Médias, dispositifs, médiations
Collection « Interculturalités »
Dirigée par Sylvie Thiéblemont-Dollet
Déjà parus :
L’interculturalité dans tous ses états.
Sous la direction de Sylvie Thiéblemont-Dollet (2006)
Art, médiation et interculturalité.
Sous la direction de Sylvie Thiéblemont-Dollet (2008)
Minorités interculturelles et médias.
Sous la direction de Sylvie Thiéblemont-Dollet (2009)
© 2010
Presses Universitaires de Nancy
42-44 avenue de la Libération – BP 33-47 –- 54014 Nancy cedex
ISBN : 978-2-8143-0007-1
Illustration de couverture : © Zoé Dollet
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français du Copyright, 6 bis, rue Gabriel-Laumain, 75010 Paris.
Collection « Interculturalités »
Dirigée par Sylvie Thiéblemont-Dollet
Médias, dispositifs, médiations
Sous la direction de
Sylvie Thiéblemont-Dollet
et
Angeliki Koukoutsaki-Monnier
PRESSES UNIVERSITAIRES DE NANCY
Collection « Interculturalités »
Dirigée par Sylvie Thiéblemont-Dollet
Comité éditorial
Violaine APPEL, Maître de Conférences, Sciences de l’information
et de la communication, IUT Nancy 2
Cécile BANDO, Maître de Conférences, Sciences de l’information
et de la communication, Université Nancy 2
Hélène BOULANGER, Maître de Conférences, Sciences de
l’information et de la communication, IUT Nancy 2
Sylvie BOURDIN, Maître de Conférences, Sciences de
l’information et de la communication, IUT Toulouse UPS
Philippe CHAVOT, Maître de Conférences, Sciences de
l’information et de la communication, Université de Strasbourg
Nathalie CONQ, Maître de Conférences, Sciences de l’information
et de la communication, Université Nancy 2 IECA
Marlène COULLOMB-GULLY, Professeure, Sciences de
l’information et de la communication, Université Toulouse 2
Rokhaya FALL SOKNA, Maître Assistante, Histoire et science politique, Université Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal)
Béatrice FLEURY, Professeure, Sciences de l’information et de la
communication, Université Nancy 2
Isabelle GAVILLET, Maître de Conférences, Sciences de
l’information et de la communication, Université Paul Verlaine-Metz
Alec HARGREAVES, Professeur, Littérature francophone, Florida
State University, Tallahassee (USA)
Estrella ISRAËL GARZON, Professeure, Communication et journalisme interculturel, Université CEU – Cardenal Herrera,
Valencia (Espagne)
Catherine KELLNER, Maître de Conférences, Sciences de
l’information et de la communication, Université Paul Verlaine-Metz
Michèle LALANNE, Maître de Conférences, Sociologie, Université Toulouse 2
Catherine LONEUX, Professeure, Sciences de l’information et de
la communication, Université Rennes 2
Mari MAASILTA, Chercheure Spécialiste des médias, Institut de
recherche en journalisme et communication, Université de
Tampere (Finlande)
Aminata NIANG, Enseignant Chercheur, Géographe, Université
Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal)
Anne
MASSERAN, Maître de Conférences, Sciences de
l’information et de la communication, Université de Strasbourg
Pierre MORELLI, Maître de Conférences, Sciences de
l’information et de la communication, Université Paul Verlaine-Metz
Isabelle PAILLIART, Professeure, Sciences de l’information et de
la communication, Université Grenoble 3
Céline SÉGUR, Maître de Conférences, Sciences de l’information
et de la communication, IUT Nancy 2
Christoph VATTER, Maître de Conférences, Communication interculturelle, Université de la Sarre (Allemagne)
Jacques WALTER, Professeur, Sciences de l’information et de la
communication, Université Paul Verlaine-Metz
Remerciements
À Monsieur Étienne Criqui, vice-président aux relations internationales de l’Université Nancy 2, pour son soutien précieux et fidèle,
À Madame Marie-Christine Viry-Michel, responsable du service
administratif des relations internationales de l’Université Nancy 2,
pour sa participation active et fructueuse aux projets interculturels,
À Mademoiselle Cécile Bando, pour son aide soutenue et avisée
à la réalisation des projets « Interculturalité »,
À celles et ceux qui ont, d’une manière ou d’une autre, permis la
réalisation de cet ouvrage.
Table des matières
Marie-Christine VIRY-MICHEL
Avant-propos ........................................................................... 11
Angeliki KOUKOUTSAKI-MONNIER, Sylvie THIÉBLEMONT-DOLLET
Introduction.
Fonctions stratégiques et pouvoirs symboliques
du dispositif au prisme de l’interculturalité ........................... 15
Philippe HAMMAN
Diversité, interculturalité et dispositifs organisationnels.
Ou comment penser l’intermédiation en sociologie ............... 23
Hélène BOULANGER
Diversité culturelle. De l’exception au principe ..................... 47
Angeliki KOUKOUTSAKI-MONNIER
Les sites Web de la diaspora grecque en tant que dispositifs
de médiation de la diversité culturelle ................................... 63
Sébastien RIVAL
Diaspora et réseaux numériques francophones.
Les blogs d’étudiants français à Berlin .................................. 85
Estrella ISRAËL GARZON
Dispositifs de médiation journalistique et interculturalité ... 105
Isabelle GARCIN-MARROU
Les émeutes de 2005 dans les discours de presse américains
et français.
Mémoires et diversité des regards médiatiques.................... 121
Paul DIRKX
La diversité francophone dans la presse littéraire française.
Le cas franco-belge .............................................................. 141
Fredj ZAMIT
Albert Camus rédacteur en chef au Soir républicain.
Quel dispositif journalistique face à la guerre ? .................. 159
Linda IDJERAOUI-RAVEZ
De la diversité culturelle au musée de l’immigration. Le cas de
la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration ................. 177
Résumés/Abstracts ....................................................................... 193
Auteurs et collaborateurs.............................................................. 201
Avant-propos
Marie-Christine Viry-Michel
L’année 2008 a marqué une évolution dans les missions, les activités et les projets du service relations internationales de
l’Université Nancy 2. Cette évolution a d’abord été impulsée par le
regroupement géographique des services relations internationales
des trois universités de Nancy (l’Université Henri Poincaré,
l’Université Nancy 2 et l’Institut National Polytechnique de Lorraine). Ce regroupement, effectif depuis le mois de juillet 2008,
nous réunit dans les locaux de l’EPCS Nancy-Université, 34 Cours
Léopold à Nancy. Il permet essentiellement une mutualisation des
moyens et des compétences en relations internationales, afin de
promouvoir nos universités sur la scène européenne et internationale dans le cadre de Nancy-Université, et bientôt dans le cadre de
l’Université de Lorraine. Il permet aussi d’améliorer la visibilité
des activités internationales des trois établissements universitaires
nancéiens.
Tout en restant au service des composantes de l’Université Nancy 2, le service relations internationales contribue désormais à des
projets fédérant les trois Universités, tels que notamment l’accueil
en gare pour les étudiants étrangers de fin août à fin septembre ou
le Welcome-Day Nancy-Université visant à informer les étudiants
étrangers primo-arrivants sur les démarches administratives à effectuer pour leur bonne intégration.
Médias, dispositifs, médiations
Le service relations internationales de Nancy 2 contribue également, à son niveau de compétences, à atteindre l’un des objectifs
ambitieux affichés par Nancy-Université, à savoir que chaque étudiant inscrit en Master à Nancy devrait effectuer dans son cursus
universitaire au moins un séjour à l’étranger, que ce soit dans le
cadre d’une mobilité dans une université partenaire, ou d’un stage à
l’étranger validé dans son cursus. Cet objectif s’accompagne de la
volonté, non moins ambitieuse, de développer les compétences interculturelles des étudiants des trois universités. Quoi de mieux, en
effet, qu’une mobilité à l’étranger, pour développer ses compétences interculturelles ? Mais pour apporter tout son bénéfice interculturel, une telle expérience doit être aussi accompagnée, en
amont de la mobilité, par une préparation des étudiants, et en aval
de la mobilité, par un retour sur les savoir-faire et les savoir-être
acquis.
Certaines composantes de l’Université Nancy 2, comme l’IUT
Charlemagne, ont, depuis plusieurs années, développé un module
de préparation interculturelle des étudiants en mobilité. Sous
l’impulsion financière de Nancy-Université, d’autres composantes
sont actuellement en train de mettre en place de tels modules. Les
compétences interculturelles peuvent être également développées
en restant à Nancy, grâce par exemple à l’organisation annuelle de
la journée d’études « Interculturalités » par Sylvie ThiéblemontDollet et les étudiants du Master 1 Sciences de l’homme et de la
société, mention Sciences de l’Information et de la communication,
Spécialité Communication des entreprises (Master 1 dirigé par Cécile Bando), grâce aussi aux enseignants étrangers régulièrement
accueillis dans nos composantes dans le cadre du programme européen Erasmus. La création récente d’un Bureau Erasmus sur le
Campus Lettres et Sciences Humaines de Nancy 2 permet, quant à
lui, de mettre régulièrement en relation des étudiants français et des
étudiants internationaux, qui se rencontrent dans ce lieu convivial
et ouvert. Les Bureaux Erasmus des autres composantes de Nancy 2, plus anciens, contribuent aussi à ces interactions quotidiennes.
12
Avant-propos
Cette dynamique de mobilité et d’expériences interculturelles
portée par les étudiants et les personnels des trois universités a pu
être quotidiennement encouragée et soutenue par les financements
importants dont nous avons bénéficié ces dernières années au titre
des relations internationales : le fond d’amorçage de NancyUniversité, le contrat quadriennal conclu avec le ministère, les
aides à la mobilité de la Région Lorraine, les programmes Erasmus
études, Erasmus stages, Erasmus missions (pour les enseignants et
les personnels des universités). De nombreux projets restent certes
encore à développer, mais les résultats sont d’ores et déjà encourageants : le signe le plus positif est à ce titre l’augmentation régulière des mobilités étudiantes et enseignantes financées par le service relations internationales de Nancy 2.
13
Introduction
Fonctions stratégiques et
pouvoirs symboliques du dispositif
au prisme de l’interculturalité
Angeliki Koukoutsaki-Monnier
Sylvie Thiéblemont-Dollet
Peu exploitée en sciences humaines et sociales, la notion de dispositif semble attirer, depuis quelque temps, l’intérêt des chercheurs en sciences de l’information et de la communication, et cela
pour plusieurs raisons (Olivesi, 2007). Tout d’abord, parce que sans
négliger l’étude des rapports sociaux, elle intègre, dans son champ,
toutes les formes de production signifiante. Ensuite, parce qu’elle
répond moins à une visée positiviste de production de connaissances qu’à une volonté de problématisation. Enfin, parce qu’elle
accorde une attention particulière aux discours et à la fonctionnalité
stratégique qui leur incombe. Élaborée par Michel Foucault et « sujette à des variations de compréhension en fonction des contextes
historiques et institutionnels » (Peeters & Charlier, 1999 : 15), la
notion de dispositif s’entend comme :
« un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois,
des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit […]
Médias, dispositifs, médiations
Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments »
(Foucault, 1977 : 299).
En ce sens, interroger les dispositifs sociaux et communicationnels « engage un mode de penser, une manière d’appréhender des
éléments divers, de saisir les articulations, d’en problématiser la
réalité » (Olivesi, 2007 : 235).
Les contributeurs de cet ouvrage se sont penchés sur l’apparition
et le fonctionnement de dispositifs dans des contextes médiatiques
et de médiation, notamment dans le domaine de la communication
et/ou de la diversité interculturelles, cherchant à mettre en évidence
les logiques qui les conditionnent et les effets que ceux-ci produisent quant au rapport au monde. Si leurs approches sont multiples,
un dénominateur commun unit l’ensemble de ces chapitres. Il s’agit
du caractère à la fois structuré et structurant du dispositif en tant
qu’objet fluide, en construction et reconfiguration perpétuelles, résultat de stratégies de pouvoir et générateur de cadres de signification et d’action.
Les deux premières contributions de l’ouvrage questionnent la
dimension stratégique du dispositif, dans son acception interactionniste, lorsqu’il cherche à « dire » et à promouvoir une certaine notion de diversité culturelle. Philippe Hamman propose ainsi un état
des lieux important des concepts et des modes d’analyses sociologiques élaborés pour penser les questionnements de diversité et
d’interculturalité dans les organisations. Il met en avant la portée
politique des dispositifs en tant que « modes de faire, souvent considérés à tort comme des objets donnés plus que construits, alors
même que c’est le choix préalable de ces cadres et supports
d’action » (p. 31) qui permet de nommer un problème public pour
lui associer des politiques et des acteurs. Aussi, rejoint-il la pensée
foucaldienne lorsqu’il souligne :
« que toute action publique est structurée par des représentations motrices
[…] et que c’est dans les rapports entre la malléabilité du social et les cadres
d’action que se façonnent les chemins de concrétisation de la diversité, moyennant une pluralité de transactions (plus ou moins réussies) qui renvoient en per-
16
Introduction
manence à différentes échelles et à différents espaces de référence, à de l’inter »
(pp. 40-41).
Dans un cadre de réflexion similaire, Hélène Boulanger met en
lumière les logiques et les instruments, économiques et politiques,
ayant sous-tendu la légitimation progressive de la diversité culturelle en tant que principe du droit international. Elle souligne les
enjeux de l’économie des industries culturelles au niveau international et ses imbrications avec les politiques menées par les États
ou les organisations supranationales de niveau régional. Elle démontre à raison que :
« la diversité culturelle est […] entrée dans le cercle de ces formules qu’il est
bien difficile de définir précisément, mais pour lesquelles il est possible de
s’entendre parce que chacun d’entre nous peut la définir, la circonscrire à sa façon, un “concept mou” (Mattelart, 2005 : 90). Elle a cependant acquis, à la suite
d’un marathon politique international qui aura duré près de vingt ans, le statut de
principe de droit servi par un instrument international » (p. 59).
Hormis la fonction stratégique du dispositif, sa dimension techno-sémiotique est aussi à prendre en considération. Car, ainsi que le
rappelait Michel de Certeau (1990), une immense réserve de pratiques techniques reste muette, mais toute aussi opérante au sein de
la société. Son importance semble s’accroître aujourd’hui en raison
de « la technicisation grandissante de nos environnements » (Peeters & Charlier, 1999 : 16). Dans cette perspective, Angeliki Koukoutsaki-Monnier et Sébastien Rival s’intéressent à l’Internet
comme dispositif de médiation de la diversité culturelle, au croisement de deux univers, symbolique et technique. Ils interrogent les
visées stratégiques de cet outil et son rôle dans la construction
symbolique de la spécificité culturelle, souvent vue sous un angle
national. Ainsi, l’analyse des sites ethno-régionaux de la diaspora
grecque (Koukoutsaki-Monnier, pp. 63-84) témoigne de la persistance de la nation en tant que cadre conceptuel pour penser
l’appartenance collective et l’interaction Moi-Autrui :
« La valorisation de la diversité culturelle n’est pas pensée en termes
d’intégration dans la société d’accueil, mais plutôt comme le prolongement de
l’attachement à la patrie/nation originelle, sous sa forme territoriale, historique et
17
Médias, dispositifs, médiations
culturelle, même si cette dernière s’avère difficile à expliciter. La médiation ainsi
opérée affirme la spécificité identitaire ethno-régionale, mais ne gère pas son
articulation avec les autres appartenances locales dont les tensions semblent être
évacuées » (p. 79).
L’étude des blogs d’étudiants français à Berlin (Rival, pp. 85104) révèle également l’importance que prend le témoignage de
l’expérience interculturelle et les interprétations faites d’une supposée culture nationale. Ici, il est posé l’idée que :
« Les discours qui tendent à idéaliser l’expérience du séjour Erasmus et la
perception de la ville de Berlin, comme lieu de tous les possibles, traduisent
l’état d’esprit dans lequel ces étudiants se trouvent. Ce phénomène de relativisation de la culture d’origine peut se développer jusqu’à une prise de conscience
critique de l’identité culturelle. Il n’est donc guère étonnant que la fin d’un blog
signifie toujours une évolution dans le parcours biographique de son auteur » (p.
102).
Loin d’instaurer un mode de communication unique, Internet
s’avère donc un dispositif complexe qui, en tant qu’« espace transitionnel » (Hert, 1999 : 94), organise la médiation qu’il rend signifiante tout en lui accordant une fonction normative.
Les chapitres suivants questionnent le dispositif dans le champ
journalistique et ses applications médiatiques, et mettent en avant,
eux aussi, son pouvoir symbolique. Estrella Israël Garzon propose
une réflexion sur les procédures et pratiques professionnelles journalistiques mises en place en tant que modes régulateurs (codes,
chartes, recommandations), afin de promouvoir la diversité culturelle. Elle soutient la responsabilité des journalistes et la nécessité
de sortir du thème récurrent de l’immigration pour élargir le concept des « Autres » vers des réalités sociales plus diverses. En effet,
après moult exemples à l’appui, elle rappelle que :
« les journalistes sont sélecteurs et interprètes de conflits, ou plus précisément, ils agissent comme “narrateurs, commentateurs et participants dans les conflits”. L’analyse intertextuelle requiert dès lors de traiter au moins cinq filtres :
celui de la propriété ou de la structure informative, celui des textes, des auteurs,
des acteurs et des sources » (p. 117).
18
Introduction
Isabelle Garcin-Marrou analyse, de son côté, les discours de
presse américains et français relatifs aux émeutes de 2005, ce qui
offre une perspective comparative très originale. Et de fait, elle
réussit à faire la preuve que, malgré leurs cadrages souvent différents, ancrés dans des mémoires collectives distinctes, les discours
médiatiques étudiés établissent quelques interprétations communes
et constantes, liées à la place de la jeunesse dans la société, et réaffirment, par-là, la primauté de l’ordre et les rapports de pouvoir :
« En racontant les émeutes, les médias réactivent une autre “histoire des
luttes” (Foucault, 1982 : 226), d’autres émeutes et d’autres guerres. Ce faisant, ils
participent, comme dispositifs symboliques, à la réaffirmation des rapports de
pouvoir » (p. 139).
Quant à Paul Dirkx, il interroge le lien entre la structuration de
la presse littéraire française notamment depuis le 20e siècle et sa
dominance sur la presse belge. Il met en lumière la dimension politique de la langue au service d’un certain universalisme français, et
il en vient à démontrer que les dispositifs journalistiques qui y sont
inhérents :
« donnent à la cécité structurale des occasions de s’exercer, plus ou moins
nombreuses selon le titre et le moment considérés et toujours plus fréquentes. Un
indice quantitatif en est la diminution constante du nombre d’articles consacrés à
tel ou tel aspect de la Belgique. La mission journalistique de cette presse s’en
trouve atteinte. Et l’intérêt, nul ou décroissant, porté aux productions littéraires
en néerlandais ne fait que confirmer le caractère en partie théorique de
l’universalisme journalistico-littéraire français » (p. 155).
Enfin, c’est encore dans le champ de la presse que Fredj Zamit
cerne la genèse et le fonctionnement du dispositif journalistique
mobilisé par Albert Camus en tant que rédacteur en chef au Soir
Républicain afin de faire face à la guerre. Sans nier le pouvoir symbolique du dispositif qu’il affirme dans ses conclusions, l’auteur
attire l’attention sur la mobilité adaptative de ce dernier, à savoir sa
capacité à se régénérer et à se reconfigurer face aux contraintes de
son environnement. Du « dispositif d’épuration » (p. 161) au « dispositif de résistance » (p. 163), il établit des typologies intéressantes, comme celle du « blanc » (p. 166) :
19
Médias, dispositifs, médiations
« espaces laissés vides des passages censurés, […] signe codé exprimant la
protestation des journalistes contre la confiscation de la parole » (pp. 166-167).
Enfin, l’ouvrage se clôt par une étude de Linda Idjéraoui-Ravez
sur les usages et pratiques des responsables des musées de
l’immigration — plus spécifiquement, ici, la Cité Nationale de
l’Histoire de l’Immigration — et des visiteurs, et ce en relation
avec des notions variées telles que la diversité culturelle. Ce qui
pose d’emblée la complexité de cet ensemble ou du dispositif muséal puisque :
« Ce public […] va, d’une façon ou d’une autre, valider le projet de
l’institution, mais aussi reprendre le discours de l’établissement pour “inventer”
de nouvelles représentations de l’ “altérité”, ou dans ce contexte, de l’immigré »
(p. 189).
On l’aura compris, le dispositif de médiation, tel qu’il se dessine
à travers la lecture transversale des travaux de cet ouvrage, cristallise les intentions de ses créateurs et les contraintes qui s’exercent
sur eux, reflète les problématiques et les questions que se pose une
société à un moment donné, et propose solutions et outils stratégiques. Mais avant tout, le dispositif contient toujours un pouvoir
symbolique lié à la construction du savoir et l’affirmation de ce qui
devrait être considéré comme « vrai ». En ce sens, il a toujours un
effet sur la réalité. Si le rapport au monde passe par toute une série
de dispositifs, on mesure bien leur importance en tant que médiateurs entre le sujet et le réel, mais aussi en tant que cadres générateurs des représentations de ce réel.
20
Introduction
Bibliographie
De Certeau, M. (1990). L’invention du quotidien. 1. Arts de faire. Paris :
Gallimard (1980).
Foucault, M. (1977). Dits et écrits (II). Paris : Gallimard (1994).
— (1982). The Subject and Power (Le sujet et le pouvoir ; trad. F. Durand-Bogaert). In H. Dreyfus & P. Rabinow (Éds.), Michel Foucault : Beyond Structuralism and Hermeneutics (pp. 208-226). Chicago : The University of Chicago Press.
Hert, Ph. (1999). Internet comme dispositif hétérotopique. Hermès, 25,
93-107.
Mattelart, A. (2005). Diversité culturelle et mondialisation. Paris : La
Découverte.
Olivesi, St. (2007). Le travail du concept. Théories, modèles, catégories.
In St. Olivesi (Dir.), Introduction à la recherche en SIC (pp. 220240). Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.
Peeters, H. & Charlier, Ph. (1999). Contributions à une théorie du dispositif. Hermès, 25, 15-23.
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