La construction sociaIe
de la question de la biodiversite
CATHERINE AUBERTIN, VALtRIE BOISVERT, FRANCK-DoMINIQUE VIVIEN
La construction soclale des ウ・ュセャ「ッイー
d'envlronne•
ment nalt de la confrontation entre des pratlques •
ーイャカセウ
ou Lウ・オアャエ。セ
Instltutlonnelles ou Informelles •
d'utlllsation des ressources naturelles et des attache•
ments a des valeurs ウ・ャ。イセョァ
comme la protection de
I'envlronnement ou la ・ウョ セ、
d'une vie' authentl•
quement humalne • sur terre. Au commencement est
・、オセャ アョ Gャ
セカ・ャオッウ
par les sclentlflques, puis Inter•
vlennent de multiples acteurs aux perceptions et aux
セイ エョi
les plus divers, cherchant a assurer la ᆳャエァセi
セエャュ
et セエャ」。ヲ・Gi
de leur action. Le エ。「セ、
prend alors
- les faits
une forme prospective. Plus que des セエャ。セイ
les dommages ne
sont sclentlflquement Lウセョッゥエ・オア
sont pas pen;us dlrectement par les agents -, ce sont
des ウッャイ。ョセ」ウ
qUi s'affrontent Les enjeux se crista111•
sent alors sur les polltlques, les Instruments ᆳッョ」セ
mlques, les cadres jUrldlques, les normes de gestlon a
appllquer.
(Godard, 1993)
Dans des unlvers 」ッョエイカ・ウセ
comme celul de l'envlronnement 1, on asslste alors a
une batallle autour de visions du monde. La confron•
tation des ウヲャエ。イセュi
soclaux, konomlques et kola•
glques partlclpe a la ョッャエ ヲセ、
de I'objet et du
・ュセャ「ッイー
que pose sa gestlon N・イャ。セョー
Au cours
des ウョッャエ。 」ッァセョ
qUi se poursulvent lors des
rencontres Intematlonales, mals aussl grace a la force
d'expresslon d'lnltlatlves locales2, ウGセャ。「ッイ・
peu a peu
une suite de compromls portant tant sur la ョッャエ ョセ、
du L・ュセャ「ッイー
sur ses raisons L・イセG、
sur les actions a
entreprendre, que sur les Institutions qUi peuvent s'en
charger et les Instruments de polltlque auxquels elles
dolvent avolr recours (Aubertln et aI., 1997 ; Vivien et
al., 1997). II faut alors apprendre a construlre un bien
collectlf, a partager une vision ・イャ。セョー
des pMna•
ュセョ・ウ
konomlques et kologlques et a experimenter
de nouveaux modes d'actlon collective.
ョッャウ イセZl
de la セエャウイ・カ、
blologlque est alnsl apparue
rkemment sur la ・ョセ」ウ
pUblique Intematlonale, Cest
Ie rapport Brundtland en 1987 et surtout Ie Sommet
de la Terre de Rio, qUi I'ont 」ッョウ。」イセ
comme
ーイッ「ャセュ・
d'envlronnement global. Avec un certain
retard, elle a alnsl rejolnt les plules acldes, la diminu•
tion de la couche d'olone, et I'etfet de serre comme
Objet de ウョッャエ。」ッァセョ
Intematlonales. Mleux encore,
la セエャウイ・カ、
blologlque est devenue la Nセエャウイ・カ、ッ「
La SUbstitution du terme セエャウイ・カ、ッ「
au terme dlver•
セエャウ
blologlque est significative. On est セウ 。ー
d'un
ensemble de questlonnements proprement sclentl•
a des enjeux
flques Issus des tMories de ョッャエオ カセGi
ウ・オアャエ ッーセァ
et Industrlels. Patrlmolne commun de
Lセエャョ。ュオィGi
セエ・ョャ。イ カオッウ
des ウエ。セ
sur leurs
ressources, droit des paysans, エoーセ、
de brevet sur Ie
vivant, manipulations Lウ・オアャセョァ
principe de prkau•
tlon, drolts a polluer, drolts des ウョッャエ。イセョ ァ
futures...
sont autant de ウ・ュセィエ
sur lesquels s'opposent de
nouveaux acteurs, au nom de la sauvegarde de la
Nセエャウイ・カ 、ッ 「
Leurs ウョッ ャ。ョ 」セ、
remettent radlcale•
ment en cause tout aussl bien Ie rOle de エ。セGi
et la
Abstract - Social construction of the problem of biodi•
versity.
The erosion of biodiversity Is found alongside with the
global environmental problems. As such, the stages of Its
definition and of the elaboration of the measures to
address It are organized along th same lines as for
climate change. It was first brought to the fore by scien•
tists who saw In the Increasing rhythm of species extinc•
tion an alarming evolution. The widespread adoption of
the term biological diversity to account for the objectives
of life sciences testified the development of a more
complex, evolutionary and Int grated approach within
these sciences. Then, scientific questions came Into the
public domain. Their objectives was seized by various
groups with diverse perceptions and Interests, referring to
several legitimacy orders, conveying conflicting views of
rationality and efficiency (NGOs, representatives of the
Industrial world, United Nations agenCies, ...). The Issue
ceased to be a purely scientific concern, It ent red the
arena of social choices. This shift In the very definition of
the question and of Its stakes was accompanied by a
change In the words: biological diversity was turned Into
biodiversity. Then a compromise among the partldpants •
the convention on biological diversity - was sought and
organized, In particular under the pressure of the Indus•
tries using biotechnologies. It confirmed the trends that
had been outlined In the preceding years: the tendency to
reduce biodiversity to Its genetic components considered
as resources, that Is potential Inputs for Industry, and the
claim for property rights, presented as the means to
ensure access to genetic materials and to favour Interna•
tional trade agreements and technology transfer. Market
logic and ratlonallty have finally prevailed over concerns
for ethics and heritage. Biodiversity has been reduced to a
set of resources, the valuation and adequate appropria•
tion of which appear as prerequisites for the Institution of
a market held to be a guarantee of sustalnabl manag
ment.
NSS. 1998. vol. 6. n° 1. 7-19 / © Elsevier
CATHERINE AUBERTIN
・エウャュッョ 」セ
Orstom, 32, avenue
Varagnat, 93143 Bondy
cedex, France
Courrlel:
[email protected]
VALtRIE BOISVERT
Doctorante au C3ED,
de Versailles•
Salnt-Quentln-en-Yvellnes,
47, boulevard Vauban,
78047 Guyancourt cedex
Courrlel:
valerle,
[email protected],fr
セャウイ・カャョオ
FRANCK-DOMINIQUE VIVIEN
Maltre de L・」ョイセヲッ」
セエャウイ・カ ョオ
de Relms•
Champagne-Ardenne,
Hermes-Ceras,
57bls, rue Plerre-ntlttlnger,
51096 Relms cedextr
ll:lncertltude sctentIflque
en effet i'I tous les
niveaux de I'expertlse, Ies
dommages potentIels y
sont mal cerMs, Ies
causallte et les
responsabilite ne soot
pas clalrement セ「ャ・ウL
y イセ・
Ies セ i
セ・」ョッ
Y
soot malldel1tlMs, etc.
2 illustration de cette
effervescence sur Internet.
une recherche sur Ie mot
• biodiversity· avec un
moteur de recherche tel
qu'Altavlsta renvole
aujourd'hul i'I piUS de
40 000 sites (Solagral,
1997).
ARTICLE
poursulte du developpement economlque que les
antagonlsmes Nord-Sud.
En ce qU'elle vise a Imposer une uniformlsatlon des
representations et des modes de protection de la
dlverslte blologlque, en ce qU'elle exlge une redefini•
tion des relations des hommes a la nature alors que
cette ュセ・
nature est pius que jamals conslderee
comme une marchandlse, en ce qU'elle Impllque ('ela•
boration de series de normes jUrldlques, economlques
et commerclales, ('erosion de la blodlverslte, devenue
probleme d'envlronnement global, partlclpe au
processus de mondlallsatlon.
Le propos de cet article est de montrer comment la
dlverslte biologlque - tres ancien domalne de compe•
tence des naturallstes toumes vers ('etude des especes
anlmales et vegetales dans leur habitat naturel - s'est
transformee en blodlverslte - concept f10u legltlmant
des prlses de decision collective concernant I'en•
semble de I'humanlte. On proposera pour cela de
sulvre une grille de lecture deja utlllsee a propos du
changement cllmatlque par Olivier Godard (1992,
1993) et Jean-Charles Hourcade et af. (1992) notam•
ment. Elle repose sur I'hypothese que la construction
soclale des problemes d'envlronnement globaux
passe par les ウ・ュセ
etapes caracterlstlques.
Alnsl, tout d'abord, Ie probleme d'envlronnement
global blodlverslte apparaTt apres que les sclentlflques
eurent exprlme leur InqUietude devant les rythmes
sans precedent de dlsparltlon d'especes et de pans de
セイッヲ
troplcales. Malgre un etat durable de controverse
sclentlfique, leurs questions, passablement remanlees,
passent dans la sphere pUblique : la dlverslte biola•
glque devlent la blodlverslte (partie 1). Comme pour les
questions du changement cllmatlque, Ie monde Indus•
trlel est deja セイー
a Imposer ses definitions du probleme
et bien sOr ses solutions sous forme d'optlons techno•
loglques. Le developpement du genie genetlque et du
commerce International exlge alnsl de nouvelles
formes jurldlques concernant la gestlon du risque,
I'acces aux ressources genetlques et la protection des
Innovations blotechnologlques. La blodlverslte est
redulte aux ressources genetlques (partie 2). La mecon•
naissance des phenomenes et la necesslte d'aglr dans
('urgence conduisent a la recherche d'accords Instltu•
tionneis et a I'elaboratlon d'une convention collective:
la Convention sur la dlverslte blologlque. On peut Inter•
preter la Conference de Rio comme Ie champ de
batallle ou des positions antagonistes trouvent pour un
temps une forme de statu quo jUrldlque qui lalsse IIbre
cours a la marchandlsatlon des ressources genetlques
(partie 3). La question qui domlne les debats est celie
des drolts de proprlete sur les ressources genetiques.
Apres Ie reglement jurldique, la regulation marchande
peut jouer. Confronte au vivant, dlralt Rene Passet
(1996), ('economlque Impose une fols encore Ie regne
• des choses mortes • (partie 4).
De la diversite biologique
ala biodiverslte
verslte s'lmpose lors d'un colloque sclentlflque orga•
nise par Edward Wilson, Ie pere de la socloblologie, a
Washington en septembre 1986. L:emplol des majus•
cules pour annoncer Ie • National Forum on
BioDiversity " reieve encore d'un jeu de mots. Le
neologlsme (bioV, racine grecque ; dlversltas, racine
latlne) est accepte rapldement, porte par la vague des
prodults blo, et commence a se rencontrer dans les
dlctlonnalres au debut des annees 1990. Son accep•
tlon n'est cependant pas unlverselle et plus elle se
detache de la dlverslte biologlque, plus la blodlverslte
rencontre de graves problemes de definition.
Ce vocable rend compte des dlfferents mouvements
qui ont preside a sa formation : un ensemble de proble•
matlques sclentlflques qui emergent a la fin des annees
1980 et. parallelement, la medlatlsatlon de la crise de
('envlronnement et de ('erosion de la blodlverslte.
Une ョッャエ ョ セ、
du vivant
Sans doute, pour y voir piUS clair, faut-II revenlr aux
sources de la dlverslte blologlque. Celie-ci est d'abord
Ie resultat de plus de trois milliards d'annees d'evolu•
tlon des ウ・イエセ
vivants, probablement a partir d'une
orlglne unique. Solbrig (1991) la deflnlt Comme • la
proprlete qU'ont les systemes vivants 、Gセイ・
dlstlncts,
c'est-a-dlre dlfferents, dlssemblables ". C'est une
proprlete fondamentale de tous les systemes vivants.
On a coutume de classer la dlverslte en niveaux d'or•
ganlsatlon : les genes (dlverslte genetlque), les especes
(dlversite speclflque), les ecosystemes (dlverslte ecola•
glque). L:artlcle 2 de la Convention de Rio definlt la
dlverslte blologlque comme la • varlablllte des orga•
nlsmes vivants de toute orlglne y comprls, entre autres,
leS' ecosystemes marins et autres ecosystemes aqua•
tlques et les complexes ecologlques dont lis font
partie ; cela comprend la dlverslte au setn des especes
et entre especes alnsl que celie des ecosystemes ".
La blodlverslte, quelles que solent res approches et la
complexlte de ses definitions, apparaTt comme syno•
nyme du • vivant ., de la vie. Ses contours sont alors
bien mouvants. Alnsl, dans la Convention et dans la
IItterature speclallsee, I'expresslon • ensemble du
monde vivant" Inclut les mlcroorganlsmes mals exclut
generalement I'homme, ce qui ne va pas sans poser
probleme. II est admls que les organlsmes genetlque•
ment modifies par I'homme, grace a un processus de
selection ou a une technique du genie genetlque, font
partie de cette blodlverslte. Selon les Lウセイ・エョi
les
perceptions ou Ie cholx des outlls d'analyse, la blodl•
verslte s'etudle aujourd'hul a de multiples niveaux:
popUlations, paysages ou encore niches ecologlques.
La reference purement blologlque n'est ュセ ・
plus
obllgatolre. Ainsl, nombreux sont ceux qui aujourd'hul
assoclent dlverslte blologlque et dlverslte des socletes
et defendent, au nom de la blodlverslte, la soclodlver•
site, volre Ie droit a la difference.
Identifier les menaces
エセイ・ ョャZl
du grand public pour la conservation de la
blodlverslte est un phenomene recent, comme en
temoigne la nouveaute du terme ュセ・N
Le mot blodl-
Jusqu'au debut des annees 1980, Ie terme de dlverslte
blologlque est assocle pour Ie grand public a la dlver-
NSS, 1998, vol. 6, n° 1, 7-19
site speclflque. Les problemes semblent essentlelle•
ment porter sur la dlsparltlon d'especes a grande
charge emotive, en partlculler les gros mammiferes :
balelnes, elephants, rhinoceros... Les textes des Insti•
tutions Intematlonales concement surtout les espeees
en vole d'extlnctlon. Les publications de I'Unlon
mondlale pour la nature (UICN) dressent les IIstes d'es•
peces et d'ecosystemes menaces, elaborent des classi•
fications par type de menaces. 51 la convention signee
en 1971 a Ramsar conceme les zones humldes, (est
parce que ces zones sont per«;ues avant tout comme
I'habltat des olseaux d'eau. En 1973, la convention
Cites porte sur Ie commerce Intematlonal des espeees
de la faune et de la flore sauvages menacees d'extlnc•
tlon. La directive europeenne de 1979 est surtout
connue comme la directive· Olseaux • tant I'emporte
la representation sentlmentale du probleme blolo•
glque. La 5trategle mondlale de conservation de 1980,
et ・ュセ
Ie recent GlobolBlodlverslty Assessment (1995),
s'lnscrivent dans cette IIgnee clalrement conservatlon•
nlste.
Les signaux d'alarme portent en effet sur la dlsparl•
tlon d'espeees dont on est d'allleurs en mal d'estlmer
Ie nombre (encadre 1). La modification des paysages et
I'uniformlsatlon de I'agrlculture et de I'allmentatlon
sont perceptlbles par chacun. Des modeles tentent de
mesurer les pertes probables de blodlversite. Wilson
(1993) n'heslte pas a comparer I'actlon de I'homme a
la grande extinction de masse, planetalre, qui s'est
produlte II y a 240 millions d'annees, entre les eres
paleozoique et mesozo·ique.
La blodlverslte est alors un nouveau vocable, plus
savant, et en apparence piUS neutre, pour designer ce
qui par Ie passe relevalt de la protection de la nature.
Son usage permet de diffuser une approche globale
des problemes d'envlronnement. Le milieu est devenu
devenu un ensemble de
I'envlronnement, ャオMュセ・
systemes qui dependent les uns des autres. Petit a
petit, I'Idee qU'1i est peu efflcace de proteger une
espece sans proteger I'ecosysteme qull'abrlte fait son
chemin. II est reconnu aujourd'hul que la degradation
des habitats est la cause premiere de I'eroslon de la
dlverslte des especes sauvages. Le probleme n'est pas
Encadre 1. Les menaces sur la diversite biologique.
La diversite biologique menacee se presente
generalement sous la forme de Iistes hetero•
clites d'especes OU la centauree de la c1ape,
plante des environs de Narbonne voisine
avec la chouette tachetee des ウャョuMエ。セ
ou Ie
regrette dodo de 111e Maurice. Ces inventaires
manquent generalement du cadre global de
reflexion qui permettrait d'ebaucher de
grandes Ilgnes de synthese. II est significatif
que Ie recent document • la diversite biolo•
glque en France - programme d'action pour
la faune et la f10re sauvages • (mlnistere de
I'Environnement, 1996) elabore pour satis•
falre aux obligations de I'article 6 de la
Convention sur la dlversite biologique, se
presente, en couverture, dans sa mise en
page et Jusque dans la preface du ministre
sur Ie theme du puzzle.
La controverse scientifique commence avec
les definitions de I'espece, la race, Ie gene.
Elle se poursuit avec I'estimation du nombre
d'especes dont on connait surtout les plus
vislbles et les piUS utiles a I'homme : 350 000
especes vegetales sont actuellement identi•
flees dans Ie monde, dont 60 000 conside•
rees comme menacees. On recense entre
1 200 000 et 1 500 000 especes animales
reparties dans plus de 80 classes, dont
50 000 especes de vertebres.
Alors que les menaces d'extinctlon d'especes
s'ampllflent, Ie nombre d'especes recensees
augmente tous les jours, ne representant
probablement pas 10 % de ce qU'1I reste a
decouvrir, ce qui est amblgu car par ailleurs
on estlme que Ie nombre total d'especes
vivant sur Terre oscille entre 3 et 100 millions.
On ne connaitrait pas 10 % des insectes nj
1 % des bacteries et des virus alors que les
mammiferes et les oiseaux serajent connus a
95%.
La controverse sclentifique est tres forte
quant a I'appreclation et aux causes de ces
menaces. Si les extinctions sont certaines et
mesurees avec precision dans quelques cas,
comme pour les ojseaux, les evaluations
globales sont extremement variables. Elles
offrent couramment des fourchettes de 1 a
100 en ce qui concerne les disparitions d'es•
peces car elles sont tres senslbles a la
methode employee et au choix des donnees
et dates de reference. Les hypotheses a
propos des relations entre les especes et la
surface sur laquelle elles se developpent sont
tres approximatives et debouchent sur des
conclusions elliptiques : • En tres gros, donc
on peut s'attendre a ce que la reduction de la
superficie occupee par les forets tropicales
humides entraine au rythme actuel I'extinc•
tion pIus ou moins rapide d'environ 0,5 0/0
des especes vivant dans la foret chaque
annee • (Wilson, 1993). Edward Wilson
estime a 27 000 Ie nombre d'especes
condamnees chaque annee, tout en afflr•
mant que I'extinctlon est Ie processus biolo•
gique Ie plus obscur et Ie plus local. Les esti•
mations qui font etat des disparitions les piUS
Importantes sont basees sur I'etude des cano•
pees des forets tropicales qui revele ... de
nombreuses espeees jusqu'alors inconnues.
NSS. 1998. vol. 6, n° 1. 7-19
II est courant de clter la croissance demogra•
phique et la surexploltatlon des ressourc s,
phenomenes alsement quantiflables, locall•
sables et observables, comme prlnclpales
responsables de I'erosion de la dlverslte
biologique. L:argumentatlon qui denonce la
mondlallsation economlque fait son chemin
et deplace la question sur Ie terrain des
valeurs phllosophiques et pOlltlques.
L:observation nuance Ie polds des pheno•
menes de surexploltatlon et montre l'in•
f1uence des grandes realisations d'infrastruc•
tures
(routes,
reseaux
electrlques,
amenagements hydraullques ...) ainsl que de
I'urbanisatlon et des pollutions Industrielles et
domestiques. Dans Ie domaine agrlcole, Ie
danger ne vlendralt pas tant de l'intenslflca•
tlon des pratlques que de la deprlse due a la
desertification des campagnes, et de I'Intro•
ductlon d'especes exotlques et de plantes
transgenlques occupant I'habltat et modl•
flant les especes locales (BRG, 1996). La
selection genetlque et I'ouverture des
marches, par alileurs, concourent a la mise
au point de varletes commerclales de molns
en molns varlees. Des 7 000 plantes que
I'homme a utillsees au long de son histolre
pour se nourrlr, quatre (maYs, ble, rlz et
pomme de terre) couvrent aujourd'hul a elles
seules plus de la moltle des besolns allmen•
talres de la planete. La selection, les cholx et
les goats des consommateurs condulsent a
I'abandon de la culture des varietes les plus
anciennes qui sont conservees en collections
ou seulement dans des banques de genes,
ARTICLE
tant la dlsparition d'espeees, que celul de la dlsparltlon
Insldleuse d'espaces Interessants sur Ie plan ecolo•
glque (dunes, zones humldes...) et de leur fragmenta•
tion par Ie developpement des grands equlpements
(mlnlstere de rEnvlronnement, 1996).
La Lセエャウイ・カ、ッャ「
3
Ce qui renvole c'lia
・、ョッャエ ョセ、
N・ュ エウケ ッイセGi
On parlera
d'&osystemes 、ャヲセイ・ョエウ
quand I'observateur (ou
rusager qui peut セ・
un
local)
animal ou un オiセ
dlstlnguera des
Lウ・」ョ イセヲ ャ、
"
objet sclentlflque ?
L:approche de la dlverslte genetlque par les sciences
temps que
de revolution, s'est complexlflee, en ・ュセ
progressalent les moyens de traltement numerlque et
la blologle moleculalre. La frontlere entre dlverslte
genetlque et dlverslte speclflque s'est estompee. La
blodlverslte n'est plus abordee par des Inventalres,
mals de ヲ。セッョ
dynamlque, par son r61e fonctlonnel. La
blodlverslte devlent rensemble des relations entre
toutes les composantes du vivant qui permet Ie jeu de
revolution. On peut alors presenter la blodlverslte
comme une version modeme des sciences de revolu•
tion qui fait la synthese entre les acquls recents de la
blologle moleculalre et de recologle Hl・カセオL
1997).
Le modele d'un ecosysteme ferme, en equlllbre, avec
peu de variables est abandonne au profit d'une
ecologle evolutlonnlste. Le nombre de variables expll•
catlves augmente. Le temps et respace sont enfln
largement Introdults dans des modeles ecologlques et
biologiques. Plut6t qU'a la stablllte de recosysteme, on
s'lnteresse desormais a son adaptablllte. La capaclte
de la blodlverslte a reguler les cycles blogeochlmlques
de la biosphere, et done a malntenlr les conditions de
vie sur terre, est devenue un theme de recherche prla•
rltalre.
Un accord semble se falre sur エセイ・ョiG
de malntenlr
la capaclte de resilience, ('est-a-dire la capaclte du
systeme a amortlr un choc. L:eroslon de la dlverslte
blologlque entraineralt une perte d'adaptablllte, une
perte du potentlel d'lnnovatlon, rnaIs II n'est pas
prouve que les ecosystemes complexes solent plus
resistants ou piUS productlfs que les systemes les piUS
simples. 5'11 est acquls que la grande varlablllte et
heterogenelte des habitats est Ie moteur de revolu•
tion, on connait peu de choses sur les rapports entre
la blodlverslte et les caracterlstlques fonctlonnelles des
ecosystemes. Pour chaque espece, on cherchera des
correlations entre les caracterlstlques biologiques, les
contralntes ecologlques et les r61es dans recosysteme.
La dlsparltlon de certaines especes peut n'avolr aucun
effet sur Ie fonctlonnement d'un ecosysteme, alors
que celie d'autres especes - des espeees cles - peut
condulre au passage d'un type d'ecosysteme a un
en mesure de detlnlr les
autre3 . Encore faudralt-II ・イセ
groupes fonctlonnels et les chaines trophlques, les
relations de dependance et d'echange entre espeees.
On peut dlfflcllement conclure que des espeees sont
redondantes ou sont plus Importantes que d'autres. La
question de savolr s'll exlste un nlveau de dlverslte
optimal pour Ie fonctlonnement de chaque ecosys•
teme reste en suspenso
En definitive, ョエ・イセ
de la blodlverslte reslderalt
dans ce large eventall de genes, d'especes, d'eco•
systemes, mals surtout dans la rlchesse des meca•
nlsmes qui permettent de satlsfalre revolution des
besolns et des demandes de rhumanlte. C'est la une
des dimensions essentlelles de rutlllsation durable de
la blodlverslte. Cela dlt, on ne salt guere comment
malntenlr cette capaclte de resilience, nl comment
tradulre cette exlgence dans un projet de developpe•
ment.
Pour les sclentlflques, ravancee theorlque que
representeralt une approche en termes de blodlverslte
conslsteralt a depasser Ie clolsonnement dlsclpllnalre
entre genetlclens, blologlstes des especes et des popu•
lations, ecologues... Mleux encore, rhomme n'etant
piUS consldere comme « facteur de perturbation
anthroplque " rnaIs bien comme acteur de son envl•
ronnement, les sciences de la nature pourralent
converser avec les sciences soclales. Non seulement
retude de la blodlverslte devralt recouvrlr un domalne
qui rassembleralt en un Immense Inventalre Ie virus et
Ie blome, alnsl que rensemble des Interactions entre
les especes et les ecosystemes, rnaIs encore, elle
devralt deboucher sur des resultats utilisables pour
une mellleure gestlon de la biosphere, au profit de
rhumanlte.
La Lセエャウイ・カ 、ッャ「
enjeu de セエ ャ」ッウ
?
La dynamlque de diversification blologlque est Intlme•
ment llee a la dlverslte des socletes. L:homme n'a pas
ete qU'un predateur, II a ヲ。セッョ・
les paysages, les
agra-ecosystemes, domestlque des especes et selec•
tlonne des cultlvars. Par la selection agrlcole, puis par
Ie screening Industrlel, aujourd'hul par Ie genie gene•
tlque, II continue a modifier Ie genome. La blodlverslte
est un des supports de I'organlsatlon domestlque et
polltlque des hommes. L:usage productlf de la blodl•
verslte se revele a travers ses applications
nombreuses dans les domalnes de ragrlculture, de
I'elevage, de la sante (plantes medlclnales, pharma•
copee tradltlonnelle), de l'industrle (foresterle, cosme•
tlques...).
Selon I'echelle envlsagee (lndlvldus, populations,
communautes, ecosystemes, paysages, biomes, etc.),
ra blodlverslte renvole a des conceptions toutes dlffe•
rentes et pose dlrectementle probleme de la poursulte
du developpement economlque. La definition d'une
blodlverslte « souhaltable " mondlale comme loca•
lisee, semble une gageure. Les differences de percep•
tions sont enormes entre les acteurs Intervenant dans
Ie debat. La blodlverslte des sclentlflques n'est pas
celie des developpeurs, nl des paysans du Sahel, nl
celie de la Convention signee a Rio. Pour beaucoup, la
blodlverslte ne peut s'apprecler qU'a I'echelle du
temps court d'un projet de developpement et ne peut
セイ・
llee unlquement a cette partie du vtvant qui peut
セイ・
utlllsee, datls une optlque de rentablllte econa•
signification
mlque. La blodlverslte n'a pas la ュセ・
pour des populations dont les systemes de production
et la culture reposent sur un ecosysteme, pour des
f1rmes pharmaceutlques a la recherche d'une nouvelle
molecule ou pour des ecologlstes soucleux de la
preservation d'une espece anlmale.
La biodlverslte semble en passe de devenlr un enjeu
de societe OU se confrontent divers scenarios pour
NSS, 1998, vol. 6. n° 1, 7-19
I'avenlr de I'humanlte. Elle apparait aujourd'hui
comme un concept cle pour designer la coevolution
des systemes ecologlques et sociaux, Devant la crois•
sance demographlque previsible, I'artiflcialisation des
ecosystemes ne pourra que se poursuivre et la ques•
tion portera sur des choix de societe, L'appreciation
subjective ou Instltutionnelle est alors primordiaIe. Le
malntien de la biodlversite ne passe pas forcement
par une reproduction du Paradis terrestre ou I'homme
joult d'une nature vierge et genereuse. La monotonie
d'un champ de ble en Beauce peut etre Ie symbole de
la biodlversite, Paradoxalement, au-dela de sa tres
falble dlversite genetique qui conditionne son effica•
cite technique et economique, I'agriculture moderne
est Ie fruit, par allleurs souvent biologlquement sterile,
d'une tres grande blodiversite sl I'on inclut I'ensemble
du materiel genetique (toujours conserve dans des
banques) qui a ete utilise pour aboutlr a la variete
cUltlvee (Cauderon et aI., 1995), D'autre part, sl Ie seul
but admls est la sauvegarde de la vie humaine, II est
possible d'imaginer un monde dont Ie fonctlonnement
seraIt entretenu seulement par I'homme, les mlcroor•
ganlsmes et les Invertebres (Cauderon et al., 1995).
Quelle blodlversite proteger alors : les ecosystemes
forestiers amazonlens, les cereales traditionnelles des
Andes, Ie panda de Chine, des piantes inconnues pour
des usages Inconnus ou des savoir-faire locaux ? Le
choix de la blodlversite a proteger ne peut reposer sur
les seuls criteres scientifiques ou economiques,
De la biodiversite
aux ressources genetlques :
I'essor du genie genetlque
5i la definition de la biodlversite se veut englober des
reglstres dlfferents, melant preoccupations ethlques,
polltlques ou economlques, allant du virus a I'ecosys•
teme, on comprend que les polltlques comme les
sclentlflques qui pretendent en tralter s'epuisent a
chercher des prlnclpes dlrecteurs. On ne peut asseolr
la legltlmlte d'une action en cherchant a accumuler les
legltlmltes et les references de dlfferents unlvers
(Godard, 1989). La reconnaissance sociale du
probleme de la blodlversite s'imposera a partir de
I'unlvers de la technique.
Alors que la controverse s'est etendue, sous la pres•
sion des ONG, au domalne social et polltique, les
enjeux economlques portes par Ie progres technique
s'afflrment. Depuis les annees 1990, la biodiversite
dont II est question semble se reduire aux ressources
genetlques, volre aux Informations genetiques, ou
mleux encore aux Informations vlrtuelles : Ie developpe•
ment des recherches en genie genetlque a transforme
les genes en matleres premieres pour la defense de
cette blodiverslte-Ia. L'ensemble des acteurs reorgani•
sent leurs positions par rapport aux ressources gene•
t1ques.
Les Informations genetlques
Les hommes, tout au long de leur histoire et grt!ce a
une tres longue patience, ont fac;onne les especes
qU'i1s utilisaient en pratiquant Ie croisement et la selec•
tion des varietes vegetales et des races animales les
plus aptes a repondre aux conditions de production et
a leurs besoins economiques et culturels. Le genie
genetique permet aujourd'hul de s'affranchir de la
barriere specifique de la reproduction (un gene de
plante peut etre transfere a un animal, un gene
humain a un microorganisme), de I'experimentation
en conditions reelles de production et du temps.
Le genie genetique est I'ensemble des techniques
recentes issues du rapprochement de la genetique et
de la blochimle qui permettent de faire reallser par un
etre vivant tout ou partie du programme genetlque
d'un autre etre vivant (Kahn, 1996). Grace au progres
de la biologie moleculaire, iI est desormais possible
d'isoler un gene dans un chromosome. Or, un gene
isole, ou une combinaison de genes, est susceptible de
controler dans les cellules la synthese d'une protelne
dotee de fonction particuliere, On peut ainsi Isoler des
genes responsables de caracteristlques morpholo•
giques (couleur, tallie, forme, texture...) ou physiolo•
giques (resistance au froid, predisposition a certaines
maladies, stimulant de croissance ...). Les techniques
du genie genetlque permettent egalement de recons•
truire un gene, de Ie copier et de Ie transferer dans un
autre organisme afin d'obtenir les caracterlstiques
recherchees.
Les genes, dans leur ensemble, sont censes
renfermer un ensemble d'informations virtuelles
(encudre 2). Chaque gene est un support d'informa•
tions genetiques a decrypter pour disposer des
elements qui permettront de modifier un organisme
dans un sens souhaite. Les genes ne sont piUS unique•
ment consideres en relation a I'hlstoire et au travail
des hommes qui ont selectlonne et amellore leurs
combinalsons au seln d'une espece. lis sont ega Ie•
ment devenus une matiere premiere pour l'industrie,
lis acqulerent alnsi Ie statut de ressources genetlques,
car on specule sur leur interet economlque et strate•
gique comme source virtuelle de prodults nouveaux,
Alnsi, Ie genie genetique permet de mettre sur Ie
marcM tout aussi bien un gene isole dont une fonc•
tion a ete decouverte, un etre vivant genetiquement
modlfle comme la fameuse souris transgenlque de
Harvard porteuse d'un cancer Mredltalre ou Ie soja de
la firme americaine Monsanto resistant aux herbi•
cides, ou encore un mlcro-organisme transgenlque
utilise comme producteur d'un medicament (Nolvllle,
1996). Le genie genetique cree une certalne forme de
dlverslte genetlque.
Le debat se focallse sur les ウ・ョセァ
Dans la communaute scientifique internationale, les
systematlclens, les naturalistes, les ecologues lntegrent
les acquis de la biologie moleculaire, La soclobiologle
fait quelques emules. Les genetlclens devlennent les
porte-drapeau de la biodlversite.
NSS, 1998. vol. 6. n° 1. 7-19
Les ecosystemes et les especes sont encore Invo•
ques, mals surtout en reference a leur fonctlon de
reservoir de genes. Alnsl, I'lmage de rAmazonle en
flammes ne renvole pius tant a la necesslte de
preserver recosysteme forestler tropical en sol qU'a la
necesslte de conserver Ie reservoir d'une ressource
Inestimable : I'lnformatlon contenue dans les genes
des plantes, anlmaux et mlcroorganlsmes. Wilson
(1985), a rappul de son argumentation pour sauve•
garder des espeees apparemment tres volslnes, Inslste
sur rorlglnallte et I'Inflnle rlchesse de chaque combl•
nalson genetlque. Toutes les Informations contenues
dans les cellules de la simple souris Mus musculus
rempllralent, a raison d'un caractere d'lmprlmerie pour
une Information du code genetlque, les qulnze
editions de rEncyclopaedla Britannica publlees depuls
1768...
temps, la constitution de banques de
Dans Ie ・ュセ
genes s'lmpose plus que jamals comme un enjeu
economlque primordial dans Ie domalne des plantes
alimentalres. Se pose alors Ie probleme de la conser•
vation des ressources genetlques des parents
sauvages des plantes cultlvees, les varletes locales,
des varletes meres ayant permls la creation de
varletes commerclales ... Comme les collections de
ressources genetlques sont essentlellement contrOlees
par les pays du Nord alors que la dlverslte blologlque
In situ se trouve dans les pays du Sud, la conservation
des ressources genetlques se confond avec leur appro•
Nord-Sud.
priation et les confllts 、Gゥョエ・イセ
On a alnsl pu observer ces demleres annees une
derive du debat. On est passe du soucl de conserva•
tion de la dlverslte blologlque au travers de ses
elements res piUS marquants a une preoccupation
pour les ecosystemes, セイッヲ
troplcales en partlculler,
et enfln aux genes, source de denrees allmentalres, de
prodults chlmlques et pharmaceutlques, sources d'ln•
formations et d'apports pour la blotechnologle.
Sources potentlelles de confllt, deux visions
coexistent: une vision affective et ethlque de la blodl-
Encadre 2. Les informations virtuelies.
Les genes sont des fragments de la molecule d'ADN, laquelle constltue les
chromosomes. Comme les elements de base de la molecule d'ADN se succe•
dent dans un ordre precis, rhypothese d'une Information par laquelle les
genes commanderalenl la production de protelnes, et done les caracteres
vivants, est demontree. En developpant la metaphore
biologiques des ウ・イエセ
du message code, on peut dire que les genes contlennent des messages chlf•
fres ecrlts dans un alphabet a quatre lettres (Ies quatre nucleotldes A, T, G, C)
qUi se tradulsent mecanlquement dans un autre alphabet a vlngt lettres (Ies
vlngt acldes amlnes) qui forment les protelnes. Ce sont les mots formes qui
ont alors un sens biologlque.
Le decryptage de ces messages codes, Ie code genetlque, est alors suppose
de portee unlverselle, s'appllquant aussi bien a • une bacterle qU'a un
elephant • car tous les organlsmes vivants sont constltues avec les ウ・ュセ
elements de base. La sequence des elements est dlfferente d'un etre vivant a
un autre rnaIs les quatre nucleotldes sont identlques.
Actuellement, les recherches se poursulvent sur la complexlte du cod age
gene-protelne. Les genes ne constltueralent que 3 a 5 % du genome
humaln,la fonctlon du reste de I'ADN restant encore Inconnue.
verslte, et une vision utllltariste ou la blodlverslte
devlent un ensemble d'inputs pour la production
marchande.
Les enjeux Industrlels
Les secteurs des semences, de ragroallmentalre, de la
production animaIe, des cosmetlques, de la pharmacle
(medicaments, vacclns), de la medeclne (tMraple
genlque, tests-diagnostics) sont concernes par les
biotechnologies.
En ce qUi concerne Ie secteur pharmaceutlque, Ie
developpement des biotechnologies semble pouvolr
セイ・
dlssocle de la conservation de la dlverslte gene•
tlque. Les prodults les piUS usuels pulsent leurs prln•
clpes actlfs dans des plantes cultlvees ou dans des
molecules de synthese. La plante rare source d'une
decouverte paratt largement mythlque. Actuellement
la recherche pharmaceutlque tend a restrelndre la
methode de crlblage systematique de millions de
molecules chlmlques jugee peu productive et
coOteuse. II est juge preferable de mettre au point un
medicament pour repondre a une demande precise et
solvable, en recherchant les liens entre genes et
maladIe. PlutOt que de passer des accords de blopros•
pectlon avec les pays du Sud, les grandes flrmes phar•
maceutlques trouvent plus efflcace de s'alller avec
d'autres flrmes speclallsees pour acceder aux banques
de donnees de sequences de genes.
En revanche, Ie seeteur de I'agroallmentalre depend
dlrectement de la conservation de la blodlverslte pour
assurer la mise au point de nouvelles varletes. Le prin•
cipe de precaution leur Impose de pouvolr disposer de
souches susceptlbles de substltuer une varlete a une
autre en cas de maladle.
Les enormes prOfits attendus des prodults du genie
genetlque, dont Ie marche en plelne expansion seralt
estlme aujourd'hul entre 20 et 30 milliards de dollars,
excltent les convoltlses. Monsanto prevolt que Ie
marcM americaIn des plantes genetlquement modi•
flees sera de 6 milliards de dollars en 2005 (5oIagral,
1997). Quelle est la contribution de la blodlverslte aux
profits de I'Industrle ?
Des sclentlflques essalent de chlffrer la valeur des
ウエセイッヲ
troplcales, non piUS en fondlon des biens et
services qU'elles apportent a leurs usagers ou a la
collectlvlte, mals en fonctlon de leur rOle de foumls•
seur de matleres premieres pour I'Industrie. SI Gentry
estlme a 900 milliards de dollars la valeur des セイッヲ
troplcales
pour
l'lndustrle
pharmaceutlque,
Mendelsohn et Ballck (1995) sont piUS sceptlques et,
par de courageux calculs probablllstes, estlment que
cette valeur potentlelle ne 、セー。ウ・イャエ
pas 1 $ par
hectare. La controverse sclentlflque demeure... SI I'on
connatt Ie coOt de collecte moyen d'un echantlllon
(100 $), Ie coOt d'un crlblage (egalement environ 100 $),
Ie coOt de conservation en banque de genes (50 $ par
an) (l'l'ommetter, 1993), on est bien en peine d'estlmer
la contribution d'une sequence d'ADN, Issue de la
plante d'orlglne, a la valeur finale du prodult.
Aujourd'hul, dans Ie secteur des semences, la valeur
ajoutee d'un prodult repose essentlellement sur Ie pesti•
cide ou I'herblclde genetlquement Integre a la semence.
NSS. 1998. vol. 6. n° 1. 7-19
Quant au prix de vente final, iI depend essentiellement
de la position de la firme sur Ie marche. On comprend
alors la variete des evaluations qui servent de base aux
revendlcatlons des pays foumisseurs de biodiversite.
l.:industrie des biotechnologies se caracterise par une
tres grande concentration. Une dizaine de firmes assure
la production de la quasl-totalite des engrais, pesticides
et des obtentions vegetales - Pioneer commercialise
par exemple 46 % du ma'is americain. Les firmes nord•
americalnes et europeennes dominent Ie secteurt, d'ou
la tendance de leurs opposants a identifier ces interets
commerciaux prives a la position du Nord dans une
perspective d'affrontement Nord-Sud. Ces firmes tres
pulssantes sont en position de falre valoir directement
leurs Interets dans Ie cadre de I'Organlsatlon mondiale
du commerce, mals aussi par l'intermedialre des delega•
tions de leurs pays d'origlne aupres des dlfferentes
agences des Nations unies. Les recentes perlpeties
autour de I'Importation de ma'is transgenique en
Europe - autorisation donnee par I'Unlon europeenne,
en desaccord avec les organisations de consomma•
teurs, alors que Ie gouvemement エイ。ョセャウ
interdisait la
plantation du meme ma'is, qU'1I a autorlsee depuls sans
aucune concertation - temoignent de la faiblesse des
apparells de regulation interetatique devant les Interets
du secteur prive. Elles temolgnent aussi des conflits
entre I'oplnion pUblique, les politiques et les scienti•
fiques, Avant de s'lncllner devant les interets commer•
avait cru pouvolr satis•
claux, Ie gouvemement ヲイ。ョセゥウ
falre une opinion pUblique Inqulete devant la diffusion
de prodults transgenlques, alors que les scientifiques
falsalent valolr I'Innoculte de ce ma'is pour I'environne•
ment.
Aussl, au-dela des questions d'evaluations finan•
cleres, les enjeux semblent surtout se concentrer sur les
modes d'appropriatlon des ressources et sur la deten•
tion de brevets sur Ie vivant par un petit nombre de
firmes.
Une convention
d'environnement :
Ie Sommet de la Terre
La conference organlsee par la Commission des
Nations unles pour I'environnement et Ie developpe•
ment a Rio de Janeiro en 1992 est Ie lieu d'expresslon
de nombreux conf1its : la figure de I'affrontement est
caracteristlque des rapports des differentes legitimites.
Mals c'est surtout Ie lieu ou ces differentes visions du
monde dolvent trouver un terrain d'entente, s'ac•
corder sur des conventions. En cela, Ie Sommet de la
Terre est un des elements constltutlfs de la construc•
tion soclale des problemes globaux d'enllironnement.
La forte medlatlsatlon de cette rencontre, qui a
attire pendant plusieurs semaines une centaine de
et qui s'est accompagnee d'une multitude
chefs エ。セG、
d'autres manifestations paralleles, dont Ie contre•
sommet des ONG mobilise I'attention de I'oplnlon
PUblique. II faut que les differentes parties en presence
convergent sur une representation unique de la blodi•
verslte et sur les Instruments de politiques mettre en
a
reuvre. Alors que les scientifiques ne peuvent fournlr
les reponses et les certitudes que les politiques atten•
dent d'eux, la fermeture Institutionnelle du probleme
d'environnement global blodiverslte, comme cela a ete
Ie cas pour les autres problemes d'environnement
global, s'organise en fonction des possibllites tech•
niques et des rapports de force du monde de I'Indus•
trie. Pour permettre I'essor des biotechnologies, iI faut
assurer I'approvisionnement en matieres premieres •
par racces aux ressources biologiques des pays du
Sud - et s'assurer des parts de marche - par une jurl•
diction qui permette Ie monopole d'exploitation et la
circulation des marchandises.
Le texte de la Convention sur la diversite biologlque
est symptomatlque de la reduction du concept de
diverslte biologique celui de ressources genetiques.
Le texte de droit international, qui devrait enteriner la
creation d'un bien collectif mondial et fixer les respon•
sabilltes de chacun pour son usage durable, peut se
lire comme un texte essentiellement preoccupe de
fixer Ie cadre jurldique qui garantira Ie developpement
des biotechnologies,
a
Nature sauvage et nature utile
A Rio se rencontrent deux grands mouvements. On
trouve autour de I'UICN, qui a largement contribue a
preparer la Convention, Ie courant des conservatlon•
nistes avec les grandes ONG environnementales qui
ont su associer I'opinion pUblique aux grandes batallles
pour la protection des especes menacees, la creation de
reserves naturelles et la defense de la ' nature
sauvage '. Autour de la FAO, on trouve les groupes
d'intert'!t dont I'actlvite economlque depend des
ressources genetiques, de la ' nature utile' : les semen•
ciers, les industrlels de I'agroalimentaire et de la phar•
macie.
Ainsi, Rio, les cameras sembleront saisir une grande
reconciliation des differents acteurs sous les auspices du
developpement durable. Les debats de la Conference
engloberont tout Ie gradient de la domestication de la
nature : de la ressource spontanee a la ressource
cultlvee, de I'anlmal sauvage a I'anlmal apprlvolse, du
don de la nature aux prodults du genie genetlque... De
fait, la rencontre entre ces deux courants n'est pas
rendue possible par une reunion des champs de preoc•
cupations, rnais au contralre par la reduction a un souci
commun : la conservation du patrimolne genetique. La
declaration de Stockholm en 1972 s'etait deja penchee
sur la protection des ressources genetlques internatio•
nales. La FAO, dans son Engagement International de
1983, avalt declare les ressources genetiques patrl•
moine commun de I'humanlte. Les organisations de
defense de renvlronnement, comme les scientlflques,
font desormals passer la lutte pour la diversite blolo•
gique par la defense des ressources genetlques.
a
Un accord Nord-Sud
La Conference des Nations unies pour I'envlronnement
et pour Ie developpement s'ouvre d'emblee sous Ie
slgne de I'affrontement Nord-Sud. Les pays du Nord
NSS, 1998, vol. 6. n' 1. 7-19
4 D'apres RAFI
Comunlque, juilletlaoul
1995, les prlnclpales
flrmes Industrlelles
delenlrlces de brevets
pour des procedes ou
produlls Issus des
biotechnologies sonl :
Monsanto (Etats-Unls),
DNA Plant Technology
(Etals-Unls), Calgene
(Elals-Unls), Pioneer HI
Bred (Etals-Unls), Mycogen
(Elals-Unls). ICl/Zeneca
(Royaume-Unl), C1ba Geigy
(Suisse), DUPonl
(Elals-Unls), Agracetus
(Elals-Unlsl, Agricultural
Genetics (Elals-Unls),
Amoco (Elals-Unls),
Michigan State Unlv.
(Elals-Unls), Lubrlzol
(Elats-Unls).
ARTICLE
s'lnquietent du danger que les pollutions et une
mauvalse gestlon des ressources du Sud peuvent falre
courir a la biosphere. Comment Intervenlr pour que Ie
developpement economique des pays du Sud ne mette
pas en perilla planete i' Les pays du Sud accusent Ie
Nord d'utlliser la protection de I'envlronnement comme
un pretexte pour frelner leur developpement et pour
pratiquer une Ingerence verte. Les pays du Nord retu•
sent d'assocler Ie debat sur la protection de I'envlronne•
ment aux questions de developpement traitees dans
d'autres instances. Alnsl, les problemes cruclaux comme
la dette du tlers-monde et Ie cours des matleres
premieres ne seront pas abordes dans les conventions,
Les exigences des pays du Sud ne peuvent s'lnscrire que
dans I'ordre du jour du Sommet : dans la Convention
cllmat et dans la Convention sur la dlverslte blologlque.
L.e precedent du Protocole de Montreal et Ie fait que
les problemes climatiques se エョ・セイー
a la quantlflcatlon
et a des solutions techniques facllitent la signature de la
Convention sur Ie changement cllmatlque. L.e monde
Industrlel reconnalt sa responsablllte historlque dans
I'accumulatlon des gaz a effet de serre et les pays du
Sud y gagnent des promesses de transtert de techno•
logle • propre ". La situation est tout a fait dlfferente
pour la Convention sur la dlverslte blologlque. L.e sujet
mobilise des points de vue confllctuels. II n'y a pas de
precedent nl d'accord prealable sur les causes du mal,
les moyens d'y remedler, les objectlfs a attelndre. L.e fait
qU'une part Importante de la blodlverslte mondlale solt
contenue dans les セイッヲ
troplcales modlfle Ie rapport
de force. Les pays du Sud veulent utiliser leurs
ressources, lis n'entendent pas ・イエセ
transformes en
reserves de blodlverslte,
La Convention sur la dlverslte blologlque ne pouvalt
prendre que la forme d'un compromls : Ie partage des
drolts sur cette blodlverslte susceptible de se tradulre
par des revenus. L.e pedege du groupe Rhone-Paulenc a
alors eu beau jeu de soullgner que Ie resultat de la
Convention - Ie partage des revenus tires des mole•
cules miracles encore a decouvrlr - a constltue un
pletre gain pour Ie developpement des pays du Sud au
regard de ce qU'une caisse de compensation pour
soutenlr les cours des matleres premieres agrlcoles et
mlnleres auralt pu apporter (Deralme, 1993).
セ ヲイーッ
L.es dralts de proprletl!
Intellectuelle sont une
forme partlcullere de
drafts, ・オセョッ」
pour
protl!ger les prodults de la
crl!atlvltl! de I'homme. On
peut clter l:I titre
d'exemples les brevets,
les dralts d'auteur, les
marques, etc.
5
La Convention : セエ・ョ、イ
les drolts de
sur les ressources ウ・オアャエセョ ァ
L.e Sommet de la Terre de Rio permet la signature par
157 ウエ。セ
de la Convention sur la dlverslte blologlque.
Dellberement f10ue sur certains points de ョッセ。ヲ
a
permettre une certalne souplesse d'appllcatlon et a
recuelllir un agrement generalise, la Convention met
cependant c1alrement en avant I'afflrmation et I'exten•
slon de drolts de proprlete InteliectuelleS a toutes les
ressources et techniques susceptlbles ・イセG、
utlllsees par
les biotechnologies. QU'1I s'aglsse de fa souveralnete
des Lウエ。セ
de la reconnaissance des savolrs et des
pratiques tradltlonnelles des communautes locales ou
du droit des brevets protegeant la technologle a trans•
ferer, la definition des formes de droit de propriete Intel•
lectuelle est omnlpresente, La Convention pousse a la
definition et a I'homogenelsation des drolts prlves et
des reglementatlons natlonales. Elle encourage les ウエ。セ
a se doter d'un 5Y5teme jUrldlque de drolts de proprlete
sur les ressources genetlques. En contrepartle de I'appll•
cation du droit des brevets aux ressources genetlques,
defendue par les Industrlels du Nord, les pays du Sud
ont obtenu la reconnaissance de leur souveralnete et
du droit des agrlcuiteurs et des peuples, Mals ces drolts
n'appartlennent pas au ・ュセ
unlvers de reference, lis
n'ont pas la ・ュセ
reallte concrete.
D'un probIbne d'envlronnement
Ia gallon des ressDUras
Des I'artlcle 1, les choses sont clalres, la question de la
conservation et de I'utlllsation durable de la blodlverslte
passe au second plan: I'enjeu reside dans' Ie partage
juste et equitable des avantages decoulant de I'explolta•
tlon des ressources genetlques, et a un transtert appro•
prle des techniques pertlnentes, compte tenu de tous
les drolts sur ces ressources et aux techniques, et grace
a un f1nancement adequat ". Les ressources genetlques
ne sont plus alors Ie patrlmolne commun de I'humanlte,
mals I'objet de drolts souveralns des pays qui peuvent
en restrelndre I'acces et ・セ
assocles a leur exploitation,
comme Ie souhaltalent les pays du Sud, Les accords
entre pays du Sud, presentes comme riches en blodlver•
site, et pays du Nord, presentes comme riches en tech•
nologle, passent en effet par la reconnaissance de
drolts sur les ressources naturelles prelevees dans Ie
Sud et transtormees dans Ie Nord. On est passe d'une
definition tres floue de la blodlverslte comme probleme
global d'envlronnement a un probleme plus classlque
de gestlon des ressources et d'exploltatlon de capital
naturel. Les ressources genetlques pouvant ・セ
traltees
comme des prodults commerclaux, leur gestlon dolt
alors ・セ
soumlse aux Imperatlfs de la technique - Ie
genie genetlque - et aux セ・エョi
Industrlels et commer•
claux,
a
La ウッオキイ。ャセ
Impllque
Ia reconllQ/ssQnce du droit des brelIets
La reconnaissance de la souveralnete des ウエ。セ
du Sud
sur leurs ressources prend alors la forme d'une recon•
naissance polltlque. ('est un outll jurldlque que les
ウエ。 セ
natlonaux peuvent opposer a la bloplraterle, au
pillage de leurs ressources par les multlnatlonales.
Cette Image de pillage du tiers monde peut paraitre un
peu convenue, II faut cependant comprendre que des
faits anciens appartenant a la memolre collective d'un
peuple, comme Ie vol par les Anglals des semences
d'heveas qui a cause la perte du caoutchouc breslllen
(Serler, 1993), entrent en resonance avec, par
exemple, les satyagrahas, grandes manifestations
Indlennes contre les depOts de brevets sur une plante
traditionnelle, Ie neem, par de grandes entreprlses
amerlcalnes et ,aponafses de fabrication de pesticides
(Shlva, 1996),
Les affrontements se sont focallses sur les condi•
tions d'approprlatlon et de commercialisation des
ressources genetlques susceptlbles de fournlr de
nouvelles molecules pharmaceutlques ou de
nouvelles varletes de semences, c'est-a-dlre sur Ie
partage des benefices provenant des biotechnologies,
Le reglement des questions de drofts semble alors Ie
prealable a toute transaction marchande. L:afflrmatlon
NSS, 1998, vol. 6, n° 1, 7-19
du principe de souveralnete sur res ressources rend
possible ('etabllssement de liens contractuels. l:acces
et les drolts d'utlllsation s'echangent centre des drolts
d'entree, des actions de formation, des redevances,
etc., qui ne permettent Ie • partage juste et equitable'
que 51, et seulement 51, II Y a eu Innovation Issue de la
collecte et exploitation commerclale. Le partage
Impllque que res ressources genetlques solent deve•
nues un prodult protege par des brevets et objet de
licences d'exploltatlon. En slgnant la Convention, les
pays du Sud ont reconnu Impllcltement res drolts de
proprlete Intellectuelle sur les ressources genetlques
tels que detlnls par Ie Nord.
La IJIodIveI'sIte mondIaIe tNfendue
par des accunts commetdawc blkMmux
Ne proposant aucun cadre standardise et global pour
les accords entre pays, la Convention encourage la
negoclatlon dlrecte entre Etats, ou du molns entre
organlsmes publics, et flrmes prlvees. La garantle de
transfert de technologle Inserlte dans la Convention
(art 16) ne peut Mre acquise sans remettre en cause Ie
droit des brevets qui protege ces technologies. Ce
point a servl de pretexte aux Etats-Unls pour ne pas
signer Immedlatement la Convention. Le transfert de
technologle, Impllquant I'abandon des drolts de
proprlete Intellectuelle et Industrlelle, ne peut trouver
sa place que dans Ie cadre d'accords bllateraux, nego•
cles au cas par cas, selon Ie rapport de forces entre les
deux parties (Nolville, 1996). La protection de la blodl•
verslte mondlale ne releve donc pas d'un systeme de
regulation International, mals de contrats bllateraux
de droit prlve. Le cadre d'une convention Intematlo•
nale semble alors Inutile.
Le modele du genre est ('accord de bloprospectlon,
malntes fols cite, entre INBlo, organlsme prlve, et ('en•
treprlse pharmaceutlque amerlcalne Merck and CO.
Cet accord, passe avant la signature de la Convention,
a surtout permls au gouvemement du Costa Rica de
reclamer apres coup son dO - 50 % des redevances
perl;ues par INBlo - sur la transaction sans entre•
prendre pour autant une polltlque claire de conserva•
tion (P1storlus, Wljk, 1993). Cette solution s'organise
selon des termes propres i\ chacun des contrats qui ne
sont pas forcement dlvulgues et ne sont pas I'objet
d'un contrOle ou d'un arbitrage quelconque. Ce
systeme contractuel est etabll pour des perlodes 11mI•
tees, II ne peut garantlr des actions i\ long terme.
Certains petits pays du Sud ont exprlme leur cralnte de
se voir offrJr des conditions peu favorables et de ・イセGョ
pas vraiment en position de les refuser, ou de se voir
exclus des negoclatlons sl leurs ecosystemes n'lnteres•
sent pas les flrmes de prospection (Hermltte, 1992).
Les dI'OIts de ",."",.w lnfelleduelle
au service de Ia conservation
En afflrmant la souveralnete des Et"ts et en reconnals•
sant Ie travail de conservation des communautes
autochtones, la Convention demande aux pays du
SUd de se doter d'une legislation natlonale sur les
drolts de proprlete Intellectuelle. Un pays qui ne se
doteralt pas d'un systeme de protection sur ses
ressources ne pourralt avolr de recours sl ces
ressources sont brevetees par allleurs. Un pays qui ne
reconnattralt pas Ie droit des brevets sur res prodults
de la blotechnologle ne pourralt beneflcler de leur
transfert.
l:artlcle 16-5 va plus loin. II suggere que les drolts de
proprlete Intellectuelle sont des outlls de protection de
la blodlverslte : • les Parties contractantes, reconnals•
sant que les brevets et autres drolts de proprlete Intel•
lectuelle peuvent avolr une Influence sur I'appllcatlon
de la Convention, cooperent i\ cet egard sans preju•
dice des legislations natlonales et du droit Interna•
tional pour assurer que ces drolts s'exercent i\ ('appul
et non i\ (' encontre de ses objectlfs.•
Christine Nolvllle (1996) soullgne que la Convention
tente d'utlllser les drolts de proprlete Intellectuelle
pour attelndre ses objectlfs envlronnementaux. Les
drolts de proprlete Intellectuelle ne seralent pius
unlquement un dlsposltlf jurldlque destine i\ proteger
une Innovation, mals egalement un outll de protection
de la blodlverslte. La Convention enterlne la generali•
sation des drolts de proprlete sur les ressources natu•
relies locales comme sur les prodults des biotechnolo•
gies. En Incitant res pays du Sud i\ recourlr i\ des
systemes de protection commerclale de leurs
ressources et i\ reconnaitre Ie systeme de protection
des biotechnologies du Nord, elle Impose une vision
occidentale du rapport entre (,homme et la nature et
banallse la marchandlsatlon du vivant.
En postulant qU'une mellleure circulation des
ressources et des technologies demande des drolts de
proprlete deflnls, la Convention s'lnscrit dans la
loglque marchande de !'Organisation mondlale du
commerce. Elle rejolnt alnsl la vision de certains
economlstes contemporains qui postulent que seule
('extension du marche peut 。ウオイ・セ
la bonne gestlon
et la conservation des ressources. Or, I'Instauration
d'un marche necessite que les drolts de proprlete alent
ete au prealable detlnls.
L: economique et Ie vivant6
Le fait que I'on parle desormals de plus en plus de
ressources en ce qui concerne la blodlverslte est un
Indlce de la prise en charge de la problematlque par
('economle. La focallsatlon de la Convention sur les
drolts de proprlete va dans ce sens. Selon certains
economlstes, res problemes d'envlronnement ou de
gasplllage des ressources naturelles provlennent en
demlere Instance d'une detalllance de la structure juri•
dlque qui les conceme. Le reglement des questions
d'approprlatlon des ressources est donc un prealable i\
la resolution de ces problemes. Pour bien Ie
comprendre, II Importe de rappeler les termes dans
lesquels se pose la probiematlque envlronnementale
pour la theorle economlque domlnante. Celie-ci n'ac•
corde aucune speelflclte i\ la blodlverslte.
L'analyse ・オアャュッョ 」セ
d'un ・ュセャ「ッイー
d'envlronnement
Tradltlonnellement, les economlstes operent une
distinction fondamentale entre deux types de biens:
NSS, 1998, vol. 6, n° 1, 7-19
6 Ce titre renvole a celul
de I'ouvrage de Rene
Passel
les biens economlques et les biens gratults. Les
premiers sont des biens rares et approprlables, pour
lesquels rattrlbutlon de drolts de proprlete donne lieu
a des echanges marchands. Les seconds sont des
biens IIbres et abondants, dlsponibles pour tous. Par
definition, seuls les premiers font robjet de rattentlon
de la science economlque. Pour un economlste ortho•
doxe, un probleme d'envlronnement, comme celul de
la blodlverslte, est fa preuve d'une Interference entre
ces deux categories : II temoigne que certains biens
sont en train de changer de categories, qU'lIs sont en
train de devenlr des biens rares, alors qU'lIs pouvalent
Mre conslderes jusqu'alors comme des biens IIbres et
dlsponlbles en quantltes IIIlmltees.
Cette interference aboutlt a ce que Ie blologlste
Garrett Hardin (1968) a appele dans un article celebre
• the tragedy of the commons ", A partir d'une robinson•
nade mettant en scene une communaute de bergers
falsant paitre leurs moutons sur un espace commun,
Hardin entend montrer qU'en rabsence de regles de
proprlete la ratlonallte Indlviduelle entre en confllt
avec I'InterM collectlf et conduit a la surexploltatlon du
paturage et a fa rulne de la collectivlte.
('est la conjonctlon de deux caracterlstlques de ren•
vlronnement qui aboutit a ce qU'1I convlendrait plutOt
d'appeler, a la suite de Jacques Weber et Jean-Pierre
Reveret (1993),la tragedle des ressources en acces
IIbre : la non excluslvlte des biens publics, d'une part,
qui fait que ron ne peut ・ューセ」ィ・イ
racces a une
ressource qui n'est pas approprlee et, d'autre part, la
rlvalite entre les agents qui fait que raction des uns a
des repercussions negatives sur Ie ・イエセMョ・ャ「
des
autres. La solution preconisee par Hardin et par les
theoriclens des drolts de proprlete consiste a definlr
des drolts de proprlete privee excluslfs et transferables
sur les ressources IIbres. Apres cela, chacun etant
desormals chez lui, les agents auront InterM a gerer au
mieux leur ressource propre et pourront rechanger
s'i1s Ie desirent. L:envlronnement ayant enfln les carac·
teristiques d'un bien economique - ce qui revlent a
dire que renvlronnement en tant que tel a dlsparu I -,
II ne reste pius qU'a lui appllquer les regles d'allocatlon
des ressources que la theorle economlque neo-c1as•
sique juge optlmales.
Les textes de la Banque mondlale et de rOCDE
analyse. Selon
(1996) reprennent aujourd'hulla ュセ ・
elle, la blodiverslte est vlctlme de ce que Hardin (1993)
appelle un • pillage global ". Celle-cl, ecrlvent les
economlstes comme netenberg (1992) ou Perrlngs et
Opschoor (1994), est un • bien collectlf global" qui
souffre d'un deficit d'approprlatlon. Des externalltes
negatives - qui, elles aussl, sont quallflees de globales
- apparalssent alors : la reduction de la blodiverslte
engendree par Ie comportement de certains - les pays
du Sud - Induit une perte nette de blen-Mre pour ren•
semble de rhumanlte. Pour y remedier, II convlent,
comme dlsent les economistes, d'lnternallser les exter•
nalltes, c'est-a-dire de donner un prix aux ressources
conslderees jusqu'alors comme gratultes pour que
tous les agents les Integrent dans leurs calcufs econo•
mlques et leurs strategies. Quelle que solt fa manlere
envisagee pour ce falre, la definition des drolts de
proprlete sur renvironnement et les ressources natu•
relies est un prealable a cette operation; ce qU'a fait
en substance la Conference de Rio, II est des lors
probable que nous asslstions a la poursuite du vaste
mouvement des enclosures qui marque Ie xxe slecle.
L: extension de la marchandlsatlon
du vivant
L:extenslon de la proprlete et de la sphere marchande
- au travers de ce qU'on peut appeler la marchandlsa•
comme la solution
tlon du vivant - est donc 」ッョセ・
aux problemes d'environnement. Des elements de la
vie qui n'etalent pas marchands Ie devlennent ou sont
en passe de Ie devenlr, ou font robjet d'evaluatlons
economiques monetalres. Pour Impressionnante
qU'elle solt, cette evolution n'est nl recente nl
soudalne. Elle n'est qU'une nouvelle etape d'un vaste
mouvement commence II y a plusleurs slecles. Karl
Polanyl (1944) a montre comment les exlgences de la
production ont fait peu a peu entrer rhomme et la
nature dans la sphere de rechange marchand. La terre
et la force de travail des hommes sont ainsl devenues
des marchandlses, des simulacres de biens prodults
pour la vente sur un marche. se sUbstltuant de plus en
piUS aux relations de parente, aux liens d'allegeance
et de solldarite, aux obligations rellgleuses ou aux
croyances maglques, la relation contractuelle et la
fiction du marche auto-regulateur sont devenues au fll
du temps les Institutions sociales dominantes pour la
reproduction de la nature et de rhomme.
Comme Ie montre Gerald Berthoud (1989), cette
evolution s'est poursulvle dans Ie courant des annees
et non plus
1980. ('est Ie corps humaln ャオ ᄋュセ ・L
seulement sa faculte de produlre un travail, qui est
. devenu une marchandlse. Le corps peut desormais
comme un ensemble de ressources biolo•
Mre 」ッョセ
giques, d'organes, de prodults et de genes susceptlbles
de pouvoir Mre echanges ; une Idee qui, comme Ie
montre Rene Passet (1995), va de pair avec celie de la
theorle du • capital humaln ". Cette theorle, deve•
loppee dans les annees 1960 par Gary Becker notam•
ment, consldere les depenses d'educatlon et de solns
medlcaux comme des decisions d'investissement
ratlonnelles permettant d'accroitre son revenu futur,
ョッセ。ヲ
qU'une entreprlse Investlt dans du
de la ・ュセ
capital pour accroitre sa production et ses recettes
ulterieures. L:homo oeconomlcus optimise alnsl la
gestlon de son corps au cours de sa vie.
('est cette ・ュセ
evolution que connait aujourd'hul
la nature. Les solutions Instltutlonnelles proposees au
probleme de reroslon de la blodlverslte Impliquent
elle aussl, comme un ensemble
que la vie solt 」ッョセ・L
de • ressources naturelles " separables, approprlables,
valorlsables et echangeables. Qualifier quelque chose
de' ressource.", comme Ie rappellent Georges Dupre
(1996) et Catherine Aubertln (1996), c'est Impliclte•
ment Ie falre entrer dans la sphere de la production.
('est, selon la definition usuelle du terme, Ie consl•
derer comme un stock de marchandlses dlsponlbles.
L:adjectlf • naturel ", quant a lui, Joue sur ropposltlon
nature-culture et fait de cette ressource quelque
chose d'exterJeur et de preexlstant a la societe qui
entend I'utlllser et la quantifier. Conformement a la
theorle economlque, conslderer la dlversite blologique
NSS. 1998, vol. 6. n° 1. 7-19
comme un ensemble de ressources naturelles revlent
セ tralter la partie vlvante de I'envlronnement comme
un capital - un capital • naturel " dlsent malntenant
les konomlstes de I'envlronnement - dont II
convlent, iセ encore, d'optlmlser la gestlon dans Ie
temps. La rupture avec la notion de patrlmolne de
セエャョ。ュオィGi
est 」ッョウュセ
(encadre 3).
La prise en compte de la セエャウイ・カ 、ッQ「
en tant que
telle oblige セ s'lnterroger sur la nature comme un
セi ュ・ョエ
de セエャョ・、iG
humalne. Au contraIre, reco•
nomIe neo-classlque est fondee sur !'Idee d'un homme
IIbre, autonome, Instltuant ratlonnellement la ・セi」ッウ
et son rapport au monde. Cet homo oeconomlcus n'a
aucune
aucune racine, aucune Identlte ー。イエャ」オiセ・L
du monde qUi I'entoure... En
obligation カャウMセ
mettant un accent エョ・ュオ、 セイー
sclentlflque sur Ie
・イセエ」。イ
efficient de ・ァョ。ィ」セイ
generalise, cette
thoorle ・オアャュッョ」セ
・ュャエ ァセi
une certalne conception
du vlvre ensemble et contrlbue セ Imposer aux autres
ウセエ・ャ」ッウ
un type partlculler d'institutlon, une forme
ー。イエャ」オ iセ ・
、Gャョエセァイ。 ゥッョ
sociaIe et une certalne repre•
sentation de la nature. II s'aglt de Jeter Ie discredit sur
les Institutions, pratlques et savolrs locaux qUi ne
イセーッョ、・ エ
pas aux exlgences de I'Idoologie llberale et
de la croissance economlque. Robert Tclrtarln (1982) a
ュッョエイセ
avec quelle mauvalse folies theorldens des
drolts de ・セャイーッ
エョ・ゥ。ケ セ
leurs demonstrations et
reetrlvalent I'hlstolre pour qu'elle allle dans leur sens,
a savolr celul du developpement de la proprlete
ーイャカセWN
Les anthropologues reunls autour de Flkret
Berkes (1989) ont soullgne que Hardin - comme beau•
coup d'konomlstes des ressources naturelles •
confondalt • non ーイッ ャセエ・
• (ou IIbre Iウセ」。
et
• ーイッャセ・
collective " ce qui lui permet de passer sous
silence la dlverslte des structures de droit et des modes
de gestlon tradltJonnels des ressources et des espaces
qUi se エョ・ャセ イ
tout aussl efflcaces, au sens des ecooo•
mlstes, que ceux qUi reposent sur I'approprlatlon
ーイャカセ
ou etatlque. Ces ウ・ュセ
auteurs rappelalent
aussl que bon nombre d'exemples de destruction d'es•
paces avalent pour ーイセ。ャ「・
une destructuratlon de
ces modes de gestlon traditionnels, ・ュセ M・B
produlte, bien souvent, par !'Introduction de rapports
marchands ou de procedures d'approprlatlon...
Cela nous ・ョセュ。
a nous Interroger sur les conse•
quences soclo-polltlques des transformations en cours.
La loglque marchande ーイッ」セ、・
slmultanement par
ゥョエセイ。 ャッ
et par exclusion. Alnst II est probable que
les marches de la blodlverslte ne selectlonneront que
certaines ウ・セャ」ッ
et セ ャG ョエセイャ・オ
de celles-cl certaines
actlvltes et certains savolrs lucratlfs, les autres sont
appeles セ dlsparaltTe.
Encadre 3. La notion de patrimoine naturel.
Construlte en opposition aux formes
classiques de legitimite reposant sur
des jeux d'interets, d'interets econo•
miques en particuller, la notion de
patrimoine naturel, comme Ie
montrent les analyses d'Olivier
Ost
Godard (1990) et de ウゥッセョ。イf
(1995)
notamment.
apparait
porteuse d'une nouvelle ィセァゥエュ。ᆳ
tlon pour asseolr la prise de deci•
sion et la gestlon dans Ie domaine
de I'envlronnement.
Le patrlmolne designe des elements
du milieu physique et social qUi sont
dlstlncts des biens d'usage et des
biens capitaux. Uee セ ridentlte d'un
groupe, la notion de patrlmolne
transcende la distinction tradition•
nelle operee entre sUjet et objet,
entre I'etre et I'avolr. ('est aussi une
notion transhistorique puisque, par
sa transmission de generation en
generation, Ie patrimoine doit
assurer la survle du groupe et Ie
malntlen de son identite a travers Ie
temps. Pour ce falre, la logique
symbollque a laquelle obelt Ie patrl•
moine peut s'appuyer sur des
elements de rationalite economique.
Certaines parties du patrimoine
peuvent etre versees dans la sphere
marchande, mals avec precaution
et dans des conditions particulieres.
Repondant partiellement a des inte•
rets du groupe, la gestion du patrl•
moine est davantage Iiee a un
ensemble de regles, d'interdits, de
devoirs et d'obligations qUi lie entre
eux, de ョッセ。ヲ
asymetrique, les dlffe•
rents membres de ce groupe : les
vivants, les morts et ceux encore a
naitre. Notion jurldique complexe,
figure de compromls instltutionnel,
Ie patrlmoine, ecrit fイ。ョセッャウ
Ost
(1995), • s'accommode de la super•
position sur un meme espace de
plusleurs prerogatives dlstinctes
renvoyant a des usages et a des
titulalres differents • et dolt
permettre une gestion prudente des
espaces qui laisse ouverts les
possibles.
II n'en demeure pas molns que la
mise en ceuvre de cette notion de
patrimoine commun de I'humanlte
pose un certain nombre de
problemes, Decider que certains
elements actuels de la biosphere
sont consideres comme un patri•
moine commun de I'humanite
NSS. 1998. vol. 6. nO 1. 7-19
oblige la generation presente a
poursuivre un projet colledlf en ce
qUi concerne I'humanlte et la
nature, Quel peut セエイ・
ce projet jl
Quelles sont les instances qUi
peuvent en debattre jl La question
se pose d'autant piUS que, comme Ie
fait remarquer Georges Dupre
(1996), II ne s'agit pas de ralsonner
sur I'humanite dans sa generalite, nl
sur I'homme Isole, mals sur des
societes partlculieres avec leur equl•
pement technique, social et culturel,
qui ont souvent joue un rOle impor•
tant dans la diversification du
vivant. .. Autre interrogation sur ref•
fedivite de la notion de patrlmoine
commun de I'humanlte : celle-cl.
pour etre respectee, dolt s'appuyer
qUi
sur la souveralnete des ウエ。セ
gerent les ressources au nom de la
communaute Internationale, ce qUi
conduit a des risques evldents de
confiscation, comme en temoigne Ie
cas des grands fonds marins qUi,
comme Ie note ウャッセョ。イf
Ost (1995).
sont reserves de facto aux entre•
prlses transnatlonales disposant des
capacites d'exploltation.
7 Dans un artkle v1sant €I
la constitution d'une
theorIe des drolts de
ーイセL
Harold Demsetz
(1967) appule sa
ョッQエ。イ ウョッュセ
sur des
faits concernant les
terrains de chasse des
IOOlens Montagnais. Pour
Demsetz,le
developpement des drolts
de セエイーッ
セカャイー
sur
ces terres appartenant au
depart €I la coIlect1vtte
s'explique par une
analyse coOts-benefices
qUi montre qu'. partlr du
moment Oil un profit
IOOlvlduel a pu ・セ
tire de
Ia commerdallsatlon des
prodults de Ia chasse, II
devenalt n«essalre que
les terres soIent
approprtees
prtvatlvement. R. 'nITtartn
montre la falslflcatlon des
、ッョ セ
ethnographiques
• Iaquelle recourt
Demsetz : Ies nouveaux
drolts sur Ia terre ne sant
pas asslmllables €I une
proprtete prtvee, mals
plUtO! • un type d'usage,
III une forme d'usufrult ; Ia
transmission de ces drotts
reste soumlse • Ia survle
du groupe, etc.
LE
Conclusion
r・ウオュセ
- La construction sodale de Ia question de Ia
Lセエャウイ・カャ、ッi「
Comme tous les problemes g10baux d'envlronnement,
reroslon de la dlverslte blologlque fait, et continue
falre, robjet d'une construction soclale et polltlque.
Nous nous sommes centres sur une des scenes d'lnstl•
tutlonnallsatlon ; Ie sommet de Rio qui a vu la signa•
ture de la Convention sur la dlverslte blologlque. Une
certalne vision s'y est Imposee, raccent etant resolu•
ment mls sur les ressources genetlques. S'II y a lieu de
parler de crise de la blodlverslte, ('est avant tout une
crise de la representation de la dlverslte blologlque, de
la dlverslte de fa vie qui nous apparalt alors. ('est une
nature relflee, objectlvee, une nature qui dolt entrer
dans la sphere de la production et de rechange qui
prevaut en effet. Comme Ie rappelle fイ。ョセッャウ
Ost
(1995), la gestlon de renvlronnement et piUS forte
raison, comme dans Ie cas present. quand II s'aglt de
la vie pose la question du lien entre rhumanlte et la
nature. Nous avons vu (encadre 3) que rasped Identl•
talre est primordial dans la probfematlque de la blodl•
verslte. Une dtffinltlon et un mode de gestlon qui ne
donneralent la parole qU'au monde marchand et
Industrlel ont donc toutes les chances d'exacerber les
tensions et les lIeux de confllt.
Les contours du probfeme de reroslon de la blodl•
verslte ne sont pas encore stabilises, II ne se passe pas
de semalne sans que la presse ne se fasse recho de
preoccupations llees la dlverslte de la vie ; enleme
affrontement au sujet de rours brun des Pyrenees,
nouveau rebondlssement dans la maladle de la vache
folie, proliferation Inquletante de la moule zebree
dans Ie Mlsslsslpl et de la palourde chinoise dans la
bale de san Francisco, c10nage d'une brebls ecossaise,
blocage du debarquement du soja transgenlque par
des militants de Greenpeace...
La construction soclale du probleme blodlverslte
s'effectue sur d'autres scenes. Les conferences (OMC,
FAO, Conferences des parties de la Convention sur la
dlverslte blologlque, contre-sommets d'ONG ...) se
poursulvent. ('est davantage lors de reunions de
rOrganlsatlon mondlale du commerce que lors des
reunions du Programme des Nations unles pour renvl•
ronnement que s'eJaborent les normes reglssant les
problemes globaux d'envlronnement. Cependant. les
perspectives techniques et commerclales du genie
genetique sont soumlses エョ・ュイiャセ
イセウャッョN
La
blodiverslte est de piUS en plus Invoquee dans les
projets de developpement durable, d'amenagement
des terrolrs ou de gestion des ressources. sa defense
est pretexte discussion et concertatlon,
remer•
gence de nouveaux objets 、Gゥョエ・イセL
la formation de
nouveaux
groupes
soclaux.
De
nombreux
programmes de recherche se mettent en place, des
declolsonnements et des recomposltlons dlsclpllnalres
s'organlsent. II est probable que de nouveaux
elements sclentlflques apparalssent. que de nouveaux
rapports de force s'lnstaurent, debouchant sur de
nouveaux compromls.
ョッャウ イセZャ
de la セエャウイ・カ、ッャ「
se range ウャ。ュイセ、
parmi
les problemes d'envlronnement global. A ce titre, les
etapes de sa ョッャエ ヲセ、
et de ョッゥエ。イ「ャセGQ
des mesures
:. prendre s'organlsent sur Ie meme modele que pour
Ie changement climatlque. Tout d'abord, les questions
sclentlflques passent dans Ie domalne public et se
decllnenl sous la forme de choix de societe : la
dlverslte blologlque est transformee en Nセエャウイ・カ、ッャ「
Puis un compromls - la Convention sur la diverslte
blologlque - s'organlse, en partlculler sous la pression
des Industrlels des biotechnologies. La raison
marchande I'emporte sur les approches ウ・オアャィエセ
et
patrlmonlales, エョ。ウャオセイ
la セエャウイ・カ、ッャ「
aux ressources
genetlques et preconlsant I'Instauration de la proprlete
comme garantle de sa gestlon durable.
a
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