundi, le Congo, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud, la Tanzanie et la Zambie. La surveillance de ce processus régional est assurée par un Envoyé spécial de l’ONU pour la région des Grands Lacs. Ces efforts régionaux de consolidation de la paix ne sont pas sans rappeler ceux déployés en Amérique centrale dans les années quatre-vingt et qui ont donné lieu à la signature des accords d’Esquipulas, posant les principes censés fonder la coopération pour la consolidation de la paix entre les États parties950. Il demeure que ces initiatives régionales n’ont pas donné lieu à la création de mécanismes de justice transitionnelle. Le rapport du Secrétaire général sur « les questions transfrontières en Afrique de l’Ouest » reste focalisé sur les efforts nationaux des États de la région et le soutien que l’ONU peut leur fournir951. Pourtant, le mandat de l’UNOWA comportait bien un volet dans ce sens, puisque le bureau est chargé, entre autres, « [d’effectuer] des études, organiser des tribunes et des séminaires et contribuer à l’élaboration de stratégies concrètes et concertées pour faire face aux problèmes actuels ou qui se font jour, y compris les dimensions sous-régionales du chômage des jeunes, l’urbanisation 947 L’UNOWAS est né de la fusion, en 2016, du Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA), créé en 2001, et de l’Envoyé spécial pour le Sahel (OSES), créé en 2014. Voir CSNU, UN Doc. S/2016/89, Letter dated 28 January 2016 from the President of the Security Council addressed to the Secretary-General, 28 janvier 2016. 948 Le United Nations regional centre for preventive diplomacy for Central Asia (UNRCCA) a été créé en 2007. Voir UN Doc. S/2007/279, Letter dated 7 May 2007 from the Secretary-General to the President of the Security Council, 16 mai 2007. 949 Le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique Centrale (UNOCA) a été créé par le Secrétaire général en janvier 2011. Sur la création et le mandat du bureau, voir UN Doc. S/2009/697, Lettre datée du 11 décembre 2009, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, 31 août 2010. 950 Pour le texte des accords, voir UN Doc. A/40/1119-S/18106, Annexe, Déclaration de Esquipulas, 28 mai 1986 et UN Doc. A/42/521-S/19085, Annexe, Processus à suivre pour instaurer une paix stable et durable en Amérique centrale, 31 août 1987. C. Lekha Sriram et A. Ross notent et discutent l’absence de mesures de justice transitionnelle dans les accord d’Esquipulas. Voir LEKHA SRIRAM (C.), ROSS (A.), « Closing impunity gaps », op. cit., pp. 16-18. 951 Voir UN Doc. S/2007/143, Report of the Secretary-General on cross-border issues in West Africa, 13 mars 2007, notamment §§ 17-19. 242 rapide, la réforme du secteur de la sécurité, la justice transitionnelle»952. Il faut également souligner que plusieurs initiatives et chercheurs locaux promeuvent cette inclusion de la justice transitionnelle dans la régionalisation naissante de la consolidation de la paix, essentiellement pour la région des Grands Lacs et pour l’Afrique de l’Ouest953. Le Conseil de sécurité lui-même semble accepter et promouvoir cette approche lorsqu’il « souligne qu’une perspective régionale devrait permettre de trouver des solutions à la situation qui règne dans la région des Grands Lacs, en traitant les causes profondes du conflit, dont beaucoup sont de nature régionale »954. Il semble donc que les structures et la volonté soient réunies pour envisager le développement d’une justice transitionnelle régionale. Il reste à déterminer la forme que pourrait prendre cette action. 385. Il apparaît tout d’abord que les pratiques de justice traditionnelle sont peu adaptées à une mise en œuvre régionale, principalement du fait de leur caractère très local et de la grande diversité qui les caractérise. Un rôle peut en revanche être joué par les mécanismes de recherche de la vérité, de poursuites pénales et même, dans une moindre mesure, pour ceux concernant les lustrations et les réparations. En ce qui concerne les commissions vérité, on a déjà montré que la compréhension des conflits serait facilitée par une approche régionale permettant de retracer les aspects transfrontaliers des conflits. L’initiative d’ONG pour l’instauration d’une « regional commission for the establishment of facts about war crimes and other serious violations of human rights committed in the former Yugoslavia from January 1, 1991 until December 31, 2001 » (RECOM), une commission vérité régionale955, montre qu’une demande existe dans ce sens. Un tel mécanisme de recherche de la vérité pourrait également servir à parfaire, à travers ses recommandations, les programmes de lustration et de réparations, surtout lorsque ces dernières sont symboliques. Ces programmes bénéficieraient sans doute d’informations 952 UN Doc. S/2007/753, Annexe, Missions et attributions du Bureau des Nations Unies pour l’Ariqe de l’Ouest (BNUAO) de janvier 2008 à décembre 2010, 21 décembre 2007. L’UNOWA est la première mission politique spéciale à se voir attribuer un mandat explicite et global en termes de justice transitionnelle. Voir Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 953 Voir par exemple VAN LEEUWEN (M.), « Imagining the Great Lakes Region : discourses and practices of civil society regional approaches for peacebuilding in Rwanda, Burundi and DR Congo », Journal of Modern African Studies, vol. 46, n° 3, 2008, pp. 393-426 et Institute for Justice and Reconciliation, « Regional reconciliation in Africa : policy recommendations for cross-border transitional justice », Policy Brief, n° 14, 2014, 12 p. 954 UN Doc. S/PRST/2016/2, Maintien de la paix et de la sécurité internationales, 31 mars 2016, p. 4. 955 Voir le site de l’initiative : http://www.recom.link/. Voir aussi LEKHA SRIRAM (C.), ROSS (A.), « Closing impunity gaps », op. cit., p. 22 et note 53. 243 plus complètes sur les origines, les acteurs, les victimes et le déroulement du conflit, informations que pourrait apporter un mécanisme régional de recherche de la vérité. 386. L’apport le plus important de cette approche régionale se trouve probablement dans les poursuites pénales. On a déjà évoqué les carences, en termes de justice, impliquées par l’absence de compétence régionale du TSSL. C’est cette même carence qui motive la volonté, aujourd’hui partiellement accomplie, d’organiser des procès globaux pour les crimes commis par les dictatures latino-américaines dans le cadre du Plan Condor. En effet, les procès nationaux classiques sont peu à même d’appréhender la dimension globale de cette organisation de la répression entre les dictatures du Chili, de l’Argentine, de l’Uruguay, du Brésil, du Paraguay et de la Bolivie. Récemment, deux procès majeurs ont partiellement répondu à cette limite en regroupant de nombreuses plaintes de victimes issues de plusieurs États et concernant des inculpés de diverses nationalités. En multipliant les nationalités des victimes et des inculpés, ces « procès Condor », bien que tenus devant des juridictions pénales nationales, portent l’espoir d’un jugement, non pas de cas isolés et décontextualisés, mais d’une mécanique globale du conflit latino-américain956. Le principal obstacle de cette évolution demeure, comme du reste, pour la justice transitionnelle nationale, la souveraineté des États et le manque régulier de volonté politique de conduire d’authentiques programmes de lutte contre l’impunité. La multiplication des parties à cette stratégie de justice transitionnelle présente également d’importants défis en termes de négociation.957 Il demeure que l’intérêt renaissant pour les juridictions pénales hybrides permet de nourrir l’espoir de voir une telle juridiction combiner les avantages en termes de compétences matérielle et géographique du TPIY et les attributs de tribunaux tel le TSSL. 956 Les procès en question se tiennent à Rome et à Buenos Aires. Sur le procès de Rome, voir BOUVET (L.), « Le procès Condor de Rome : chronique d’une occasion manquée », in MASSIAS (J.-P.), PHILIPPE (X.), PLAS (P.), dir., Annuaire de Justice pénale internationale et transitionnelle - 2015, Institut universitaire de Varenne, Bayonne, 2018, pp. 471-506. Sur celui de Buenos Aires voir LESSA (F.), « Operation Condor : justice or transnational crimes in South America », The Argentina Independent, 8 octobre 2014 et LESSA (F.), « Justice beyond borders : the Operation Condor trial and accountability for transnational crimes in South America », IJTJ, vol. 9, n° 3, 2015, pp. 494-506. 957 LEKHA SRIRAM (C.), ROSS (A.), « Closing impunity gaps », op. cit., pp. 24-25. 245 Chapitre 2. Le recours maladroit à la justice internationale pénale comme mécanisme de justice transitionnelle 387. En se disant convaincu que le TPIR contribuerait « au processus de réconciliation nationale »958 au Rwanda, le Conseil de sécurité marquait l’entrée de la justice internationale pénale, tout juste ressuscitée959, dans le monde de la justice transitionnelle. Les tribunaux internationaux ont commencé à dépasser leur mission rétributive, centralisée sur les criminels, pour aborder la justice pénale sous un angle réparateur, orienté vers les victimes. Cette évolution n’a pas été conduite sans tensions. Le représentant de la République Tchèque au Conseil de sécurité les a bien résumées lors des débats tenus à l’occasion de l’adoption de la résolution 955 lorsqu’il a déclaré que : « [la] justice est une chose ; la réconciliation en est une autre. Le Tribunal pourrait devenir le véhicule de la justice, mais il n’est pas conçu pour être un véhicule de réconciliation. La Justice s’occupe des criminels, qu’ils comprennent ou non qu’ils se sont fourvoyés. Mais la réconciliation est bien plus compliquée, et elle est impossible tant que les criminels n’auront pas manifesté de repentir. »960 388. Les TPI ont rapidement montré leurs limites quant à cette nouvelle mission, inadaptée à une justice qualifiée de « hors sol »961. Le choix a alors été fait, non de revenir sur l’attribution d’objectifs visiblement trop ambitieux aux juridictions internationales pénales, mais plutôt d’adapter ces dernières aux premiers. Cette adaptation était d’autant plus nécessaire que le développement rapide de la justice transitionnelle onusienne et l’adoption d’une approche holiste a multiplié les attentes vis-à-vis de la justice internationale pénale, objet elle aussi d’un intérêt croissant de la communauté internationale, multipliant la création de juridictions aux caractéristiques toujours plus novatrices et au sein desquelles les victimes sont devenues des acteurs et des objets principaux. 958 S/RES/955 (1994), préambule. La résolution 827 (1993) créant le TPIY avait été adoptée 18 mois plus tôt. 960 UN Doc. S/PV.3453, 8 novembre 1994, p. 7. 961 HAZAN (P), La justice face à la guerre, op. cit., p. 239. 959 246 389. L’intégration des objectifs de la justice transitionnelle dans les mandats des juridictions internationales pénales s’est ajoutée à une précédente évolution de ces dernières, née avec la création du TPIY. Il s’agit de la tâche qui a été dévolue à ce tribunal, ainsi qu’à bon nombre de ceux qui ont suivi, de participer au maintien de la paix et de la sécurité, justifiant sa création sur le fondement du Chapitre 7 de la Charte des Nations Unies962. Cette approche de la justice internationale pénale n’est pas anodine. Elle confère à un organe éminemment politique un vaste pouvoir de contrôle sur le déclenchement et la conduite de l’action judiciaire, exposant la justice internationale pénale à la critique vis-à-vis de son impartialité963. En conséquence, cette justice devient un instrument dont cet organe dispose de façon discrétionnaire pour servir son objectif politique de maintien de la paix et de la sécurité. 390. Les deux évolutions de la justice internationale présentées ci-dessus se sont effectuées sans réflexion préalable quant à leur opportunité ou à leurs conséquences sur les procès pénaux. C’est donc à travers l’expérience que l’intégration des objectifs de la justice transitionnelle à la justice internationale pénale s’est révélée délicate (Section I). Quant au Conseil de sécurité, son apparent engouement initial pour la lutte contre l’impunité pénale a immédiatement laissé place à une position beaucoup plus réticente vis-à-vis de cette dernière (Section II). Section I L’intégration délicate de la justice internationale pénale au sein de la justice transitionnelle 391. Les juridictions pénales internationales et internationalisées ont été développées, hors le cas des TMI, parallèlement au développement de l’action onusienne dans le domaine de la justice transitionnelle. Chronologiquement, leur apparition, au travers des TPI, correspond aux premières actions de l’ONU dans la justice transitionnelle et leur transformation, à travers leur hybridation, correspond à la fixation de l’approche holiste de la justice transitionnelle adoptée par l’ONU964. Cette relation dépasse pourtant la simple concomitance. Il est certain que, participant à la garantie du droit des victimes à la justice, les juridictions internationales pénales ont leur place dans la construction conceptuelle de la justice transitionnelle telle qu’adoptée par l’ONU. L’Organisation ne s’est pourtant pas contentée de créer ou de 962 S/RES/827 (1993). « La justice sélective, celle qui ne frappe que nos ennemis, est-elle encore de la justice ? » se demandait par exemple Tzvetan Todorov à propos du TPIY. TODOROV (T.), « Les limites de la justice » in CASSESE (A.), DELMAS-MARTY (M.), dir., Crimes internationaux et juridictions internationales, PUF, Paris, 2002, p. 47. 964 Voir supra, partie 1, titre 1, chapitre 2. 963 247 contribuer à créer des mécanismes de justice pénale aux côtés d’autres mécanismes de justice transitionnelle, avec l’idée que leurs effets cumulés favoriseraient les objectifs attribués à cette justice. L’ONU a plutôt cherché à faire dépasser aux juridictions pénales internationales le rôle rétributif traditionnellement dévolu aux procès pénaux afin de leur faire porter, en elles-mêmes, le poids des objectifs de la justice transitionnelle. Ces juridictions se trouvent alors en charge d’objectifs comme l’établissement des faits, la fourniture de réparations aux victimes ou encore le rétablissement de l’état de droit. L’ampleur de ces tâches incite à nuancer les accomplissements de cette tentative d’adaptation des juridictions pénales internationales aux objectifs de la justice transitionnelle (§ 1). L’intégration, certes partielle, de la justice internationale pénale au sein de la justice transitionnelle a révélé les liens quasi-filiaux unissant ces deux domaines, ainsi que les influences qu’ils ont et continuent d’exercer l’un sur l’autre. L’intensité de ces influences a toutefois mené à enfermer chacun de ces domaines dans des postures ne leur correspondant qu’imparfaitement. À trop se rapprocher l’une de l’autre, la justice transitionnelle et la justice internationale pénale risquent d’appauvrir leurs spécificités et de se dénaturer mutuellement (§ 2). §1/La tentative d’adaptation des juridictions pénales internationales aux objectifs de la justice transitionnelle 392. Le dépassement de l’objectif rétributif des juridictions pénales internationales a nécessité une double évolution. La première est conceptuelle. Elle implique de modifier la vision du procès pénal en lui découvrant des vertus nouvelles, telle la réconciliation nationale, compatibles avec les objectifs de la justice transitionnelle. La deuxième est structurelle et suppose d’adapter les juridictions afin de les rendre mieux à même de remplir les objectifs vertueux préalablement identifiés. C’est à la lumière de cette double évolution qu’apparaît le caractère extrêmement ambitieux de l’attribution des objectifs de la justice transitionnelle aux juridictions pénales internationales (A). Cette ambition, probablement démesurée, a inévitablement mené à un bilan mitigé de ces juridictions vis-à-vis de ces objectifs (B). 248 A) L’attribution ambitieuse des objectifs de la justice transitionnelle aux juridictions pénales internationales 393. L’entrée des juridictions pénales internationales dans le monde de la justice transitionnelle peut être située à la création du TPIR en novembre 1994. Ce tribunal fût le premier à se voir attribuer un objectif de réconciliation nationale965, notion totalement absente de la création du TPIY. Dans cette optique, l’hybridation des juridictions pénales internationales répond tout autant à des impératifs pragmatiques, tels que le coût faramineux des TPI, qu’idéologiques. En 2004, le Secrétaire général considérait que ces tribunaux avaient pour objectifs de « traduire en justice les responsables de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire; mettre un terme à ces violations et empêcher qu’elles se reproduisent ; rendre justice et dignité aux victimes ; établir l’historique des événements passés ; promouvoir la réconciliation nationale ; rétablir l’état de droit ; et contribuer à la restauration de la paix »966. En conséquence, les juridictions pénales internationales ne se limitent plus à constituer l’élément rétributif inséré au sein de programmes plus larges de justice transitionnelle, mais incarnent en elles-mêmes, bien que de façon partielle, cette justice transitionnelle. 394. La pertinence de faire porter une si lourde responsabilité aux tribunaux internationaux peut et doit être interrogée. La question dépasse d’ailleurs le cadre de ces juridictions pour concerner l’ensemble des jugements portant sur des crimes de masse et qui se trouvent ainsi à juger, non de simples criminels, mais des acteurs de l’Histoire, quelle que soit l’horreur de leur rôle. Pierre Hazan résume bien cet aspect des grands procès quand il affirme que juger la guerre, c’est aussi, et peut-être même d’abord, juger l’Histoire967. Il en découle pour les tribunaux concernés une vaste tâche d’établissement des faits et du contexte dans lequel ils se sont déroulés. Ce travail est par ailleurs indispensable aux juges confrontés aux crimes internationaux, dont la qualification est toujours dépendante du contexte de leur commission. Par exemple, déterminer l’existence d’un conflit est nécessaire à la qualification de crime de guerre et la détermination de la qualité interne ou internationale de ce conflit déterminera l’étendue de l’application du droit international humanitaire. C’est ainsi que les juges de la chambre d’instance du TPIY ont dû retracer les liens unissant l’armée des Serbes de Bosnie 965 S/RES/955 (1994), préambule. SGNU, S/2004/616, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice, op. cit., § 38. 967 HAZAN (P.), Juger la guerre, juger l’histoire », op. cit. 966 249 aux autorités de la République Fédérale de Yougoslavie (RFY)968, permettant à la chambre d’appel de conclure que celles-ci exerçaient un contrôle global sur celle-là, et de qualifier ainsi cette fraction du conflit yougoslave d’internationale969. La même remarque s’applique au crime de génocide, dont la définition implique la détermination d’une intention génocidaire970, et au crime contre l’humanité qui nécessite d’être commis « dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque »971. 395. L’écriture de l’Histoire dépasse pourtant l’examen d’éléments matériels aux fins de la qualification juridique d’un comportement criminel. Elle implique que le récit qui en émerge soit, d’une part, cohérent et, d’autre part, qu’il s’adresse au plus grand nombre. Nous reviendrons sur le paradoxe dans lequel se trouvent les juridictions internationales quant à la cohérence du récit – notamment vis-à-vis de la mission d’enseignement de la démocratie qui leur est confiée972 –on peut en revanche d’ores et déjà remarquer que les destinataires des jugements ne sont pas les condamnés mais bien ceux qui ont vécu les violences et même, comme en atteste le préambule de la CPI, « l’ensemble de la communauté internationale »973. Afin d’atteindre ce vaste public, le procès international se doit d’être didactique. 396. Alors que cet aspect a initialement été délaissé par les TPI, il innerve le fonctionnement des juridictions hybrides. Sa principale manifestation se présente dans l’emplacement de ces juridictions sur le territoire au sein duquel les crimes ont été commis974. Afin d’aller plus loin dans ce rapprochement, les juridictions hybrides se sont également concentrées sur le développement de la communication de leurs travaux. Développé tardivement par les TPI975, ce point a été central dans la stratégie du TSSL, qui a intégré, à l’initiative de ses membres, 968 Affaire n° IT-94-1-T, le Procureur c. Dusko Tadic alias « Dule », jugement, 7 mai 1997, §§ 219-229. Affaire n° IT-94-1-A, le Procureur c. Dusko Tadic, Arrêt, 15 juillet 1999, § 148-162. 970 Dans la mesure où, pour être constitutifs de génocide, les actes incriminés doivent avoir été commis « dans l'intention de détruire, en tout ou en partie » l’un des groupes concernés. Statut de Rome de la CPI, op cit., art. 6. Voir par exemple le raisonnement des juges du TPIR dans l’affaire Akayesu : TPIR, Affaire n° ICTR-96-4-T, Jean-Paul Akayesu v. the Prosecutor, judgement, 2 septembre 1998, §§ 517-524. 971 Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 7. 972 Infra, B). 973 Statut de Rome de la CPI, op. cit., préambule. 974 Voir supra, chapitre 1. 975 Le TPIY n’a créé une section de communication (« outreach ») qu’en 1999. Le TPIR n’y a procédé pour sa part qu’en 1998. Pour cet aspect des deux tribunaux, voir respectivement NATALYA CLARK (J.) « International war crimes tribunals and the challenge of outreach », International Criminal Law Review, vol. 9, 2009, pp. 100-106 et DAREHSHORI (S.), « Lessons for outreach from de ad hoc tribunals, the Special Court for Sierra Leone, and the International Criminal Court », New England Journal of International and Comparative Law, vol. 14, n° 2, 2007, pp. 299-301. 969 250 une section dédiée à la sensibilisation du public (« outreach section ») dont les qualités ont été reconnues976 et ont contribué à populariser ce modèle. On retrouve d’ailleurs le souci d’information du public au sein de la Cour pénale spéciale centrafricaine, qui a débuté son travail par une série d’ « ateliers de sensibilisation » visant la société civile et les populations d’une façon plus générale977. On peut également citer le cas cambodgien, où la section d’information du public a distribué des versions reliées du jugement prononcé en appel contre Duch aux survivants du camp S-21, qu’il commandait, ainsi qu’aux parties civiles978. 397. Le cas cambodgien permet d’observer la tendance au sein des juridictions pénales internationales de développer le rôle des victimes au sein des procès. Ce tournant du droit international pénal vers les victimes979, affirmé lors de la création de la CPI, s’est très vite répandu au sein des juridictions hybrides. On note ainsi que le TSL980, les CETC981 et la CPS982 centrafricaine permettent une telle participation des victimes, bien que seules les deux dernières l’envisage sous l’angle de la constitution de partie civile. Cette particularité est directement liée à l’élargissement des objectifs attribués à ces juridictions. Les juges des CETC ont d’ailleurs considéré que « la participation des parties civiles à la procédure s’inscrit dans la réalisation des objectifs déclarés de réconciliation nationale. »983 De son côté, le statut de la CPS précise que « dans l’intérêt de la manifestation de la vérité et de la lutte contre l’impunité, les parties civiles ainsi constituées sont dispensées des frais ordinairement générés par ce mode de saisine du juge d’instruction. »984 398. Parallèlement à cette participation des victimes, les réparations ont également fait leur apparition devant les juridictions hybrides, bien que de façon plus mesurée que devant la CPI. Le TSL se contente ainsi de prévoir que les juges peuvent « identifier des victimes ayant subi 976 CASSESE (A.), « Report on the Special Court for Sierra Leone, submitted by the independent expert Antonio Cassese », 12 décembre 2006, p. 9. 977 Informations disponibles sur le site de la CPS : http://www.cps-rca.cf/fr . 978 CETC, communiqué, « Distribution of Appeal Judgement to S-21 survivors and Civil Parties », 18 mai 2012. 979 Voir sur cette question RAUSCHENBACH (M.), SCALIA (D.), « Victims and international criminal justice : a vexed question ? », RICR, vol. 90, n° 870, 2008, pp. 442-444 ; SIMMALA (D. G.), « La participation de la victime à la procédure devant le Tribunal Spécial pour le Liban », Revue Québécoise de Droit International, vol. 25, n° 2, 2012, pp. 145-149 ; KROKER (P.), « Transitional justice policy in practice : victim participation in the Khmer Rouge tribunal », German Yearbook of International Law, vol. 53, 2010, pp. 753-758 ; NGUYEN (D.), Le statut des victimes dans la pratique des Juridictions Pénales Internationales, thèse de doctorat, Lyon, Université Jean Moulin, soutenue le 25 septembre 2014, pp. 237-250. 980 Statut du TSL, op. cit., art. 17. 981 CETC, Règlement de procédure et de preuve, règle 23. 982 Statut de la CPS, op. cit., art. 40. 983 Dossier No°. 002/19-09-2007-ECCC/BCJI (CP01), Décision relative à la participation des parties civiles aux appels en matière de détention provisoire, 20 mars 2008, § 37. 984 Statut de la CPS, op. cit., art. 40. 251 un préjudice en raison de crimes commis par un accusé reconnu coupable par le Tribunal »985. Cette identification est conçue pour faciliter les actions en réparation des victimes devant les juridictions nationales986. Les CETC ne peuvent quant à elles accorder que des réparations collectives et morales987. 399. Toutes ces dispositions témoignent de l’évolution des juridictions pénales internationales et de leur tendance à chercher à « combine retributive and restorative principles »988. Toutefois, les bienfaits de la poursuite de ces objectifs par les juridictions pénales restent à démontrer. Le procès pénal, en raison de l’importance de la protection des droits de l’accusé, n’est pas aussi souple que les autres mécanismes de justice transitionnelle. Cela questionne, d’une part, sa capacité à répondre de façon satisfaisante à ces objectifs et, d’autre part, la pertinence même de l’intégration de ces derniers dans le procès pénal. B) Le bilan mitigé des juridictions pénales internationales vis-à-vis des objectifs de la justice transitionnelle 400. La capacité des tribunaux internationaux à remplir, ou du moins participer à remplir les objectifs qui leur sont assignés, est essentiellement incantatoire. Le caractère extrêmement flou des vertus prêtées à la conduite de procès pénaux pour les crimes de masse – la vérité, la réconciliation, la guérison, la reconstruction de l’État… – limite la possibilité d’une évaluation sérieuse de leur accomplissement et encore moins de l’attribution de ce dernier aux procès. Cherchant à mettre fin à l’absence de fondement de ces vertus, une recherche empirique s’est développée989. Elle porte sur l’impact des poursuites pénales, ainsi que de la justice transitionnelle de façon plus générale, sur les différents publics visés. Les études menées sur ce modèle, consistant essentiellement en des interviews de victimes des populations concernées de façon générale ou encore des accusés990, ont permis l’émergence 985 Statut du TSL, op. cit., art. 25. 1. Ibid., art. 25. 3. 987 CETC, Règlement de procédure et de preuve, règle 23 quinquies 1. Sur la question de la réparation devant les juridictions pénales internationales, voir NGUYEN (D.), Le statut des victimes dans la pratique des Juridictions Pénales Internationales, op. cit., pp. 482-596. 988 MACGONIGLE (B.), « Two for the price of one », op. cit. 989 Voir notamment BAXTER (V.), CHAPMAN (A. R.), VAN DER MERWE (H.), dir., Assessing the impact of transitional justice. Challenges for empirical research, United States Institute of Peace Press, Washington D. C., 2009, 344 p. ; OLSEN (T. D.), PAYNE (L. A.), REITER (A. G.), Transitional justice in balance, op. cit. Voir également le constat du manque d’éléments empiriques soutenant les assertions quant au rôle des procès dans la réconciliation in FLETCHER (L.), WEINSTEIN (H. M.), « Violence and social repair », op. cit., p. 585. 990 SCALIA (D.), « Expérience de justice internationale pénale », op. cit. 986 252 de certaines données qui incitent globalement à modérer les attentes que pourraient légitimement remplir les tribunaux internationaux. 401. Du point de vue de la reconstruction de l’appareil judiciaire étatique, le bilan des juridictions hybrides est peu élogieux. Les CETC ne semblent pas avoir eu d’impact significatif sur la corruption caractérisant le système judiciaire cambodgien991. Les Panels spéciaux au Timor ont eux-mêmes connus toutes les peines pour fonctionner de façon satisfaisante dans un contexte de pénurie de moyens financiers et humains grave992. Il semble que leur participation à la formation des acteurs judiciaires locaux ait également été très modeste993. Les panels 64 au Kosovo n’ont pas connu un plus grand succès, dans la mesure où le personnel international a été assez mal accepté par les juges et procureurs nationaux, compliquant ainsi toute ambition de formation994. Le bilan du TSSL est également contesté à cet égard995. Devant la chambre spéciale pour crimes de guerre créée en Bosnie-Herzégovine, le soutien aux juridictions nationales n’a pas fait l’objet d’une réelle institutionnalisation. Les activités conduites ont été majoritairement le fait d’initiatives personnelles des juges internationaux996. Le rôle des TPI peut également être abordé. Bien que la reconstruction des systèmes judiciaires ne fasse pas partie de leurs objectifs initiaux, la stratégie d’achèvement de leurs travaux prévoyait, entre autres, le renvoi d’affaires concernant des responsables subalternes devant les juridictions nationales997. L’article 11 bis commun aux règlements de procédure et de preuve des TPI dispose que la formation de renvoi doit, avant d’ordonner un tel renvoi, « s’être assurée que l’accusé bénéficiera d’un procès équitable et qu’il ne sera pas condamné à la peine capitale ni exécuté »998. On peut donc considérer que cette procédure permettait, en théorie, de promouvoir les normes du procès équitable ainsi que leur effectivité. Dans le cadre de cette stratégie, les membres du TPIY ont procédé à la formation des représentants des 991 Open Society Foundation, « Performance and perception. The impact of the Extraordinary Chamber in the Courts of Cambodia », 2016, pp. 51-58. 992 BROOKS (R.), STROMSETH (J.), WIPPMAN (D.), Can might make rights ?, op. cit., pp. 278-285. 993 Ibid. 994 Ibid., pp. 275-278. 995 STENSRUD (E. E.), « New dilemmas in transitional justice : lessons from the mixed courts in Sierra Leone and Cambodia », Journal of Peace Research, vol. 46, 2009, pp. 6-10. 996 Voir Human Rights Watch, « Justice for atrocity crimes. Lessons of international support for trials before the State Court of Bosnia and Herzegovina », mars 2012, pp. 20-31. À propos de l’impact de la Cour spéciale sur les institutions nationales, l’ONG note que « the record is mixed ». Ibid., p. 20. 997 Voir S/RES/1503/ (2003). 998 Voir Règlement de procédure et de preuve du TPIY (RPP - TPIY), art. 11 bis B) et Règlement de procédure et de preuve du TPIR (RPP - TPIR), art. 11 bis B). 253 juridictions nationales999. Toutefois, il faut noter que seuls treize accusés ont fait l’objet d’un tel renvoi, dont dix ont été renvoyés devant la chambre spéciale de Bosnie-Herzégovine1000. Le TPIR a, quant à lui, renvoyé dix accusés devant des juridictions nationales, dont deux en France et huit au Rwanda1001. Des efforts similaires de renforcement du système judiciaire rwandais ont été menés, essentiellement par le Bureau du procureur1002. Les programmes menés apparaissent toutefois limités1003. 402. Au-delà de ces considérations, ce sont dans les domaines touchant les victimes au plus près que les juridictions pénales internationales échouent majoritairement à remplir les objectifs qui leurs sont assignés. Qu’il s’agisse d’établissement de la vérité ou de participation à la réconciliation, les tribunaux internationaux dépendent de la réception, par le public visé, de leurs jugements. Or, ce travail est nécessairement complexe. Toutes les personnes concernées par les procès – victimes, accusés et tous ceux pouvant être assimilés à l’un ou l’autre de ces groupes – abordent les procès avec une vision préconçue des faits, impliquant bien souvent que l’une des parties avait tort et l’autre, celle à laquelle on appartient, raison. Pour permettre un accord sur les faits et envisager un impact, même minime, sur la réconciliation, les tribunaux doivent donc être capables de modifier les conceptions que les populations ont développé des causes et du déroulement des violences. C’est ainsi la perception de la légitimité tout à la fois des tribunaux en eux-mêmes, des inculpations, puis des procès qui conditionne leur impact sur la société. Les études montrent qu’à cet égard, les tribunaux échouent majoritairement. Pierre Hazan remarquait à propos du TPIY que les populations serbes, abreuvées par la propagande d’État, continuaient de nier l’existence ou l’ampleur des crimes commis sur les ordres de Milosevic, Mladic et Karadzic, considérant que ces accusations relevaient de la « propagande »1004. Côté croate, certains condamnés, une fois leur peine effectuée, étaient accueillis en triomphe dans leur pays1005. La même tendance s’observe en Sierra Léone, où 999 UN Doc. S/2017/1001, annexe, Assessment and Report of Judge Carmel Agius, President of the International Tribunal for the Former Yugoslavia, provided to the Security Council pursuant to paragraph 6 of Security Council resolution 1534 (2004), 29 novembre 2017, § 84. 1000 Ibid., § 86. 1001 TPIR, Bureau du Procureur, « Complementarity in action : lessons learned from the ICTR prosecutor’s referral of international criminal cases to national jurisdictions for trial », février 2015, § 21. 1002 Ibid., §§ 45-76. 1003 UN Doc. S/2017/1001, annexe, Assessment and Report of Judge Carmel Agius, op. cit., §§ 128-133. 1004 HAZAN (P), La justice face à la guerre. op. cit., p. 246. 1005 Ibid., p. 251. Dans le même sens, voir KLARIN (M.), « The impact of the ICTY trials on public opinion in the former Yugoslavia », JICJ, vol. 7, n° 1, 2009, pp. 89-96 ; BIROS (M.) et al., « Attitudes towards justice and 254 l’inculpation de l’ancien Ministre Sam Hinga Norman a été mal accueillie par les Sierra Léonais, qui considéraient majoritairement cet homme comme un héros ayant combattu l’agresseur qu’était le Revolutionary United Front (RUF) mené par Foday Sankoh1006. Au Kosovo, on retrouve sans surprise la même tendance que devant le TPIY, chaque communauté estimant toujours que l’autre est le principal responsable des violations commises1007. Il apparaîtrait en revanche que le cas des CETC fasse exception, dans la mesure où les procès des principaux responsables des massacres commis par le régime des Khmers Rouges feraient l’objet d’un soutien significatif de la part de la population. Ces procès auraient ainsi permis de libérer la parole des cambodgiens sur ce sujet jusqu’alors majoritairement tabou1008. Ce cas pourrait toutefois souligner les limites des procès pénaux plus qu’il n’en constitue une réfutation, dans la mesure où, de toutes les juridictions internationales – si l’on excepte les Chambres africaines extraordinaires créées pour ne juger que Hissen Habré, les CETC sont celles qui ont prononcé le moins de condamnations1009 et qui connaissent la temporalité la plus éloignée des faits poursuivis. De plus, les procès qu’elles ont menés ont été peu sujets à polémiques, les accusés étant âgés et ne bénéficiant plus de réel soutien parmi la population. Les observateurs restent en revanche prudents quant à l’impact que pourrait avoir le jugement de personnalités bénéficiant d’un soutien, ou simplement d’une influence, plus grande1010. Ces données suggèrent donc que les procès internationaux ne sont que peu à même de modifier les perceptions que les populations ont des différents acteurs des violences1011. 403. L’impact des procès internationaux sur les principaux protagonistes des procès, les victimes et les accusés, ne semble pas plus correspondre à la vertu cathartique qui leur est souvent prêtée. Les personnes ayant témoigné devant le TPIY se sont régulièrement déclarées social reconstruction in Bosnia and Herzegovina and Croatia », in STOVER (E.), WEINSTEIN (H.-M.), My neighbor, my enemy, op. cit., pp. 183-205. 1006 Sam Hinga Norman a occupé les positions de ministre adjoint à la défense et de ministre des affaires intérieures de la Sierra Léone durant les années de conflit opposant le gouvernement au RUF de Foday Sankoh. Voir KELSALL (T.), SAWYER (E.), « Truth vs. justice ? Popular views on the Truth and Reconciliation Commission and the Special Court for Sierra Leone », Online Journal of Peace and Conflict Resolution, vol. 7, n° 1, 2007, pp. 58-60 ; FORD (S.), « A social psychology model of the perceived legitimacy of international criminal courts : implications for the success of transitional justice mechanisms », Vanderbilt Journal of Transnational Law, vol. 45, n° 2, 2012, pp. 441-448. 1007 Ibid., pp. 452-454 ; PNUD, « Public perceptions on transitional justice », 2007, p. 20. 1008 Open Society Foundation, « Performance and perception », op. cit., p. 71 et pp. 76-80. 1009 Les CETC n’ont pour l’instant prononcé de condamnations qu’à l’encontre de trois accusés. 1010 Open Society Foundation, « Performance and perception », op. cit., pp. 82-83. 1011 Stuart Ford tente d’expliquer les causes profondes de cet échec et observe que toutes les populations ont tendance à rejeter la culpabilité des accusés issus de leur communauté. voir FORD (S.), « A social psychology model », op. cit. 255 déçues par leur expérience1012. Même les CETC, juridiction accordant le plus de place aux victimes au sein de la procédure, font l’objet d’opinions mitigées de la part des parties civiles, notamment du fait de l’absence de réparations individuelles et du manque d’attention dont les victimes font individuellement l’objet, du fait de leur trop grand nombre et des ressources limitées de cette juridiction1013. 404. Il est possible que toutes les limites envisagées ci-dessus ne fassent que refléter les carences que connaissent les juridictions pénales internationales en termes de légitimité. Il est vrai que les TPI, en ne poursuivant pas les actions de l’OTAN pour l’un et celles du Front Patriotique Rwandais (FPR) pour l’autre, ont pu apparaître comme une justice des vainqueurs1014. Il est également vrai que la création des panels 64 au Kosovo s’est effectuée sans grande considération pour les juges nationaux et suivant une procédure peu respectueuse de l’état de droit1015. Cependant, le TSSL n’échappe pas à la critique alors que sa légitimité en tant que telle n’est pas contestée par les populations. Les limites des juridictions internationales est donc peut-être à rechercher ailleurs. Pire, elles pourraient leur être intrinsèque. 405. Il y a en effet un paradoxe dans la recherche d’une vérité qui serait facteur de réconciliation au travers de procédures équitables permettant aux accusés de promouvoir leur version, souvent divergente, des faits. Que les juges rejettent cette version par le biais de la condamnation n’a que peu d’importance. Les réactions des populations serbes à l’encontre du TPIY sont éloquentes à cet égard. En laissant la parole aux accusés, le procès pénal ne promeut pas l’établissement d’une vérité unique mais plutôt l’encadrement procédural de l’expression de versions divergentes des faits. C’est alors moins la vérité qui est recherchée que ce que Mark Osiel appelait la « solidarité discursive » 1016, autrement dit la capacité des acteurs d’exprimer de façon pacifique leur opposition. Ainsi, pour pouvoir atteindre l’objectif de vérité et de réconciliation, les juridictions internationales devraient mettre à mal les droits 1012 STOVER (E.), « Witnesses and the promises of justice in The Hague », in STOVER (E.), WEINSTEIN (H.M.), My neighbor, my enemy, op. cit., pp. 104-109. 1013 MOHAN (M.), « The paradox of victim-centrism : victim participation at the Khmer Rouge tribunal », International Criminal Law Review, vol. 9, n° 5, 2009, pp. 733-775 ; MACGONIGLE (B.), « Victim-oriented measures at international criminal institutions : participation and its pitfalls », International Criminal Review, vol. 12, vol. 3, 2012, pp. 404-406. 1014 Voir par exemple : TODOROV (T.), « Les limites de la justice », op. cit., p. 47 ; CRUVELLIER (T.), Le tribunal des vaincus : un Nuremberg pour le Rwanda ?, Calmann-Lévy, Paris, 2006, 269 p. 1015 Voir supra, chapitre 1. 1016 OSIEL (M.), Juger les crimes de masse, op. cit., pp. 69-98. 256 de l’accusé et se muer en « show trials »1017. La perspective n’est bien évidemment pas envisageable, d’autant que de tels procès feraient de piètres exemples pour leur mission de rétablissement de l’état de droit. La solution restante consisterait à revenir à une vision plus modeste du procès pénal. Mais des procès concernant des crimes de masse, qui plus est lorsqu’ils sont menés par des tribunaux internationaux, soumis à la générosité des donateurs, peuvent-ils se contenter d’une dimension modeste ? L’orientation du droit international pénal vers les victimes est-elle réversible, pour autant qu’elle soit effectivement souhaitable ? Bien que ces questions puissent paraître limitées à une polémique doctrinale, il n’en est rien. Si les juridictions internationales n’ont pas cédé au procès spectacle, le moralisme qui imprègne le jugement des crimes de masse et la justice restauratrice1018 risque de dénaturer la justice pénale pour lui faire endosser la responsabilité de répondre aux attentes des victimes. Parallèlement, le rôle grandissant de la justice internationale pénale au sein de la justice transitionnelle risque également d’irriguer cette dernière par un mode de responsabilité qui ne lui sied que partiellement. Le risque de dénaturation est donc réciproque. §2/Le risque de dénaturation réciproque de la justice internationale pénale et de la justice transitionnelle 406. La justice internationale pénale et la justice transitionnelle sont liées par des liens de filiation. La justice transitionnelle est considérée comme héritière des principes de responsabilité individuelle consacrés à Nuremberg1019, alors que la justice internationale pénale contemporaine s’est développée grâce et suivant l’agenda fixé par l’avènement de la justice transitionnelle au cours des années quatre-vingt-dix. C’est cet agenda qui a permis de placer la victime au centre d’un effort renouvelé de lutte contre l’impunité. Chacun de ces domaines s’est donc appuyé sur le principe fondateur de l’autre pour assurer son développement. 1017 KOSKENNIEMI (M.), « Between impunity and show trials », op. cit., pp. 1-35. Sandrine Lefranc rappelle ainsi l’ancrage religieux des premiers militants de la justice restauratrice. Voir LEFRANC (S.), « La production de nouvelles techniques de pacification : la normalisation internationale des causes locales », in EBERWEIN (W.-D.), SCHEMEIL (Y.), dir., Normer le monde, L’Harmattan, Paris, 2009, pp. 81-85. 1019 Ruti Teitel affirme ainsi que « Nuremberg’s legacy (…) continues to guide our thinking about transitional and post-conflict justice ». TEITEL (R.), « Transitional justice : postwar legacies », Cardozo Law Review, vol. 27, n° 4, 2006, p. 1617. Voir dans le même sens HAZAN (P.), Juger la guerre, juger l’Histoire, op. cit., pp. 17-26. 1018 257 Le problème survient lorsque ce qui était initialement un emprunt vient se substituer au principe fondateur propre à chaque domaine. La moralité dont bénéficie la justice transitionnelle à travers la centralité de la victime présente alors le risque de porter atteinte au respect des droits de l’accusé lorsqu’elle s’applique à la justice internationale pénale (A). Réciproquement, la responsabilité individuelle propre à la justice internationale pénale peut s’avérer excessive pour une justice transitionnelle théoriquement tournée vers les victimes et privilégiant une approche holiste des réponses aux violations massives des droits de l’Homme (B). A) La moralité de la justice transitionnelle et le respect chancelant des principes du droit international pénal 407. De création relativement récente, le droit international pénal se trouve encore dans une phase de formation. L’absence de création de juridictions pénales internationales entre les tribunaux militaires d’après guerre et les TPI a limité le développement d’une jurisprudence et d’une coutume internationales permettant de clarifier les règles et principes applicables dans le contexte particulier de ces juridictions. Le recours aux principes généraux du droit ne permet de pallier cette lacune que de façon imparfaite. Certains principes de droit international pénal, tirés à la fois des principes reconnus par le droit international des droits de l’Homme et des pratiques communes aux États peuvent tout de même être identifiés. Il s’agit principalement, et de façon non exhaustive, du principe nullum crimen nulla poena sine lege, impliquant par exemple la non-rétroactivité de la loi pénale1020, ainsi que d’un ensemble de droits conférés aux accusés durant le procès sous la dénomination globale du droit à un procès équitable. Celui-ci comprend, toujours de façon non exhaustive, le droit à être jugé dans un temps raisonnable, la présomption d’innocence, l’égalité des armes et le droit à être jugé de façon impartiale1021. Or, ces principes ont régulièrement été malmenés par les juridictions internationales pénales. Le contournement du principe de légalité1022 par l’application à certains 1020 CASSESE (A.), International criminal law, op. cit., pp. 36-51. Ibid. pp. 379-394. Voir également ZAPPALA, (S.), « The rights of victims v. the rights of the accused », JICJ, vol. 8, n° 1, 2010, pp. 145-152 ; MACGONIGLE (B.), « Victim-oriented measures at international criminal institutions », op. cit., p. 397. 1022 Dans la mesure où il apparaît évident que le principe de légalité doit être adapté en droit international en un principe de juridicité, générant une adaptation du principe en nullum crimen nulla poena sine jure, et que cette adaptation est aujourd’hui fermement établie, il n’est pas nécessaire d’y revenir ici. De la même façon qu’il a été 1021 258 comportements de qualifications créées ex post facto a préoccupé les juges internationaux dès leur entrée sur la scène de la justice internationale pénale, à Nuremberg, au travers de l’incorporation dans le mandat du tribunal du crime contre l’humanité1023. On a déjà évoqué le maintien de cette pratique à travers l’activisme du Conseil de sécurité dans le développement du droit international pénal coutumier, confinant à une application rétroactive de certaines qualifications1024. Ce n’est donc pas la pratique en elle-même qu’il est nécessaire d’aborder ici, mais sa justification. Dans cette optique, c’est le caractère extrême des crimes, leur immoralité absolue qui impose que leurs responsables fassent l’objet d’un jugement. C’est donc l’idée même de justice qui implique d’apprécier le principe de légalité de façon souple. Citant Hans Kelsen, Noémie Turgis souligne ainsi que : « in all cases where the rule against ex post facto laws comes into consideration in the prosecution of war criminals, we must bear in mind that this rule is to be respected as a principle of justice and that, as pointed out, this principle is frequently in competition with another principle of justice, so that the one must be restricted by the other »1025. Dans ce même article, Hans Kelsen justifie son approche par l’objectif de l’interdiction des lois rétroactives, c'est-à-dire ne pas punir quelqu’un pour un comportement dont il ne pouvait pas connaître le caractère criminel et lui ôter ainsi l’opportunité d’adopter un comportement conforme à la loi1026. Il en découle que le principe de non-rétroactivité ne peut pas trouver à s’appliquer pour des actes dont l’immoralité est si flagrante que leur auteur ne pouvait les penser exclus de toute sanction. On retrouve donc dans ces arguments l’invocation d’un impératif supérieur de justice, qui justifierait le contournement de certains principes pénaux1027. Cependant, on oublie que la question n’est bien souvent pas de savoir si les actes peuvent être sanctionnés, mais sous quelle qualification ils le seront. En droit interne, cette question de « législation internationale », il sera ici question d’un principe de légalité entendu au sens de l’existence préalable de normes de droit international criminalisant certains comportements. 1023 DONNEDIEU DE VABRES (H.), « Le procès de Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international », RCADI, vol. 70, 1947, pp. 505-527. 1024 Voir supra partie 1, titre 2, chapitre 1. 1025 Hans Kelsen, « the rule against ex post facto laws and the prosecution of the axis war criminals », cité in TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., p. 279. 1026 KELSEN (H.), « the rule against ex post facto laws and the prosecution of the axis war criminals », The Judge Advocate Journal, vol. 2, n° 3, 1945, p. 9. 1027 Noémie Turgis justifie cette situation de souplesse juridique, particulièrement devant les juridictions nationales, par l’existence d’un « État de droit transitionnel », fondé sur les particularités des États en transition, notamment lorsque ceux-ci sont confrontés à un ensemble normatif hérité de régimes autoritaires. Voir TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 222-280. 259 question revêt une importance particulière dans la mesure où, à une certaine qualification correspondra une juridiction spécifique (tribunal correctionnel ou cour d’assise par exemple), ainsi qu’une peine encourue. En l’absence d’une pluralité de juridictions et de règle de droit international encadrant les peines prévues pour les crimes internationaux1028, la question de la qualification pourrait perdre de son sens en droit international pénal. Cependant, si tel était le cas, pourquoi alors appliquer à certains actes des qualifications de façon rétroactive ? Il est certain que les atrocités commises par le régime Nazi, pouvaient faire l’objet d’une qualification de crime de guerre. Les juges de Nuremberg n’ont d’ailleurs utilisé celle de crime contre l’humanité que de façon complémentaire à celle-là1029. L’impératif de justice évoqué par Kelsen ne se rapporte donc pas à la volonté de sanctionner l’auteur d’un acte et, par la sanction, de protéger la société de sa future réitération, mais bien à celle d’offrir aux victimes et à la société internationale une forme de reconnaissance des souffrances spécifiques qu’elles ont subies1030. La qualification du crime sert ainsi un objectif fondamentalement réparateur qui justifie l’interprétation souple du principe de légalité, au détriment parfois d’une clarté nécessaire à l’accusé pour assurer sa défense1031. On entrevoit ici les prémices d’une opposition entre l’orientation du procès international vers les victimes et le respect des droits de l’accusé. Car si une interprétation souple du principe de légalité est tolérée, c’est en contrepartie du respect strict par les juridictions internationales des règles du procès équitable. Or, à ce niveau également, le procès international est sujet aux débordements. 408. C’est tout d’abord le contexte de la création des tribunaux internationaux qui met en danger les droits de l’accusé. La charge émotionnelle que comporte inévitablement un procès concernant des crimes de masse confère un poids considérable à la parole des victimes, qui ont ainsi tendance à être sacralisées, au prix parfois de l’attachement des témoignages aux 1028 Soulignons au passage que cette lacune du droit international pénal, due à l’absence, jusqu’à la CPI, de tribunal permanent, contrevient au principe de légalité des peines. Sur cette question, voir SCALIA (D.), Du principe de légalité des peines en droit international pénal, Bruylant, Bruxelles, 2011, pp. 137-230. 1029 DONNEDIEU DE VABRES (H.), « Le procès de Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international », op. cit., pp. 505-527. 1030 Yann Jurovics note d’ailleurs que l’incorporation du crime contre l’humanité dans le statut du Nuremberg a servi à suppléer la qualification de crime de guerre qui était « inapte à traduire [la] spécificité » des crimes commis par le régime Nazi. Voir JUROVICS (Y.), Réflexions sur la spécificité du crime contre l’humanité, thèse de doctorat, LGDJ, Paris, 2002, p. 7. 1031 Claude Jorda reconnaît ainsi que l’application d’un « principe de légalité diluée » devant les TPI implique une certaine incertitude quant à la définition des crimes au sein de laquelle « l’accusé ne s’y retrouve peut-être pas toujours ». JORDA (C.), « Le point de vue juridique », in CASSESE (A.), DELMAS-MARTY (M.), dir., Crimes internationaux et juridictions internationales, op. cit., p. 72. 260 faits qu’ils sont censés contribuer à établir1032. Antoine Garapon note d’ailleurs que la monstruosité même des crimes ainsi que la personnalité des accusés – les principaux responsables – fausse l’impartialité du tribunal, dans la mesure où « [l’acquittement] risque d’apparaître comme un désaveu des victimes »1033. On a pu voir à quel point ce risque pouvait se concrétiser dans le contexte du TPIR, où la pression des victimes était de surcroît soutenue par l’appareil étatique rwandais, dont la coopération avec le Tribunal était indispensable. Le tollé créé par l’annulation des charges retenues contre Jean-Bosco Barayagwiza, l’un des principaux responsables de la sinistre Radio Télévision des Mille Collines, et sa libération subséquente par la Chambre d’appel du TPIR1034 témoigne de la difficulté qu’a éprouvé ce Tribunal à opérer de façon indépendante. Suite aux pressions exercées par le Rwanda pour obtenir la révision de cette décision, pressions accompagnées de menaces, d’ailleurs mises en exécution, de suspendre toute coopération avec le TPIR, la Chambre d’appel a du revenir sur sa décision sur des fondements tout à fait contestables afin d’assurer le jugement de M. Barayagwiza1035. 409. Outre ces éléments étroitement liés au contexte de création des juridictions pénales internationales, il apparaît que ces dernières, bien que consacrant formellement les droits des accusés, n’ont que rarement permis leur réalisation concrète. Certaines juridictions ont ainsi démontré de sérieuses carences dans l’instauration d’une certaine égalité des armes entre le bureau du procureur et la défense. Les Panels Spéciaux créés au Timor Leste sont caricaturaux en la matière, la défense n’ayant bénéficié d’aucun budget pour son fonctionnement, résultant en son incapacité de faire intervenir des témoins en sa faveur1036. 1032 GARAPON (A.), Des crimes qu’on ne peut ni punir ni pardonner, Odile Jacob, Paris, 2002, pp. 170-173. Ibid., p. 175. 1034 TPIR, Affaire ICTR-97-19-AR72, Jean-Bosco Barayagwiza v. the Prosecutor, decision, 3 novembre 1999. L’annulation des charges était due à la violation du droit de l’accusé, entre autres, à être jugé dans un délai raisonnable, du fait notamment de sa détention prolongée préalablement à toute inculpation Voir ibid., §§ 100101. 1035 TPIR, Affaire ICTR-97-19-AR72, Jean-Bosco Barayagwiza v. the Prosecutor, decision (prosecutor’s request for review or reconsideration), 31 mars 2000. Pour une critique de cette décision, voir SUNGA (L.), « Full respect for the rights of suspect, accused and convict : from Nuremberg and Tokyo to the ICC », in HENZELIN (M.), ROTH (R.), dir., Le droit pénal à l’épreuve de l’internationalisation, Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 230233 ; RYNGAERT (C.), « State cooperation with the International Criminal Tribunal for Rwanda », International Criminal Law Review, vol. 13, n° 1, 2013, pp. 129-132. 1036 Sur les dysfonctionnements des Panels Spéciaux en matière de droits de la défense, voir COHEN (D), « Seeking justice on the cheap : is the East Timor tribunal really a model for the future ? », Asia Pacific Issues, n° 61, août 2002, pp. 1-8. 1033 261 Les manques de moyen des bureaux de la défense des TPI, créés tardivement, ont également été dénoncés1037. 410. Ce sont surtout les impacts de l’émergence d’une tendance au sein des juridictions internationales à permettre la participation des victimes aux procès qui causent des inquiétudes pour les droits de la défense. Cette participation est prévue devant le TSL1038 et les CETC1039, ainsi que devant la CPI1040. Ces juridictions prévoient la capacité des parties civiles de formuler des appels contre certaines décisions1041, d’interroger des témoins1042, de présenter des éléments de preuve1043 et des témoins1044 ou encore de plaider1045. Tous ces droits multiplient les actes de procédure et ont tendance à allonger la durée des procès, mettant ainsi en péril le droit des accusés à être jugés dans un délai raisonnable. La multiplication des actes implique également un accroissement conséquent des dossiers à analyser, ce qui creuse l’inégalité entre l’accusation et la défense déjà présente en raison des disparités de moyens humains et financiers existant entre ces deux pôles1046. L’égalité des armes a également été mise en péril par la possibilité pour les parties civiles de présenter des preuves contre l’accusé, obligeant la défense à faire face à plusieurs accusateurs1047. 411. Les éléments présentés ci-dessus montrent que l’attention de plus en plus développée des juridictions pénales internationales aux victimes, impulsée par l’adjonction d’une approche réparatrice de la justice pénale à sa vocation rétributive initiale, présente des risques quant au respect de certains principes du droit pénal et, par extension, quant à la légitimité des poursuites que ces juridictions conduisent. Le risque ne se présente pourtant pas que dans le 1037 SKILBECK (R.), « Building the fourth pillar : defence rights at the Special Court for Sierra Leone », Essex Human Rights Review, vol. 1, n° 1, 2004, pp. 73-74. 1038 Statut du TSL, op. cit., art. 17. 1039 CETC, Règlement de procédure et de preuve, règle 23 et s. 1040 La question de la CPI ne sera traitée que de façon accessoire ici dans la mesure où sa création a été détachée du cadre onusien. 1041 CETC, Règlement de procédure et de preuve, règle 105 al. 1 c) ; TSL règlement de procédure et de preuve, art. 177 A) al 1. 1042 CETC, Règlement de procédure et de preuve, règle 91 al. 2 ; TSL, règlement de procédure et de preuve, art. 87 (B). 1043 TSL, règlement de procédure et de preuve, art. 146 (B) ii. 1044 CETC, Règlement de procédure et de preuve, règle 80 al. 2, TSL, règlement de procédure et de preuve, art. 87 (B) et 147 (B) 1045 CETC, Règlement de procédure et de preuve, règle 94 al 1. a) ; TSL, règlement de procédure et de preuve, art. 147. 1046 MACGONIGLE (B.), « Victim-oriented measures at international criminal institutions », op. cit., pp. 398399. 1047 Pour ce risque tel que présent devant les CETC et la CPI, voir ibid., pp. 402-403. Pour son occurrence devant le TSL, voir DE HEMPTINNE (J), « Challenges raised by victim participation in the proceedings of the Special tribunal for Lebannon », JICJ, vol. 8, n° 1, 2010, p. 168. 262 seul sens d’une altération du procès pénal international par son intégration de principes issus d’une vision réparatrice de la justice transitionnelle. Cette dernière est également impactée par le développement d’une approche de plus en plus pénaliste des violations passées. B) La justice pénale internationale et l’individualisation excessive de la responsabilité au sein de la justice transitionnelle 412. La justice transitionnelle s’est focalisée sur une approche individuelle de la responsabilité. À cet égard, elle se revendique de l’héritage de Nuremberg et de la consécration de la responsabilité pénale individuelle comme réponse privilégiée aux crimes de masse1048. À l’instar de la justice internationale pénale, la justice transitionnelle met l’accent sur le fait que « ce sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s’impose, comme sanction du droit international »1049. Traumatisée par les effets désastreux du traité de Versailles, la communauté internationale a opté, avec les procès de Nuremberg, pour un rejet de l’imposition d’une responsabilité collective à l’Allemagne1050. Les TPI et l’ensemble des juridictions pénales internationales suivront ce modèle. Outre la limitation des instruments de clémence – amnisties, grâces, prescription – qui a déjà été abordée1051, qu’implique l’orientation pénaliste de la justice transitionnelle, celle-ci a pour objectif assumé de rejeter la responsabilité collective, notamment au travers de sa manifestation la plus classique, c’est-à-dire la responsabilité de l’État. Or, cette exclusion peine aujourd’hui à se justifier. 413. Du point de vue des objectifs de la justice transitionnelle, la responsabilité individuelle est considérée comme permettant la réconciliation nationale, contrairement à la responsabilité collective et étatique dont les effets d’exacerbation des tensions seraient à redouter1052. Nous avons pourtant vu que les juridictions internationales pénales présentent un bilan mitigé en termes de réconciliation et que leurs jugements ont fait l’objet d’instrumentalisations à des 1048 FLETCHER (L. E.), « A wolf in sheep’s clothing ? Transitional justice and the effacement of state accountability for international crimes », Fordham International Law Journal, vol. 39, n° 3, 2016, pp. 481-496. 1049 Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal Militaire International. Nuremberg 14 novembre 1945 - 1er octobre 1946, documents officiels, Nuremberg, 1947, Tome 1, p. 235. 1050 MOHAMED (S.), « A neglected option : the contributions of state responsibility for genocide to transitional justice », University of Colorado Law Review, vol. 80, n° 2, 2009, pp. 355-356. Voir également SIMPSON (G.), « Men and abstract entities : individual responsibility and collective guilt in international criminal law », in VAN DER WILT (H.), NOLLKAEMPER (A.), dir., System criminality in international law, Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni, 2009, pp. 79-80. 1051 Supra, partie 1, titre 2, chapitre 1. 1052 MOHAMED (S.), « A neglected option », op. cit., p. 129. 263 fins nationalistes. De plus, les États soumis à la compétence de mécanismes régionaux de protection des droits de l’Homme, telles la CEDH ou la CIADH, peuvent déjà voir leur responsabilité engagée devant ces juridictions, parfois sur des motifs extrêmement graves, telles des pratiques de tortures1053 ou de disparitions forcées1054. Or, les décisions de ces cours ne semblent pas générer de troubles particuliers dans les États qui en sont l’objet. 414. Même dans un contexte interétatique, la crainte de l’exacerbation des tensions ne semble pas se concrétiser. L’arrêt de la CIJ reconnaissant la responsabilité de la Serbie dans le génocide de Srebrenica, pour ne pas avoir rempli son obligation de prévention et de répression1055, n’a pas provoqué de reprise des hostilités dans les Balkans. On peut également rappeler que l’Allemagne a fait l’objet d’un ensemble de mesures autres que le jugement des criminels nazis au sortir de la deuxième guerre mondiale, qu’il s’agisse des réformes institutionnelles et économiques exigées par l’accord de Potsdam1056 ou des réparations dues à Israël et aux victimes juives de la Shoah en conformité avec l’accord de Luxembourg de 19521057. Devant la CEDH, des affaires aussi sensibles que le massacre de Katyn ont bénéficié d’un écho qui leur avait été refusé jusque-là1058. Il semblerait donc que les craintes liées au caractère déstabilisateur de la responsabilité étatique pour des faits constitutifs de crimes 1053 Voir par exemple : CEDH, Grande Chambre, Affaire El Masri c. Ex République Yougoslave de Macédoine, requête n° 39630/09, 13 décembre 2012 ; CIADH, Ruano Torres et al. v. El Salvador, séries C No. 303, 5 octobre 2015. 1054 Voir par exemple : CEDH, Affaire Aziyevy c. Russie, requête n° 77626/01, 20 mars 2008 ; CIADH, Peasant Community of Santa Barbara v. Peru, séries C No. 299, 1er septembre 2015. 1055 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, CIJ, Recueil 2007, p. 43. 1056 Les principes issus de l’accord de Potsdam insistaient en effet sur la culpabilité du peuple Allemand. Le principe 3 (ii) disposait que l’occupation de l’Allemagne devait servir à « convince the German people that they have suffered a total military defeat and that they cannot escape responsibility for what they have brought upon themselves, since their own ruthless warfare and the fanatical Nazi resistance have destroyed German economy and made chaos and suffering inevitable. » Accord de Potsdam, 1er août 1945, Partie II, A, principe 3 (ii). Le même accord prévoyait également « [the] complete disarmament and demilitarization of Germany and the elimination or control of all German industry that could be used for military production. » Ibid., principe 3 (i). 1057 Voir « Agreement between the state of Israel and the Federal Republic of Germany », Luxembourg, 10 septembre 1952, RTNU, vol. 162, 1953, p. 205. Par cet accord, l’Allemagne acceptait de verser une somme de 450 millions de Deutsche Mark pour l’aide à l’installation en Israël des réfugiés juifs ainsi qu’une somme de 3 milliards de Deutsche Mark en compensation des souffrances infligées aux populations juives. Ibid., articles 2 et 1. Voir sur cette question : ARMSTRONG (A.), COLONOMOS (A.), « German reparations to the jews after World War II : a turning point in the history of reparations », in DE GREIFF (P.), dir., The handbook of reparations, Oxford University Press, Oxford, 2006, pp. 399-402. 1058 Ce massacre fait référence à l’exécution de plus de 20 000 hommes polonais, dont un grand nombre d’officiers, sur ordre de Staline, en 1940. La Russie a longtemps nié son implication dans ce massacre, l’attribuant à l’Allemagne et a toujours refusé de conduire des enquêtes. La CEDH n’a toutefois pas pu condamner la Russie, si ce n’est pour son refus de coopérer avec la Cour, en raison de l’antériorité des faits visà-vis de l’entrée en vigueur de la Convention EDH. Voir CEDH, Grande Chambre, Affaire Janowiec et autres c. Russie, Requêtes n° 55508/07 et 29520/09, 21 octobre 2013. Voir également EUDES (M.), « L’affaire ‘Katyn’ dans le prétoire de la Cour européenne des droits de l’homme : l’un des plus grands crimes de l’histoire enfin jugé », AFDI, vol. 58, 2012, pp. 679-698. 264 internationaux, bien que non soumis à cette qualification, ne soient pas fondées empiriquement. 415. On peut également s’étonner de la réticence des acteurs de la justice transitionnelle à reconnaître les bénéfices potentiels de la responsabilité étatique alors même que les excuses publiques, formulées par les chefs d’États pour reconnaître le rôle de l’État dans certains évènements tragiques, font partie des modalités de réparation que ces mêmes acteurs préconisent1059. Certes, les excuses publiques ne représentent pas une reconnaissance de responsabilité au sens légal du terme. Elles sont tout de même une forme de reconnaissance d’une responsabilité, morale ou politique, de l’État. 416. Il reste que, en l’état, le droit international est peu adapté à la reconnaissance d’une responsabilité étatique pour la commission de crimes internationaux1060. Le droit international pénal y est, de façon évidente, étranger et le régime des droits de l’Homme ne représente qu’un substitut imparfait. Alors que ce régime permet l’engagement de la responsabilité de l’État soit vis-à-vis de ses ressortissants, notamment dans le cadre des systèmes régionaux de protection des droits de l’Homme, soit vis-à-vis de la communauté internationale, notamment dans le cadre de certaines obligations considérées comme ayant une portée erga omnes, il présente plusieurs limites lorsque confronté au traitement des crimes de masse. La première tient en l’absence de la qualification même de comportements en crimes internationaux dans les instruments internationaux ou régionaux de protection des droits de l’Homme. Si la spécificité de certains crimes est bien relevée par les cours régionales, ces qualifications ne peuvent être retenues comme fondement de la responsabilité étatique. L’exemple du traitement par la CIADH du massacre du Plan de Sanchez, est représentatif de cette limite. Confrontée à un massacre de membres de la communauté maya par des forces militaires et paramilitaires guatémaltèques, la Cour a du reconnaître que : « [with] respect to the issue of genocide mentioned both by the Commission and by the representatives of the victims and their next of kin, the Court notes that in adjudicatory matters it is only competent to find violations of the American Convention on Human Rights and of other instruments of the inter-American 1059 Voir par exemple HCDH, HR/PUB/08/1, « Programmes de réparation », op. cit., p. 25 ; A/RES/60/147 (2005), « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire », op. cit., § 22 (e) ; Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, UN Doc. A/69/518, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de nonrépétition, op. cit., § 39. 1060 TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 179-182. 265 system for the protection of human rights that enable it to do so. Nevertheless, facts such as those stated, which gravely affected the members of the Maya achí people in their identity and values and that took place within a pattern of massacres, constitute an aggravated impact that entails international responsibility of the State, which this Court will take into account when it decides on reparations. »1061 Il faut noter que la commission vérité du Guatemala avait, dans son rapport, qualifié d’actes de génocide certains massacres commis à l’encontre des populations maya1062, crime pour lequel Rios Montt, à la tête du Guatemala lors du massacre de Plan de Sanchez, a été condamné en 20131063. Malgré les efforts de la CIADH pour retenir une responsabilité aggravée de l’État, son incapacité à user d’une qualification qu’elle semble elle-même juger appropriée souligne les limites de l’approche de la responsabilité fondée sur les droits de l’Homme. Or, nous avons déjà vu à propos de la justice pénale internationale l’importance, même symbolique, que revêt la qualification du comportement. 417. La question des réparations est également une limite importante des mécanismes régionaux de protection des droits de l’Homme. La compétence de la CEDH en la matière est restreinte à une « satisfaction équitable »1064 prononcée « si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation »1065. Elle se résume généralement aux réparations pécuniaires, excluant les mesures symboliques ou/et collectives. De plus, la CEDH est traditionnellement réticente, notamment du fait de la subsidiarité qui la caractérise1066, à ordonner des mesures spécifiques de réparation aux États, qui demeurent libres dans les moyens choisis pour se conformer aux constatations de la Cour. Notons tout de même qu’une évolution est visible dans la jurisprudence de la CEDH, qui 1061 Plan de Sanchez Massacre v. Guatemala, séries C No. 105, 29 avril 2004, § 51. Voir également les commentaires sur cette affaire par le Juge Cançado Trindade : CANÇADO TRINDADE (A.), « Complementarity between state responsibility and individual responsibility », op. cit., pp. 254-255. 1062 CEH, UN Doc. A/53/928, Annexe, « Guatemala memory of silence », 27 avril 1999, pp. 25-28. 1063 La condamnation de Efrain Rios Montt a été annulée par la Cour constitutionnelle du Guatemala en 2015. Il est décédé en 2018 avant la tenue d’un nouveau procès. Voir le récapitulatif des faits et des procédures sur le site de l’ONG TRIAL International : www.trialinternational.org. 1064 Conv. EDH, op. cit., art. 41. 1065 Ibid. 1066 SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l’homme, 12e éd., PUF, Paris, 2015, pp. 190-191. 266 accepte désormais, selon la nature de la violation, d’ordonner certaines mesures individuelles1067 ainsi que, dans le cadre des arrêts pilotes, des mesures générales1068. La Cour interaméricaine est bien plus libre à cet égard. L’article 63 de la Convention américaine des droits de l’homme prévoit que, en cas de constatation de la violation de l’une de ses dispositions par un État partie, la Cour « shall also rule, if appropriate, that the consequences of the measure or situation that constituted the breach of such right or freedom be remedied and that fair compensation be paid to the injured party. »1069 Conformément à cette prérogative ainsi qu’à une jurisprudence progressiste en la matière, la CIADH a développé une pratique favorisant les mesures de réparations symboliques et collectives1070. La Cour a pu ainsi ordonner la pose de plaques commémoratives au nom des victimes1071 ou encore la réouverture d’une école et d’un centre de santé dans la communauté victime de violations graves des droits de l’Homme1072. Malgré l’intérêt que présente l’approche du système interaméricain de protection des droits de l’Homme pour l’engagement de la responsabilité de l’État dans le cas de violations graves, celle-ci demeure limitée par son 1067 Voir les arrêts cités in SUDRE (F.), dir., Les grands arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, 8e éd., PUF, Paris, 2017, p. 928. Voir également COLANDREA (V.), « On the power of the European Court of Human Rights to order specific non-monetary measures : some remarks in light of the Assanidze, Broniowski and Sejdovic cases », Human Rights Law Review, vol. 7, n° 2, 2007, pp. 396-411. Les mesures en question sont toutefois très limitées. Dans le cas de l’affaire Assanidzé, la Cour a demandé à la Géorgie « la remise en liberté du requérant dans les plus brefs délais ». CEDH, Grande Chambre, Affaire Assanidzé c. Géorgie, requête n° 71503/01, 8 avril 2004, dispositif, § 14. 1. 1068 La procédure de l’arrêt pilote est utilisée lorsqu’une multitude de requêtes ont pour fondement une même défaillance structurelle dans le système interne d’un État partie. La Cour suspend alors les requêtes et recommande, dans un arrêt pilote, des mesures visant à régler cette défaillance. Dans l’arrêt Broniowski c. Pologne, initiateur de cette procédure, la Cour a constaté que la violation de l’article 1 du protocole 1(droit de propriété) était due à « un problème structurel lié au dysfonctionnement de la législation et de la pratique internes occasionné par l'absence d'un mécanisme effectif visant à mettre en œuvre le ‘droit à être crédité’ des demandeurs concernés par des biens abandonnés au-delà du Boug » et a ainsi enjoint la Pologne à « garantir, par des mesures légales et des pratiques administratives appropriées, la mise en œuvre du droit patrimonial en question pour les autres demandeurs concernés ». Voir CEDH, Grande Chambre, Affaire Broniowski c. Pologne, Requête n° 31443/96, 22 juin 2004, dispositif, §§ 3 et 4. Voir également l’article 61 du Règlement de la Cour encadrant, depuis 2011, la procédure de l’arrêt pilote. 1069 Convention américaine des droits de l’homme, San Jose, Costa Rica, 22 novembre 1969, art. 63. 1070 Voir l’étude des différents types de réparation octroyés par la Cour in CASSEL (D.), « The expanding scope and impact of reparations awarded by the Inter-American Court of Human Rights », in DE FEYTER et al., dir., Out of the ashes, reparation for victims of gross and systematic human rights violations, Intersentia Publishers, Mortsel, 2005, pp. 91-107. Voir également NEEDHAM (A.), « Reparations to victims and families of victims : the progressive nature of international human rights courts », Bristol Law Review, vol. 2016, pp. 33-42. 1071 CIADH, “Street children” (Villagran-Morales et al.) v. Guatemala (reparations and costs), Séries C No. 77, 26 mai 2001. 1072 CIADH, Aloeboetoe et al. v. Suriname (reparations and costs), séries C No. 15, 10 septembre 1993. 267 application géographique. De plus, l’approche des droits de l’Homme est centrée sur la réparation du préjudice et élude la notion de sanction propre à une approche plus pénaliste1073. 418. L’approche pénaliste se retrouve dans la responsabilité internationale de l’État. La disparition de la notion de crime international, consacrée au sein du projet d’article de la CDI portant sur la responsabilité des États et adopté en première lecture en 19961074, dans le projet d’article définitivement adopté en 20021075 ne doit pas être perçue comme un abandon de cette approche. La hiérarchisation des comportements illicites qu’impliquait la distinction initiale entre les délits et les crimes internationaux n’a pas disparu du projet d’articles. Le chapitre III du projet est ainsi consacré aux « violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit international général »1076. La proximité de la notion initiale de crime1077 et de celle de norme impérative du droit international général avait déjà été relevée1078, si bien que la différence de nature entre les violations d’obligations simples du droit international et celles qui constitueraient des violations graves de normes impératives ne semble pas représenter un recul significatif par rapport à celle ayant pu exister entre les délits et les crimes internationaux. Cela est confirmé par le fait que les exemples donnés par la CDI dans le commentaire de l’article 40 concernent essentiellement des actes qualifiés de crimes internationaux par le droit international pénal1079. 1073 Voir FLETCHER (L. E.), « A wolf in sheep’s clothing », op. cit., p. 502. Le juge Cançado Trindade considère pour sa part que la pratique des réparations du système interaméricain de protection des droits de l’Homme s’apparente de facto à un régime de sanction à travers des mesures équivalentes à des dommages et intérêts punitifs. Voir CANÇADO TRINDADE (A.), « Complementarity between state responsibility and individual responsibility for grave violations of human rights : the crime of state revisited », in RAGAZZI (M.), dir., International responsibility today. Essays in memory of Oscar Schashter, Martinus Nijhoff, Leiden, 2005, p. 267. 1074 CDI, Projet d’articles sur la responsabilité des États et commentaires y relatifs adoptés par la Commission du droit international en première lecture, janvier 1997, art. 19. 1075 CDI, UN Doc. A/RES/56/83, annexe, Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, op. cit. 1076 Ibid., Chapitre III. 1077 L’article 19 du projet d’articles de 1996 définissait le crime international comme un « fait internationalement illicite qui résulte d’une violation par un État d’une obligation internationale si essentielle pour la sauvegarde d’intérêts fondamentaux de la communauté internationale que sa violation est reconnue comme un crime par cette communauté dans son ensemble ». CDI, Projet d’articles sur la responsabilité des États et commentaires y relatifs, janvier 1997, op. cit., art. 19. 1078 Alain Pellet se demandait à ce sujet « s’il ne serait pas plus simple de définir le crime international comme la violation d’une norme impérative du droit international général, tant est évidente la parenté entre les deux notions ». Voir PELLET (A.), « Vive le crime ! Remarques sur les degrés de l’illicite en droit international », in Commission du droit international, Le droit international à l’aube du XXIe siècle : réflexions de codificateurs, Nations Unies, New York, 1997, p. 296. 1079 On retrouve par exemple l’agression, le génocide et l’apartheid. Par ailleurs, le recours à l’exemple de la discrimination raciale, lorsqu’elle n’est pas constitutive d’un crime d’apartheid, laisse à penser que les violations graves de l’article 40 pourraient dépasser le cadre des crimes internationaux. Voir CDI, UN Doc. A/RES/56/83, annexe, Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, op. cit., pp. 305-307. 268 419. Si la notion de crime, tout comme celle de responsabilité pénale, dérangent le juriste internationaliste pour leur apparente transposition en droit international de concepts propres au droit interne, leur abandon dépossèderait la justice transitionnelle d’instruments importants de la lutte contre l’impunité. De plus, il reviendrait à ignorer l’une des caractéristiques principales des crimes internationaux, qui est que ceux-ci sont régulièrement, voire systématiquement pour le cas du crime d’agression, commis par, ou avec le soutien de, l’appareil étatique. Ce lien est d’ailleurs largement reconnu, tant par la Cour internationale de justice lorsqu’elle relève la « dualité » de la responsabilité concernant le génocide1080, que par la CPI, dont le statut précise qu’aucune disposition concernant la responsabilité pénale individuelle « n’affecte la responsabilité des États en droit international. »1081 Le rapprochement entre les individus qui commettent les crimes internationaux et l’appareil étatique utilisé pour les commettre est ainsi largement accepté. Il permet de relativiser la vision d’une responsabilité étatique imposant un blâme collectif sur la population de l’État dont la responsabilité est engagée. Dans la mesure où ce sont bien souvent les actes d’individus œuvrant, en leur qualité officielle, au nom de l’État qui constituent le crime étatique, ce sont alors les institutions étatiques, détachables de la notion bien plus large de citoyenneté, qui sont mises en cause1082. Partant, un écart aussi grand que celui existant entre une obligation de réparation à la charge de l’État et la stigmatisation d’une condamnation pénale des agents ayant commis des crimes internationaux en son nom paraît étrange. Elle l’est d’autant plus que la pratique internationale ne va pas exclusivement dans le sens d’une obligation de l’État limitée à la réparation. 420. Le projet d’article de la CDI sur la responsabilité de l’État pourrait laisser à penser que les conséquences de la commission d’un crime international (violation grave d’une norme impérative) sont relativement minimes. Seules sont ajoutées, par rapport au régime de responsabilité survenant pour des violations simples, l’obligation des États de coopérer pour mettre fin à la violation1083 et l’obligation de non-reconnaissance1084. D’autres pratiques ont pourtant existé, qu’il s’agisse d’accords internationaux tel l’accord de Potsdam, ou de mesures 1080 CIJ, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 2007, op. cit., § 173. 1081 Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 25. 4. Voir également sur ce sujet DUPUY (P.-M.), « Crime sans châtiment ou mission accomplie ? », RGDIP, vol. 111, n° 2, 2007, p. 246. 1082 MOHAMED (S.), « A neglected option », op. cit., pp. 384-386 ; TURGIS (N), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., pp. 185-186. 1083 CDI, UN Doc. A/RES/56/83, annexe, Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, op. cit., art. 41 al. 1. 1084 Ibid., art. 41 al. 2. 269 imposées par le Conseil de sécurité, telles celles adoptées contre l’Irak à la suite de la deuxième guerre du Golfe, par le biais de la résolution 687 (1991). Les mesures d’embargo sur l’armement1085, de réparations1086 ou encore d’obligation de promesse de ne pas recourir au terrorisme1087 s’apparentent autant à des réparations qu’à des sanctions, tant pécuniaires que symboliques. Il a ainsi pu être dit que l’Iraq avait été, par cette résolution, criminalisé1088. 421. Les mesures adoptées contre l’Irak, contre l’Allemagne ou appliquées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme peuvent difficilement être considérées comme faisant partie du droit international positif relatif à la responsabilité de l’État1089. Il faut toutefois rappeler que les crimes internationaux et leur répression par des juridictions internationales pénales n’étaient pas intégrés à ce droit lorsqu’ont été conduits les procès de Nuremberg et de Tokyo. Il est certain que la justice transitionnelle et la justice internationale pénale ont joué un rôle d’entraînement mutuel, menant à un développement impressionnant de chacune d’entre elles. L’ignorance de la responsabilité étatique par la justice transitionnelle ne peut alors que freiner, ou en tous cas priver d’une impulsion importante, le développement de cette responsabilité. De plus, la justice transitionnelle prendrait alors le risque de s’enfermer dans une posture individualiste ce qui, d’une part, la priverait de mécanismes potentiellement efficaces de lutte contre l’impunité et, d’autre part, serait incompatible avec l’approche holiste que l’ONU a choisi d’adopter à son égard. Section II Les réticences du Conseil de sécurité face à la justice internationale pénale 422. La lutte contre l’impunité pénale représente un outil de plus à la disposition du Conseil de sécurité pour accomplir sa mission de maintien, de rétablissement ou de consolidation de la paix et de la sécurité internationales. La création par cet organe des TPI sur le fondement du Chapitre 7 de la Charte ne laisse aucun doute à cet égard. Les déclarations du Conseil affirmant « qu’il est indispensable de mettre fin au règne de l’impunité »1090 pour éviter la 1085 S/RES/687 (1993), § 24 a). Ibid., §§ 16-19. 1087 Ibid., § 32. 1088 SIMPSON (G.), « Men and abstract entities », op. cit., p. 85 ; GATTINI (A.), « A historical perspective : from collective to individual responsibility and back », in VAN DER WILT (H.), NOLLKAEMPER (A.), dir., System criminality in international law, op. cit., pp. 118-120. 1089 TURGIS (N.), La justice transitionnelle en droit international, op. cit., p. 182. 1090 S/RES/1960 (2010) (nous soulignons). 1086 270 résurgence des conflits ne doivent pas tromper sur la place de cette lutte au sein de l’arsenal de moyens auxquels le Conseil peut recourir pour atteindre ses objectifs. La lutte contre l’impunité n’est que l’un d’entre eux et, conformément au caractère politique de l’organe onusien, n’est utilisé que dans la mesure où le Conseil l’estime propre à atteindre ses fins. Pierre Hazan a parfaitement illustré cette instrumentalisation de la lutte contre l’impunité au travers de la création du TPIY, tour à tour soutenu puis mis à l’écart par le Conseil au gré des négociations de paix entre ses membres permanents et Milosevic1091. Le fait que la lutte contre l’impunité pénale soit un outil implique un maintien par le Conseil de sécurité d’un certain degré de contrôle sur son utilisation. Celui-ci s’effectue alors de deux manières. D’une part, le Conseil maîtrise, dans une certaine mesure, l’opportunité de l’action pénale. Ceci signifie qu’il peut considérer que celle-ci n’est pas souhaitable et empêcher son déclenchement, démontrant alors la persistance du dilemme entre la paix et la justice (§ 1). D’autre part, une fois l’action déclenchée, le Conseil maintient un certain contrôle sur son efficacité, notamment par le biais de son pouvoir d’ordonner aux États de coopérer avec les juridictions. On observe cependant qu’à cet égard, le Conseil de sécurité fait preuve d’un engagement minimal (§ 2). §1/La question de l’opportunité de l’action pénale : la persistance du dilemme entre paix et justice 423. On a déjà évoqué le dépassement théorique du dilemme entre paix et justice par les acteurs onusiens dans le cadre de la justice transitionnelle1092. La pratique, tant de l’ONU que du reste de la communauté internationale, tend pourtant à montrer que la justice pénale est encore régulièrement considérée comme présentant un risque pour la paix. Cette conflictualité des deux notions a d’ailleurs été consacrée au sein du Statut de Rome de la CPI. L’article 16 de ce statut prévoit que : « [aucune] enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées en vertu du présent Statut pendant les douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens à la Cour dans une résolution 1091 1092 HAZAN (P.), La justice face à la guerre, op. cit. Supra, partie 1, titre 1, chapitre 2. 271 adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ; la demande peut être renouvelée par le Conseil dans les mêmes conditions. »1093 La référence au Chapitre 7 de la Charte implique donc une reconnaissance d’une potentielle incompatibilité de poursuites engagées par la CPI et du maintien de la paix et de la sécurité internationales, seul critère justifiant le recours à ce chapitre. Cet article montre les inquiétudes ressenties par les rédacteurs du Statut quant aux effets potentiellement néfastes de poursuites pénales sur les négociations de paix. Cette vision représente d’ailleurs un glissement de l’intention originelle de cette disposition, telle qu’elle apparaissait dans le projet de statut d’une cour criminelle internationale élaboré par la CDI en 19951094. L’article 23 al. 3 de ce projet prévoyait que : « [aucune] poursuite ne peut être engagée en vertu du présent statut à raison d’une situation dont le Conseil de sécurité traite en tant que menace contre la paix ou rupture de la paix ou acte d’agression aux termes du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, à moins que le Conseil de sécurité n’en décide autrement »1095. Cette formulation témoignait plus d’un souci de coordination de deux institutions susceptibles d’agir dans des contextes similaires que d’une crainte des effets de l’engagement de poursuites pénales sur des processus de paix. Cette formulation était d’ailleurs en partie fondée sur l’article 12 al. 1 de la Charte des Nations Unies interdisant à l’Assemblée générale de se prononcer sur tout différend ou situation faisant l’objet de l’attention du Conseil1096. Outre l’évolution bienvenue d’une interdiction de principe d’exercice de la compétence de la CPI à une interdiction exceptionnelle nécessitant l’adoption d’une résolution dans ce sens par le Conseil de sécurité – impliquant une exposition politique de ce dernier ainsi que le dépassement des vetos potentiels – c’est bien à un changement de philosophie qu’il a été procédé. La demande de l’Union Africaine de mise en œuvre de l’article 16 illustre d’ailleurs bien la nouvelle philosophie de cet article et de son lien avec le dilemme entre paix et justice. 1093 Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 16. Voir CDI, UN Doc. A/49/10, Rapport de la Commission du Droit International sur les travaux de sa quarante-sixième session, 2mai-22 juillet 1994, 1er septembre 1994 [présentant le projet de statut pour une cour criminelle internationale ; ci-après : CDI, UN Doc. A/49/10, projet de statut pour une cour criminelle internationale], art. 23 al 3. 1095 Ibid., p. 91. 1096 Voir le commentaire de la CDI sur cet article in ibid., p. 92. Voir également le rappel de l’historique de cet article in AMBOS (K.), TRIFFTERER (O.), dir., The Rome statute of the International Criminal Court, op. cit., pp. 770-775. 1094 272 Le communiqué adopté par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA au soutien de cette demande repose en effet sur « the need to ensure that the ongoing peace efforts are not jeopardized »1097. Le Conseil de sécurité n’a pas donné suite à cette demande. Les seuls recours qu’il a eu à l’article 16 n’ont d’ailleurs pas concerné la protection d’efforts de paix mais plutôt celle des agents de maintien de la paix1098. Il a tout de même exprimé une certaine sympathie à l’égard de la demande de l’Union Africaine. La résolution 1828 (2008), portant sur la situation au Soudan, illustre à cet égard toute l’ambigüité du Conseil vis-à-vis du dilemme entre la paix et la justice. Il commence par souligner « la nécessité de traduire en justice les auteurs de ces crimes »1099 puis souligne qu’il « [garde] à l’esprit les préoccupations exprimées par certains [des membres de l’UA] au sujet de l’évolution potentielle de la situation suite à la demande formulée par le Procureur de la Cour pénale internationale »1100 d’arrêter Omar Al Bashir. Il en ressort que « la volonté de lutter contre l’impunité et de soutenir éventuellement la Cour (…) est immédiatement minorée par la considération des obstacles que cette juridiction pourrait dresser à l’encontre de la pacification de la région. »1101 424. On peut comprendre, dans une certaine mesure, que le Conseil de sécurité n’adhère qu’avec réserves à la doctrine considérant qu’il ne peut y avoir de paix sans justice. En tant qu’organe politique, il doit également répondre à certains impératifs d’ordre politiques, auxquels sa mission de maintien de la paix et de la sécurité l’expose nécessairement. Il est plus critiquable de voir ce même Conseil créer des juridictions pénales ou participer à l’initiation de poursuites internationales auxquelles il refuse, par la suite, d’apporter son soutien. C’est pourtant bien cette attitude qu’adopte le Conseil de sécurité lorsque les juridictions pénales internationales se retrouvent confrontées à la difficulté d’obtenir la coopération des États. C’est alors l’efficacité de l’action pénale qu’il met en péril. 1097 UA, Conseil de Paix et de Sécurité, Communiqué, PSCC/MIN/COMM(CXLII) Rev.1, 21 juillet 2008, § 11. 1. Voir l’analyse des arguments avancés par le PSC in FALKOWSKA (M.), VERDEBOUT (A.), « L’opposition de l’Union Africaine aux poursuites contre Omar Al BAshir. Analyse des arguments juridiques avancés pour entraver le travail de la Cour Pénale International et leur expression sur le terrain de la coopération », RBDI, 2012/1, pp. 201-236. 1098 Ce point fait l’objet de plus amples développements plus loin et ne sera donc pas traité ici. Voir infra, titre 2, chapitre 2. 1099 S/RES/1828 (2008), préambule. 1100 Ibid. 1101 UBEDA-SAILLARD (M.), La coopération des États avec les juridictions pénales internationales, op. cit., p. 502. 273 §2/Un engagement minimal pour l’efficacité de l’action pénale : le cas des garanties de coopération des États 425. Exerçant leur compétence « sans bras ni jambes »1102, les juridictions pénales internationales et hybrides dépendent de la coopération des États pour garantir l’efficacité de leur travail. Cette coopération peut concerner divers domaines, telles la transmission de documents ou la délivrance de visas pour l’accomplissement par les acteurs du procès, qu’il s’agisse du procureur ou de la défense, de certains actes d’enquête. Elle touche au cœur du travail de ces tribunaux lorsqu’elle concerne l’arrestation et la remise des accusés. Deux modèles de coopération sont habituellement distingués, l’un vertical, l’autre horizontal. Le premier se caractérise par l’imposition, de façon supranationale, d’une obligation de coopérer à destination des États. Cette méthode présente donc un dépassement du consentement des États. Le second consiste en l’acceptation par les États eux-mêmes de se soumettre à une obligation de coopération, selon la technique volontariste classique du droit international1103. L’analyse des juridictions pénales créées avec le soutien de l’ONU fait apparaître l’abandon de la verticalité qui caractérisait l’obligation de coopération des États sous le régime des TPI, au bénéfice d’un modèle plus horizontal (A). Si cette évolution ne saurait s’interpréter en elle-même comme un désengagement néfaste à l’efficacité des juridictions internationales pénales, c’est en revanche le cas en ce qui concerne l’(in)action du Conseil vis-à-vis des violations de l’obligation de coopérer. Investi d’un pouvoir de sanction de cette violation, la réticence du Conseil à en faire usage ne peut qu’être condamnée (B). 1102 CASSESE (A.), « On the current trends towards criminal punishment of breaches of international humanitarian law », EJIL, vol. 9 n° 1, 1998, p. 13. 1103 Sur la distinction entre les modèles vertical et horizontal, voir notamment CASSESE (A.), International criminal law, op. cit., pp. 346-347 ; TPIY, Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, Arrêt relatif a la requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la décision de la chambre de première instance ii rendue le 18 juillet 1997, affaire n° IT-95-14, arrêt du 29 octobre 1997, §§ 47 et 54 et UBEDA-SAILLARD (M.), La coopération des États avec les juridictions pénales internationales, op. cit., pp. 10-40. 274 A) L’abandon compréhensible du modèle vertical de coopération 426. Les TPI consacraient une verticalité absolue de l’obligation de coopération des États. Celle-ci ressortait tant de leurs statuts que de leur mode de création. Concernant les premiers, l’article 29 du statut du TPIY repris mutatis mutandis à l’article 28 de celui du TPIR, dispose que « [les] États collaborent avec le Tribunal », sans distinctions quant aux États concernés ou la matière dans laquelle la collaboration serait requise. La portée de cette obligation a été confirmée par les dispositions adoptées au sein des résolutions 827 et 955 du Conseil de sécurité, créant respectivement le TPIY et le TPIR et au sein desquelles le Conseil de sécurité : « [décide] que tous les États apporteront leur pleine coopération au Tribunal international et à ses organes, conformément à la présente résolution et au Statut du Tribunal international, et qu’ils prendront toutes mesures nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application les dispositions de la présente résolution et du Statut, y compris l’obligation faite aux États de donner suite aux demandes d’assistance ou aux ordonnances émanant d’une Chambre de première instance »1104. 427. L’adoption des statuts des TPI par résolution du Conseil de sécurité, fondée qui plus est sur le Chapitre 7 de la Charte, conférait à ces Tribunaux et à leurs décisions une autorité tout à fait exceptionnelle, dont l’étendue ne connaissait que peu de limites. Dans la mesure où les ordres adressés par les Tribunaux aux États sont « considérés comme donnant effet à une mesure coercitive relevant du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies »1105, la verticalité issue des résolutions 827 et 955 fonde « un nombre quasi illimité d’obligations subséquentes, définies autoritairement non plus par le Conseil de sécurité mais par le juge international et considérée comme des mesures d’exécution du Chapitre VII, bénéficiant à ce titre de l’application de ce corpus de règles dérogatoires »1106. La verticalité du système de coopération établi au sein des TPI conférait donc à ces derniers de larges pouvoirs sur les États telles l’adoption d’ordonnances contraignantes, une 1104 La même formulation est utilisée dans les deux résolutions du Conseil de sécurité. Voir S/RES/827 (1993) § 4 et S/RES/955 (1994), § 2. 1105 UN Doc. S/25704, Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité, 3 mai 1993, § 126. 1106 UBEDA-SAILLARD (M.), La coopération des États avec les juridictions pénales internationales, op. cit., p. 285. 275 situation de primauté globale, notamment vis-à-vis des juridictions internes et la possibilité d’ignorer les lois nationales « en contradiction avec l’esprit et la lettre du Statut »1107. Elle retirait également aux États la possibilité d’apprécier le bien fondé des ordres des Tribunaux1108, excluait les exceptions habituellement applicables à la coopération judiciaire interétatique – notamment en termes d’extradition1109 – et avait été étendue par les juges aux organisations internationales et les opérations créées par elles, telles les opérations de paix1110. 428. L’abandon du modèle des TPI a impliqué l’abandon partiel de celui de la verticalité. Il est vrai que la tendance à l’intégration des juridictions internationalisées au sein des systèmes judiciaires, comme dans les cas du Timor Leste, du Kosovo, de la Bosnie-Herzégovine et des CETC, a modifié les termes du débat. Créées par voie législative, ces juridictions possèdent les mêmes pouvoirs vis-à-vis des États que n’importe quel tribunal national. Leur régime respecte donc en tous points le modèle horizontal. Le modèle vertical de l’obligation de coopérer a pourtant également connu un net recul au sein des tribunaux internationaux créés pour la Sierra Léone et pour le Liban, pourtant caractérisés par un fort degré d’internationalité. 429. Le TSSL et le TSL mettent tous deux en place un régime mixte de l’obligation de coopérer, selon que le destinataire de cette obligation soit l’État faisant l’objet de leur compétence territoriale, c’est-à-dire la Sierra Léone et le Liban, ou qu’il s’agisse d’un État tiers1111. Leur relation vis-à-vis des premiers est marquée par une verticalité totale. L’accord entre l’ONU et la Sierra Léone dispose que « [the] Government shall cooperate with all organs of the Special Court at all stages of the proceedings. »1112, formulation reprise en 1107 TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaskic, op. cit., § 54. En la matière, « [un] État auquel il est enjoint d’arrêter et de mettre en détention un individu en application de l’article 29 d) n’a pas qualité pour contester cet ordre au fond. » TPIY, Le Procureur c. Janko Bobetko, Décision relative aux requêtes de la République de Croatie contestant la décision portant confirmation de l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt portant ordre de transfèrement, Affaire n° IT-02-62-AR54bis & IT-02-62AR108bis, 29 novembre 2002, § 12. 1109 L’article 58 commun aux Règlements de procédure et de preuve du TPIY et du TPIR dispose que les règles comprises dans les articles 29 du statut du TPIY et 28 de celui du TPIR « prévalent sur tous obstacles juridiques que la législation nationale ou les traités d’extradition auxquels l’Etat intéressé est partie pourraient opposer à la remise ou au transfert de l’accusé ou d’un témoin au Tribunal. » Voir RPP - TPIY, art. 58 et RPP - TPIR, art. 58. 1110 Il s’agissait essentiellement en l’occurrence de la Force de stabilisation (Stabilisation force, SFOR) de l’OTAN. Voir UBEDA-SAILLARD (M.), La coopération des États avec les juridictions pénales internationales, op. cit., p. 319 et pp. 346-347. 1111 Antonio Cassese a bien résumé la situation dans le premier rapport annuel qu’il a remis, en tant que Président du TSL, au Secrétaire général. Il disait alors que « si le modèle vertical régit les relations entre le TSL et le Liban, le modèle horizontal préside aux relations du Tribunal avec les États tiers ». TSL, Rapport annuel (20092010), § 48. 1112 « Agreement between the United Nations and the government of Sierra Leone on the establishment of a Special Court for Sierra Leone », Freetown, 16 janvier 2002, art. 17. 1108 276 substance au sein de l’accord entre l’ONU et le Liban1113. Aucune disposition de ces accords ou des statuts qu’ils incorporent ne prévoit d’obligation de coopération concernant les États tiers. Le TSL est simplement autorisé à conclure des accords avec les États tiers en vue de garantir leur coopération1114. Dans la mesure où le TSSL et le TSL ont été créés de façon conventionnelle1115, cette dualité de régime n’est pas surprenante. Toute extension de la verticalité aux États tiers contreviendrait au principe de l’effet relatif des traités. 430. L’abandon du modèle vertical implique une distanciation d’une ambition supranationale de la justice internationale pénale et le renforcement de son lien avec les États par la revalorisation de leur consentement. Cette tendance peut inquiéter quant à l’efficacité de cette justice. Toutefois, cette inquiétude doit être relativisée. Il est certain que le TSSL et les Panels spéciaux au Timor Leste, notamment, ont connu des difficultés à atteindre certains individus soumis à leur compétence. Le Tribunal sierra léonais a fait face au refus initial du Nigéria d’extrader Charles Taylor1116, alors que les juridictions timoraises n’ont pas pu avoir accès aux principaux responsables des crimes soumis à leur compétence, protégés par l’Indonésie1117. L’horizontalité de la relation entre ces juridictions et les États sur le territoire desquels s’étaient réfugiés les individus inculpés n’ont certainement pas facilité les efforts visant à obtenir leur remise. Toutefois, le fait que les TPI ont été confrontés à des problèmes similaires tend à nuancer l’impact du modèle de coopération sur l’effectivité de l’arrestation et de la remise des inculpés. Le TPIR a ainsi du faire face à des réticences de la part du Kenya, de la RDC et parfois même du Rwanda de coopérer, que ce soit pour l’arrestation et la remise d’inculpés1118 ou en termes de protection des témoins et du travail du bureau de la défense1119. Le TPIY a, quant à lui, été confronté au refus de coopérer de la plupart des États soumis à sa 1113 S/RES/1757 (2007), annexe, Accord entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise sur la création d’un Tribunal spécial pour le Liban, art. 15. 1114 Ibid., art. 7 et TSL, Règlement de procédure et de preuve tel que modifié au 3 avril 2017, art. 13. 1115 Bien que le TSL ait été créé par le biais d’une résolution adoptée par le Conseil de sécurité sur le fondement du chapitre 7, cette résolution ne prévoit en réalité que l’entrée en vigueur forcée de l’accord relatif à la création du TSSL ainsi que du statut de cette juridiction. Voir S/RES/1757 (2007), § 1. a). 1116 TSSL, 2ème rapport annuel du Président du Tribunal spécial pour la Sierra Léone pour la période du 1er janvier 2004 au 17 janvier 2005, pp. 36-37. 1117 BOWMAN (H. D.), « Letting the big fish get away : The United Nations justice effort in East Timor », Emory International Law Review, vol. 18, 2004, pp. 395-400. 1118 Voir par exemple RYNGAERT (C.), « State cooperation with the International Criminal Tribunal for Rwanda », op. cit., pp. 126-132. 1119 TURNER (A.), « Tribunal ambivalence and Rwanda’s rejection of functional immunity for the ICTR defense », Revue Québécoise de Droit International, Hors-série, 2010, pp. 123-132. 277 compétence territoriale1120. Il faut cependant noter que, tout du moins pour ce dernier, la situation s’est améliorée et que, depuis 2011, le Tribunal ne souffre plus d’inculpés en fuite1121. 431. Verticalité ne signifie donc pas nécessairement efficacité. L’abandon de ce modèle de coopération peut ainsi marquer le délaissement d’une construction de la justice internationale pénale par le haut, pour s’acheminer vers une construction de celle-ci par le bas. C’est d’ailleurs ce système qui est partiellement consacré à travers la substitution, dans le système de la CPI, du principe de complémentarité à celui de primauté existant sous le régime des TPI. Il ne faut cependant pas en conclure que l’horizontalité représente l’alternative idéale. Les problèmes rencontrés par le TSSL et les Panels spéciaux illustrent les limites de cette approche. Il est d’ailleurs significatif que ces deux juridictions ont recherché l’assistance de l’ONU pour inciter certains États à coopérer. Le Juge Robertson du TSSL a ainsi appelé le Conseil à adopter une résolution sur le fondement du chapitre 7 pour rendre obligatoire la coopération des États en vue de l’arrestation et de la remise de Charles Taylor1122. De la même façon, le refus de l’ONU de soutenir les actes d’inculpation lancés par les Panels spéciaux à l’encontre de militaires et hommes politiques indonésiens a été très mal perçu par le tribunal de Dili1123. 432. Ce refus de l’ONU de soutenir les juridictions à la création desquelles il a participé représente assurément la principale faiblesse de ces juridictions. Si cette réticence peut se comprendre dans le cas des juridictions hybrides par un refus de contrevenir à l’horizontalité 1120 Voir notamment KIRK McDONALD (G.), « Problems, obstacles and achievements of the ICTY », JICJ, vol. 2, n° 2, 2004, pp. 559-567. Voir également les rapports transmis par le Président du TPIY, Antonio Cassese au Conseil de sécurité concernant les défauts de coopération de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, de la Républika Srpksa et de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) : UN Doc. S/1996/763, Letter dated 16 September 1996 from the President of the International tribunal for the prosecution of persons responsible for serious violations of international humanitarian law committed in the territory of the former Yugoslavia since 1991 addressed to the President of the Security council, 17 septembre 1996 ; UN Doc. S/1996/556, Letter dated 11 July 1996 from the President of the International tribunal for the prosecution of persons responsible for serious violations of international humanitarian law committed in the territory of the former Yugoslavia since 1991 addressed to the President of the Security council,, 16 juillet 1996 ; UN Doc. S/1996/364, Letter dated 22 May 1996 from the President of the International tribunal for the prosecution of persons responsible for serious violations of international humanitarian law committed in the territory of the former Yugoslavia since 1991 addressed to the President of the Security council,, 22 mai 1996 ; UN Doc. S/1996/319, Letter dated 24 April 1996 from the President of the International tribunal for the prosecution of persons responsible for serious violations of international humanitarian law committed in the territory of the former Yugoslavia since 1991 addressed to the President of the Security council,, 25 avril 1996. 1121 Le dernier fugitif, Goran Hadzic, a été arrêté et transféré au Tribunal en juillet 2011. Voir UN Doc. A/67/214-S/2012/592, Report of the International tribunal for the former Yugoslavia, 1er août 2012, § 67. 1122 TSSL, communiqué de presse, « Court President Requests UN Security Council's Chapter Seven », 11 juin 2003. 1123 BOWMAN (H. D.), « Letting the big fish get away », op. cit., pp. 396-400. 278 qui caractérise leur relation vis-à-vis des États tiers, elle est difficilement défendable lorsqu’elle s’applique aux juridictions sujettes à une verticalité trouvant son origine dans un acte du Conseil de sécurité lui-même. B) La réticence coupable de la condamnation du refus de coopération 433. Il serait logique que le Conseil, après avoir été à l’origine de l’imposition, à un ou plusieurs États, d’une obligation de coopérer, opère un suivi de cette obligation et procède à la sanction de sa violation, tout du moins en l’absence d’organe spécifique auquel reviendrait cet prérogative. C’est d’ailleurs le sens de la procédure prévue pour les TPI consistant à permettre à leurs Présidents « d’informer le Conseil de sécurité »1124 du manquement d’un ou plusieurs États à son ou leur obligation de coopérer. Dans la mesure où le Conseil a la capacité de saisir la CPI à propos d’une situation, celle-ci a également la possibilité, dans le cas d’un refus de coopérer en lien avec une telle situation, d’en informer le Conseil1125. Si le TPIR et le TSL n’ont pas eu recours à cette procédure, le premier pour des considérations diplomatiques1126 et le second en raison de sa capacité à se prononcer in abstentia1127, le TPIY et la CPI l’ont utilisé à de nombreuses reprises. Comme il a été dit, les rapports du Président du TPIY ont concerné tous les États soumis à la compétence de ce Tribunal1128. Pour sa part, la CPI a usé de ce pouvoir au sujet des deux situations transmises par le Conseil de sécurité, le Soudan et la Libye. La quasi-totalité des rapports a toutefois concerné le Soudan et la défaillance des États à procéder à l’arrestation du Président Al Bashir1129. 1124 RPP - TPIY, op. cit., art. 7 bis. Voir dans le même sens l’article 59 B) du RPP du TPIR, ainsi que l’article 20 c) du RPP du TSL. 1125 Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 87 al 7. 1126 Ceci s’explique par le fait que la majorité des problèmes de coopération est survenue entre le TPIR et les autorités rwandaises, principalement considérées comme victimes du génocide. La saisine du Conseil de sécurité était alors considérée comme présentant un risque de détérioration d’une relation nécessaire au travail du Tribunal. Voir RYNGAERT (C.), « State cooperation with the International Criminal Tribunal for Rwanda », op. cit., pp. 125-126. 1127 L’article 22 du statut du TSL prévoit en effet le jugement par défaut, notamment dans le cas où l’accusé n’a « pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné ». Il est significatif que les rapports annuels du TSL couvrant les périodes 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017 n’évoquent même plus la question de la coopération à l’arrestation des accusés. 1128 Supra, A). 1129 Toutes les décisions de non coopération et de transmission au Conseil de sécurité sont accessibles sur le site de la CPI : https://asp.icc-cpi.int/en_menus/asp/non-cooperation/pages/default.aspx. À ce jour, la Cour a transmis neuf cas de non coopération au Conseil dont huit concernant la situation au Soudan. 279 434. Le Conseil de sécurité demeure bien évidemment totalement libre dans la réponse qu’il choisit d’adopter vis-à-vis de la non-coopération des États1130. À cet égard, sa situation dans le contexte de la CPI est identique à celle expérimentée sous le régime des TPI, dans la mesure où, bien que ses pouvoirs découlent du Statut de Rome, le renvoi d’une situation devant la Cour est effectué par le biais de l’adoption d’une résolution fondée sur le chapitre 7 de la Charte des Nations Unies1131. Le Conseil dispose ainsi de l’intégralité des pouvoirs mis à sa disposition par la Charte pour répondre à, et éventuellement sanctionner, une violation par un État de son obligation de coopération. 435. L’attitude du Conseil de sécurité vis-à-vis des violations de l’obligation de coopération peut au mieux être qualifiée de passive. En effet, les nombreux rapports du TPIY comme de la CPI n’ont donné lieu qu’à des « [subtly] drafted statements enshrined in weak resolutions »1132. Cette passivité a d’ailleurs été dénoncée tant pas les juges du TPIY1133 que par ceux de la CPI. Concernant les TPI, le Conseil a majoritairement répondu au défaut de coopération par des déclarations du Président, sans valeur obligatoire1134. En ce qui concerne la CPI, le Conseil de sécurité a été véritablement inactif. Les huit rapports de non coopération transmis par les juges concernant le Soudan n’ont donné lieu à aucune réaction de la part du Conseil, qu’il s’agisse de l’adoption de résolutions ou de déclarations du Président. Seul le rapport concernant l’absence de coopération de la Libye a donné lieu à une timide réponse, le Conseil « [demandant] au Gouvernement libyen de coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale et son procureur et de leur apporter toute l’aide voulue »1135. Cet immobilisme de l’organe onusien a été vivement dénoncé par les juges de la CPI1136. Ceux-ci ont ainsi refusé de transmettre la constatation de non coopération concernant l’Afrique du Sud au 1130 La CPI suit à ce sujet la position adoptée par les juges du TPIY, selon laquelle ceux-ci ne sont habilités qu’à constater le manquement de l’État et ne peuvent s’avancer à suggérer une action pour y faire face. Voir à ce sujet AMBOS (K.), TRIFFTERER (O.), dir., The Rome statute of the International Criminal Court, op. cit., p. 2036. 1131 Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 13 b). 1132 DEMIRDJIAN (A.), « Armless giants : cooperation, state responsibility and suggestions for the ICC review conference », International Criminal Law Review, vol. 10, n° 2, 2010, p. 187. 1133 KIRK McDONALD (G.), « Problems, obstacles and achievements of the ICTY », op. cit., p. 559. 1134 Ibid. Voir par exemple les déclarations du Président UN Doc. S/PRST/1996/23, 8 mai 1993 ; UN Doc. S/PRST/1996/34, 8 août 1996 ; UN Doc. S/PRST/1996/41, 10 octobre 1996 ; UN Doc. S/PRST/2004/28, 4 août 2004 ; UN Doc. S/PRST/2008/47, 19 décembre 2008. 1135 S/RES/2213 (2015). 1136 CPI, Chambre préliminaire II, N°. ICC-02/05-01/09, Situation au Darfour (Soudan), Le Procureur c/ Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, Décision rendue en application de l’article 87-7 du Statut de Rome concernant la non-exécution par l’Afrique du Sud de la demande que lui avait adressée la Cour aux fins de l’arrestation et de la remise d’Omar Al-Bashir, 6 juillet 2017, §§ 138-139. 280 Conseil de sécurité, dans la mesure où, étant donné l’attitude du Conseil, « un tel renvoi n’est pas justifié s’il est censé constituer un moyen d’obtenir la coopération »1137. L’apogée en termes d’inaction coupable du Conseil de sécurité quant à la violation de l’obligation de coopérer demeure l’absence de réponse de cet organe à la dénonciation par le Président du TPIY de la violation de cette obligation par la MINUK1138. Celle-ci a été accusée par la Procureure du TPIY de faillir à son obligation de protéger les témoins et de coopérer en matière de transmission de documents1139. Le Conseil, qui avait pourtant inséré la coopération avec le TPIY au sein du mandat de cette mission1140, n’a eu aucune réaction publique face à ces graves accusations. 1137 Ibid., § 138. Voir UN Doc. S/2006/353, Letter dated 29 May 1996 from the President of the International tribunal for the prosecution of persons responsible for serious violations of international humanitarian law committed in the territory of the former Yugoslavia since 1991 addressed to the President of the Security council, annexe II, § 34. 1139 Ibid. 1140 S/RES/1244 (1999) § 14. 1138 281 Conclusion du Titre 1 436. La mise en œuvre par l’ONU de politiques et de mécanismes de justice transitionnelle se caractérise par ses multiples tâtonnements. Ceux-ci sont en partie dus à l’adaptabilité de cette justice, qui exclut toute standardisation excessive des mécanismes et empêche ainsi l’application uniforme de modèles préconçus, comme en témoigne l’hétérogénéité des juridictions hybrides. Il n’est cependant pas évident que la disponibilité de tels modèles favorise une uniformisation de l’action onusienne. L’implication onusienne varie en effet autant en termes de type de mécanismes soutenus qu’en termes de modalités de ce soutien. Celui-ci présente une multiplicité de degrés et de formes d’implication de l’Organisation. Ceci est d’ailleurs indispensable à l’efficacité de l’action de l’ONU, confrontée à des contextes qui diffèrent dans leurs besoins. L’ancrage national de l’intervention onusienne rend également cette dernière tributaire des exigences et de la bonne volonté des autorités étatiques et des populations. 437. Les tâtonnements onusiens sont également dus à la méthode onusienne consistant à construire sa réflexion à partir des expériences menées et non de conduire celles-ci en accord avec une réflexion préalable. Ce trait avait déjà été observé à propos de la coordination des mécanismes de justice transitionnelle1141, on a pu observer qu’il s’appliquait à l’ensemble de l’action onusienne en matière de justice transitionnelle. Il est vrai que l’Organisation a démontré à cet égard une grande capacité à prendre en compte les erreurs passées et à faire évoluer son action en conséquence. Celle-ci a pourtant démontré ses limites à plusieurs égards. 438. Tout d’abord, les carences de l’approche intraétatique de la justice transitionnelle n’ont toujours pas été prises en compte par les acteurs onusiens, qui se trouvent ici en retard par rapport à la réflexion doctrinale. Ensuite, les problèmes que pose le rapprochement de la justice internationale de la justice transitionnelle n’ont pas généré d’évolution significative de l’action onusienne. Une autre limite de l’Organisation concourt à cette dernière carence. L’intergouvernementalité de l’ONU implique que la justice transitionnelle qui y est conduite sera nécessairement soumise à des considérations de realpolitik. La persistance d’une certaine opposition entre la paix et la justice ainsi que la volonté de maintenir la centralité, si ce n’est 1141 Voir supra, partie 1, titre 2, chapitre 2, section II. 282 l’exclusivité, d’une approche individuelle de la responsabilité révèle les réticences étatiques vis-à-vis de la lutte contre l’impunité et de la justice transitionnelle. 439. La justice transitionnelle onusienne évolue donc d’une démarche trébuchante. Il apparaît cependant que le plus important obstacle sur son avancée soit les défaillances de l’ONU vis-à-vis des évolutions internes nécessaires à l’efficacité et à la crédibilité de son action dans ce domaine. 283 Titre 2: L’adaptation défaillante de l’ONU face au développement de son action dans le domaine de la justice transitionnelle 440. La justice transitionnelle incarne bon nombre des évolutions qu’a connu le maintien de la paix depuis la fin de la guerre froide. Elle marque l’implication de l’ONU dans les conflits internes et consacre la fin de l’équivalence des régimes au sein de l’Organisation. Elle se déploie, en partie, au sein d’opérations multidimensionnelles qui témoignent de l’élargissement des facteurs considérés comme indispensables à la paix. En conséquence, elle confirme le glissement des destinataires de l’action onusienne de l’État vers les populations, notamment en intégrant le respect des droits de l’Homme dans les facteurs de paix. 441. Ces évolutions de l’action onusienne pour le maintien et la consolidation de la paix ont nécessairement des répercussions sur l’organisation interne des Nations Unies. Afin d’assumer la multiplication des tâches conduites par l’ONU, de nouvelles entités ont du être créées. Cela a été le cas, notamment, du département des affaires politiques, créé en 1992, du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, créé en 1993 ou encore du dispositif pour la consolidation de la paix – comprenant la Commission, le Fonds et le Bureau d’appui à la consolidation de la paix – créé en 2006. Il a fallu ensuite déterminer la place de la justice transitionnelle au sein de cette nouvelle architecture. De nouveaux moyens d’action ont également du être imaginés pour faire face aux besoins d’États désormais considérés comme défaillants. Les expériences des administrations transitoires et de certains mécanismes de justice transitionnelle gérés de façon intégralement internationale en témoignent. 442. Certains risques générés par l’évolution du maintien de la paix, ainsi que par les réponses qui en ont été apportées, semblent avoir été mal évalués par l’ONU. La multiplication d’institutions onusiennes œuvrant de concert pose inévitablement des problèmes en termes de coordination. La transversalité de la justice transitionnelle l’expose particulièrement à ce risque. L’expansion des objectifs poursuivis par l’ONU impacte également profondément son action. Tout d’abord, dans la mesure où la reconstruction d’un État suppose en premier lieu sa sécurisation, et étant donné la volatilité, en termes sécuritaires, des contextes d’intervention, les opérations de maintien de la paix se trouvent de plus en plus souvent dans l’obligation de faire usage de leurs armes. Ensuite, la prise en charge par l’ONU de tâches traditionnellement dévolues aux États confère à ses agents un pouvoir sur les populations assimilable à celui d’autorités étatiques. La question de la responsabilité 284 accompagnant ces pouvoirs doit alors être posée. Ceci est d’autant plus nécessaire lorsque l’abus de pouvoir par les agents onusiens résulte en des violations, parfois graves, des droits de l’Homme. La logique voudrait alors que, promouvant la lutte contre l’impunité, notamment au travers de la justice transitionnelle, l’ONU commence par se l’appliquer. 443. De la réponse apportée par les Nations Unies à ces défis dépendent l’efficacité de son action et sa crédibilité. Or, cette réponse est insatisfaisante. L’institutionnalisation de la justice transitionnelle est demeurée lacunaire (Chapitre 1) et l’ONU se considère toujours, de façon injustifiée, immune à cette justice (Chapitre 2). 285 Chapitre 1. L’institutionnalisation lacunaire de la justice transitionnelle onusienne 444. Les efforts d’institutionnalisation de la justice transitionnelle se sont essentiellement confondus avec ceux liés aux réformes du maintien et de la consolidation de la paix. Cette justice dépasse pourtant largement ce domaine. Les multiples actions portées par le HCDH au sein de ses bureaux-pays, indépendamment de toute action du Conseil de sécurité, en sont la preuve1142. Ce débordement du cadre relativement strict du maintien et de la consolidation de la paix implique en outre plusieurs difficultés en termes d’institutionnalisation, et donc de cohérence, de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle. En effet, si le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales connaît un processus décisionnel centralisé entre les mains du Conseil de sécurité, les autres aspects de la justice transitionnelle, tels le développement, les droits de l’Homme et l’état de droit, font l’objet de compétences multiples détenues par des acteurs qui ont chacun leur « propre organe législatif intergouvernemental et [leur] propre mandat »1143. La cohérence de leur action dépend alors essentiellement de leur propension à travailler, volontairement, de concert, et non de leur intégration au sein de structures contraignantes de coordination. L’ONU est pourtant bien consciente de ces limites, qui mènent bien souvent à une « institutional competition »1144 nuisible à la cohérence de l’action. Les résultats des évolutions qu’ont tenté de mener les acteurs des réformes, à savoir le Secrétaire général, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, restent pourtant, dans le domaine de la justice transitionnelle, bien maigres. Ces évolutions n’ont en effet réglé ni la dispersion des compétences onusiennes dans cette matière (Section I), ni les imperfections de la coordination opérationnelle des actions menées par les divers organes onusiens (Section II). 1142 Supra titre 1, chapitre 1 et Annexe V, Bureaux-pays du HCDH et justice transitionnelle. SGNU, UN Doc. A/50/60-S/1995/1, Supplément à l’agenda pour la paix, op. cit., § 94. 1144 SGNU, UN Doc. A/72/525, Restructuration du pilier paix et sécurité de l’Organisation des Nations Unies, 13 octobre 2017, § 4. 1143 286 Section I La dispersion des compétences onusiennes en matière de justice transitionnelle 445. En adoptant une vision holiste de la justice transitionnelle1145, l’ONU a étendu ce domaine de telle sorte qu’un nombre croissant de ses organes, fonds, programmes, agences et départements peut potentiellement être concerné, plus ou moins directement, par sa mise en œuvre. L’architecture onusienne n’a pas été pensée pour répondre à ce type de défi. Ainsi, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité connaissent théoriquement des champs d’action distincts, la première traitant des questions générales, de l’orientation à donner à la société internationale, alors que le second se voit cantonné aux questions plus spécifiques et urgentes touchant la paix et la sécurité internationales. Or, la justice transitionnelle transcende cette distinction, en faisant rentrer la reconstruction des nations sur la base de valeurs universelles dans le champ de compétence du Conseil de sécurité, sur le fondement du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Elle se retrouve ainsi à cheval entre la « police » et le « temple »1146. La même remarque vaut pour les agences, programmes, fonds et départements onusiens. Les origines fonctionnalistes de l’ONU ont conduit à une distinction de ses organes par champs de compétences techniques1147. Bien que relativisée aujourd’hui, cette division s’observe encore jusque dans le secrétariat, où les aspects militaires et politiques sont répartis entre le DOMP pour les premiers et le DAP pour les seconds. Ici aussi, la transversalité de la justice transitionnelle malmène cette construction. 446. Parallèlement à cela, la popularité de la justice transitionnelle incite de plus en plus d’acteurs, tant intraonusiens que extraonusiens, à s’y impliquer, qu’il s’agisse de profiter de la « bulle »1148 transitionnelle ou simplement d’étendre leur influence. Cette affluence d’acteurs et cette transcendance des domaines techniques provoque alors une dispersion des compétences, qui s’observe aux niveaux des structures intergouvernementales (§ 1) et intégrées (§ 2). 1145 Voir supra, partie 1, titre 1, chapitre 2. KOSKENNIEMI (M.), « The police in the temple. Order, justice and the UN : a dialectical view », EJIL, vol. 6, 1995, pp. 325-348. 1147 Sur cette origine, voir notamment BRELET (C.), Anthropologie de l’ONU, Utopie et fondation, L’Harmattan, Paris, 1995, pp. 50-60. 1148 Institute for integrated transitions, « Inside the transition bubble : international expert assistance in Tunisia », avril 2013, 40 p. 1146 287 §1/Une dispersion des intergouvernementales compétences entre les structures 447. La popularité de la justice transitionnelle génère un intérêt grandissant au sein des divers organes, agences, fonds et programmes de l’ONU. Sa transversalité facilite l’établissement de leur compétence et le développement d’une action de leur part dans ce domaine, générant une fragmentation de l’action au sein même de la famille onusienne (A). À cette profusion de structures onusiennes agissant dans ce domaine, il faut rajouter les acteurs externes, tels les États, les organisations régionales et sous-régionales ou encore les institutions financières internationales, qui s’impliquent de plus en plus dans les programmes de justice transitionnelle. Ces actions peuvent concerner l’ONU de façon plus ou moins directe, que l’Organisation délègue certaines tâches à ces acteurs externes, ou que ceux-ci agissent, de leur propre chef, dans des contextes ou sur des projets au sein desquels l’ONU est impliquée. Dans ces deux cas, l’action de ces acteurs externes pose la question de la coordination entre ces derniers et l’ONU (B). A) La multiplication de compétences concurrentes au sein de la famille onusienne 448. La fragmentation intra-onusienne de la justice transitionnelle est tout d’abord visible au sein des principaux organes intergouvernementaux de l’Organisation. De même que la consolidation de la paix est partagée entre les trois piliers onusiens que sont le maintien de la paix, le développement et les droits de l’Homme1149, la justice transitionnelle trouve à s’appliquer tout à la fois dans un but de consolidation de la paix par la prévention des conflits, domaine attribué au Conseil de sécurité, et à la protection et la promotion des droits de l’Homme, compétence déléguée par l’Assemblée générale au Conseil des droits de l’homme. Or, si l’Assemblée générale se garde, conformément à ses obligations issues de la Charte1150, de se prononcer sur des situations à l’agenda du Conseil de sécurité, le Conseil des droits de l’homme n’applique pas la même réserve. Ceci s’explique aisément par la nécessité de protéger et promouvoir ces droits, y compris, et peut-être même surtout, dans les États en situation de conflit ou de post-conflit. Le manque de communication entre les organes intergouvernementaux onusiens a été relevé par le « Groupe consultatif d’experts sur 1149 1150 Voir supra, partie 1, titre 1, chapitre 1. Charte des Nations Unies, op. cit., art. 12. 288 l’examen du dispositif de consolidation de la paix » (« Advisory Group of Experts on the Review of the Peacebuilding Architecture ») de l’Organisation1151, et les principaux intéressés ont accepté ce constat1152. Toutefois, le manque de coordination perdure. 449. En ce qui concerne la justice transitionnelle, les interactions entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité sont particulièrement importantes. Dans le cas d’États hébergeant une opération de maintien de la paix ou une mission politique spéciale, les tâches attribuées par le Conseil des droits de l’homme au Haut-Commissaire aux droits de l’homme seront, pour la plupart, conduites par le biais de la section droits de l’homme de la mission en question, dans la mesure où le chef de cette section est également le représentant du HCDH dans le pays1153. Il découle de cette situation que le Conseil des droits de l’homme peut influer de façon significative sur le mandat d’une opération établie par le Conseil de sécurité. Il revient alors à ce dernier d’accepter et d’incorporer au sein du mandat de la mission les tâches attribuées par le Conseil des droits de l’homme, ou de les ignorer, créant ainsi une situation paradoxale où une section de la mission agira conformément à un mandat différent de celui des autres composantes. Il faut également noter qu’une complication supplémentaire survient au regard de l’architecture des opérations de maintien de la paix, dans la mesure où certains éléments considérés comme partie intégrante de l’approche onusienne de la justice transitionnelle, tels les programmes de lustration (« vetting »), ne sont pas conduits par les sections droits de l’homme mais par des unités spécifiques (sections RSS pour « Réforme du Secteur de la Sécurité »), qui échappent donc à la compétence du Conseil des droits de l’homme. Cet écart entre les mandats attribués par les deux Conseils s’est présenté dans le contexte du Soudan du Sud, où le Conseil de sécurité a ignoré1154 les recommandations du Secrétaire général tendant à intégrer la supervision des aspects de l’ « Agreement on the Resolution of the Conflict in South Sudan »1155 portant sur la justice transitionnelle1156. Cet 1151 AGNU, UN Doc. A/69/968-S/2015/490, Défi du maintien de la paix. Rapport du Groupe consultatif d’experts sur l’examen du dispositif de consolidation de la paix, 30 juin 2015, §§ 61-63. 1152 Voir les résolutions identiques du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, en réponse au rapport du Groupe d’expert sur l’évaluation du dispositif de la consolidation de la paix, S/RES/2282 (2016) et A/RES/70/262 (2016), § 2, où les deux organes s’engagent à « avoir une action cohérente, durable et coordonnée, chacun dans le respect du mandat à lui assigné par la Charte des Nations Unies ». 1153 Voir infra, section II. 1154 S/RES/2327 (2016). 1155 Voir Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. 1156 Voir UN Doc. S/2016/951, Special report of the Secretary-General on the review of the mandate of the United Nations Mission in South Sudan, 10 novembre 2016, § 53. 289 aspect a été réintégré à la mission au travers de la création, par le Conseil des droits de l’homme, d’une Commission des droit de l’homme au Soudan du Sud ayant pour mandat de soutenir la création des mécanismes de justice transitionnelle, et à laquelle le HCDH doit procurer tout le soutien nécessaire1157. Ces divergences n’ont certes pas de conséquences catastrophiques sur le terrain, mais dénotent tout de même un manque de communication et de coordination entre les organes intergouvernementaux. Elles témoignent aussi de la persistance d’approches et d’intérêts divergents au sujet de l’élaboration des politiques de justice transitionnelle, qui nuisent à la cohérence opérationnelle ainsi qu’à l’image de l’Organisation. 450. Outre les principaux organes intergouvernementaux, de nombreuses agences, fonds et programmes de l’ONU s’impliquent dans la justice transitionnelle. Le PNUD est sans aucun doute la principale entité en la matière. Le Programme, créé en 1966 comme institution de coordination des agences onusiennes, a très tôt mené ses propres projets et développé son rôle d’assistance aux États sortant de crise1158. Il a ainsi été impliqué dans les efforts de l’Organisation en matière de justice transitionnelle dès leurs prémices, au Salvador, au début des années quatre-vingt-dix1159. Présent dans près de cent-soixante-dix pays et bénéficiant d’un poids considérable au sein de l’Organisation, le PNUD occupe une place de premier plan dans l’assistance aux États sortant de conflit1160. On observe son action en matière de justice transitionnelle dans la quasi-totalité des contextes où l’ONU agit dans ce domaine1161, ainsi que, plus rarement, de façon autonome1162. Le caractère transversal de sa compétence permet également au Programme d’œuvrer dans tous les aspects de la justice transitionnelle, qu’il s’agisse de l’assistance technique aux commissions vérité, aux programmes de réparation, aux 1157 Voir A/HRC/RES/31/20 (2016), §§ 18-20, et l’extension du mandat de la Commission des droits de l’homme dans A/HRC/RES/34/25 (2017), §§ 16-18. 1158 DIJKZEUL (D.), « The United Nations development programme : the development of peace ? », International Peacekeeping, vol. 5, n° 4, 2008, pp. 96-99. 1159 PNUD, « UNDP and transitional justice : an overview », 2006, p. 6. 1160 DAVIDIAN (A.), KENNEY (E.), « The United Nations and transitional justice », in JACOBS (D.), LAWTHER (C.) MOFFETT (L.), Research handbook on transitional justice, Edward Elgar Publishing, Cheltenham, 2017, pp. 194-195. Sur le rôle du PNUD dans le maintien et la consolidation de la paix, voir aussi SANTISO (C.), « Promoting democratic governance and preventing the recurrence of conflict : the role of the United Nations development programme in post-conflict peace-building », Journal of Latin American Studies, vol. 34, n° 3, 2002, pp. 555-586. 1161 La liste complète des actions du PNUD serait impossible à élaborer, non seulement de par son ampleur mais également en raison de la faible accessibilité de documentation en permettant une étude exhaustive. Citons, à titre d’exemple, ses actions en Sierra Léone, au Népal ou encore en Tunisie, où le PNUD a agit aux côtés, notamment, du HCDH. Voir supra, introduction. 1162 Le PNUD conduit, par exemple, un projet visant à soutenir le processus de justice transitionnelle en Gambie. Voir le descriptif du projet sur le site du Multi-partner trust fund office (http://mptf.undp.org/), projet « PBF/IRF-172 : Support to the capacity of the government and national stakeholders to establish credible transitional justice processes and mechanisms that promote sustainable peace in the Gambia ». 290 tribunaux ou encore aux mécanismes traditionnels de réconciliation. La justice transitionnelle fait désormais explicitement partie de la stratégie d’action du PNUD, au titre de son engagement pour la justice et les droits de l’Homme1163. Cette implication que l’on pourrait qualifier d’opérationnelle se double d’une activité doctrinale elle aussi considérable, dans la mesure où le PNUD développe sa propre approche de la justice transitionnelle, construite dans un but de justification de ses activités sur le terrain. Ainsi, le lien entre ce domaine et le développement, tout autant que l’importance d’adopter une approche globale de la justice transitionnelle, sont régulièrement soulignés par le Programme1164. 451. Mis à part le PNUD et le Fonds de consolidation de la paix, dont il sera question plus loin1165, les autres entités onusiennes impliquées dans la justice transitionnelle connaissent des mandats plus restreints et voient ainsi leur action limitée à une expertise technique ciblée. Parmi ces entités, « l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme » (ONU-Femmes) est certainement celle connaissant l’activité la plus importante, quantitativement parlant. Créée par une résolution de l’Assemblée générale en 20101166, ONU-Femmes est chargée de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes et de défendre les droits de ces dernières au sein des États qui en font la demande ainsi qu’au sein de toutes les actions et structures de l’ONU. Les résolutions du Conseil de sécurité portant sur les femmes, la paix et la sécurité1167 ont renforcé ce mandat et lui ont fourni une compétence explicite en matière de maintien et de consolidation de la paix d’une façon générale, et de justice transitionnelle en particulier. Ainsi, chaque opération de maintien de la paix inclut des agents d’ONU-Femme chargés de s’assurer que les droits des femmes sont bien respectés, leurs voix entendues et leurs besoins spécifiques pris en compte dans l’élaboration – y compris au stade des négociations de paix1168 – et la mise en œuvre des programmes de justice transitionnelle1169. L’action de cette 1163 PNUD, « Évoluer avec le monde. Plan stratégique du PNUD pour 2014-2017 », 2013, p. 36. Voir le discours de Helen Clark, ancienne Administratrice du PNUD, à la faculté de droit de l’Université de New York, le 14 novembre 2011, au cours duquel elle affirme que « There is, (…) a role for development actors in supporting national transitional justice processes, and in grounding them in the longer term development agenda. » Voir dans le même sens DAVIDIAN (A.), KENNEY (E.), « The United Nations and transitional justice », op. cit., pp. 914-195, et l’étude du PNUD portant sur les liens entre le régime de la complémentarité au sein de la CPI, la justice transitionnelle et le développement : PNUD, « Complementarity and transitional justice : synthesis of key emerging issues for development », 16 novembre 2012, 14 p. 1165 Infra, section II. 1166 A/RES/64/289 (2010). 1167 Voir la résolution S/RES/1325 (2000) initiant l’action du Conseil de sécurité sur la question des femmes, de la paix et de la sécurité, et les résolutions subséquentes sur le même item. Voir aussi supra, partie 1, titre 1, chapitre 2, section II. 1168 S/RES/2106 (2013), §§ 7-9 et 12. 1164 291 entité se limite donc à la place de la femme dans les mécanismes de justice transitionnelle mais concerne l’ensemble de ces mécanismes. ONU-Femmes agit ainsi auprès des tribunaux pour la prise en compte des crimes fondés sur le genre (« gender based crimes »), notamment les crimes sexuels, auprès des commissions vérité pour s’assurer de la mise en œuvre de procédures spécifiques pour les femmes victimes de telles violations, auprès des autorités traditionnelles pour y garantir l’égalité de traitement femme-homme ou encore auprès des programmes de réparations pour assurer une prise en compte de leurs besoins spécifiques1170. 452. Le mandat de l’UNICEF, bien qu’antérieur, se rapproche de celui d’ONU-Femmes. Créé en décembre 1946 pour venir en aide aux enfants et adolescents des pays victimes d’agression armée, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance a progressivement étendu son action. De même que pour les femmes, le Conseil de sécurité a développé un intérêt pour la question de la protection des enfants dans les conflits armés, adoptant une série de résolutions sur ce thème1171. Contrairement aux résolutions portant sur la situation des femmes, la justice transitionnelle est absente de celles portant sur les enfants. Seule la justice pénale, y compris internationale ou hybride, y a brièvement fait son entrée1172. Ceci explique peut-être l’implication moins importante de l’UNICEF dans les mécanismes de justice transitionnelle. Il demeure toutefois que l’ONU, et notamment son Secrétaire général, promeut une « child sensitive approach » de la justice transitionnelle1173, ce qui justifie l’action de l’UNICEF, du fait de son expertise en la matière. Le Fonds pour l’enfance a ainsi été présent aux côtés des opérations onusiennes pour le soutien des commissions vérité sierra léonaise, timoraise et 1169 Ibid. ONU-Femmes gère, par exemple, un projet portant sur les réparations adaptées aux questions de genre (« gender sensitive reparations ») en Colombie. Voir DAVIDIAN (A.), KENNEY (E.), « The United Nations and transitional justice », op. cit., p. 196. Voir également les programmes menés au Pérou, auprès de la CVR, et au Rwanda auprès des juridictions Gacaca : ONU-Femme, « Gender and transitional justice programming : a review of Peru, Sierra Leone and Rwanda », août 2010, pp. 7-8 et 23-26. 1171 La résolution S/RES/1261 (1999) du 30 août 1999 est la première de ces résolutions, portant sur le thème des enfants et des conflits armés. 1172 Seules les résolutions S/RES/1998 (2011) et S/RES/2068 (2012) font référence aux mécanismes de justice pénale pour les crimes visant les enfants. Cette considération a disparu des résolutions suivantes sur le même thème. 1173 SGNU, « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », op. cit., pp. 5-6. 1170 292 libérienne et est consulté sur les questions de protection des enfants au sein des procédures judiciaires1174. 453. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) développe également son action en matière de justice transitionnelle, bien que de façon bien plus nuancée que ses partenaires. Ce retrait s’explique par le caractère traditionnellement spécifique de l’action humanitaire, caractérisée par l’urgence et l’exclusion, autant que possible, des considérations politiques1175. Le HCR reconnaît lui-même que le temps théoriquement court de ses interventions et l’absence de mandat lié au développement ne le prédisposent pas à un rôle majeur dans le domaine de la consolidation de la paix et de la justice transitionnelle1176. Toutefois, les liens entre les réfugiés ou les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les mécanismes de justice transitionnelle sont de plus en plus soulignés par les acteurs et chercheurs de la justice transitionnelle1177, et il aurait été difficile, et peut-être inopportun, pour le HCR de ne pas développer son action dans ce sens. Il faut noter que, bien qu’agissant sans réel cadre stratégique, l’agence onusienne avait déjà, dès le début des années 2000, prêté son concours aux commissions vérité sierra léonaise et timoraise, en facilitant l’implication des réfugiés dans leurs procédures1178. Ce n’est toutefois qu’à partir de 2008 que le HCR a intégré le soutien aux mécanismes de justice transitionnelle dans son plan stratégique1179. Les actions menées conformément à ce plan sont encore limitées, mais un tel soutien est bien prévu, par exemple au Burundi et en Libye1180. 454. Deux autres entités onusiennes mènent des actions en matière de justice transitionnelle. Il s’agit du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) et de l’Organisation 1174 Sur ces actions, voir notamment, COOK (P.), HEYKOOP (C.), « Child participation in the Sierra Leonean Truth and Reconciliation Commission », in PARMAR (S.), ROSEMAN (M. J.), SIEGRIST (S.), SOWA (T.), Children and transitional justice. Truth-telling, accountability and reconciliation, Human Rights Programme, Harvard Law School, 2010, pp. 159-192 ; SOWA (T.), « Children and the Liberian Truth and Reconciliation Commission, in ibidem, pp. 193-230 ; UNICEF, « Children and the Commission for Reception, Truth, and Reconciliation in Timor-Leste », Innocenti working paper, par Megan Hirst et Ann Linnarson, juin 2010, 46 p. 1175 Ceci justifie l’exclusion des agences humanitaires du modèle onusien d’intégration de l’action post-conflit. Voir infra, section II, § 2. 1176 UN Doc. EC/59/SC/CRP.5, « UNHCR’s role in support of the return and reintegration of displaced populations : policy framework and implementation strategy », 11 février 2008, § 30. 1177 Voir par exemple le projet mené de 2010 à 2012 par le Centre international pour la justice transitionnelle sur le sujet, ayant donné lieu à la publication d’un ouvrage : DUTHIE (R.), dir., Transitional justice and displacement, Social Science Research Council, New York, 2012, 362 p. 1178 BRADLEY (M.), « Truth-telling and displacement : patterns and prospects », in ibid., p. 211. 1179 HCR, EC/59/SC/CRP.5, op. cit., § 70. 1180 Comme le précisent les « global [appeals] » adoptés pour le Burundi et la Libye, présentés, respectivement, pour 2011 et 2012-2013. 293 Internationale pour les Migrations (OIM)1181. L’action de l’UNFPA est principalement dirigée vers le renforcement du rôle des femmes au sein des mécanismes de justice transitionnelle. Il participe, dans ce domaine, à des projets en République centrafricaine, en Ouganda et au Mali1182. On remarquera la similarité de cette action et de celle d’ONU-Femmes, risquant le double emploi. L’OIM joue pour sa part un rôle important de gestionnaire et agit principalement en soutien des programmes de réparation. Elle a été impliquée dans des projets en ce sens en Sierra Léone et au Népal. L’Organisation pour les migrations ne limite toutefois pas son action à ces projets, puisqu’elle accompagne, par exemple, l’appui à la justice militaire en RDC ou le renforcement des institutions sri lankaises dans le but de permettre la mise en œuvre de la justice transitionnelle dans ce pays1183. 455. Les entités intergouvernementales de l’ONU sont donc nombreuses à agir dans le domaine de la justice transitionnelle. Si les mandats et les compétences spécifiques d’agences telles qu’ONU-Femmes, l’UNICEF ou encore le HCR confèrent à cette implication une légitimité incontestable, on observe également l’action d’entités dont le mandat n’est pas aussi clairement établi ou encadré, et qui présentent parfois le risque de créer des doublons, comme par exemple entre l’UNFPA et ONU-Femmes, dispersant ainsi les ressources financières. À cette affluence intra-onusienne, il faut également ajouter celle des acteurs extérieurs, qu’il s’agisse d’organisations internationales, régionales ou sous-régionales ou encore d’agences étatiques qui, de plus en plus, développent une compétence et des actions dans le domaine de la justice transitionnelle. 1181 L’OIM est affiliée à l’ONU depuis l’adoption par l’Assemblée générale de l’ « Accord sur les relations entre l’Organisation des Nations Unies et l’Organisation internationale pour les migrations ». Voir A/RES/70/296 (2016). 1182 Voir les descriptifs des projets pour la RCA, l’Ouganda et le Mali sur le site du Multi-partner trust fund office (http://mptf.undp.org/), respectivement : PBF/IRF-103, « Appui au processus de réconciliation nationale pour une paix durable en RCA (CAR) » ; PBF/UGA/A-1, « Peacebuilding through justice for all and human rights » et PB/IRF-146, « De victimes à actrices de la paix : renforcement de la participation des femmes dans la mise en œuvre de l’accord de paix et l’amélioration de la cohésion sociale ». 1183 Les descriptifs des projets portés par l’OIM en Sierra Léone, au Népal et en RDC sont disponibles sur le site du Multi-partner trust fund office (http://mptf.undp.org/), respectivement : PBF/SLE/A-4, « Support to the implementation of the reparations programme as part of the recommendations of the Truth and Reconciliation Commission (TRC) » ; PBFF/NPL/E-1, « Fairness and efficiency in reparations to conflict-affected persons » et PBF/COD/E-6, « Cellules d’appui à la justice militaire ». 294 B) L’implication croissante des acteurs extérieurs 456. L’action des organisations intergouvernementales est en plein développement. Nous avons eu l’occasion d’évoquer le rôle du système interaméricain dans le développement normatif de la justice transitionnelle ainsi que de certains aspects opérationnels pris en charge par l’Organisation des États Américains au sein de la Mission conjointe menée par cette dernière et l’ONU en Haïti (MICIVIH)1184. Cette coopération se renouvelle aujourd’hui dans le contexte colombien, où la Mission d’appui du processus de paix de l’OEA (MAPP) et la Mission de Vérification des Nations Unies en Colombie sont toutes deux chargées de vérifier la mise en œuvre de l’Accord de paix, bien que seule la première bénéficie d’un mandat relatif aux mécanismes de justice transitionnelle que cet accord prévoit1185. 457. L’Union Africaine et l’Union Européenne développent elles aussi une compétence et des projets dans le champ de la justice transitionnelle. Toutes deux se dotent actuellement d’un cadre stratégique spécifiquement lié à ce domaine, établissant les principes encadrant leurs actions1186. D’un point de vue opérationnel, les deux organisations ont récemment œuvré à la création de tribunaux hybrides dans leurs aires géographiques respectives. Les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises (CAE) ont ainsi pu condamner l’ancien dictateur tchadien Hissen Habré1187 alors que les Chambres spéciales pour le Kosovo débutent leurs travaux à La Haye1188. Ce dernier projet s’ajoute à celui mené par la mission de l’UE Eulex Kosovo qui, agissant au sein de l’appareil judiciaire kosovar, représentait une prolongation du travail mené par la MINUK au sein des panels 64. Il faut enfin souligner que, au sein de la MINUAD, l’UA a eu à collaborer avec l’ONU au sein d’une opération de maintien de la paix conjointe dont le mandat comportait un important volet en matière de 1184 Supra, partie 1, titre 1, chapitre 1 et partie 2, titre 1, chapitre 1, respectivement. Voir également Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 1185 Voir le mandat de la MAPP tel que modifié par le « Quinto protocolo adicional al convenio entre la Repùblica de Colombia y la Secretaría general de la Organización de Estados Americanos para el acompañamiento al proceso de paz en Colombia, firmado el 23 de Enero de 2004 », 1 décembre 2014, art. 2. 1. 3. 1186 Il s’agit, pour l’Union Africaine de l’ « African Union transitional justice framework (ATJF) », dont le dernier draft est en cours d’adoption, et pour l’Union Européenne des conclusions du Conseil de l’UE n° 13576/15 du 16 novembre 2015, comportant en annexe de l’annexe « Le cadre d’action de l’UE en matière de soutien à la justice transitionnelle ». 1187 Voir le statut des Chambres : « Accord entre le gouvernement de la République du Sénégal et l’Union Africaine sur la création de Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises », Dakar, 22 août 2012. Voir également le jugement de la chambre d’appel dans l’affaire Hissen Habré : CAE, Appel, Le procureur général c. Hissein Habré, arrêt, 27 avril 2017. 1188 Voir Loi No. 04/L-274 « on ratification of the international agreement between the Republic of Kosovo and the European Union on the European Union rule of law mission in Kosovo », 23 avril 2014, disponible sur le site des Chambres spéciales : www. scp-ks.org. 295 justice transitionnelle1189. De plus, l’UE, l’UA et l’ONU ont participé aux négociations de paix au Soudan du Sud au sein de l’IGAD Plus (« Intergovernmental Authority on Development »)1190, qui ont abouti à la signature d’un accord comportant un programme complet de justice transitionnelle1191. Par ailleurs, l’UE soutient financièrement de nombreuses initiatives liées aux commissions vérité et aux procès pénaux1192. 458. La Banque mondiale, déjà associée aux efforts onusiens de consolidation de la paix1193, reconnaît également le rôle de la justice transitionnelle dans le développement et la stabilité des États, comme elle l’a exprimé dans son rapport mondial sur le développement de 2011. Le Conseil de l’Europe et l’OSCE promeuvent également la mise en œuvre de programmes de justice transitionnelle1194. Cette dernière a d’ailleurs coopéré avec la MINUK pour les programmes de lustration des forces de police au Kosovo. La CPI, enfin, joue un rôle majeur dans la définition des stratégies de justice transitionnelle. Outre les procès qu’elle mène, la Cour, à travers le bureau du Procureur, s’assure que les stratégies mises en œuvre par les États respectent bien leur obligation de poursuivre les responsables de crimes internationaux, limitant ainsi l’intégration des mécanismes de pardon ou de réconciliation lors des négociations de paix. On a pu récemment voir le bureau du procureur de la CPI tenir ce rôle auprès des parties aux négociations de paix en Colombie1195. 459. Les États eux-mêmes sont également des acteurs importants de la justice transitionnelle, et agissent régulièrement aux côtés de l’ONU. Les agences de développement suisse et canadienne fournissent une expertise auprès de la CVJR malienne, qui est également soutenue par la section droits de l’homme de la MINUSMA. La GIZ, l’agence de développement allemande, est également présente dans de nombreux contextes post-conflit. L’un de ses programmes récents, le PROPAZ, vise à soutenir la justice transitionnelle en Colombie. Si la 1189 Voir Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. Ce groupe, créé sur la base de l’IGAD pour traiter de la question du Soudan du Sud, réunit les chefs d’États de l’Ethiopie, de Djibouti, du Kenya, de la Somalie, du Soudan, de l’Ouganda, du Soudan du Sud, du Rwanda, de l’Algérie, du Tchad, du Nigéria et de l’Afrique du Sud, ainsi que des représentants de l’ONU et de la Commission de l’Union Africaine. 1191 Voir Annexe I, Accords de paix et justice transitionnelle. 1192 FARHAT (N.), ROSOUX (V.), « Les organisations régionales et la gestion du passé. Des limites de l’historiquement correct », in LIÉGEOIS (M.), PELLON (G.), dir., Les organisations régionales européennes et la gestion des conflits, Peter Lang, Bruxelles, 2010, pp. 275-280. 1193 Voir infra, section 2. 1194 FARHAT (N.), ROSOUX (V.), « Les organisations régionales et la gestion du passé. op. cit., pp. 270-274. 1195 Voir à ce sujet LUCAS (R.), MARIE (E.), « Notre unique arme sera la parole : réflexions sur l’accord de paix colombien du 30 novembre 2016 », op. cit. Voir également les déclarations du bureau du Procureur de la CPI : Bureau du Procureur de la CPI, « Déclaration du Procureur de la CPI, Fatou Bensouda, à propos de la conclusion des pourparlers de paix entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple », 1er septembre 2016. 1190 296 plupart des projets conduits ou soutenus par les États a vocation à respecter les normes et standards internationaux reconnus par l’ONU, certaines initiatives dépassent largement ce cadre. On pense alors au Tribunal spécial irakien, créé sous l’égide des États-Unis d’Amérique, et qui a condamné Saddam Hussein à mort1196. Ceci nous rappelle que les États, tout comme les ONG et les OI, bien que de façon parfois plus visible, poursuivent, y compris en matière de justice transitionnelle, des intérêts qui leurs sont propres et qui peuvent être divergents de ceux suivis par l’ONU. Il ne faudrait pourtant pas croire que l’ONU poursuit elle-même des intérêts identifiés de façon uniforme. Il faut également se garder de voir dans les différences d’approches un simple effet d’une concurrence financière lorsqu’elle concerne les acteurs privés, telles les ONG, ou envisagée en termes de puissance et de soft power, lorsqu’elle concerne la sphère interétatique. En effet, cette mise en concurrence et ces divergences s’observent tout aussi bien au sein des structures intégrées de l’ONU, du fait de l’éclatement en leur sein des compétences en matière de justice transitionnelle. §2/ Une dispersion des compétences entre les structures intégrées 460. Bien que débarrassées des considérations des luttes de puissance qui caractérisent les relations au sein des organes et institutions intergouvernementaux, les structures intégrées ne sont pas étrangères aux luttes d’influence. L’enchevêtrement des compétences peut générer un effet de mise en concurrence, particulièrement dans un contexte de ressources budgétaires limitées. À cela vient s’ajouter des différences profondes de culture, dues aux mandats diversifiés, impliquant des objectifs parfois divergents de ces structures. Diplomates, militaires et militants des droits de l’Homme peuvent ainsi avoir à concilier leurs approches en vue d’accomplir un mandat commun en matière de justice transitionnelle. On imagine aisément les tensions que cette situation peut générer. Or, la justice transitionnelle nécessite la coopération de ces composantes et de ces cultures diverses. La solution du Secrétaire général à ces luttes internes a été de placer la justice transitionnelle sous la responsabilité du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Malgré les indéniables bienfaits de la création de ce leadership, ce dernier reste imparfait (A) et n’a pas suffi à mettre fin à la concurrence qui oppose encore les départements opérant au sein du secrétariat (B). 1196 Pour une analyse critique de ce tribunal, voir GARAPON (A.), HUBRECHT (J.), « Le Tribunal Spécial irakien et le procès de Dujail », Esprit, 2007/2 (février), pp. 168-172. 297 A) Le leadership imparfait du Haut-Commissariat aux droits de l’homme 461. Les années deux-mille ont vu un accroissement quantitatif significatif de l’implication du HCDH dans le soutien aux politiques et mécanismes de justice transitionnelle. Si l’accroissement global de l’action de l’Organisation dans ce domaine est en partie responsable de cette tendance, cette dernière témoigne également du glissement de la justice transitionnelle du volet diplomatique de l’action onusienne vers le volet droits de l’Homme. On remarque ainsi que le Haut-Commissaire a remplacé le Secrétaire général dans la tâche de désignation des commissaires des commissions vérité1197. Ce facteur révèle également, et a probablement facilité, le renforcement du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, dont la légitimité n’est aujourd’hui plus contestée1198. À cet égard, il est probable que l’action du HCDH dans le domaine de la justice transitionnelle a participé à un renforcement mutuel de l’entité et du domaine d’action, à tel point qu’une tendance apparaît, au sein de l’ONU, à assimiler droits de l’Homme et justice transitionnelle1199. 462. La centralité du HCDH dans l’action onusienne dans le domaine de la justice transitionnelle n’a pourtant été reconnue que tardivement. Ce n’est qu’à partir de la décision du Secrétaire général de 20051200, portant sur les droits de l’Homme dans les missions intégrées, et de son rapport « Unissons nos forces » de 20061201 que le rôle du HautCommissariat a été officialisé et accompagné de prérogatives spécifiques. Le rapport précise ainsi que : « [le] Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sert de chef de file du système des Nations Unies pour la promotion et la protection des droits de l’homme, y compris la justice transitionnelle. Il dispense appui et conseils dans ce dernier domaine, notamment en vue de la mise au point d’outils 1197 Les mandats respectifs des commissions vérité salvadorienne et sierra léonaise sont un exemple de cette évolution. 1198 La création du poste de Haut-Commissaire a été vivement contestée par les États membres ainsi que par le Secrétaire général Boutros-Ghali lui-même. Voir les débats à l’Assemblée générale sur la création du poste : A/48/P.V85, 20 décembre 1993. Voir également ALSTON (P.), « Neither fish nor fowl : the quest to define the role of the UN High Commissioner for human rights », EJIL, vol. 8, n° 2, 1997, pp. 322-325. 1199 HANNUM (H.), « Human rights in conflict resolution : the role of the Office of the High Commissioner for human rights in UN peacemaking and peacebuilding », Human Rights Quarterly, vol. 28, n° 1, 2006, p. 36. 1200 SGNU, décision n° 2005/24, « Human rights in integrated missions », 26 octobre 2005. 1201 SGNU, UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces, op. cit. 298 de prise de décisions, ainsi qu’une aide à la conception, la création et la mise en service de mécanismes de justice transitionnelle.»1202 La décision de 2005 prévoit pour sa part qu’au sein des opérations de paix, les éléments liés aux droits de l’Homme seront placés sous la responsabilité d’une section spécifique, dont le chef serait également le représentant du Haut-Commissariat aux droits de l’homme dans le pays. Le rôle du HCDH a encore été étendu en vertu de l’accord (« policy ») signé en 2011 entre ce dernier, le DOMP, le DAP et le Département d’appui aux missions (DAM)1203. Il dispose que : « [the] human rights component works alongside host governments to strengthen their capacity to promote and protect human rights in different ways, for example by supporting the establishment of transitional justice frameworks and mechanisms, including vetting, reparations, truth and reconciliation commissions, and judicial mechanisms to address past violations »1204. Cet accord est venu combler une lacune dans l’encadrement de la coordination des entités concernées. Alors que le HCDH et le DOMP avaient bien conclu un mémorandum d’accord dès 1999, révisé en 2002, un tel document manquait pour la gestion des relations entre le Haut-Commissariat et le DAP1205. Cela signifie que les missions politiques spéciales, gérées par ce dernier, ne reconnaissaient pas de rôle particulier au HCDH. Étant donné l’intégration de plus en plus régulière de volets « justice transitionnelle » dans les mandats de ces missions1206, ainsi que l’accroissement du nombre de ces dernières, cette carence représentait un risque pour l’efficacité et la crédibilité des actions onusiennes en matière de droits de l’Homme d’une façon générale et de justice transitionnelle plus particulièrement. 463. La position de leadership du HCDH permet son implication dans l’élaboration de tous les programmes menés par les opérations de maintien de la paix et missions politiques spéciales dans le domaine de la justice transitionnelle. Des programmes tels que les lustrations, conduites par les sections RSS, les éléments liés au dialogue intercommunautaire et à la réconciliation, souvent menés par les sections affaires politiques, ou encore les 1202 Ibid., § 13. HCDH/DOMP/DAP/DAM, Policy, « Human rights in United Nations peace operations and political missions », 1 septembre 2011. 1204 Ibid., § 71. 1205 HANNUM (H.), « Human rights in conflict resolution », op. cit., p. 13. 1206 Voir Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 1203 299 éléments des programmes de désarmement, démobilisation, réinsertion (DDR) touchant aux réparations, menés par les composantes militaires, doivent être mis en œuvre en coopération avec les sections droits de l’homme, qui sont consultées en leur qualité de leader en matière de justice transitionnelle. Des échecs, en termes de respect des droits de l’Homme, tels qu’en a connu le programme de lustration mené par la MINUBH en Bosnie-Herzégovine peuvent ainsi être évités1207. Il faut toutefois noter que cette évolution s’inscrit dans un renforcement plus large de la protection et de la promotion des droits de l’Homme par et au sein des actions de l’ONU. Des expériences telles que le Sri Lanka, où l’ONU a échoué, par manque de coordination et de volonté politique, à protéger les populations1208, ont incité l’Organisation à replacer les droits de l’Homme au cœur de l’ensemble de ses actions. Plusieurs initiatives ont alors été adoptées, dont la décision de 2005, « Human rights up front »1209, enjoignant à toutes les entités onusiennes d’intégrer la protection des droits de l’Homme dans l’ensemble de leurs programmes. On peut également citer la « politique de diligence voulue »1210, mettant en place un système de renseignement à disposition des composantes militaires pour leur permettre de refuser toute assistance à des forces nationales comprenant dans leur rang des individus soupçonnés de violations des droits de l’Homme ou du droit humanitaire. L’intégration transversale des droits de l’Homme a eu pour effet de renforcer le rôle du HautCommissariat en lui conférant une légitimité pour promouvoir ses intérêts au sein de l’action de l’ensemble des entités onusiennes. 464. Le leadership du HCDH en matière de justice transitionnelle connaît cependant des limites importantes qui découlent de l’autorité qui l’a investi de ce rôle. Elle implique tout d’abord que le HCDH n’exerce aucune autorité en la matière sur le Secrétaire général, qui demeure le plus haut fonctionnaire de l’Organisation et peut ainsi choisir d’impliquer, ou non, le Haut-Commissariat dans l’élaboration et la mise en œuvre des mandats des opérations de paix ou encore dans les négociations de paix. Étant donné l’engagement sans équivoque des Secrétaires généraux en faveur du rôle du HCDH dans le domaine de la justice transitionnelle, cette limite ne représente pas, dans les faits, un réel obstacle à l’action de ce dernier. On 1207 Voir supra partie 2, titre 1, chapitre 1 et Annexe II, Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle. 1208 SGNU, Report of the Secretary general’s internal review panel on United Nations action in Sri Lanka, novembre 2012. 1209 KURTZ (G.), « With courage and coherence. The human rights up front initiative of the United Nations », Global Public Policy Institute, juillet 2015, 38 p. 1210 SGNU, UN Doc. A/67/775-S/2013/110, Annexe, « Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme dans le contexte de la fourniture d’appui par l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes », 5 mars 2013. 300 remarque toutefois que les lacunes, en termes de coordination, entre la CVR sierra léonaise, le TSSL et la MINUSIL1211, auraient probablement pu bénéficier d’une meilleure coordination entre le Secrétariat, fortement impliqué dans ces deux dernières entités, et le HCDH, central au sein de la première. En revanche, les limites à l’autorité du HCDH sont identiques à celles du Secrétaire général en ce qui concerne les autres acteurs de la justice transitionnelle. Ni l’un ni l’autre ne possèdent une quelconque autorité sur les organes intergouvernementaux de la famille onusienne, dont l’implication grandissante dans le domaine de la justice transitionnelle a déjà été soulignée. Le Haut-Commissariat peut ainsi se retrouver en opposition avec les approches de certaines entités, au premier rang desquelles se trouve le Conseil de sécurité. Le caractère hautement politique des décisions adoptées au sein du Conseil peuvent ainsi aller à l’encontre des principes promus par le HCDH. L’opposition de ces acteurs au sujet de l’immunité conférée à Ali Abdallah Saleh1212, l’ancien président yéménite, à la suite des négociations de paix menées par le Conseil de coopération du Golfe, illustre bien la divergence des intérêts qu’elles poursuivent. Du fait du mandat particulier du Conseil de sécurité, les divergences pouvant apparaître avec le HCDH sont automatiquement justifiées par la nécessité du maintien de la paix et de la sécurité internationales. La même remarque ne peut pas s’appliquer aux institutions spécialisées, fonds agences et programmes qui constituent la famille onusienne. 465. En tant qu’organes intergouvernementaux, le PNUD, l’UNICEF, ONU-Femmes, l’UNFPA ou encore le HCR ne sont soumis ni à l’autorité du Secrétaire général, ni bien sûr à celle du HCDH. Il résulte de ce fait que les agences agissant dans des domaines connexes, voire similaires, peuvent ne pas poursuivre les mêmes objectifs ou adopter la même approche que les entités intégrées œuvrant au sein des opérations de paix1213. C’est ainsi que le HCDH s’est désolidarisé d’un projet du PNUD visant la réconciliation, au Libéria, par le biais de mécanismes traditionnels de dialogue et de vérité, les palava hut1214. Les deux entités 1211 Voir supra, partie 1, titre 2, chapitre 2, section II. L’accord prévoyait en effet l’octroi d’une immunité au Président yéménite en échange de son départ. Alors que le Conseil de sécurité a accueilli avec satisfaction cet accord, il a provoqué la colère de Navanathem Pillay, alors Haut-Commissaire aux droits de l’homme. Pour les positions respectives du Conseil de sécurité et de la Haut-Commissaire, voir S/RES/2014 (2011) et HCDH, « Pillay : No amnesty for gross human rights violations in Yemen », Communiqué de presse, 6 janvier 2012. 1213 CAMPBELL (S. P.), « (Dis)integration, incoherence and complexity on UN post-conflict interventions », International Peacekeeping, vol. 15, n° 4, 2008, p. 558. 1214 Projet PBF/LBR/A-11 : « Community-based Truth Telling and Atonement Project », disponible sur le site du Fonds de consolidation de la paix. 1212 301 onusiennes sont en désaccord sur l’approche à adopter en matière de justice transitionnelle, notamment concernant la priorité à donner à la lutte contre l’impunité au sens pénal. On retrouve le même type de projet porté par le PNUD sans le soutien du HCDH en Libye1215, marquant les problèmes de coordination et de coopération entre ces entités. 466. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme est donc placé au centre de l’action onusienne en matière de justice transitionnelle et bénéficie à ce titre d’un statut avantageux qui lui est octroyé par le Secrétaire général. Il demeure que son autorité, tout comme ses moyens d’action, sont limités et que sa tâche en matière de justice transitionnelle s’inscrit souvent au sein du contexte plus large des opérations de paix, elles-mêmes soumises aux concurrences ayant cours au sein du secrétariat des Nations Unies. B) Le maintien d’une concurrence au sein du Secrétariat 467. En matière de justice transitionnelle, le Secrétaire général agit essentiellement dans le cadre de ses attributions en termes de bons offices et de médiation. Ses envoyés et représentants spéciaux participent aux négociations de paix et y promeuvent l’inclusion de considérations liées à cette justice. Le Secrétaire général est également bien souvent à l’initiative de la création des opérations de paix1216, notamment en ce qui concerne les missions politiques spéciales. L’inclusion d’un mandat portant sur la justice transitionnelle dépend ainsi en grande partie de la réflexion stratégique menée au sein du secrétariat. À ces aspects opérationnels, il faut également ajouter son action normative, puisqu’il détermine la ligne politique générale de l’ONU en matière de justice transitionnelle. Cette attribution lui provient de la double autorité dont il est investi, en tant que figure morale et de chef du secrétariat1217. La première source d’autorité s’illustre parfaitement au travers de la diffusion extrêmement large qui a été faite du rapport du Secrétaire général sur l’état de droit et la justice transitionnelle de 2004. La seconde est visible dans ses décisions relatives à l’organisation du secrétariat et aux principes encadrant l’action des départements qui le 1215 Projet PBF/IRF-147 : « Towards national reconciliation in Libya », disponible sur le site du Fonds de consolidation de la paix. 1216 FRANCK (T. M.), « The Secretary-General’s role in conflict resolution : past, present and pure conjecture », EJIL, vol. 6, n° 1, 1995, p. 6. 1217 Michael Barnett et Martha Finnemore distinguent ces deux sources d’autorités en qualifiant la première comme étant « an authority » et la seconde comme étant « in authority ». Voir BARNETT (M.), FINNEMMORE (M.), Rules for the world. International organizations in global politics, Cornell University Press, Ithaca, Londres, 2004, p. 25. 302 composent. La « guidance note » sur l’approche onusienne de la justice transitionnelle et le placement du HCDH en position de leadership dans ce domaine en sont deux illustrations. 468. L’unité du secrétariat telle que représentée par le Secrétaire général n’empêche cependant pas les rivalités et mécompréhensions entre les départements qui le composent, au premier rang desquels se trouvent le Département des opérations de maintien de la paix et le Département des affaires politiques1218. Bien que le HCDH ne fasse pas partie du secrétariat à proprement parler, il peut être inclus ici en tant qu’entité intégrée participant aux missions gérées par les deux départements susmentionnés. La compétition entre le DOMP et le DAP est un sujet récurrent dans le cadre de la réflexion autour de l’action de l’Organisation dans le maintien et la consolidation de la paix1219. Elle motive aujourd’hui les propositions de fusion des deux départements, dont les champs de compétence – opérationnel et militaire pour le DOMP et diplomatique et politique pour le DAP – ne reflètent plus l’évolution du maintien et de la consolidation de la paix. En effet, le développement des opérations de maintien de la paix dites « multidimensionnelles », ou de 4ème génération, induit une importante implication du DOMP dans des secteurs politiques et civils, dont la justice transitionnelle n’est qu’un des exemples. Parallèlement, l’accroissement tout à la fois du nombre de missions politiques et du mandat de chacune d’entre elles fait intervenir le DAP dans des secteurs similaires à ceux du DOMP, telle la réforme du secteur de sécurité1220. Ce rapprochement des domaines d’intervention des deux départements est également induit par la volatilité sécuritaire des contextes de leur déploiement, nécessitant un glissement d’une action de consolidation de la paix à une action de maintien de la paix, comme ce fut le cas en République centrafricaine. Il apparaît alors que, dans une logique bureaucratique d’extension de leur champ d’action, les deux départements peinent à communiquer et à échanger leurs informations et leurs compétences, en matière sécuritaire pour le DOMP et en matière d’analyse politique pour le 1218 Bien que le Département d’appui aux missions fasse également partie du secrétariat et agisse dans l’élaboration des opérations de maintien de la paix, son rôle tient essentiellement en des tâches de coordination et d’information, peu problématiques pour le sujet traité. 1219 Voir par exemple Center for conflict resolution, « Restructuring the UN secretariat to strengthen preventive diplomacy and peace operations », par Stuart Cliffe et Alexandra Novosseloff, février 2017, p. 20 ; PARIS (R.), « Understanding the “coordination problem” in postwar statebuilding », in PARIS (R.), SISK (T.), The dilemmas of statebuilding. Confronting the contradictions of postwar peace operations, Routledge, Londres, New York, 2009, p. 57. 1220 Center for conflict resolution, « Restructuring the UN secretariat », op cit., p. 7. Voir également les projets de lustrations menés par les missions politiques spéciales présentées in Annexe III, Missions politiques spéciales et justice transitionnelle. 303 DAP1221. Si ces problèmes ne jouent qu’un rôle relativement marginal dans le domaine de la justice transitionnelle, porté indifféremment par le HCDH que les opérations soient conduites par le DAP ou par le DOMP, ils impactent tout de même négativement l’élaboration et la conduite des opérations de paix au sein desquelles les programmes de justice transitionnelle sont menés. 469. Plus inquiétantes sont les mésententes et tensions entre le Département des affaires politiques et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, dans la mesure où elles impactent directement les stratégies de justice transitionnelle menées au sein des missions politiques spéciales. L’ancrage de cette justice au sein des droits de l’Homme la soumet automatiquement à l’arsenal normatif lié à ce pilier de l’action onusienne et dont le HCDH est le garant au sein des opérations de paix. C’est alors le dilemme entre la paix et la justice qui resurgit entre ces deux entités. Il prend ici la forme d’une opposition entre, d’une part, la promotion de la lutte contre l’impunité et la dénonciation des violations des droits de l’Homme et, d’autre part, l’action diplomatique et la préservation des bonne relations entre l’opération et le gouvernement (dans la mesure où le consentement de celui-ci est nécessaire au déploiement, au maintien et au travail de l’opération). Bien que des progrès aient été notés dans la période récente, comme l’atteste la signature de l’accord entre le HCDH, le DOMP, le DAP et le DAM, l’incompréhension et le manque de communication a souvent caractérisé la relation entre le Haut-Commissariat et le Département des affaires politiques, menant à une perte de cohérence de l’action1222. 470. Cette perte de cohérence n’a pas échappé aux acteurs onusiens. De multiples réflexions ont ainsi été menées pour y remédier, menant à une suite de réformes institutionnelles. Ces réformes ont pourtant échoué à résoudre un problème récurrent au sein de l’action onusienne et la coordination opérationnelle demeure très imparfaite. 1221 Ce problème s’est présenté au niveau de la réflexion stratégique, en termes de choix de déploiement d’une opération de maintien de la paix ou d’une mission politique au Mali et en République centrafricaine et au niveau opérationnel lors du déploiement de l’ATNUTO au Timor Leste, dont la politique de recrutement a été vivement critiquée pour ne pas avoir su tirer profit de l’expérience et des compétences en termes d’analyse politique et stratégique du DAP. Pour ces deux aspects, voir respectivement ibid., p. 14 et MARTIN (I.), MAYER-RIECKH (A.), « The United Nations and East Timor : from self-determination to state-building », International Peacekeeping, vol. 12, n° 1, p. 133. 1222 Voir notamment HANNUM (H.), « Human rights in conflict resolution », op. cit., p. 14. 304 Section II L’imperfection de la coordination opérationnelle de l’action de l’ONU 471. Pour l’ONU, la coordination opérationnelle s’apparente à un tonneau des Danaïdes. En ce qui concerne la justice transitionnelle et la consolidation de la paix de façon plus générale, les initiatives de réforme se sont multipliées sans réellement parvenir à régler les problèmes générés par la prolifération institutionnelle déjà décrite. Autre « mantra » onusien1223. la coordination souffre d’une réticence à « élaguer dans la jungle »1224 des organes de l’Organisation. Il en résulte une certaine tendance à l’empilement plutôt qu’au remplacement, ajoutant des problèmes de coordination aux problèmes de coordination. Représentant déjà le fil rouge du rapport Brahimi1225, la question de la coordination et de la réforme des opérations de paix est ainsi toujours à l’ordre du jour1226. 472. La coordination des actions en matière de justice transitionnelle est absolument cruciale pour assurer leur efficacité dans un domaine aussi diversifié et réunissant un si grand nombre d’acteurs. Comme le soulignait déjà Boutros Boutros-Ghali, « [les] tâches que comportent les opérations multifonctionnelles de maintien de la paix et les missions de consolidation de la paix dépassent la compétence et l’expérience d’un seul département, programme, fonds, bureau ou organisme des Nations Unies. »1227 La même remarque s’applique à la question plus spécifique de la justice transitionnelle. L’ONU s’est donc bien emparée du problème de coordination. Les tendances susmentionnées ont toutefois généré une situation paradoxale de l’éclatement de mécanismes visant initialement à améliorer la situation (§ 1). Le modèle actuellement développé d’opérations dites « intégrées » n’offre à cet égard que des perspectives limitées, notamment en matière de justice transitionnelle (§ 2). 1223 PARIS (R.), « Understanding the “coordination problem” in postwar statebuilding », op. cit., p. 53. DEJAMMET (A.), Supplément au voyage en Onusie, Fayard, Paris, 2003, p. 70. 1225 Rapport Brahimi, op. cit. 1226 Le nouveau Secrétaire général, Antonio Gutterres a ainsi fait de cette question l’un des chevaux de batailles de son mandat. Voir sa première proposition sur le sujet : SGNU, UN Doc. A/72/525, op. cit. 1227 SGNU, UN Doc. A/50/60-S/1995/1, Supplément à l’agenda pour la paix, op. cit., § 93. 1224 305 §1/Le paradoxe onusien de l’éclatement de la coordination 473. En termes de coordination des actions en matière de justice transitionnelle, deux niveaux sont à prendre en compte. Le premier concerne la coordination intraonusienne et le second celle de l’ONU avec les acteurs extérieurs. Au niveau intraonusien, l’effort de coordination s’est effectué par la création conjointe, par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, en 20051228, d’un nouveau dispositif de consolidation de la paix. Ont vu le jour à cette occasion : la Commission de Consolidation de la Paix (CCP), le Fonds de Consolidation de la Paix (FCP) et le Bureau d’Appui à la Consolidation de la Paix (BACP). Cette création est issue du constat, par le « Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement », de l’absence de structure onusienne dédiée aux activités de prévention des conflits et notamment de leur résurgence dans les États fragiles1229. Comme nous le verrons, cette création s’est surtout illustrée par ses graves insuffisances (A). Au niveau extraonusien, la diversité des acteurs extérieurs ainsi que leur réticence à voir leurs actions dictées par l’ONU a mené au refus, par ailleurs légitime, de mettre en place une coordination institutionnalisée (B). A) Les insuffisances du nouveau dispositif de consolidation de la paix Initié par des intentions louables, le nouveau dispositif de consolidation de la paix a été, dès sa création, fortement affaibli (1). Plutôt que de remplacer ou même de renforcer les mécanismes épars de coordination qui lui préexistaient, ce dispositif n’a fait, dans une grande mesure, que s’y ajouter (2). 1228 A/RES/60/80 (2005) et S/RES/1645 (2005). AGNU, UN Doc. A/59/565, Un monde plus sûr : notre affaire à tous. Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, 2 décembre 2004, §§ 224-230 et 261-269. 1229 306 1. Les faiblesses inhérentes au dispositif de consolidation de la paix 474. Le dispositif de consolidation de la paix proposé par le Groupe de haut-niveau visait à doter l’Organisation d’institutions capables d’alerter les principaux organes onusiens – l’Assemblée générale, l’ECOSOC et le Conseil de sécurité – de situations présentant un risque de développement ou de rechute dans une situation de conflit, de proposer des stratégies d’intervention, en s’appuyant sur une capacité d’analyse des contextes ainsi que sur la mobilisation de l’expérience acquise au fil des interventions passées (les « lessons learned » et « bonnes pratiques »), d’optimiser l’action ainsi entreprise en assurant la coordination de l’ensemble des acteurs tant onusiens qu’extérieurs, et de fournir une plateforme de centralisation de contributions volontaires visant à fournir des financements rapides et ciblés à des projets liés à la consolidation de la paix. Reprise par le Secrétaire général dans son rapport « Dans une liberté plus grande » de 20051230, l’idée de la création d’une Commission de consolidation de la paix fut entérinée lors du sommet mondial de l’ONU de la même année, bien que sous une forme moins contraignante, puisque, ayant perdu tout moyen d’action autonome, elle n’est alors plus qu’un organe intergouvernemental consultatif1231. Ce caractère lui vaut d’ailleurs de nombreuses critiques1232, dans la mesure où ses efforts d’harmonisation de l’action internationale n’ont que la portée que ses partenaires, onusiens et extérieurs, acceptent de leur donner. 475. Si la compétence de la Commission de consolidation de la paix et de ses partenaires dépasse largement la justice transitionnelle, cette dernière demeure tout de même au cœur de leur travail. Les six États à l’agenda de la CCP1233 ont mis ou mettent actuellement en œuvre des programmes de justice transitionnelle soutenus par l’ONU1234. De plus, la réconciliation fait partie des préoccupations principales de la Commission, qui en a fait l’un de ses axes de travail, aux côtés de la revitalisation économique, de la protection et de la promotion du rôle des femmes et des jeunes et des questions plus administratives tel le transfert des responsabilités entre les opérations de paix et les équipes pays de l’ONU1235. De même, le Fonds de consolidation de la paix finance de nombreux projets liés à la justice transitionnelle, 1230 SGNU, UN Doc. A/59/2005/Add.2, Dans une liberté plus grande, op. cit., §§ 114-119. A/RES/60/1 (2005), §§ 97-105. Sur l’affaiblissement de la CCP par rapport au projet imaginé par le Groupe de haut niveau, voir BERDAL (M.), Building peace after war, Routledge, Londres, New York, 2009, p. 139. 1232 Ibid. 1233 Il s’agit, par ordre chronologique d’inscription, du Burundi, de la Sierra Léone, de la Guinée Bissau, de la République centrafricaine, du Libéria et de la Guinée. 1234 Voir les Annexes II à V. 1235 Voir les rapports annuels de la Commission de consolidation de la paix à l’Assemblée générale. 1231 307 au titre de son « dispositif d’appui à la consolidation de la paix et au relèvement » et en conformité avec les priority areas définies par le Secrétaire général, comprenant les projets visant au rétablissement de l’état de droit et ceux visant le rétablissement du dialogue et de la réconciliation nationale1236. Malgré cette intégration de la justice transitionnelle au sein des objectifs poursuivis par les organes de consolidation de la paix, leur rôle dans ce domaine demeure marginal et dénote des carences du point de vue de leur capacité (étendue de l’action) et de leur efficacité (cohérence de l’action) vis-à-vis des objectifs onusiens de la consolidation de la paix. Tout d’abord, la Commission et le Fonds de consolidation de la paix paraissent peu attractifs tant pour les États potentiellement visés que pour les institutions internationales censées soutenir leur travail. Le faible nombre d’États inscrits à l’agenda de la CCP témoigne du peu d’intérêt que la Commission suscite, y compris auprès des organes onusiens compétents pour la saisir (c’est-à-dire le Secrétaire général ainsi que l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et l’ECOSOC). Des contextes tels que le Mali, la Libye, la RDC ou encore la Côte d’Ivoire font l’objet d’actions onusiennes dans le domaine de la consolidation de la paix sans toutefois être inscrits à cet agenda. Parallèlement, les réserves financières du Fonds de consolidation de la paix demeurent très inférieures aux ambitions affichées1237. 476. Du point de vue de l’efficacité de l’action des organes de consolidation de la paix, plusieurs carences importantes sont à relever. Il paraitrait évident qu’un dispositif onusien de consolidation de la paix serve à orienter l’action de ses membres et de ses partenaires vers les objectifs de ce domaine tels que déterminés par l’ONU. C’était en tous cas l’une des attentes et des motifs initiaux de création de la CCP, censée incarner une unification de l’approche internationale de la consolidation de la paix. Le caractère intergouvernemental, comprenant une composition tripartite entre les trois principaux organes intergouvernementaux onusiens ainsi que le caractère consensuel des recommandations et programmes adoptés par la CCP, n’ont finalement permis à celle-ci que de refléter les oppositions politiques plutôt que de les dépasser. Si quelques éléments non sujets à polémique, tel le rôle des femmes et des jeunes dans la consolidation de la paix, sont bien développés par la Commission, aucune approche globale et unifiée de la consolidation de la paix n’a émergé de ses travaux et le domaine reste considéré comme flou. 1236 Voir le mandat du Fonds tel que défini par le Secrétaire général et adopté par l’Assemble générale. UN Doc. A/63/818, 13 avril 2009, annexe. 1237 Le FCP dispose de fonds d’un montant annuel approximatif de 500 millions de dollars. AGNU, UN Doc. A/69/968-S/2015/490, op. cit., §§ 13-115. 308 D’autre part, les programmes d’action de la CCP, développés au sein de ses stratégies d’engagement1238, mettent l’accent sur l’appropriation nationale et le respect des priorités définies par les pouvoirs exécutifs des États inscrits à son agenda. Cette recherche du consensus permet certes d’assurer une coopération accrue des autorités nationales, mais limite drastiquement les possibilités d’engager l’action sur des terrains plus polémiques telle que la lutte contre l’impunité. Il paraît ainsi étrange que les stratégies d’engagement de la CCP au Libéria et au Burundi, où l’ONU, notamment à travers le HCDH, cherche à promouvoir cette lutte, ne font aucune mention d’éventuelles poursuites pénales des responsables de graves violations des droits de l’Homme, leur préférant des programmes orientés vers le dialogue, tels les palava hut libériens. Le même problème est visible au sein du Fonds de consolidation de la paix, qui favorise les programmes liés à une justice transitionnelle axée sur la réconciliation, finançant des projets de dialogue national et de réparation, au détriment d’actions portant sur la justice pénale. Le dispositif onusien de consolidation de la paix, sans permettre l’adoption d’une vision commune de ce domaine, semble ainsi participer à l’affaiblissement de celle promue par le Secrétaire général et le HCDH en ce qui concerne la justice transitionnelle. Soumise aux luttes politiques intraonusiennes et aux réticences politiques des gouvernements nationaux, la CCP peine à trouver sa place au sein du vide institutionnel qu’elle était censée combler. Elle n’apparaît alors plus que comme un instrument de coordination de plus dans un paysage déjà fourni en la matière. 2. La dilution du dispositif au sein des mécanismes de coordination 477. La réaction de Koffi Annan et des États membres de l’ONU face au vide institutionnel lié à la consolidation de la paix est représentative d’une tendance des bureaucraties à régler les problèmes par la voie institutionnelle1239. La création du dispositif de consolidation de la paix ne représente alors qu’une répétition d’efforts similaires visant à traiter du problème récurrent de la coordination des actions onusiennes. Le fait est que la multiplication d’institutions ou de groupes orientés vers la coordination pose des problèmes de coordination entre ces groupes et institutions et de chevauchement des mandats. Il est à cet égard caractéristique qu’une partie 1238 Ces stratégies sont comprises dans des documents dont la dénomination varie. Le Burundi, la Sierra Léone, la Guinée Bissau et la RCA font l’objet d’un « Cadre stratégique pour la consolidation de la paix » alors que la Guinée et le Libéria ont conclu des « Déclarations d’engagements mutuels pour la consolidation de la paix ». 1239 PARIS (R.), « Understanding the “coordination problem” in postwar statebuilding », op. cit., p. 59. 309 des efforts de la Commission de consolidation de la paix soit orientée vers la coordination de son action et de celle du Fonds de consolidation de la paix, pourtant créé à ses côtés. La Commission souffre encore ici de son manque de caractère contraignant, dans la mesure où les documents stratégiques qu’elle adopte pour chaque pays doivent, certes, servir de base à ceux adoptés pour les mêmes contextes par le Fonds, mais n’engagent aucunement ce dernier. Il est en effet seulement prévu que, « [pour] les pays dont la Commission de consolidation de la paix est saisie, le plan de priorités est établi sur la base des priorités définies ou de la stratégie intégrée de consolidation de la paix arrêtée par la Commission et les autorités nationales du pays concerné.»1240 478. Outre le Fonds de consolidation de la paix, la CCP cohabite également avec plusieurs autres structures de coordination de l’action onusienne. Créés respectivement en 20061241 et 2012, le « Groupe de coordination et de conseil sur l’état de droit » et la « cellule mondiale conjointe de coordination des activités de promotion de l’état de droit relatives à la police, à la justice et à l’administration pénitentiaire au lendemain de conflits et dans d’autres situations de crise »1242 – plus connu sous ses noms et acronymes anglais de « global focal point » (GFP) – ont pour tâche d’assurer la coordination de l’action des acteurs onusiens et, dans une moindre mesure, extérieurs1243 dans le domaine de l’état de droit. Le premier est dirigé par le Secrétaire général adjoint et le second par le DOMP et le PNUD, assistés des institutions principalement concernées, c'est-à-dire le HCDH, l’ONUDC, le HCR, l’UNICEF et ONUFemmes. Si les mandats des deux groupes paraissent différer de celui de la CCP, notamment par leur orientation technique et plus limitée, leurs activités se recoupent en de nombreux points. Il est tout d’abord évident et tout à fait constant dans l’approche onusienne que le rétablissement de l’état de droit est une activité importante de la consolidation de la paix. Il y aurait donc ici un double niveau de coordination stratégique entre les deux groupes et la CCP. Ce recoupement s’illustre d’ailleurs tout à fait au vu des contextes qui font l’objet de l’attention de ces groupes. On observe ainsi que le GFP est actif au Libéria, pays également à l’agenda de la CCP. On peut également citer le cas de la République centrafricaine, concernée, notamment pour la mise en place de la Cour pénale spéciale, par le GFP et par la CCP. L’assistance procurée par ces groupes se situe également, pour une part, au même 1240 Mandat du Fonds de consolidation de la paix. UN Doc. A/63/818, op. cit., § 3. 3 (b), (nous soulignons). Voir SGNU, UN Doc. A/61/636-S/2006/980, Unissons nos forces, op. cit., §§ 48-50 ainsi que le mandat révisé du groupe : SGNU, « Rule of law arrangements », décision n° 2012/13, 1er septembre 2012, annexe 2. 1242 Voir ibid., annexe 1. 1243 Il s’agit essentiellement de la Banque Mondiale, invitée à participer aux réunions du Groupe. 1241 310 niveau hiérarchique : il s’agit d’aider les responsables de chaque agence sur le terrain à inscrire leur action dans un cadre stratégique plus global concernant l’état de droit ou la consolidation de la paix. Une partie de l’action de ces groupes et institutions est donc tournée vers la coordination des opérations sur le terrain. Il faut noter à cet égard que l’instauration, dès 1977, du coordinateur résident était déjà censée remplir cette fonction de coordination. Fonctionnaire onusien sous l’autorité du PNUD, le coordinateur résident est chargé de représenter l’ensemble des agences onusiennes composant l’équipe pays1244 et d’assurer une coordination de leur action. Si cette tâche dépasse bien évidemment l’état de droit, et la justice transitionnelle d’autant plus, elle le comprend, dans la mesure où de nombreuses agences œuvrent dans ce domaine. Il faut également rajouter que dans le cadre des opérations de maintien de la paix dites « intégrées »1245, le coordinateur résident occupe également le poste d’adjoint au Représentant spécial du Secrétaire général – le Représentant spécial étant la plus haute autorité hiérarchique au sein des missions – et, de façon plus anecdotique pour notre sujet, de coordinateur humanitaire. Il s’agit donc d’une autorité chargée de la coordination de l’ensemble des activités onusiennes, faisant le lien entre les actions menées dans le cadre des opérations de maintien de la paix et celles menées par les agences, fonds et programmes affiliés à l’ONU. Cette tâche est bien évidemment extrêmement lourde et il serait absurde de faire porter sur le seul coordinateur résident la charge de la coordination. Les groupes thématiques sont donc d’une aide précieuse pour apporter une expertise technique et assurer la transmission des connaissances acquises lors d’opérations antérieures. Il demeure que ni les groupes, ni la CCP ne sont soumis à l’autorité du coordinateur résident. Il s’agit encore ici d’une autorité coordinatrice avec laquelle une coordination doit être assurée. 479. Le constat du manque de coordination dans la sphère intraonusienne s’applique également à la sphère extraonusienne. Leurs caractéristiques sont toutefois très différentes. Si l’absence de coordination institutionnalisée nuit au fonctionnement des actions menées par les acteurs onusiens, elle pourrait bien représenter un atout pour les relations entre l’ONU et les acteurs extérieurs. 1244 1245 L’équipe pays représente l’ensemble des agences onusiennes actives dans un contexte donné. Voir infra, § 2. 311 B) Le refus légitime de l’institutionnalisation de la coordination avec les acteurs extérieurs 480. L’action des organisations régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale a été une source de préoccupation pour l’ONU dès sa création. Les conférences de Dumbarton Oaks puis de San Francisco ont permis de glisser d’une réticence initiale vis-àvis de ces organisations à leur reconnaissance et à l’encadrement de leur action au sein du Chapitre 8 de la Charte des Nations Unies1246. Dans la mesure où la justice transitionnelle, à l’instar des autres actions intégrées à la consolidation de la paix, exclut majoritairement la notion de coercition, les organisations régionales n’ont nulle obligation d’informer le Conseil de sécurité des actions qu’elles mènent dans ce domaine et peuvent agir de façon totalement autonome1247. La coopération entre l’ONU et ces organisations est pourtant d’une importance cruciale pour l’ensemble de ces acteurs. Le développement par les organisations régionales de compétences et d’outils dans le domaine de la consolidation de la paix et de la justice transitionnelle leur permet d’étendre leur influence et d’accroître leur visibilité. L’ONU profite de cette aide pour déléguer en partie des missions coûteuses et limiter son implication dans certaines régions et certains domaines d’intervention à la fois complexes, donc potentiellement longs, et sensibles, exposant l’Organisation aux critiques anti-impérialistes. Il demeure toutefois qu’aucune organisation régionale n’a une connaissance et une expérience aussi développées que l’ONU en matière de consolidation de la paix et de justice transitionnelle. L’expertise et les moyens financiers de l’Organisation, ainsi que le sceau de l’universalisme qui l’accompagne sont des éléments aussi utiles aux organisations régionales que leur ancrage local l’est pour l’ONU. La coopération est donc nécessaire. 481. Alors que cet appel à une plus grande coopération entre l’ONU et les organisations régionales ou sous-régionales avait déjà été formulé par Boutros Boutros-Ghali dans son Agenda pour la paix ainsi que dans le Supplément publié en 19951248, la reconnaissance par ces organisations d’une nécessité de coordination et la création de structures poursuivant ce but n’ont progressivement vu le jour qu’à partir des années deux-mille. Les actes, déclarations et mécanismes qui régissent et mettent en œuvre cette coordination témoignent, par leurs 1246 Pour une historique de la construction du Chapitre 8 et de son fonctionnement, voir notamment VILLANI (U.), « Les rapports entre l’ONU et les organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix », RCADI, vol. 290, 2001, pp. 239-270 ; BOISSON de CHAZOURNES (L.), « Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », RCADI, vol. 347, 2011, pp. 238-257. 1247 VILLANI (U.), « Les rapports entre l’ONU et les organisations régionales », op. cit., pp. 396-397. 1248 SGNU, UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix, op. cit., §§ 60-65 et SGNU, UN Doc. A/50/60S/1995/1, Supplément à l’agenda pour la paix, op. cit., §§ 85-88. 312 caractères large et succinct, d’une volonté de ne pas réduire de façon excessive la marge de manœuvre des acteurs concernés. On peut citer à cet égard les deux déclarations conjointes ONU-UE sur la coopération en matière de gestion de crise de 2003 et 2007, et dont la première marqua le point de départ de la construction d’une réelle politique de coopération entre ces deux organisations dans le domaine du maintien et de la consolidation de la paix. Si les domaines de coopération qu’elles envisagent sont multiples, allant de l’assistance financière à la tenue d’opérations conjointes et à l’échange d’informations et de bonnes pratiques1249, la structure de coordination de ces actions de coopération demeure « légère »1250, incarnée par la volonté de créer un « joint consultative mechanism at the working level », donnant naissance au Comité conjoint de pilotage en matière de gestion de crises1251. Il s’agit de créer des espaces de discussion plus que des structures décisionnelles de coordination. Les bureaux de l’ONU installés à Bruxelles et à Addis Abeba assurent la continuité de ce dialogue en assurant une permanence du DOMP, du DAP et du DAM aux sièges de l’UE1252 et de l’UA1253. Dans son aspect le plus institutionnalisé, qu’il s’agisse des bureaux, du comité conjoint ou encore du cadre global adopté conjointement par l’UA et l’ONU1254, la coordination se caractérise plus par sa visée théorique qu’opérationnelle. Il s’agit en effet d’assurer une cohérence au sein des approches définies par les organisations régionales dans leurs efforts de consolidation de la paix. Cet objectif est d’ailleurs en tête des tâches confiées au Secrétariat de l’ONU et à la Commission de l’UA par le Joint United Nations - African Union framework, qui prévoit que ces deux organes développerons « a shared understanding of each other’s doctrines, policies, roles and practices as a necessary foundation for collaboration in responding to conflict »1255. 1249 Voir le texte de la déclaration, tel que reproduit in Interrnational Peace Academy, « EU-UN Partnership in Crisis Management : Developments and Prospects », par Alexandra Novosseloff, juin 2004, p. 17. 1250 NOVOSSELOFF (A.), « La coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les institutions européennes de sécurité : principes et perspectives », Annuaire Français de Relations Internationales, vol. 2, 2001, p. 605. 1251 Le Comité conjoint se réunit bi-annuellement pour évaluer les actions et projets menés et définir, de façon informelle, ceux à mener. 1252 Le « United Nation Liaison office for Peace and Security » (UNLOPS) a été créé en 2011 dans le but de favoriser la coordination entre l’UE et l’ONU en matière de gestion de crise, en facilitant les formations communes, faciliter la gestion des opérations de paix et développer des standards communs de bonnes pratiques. 1253 Voir le rapport du Secrétaire général sur la proposition de budget concernant l’UNOAU : UN Doc. A/64/72, 30 avril 2010 et la résolution de l’Assemblée générale approuvant le rapport A/RES/64/288 ( 2010). 1254 Voir le Joint United Nations - African Union framework for enhanced partnership in peace and security, New York, 19 avril 2017. 1255 Ibid., p. 6. 313 482. En ce qui concerne les organisations internationales thématiques, la situation n’est que partiellement différente. Il faut tout d’abord relever que la portée de la coopération entre ces organisations – Banque Mondiale et CPI par exemple – et l’ONU ne s’inscrit pas dans la même logique que celle des organisations régionales. Ces dernières développent en effet une capacité globale de réponse aux situations de crise, ayant pour vocation de leur permettre d’intervenir elles-mêmes, c’est-à-dire sans assistance opérationnelle de la part de l’ONU, tout en s’inscrivant dans un cadre légal et doctrinal garanti par la Charte et les organes qu’elle crée1256. Les organisations thématiques ont au contraire vocation à n’agir que sur un aspect spécifique de la situation de crise, prédéfini par leur mandat. Il peut s’agir du développement économique et de la bonne gouvernance pour la Banque Mondiale, ou encore de l’impunité pénale pour la CPI. Ces organisations n’interviennent donc pas en remplacement de l’ONU, contrairement aux organisations régionales, mais bien parallèlement aux missions créées par l’Organisation. La doctrine qu’elles appliquent lors de leurs actions est largement définie par leur mandat et ne nécessite donc pas, ou dans une moindre mesure, d’efforts d’alignement avec l’ONU. Ces spécificités de l’action des organisations thématiques impliquent une coordination se situant à un niveau plus opérationnel que pour les organisations régionales. 483. Les efforts de coordination concernant la Banque Mondiale se sont essentiellement concentrés sur la participation de cette organisation aux divers documents de planification des actions onusiennes, tels United Nations Development Assistance Frameworks (UNDAF)1257. Il s’agit ici d’assurer une coordination entre programmes mis en œuvre à l’échelle d’un pays. La situation de la CPI est un peu particulière du fait de sa proximité statutaire avec l’ONU, notamment en ce qui concerne le Conseil de sécurité1258. L’institutionnalisation de cette relation est d’ailleurs prévue par le Statut de Rome qui dispose que « [la] Cour est liée aux Nations Unies par un accord »1259. L’accord en question, entré en vigueur en octobre 20041260, inverse la tendance observée pour les organisations régionales en termes de coopération et de 1256 Les efforts de l’ONU pour renforcer la capacité de l’UA en termes d’opérations de paix vont dans le sens de cette logique de délégation plutôt que de coopération sur le terrain. Voir notamment S/RES/2320 (2016) et le rapport du Secrétaire général UN Doc. S/2017/454, Report of the Secretary-General on options for authorization and support for African Union peace support operations, 26 mai 2017. 1257 Voir infra § 2 les développements liés à l’intégration. 1258 Pensons, par exemple, aux articles 15 bis et16 du statut de Rome, concernant respectivement l’exercice de la compétence de la Cour pour le crime d’agression et la possibilité pour le Conseil de sécurité de suspendre toute action d’enquête ou de poursuite de la CPI pour une durée d’un an, ou encore de la possibilité pour le Conseil de sécurité de saisir e procureur de la CPI, conformément à l’article 13 b) du Statut de Rome. 1259 Voir Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 2. 1260 Voir « Accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l’Organisation des Nations Unies », New York, 10 octobre 2004, RTNU, vol. 2283, p. 195. 314 coordination. En effet, il n’est pas question ici d’aligner des doctrines potentiellement divergentes, tout juste les deux organisations se reconnaissent-elles l’une l’autre ainsi que leurs mandats respectifs. Si un dialogue est bien institué entre elles, notamment par l’instauration d’une « représentation réciproque »1261 et d’un échange d’informations1262, ce sont les dispositions concernant la « coopération et l’assistance judiciaire »1263 qui se démarquent par leur précision. Une lecture superficielle suffit à comprendre que cette précision vise en premier lieu à protéger les missions onusiennes en assurant à l’Organisation un contrôle strict des informations qu’elle détient, qu’il s’agisse de documents, de l’interview de personnels ou encore de leur témoignage1264. Il est à cet égard notable que les dispositions de l’accord entre l’ONU et la CPI liées à la confidentialité des informations aient pu représenter un défi pour les juges de la Cour dans l’objectif d’assurer le caractère équitable des procès, une valeur par ailleurs soutenue par l’ONU1265. 484. La coopération et la coordination prennent des formes différentes selon les acteurs concernés. Ces formes s’adaptent en fonction de leur mandat, mais également du rôle et des capacités des organisations, ainsi que du contexte de la coopération. Les carences de l’UA et de la CPI appellent, par exemple, à une coopération renforcée en matière de soutien financier et matériel, qui pousse la coordination vers un terrain plus opérationnel. L’autonomie d’action, en termes matériels, de l’UE dirige au contraire la coordination vers un aspect plus théorique, que l’on retrouve également concernant l’UA, dans l’espoir que cette dernière développe des capacités d’action comparables. Le contexte commande quant à lui que le cadre général de la coordination demeure assez large pour pouvoir être adapté à la situation du terrain. L’accord général liant l’ONU et la CPI est ainsi complété par des mémorandums d’accord conclus entre les opérations de maintien de la paix et la Cour1266. On comprend que l’absence de cadre global de coordination découle d’un choix des acteurs tant onusiens qu’extérieurs, soucieux à la fois de maintenir leur liberté d’action et de permettre la flexibilité 1261 Ibid., art. 4. Ibid., art. 5. 1263 Ibid., Section III, art. 15 à 20. 1264 Voir l’analyse de ces dispositions in JOHNSON (L.), « The Lubanga case and cooperation between the UN and the ICC », JICJ, vol. 10, n° 4, 2012, pp. 891-901. Voir aussi infra, chapitre 2. 1265 En l’espèce, la confidentialité des informations empêchait la transmission par le Procureur à la défense d’éléments à décharge. Voir sur ce sujet, ibid., pp. 883-903, ainsi que, d’un point de vue plus général : MELILLO (M.), « Cooperation between the UN peacekeeping operation and the ICC in the Democratic Republic of the Congo », JICJ, vol. 11, n° 4, 2013, pp. 763-782. 1266 Quatre mémorandums ont pour l’instant été conclus, entre la Cour d’une part et, par ordre chronologique, les missions de l’ONU en RDC, en Côte d’Ivoire, au Mali et en RCA. 1262 315 dans le domaine de la gestion de crises, dont la nécessaire adaptabilité aux contextes locaux est sans cesse rappelée. 485. En parallèle du développement des mécanismes de coordination décrits ci-dessus, l’attention de l’ONU s’est portée sur la transformation structurelle de son action sur le terrain, notamment lorsque celle-ci est portée par des opérations de paix. La solution envisagée est alors définie par le concept d’intégration, censé représenter l’unification et l’interdépendance des divers programmes portés par l’Organisation dans un contexte donné. Cette innovation présente toutefois d’importantes limites lorsqu’elle se voit appliquée à la justice transitionnelle. §2/Les limites de la coopération par l’intégration 486. Depuis son introduction en 2000 au sein du rapport Brahimi1267, l’intégration est devenue le principal instrument de coordination de l’action onusienne pour le maintien et la consolidation de la paix. D’une définition floue et évolutive, elle est censée permettre la réunion des départements, missions, agences, fonds et programmes onusiens, ainsi que certains acteurs extérieurs telles les institutions financières internationales et les autorités nationales, autour d’une stratégie et d’une organisation commune, menée sous la direction du Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG). L’intégration est multiforme et se déploie à tous les niveaux de la réponse onusienne aux situations de conflit ou de post-conflit, tant dans la phase d’évaluation du contexte et des réponses à y apporter, que dans les diverses étapes de leur mise en œuvre. Elle concerne aussi bien le siège que les acteurs de terrain et englobe la justice transitionnelle. Si cette situation permet une meilleure visibilité de cette action et des acteurs onusiens qui la portent, et fournit les moyens pour une plus grande cohérence de l’action onusienne (A), les limites de ce modèle se font sentir tant pour les acteurs du maintien et de la consolidation de la paix et du développement que, de façon plus spécifique, pour ceux de la justice transitionnelle (B). 1267 « Rapport Brahimi », op. cit., §§ 198-217. 316 A) Les apports de l’intégration de la justice transitionnelle 487. Le rapport du Panel sur les opérations de paix des Nations Unies (Rapport Brahimi) a été le premier à pointer les défauts de cohérence de l’action de l’ONU dans les domaines du maintien et de la consolidation de la paix et à proposer des pistes pour y remédier. L’une des propositions avancées était alors la création de « integrated mission task forces » (IMTFs) au siège, ayant pour tâche de réunir les différentes composantes onusiennes, dans les domaines militaire, politique, humanitaire, de police, des affaires civiles, d’assistance électorale, des droits de l’Homme et de développement, dans le but de parvenir à une vision commune des tâches à accomplir1268. La création de ces IMTFs, ainsi que la décision du Secrétaire général de réunir les rôles de coordinateur résident, coordinateur humanitaire et adjoint du Représentant spécial du Secrétaire général entre les mains de ce dernier, sous la responsabilité directe du Représentant spécial, lui-même en charge de la coordination globale de l’ensemble des acteurs onusiens1269, marquent les premiers pas du chantier toujours en cours de l’intégration. 488. Dans sa forme actuelle1270, l’intégration débute avec l’élaboration d’un strategic assessment mené en commun par les acteurs onusiens présents au sein d’une integrated task force installée au siège. Ce document est censé représenter l’analyse commune de la situation sur le terrain et des besoins qu’elle entraîne en termes d’actions, ainsi que la structure à travers laquelle ces actions peuvent être menées – c’est-à-dire l’opportunité de création d’une opération multidimensionnelle de maintien de la paix ou d’une mission politique spéciale. Cette décision est prise par le Secrétaire général qui en fait la proposition à l’organe intergouvernemental pertinent – Conseil de sécurité ou Assemblée générale – qui définira le mandat de la mission si une telle action est acceptée. L’intégration continue ensuite au niveau opérationnel avec l’adoption par les entités onusiennes présentes sur le terrain, c’est-à-dire l’équipe pays et l’opération de paix, sous l’autorité du Représentant spécial du Secrétaire général, d’un integrated strategic framework. Ce dernier regroupe les visions et réponses envisagées par l’ensemble des acteurs onusiens, et éventuellement extérieurs, concernés, dans 1268 Ibid. Voir la régulation du Secrétaire général : SGNU, « Note of guidance on relations between Representatives of the Secretary General, Resident Coordinators and Humanitarian Coordinators », 30 octobre 2000. 1270 Jusqu’en 2013, le modèle d’intégration était régi par la régulation instaurant les Intergrated mission planning process (IMPP), remplacée en 2013 par les procédures d’Integrated Assessment and Planning. Pour le fonctionnement des IMPPs, voir la règlementation du Secrétaire général reproduite in SGNU, « United Nations Integrated Missions Planning Process (IMPP) guidelines endorsed by the Secretary-general on 13 June 2006 », International Peacekeeping, vol. 15, n° 4, 2008, pp. 588-607. 1269 317 le respect de leurs mandats respectifs. L’objectif est d’assurer une plus grande cohérence des actions en évitant tant les oppositions que les doublons1271. 489. Pour appréhender l’impact de l’intégration sur les programmes onusiens de justice transitionnelle, il faut mettre en lien l’intégration du travail des opérations de paix et de l’équipe pays des Nations Unies avec l’intégration des droits de l’Homme au sein de ces opérations. C’est une pratique désormais constante à l’ONU d’intégrer les bureaux-pays du HCDH au sein des opérations de paix, sous la forme d’une section droits de l’homme bénéficiant d’une compétence générale en matière de justice transitionnelle1272. Cette première intégration provoque donc le déplacement de l’action de l’équipe pays vers les opérations de paix. Le modèle intégré de ces opérations, et notamment des tâches intraopérationnelles, permet, en théorie, une plus grande cohérence entre les sections de l’opération. Les programmes DDR peuvent ainsi être créés en coordination avec les mécanismes de justice transitionnelle, évitant les incohérences entre ces derniers. Il a par exemple été remarqué que les compensations financières versées aux combattants démobilisés devaient être établies en prenant en considération les réparations octroyées aux victimes, afin de ne pas créer de ressentiment chez ces dernières. Il en va de même pour les programmes de réinsertion, qui s’exposent à l’incompréhension des populations s’ils ne sont pas mis en lien avec les programmes de recherche de la vérité, de lustration et de poursuites pénales1273. Ces problèmes peuvent trouver une solution au préalable par le biais des strategic assessments et des integrated strategic frameworks. La seconde intégration, concernant les opérations de paix et l’équipe pays, permet aux sections de droits de l’homme de maintenir leurs liens avec les entités de l’équipe pays, particulièrement lorsque celles-ci œuvrent dans le domaine de la justice transitionnelle. La double casquette de représentant du HCDH et de chef de la section droits de l’homme confère à ce dernier un poids considérable dans les négociations intra-onusiennes menées dans le cadre de la planification intégrée. Cette influence est renforcée par la priorité et la 1271 Pour une présentation de la procédure d’intégration ainsi que ces évolutions, voir notamment International Peace Institute, « Driving the system apart ? A study of United Nations integration and integrated strategic planning », par Arthur Boutellis, août 2013, pp. 4-9 ; Bureau des Nations Unies pour la coordination de affaires humanitaires, « Report on integrated missions. Practical perspectives and recommendations », par Espen Barth Eide, Anja Therese Kaspersen, Randolph Kent et Karin von Hippel, mai 2005, pp. 10-35. La forme actuelle de l’intégration est régie par la règlementation du Secrétaire général : SGNU, « Policy on integrated assessment and planning », 9 avril 2013. 1272 Voir supra, section I, § 2. 1273 Voir le rapport de ICTJ sur les problèmes de coordination survenus entre ces mécanismes en Sierra Léone : ICTJ, « Transitional justice and DDR : the case of Sierra Leone », juin 2009, 4 p. 318 transversalité conférée par le Secrétaire général aux droits de l’Homme et, pour la justice transitionnelle, par le rôle de leadership attribué au HCDH dans ce domaine1274. 490. L’intégration met donc à disposition des acteurs onusiens les outils nécessaires à une plus grande cohérence de leur action et permet aux représentants du HCDH intégrés aux sections droits de l’homme des opérations de paix d’assurer une meilleure visibilité de leurs objectifs et de leurs projets. Ces bénéfices de l’intégration peinent toutefois à convaincre de la pertinence de ce modèle pour la justice transitionnelle, tant ses limites sont importantes. B) Les limites de l’intégration de la justice transitionnelle 491. Le modèle de l’intégration fait l’objet de plusieurs critiques majeures quant à sa mise en œuvre. Tout d’abord, il faut relever que les processus de coordination, tels que les integrated strategic frameworks (ISF), n’ont pas remplacé, mais se sont superposés aux autres processus de coordination s’appliquant à divers niveaux de planification. Les UNDAFs représentent un processus de planification commune entre l’ensemble des entités onusiennes présentes dans un contexte donné et sont conduits en coopération avec les autorités nationales, qui doivent les approuver. Si les temporalités et les acteurs impliqués dans les UNDAFs diffèrent quelque peu des ISFs, tous deux ont pour objectif d’assurer la cohérence des actions menées par les entités onusiennes ainsi que leurs partenaires éventuels, au premier rang desquels se trouve la Banque Mondiale. Contrairement aux ISFs, les UNDAFs représentent également une vitrine des projets à mener à destination des donateurs1275. La double contrainte de l’assentiment des autorités et de la mobilisation des donateurs orientant de façon significative le langage et les projets présentés dans ces documents, l’idée d’un processus à visée plus opérationnelle comme les ISFs n’est sans doute pas superflue. Il demeure que cette superposition multiplie les procédures de planification d’une part et de reporting d’autre part, consumant un temps qui est amputé sur la conduite effective des projets1276. La lourdeur administrative fait donc partie des premiers défauts de l’intégration. 1274 Le rôle du HCDH, soit en personne soit via son représentant au sein des opérations de paix, est rappelé et renforcé par le mémorandum d’accord conclu entre le HCDH, le DOMP, le DAM et le DAP. Voir HCDH/DOMP/DAP/DAM, Policy, « Human rights in United Nations peace operations and political missions », op. cit., §§ 15-21. 1275 Voir ROSE (T.), « Reflections on peacebuilding and the United Nations development assistance framework », Journal of Peacebuilding and Development, vol. 2, n° 3, 2006, pp. 64-77. 1276 Voir notamment DE CONING (C.), « The coherence dilemma in peacebuilding and post-conflict reconstruction systems », African Journal on Conflict Resolution, vol. 8, n° 3, 2008, pp. 97-99 ; International Peace Institute, « Driving the system apart ? », op. cit., pp. 9-11 ; CAMPBELL (S. P.), KASPERSEN (A. T.), 319 492. Le principal problème de l’intégration demeure cependant le lien créé entre des activités régies par des logiques totalement différentes et potentiellement incompatibles. Le problème s’est particulièrement manifesté à propos des acteurs humanitaires mais concerne également les agents travaillant au sein des sections droits de l’homme. Par le biais de l’intégration, ces acteurs se retrouvent sous l’autorité de missions dont le mandat est éminemment politique et s’appuie sur la coopération et le soutien des autorités nationales. Les acteurs des secteurs humanitaires et de protection des droits de l’Homme revendiquent au contraire une action développée indépendamment des tractations politiques, notamment dans le domaine de la justice transitionnelle. En effet, les activités de lutte contre l’impunité et de lustration concernent souvent directement des membres des autorités avec lesquels les opérations de paix doivent travailler. Cette crainte est souvent prise en compte en ce qui concerne les activités humanitaires, régulièrement exclues de l’intégration dans le but de préserver leur indépendance. En revanche, les acteurs de la protection des droits de l’Homme sont soumis de façon systématique à l’intégration. Or, le travail de ces acteurs en termes de lutte contre l’impunité est peu reconnu au sein des opérations de paix. Si le Secrétaire général a bien adopté une réglementation concernant les contacts entretenus par des membres des opérations de paix avec des individus faisant l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’une injonction de la part de la CPI1277, aucune politique claire ne concerne les individus identifiés par la section droits de l’homme comme étant responsables de violations de ces droits. De nombreuses tensions sont ainsi survenues entre les agents du HCDH et ceux des affaires politiques1278. Le Secrétaire général ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en prévoyant pour les missions intégrées que les « parts of the UN that need to retain a public advocacy role should ensure that such advocacy is conducted in full coordination with the SRSG and in a manner that does not undermine the mandate of the mission »1279. La coordination est donc menée au bénéfice principal du volet politique des opérations de paix. « The UN’s reforms : confronting integration barriers », International Peacekeeping, vol. 15, n° 4, 2008, pp. 470-485. 1277 SGNU, UN Doc. A/67/828-S/2013/210, « Directives concernant les rapports entre fonctionnaires des Nations Unies et personnes objet d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître de la Cour pénale internationale », 8 avril 2013. 1278 KURTZ (G.), « With courage and coherence », op. cit., pp. 9-10 ; TARDY (T.), Gestion de crise, maintien et consolidation de la paix. Acteurs, activités, défis, De Boeck, Bruxelles, 2009, pp. 79-80. 1279 SGNU, « Note of guidance on integrated missions », 9 février 2006, § 9. 321 Chapitre 2. L’extériorité injustifiée de l’ONU vis-à-vis de la justice transitionnelle 493. L’évolution des opérations de maintien de la paix des Nations Unies après la guerre froide s’est caractérisée par une extension significative et continue des domaines d’intervention de ces missions. Dépassant le rôle de simples observateurs, les opérations de paix se sont vues attribuer des tâches liées à la protection et la promotion des droits de l’Homme, de rétablissement de l’état de droit, de police, d’administration de la justice ou encore de gouvernance de territoires dans le sens parfois le plus global du terme, dans le cas des administrations transitoires. Parallèlement, les Nations Unies se sont engagées résolument dans la promotion et la protection des droits de l’Homme, ont développé un projet de reconstruction des États et des nations sur des bases démocratiques et se sont offusquées, avec le reste du monde, de l’impunité des responsables de violations de ces principes qu’elles incarnent désormais. Dans le but de combattre ces violations et de poursuivre ces buts, les Nations Unies se sont engagées dans la justice transitionnelle et en sont devenues l’acteur principal. La force de cet engagement ne fait alors que souligner l’écart existant entre ce que l’ONU promeut et ce qu’elle s’applique. 494. Plusieurs évènements ont en effet montré que l’ONU pouvait se trouver dans la situation du « human rights violator »1280 contre lequel elle cherche à lutter à travers, entre autres, la justice transitionnelle. Il y a eu les dommages causés aux ressortissants belges au Congo par l’ONUC dès les années soixante et ceux causés par les soldats de l’ONUSOM aux populations somaliennes près de trente ans plus tard. Ces cas, sur lesquels nous reviendrons, ont certainement contribué à la construction du cadre de la réponse onusienne aux dommages causés par ses agents. Il reste pourtant de nombreuses anomalies dans la conduite des opérations de l’Organisation, qui n’a pas mené de réelle remise en cause de son fonctionnement. D’autres évènements ont en revanche profondément marqué l’opinion publique et ont mis à jour des problèmes plus structurels dans le traitement par l’ONU des violations commises par ses agents. On peut citer parmi ceux-là le rapport établi conjointement par le HCR et l’ONG britannique Save the Children, qui a révélé, en 2002, les pratiques 1280 HOFFMAN (F.), MÉGRET (F.), « The UN as a human rights violator ? Some reflections on the United Nations changing human rights responsibilities », Human Rights Quarterly, vol. 25, n° 2, pp. 314-342. 322 d’exploitation sexuelle par les agents onusiens au sein de camps de réfugiés.1281 Ces révélations ont mené à la publication d’un rapport sans doute moins connu du grand public, mais qui représente probablement le premier acte de la responsabilisation de l’Organisation. Il s’agit du rapport du prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein, ancien Haut-Commissaire aux droits de l’homme, proposant une « [stratégie] globale visant à éliminer l’exploitation et les abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies »1282. Ces deux rapports ont montré que l’ONU pouvait se retrouver dans la position du responsable de violations des droits de l’Homme, et que la réponse de l’Organisation était plus qu’insuffisante. Or, ces violations se sont déroulées au sein d’États en proie à des conflits et impactent la confiance nécessaire entre les populations sujettes à l’assistance de l’Organisation et cette dernière. Ce sont là autant de facteurs habituellement invoqués pour promouvoir la mise en œuvre de politiques de justice transitionnelle, qui ont d’ailleurs été appliquées avec le soutien de l’ONU dans les trois pays concernés (Libéria, Sierra Léone et Guinée). Le parallèle entre les auteurs nationaux de violences, notamment lorsque ceux-ci agissent en tant que représentants des autorités étatiques, et les agents onusiens appelle alors à l’application à ces derniers de la même réponse (Section I). L’ONU n’a pourtant pas partagé ce constat. Si des efforts ont effectivement été conduits pour améliorer le sort des victimes de violations commises par ses agents, ils sont trop souvent restés symboliques. Plutôt que de respecter une logique de responsabilisation et de reconnaissance de ses erreurs, selon le modèle qu’elle promeut à travers la justice transitionnelle, l’ONU s’est enfermée dans une regrettable logique de protection de son image (Section II). 1281 Le rapport en lui-même n’a pas été publié. La substance de ses conclusions peut toutefois être retrouvée dans le rapport d’enquête mené par le Bureau des Services du Contrôle Interne (BSCI) à propos de ces allégations. Voir UN Doc. A/57/465, Enquête sur l’exploitation sexuelle de réfugiés du fait d’agents des services d’aide humanitaire en Afrique de l’Ouest, 11 octobre 2002. 1282 AGNU, UN Doc. A/59/710, Annexe, Stratégie globale visant à éliminer l’exploitation et les abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, 24 mars 2005 (ci-après « Rapport Zeid »). 323 Section I L’applicabilité souhaitable de la justice transitionnelle à l’ONU 495. Comme nous l’avons rapidement évoqué, les violations des droits de l’Homme dont se sont rendus coupables les agents onusiens ne s’apparentent pas à des dérapages ponctuels. Les causes en sont plus structurelles. Ce n’est pas un hasard si, comme nous le verrons, l’ONUC est la première mission à avoir donné lieu à une reconnaissance de responsabilité de l’Organisation dans la survenance de dommages occasionnés à des personnes privées du fait des actions menées. Par sa dimension et le contexte de son intervention – un conflit interne – l’ONUC incarne les prémices des OMP actuelles1283. Le développement subséquent de ce mode d’intervention, ajouté à la diversification des tâches des opérations, ont multiplié les situations rendant possibles de telles violations. La nécessité d’appliquer la justice transitionnelle à l’ONU découle donc avant tout d’une prise en compte de l’évolution du maintien de la paix (§ 1). Ce constat signifie que les agents onusiens sont de plus en plus impliqués dans les situations de conflits pour lesquelles ils préconisent la mise en œuvre de la justice transitionnelle. L’exclusion de ces agents des mécanismes ainsi créés est alors à la fois regrettable et préjudiciable, tant pour ces mécanismes que pour la réputation de l’Organisation (§ 2). §1/La prise en compte de l’évolution du maintien de la paix onusien 496. Jusqu’aux années quatre-vingt-dix, les principes encadrant les opérations de maintien de la paix de l’ONU – la stricte légitime défense, l’existence préalable d’un cessez-le-feu, la neutralité et le consentement des parties1284 – permettaient de garantir une certaine mise à l’écart des forces onusiennes des hostilités à proprement parler. Elles ne pouvaient alors être considérées comme intervenant dans un conflit armé et ne pouvaient a fortiori pas se voir qualifier de partie au conflit, au sens du droit international humanitaire, non plus qu’elles n’avaient vocation à « participer directement aux hostilités », au sens de ce même droit1285. 1283 LIÉGEOIS (M.), Maintien de la paix et diplomatie coercitive, op. cit, pp. 44-45. Voir supra partie 2, titre 1, chapitre 1, section II. Sur les principes encadrant les opérations de maintien de la paix, notamment de 1ère génération, voir LIÉGEOIS (M.), Maintien de la paix et diplomatie coercitive. op. cit., p. 40. 1285 Pour l’interprétation de la notion de participation directe aux hostilités, telle qu’adoptée par le CICR, voir OJEDA (S.), « Notion de participation directe aux hostilités : interprétation du Comité International de la Croix Rouge », in BIAD (A.), TAVERNIER (P), dir., Le droit international humanitaire face aux défis du XXIe siècle, 1284 324 Parallèlement, les opérations de maintien de la paix se sont complexifiées, donnant naissance aux opérations de 2e, 3e et aujourd’hui de 4e génération. La complexification des tâches ainsi désignée revient essentiellement à une extension de celles-ci1286 et donc à une implication croissante de l’ONU dans la gestion de tâches et dans l’exercice de prérogatives anciennement considérées comme réservées aux États1287. Ces deux évolutions ont eu des conséquences sous évaluées par l’ONU et qui plaident pour une application à ses opérations des principes de la justice transitionnelle. En effet, alors que l’évolution du contexte de l’action a mis à mal le concept d’impartialité des opérations de maintien de la paix et renforcé la vision de celles-ci comme parties au conflit, et donc aux mesures de justice et de réconciliation qui lui succèdent (A), l’évolution des domaines d’intervention place ces opérations et l’ONU de façon plus générale dans une position d’exercice de la bonne gouvernance qu’elle promeut, et dont la justice transitionnelle, selon ses propres dires, est un élément incontournable (B). A) L’évolution du contexte de l’action : la participation aux hostilités et l’abandon partiel de l’impartialité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies 497. Le contexte de déploiement des opérations de maintien de la paix a évolué. Ces dernières sont tout d’abord déployées dans des contextes sécuritaires de plus en plus instables. Le récent rapport publié dans le cadre du plan du Secrétaire général portant sur l’amélioration de la sécurité du personnel onusien note que la période 2011-2017 présente à cet égard une augmentation sans précédent du nombre de décès dus à des attaques au sein des opérations de maintien de la paix1288. Bruylant, Bruxelles, 2012, pp. 247-257. L’assistance militaire fournie par l’ONUC à la RDC fait à cet égard figure d’exception. Voir S/RES/143 (1960). 1286 Patrick Daillier parlait ainsi d’un « élargissement » et d’une « diversification de l’intervention des Nations Unies ». Voir DAILLIER (P.), « L’action de l’ONU : élargissement et diversification de l’intervention des Nations Unies » in SFDI, Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, op. cit., pp. 121-160. 1287 Nous nous garderons bien de faire un rapprochement avec la notion de « domaine réservé », dont l’intérêt ici nous paraît plus que limité. Pour une discussion sur ce sujet et sur sa portée dans le contexte onusien, voir KOLB (R.), « Du domaine réservé. Réflexions sur la théorie de la compétence nationales », RGDIP, vol. 110, n° 3, 2006, pp. 597-646, notamment pp. 618-627. 1288 Les autres « pics » (« spikes ») dans le nombre de décès sont intervenus dans le contexte des opérations au Congo et dans le Sinaï (ONUC et FUNU I) au début des années soixante, et dans celui des opérations en Somalie (ONUSOM II), au Rwanda (MINUAR), au Cambodge (APRONUC) et dans les Balkans (FORPRONU). Voir Improving security peacekeeping project, « Improving security of United Nations peacekeepers : we need to 325 Ce sont ensuite les conditions de recours à la force qui ont été modifiées. Le développement du concept de légitime défense « élargie », entendu comme la possibilité de recourir à la force pour empêcher des tentatives d’obstruction, par la force, de l’accomplissement de son mandat par la mission1289, a profondément modifié la situation des agents du maintien de la paix vis-à-vis des groupes armés. Ainsi, le CICR a pu qualifier la MONUC de « partie au conflit » pour son implication dans une offensive menée, en 2005, aux côtés des forces armées de la RDC1290. Le paroxysme de cette évolution a été atteint avec la création, au sein de la MONUSCO, d’une brigade d’intervention chargée de « neutraliser » et de « désarmer » les groupes rebelles1291. Cette force offensive achève de troubler la distinction déjà fragilisée entre les missions de maintien de la paix (peacekeeping) et d’imposition de la paix (peace enforcement)1292 en mêlant ces deux aspects au sein d’une même mission, sous le même commandement1293. Si les forces multinationales agissant sous mandat onusien tout en restant sous commandement national participent depuis longtemps aux hostilités, qu’il s’agisse des forces américaines en Corée1294 ou, plus récemment, des opérations françaises au Mali1295 et en Centrafrique1296, l’ONU, privée des forces armées prévues par l’article 43 de la Charte, s’était gardée d’impliquer les opérations de maintien de la paix dans des situations qui contreviendraient aux piliers de cette action, notamment en termes d’impartialité. Or, il est évident, au vu des évolutions précitées, que « la position des Nations Unies suivant laquelle change the way we do business », 19 décembre 2017, 45 p. ci-après désigné en tant que « rapport Cruz », du nom du président du panel, le lieutenant général Carlos Alberto dos Santos Cruz. 1289 ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, thèse de doctorat, Publications de la Sorbonne, Paris, 2014, pp. 72-74. Voir également THIELEN (O.), « Le recours à la force dans les opérations de maintien de la paix contemporaines », LGDJ, Paris, 2013, pp. 19-26. 1290 ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., p. 102. 1291 Voir S/RES/2098 (2013). La précaution inhabituelle du Conseil de sécurité à l’occasion de la création de cette brigade montre toutefois le caractère exceptionnel de cette décision. Il précise en effet que cette brigade est créée « à titre exceptionnel et sans créer de précédent ni sans préjudice des principes convenus du maintien de la paix ». Ibid., § 9. 1292 Robert Kolb note que cette distinction entre types d’opérations n’a qu’une « pertinence très limitée » pour l’application du DIH, en dehors de la détermination de la protection dont bénéficient les agents de maintien de la paix. Voir KOLB (R.), Droit humanitaire et opérations de paix internationales. Les modalités d’application du droit international humanitaire dans les opérations de maintien ou de rétablissement de la paix auxquelles concourt une organisation internationale (en particulier les Nations Unies), Helbing & Lichtenhahn, Genève, 2006, pp. 39-43. 1293 Voir l’analyse des conséquences de la création de cette brigade sur l’application aux forces de maintien de la paix du DIH et de la qualification de partie au conflit dans PACHOLSKA (M.), « (Il)legality of killing peacekeepers. The crime of attacking peacekeepers in the jurisprudence of international criminal tribunals », JICJ, vol. 13, n° 1, 2015, pp. 64-71. 1294 S/RES/83 (1950). 1295 S/RES/2100 (2013). 1296 S/RES/2127 (2013). 326 leurs casques bleus ne peuvent se voir qualifier de combattants en application de la définition qui en est faite en DIH, semble à présent intenable »1297. 498. Outre les conséquences en termes d’applicabilité du DIH aux opérations de maintien de la paix, qu’il s’agisse de l’engagement de leur responsabilité, sur lequel nous reviendrons, ou encore de leur protection1298, leur participation aux combats en soutien d’une partie au conflit démontre l’abandon partiel du principe d’impartialité des opérations de maintien de la paix de l’ONU et, en conséquence, une implication accrue dans la dynamique du conflit. 499. Que ce soit dans ses volets judiciaires ou extrajudiciaires, la justice transitionnelle, axée sur les victimes, ne se préoccupe pas, en théorie du moins, de la légitimité de l’action des divers acteurs des troubles pour lesquels elle est instituée. Seules comptent les exactions commises. Au-delà même de ces exactions, tous les acteurs peuvent apporter leur témoignage à ses mécanismes, ne serait-ce que dans l’objectif de recherche de la vérité. Ceci devrait inciter à dénoncer définitivement les thèses prônant, dans le domaine de l’application du DIH, une asymétrie de la responsabilité en faveur de l’ONU, basées sur la légitimité indiscutable du fondement de ses actions qu’est la restauration de la paix et de la sécurité internationales1299. Si « l’applicabilité du droit international humanitaire dépend, non pas de la légitimité d’une opération ou des objectifs visés par les parties, mais bien de l’effectivité des combats »1300, on peut considérer que la participation aux mécanismes de justice transitionnelle est tout aussi indifférente à cette légitimité, mais dépend bien de la participation aux actions ayant entraîné les violations des droits des victimes soumises à la compétence de ces mécanismes. Dans cette optique, les opérations de maintien de la paix onusiennes, lorsqu’elles prennent part aux 1297 ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., p. 122. Dans le même sens, voir LAGRANGE (P.), « Forces des Nations Unies et respect du droit international humanitaire, de l’importance de la notion de participation aux hostilités », in BIAD (A.), TAVERNIER (P), dir., Le droit international humanitaire face aux défis du XXIe siècle, op. cit., pp. 301-302 ; SICILIANOS (L.-A.), « Préface », in KOLB (R.), Droit humanitaire et opérations de paix internationales, op. cit., p. VIII. 1298 La Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé dispose en son article 2. 2 que « [la] présente convention ne s’applique pas à une opération des Nations Unies autorisée par le Conseil de sécurité en tant qu’action coercitive en vertu du Chap. VII de la Charte des Nations Unies dans le cadre de laquelle du personnel est engagé comme combattant contre des forces armées organisées et à laquelle s’applique le droit des conflits armés internationaux ». Voir Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, New York, 9 décembre 1994, RTNU, vol. 2051, p. 363, art. 2. 2. 1299 Voir la présentation des thèses dites de « discrimination partielle » dans LAGRANGE (P.), « Forces des Nations Unies et respect du droit international humanitaire », op. cit., pp. 294-296. Voir également les arguments développés dans ce sens par Daphna Shraga : SHRAGA (D.), « The United Nations as an actor bound by international humanitarian law », International Peacekeeping, vol. 5, n° 2, p. 67, ainsi que leur réfutation : KOLB (R.), PORETTO (G.), VITÉ (S.), L’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme aux organisations internationales. Forces de paix et administrations civiles transitoires, Bruylant, Bruxelles, 2005, pp. 180-181. 1300 KOLB (R.), Droit humanitaire et opérations de paix internationales, op. cit., p. 42. 327 combats en soutien d’une partie au conflit, devraient être soumises aux mécanismes de justice transitionnelle ayant compétence sur la période durant laquelle ces combats se sont déroulés. 500. Les motifs d’application de la justice transitionnelle à l’ONU ne se limitent cependant pas au changement de statut de ses forces vis-à-vis du déroulement des hostilités. En développant une action multidimensionnelle et en prônant la bonne gouvernance dans les États en transition, l’ONU a endossé les valeurs de la justice transitionnelle et a accru son implication, c’est-à-dire opté pour un interventionnisme plus poussé, au sein de ces États. Elle est ici aussi passée du statut d’observateur à celui d’acteur. Il apparaîtrait donc normal que la responsabilité qui échoit à un tel rôle lui soit appliquée. B) L’évolution des domaines d’intervention : opérations multidimensionnelles, gouvernance onusienne et justice transitionnelle 501. Plus que la simple multiplication des tâches dévolues aux opérations de maintien de la paix, c’est surtout le degré de contrôle que ces dernières assurent sur les activités qui importe ici. En effet, alors que les missions de 1ère génération se sont essentiellement contentées de soutenir des actions conduites sous la responsabilité des autorités nationales, les opérations de l’après-guerre froide ont vu se développer des mandats leur permettant de conduire ellesmêmes certaines activités, telles que l’assistance humanitaire, certaines missions de police, d’administration de la justice, de lustration, de protection des civils ou encore de gouvernance dans le sens le plus global du terme, que l’on pourrait qualifier de prérogatives de puissance publique et qui sont habituellement l’apanage des États1301. Dans l’exécution de ces mandats, les agents du maintien de la paix sont placés dans des situations au cours desquelles ils sont susceptibles de porter atteinte aux droits des individus. Les soldats de l’ONUSOM II, chargés par le Conseil de sécurité de faire en sorte que les responsables des attaques ayant causé la 1301 HOFFMAN (F.), MÉGRET (F.), « The UN as a human rights violator ? », op. cit., pp. 328-330. Voir également FORTEAU (M.), « Le droit applicable en matière de droits de l’Homme aux administrations territoriales gérées par des organisations internationales », in SFDI, La soumission des organisations internationales aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, journée d’étude de Strasbourg, Pedone, Paris, 2009, pp. 10-11. L’auteur note cependant que la détermination du « degré d’emprise territoriale » de l’organisation internationale permettant de lui attribuer la responsabilité de faire respecter les droits de l’Homme s’apprécie au cas par cas, en fonction, notamment, de la capacité des agents à adopter des actes ou décisions contraignantes et de leur autonomie vis-à-vis des autorités nationales dans l’adoption ou l’exécution de ces actes. Frédéric Mégret et Florian Hoffman notent cependant à juste titre qu’il serait réducteur de se limiter aux cas d’emprises territoriales et qu’une approche plus fonctionnelle de la souveraineté (« functional sovereignty ») permet d’envisager les agents onusiens comme responsables de l’application des droits de l’Homme dans une multitude d’autres situations, telle que celle, selon les auteurs, des TPI. HOFFMAN (F.), MÉGRET (F.), « The UN as a human rights violator ? », op. cit., pp. 339-340. 328 mort de plusieurs casques bleus soient arrêtés et jugés1302, ont ainsi été accusés de détentions arbitraires commises dans le cadre de l’exécution de ce mandat1303. Le cas du programme de lustration mené par la MINUBH a pour sa part déjà été évoqué1304. Par ailleurs, si la vague de dénonciations des violences sexuelles n’est pas directement liée à l’exercice par l’ONU de prérogatives de puissance publique, la question peut se poser lorsque ces violences sont commises par des agents onusiens responsables de l’encadrement ou de la sécurité au sein des camps de réfugiés1305. 502. En termes de contrôle territorial et de risque de violations des droits de l’Homme, les administrations transitoires créées par les Nations Unies demeurent bien évidemment les cas les plus emblématiques. Étant donné la vaste littérature qui leur est consacrée, y compris du point de vue de l’application par et à ces administrations du droit international des droits de l’Homme1306, et l’abandon apparent de ce modèle d’opération par l’ONU, il n’en sera que brièvement question ici. En ce qui concerne la MINUK, la pratique du Représentant spécial du Secrétaire général d’ordonner des détentions extrajudiciaires sur le fondement de ses pouvoirs exécutifs (« extra-judicial detentions based on executive orders ») a été très largement dénoncée1307. Cette pratique, fondée tout à la fois sur les pouvoirs accordés au 1302 S/RES/837 (1993). U.S. Department of State, Somalia Human Rights practices 1993, 31 janvier 1994, notant que « In response, under the authority of the United Nations, U.S. forces attacked and apprehended Somalis believed to be responsible for the attacks upon U.N. peacekeepers. UNOSOM detained these Somalis without trial. » 1304 Supra, partie 1, titre 2, chapitre 2. 1305 Les camps de réfugiés ont été envisagés comme l’un des cas assimilables aux administrations territoriales en termes d’étendue du contrôle exercé par les Nations Unies sur les populations. Voir WILDE (R.), « From Danzig to East Timor and beyond : the role of international territorial administration », AJIL, vol. 95, 2001, p. 592. Frédéric Mégret et Florian Hoffman parlent à cet égard de « micro-sovereignty ». HOFFMAN (F.), MÉGRET (F.), « The UN as a human rights violator ? », op. cit., pp. 338-339. 1306 Voir par exemple : CHESTERMAN (S.), “You, the people”. The United Nations, transitional administration, and state-building, New York, Oxford University Press, 2004, 296 p. ; STAHN (C.), « Justice under transitional administration : contours and critique of a paradigm », Houston Journal of International Law, vol. 27, janvier 2005, pp. 311-344 ; STAHN (C.), « Governance beyond the State : issues of legitimacy in international territorial administration », International Organizations Law Review, vol. 2, n° 1, 2005, pp. 9-56 ; KOLB (R.), PORETTO (G.), VITÉ (S.), L’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme aux organisations internationales. op. cit. ; MATHESON (M. J.), « United Nations governance of postconflict societies : East Timor and Kosovo », in BASSIOUNI (C.), Post-conflict justice, Transnational Publishers Inc., New York, 2002, pp. 523-536 ; INGLIS (S.), MARSHALL (D.), « The disempowerement of human rights-based justice in the United Nations mission in Kosovo », Harvard Human Rights Journal, vol. 16, 2003, pp. 95-146 ; DAUDET (Y.), « L’exercice de compétences territoriales par les Nations Unies », Cours de droit international du comité juridique interaméricain, vol. XXXIV, 2007, pp. 17-63 ; DECAUX (E.), « Les caractéristiques de l’administration internationale dans les zones de crise », Revue Internationale de Droit Comparé, vol. 2, 2006, pp. 523-551 ; PREZAS (I.), L’administration de territoires par les Nations Unies, thèse de doctorat, Université Panthéon-Assas (Paris II), soutenue le 19 décembre 2007, pp. 312-337. 1307 Voir par exemple les rapports de l’Ombudsperson Institution in Kosovo, « Special report n° 3. The conformity of deprivations of liberty under ‘executive orders’ with recognised international standards » et « Special report n° 4. Certain aspects of UNMIK regulation n° 2001/18 on the establishment of a detention review commission for extra-judicial detentions based on executive orders ». Voir également le rapport du 1303 329 RSSG par la résolution 12441308 du Conseil de sécurité et sur la régulation 1999/1 de la MINUK1309, privait les individus concernés de tout droit au procès équitable. Le bilan de l’ATNUTO semble bien plus satisfaisant, bien que les délais de détention provisoire aient parfois excédé les limites du raisonnable, en raison d’un manque de moyens des juridictions timoraises, tant nationales qu’internationalisées. Outre les violations des droits de l’Homme commises par un recours parfois abusif aux pouvoirs qui leur étaient conférés, c’est l’organisation même de ces pouvoirs, exceptionnellement concentrés entre les mains du RSSG, qui peut poser des questions en termes de respect des droits de l’Homme. Comme nous l’avons dit, le RSSG de la MINUK possédait l’intégralité des pouvoirs législatif et exécutif sur le territoire administré1310. La même prérogative revenait également à l’administrateur transitoire du Timor Leste1311. Il est alors évident que la concentration de ces compétences contrevient a priori au principe de séparation des pouvoirs. La situation n’est pas améliorée par l’absence de contre-pouvoirs ou de pouvoir de contrôle des actes adoptés par ces deux administrateurs. Au Kosovo, l’indépendance de la justice a également été gravement remise en cause dans la mesure où le RSSG avait tout droit de nomination et de révocation des juges et procureurs1312. Si la situation sur le terrain pouvait justifier, voire exiger la concentration de tels pouvoirs, que ce soit au Kosovo ou en Bosnie- Comité des droits de l’homme des Nations Unies : UN Doc. CCPR/C/UNK/CO/1, 14 août 2006, § 17. Le rapport du département des droits de l’homme de la mission de l’OSCE au Kosovo considère pour sa part que la pratique des détentions est illégale. Voir OSCE, « Kosovo, review of the criminal justice system 1999-2005. Reforms and residual concerns », mars 2006, pp. 31-33. Outre les ouvrages et articles précédemment cités sur les administrations transitoires, voir plus spécifiquement ABRAHAM (E.), « The sins of the savior : hold the United Nations accountable to international human rights standards for executive order detentions in its mission in Kosovo », American University Law Review, vol. 52, n° 3, 2003, pp. 1291-1337. 1308 Plaçant le RSSG à la tête de la « présence internationale civile », la résolution du Conseil de sécurité donne mandat à cette dernière de « maintenir l’ordre public ». S/RES/1244 (1999), §§ 6 et 11 i. 1309 Cette régulation prévoit que « [all] legislative and executive authority with respect to Kosovo, including the administration of the judiciary, is vested in UNMIK and is exercised by the Special Representative of the Secretary-General ». Voir MINUK, UNMIK/REG/1999/1, on the authority of the interim administration in Kosovo, 25 juillet 1999, point 1.1.1.1. 1310 Pour une description de la structure de la MINUK, voir GARCIA (T.), « La Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo », RGDIP, vol. 104, n° 1, 2000, pp. 61-71. 1311 La règlementation 1999/1 de l’ATNUTO dispose que « [all] legislative and executive authority with respect to East Timor, including the administration of the judiciary, is vested in UNTAET and is exercised by the Transitional Administrator. » ATNUTO, UNTAET/REG/1999/1, on the authority of the transitional administration in East Timor, 27 novembre 1999, point 1.1. 1312 MINUK, UNMIK/REG/1999/7, on appointment and removal from office of judges and prosecutors, 7 septembre 1999 ; MINUK, UNMIK/REG/1999/18, on the appointment and removal from office of lay judges, 10 novembre 1999. 330 Herzégovine, il est certain que cette concentration est peu compatible avec les principes de l’état de droit promus par l’ONU1313. Une analogie avec la situation du Haut-Représentant en Bosnie-Herzégovine permet de transposer aux situations du Kosovo et du Timor Leste les remarques de la Commission de Venise lorsqu’elle note, dans son avis de mars 2005, qu’elle : « est sensible au fait que l’utilisation par le Haut-Représentant des pouvoirs de Bonn a été bénéfique pour la B-H et ses habitants et était nécessaire au sortir d’une guerre sanglante. Toutefois, cette pratique n’est pas conforme aux principes démocratiques lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’une procédure régulière ni de la possibilité d’un contrôle juridictionnel. »1314 503. Cet écart entre les valeurs promues par l’ONU et celles appliquées à ses propres opérations est sans doute le point le plus important dans la voie vers une application de la justice transitionnelle à l’Organisation. Comme nous le verrons, l’engagement de la responsabilité de l’ONU et de ses agents est hérissé d’obstacles difficilement surmontables. Construite en réponse à des problématiques de nature certes différente, mais de conséquences similaires, la justice transitionnelle représente une option intéressante pour permettre aux Nations Unies d’assumer leur responsabilité morale face aux victimes et aux sociétés auprès desquelles elle intervient. Le caractère extra-judiciaire de nombre de ses mécanismes devrait permettre de contourner, au moins partiellement, les obstacles susnommés. 504. Enfin, la justice transitionnelle cherche autant à lutter contre l’impunité qu’à initier la reconstruction des liens sociaux entre les diverses composantes des sociétés sortant de conflit. Au-delà de l’État, c’est bien à une reconstruction de la nation que s’adresse la justice transitionnelle. C’est également à cette tâche que s’attelle de plus en plus l’ONU au travers de ses opérations multidimensionnelles et missions de consolidation de la paix. L’incorporation dans leurs mandats des tâches de réconciliation nationale en témoigne. Étant donné le rôle important que joue l’Organisation dans le rétablissement de la paix, c’est-à-dire dans les phases de conflit et d’immédiat post-conflit, son exclusion d’une justice transitionnelle dont elle promeut, voire impose1315, la mise en œuvre est alors tout à fait paradoxale et nuit potentiellement tout à la fois à cette justice, en la privant de la participation d’un acteur des 1313 Voir KOLB (R.), PORETTO (G.), VITÉ (S.), L’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme aux organisations internationales, op. cit., pp. 271-272. 1314 Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise), Avis sur la situation constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine et les pouvoirs du Haut-Représentant, Avis n° 308/2004, 30 mars 2005, § 100. 1315 Voir supra, partie 1, titre 2, chapitre 1, section II. 331 violations commises, et à la légitimité de son action, tant dans la matière en question que, d’une façon plus large, dans les domaines des droits de l’Homme et de l’état de droit. Au vu des mandats des opérations de maintien de la paix, qui continuent de se voir attribuer des tâches assimilables à des prérogatives de puissance publique1316, et du nombre toujours élevé de violations des droits de l’Homme par les agents du maintien de la paix1317, la question risque de se faire de plus en plus pressante. « Il serait en effet étrange que l’Organisation exige des États le respect des droits de l’homme tout en se réservant elle-même une liberté à peu près complète pour des actions contraires »1318. Il apparaît que la réflexion vaut également pour la justice transitionnelle. Alors que les motifs d’application à l’ONU de la justice transitionnelle sont nombreux, comme nous venons de le voir, l’Organisation continue d’y être presque totalement imperméable. Ainsi, ses agents sont exclus des mécanismes de justice transitionnelle dans les contextes au sein desquels ils sont intervenus. §2/L’exclusion regrettable de la participation des agents onusiens aux mécanismes de justice transitionnelle 505. Les agents du maintien de la paix se trouvent souvent aux avant-postes dans les situations de crise. En témoigne la triste augmentation du nombre de décès au cours de ces opérations que nous avons déjà relevée. Cette position les expose de façon particulière aux violations commises durant ces crises, qu’ils s’en rendent eux-mêmes responsables ou qu’ils en soient les premiers témoins. Dans les deux cas, leur participation aux mécanismes établis à la sortie des conflits présente un intérêt certain. 506. L’hypothèse de l’implication des agents dans les violations a émergé récemment, et l’ONU s’est saisie de la question de la responsabilité pénale de ses agents en mission. La question de la « Responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies » a été ajoutée à l’ordre du jour de l’Assemblée générale en 20061319 et 1316 En matière d’arrestation et de détention par exemple, voir , OSWALD (B.), « Some controversies of detention in multinational operations and the contributions of the Copenhagen Principles », RICR, vol. 95, n° 891/892, 2013, pp. 707-726. 1317 Les allégations de comportement pouvant constituer de telles violations sont désormais compilées et publiées sur un site internet de l’ONU : https://conduct.unmissions.org/data. On y apprend ainsi qu’en 2017, 507 allégations de comportements inappropriés (« misconduct »), pouvant aller de l’abus d’autorité à la menace de mort ou au vol, et 60 allégations d’exploitations ou d’abus sexuels, ont été transmises à l’ONU à propos de ses agents en mission. 1318 KOLB (R.), PORETTO (G.), VITÉ (S.), L’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme aux organisations internationales. op. cit., pp. 259-260. 1319 A/RES/61/29 (2006). 332 plusieurs rapports ont été rendus sur le sujet. Une convention portant sur cette responsabilité pénale a même été proposée par l’un d’eux1320, sans suite. Une solution serait pourtant nécessaire tant le statut de ces agents rend la possibilité de poursuites pénales aujourd’hui hautement improbable (A). Le recours aux mécanismes non judiciaires de justice transitionnelle pourrait alors représenter une solution de repli, comme il l’a été aux prémices de ce domaine, en Amérique latine. Toutefois, sous ce volet également, la situation est insatisfaisante et la position onusienne est l’absence de participation à ces mécanismes (B). A) L’absence d’engagement de la responsabilité pénale des agents de maintien de la paix. 507. Les agents du maintien de la paix sont multiples et sont soumis à des statuts dont la diversité n’a d’égale que le flou qui entoure leurs régimes respectifs, notamment en ce qui concerne leurs immunités. S’il ne nous appartient pas de mener une étude exhaustive de ces régimes et de leur impact sur l’engagement de la responsabilité pénale individuelle de ces agents, quelques éléments doivent tout de même être rappelés1321. En ce qui concerne la composition des opérations onusiennes, il faut opérer une distinction entre les éléments relevant en priorité, voire en exclusivité, de la juridiction des États d’envoi et ceux pouvant également relever de celle de l’État hôte ainsi que, pour les questions disciplinaires, de l’ONU. La première catégorie regroupe les contingents militaires ainsi que les forces de police constituées qui sont tous deux mis à disposition des Nations Unies par les États. Ces composantes des opérations de paix bénéficient d’une immunité absolue de juridiction vis-àvis de l’État hôte ainsi que de l’ONU, soit en application de l’accord sur le statut des forces conclu entre l’Organisation et l’État hôte (statute of force agreement, SOFA), soit, en 1320 UN Doc. A/60/980, Report of the Group of Legal Experts on ensuring the accountability of United Nations staff and experts on mission with respect to criminal acts committed in peacekeeping operations, annexe III, « Draft convention on the criminal accountability of United Nations officials and experts on mission », 16 août 2006. 1321 Pour de plus amples informations concernant la problématique des immunités des agents onusiens, voir notamment ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit. ; Commission des droits de l’homme, E/CN.4/Sub.2/2005/42, Administration de la justice et état de droit. Document de travail sur la responsabilité du personnel international participant à des opérations de soutien de la paix, rapport présenté par Françoise Hampton, 7 juillet 2005 ; FLECK (D.), « The legal status of personnel involved in United Nations peace operations », RICR, vol. 95, n° 891/892, 2013, pp. 613-636. 333 l’absence d’un tel accord, en vertu du droit international général, par le biais de l’extension de souveraineté reconnue aux États sur leurs agents en mission. La seconde catégorie comprend les éléments civils de la mission, les observateurs militaires, les agents de police recrutés par l’ONU en collaboration avec les États, les volontaires des Nations Unies et les divers experts et contractants extérieurs auxquels la mission peut faire appel pour des tâches spécifiques, soit la quasi-totalité des fonctionnaires et experts en mission onusiens participant à la mission. Ces éléments bénéficient, au titre de la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies ainsi que du SOFA, d’une immunité fonctionnelle, c’est-à-dire limitée aux actes, paroles et écrits intervenus dans le cadre des fonctions de l’agent. Cette immunité peut donc ne pas être applicable si les actes incriminés ont été commis sans lien direct avec la fonction de l’agent. Ces éléments étant sous autorité onusienne, leur immunité peut, et doit, également être levée par le Secrétaire général ou son Représentant spécial en charge du commandement de la mission « dans tous les cas où, à son avis, cette immunité empêcherait que justice soit faite et où elle peut être levée sans porter préjudice aux intérêts de l'Organisation. »1322 Il faut ajouter que le Secrétaire général se considère comme seul habilité à déterminer si les agissements d’un fonctionnaire ou expert en mission sont intervenus dans le cadre de ses fonctions ou non, et donc à juger de l’applicabilité de l’immunité dont ces agents bénéficient vis-à-vis de l’État hôte1323. Restent enfin les hauts fonctionnaires de la mission, c'est-à-dire les Représentants spéciaux et autres fonctionnaires ayant le statut de Sous-Secrétaire général1324, ainsi que « le commandant de l’élément militaire […], le chef de la police civile des Nations Unies »1325 et certains « collaborateurs de haut rang du Représentant/commandant »1326, qui jouissent d’une immunité personnelle qui ne peut être levée que par le Secrétaire général. Dans la mesure où la pratique a montré la réticence des États hôtes à exercer leur juridiction sur les membres des 1322 Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, New York, 13 février 1946, RTNU, vol. 1, p. 15, art. V, section 20, pour les fonctionnaires et art. VI section 23 pour les experts en mission. 1323 Voir ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., pp. 239-241. Il faut noter que cette prérogative va à l’encontre de la position de la CIJ, qui a considéré dans son avis consultatif portant sur le différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme que la position exprimée par le Secrétaire général ne crée qu’une présomption à l’égard des tribunaux nationaux, qui, certes, « ne peut être écartée que pour les motifs les plus impérieux » et à laquelle ces tribunaux « doivent donc […] accorder le plus grand poids », mais qui n’est en conséquence pas irréfragable. Voir CIJ, AC, Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, CIJ, Recueil 1999, p. 62, § 61. 1324 Ibid., art. V, section 19. 1325 Modèle SOFA, op. cit., art. V, § 24. 1326 Ibid. 334 opérations de paix, on comprend que l’engagement de la responsabilité pénale de ces agents repose essentiellement entre les mains de l’État d’envoi. 508. Cette situation est loin d’être satisfaisante au regard des valeurs portées, promues et parfois imposées par l’ONU en termes de lutte contre l’impunité. Il apparaît tout d’abord que les États d’envoi sont peu enclins à poursuivre leurs agents ou nationaux pour des crimes commis dans le cadre d’une opération de paix. Les quelques affaires concentrant l’attention de la doctrine, concernant notamment les missions en Somalie et en RDC, ne font que souligner le nombre réduit des poursuites portées à l’attention du public. Ce manque d’informations découle en partie de l’absence de mécanisme assurant la transmission systématique des éléments liés aux suites d’une affaire par les États d’envoi, particulièrement lorsque les crimes sont poursuivis devant des juridictions militaires. Il se pourrait également que la cause en soit une absence, ou tout du moins de sérieuses carences, dans le traitement de ces agissements, menant à une impunité tout à fait contraire aux objectifs poursuivis par l’ONU. Les données étant indisponibles, ce point ne peut être complètement éclairci. Il souligne toutefois une grave carence de la poursuite des crimes par les États d’envoi au regard des valeurs portées par la justice transitionnelle, qui tendent à mettre la victime au centre du procès pénal. À ce titre, les procès menés sans publicité dans les États d’envoi ne permettent pas d’inclure la dimension restauratrice prônée pour les procès s’inscrivant dans une logique de justice transitionnelle. Comment en effet considérer qu’un verdict de culpabilité représente un élément de réparation et participe à l’établissement de la vérité lorsque ce verdict n’est connu ni de la victime ni de la société ? Les efforts onusiens de développement du suivi des affaires, pour louables qu’ils soient, ne paraissent pas être en mesure de combler cette lacune. 509. C’est pour régler ce problème que des propositions ont été formulées pour permettre aux juridictions pénales internationales ou hybrides d’inclure les crimes commis par les agents de maintien de la paix dans leur compétence. Il est en effet largement reconnu désormais que les immunités ne sont pas opposables « devant certaines juridictions pénales internationales »1327. Cette règle a été quasi-systématiquement prévue au sein des statuts des juridictions pénales internationales et hybrides1328. Il apparaît cependant que le personnel de 1327 CIJ, Mandat d’arrêt du 11 avril 2000, op. cit., § 61. Statut du TPIY, op. cit., art. 7 ; Statut du TPIR, op. cit., art. 6 ; Statut du TSSL, op cit., art. 6 ; ATNUTO, UNTAET/REG/2000/15, créant les Panels spéciaux pour crimes graves au Timor Leste, op. cit., section 15 ; Statut de la Cour pénale spéciale centrafricaine, op. cit., art. 56, Statut de Rome de la CPI, op. cit., art. 27. Le Tribunal Spécial pour le Liban ne fait étrangement pas mention de la qualité officielle. Ceci ne signifie toutefois 1328 335 maintien de la paix a régulièrement été exclu de cette disposition, de jure ou de facto. Ainsi, aucune action n’a été lancée contre du personnel de maintien de la paix devant l’un quelconque des TPI. En Sierra Léone, où la force de la CEDEAO était soupçonnée d’avoir eu recours à la force de façon parfois très abusive1329, l’exclusion des forces de maintien de la paix a été demandée par le Conseil de sécurité, contre l’avis du Secrétaire général1330. Cette confrontation a débouché sur l’inclusion dans le statut du TSSL de l’article 1. 2, disposant que « toute infraction commise par un membre du personnel de maintien de la paix ou personnel assimilé présent en Sierra Léone (…) relève en premier lieu de la compétence de son État d’origine »1331. La règle prévoyant que le Tribunal peut « sur la proposition d’un État et si le Conseil de sécurité l’autorise, exercer sa compétence »1332 sur le personnel de maintien de la paix, n’a qu’une portée purement cosmétique. Quant à la MINUK, la règlementation 2000/47 adoptée par le RSSG prévoyait une immunité de toute procédure judiciaire pour son personnel ainsi que celui de la KFOR1333. Cette exclusion fut particulièrement critiquée dans la mesure où cette mission remplaçait l’État dans la quasi-totalité de ses prérogatives. Les mots de l’Ombudsman du Kosovo révèlent la profonde anormalité de cette situation : « [with] regard to UNMIK's grant of immunity to itself and to KFOR, the Ombudsperson recalls that the main purpose of granting immunity to international organisations is to protect them against the unilateral interference by the individual government of the state in which they are located, a legitimate objective to ensure the effective operation of such organisations […]. The rationale for classical grants of immunity, however, does not apply to the circumstances prevailing in Kosovo, where the interim civilian administration (United Nations Mission in Kosovo – UNMIK) in fact acts as a surrogate state. It pas que celle-ci ferait nécessairement obstacle à sa compétence. Voir SCHABAS (W.), « Le Tribunal spécial pour le Liban fait-il partie de la catégorie de ‘certaines juridictions pénales internationales’ ? », Revue Québécoise de droit international, hors série, 2007, pp. 119-132. 1329 Voir par exemple UN Doc. S/2000/751, Fifth report of the Secretary-General on the United Nations Mission in Sierra Leone, 31 juillet 2000, § 28. 1330 L’échange de lettres entre le Secrétaire général et le Président du Conseil de sécurité témoigne de leur vif désaccord quant à la question de l’absence de compétence du TSSL sur le personnel du maintien de la paix. Voir UN Doc. S/2000/1234, Letter dated 22 December 2000 from the President of the Security Council addressed to the Secretary-General, 22 décembre 2000, notamment § 1 ; UN Doc. S/2001/40, Letter dated 12 January 2001 from the Secretary-General addressed to the President of the Security Council, 12 janvier 2001, notamment § 5 et UN Doc. S/2001/95, Letter dated 31 January 2001 from the President of the Security Council addressed to the Secretary-General, 31janvier 2001, notamment § 2. 1331 Statut du TSSL, op. cit., art. 1.2. 1332 Ibid., art. 1. 3. 1333 MINUK, UNMIK/REG/2000/47, sections 2 et 3 concernant, respectivement la KFOR et la MINUK. 336 follows that the underlying purpose of a grant of immunity does not apply as there is no need for a government to be protected against itself. The Ombudsperson further recalls that no democratic state operating under the rule of law accords itself total immunity from any administrative, civil or criminal responsibility. Such blanket lack of accountability paves the way for the impunity of the state. »1334 Cette situation est d’autant plus étrange au regard de la création des panels internationaux au sein des tribunaux kosovars. 510. La situation en RCA montre que la position de l’ONU sur le sujet n’a pas changé. Très impliquée dans l’élaboration de la Cour pénale spéciale, la MINUSCA n’a pas souhaité permettre à cette juridiction d’exercer une compétence sur les agents de maintien de la paix. La question des immunités est d’ailleurs traitée de façon fort peu satisfaisante par la loi portant statut de la Cour pénale spéciale1335. L’article 56, seule disposition les concernant, se contente de prévoir que le statut « s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle ». Les crimes formant la compétence matérielle de la CPS font certes l’objet d’une inopposabilité des immunités nationales, mais en renvoyant au droit interne, le statut ne pouvait exclure les immunités applicables aux agents de maintien de la paix. Le mémorandum d’accord conclu entre le Gouvernement centrafricain et la MINUSCA, et prévoyant les principales caractéristiques de la CPS, rappelle d’ailleurs que « [aucune] disposition du présent Mémorandum d’Entente ne peut être interprétée comme une renonciation expresse ou tacite aux Privilèges et Immunités de la MINUSCA ou de l’Organisation des Nations Unies et de ses personnels »1336. 511. Reste la compétence de la CPI pour les agents de maintien de la paix, dans la mesure où les immunités sont également inopposables devant cette juridiction. L’adoption par le Conseil de sécurité, deux années de suite, de résolutions demandant que 1334 Ombudsperson au Kosovo, Special Report n° 1 on the compatibility of recognized international standards of UNMIK Regulation n° 2000/47 on the status, privileges and immunities of KFOR and UNMIK and their personnel in Kosovo (18 August 2000) and on the implementation of the above regulation addressed to Mr Hans Haekkerup, 26 avril 2001, § 23, [consultable sur le site internet de l’Ombudsperson: http://www.ombudspersonkosovo.org]. 1335 Voir sur cette question LABUDA (P.), « The Special criminal court in the Central African Republic : failure or vindication of complementarity ? », JICJ, vol. 15, n° 1, 2017, pp. 175-206, soulignant la constitutionnalité douteuse de l’inopposabilité des immunités pour les crimes internationaux telle que prévue par l’article 162 du code pénale centrafricain. 1336 Mémorandum d’entente entre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine et le Gouvernement de la République Centrafricaine, 5 et 7 août 2014, § 27. 337 « s’il survenait une affaire concernant des responsables ou des personnels en activité ou d’anciens responsables ou personnels d’un État contributeur qui n’est pas partie au Statut de Rome à raison d’actes ou d’omissions liés à des opérations établies ou autorisées par l’Organisation des Nations Unies, la Cour pénale internationale, pendant une période de 12 mois commençant le 1er juillet 2002, n’engage ni ne mène aucune enquête ou aucune poursuite, sauf si le Conseil de sécurité en décide autrement »1337, démontre pourtant l’absence de volonté de soumettre ces agents à la compétence de la Cour pénale internationale. Bien que cette pratique, à la légalité plus que douteuse1338, soit apparemment révolue, une attitude assimilable peut être décelée dans la pratique du Conseil de sécurité concernant la situation au Darfour. La résolution 1593, déférant la situation au Darfour à la CPI, exclut de la compétence de la Cour « les ressortissants, responsables ou personnels en activité ou anciens responsables ou personnels, d’un État contributeur qui n’est pas partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale »1339. Or, vis-à-vis de l’immunité du président soudanais Omar al Bashir, la Cour a considéré que sa saisine par le Conseil de sécurité sur le fondement de l’article 13 (1) avait pour conséquence que « for the limited purpose of the situation in Darfur, Sudan has rights and duties analogous to those of States Parties to the Statute »1340. L’incohérence de ces positions saute aux yeux et il faudrait considérer que le Conseil de sécurité a, dans le cadre de la résolution 1593, implicitement fait appel à l’article 16 du statut de la CPI, pour la résoudre. Un tel raisonnement paraît pour le moins hasardeux 512. De son côté, l’accord conclu entre la CPI et l’ONU peine à rassurer quant à la compétence de la Cour sur les agents de maintien de la paix. Étrangement, cet accord prévoit, en son article 19, non pas l’absence d’opposabilité des immunités onusiennes, mais bien une 1337 S/RES/1422 (2002), § 1. La même formulation a été adoptée l’année suivante. Voir S/RES/1487 (2003), § 1. Voir sur ce sujet EL ZEIDY (M.), « The United States dropped the atomic bomb of article 16 of the ICC statute : Security Council power of deferrals and resolution 1422 », Vanderbilt Journal of International Law, vol. 35, 2002, pp. 1503-1544 ; STAHN (C.), « The ambiguities of Security Council resolution 1422 », EJIL, vol. 14, n° 1, 2003, pp. 85-104. 1339 S/RES/1593 (2005), § 6. Voir aussi SCHABAS (W.), An introduction to the International Criminal Court, 4e éd., Cambridge University Press, 2011, p. 81. 1340 CPI, Ch. préliminaire II, Situation au Darfour (Soudan), Le Procureur c/ Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, n° ICC-02/05-01/09, Décision rendue en application de l’article 87-7 du Statut de Rome concernant la nonexécution par l’Afrique du Sud de la demande que lui avait adressée la Cour aux fins de l’arrestation et de la remise d’Omar Al-Bashir, 6 juillet 2017, § 88. 1338 338 simple coopération de l’Organisation pour leur levée1341. La légalité de cette disposition paraît contestable, dans la mesure où l’article 27 du statut de Rome – prévoyant l’application de ce dernier « à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle » – est réputé inclure les membres des organisations internationales1342. La protection du personnel du maintien de la paix semble donc bien assurée. B) L’exclusion des agents onusiens des mécanismes extra-judiciaires de justice transitionnelle 513. Les Nations Unies ne démontrent pas plus de volonté à participer aux aspects extrajudiciaires de la justice transitionnelle qu’à son volet judiciaire. Alors que les programmes de lustration sont peu adaptés à une application à l’Organisation, il n’en va pas de même, dans une certaine mesure, de l’octroi de réparations aux victimes (1) et des mécanismes de recherche de la vérité (2). On observe pourtant qu’en ce qui concerne ces deux mécanismes, l’Organisation suit encore une logique de protection. 1. L’approche restrictive de l’ONU face aux réparations 514. En ce qui concerne les réparations, la position de l’ONU, exprimée au sein des accords sur le statut des forces et des accords de participation, se fonde sur la qualification des opérations de maintien de la paix en tant qu’organes subsidiaires du Conseil de sécurité1343. Ainsi, tout dommage causé à un tiers par un agent du maintien de la paix agissant dans le cadre de ses fonctions peut donner lieu à une réparation par l’Organisation. Les cas de « négligence grave » ou de « faute intentionnelle » sont en revanche en principe exclus et donneront lieu à réparation par l’État d’envoi1344. Il apparaîtrait toutefois qu’en pratique, la responsabilité de l’ONU puisse tout de même être engagée, celle-ci ayant ensuite la possibilité 1341 Voir « Accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l’Organisation des Nations Unies », op cit., art. 19. Pour une analyse critique de cet article, y compris l’historique de son adoption, voir INGADOTTIR (T.), SZASZ (P. C.), « The UN and the ICC : the immunity of the UN and its officials », Leiden Journal of International Law, vol. 14, n° 1, 2001, pp. 867-885 ; SCHABAS (W.), An introduction to the International Criminal Court, op. cit., p. 87. 1342 AMBOS (K.), TRIFFTERER (O.), dir., The Rome statute of the International Criminal Court, a commentary, 3e éd., Beck, Hart Publishing, Oxford, 2016, p. 1049. 1343 Modèle de SOFA, op. cit., § 15. 1344 UN Doc. A/50/995, « Réforme des procédures de calcul des montants à rembourser aux États Membres au titre du matériel des contingent », Annexe, « Accord relatif aux contributions conclu entre l’Organisation des Nations Unies et [l’État participant] fournissant des ressources à [l’opération de maintien de la paix des Nations Unies] », 9 juillet 1996 (Modèle d’accord de participation), art. 9. 339 d’engager une action récursoire contre l’État1345. Si cette solution fait montre d’une certaine « simplicité »1346, elle ne rend compte ni de la réalité du terrain ni de la pratique des juridictions nationales ou encore de la solution adoptée par la Commission du droit international dans son projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales. 515. Prenant en compte la dualité du commandement et de l’allégeance des personnels militaires et civils, notamment de police, mis à disposition de l’Organisation par les États, la CDI, en accord avec la majorité de la doctrine1347, a consacré le critère de l’imputabilité du fait illicite à l’entité, l’État ou l’organisation internationale exerçant le contrôle effectif sur le comportement en question1348. Cette solution justifie la différence de régime applicable aux forces multinationales – qui, agissant sur autorisation du Conseil de sécurité, demeurent sous commandement national – et aux opérations de maintien de la paix agissant sous commandement onusien. La prise en charge par les États-Unis des réparations demandées au titre des dommages causés par l’opération en Corée avait très tôt fixé cette position1349. Elle permet également de prendre en compte la réalité du terrain au sein des OMP, en ce que les contingents mis à disposition par les États sont soumis à une dualité de commandement, partagé entre l’État d’envoi et l’ONU au travers du RSSG et du Conseil de sécurité. C’est ainsi que les agissements des forces néerlandaises au sein de la FORPRONU et belges au sein de la MINUAR ont été attribués à leur État d’envoi, dans la mesure où il a été établi que c’est auprès de leurs autorités étatiques que les soldats ont reçu les ordres ayant mené au comportement illicite1350. 516. Si les règles encadrant l’imputabilité du fait illicite à l’organisation internationale semblent suffisamment claires, l’engagement de cette responsabilité demeure d’une extrême complexité pour les victimes. En théorie, la procédure d’indemnisation est prévue par le SOFA conclu entre l’État hôte et l’ONU. Il faut en effet rappeler que cette dernière jouit 1345 ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., p. 352. GESLIN (A.), « Réflexions sur la répartition de la responsabilité entre l’organisation internationale et ses États membres », RGDIP, vol. 109, n° 3, 2005, p. 555. 1347 Voir, KLEIN (P.), La responsabilité des organisations internationales dans les ordres juridiques internes et en droit de gens, op. cit., p. 378 ; KOLB (R.), PORETTO (G.), VITÉ (S.), L’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme aux organisations internationales. op. cit., p. 327 ; ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., pp. 433-444 ; PALCHETTI (P.), « La répartition de la responsabilité pour faits internationalement illicites commis au cours d’opérations multinationales », RICR, vol. 95, n° 3 et 4, 2013, pp. 199-215. 1348 CDI, UN Doc. A/66/10 Rapport de la Commission du droit international, soixante-troisième session,, 26 avril-3 juin et 4 juillet-12 août 2011, Projet d’article sur la responsabilité des organisations internationales, art. 7. 1349 KLEIN (P.), La responsabilité des organisations internationales dans les ordres juridiques internes et en droit de gens, op. cit., pp. 378-379. 1350 ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., pp. 448-451. 1346 340 d’une totale immunité de juridiction qui empêche toute réclamation de la part de tiers visant à engager la responsabilité de l’Organisation devant les tribunaux internes. La procédure mise en place par les SOFA représente donc bien souvent le seul recours ouvert aux victimes pour obtenir réparation de leur préjudice. Sont donc prévues des « commission[s] permanente[s] des réclamations »1351 composées de trois membres, chargées de statuer « sur tout différend ou toute réclamation relevant du droit privé auquel l’opération de maintien de la paix des Nations Unies ou l’un de ses membres est partie et à l’égard duquel les tribunaux du [payslterritoire hôte] n’ont pas compétence »1352. Cette procédure est restée inusitée1353, l’ONU ayant maintenu, dans les faits, sa pratique antérieure de règlement des différends à l’amiable et, à défaut d’accord entre l’Organisation et les victimes, par la voie arbitrale1354. Abandonnées en partie en raison de leur caractère peu équitable, les commissions de l’article 51 du modèle de SOFA ont donc laissé place à une procédure ne permettant finalement pas de mieux garantir les droits des victimes. En effet, la position de force des Nations Unies dans la négociation à l’amiable – conséquence tout à la fois d’une absence de volonté des États d’entamer un bras de fer avec une organisation dont ils sollicitent l’aide, et de l’indisponibilité de recours juridictionnels pour les victimes – ne laisse pas vraiment de choix à ces dernières dans l’acceptation des indemnités proposées par les agents onusiens1355. Cette impression est renforcée par la volonté de protection démontrée par l’Organisation, celle-ci cherchant à maintenir un contrôle étroit de la procédure employée et des sommes versées. Dans le cadre des réparations octroyées aux victimes des agissements de l’ONUC, l’Organisation, bien qu’acceptant sa responsabilité, a conservé le privilège de détermination des cas pouvant prétendre à indemnisation ainsi que du montant de ces dernières. Le règlement forfaitaire de ces réparations, prévu au sein d’accords bilatéraux conclus entre les Nations Unies et les gouvernements respectifs de la Belgique, de l’Italie, de la Suisse et du Luxembourg, prévoyait l’extinction des droits de ces victimes à l’engagement 1351 Modèle de SOFA, op. cit., art. 51. Ibid. 1353 Voir Bureau des affaires juridiques, Règlement des sommes à verser à la suite de réclamations Responsabilité financière relevant du droit privé - Procédures de règlement - Considérations d’ordre budgétaire, AJNU, 2001, pp. 487-488 et ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., p. 343. 1354 Voir à cet égard l’accord du 27 novembre 1961 conclu entre l’Organisation et la République du Congo, prévoyant un tel mode de règlement en son article 10 b). Cet article ainsi que son analyse peuvent être trouvés dans SALMON (J.), « Les accords Spaak - U Thant du 20 février 1965 », AFDI, vol. 11, 1965, pp. 484-485. 1355 ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., p. 343. 1352 341 de toute action civile visant l’Organisation, bien que l’immunité de juridiction de cette dernière rendait de toute façon toute action de ce type quasiment impossible1356. Encore plus représentatif de cette volonté de protection est l’exemple du traitement par l’ONU des tentatives d’engagement de sa responsabilité par le Rwanda. L’accord de siège conclu entre cet État et les Nations Unies reprenait, en son article 50, la procédure prévue par l’article 51 du modèle de SOFA1357, c’est donc par le biais de la commission de réclamations que le Rwanda a tenté d’obtenir l’indemnisation par l’ONU des dommages causés à ses ressortissants du fait de l’inaction de la MINUAR face au génocide perpétré par les extrémistes Hutus. Les demandes du Rwanda tendant à mettre en œuvre l’article 50 de l’accord se sont heurtées au refus du Secrétaire général. Celui-ci a considéré que la commission prévue par cet article, qui était chargée de statuer sur « tout différend ou toute réclamation relevant du droit privé »1358, n’avait pas compétence pour connaître des cas soulevés par le Rwanda, qui relevaient, selon lui, du droit international public et non du droit privé1359. Le caractère tout à fait inadapté et juridiquement extrêmement critiquable de la réponse du Secrétaire général1360 ne peut que laisser penser à une volonté de protéger l’Organisation d’une publicité et d’une reconnaissance de responsabilité préjudiciables à sa réputation. 517. Les limites posées à l’indemnisation des victimes montrent que l’Organisation cherche également à se protéger économiquement. Ces limites représentent sans doute la meilleure expression de l’écart entre les préconisations des Nations Unies en termes de réparations dans le cadre de la justice transitionnelle et sa propre pratique en la matière. Sont d’abord exclues les réparations pour les dommages liés à un « impératif opérationnel ». Cette expression, construite au cours des négociations portant sur l’indemnisation des dommages causés par 1356 Voir les débats tenus sur cette question en Belgique au sujet de la situation de victimes qui refuseraient le paiement forfaitaire octroyé par l’ONU, reproduits in ibid., pp. 488-494. 1357 Voir la reproduction de cet article, l’accord n’ayant pas été publié, in DAVID (E.), « Des occasions manquées de mettre en cause la responsabilité de la communauté internationale dans le génocide rwandais », in, BURGORGUE-LARSEN (L.), dir., La répression internationale du génocide rwandais, Bruylant, Bruxelles, 2003, pp. 246-247. 1358 Ibid. 1359 Ibid., p. 247. 1360 Éric David note à cet égard que « ce n’est pas parce qu’un litige porte sur un intérêt subjectif de caractère privé dont la source est le droit international qu’il cesse d’être un litige de caractère privé », de plus, il semble étrange que le Secrétaire général juge lui-même de la recevabilité des réclamations alors même que cette question aurait dû être traitée par la Commission elle-même, qui jouit de la compétence de sa compétence. Voir ibid., pp. 247-248. 342 l’ONUC1361, a été considérée comme extrêmement problématique dès sa conception, notamment en termes de charge de la preuve1362. Le Secrétaire général a toutefois précisé les critères à prendre en compte pour cette détermination. Ainsi, « Pour déterminer si une mesure donnée répond à un “impératif opérationnel”, il convient de tenir compte des éléments ci-après : a) Le commandant de la Force doit être convaincu de bonne foi qu’il existe un “impératif opérationnel” ; b) La mesure prise doit être strictement nécessaire pour répondre à un besoin opérationnel et ne pas être simplement dictée par les circonstances. Il faut aussi que le commandant n’ait pas le temps d’engager une autre action moins destructrice ; c) L’action doit s’inscrire dans le contexte d’un plan d’opérations et ne pas résulter d’une décision individuelle irréfléchie ; d) Les dommages causés doivent être proportionnels à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l’objectif opérationnel. »1363 Il faut toutefois noter que ces critères ne sont pas exhaustifs et que la détermination de la qualification de l’acte relève in fine de l’appréciation souveraine du commandement de la force. L’absence de voie de recours contre cette qualification règle d’ailleurs définitivement la question de la charge de la preuve pour les victimes1364. 518. Les limites matérielles fixées par l’Assemblée générale en 1996 paraissent encore plus en inadéquation avec les valeurs et les normes promues par l’Organisation en termes de 1361 L’expression originale, insérée dans les accords conclus entre l’ONU et, respectivement, la Belgique, la Suisse, le Luxembourg et l’Italie, prévoyait l’exclusion de la responsabilité de l’Organisation « du fait des dommages aux personnes et aux biens qui ont été uniquement la conséquence des opérations militaires ». Voir par exemple Échange de lettres constituant un accord entre l’Organisation des Nations Unies et le Gouvernement italien relatif au règlement des réclamations présentées par des ressortissants italiens contre l’Organisation des Nations Unies au Congo, New York, 18 janvier 1967, § 4. Pour la fixation de l’expression d’« impératif militaire », voir SALMON (J.), « Les accords Spaak - U Thant du 20 février 1965 », op. cit., pp. 481-482. 1362 Le Ministre belge des affaires étrangères soulevait, dans le cadre des réparations pour les dommages causés par l’ONUC, la difficulté pour les victimes de rapporter la preuve de ce qu’il appelait alors des « actes de guerre anormaux ». Ibid. 1363 UN Doc. A/51/389, Aspects administratifs et budgétaires du financement des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, rapport du Secrétaire général, 20 septembre 1996, § 14. 1364 Voir à ce sujet ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., p. 344 et la critique de cette exception aux pages 344-348. 343 réparations. En effet, l’organe plénier limite les réparations aux demandes effectuées dans un délai de six mois et ne prend en compte que le « préjudice économique, tel que dépenses au titre des soins médicaux et de la rééducation, manque à gagner, perte de soutien financier, frais de transport liés au préjudice corporel, à la maladie ou aux soins médicaux, frais de justice et d’inhumation »1365, excluant explicitement le « prestium doloris et le préjudice moral »1366. Ceci apparaît en totale contradiction avec les préconisations adressées par l’ONU aux États dans le cadre des réparations prévues pour les violations des droits de l’Homme, notamment au sein des programmes de justice transitionnelle. Le préjudice moral est en effet compris tant dans les « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire »1367, que dans les Principes Joinet1368, tous deux endossés par l’Organisation. Il faut toutefois noter que les règles fixées par l’Assemblée générale ne s’appliquent que partiellement aux cas d’exploitation et d’agression sexuelles. La « Stratégie globale d’aide et de soutien aux victimes d’actes d’exploitation ou d’agression sexuelles commis par des membres du personnel des Nations Unies ou du personnel apparenté »1369, adoptée par l’Assemblée générale en 2007, prévoit en effet plusieurs mesures de soutien psychologique, médical et juridique devant être fournies par l’Organisation aux victimes de telles violations. Si ces mesures sont évidemment les bienvenues, on ne peut que regretter leur limitation aux violations visées, au détriment d’une applicabilité globale aux dommages causés par le personnel des OMP. 1365 A/RES/52/247 (1998), § 9 a). Ibid., § 9 b). 1367 A/RES/60/147, op. cit., Annexe, § 20 d). 1368 « Principes Joinet », op. cit., § 41. 1369 A/RES/62/214 (2008), Stratégie globale d’aide et de soutien aux victimes d’actes d’exploitation ou d’agression sexuelles commis par des membres du personnel des Nations Unies ou du personnel apparenté, annexe. 1366 344 2. Le flou de la situation des agents onusiens face aux commissions vérité 519. En ce qu’elles sont chargées d’établir un historique des violations des droits de l’Homme et d’assurer la réconciliation, les commissions vérité pourraient bénéficier des ressources onusiennes en termes d’informations, sous forme documentaire ou de témoignages, ainsi que de la participation de certains agents ou représentants de l’Organisation, particulièrement dans l’éventualité où des personnels d’une opération de maintien de la paix se seraient rendus coupables de violations des droits de l’Homme ou du DIH. Les OMP sont pourtant étonnamment absentes des rapports de ces commissions et aucune ne fait mention d’interviews incluant leur personnel. La question se pose alors de la possibilité pour ces commissions d’avoir accès aux ressources détenues par l’ONU pour l’élaboration de leur rapport et pour l’accomplissement de leur mandat d’une façon générale. 520. Tout d’abord, la documentation détenue par l’opération de maintien de la paix est protégée par la Convention sur les privilèges et immunités, dont le modèle de SOFA étend l’application aux opérations de maintien de la paix. Ces documents sont en conséquence « inviolables, où qu’ils se trouvent »1370. La même règle s’applique aux locaux de l’opération, également immunisés contre toute « forme de contrainte exécutive, administrative, judiciaire ou législative »1371. On peut en déduire que les commissions vérité ne pourraient exercer envers les opérations de maintien de la paix les pouvoirs qu’elles détiennent quant à la transmission de documents. Le Secrétaire général ou son représentant au sein de la mission pourrait toutefois autoriser la transmission de ces documents. La pratique des Nations Unies vis-à-vis de la CPI tend pourtant à démontrer que l’Organisation est peu encline à rendre publiques les informations qu’elle détient. L’accord qu’elle a conclu avec la Cour prévoit en effet la possibilité de fournir « des documents ou informations qui devront demeurer confidentiels, ne serviront qu’à obtenir de nouveaux éléments de preuve et ne pourront être communiqués à d’autres organes de la Cour ou à des tiers à aucun stade de la procédure ou par la suite que si l’Organisation y consent »1372. On observe pourtant une évolution de la pratique des Nations Unies dans le recours à cette procédure. En effet, alors que le mémorandum d’accord conclu entre l’Organisation et la CPI relatif à la coopération entre 1370 Convention sur les privilèges et immunités, op. cit., art. II, section 4. Ibid., section 3. 1372 « Accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l’Organisation des Nations Unies », op. cit., art. 18. 3. 1371 345 cette dernière et la MONUC la considérait comme étant de principe1373, les mémorandums concernant l’ONUCI, la MINUSMA et la MINUSCA ne la prévoient plus que de façon exceptionnelle1374. 521. Il faut pourtant se garder de voir dans cette évolution un réel changement de position de la part de l’ONU qui serait transposable au cas des commissions vérité. Tout d’abord, la modification des dispositions des mémorandums a été faite sous la pression des juges de la CPI, qui ont vivement critiqué le recours systématique à la confidentialité des informations pour le non-respect du procès équitable qu’elle implique, notamment lorsque des éléments à décharge sont concernés1375. L’abandon du recours de principe aux accords de l’article 18 paragraphe 3 de l’accord de coopération entre l’ONU et la CPI ne signifie enfin pas l’abandon de la protection des informations. Les mémorandums ne font que remplacer cette procédure par d’autres mesures de protection supposément moins attentatoires aux règles du procès équitable. Les critères qu’ils retiennent comme motifs de confidentialité sont suffisamment 1373 Le mémorandum dispose que « [à] moins que le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix ou le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix ne l’indiquent par écrit, les documents détenus par la MONUC qui sont communiqués par les Nations Unies au Procureur relèvent des arrangements prévus au paragraphe 3 de l’article 18 de l'Accord régissant les relations entre I'ONU et la Cour pénale internationale. » Mémorandum d’accord entre l’Organisation des Nations Unies et la Cour pénale internationale relatif à la coopération entre la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) et la Cour pénale internationale (avec annexes et échange de lettres), New York, 8 novembre 2005, art. 10, al. 6. Sur la conformité douteuse de cette disposition à l’accord de coopération liant l’ONU à la CPI ainsi qu’au statut de Rome, voir AMBOS (K.), TRIFFTERER (O.), dir., The Rome statute of the International Criminal Court, op. cit., pp. 35-39. 1374 Pour exemple, le mémorandum concernant la MINUSCA dispose que « [where] it considers there is no other practicable way in which it can respond positively to the prosecutor’s request, the United Nations may, on an exceptional basis, provide documents to the Prosecutor subject to the arrangements and protections provided for in Article 18, paragraph 3, of the Relationship Agreement. » Voir Mémorandum d’accord entre l’Organisation des Nations Unies et la Cour pénale internationale concernant la coopération entre la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en République centrafricaine et la Cour pénale internationale (avec annexes), New York, 3 mai 2016 et 5 mai 2016, et La Haye, 18 mai 2016 et 19 mai 2016, art. 9, al. 8. La même disposition est reprise, en substance, dans les mémorandums concernant l’ONUCI et la MINUSMA, voir respectivement Mémorandum d’accord entre l’Organisation des Nations Unies et la Cour pénale internationale relatif à la coopération entre l’Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et la Cour pénale internationale (avec annexes), New York, 4 juin 2013 et 5 juin 2013, et La Haye, 12 juin 2013, art. 9, al. 8 et Mémorandum d’accord entre l’Organisation des Nations Unies et la Cour pénale internationale relatif à la coopération entre la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et la Cour pénale internationale (avec annexes). New York, 28 juillet 2014 et 30 juillet 2014, et La Haye, 20 août 2014, art. 9, al. 8. 1375 CPI, Ch. de première instance I, Situation en République démocratique du Congo, Affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, n° ICC-01/04-01/06, Décision relative aux conséquences de la non-communication de pièces à décharge couvertes par les accords prévus à l’article 54-3-e du Statut, à la demande de suspension des poursuites engagées contre l’accusé et à certaines autres questions soulevées lors de la conférence de mise en état du 10 juin 2008, 13 juin 2008. 346 nombreux et vagues1376 pour en permettre une interprétation large, qui est laissée à l’appréciation du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix. Il demeure que l’importance de la coopération avec la CPI, notamment en termes de partage d’informations, est soulignée par l’ONU. Il faut toutefois reconnaître que les éléments manquent pour attester de la disposition de l’ONU à partager les informations qu’elle détient avec les commissions vérité, et que l’analogie avec la pratique suivie auprès du procureur de la CPI est insatisfaisante. 522. La question des témoignages se rapproche de celle du partage d’informations. Là aussi, les immunités des agents du maintien de la paix semblent empêcher les commissions vérité d’appliquer leurs pouvoirs de contraintes. Si l’accord de coopération et les mémorandums d’accord conclus entre l’ONU et la CPI pourraient également démontrer la réticence de l’Organisation à laisser ses agents témoigner ou même être auditionnés, l’analogie est encore plus insatisfaisante que pour la question du partage d’informations. La raison principale de la protection des opérations de maintien de la paix contre les demandes de témoignages devant la Cour pénale internationale rejoint celles motivant le CICR et le HCR, c’est-à-dire le souci de maintenir une image d’impartialité. Or, cette impartialité est essentiellement mise à mal devant la juridiction pénale en raison de la finalité punitive du procès, qui est absente des procédures menées devant les commissions vérité. Dans celles-ci, le témoignage n’est pas sollicité par l’accusation ou la défense dans le cadre d’une stratégie, mais par des commissaires, dans le seul but de permettre la divulgation la plus complète possible des faits. 523. Pour la question des témoignages aussi, les données manquent. Les rapports des commissions vérité ayant cohabité avec des OMP, ou dont la compétence couvre des périodes où de telles opérations étaient présentes dans le pays, ne font pas mention du rôle de ces opérations dans les violations des droits de l’Homme et ne donnent pas d’informations sur 1376 Les mémorandums notent que des mesures de restriction de la divulgation des informations, telle que la censure, peuvent être adoptées dans le cas où cette information : « a) mettrait la sécurité d’une personne en péril, ou b) porterait atteinte à la sécurité ou au bon déroulement d'une opération ou activité de l'Organisation des Nations Unies ou de ses institutions spécialisées ou organismes ou de ses partenaires ou agents d'exécution, ou c) violerait une obligation de confidentialité dont l'Organisation des Nations Unies est débitrice envers un tiers, ou d) violerait le droit à la vie privée d'un tiers ou y porterait atteinte, ou e) compromettrait les processus libres et indépendants de prise de décisions de l'Organisation des Nations Unies ou y porterait atteinte, ou f) mettrait en péril la sécurité d'un État Membre de l'Organisation des Nations Unies ». Mémorandum d’accord entre l’Organisation des Nations Unies et la Cour pénale internationale relatif à la coopération entre l’Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et la Cour pénale internationale, op. cit., art. 9 al. 7. 347 leur accès, ou même la demande d’accès à des membres de ces opérations. On remarque toutefois que cette question n’a pas fait l’objet de signature de mémorandums entre les commissions vérité et l’ONU du même type que ceux conclus avec la CPI, alors même que, comme nous l’avons vu, les problématiques de coopération sont similaires. À notre connaissance, seule la MINUSIL a été partie à un tel accord avec la CVR sierra léonaise, aux côtés du gouvernement sierra léonais, du HCDH et du PNUD. Le mémorandum ne concernait pourtant que des questions de coopération matérielle et de soutien financier1377. Section II L’application par l’ONU d’une logique de protection de l’Organisation 524. Les organes onusiens sont habitués aux grandes déclarations d’intention. Les grandes idées sur le nouvel ordre économique mondial, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou même celle de l’universalisme des droits de l’Homme n’en sont que quelques expressions. Le passage de la déclaration à la pratique est pourtant souvent beaucoup plus complexe et fait preuve d’une opposition bien plus grande de la part des États et même parfois de l’Organisation elle-même. La lutte contre l’impunité au sein des actions conduites par l’ONU fait partie de ce dernier cas. 525. Nous avons déjà vu comment l’ONU rejette une quelconque application à ses agents et ses missions de la justice transitionnelle. Pour être politiquement acceptable, un tel rejet doit pourtant être contrebalancé par un certain effort d’amélioration de la situation, c’est-à-dire, en l’occurrence, par le développement d’une forme de responsabilisation de l’Organisation pour les actions menées, ou tout du moins d’un cadre permettant une prévention et une réaction efficaces. L’économie de ses efforts risquerait de porter gravement atteinte à la crédibilité d’une Organisation dont l’autorité repose en grande partie sur son incarnation d’un ensemble de valeurs morales. À l’instar des efforts visant spécifiquement la responsabilité pénale de ses agents1378, l’ONU a donc cherché à démontrer sa volonté de responsabiliser ces actions. À l’instar de ces efforts, la pratique est loin d’être aussi satisfaisante que les ambitions affichées. Cela serait compréhensible si la faute n’en revenait au manque de volonté des acteurs onusiens d’aller au-delà des déclarations d’intention. D’un point de vue global, c’est tout d’abord l’élaboration 1377 1378 CVR Sierra Léone, « Witness to truth », op. cit., vol. 1, p. 100. Voir supra, section I. 348 d’un cadre juridique visant à assurer la responsabilisation de l’Organisation qui a été entreprise. L’absence de volonté réelle de la part de ses initiateurs l’ont toutefois laissé inabouti (§ 1). Les réponses apportées à des questions plus spécifiques, tels les lanceurs d’alerte et les violations commises par la MINUK au Kosovo, camouflent quant à elles leur inefficacité programmée sous un maquillage de bonne volonté (§ 2). §1/Le caractère inabouti de l’élaboration d’un cadre juridique visant à la responsabilisation de l’Organisation. 526. Le cadre normatif des actions onusiennes s’illustre par son imprécision. C’est d’ailleurs le cas pour toutes les organisations internationales, comme le montre l’absence, jusqu’en 2011, de cadre global régissant le droit de la responsabilité de ces organisations. Le projet d’article adopté cette année-là1379, fort critiqué1380, ne règle d’ailleurs pas la question. En ce qui concerne les opérations créées par l’ONU, la question du droit leur étant applicable et des sanctions pouvant être adoptées pour le faire respecter n’a jamais été vraiment réglée. Devant l’augmentation de violations de normes aussi universelles que les droits de l’Homme et le DIH par les agents de maintien de la paix, cette carence est devenue insoutenable, et des efforts ont été faits afin de clarifier la situation. Ces efforts, pour louables qu’ils soient, sont toutefois demeurés insatisfaisants et témoignent d’un manque de volonté de réellement responsabiliser l’Organisation. C’est tout d’abord l’encadrement juridique de l’action onusienne lui-même qui, bien qu’ayant été amélioré, reste partiel (A). C’est ensuite par le développement insuffisant de garanties propres à assurer l’effectivité de ce cadre que l’ONU a fait preuve d’une réserve incompatible avec les engagements affichés en termes de lutte contre l’impunité (B). 1379 CDI, UN Doc. A/66/10, op. cit. Voir par exemple KLEIN (P.), « Les articles sur la responsabilité des organisations internationales : quel bilan tirer des travaux de la CDI ? », AFDI, vol. 58, 2012, pp. 1-27. 1380 349 A) L’encadrement juridique partiel de l’action de l’ONU 527. La capacité de l’ONU à être liée par des obligations internationales est reconnue de façon unanime depuis que la CIJ a établi, dans son avis consultatif de 1949 concernant la réparation des dommages subis au service des Nations Unies, que l’Organisation possédait une personnalité juridique distincte de celle de ses États membres1381. La question est alors celle de l’identification du droit applicable aux actions menées par l’ONU. Il faut tout d’abord préciser que, bien que l’Organisation possède la capacité de s’engager conventionnellement, cette dernière n’a pas d’incidence sur l’application aux Nations Unies du DIH et du DIDH, dans la mesure où elles ne sont parties à aucune des conventions concernant ces matières1382. Il faut donc se tourner vers les normes coutumières, les principes généraux de droit, le jus cogens et le droit interne de l’Organisation, pour déterminer le droit applicable aux actions menées par cette dernière. 528. Le premier problème, qu’il ne nous appartient pas de traiter ici, vient de l’identification des normes du DIDH et du DIH pouvant être considérées comme faisant partie du droit international général. Le second provient du fait que l’intégralité de ce droit n’est pas nécessairement applicable à l’ONU. En effet, la nature des organisations internationales implique que les obligations internationales auxquelles elles sont soumises sont fonction des attributions qui leur sont conférées par leurs actes créateurs ainsi que par leur pratique subséquente. La CIJ a ainsi considéré que « les droits et devoirs d’une entité telle que l’Organisation doivent dépendre des buts et des fonctions de celle-ci, énoncés ou impliqués par son acte constitutif et développés dans la pratique. »1383 L’extension de l’action des Nations Unies, telle que décrite ci-dessus, implique donc une extension parallèle du droit qui lui est applicable. 529. La question de l’application du DIH aux opérations de maintien de la paix, notamment pour les opérations dites coercitives, a été très tôt discutée par la doctrine et prise en compte par les Nations Unies. Dès 1963, l’Institut du droit international considérait que les règles du 1381 CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif, CIJ, Recueil 1949, p. 174. Voir également EMANUELLI (C.), « Les forces des Nations Unies et le droit international humanitaire », in CONDORELLI (L.), LA ROSA (A.-M.), SCHERRER (S.), Les Nations Unies et le droit international humanitaire, Actes du Colloque international à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’ONU, Pedone, Paris, 1996, pp. 349-350. 1382 Il faut noter que cette absence de signature, par l’ONU, des principales conventions encadrant le DIH et le DIDH découle en partie des limites prévues par ces conventions elles-mêmes, dont la ratification est souvent réservée aux États. 1383 CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, op. cit., p. 10. 350 droit des conflits armés « s’étendent également aux actions entreprises par les Nations Unies »1384. Dans le même temps, l’ONU insérait dans les règlements de ses opérations de maintien de la paix l’obligation pour celles-ci de respecter « le principe et l’esprit » des principales conventions du droit des conflits armés1385. Cette approche, bien qu’insatisfaisante de par son imprécision, a perduré jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix. On peut tout de même noter que dès 1990, le Modèle d’accord sur le statut des forces pour les opérations de maintien de la paix (Statute of force agreement - SOFA) prévoyait le respect par les opérations de maintien de la paix des « lois et règlements » de l’État hôte1386. Le point de savoir si les obligations internationales auxquelles l’État a souscrit sont comprises dans cette disposition n’est pas clair. Faut-il s’attacher de façon limitative aux termes de l’accord – les « lois et règlements » – ou bien considérer qu’il s’agit là d’un renvoi général au droit en vigueur sur le territoire de l’État hôte, quelle qu’en soit la source ? Nous penchons pour cette deuxième signification. En effet, l’option contraire créerait un déséquilibre entre les États de système dualiste, pour lesquels les traités internationaux sont intégrés par une loi de transposition, qui entrerait dans la définition du modèle SOFA, et ceux de tradition moniste, que l’applicabilité directe des accords internationaux régulièrement ratifiés dispense d’une telle mesure. Si cette question peut être d’une certaine importance pour le respect par les opérations de maintien de la paix du DIDH, en ce qui concerne le DIH, des précisions bienvenues ont été adoptées par le Secrétaire général dans une circulaire bien connue de 19991387. Bien que ne faisant que marginalement référence aux conventions pertinentes du droit des conflits armés1388, la circulaire en rappelle les principes fondamentaux, tels ceux concernant la discrimination, les moyens de combat, le sort des blessés, des populations civiles ainsi que celui des prisonniers de guerre1389. 1384 Institut du droit international, Annuaire 1963, vol. II, résolution IV p. 368. Cette expression a été intégrée aux règlements encadrant la FUNU, l’ONUC et l’UNFICYP. Voir respectivement, UN Doc. ST/SGB/UNEF/1, « Regulations for the United Nations Emergency Force », 20 février 1957, art. 44 ; UN Doc. ST/SGB/ONUC/1, 15 juillet 1963, art. 43 et UN Doc. ST/SGB/UNFICYP/1, 25 avril 1964, art. 11. Voir également SUY (E.), « Peace-keeping operations », in DUPUY (R.-J.), dir., Manuel sur les organisations internationales, 2e éd., Académie de droit international de La Haye, Brill, Nijhoff, Leiden, Boston, 1998, p. 553 et ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., pp. 96-97. 1386 UN Doc. A/45/594, Modèle d’accord sur le statut des forces pour les opérations de maintien de la paix, 9 octobre 1990, (ci-après, « modèle SOFA »), art. IV, § 6. 1387 SGNU, UN Doc. ST/SGB/1999/13, « Respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies », 6 août 1999. 1388 Seule la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949 est explicitement mentionnée. Ibid., art. 8. 1389 Pour une analyse de cette circulaire, voir ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., pp. 98-104. 1385 351 La circulaire n’épuise certes pas les débats relatifs à l’application du DIH aux opérations de maintien de la paix, mais elle représente tout de même un effort de clarification fourni volontairement par l’Organisation, démontrant ainsi un réel intérêt à voir ses opérations respecter les principes fondamentaux du DIH. La même remarque ne saurait s’appliquer au DIDH. 530. Aucune initiative semblable à la circulaire de 1999 n’est venue préciser l’application du DIDH aux opérations de maintien de la paix. En termes de droits de l’Homme, l’attention de l’Organisation s’est principalement portée sur la promotion et la protection de ces derniers par les opérations de maintien de la paix. Même les mesures concernant la prévention contre les abus sexuels commis par les agents du maintien de la paix ne mentionnent pas les normes internationales des droits de l’Homme1390. Il est certain que le caractère coutumier des normes du DIDH est moins bien établi que celui des normes du DIH1391. Leur application aux opérations de maintien de la paix est donc plus critiquable. La doctrine est toutefois divergente à cet égard. Pierre Klein considère ainsi que « les règles protectrices des droits fondamentaux de la personne » s’imposent à toutes les organisations internationales, notamment en ce qu’elles lient leurs États membres1392. Svetlana Zašova n’envisage pour sa part la soumission de ces opérations aux droits fondamentaux de la personne que de façon prospective1393. Il ne nous appartient pas ici de trancher ce débat, mais plutôt de constater que le flou qui entoure la soumission des opérations de maintien de la paix, ainsi que l’ensemble des actions menées sous l’égide de l’ONU1394, au DIDH, aurait pu, ou même dû, pousser les institutions onusiennes à clarifier cette question, notamment par l’adoption de régulations en interne à l’instar de qui a été fait pour le DIH. 1390 La circulaire du Secrétaire général sur les dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les abus sexuels mentionne en revanche la circulaire de 1999 sur l’application du DIH pour faire valoir que les forces de maintien de la paix sont « investies d’un devoir de protection à l’égard des femmes et des enfants, conformément à la section 7 de la circulaire ST/SGB/1999/13 ». Secrétaire général, UN Doc. ST/SGB/2003/13, « Dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les abus sexuels », 22 mars 2005, art. 2. 2. 1391 KOLB (R.), PORETTO (G.), VITÉ (S.), L’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme aux organisations internationales. op. cit., p. 254. 1392 KLEIN (P.), La responsabilité des organisations internationales dans les ordres juridiques internes et en droit de gens, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 360. 1393 ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., pp. 158-161. 1394 Guglielmo Verdirame prend comme exemple de violation des droits de l’Homme les sanctions adoptées par le HCR contre les réfugiés d’un camp qu’il administrait. VERDIRAME (G.), « Compliance with human rights in UN operations », Human Rights Law Review, vol. 2, n° 2, 2002, pp. 265-266. 352 531. Le flou décrit ci-dessus ne signifie toutefois pas que les opérations menées sous l’égide de l’ONU soient totalement libres de toute obligation vis-à-vis des droits de l’Homme. En effet, si les agents civils de l’ONU ne sont soumis, comme nous l’avons vu, qu’au droit interne, aux résolutions et aux conventions adoptées par l’Organisation, ce n’est pas le cas des contingents militaires et des unités de police constituées qui demeurent soumis, pour partie, à l’autorité de leur État d’envoi et aux normes du droit international général qui le lient. Ceci implique en revanche que c’est la responsabilité de cet État, et non de l’Organisation, qui pourra être recherchée pour la violation d’une norme du DIDH par son agent. L’ONU s’est en revanche assurée que les normes de conduite du personnel, particulièrement en ce qui concerne les violations à caractère sexuel, soient applicables à tous les agents travaillant au sein des opérations de maintien de la paix, toutes catégories confondues. Ceci a été accompli au travers d’une modification du modèle d’accord de participation adoptée en 2007 et qui prévoit que « [le] gouvernement s’assure que tous les membres de son contingent national ont reçu pour instruction de respecter les normes de conduite de l’Organisation des Nations Unies énoncées à l’annexe H au présent Mémorandum d’accord »1395. Le code de conduite représente donc, pour l’ONU, les règles minimales applicables, uniformément, à l’ensemble de ses agents, clarifiant ainsi une situation dont la complexité avait été dénoncée par le prince Zeid1396. 532. Il faut ensuite distinguer entre les opérations de maintien de la paix et les administrations transitoires. La différence de nature des tâches accomplies par ces missions implique une différence de régime juridique les concernant. Alors que les opérations de maintien de la paix n’exercent des prérogatives de puissance publique que de façon exceptionnelle, celles-ci forment une partie substantielle des mandats des administrations transitoires. Le cadre juridique concernant initialement ces deux types de missions ne change pourtant pas, elles demeurent des organes subsidiaires du Conseil de sécurité soumis au droit de l’Organisation et aux accords conclus par elle. Les administrations transitoires se voient pourtant confier une compétence législative exercée au sein des territoires qu’elles administrent. Les règles qu’elles édictent concernent alors, entre autres, les personnes exerçant de telles prérogatives, dont elles font partie. C’est ainsi que la MINUK et l’ATNUTO ont toutes deux adopté des règlements prévoyant l’applicabilité à « all persons 1395 UN Doc. A/61/19 (Part III), Rapport du Comité spécial des opérations de maintien de la paix et de son Groupe de travail. Reprise de la session de 2007, Annexe, Projet révisé de modèle de mémorandum d’accord, art. 7 bis. 1396 Rapport Zeid, op. cit., §§ 14-22. 353 undertaking public duties or holding public office »1397 des principales conventions portant sur les droits de l’Homme. Bien que l’application de cette règlementation aux agents de ces missions ait posé plusieurs problèmes, tant en termes d’immunités que d’applicabilité ratione materiae, il apparaît que toutes deux se sont considérées tenues par ces règles1398. 533. C’est donc pour le cas des opérations de maintien de la paix n’impliquant pas l’administration d’un territoire que la question de l’applicabilité des droits de l’Homme pose le plus de problèmes. En l’absence d’adoption de règle interne prévoyant l’application du DIDH aux agents des missions, il ne reste que la possibilité de l’intégration, par le Conseil de sécurité, de l’obligation du respect de ces normes dans le mandat même des OMP. Or, l’organe restreint de l’ONU est extrêmement réservé à cet égard. L’immense majorité des mandats qu’il prévoit n’intègre aucune considération liée au droit applicable aux opérations, question reléguée aux accords de participation et aux SOFA, qui ne font pas mention du DIDH. Une timide évolution semble en cours, dans la mesure où les résolutions portant sur la MINUSMA et la MINUSCA appellent ces missions à se conformer aux dispositions « du droit international humanitaire, du droit des droits de l’homme et du droit des réfugiés »1399. L’injonction paraît pourtant tout à la fois faible et imprécise, les résolutions portant sur la MINUSCA allant jusqu’à parler de dispositions « applicables »1400, sans préciser ce que cette expression désigne. La situation est d’autant plus insatisfaisante que le Conseil encourage dans le même temps l’Union Africaine « à améliorer l’application du principe de responsabilité, la transparence et le respect des dispositions applicables du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire »1401 dans les opérations de maintien de la paix conduite sous son autorité. 1397 L’expression est utilisée de façon identique par les deux missions. Voir ATNUTO, UNTAET/REG/1999/1, op. cit., section 2 et MINUK, UNMIK/REG/1999/24, 12 décembre 1999, section 1. 3. 1398 Voir sur cette question KOLB (R.), PORETTO (G.), VITÉ (S.), L’application du droit international humanitaire et des droits de l’homme aux organisations internationales. op. cit., pp. 272-295. 1399 Voir pour les plus récentes, respectivement S/RES/2364 (2017), § 40 et S/RES/2301 (2016), § 50. 1400 Ibid. 1401 S/RES/2378 (2017), préambule. 354 B) Le développement insuffisant de garanties du respect du cadre juridique 534. Afin de combattre efficacement les violations des droits de l’Homme commises par le personnel onusien, l’Organisation a adopté plusieurs mesures et plans d’action portant sur la prévention et la répression de ces infractions. Les aspects préventifs sont longtemps restés ceux proposés par le prince Zeid dans son rapport. Il s’agit essentiellement de formation des personnels, de diffusion des normes de conduite de l’ONU ainsi que de diverses mesures visant à traiter les causes des comportements fautifs1402. Ce n’est qu’à partir de 2012 que deux programmes proactifs ont été créés dans le domaine de la prévention. Les deux initiatives visent à assurer une vérification des antécédents des personnels concernés. La première concerne les agents de l’ONU compris au sens large, c’est-à-dire incluant « toutes les catégories de fonctionnaires du Secrétariat et de non-fonctionnaires, au siège de l’Organisation ou dans les bureaux extérieurs, civils ou portant un uniforme, qu’ils aient été recrutés sur le plan international ou sur le plan local »1403. Elle prévoit la signature, par le candidat et par son État d’envoi, d’un document attestant que le premier n’a pas été condamné et n’est pas sous enquête pour des violations des droit de l’Homme. Des enquêtes au cas par cas sont diligentées pour vérifier l’exactitude de ces déclarations. Parallèlement, le Secrétaire général a développé la « Politique de diligence voulue » (« Due diligence policy »)1404, qui consiste à ne pas fournir d’appui, ou le retirer le cas échéant, à des entités – forces de sécurité – non onusiennes dont certains membres seraient soupçonnés d’avoir commis des violations des droits de l’Homme ou du DIH. Une base de données des individus ne pouvant recevoir d’appui de la part des Nations Unies a été créée et une évaluation a priori, c’est-àdire avant l’incorporation dans le mandat d’une OMP d’une tâche d’appui aux forces de sécurité, des éléments de ces forces doit être effectuée afin d’établir la faisabilité d’un tel appui. Malgré la complexité évidente de ce dispositif et le manque régulier d’informations 1402 Notamment par le biais de la facilitation de visites des familles, du financement sur le budget de la mission d’espaces de loisirs ou encore de la multiplication des femmes au sein des opérations. Voir Rapport Zeid, op. cit., §§ 43, 50 et 51. 1403 SGNU, « Vérification des antécédents des candidats en matière de respect des droits de l’homme dans le cadre du recrutement du personnel des organismes des Nations Unies, Vérification des antécédents des candidats en matière de respect des droits de l’homme », 11 décembre 2012, § 2.1 et n. 1. 1404 SGNU, UN Doc. A/67/775-S/2013/110, Lettres identiques datées du 25 février 2013, adressées par le Secrétaire général au Président de l’Assemblée générale et au Président du Conseil de sécurité, annexe, Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme dans le contexte de la fourniture d’appui par l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes, 5 mars 2013. 355 fiables par les gouvernements hôtes, cette politique est désormais appliquée, avec un succès mitigé1405, dans toutes les actions de l’ONU. Enfin, le Secrétaire général et le département des opérations de maintien de la paix ont mis en place des équipes de déontologie et de discipline tant au siège que dans les missions. Ces équipes sont principalement chargées de conseiller le chef de la mission sur les questions de conduite de discipline, de recevoir et d’analyser les plaintes déposées et de les orienter, le cas échéant, vers la procédure appropriée1406. Elles sont donc le lien entre la prévention et les enquêtes. 535. C’est ensuite le stade de l’enquête qui a fait l’objet d’une réforme au sein de l’Organisation. Ici encore il faut distinguer entre les personnels onusiens et ceux sous autorité nationale, tels les contingents militaires et les unités de police constituées. Pour ces derniers, les enquêtes concernant des violations du code de bonne conduite demeurent de la responsabilité principale de l’État d’envoi, contrairement au cas des autres personnels onusiens, soumis à la compétence de l’ONU. Ces deux procédures ont toutefois été marquées par les mêmes défaillances, à savoir un manque de professionnalisme des enquêtes menées, notamment vis-à-vis des standards de la preuve exigés devant les juridictions pénales. Le rapport Zeid considérait ce point comme l’un des facteurs principaux de l’impunité des personnels du maintien de la paix1407. 536. Le problème des enquêtes a donné lieu à deux évolutions principales au sein de l’ONU. Le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) a tout d’abord été renforcé. Sa compétence a été élargie pour devenir obligatoire en ce qui concerne les fautes de première catégorie, qui incluent les infractions complexes et les comportements pouvant être qualifiés de crimes1408. Des unités d’enquêteurs professionnels ont été formées au sein du BSCI, postées à la fois au 1405 Deux rapports du BSCI soulignent l’inefficacité ou l’inapplication de cette politique par les missions onusiennes en Haïti et au Mali. Voir respectivement BSCI, rapport 2017/032, Audit of the human rights program in the United Nations Stabilization Mission in Haiti, n° AP2016/683/02, 5 mai 2017, p. 4 et BSCI, rapport 2017/107, Audit of police operations in the United Nations Multidimensional Integrated Stabilization Mission in Mali, n° AP2017/641/08, 24 octobre 2017, p. 4. 1406 UN Doc. A/60/862, Comprehensive report prepared pursuant to General Assembly resolution 59/296 on sexual exploitation and sexual abuse, including policy development, implementation and full justification of proposed capacity on personnel conduct issues, rapport du Secrétaire général, 24 mai 2006. 1407 Rapport Zeid, op. cit., §§ 28-32. 1408 La classification des fautes en deux catégories a été établie par le BSCI. Voir UN Doc. A/58/708, Rapport du Bureau des services de contrôle interne sur le renforcement de la fonction d’investigation de l’Organisation des Nations Unies, 10 février 2004, §§ 26-27. 356 siège et au sein de bureaux régionaux1409. Les enquêtes peuvent être déclenchées soit directement par le BSCI sur signalement d’une infraction par un particulier – personnel onusien, tiers ou victime – soit sur demande du chef de mission, à qui échoit la responsabilité globale des enquêtes au sein de sa mission, responsabilité dont il s’acquitte avec l’assistance des unités de conduite et de discipline1410. 537. En ce qui concerne les contingents militaires, la responsabilité principale de l’enquête repose en principe sur l’État d’envoi. Devant le manque de volonté, et parfois de capacité, des États d’envoi, et dans un objectif de lutte contre l’impunité, une modification conséquente de la procédure d’enquête concernant ces personnels a été adoptée via la révision du modèle d’accord de participation. Cette révision, adoptée par l’Assemblée générale en 20071411, rappelle tout d’abord la responsabilité des États dans la prévention et l’investigation de comportements fautifs de la part de leurs contingents. Elle prévoit ensuite que l’ONU peut, en l’absence de réaction de l’État d’envoi dans un délai de dix jours ouvrés suite à la notification du comportement fautif par les Nations Unies, considérer que cet État « ne peut pas ou ne souhaite pas » mener une enquête et se substituer à lui dans cette tâche1412. Enfin, l’ONU a éclairci et renforcé sa politique de sanctions envers les personnels responsables de manquements au code de bonne conduite. En matière disciplinaire, l’Organisation a adopté une politique de « tolérance zéro » vis-à-vis de ces manquements1413. Ceci signifie essentiellement que les fautes entrant dans la première catégorie donnent systématiquement lieu à un licenciement sans préavis pour les fonctionnaires et experts en mission, et au rapatriement pour les membres des contingents militaires1414. Dans les cas les plus graves, notamment en cas de violations multiples de la part de contingents d’un même État, la fin du déploiement de tout contingent de ce dernier peut être prononcée1415. 1409 Sur le renforcement du BSCI, voir Stimson Center, « Improving criminal accountability in United Nations peace operations », rapport n° 65, DURCH (W. J.) et al., juin 2009, pp. 10-12. 1410 Voir la politique adoptée par le DOMP, le DAP et DAM : « Policy on accountability for conduct and discipline in field missions », 1 août 2015, point 18. 7. 1411 A/RES/61/267 B (2007), § 1. 1412 UN Doc. A/61/19 (Part III), op. cit., art. 7 quater, § 3. Pour le détail de cette révision ainsi que son historique, voir DEEN-RACSMANY (Z.), « The amended UN model memorandum of understanding : a new incentive for states to discipline and prosecute military members of national peacekeeping contingents ? », Journal of Conflict and Security Law, vol. 16, n° 2, juillet 2011, pp. 321-355. Voir également ZAŠOVA (S.), Le cadre juridique de l’action des casques bleus, op. cit., pp. 259-263. 1413 « Policy on accountability for conduct and discipline in field missions », op. cit., point 10. 2. 1414 Ce rapatriement peut concerner l’ensemble des unités d’un État donné s’il apparaît que ce dernier n’a pas tenu ses engagements en termes de prévention et d’enquête. Voir UN Doc. A/70/729, Special measures for protection from sexual exploitation and sexual abuse, 16 février 2016, § 60. 1415 Ibid. 357 538. Si l’ONU s’efforce de montrer sa bonne volonté dans la sanction des comportements répréhensibles au sein des opérations de paix, ses compétences en la matière sont extrêmement limitées. L’Organisation est dépourvue de juridiction pénale capable de condamner les fonctionnaires et les experts en mission, ainsi que de compétence en ce qui concerne des sanctions disciplinaires autres que le rapatriement et la suspension des salaires pour ce qui concerne les contingents nationaux. C’est pourquoi les efforts de l’Organisation se concentrent aujourd’hui sur les mesures propres à inciter les États membres à poursuivre euxmêmes les responsables. Deux mesures symboliques ont été adoptées par le Secrétariat à cet égard. Les États sont incités à fournir des rapports sur les suites pénales et disciplinaires données aux plaintes déposées contre des membres de leurs contingents. Ces rapports sont censés être ensuite transmis, par le biais des missions, aux victimes afin que celles-ci soient informées des peines prononcées contre leurs agresseurs. L’Assemblée générale a toutefois constaté que peu d’États se conforment à cette directive1416. C’est en réponse à cette défaillance que le Secrétaire général a décidé, en 2016, d’inclure dans son rapport portant sur les dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles la nationalité des individus fautifs ainsi que les suites données, ou non, par leur État de nationalité. Ces informations sont également publiées sur le site internet conduct.unmissions.org, créé à cette fin. 539. Les mesures adoptées par l’Organisation pour lutter contre l’impunité des personnels du maintien de la paix ne manquent ainsi pas. Leur application concrète reste cependant très insatisfaisante. Le rapport du BSCI sur le plan de lutte contre les violences sexuelles souligne les nombreuses défaillances du système, tels le manque de transmission des informations liées aux infractions constatées, des enquêtes trop tardives, notamment au regard de la disponibilité des preuves, ou encore le manque de coopération des États membres, y compris au stade de l’enquête1417. Des mesures proposées par le prince Zeid dans son rapport, telles la constitution par les États membres de cours martiales in situ ou encore l’élaboration d’une convention internationale portant sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et experts en mission1418, toujours rappelées aujourd’hui1419, ne semblent pas connaître d’avancées significatives. Ce 1416 A/RES/72/112 (2017), responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission, § 8. BSCI, « Evaluation of the Enforcement and Remedial Assistance Efforts for Sexual Exploitation and Abuse by the United Nations and Related Personnel in Peacekeeping Operations », 15 mai 2015, §§ 28-32. 1418 Rapport Zeid, op. cit., §§ 35 et 89. 1419 Voir par exemple UN Doc. A/70/729, op. cit., § 66. 1417 358 sont ces défaillances qui ont conduit le Groupe d’évaluation indépendante intérimaire du système d’administration de la justice à l’Organisation des Nations Unies à considérer dans son rapport que « impunity reigns within the United Nations, with an impact on victims, on staff morale in the field and on the overall image of the Organization. »1420 §2/Les mirages de la responsabilisation de l’Organisation 540. Nous avons vu que les mécanismes internes de lutte contre l’impunité sont en partie défaillants. Une part de ces défaillances peut être attribuée aux caractéristiques même de l’action de l’ONU : celle-ci implique une grande décentralisation et, partant, des difficultés pour assurer un suivi efficace, ajoutées à une lourdeur administrative extrême ainsi qu’une dépendance tout aussi importante vis-à-vis des États membres. Ces justifications ne doivent pourtant pas tromper l’observateur. Comme nous avons déjà pu l’entrevoir à propos des réparations, c’est bien une logique de protection qui est à l’œuvre au sein de l’Organisation. Celle-ci dépasse d’ailleurs très largement les considérations liées à l’intergouvernementalité, dans la mesure où cette logique se retrouve, et de façon exacerbée encore, au niveau du Secrétariat. Deux exemples témoignent de la méthode utilisée par le Secrétariat pour empêcher toute responsabilisation authentique de l’Organisation. Il s’agit du cas des lanceurs d’alerte et de celui du Panel consultatif des droits de l’Homme au Kosovo. Ces deux exemples ont en commun qu’ils correspondent à des problématiques à propos desquelles l’ONU était politiquement forcée d’agir. La méthode utilisée a été globalement similaire et a consisté à adopter des mesures symboliquement fortes tout en les rendant complètement inefficaces dans la pratique. Les lanceurs d’alerte bénéficient ainsi d’une protection déficiente (A), alors que le Panel consultatif des droits de l’homme est demeuré un mécanisme inopérant (B). 1420 UN Doc. A/71/62/Rev.1, Report of the Interim Independent Assessment Panel on the system of administration of justice at the United Nations, 15 avril 2016, § 267. Voir également l’analyse de ce rapport in BODEAU-LIVINEC (P.), THÉVENOT-WERNER (A.-M.), « Activité et jurisprudence des tribunaux administratifs des Nations Unies et de l’OIT », AFDI, vol. 62, 2016, pp. 303-316. 359 A) Les déficiences de la protection des lanceurs d’alerte 541. La question des lanceurs d’alerte est particulièrement pertinente pour celle de la lutte contre l’impunité intra-onusienne. Or, le bilan à cet égard est globalement considéré comme insatisfaisant. Le sort réservé aux lanceurs d’alertes témoigne en effet de la réticence du Secrétariat à ce que la lutte contre l’impunité prime les considérations liées à la réputation de l’Organisation. Il est vrai que le Secrétaire général a adopté plusieurs règlementations destinées à protéger les lanceurs d’alertes. La circulaire de 2005 portant sur la « protection des personnes qui signalent des manquements et qui collaborent à des audits ou à des enquêtes dûment autorisés »1421 représente le premier effort dans ce sens. Il y est prévu l’obligation pour les personnels onusiens de « dénoncer tout manquement aux règles et règlements de l’Organisation »1422, que ce soit par le biais de mécanismes internes1423 ou, sous conditions, externes1424. Ces personnels sont également assurés d’une protection contre toutes représailles, entendues comme « toute mesure directement ou indirectement préjudiciable, prise ou recommandée à l’encontre d’une personne qui a effectué une démarche protégée par la présente directive, ou la menace d’une telle mesure »1425. Premier effort de protection des lanceurs d’alerte, la circulaire de 2005 n’en restait pas moins lacunaire, justifiant un ajustement de la protection proposée. Ceci a été fait par le nouveau Secrétaire général, António Guterres, en 20171426. Comme nous le verrons, cette nouvelle circulaire, bien qu’intégrant certains éléments de la jurisprudence du Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies (TCANU), maintient plusieurs failles déjà soulignées, notamment par le Tribunal en question. Il n’est nécessaire ici que de rappeler la procédure mise en place, de façon inchangée, par la circulaire de 2005, confirmée sur ce point en 2017. 542. Pour obtenir la protection réservée aux lanceurs d’alerte, les employés des Nations Unies, fonctionnaires, volontaires des Nations Unies ou stagiaires, doivent tout d’abord dénoncer un manquement d’un ou plusieurs fonctionnaires à l’une des règles encadrant le 1421 SGNU, ST/SGB/2005/21, « Protection des personnes qui signalent des manquements et qui collaborent à des audits ou à des enquêtes dûment autorisés », 19 décembre 2005. 1422 Ibid., art. 1. 1. 1423 Ibid., Section 3. Il s’agit du « Bureau des services de contrôle interne, le Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines, le chef du département ou du bureau concerné ou l’interlocuteur chargé de recevoir les plaintes pour exploitation et abus sexuels ». 1424 Ibid., Section 4. Les motifs justifiant un recours aux mécanismes externes sont notamment la peur de représailles, l’inaction de l’Organisation et le risque de destruction des preuves. 1425 Ibid., Section 1. 4. 1426 Voir SGNU, ST/SGB/2017/2, « Protection contre les représailles des personnes qui signalent des manquements et qui collaborent à des audits ou à des enquêtes dûment autorisés », 20 janvier 2017. 360 comportement de ces personnels. Cette dénonciation peut se faire par le biais des mécanismes internes ou externes, comme nous l’avons dit. Le BSCI, voie interne de dénonciation par défaut, se doit de prévenir, avec l’accord de l’auteur de la dénonciation, le Bureau de la déontologie, qui peut alors adopter des mesures de prévention contre d’éventuelles représailles. En cas de représailles déjà dénoncées par le lanceur d’alerte, celui-ci prévient le Bureau de la déontologie qui évalue la réalité apparente de telles mesures1427. En cas de représailles apparentes, il en informe le BSCI qui doit mener une enquête et rendre son rapport au Bureau de la déontologie sous 120 jours. L’enquête doit déterminer si l’administration, sur qui repose la charge de la preuve, aurait pris les mêmes mesures vis-à-vis de l’employé si ce dernier « n’avait pas participé à une activité protégée »1428. Après une évaluation du rapport d’enquête, le Bureau de la déontologie décide si les allégations de représailles sont fondées ou non. Si c’est le cas, il transmet ses recommandations quant aux mesures à adopter au chef du département ou du bureau concerné et au Secrétaire général adjoint à la gestion. Si les représailles ne sont pas avérées, aucune recommandation n’est transmise. Un recours contre la détermination du Bureau de la déontologie est possible devant le Président suppléant du Groupe de la déontologie des Nations Unies, regroupant les chefs des bureaux de la déontologie des divers programmes et organes onusiens1429. On comprend à travers cette procédure la place centrale qu’occupe le Bureau de la déontologie et l’importance de son indépendance. Or, cette indépendance est loin d’être évidente au vu du statut de ce bureau1430. On relève tout d’abord que le terme d’indépendance n’y apparaît pas. Ensuite, le bureau est créé « au sein du Secrétariat »1431 et relève « directement du Secrétaire général »1432. Enfin « [n]ommé par le Secrétaire général, le Directeur du Bureau de la déontologie est comptable devant celui-ci dans l’exercice de ses fonctions »1433. Il est d’ailleurs révélateur que le principal argument avancé par le Secrétaire général pour justifier de l’indépendance de ce Bureau n’est pas tiré du statut de ce dernier, mais de la résolution de l’Assemblée générale demandant au Secrétaire général de créer un 1427 Le Bureau doit déterminer « s’il y a lieu de présumer que l’activité protégée a été un facteur des représailles ou de la menace de représailles dont le requérant s’estime victime », (nous soulignons). Ibid., Section 7. 1 b). 1428 Ibid., Section 8. 2. 1429 SGNU, ST/SGB/2007/11, « Respect de la déontologie à l’échelle du système : organes et programmes ayant une administration distincte », 30 novembre 2007, section 5. 1. 1430 Voir SGNU, ST/SGB/2005/22, « Création du Bureau de la déontologie et définition de son mandat », 30 décembre 2005. 1431 Ibid., Section 1. 1. 1432 Ibid. 1433 Ibid., Section 2. 361 « bureau de la déontologie, doté d’un statut indépendant »1434. Le travail et l’indépendance du Bureau de la déontologie ont d’ailleurs été remis en question par le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies1435, et par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression1436. Le très faible nombre de cas pour lesquels le Bureau a recommandé des mesures de protection, ou même simplement reconnu l’existence de représailles, est à cet égard pointé du doigt1437. 543. Deux cas sont illustratifs de l’attitude du Secrétariat et de certains départements, tel le HCDH, ainsi que du manque d’effectivité de la protection des lanceurs d’alertes, notamment de la possibilité qui leur est donnée de faire valoir cette protection devant le système interne de justice des Nations Unies. 544. Le cas d’Anders Kompass est le plus connu. Cet ancien haut-fonctionnaire suédois était directeur des opérations au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme lorsqu’il a transmis aux autorités françaises un rapport rédigé par une fonctionnaire onusienne en poste à Bangui, République centrafricaine, révélant des cas de violences sexuelles commises par des soldats de la force française Sangaris sur des mineurs centrafricains. La transmission de ce rapport sous sa forme non expurgée a mené à la demande de démission d’Anders Kompass par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme et son adjointe, demande qui a été refusée. L’affaire ayant été médiatisée, une enquête a été ordonnée par le Secrétaire général sur le déroulement des faits. Le rapport du « Groupe d’enquête externe indépendant sur l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les forces internationales de maintien de la paix en République centrafricaine », transmis à l’Assemblée générale le 23 juin 20161438, met en lumière les défaillances du système d’enquête onusien ainsi que le refus de l’Organisation de voir ses carences en la matière exposées. Les membres dénoncent, d’une 1434 Voir A/RES/60/1 (2005), § 161 d). Cet argument a notamment été avancé devant le Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies (TCANU) dans l’affaire Wasserstrom. Voir UNDT, Affaire UNDT/NY/2009/044JAB/2008/087, Wasserstrom v. Secretary general of the United Nations, ordonnance 19 (NY/2010), Orders on receivability and production of documents, 3 février 2010, § 17. 1435 Voir dans l’arrêt Wasserstrom les critiques du juge estimant que « the record would appear to indicate that as an institution charged with the responsibility of uncovering acts of retaliation the effectiveness of the Ethics Office leaves much to be desired ». TCANU, Affaire UNDT/NY/2009/044/JAB/2008/087, Wasserstrom v. Secretary-general of the United Nations, Jugement UNDT/2013/053, Judgement on relief, 15 mars 2013, § 34. 1436 Voir UN Doc. A/70/361, « Rapport établi par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression », 8 septembre 2015, § 55. 1437 Le Rapporteur spécial, reprenant des chiffres tenus par le Government Accountability Project, établissait à 4 le nombre de cas pour lesquels des représailles avaient été reconnues, sur 403 demandes déposées. Ibid., § 53. Voir également le site du Government Accountability Project : https://www.whistleblower.org/united-nations. 1438 UN Doc. A/71/99, Rapport du Groupe d’enquête externe indépendant sur l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les forces internationales de maintien de la paix en République centrafricaine : « Lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les soldats de la paix », 23 juin 2016. 362 part, l’absence de réponse quant aux violences subies par les mineurs centrafricains, et d’autre part, la réaction des diverses autorités onusiennes (directrice du Bureau de la déontologie, directrice du BSCI, Haut-Commissaire aux droits de l’homme…) face à la transmission du rapport. Ceux-ci sont en effet accusés d’avoir agi de concert, y compris avec le Bureau de la déontologie et le BSCI, supposés être indépendants, pour s’accorder sur les mesures à adopter contre Anders Kompass1439. Ce dernier fit l’objet d’une enquête interne pour faute professionnelle et fut suspendu de ses fonctions, mesure annulée par la suite par TCANU1440. Arguant du maintien d’une pression de la part de sa hiérarchie et de l’impunité de ceux qui auraient « abusé de leur autorité »1441, Anders Kompass fini par démissionner en juin 2016. 545. Le cas de James Wasserstrom est moins connu du grand public, bien qu’il ait concentré les inquiétudes des observateurs quant à la protection accordée aux lanceurs d’alerte1442. L’affaire portait sur la dénonciation par l’intéressé de cas de corruption au sein de la MINUK. Suite aux signalements qu’il avait effectués, M. Wasserstrom a fait l’objet de mesures qu’il considérait comme constitutives de représailles de la part de personnels de la mission1443. L’intéressé a alors saisi le Bureau de la déontologie des Nations Unies dans le but de se voir conférer la protection garantie par l’Organisation aux lanceurs d’alertes. L’enquête confiée par ledit bureau au BSCI ayant conclu à l’absence de représailles, la protection demandée par M. Wasserstrom lui a été refusée. Ce dernier attaquait donc devant le TCANU les conclusions du Bureau de la déontologie. L’arrêt du TCANU accédant à la demande de M. Wasserstrom a été annulé par le Tribunal d’appel des Nations Unies (TANU). En effet la compétence ratione materiae du TCANU est limitée à la contestation des décisions administratives par le personnel. Or, le Bureau de la déontologie, selon la circulaire de 2005, ne fait que mener des enquêtes sur la base desquelles il adopte des recommandations relatives à l’existence d’une activité protégée et de représailles, qu’il transmet au Secrétaire général qui peut ensuite accorder la protection au personnel concerné. Revenant partiellement sur sa jurisprudence antérieure, le TANU a alors considéré que les conclusions du Bureau de la déontologie ne constituaient pas une décision administrative et ne pouvaient donc pas être attaquées par le 1439 Ibid., §§ 199-217. TCANU, Affaire UNDT/GVA/2015/126, Kompass v. Secretary-general of the United Nations, ordonnance n° 99 (GVA/2015), 5 mai 2015. 1441 « ONU : le lanceur d’alerte Anders Kompass démissionne », Le Monde, 7 juin 2016. 1442 Voir notamment BODEAU-LIVINEC (P.), THÉVENOT-WERNER (A.-M.), « Activité et jurisprudence des tribunaux administratifs des Nations Unies », AFDI, vol. 61, 2015, pp. 411-412 et 418-420. 1443 Il s’agissait du non-renouvellement de son poste au sein de la mission, du lancement d’une enquête à son égard, accompagnée de la confiscation, à l’aéroport, de son passeport, de la perquisition de son véhicule ainsi que de l’affichage d’un poster le représentant sur les portes de la mission dans le but de lui en interdire l’accès. 1440 363 requérant, qui aurait dû se retourner contre la décision implicite du Secrétaire général de ne pas lui accorder la protection. Si la décision du TANU est compréhensible d’un point de vue strictement juridique, elle ne fait que peu de cas de la situation dans laquelle était placé M. Wasserstrom. En effet, le Bureau de la déontologie ne transmet ses conclusions au Secrétaire général que dans le cas où la protection est recommandée. En l’absence de la constatation de représailles, et donc de transmission des conclusions, ainsi que de règle claire sur le délai permettant de considérer que le silence de l’administration constitue une décision implicite de rejet de la demande, M. Wasserstrom n’avait guère d’autre choix que d’attaquer la recommandation du Bureau de la déontologie1444. Il est à noter que ces règles ont été clarifiées par la circulaire de 2017. Celle-ci consacre l’absence de caractère décisoire des recommandations du Bureau de la déontologie et clarifie le recours ouvert aux employés de l’ONU contre la décision de l’administration1445. L’obligation du Bureau de la déontologie de procéder à une évaluation de l’intégralité du rapport d’enquête du BSCI, annexes comprises, est également prévue1446, démontrant une volonté du nouveau Secrétaire général d’intégrer les lacunes identifiées au travers de la jurisprudence du TCANU. 546. Si la décision du TANU est contestable pour ses effets, l’attitude du Secrétariat à l’occasion de cette affaire est encore plus révélatrice de l’hostilité ressentie par ce dernier à l’encontre des lanceurs d’alerte. Le Secrétariat s’est en effet illustré par son refus de transmettre des pièces à la défense, en l’occurrence le rapport de l’enquête conduite par le BSCI et ses annexes, dont l’exactitude et le sérieux étaient remis en question par le requérant, et ce malgré les ordonnances adoptées en ce sens par le TCANU1447. Il faut noter que le refus de transmission de pièces par le Secrétariat, y compris lorsque cette transmission est ordonnée par le Tribunal, n’est pas exceptionnelle. Le Secrétariat a été condamné à plusieurs reprises pour son non-respect des ordonnances du Tribunal, jusqu’à se voir interdire de participer aux audiences1448. Dans l’affaire Wasserstrom, le juge a condamné le Secrétariat à verser 15 000 1444 Voir dans le même sens BODEAU-LIVINEC (P.), THÉVENOT-WERNER (A.-M.), « Activité et jurisprudence des tribunaux administratifs des Nations Unies », op. cit., p. 419. 1445 SGNU, ST/SGB/2017/2, op. cit., Sections 9 et 10. 1446 Ibid., Section 8. 4. 1447 Voir notamment TCANU, Affaire UNDT/NY/2009/044/ JAB/2008/087, Wasserstrom v. Secretary-general of the United Nations, Orders on receivability and production of documents, op. cit. et pour la même affaire : Order, ordonnance 113 (NY/2010), 23 avril 2010. 1448 Dans l’affaire Bertucci, le juge du TCANU a exprimé son exaspération devant l’attitude du Secrétariat dans une ordonnance dont le ton mérite qu’elle soit reproduite ici. Il déclare ainsi que : « the Secretary-General will not be heard in the accountability case and he should have fair notice that should his counsel make application to be heard in the other cases before me, my present inclination is that until the disobedience of the SecretaryGeneral is purged by producing the documents I have required to be produced, accompanied by an apology to 364 dollars U.S. au requérant pour couvrir les frais engendrés par son refus de coopérer avec le Tribunal1449, décision confirmée en appel1450. Il faut noter que cette pratique du Secrétariat perdure aujourd’hui1451. La circulaire de 2017, en ne prévoyant pas d’obligation pour le Bureau de la déontologie de transmettre le rapport d’enquête au requérant, peine à rassurer quant à une possible évolution de l’attitude du Secrétariat sur ce point. L’ensemble de ces facteurs justifie le jugement sévère, auquel nous souscrivons, porté sur la protection onusienne des lanceurs d’alertes par de nombreux observateurs1452. B) La création de mécanismes inopérants : l’exemple du Panel consultatif des droits de l’Homme au Kosovo 547. Nous avons déjà évoqué les violations des droits de l’Homme commises par la MINUK, notamment en termes de détentions arbitraires1453. Il ne s’agit pourtant là que d’une infime partie des violations dont la mission se serait rendue responsable. Au fil du temps, les accusations à l’encontre de la MINUK se sont multipliées au sein, notamment, de la société civile et du Conseil de l’Europe. Alertée par la situation, l’Assemblée parlementaire de ce the Tribunal and an undertaking not to disobey an order again, the respondent will not be entitled to appear, before me. 10. The fundamental purpose is not to punish the respondent, but to make clear that the respondent does not get to decide which orders he will comply with and which he will ignore. There is no other way the jurisdiction and integrity of the Tribunal can be upheld. I regard the refusal as a direct and brazen attack on the rule of law created by the General Assembly and solemnly embodied in the Statute of this Tribunal. The Secretary-General can either comply with the rule of law, or he can defy it, but it should be understood, that if he defies it, he cannot expect that the Tribunal will be prepared to listen to what might be said by him or on his behalf. I trust the matter is now clear. » Voir TCANU, Affaire UNDT/NY/2009/039/ JAB/2008/080 & UNDT/NY/2009/117, Bertucci v. Secretary-general of the United Nations, Ruling, ordonnance n° 43 (NY/2010), 8 mars 2010, §§ 9-10. 1449 Les juges ont considéré que le refus du Secrétariat de se conformer aux ordonnances lui enjoignant de transmettre le rapport d’enquête avait prolongé le procès, induisant des coûts supplémentaires pour le requérant. 1450 Les juges d’appel ont à cette occasion considéré que l’attitude du Secrétaire général avait été « frivolous and vexatious ». Voir TANU, Affaires 2013-481, 2013-482 & 2013-483, Wasserstrom v. Secretary-general of the United Nations, Jugement n° 2014-UNAT-457, 27 juin 2014, § 42. 1451 Voir par exemple l’affaire Elobaid, dans laquelle le rapport d’enquête ayant mené au prononcé d’un avertissement contre un fonctionnaire ne lui a pas été transmis, le juge notant ainsi que « le requérant s’est vu, sans explication, dénier le droit aux garanties d’une procédure régulière ». TCANU, Affaire UNDT/NBI/2016/036, Elobaid c. Secrétaire-général de l’Organisation des Nations Unies, Jugement n° UNDT/2017/054, 13 juillet 2017, § 93. 1452 Voir par exemple HAMILTON-MARTIN (R.), « Ostracised, sacked… and even arrested : the fate of whistleblowers at the UN », The Guardian, 14 septembre 2015 ; DE LAVARÈNE (C.), « A l’ONU, il ne fait pas bon être lanceur d’alerte », Mediapart, 3 janvier 2016 ou encore BODEAU-LIVINEC (P.), THÉVENOTWERNER (A.-M.), « Activité et jurisprudence des tribunaux administratifs des Nations Unies et de l’OIT », op. cit., p. 315, estimant que la situation des lanceurs d’alerte onusiens est « précaire ». Voir également de façon générale la section dédiée à l’ONU sur le site internet du Government Accountability Project : https://www.whistleblower.org/united-nations. 1453 Supra, section I, § 1. 365 dernier sollicita la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le 13 mai 2004, pour qu’elle donne son avis sur « la situation des droits de l’homme au Kosovo »1454. Rendu le 11 octobre 2004, cet avis pointe du doigt plusieurs violations des droits de l’Homme. Sont notamment en cause les atteintes au droit de propriété, les détentions et l’insuffisance des enquêtes menées par la MINUK sur les nombreux crimes, parfois graves, commis au Kosovo. Afin de ne pas conforter le climat d’impunité ayant alors cours au Kosovo, la Commission de Venise recommande alors à la MINUK, à la KFOR et aux Institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo de mettre en place « un mécanisme distinct de contrôle provisoire »1455. Au cours des discussions portant sur la forme que prendrait ce mécanisme, il est très vite apparu que l’ONU refuserait tout organe juridictionnel et/ou extérieur à l’Organisation1456, lui préférant un panel consultatif indépendant. C’est donc cet organe qui fut créé par la règlementation 2006/12 de la MINUK1457. Bien que l’initiative paraisse louable, le Panel consultatif des droits de l’homme au Kosovo (« Human rights advisory panel » HRAP) s’est essentiellement illustré par son inutilité presque totale en termes de lutte contre l’impunité, et ce malgré les efforts louables de ses membres. Le Panel est en effet une autre illustration du rejet par le Secrétariat de toute forme de responsabilisation de l’Organisation, et de ses services en particulier. Cette résistance est en l’occurrence passée par deux voies : l’affaiblissement du Panel par le biais de son statut et le rejet total de ses conclusions, anéantissant ainsi l’intérêt de son travail pour les victimes. 548. C’est donc tout d’abord à la création d’un organe affaibli que s’est attaché le Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG), chef de la MINUK. Notons que l’idée d’un organe de contrôle créé au sein et sous l’autorité de la mission qu’il est supposé contrôler paraît en elle-même saugrenue et pose de sérieux doutes quant à l’indépendance d’un tel organe. Le Panel recommandera d’ailleurs que les futures entités créées sur ce modèle soient envisagées comme organe de l’ONU et non de la mission faisant l’objet de leur compétence1458. Le problème est en fait nuancé dans la mesure où le Panel ne représente en réalité pas un organe de contrôle de la MINUK. Comme son nom l’indique, le HRAP ne 1454 Commission de Venise, Avis sur la situation des droits de l’homme au Kosovo : établissement éventuel de mécanismes de contrôle, Avis n° 280/2004, 11 octobre 2004, § 1. 1455 Ibid., § 113. 1456 HRAP, « The Human Rights Advisory Panel history and legacy Kosovo, 2007-2016 », rapport final, 30 juin 2016, (ci- après HRAP, rapport final) § 32. 1457 MINUK, UNMIK/REG/2006/12, op. cit. 1458 HRAP, rapport final, op. cit., § 281. 366 possède qu’une compétence consultative. S’il peut bien établir l’existence de violations (« issue findings »1459) et faire des recommandations, qui seront publiées « in a manner that ensures broad dissemination and accessibility »1460, le HRAP est fortement limité par l’absence de caractère obligatoire de ses décisions. Son statut laisse en effet toute discrétion au RSSG pour suivre ou non ces recommandations1461. Tout a d’ailleurs été fait pour ne pas confondre le HRAP avec un organe juridictionnel. Le RSSG a ainsi refusé qu’une audience publique soit tenue au sein du tribunal de district de Pristina, initialement choisi pour ses installations, notamment en termes d’interprétariat. Au Panel, le Représentant spécial justifiait sa position en considérant que « [h]olding a public hearing in a court house will send the wrong signal to the public and leave an entirely inappropriate impression that a court is sitting over UNMIK. This has to be avoided in any event. »1462. La procédure devant le HRAP a également été précisée pour prévenir toute confusion avec un organe juridictionnel. Bien que les audiences publiques aient constitué, en principe, la règle, elles devaient être « conducted in such manner and settings that allow a clear sense of non-adversarial proceedings »1463 De plus, leur objet devait se limiter à rappeler les éléments présentés dans les écritures transmises préalablement au Panel1464. Enfin, les questions de ses membres étaient limitées aux éléments de fait, excluant ainsi tout débat d’ordre juridique1465. 549. L’accès au Panel pour les victimes était lui-même restreint. La compétence temporelle du HRAP excluait certaines des plus graves violations dont la MINUK était accusée. La décision selon laquelle seules les violations commises postérieurement au 23 avril 2005 seraient considérées, excluait non seulement une importante période du mandat de la MINUK – établie en juin 1999 – mais surtout la répression des violences de mars 2004, au cours desquelles plusieurs personnes furent blessées et deux personnes tuées par les forces de police de la MINUK. Le Panel parvint à rétablir partiellement sa compétence sur ces évènements en 1459 MINUK, UNMIK/REG/2006/12, op. cit., section 17. 1. Ibid., section 17. 2. 1461 Ibid., section 17.3. 1462 HRAP, rapport final, op cit., § 83. On se souvient que la même considération a incité les juges du TSSL à refuser la tenue d’une audience de la Commission vérité et réconciliation dans ses locaux. Voir supra, partie 1, titre 2, chapitre 2, section II. 1463 MINUK, UNMIK/DIR/2009/1, « Implementing UNMIK regulation NO. 2006/12 on the establishment of the Human Rights Advisory Panel », 17 octobre 2009, section 1. 1. 1464 Ibid., section 1. 2. 1465 Ibid. Sur l’impact de la règlementation 2009/1 sur les audiences publiques, voir : HRAP, rapport final, op. cit., §§ 98-100. 1460 367 considérant que l’absence d’enquête sur les morts suspectes et les disparitions constituait une « continuing violation of human rights »1466 pouvant être analysée sous l’angle d’une violation de l’article 2 de la Convention européenne des droit de l’homme (droit à la vie)1467. D’autres dispositions limitant l’accès des victimes au Panel avaient été prévues. Les victimes devaient avoir épuisé toutes les autres voies de recours disponibles1468, y compris la commission de réclamation instituée par la section 7 de la règlementation 2000/471469. Le statut du Panel instituait également un délai maximum pour le dépôt d’une réclamation porté à six mois suivant l’adoption de la dernière décision les concernant1470, avec une date butoir établie au 31 mars 20101471. Étant donné les lacunes de la campagne d’information du public, résultant en une mauvaise connaissance de l’existence et du fonctionnement du Panel, ces dispositions ont considérablement réduit le nombre de cas présentés à ce dernier1472. 550. C’est ensuite l’absence de coopération du RSSG qui a retiré presque toute effectivité au travail du Panel consultatif. Comme nous l’avons dit, le Représentant spécial avait toute discrétion concernant l’application des recommandations du HRAP. Or, ce dernier a pu constater qu’aucune de ses recommandations concernant des réparations à fournir aux victimes n’ont été appliquées par le RSSG. Deux arguments ont justifié cette inaction. Concernant les réparations recommandées pour des préjudices moraux, le Représentant spécial a rappelé, à raison, qu’elles étaient interdites par le régime établi par la résolution 52/247 de l’Assemblée générale1473. L’autre argument avancé par le RSSG en réponse aux critiques formulées par l’ONG Amnesty International, et concernenat les réparations matérielles, est bien moins convaincant. Il considérait en effet que « it is an irrefutable fact that UNMIK’s capacity to pay immaterial damages has ceased to exist and [it] now falls upon local Kosovo authorities having assumed exclusive control over public administration in Kosovo. »1474 Cette approche, pour le moins originale, fut vivement critiquée par l’ONG1475 et 1466 MINUK, UNMIK/DIR/2006/12, op. cit., section 2. Voir HRAP, rapport final, op. cit., §§ 164-177. 1468 MINUK, UNMIK/REG/2006/12, op. cit., section 3. 1. 1469 MINUK, UNMIK/DIR/2009/1, op. cit., section 2. 2. 1470 MINUK, UNMIK/REG/2006/12, op. cit., section 3. 1. 1471 MINUK, UNMIK/DIR/2009/1, op. cit., section 5. 1472 HRAP, rapport final, op. cit., §§ 260-261. 1473 A/RES/52/247, op. cit., § 9 b). Voir supra, section I, § 2. 1474 Amnesty International, « Kosovo : UNMIK’s legacy. The failure to deliver justice and reparation to the relatives of the abducted », index EUR 70/009/2013, 2013, p. 26. 1475 Ibid. 1467 368 par le Panel1476. Ce manque de coopération a justifié un constat amer de la part du HRAP, considérant dans son rapport final que « [d]ue to UNMIK’s failure to follow the Panel’s recommendations, the HRAP process has obtained no compensation for the complainants. As such, they have been victimized twice by UNMIK : by the original human rights violations committed against them and by not receiving compensation through this process. »1477 1476 1477 HRAP, rapport final, op. cit., §§ 250-251. Ibid., § 255. 369 Conclusion du Titre 2 551. L’ONU apparaît quelque peu dépassée par son implication dans le domaine de la justice transitionnelle. Les qualités d’innovation qu’elle a déployée dans la construction de son approche de cette justice se heurtent, au stade de la concrétisation de cette dernière, à des défaillances chroniques de l’Organisation. La difficulté à se réformer efficacement et son refus constant d’accepter la responsabilisation de son action donnent l’impression d’une mécanique vieillie, dont la capacité à assumer ses ambitions reste à démontrer. 552. Des efforts ont été faits pour faire évoluer la volumineuse bureaucratie onusienne. Malgré d’authentiques innovations, ils ne sont pas parvenus à régler l’éternel problème de la coordination. Il faut reconnaître que le nombre vertigineux de tâches conduites par les nombreuses entités onusiennes ne facilite pas la création d’unités cohérentes et efficaces. La diversité de ces entités et la multiplication des hiérarchies et des agendas politiques qu’elles appliquent n’est, à cet égard, pas un facteur d’unité dans l’action. Ces agendas témoignent des limites posées par l’intergouvernementalité aux capacités de l’ONU à agir de façon coordonnée. L’affaiblissement de la Commission de consolidation de la paix, signe du rejet de l’instauration de mécanismes contraignants, et le développement unilatéral de compétences dans le domaine de la justice transitionnelle, dévoilent le caractère partiellement instrumental du cadre onusien pour les États. 553. Il ne faut pourtant pas se limiter à la critique, souvent aisée, de l’intergouvernementalité. Le volet intégré a, lui aussi, dévoilé ses limites et montré que les agendas politiques ne sont pas l’apanage des États. Les luttes intestines visant à valoriser son département ou à en dévaloriser un autre, rendent également la coordination extrêmement complexe. Ces rivalités de bureaux ne semblent toutefois pas représenter un frein insurmontable à l’évolution et à l’efficacité de la structure onusienne. Des marques d’une évolution existent, notamment relatives à la coopération entre le HCDH, le DOMP et le DAP, et les dérapages des institutions intégrées auraient pu passer pour une simple imperfection inhérente à toute bureaucratie. 554. L’attitude des institutions intégrées vis-à-vis de leurs propres erreurs et de ceux qui en subissent, parfois durement, les conséquences, empêche cependant de relativiser des actes qui, étant donné leur fréquence et leur gravité, ne sont plus de simples dérapages bureaucratiques, mais bien des politiques concertées de protection de l’Organisation, y compris au détriment 370 des victimes et à l’encontre de principes si solennellement rappelés par ailleurs. Ce dernier aspect incite à remettre en perspective les défaillances de l’ONU quant à son adaptation à son action dans le domaine de la justice transitionnelle. Au-delà d’un effort de réforme de sa structure, c’est bien à une évolution majeure de sa culture que l’Organisation doit procéder si elle souhaite maintenir sa crédibilité dans ce domaine. 371 Conclusion de la Partie 2 555. Dans le domaine de la justice transitionnelle, l’ONU a construit une action ambitieuse et diversifiée. Elle mobilise une vaste partie de ses institutions au service d’une activité tentant de concilier la lutte internationale contre l’impunité et le respect des spécificités locales. De façon logique, pour une organisation marquée par l’intergouvernementalité et dont l’objectif principal demeure le maintien de la paix et la sécurité, la realpolitik n’est jamais très éloignée et incite parfois à nuancer, dans la pratique, les principes adoptés de façon théorique. 556. En termes de moyens déployés, l’Organisation a montré qu’elle ne manque pas d’imagination. Les évolutions majeures des opérations de paix, les créations institutionnelles et les réformes de la coordination dénotent une certaine volonté ainsi qu’une capacité d’évolution. Ces vertus de l’ONU sont pourtant souvent amoindries par un temps de réaction bien trop long et par le refus d’entrer résolument dans le paradigme de la lutte contre l’impunité, que l’Organisation a pourtant largement participé à créer. Alourdie par une bureaucratie volumineuse et par la cohabitation de multiples acteurs, internes et externes, soumis à des agendas ainsi qu’à des régimes distincts, l’ONU peine à rapidement apprendre de ses erreurs et à réagir en vue de leur correction. 557. Dans bien des cas, les défauts de l’Organisation ne sont pas le facteur décisif de la réussite ou de l’échec des mécanismes de justice transitionnelle qu’elle contribue à mettre en œuvre. Le manque d’efficacité des mécanismes hybrides rappelle que, dans son action, l’ONU est tributaire de la bonne volonté des États, qui fait souvent défaut. Entre le caractère inadapté d’une action intégralement internationale et le manque d’efficacité d’une action ancrée nationalement, la marge de réussite de la justice transitionnelle onusienne est mince. 558. On peut toutefois remarquer que l’ensemble des acteurs onusiens, qu’ils soient issus du volet intergouvernemental ou du volet intégré, peut difficilement tenir un discours d’exemplarité auprès des États, alors même que l’impunité règne en interne. Il est difficile d’évaluer l’impact de cette grave lacune de l’ONU sur sa crédibilité au près des États comme des sociétés civiles qu’elle vise à former. La multiplication et la médiatisation des infractions à caractère sexuel commises par des agents du maintien de la paix n’ont certainement pas contribué à la popularité de l’Organisation. Elles ont toutefois incité à l’adoption d’une vraie politique de prévention et de sanction. Les aspects partiels et majoritairement symboliques de 372 cette politique laissent toutefois perdurer les carences ayant permis le développement d’un sentiment d’impunité au sein de l’Organisation. 559. Outre le caractère désordonné de son action, principalement dû aux réticences étatiques et à la complexité de la justice transitionnelle en elle-même, l’ONU a ainsi démontré la déconnexion de l’ « Onusie »1478 des principes et programmes qu’elle met en œuvre auprès des États. 1478 DEJAMMET (A.), Supplément au voyage en Onusie, Fayard, Paris, 2003, 186 p. 373 Conclusion générale 560. Depuis sa première expérience dans le domaine de la justice transitionnelle, au Salvador en 1991, l’ONU s’est résolument investie dans ce domaine. Cette justice fait aujourd’hui partie des principaux instruments auxquels l’Organisation a recours dans son effort de maintien et de consolidation de la paix. Elle concerne un nombre important d’acteurs onusiens, fait l’objet d’une méthodologie spécifique et se voit appliquée une structure et des standards qui lui sont propres. 561. Cette intégration de la justice transitionnelle au sein de l’action de l’ONU incarne en grande partie l’évolution du maintien de la paix onusien. L’attention portée aux victimes et aux besoins des populations et la prise en compte d’un nombre croissant de facteurs de paix – incluant la lutte contre l’impunité, le respect des droits économiques, sociaux et culturels, l’état de droit et, in fine, la vision d’une nation réconciliée – illustrent les nouvelles préoccupations de l’Organisation. La paix négative a laissé place à la paix positive, à la reconstruction des État – voire des nations – et à la recherche d’une justice universelle qui, bien qu’incluant le champ pénal, n’y est pas limitée. Les droits de l’Homme, l’état de droit et le développement forment le socle de cette action tournée vers la paix, et dont la justice transitionnelle représente la fusion. 562. Le fait que la justice transitionnelle concerne autant les droit de l’Homme, l’état de droit et le maintien de la paix et de la sécurité internationales implique sa transversalité au sein de l’architecture onusienne. Elle fait ainsi l’objet de l’attention des trois principaux organes intergouvernementaux de l’ONU : l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et, au travers du Conseil des droits de l’homme, le Conseil économique et social. La répartition des tâches prévue par la Charte des Nations Unies s’en trouve perturbée. Les domaines du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale apparaissent désormais fortement imbriqués. L’omniprésence des droits de l’Homme au sein de l’action de l’Organisation ajoute l’implication du Conseil des droits de l’homme. Au-delà du système de la Charte, c’est un ensemble dense d’institutions, de programmes, de fonds et de départements qui œuvre, au sein de l’ONU, au développement de la justice transitionnelle. Ces entités doivent, de plus, composer avec la multiplication d’acteurs extérieurs, notamment régionaux, qui se saisissent progressivement de cet outil de transformation de l’État qu’est la justice transitionnelle. 374 563. L’ONU a relevé le défi de construire, au milieu de ce qui aurait pu se transformer en cacophonie, une approche cohérente de la justice transitionnelle. Portée par les voix concordantes du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et du Rapporteur spécial sur la justice transitionnelle, cette approche onusienne a su rassembler un consensus onusien autour d’elle et s’imposer comme un modèle de justice transitionnelle. Ceci ne signifie toutefois pas que ce modèle soit figé, et les diverses entités onusiennes ont montré leur volonté de maintenir une dimension évolutive à leur approche, intégrant les droits économiques et sociaux et les dimensions sexo-spécifiques dans les préoccupations de la justice transitionnelle. Le cadre ainsi créé s’illustre alors par sa souplesse, rendue possible par le flou entretenu par la définition, adoptée par l’Organisation, de cette justice. 564. Si le modèle onusien est reconnu par tous, il n’est pas exempt de critiques. Le caractère de modèle en est d’ailleurs la première cible. Bien que malléable, la justice transitionnelle onusienne n’en demeure pas moins standardisée. C’est là son premier paradoxe. Cette perception de standardisation, que les acteurs onusiens cherchent à éviter, est renforcée par le développement, par ces mêmes acteurs, d’un tissu normatif de plus en plus dense autour de la justice transitionnelle. Si celle-ci échappe encore à sa transformation en obligation générale à la charge des États sortant de conflit, les éléments qui la composent et, dans une certaine mesure, la définissent – tels le droit à la justice, à la vérité, aux réparations et aux garanties de non-répétition – se normativisent rapidement. Ils composent ce qui – sans représenter à proprement parler un régime spécifique – peut être qualifié de droit international de la justice transitionnelle. On retrouve cependant la souplesse précitée dans le recours régulier à la soft law, à travers les standards onusiens. Il n’est toutefois pas exclu que cette soft law se « durcisse », et vienne densifier le droit positif applicable à la justice transitionnelle. 565. Les craintes liées à la standardisation ou à la modélisation de la justice transitionnelle par l’ONU ne reflètent que très partiellement la mise en œuvre de cette justice par l’Organisation. Il est vrai que cette dernière semble systématiser le recours à certains mécanismes – au premier rang desquels se trouvent les procès pénaux et les commissions vérité – en contournant, si besoin est, une méthodologie pourtant établie et fondée sur les consultations nationales. Il faut pourtant reconnaître que les mécanismes en eux-mêmes font preuve d’une grande diversité et que les catégories d’internationale, hybride et nationale, utiles dans un but pédagogique, ne reflètent le réel que de façon très imparfaite. Dans sa mise en œuvre, la justice transitionnelle onusienne ne respecte pas réellement de modèle. 375 566. Cette absence de modèle fait partie des grandes forces de la justice transitionnelle onusienne, capable de s’adapter à des situations aussi diverses que le Timor Leste et la Centrafrique. Elle en représente également sa principale faiblesse. Les défis posés par l’absence de modèle de justice transitionnelle illustrent ceux rencontrés par le maintien de la paix d’une façon générale. Face à des contextes nationaux différents, l’action de l’ONU doit s’adapter, rendant impossible l’imposition d’un schéma type, sinon au niveau des instruments servant à la réflexion en vue de la construction d’un modèle adapté pour chaque situation. Étant donnée la multiplication déjà évoquée d’acteurs onusiens et extérieurs agissant dans le domaine de la justice transitionnelle, cette absence de schéma nuit gravement à la coordination de leurs actions. Même si des efforts ont été menés pour assurer une certaine cohérence, ceux-ci se sont révélés insuffisants. Il n’est toutefois pas certain que leur réussite totale soit souhaitable, dans la mesure où une action modélisée risquerait de perdre en adaptabilité. C’est là le deuxième paradoxe de la justice transitionnelle onusienne. 567. Enfin, l’ONU promeut, à travers la justice transitionnelle et la lutte contre l’impunité que cette dernière incarne, un monde construit sur la notion de responsabilité. Le développement de la justice internationale pénale témoigne de cette ambition de ne plus laisser impunis les crimes les plus graves. Il est vrai que l’engagement de l’ONU, et notamment du Conseil de sécurité, dans ce sens est inégal. La survivance d’une certaine opposition entre la paix et la justice au sein de l’organe responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales n’est pourtant pas surprenante et ne fait que rappeler la grande complexité de la tâche qui lui est assignée, nécessitant un équilibre entre l’affirmation de certains principes et la realpolitik. Cette particularité ne semble pas de nature à remettre fondamentalement en cause l’engagement de l’ONU pour la répression des responsables de crimes internationaux. Il faut pourtant reconnaître que la centralité de la répression pénale dans l’approche onusienne de la lutte contre l’impunité s’avère parfois préjudiciable tout à la fois aux juridictions créées pour porter cette responsabilité et à la justice transitionnelle à laquelle elles se trouvent liées, voire intégrées. Pour ces juridictions, les objectifs de la justice transitionnelle représentent une contrainte et des attentes difficilement gérables ; pour cette dernière, l’approche pénaliste, fondée sur la responsabilité individuelle, représente un carcan dont elle peine à s’extirper, enfermée dans le schéma partiellement biaisé de Nuremberg. 568. Ces défaillances dans l’objectif de responsabilisation du monde ne sont pourtant pas l’objet du troisième et dernier paradoxe de la justice transitionnelle onusienne. L’Organisation compense d’ailleurs en partie les biais de l’approche pénaliste par une approche très exigeante 376 des réparations, intégrant les dimensions collectives des crimes de masse. En revanche, l’ONU demeure, elle-même, la grande oubliée, et ce de façon volontaire, de la responsabilisation qu’elle promeut. Les efforts qu’elle fournit pour s’appliquer cette notion ressortent plus de l’effet de communication que d’un désir authentique de mettre fin à l’impunité qui règne en son sein. La preuve de la vacuité de ses efforts peut se trouver dans les pratiques liées à la protection des lanceurs d’alerte et aux mécanismes, tels le Panel consultatif des droits de l’homme au Kosovo, censés réparer les violations commises par les agents de l’ONU. Un projet de responsabilisation du monde excluant toute responsabilité propre, voilà le troisième paradoxe de la justice transitionnelle onusienne, probablement le plus attentatoire à la légitimité de l’action de l’Organisation dans ce domaine. 569. À l’heure où l’ONU cherche à s’appuyer sur les acteurs régionaux et sous-régionaux pour la suppléer dans la mise en œuvre de la justice transitionnelle, s’octroyant ainsi une position de superviseur des actions qu’elle aura soit déléguées, soit autorisées – fusse de façon implicite – l’Organisation se doit d’inclure l’exemplarité dans sa stratégie de promotion de cette justice. Elle ne peut se contenter de demander aux opérations de l’Union africaine de respecter les droits de l’Homme et le DIH sans l’appliquer à ses propres opérations. Elle ne peut pas plus exiger des États qu’ils sanctionnent leurs soldats et policiers fautifs, sans s’assurer de la mise en œuvre d’une politique similaire visant ses propres agents. La carence de l’Organisation dans ce secteur fait porter le risque d’une décrédibilisation des nombreux et louables efforts qu’elle a fourni pour développer et mettre en œuvre, au mieux de ses possibilités, la justice transitionnelle. 570. Loin d’être un aboutissement, le bilan dressé ci-dessus ne représente qu’une étape vers la compréhension de l’impact de l’évolution de l’action onusienne. Á cet égard, la justice transitionnelle permet d’aborder un des aspects majeurs de cette évolution qu’est le glissement de l’action onusienne de l’État vers les populations. On a pu observer ce glissement à travers le recours aux consultations nationales, la fixation d’un objectif de réconciliation nationale, ainsi que par le biais d’une création normative tendant à dépasser le cadre volontariste classique du droit international. Ce mouvement dépasse pourtant très largement la justice transitionnelle et est observable dans tous les aspects du polyptique constitué de la démocratie, des droits de l’Homme, de l’état de droit et du développement. Le déplacement du traitement de ces questions de l’Assemblée générale vers le Conseil de sécurité marque également la perte de contrôle, certes partielle, des États sur des questions touchant de façon très directe leur organisation politique et sociale. 377 Dans le cadre d’une organisation internationale tirant sa compétence de la volonté des États, un tel glissement interroge quant à la légitimité de l’action nouvellement entreprise. Or, si l’ONU ne tire plus sa légitimité de l’assentiment des États, comment peut-elle justifier son intervention ? Le fondement de la protection de la paix et de la sécurité internationales, justifiant le traitement de ces sujets par le Conseil de sécurité, paraît très insatisfaisant, notamment au regard de l’expansion continuelle de la notion de paix, initialement objet d’un maintien, puis d’une consolidation et aujourd’hui d’une pérennisation. L’attitude même du Conseil montre les limites de cette source de légitimité. La recherche du soutien des populations, qu’elles soient incarnées par les victimes ou encore la société civile, témoigne d’une certaine quête de légitimité de la part du Conseil, qui est également observable dans l’action des institutions intégrées, tel le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. En ce qu’elles représentent l’un des principaux destinataires de son action, il paraît logique que l’ONU cherche à s’assurer, ou en tous cas à invoquer, le soutien des populations. Ce soutien est pourtant extrêmement complexe à identifier. On a pu voir à quel point l’évaluation de la réception par celles-ci de l’action onusienne est difficile à apprécier. La tâche est d’autant plus ardue qu’elle n’est possible qu’a posteriori, à l’aide de vastes études de terrain, dans la mesure où les Nations Unies sont dénuées de l’indicateur que peuvent représenter, au niveau national, les élections. L’Organisation se retrouve alors confrontée à sa totale absence de légitimité démocratique. 571. Comme il a été dit, les questions abordées ci-dessus, bien qu’observables dans le domaine de la justice transitionnelle, le dépasse largement pour s’appliquer à l’ensemble de l’action de l’ONU, et notamment du Conseil de sécurité. Quelles que soient les motivations profondes – politiques, stratégiques, économiques – de l’expansion et de la réorientation de cette action, c’est la pertinence de sa mise en œuvre par une organisation privée de la légitimité – et de la responsabilité l’accompagnant – nécessaire qui doit être interrogée. Tant que cette question demeurera sans réponse, l’internationalisation à l’œuvre dans les domaines de la justice transitionnelle, des droits de l’Homme, de l’état de droit, de la démocratie et du développement sera sujette à la déconnexion vis-à-vis de son principal destinataire que sont les populations et exposera l’ONU au rejet de son action tant par ces dernières que par les États qu’elle aura tenté de dépasser. 378 379 Bibliographie ACCORDS DE PAIX ET CESSEZ LE FEU − « Geneva Agreement », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, Genève, Suisse, 4 avril 1990. − « General agenda and timetable for the comprehensive negotiating process », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, Caracas, Venezuela, 21 mai 1990. − « Agreement on human rights », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, San Jose, Costa Rica, 26 juillet 1990. − « Accord sur les modalités de recherche de la paix par des moyens politiques » (« Accord de Mexico »), entre le Gouvernement du Guatemala et l’Union Révolutionnaire Nationale Guatémaltèque, Mexico, Mexique, 26 avril 1991. − « Mexico agreements », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, Mexico City, Mexique, 27 avril 1991. − « Bicesse Agreement », entre le Gouvernement de la République Populaire d’Angola et l’UNITA, Lisbonne, Portugal, 31 mai 1991. − « Accord cadre sur la démocratisation en vue de la recherche de la paix par des moyens politiques » (« accord de Queretaro »), entre le Gouvernement du Guatemala et l’Union Révolutionnaire Nationale Guatémaltèque, Queretaro, Mexique, 25 juillet 1991. − « New-York agreement », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, New-York, Etats-Unis d’Amérique, 25 septembre 1991. − « The compressed negotiations », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, New-York, Etats-Unis d’Amérique, 25 septembre 1991. − « Agreement on a comprehensive political settlement of the Cambodian conflict », Paris, France, 23 octobre 1991. − « New-York act 2 », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, New-York, EtatsUnis d’Amérique, 13 janvier 1992. − « Chapultepec peace agreement », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, Mexico City, Mexique, 16 janvier 1992. − « General peace agreement for Mozambique », entre Joaquim Alberto Chissano, Président de la République du Mozambique et Afonso Macacho Marceta Dhlakama, Président du RENAMO, Rome, Italie, 4 octobre 1992. − « New-York act », entre le Gouvernement de El Salvador et le FMLN, New-York, EtatsUnis d’Amérique, 31 décembre 1992. 380 − « Addis-abeba agreement concluded at the first session of the conference on national reconciliation in Somalia », Addis-abeba, Éthiopie, 27 mars 1993. − « Accord de l’Ile des Gouverneurs », entre le Président de la République d’Haïti, JeanBertrand Aristide et le Commandant en chef des forces armées d’Haïti, Lieutenant Général Raoul Cédras, Ile des Gouverneurs, New York, Etats-Unis d’Amérique, 3 juillet 1993. − « Accord de paix d’Arusha » entre le Gouvernement de la République du Rwanda et le Front patriotique rwandais, Arusha, Tanzanie, 4 août 1993. − « Accord cadre pour la reprise de négociation entre le Gouvernement guatémaltèque et l’Union Révolutionnaire Nationale Guatémaltèque », Mexico, Mexique, 10 janvier 1994. − « Accord général relatif aux droits de l’homme », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Mexico, Mexique, 29 mars 1994. − « Accord concernant le calendrier des négociation pour une paix solide et durable au Guatemala », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Mexico, Mexique, 29 mars 1994. − « Accord en vue de la réinstallation des populations déracinées du fait des affrontements armés », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Oslo, Norvège, 17 juin 1994. − « Lusaka Protocol », entre le Gouvernement de la République d’Angola et l’UNITA, Lusaka, Zambie, 20 novembre 1994. − « Accord relatif à l’identité et aux droits des populations autochtones », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Mexico, Mexique, 31 mars 1995. − « Accord de Cotonou », entre le Gouvernement provisoire d’unité nationale du Libéria, le Front patriotique du Libéria et le Mouvement uni de libération du Libéria pour la démocratie, Cotonou, Bénin, 25 juillet 1995. − « Protocole relatif aux principes fondamentaux du rétablissement de la paix et de l’entente nationale au Tadjikistan », entre le Président de la République du Tadjikistan et le Chef de l’opposition tadjike, 17 août 1995. − « Basic agreement on the region of Eastern Slavonia, Baranja, and Western Sirmium », entre le chef de la délégation de négociation serbe et le chef de la délégation gouvernementale croate, Erdut et Zagreb, Croatie, 12 novembre 1995. − « Accord sur les aspects socio-économiques et la situation agraire », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Mexico, Mexique, 6 mai 1996. − « Accord relatif au renforcement du pouvoir civil et au rôle de l’armée dans une société démocratique », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Mexico, Mexique, 19 septembre 1996. 381 − « Accord sur un cessez-le-feu définitif », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Oslo, Norvège, 4 décembre 1996. − « Accord relatif aux réformes constitutionnelles et au système électoral », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Stockholm, Suède, 7 décembre 1996. − « Accord visant la légalisation de l’Union révolutionnaire nationale guatémaltèque », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Madrid, Espagne, 12 décembre 1996. − « Accord conclu entre le Président de la République du Tadjikistan, E. S. Rakhmonov, et le chef de l’Opposition tadjike unie, S. A. Nuri, au sujet des résultats de la rencontre qui a eu lieu à Moscou le 23 décembre 1996 », Moscou, Russie, 23 décembre 1996. − « Accord relatif à un échéancier de mise en œuvre, d’exécution et de vérification de l’application des accords de paix », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Guatemala, Guatemala, 29 décembre 1996. − « Accord pour une paix ferme et durable », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Guatemala, Guatemala, 29 décembre 1996. − « Protocole sur les questions politiques », entre le Président de la République du Tadjikistan, E. S. Rakhmonov, et le chef de l’Opposition tadjike unie, S. A. Nuri, Bichkek, Kyrgyzstan, 18 mai 1997. − « Accord général sur l’instauration de la paix et de l’entente nationale au Tadjikistan », entre le Président de la République du Tadjikistan, E. S. Rakhmonov, et le chef de l’Opposition tadjike unie, S. A. Nuri, Moscou, Russie, 27 juin 1997. − « Peace agreement between the Government of Sierra Leone and the Revolutionary United Front (Lome peace agreement) », Lomé, Togo, 7 juillet 1999. − « Lusaka Accord », entre la RDC, l’Ouganda, l’Angola, le Rwanda, la Namibie, et le Zimbabwe, Lusaka, Zambie, 10 juillet 1999. − « Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi », Arusha, Tanzanie, 28 août 2000. − « Bougainville peace agreement », entre le Gouvernement de l’Etat indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée et les chefs représentant le peuple de Bougainville, Arwa, Bougainville, 30 août 2001. − « Accord de Linas-Marcoussis », entre les factions politiques ivoiriennes, LinasMarcoussis, France, 23 janvier 2003. − « Inter-Congolese political negotiations. The final act », RDC, Sun City, Afrique du Sud, 2 avril 2003. − « Accra Comprehensive peace agreement », entre le Gouvernement du Libéria, le Mouvement des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie, le Mouvement pour la démocratie au Libéria et les partis politiques, Accra, Ghana, 18 août 2003. 382 − « Darfur Peace agreement », entre le Gouvernement du Soudan et l’Armée/Mouvement de libération du Soudan, Abuja, Nigéria, 5 mai 2006. − « Accord de Ouagadougou », entre le Président de la République de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et le Secrétaire Général des Forces nouvelles de la République de Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori Soro, Ouagadougou, Burkina Faso, 4 mars 2007. − « Agreement on accountability and reconciliation between the government of the Republic of Uganda and the Lord’s Resistance Army/Movement», Juba, Soudan, 29 juin 2007. − « Annexure to the agreement on accountability and reconciliation », entre le Gouvernement du Soudan et l’Armée/Mouvement de libération du Soudan, Juba, Soudan, 19 février 2008. − « Agreement on permanent ceasefire », entre le Gouvernement de l’Ouganda et l’Armée/Mouvement de résistance du seigneur, Juba, Soudan, 23 février 2008. − « Doha Document for peace in Darfour », entre le Gouvernement du Soudan et le Liberation and justice movement, Doha, Qatar, 14 juillet 2011. MÉCANISMES DE JUSTICE TRANSITIONNELLE Commissions vérité Statuts − « Agreement on the establishment of the Commission to clarify past human rights violations and acts of violence that have caused the Guatemalan population to suffer », entre le Gouvernement du Guatemala et l’URNG, Oslo, Norvège, 23 juin 1994, reproduit in UN Doc. A/48/954 - S/1994/751, 1er juillet 1994, annexe II. − « Promotion of national unity and reconciliation act 1995 », n° 95-34, 26 juillet 1995, [instituant la Commission vérité et réconciliation d’Afrique du Sud]. − « Truth and reconciliation commission Act 2000 », 10 février 2000, [instituant la Commission vérité et réconciliation de Sierra Léone]. − UNTAET/REG/2001/10, « Regulation n° 2001/10 on the establishment of a Commission for reception, truth and reconciliation in East Timor », 13 juillet 2001 [établissant la CAVR au Timor Leste]. − « Loi n° /04/018 du 30 juillet 2004 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Commission vérité et réconciliation » [créant la commission vérité de RDC]. − « An act to establish the Truth and reconciliation commission of Liberia », Monrovia, 12 mai 2005. − « Truth, justice and reconciliation act », 2008, Rwanda, Kigali, 8 mai 2008. 383 − « Truth and reconciliation commission act 2008 », 28 août 2008, [établissant la Commission vérité et réconciliation des Îles Salomon]. − « Ordonnance n° 2011-167 du 13 juillet 2011 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission dialogue, vérité et réconciliation », Abidjan, 13 juillet 2011 [instituant la commissions vérité de Côte d’Ivoire]. − « Ordonnance n° 2014-003/P-RM, portant création de la Commission vérité, justice, et réconciliation », Bamako, 15 janvier 2014 [créant la CVJR de la République du Mali]. Rapports − UN Doc. S/25500, Annexe, « From madness to hope. The 12-year war in El Salvador », 1er avril 1993. − UN Doc. A/53/928, Annexe, « Guatemala memory of silence », 27 avril 1999. − Commission vérité et réconciliation du Libéria : « Final report », 30 juin 2009, vol. ii, 370 p. − « Witness to truth : report of the Truth and reconciliation commission for Sierra Leone », 27 octobre 2004, quatre volumes. − « Chega ! Report of the Commission for reception, truth and reconciliation in Timor Leste », janvier 2006. − Côte d’Ivoire : « Rapport final de la commission Vérité Dialogue et Réconciliation », décembre 2014. Juridictions Pénales − UNMIK/REG/2000/6, on the appointment and removal from office of international judges and international prosecutors, 15 février 2000. − UNMIK/REG/2000/34, amending UNMIK regulation NO. 2000/6 on the appointment and removal from office of international judges and international prosecutors, 27 mai 2000. − « UNTAET/REG/2000/15, on the establishment of Panels with exclusive jurisdiction over serious criminal offenses », Dili, 6 juin 2000 [créant les Panels spéciaux pour crimes graves au Timor Leste]. − « Law on the Court of Bosnia and-Herzegovina », Gazette officielle de BosnieHerzégovine, n° 29/00, 30 novembre 2000. − UNMIK/REG/2000/64, on assignment of international judges/prosecutors and/or change of venue, 15 décembre 2000. 384 − UNMIK/REG/2001/2, 12 janvier 2001, amending UNMIK regulation NO. 2000/6, as amended, on the appointment and removal from office of international judges and international prosecutors. − « Agreement between the United Nations and the government of Sierra Leone on the establishment of a Special Court for Sierra Leone », Freetown, 16 janvier 2002. − « Special Court Agreement ratification Act 2002 », Supplement to the Sierra Leone Gazette, Vol. CXXXIII, 25 avril 2002. − « Loi organique n° 16/2004 du 19/6/2004 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions Gacaca chargées des poursuites et du jugement des infractions constitutives du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 », Kigali, 19 juin 2004. − « Loi relative à la création des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux du Cambodge pour la poursuite des crimes commis durant la période du Kampuchéa démocratique », NS/RKM/0801/12 KRAM, 27 octobre 2004. − « Loi organique n° 28/2006 du 27/06/2006 modifiant et complétant la Loi Organique n° 16/2004 du 19/06/2004 portant organisation, compétence et fonctionnement des Juridictions Gacaca chargées des poursuites et du jugement des infractions constitutives du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 », Kigali, 27 juin 2006. − UN Doc. S/RES/1757, « Accord entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise sur la création d’un Tribunal spécial pour le Liban et Statut du Tribunal spécial pour le Liban », 30 mai 2007. − Statut actualisé du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (UN Doc. S/RES/827, 25 mai 1993), septembre 2009. − Statut actualisé du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (UN Doc. S/RES/955, 8 novembre 1994), 31 janvier 2010. − Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, A/CONF. 183/9, 17 juillet 1998, tel qu’amendé par les notifications dépositaires C. N. 651. 2010 Traités-6 et C. N. 651. 2010 Traités-8 du 29 novembre 2010. − « Accord entre le gouvernement de la République du Sénégal et l’Union Africaine sur la création de Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises », Dakar, 22 août 2012. − Loi No. 04/L-274 « on ratification of the international agreement between the Republic of Kosovo and the European Union on the European Union rule of law mission in Kosovo », 23 avril 2014. − « Loi organique n° 15-003 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour Pénale Spéciale », Bangui, 3 juin 2015. 385 Consultations nationales − « Accord cadre entre le Gouvernement de la République du Burundi et l’Organisation des Nations Unies portant création et définition du mandat du Comité de pilotage tripartite en charge des Consultations nationale sur la justice de transition au Burundi », signé à Bujumbura le 2 novembre 2007. − « Rapport des consultations nationales sur la mise en place des mécanismes de justice de transition au Burundi », Bujumbura, Burundi, 20 avril 2010. Programmes de lustration − Groupe International de police des Nations Unies, MINUBH, IPTF-P02/2000, « Policy on Registration, Provisional Authorization and Certification », mai 2000. − Groupe International de Police des Nations Unies, MINUBH, IPTF-P10/2002, « Policy on Removal of Provisional Authorization and Disqualification of Law Enforcement Personnel in BIH », mai 2002. − Groupe International de Police des Nations Unies, MINUBH, IPTF-P11/2002, « Policy on Certification of Law Enforcement Agencies Personnel », août 2002. − Résolution du Gouvernement 13/2007 modifiant la résolution 3/2006 créant la Commission d’évaluation de la PNTL, 11 décembre 2007, Jornal da República, Série I, n° 30, pp. 2013-2014. − « Arrangement on the restoration and maintenance of public security in Timor-Leste and on assistance to the reform, restructuring and rebuilding of the Timorese National Police (PNTL) and the Ministry of Interior. Supplemental to the Agreement between the United Nations and the Democratic Republic of Timor-Leste on the status of the United Nations Integrated Mission in Timor-Leste (UNMIT) », 1er décembre 2006. 386 DOCUMENTS ONU1479 ADMINISTRATIONS TRANSITOIRES1480 Kosovo (MINUK) − UNMIK/REG/1999/1, on the authority of the interim administration in Kosovo, 25 juillet 1999. − UNMIK/REG/1999/24, on the applicable law in Kosovo, 12 décembre 1999. − UNMIK/REG/2006/12, on the establishment of the Human Rights Advisory Panel, 23 mars 2006. − UNMIK/DIR/2009/1, Implementing UNMIK regulation NO. 2006/12 on the establishment of the Human Rights Advisory Panel, 17 octobre 2009. Timor-Leste (ATNUTO) − UNTAET/REG/1999/1, on the authority of the transitional administration in East Timor, 27 novembre 1999. − UNTAET/REG/2000/11, « Regulation n° 2000/11 on the organization of courts in East Timor », 6 mars 2000. ASSEMBLÉE GÉNÉRALE Rapports − UN Doc. A/53/850-S/1999/231, Annexe, Rapport du Groupe d’experts pour le Cambodge créé par la résolution 52/135 de l’Assemblée générale, 16 mars 1999. − UN Doc. A/55/305-S/2000/809, Rapport du Groupe d’étude sur les opérations de paix de l’Organisation des Nations Unies, 21 août 2000. − UN Doc. A/58/708, Rapport du Bureau des services de contrôle interne sur le renforcement de la fonction d’investigation de l’Organisation des Nations Unies, 10 février 2004. − UN Doc. A/59/565, Un monde plus sûr : notre affaire à tous. Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, 2 décembre 2004. 1479 Dans la mesure où elles sont aujourd’hui toutes numérisées et disponibles sur le site de l’ONU, les résolutions des organes politiques de l’ONU (Assemblée générale, Conseil de sécurité et Conseil et Commission des droits de l’homme) n’ont pas été incluses, sauf dans les cas où elles créent un mécanismes de justice transitionnelle. Il en va de même pour les déclarations du Président du Conseil de sécurité ainsi que des procès verbaux de sessions de ces trois organes. 1480 Les règlementations des administrations transitoires créant des mécanismes de justice transitionnelle se situent dans la partie réservée à ces mécanismes. 387 − UN Doc. A/59/710, Annexe, Stratégie globale visant à éliminer l’exploitation et les abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, 24 mars 2005. − UN Doc. A/64/868-S/2010/393, Examen du dispositif de consolidation de la paix de l’Organisation des Nations Unies, 21 juillet 2010. − A/CONF/213/NGO/2, Post-conflict justice : a worldwide assessment on conflict outcomes : accountability and impunity, 23 février 2010. − UN Doc. A/70/95-S/2015/446, Rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies intitulé « Unissons nos forces pour la paix : privilégions la politique, les partenariats et l’action en faveur des populations », 17 juin 2015. − UN Doc. A/69/968-S/2015/490, Défi du maintien de la paix. Rapport du Groupe consultatif d’experts sur l’examen du dispositif de consolidation de la paix, 30 juin 2015. BUREAU DES SERVICES DU CONTRÔLE INTERNE − Rapport d’évaluation n° IED-15-001, Evaluation of the Enforcement and Remedial Assistance Efforts for Sexual Exploitation and Abuse by the United Nations and Related Personnel in Peacekeeping Operations, 15 mai 2015. − Rapport 2017/032, Audit of the human rights programme in the United Nations Stabilization Mission in Haiti, n° AP2016/683/02, 5 mai 2017. − Rapport 2017/107, Audit of police operations in the United Nations Multidimensional Integrated Stabilization Mission in Mali, n° AP2017/641/08, 24 octobre 2017. COMMISSION DE CONSOLIDATION DE LA PAIX Rapports de la Commission de Consolidation de la Paix − UN Doc. A/65/701-S/2011/41, 2011, janvier 28, « Rapport de la Commission de consolidation de la paix sur les travaux de sa quatrième session ». Groupe de Travail sur les Leçons Apprises − 2008, 20 février, « What is Transitional justice ? A backgrounder ». − 2008, 26 février, « Concept Note, ‘Justice in times of transition’ ». − 2008, 29 février, « Justice in times of Transition ». 388 COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL − UN Doc. A/49/10, Rapport de la Commission du Droit International sur les travaux de sa quarante-sixième session, 2 mai-22 juillet 1994, 1er septembre 1994. − Projet d’articles sur la responsabilité des États et commentaires y relatifs adoptés par la Commission du droit international en première lecture, janvier 1997. − UN Doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2), Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, 2001. − UN Doc. A/RES/56/83, annexe, Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, 28 janvier 2002. − UN Doc. A/CN.4/L. 682, Fragmentation du droit international : difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit international, Rapport du Groupe d’étude de la Commission du droit international établi sous sa forme définitive par Martti Koskenniemi, 13 avril 2006. − UN Doc. A/CN.4/630, Examen des conventions multilatérales qui pourraient présenter un intérêt pour les travaux de la Commission du droit international sur le sujet intitulé « L’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) », 18 juin 2010. − UN Doc. A/CN.4/648, Quatrième rapport sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare), Zdzislaw Galicki, Special Rapporteur, 31 mai 2011. − UN Doc. A/66/10, Rapport de la Commission du droit international, soixante-troisième session, 26 avril - 3 juin et 4 juillet - 12 août 2011. − UN Doc. A/CN.4/680, Premier rapport sur les crimes contre l’humanité, Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, 17 février 2015. − UN Doc. A/CN.4/693, Premier rapport sur le jus cogens, Dire Tladi, Rapporteur spécial, 8 mars 2016. − UN Doc. A/CN.4/701, Cinquième rapport sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, Concepción Escobar Hernández, Rapporteuse spéciale, 14 juin 2016. − UN Doc. A/CN.4/704, Third report on crimes against humanity, Sean D. Murphy, Rapporteur spécial, 23 janvier 2017. − UN Doc. A/CN.4/714, Troisième rapport sur les normes impératives du droit international général (jus cogens), Dire Tladi, Rapporteur spécial, 12 février 2018. 389 CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL − UN Doc. E/CN.4/Sub.2/1985/16, The administration of justice and the human rights of detainees. Study on amnesty laws and their role in the safeguard and promotion of human rights. Preliminary report by Mr. Louis Joinet, Special Rapporteur, 21 juin 1985. − UN Doc. E/CN.4/1995/7, Rapport sur la situation des droits de l’homme au Rwanda, soumis par M. R. Degni Ségui, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, en application du paragraphe 20 de la résolution 1994 S-3/1 de la Commission, en date du 25 mai 1994, 28 juin 1994. − UN Doc. E/CN.4/Sub.2/1996/17, L'administration de la justice et les droits de l'homme des detenus. Ensemble révisé de principes fondamentaux et de directives concernant le droit à réparation des victimes de violations flagrantes des droits de l'homme et du droit humanitaire, établi par M. Theo van Boven en application de la décision 1995/117 de la Sous-Commission, 24 mai 1996. − UN Doc. E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1, L’administration de la justice et les droits de l’homme des détenus. Question de l’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme (civils et politiques). Rapport final révisé établi par M. L. Joinet, en application de la décision 1996/119 de la Sous-Commission, 2 octobre 1997. − UN Doc. E/CN.4/2000/62, Le droit à restitution, indemnisation et réadaptation des victimes de violations flagrantes des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rapport final du Rapporteur spécial, M. Chérif Bassiouni, présenté en application de la résolution 1999/33 de la Commission, 18 janvier 2000. − UN Doc. E/CN.4/2004/88, Étude indépendante, assortie de recommandations, visant à aider les Etats à renforcer les moyens dont ils disposent au niveau national pour combattre l’impunité sous tous ses aspects, 27 février 2004. − UN Doc. E/CN.4/2005/102/Add.1, Rapport de l’experte indépendante chargée de mettre à jour l’Ensemble de principes pour la lutte contre l’impunité, Diane Orentlicher. Ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité, 8 février 2005. DÉPARTEMENT DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX − « Final report of the ECPS Task force for development of comprehensive rule of law strategies for peace operations », 15 août 2002, 76 p. − « United Nations Peacekeeping Operations, principles and guidelines » (« Capstone Doctrine »), 2008, 53 p. 390 − « The United Nations rule of law indicators, implementation guide and project tools », (en coopération avec le Haut commissariat aux droits de l’homme), United Nations publications, 2011, 137 p. ENTITÉ DES NATIONS UNIES POUR L’ÉGALITÉ DES SEXES ET L’AUTONOMISATION DE LA FEMME (ONU-Femmes) − « Gender and transitional justice programming : a review of Peru, Sierra Leone and Rwanda », août 2010, 29 p. − « Preventing conflict, transforming justice, securing the peace. A global study of United Nations Security Council resolution 1325 », 2015, 417 p. FONDS DES NATIONS UNIES POUR L’ENFANCE − « Children and the Commission for Reception, Truth, and Reconciliation in Timor-Leste », Innocenti working paper, par Megan Hirst et Ann Linnarson, juin 2010, 46 p. − « Children and truth commissions », août 2010, 89 p. HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME Rapports − UN Doc. E/CN.4/2006/93, Étude du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur les activités relatives aux droits de l’homme et à la justice de transition menées par les composantes du système des Nations Unies œuvrant dans le domaine des droits de l’homme, 7 février 2006. − UN Doc. E/CN.4/2006/91, Étude sur le droit à la vérité. Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 8 février 2006. − UN Doc. A/HRC/5/7, Application de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale du 15 mars intitulée « Conseil des droits de l’homme ». Le droit à la vérité. Rapport du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 7 juin 2007. − UN Doc. A/HRC/12/18, Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et rapports du Haut -Commissariat et du Secrétaire général. Étude analytique sur les droits de l’homme et la justice de transition, 6 août 2009. − UN Doc. A/HRC/12/18/Add.1, Étude analytique du Haut-Commissaire sur les droits de l’homme et la justice de transition. Inventaire des aspects relatifs aux droits de l’homme et à la justice de transition dans les accords de paix récents, 21 août 2009. 391 − UN Doc. A/HRC/18/23, Rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les droits de l’homme et la justice de transition, 4 juillet 2011. − Comments and recommendations on draft Truth and Reconciliation Commission Bill for Nepal, 6 août 2007, 15 p. − Making peace our own. Victim’s perceptions of accountability, reconciliation and transitional justice in Northern Uganda, 2007, 74 p. 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Valorisation des enseignements tirés des tribunaux mixtes », 2008, 66 p. − HR/PUB/09/1, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Amnisties. », 2009, 53 p. − « Guidance note on national human rights institutions and transitional justice », 27 septembre 2008, 46 p. − HR/PUB/09/2, « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit. Consultations nationales sur la justice en période de transition », 2009, 42 p. − « “UN Approach to Transitional Justice” Dialogue with Member States on rule of law at the international level organized by the Rule of Law Unit Address by Ms. Navanethem Pillay United Nations High Commissioner for Human Rights », 2 décembre 2009, 12 p. − « OHCHR Management plan 2012-2013. 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Operational guidelines. », 2006, 67 p. − « UNDP and transitional justice : an overview », 2006, 9 p. − « Doing justice : how informal justice systems can contribute », en collaboration avec le Oslo Governance Programme, rapport par Ewa Wojkowska, décembre 2006, 60 p. − « Public perceptions on transitional justice », 2007, 38 p. − « Complementarity and transitional justice : synthesis of key emerging issues for development », 16 novembre 2012, 14 p. RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA PROMOTION DE LA VÉRITÉ, DE LA JUSTICE, DE LA RÉPARATION ET DES GARANTIES DE NON-RÉPÉTITION − UN Doc. A/HRC/21/46, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 9 août 2012. − UN Doc. A/67/368, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 13 septembre 2012. − UN Doc. A/HRC/24/42, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 28 août 2013. − UN Doc. A/HRC/27/56, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, 27 août 2014. 393 − UN Doc. A/69/518, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 14 octobre 2014. − UN Doc. A/HRC/30/42 et Annexe : Set of general recommendations for truth commissions and archives, 7 septembre 2015. − UN Doc. A/70/438, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 21 octobre 2015. − UN Doc. A/71/567, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 25 octobre 2016. − UN Doc. A/HRC/34/62, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, 27 décembre 2016. RULE OF LAW CORDINATION AND RESOURCE GROUP − « Joint Strategic Plan, 2009-2011 », février 2009, 12 p. − « Inter-agency framework for conflict analysis in transition situations », novembre 2004, 18 p. SECRÉTAIRE GÉNÉRAL Rapports − UN Doc. A/47/277-S/24111, Agenda pour la paix. Diplomatie préventive, rétablissement de la paix, maintien de la paix, 17 juin 1992. − UN Doc. A/50/60-S/1995/1, Supplément à l’agenda pour la paix : rapport de situation présenté par le Secrétaire général à l’occasion du cinquantenaire de l’Organisation des Nations Unies, 25 janvier 1995. − UN Doc. A/51/761, annexe, Supplément aux rapports sur la démocratisation, 20 décembre 1996. − UN Doc. S/2000/915, Rapport du Secrétaire général sur l’établissement d’un Tribunal spécial pour la Sierra Léone, 4 octobre 2000. − UN Doc. 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Décisions, régulations et circulaires − ST/SGB/UNEF/1, « Regulations for the United Nations Emergency Force », 20 février 1957. − ST/SGB/ONUC/1, « Regulations for the United Nations force in the Congo », 15 juillet 1963. − ST/SGB/UNFICYP/1, « Regulations for the United Nations Force in Cyprus », 25 avril 1964. − Circulaire ST/SGB/1999/13, « Respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies », 6 août 1999. − « Note of guidance on relations between Representatives of the Secretary General, Resident Coordinators and Humanitarian Coordinators », 30 octobre 2000. − ST/SGB/2003/13, « Dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les abus sexuels », 22 mars 2005. − « Human rights in integrated missions », décision n° 2005/24, 26 octobre 2005. − ST/SGB/2005/21, « Protection des personnes qui signalent des manquements et qui collaborent à des audits ou à des enquêtes dûment autorisés », 19 décembre 2005. − ST/SGB/2005/22, « Création du Bureau de la déontologie et définition de son mandat », 30 décembre 2005. − « Note of guidance on integrated missions », 9 février 2006. 395 − UN Doc. A/67/775-S/2013/110, Annexe, « Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme dans le contexte de la fourniture d’appui par l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes », 5 mars 2013. − ST/SGB/2007/11, « Respect de la déontologie à l’échelle du système : organes et programmes ayant une administration distincte », 30 novembre 2007. − « United Nations Integrated Missions Planning Process (IMPP) guidelines endorsed by the Secretary-general on 13 June 2006 », in International Peacekeeping, vol. 15 n° 4, 2008, pp. 588-607. − « Guidance note of the Secretary General. UN approach to rule of law assistance », avril 2008, 8 p. − « Integration », décision n° 2008/24, 26 juin 2008. − « Guidance note of the Secretary General. UN approach to justice for children », septembre 2008, 7 p. − « Guidance note of the Secretary General. United Nations approach to transitional justice », mars 2010. − « Rule of law arrangements », décision n° 2012/13, 11 septembre 2012. − « Vérification des antécédents des candidats en matière de respect des droits de l’homme dans le cadre du recrutement du personnel des organismes des Nations Unies, Vérification des antécédents des candidats en matière de respect des droits de l’homme », 11 décembre 2012. − UN Doc. A/67/828-S/2013/210, « Directives concernant les rapports entre fonctionnaires des Nations Unies et personnes objet d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître de la Cour pénale internationale », 8 avril 2013. − « Policy on integrated assessment and planning », 9 avril 2013. − « Guidance note of the Secretary-General. Reparations for conflict-related sexual violence », juin 2014. − « Policy on accountability for conduct and discipline in field missions », 1er août 2015. − ST/SGB/2017/2, « Protection contre les représailles des personnes qui signalent des manquements et qui collaborent à des audits ou à des enquêtes dûment autorisés », 20 janvier 2017. DIVERS − Bureau des Nations Unies pour la coordination de affaires humanitaires, « Report on integrated missions. Practical perspectives and recommendations », par Espen Barth Eide, Anja Therese Kaspersen, Randolph Kent et Karin von Hippel, mai 2005, 51 p. 396 − « Common country assessment and United Nations development framework. Guidelines for UN country teams on preparing a CCA and UNDAF », février 2007, 81 p. − « New voices : National perspectives on rule of law assistance », Organisation des Nations Unies, 2011, 114 p. − « The United Nations rule of law indicators. Implementation guide and project tools », publication conjointe du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et du Département des opérations de maintien de la paix, 2011, 128 p. Conventions internationales − Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, New York, 13 février 1946, RTNU, vol. 1, p. 15. − Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, New York, 9 décembre 1948, UN Doc. A/RES/3/260. − Conventions de Genève sur le droit des conflits armés, 12 août 1949. − Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, New York, 7 mars 1966, RTNU, vol. 660, p. 195. − Pacte international relatif aux droits civils et politiques, New York, 16 décembre 1966, RTNU, vol. 999, p. 171. − Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, New York, 16 décembre 1966, RTNU, vol. 993, p. 3. − Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, New York, 26 novembre 1968, RTNU, vol. 754, p. 73. − Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969, RTNU, vol. 1155, p. 331. − Protocole additionnel II aux conventions de Genève sur le droit des conflits armés, 8 juin 1977. − Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, New York, 18 décembre 1979, RTNU, vol. 1249, p. 13. − Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 10 décembre 1982, RTNU, vol. 1834, p. 3. − Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, New York, 10 décembre 1984, UN Doc. A/RES/39/46. 397 − Convention relative aux droits de l’enfant, New York, 20 novembre 1989, RTNU, vol. 1577, p. 3. − Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, New York, 9 décembre 1994, RTNU, vol. 2051, p. 363. − Accord négocié régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l’Organisation des Nations Unies, New York, 10 octobre 2004, RTNU, vol. 2283, p. 195. − Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, New York, 20 décembre 2006, UN Doc. A/RES/61/177. Jurisprudence Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens − Dossier No°. 002/19-09-2007-ECCC/BCJI (CP01), Décision relative à la participation des parties civiles aux appels en matière de détention provisoire, 20 mars 2008. − Dossier No°. 002/19/09/2007/ECCC/TC, Decision on Ieng Sary’s rule 89 preliminary objections (ne bis in idem and amnesty and pardon), 3 novembre 2011. − Dossier N° . 002/19-09-2007/ECCC/TC/SC (11), Decision on Ieng Sary’s appeal against trial chamber’s decision on Ieng Sary’s rule 89 preliminary objections (ne bis in idem and amnesty and pardon), 20 mars 2012. Comité contre la torture − Halimi-Nedzibi v. Austria, Communication No. 8/1991, UN Doc. A/49/44, 30 novembre 1993. − Saadia Ali v. Tunisia, Comm. 291/2006, UN Doc. A/64/44, 21 novembre 2008. − Besim Osmani v. Serbia, Comm. 261/2005, UN Doc. A/64/44, 8 mai 2009. − UN Doc. CAT/C/GC/3, « Observation générale 3 (2012), « Implementation of article 14 by States parties », 13 décembre 2012. Comité des droits de l’homme − Larrosa v. Uruguay, Communication n° 88/1981, 25 mars 1983. − Gilboa v. Uruguay, Communication n° 147/1983, 1 novembre 1985. 398 − UN Doc. CCPR/C/GC/32, Observation générale 32, « Article 14 : Right to equality before courts and tribunals and to a fair trial », 23 août 2007. Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes − UN Doc. CEDAW/C/GC/30, « General recommendation No. 30 on women in conflict prevention, conflict and post-conflict situations », 18 octobre 2013. Commission interaméricaine des droits de l’homme − Carmelo Soria Espinoza c. Chili, affaire 11. 725, rapport n° 133/99, 19 novembre 1999. − Ignacio Ellacuria et al. c. Salvador, affaire 10. 488, rapport n° 136/99, 22 décembre 1999. Cour européenne des droits de l’homme − Affaire Hugh Jordan c. Royaume Uni, requête n° 24746/94, 4 mai 2001. − Grande Chambre, Affaire Al-Adsani c. Royaume-Uni, requête n° 35763/97, 21 novembre 2001. − Grande Chambre, Affaire Assanidzé c. Géorgie, requête n° 71503/01, 8 avril 2004. − Grande Chambre, Affaire Broniowski c. Pologne, requête n° 31443/96, 22 juin 2004. − Affaire Aziyevy c. Russie, requête n° 77626/01, 20 mars 2008. − Grande Chambre, Affaire El Masri c. Ex République Yougoslave de Macédoine, requête n° 39630/09, 13 décembre 2012. − Affaire Stichting mothers of Srebenica and others against the Netherlands, requête n° 65542/12, 6 juin 2013. − Grande Chambre, Affaire Janowiec et autres c. Russie, requêtes n° 55508/07 et 29520/09, 21 octobre 2013. − Grande Chambre, Affaire Margus c. Croatie, requête 4455/10, 27 mai 2014. Cour interaméricaine des droits de l’homme − Velasquez-Rodriguez v. Honduras, séries C No. 4, 29 juillet 1988. − Aloeboetoe et al. v. Suriname (reparations and costs), séries C No. 15, 10 septembre 1993. − “Street children” (Villagran-Morales et al.) v. Guatemala (reparations and costs), Séries C No. 77, 26 mai 2001. 399 − Barrios Altos v. Peru, séries C No. 83, 3 septembre 2001. − Plan de Sanchez Massacre v. Guatemala, séries C No. 105, 29 avril 2004. − Almonacid-Arellano et al. v. Chile, séries C No. 154, 26 septembre 2006. − La Cantuta v. Peru, séries C No. 173, 30 novembre 2007. − Gomes-Lund et al. (Guerrilha do Araguaia) v. Brazil, séries C No. 219, 24 novembre 2010. − Gelman c. Uruguay, fond et réparations, séries C No. 221, 24 février 2011. − Peasant Community of Santa Barbara v. Peru, séries C No. 299, 1er septembre 2015. − Ruano Torres et al. v. El Salvador, séries C No. 303, 5 octobre 2015. Cour internationale de justice − Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif, CIJ, Recueil 1949, p. 174. − Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud Ouest Africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, CIJ, Recueil 1971, p. 16. − Activités militaires et paramilitaire au Nicaragua et contre celui-ci, (Nicaragua c. ÉtatsUnis d’Amérique), fond, arrêt, CIJ, Recueil 1986, p. 14. − Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, CIJ, Recueil 1996, p. 226. − Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, avis consultatif, CIJ, Recueil 1999, p. 62. − Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République Démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, CIJ, Recueil 2002, p. 3. − Conséquences juridiques de 1'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif; CIJ, Recueil 2004, p. 136. − Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, CIJ, Recueil 2007, p. 43. − Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader, Belgique c. Sénégal, arrêt, CIJ, Recueil 2012, p. 422. 400 Cour pénale internationale − Chambre d’instance I, N° ICC-01/04-01/06, Situation in the Democratic Republic of the Congo in the case of the Prosecutor v. Thomas Lubanga Dyilo ; Annex 2, Decision on disclosure issues, responsibilities for protective measures and other procedural matters, 24 avril 2008. − Chambre d’instance III, N° ICC-01/05-01/08, Situation in the Central African Republic in the case The Prosecutor v. Jean-Pierre Bemba Gombo. Prosecution’s submission to conduct part of the trial in situ », 12 octobre 2009. − Chambre préliminaire II, N°. ICC-01/09, Situation en République du Kenya. Décision d’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation en République du Kenya rendue en application de l’article 15 du statut de Rome, 31 mars 2010. − Chambre d’appel, N°. ICC-01/09-02/11 OA, Prosecutor v. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai, Kenyatta and Mohammed Hussein Ali, Judgment on the appeal of the Republic of Kenya against the decision of Pre-Trial Chamber II of 30 May 2011 entitled « Decision on the Application by the Government of Kenya Challenging the Admissibility of the Case Pursuant to Article 19(2)(b) of the Statute », 30 août 2011. − Chambre d’instance I, N°. ICC-01/04-01/06, Situation in the Democratic Republic of the Congo in the case of the Prosecutor v. Thomas Lubanga Dyilo, Decision establishing the principles and procedures to be applied to reparations, 7 août 2012. − Chambre préliminaire II, N°. ICC-02/05-01/09, Situation au Darfour (Soudan), Le Procureur c/ Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, Décision rendue en application de l’article 87-7 du Statut de Rome concernant la non-exécution par l’Afrique du Sud de la demande que lui avait adressée la Cour aux fins de l’arrestation et de la remise d’Omar Al-Bashir, 6 juillet 2017. Cour permanente de justice internationale − Usine de Chorzów, fond, arrêt, Série A, n° 17, 13 septembre 1928. Tribunaux administratifs des Nations Unies Tribunal du contentieux administratif des Nations Unies − Affaire UNDT/NY/2009/044JAB/2008/087, Wasserstrom v. Secretary-general of the United Nations, ordonnance 19 (NY/2010), Orders on receivability and production of documents, 3 février 2010. − UNDT, Affaire UNDT/NY/2009/039/ JAB/2008/080 & UNDT/NY/2009/117, Bertucci v. Secretary-general of the United Nations, Ruling, ordonnance n° 43 (NY/2010), 8 mars 2010. 401 − Affaire UNDT/NY/2009/044JAB/2008/087, Wasserstrom v. Secretary-general of the United Nations, Order, ordonnance 113 (NY/2010), 23 avril 2010. − Affaire UNDT/NY/2009/044/JAB/2008/087, Wasserstrom v. Secretary-general of the United Nations, Jugement UNDT/2013/053, Judgement on relief, 15 mars 2013. − Affaire UNDT/GVA/2015/126, Kompass v. Secretary-general of the United Nations, Order on an application for suspension of action, ordonnance n° 99 (GVA/2015), 5 mai 2015. − Affaire UNDT/NBI/2016/036, Elobaid c. Secrétaire-général de l’Organisation des Nations Unies, Jugement n° UNDT/2017/054, 13 juillet 2017. Tribunal d’appel des Nations Unies − Affaires 2013-481, 2013-482 & 2013-483, Wasserstrom v. Secretary-general of the United Nations, Jugement n° 2014-UNAT-457, 27 juin 2014. Tribunal pénal international pour le Rwanda − Affaire n° ICTR-96-4-T, Jean-Paul Akayesu v. the Prosecutor, judgement, 2 septembre 1998. − Affaire n° ICTR-97-19-AR72, Jean-Bosco Barayagwiza v. the Prosecutor, decision, 3 novembre 1999. − Affaire ICTR-97-19-AR72, Jean-Bosco Barayagwiza v. the Prosecutor, decision (prosecutor’s request for review or reconsideration), 31 mars 2000. Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie − Affaire n° IT-94-1-T, le Procureur c. Dusko Tadic alias « Dule », jugement, 7 mai 1997. − Affaire n° IT-95-14, le Procureur c. Tihomir Blaskic, arrêt relatif à la requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la décision de la chambre de première instance ii rendue le 18 juillet 1997, 29 octobre 1997. − Affaire n° IT-95-17/1-T, le Procureur c. Anto Furundzija, jugement, 10 décembre 1998. − Affaire n° IT-94-1-A, le Procureur c. Dusko Tadic, Arrêt, 15 juillet 1999. − Affaire n° IT-95-16-T, le Procureur c. Kupreskic et al., jugement, 14 janvier 2000. − Affaire n° IT-02-62-AR54bis & IT-02-62-AR108bis, le Procureur c. 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DATE 27 AVRIL 1991 EL SALVADOR ACCORD DE NEW YORK. 25 SEPTEMBRE 1991 EL SALVADOR ACCORD DE PAIX DE CHAPULTEPEC. 16 JANVIER 1992 HAÏTI ACCORD DE GOVERNORS ISLAND. LIBERIA ACCORD DE COTONOU. 1481 Rôle de l’ONU Participation du Secrétaire général des Nations Unies aux négociations. Accord signé par le Secrétaire Général. Mesures de justice transitionnelle Vérité : L’accord crée la « Commission of the truth » pour enquêter sur les « serious acts of violence that have occurred since 1980 and whose impact on society urgently requires that the public should know the truth » (art. IV). Lustration : Lustration des forces armées (art. II. 1) et des forces de police (art. VI. C. 1). Réparations : Rédaction de « preliminary legislative drafts » concernant les mesures de compensation et de réparation des victimes du conflit (art. I. 4. i). Signature du Secrétaire général des Nations Unies. Lustration : Purification » des forces armées « with a view to the supreme objective of national reconciliation, based on evaluation of all members of the armed forces by an ad hoc Commission » (art. III). 3 JUILLET 1993 Médiation du Secrétaire général des Nations Unies Amnisties : Amnistie accordée par le Président « dans le cadre de l’article 147 de la constitution nationale » (art. 6). L’article en question précise que le Président « ne peut accorder amnistie qu’en matière politique et selon les prescriptions de la loi ». 25 JUILLET 1993 Signé par le Secrétaire général Amnisties : L’accord prévoit une « general amnesty granted to all Les informations comprises dans les tableaux présentés en annexe ont été recueillies par une analyse systématique des rapports publiés par les acteurs onusiens des opérations, missions ou bureaux concernés. Des informations supplémentaires ont été recherchées au sein de rapports d’ONG et de think tanks, ainsi que d’articles de ressources doctrinales. Les accords de paix ont pour leur part été analysés sur la base des informations fournies par l’ONU via son site UN Peacemaker (https://peacemaker.un.org/). Le projet de l’Uppsala Conflict Data Program (http://ucdp.uu.se/) a servi de base pour déterminer la liste des accords ayant connu une implication onusienne, base complétée par le biais de recherches personnelles à l’aide de l’ensemble des ressources disponibles. 456 PAYS GUATEMALA ACCORD ACCORD GENERAL RELATIF AUX DROITS DE L’HOMME. DATE FOR A POLITICAL SETTLEMENT OF THE GEORGIAN/ABKHAZ CONFLICT. Mesures de justice transitionnelle adjoint en charge du département des affaires politiques au nom du Secrétaire général des Nations Unies. persons and parties involved in the Liberian civil conflict in the course of actual military engagement » (art. 19). Signé par le Secrétaire général adjoint des Nations Unies. 29 MARS 1994 DECLARATION ON MEASURES GEORGIE Rôle de l’ONU 4 AVRIL 1994 Signé par le médiateur nommé par le Secrétaire général des Nations Unies. Médiation de l’ONU lors des négociations de Genève et signature de l’accord par l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies. Justice pénale : Engagement pour la lutte contre l’impunité à travers l’interdiction pour le gouvernement de « sponsor the adoption of legislative or any other type of measures designed to prevent the prosecution and punishment of persons responsible for human rights violations » (art. III.1). Réparations : Compensation et/ou assistance(« compensation and/or assistance ») aux victimes de violation des droits de l’Homme (art. VIII. 1). Justice pénale : Les parties reconnaissent l’interdiction des mesures de prescription pour les crimes de guerre et s’engagent à « intensify efforts to investigate war crimes, crimes against humanity and serious criminal offences as defined by international and national law and bring the perpetrators to justice » (point 10). Réparations : (Politiques mémorielles) Engagement des parties à intensifier la recherche des disparus et l’enterrement des morts (point 9). AGREEMENT ON THE GUATEMALA ESTABLISHMENT OF THE COMMISSION TO CLARIFY PAST HUMAN RIGHTS VIOLATIONS AND ACTS OF VIOLENCE THAT HAVE CAUSED GUATEMALAN POPULATION TO SUFFER. 23 JUIN 1994 Signé par le médiateur de l’ONU. Vérité : L’accord crée la « Commission to clarify past human rights violations and acts of violence that have caused Guatemalan population to suffer » (CEH), une commission vérité chargée de faire la lumière sur les violations passées, sans compétence juridictionnelle. 457 PAYS ACCORD DATE Rôle de l’ONU ACCORD PORTANT BURUNDI CONVENTION DE GOUVERNEMENT ENTRE LES FORCES DE CHANGEMENT DEMOCRATIQUE ET LES PARTIS POLITIQUES DE L’OPPOSITION. 10 SEPTEMBRE 1994 Signature en tant qu’observateur, du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies. Participation aux négociations comme médiateur. ANGOLA PROTOCOLE DE LUSAKA. SIERRA LEONE PEACE AGREEMENT BETWEEN THE GOVERNMENT OF THE REPUBLIC OF SIERRA LEONE AND THE REVOLUTIONARY UNITED FRONT OF SIERRA LEONE (ACCORD D’ABIDJAN). 20 NOVEMBRE 1994 30 NOVEMBRE 1996 Signature du Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Angola. Signature de l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Sierra Léone. Mesures de justice transitionnelle Vérité : « Il est demandé de recourir dans un délai de trente jours à une mission d’enquête judiciaire internationale, composée de personnalités compétentes et neutres pour enquêter sur le putsch du 21 octobre 1993 (…) et sur les différents crimes à connotation politique perpétrés depuis octobre 1993 » (art. 36). Lustration : « Toute personne impliquée de près ou de loin dans les tragédies de notre histoire depuis l’indépendance, notamment dans le putsch et l’assassinat du Président de la République le 21 octobre 1993, dans ce que les partenaires politiques ont convenu d’appeler génocide (…), dans les destructions de biens, dans la constitution des milices et dans la distribution et usage illégal des armes de guerre, sera systématiquement écartée et ne saura être recrutée dans les administrations provinciales et communales » (art. 40). Réparations : (Politique mémorielle) Exclusion explicite de toute politique mémorielle (« In the spirit of national reconciliation, all Angolans should forgive and forget » (annexe 6, point 5)). Amnisties : Amnistie prévue pour « illegal acts committed by any one prior to the signing of the Lusaka protocol, in the context of the current conflict » (annexe 6, point 5), devant être promulguée quinze jours après l’initialisation de l’accord (annexe 9, point 3). Amnisties : « To consolidate the peace and promote the cause of national reconciliation, the Government of Sierra Leone shall ensure that no official or judicial action is taken against any member of the RUF/SL in respect of anything done by them in pursuit of their objectives as members of that organization up to the time of the signing of this Agreement » (art. 14). Lustrations : L'accord prévoit que « the present Police Force shall be vetted » (art. 25). 458 PAYS GUATEMALA ACCORD ACCORD VISANT LA LEGALISATION DE L’UNION REVOLUTIONNAIRE NATIONALE GUATEMALTEQUE. TADJIKISTAN AGREEMENT BETWEEN THE PRESIDENT OF THE REPUBLIC OF TAJIKISTAN AND THE LEADER OF THE UNITED TAJIK OPPOSITION. TADJIKISTAN PROTOCOL ON THE MAIN FUNCTIONS AND POWERS OF THE COMMISSION ON NATIONAL RECONCILIATION. TADJIKISTAN PROTOCOL ON REFUGEES. TADJIKISTAN PROTOCOL ON POLITICAL QUESTIONS. DATE Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Vérité et réconciliation : Promotion par le gouvernement de l’adoption par le Congrès de la République d’un « National reconciliation act » comprenant des demandes à la CEH sur les moyens permettant de garantir le droit à la vérité (art.18), 12 DECEMBRE 1996 Signé par le médiateur de l’ONU. Réparations : Création d’une « public policy of compensation and/or assistance to the victims of human rights violations » (art. 19), Amnisties : Des mesures d’extinction de la responsabilité pénale des membres de l’URNG, pour les crimes liés au conflit (art. 20 - 23) autres que ceux considérés comme imprescriptible ou non sujets à une extinction de responsabilité pénale par le droit interne ou les traités internationaux (art. 24), sont prévues. 23 DECEMBRE 1996 Signature de l’accord par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies. 23 DECEMBRE 1996 Signature de l’accord par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies. 13 JANVIER 1997 Signature de l’accord par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies. 18 MAI 1997 Signature du Représentant spécial du Secrétaire général. Amnisties : Les parties reconnaissent qu’il existe un « need to implement a universal amnesty and reciprocal pardoning of persons who took part in the military and political confrontation from 1992 up to the time of adoption of the Amnesty Act » (§ 4). Amnistie : La Commission a également pour objectif l’adoption « of a Reciprocal Pardon Act and drafting of an Amnesty Act to be adopted by Parliament and the Commission on National Reconciliation » (§ 15). Amnisties : Le gouvernement s’engage à « not to institute criminal proceedings against returning refugees or displaced persons for their participation in the political confrontation and the civil war » (point 2). Amnisties : « The President and the Commission on National Reconciliation shall adopt the reciprocal-pardon act as the first political decision to be taken during the initial days of the Commission's work. No later than one month after the adoption of the reciprocal-pardon act, the amnesty act shall be adopted » (§ 1). 459 PAYS SIERRA LEONE ACCORD CONAKRY PEACE PLAN. DATE 23 OCTOBRE 1997 Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Signature, en tant que témoin, du Secrétaire général adjoint. Il faut cependant noter que l’accord est principalement le fruit des efforts de la CEDEAO. Amnisties : « It is considered essential that unconditional immunities and guarantees from prosecution be extended to all involved in the events of 25 May 1997 with effect from 22 April 1998 » (point 8). Amnisties : Un « absolute and free pardon » est prévu pour Foday Sankoh, chef du RUF, (art. IX. 1.). La même mesure doit être adoptée pour « all combatants and collaborators in respect of anything done by them in pursuit of their objectives, up to the time of the signing of the present agreement » (art. IX. 2.). SIERRA LEONE PEACE AGREEMENT BETWEEN THE GOVERNMENT OF THE REPUBLIC OF SIERRA LEONE AND THE REVOLUTIONARY UNITED FRONT OF SIERRA LEONE (ACCORD DE LOMÉ). Le gouvernement s’engage également à ce que « no official or judicial action » ne soit adoptée à l’encontre des combattants de l’un quelconque des groupes armés ayant participé au conflit (art. IX. 3.). 7 JUILLET 1999 Signature du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies. Le Représentant spécial du Secrétaire général a, sur ordre du Secrétaire général, émis une réserve interprétative à l’article IX, précisant que les Nations Unies comprenaient l’amnistie prévue par cet article comme ne s’appliquant pas aux crimes internationaux de génocide, aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre et aux autres violations graves du droit international humanitaire. Réparations : Établissement d’un fonds spécial pour permettre la « rehabilitation of war victims » (art. XXIX). Vérité et réconciliation : Création d’une « Truth and Reconciliation Commission », ayant pour objectif d’établir la vérité sur les violations commises, de faciliter la réhabilitation des victimes et de combattre l’impunité (art. XXVI). 460 PAYS RDC ACCORD LUSAKA CEASE-FIRE AGREEMENT. DATE 10 JUILLET 1999 Rôle de l’ONU Signature, en tant que témoin, du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies. Mesures de justice transitionnelle Amnisties : Les parties s’engagent à rechercher et démanteler les bandes armées sévissant en RDC, en adoptant, si nécessaire, des mesures telles que « granting of amnesty in countries where such a measure has been deemed beneficial. It shall, however, not apply in the case of suspects of the crime of genocide » (art. III, al. 19). Justice pénale : Mise en place de mécanismes permettant la recherche et le transfert aux tribunaux nationaux et au TPIR des « mass killers and perpetrators of crimes against humanity » (annexe A, art. 9. 1 (b)). 461 PAYS ACCORD DATE Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Justice pénale : L'accord prévoit l'instauration d'un « Tribunal pénal international chargé de juger et punir les coupables » (Protocole I, chapitre II, art. 6). Réparations : Des réparations symboliques sont prévues (Monument aux morts, journée de commémoration...) (Protocole I, chapitre II, art. 6). - Des indemnisations doivent être versées aux réfugiés pour les biens spoliés ou confisqués. Création d'une « Commission nationale de réhabilitation des sinistrés en faveur des victimes des différentes crises » (Protocole I, Chapitre II, art. 7). ACCORD D'ARUSHA POUR LA BURUNDI PAIX ET LA RECONCILIATION AU BURUNDI. 28 AOUT 2000 Accord cosigné par le Secrétaire général de l'ONU. Vérité et réconciliation : Création d'une « Commission nationale pour la vérité et la réconciliation » (Protocole I, chapitre II, art. 8). - Lancement d'un « programme multiforme de réconciliation nationale » (Protocole IV , Chapitre II, article 13), comprenant, entre autres, des réparations symboliques, des programmes d'éducation, d'écriture et de diffusion d'une histoire commune et la création de « comités de paix et de réconciliation » (annexe IV, chapitre II, art. 2.5.1.2.). Amnistie : « Une amnistie est accordée à tous les combattants des partis et mouvements politiques pour les crimes commis du fait de leur implication dans le conflit, mais pas pour les actes de génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité, ni pour leur participation à des coups d’Etat » (Protocole III, chapitre III, art. 26). PAPOUASIE NOUVELLE GUINEE BOUGAINVILLE PEACE AGREEMENT. 30 AOUT 2001 Signé, en tant que témoin, par le chef de la mission d'observation de l'ONU à Bougainville (MONUB). Amnisties: « The parties confirm that grants of amnesty and pardon (as agreed in the Lincoln Agreement) for all persons involved in crisisrelated activities or convicted of offences arising out of crisis-related activities should be expedited, and will cooperate to ensure that they are » (Section F). 462 PAYS ANGOLA RDC ACCORD MEMORANDUM OF UNDERSTANDING (LUENA AGREEMENT). GLOBAL AND INCLUSIVE AGREEMENT ON TRANSITION IN THE DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO (PRETORIA AGREEMENT). DATE 4 AVRIL 2002 16 DECEMBRE 2002 Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Signature de l'accord par le Secrétaire général adjoint. Amnistie : « The Government guarantees, in the interest of peace and national reconciliation, the approval and publication by competent organs and institutions of the state of the Republic of Angola an Amnesty Law covering all crimes committed in conjunction with the armed conflict between UNITA Military Forces and the Government » Chapitre II, 1. 1. I. ; Chapitre II, 2. 1. L'ONU a participé aux négociations en tant que membre observateur du Dialogue Inter-congolais. Amnistie : « To achieve national reconciliation, amnesty shall be granted for acts of war, political and opinion breaches of the law, with the exception of war crimes, genocide and crimes against humanity » (section III, point 8). Médiation du Secrétariat général pour les accords de paix. 463 PAYS ACCORD DATE Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Amnistie : « Le gouvernement de réconciliation nationale prendra les mesures nécessaires pour la libération et l'amnistie de tous les militaires détenus pour atteinte à la sûreté de l'Etat et fera bénéficier de la même mesure les soldats exilés » (art. 3. i). « La loi d'amnistie n'exonérera en aucun cas les auteurs d'infractions économiques graves et de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire » (annexe, section VII. 5). COTE D'IVOIRE ACCORD DE LINASMARCOUSSIS. 23 JANVIER 2003 Participation aux négociations de facilitateurs désignés par l'ONU. Justice pénale : « Sur le rapport de la Commission internationale d'enquête, le gouvernement de réconciliation nationale déterminera ce qui doit être porté devant la justice pour faire cesser l'impunité. Condamnant particulièrement les actions des escadrons de la mort et de leurs commanditaires ainsi que les auteurs d'exécutions sommaires sur l'ensemble du territoire, la Table Ronde estime que les auteurs et complices de ces activités devront être traduits devant la justice pénale internationale » (annexe, section VI. 3). Réparations : « Sur la base du rapport de la Commission nationale des droits de l'homme, il prendra des mesures d'indemnisation et de réhabilitation des victimes » (annexe, section VI. 4). 464 PAYS ACCORD DATE Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Réparations : Restitution des biens confisqués ou saisis par l'État et indemnisation des individus dont les biens ont été endommagés par l'Etat. Une commission parlementaire assistera et contrôlera l'action du gouvernement transitoire dans ce domaine. (Résolution DIC/CPR/01). RDC INTER-CONGOLESE NEGOTIATIONS: THE FINAL ACT (SUN CITY AGREEMENT). 2 AVRIL 2003 Signature de l'envoyé spécial du Secrétaire général en tant que témoin et participant observateur au Dialogue Intercongolais. Vérité : Création d'une « independent commission to be called the “National Truth and Reconciliation Commission” » (Résolution DIC/COR/04). - Pour identifier et évaluer les dommages causés à l'environnement, identifier les responsables et indemniser les victimes, l'accord prévoit la création d'une « special ad hoc Commission of Inquiry within the transitional Parliament, if necessary with the participation of national and international expert » (Résolution DIC/CEF/03). Justice pénale : Il est prévu qu'une « request be made to the UN Security Council by the Transitional Government with a view to establishing an International Criminal Court for the Democratic Republic of Congo » (Résolution DIC/CPR/05). LIBERIA PEACE AGREEMENT BETWEEN THE GOVERNMENT OF LIBERIA, THE LIBERIANS UNITED FOR RECONCILIATION AND DEMOCRACY (LURD), THE MOVEMENT OF DEMOCRACY IN LIBERIA (MODEL) AND THE POLITICAL PARTIES (ACCORDS D'ACCRA). Vérité : « A Truth and Reconciliation Commission shall be established to provide a forum that will address issues of impunity, as well as an opportunity for both the victims and perpetrators of human rights violations to share their experiences, in order to get a clear picture of the past to facilitate genuine healing and reconciliation » (art. XIII). 18 AOUT 2003 Signature du représentant du Secrétaire général en tant que témoin de l'accord Lustrations : Restructuration complète de la police et des forces de sécurité (y compris gardes du corps et douanes) (art. VIII) et de la Cour suprème (art. XXVII). Amnistie : « The NTGL shall give consideration to a recommendation for general amnesty to all persons and parties engaged or involved in military activities during the Liberian civil conflict that is the subject of this Agreement » (art. XXXIV). 465 PAYS SOUDAN ACCORD DARFUR PEACE AGREEMENT. DATE 5 MAI 2006 Rôle de l’ONU Signature, en tant que témoin, du Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan. Mesures de justice transitionnelle Vérité : Il est prévu la création de la « Darfur - Darfur Dialogue and Consultation ( DDDC) ». La DDDC est une « conference in which representatives of all Darfurian stakeholders can meet to discuss the challenges of restoring peace to their land, overcoming the divisions between communities, and resolving the existing problems to build a common future » (point 458). Pour servir son objectif de promotion de l'accord de paix auprès de la population, la DDDC se voit confier la tâche de « Discussing and building consensus on the main outstanding issues concerning the citizens of Darfur regarding the causes of conflict, insecurity, restoration of social fabric and a common future for all » (point 61(c)). Justice traditionnelle : Dans ses tâches liées à la réconciliation, la DRRC est encouragée à recourir à des « traditional dispute resolution mechanisms » (point 188). Réparations : Création d'une « Compensation Commission », chargée de traiter les demandes « for compensation by people of Darfur who have suffered harm, including physical or mental injury, emotional suffering or human and economic losses, in connections with the conflict » (point 200). BURUNDI DAR-ES-SALAAM AGREEMENT ON PRINCIPLES TOWARDS LASTING PEACE, SECURITY AND STABILITY IN BURUNDI. 18 JUIN 2006 Accord cosigné par le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU. Vérité : « A commission of experts with the mandate to rewrite the history of Burundi shall be created. These experts shall consult all the components of Burundi society » (art. 1. 2). - « The Truth and Reconciliation Commission shall be called the Truth, Forgiveness and Reconciliation Commission » (art. 1. 3). 466 PAYS ACCORD DATE Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Vérité : Engagement des parties à révéler l'identité et le sort des personnes « 'disappeared' or killed during war and to inform the family about it » (art. 5. 2. 3). NEPAL COMPREHENSIVE PEACE AGREEMENT BETWEEN THE GOVERNMENT OF NEPAL AND THE COMMUNIST PARTY OF NEPAL (MAOIST). RDC ACTE D'ENGAGEMENT NORD KIVU. RDC ACTE D'ENGAGEMENT - SUD KIVU. OUGANDA IMPLEMENTATION PROTOCOL TO THE AGREEMENT ON COMPREHENSIVE SOLUTIONS. 22 NOVEMBRE 2006 Signature du Représentant spécial du Secrétaire général en tant que témoin de l'accord. - Création d'une « High-level Truth and Reconciliation Commission » pour établir les faits concernant les crimes les plus graves (art. 5. 2. 5). Amnisties : « Both sides guarantee to withdraw political accusations, claims, complaints and cases under-consideration against various individuals and to instantly make public the status of those detained and release them immediately » (art. 5. 2. 7). 23 JANVIER 2008 Signature d' Alan Doss, en tant que facilitateur international au nom des Nations Unies. Amnistie : Projet d'amnistie partielle pour « faits de guerre et insurrectionnels, couvrant la période de juin 2003 à la date de la promulgation de la Loi » et excluant « les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide » (art. IV. 1). 23 JANVIER 2008 Signature d' Alan Doss, en tant que facilitateur international au nom des Nations Unies. Amnistie : Projet d'amnistie partielle pour « faits de guerre et insurrectionnels, couvrant la période de juin 2003 à la date de la promulgation de la Loi » et excluant « les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide » (art. IV. 1). 22 FEVRIER 2008 Signature, en tant que témoin, de l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les zones affectées par la LRA. Réparations : L'accord prévoit que « the Government shall establish, a special fund for victims, out of which reparations shall be paid ». Le fonds servira, entre autres, à payer les réparations attribuées par le mécanisme prévu par le « Agreement on accountability and reconciliation », signé le 29 juin 2007 et auquel l'ONU n'a pas participé (point 28). 467 PAYS ACCORD DATE AGREEMENT ON OUGANDA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE IMPLEMENTATION AND MONITORING MECHANISMS. ACCORD DE PAIX GLOBAL ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ET LES MOUVEMENTS POLITICOMILITAIRES APRD, FDPC, UFDR. 29 FEVRIER 2008 21 JUIN 2008 Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Signature, en tant que témoin, de l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les zones affectées par la LRA. Justice pénale : En conformité avec l'Agreement on accountability and reconciliation, le gouvernement s'engage à établir une division spéciale au sein de la Haute Cour pour juger les crimes commis durant le conflit, et à demander au Conseil de sécurité des Nations Unies « to adopt a resolution under Chapter VII of the Charter of the United Nations, requesting the International Criminal Court to defer all investigations and prosecutions against the leaders of the Lord's Resistance Army. » Signature du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Centrafrique. Amnistie : Engagement des parties pour la promulgation « d'une loi d'amnistie générale (…) pour des crimes et délits poursuivis devant les juridictions nationales centrafricaines à l'exception des crimes relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale » (art. 2). 468 PAYS RDC ACCORD ACCORD DE PAIX ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LE CONGRES NATIONAL POUR LA DEFENSE DU PEUPLE (CNDP). DATE 23 MARS 2009 Rôle de l’ONU Signature, en tant que témoin, du Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies. Mesures de justice transitionnelle Amnistie : « En vue de faciliter la réconciliation nationale, le Gouvernement s'engage à promulguer une loi d'amnistie couvrant la période de juin 2003 à la date de sa promulgation, et ce conformément au droit international » (art. 3). Hormis la référence au droit international, l'accord ne précise pas les éventuelles limites de l'amnistie. Il note en revanche, au sujet du projet de loi sur le sujet, que « Le CNDP ayant exprimé des préoccupations quant à certaines dispositions du projet de loi tel que déjà adopté par l'Assemblée Nationale, dont la qualification à son avis restrictive des faits amnistiés, il a été convenu que ces préoccupations soient transmises par le Gouvernement au Parlement pour examen » (art. 3. 3). Autorités traditionnelles : Des « Comités locaux permanents de conciliation (...) composés notamment de sages locaux » doivent être mis en place dans le but de « palier la carence en matière de prévention et de résolution extra judiciaire de conflits » (art. 5. 1). 469 PAYS MADAGASCAR ACCORD ACCORD POLITIQUE DE MAPUTO. DATE 8 AOUT 2009 Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle L'ONU a joué un rôle de médiateur. Elle est cosignataire, en tant que témoin, et garante de l'accord. Amnistie : Adoption d'une « loi d'amnistie générale », concernant « toutes les infractions, manquements et fautes quels que soient leur nature, leur objet ou leur qualification, commis durant l'exercice de leurs fonctions ou de leurs responsabilités par l'ensemble des personnes ayant eu en charge les fonctions de direction ou d'exécution au sein de l'Etat ainsi que celles de responsables politiques de l'opposition entre le 1er janvier 2002 et la date de signature » de l'accord (art. 10). L'amnistie ne couvre pas « les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, les crimes de génocide et les violations graves des Droits de l'Homme » (art. 14). Réparations : Le droit des victimes à réparation est reconnu (art. 13). Mise en place d'un « Fonds national de solidarité » pour indemniser « les ayants-droits et les victimes pour les préjudices subis lors des évènements politiques de 2002, 2006, 2008 et 2009 » (art. 15). MADAGASCAR CHARTE DE LA TRANSITION. 9 AOUT 2009 L'ONU a joué un rôle de médiateur. Elle est cosignataire, en tant que témoin, et garante de l'accord. Vérité : Création d'une « Commission "vérité et réconciliation" » chargée de « passer en revue tous les évènements ayant marqué la vie politique, économique et sociale de Madagascar » ainsi que de formuler des propositions de réparations (art. 18). Amnistie : La mesure d'amnistie prévue dans l'Accord de Maputo est reprise à l'identique (art. 25 à 30). Réparations : L'article 13 de l'accord de Maputo reconnaissant le droit des victimes « des évènements politiques entre 2002 et la date de signature » de l'accord pour « des préjudices de quelque nature que ce soit » est repris à l'identique (art. 31). 470 PAYS ACCORD SOUDAN FRAMEWORK AGREEMENT TO RESOLVE THE CONFLICT IN DARFUR BETWEEN THE GOVERNMENT OF SUDAN AND THE JEM. SOUDAN FRAMEWORK AGREEMENT TO RESOLVE THE CONFLICT IN DARFUR BETWEEN THE GOVERNMENT OF SUDAN AND THE LJM. DATE Rôle de l’ONU 23 FEVRIER 2010 Un médiateur conjoint de l'Union Africaine et de l'ONU a participé aux négociations et a signé, en tant que témoin, l'accord. 18 MARS 2010 Un médiateur conjoint de l'Union Africaine et de l'ONU a participé aux négociations et a signé, en tant que témoin, l'accord. Mesures de justice transitionnelle Amnistie : Une « general amnesty for the civil and military members of the Justice and Equality Movement Sudan (JEM) » est adoptée (art. 2). Réparations : Le gouvernement s'engage a « fairly compensate the refugees, and displaced persons and all those who have been affected by the conflict in Darfur » (art. 8). Amnistie : Une « general amnesty for the civil and military members of the Liberation and Justice Movement (LJM) » est adoptée (art. 3). 471 PAYS SOUDAN ACCORD DOHA DOCUMENT FOR PEACE IN DARFUR (DDPD). DATE 14 JUILLET 2011 Rôle de l’ONU La MINUAD a joué un rôle important de conseiller technique durant les négociations et a proposé une version préliminaiire de l'accord. Le DDPD n'a pas été signé par l'ONU directement, il a cependant été approuvé et annexé à deux accords distincts conclus entre le Gouvernement du Soudan et le 'Liberty and Justice Movement' (LJM)d'une part (accord du 14/07/2011) et le 'Justice and Equality Movement' (JEM) d'autre part (accord du 13/04/2013). Ces deux accords ont été signés par le représentant conjoint de l'UA et de l'ONU. Mesures de justice transitionnelle Réparations : Le droit de toutes les victimes du conflit ayant souffert de « loss or damage, including loss of life, physical injury, mental harm and emotional suffering » à réparation est reconnu. Un fonds de compensation (« Compensation/Jabr Al Darar Fund ») est créé (art. 51 et 53) pour distribuer les réparations. Le « Property Claims and Restitution Committee (PCRC) », créé par les articles 51 et 52 attribue les réparations liées aux biens, alors que le « Justice Committee » créé au sein de la « Truth and Reconciliation Commission » (art. 58) attribue les réparations liées aux atteintes à la personne. Amnistie : Le gouvernement s'engage à « grant a general amnesty in accordance with the Sudanese Constitution and Laws, to civil and military members, to prisoners of war and those sentenced from the Parties, and on this basis, release the prisoners of war ». Les « war crimes, crimes against humanity, crimes of genocide, crimes of sexual violence, and gross violations of human rights and humanitarian law shall not be included in the scope of application of the amnesty » (art. 60). Vérité : Création de la « Truth, Justice and Reconciliation Commission », au sein de laquelle le « Truth and Reconciliation Committee » est chargé de « assess the root causes of the conflict in Darfur » (art. 58). Mécanismes traditionnels : Le recours aux « Ajaweed Council » est prévu aux fins de la réconciliation entre les tribus (art. 58). Justice pénale : Création d'une « Special Court for Darfur » ayant compétence pour les « gross violations of human rights and serious violations of international humanitarian law committed in Darfur, since February 2003 » (art. 59). 472 PAYS ACCORD RDC OUTCOME DOCUMENTS FROM THE CONCLUSION OF THE KAMPALA DIALOGUE BETWEEN THE GOVERNMENT OF THE DEMOCRATIC REPUBLIC OF THE CONGO AND THE M23. DATE 12 DECEMBRE 2013 Rôle de l’ONU L'ONU a joué un rôle de médiateur et de facilitateur dans cet accord. Mesures de justice transitionnelle Amnistie : L'accord prévoit une « amnesty to members of M23 for acts of war and insurrection » (art. 1. 1). Justice pénale : Le gouvernement s'engage à poursuivre devant la justice les responsables de « war crimes, genocide, crimes against humanity, sexual violence and recruitment of child soldiers » (art. 8.4). Global : La « mise en place de mécanismes de justice transitionnelle » est prévue (art. 46). Vérité : L'accord prévoit « l'opérationnalisation de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation », créée par décret présidentiel suite à la dissolution de la Commission Dialogue et Réconciliation (art. 46). MALI ACCORD POUR LA PAIX ET LA RECONCILIATION AU MALI ISSU DU PROCESSUS D'ALGER. - L'accord prévoit la création d'une commission d'enquête internationale identique à celle envisagée à l'article 18 de l'Accord préliminaire de Ouagadougou (art. 46). 20 JUIN 2015 Signature, en tant que témoin, du Représentant spécial du Secrétaire général. - Organisation d'une « Conférence d'Entente Nationale » ayant pour objectif de « permettre un débat approfondi entre les composantes de la Nation sur les causes profondes du conflit » (art. 5). Justice pénale : L'amnistie des « auteurs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité et violations graves des droits de l'homme, y compris la violence sur les femmes, les filles et les enfants » est interdite (art. 46). Mécanismes traditionnels : L’accord prévoit la « [revalorisation] des Cadis dans l'administration de la justice », particulièrement pour la médiation civile, et « valorisation du statut des autorités traditionnelles » (art. 46). 473 PAYS ACCORD DATE Rôle de l’ONU Mesures de justice transitionnelle Vérité : Création de la « Commission for Truth, Reconciliation and Healing (CTRH) » (Chapitre V, art. 2). AGREEMENT ON THE SOUDAN DU SUD RESOLUTION OF THE CONFLICT IN SOUTH SUDAN 17 AOÛT 2015 Signature, en tant que témoin, du Représentant du Secrétaire général et participation de l’ONU aux négociations de paix au sein de l’IGAD Plus Justice pénale : Création de la « Hybrid Court for South Sudan (HCSS) », ayant compétence sur les crimes internationaux. Les volets internationaux de la HCSS sont laissés à la gestion de l’UA. (Chapitre V, art. 3) Réparations : Création d’une « Compensation and Reparation Authority ». Celle-ci est limitée à la fourniture de « material and financial support to citizens whose property was destroyed by the conflict and help them to rebuild their livelihoods in accordance with a well established criteria by the Transitional government of national unity » (Chapitre V, art. 3). Mécanismes de justice transitionnelle Amnistie Vérité Réparations Justice pénale Lustrations Mécanismes traditionnels Nombre de mécanismes intégrés dans les accords de paix 29 15 16 11 5 4 475 Annexe II : Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Vérité : Soutien à la Commission pour la Vérité (logistique). SALVADOR / ONUSAL MAI-91 AVR-95 S/RES/693 (1991) NON Lustrations : Soutien à la commission ad hoc instituée conformément aux accords de Chapultepec de 1992. La commission a mené des L'ONUSAL est considérée comme la première opération de 2ème génération. interviews et conduit des enquêtes visant à Elle est également considérée comme contrôler les activités passées du personnel des l'une des opérations de maintien de la forces armées et de police. Les résultats étaient paix les plus réussies. ensuite transmis à l'ONUSAL pour approbation avant la réintégration du personnel concerné. L'ONUSAL a également coopéré avec la Commission de consolidation de la paix (COPAZ) pour la lustration des forces de police. S/RES/1035 (1995 ); S/RES/1088 (1996 ); S/RES/1103 (1997) ; BOSNIE-HERZEGOVINE / DEC-95 DEC-02 MINUBH / UNMIBH S/RES/1107 (1997) ; S/RES/1144 (1997) ; S/RES/1168 (1998) ; S/RES/1184 (1998) OUI Lustration : Lustration des forces de police et du système judiciaire via des enquêtes approfondies sur l'ensemble du personnel, en particulier leur comportement durant le conflit. L'absence de procédure équitable et notamment de voies de recours dans les procédures initiales de lustration conduites par la MINUBH a été dénoncée par le bureau du HCDH en BosnieHerzégovine. Le HCDH a incité les autorités nationales à saisir la Commission de Venise pour obtenir la révision des cas ayant été traités par la MINUBH sans possibilité d'appel. 476 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 S/RES/1037 (1996) ; CROATIE / ATNUSO / UNTAES JANV-96 JANV-98 S/RES/1079 (1996) ; S/RES/1120 (1997) OUI Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Amnistie : Assistance à la rédaction et la promulgation d'une loi d'amnistie partielle, excluant les crimes les plus graves (génocide, crimes de guerre les plus graves). Poursuites pénales : Assistance au TPIY pour les enquêtes et l'arrestation des personnes recherchées. Observations 477 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Global : L'action du bureau pays du HCDH, intégré en 2015 à la MINUK, a été continuée, notamment en ce qui concerne le soutien au Groupe de travail sur le traitement du passé et la réconciliation, chargé d'élaborer une stratégie de justice transitionnelle. La composante droits de l'homme de la MINUK a tenu des conférences et procédé à la formation des membres du Groupe sur la justice transitionnelle. KOSOVO / MINUK / UNMIK JUIN-99 PRESENT S/RES/1244 (1999) OUI Lustrations : Création de règles et d'instances de conseil, sous l'autorité du Représentant spécial du La MINUK avait également pour tâche de Secrétaire général pour l'évaluation des juges et des réformer la police au Kosovo. Toutefois, cet aspect de la lustration n'est pas pris en procureurs ainsi que pour leur recrutement. Ces compte ici dans la mesure où, si la MINUK derniers devaient notamment ne pas avoir : a bien participé au recrutement et surtout « participated in discriminatory measures, or à la formation des forces de police, les applied any repressive law or have implemented dictatorial policies » (UNMIK/REG/1999/7, 6.1(e)) enquêtes sur le passé des candidats et la Cf. également les régulations 1999/18 et 2001/8. sélection (« vetting »), à proprement parler, de ces derniers ont été effectuées Lutte contre l'impunité : Procès pénaux : Création par l'OSCE. des « Panels 64 » : intégration de juges et de procureurs internationaux au sein des tribunaux nationaux. Ces juges et procureurs pouvaient être assignés à n'importe quelle affaire par le Représentant spécial du Secrétaire général pour garantir l'impartialité de la justice (Régulations MINUK 2000/6 ; 2000/34 et 2000/64). Mise en place du Panel consultatif sur les droits de l'homme, chargé de recueillir les plaintes formulées à l'encontre du personnel de la MINUK. 478 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Lutte contre l'impunité : Procès pénaux : établissement des « Special Panels » au sein du tribunal de Dili, comprenant des juges internationaux et ayant une compétence exclusive pour le jugement des crimes le plus graves (UNTAET/REG/2000/11; 6/03/2000 et UNTAET/REG/2000/15; 6/06/2000). TIMOR LESTE / ATNUTO OCT-99 MAI-02 / UNTAET S/RES/1272 (1999) OUI Vérité : Commission vérité : création de la « Commission on Reception, Truth and Bien que l'ATNUTO ait reformé l'ensemble Reconciliation » (CAVR, selon l'acronyme portugais du secteur de la sécurité et du secteur généralement utilisé). Voir : UNTAET/REG/2001/10, judiciaire du Timor Leste, le travail de 13/07/2001. recrutement n'a pas réellement donné lieu à des procédures de lustration en Amnistie : Des immunités ont été rendues fonction du rôle des candidats dans les disponibles, dans le cadre de la CAVR, pour des violences passées. Cette tâche a crimes et délits mineurs. Une immunité pouvait principalement été menée après le départ être obtenue en échange de l'accomplissement d'un « community reconciliation act » ordonné par de l'ATNUTO, par la MINUT, après les violences de 2006. une commission spéciale dans le cadre d'un « community reconciliation process » (CRP) (UNTAET/REG/2001/10, partie IV). Mécanismes traditionnels : L'ATNUTO a eu recours aux mécanismes traditionnels de réconciliation dans le cadre des CRP. Notamment, les CRP, qui se déroulaient essentiellement au sein des villages et sous le contrôle de conseils de sages, se concluaient par une cérémonie traditionnelle de réconciliation. 479 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 S/RES/1270 (1999) ; S/RES/1289 (2000) ; SIERRA LEONE / MINUSIL / UNAMSIL OCT-99 DEC-05 S/RES/1313 (2000) ; S/RES/1346 (2001) ; S/RES/1400 (2002) ; S/RES/1436 (2002) ; OUI Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations La MINUSIL avait la particularité, bien que n'ayant pas de mandat explicite en termes de justice transitionnelle, d'avoir pour tâche « [d’encourager] les parties à créer des mécanismes de rétablissement de la confiance et en appuyer le fonctionnement » (S/RES/1270, § 8 (f)). Dans la mesure où l'accord de Lomé ainsi que la résolution en question font référence, entre autres, à la Commission Vérité : Soutien à la Commission Vérité et Vérité et Réconciliation, il est fort Réconciliation (CVR) (sensibilisation, budget, probable que cette dernière était sécurité). implicitement visée par le mandat conféré Lutte contre l'impunité : Soutien au TSSL (relations à la mission. Toutefois, et bien que la avec la CVR, sécurité, soutien aux enquêtes). MINUSIL ait été dotée d'une composante droits de l'homme, la mission n'a eu qu'un rôle subsidiaire dans l'élaboration et le travail des deux mécanismes de justice transitionnelle, les entités onusiennes principales ayant été le HCDH pour la CVR et le Secrétaire général pour le TSSL. La MINUSIL a, en revanche, été une mission fondatrice en termes de politiques de sensibilisation et de communication. 480 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Si la MONUC s'est vue confier des tâches liées à la justice transitionnelle dès 2004, notamment en termes d'appui au processus de RSS, ce n'est qu'à partir de 2007 et de la résolution 1756 qu'un mandat explicite lui est confié en termes de justice transitionnelle. Elle a alors été chargée, par exemple d'« aider à élaborer et appliquer une stratégie de justice transitionnelle » (S/RES/1756 (2007), § 3(c)). S/RES/1279 (1999) ; S/RES/1565 (2004) ; RDC / MONUC DEC-99 JUIN-10 S/RES/1756 (2007) ; S/RES/1856 (2008) ; S/RES/1906 (2009) OUI Vérité : Soutien à la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), notamment à travers La MONUC est la première OMP à avoir l'appui à l'organisation de consultations nationales développé une politique de conditionnalité de soutien des forces et aux conseils techniques fournis aux autorités onusiennes aux forces nationales. Le nationales quant au statut de la CVR. Le manque soutien des forces onusiennes serait retiré d'indépendance de la Commission a conduit la dans les cas où des membres des forces MONUC à se distancier de cette institution. nationales auraient été impliqués dans Lutte contre l'impunité : Soutien à l’action menée des violations des droits de l'Homme. aux niveaux national et international pour traduire Cette politique a été reprise et en justice les auteurs de violations graves des droits développée par la MONUSCO puis de l’Homme et du droit international humanitaire. adoptée formellement par le Secrétaire général sous le nom de « Politique de diligence voulue » (A/67/775–S/2013/110, 5/03/2013, Annexe) et appliquée de façon systématique aux OMP postérieures. La MONUC a également été amenée à coopérer avec le TPIR pour l'arrestation de personnes inculpées par ce Tribunal et réfugiées en RDC, ainsi qu'avec la CPI en termes de soutien logistique pour le transfert d'accusés. 481 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Lutte contre l'impunité : Création, au sein de la MANUTO d'une «Special Crimes Unit» (SCU) chargée d'enquêter et de poursuivre les personnes responsables des crimes soumis à la compétence des Panels spéciaux. S/RES/1410 (2002) ; TIMOR LESTE / MANUTO / UNMISET MAI-02 MAI-05 S/RES/1473 (2003) ; S/RES/1543 (2004) Actions dans le domaine de la justice transitionnelle OUI Vérité : La section droits de l'homme de la MANUTO était chargée de « maintaining liaison with the Reception, Truth and Reconciliation Commission » (Rapport du Secrétaire général, S/2002/432, § 67). Observations 482 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Lutte contre l'impunité : Actions en lien avec le procès de C. Taylor par le TSSL (enquête, recherche, arrestation, protection). Lustration : - Recrutement des membres des forces de police comportant des enquêtes sur leur possible participation à des violations des droits de l'Homme. - Participation à la lustration des forces armées, processus mené sous l'autorité des États-Unis d'Amérique. S/RES/1509 (2003) ; S/RES/1626 (2005) ; S/RES/1638 (2005) ; LIBERIA / MINUL OCT.-03 MARS-18 S/RES/1885 (2009) ; S/RES/1938 (2010) ; S/RES/2190 (2014) ; S/RES/2239 (2015) OUI Vérité : Participation de la section droits de l'homme de la MINUL à la rédaction du statut de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), notamment à travers l'organisation, conjointement avec des ONG, le HCDH et le gouvernement, de vastes consultations nationales portant sur le mandat de la commission. La section a également fourni un soutien technique à la CVR en termes d'enquêtes et de rapports. Participation de la MINUL aux efforts de communication de la CVR, notamment à travers la mise à disposition d'une plage horaire hebdomadaire sur la radio de la mission. Mécanismes traditionnels : Soutien de la MINUL au projet du Fonds de consolidation de la paix visant à favoriser le dialogue et la réconciliation au travers du système traditionnel des palava hut. Recours au Chapitre 7 pour la promotion de la réconciliation nationale (S/RES/2190 (2014) et S/RES/2239 (2015) ). La MINUL, et particulièrement sa section droits de l'homme, a activement promu la justice transitionnelle, notamment par l'organisation de conférences et de journées d'étude portant sur le sujet. Dans le cadre de cette promotion, l'accent a été mis sur la lutte contre l'impunité et les poursuites pénales pour les violations graves des droits de l'Homme, passées et présentes. 483 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 S/RES/1739 (2007) ; S/RES/1933 (2010) ; S/RES/1981 (2011) ; AVR-04 JUIN-17 S/RES/2000 (2011) ; S/RES/2062 (2012) ; OUI S/RES/2162 (2014) ; S/RES/2226 (2015) ; S/RES/2284 (2016) JUIN-04 OCT-17 S/RES/1542 (2004) Vérité : La section droits de l'homme a fourni un soutien technique à la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), notamment au travers de la formation de ses membres, de l'aide à la rédaction du statut et de l'accompagnement lors des entretiens. Une unité « justice transitionnelle » a été créée au sein de la section dans ce but. Lustrations : L'ONUCI a été enjointe à « offer support with regard to the development of a sustainable vetting mechanism for personnel that will be absorbed in security sector institutions » (S/RES/2000, § 7(f)). La mission a établi, en collaboration avec les autorités ivoiriennes, des procédures pour l'évaluation des forces de police et de l'armée. L'évaluation était ensuite conduite par les autorités nationales. S/RES/2112 (2013) ; HAÏTI / MINUSTAH Observations Lutte contre l'impunité : Soutien technique à la « Cellule Spéciale d’Enquête relative à la crise postélectorale », créée en 2011 par le ministère de la justice. S/RES/1528 (2004) ; COTE D'IVOIRE / ONUCI Actions dans le domaine de la justice transitionnelle OUI Lustration : Le mandat initial de la MINUSTAH lui conférait pour tâche d' « aider le Gouvernement de transition à surveiller, restructurer et réformer la Police nationale haïtienne, conformément aux normes d’une police démocratique, notamment en vérifiant les antécédents de ses membres et en agréant son personnel » (S/RES/1542, section I (b)). Un programme national de réforme de la Police Nationale Haïtienne (PNH) a été adopté par les autorités nationales en consultation avec la MINUSTAH. Bien qu'instaurée sur le fondement du Chapitre 7, l'ONUCI a, dans le domaine de la justice transitionnelle, principalement agi en soutien des autorités nationales. Cette particularité, liée à la volonté de respecter l'appropriation nationale, a parfois nuit au mandat de la mission, subissant un manque de volonté de la Côte d'Ivoire et un contrôle trop lointain et insuffisamment contraignant de la part de la mission. Le manque de données sur les antécédents des membres de la PNH a nuit au fonctionnement effectif du programme de lustration de cette institution. 484 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Lutte contre l'impunité : Création de la « Serious Crimes Investigation Team » (SCIT) dans le but de continuer le travail de la SCU en termes d'assistance fournie au Procureur pour enquêter sur les cas de crimes graves commis dans le pays en 1999. - Participation de la MINUT à la sélection d'un procureur adjoint international pour le jugement des violences commises en mai 2006. TIMOR LESTE / MINUT / AOUT-06 DEC-12 UNMIT S/RES/1704 (2006) NON La MINUT a intégré la première section Lustrations : Établissement, au sein du plan de « Droits de l'homme et justice réforme de la Police Nationale du Timor Leste (PNTL), d'un processus de lustration des membres transitionnelle » au sein d'une OMP (rapport du Secrétaire général, de la police, en collaboration avec les autorités timoraises. L' «Arrangement on the restoration and S/2006/628 § 73 et s.). maintenance of public security In Timor-Leste and Le programme de lustration a été on assistance to the reform, restructuring and gravement défaillant, notamment du fait building of the Timorese National Police (PNTL) and du manque de coopération des autorités the Ministry of Interior Supplemental to the timoraises. Agreement between the United Nations and the Democratic Republic of Timor-Leste on the Status of the United Nations Integrated Mission in TimorLeste (UNMIT)», conclu le 1/12/2006 entre le Représentant spécial du Secrétaire général et le Premier Ministre timorais prévoit notamment que seront exclus de la PNTL ceux qui ont « been involved in human rights violations or criminal conduct » (Accord précité, annexe, Partie D). 485 PAYS / MISSION SOUDAN / MINUAD / UNAMID DATES DE DEBUT - FIN JUIL-07 PRESENT RESOLUTIONS S/RES/1769 (2007) CHAPITRE 7 OUI Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Malgré la présence de nombreux mécanismes de justice transitionnelle tant dans le Darfur Peace Agreement de 2006 que dans le Doha Document for Peace in Darfur de 2011, deux accords dont la mise Réparations : Soutien technique à la « Darfur en œuvre représentait une part Compensation Commission » (DCC). importante du mandat de la MINUAD, la Mécanismes traditionnels : Soutien technique au mission n'a entrepris que peu de tâches Darfur Peace and Reconciliation Council, établi par en lien avec la justice transitionnelle. Les conditions sécuritaires extrêmement le Darfur Peace Agreement, pour le règlement pacifique des conflits tribaux en coopération avec précaires ainsi que l'absence continue de les institutions traditionnelles. Les dialogues mis en bonne volonté de la part du œuvre ont notamment porté sur les « root causes gouvernement soudanais sont les causes principales de cet état de fait. Il faut tout of the conflict » (rapport du Secrétaire général, de même relever les nombreux efforts S/2011/643 - 12/10/2011, § 27-28). fournis par la MINUAD en termes de réconciliation inter-tribale, recourant régulièrement aux mécanismes et institutions traditionnelles de dialogue et de réconciliation. 486 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Lustrations : Création du « Détachement Intégré de Sécurité » (DIS), unité spéciale de la police tchadienne attachée à la protection des camps de personnes déplacées, pour lequel un processus approfondi de vérification des antécédents des candidats a été mis en œuvre. S/RES/1778 (2007) ; TCHAD / MINURCAT SEPT-07 - 12/2010 S/RES/1861 (2009) ; S/RES/1923 (2010) Actions dans le domaine de la justice transitionnelle OUI Mécanismes traditionnels : Dans le cadre du mandat de la mission, la division des affaires civiles de la MINURCAT a fourni un soutien aux efforts nationaux et locaux de réconciliation au niveau local. Ces efforts se sont souvent appuyés sur les autorités traditionnelles et sur des mécanismes traditionnels de réconciliation (voir par exemple le rapport du Secrétaire général sur la MINURCAT S/2009/359 - 14/07/2009, § 47). Observations 487 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Dans la continuité de la MONUC, la MONUSCO a vu sa section droits de l'homme fusionnée avec le bureau pays Lutte contre l'impunité : Conseils du Bureau du HCDH. A noter également qu'au sein conjoint des droits de l'homme (« Bureau de ce Bureau conjoint a été créée une conjoint ») aux autorités nationales pour la « transitional justice and fight against rédaction de la loi relative à la création de chambres spécialisées et internationalisées pour les impunity unit ». crimes graves commis entre mars 1993 et juin 2003. En l'absence de mesures de lustrations S/RES/1925 (2010) ; RDC / MONUSCO JUIL-10 PRESENT S/RES/2098 (2013) ; S/RES/2147 (2014) ; S/RES/2211 (2015) OUI prises par le gouvernement, malgré de - Procès : Soutien du Bureau conjoint à l'identification et au jugement, y compris en termes multiples appels de divers organes onusiens de protection des droits de de protection des victimes et des témoins, l'Homme, la MONUSCO a adopté un d'officiers responsables de graves violations des protocole de « devoir de diligence ». Ce droits de l'Homme. protocole consiste en premier lieu à Soutien et assistance aux actions de la CPI. enquêter sur le personnel des forces de Lustrations : Soutien de la MONUSCO et du HCDH à police et des forces armées nationales, la création d'une force de réaction rapide au sein puis à retirer tout soutien opérationnel des Forces Armées de RDC (FARDC), incluant un aux unités comprenant des membres programme d'enquêtes approfondies sur la soupçonnés d'avoir été impliqués dans participation des candidats à des violations des des violations des droits de l'Homme. droits de l'Homme. Bien que sans lien direct avec la justice Mécanismes traditionnels : Soutien de la transitionnelle, le caractère inédit de la MONUSCO aux initiatives locales de réconciliation à création d'une « brigade d'intervention » travers, notamment, la mise en œuvre de (S/RES/2098 (2013) § 9, 10 et 12(b)) ayant mécanismes traditionnels de réconciliation. une vocation offensive et un mandat de neutralisation des groupes armés rebelles doit être souligné. 488 PAYS / MISSION SOUDAN DU SUD / MINUSS / UNMISS DATES DE DEBUT - FIN JUIL-11 PRESENT RESOLUTIONS CHAPITRE 7 S/RES/1996 (2011) ; S/RES/2155 (2014) OUI Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Si la MINUSS n'a pas eu de mandat explicite en termes de justice transitionnelle, la signature du « Agreement on the resolution of the conflict in the Republic of South Sudan », Mécanismes traditionnels : Réconciliation : en le 17 août 2015 aurait pu intégrer cette accord avec son mandat, la MINUSS a soutenu les tâche dans les objectifs de la mission. Le efforts de « réconciliation intercommunautaire » chapitre V de l'accord prévoit en effet la (S/RES/2155 - 27/05/2014, § 4(a)v.). Ces efforts se mise en place de plusieurs mécanismes de sont notamment appuyés sur les autorités justice transitionnelle (commission vérité, traditionnelles sud-soudanaises (voir par exemple tribunal spécial et commission de réparation), que la composante droits de rapport du Secrétaire général, S/2011/678 l'homme de la MINUSS s'est engagée à 2/11/2011, § 80). soutenir. L'absence de mise en œuvre de ces dispositions par les autorités sudsoudanaises n'a toutefois pas permis à la MINUSS de développer ses activités dans ce domaine. 489 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Réconciliation : Soutien, en termes de communication notamment, à la Commission Dialogue et Réconciliation. S/RES/2100 (2013) ; MALI / MINUSMA AVR-13 PRESENT S/RES/2164 (2014) ; S/RES/2227 (2015) ; S/RES/2295 (2016) OUI Autorités traditionnelles : Appui aux initiatives locales, conduites essentiellement par les autorités traditionnelles, de promotion du dialogue et de la réconciliation intercommunautaire. Vérité : Conformément à son mandat (S/RES/2295, § 19(a)iii)), la MINUSMA a fourni un soutien technique à la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), incluant la formation de ses membres. Observations 490 PAYS / MISSION DATES DE DEBUT - FIN RESOLUTIONS CHAPITRE 7 S/RES/2149 (2014) ; RCA / MINUSCA AVR-14 PRESENT S/RES/2217 (2015) ; S/RES/2301 (2016) OUI Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Lustration : Programmes de « vérification des antécédents » (« vetting ») du personnel du secteur de la sécurité (S/2015/227 - 10/4/2015, § 52). Appui à la conduite d'un programme de « vérification simplifiée » des antécédents des membres des forces armées. « The simplified verification criteria include non-affiliation with active armed groups and non-violation of human rights and international humanitarian law standards, but fall short of international standards on vetting » (S/2015/918 - La MINUSCA présente un mandat inédit en matière de justice transitionnelle. C'est 30/1/2015, § 54). en effet la première fois qu'une OMP se Lutte contre l'impunité : Soutien à la Cour Pénale voit attribuer des tâches aussi précises Spéciale (conseil à la rédaction du statut, sélection dans ce domaine, telles qu'une mission des membres, y compris internationaux, protection claire de lustration des forces de sécurité, des victimes et des témoins). un appui explicite aux mécanismes de - Soutien aux enquêtes et aux arrestations menées justice transitionnelle et un soutien par les autorités nationales. détaillé à la Cour Pénale Spéciale. Vérité : Appui à la mise en place d'une Commission Il faut également noter que la MINUSCA a Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation. participé à l'organisation de plusieurs consultations nationales portant sur la Réconciliation : Soutien aux efforts locaux de justice transitionnelle et sur les formes réconciliation et organisation, en collaboration avec que celle-ci prendrait en RCA. le PNUD, le FCP et plusieurs ONG, de forums dédiés à la réconciliation nationale (Forum de Bangui sur la réconciliation nationale en avril et mai 2015). - Soutien et conseils au Ministère de la communication et de la réconciliation nationale pour l'élaboration d'un « Plan d'urgence pour la réconciliation nationale », visant notamment à appuyer les processus de réconciliation et le dialogue intercommunautaire. 491 Annexe III : Missions politiques spéciales et justice transitionnelle PAYS /MISSION DEBUT / FIN RESOLUTIONS / DOCUMENTS HAÏTI MICIVIH BURUNDI BNUB / UNOB FEVR.-93 / PRESENT NOV-93 / MAI-04 A/RES/47/20B (1993). S/26757 16/11/1993 (NOTE DU PRESIDENT DU CS) ; S/2001/1207 14/12/2001 (LETTRE DU PRESIDENT CS). Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Première opération conjointe ONU/OEA, en parallèle d'une mission ONU. Aucun, le rapport d'experts des droits de l'homme, souligne toutefois l'inclusion dans le mandat de la MICIVIH du traitement des crimes passés, mais note également que ce travail nécessitera l'élaboration préalable d'une infrastructure institutionnelle solide (A/47/908 23/03/1993, § 48-49). Vérité : Assistance de la MICIVIH au travail de la Commission Nationale Vérité et Justice (CNVJ) (choix de trois commissaires sur sept en consultation avec l'OEA). Aucun Le BNUB a œuvré comme facilitateur des négociations ayant menées à l'accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation du 28 août 2000, qui prévoit plusieurs mécanismes de justice transitionnelle. Le BNUB a également eu pour tâche de fournir des conseils aux autorités nationales ainsi qu'aux diverses composantes de l'ONU sur place pour la mise en œuvre de l'Accord. La MICIVIH aurait rejeté les appels des autorités haïtiennes requérant son aide pour le travail de la CNVJ et le suivi de ses recommandations, au motif que ces tâches dépassaient le mandat lui ayant été attribué. La majorité de l'assistance fournie par la mission à la CNVJ, notamment en termes de personnel, serait venue de l'OEA. 492 PAYS /MISSION DEBUT / FIN RESOLUTIONS / DOCUMENTS Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Réparations : Vérification des dispositions liées à l'indemnisation des victimes contenues dans l'accord général relatif aux droits de l'homme de 1994. La MINUGUA a ainsi contrôlé et conseillé le gouvernement quant à la définition de la victime ainsi qu'aux bénéficiaires des réparations. GUATEMALA/ NOV.-94 MINUGUA / DEC.-04 A/RES/48/267 (1994). Lutte contre l'impunité : Soutien au procureur général et contrôle de l'activité des tribunaux pénaux dans le jugement des crimes commis pendant le conflit civil ainsi que depuis la signature de l'accord de paix. Vérité : Suivi, en tant que superviseur de l'« Agreement on the Establishment of the Commission to Clarify Past Human Rights Violations and Acts of Violence that have Caused Guatemalan Population to Suffer » (accord établissant la CEH), du travail de la CEH et de son indépendance, ainsi que de la diffusion de son rapport. La MINUGUA a également contrôlé, sans pouvoir de sanction, la mise en œuvre des recommandations de la CEH exposées dans son rapport. Vérité / Lutte contre l'impunité : Suivi de l'implémentation des recommandations de la CEH y compris en matière de procédures judiciaires dans cas de violations des droits de l'homme identifiées par CEH. Observations 493 PAYS /MISSION DEBUT / FIN SALVADOR MAI-95 / MINUSAL MAI-96 SOMALIE JUIN-95 / UNPOS AVR-13 RESOLUTIONS / DOCUMENTS S/1995/144 17/02/1995, (LETTRE DU PRESIDENT SC AU SG). S/PRST/1995/ 15 - 6/04/1995 (DECLARATION DU PRESIDENT DU CS). Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Aucun Lustrations : Soutien aux efforts de « sélection et [d]'installation de juges » (« screening and vetting ») de la Cour Suprême (rapport du Secrétaire général, A/50/517 - 6/10/1995, § 14). Aucun Lustrations : Soutien aux programmes de lustration menés, principalement, par la Mission de l'Union Africaine en Somalie (AMISOM). Ces programmes ont concerné une large partie des membres de l'administration et du corps politique, de la police aux députés. Observations Le Bureau politique des Nations Unies en Somalie a connu des débuts extrêmement difficiles, dus à une situation sécuritaire des plus instables. Installé à Nairobi pour questions de sécurité, le Bureau n'a pu réinstauré son siège à Mogadiscio qu'en janvier 2012. Bien qu'ayant développé de nombreux efforts pour promouvoir la réconciliation nationale, y compris à travers l'implication dans le dialogue nationale des chefs traditionnels, la portée de ces initiatives en termes de justice transitionnelle n'est pas claire, raison pour laquelle elles n'apparaissent pas ici. 494 PAYS /MISSION DEBUT / FIN NOV.-97 LIBERIA BANUL/UNOL SEPT.-03 RESOLUTIONS / DOCUMENTS S/1997/712 12/09/1997 (RAPPORT DU SG) ; S/PRST/2002/ 36 13/12/2002 ; S/2003/468 23/04/2003 (ECHANGE DE LETTRES). Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Aucun Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Non renseigné Le BANUL a été le premier bureau d'appui à la consolidation de la paix. Si les actions concrètes menées par le Bureau n'ont pas pu être analysées, il est à noter que son mandat incluait « Promoting national reconciliation and resolution of the conflict, including through support for initiatives on the ground » (S/PRST/2002/36, p.3). Il est également à noter que les activités du BANUL ont été fortement perturbées par les violences en cours au Libéria. 495 PAYS /MISSION AFRIQUE DE L’OUEST/ UNOWA DEBUT / FIN NOV-01 / JUIN-16 RESOLUTIONS / DOCUMENTS S/2001/1129 29/11/2001 ; S/2007/754 21/12/2007 (LETTRE DU PRESIDENT SC AU SG). Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Global : « Undertake studies, organize forums and seminars and help develop practical and concerted strategies for addressing current and emerging issues, including the subregional dimensions of youth unemployment, fast growing urbanization, security sector reform, transitional justice (...) » (S/2007/753, annexe). Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Global : Soutien, conseil et coordination en matière de justice transitionnelle aux pays de la région ainsi qu'à toutes les institutions et organisations (institutions onusiennes, ONG, organisations régionales et sousrégionales, notamment CEDEAO…) œuvrant dans la région. Observations Bien que l'UNOWA ne conduise pas de projets en matière de justice transitionnelle, il œuvre dans ce domaine. Son mandat, essentiellement basé sur les bons offices et la coordination interinstitutionnelle, ne lui permet pas d'agir directement dans ce domaine. En revanche, ses activités de conseil et de bons offices sont nombreuses et considérées comme efficaces. Citons le soutien à la mise en place de la CVJR en Guinée Conakry, l'organisation de la conférence de Bamako sur l'impunité, la justice et les droits de l'homme, en 2011, suivie de l'adoption de la déclaration de Bamako, participant à l'adhésion de l'ensemble des acteurs régionaux à une vision commune, y compris en matière de justice transitionnelle. L'UNOWA a été la première mission politique régionale de l'ONU. En juin 2016, l'UNOWA fusionne avec le Bureau de l'Envoyée Spéciale pour le Sahel (OSES) et devient le Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS). 496 PAYS /MISSION DEBUT / FIN RESOLUTIONS / DOCUMENTS Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Global : La MANUA s'est vue attribuer la tâche d'« Offrir leurs bons offices pour appuyer, à la demande du Gouvernement afghan, la mise en œuvre de programmes de réconciliation menés par les Afghans » (S/RES/1868, § 4.d)), ainsi que d'« Appuyer et renforcer les efforts entrepris pour améliorer la gouvernance et l’état de droit, notamment la justice en période de transition » (S/RES/1917, § 6.b)). S/RES/1401 (2002); AFGHANISTAN MANUA / UNAMA MARS-02 / PRESENT S/RES/1868 (2009) ; S/RES/1917 (2010) . Lustration : La MANUA a été chargée de soutenir les autorités afghane à mettre en œuvre le Afghan Peace and Reintegration Program (APRP). Ce programme prévoit, entre autres des mesures de démobilisation et de réintégration des anciens insurgés, au travers, notamment, des procédures de lustration. Le rôle de l'UNAMA se limite à une mission de conseil au sein du Secrétariat conjoint établi dans le cadre de l'APRP Amnistie : L'APRP prévoit des mesures d'amnisties pour les anciens insurgés, après étude au cas par cas. Le rôle de la MANUA se limite à une mission de conseil au sein du Secrétariat conjoint établi dans le cadre de l'APRP. Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Global : Lobbying auprès du gouvernement afghan pour l'élaboration d'un plan d'action sur la JT. Organisation et participation à plusieurs conférences portant sur ce thème et soutien au travail de la Commission indépendant des droits de l'homme en Afghanistan (AIHRC), au travers du soutien aux propositions concernant la JT comprises dans son rapport « A call for justice ». -Organisation du « Afghan's people dialogue for peace », une série d'événements regroupant des membres de la société civile et de l'AIHRC autour des questions de réconciliation et de justice transitionnelle. Vérité : Soutien à l'AIHRC, chargée de recueillir des informations sur les violations des droits de l'Homme commises dans le passé. Lustration : Conseil aux autorités afghanes pour la sélection des candidats aux hautes fonctions de la police nationale afghane. « The selection process included vetting to exclude human rights violators » (A/60/712–S/2006/145 - 7/03/2006, § 16). Formulation de propositions auprès du gouvernement afghan pour l'évaluation des candidats au programme de réintégration. Observations 497 PAYS /MISSION IRAK / MANUI / UNAMI TIMOR LESTE / BUNUTIL / UNOTIL DEBUT / FIN AOUT-03 / PRESENT RESOLUTIONS / DOCUMENTS S/RES/1500 (2003) ; Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Aucun Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Global : Conseil et lobbying auprès des autorités pour l'adoption d'une stratégie en matière de justice transitionnelle. Cette tâche a impliqué plusieurs conférences et journées d'études portant, entre autres, sur la justice transitionnelle. Vérité : Soutien à la création du Centre national pour les personnes disparues en Irak, visant à venir en aide aux proches des disparus et à identifier les corps retrouvés. AVR-05 / AOUT-06 S/RES/1599 28/04/2005 Aucun Vérité : Assistance à la CAVR pour la rédaction et la publication du rapport final. Observations La quasi-totalité des mesures de justice transitionnelle adoptées en Irak a été développée et mise en place par l'Autorité Provisoire de la Coalition ( Coalition Provisional Authority, CPA), sans consultation avec l'ONU. 498 PAYS /MISSION DEBUT / FIN RESOLUTIONS / DOCUMENTS Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Lutte contre l'impunité : Soutien logistique au TSSL. SIERRA LEONE / BINUSIL UNIOSIL AOUT-05 / AOUT-08 S/RES/1620 (2005) Global : i) Renforcer les capacités des institutions publiques, afin qu’elles puissent continuer de s’attaquer aux causes profondes du conflit (S/RES/1620). Lutte contre l’impunité : d) Assurer la coordination avec le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (S/RES/1620). Vérité : Efforts de diffusion des conclusions de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) et soutien à la Commission Nationale des Droits de l'Homme pour la création d'un organisme de suivi de la mise en œuvre des recommandations de la CVR (« Recommendations matrix »). -Responsabilités en termes de protection des données accumulées par la CVR, notamment contre leur utilisation dans le cadre de procès menés par le TSSL. Réparations : Appui fourni aux autorités pour et promotion de la création du fond de réparations aux victimes, tel que recommandé par la CVR. Le BINUSIL est considéré comme un succès en termes de transition entre différentes opérations de paix de l'ONU. Il est également le premier bureau de consolidation de la paix à avoir travaillé en collaboration avec la Commission de Consolidation de la Paix. 499 PAYS /MISSION DEBUT / FIN BURUNDI JANV.-07 / / BINUB DEC.-10 RESOLUTIONS / DOCUMENTS S/RES/1719 (2006) Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Global : « Soutenir les efforts entrepris pour lutter contre l’impunité, en particulier grâce à la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, notamment une commission vérité et réconciliation et un tribunal spécial » (S/RES/1719 , § 2 (j)). Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Lutte contre l'impunité : Soutien à la création d'un Tribunal spécial, notamment au travers de consultations nationales mises en œuvre en décembre 2009. Ces consultations ont été encadrées par un comité directeur tripartite, dont le BINUB était membre. Le BINUB a participé à la formation des membres de ce comité ainsi qu'à des campagnes d'information et de sensibilisation du public en préparation des consultations nationales. Il a également participé aux consultations en elle même. Le BINUB a été le premier bureau d'appui à la consolidation de la paix ayant un mandat explicite en matière de justice transitionnelle. Il a été également le premier a fonctionner selon les principes du « unis dans l'action » (« deliver as one »), la nouvelle structure de la consolidation de la paix selon laquelle l'ensemble des organismes de l'ONU présents dans un pays travaillent de façon coordonnée, sous la direction d'un Représentant Exécutif du Secrétaire Général (ERSG) commun. Cette structure a été à l'origine de nombreux problèmes, notamment en termes d'une inadéquation sérieuse des ressources humaines et financières de la mission et du ERSG au regard de leurs tâches. Vérité : Soutien à la création d'une commission vérité et réconciliation, notamment au travers de consultations nationales (voir ci-dessus). Les mauvaises relations entretenues entre le BINUB et les autorités burundaises ont également nuit au travail du Bureau. 500 PAYS /MISSION DEBUT / FIN NEPAL JANV.-07 / / MINUN / UNMIN JANV.-11 RESOLUTIONS / DOCUMENTS S/RES/1740 (2007) Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Aucun Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Vérité : Soutien aux actions du HCDH Népal en vue de préparer la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation, telle que prévue par le Comprehensive Peace Agreement de 2006. Cette action a essentiellement consisté en l'organisation de conférences ainsi qu'en la communication autour des standards internationaux applicables à ce type de commissions. La MINUN est reconnue comme une opération inédite sous plusieurs aspects. Elle se place notamment à la limite entre une opération de maintien de la paix et une mission politique, à la fois par son mandat restreint et par la relative importance de ses effectifs. Son mandat ne lui permettant que peu de liberté d'action, notamment par l'absence de compétence en termes de bons offices, c'est le bureau népalais du HCDH qui a conduit les actions liées à la justice transitionnelle, en lien avec les institutions onusiennes membres de l'équipe pays de l'ONU au Népal. 501 PAYS /MISSION DEBUT / FIN SIERRA LEONE / AOUT-08 BINUCSIL UNIPSIL / MARS-14 RESOLUTIONS / DOCUMENTS S/RES/1829 (2008) Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Aucun Réparations : Dans le cadre du suivi des recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), le BINUCSIL a soutenu, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (FCP) les efforts nationaux visant à mettre en œuvre un programme de réparations aux victimes du conflit. Le BINUCSIL a été le second bureau d'appui à la consolidation de la paix, près le BINUB, à appliquer la politique « unis dans l'action » du Secrétaire général et à travailler avec la CCP. Contrairement au BINUB cette structure unifiée a semblé bénéficier grandement au Bureau et à ses actions. 502 PAYS /MISSION GUNEE BISSAU / BINUGBIS / UNIOGBIS DEBUT / FIN RESOLUTIONS / DOCUMENTS Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Lustration : La Mission a assisté et conseillé le ministre de l'intérieur pour la mise en place d'un processus « de contrôle de sécurité » (« vetting ») de la police (S/2010/335 - 24/06/2010, § 25). JUIN-09 / PRESENT Actions dans le domaine de la justice transitionnelle S/RES/1876 (2009) Aucun - Ce même processus a été conduit pour diverses institutions liées à la sécurité, tels que la douane, les pompiers, les services d'immigration et les services de renseignement. - Le processus de lustration a également été appliqué aux forces de défense. Observations Malgré plusieurs incitations de la part du Conseil de sécurité (S/RES/2013 (2013)) et du Secrétaire général, les autorités de la Guinée Bissau n'ont pas mené de programme de justice transitionnelle, ayant plutôt optées pour l'adoption d'une loi d'amnistie. 503 PAYS /MISSION DEBUT / FIN RESOLUTIONS / DOCUMENTS Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Observations Aucune Le volet justice transitionnelle du mandat du BINUCA paraît assez étrange, dans la mesure ou aucune mesure de ce type n'était appelée à être mise en place et que ce volet n'apparaît dans aucun document portant sur le Bureau (rapports du Secrétaire général, procès verbaux de sessions du CS...). L'intégration du BINUCA au sein de la MINUSCA quelques mois après l'extension de son mandat n'a pas donné au Bureau l'occasion de conduire des activités dans ce nouveau volet. Global : « Aider à renforcer les capacités de l’appareil judiciaire, y compris les mécanismes de justice transitionnelle, et des institutions nationales de défense des droits de l’homme, et contribuer aux efforts de réconciliation nationale » (S/RES/2121, § 10(d)) ; RCA JANV-10 / / BINUCA AVR-14 S/PRST/2009/ 5 - 7/04/2009 ; S/RES/2121 (2013) - « Concourir aux efforts de réconciliation, tant aux niveaux national que local, notamment à la faveur du dialogue interconfessionnel et de mécanismes vérité et réconciliation, de concert avec les autorités de transition et les organes régionaux compétents » (S/RES/2134, § 2 (a)). Lustration : « Souligne qu’il importe d’élaborer et de mettre en œuvre (...) des programmes de réforme du secteur de la sécurité, assortis notamment de procédures de vérification appropriées » (S/RES/2121, § 17). 504 PAYS /MISSION DEBUT / FIN RESOLUTIONS / DOCUMENTS Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Global : « Appuyer la lutte contre l’impunité, notamment par la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, afin de renforcer l’unité nationale, de promouvoir la justice et de favoriser la réconciliation au sein de la société burundaise, et fournir à ces mécanismes un appui opérationnel » (S/RES/1959, § 3(c)) ; BURUNDI / BNUB JANV.-11 / DEC.-14 S/RES/1959 (2010) ; S/RES/2090 (2013) Vérité : « Demande au Gouvernement burundais de collaborer avec les partenaires internationaux et le BNUB à la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, y compris une Commission Vérité et réconciliation crédible et consensuelle, qui aidera à promouvoir une réconciliation effective de tous les Burundais et la paix durable au Burundi » (S/RES/2090, § 8) Lustration : « Souligne l’importance de la réforme du secteur de la sécurité et demande instamment à tous les partenaires internationaux de continuer, de concert avec le BNUB, à aider le Gouvernement burundais à professionnaliser les services nationaux de sécurité et de police et renforcer leurs capacités, en particulier dans les domaines du suivi des violations des droits de l’homme » (S/RES/2090, § 11). Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Global : Formation et sensibilisation à la justice transitionnelle, notamment au travers l'organisation de journées d'étude sur le sujet, impliquant les décideurs politique et la société civile. Observations L'action du BNUB, ainsi que celle des Nations Unies en général, au Burundi, a été beaucoup critiquée pour son laxisme et son manque d'attention envers l'inclusion de la population et de la société civile -Création du « Forum National des dans la définition et la mise en Relais Communautaire en Justice de œuvre des mesures de justice Transition » (FONAREC/JT), chargé de transitionnelle. L'action du BNUB, et former des des autres opérations de l'ONU Vérité : Soutien, notamment en termes avant lui, a en effet été d'expertise, au comité technique sérieusement entravée par un nommé par la présidence burundaise en manque de coopération des vue de préparer la mise en place de la autorités burundaises, notamment Commission Vérité et Réconciliation au sein de l'exécutif. (CVR). Le BNUB est la première mission - Soutien à la rédaction du statut de la politique à avoir inclus une division CVR, notamment par la transmission de spécifique pour la justice commentaires portant sur le projet de transitionnelle. loi. 505 PAYS /MISSION LIBYE MANUL / UNSMIL DEBUT / FIN SEPT-11 PRESENT RESOLUTIONS / DOCUMENTS S/RES/2009 (2011) ; S/RES/2040 (2012) ; S/RES/2144 (2014) Mandat dans le domaine de la justice transitionnelle Actions dans le domaine de la justice transitionnelle Global : promotion et conseil en matière de justice transitionnelle. La division Droits de l'homme, justice Global : « la MANUL sera mandatée transitionnelle et état de droit a publié pour épauler et soutenir les efforts un rapport précisant le potentiel de la faits par la Libye afin de : justice transitionnelle en Libye (,,,) d) Défendre et protéger les droits (« Transitional Justice : Foundation for a de l’homme, notamment ceux des new Libya » septembre 2012), a personnes appartenant à des groupes organisé une conférence sur la justice et vulnérables, et soutenir la justice la réconciliation regroupant des transitionnelle » (S/RES/2009, § 12 d)). membres de la société civile libyenne et -La MANUL a pour mandat d'aider les cherchant à établir les attentes de ces autorités libyennes « à arrêter et acteurs dans ce domaine (décembre mettre en œuvre une stratégie globale 2012) et a fourni aux autorités de justice transitionnelle » libyennes des commentaires et des (S/RES/2040, § 6. b)). conseils pour la rédaction de la loi de justice transitionnelle adoptée le - La MANUL a pour mandat d'aider « le Gouvernement libyen à garantir à 2/12/2013 (Loi 29/2013). tous les détenus, y compris les Lustration : Conseil auprès du Congrès enfants, un traitement humain et pour l'adoption de la loi sur l'isolation respectueux de la légalité, à donner politique et administrative (« Political pleinement application à sa loi de and Administrative Isolation Law »). La justice transitionnelle et à opérer des division justice transitionnelle a critiqué réformes et à bâtir une justice l'adoption de cette loi comme ne indépendante et des institutions correspondant pas aux standards policières et pénitentiaires internationaux en matière de lustration. transparentes et responsables » Vérité : Soutien au Parlement pour la (S/RES/2144, § 6. b)). désignation des membres de la Commission d'établissement des faits et de Réconciliation. Soutien également au travail des membres de la Commission. Observations Déployée dans un contexte sécuritaire très instable, la MANUL a peiné à mener à bien son mandat. La reprise des combats en 2014 a d'ailleurs mené au délaissement de l'aspect justice transitionnelle du mandat de la MANUL, qui n'apparaît plus dans les résolutions du Conseil de sécurité. Le choix d'une opération politique spéciale intégrée attribuant une grande importance à « l'appropriation nationale » a également cantonné la MANUL a un rôle de conseil et d'accompagnement, tributaire d'autorités nationales peu promptes à mettre en œuvre une stratégie de justice transitionnelle efficace. 507 Annexe IV : Synthèse de l’action des opérations de paix 1482 dans le domainee de d la justice transitionnelle Synthèse globale : Opérations de paix et justice transitionnelle elle (1990-2018) 55 (60%) Opérations avec justice transitionnelle 37 (40%) Opérations de paix sans justice transitionnelle Synthèse par période : 1990-1999 12 (24%) 38 (76%) 1482 2000-2009 Opérations avec justice transitionnelle Opérations sans justice transitionnelle 10 (38%) 16 (62%) 2010-2018 Opérations avec justice transitionnelle Opérations sans justice transitionnelle Opérations avec justice transitionnelle 7 (44%) (44% 9 (56%) Opérations sans justice transitionnelle Ces graphiques regroupent les actions menées par l’ensemble de des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales créé réées ou en activité à partir de 1990. 509 Annexe V : Bureaux-pays du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et justice transitionnelle PAYS DATES DE DEBUT / FIN. BOLIVIE 2007 / PRESENT Actions menées Réparations : Conseils pour l'élaboration de la loi permettant l'octroi de réparations aux victimes des violations des droits de l'Homme. Lutte contre l'impunité : Soutien à la Chambre spéciale pour crimes de guerre de la Cour suprême de Bosnie-Herzégovine. Ce soutien a visé, entre autre, à faciliter le jugement par la Bosnie-Herzégovine des affaires transmises par le TPIY. - Formations auprès de la société civile sur les questions de protection des témoins dans le cadre des procès pour crimes de guerre. BOSNIEHERZEGOVINE 1994 / 2007 - Conseils pour la révision de la loi relative à la protection des témoins vulnérables ou en danger. -Conseil et soutien aux victimes participant aux procès pour les crimes commis durant le conflit. Réparations : Soutien aux victimes du conflit et promotion et conseils pour la révision du cadre légal lié à la protection sociale de ces victimes. Lustration : Soutien aux autorités nationales pour la mise en conformité des procédures de lustration de la police nationale menées par la MINUBH avec les normes de droits de l'Homme, notamment liées au procès équitable. CAMBODGE 1993 / PRESENT Lutte contre l’impunité : Suivi du travail des Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens (CETC) et efforts pour optimiser les retombées positives de la juridiction hybride sur le système judiciaire national, notamment à travers l'établissement et la promotion de bonnes pratiques. 510 PAYS DATES DE DEBUT / FIN. Actions menées Global : Promotion de la justice transitionnelle par le biais de conférences et journée d'étude. Lutte contre l'impunité : Conseils et assistance technique pour la mise en œuvre de la loi Justice et paix. Adoptée en 2005, cette loi prévoit la mise en place de poursuites pénales pour les crimes commis pendant le conflit civil, des réparations aux victimes ainsi que des peines allégées pour les combattants démobilisés et ayant reconnu leur implication dans des violations des droits de l'Homme. COLOMBIE 1997 / PRESENT - Promotion et soutien pour l'amendement de la loi Justice et Paix de Colombie. Lustration : Le HCDH Colombie a fourni des conseils et de l'assistance technique à la Cour suprême pour le programme de poursuites des membres du Congrès ayant entretenu des liens avec des groupes paramilitaires illégaux. Réparations : Promotion des standards internationaux, conseil et assistance technique pour l'élaboration de la loi sur les victimes et la restitution des terres, visant à indemniser les victimes du conflit, y compris en termes de restitution des terres. La loi a été adoptée en juin 2011. Le HCDH a facilité le dialogue entre les institutions créées par cette loi et les victimes. CROATIE 1993 / 2002 Lutte contre l'impunité : Formation des juges et procureurs et organisation de séminaires pour l'information, la sensibilisation et la partage d'expériences dans le domaine de la poursuite des crimes de guerre. 511 PAYS DATES DE DEBUT / FIN. Actions menées Global : Promotion, auprès de la société civile, de la justice transitionnelle notamment au travers de conférences et de publications d'articles et de communiqués de presse. - Soutien au programme de soutien à la justice transitionnelle (PAJUST) du PNUD, conduit en collaboration avec le Fonds de consolidation de la paix (programme de consolidation du droit à la vérité, de la justice, des réparations et des garanties de non répétition). - Assistance fournie au centre de formation juridique sur une multitude de domaines, dont la justice transitionnelle, intégrée au cursus. GUATEMALA 2006 / PRESENT Lutte contre l'impunité : Formation des procureurs nationaux sur les questions de protection des témoins et de poursuites des cas de disparitions forcées, en lien avec le conflit armé. Réparations : Conseils et assistance technique au programme national de compensations. Vérité : Soutien aux efforts de lobbying de la société civile en faveur de l'adoption de la loi sur la recherche nationale des victimes de disparitions forcées et du programme national de réparations. - Assistance technique auprès du Congrès pour la création de la Commission nationale de recherche des victimes de disparition forcée. Global : Promotion et assistance technique pour l'élaboration d'une stratégie en matière de justice transitionnelle. - Assistance technique à la Commission pour la réconciliation nationale, chargé d'établir les priorités et les demandes en matière de justice transitionnelle. GUINEE 2010 / PRESENT - Assistance technique à l'élaboration des consultations nationales sur la réconciliation nationale, chargées d'évaluer les attentes nationales en termes de justice transitionnelle. Vérité : Promotion et assistance technique pour la mise en place d'une commission vérité, justice et réconciliation, comme recommandé par la Commission internationale d'enquête. 512 PAYS DATES DE DEBUT / FIN. Actions menées Global : Promotion de la justice transitionnelle auprès du grand public et de la société civile. Soutien aux initiatives de la société civile en termes de réflexion sur la justice transitionnelle au Kosovo. Lustration : Conseils à la MINUK pour les régulations portant sur la lustration des juges et procureurs. KOSOVO 2007 / 2015 Lutte contre l'impunité : Promotion pour la création du Panel consultatif relatif aux droits de l'homme, chargé de recueillir les plaintes dirigées contre le personnel de la MINUK. Par la suite, le bureau du HCDH au Kosovo a effectué un travail de soutien des activités du panel et de promotion de son travail auprès du public. Vérité et réconciliation : Participation à la création, par les autorités du Kosovo et avec l'implication active de membres de la société civile, du Groupe de travail sur le traitement du passé et la réconciliation, chargé d'étudier la possibilité d'instauration de mécanismes de justice transitionnelle. MAURITANIE MEXIQUE 2010 / PRESENT 2002 / PRESENT Global : Promotion de l'instauration de mécanismes de justice transitionnelle pour le traitement de la période dite du « passif humanitaire », notamment au travers l'organisation de consultations nationales (2011) et d'un séminaire sur la justice transitionnelle (2013). Aucun mécanisme n'a finalement été mis en place. Global : Promotion, conseil et assistance technique pour l'élaboration, l'adoption et la mise en œuvre de la « Loi générale pour les victimes », adoptée en 2012. Cette loi vise à faciliter et garantir l'accès des victimes de violation des droits de l'homme passées, présentes et futures, en lien avec la guerre contre le narcotrafic ou toute autre circonstance, à la justice, à la vérité, aux réparations pécuniaires et symboliques ainsi qu'à des garanties de non répétition. Le texte est ouvertement inspiré de l'expérience colombienne. Vérité et réparation : Promotion et conseils pour l'élaboration de la loi sur les disparitions forcées, notamment la création d'un programme chargé de rechercher les personnes disparues ainsi que des mesures facilitant l'obtention d'un certificat de disparition pour les proches des personnes disparues. 513 PAYS DATES DE DEBUT / FIN. Actions menées Global : Organisation de groupes de travail pour la formation de membres de la société civile et de partenaires du gouvernement dans divers domaines, dont la justice transitionnelle. Vérité : Le HCDH a commenté le projet de statut de la Commission vérité et réconciliation, prévue par l'accord de paix de 2006. Les critiques du HCDH ont notamment concerné l'indépendance de la Commission, notamment au travers de la sélection de ses membres ainsi que la possibilité pour la Commission d'accorder des amnisties, y compris pour des crimes internationaux. Le manque de consultation préalable avec la population a également fait l'objet de critiques, le HCDH ayant proposé son aide pour l'organisation de consultations nationales. - Le HCDH a soutenu les efforts du gouvernement et a fourni des commentaires sur le projet de loi relatif à la création de la commission d'enquête sur les disparitions forcées. NEPAL 2005 / 2012 Réparations : Promotion de l'inclusion de mesures de réparations au sein ou en parallèle des commissions vérité et réconciliation et d'enquête sur les disparitions forcées. Lustrations : Soutien aux mesures de lustration adoptées par le gouvernement vis-à-vis de l'armée népalaise. Le HCDH a également milité pour exclure des opérations de maintien de la paix de l'ONU (le Népal figurant parmi les plus importants contributeurs de troupes de ces opérations) les éléments des forces de sécurité népalaises à l'égard desquels existaient des soupçons crédibles d'implication dans des violations des droits de l'Homme. Lutte contre l'impunité : Le HCDH a fortement critiqué, en collaboration avec la Commission nationale des droits de l'homme au Népal, l'abandon par le gouvernement de poursuites pénales à l'encontre de responsables politique. Ces abandons étaient officiellement effectués en conformité avec l'accord de paix, prévoyant l'abandon des « political accusations, claims, complaints and cases under-consideration ». La Commission nationale des droits de l'homme et le HCDH ont contesté le caractère politique des affaires concernées par l'abandon des poursuites. 514 PAYS DATES DE DEBUT / FIN. Actions menées Global : Conseil et transmission de propositions pour l'inclusion de mécanismes de justice transitionnelle dans les accords de paix. - Organisation de consultations nationales en 2007, visant à déterminer et faire connaître les attentes de la population en termes de justice transitionnelle. OUGANDA 2005 / PRESENT - Conseils et commentaires sur le projet de loi sur la justice transitionnelle. Réparations : Promotion, auprès du groupe gouvernemental sur la justice, la loi et l'ordre, de l'inclusion des réparations au sein de la réflexion sur l'établissement d'une stratégie de justice transitionnelle. Amnistie : Consultations, conseils et promotion d'une modification de la loi d'amnistie générale adoptée en 2000. La loi a été révisée en 2012 pour exclure l'amnistie générale, qui a ensuite été réintégrée dans la loi en 2013. RFY / SERBIE-ETMONTENEGRO 1996 / 2007 Lutte contre l'impunité : Promotion des poursuites pénales et du respect par celles-ci des droits de l'homme pour les cas de crimes de guerre. TOGO 2006 / 2015 Vérité : Soutien à l'élaboration de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), notamment au travers de l'organisation de consultations nationales sensées déterminer la forme et les modalités de fonctionnement de la future CVJR. Global : Conseils techniques aux premières commissions établies en 2011 pour l'établissement des faits et pour les réparations. - Promotion de la justice transitionnelle auprès de la société civile et des victimes au travers l'organisation de multiples conférences et séminaires. TUNISIE 2011 / PRESENT - Participation et soutien technique pour l'organisation des consultations nationales organisées en 2012 pour déterminer les attentes de la population en termes de justice transitionnelle. - Soutien technique et conseils fournis au ministère des droits de l'homme et de la justice transitionnelle pour l'élaboration de la loi sur la réconciliation et la justice transitionnelle. Le HCDH a fourni des commentaires détaillés sur cette loi ainsi que sur l'Instance Vérité et Dignité (IVD) qu'elle prévoit. Le HCDH a également fourni des commentaires sur les programmes de lustration prévus en Tunisie. - Formation des membres de l'IVD et soutien technique et financier, en collaboration avec le PNUD, à son travail. 515 PAYS DATES DE DEBUT / FIN. Actions menées Global : Conseils et commentaires sur le projet de loi sur la réconciliation et la justice transitionnelle. YEMEN 2012 / PRESENT Vérité : Promotion de l'établissement d'une commission nationale d'enquête et d'une commission vérité et réconciliation. Réparations : Soutien technique aux commissions nationales sur les questions de restitution des terres ainsi que sur la question des licenciements abusifs. Formation des membres de ces commissions. 516 517 INDEX THÉMATIQUE (Les numéros renvoient au paragraphes) A C Accords de paix : 40 ; 115 ; 145 ; 218 ; Commissions vérité : 30 ; 80-82 ; 90-91 ; 238 ; 249 ; 345 144 ; 157 ; 159 ; 166 ; 195-196 ; 260-264 ; Administrations transitoires : 113 ; 237 ; 273-274 ; 282-303 ; 343-348 ; 380 ; 519- 366 ; 502 ; 532 523 − ATNUTO : 91 ; 114 ; 295-298 ; 345 ; Conseil de sécurité : 366 ; 375 ; 502 ; 532 − MINUK − Approche : 91 ; 341 ; 435 ; 502 ; 509 ; et pratique de la justice transitionnelle : 2 ; 96 ; 166 ; 170 ; 532 ; 545 ; 547-550 253-254 ; 287 ; 356 ; 365-366 ; 369 ; 387 ; 422-435 ; 449 ; 464 ; 509-511 Amnisties : 115 ; 123 ; 145 ; 186 ; 188 ; 218-219 ; 224 ; 233 ; 244 ; 250 − Rôle normatif : 211 ; 213 ; 236-247 ; 509-511 Appropriation nationale : 362 ; 370 ; 476 Conseil des droits de l’homme : 2 ; 97 ; Assemblée générale : 74 ; 87 ; 95 ; 152 ; 449 207 ; 214-215 ; 243 ; 253 ; 445 ; 518 Consultations nationales : 367-372 B Bosnie-Herzégovine : 260 ; 305 ; 335 ; 401 ; 502 Bureaux-pays du Haut-Commissariat aux droits de l’homme : 47-48 ; 151 ; Côte d’Ivoire : 196 ; 302 ; 520 D Darfour : 299 ; 511 Démocratie : 13 ; 63 ; 70-91 250 ; 354 ; 489 Département des affaires politiques : Burundi : 150 ; 238 ; 299 ; 368 ; 369 44 ; 462 ; 468-469 Département des opérations de maintien de la paix : 36 ; 462 ; 468-469 518 Disparitions forcées : 126 ; 129 ; 202-203 Dispositif de consolidation de la paix : Holiste (approche) : 106 ; 120-122 ; 134136 ; 154 ; 282 ; 304 ; 388 ; 391 ; 445 370 ; 474-479 I Droit international humanitaire : 499 ; Immunités : 186 ; 225-226 ; 297 ; 507 ; 529 ; 533 509-512 ; 516 ; 522 Droits de l’Homme : 97 ; 102 ; 19 ; 195- Îles Salomon : 196 ; 302 196 ; 100-101 ; 208 ; 416-417 ; 463 ; 401502, 530-534 J Jus cogens : 220-227 − Droits économiques, sociaux et Justice (droit à la) : 130-131 ; 185-187 culturels : 104; 162-165 ; 318 Juridictions internationales pénales E État de droit : 2 ; 92-119 ; 240 ; 254 ; 478 − Chambre spéciale pour les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine : 79 ; G 401 Garanties de non-répétition : 127 ; 133 ; 136-140 − Chambres 342 ; 402 ; 457 Génocide : 394 ; 414 ; 419 − Chambres Guatemala : 17 ; 90 ; 144 ; 196 ; 346 ; 348 ; 416 Guinée : 368 ; 370 extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens : 79 ; 337338 ; 397-398 ; 401-402 ; 410 ; 428 − Chambres spécialisées au Kosovo : 342 ; 360 − Cour H Haïti : 85 ; 86 ; 90 ; 144 ; 344 ; 346 ; 456 Haut-Commissariat africaines extraordinaires : aux droits de l’homme : 36 ; 40 ; 46-48 ; 53 ; 113 ; 129 ; 134 ; 159 ; 162 ; 188 ; 197-198 ; 218 ; 250251 ; 270-271 ; 273 ; 275-277 ; 301 ; 373374 ; 461-466 ; 468-469 ; 489 ; 492 ; 544 pénale internationale : 341 ; 410 ; 419 ; 423 ; 433-435 ; 458 ; 483-484 ; 511-512 ; 520-522 − Cour pénale spéciale centrafricaine : 239 ; 300 ; 396 ; 478 ; 510 − Panels 64 au Kosovo : 79 ; 91 ; 337 ; 341 ; 401 ; 404 519 − Panels spéciaux pour crimes graves au Lustrations : 34-36 ; 42 ; 78 ; 118 ; 146 ; Timor Leste : 79 ; 295 ; 337 ; 401 ; 149 ; 153 ; 259-260 ; 276 ; 305 ; 310 ; 409 ; 430-431 335 ; 349-351 ; 449 ; 492 − Tribunal militaire international de Nuremberg : 407 ; 412 − Tribunal M Mali : 305 ; 454 ; 459 ; 520 ; 533 spécial pour la Sierra Léone : 79 ; 150 ; 211 ; 224 ; 290-294 ; 338 ; Mécanismes traditionnels : 37-38 ; 109 ; 341 ; 379 ; 396 ; 401 ; 429-431 ; 509 159 ; 372-376 ; 385 ; 450 ; 465 − Tribunal spécial pour le Liban : 337- 338 ; 366 ; 397-398 ; 410 ; 429 − Tribunaux N Népal : 119 ; 454 pénaux internationaux : 145 ; 333 ; 334 ; 338 ; 388 ; 393-394 ; Non-rétroactivité (de la loi pénale) : 401 ; 404 ; 409 ; 426-427 ; 430 ; 433 (Voir Légalité (principe de)) ∗ TPIY : 68 ; 206-207 ; 211 ; 224 ; 283-286 ; 402-403 ; 435 O ∗ TPIR : 379 ; 387 ; 408 Opérations de paix : 2 ; 86 ; 88 ; 90 ; 108109 ; 462 ; 467-469 ; 489 ; 492 ; 507 K Kosovo : (Voir aussi MINUK et Panels 64) − Panel consultatif des droits de l’homme : 547-550 L Légalité (principe de) : 111-112 ; 407411 Libéria : 162 ; 166 ; 168 ; 196 ; 239-240 ; − Opérations de maintien de la paix : 37 ; 41-42 ; 86 ; 145 ; 218 ; 324-325 ; 327 ; 355 ; 364 ; 442 ; 468 ; 478 ; 484 ; 493 ; 496-504 ; 514-516 ; 520-522 ; 529-533 − Missions politiques spéciales : 44-46 ; 145 ; 255 ; 354 ; 364 ; 462 ; 468 ONG : 118-119 ; 202 302 ; 310 ; 344-346 ; 376 ; 378-379 ; 476 ; Organisations régionales : 57 ; 342 ; 358- 478 360 ; 480-481 Libye : 435 ; 453 ; 465 − Organisation des États américains : 342 ; 359 ; 456 520 − Union africaine : 342 ; 358-360 ; 423 ; 457 ; 481 ; 484 − Union Salvador (El) : 7 ; 84 ; 86 ; 90 ; 144 ; européenne : 342 ; 358 ; 457 ; 146 ; 149 ; 196 ; 282 ; 322 ; 324 ; 344347 ; 450 481 ; 484 Secrétaire général : 13 ; 19-20 ; 22 ; 34 ; P Programme des Nations Unies pour le développement : 49 ; 160 ; 166 ; 270 ; 276 ; 363 ; 373 ; 376 ; 450 ; 465 ; 478 37 ; 40 ; 43 ; 45 ; 53 ; 69 ; 74 ; 96 ; 99100 ; 108-109 ; 113 ; 120 ; 123 ; 156 ; 158 ; 165 ; 181 ; 211 ; 218 ; 248-251 ; 255 ; 271 ; 274 ; 367 ; 384 ; 393 ; 449 ; 452 ; 464-465 ; 467 ; 488 ; 492 ; 507 ; R Rapporteur S spécial sur la justice transitionnelle : 97 ; 113-114 ; 120 ; 135 ; 509 ; 516-517 ; 520 ; 529 ; 534 ; 538 ; 541542 ; 545 137 ; 160 ; 164 ; 167 ; 197 ; 269 ; 273 ; Sierra Léone : (Voir aussi Tribunal Spécial 275 ; 563 pour la Sierra Léone) 68 ; 75 ; 91 ; 119 ; Réconciliation : (Voir aussi mécanismes traditionnels) 20 ; 38 ; 43 ; 63 ; 67 ; 77 ; 81 ; 86 ; 88-89 ; 138 ; 156-160 ; 239-240 ; 150 ; 162 ; 164 ; 166 ; 196 ; 238 ; 290294 ; 311-312 ; 341 ; 344-348 ; 372 ; 379380 ; 402 ; 452-454 ; 523 273 ; 334 ; 381 ; 387 ; 392 ; 397 ; 402 ; Société civile : 100 ; 110 ; 117-119 ; 251 ; 413 ; 475-476 320 ; 345 ; 366 ; 396 Réparations : 33 ; 128-129 ; 132-139 ; Somalie : 86 ; 88 ; 494 ; 508 146 ; 153 ; 189-194 ; 197 ; 204 ; 262-264 ; 277 ; 305 ; 307 ; 311 ; 348 ; 398 ; 403 ; 414-417 ; 420 ; 489 ; 514-518 ; 550 Standardisation : 63 ; 104 ; 108-109 ; 270 ; 279 ; 319 ; 436 ; 564-565 République centrafricaine : (Voir aussi T Cour pénale spéciale centrafricaine) 239- Tchad : 376 240 ; 299-300 ; 342 ; 356 ; 376 ; 396-397 ; 454 ; 478 ; 510 ; 544 Timor-Leste : (Voir aussi ATNUTO et Panels spéciaux pour crimes graves) 30 ; 150- République Démocratique du Congo : 151 ; 162 ; 166 ; 168 ; 176 ; 196 ; 295- 196 ; 355 ; 430 ; 454 ; 494-495 ; 497 ; 516- 298 ; 344-351 ; 372 ; 375 ; 452-453 517 ; 520 521 Tribunaux administratifs des Nations Unies : 541-546 Tunisie : 1 ; 368 ; 371 V Vérité (droit à la) : 126-129 ; 134 ; 198 ; 203 522 523 Table des matières SOMMAIRE .......................................................................................................................... 5 SIGLES ET ABREVIATIONS ............................................................................................. 7 INTRODUCTION ............................................................................................................ 13 Section I Une justice transitionnelle « onusienne » .................................................. 15 §1/ La nécessité d’une analyse de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle.............................................................................................. 15 A) L’ONU, un acteur majeur du développement de la justice transitionnelle .. .............................................................................................................. 16 B) La méconnaissance de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle .................................................................................................... 17 §2/ La définition onusienne de la justice transitionnelle .................................. 19 A) L’objet de la justice transitionnelle .......................................................... 20 B) La finalité de la justice transitionnelle ..................................................... 22 C) Les mécanismes de la justice transitionnelle............................................ 23 Section II Les instruments de l’analyse de l’action de l’ONU dans le domaine de la justice transitionnelle.................................................................................................... 25 §1/ L’analyse du discours onusien ................................................................... 25 §2/ Une analyse systématique de la pratique onusienne .................................. 26 A) 1. 2. 3. 4. 5. La délimitation nécessaire des mécanismes pris en compte .................... 26 Les commissions vérité ......................................................................... 27 Les procès pénaux ................................................................................. 29 Les programmes de réparation .............................................................. 30 Les programmes de lustration................................................................ 31 Les mécanismes traditionnels de justice et de réconciliation ................ 32 B) La délimitation des moyens d’action ....................................................... 33 1. Les moyens retenus ............................................................................... 33 a. Les accords de paix .............................................................................. 34 b. Les opérations de maintien de la paix .................................................. 34 c. Les missions politiques spéciales ......................................................... 35 d. Les bureaux-pays du Haut-Commissariat aux droits de l’homme ....... 36 2. Les moyens exclus ................................................................................. 37 Section III Limites et portée de l’analyse de la justice transitionnelle onusienne ....... 38 §1/ Les limites à l’analyse de la justice transitionnelle onusienne................... 38 A) Les limites liées à l’ampleur de l’action onusienne ................................. 38 B) Les limites liées à la nature de l’action onusienne ................................... 39 524 §2/ La portée de l’analyse de la justice transitionnelle onusienne ................... 41 PARTIE 1 : LE DEVELOPPEMENT D’UN CADRE COHERENT POUR LA JUSTICE TRANSITIONNELLE ONUSIENNE ..........................................45 TITRE 1: L’ELABORATION D’UNE APPROCHE ONUSIENNE DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE FONDEE SUR LA CONSOLIDATION DE LA PAIX ................ 49 Chapitre 1. La justice transitionnelle au service de la mission onusienne de reconstruction de l’État .................................................................................................... 51 Section I La justice transitionnelle au service de la démocratisation de l’État ......... 52 §1/ Une justice ancrée dans la transition démocratique ................................... 53 A) L’objectif onusien de la démocratisation des États .................................. 54 B) Les vertus démocratisantes de la justice transitionnelle .......................... 56 §2/ La substantialisation par la justice transitionnelle de l’action onusienne de démocratisation ...................................................................................................... 59 Section II La justice transitionnelle au service de la restauration de l’état de droit ... 65 §1/ L’intégration de la justice transitionnelle au sein de l’action pour la restauration de l’état de droit .................................................................................. 66 A) L’affirmation de la complémentarité de la justice transitionnelle et de l’état de droit ...................................................................................................... 66 B) Une technocratisation de la justice transitionnelle au nom de l’état de droit ? .............................................................................................................. 70 §2/ La relation ambiguë de la justice transitionnelle à la restauration de l’état de droit .................................................................................................................... 76 A) Une ambiguïté fondamentale : l’état de droit et la transition ................... 77 B) Une ambiguïté onusienne : l’encadrement de l’État par la société civile 80 Chapitre 2. La construction d’un modèle holiste de justice transitionnelle .................... 83 Section I L’interdépendance des composantes de la justice transitionnelle .............. 84 §1/ L’interdépendance des piliers de la justice transitionnelle ........................ 85 A) Le droit à la vérité .................................................................................... 86 B) Le droit à la justice ................................................................................... 88 C) Le droit à réparation ................................................................................. 90 D) Les garanties de non-répétition ................................................................ 92 §2/ L’interdépendance des mécanismes de justice transitionnelle ................... 95 A) 1. 2. La vision initiale de mécanismes ponctuels ............................................. 95 Les contraintes contextuelles de l’action initiale onusienne.................. 96 Le caractère réactif de la justice transitionnelle onusienne ................... 97 B) Le développement de stratégies globales de justice transitionnelle ......... 99 Section II L’expansion risquée de la justice transitionnelle ..................................... 103 525 §1/ L’ambiguïté onusienne vis-à-vis de l’objectif de réconciliation nationale .... .................................................................................................................. 103 §2/ La diversification de l’objet de la justice transitionnelle ......................... 106 A) L’incorporation des violations des droits économiques, sociaux et culturels dans la justice transitionnelle ............................................................ 107 B) L’adoption d’une approche sexo-spécifique de la justice transitionnelle .... ............................................................................................................ 109 Conclusion du Titre I...................................................................................................... 113 TITRE 2: L’ELABORATION PAR L’ONU D’UN CADRE NORMATIF DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE ...................................................................................... 115 Chapitre 1. L’engagement limité de l’ONU en faveur de l’encadrement normatif des politiques de justice transitionnelle ................................................................................ 119 Section I Le développement onusien d’une justice transitionnelle juridicisée ....... 120 §1/ Un effort de réinterprétation au service de la juridicisation de la justice transitionnelle ....................................................................................................... 121 A) La réinterprétation des normes internationales à l’aune de la justice transitionnelle .................................................................................................. 121 1. L’appropriation du droit à la justice par la justice transitionnelle ....... 121 2. La reconstruction incomplète d’un droit à réparation des victimes..... 124 B) La réinterprétation de la justice transitionnelle à l’aune des normes internationales .................................................................................................. 127 §2/ L’effort de création normative au service de la justice transitionnelle .... 130 A) La création par l’ONU d’un droit conventionnel de la justice transitionnelle .................................................................................................. 130 B) La justice transitionnelle : un terreau de l’expansion du rôle de l’ONU dans la formation coutumière ? ....................................................................... 133 1. La justice transitionnelle face à la formation coutumière.................... 133 2. La centralité des organes onusiens dans l’identification des normes coutumières de la justice transitionnelle ........................................................ 136 3. Une contribution de l’ONU à la formation de normes coutumières ? . 138 C) L’adaptation du jus cogens aux objectifs de la justice transitionnelle ... 142 Section II Le refus de consécration d’un droit à la justice transitionnelle................ 146 §1/ L’absence de droit à la justice transitionnelle .......................................... 147 A) L’impossible circonscription d’un droit à la justice transitionnelle ....... 147 B) 1. L’application variable d’une obligation de justice transitionnelle ......... 149 La création limitée d’obligations ponctuelles de justice transitionnelle.... .......................................................................................................... 149 2. L’absence de volonté onusienne de développement d’une obligation générale de justice transitionnelle .................................................................. 153 §2/ L’émergence d’une exigence de justice transitionnelle ........................... 155 526 A) L’activisme des organes intégrés onusiens dans la promotion de la justice transitionnelle .................................................................................................. 155 B) La justice transitionnelle comme exigence du maintien de la paix et de la sécurité internationale ...................................................................................... 158 Chapitre 2. L’encadrement incomplet des mécanismes de justice transitionnelle ....... 161 Section I L’élaboration progressive de modèles de mécanismes de justice transitionnelle ............................................................................................................. 162 §1/ Le développement de standards onusiens pour l’encadrement des mécanismes de justice transitionnelle .................................................................. 163 A) Les garanties d’indépendance et d’impartialité des mécanismes de justice transitionnelle .................................................................................................. 164 B) Les garanties d’efficacité des mécanismes ............................................ 166 §2/ L’encadrement des mécanismes de justice transitionnelle par les politiques onusiennes ............................................................................................................ 168 A) Le développement d’un cadre propice à la formulation d’une politique onusienne ......................................................................................................... 169 B) Les préconisations onusiennes en matière de mécanismes de justice transitionnelle .................................................................................................. 172 Section II L’absence de régulation de la coordination des mécanismes de justice transitionnelle ............................................................................................................. 176 §1/ La difficile coordination des commissions vérité et des tribunaux pénaux internationaux ....................................................................................................... 177 A) La construction d’une complémentarité idéalisée entre les procès pénaux et les commissions vérité ................................................................................. 178 1. Le dépassement progressif de l’exclusion mutuelle des commissions vérité et des tribunaux pénaux ....................................................................... 178 2. La prise de conscience des défis de la coordination ............................ 180 B) L’expérimentation inaboutie des modèles d’encadrement du partage d’informations entre commissions vérité et tribunaux pénaux ........................ 181 1. L’échec partiel de l’encadrement du partage d’informations entre les commissions vérité et les juridictions pénales hybrides ................................ 181 a. L’expérience chaotique de la Sierra Léone ........................................ 182 b. La portée limitée des innovations du modèle timorais ....................... 184 c. L’absence de définition de cadre de coopération dans les expériences en cours. ......................................................................................................... 187 2. La préférence pour une protection stricte des informations des commissions vérité vis-à-vis des tribunaux nationaux .................................. 189 §2/ L’apparente indifférence vis-à-vis des autres interactions des mécanismes de justice transitionnelle ....................................................................................... 190 527 A) Le caractère limité des interactions entre les mécanismes de justice transitionnelle .................................................................................................. 190 B) L’absence d’encadrement des interactions des mécanismes de justice transitionnelle .................................................................................................. 192 Conclusion du Titre 2 ..................................................................................................... 195 Conclusion de la Partie 1 ................................................................................................ 197 PARTIE 2 : L’APPLICATION DESORDONNEE DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE PAR L’ONU ................................................................. 199 TITRE 1: L’ADAPTATION LABORIEUSE DE L’ACTION ONUSIENNE AUX OBJECTIFS DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE .................................................... 203 Chapitre 1. L’incertitude quant au degré d’internationalisation de l’action onusienne 205 Section I Le retrait progressif de l’implication onusienne dans la mise en œuvre de la justice transitionnelle.................................................................................................. 206 §1/ Le recul partiel de l’implication directe de l’ONU dans les mécanismes de justice transitionnelle............................................................................................ 206 A) L’inadéquation de la gestion intégrale par l’ONU aux objectifs de la justice transitionnelle ....................................................................................... 207 B) 1. 2. 3. L’hybridité : le bilan mitigé d’une action entre improvisation et ambition . ............................................................................................................ 210 Les tribunaux hybrides : la pérennisation d’une action improvisée .... 210 Les commissions vérité hybrides : une garantie internationale inaboutie . .......................................................................................................... 215 L’échec de l’hybridation des programmes de lustration ..................... 218 §2/ Le développement d’un rôle de contrôle des actions menées en matière de justice transitionnelle............................................................................................ 220 A) Le contrôle exercé par l’ONU sur les mécanismes nationaux ............... 220 B) La délégation limitée de l’action aux organisations régionales ............. 223 Section II L’ancrage national de la justice transitionnelle onusienne ...................... 226 §1/ A) Les garanties onusiennes de l’appropriation nationale ............................ 226 Le consentement de l’État comme condition d’engagement de l’action 227 B) Les besoins des populations comme élément déterminant de la forme de l’action ............................................................................................................ 231 C) §2/ Les pratiques traditionnelles comme élément d’appropriation de l’action .. ............................................................................................................ 234 L’écueil d’une justice transitionnelle intraétatique. ................................. 237 A) Les limites de la justice transitionnelle étatique pour des conflits transétatiques ................................................................................................... 238 B) Les pistes pour une régionalisation de la justice transitionnelle ............ 240 528 Chapitre 2. Le recours maladroit à la justice internationale pénale comme mécanisme de justice transitionnelle...................................................................................................... 245 Section I L’intégration délicate de la justice internationale pénale au sein de la justice transitionnelle.................................................................................................. 246 §1/ La tentative d’adaptation des juridictions pénales internationales aux objectifs de la justice transitionnelle .................................................................... 247 A) L’attribution ambitieuse des objectifs de la justice transitionnelle aux juridictions pénales internationales ................................................................. 248 B) Le bilan mitigé des juridictions pénales internationales vis-à-vis des objectifs de la justice transitionnelle ............................................................... 251 §2/ Le risque de dénaturation réciproque de la justice internationale pénale et de la justice transitionnelle ................................................................................... 256 A) La moralité de la justice transitionnelle et le respect chancelant des principes du droit international pénal .............................................................. 257 B) La justice pénale internationale et l’individualisation excessive de la responsabilité au sein de la justice transitionnelle ........................................... 262 Section II Les réticences du Conseil de sécurité face à la justice internationale pénale .................................................................................................................. 269 §1/ La question de l’opportunité de l’action pénale : la persistance du dilemme entre paix et justice ............................................................................................... 270 §2/ Un engagement minimal pour l’efficacité de l’action pénale : le cas des garanties de coopération des États........................................................................ 273 A) L’abandon compréhensible du modèle vertical de coopération ............. 274 B) La réticence coupable de la condamnation du refus de coopération ...... 278 Conclusion du Titre 1 ..................................................................................................... 281 TITRE 2: L’ADAPTATION DEFAILLANTE DE L’ONU FACE AU DEVELOPPEMENT DE SON ACTION DANS LE DOMAINE DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE....................................................................................................... 283 Chapitre 1. L’institutionnalisation lacunaire de la justice transitionnelle onusienne ... 285 Section I La dispersion des compétences onusiennes en matière de justice transitionnelle ............................................................................................................. 286 §1/ Une dispersion des compétences entre les structures intergouvernementales .................................................................................................................. 287 A) La multiplication de compétences concurrentes au sein de la famille onusienne ......................................................................................................... 287 B) §2/ L’implication croissante des acteurs extérieurs ..................................... 294 Une dispersion des compétences entre les structures intégrées ............... 296 A) Le leadership imparfait du Haut-Commissariat aux droits de l’homme 297 B) Le maintien d’une concurrence au sein du Secrétariat........................... 301 529 Section II L’imperfection de la coordination opérationnelle de l’action de l’ONU . 304 §1/ A) 1. 2. Le paradoxe onusien de l’éclatement de la coordination ......................... 305 Les insuffisances du nouveau dispositif de consolidation de la paix ..... 305 Les faiblesses inhérentes au dispositif de consolidation de la paix ..... 306 La dilution du dispositif au sein des mécanismes de coordination...... 308 B) Le refus légitime de l’institutionnalisation de la coordination avec les acteurs extérieurs ............................................................................................. 311 §2/ Les limites de la coopération par l’intégration......................................... 315 A) Les apports de l’intégration de la justice transitionnelle ........................ 316 B) Les limites de l’intégration de la justice transitionnelle......................... 318 Chapitre 2. L’extériorité injustifiée de l’ONU vis-à-vis de la justice transitionnelle ... 321 Section I L’applicabilité souhaitable de la justice transitionnelle à l’ONU ............ 323 §1/ La prise en compte de l’évolution du maintien de la paix onusien .......... 323 A) L’évolution du contexte de l’action : la participation aux hostilités et l’abandon partiel de l’impartialité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies .................................................................................................. 324 B) L’évolution des domaines d’intervention : opérations multidimensionnelles, gouvernance onusienne et justice transitionnelle ........ 327 §2/ L’exclusion regrettable de la participation des agents onusiens aux mécanismes de justice transitionnelle .................................................................. 331 A) L’absence d’engagement de la responsabilité pénale des agents de maintien de la paix. .......................................................................................... 332 B) L’exclusion des agents onusiens des mécanismes extra-judiciaires de justice transitionnelle ....................................................................................... 338 1. L’approche restrictive de l’ONU face aux réparations ........................ 338 2. Le flou de la situation des agents onusiens face aux commissions vérité . .......................................................................................................... 344 Section II L’application par l’ONU d’une logique de protection de l’Organisation 347 §1/ Le caractère inabouti de l’élaboration d’un cadre juridique visant à la responsabilisation de l’Organisation. ................................................................... 348 A) L’encadrement juridique partiel de l’action de l’ONU .......................... 349 B) Le développement insuffisant de garanties du respect du cadre juridique... ............................................................................................................ 354 §2/ A) Les mirages de la responsabilisation de l’Organisation ........................... 358 Les déficiences de la protection des lanceurs d’alerte ........................... 359 B) La création de mécanismes inopérants : l’exemple du Panel consultatif des droits de l’Homme au Kosovo .................................................................. 364 Conclusion du Titre 2 ..................................................................................................... 369 Conclusion de la Partie 2 ................................................................................................ 371 530 Conclusion générale ....................................................................................................... 373 BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................. 379 ANNEXES......................................................................................................................... 455 Annexe I : Accords de paix et justice transitionnelle ..................................................... 455 Annexe II : Opérations de maintien de la paix et justice transitionnelle........................ 475 Annexe III : Missions politiques spéciales et justice transitionnelle ............................. 491 Annexe IV : Synthèse de l’action des opérations de paix dans le domaine de la justice transitionnelle ................................................................................................................. 507 Annexe V : Bureaux-pays du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et justice transitionnelle ................................................................................................................. 509 INDEX THÉMATIQUE.................................................................................................... 517 TABLE DES MATIERES ................................................................................................. 523