Academia.eduAcademia.edu

Média, dispositifs, médiations

Cet ouvrage étudie l’apparition et le fonctionnement de dispositifs dans des contextes médiatiques et de médiation, notamment dans le domaine de la communication interculturelle. Si Le concept de dispositif est particulièrement pertinent pour aborder ces sujets, c’est parce qu’il permet d’appréhender les stratégies, les pratiques et les objets liés à l’interculturalité en tant que réseaux signifiants dont les articulations sont souvent peu visibles. En effet, les travaux de l’ouvrage mettent en lumière le caractère à la fois structuré et structurant du dispositif, objet fluide, en construction et reconfiguration perpétuelles, résultat de stratégies de pouvoir, mais aussi générateur de cadres de signification et d’action. Il s’avère ainsi que si la mise en place d’un dispositif cherche toujours à répondre à un besoin ou une visée stratégique, son pouvoir symbolique dépasse les intentions de ces concepteurs, puisqu’il influe directement sur la construction du savoir et l’affirmation de ce qui devrait être considéré comme « vrai ».

Médias, dispositifs, médiations Collection « Interculturalités » Dirigée par Sylvie Thiéblemont-Dollet Déjà parus : L’interculturalité dans tous ses états. Sous la direction de Sylvie Thiéblemont-Dollet (2006) Art, médiation et interculturalité. Sous la direction de Sylvie Thiéblemont-Dollet (2008) Minorités interculturelles et médias. Sous la direction de Sylvie Thiéblemont-Dollet (2009) © 2010 Presses Universitaires de Nancy 42-44 avenue de la Libération – BP 33-47 –- 54014 Nancy cedex ISBN : 978-2-8143-0007-1 Illustration de couverture : © Zoé Dollet En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français du Copyright, 6 bis, rue Gabriel-Laumain, 75010 Paris. Collection « Interculturalités » Dirigée par Sylvie Thiéblemont-Dollet Médias, dispositifs, médiations Sous la direction de Sylvie Thiéblemont-Dollet et Angeliki Koukoutsaki-Monnier PRESSES UNIVERSITAIRES DE NANCY Collection « Interculturalités » Dirigée par Sylvie Thiéblemont-Dollet Comité éditorial Violaine APPEL, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, IUT Nancy 2 Cécile BANDO, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, Université Nancy 2 Hélène BOULANGER, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, IUT Nancy 2 Sylvie BOURDIN, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, IUT Toulouse UPS Philippe CHAVOT, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, Université de Strasbourg Nathalie CONQ, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, Université Nancy 2 IECA Marlène COULLOMB-GULLY, Professeure, Sciences de l’information et de la communication, Université Toulouse 2 Rokhaya FALL SOKNA, Maître Assistante, Histoire et science politique, Université Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal) Béatrice FLEURY, Professeure, Sciences de l’information et de la communication, Université Nancy 2 Isabelle GAVILLET, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, Université Paul Verlaine-Metz Alec HARGREAVES, Professeur, Littérature francophone, Florida State University, Tallahassee (USA) Estrella ISRAËL GARZON, Professeure, Communication et journalisme interculturel, Université CEU – Cardenal Herrera, Valencia (Espagne) Catherine KELLNER, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, Université Paul Verlaine-Metz Michèle LALANNE, Maître de Conférences, Sociologie, Université Toulouse 2 Catherine LONEUX, Professeure, Sciences de l’information et de la communication, Université Rennes 2 Mari MAASILTA, Chercheure Spécialiste des médias, Institut de recherche en journalisme et communication, Université de Tampere (Finlande) Aminata NIANG, Enseignant Chercheur, Géographe, Université Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal) Anne MASSERAN, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, Université de Strasbourg Pierre MORELLI, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, Université Paul Verlaine-Metz Isabelle PAILLIART, Professeure, Sciences de l’information et de la communication, Université Grenoble 3 Céline SÉGUR, Maître de Conférences, Sciences de l’information et de la communication, IUT Nancy 2 Christoph VATTER, Maître de Conférences, Communication interculturelle, Université de la Sarre (Allemagne) Jacques WALTER, Professeur, Sciences de l’information et de la communication, Université Paul Verlaine-Metz Remerciements À Monsieur Étienne Criqui, vice-président aux relations internationales de l’Université Nancy 2, pour son soutien précieux et fidèle, À Madame Marie-Christine Viry-Michel, responsable du service administratif des relations internationales de l’Université Nancy 2, pour sa participation active et fructueuse aux projets interculturels, À Mademoiselle Cécile Bando, pour son aide soutenue et avisée à la réalisation des projets « Interculturalité », À celles et ceux qui ont, d’une manière ou d’une autre, permis la réalisation de cet ouvrage. Table des matières Marie-Christine VIRY-MICHEL Avant-propos ........................................................................... 11 Angeliki KOUKOUTSAKI-MONNIER, Sylvie THIÉBLEMONT-DOLLET Introduction. Fonctions stratégiques et pouvoirs symboliques du dispositif au prisme de l’interculturalité ........................... 15 Philippe HAMMAN Diversité, interculturalité et dispositifs organisationnels. Ou comment penser l’intermédiation en sociologie ............... 23 Hélène BOULANGER Diversité culturelle. De l’exception au principe ..................... 47 Angeliki KOUKOUTSAKI-MONNIER Les sites Web de la diaspora grecque en tant que dispositifs de médiation de la diversité culturelle ................................... 63 Sébastien RIVAL Diaspora et réseaux numériques francophones. Les blogs d’étudiants français à Berlin .................................. 85 Estrella ISRAËL GARZON Dispositifs de médiation journalistique et interculturalité ... 105 Isabelle GARCIN-MARROU Les émeutes de 2005 dans les discours de presse américains et français. Mémoires et diversité des regards médiatiques.................... 121 Paul DIRKX La diversité francophone dans la presse littéraire française. Le cas franco-belge .............................................................. 141 Fredj ZAMIT Albert Camus rédacteur en chef au Soir républicain. Quel dispositif journalistique face à la guerre ? .................. 159 Linda IDJERAOUI-RAVEZ De la diversité culturelle au musée de l’immigration. Le cas de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration ................. 177 Résumés/Abstracts ....................................................................... 193 Auteurs et collaborateurs.............................................................. 201 Avant-propos Marie-Christine Viry-Michel L’année 2008 a marqué une évolution dans les missions, les activités et les projets du service relations internationales de l’Université Nancy 2. Cette évolution a d’abord été impulsée par le regroupement géographique des services relations internationales des trois universités de Nancy (l’Université Henri Poincaré, l’Université Nancy 2 et l’Institut National Polytechnique de Lorraine). Ce regroupement, effectif depuis le mois de juillet 2008, nous réunit dans les locaux de l’EPCS Nancy-Université, 34 Cours Léopold à Nancy. Il permet essentiellement une mutualisation des moyens et des compétences en relations internationales, afin de promouvoir nos universités sur la scène européenne et internationale dans le cadre de Nancy-Université, et bientôt dans le cadre de l’Université de Lorraine. Il permet aussi d’améliorer la visibilité des activités internationales des trois établissements universitaires nancéiens. Tout en restant au service des composantes de l’Université Nancy 2, le service relations internationales contribue désormais à des projets fédérant les trois Universités, tels que notamment l’accueil en gare pour les étudiants étrangers de fin août à fin septembre ou le Welcome-Day Nancy-Université visant à informer les étudiants étrangers primo-arrivants sur les démarches administratives à effectuer pour leur bonne intégration. Médias, dispositifs, médiations Le service relations internationales de Nancy 2 contribue également, à son niveau de compétences, à atteindre l’un des objectifs ambitieux affichés par Nancy-Université, à savoir que chaque étudiant inscrit en Master à Nancy devrait effectuer dans son cursus universitaire au moins un séjour à l’étranger, que ce soit dans le cadre d’une mobilité dans une université partenaire, ou d’un stage à l’étranger validé dans son cursus. Cet objectif s’accompagne de la volonté, non moins ambitieuse, de développer les compétences interculturelles des étudiants des trois universités. Quoi de mieux, en effet, qu’une mobilité à l’étranger, pour développer ses compétences interculturelles ? Mais pour apporter tout son bénéfice interculturel, une telle expérience doit être aussi accompagnée, en amont de la mobilité, par une préparation des étudiants, et en aval de la mobilité, par un retour sur les savoir-faire et les savoir-être acquis. Certaines composantes de l’Université Nancy 2, comme l’IUT Charlemagne, ont, depuis plusieurs années, développé un module de préparation interculturelle des étudiants en mobilité. Sous l’impulsion financière de Nancy-Université, d’autres composantes sont actuellement en train de mettre en place de tels modules. Les compétences interculturelles peuvent être également développées en restant à Nancy, grâce par exemple à l’organisation annuelle de la journée d’études « Interculturalités » par Sylvie ThiéblemontDollet et les étudiants du Master 1 Sciences de l’homme et de la société, mention Sciences de l’Information et de la communication, Spécialité Communication des entreprises (Master 1 dirigé par Cécile Bando), grâce aussi aux enseignants étrangers régulièrement accueillis dans nos composantes dans le cadre du programme européen Erasmus. La création récente d’un Bureau Erasmus sur le Campus Lettres et Sciences Humaines de Nancy 2 permet, quant à lui, de mettre régulièrement en relation des étudiants français et des étudiants internationaux, qui se rencontrent dans ce lieu convivial et ouvert. Les Bureaux Erasmus des autres composantes de Nancy 2, plus anciens, contribuent aussi à ces interactions quotidiennes. 12 Avant-propos Cette dynamique de mobilité et d’expériences interculturelles portée par les étudiants et les personnels des trois universités a pu être quotidiennement encouragée et soutenue par les financements importants dont nous avons bénéficié ces dernières années au titre des relations internationales : le fond d’amorçage de NancyUniversité, le contrat quadriennal conclu avec le ministère, les aides à la mobilité de la Région Lorraine, les programmes Erasmus études, Erasmus stages, Erasmus missions (pour les enseignants et les personnels des universités). De nombreux projets restent certes encore à développer, mais les résultats sont d’ores et déjà encourageants : le signe le plus positif est à ce titre l’augmentation régulière des mobilités étudiantes et enseignantes financées par le service relations internationales de Nancy 2. 13 Introduction Fonctions stratégiques et pouvoirs symboliques du dispositif au prisme de l’interculturalité Angeliki Koukoutsaki-Monnier Sylvie Thiéblemont-Dollet Peu exploitée en sciences humaines et sociales, la notion de dispositif semble attirer, depuis quelque temps, l’intérêt des chercheurs en sciences de l’information et de la communication, et cela pour plusieurs raisons (Olivesi, 2007). Tout d’abord, parce que sans négliger l’étude des rapports sociaux, elle intègre, dans son champ, toutes les formes de production signifiante. Ensuite, parce qu’elle répond moins à une visée positiviste de production de connaissances qu’à une volonté de problématisation. Enfin, parce qu’elle accorde une attention particulière aux discours et à la fonctionnalité stratégique qui leur incombe. Élaborée par Michel Foucault et « sujette à des variations de compréhension en fonction des contextes historiques et institutionnels » (Peeters & Charlier, 1999 : 15), la notion de dispositif s’entend comme : « un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit […] Médias, dispositifs, médiations Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments » (Foucault, 1977 : 299). En ce sens, interroger les dispositifs sociaux et communicationnels « engage un mode de penser, une manière d’appréhender des éléments divers, de saisir les articulations, d’en problématiser la réalité » (Olivesi, 2007 : 235). Les contributeurs de cet ouvrage se sont penchés sur l’apparition et le fonctionnement de dispositifs dans des contextes médiatiques et de médiation, notamment dans le domaine de la communication et/ou de la diversité interculturelles, cherchant à mettre en évidence les logiques qui les conditionnent et les effets que ceux-ci produisent quant au rapport au monde. Si leurs approches sont multiples, un dénominateur commun unit l’ensemble de ces chapitres. Il s’agit du caractère à la fois structuré et structurant du dispositif en tant qu’objet fluide, en construction et reconfiguration perpétuelles, résultat de stratégies de pouvoir et générateur de cadres de signification et d’action. Les deux premières contributions de l’ouvrage questionnent la dimension stratégique du dispositif, dans son acception interactionniste, lorsqu’il cherche à « dire » et à promouvoir une certaine notion de diversité culturelle. Philippe Hamman propose ainsi un état des lieux important des concepts et des modes d’analyses sociologiques élaborés pour penser les questionnements de diversité et d’interculturalité dans les organisations. Il met en avant la portée politique des dispositifs en tant que « modes de faire, souvent considérés à tort comme des objets donnés plus que construits, alors même que c’est le choix préalable de ces cadres et supports d’action » (p. 31) qui permet de nommer un problème public pour lui associer des politiques et des acteurs. Aussi, rejoint-il la pensée foucaldienne lorsqu’il souligne : « que toute action publique est structurée par des représentations motrices […] et que c’est dans les rapports entre la malléabilité du social et les cadres d’action que se façonnent les chemins de concrétisation de la diversité, moyennant une pluralité de transactions (plus ou moins réussies) qui renvoient en per- 16 Introduction manence à différentes échelles et à différents espaces de référence, à de l’inter » (pp. 40-41). Dans un cadre de réflexion similaire, Hélène Boulanger met en lumière les logiques et les instruments, économiques et politiques, ayant sous-tendu la légitimation progressive de la diversité culturelle en tant que principe du droit international. Elle souligne les enjeux de l’économie des industries culturelles au niveau international et ses imbrications avec les politiques menées par les États ou les organisations supranationales de niveau régional. Elle démontre à raison que : « la diversité culturelle est […] entrée dans le cercle de ces formules qu’il est bien difficile de définir précisément, mais pour lesquelles il est possible de s’entendre parce que chacun d’entre nous peut la définir, la circonscrire à sa façon, un “concept mou” (Mattelart, 2005 : 90). Elle a cependant acquis, à la suite d’un marathon politique international qui aura duré près de vingt ans, le statut de principe de droit servi par un instrument international » (p. 59). Hormis la fonction stratégique du dispositif, sa dimension techno-sémiotique est aussi à prendre en considération. Car, ainsi que le rappelait Michel de Certeau (1990), une immense réserve de pratiques techniques reste muette, mais toute aussi opérante au sein de la société. Son importance semble s’accroître aujourd’hui en raison de « la technicisation grandissante de nos environnements » (Peeters & Charlier, 1999 : 16). Dans cette perspective, Angeliki Koukoutsaki-Monnier et Sébastien Rival s’intéressent à l’Internet comme dispositif de médiation de la diversité culturelle, au croisement de deux univers, symbolique et technique. Ils interrogent les visées stratégiques de cet outil et son rôle dans la construction symbolique de la spécificité culturelle, souvent vue sous un angle national. Ainsi, l’analyse des sites ethno-régionaux de la diaspora grecque (Koukoutsaki-Monnier, pp. 63-84) témoigne de la persistance de la nation en tant que cadre conceptuel pour penser l’appartenance collective et l’interaction Moi-Autrui : « La valorisation de la diversité culturelle n’est pas pensée en termes d’intégration dans la société d’accueil, mais plutôt comme le prolongement de l’attachement à la patrie/nation originelle, sous sa forme territoriale, historique et 17 Médias, dispositifs, médiations culturelle, même si cette dernière s’avère difficile à expliciter. La médiation ainsi opérée affirme la spécificité identitaire ethno-régionale, mais ne gère pas son articulation avec les autres appartenances locales dont les tensions semblent être évacuées » (p. 79). L’étude des blogs d’étudiants français à Berlin (Rival, pp. 85104) révèle également l’importance que prend le témoignage de l’expérience interculturelle et les interprétations faites d’une supposée culture nationale. Ici, il est posé l’idée que : « Les discours qui tendent à idéaliser l’expérience du séjour Erasmus et la perception de la ville de Berlin, comme lieu de tous les possibles, traduisent l’état d’esprit dans lequel ces étudiants se trouvent. Ce phénomène de relativisation de la culture d’origine peut se développer jusqu’à une prise de conscience critique de l’identité culturelle. Il n’est donc guère étonnant que la fin d’un blog signifie toujours une évolution dans le parcours biographique de son auteur » (p. 102). Loin d’instaurer un mode de communication unique, Internet s’avère donc un dispositif complexe qui, en tant qu’« espace transitionnel » (Hert, 1999 : 94), organise la médiation qu’il rend signifiante tout en lui accordant une fonction normative. Les chapitres suivants questionnent le dispositif dans le champ journalistique et ses applications médiatiques, et mettent en avant, eux aussi, son pouvoir symbolique. Estrella Israël Garzon propose une réflexion sur les procédures et pratiques professionnelles journalistiques mises en place en tant que modes régulateurs (codes, chartes, recommandations), afin de promouvoir la diversité culturelle. Elle soutient la responsabilité des journalistes et la nécessité de sortir du thème récurrent de l’immigration pour élargir le concept des « Autres » vers des réalités sociales plus diverses. En effet, après moult exemples à l’appui, elle rappelle que : « les journalistes sont sélecteurs et interprètes de conflits, ou plus précisément, ils agissent comme “narrateurs, commentateurs et participants dans les conflits”. L’analyse intertextuelle requiert dès lors de traiter au moins cinq filtres : celui de la propriété ou de la structure informative, celui des textes, des auteurs, des acteurs et des sources » (p. 117). 18 Introduction Isabelle Garcin-Marrou analyse, de son côté, les discours de presse américains et français relatifs aux émeutes de 2005, ce qui offre une perspective comparative très originale. Et de fait, elle réussit à faire la preuve que, malgré leurs cadrages souvent différents, ancrés dans des mémoires collectives distinctes, les discours médiatiques étudiés établissent quelques interprétations communes et constantes, liées à la place de la jeunesse dans la société, et réaffirment, par-là, la primauté de l’ordre et les rapports de pouvoir : « En racontant les émeutes, les médias réactivent une autre “histoire des luttes” (Foucault, 1982 : 226), d’autres émeutes et d’autres guerres. Ce faisant, ils participent, comme dispositifs symboliques, à la réaffirmation des rapports de pouvoir » (p. 139). Quant à Paul Dirkx, il interroge le lien entre la structuration de la presse littéraire française notamment depuis le 20e siècle et sa dominance sur la presse belge. Il met en lumière la dimension politique de la langue au service d’un certain universalisme français, et il en vient à démontrer que les dispositifs journalistiques qui y sont inhérents : « donnent à la cécité structurale des occasions de s’exercer, plus ou moins nombreuses selon le titre et le moment considérés et toujours plus fréquentes. Un indice quantitatif en est la diminution constante du nombre d’articles consacrés à tel ou tel aspect de la Belgique. La mission journalistique de cette presse s’en trouve atteinte. Et l’intérêt, nul ou décroissant, porté aux productions littéraires en néerlandais ne fait que confirmer le caractère en partie théorique de l’universalisme journalistico-littéraire français » (p. 155). Enfin, c’est encore dans le champ de la presse que Fredj Zamit cerne la genèse et le fonctionnement du dispositif journalistique mobilisé par Albert Camus en tant que rédacteur en chef au Soir Républicain afin de faire face à la guerre. Sans nier le pouvoir symbolique du dispositif qu’il affirme dans ses conclusions, l’auteur attire l’attention sur la mobilité adaptative de ce dernier, à savoir sa capacité à se régénérer et à se reconfigurer face aux contraintes de son environnement. Du « dispositif d’épuration » (p. 161) au « dispositif de résistance » (p. 163), il établit des typologies intéressantes, comme celle du « blanc » (p. 166) : 19 Médias, dispositifs, médiations « espaces laissés vides des passages censurés, […] signe codé exprimant la protestation des journalistes contre la confiscation de la parole » (pp. 166-167). Enfin, l’ouvrage se clôt par une étude de Linda Idjéraoui-Ravez sur les usages et pratiques des responsables des musées de l’immigration — plus spécifiquement, ici, la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration — et des visiteurs, et ce en relation avec des notions variées telles que la diversité culturelle. Ce qui pose d’emblée la complexité de cet ensemble ou du dispositif muséal puisque : « Ce public […] va, d’une façon ou d’une autre, valider le projet de l’institution, mais aussi reprendre le discours de l’établissement pour “inventer” de nouvelles représentations de l’ “altérité”, ou dans ce contexte, de l’immigré » (p. 189). On l’aura compris, le dispositif de médiation, tel qu’il se dessine à travers la lecture transversale des travaux de cet ouvrage, cristallise les intentions de ses créateurs et les contraintes qui s’exercent sur eux, reflète les problématiques et les questions que se pose une société à un moment donné, et propose solutions et outils stratégiques. Mais avant tout, le dispositif contient toujours un pouvoir symbolique lié à la construction du savoir et l’affirmation de ce qui devrait être considéré comme « vrai ». En ce sens, il a toujours un effet sur la réalité. Si le rapport au monde passe par toute une série de dispositifs, on mesure bien leur importance en tant que médiateurs entre le sujet et le réel, mais aussi en tant que cadres générateurs des représentations de ce réel. 20 Introduction Bibliographie De Certeau, M. (1990). L’invention du quotidien. 1. Arts de faire. Paris : Gallimard (1980). Foucault, M. (1977). Dits et écrits (II). Paris : Gallimard (1994). — (1982). The Subject and Power (Le sujet et le pouvoir ; trad. F. Durand-Bogaert). In H. Dreyfus & P. Rabinow (Éds.), Michel Foucault : Beyond Structuralism and Hermeneutics (pp. 208-226). Chicago : The University of Chicago Press. Hert, Ph. (1999). Internet comme dispositif hétérotopique. Hermès, 25, 93-107. Mattelart, A. (2005). Diversité culturelle et mondialisation. Paris : La Découverte. Olivesi, St. (2007). Le travail du concept. Théories, modèles, catégories. In St. Olivesi (Dir.), Introduction à la recherche en SIC (pp. 220240). Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble. Peeters, H. & Charlier, Ph. (1999). Contributions à une théorie du dispositif. Hermès, 25, 15-23. 21