Academia.eduAcademia.edu

Watsuji et la découverte de la philosophie japonaise

2005, Actes de Conférence, 2ème Congrès du Réseau Asie.

Après des années d'apprentissage en Europe, les philosophes japonais se mirent à la recherche de leurs propres sources philosophiques, en dehors du champ de la tradition grecque. Un exemple précoce, sous l'ère Meiji, en fut le journal Tôyô Tetsugaku (« Philosophie orientale »), qui s'intéressa à l'histoire et aux traditions asiatiques. Toutefois, l'un des premiers à attirer l'attention sur le Japon lui-même fut Watsuji Tetsurô. Ses articles consacrés au bouddhiste zen Dogen Kigen semblent attester de l'existence d'une philosophie pré-moderne au Japon. Cet exposé examinera tout d'abord les circonstances historiques et idéologiques de la découverte de Watsuji. La deuxième partie traitera des postulats philosophiques qui permettent de compter Dogen au rang des philosophes. L'auteur proposera enfin un bilan de la contribution de Watsuji à la quête d'une philosophie authentiquement japonaise.

www.reseau-asie.com Enseignants, Chercheurs, Experts sur l’Asie orientale, centrale, méridionale, péninsulaire et insulaire / Scholars, Professors and Experts on the North, East, Central and South Asia Areas (Pacific Rim included) Communication La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines < Watsuji's discovery of philosophy in pre-modern Japan > Ralf MUELLER Doctorant en Philosophie, Humboldt-Universität (Berlin); Membre de la Deutsche Forschungsgemeinschaft Graduiertenkolleg, Hochschule für Philosophie and Ludwig-Maximilians-Universität (Munich) 2ème Congrès du Réseau Asie / 2nd Congress of Réseau Asie <Asia Network> 28-29-30 sept. 2005, Paris, France Centre de Conférences Internationales, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Fondation Maison des Sciences de l’Homme Thématique / Theme : Arts et littératures / Literature and the Arts Atelier 35 / Workshop 35 : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique / Individual, subjectivity, and society in Japan: the philosophical standpoint © 2005 – Ralf MUELLER - Protection des documents / All rights reserved Les utilisateurs du site : http://www.reseau-asie.com s'engagent à respecter les règles de propriété intellectuelle des divers contenus proposés sur le site (loi n°92.597 du 1er juillet 1992, JO du 3 juillet). En particulier, tous les textes, sons, cartes ou images du 1er Congrès, sont soumis aux lois du droit d’auteur. Leur utilisation autorisée pour un usage non commercial requiert cependant la mention des sources complètes et celle du nom et prénom de l'auteur. The users of the website : http://www.reseau-asie.com are allowed to download and copy the materials of textual and multimedia information (sound, image, text, etc.) in the Web site, in particular documents of the 1st Congress, for their own personal, noncommercial use, or for classroom use, subject to the condition that any use should be accompanied by an acknowledgement of the source, citing the uniform resource locator (URL) of the page, name & first name of the authors (Title of the material, © author, URL). - Responsabilité des auteurs / Responsability of the authors Les idées et opinions exprimées dans les documents engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Any opinions expressed are those of the authors. 1 Watsuji et la découverte de la philosophie dans le Japon pré-moderne. – Àprès l’introduction de la philosophie occidentale au Japon, les intellectuels portèrent leur regard sur les origines Est-asiatiques de leur tradition. Toutefois, Watsuji Tetsurǀ fut l'un des premiers à attirer l'attention sur le Japon lui-même. Ses articles consacrés au bouddhiste zen, Dǀgen Kigen, semblent attester de l'existence d’une philosophie pré-moderne au Japon. Cet exposé examinera les circonstances historiques de la découverte de Watsuji et montrera que l’étude du langage permet de compter Dǀgen au rang des philosophes. Watsuji's Discovery of Philosophy in Pre-Modern Japan. – After the introduction of Western philosophy in Japan, intellectuals have an eye on east-asian sources of their own tradition. But Watsuji Tetsuro was one of the first to shift the attention towards Japan itself. His articles on the Zen Buddhist Dǀgen Kigen tended to prove the existence of philosophy in pre-modern Japan. This presentation will examine the historical circumstances of Watsuji's discovery and discuss language as what makes it possible to consider Dǀgen a philosopher. Introduction: Donner un nom à la philosophie Watsuji Tetsurǀ, philosophe de la culture, publia en 1926 une étude ayant pour titre : « Le Moine Dǀgen »i. Ce faisant, il établit durablement la célébrité du moine dans l’histoire de la pensée japonaise, puisqu’il « mettait l’accent sur l’aspect proprement philosophique du Shōbōgenzō, et rejetait les interprétations confessionnelles » ([7], p.11) – ainsi que Faure le dira avec précaution . Cette réserve de Faure est due au fait que Watsuji entendait libérer Dǀgen de la prison confessionnelle dans laquelle il avait été enfermé, de manière à le présenter comme un philosophe devant tous les types de publics. Pour Watsuji, Dǀgen fut avant tout un penseur de la culture mondiale. Comment Dǀgen devint-il philosophe ? La réponse que Watsuji apporte à cette question est contestée. Il soutient que Dǀgen est à la recherche de la vérité et qu’il exprime cette dernière par le langage. De plus, Dǀgen utilise un concept de langage apparenté à λόγος. C’est sans doute la raison pour laquelle Faure remarque qu’« on a vu fleurir, surtout au Japon, des comparaisons parfois hâtives entre Dǀgen et les principaux représentants de la ou des traditions philosophiques et religieuses de l’occident » ([7], p.30-31). Finalement, Watsuji parle d’un développement dialectique du λόγος et s’essaie, de manière hâtive, à une comparaison. Mais c’est là un premier cas qu’il nous faut l'étudier. En outre, Watsuji donna un nom à la philosophie pré-moderne du Japon. Celui-ci est encore valable aujourd'hui, et Dǀgen mis à part, aucun penseur pré-moderne n'est compté au rang de philosophe dans les revues spécialisées de philosophie. Dǀgen représente la philosophie japonaise par excellence, comme on le voit par exemple dans « Une histoire de la culture japonaise », où l’auteur observe que Dǀgen « déploie la qualité du japonais » ([3], p. 224). Bien qu’il vécut comme un moine du Moyen-Âge, il parle de la même matière que Nishida Kitarǀ, le fondateur de la philosophie japonaise des temps modernes (ibid.). I. Le maître du zen doit-il savoir parler ? Depuis le 18ème siècle, l’occident s’interroge au sujet du statut de l’expérience religieuse ; récemment, l’expérience mystique a été plus particulièrement l’objet d’une réfutationii. En Asie, au contraire, on trouve une véritable culture des états mentaux extraordinaires qui, dans le zen, font autorité. En Occident, le Zen de Suzuki est très connu pour avoir souligné que le satori est un état Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 1 2 ineffable. Il constitue le fondement de ce genre de dialogue en provenance de la Chine (daté aux environs de l’année 900) : « One day Po-ling said to the Layman: ’Whether you can speak [savoir exprimer dǀtoku] or whether you can’t, you cannot escape.’ Now tell me, what is it you can’t escape? The Layman winked. » ([32], p. 56) Watsuji oppose Dǀgen à toute la tradition du Zen et se rapporte à son œuvre écrite. Il ne fait nulle part référence au Shōbōgenzō ou « Trésor de l'Œil de la Vraie Loi » - lorqu’il est question de sa conception du temps ou de ses autres notions philosophiques - mais aux écrits complets qui viennent parfaire une philosophie, même si cette philosophie n'est pas ensuite l’objet d’une approche systématique. Dǀgen refusa l’image d’une ‘zone de silence’ et se guérit du mutisme éveillé. En fait, il écritit un fascicule basé sur l’expression « savoir exprimer » (dōtoku), et qui débute comme suit : «Tous les Bouddha et patriarches savent exprimer [la vérité] parfaitement. C’est la raison pour laquelle lorsqu’un Bouddha ou un Patriarche en distingue un autre, il lui demande immanquablement s’il peut - oui ou non - exprimer [toute la vérité] » ([9], p. 609). II. Claquer des doigts Le mot japonais dont il est question ici, et que l'on prononce dōtoku ou dōte, signifie au sens large « savoir exprimer », mais aussi « expression parfaite », « pouvoir de parole » ou, comme l'a traduit Girard, « savoir exprimer [la vérité] parfaitement »iii. Ce mot se retrouve à peu près 120 fois dans 24 des 95 cahiers du Shōbōgenzō. Si on y ajoute les synonymes et antonymes du même champ sémantique, on voit se manifester l’importance du langage dans l’œuvre de Dǀgen et se présenter une perspective philosophique d'ensemble. L’interprétation du mot dōtoku deviendra le centre de l'étude de la pensée de Dǀgen en tant que philosophe. Les commentaires confessionnels traditionnels ne facilitent pas, au début, l'interprétation d'ensemble. Selon Menzan (18ème siècle) «l’expression parfaite exprime aujourd'hui la formidable manifestation d’effet des Bouddhas et patriarches, […] l’expression parfaite ne se limitant pas à la bouche ou à la langue ; maintes fois on exprime [la vérité] parfaitement, partout, soit par un bâton, soit par un cri, soit par un claquement de doigts » ([21], vol. 5 p. 461). Si l'on suit cette explication, dǀtoku rend ici vivable l’univers aussi bien que les choses quotidiennes. Comment peut-on, dès lors, analyser ce mot ? En lisant Dǀgen à nouveau. Ueda Shizuteru constate que jusqu’en 1995, les études japonaises concernant Dǀgen manquent de précision au niveau de leur lecture ([43], p. 157-160). On y critique particulièrement les interprétations à la manière de Watsuji, qui unifient les deux faces que sont la religion et la philosophie. On y trouve aussi une tendance à subsumer la pratique du zazen sous le langage et la parole. Ueda oppose à cela une citation de Dǀgen : « Cependant, lorsqu’on arrive à proférer cette expression parfaite, on s’abstient d’exprimer ce qui ne peut l’être » ([9], p. 609). Même si le langage offre une perspective philosophique, il faut d’abord examiner chez Dǀgen la philosophie et la religion dans leur aspect irréductible, puis étudier leur relation. Ueda en conclut que « ce ‘dire / non-dire’ chez ‘Dǀgen’ en tant que texte peut être considéré comme un fait central » ([43], p. 173-174). III. La philosophie – une discipline nouvelle S’il n'est pas courant aujourd’hui de considérer en occident les maîtres du Zen comme des philosophes, il en allait de même dans le japon de la fin du 19ème siècleiv. Le bouddhisme en général n’était pas reconnu comme une pratique intellectuelle, bien qu’un certain Léon de Rosny ait qualifié déjà en 1876 Kǀbǀ Daishi, fondateur du Shingon japonais, de philosophe ([34]). Pour les Japonais, la tradition d’esprit demeure plutôt confucianiste et, de fait, obsolète. Nishi Amane est un bon exemple de cette tendance. Éduqué par des maîtres confucianistes, il fit de 1862 à 1865 des Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 2 3 recherches en Europe dans le but de moderniser la pensée au Japon. Et, presque par hasard, il fit la connaissance d’une discipline encore inconnue au Japon : la philosophie. La philosophie qui fut d’abord introduite au Japon est identique à celle de l’Europe. En 1897, cependant, Inoue Tetsujirǀ jetta un regard « Sur le développement des idées philosophiques au Japon avant l'introduction de la civilisation européenne » ([15]). Selon lui, la qualité des confucianistes des 17 et 18ème siècles prouve « que les considérations philosophiques débutent chez nous par l’étude des doctrines de Shushi et d’Oyǀméi » ([18], pp. 27-28). Par contre, « l’influence des Bouddhistes fut un certain temps immense, mais elle dut à la fin se circonscrire au domaine religieux » (ibid.). Ce n'est que dans une note de bas de page qu'il fait référence à l’un des représentants d’une « école bouddhiste », lequel est en fait le « peintre, sculpteur, calligraphe et écrivain connu en tant que prêtre : Kǀbǀ Daishi » (cité par la traduction allemande, [17], p.6). IV. Le bouddhisme en tant que source de la philosophie On trouve pourtant, aussi, un mouvement de bouddhistes intellectuelsv. Aux alentours des années 1880, l’influence des bouddhistes sur la philosophie japonaise se fit sentir. En 1879, par exemple, le président de l’université de Tǀkyǀ, Katǀ Hiroyuki, nomma un prêtre du Soto zen, Hara Tanzan, à l'institut de philosophie afin qu’il enseigne la philosophie aux côtés d’Ernest F. Fenollossa. Hara commença aussitôt avec un commentaire de Fa-ts’ang (patriarche du Bouddhisme Hua-yen) concernant « Le Traité sur l’acte de foi dans le Grand Véhicule » ; il modifia ainsi la perspective de la philosophie occidentale en Asie. Plus tard, apparaîtra un professorat pour la philosophie orientale en général qui, de fait, ne se consacre pas exclusivement à la philosophie japonaise. À Kyǀto, une situation semblable laisse un observateur venu d’Europe souhaîter « qu’une philosophe particulière et synthétique se déploie au Japon » ([2]). Il existe à Kyǀto, depuis 1995, un professorat pour la philosophie japonaise ; mais spécialisé qu’il est au niveau de son histoire et de son champ d'étude, il se pose à lui-même des limites se limites en faisant débuter la philosophie japonaise avec l’année 1868. Un siècle plus tôt, les Japonais s’intéressent déjà à l'époque pré-moderne et cherchaient des sources philosophiques dans le bouddhisme ancien. Un bon exemple en est Inoue Enryǀ.. Pour lui, la science et la philosophie sont un moyen d’actualisation du bouddhisme. En même temps, le bouddhisme est considéré comme supérieur au christianisme car il abandonne la notion d’une divinité anthropomorphe et créatrice de l’univers. De plus, les prémisses ontologiques du concept shinnyo 真如 - terme bouddhiste qui signifie « vérité » - offrent la base du système moderne de philosophie bouddhiste. Mais l’engagement d’Inoue Enryǀ ne se réduisit pas à l’écriture ; il fut aussi membre et promoteur de diverses associations et sociétés d'intellectuels. À partir de 1894, il publia le journal « Philosophie orientale », dans lequel on trouve en 1896 « Une brève biographie de Jǀyǀ Daishi » ([1]). Il s’agit du premier article consacré à Dǀgen et auquel on donna, à titre postume, le titre Jǀyǀ Daishi. D'après le contenu de cet article, ce moine était, à l'époque, encore inconnu dans la communauté scientifique. V. Le moine sur le chemin de la philosophie Au tournant du siècle, on intègra simplement Dǀgen dans le zen vi .. La connaissance générale du Zen à propos du Zen était encore limitée à cet énoncé datant du 13ème siècle : « The Zen tradition is the most profound basis of the Bouddha-Dharma, for it is very deep and most subtle. Basically there is not any one thing that exists. From the very beginnig there are no defilements; originally [all] is bodhi. Bodhidharma came from the west. [This tradition] does not posit any written Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 3 4 authority » ([10]). Ce ne sont pas les sutras qui devraient former les bases de la tradition du Zen, mais plutôt la pratique de la méditation et de l'éveil. Comment peut-on intégrer une œuvre écrite comme le Shōbōgenzō dans la tradition du zen ? En raison de sa complexité, ce texte sombra dans l’oubli, même parmi les moines du Zen Sǀtǀ. Ce n'est qu'au 17ème siècle qu'il fut relu par des patriarches de la lignée de Dǀgen. Cette époque fut aussi celle d’une approche nouvelle de la philologie japonaise. À la fin du 19ème siècle, des efforts philologiques furent de nouveau mis en oeuvre en vue d’édifier une sorte de catéchisme qui put rendre le Shōbōgenzō crédible auprès du public. Après que fut abrogée la défense d’imprimer qui avait eu cours jusqu’au 19ème siècle, les confessionnels essayèrent de lutter contre la profanation du Shōbōgenzō en revivant la tradition des genzōe 眼蔵会, réunions au cours desquelles on le lut sous direction du prêtre Nishiari Bokusan, bien connu comme commentateur des écrits de Dǀgen. En opposition aux approches confessionnelles se forma un groupe d'intellectuels qui lurent les textes du Zen à titre mongekan 門 漢. Il s’agit de non-initiés ou de profanes qui traitaient le Shōbōgenzō comme un objet d’histoire. On retrouve parmi eux Inoue Enryǀ qui publia, dès 1893, la « Philosophie du zen » ([15], vol. 6 p. 247-326), en précisant qu’il n’était lui-même ni éclairé, ni étudiant du Zen auprès d’un maître. Son but était seulement de clarifier les postulats philosophiques des fondements du Zen ([15], vol. 6 p. 249). Selon Inoue, il est tout à fait possible de pénétrer les profondeurs du zen au moyen du langage. Il observe en outre que des maîtres du zen utilisent la parole pour en enseigner l’essence aux disciples, ne serait-ce que pour faire la différence entre le faux et la « vérité ineffable ». Le bouddhisme utilise le langage comme moyen (jap. 方便 hōben, sansk. upâya) d’expression, bien qu’il ne se fie pas à sa capacité de vecteur de la vérité ([15], vol. 6 p. 282). Le zen, tout au plus, reste dépendant du langage pour exprimer le fait que la vérité est inexprimable au moyen de mots relatifs. Ainsi, le mot juste d’une transmission entre cœur et cœur (jap. isshin denshin 一心伝心) suppose l’enseignement d’une langue. Car comment pourrait-on comprendre le « non-dit » de ce mot juste si on était incapable de le comprendre lui même? Inoue analyse ensuite des « termes dǀgeniens » comme le « non-penser » (jap. hishiryō 非 思 ) dans ses relations avec le « relatif » et « l’absolu », posant ainsi un regard philosophique sur le moine ([15], vol. 6 p. 309). Mais il faudra encore longtemps – jusqu’en 1911 - pour que l’épistémologue Yodono Yǀjun publie – dans le journal « Philosophie orientale » – un article intitulé « La religion et la philosophie de Dǀgen » ([48]). Il y réfléchit au problème du langage dans le Zen, mais cite aussi la critique du Zen traditionnel qu’on retrouve dans un cahier du Shōbōgenzō ([48], no. 5 p. 22). De la même manière, il accepte l'importance de la religion, même s’il fait un résumé très précis et détaillé qui divise la philosophie en « contemplation (conception) du monde (Weltanschauung) » et en « contemplation de l’homme ». Bien qu’il existe peu d'études du genre de celle de Yokono, il y manque les idées d’un génie égal à Watsuji. Il demeure que ses articles des années 1920-1923 enflammèrent les intellectuels au sujet de Dǀgen. VI. Les circonstances et résultats d’une découverte L’influence de Yodono sur Watsuji n’est pas prouvéevii. Mais il est frappant de constater à quel point ce dernier affermit lui aussi la position de Dǀgen dans la tradition du Zen, en particulier sa critique devant la transmission de la vérité au-delà du langage. L’intérêt de Watsuji pour le bouddhisme s’éveilla vers 1912, période au cours de laquelle on trouve aussi chez lui des notes de lecture à propos de Nietzsche, Schopenhauer ou Bergson. Pour lui, par exemple, la notion bergsonienne de vie évoque des associations au nirvana ([50], p. 42). Son intérêt pour l’esthétique bouddhiste l'amena aux temples anciens de Nara ; il publia un essai au sujet de ce tour à Nara, essai Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 4 5 qui entraîna là-bas un véritable flot de visiteurs. Il essaya enfin de préciser la particularité du bouddhisme japonais suite à son introduction au Japon à partir la Chine. L’œuvre de Dǀgen se présente comme une appropriation originale du bouddhisme chinois. Elle offre selon Watsuji une interprétation immaculée de la doctrine du fondateur Shakyamuni. Watsuji étudia par la suite le bouddhisme indien primitif, ce qui influença profondément son travail en éthique. Dǀgen demeura néanmoins au centre de son intérêt. Il édita un de ses écrits et lut intensivement le Shōbōgenzō pendant les années de guerre. Son dernier livre sur Dǀgen compléta sa bibliothèque une année avant sa mort, survenue en 1960. Le début de l’intérêt de Watsuji pour le bouddhisme alla de pair avec une recherche de l'identité japonaise ; sa thèse, déjà, faisait preuve d’une telle recherche. Par contre, les motifs nietzschéens qu’on y trouvaient alors continuèrent d’influencer son interprétation de Dǀgen et y donna un caractère élitiste. Certaines implications politiques étaient aussi à l’œuvre. On remarque que déjà en 1968, la plupart des lecteurs de Dǀgen étaient proches du national conservatisme (voir [41]). Ils étaient à la recherche de personnages élitistes et supérieurs aux Chinois. Ils considéraient Dǀgen comme un nationaliste idéaliste car il assuma la responsabilité de la succession de son maître chinois en la portant au Japon. On trouve par exemple parmi eux ƿkawa Shnjmei qui s’occupa de Dǀgen dès 1921 dans ses études historiques concernant le Japon. Il était apprécié et lu pendant les années de guerre. Les libéraux, les socialistes et les libertaires furent quant à eux attirés par Shinran, un moine qui prêchait un bouddhisme des pauvres, des débiles et des marginaux. Par exemple, un étudiant de Nishida, Miki Kiyoshi, trouva dans Shinran une « foi de rédemption » comparable au christianisme qui, lui, supporte un espoir de masse. Mais il se trouva aussi des moines dans la lignée de Dǀgen, tel Uchimura Gudǀ, qui luttèrent pour un mouvement social par « l’action directe ». En 1911, Son engagement lui valu en 1911 d’être exécuté par l’état et d’être excommunié à titre posthume. Watsuji constate en outre avec justesse que Dǀgen soutient l’idée d’égalité entre les hommes. Selon lui, Bouddha ne connaît ni état, ni sexe, ni langue. À propos du langage, Dǀgen est le premier moine à avoir composé des textes bouddhiques en Japonais. Watsuji ne fut pas sans remarquer ce fait, mais il fut contredit par l’historien Tsuda Sǀkichi qui juge la chose d'un point de vue purement traditionnel. L’héritage essentiel d’un maître du Zen sont ses analectes, et ces analectes sont toujours écrites en chinois, même dans le cas de Dǀgen ([42], p. 173-174). Nonobstant ces détails, il est possible d’identifier deux groupes qui s'intéressent au Shōbōgenzō. On trouve d'un côté les confessionnels, groupe initié par le fondateur du temple Antai, Oka Sǀtan, qui parle de la foi chez Dǀgen (voir [30]) ; ensuite il y a Etǀ Sokuǀ et ses études à propos du rôle de Dǀgen comme fondateur de l’école du Sǀtǀ zen au Japon ; et, aussi, Kǀdǀ Sawaki, le rénovateur du Dǀgen Zen après la guerre. Pour eux le Shōbōgenzō n’est rien de plus qu'une note concernant la pratique du Zen ([5], tome 3 p. 328). De l'autre côté, on trouve les interprètes de l’école de Kyǀto. Ils respectent Dǀgen comme moine mais le remettent aussi en question en tant que philosophe, bien qu’après la guerre les auteurs comme Nishitani ou Ueda aient été plus attentifs à la notion de philosophie. Conclusion: La vérité inconclue Dans le dernier chapitre de « Shamon Dǀgen », justement, Watsuji nous fait passer de la « périphérie » au « centre » de la véritéviii. Il promet une réponse à la question « Qu’est-ce que ‘la vérité de Bouddha’ ? » à travers le traitement de « deux ou trois problèmes exemplaires » ([45], pp. 314-315). Faisant fi de ses détracteurs, il interprète l’univers de Dǀgen - et de ce fait la nature de Bouddha ou de la « bouddhéité » - comme « une réalité universelle » qui, « comme l’être absolu dépasse tous les existants relatifs, [...] dépasse le temps » et aussi « anéantit la différence entre Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 5 6 l’apparence et essence complètement » ([45], pp. 325, 326, 328, 329). Même si Dǀgen ne met pas en place pas une épistémologie ou une ontologie, il remplace l’expression traditionnelle « nature de Bouddha » par la notion de en japonais shitsuu 悉有 que Watsuji traduit en allemand par « All-sein »; Nakimovitch propose en français l'expression : « l’être-en-totalité ». Cette forme de monisme est mise en dynamique par l'association de deux principes : « D’une part [Dǀgen] appréhendait la vérité à énoncer [comme l’être-en-totalité] notionnellement; d’autre part [il] clarifiait le fait que la vérité est seulement [la vérité] de la transmission entre Bouddha et Bouddha. Par l’activité mutuelle des deux [principes] Dǀgen veut éviter que l’énoncé [de la vérité] tombe [comme] l’abstrait et le statique [d’un seul concept] ([45], p. 339). Pour transmettre la vérité entre Bouddha et un autre, il est nécessaire que l’expression notionnelle soit étroitement liée avec la « contemplation intellectuelle [all. intellektuelle Anschauung, jap. chiteki chokkan 知的直観], qui agrippe la force vivante de la vérité » ([45], p. 341). Watsuji emprunte le terme intellektuelle Anschauung à Nishida, qui lui-même le tient de Fichte. Le statut de ce terme est donc complexe. Mais Watsuji explique intellektuelle Anschauung justement comme « penser par tout le corps et le cœur » ([45], p. 349) et l’identifie comme « prouver [dans l'] exercice religieux » (ibid.) avec la pratique du zen. En corrélation, Nakimovitch détermine « l’expression parfaite » ou, comme il dit, « le pouvoir-de-parole » de la face du corps comme « fondée sur ‘l’assimilation’, ‘l’incorporation’ / taitoku de la vérité » ([28], p. 103). Il constate ensuite ceci : « Lorsque la parole s’éloigne du conformisme et de l’arbitraire, de l’aliénation et de l’appropriation, elle transmet la sagesse des Éveillés, […] elle donne lieu à une pratique, et est occasion à l’éveil » ([28], p. 309). Elberfeld observe pareillement: « Sprache ist eine Realisierungsmöglichkeit der lebendigen Gegenwart als Vollzug des Erwachens. Das heißt aber auch: Sprache ist nicht einfach gleich Sprache » ([4], p. 330). Mais comment peut-on déterminer ce langage vivant? Comment l’expression parfaite se lie-t-elle avec le corps ? Comment peut-on penser et parler par le corps et le cœur ? Dans une comparaison entre Derrida et Dǀgen, Olson esquisse une réponse : « According to Dǀgen, words are not only not different from things, events, or beings, but they can also convey ultimate truth because of their nondual nature » ([31], p. 47). Il insiste avec une citation d'un autre auteur : « Kim confirms that 'Dǀgen clearly recognizes the possibility that language, despite its aspects as a tool of duality, can partake of nonduality; only thus does language become 'expression' (dǀtoku)' » (ibid.). Cependant, qu'est ce que la non-dualité ? Comment peut-on y participer ? Dans une note, Kim remercie Watsuji pour l'avoir aidé dans son interprétation de « l’expression parfaite » ([23], p. 277). Mais Watsuji laisse aussi beaucoup de questions et de problèmes en suspends. L’un d’entre eux étant, par exemple, l’interprétation de l’« expression parfaite ».. Et poser cette question implique de se poser la question de l'existence de Dǀgen en tant que philosophe. [1] ANONYME, « Jǀyǀ Daishi no shoden 承陽大師 小伝 Une biographie brève de Jǀyǀ Daishi », Tokyo: Tōyō Tetsugaku 東洋哲學 Philosophie orientale 3, no. 4, 1896, pp. 205-206. [2] ———, « Philosophie in Japan », Berlin : Dokumente des Fortschritts: internationale Revue 1, no. 4, 1908, p. 394. [3] BITƿ Masahide 尾藤正英, Nihon bunka no rekishi 日本文化 歴 Une historie de la culture japonaise, Tokyo : Iwanami Shoten 岩波 店, 2000. [4] ELBERFELD, Rolf, Phänomenologie der Zeit im Buddhismus. Methoden interkulturellen Philosophierens, Stuttgart-Bad Cannstatt : Frommann und Holzboog, 2004. [5] ETƿ Sokuǀ 衛藤即応 ed., Shōbōgenzō 正法眼蔵 Trésor de l'Œil de la Vraie Loi, 3 vols, Tokyo : Iwanami shoten 岩波 店, 1939-1943. [6] FADER, Larry Allen, The philosophically significant western understandings of T. D. Suzuki's interpretation of Zen and their influence on occidental culture examined critically in relation to Suzuki's thought as contained in his English language writings, Ann Arbor, Mich. : Univ. Microfilms Internat., 1981. [7] FAURE, Bernard, La vision immédiate: nature, éveil et tradition selon le Shōbōgenzō, Paris : Éd. le Mail, 1987. Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 6 7 [8] FUNAYAMA Shin'ichi 舩山信一, Funayama Shinichi chosakushū 舩山信一著作集, 10 vols, Tokyo 東京 : Kobushi shobo こぶし , 1998-1999. [9] GIRARD, Frédéric, « La philosophie au Japon », dans : Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV, Le Discours philosophique, edited by André JACOB, Paris : PUF, 1998, pp. 594-617. [10] GYONEN, The essentials of the eight traditions (Hasshū koyō 宗綱要), Translated by Leo M. PRUDEN, Berkeley, Calif. : Numata Center for Buddhist Translation and Research, 1994. [11] HAAS, Hans, « Die kontemplativen Schulen des japanischen Buddhismus », Mittheilungen der Deutschen Gesellschaft für Natur- und Völkerkunde Ostasiens 10, 1904/1906 : pp. 157-221. [12] HEINE, STEVEN, et PREBISH, Charles S., Buddhism in the modern world: adaptations of an ancient tradition, Oxford; New York : Oxford University Press, 2003. [13] HORI, Victor Sǀgen, Zen sand: the book of capping phrases for kōan practice, Nanzan library of Asian religion and culture, Honolulu : University of Hawai'i, 2003. [14] IKEBE Minoru 池 実, « Dǀgen kankei kenkynj bunken mokuroku 道元関係研究文献目録 Une bibliographie des études par rapport de Dǀgen », Bungaku 文学 La litérature 29, no. 6, 1961 : pp. 742-767. [15] INOUE ENRYƿ SENSHNj HENSHNjRA IINKAI 井 了選集編集等委員会 ed., Inoue Enryō senshū 井 了選集. 25 vols, Tokyo : Tǀyǀ Daigaku 東洋大学, 1987-2004. [16] INOUE Enryǀ 井 了. « Kongansho 懇願 Une pétition », dans : Komazawa Daigaku hachijū nenshi 駒 沢大学 十年 , ed. par KOMAZAWA DAIGAKU HACHIJÛ NENSHI HENSAN IIKAI 駒沢大学 十年 編纂委 員会編, Tokyo, pp. 237-240.. [17] INOUE Tetsujirǀ 井 哲次郎, Kurze Übersicht über die Entwickelung der philosophischen Ideen in Japan von Dr. Inouyé Tetsusirō, Translated by August GRAMATZKY, Berlin : Reichsdruckerei, 1897. [18] ———, Sur le développement des idées philosophiques au Japon avant l'introduction de la civilisation européenne; Par Tetsusirō Inouyé, Prof. à l'Univ. de Tokio, Congrès international des Orientalistes. XIe Session, Paris : Impr. G. Maurin, 1897. [19] INSTITUT RICCI (Paris - Taipei) ed., Lishi Han Fa cidian 利氏漢法辭典 Grand dictionnaire Ricci de la langue chinoise. 8 vols, Paris; Taipei : Desclée de Brouwer, 2001. [20] ISHIMOTO K. 石本 代松 et NABERFELD, P. E., « Shushǀgi 修 義. Eine Zenschrift für Laien », Tokyo: Monumenta Nipponica 6, no. 1/2, 1943: pp. 355-369. [21] JINBO Nyoten 神保如天 et 安藤文永 ANDO Bun'ei eds., Shōbōgenzō chūkai zensho 正法眼蔵 解全 Les commentaires complets du Shōbōgenzō. 11 vols, Tokyo: Muga Sanbǀ 無 山 , 1913-1914. [22] JUNG, Matthias, Erfahrung und Religion: Grundzüge einer hermeneutisch-pragmatischen Religionsphilosophie, Freiburg (Breisgau) : Alber, 1999. [23] KIM, Hee-Jin, Eihei Dōgen: mystical realist, Revised, Third Edition, Sommerville : Wisdom Publications, 2004. [24] KURASAWA Yukihisa 倉澤幸久, Dōgen shisō no tenkai 道元思想 展開 Le développement de la pensée de Dōgen: Shunjnjsha 春秋社, 2000. [25] KUREBAYASHI Kǀdǀ 榑林皓堂, 永久岳水 NAGAHISA GAKUSUI, and 田紹欽 FURUTA SHƿKIN. « Genzǀka to genzǀ kenkynjka 眼蔵家 眼蔵研究家 Les Genzǀniens et les Genzǀ-chercheurs », dans : Kishizawa Ian 岸澤 惟安, Shōbōgenzō zenkō 正法眼蔵全講 Discours complets du Shōbōgenzō, tomes 1-3, i-iv, i-iv, i-v, Tokyo, 1972. [26] MAEDA Eun 前田慧雲 ed., Dainihon zoku zōkyō: yasukuni kinen 大日本続蔵経: 靖国紀念, Kyoto : Zǀkyǀ shoin 蔵経 院, 1905-1912. [27] MIYAMOTO Shǀson 宮本正尊, Meiji bukkyō no shichō: Inoue Enryō no jiseki 明治仏教 思 : 井 了 事 績 Un courant d'esprit du boudhisme de l'ère Meiji: l'ouvrage d' Inoue Enryō, Tokyo : Kǀsei shuppansha 佼 出版社, 1975. [28] NAKIMOVITCH, Pièrre, Dōgen et les paradoxes de la Bouddhéité: introduction, traduction et commentaire du volume De la Bouddhéité (Trésor de l'oeil de la loi authentique), Genève: Droz, 1999. [29] NIHON DAIJITEN HANKOKAI 日 本 大 辞 典 刊 行 会 ed., Nihon kokugo daijiten 日 本 国 語 大 辞 典 Grand dictionnaire de la langue japonaise. 21 vols, Tokyo: Shogakkan 小学館, 1972-1976. [30] OKA Sǀtan 丘宗 , Zen no shinkō 禅 信仰 La foi du zen, Tokyo, 1927. [31] OLSON, Carl, Zen and the art of postmodern philosophy: two paths of liberation from the representational mode of thinking, New York: State University of New York Press, 2000. [32] P'ANG Yuen, FULLER SASAKI, Ruth, IRIYA Yoshitaka, et FRASER, Dana R., A man of Zen: the recorded sayings of Layman P'ang: a ninth-century Zen classic, New York : Weatherhill, 1971. [33] PROUDFOOT, Wayne, Religious experience, Berkeley; London : University of California Press, 1985. [34] ROSNY, Leon de ed., Zitu-go kyau - Dō-zi kyau: L'Enseignement de la vérité: ouvrage du philosophe Kōbaudaïsi, et L'Enseignement de la jeunesse, Paris : Impr. de la Revue orientale et américaine, 1876. [35] SASAKI Kaizen 鈴木格禅 ed., Dōgen Zenji Zenshū 道元師全集 L'œuvre complète du zen maître Dōgen. 7 vols, Tokyo : Shunjnjsha 春秋社, 1988-1993. [36] SNODGRASS, Judith, Presenting Japanese Buddhism to the West: Orientalism, Occidentalism, and the Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 7 8 Columbian exposition, Chapel Hill, N.C.; London : University of North Carolina Press, 2003. [37] SOTOSHU SHUGAKU KENKYUSHO 洞宗宗学研究 ed., Dōgen shisō taikei 道元思想大系 Un abrégé de la pensée de Dōgen. 22 vols, Kyoto : Dǀhǀsha 朋舎, 1994-1995. [38] STAGGS, Kathleen M., In defense of Japanese Buddhism: essays from the Meiji period by Inoue Enryo and Murakami Sensho, Ann Arbor, Mich. : University Microfilms International, 1979. [39] SUEKI Fumihiko 木文美, Meiji shisōka ron 明治思想家論 Le discour sur les penseurs de l'ère Meiji, Tokyo : Transview, 2004. [40] TERADA Tǀru 寺田透, 道元 言語宇宙 Dōgen no gengo uchū L'univers langagier de Dōgen, Tokyo : Iwanami shoten 岩波 店, 1974. [41] TOKORO Shigemoto 戸頃 基, « Nihon tetsugakushi ni okeru Dǀgen no chii 日本哲学 に け 道元 地 位 La position de Dǀgen dans l'histoire de la philosophie du Japon», Kanazawa daigaku hǀbungakubu ronshū. Tetsugaku hen 金沢大学法文学部論集. 哲学編 no. 15, 1968 : pp. 1-29. [42] TSUDA Sǀkichi 津田左 吉, Tsuda Sōkichi Zenshū 津田左 吉全集 L'œuvre complète de Tsuda Sōkichi, 28 vols, Tokyo : Iwanami Shoten 岩波 店, 1963-1966. [43] UEDA Shizuteru 田閑照 et YANAGIDA Seizan 柳田聖山 eds., Daijō butten 23: Dōgen 大乗仏典 23 道元, Tokyo: 中央 論社, 1995. [44] VICTORIA, Daizen, Zen at war, New York : Weatherhill, 1997. [45] WATSUJI Tetsurǀ 和 哲郎. « Shamon Dǀgen 沙門道元 Le moine Dǀgen », dans: Nihon Seishinshi Kenkyū 日本精神 研究, Tokyo : Iwanami bunko 岩波文庫, 1992. [46] WILLIAMS, J. P., Denying divinity: apophasis in the Patristic Christian and Soto Zen Buddhist traditions, Oxford: Oxford University Press, 2000. [47] YAMAUCHI Shun'ynj 山 舜雄, Dōgen zen no kindaika katei 道元禅 近代化過程 La modernisation du Dōgen zen, Tokyo : Daizô shuppan 大蔵出版, 2001. [48] YODONO Yǀjun 淀 耀淳, « Dǀgen no shnjkyǀ oyobi tetsugaku 道元 宗教及哲学 La philosophie et la religion de Dǀgen », Tokyo : Tōyō Tetsugaku 東洋哲學 La philosophie orientale 18, no. 3, 4, 5, 6, 7, 1911: pp. 1-9, 16-29, 15-29, 16-25, 13-23. [49] YOSHIDA Kynjichi 吉田久一, Nihon kindai bukkyōshi kenkyū 日本近代仏教 研究, Tokyo : Yoshikawa kǀbunkan 吉川弘文館, 1959. [50] YUASA Yasuo 湯浅泰雄, Watsuji Tetsurō: Kindai nihon no unmei 和 哲郎: 近代日本哲学 運命 Watsuji Tetsurō: Le destin du Japon modern, Kyoto : Minerva shobo ミネルヴァ , 1981. i Le livre « Shamon Dôgen » contient une série d’articles tirés du journal Shisô 思想 et publiés entre 1920 et 1923. En 1926, il a été édité, accompagné d’autres essais, sous le titre « Études sur l’histoire mentale du Japon » (cité par l’édition de l’année 1992 [45]). Il n’existe pas de monographie concernant la réception philosophique de Dôgen par Watsuji. Quant à « Shamon Dôgen », on ne trouve à son sujet que des articles assez courts en japonais. Beaucoup le considèrent comme important d’un point de vue historique mais n’estiment pas qu’il constitue un point de départ systématique. – Il existe deux anthologies importantes qui débattent de la question de savoir si Dôgen est ou non un philosophe. Voyez, par exemple, Un abrégé de la pensée de Dôgen. Elle donne à lire des essais à propos de sa réception et réimprime des articles concernant «La religion – la philosophie dans la pensée de Dôgen » ([37], tome 17 éditée par Morimoto Kazuo 森 本和夫). L’appendice de chaque volume offre une bibliographie thématique. La bibliographie du volume sur la philosophie indique que les articles de Yodono Yôjun sont les premiers à avoir été écrits concernant la philosophie de Dôgen. Toutefois, la bibliographie de Ikebe (1961, [14]) est toujours très utile. – La principale réception de Dôgen au Japon commença dans les années 1960, avec les études de Terada Tôru, un romaniste qui s’intéresse à la langue extraordinaire du Shôbôgenzô [40]. En Occident, la monographie de Hee-Jin Kim [23], thèse de 1965, reste la plus importante. Elle fournit une interprétation complète d’un point de vue philosophique, sans ignorer le moine Dôgen. – Il est frappant de constater que les auteurs occidentaux ne traitent ni de Watsuji, ni des philosophes de l’école de Kyôto en tant qu’interprètes de Dôgen. Face à cette situation, Yamauchi (2001, [47], pp. 384-409) fait figure d’exception, qui disserte à propos de l’idée d’une « herméneutique du Shôbôgenzô », ainsi que l’a rapporté Kasulis à l’université de Komazawa en 1986. ii La discussion de Dôgen est normalement absente du discours actuel concernant les sciences religieuses, la philosophie ou la philosophie de la religion. Mais il est tout à fait possible d’étudier Dôgen dans son rapport à des themes tells que le « langage religieux » ou l’«expérience religieuse » si on tient compte des livres suivants : Jung [22] expose la notion d’expérience religieuse par rapport à Dilthey et James. Une critique du mysticisme se retrouve chez Proudfoot [33].. Une comparaison entre la mystique occidentale et la mystique orientale est fournie dans le livre “D.’s apophasis” [46]. En ce qui concerne l’image du Zen et de Suzuki voir [6]. Un regard nouveau sur le problème du langage dans le Zen est posé par Zen Sand [13]. – Les analectes de P’ang, qui est comparé a Vimalakirti, ont été traduites en anglais en 1971 [32]. La citation en chinois est la suivante : « 靈一日問居士, 道得道不得倶 免, 汝且道 免箇什麼, 士以 目瞬之 » ([26], tome 2/25/1 p. 29a). Les passages de Dôgen sont en japonais : « 諸仏諸祖 道得 こ ゆえに 仏祖 仏祖を選 に 道得也 問取 » ([35], vol. 1 p. 374). iii On trouve des informations philologiques sur le chinois dans le Grand dictionnaire Ricci de la langue chinoise : par rapport à 道, on y trouve une citation au sens de « dire; raconter; exposer » dans les textes classiques (« 不可道 Impossible à dire »[19], vol. 5 p. 855). Couplé à 得, on trouve seulement 得道, au sens d’« être en possession de la Voie ». Au Japon, 道得 au sens de « savoir parler » se retrouve justement chez Dôgen (voir [29], vol. 14 p. 501b). Dans la contexte du Zen la rencontre entre Po-ling et P’ang, relatée par le Zengaku daijiten 禅学大辞典, pose une référence importante. – Pour une analyse complète à propos de langue/langage/parole chez Dôgen, voir aussi la fréquence de termes tels que (na, myô, mei), 字 (myôji); 言 (iu, gon), 言葉 (kotoba), (ku), 道取(dôshu), 門取 (monshu) (voir [21]). – La citation de Menzan Zuihô 面山瑞芳 tirée de son commentaire Monge 聞解 se lit comme suit: « 今道得 仏祖 大用現前を云う 手前 自己を明 自行に用い 道得 化他に用い 道得 是 舌に限 或時 棒 云う 弾指一切 , 道得 Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 8 9 » ([21], vol. 5 p. 461). Les citation de Dôgen et de Ueda sont les suivantes: « し を不道 » ([35], vol.1 p. 375) et « こ 道得/不道得 テキスト し あ 道元 に こ け 道得を道得 核心的事態 考え き 不道得 […] » ([43], p. 174). iv En Occident, il manque encore des informations concernant la philosophie japonaise du temps Meiji telle qu’on la trouve chez Funayama ([8], tome 6). v Sur la pensée bouddhique de l’ère Meiji, voir Sueki [39]. Les détails donnés dans ce texte se conforment à ([27], pp. 150-154), ([50], chap. 4) et ([36], p. 139). – Hara Tanzan écrit en japonais 原坦山. – Pour des détails à propos d’Inoue voir ([27], 228-293) et en anglais [38]. Le contact entre ce dernier et le prêtre Nishiari Bokusan 西有穆山, connu par ses commentaires du Shôbôgenzô, est documenté dans la correspondance de l’année 1904 [16]. vi On trouve dans le catalogue en ligne de la bibliothèque parlementaire à peu près 600 ouvrages concernant le 禅 (jap. Zen). Pour les termes 禅 et « philosophie » (jap. tetsugaku 哲学) il reste seulement 18 titres. Parmi eux, le premier livre « scientifique » est celui d’Inoue sur la philosophie du Zen de 1893. – Pareillement, la bouddhologie au Japon s’initie vers le tournant du siècle et les connaissances des écoles bouddhiques au Japon restent, pour cette raison, au niveau de l’esquisse de Gyǀnen 凝然 (1240-1321). – Hans Haas, utilisant des sources courantes au Japon, fait mention de Dôgen dès 1904 (voir [11]). – La remarque à propos de l’intérêt pour le Shôbôgenzô suscité au 17ème siècle par une nouvelle approche philologique se trouve chez Kurasawa [24].. – Sur l’édition d’un catéchisme du Zen Sôtô, voir [20] et, récemment, Heine [12]. – Pour des informations concernant l’opposition des confessionnels et des philosophes, voir [25] et aussi Kim ([23], 6-9). vii L’auteur suit ici Yuasa ([50], chap. 2-4) et Funayama (voir ses études sur Watsuji pendant les années de Taisho [8], tome 7 paragraphe III). – Les œuvres posthumes se trouvent dans la bibliothèque parlementaire. Sa bibliothèque privée est accessible à l’université Hôsei (Tokyo). Un volume du Shôbôgenzô datant de 1939 comporte par exemple de nombreuses notes écrites à la main. On peut en conclure que Watsuji s’occupa de Dôgen pendant ou après la guerre. Néanmoins, je ne connaîs aucun interprète de Watsuji qui examine dans son œuvre la signification de Dôgen. – Le cas de Uchimura Gudô 山愚童 est décrit par Victoria ([44], pp. 38-48), et pour la première fois chez Yoshida ([49], pp. 437-484) en 1959. viii Bien que la monographie de Kim soit un travail exceptionnel, les études concernant Watsuji et d’autres auteurs japonais demeurent la base de son interprétation. – Watsuji utilise le terme intellektuelle Anschauung par rapport à Nishida. Funayama a remarqué qu’il lisait alors les publication nishidiennes. Dans une œuvre publiée en 1917, Nishida cite soit directement, soit indirectement le texte « Versuch einer neuen Darstellung der Wissenschaftslehre » de Fichte (1797, voir par. 2) : « Zuvörderst also hätten wir ein solches Bewußtsein gefunden […], in welchem das Subjektive und das Objektive unmittelbar vereinigt ist. […] Ein solches unmittelbares Bewußtsein heißt mit dem wissenschaftlichen Ausdrucke eine Anschauung […] Also, die Intelligenz schaut sich selbst an, bloß als Intelligenz, und in dieser Selbstanschauung besteht ihr Wesen. Diese Anschauung wird sonach mit Recht […] intellektuelle Anschaung genannt. » Ces passages contestent l’interprétation de l’intellektuelle Anschauung en tant que « penser par tous le corps et le cœur ». – Il y a, sans doute, beaucoup d’études importantes sur Dôgen que l’auteur cite ici. Voir, par exemple, les ouvrages de Christian Steineck depuis 1998. Il préfère, notamment, une manière interprétation « rationelle » comme chez Watsuji. Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique « La philosophie japonaise moderne : une pratique au carrefour de plusieurs disciplines » Ralf MÜLLER - 9