Academia.eduAcademia.edu

LES HEMIOBOLES DE MARSEILLE A LEGENDES MASSALIOTAN ET MASSALI

Bulletin de la Société Française de Numismatique, 61e année, n° 1, janvier 2006, Paris, p. 2-5.

est entre l'extrême fin du V e et le tout début du IV e siècle av. J.-C. que Massalia va émettre ses séries d'oboles à légendes  (fig.1) et  (fig.2) (1).

LES HEMIOBOLES DE MARSEILLE A LEGENDES  et  Jean-Albert CHEVILLON et Roland GUERNIER C’est entre l’extrême fin du Ve et le tout début du IVe siècle av. J.-C. que Massalia va émettre ses séries d’oboles à légendes  (fig.1) et  (fig.2) (1). En rupture stylistique avec l’ensemble des émissions précédentes, à l’exception de celle à la tête d’Athéna au casque corinthien / roue, ces monnaies vont inaugurer la classique tête juvénile qui sera reprise tout au long des siècles suivants pour l’ensemble des oboles de la cité. Ce motif rénové, doté d’une fine corne bien apparente sur les premières séries, est une reprise de la tête du Lacydon des groupes précédents datables des années 430 / 410 (2). Nul doute que ces frappes ont bénéficié pour leur création, des services d’excellents graveurs grecs engagés pour l’occasion. La qualité et la modernité stylistique des gravures confirment nettement les hautes compétences et la forte influence « gréco-sicilienne » des concepteurs. Ces séries offrent un poids moyen proche de 0,85 g (3). Cette métrologie s’inscrit dans une lente perte pondérale que l’on constate au fil des émissions du nominal (obole) de 0,90 g adopté vers 475 à la charnière entre les périodes archaïque et postarchaïque (3). Ces dernières années, deux groupes de divisionnaires (hémioboles) sont venus se rajouter aux séries d’oboles émises au cours du début de la période préclassique de l’atelier : tête de satyre / crabe (4) et tête de satyre / roue (5), mais nos recherches nous ont amenés dernièrement à rencontrer des spécimens inédits, qui reprennent les types de ces oboles à légendes  et , avec un style proche, mais qui offrent une métrologie nettement en rupture avec les émissions connues. L’ensemble étudié porte sur 7 exemplaires au sein desquels il faut distinguer ceux à légende longue  et ceux à légende « réduite » . Notre description générale est la suivante : à l’avers, une tête juvénile cornue à droite. Au revers, une roue à quatre rayons avec un M dans l’un des cantons (6). La série à légende longue est constituée des spécimens suivants : - monnaie n° 3 = poids : 0,41 g, 8,6-7,2 mm, coll. S. Arcas, Paris. Origine : région de Cavaillon (Vaucluse). - monnaie n° 4 = poids : 0,44 g, 9,6-8,8 mm, coll. R. Guernier, Goult (Vaucluse). Origine : région de Cavaillon (Vaucluse). La série à légende courte comprend les exemplaires suivants : - monnaie n° 5 = poids : 0,50 g, 8,9–8,1 mm, coll. S. Arcas, Paris. Origine : région de Cavaillon (Vaucluse). - monnaie n° 6 = poids : 0,50 g, 9,1-8,9 mm, coll. O. Bertaud, Annecy (HauteSavoie). Origine : commune d’Istres (Bouches-du-Rhône). - monnaie n° 7 = poids : 0,45 g, 9,1-8,6 mm, coll. R. Guernier, Goult (Vaucluse). Origine : région de Cavaillon (Vaucluse). - monnaie n° 8 = poids : 0,44, 10-8 mm, coll. O. Bertaud, Annecy (HauteSavoie. Origine : commune d’Istres (Bouches-du-Rhône). - monnaie n° 9 = poids : 0,36 g, 9,2-8,5 mm, coll. R. Guernier, Goult (Vaucluse). Origine : région de Cavaillon (Vaucluse). Ces monnaies se caractérisent, en premier lieu, par un style des gravures de droit qui s’accorde avec celui des oboles. Cependant nos monnaies présentent systématiquement une chevelure constituée de mèches superposées les unes sur les autres. Certains spécimens d’oboles offrent les mêmes spécificités. Dans ce sens, il est particulièrement intéressant de rapprocher les droits de l’exemplaire n° 6 et de l’obole n° 10 (7). De plus, il est important de constater que la taille des motifs de droit, des flans, et des roues de revers s’avère le plus souvent réduite par rapport à celle présente sur les oboles. On peut ainsi constater que le diamètre des roues de revers des oboles se situe entre 7 et 8 mm alors que la moyenne de celui de nos 7 exemplaires est inférieure à 7 mm. Mais les éléments les plus probants dans la différenciation de ces monnaies résident dans la finesse de leurs flans et dans le caractère particulièrement « plat » de leurs motifs. L’épigraphie du droit reprend le découpage constaté sur les séries d’oboles. Deux exemplaires portent la légende longue  en caractères doriens. La légende « réduite » , présente sur la majorité de nos spécimens, vient confirmer l’existence des oboles à légende équivalente. A noter que la monnaie n° 4 présente un découpage  / que l’on retrouve également sur certaines oboles à légende longue, en particulier sur l’ obole fig. 1 (8). Avec une moyenne pondérale proche de 0,44 g, nos exemplaires offrent un poids qui correspond bien à la moitié des oboles dont le poids moyen avoisine les 0,85 g. Cette nouvelle donnée vient confirmer que le pied du moment, vers 400, est bien toujours l’obole de 0,90 g. Cette situation va se poursuivre pour les séries suivantes avec tête à dr. sans légende / M au revers, puis tête à dr. avec favoris sans légende / MA au revers. L’adoption d’un nouvel étalon, avec un nominal proche de 0,72 g, n’interviendra en fait, que plus tard avec les premières séries à la tête à gauche et légende MA. Il est également intéressant de noter que ces émissions reprennent les motifs de droit et de revers du nominal, comme on le constate à l’époque archaïque où l’on rencontre pour le même motif une ou deux fractionnaires, parfois trois. Alors que pour le début de la période préclassique, il semble que l’usage fut plutôt de distinguer typologiquement les séries d’hémioboles en créant des droits originaux (tête de satyre) et en les couplant avec des revers connus. Dans ce domaine, Il apparaît également aujourd’hui d’une manière probante que l’atelier a également frappé des séries plus légères qui correspondent sans nul doute à des quarts de l’obole. Des travaux actuellement en cours mettront en exergue ces divers groupes de fractionnaires. Enfin, ce nouveau groupe d’hémioboles dont les frappes semblent relativement limitées quantitativement par rapport à celles des oboles, malgré l’absence apparente de liaisons de coins au sein de nos 7 exemplaires, fut très certainement émis afin de faciliter les échanges de la vie courante. Il apparaît en effet, à cette haute époque, que la nécessité de posséder au moins une fractionnaire du nominal principal s’impose. Comme on le constate d’ailleurs au sein des productions des cités de la Grande Grèce et de la Sicile. Tous ces éléments confirment qu’il s’agit bien de divisionnaires (hémioboles) et que ces frappes furent contemporaines de celles de l’obole. En tenant compte des dates proposées pour l’émission du nominal on peut donc situer la frappe de ce groupe à la charnière entre le Ve et le IVe siècle avant J.-C. La mise en évidence de séries inédites d’hémioboles à la tête juvénile cornue à légende  et  au sein de la production de l’atelier massaliète est un élément nouveau à lier à la création des groupes de style « riche » (9) qui vont être émis à Massalia partir du dernier quart du Ve siècle av. J.-C.. Déjà observé pour le début de la phase préclassique à travers quelques groupes d’hémioboles à motifs variés, il est désormais possible de confirmer que des monnaies divisionnaires ont été frappées en parallèle des émissions ultérieures d’oboles. NOTES (1) J.-A. CHEVILLON, « Les oboles de Marseille à légende  », BSFN, septembre 2005, p. 169 – 172. Fig. 1 : 0,74 g, coll. R. Guernier, Goult (Vaucluse). Origine : nord d’Aixen-Provence, limite Durance. Fig 2 : 0,72 g, références : Lagoy 1834, n° 15, BN 530. C. Brenot, Etudes massaliètes 3, n° 13. Origine : Glanum, Saint Remy-de-Provence (Bouchesdu-Rhône). (2) J.-C. RICHARD et J.-A. CHEVILLON, « Du Lacydon à Massalia, les émissions grecques en Gaule du Ve s. av. J.-C. », Congrès International de Numismatique de Madrid 2003, Annales de la C.I.N (à paraître). (3) G.E. REYNAUD, « Un trésor de monnaies massaliètes du Ve siècle », Revue Numismatique, 6e série, tome XXV, 1983, p. 35-42. (Voir notes bibliographiques par H. NICOLET-PIERRE). (4) J.-A. CHEVILLON, « L’hémiobole préclassique de Massalia à la tête de satyre et au crabe », Cahiers Numismatiques, n° 145, septembre 2000, p. 5 et 6. (5) J.-A. CHEVILLON, « Les hémioboles de Massalia à la tête de satyre et à la roue », Cahiers Numismatiques, n° 143, mars 2000, p. 9 – 13. (6) C. BRENOT, « Monnaies massaliètes », dans Catalogue des monnaies massaliètes et monnaies celtiques du musée des beaux-arts de Lyon, (C. Brenot et S. Scheers) éd. Peeters, LEUVEN, 1996. (7) Poids : 0,71 g, coll. S. Arcas, Paris. Origine : Cavaillon (Vaucluse). (8) J.-A. CHEVILLON, « Une rare obole de Marseille à la roue présentant une lettre gravée », Annales du Groupe Numismatique de Provence 2004, Aix-en-Provence, (publiées en 2006). (9) A.E. FURTWÄNGLER, « Le trésor d’Auriol et les types monétaires phocéens », dans les cultes des cités phocéennes, Aix-en-Provence, 2000, (Et. Massa. 6), p. 175-181.